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N° 2364

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 octobre 2019.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création dune commission denquête sur le scandale sanitaire lié au 5FU,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Dino CINIERI,

député.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année en France, près de 80 000 personnes atteintes d’un cancer sont traitées par une chimiothérapie à base de 5‑FU ou capécitabine, molécules largement utilisées en cancérologie puisqu’elles entrent dans le traitement de près de la moitié des cancers : colorectal, œsophage, estomac, seins et voies aérodigestives supérieures. Ces médicaments peuvent entraîner des toxicités sévères chez certains patients porteurs d’un déficit d’activité en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD), une enzyme permettant l’élimination de ces médicaments.

Les personnes présentant un déficit en DPD sont à haut risque de présenter des effets indésirables graves, voire mortels, lors d’un traitement par 5‑FU. L’intolérance totale ou partielle concerne de 0,3 % à près de 5 % de la population. Plusieurs études révèlent que jusqu’à 15 % des usagers subissent des effets indésirables assez invalidants pour forcer leur hospitalisation.

En effet, une élimination insuffisante entraînera des toxicités sévères parfois létales chez certains patients. Chaque année en France, plusieurs centaines, peut‑être plusieurs milliers, de patients atteints d’un cancer décèdent, non pas en raison de leur maladie, mais à cause d’une intoxication au 5‑FU.

Pourtant, depuis la fin des années 90, il existe en France des tests permettant la recherche de ce déficit avant tout traitement pour un coût variant de 40 à 140 euros. Seuls quelques centres de cancérologie les ont systématiquement inclus dans leurs protocoles de chimiothérapie, par exemple l’ICO d’Angers depuis 2000 et le Centre hospitalier de la Timone de Marseille depuis 2009. En conséquence la majorité des personnes porteuses d’un déficit en DPD a été victime d’une discrimination géographique en matière de santé durant près de vingt ans.

Des équipes médicales, en particulier celle de l’ICO d’Angers en 1999, 2003, 2011 et 2013, ont alerté directement l’ANSM sur la nécessité de tester les patients, des centaines de publications françaises et étrangères sur le sujet ont démontré l’intérêt vital des tests, et pourtant les autorités sanitaires françaises, HAS, INCa et ANSM sont restées passives devant le problème.

La majorité des décès des patients se déroulait en toute opacité, sans que les familles des patients soient informées de la cause réelle des décès, les oncologues se gardant bien de révéler qu’ils n’avaient pas réalisé le test de déficience en DPD, le cancer servant d’alibi.

Le scandale sanitaire du 5‑FU a été révélé au grand public en septembre 2015 par une journaliste canadienne, Marie‑Claude Malboeuf, dans un article paru dans le quotidien québécois La Presse.

À partir de 2017, le Gouvernement français a été alerté à plusieurs reprises, par l’Association francophone de défense des victimes du 5‑FU et analogues présentant un déficit en DPD, et par des questions écrites de parlementaires, sur le drame vécu par les familles françaises de victimes du 5‑FU.

Sous cette pression politique, et suite à des articles dans la presse généraliste (Le Progrès, Le Figaro, Paris Match, l’Obs, etc.) et la presse spécialisée (APMNews, Le Quotidien du Médecin, etc.), l’ANSM a commencé à prendre en considération la problématique de la déficience en DPD lors des chimiothérapies à base de 5‑FU seulement fin 2017.

L’ANSM a publié, enfin, le 28 février 2018, une recommandation demandant aux praticiens de réaliser un test de déficit en DPD avant de débuter une chimiothérapie à base de 5‑FU.

LaHAS, l’INCA et l’ANSM ont ensuite émis conjointement, le 18 décembre 2018, une recommandation concernant le test en DPD.

L’ANSM, le 29 avril 2019, a rendu la recherche du déficit en DPD avant tout traitement à base de 5‑FU obligatoire. 

La décision du 23 mai 2019 publiée au Journal officiel du 31 août 2019 inscrit à la liste des actes et prestations pris en charge par l’assurance maladie, le « dépistage dun déficit en dihydropyrimidine deshydrogénase (DPD) par mesure de luracilémie par CLHP » au chapitre 14 Médicaments‑toxiques. Cet acte est donc en principe désormais prescrit avant tout traitement incluant le 5‑FU, et pour les patients n’ayant pas pu bénéficier d’un dépistage pré‑thérapeutique, pour effectuer ce dépistage en cas de toxicité sévère, avant la ré‑introduction de la fluoropyrimidine.

Ainsi, il aura fallu vingt ans et malheureusement des milliers de morts, pour que le test soit rendu obligatoire sur l’ensemble du territoire français.

Aussi, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de résolution suivante.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée :

1° de définir les responsabilités des acteurs de santé (ministère, HAS, INCa, ANSM, etc.) dans ce scandale sanitaire. Afin, notamment de comprendre :

– pourquoi l’ANSM n’a pas réagi aux différentes alertes ;

– comment une inégalité territoriale a pu perdurer pendant vingt ans ;

– pourquoi le corps médical n’a pas réagi devant des milliers de morts évitables ;

2° de recenser le nombre réel de décès liés au 5‑FU afin de mesurer l’ampleur du scandale sanitaire du 5‑FU ;

3° de trouver des solutions pour que les familles des victimes connaissent enfin les vraies raisons du décès de leurs proches ;

4° de définir des modalités d’indemnisation pour les victimes survivantes et pour les familles des victimes décédées.