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N° 2438

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 novembre 2019.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à engager un plan durgence de prévention et de lutte contre les punaises de lit,

 

 

présentée par Mesdames et Messieurs,

Mathilde PANOT, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Caroline FIAT, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, JeanLuc MÉLENCHON, Danièle OBONO, Loïc PRUDHOMME, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Héberger des punaises de lit est un calvaire, elles empêchent de dormir, elles mordent douloureusement, elles épuisent, elles usent les nerfs à devenir fou. Un matin, j’ai trouvé des traînées de sang, sur mon haut de pyjama. Les punaises se nourrissent de sang. Pour les contenir, j’ai prévenu ma famille, mon entourage et n’ai plus reçu d’amis chez moi, ni ne me suis rendue chez eux ».

Depuis le lancement de notre campagne autour des punaises de lit, nous avons reçu plusieurs témoignages comme celui‑ci. Ils ont le mérite de mettre l’accent sur un problème fondamental : les punaises de lit sont une horreur au quotidien pour des centaines de milliers de nos concitoyens. Cette résolution a pour objectif d’interpeller le Gouvernement sur cette question, afin qu’il prenne les mesures qui s’imposent.

Les punaises de lit, un problème de santé publique

Les punaises de lit, aussi appelées « cimex lectularius », rendent la vie impossible à plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens. Hématophages, ces insectes hétéroptères se nourrissent exclusivement de sang. Elles se reproduisent extrêmement vite : une femelle pouvant pondre jusqu’à 500 œufs au cours d’une vie, à raison de 5 à 15 par jour. En outre, les punaises de lit adultes peuvent survivre entre 12 et 18 mois sans nourriture.

Comme les punaises de lit ne transmettent pas de maladies infectieuses, elles ont souvent été considérées comme une simple nuisance et les personnes infestées sont ainsi laissées seules dans leur calvaire. Or les punaises de lit provoquent de fortes démangeaisons, parfois des allergies voire des anémies chez les personnes âgées. Par ailleurs, elles sont toujours un enjeu de santé mentale : elles engendrent des crises d’angoisse, un état d’hyper‑vigilance, des insomnies, de la paranoïa. La vie sociale en pâtit, parfois les enfants sont envoyés ailleurs, des familles entières dorment par terre, des personnes en viennent à prendre des somnifères ou des antidépresseurs. Beaucoup des personnes infestées évoquent « un traumatisme ». Par conséquent, ce sujet, d’intérêt public pour la santé de nombre de nos concitoyens, doit être traité comme tel par les pouvoirs publics : c’est le sens de la campagne que nous avons lancée en juillet dernier en lien avec l’association Droit au logement (DAL), la Confédération nationale du logement (CNL), l’Association nationale de défense des consommateurs (CLCV) et le collectif La Cabucelle de Marseille.

Une prolifération inquiétante des punaises de lit

En France, les seuls chiffres dont nous disposons sont ceux de la Chambre syndicale de désinfection, désinsectisation et dératisation (CS3D). En 2016 et 2017, la CS3D reportait 200 000 sites infestés. En 2018, au moins 400 000 sites sont infestés dont 100 000 en Île‑de‑France, soit une augmentation de 100 % en deux ans. Le plus préoccupant est que ces chiffres sont sans aucun doute en‑deçà de la réalité, puisqu’ils ne répertorient pas toutes les interventions des professionnels de désinsectisation ainsi que toutes les personnes qui tentent de se débarrasser des punaises de lit par leurs propres moyens.

Les punaises de lit prolifèrent dans tous les lieux du quotidien : les habitations, les hôpitaux, les hôtels, les bibliothèques, les écoles, les résidences universitaires, les foyers de travailleurs, les résidences étudiantes, les maisons de retraite, les prisons, les trains ou même les salles de cinéma ! L’Île‑de‑France est particulièrement touchée mais l’ensemble du territoire métropolitain et de l’Outre‑mer est également concerné.

D’après la société Parasystem, le classement des 10 villes de France les plus impactées seraient : Aubervilliers, Saint‑Denis, Clichy, Vitry‑sur‑Seine, Montreuil, Marseille, Paris, Créteil, Boulogne‑Billancourt et Nanterre.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la prolifération des punaises de lit. D’abord, le tourisme de masse dans la première destination touristique au monde ainsi que le développement de systèmes comme « Airbnb » nous exposent particulièrement aux punaises de lit. Ensuite, la réduction des espèces prédatrices, du fait de la perte massive de biodiversité, est de nature à permettre la prolifération des punaises : le même problème est rencontré dans le cas des tiques.

Cette explosion du nombre de cas est préoccupante. Il est impératif que les pouvoirs publics réagissent avant que la situation ne devienne incontrôlable.

Les citoyens livrés à euxmêmes et au privé

Les punaises de lit sont un tabou. Les personnes touchées n’osent bien souvent pas en parler, de peur d’être perçues comme « sales ». Or les punaises de lit n’ont rien à voir avec l’hygiène d’où la nécessité de briser ce tabou. Il faut déculpabiliser les citoyens relativement à la présence de punaises de lit chez eux. Tout le monde peut être infesté, seulement une inégalité financière extrêmement forte demeure. Pour une désinsectisation, il faut compter entre 250 et 1 000 euros sans prendre en compte les frais de lavage de l’ensemble des tissus, voire parfois le changement de mobilier. C’est considérable et beaucoup de personnes n’ont pas d’autres choix que de rester avec les punaises de lit ou d’essayer par eux‑mêmes de s’en débarrasser, souvent avec des risques forts pour leur santé. D’autant que dans les quartiers les plus pauvres, les personnes finissent par jeter leurs affaires infestées de punaises, qui sont ensuite récupérées dans la rue. Ce phénomène renforce la prolifération et la dissémination des punaises de lit.

Pire, les punaises de lit ont développé une résistance aux insecticides et les produits chimiques utilisés continuent à sélectionner les souches de punaises les plus résistantes. Le docteur Arezki Izri, chef de service en parasitologie‑mycologie à l’hôpital Avicenne, spécialiste des punaises de lit a ainsi prouvé que 90 % des punaises de lit sont désormais insensibles à ces produits. L’un des problèmes les plus considérables lié à l’usage de ces produits est qu’ils sont néfastes pour l’environnement et la santé des usagers.

Un plan d’État d’éradication des punaises de lit devrait donc privilégier l’usage de la chaleur sèche, moyen efficace et sans dommages pour la santé de nos concitoyens.

L’urgence est à une action politique coordonnée et à l’élaboration d’un plan public d’ampleur pour faire face à ce problème qui, si l’inaction prime, ne fera que s’aggraver.


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Invite le Gouvernement à veiller à prendre la mesure du phénomène de la prolifération des espèces punaises de lit et à dégager des pistes de réflexion visant à engager un plan de prévention, d’action et de lutte contre les punaises de lit qui pourrait contenir les mesures suivantes :

– la reconnaissance des punaises de lit comme un problème de santé publique ;

– un fonds d’urgence pour l’endiguement des punaises de lit ainsi qu’un plan national d’éradication des punaises de lit ;

– un plan national de prévention quant aux risques liés aux punaises de lit ;

– une interdiction pour les entreprises privées d’employer des insecticides, inefficaces et nocifs pour la santé et l’environnement ;

– un encadrement tarifaire des interventions des entreprises privées, voire la création de services publics municipaux de désinsectisation ;

– une prise en charge du financement des interventions par les propriétaires avec un fonds d’aide pour les propriétaires les plus pauvres ;

– la mise en place d’un fonds d’indemnisation en faveur des personnes les plus démunies ayant dû jeter leur mobilier ;

– la mise en place d’un service de ramassage des meubles infestés ;

– l’inscription des punaises de lit dans le Plan national santé environnement 4 de 2020‑2024.