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N° 2594

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 janvier 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

 

 

pour la conservation et l’utilisation durable de la haute mer,

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Jimmy PAHUN, Marielle de SARNEZ, Cyrille ISAACSIBILLE, Laurent GARCIA, Mohamed LAQHILA, Laurence VICHNIEVSKY, Vincent BRU, Nadia ESSAYAN, Géraldine BANNIER, JeanLuc LAGLEIZE, Philippe LATOMBE, Sarah EL HAÏRY, Aude LUQUET, Max MATHIASIN, Philippe MICHELKLEISBAUER, Patrick LOISEAU, Erwan BALANANT, Sophie METTE, Marguerite DEPREZAUDEBERT, Isabelle FLORENNES, Stéphane BAUDU, Philippe BOLO, Bruno DUVERGÉ, Fabien LAINÉ, Justine BENIN, JeanNoël BARROT, Nathalie ELIMAS, Florence LASSERRE, Michel FANGET, Frédéric PETIT, Bruno JONCOUR, JeanPierre CUBERTAFON, Bruno MILLIENNE, Richard RAMOS, Élodie JACQUIERLAFORGE, Sylvain WASERMAN, Patrick MIGNOLA, Maud PETIT, Josy POUEYTO, Nicolas TURQUOIS, Philippe BERTA, Brahim HAMMOUCHE, Michèle de VAUCOULEURS, Matthieu ORPHELIN, Paul CHRISTOPHE, Antoine HERTH, Vincent LEDOUX, JeanLuc WARSMANN, Guy BRICOUT, JeanChristophe LAGARDE, Francis VERCAMER, Maina SAGE, Patricia LEMOINE, Sophie AUCONIE, Lise MAGNIER, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Christophe NAEGELEN, Béatrice DESCAMPS, Nicole SANQUER, JeanPaul MATTEI, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, Moetai BROTHERSON, Gabriel SERVILLE, Ericka BAREIGTS, Michel ZUMKELLER, Thierry BENOIT, Agnès FIRMIN LE BODO, Olivier BECHT, Philippe GOMÈS, Stéphane DEMILLY, Annie CHAPELIER, Mansour KAMARDINE, Régis JUANICO, Dominique POTIER, Christine PIRES BEAUNE, FrançoisMichel LAMBERT, Sandrine JOSSO, Paul MOLAC, Sylvain BRIAL, Bertrand PANCHER, Philippe DUNOYER, Frédérique DUMAS, Martine WONNER, Cédric VILLANI, Yolaine de COURSON, Valérie GOMEZBASSAC, Cécile RILHAC, Nathalie SARLES, Raphaël GÉRARD, Jacques MAIRE, Barbara POMPILI, Jennifer De TEMMERMAN, Fabienne COLBOC, Sabine THILLAYE, Sylvie CHARRIÈRE, Delphine BAGARRY, JeanLouis TOURAINE, Yannick KERLOGOT, Cécile MUSCHOTTI, Sandrine MÖRCH, Élisabeth TOUTUTPICARD, Marjolaine MEYNIERMILLEFERT, Frédérique TUFFNELL, JeanLouis BOURLANGES, Bruno FUCHS, JeanFélix ACQUAVIVA, Laure de LA RAUDIÈRE, Sandrine LE FEUR, Anissa KHEDHER, JeanMarc ZULESI, JeanCharles LARSONNEUR, Pierre CABARÉ, Frédéric BARBIER, Saïd AHAMADA, Stéphane BUCHOU, Jean François MBAYE, Damien PICHEREAU, Yannick HAURY, Didier LE GAC, Xavier BATUT, Graziella MELCHIOR, Valérie PETIT, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Éric ALAUZET, Patrice ANATO, Annaïg LE MEUR, Stéphane TESTÉ, Yaël BRAUNPIVET, Anne BLANC, Laurianne ROSSI, JeanLuc FUGIT, François de RUGY, Sophie PANONACLE, Sereine MAUBORGNE, Éric BOTHOREL, Audrey DUFEU SCHUBERT, Stéphanie KERBARH, Monica MICHEL, Hervé PELLOIS, Sonia KRIMI, Dominique DAVID, JeanPierre PONT, Michel CASTELLANI, Bertrand BOUYX, Stéphane CLAIREAUX, Anthony CELLIER, Pascal LAVERGNE, Stella DUPONT, Albane GAILLOT, JeanLuc MÉLENCHON, Éric COQUEREL, Mathilde PANOT, Adrien QUATENNENS, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Sabine RUBIN, Danièle OBONO, Clémentine AUTAIN, Loïc DOMBREVAL, Liliana TANGUY, Emmanuelle MÉNARD, Nathalie BASSIRE, Fabrice BRUN, Jacques MARILOSSIAN,  AnneFrance BRUNET,

députés.

 

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

LOcéan, plus des deux tiers de la surface du globe, a longtemps été considéré comme inaltérable et inépuisable. Nous pensions alors que cet espace était trop grand et ses ressources trop nombreuses pour souffrir des entreprises humaines. Nous nous trompions. Létat du monde et de son océan nous impose aujourdhui dagir.

Les défis auxquels nous sommes confrontés sont urgents et immenses : il nous faut combattre à la fois toutes les formes de pollutions marines, lutter contre le réchauffement et lacidification de locéan, la montée des eaux, ou encore la surexploitation de ses ressources.

Le rapport de lIPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) publié le 6 mai 2019, quantifie ces changements. Plus de 40 % des espèces damphibiens, près de 33 % des récifs coralliens et plus dun tiers de tous les mammifères marins sont ainsi menacés. De même, 33 % des stocks de poissons marins en 2015 étaient exploités à un niveau biologiquement non durable. En outre, 400 « zones mortes », cestàdire à faible teneur en oxygène et donc sans vie, ont été dénombrées dans le monde.

Les enjeux de la protection de locéan dépassent ceux de la perte de biodiversité. En effet, locéan joue un rôle fondamental dans la régulation du climat. Locéan stocke, par exemple, la chaleur que nous émettons, absorbe une part significative de dioxyde de carbone mais qui acidifie leau et affecte gravement les organismes marins calcaires. Toute question se rapportant à locéan doit donc prendre en compte ces liens très particuliers et réciproques. Des liens insuffisamment connus du grand public et que le rapport spécial du GIEC sur locéan et la cryopshère dans le contexte du changement climatique, publié le 25 septembre 2019, met parfaitement en évidence.

À laune de ce constat, la nécessité dagir pour la protection de locéan est très largement partagée, bien audelà des clivages politiques. En mars 2019, nous avons ainsi été centdix parlementaires de tous bords à relayer lappel « Océan bien commun » porté par une alliance de personnalités engagées. Cette même année, les députés ont été unanimes pour demander linterdiction immédiate de la pêche électrique dans nos eaux territoriales. Plus récemment encore, lors du G7 parlementaire, le Président de lAssemblée nationale sest engagé avec ses homologues pour la protection de locéan.

Forts de cette unité, tout autant que de notre histoire et de notre géographie, nous sommes convaincus du rôle éminent que la France se doit de jouer aux niveaux européen et international pour une gestion durable de la mer. Il est, en effet, certain que la France est une grande nation littorale et maritime. Elle est non seulement présente dans cinq océans et dispose de la deuxième zone économique exclusive, elle compte également une communauté scientifique et un secteur économique dexcellence. Ces qualités nous confèrent une responsabilité particulière au sein de la communauté internationale. Celle dêtre à lavantgarde de la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité marine. Ces prochains mois  avec la COP « bleue » au Chili, la Conférence des NationsUnies sur lObjectif de développement durable 14 au Portugal et la Décennie de lUNESCO pour les sciences océaniques  nous offrent plusieurs belles opportunités de défendre cette ambition.

De même, la négociation actuelle « portant sur la conservation et lutilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » dite « BBNJ » nous donne loccasion de porter la voix de la France. Car à deux cents milles nautiques de la côte débute la haute mer, un espace hors de toute juridiction nationale où la liberté est la règle et la coopération lexception, un espace amené à être soumis à de plus fortes tensions en raison des importants bénéfices attendus de lexploitation de ses différentes ressources. La négociation « BBNJ » manque cependant de visibilité dans le débat public du fait de sa grande complexité. Elle porte, certes, sur des considérations principalement juridiques mais ses implications sont profondément politiques. Nous estimons donc utile dapporter solennellement notre soutien à la position française en vue dobtenir un accord « le plus ambitieux possible ». En effet, les Ministres de la Transition écologique et solidaire et de lEurope et des Affaires étrangères ont affirmé conjointement que tel était lobjectif de la France.

Il est donc important de préserver les services écosystémiques rendus par locéan (régulation du climat, nourriture, matériaux, loisirs, etc.) dans une perspective de développement durable. Obtenir un accord ambitieux dans le cadre de la négociation « BBNJ » y contribuera grandement. La négociation porte, en effet, sur quatre thèmes :

 les outils de gestion par zone, dont les aires marines protégées, pour protéger la biodiversité et renforcer notre résilience face au changement climatique ;

 les études dimpact environnemental pour fournir un cadre au développement des activités économiques en haute mer ;

 les ressources génétiques et les questions liées au partage des avantages tirés de leur exploitation ;

 le renforcement des capacités et le transfert de techniques marines au profit des États en voie de développement.


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’Accord de Paris sur le climat adopté le 12 décembre 2015,

Vu la convention des Nations unies sur le droit de la mer dite « Montego Bay » adoptée le 10 décembre 1982,

Vu la résolution 72/249 de l’Assemblée générale des Nations unies sur un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale adoptée le 24 décembre 2017,

Vu le rapport spécial du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’évolution du climat sur l’océan et la cryopshère dans un contexte de changement climatique, publié le 25 septembre 2019,

Considérant que la France se doit d’être à l’avant‑garde de la lutte pour la protection des écosystèmes marins et la promotion d’une exploitation durable de leurs ressources du fait de la responsabilité particulière qui lui incombe en tant que grande nation littorale et maritime ;

Considérant qu’il revient à la représentation nationale de relayer l’appel des citoyens qui, à travers leurs engagements associatifs, scientifiques et entrepreneuriaux, plaident pour une meilleure protection de l’océan et sa reconnaissance comme « bien commun de l’humanité » ;

Considérant que les services écosystémiques rendus par l’océan sont indispensables à la survie et au bien‑être des sociétés humaines, en ce qu’il est le support d’activités économiques, sociales et culturelles de particulière importance pour leur développement ;

Considérant que la protection des écosystèmes marins est indissociable du combat contre le changement climatique en raison d’une part, des conséquences graves que constituent notamment l’acidification, le réchauffement et la désoxygénation de l’océan ainsi que la montée des eaux, et d’autre part, du rôle essentiel de l’océan dans la régulation du climat ;

Considérant, dès lors, qu’il est vital de lutter contre les menaces pesant sur les écosystèmes marins, qu’il s’agisse des pollutions plastique, chimique et sonore ou encore de la surexploitation de la ressource halieutique ;

Considérant que le droit de la mer, fondé sur la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 dite « Montego Bay », doit évoluer pour prendre en compte les enjeux nouveaux de la conservation et de l’utilisation de l’océan, du fait notamment de la progression des activités humaines en haute mer ;

Déclare soutenir l’action diplomatique de la France pour obtenir un accord le plus ambitieux possible dans le cadre de la conférence intergouvernementale sur un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale dite « BBNJ » ;

Estime, à cet égard, qu’un tel accord résultera d’un double équilibre, entre conservation et utilisation durable de l’océan d’une part, entre une approche régionale et une approche globale d’autre part ;

Souhaite, pour cela, que soit garantie la pleine participation à la négociation de tous les acteurs maritimes français, scientifiques, économiques et associatifs, avec une attention particulière portée aux représentants des départements et des collectivités d’outre‑mer ;

Souhaite, de même, que le Gouvernement promeuve cette position auprès de la Commission européenne et des autres États membres de l’Union européenne afin de porter, dans la négociation, une voix unique et forte en faveur d’un accord qui soit le plus ambitieux possible ;

Estime qu’il convient de promouvoir un système équilibré de partage des avantages tirés de l’exploitation des ressources génétiques marines, en veillant notamment à ce que les États en voie de développement en tirent des avantages et que la liberté de la recherche en haute mer n’en soit pas entravée ;

Estime qu’il convient de promouvoir la création d’un régime d’aide au développement en matière maritime qui soit efficace et équilibré, au bénéfice, en particulier, des États insulaires et des pays les moins avancés ;

Souhaite que le Gouvernement travaille à l’élaboration de nouveaux outils de protection de la haute mer, dont les aires marines protégées, et d’un plan d’innovation associé, afin de préserver les écosystèmes marins partout où cela est opportun et favoriser la résilience face au changement climatique ;

Souhaite la mise en place d’un dispositif cohérent d’évaluation environnementale des activités économiques en haute mer et que la France se prépare à suivre l’application de ce dispositif pour assurer l’effectivité des contrôles ;

Invite le Gouvernement à s’engager pleinement dans la « Décennie des Nations unies pour les sciences océaniques au service du développement durable » pour contribuer au renforcement de la recherche scientifique, l’acquisition et l’échange de connaissances sur l’océan.