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N° 2628

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 janvier 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête
sur le système transfusionnel,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

 

présentée par Mesdames et Messieurs

André CHASSAIGNE, Huguette BELLO, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, MarieGeorge BUFFET, Pierre DHARRÉVILLE, JeanPaul DUFRÈGNE, Elsa FAUCILLON, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, Sébastien JUMEL, JeanPaul LECOQ, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Gabriel SERVILLE, Hubert WULFRANC,

Député-e-s.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis sa création et la loi de juillet 1952, le système transfusionnel français a permis aux patients de bénéficier à tout moment du produit sanguin adapté à leur état de santé. Pour remplir cette mission, 1,6 million de donneurs de sang bénévoles sont mobilisés pour assurer l’approvisionnement et tendre vers l’autosuffisance nationale. Ils sont organisés en 2 850 associations locales, 92 unions départementales, des comités régionaux et une fédération nationale, la Fédération Française des Donneurs de Sang Bénévoles (FFSB).

UN SYSTÈME MENACÉ

Ce système est depuis plusieurs années menacé par des dysfonctionnements, des errements et des prises de positions contraires à ses principes éthiques fondamentaux :

– La tentative de céder la fourniture du plasma thérapeutique à la firme Octapharma en 2011.

– L’article 51 du PLFSS 2015, puis le projet de loi dit « de modernisation de notre système de santé », qui inscrivait la commercialisation des produits sanguins, y compris labiles. La lutte des associations de donneurs de sang et la pression de parlementaires de toutes les sensibilités ont cependant conduit à la réécriture du texte (article 42 de la loi n° 2016‑41 du 26 janvier 2016)

– Une succession d’incidents sur plusieurs sites de l’Etablissement Français du Sang (EFS) qui a conduit l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANMS) à suspendre totalement, à partir du 12 septembre 2018, l’utilisation des machines d’aphérèse de la société Haemonétics, suspectées de contaminer par des particules les produits collectés. La capacité de l’EFS à prélever le plasma d’aphérèse a été réduite durant plusieurs mois. Or, des signalements d’incidents avaient été effectués depuis 2011 par des personnels d’EFS, puis en 2015 par des responsables de la société Haémonétics sans que le fabricant n’apporte de solutions correctives.

– Une série de pannes à l’usine du Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies (LFB) de Lille, à l’automne 2018, qui ont conduit à l’arrêt de la production de médicaments dérivés du sang, entraînant une rupture des stocks. Cette usine étant obsolète, n’ayant jamais bénéficié des investissements nécessaires à l’autosuffisance nationale, une usine nouvelle est en construction à Arras, mais il manquerait encore 260 millions d’euros pour boucler le budget et rendre l’usine opérationnelle dès 2023.

– La décision du gouvernement et de la direction du LFB d’ouvrir le capital, pour trouver les fonds nécessaires, entraînant de fait, une marchandisation du sang, incompatible avec les principes éthiques de non commercialisation de produits ou éléments du corps humain, défini par l’article 5 de la loi 52‑854 du 21 juillet 1952 qui précise que « Le prix des opérations concernant le sang humain, son plasma et leurs dérivés, tant au stade de la préparation et du dépôt quà celui de leur délivrance, à titre onéreux, sont fixés par arrêté du ministre de la santé publique et de la population, de façon à exclure tout profit ».

LE RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES

Dans son rapport du 6 février 2019, la Cour des Comptes a émis des appréciations et fait des préconisations sur le système transfusionnel :

 Concernant le Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies (LFB) :

[Contrairement à cette préconisation, létablissement a décidé de recentrer la production sur un nombre limité de médicaments alors quil dispose de 18 autorisations de mise sur le marché (AMM)].

[Or, le géant Novartis a acheté cette année CellforCure, filiale du LFB, qui fabrique le Kymriah, un anticancéreux qui serait facturé en France 330 000 € le traitement unitaire (Les Échos du 25 mars 2019)].

 Concernant l’Établissements Français du Sang (EFS)

Elle recommande :

[Or, les collectes mobiles assurent 80 % du volume de sang collecté et la France est lun des très rares pays au monde à assurer son autosuffisance en produits sanguins labiles : la Cour des Comptes se prononce donc pour la perte dun fort potentiel de donneurs, même si on peut admettre que certaines collectes pourraient être regroupées].

[Or le rapport du cabinet dexpertise APEX, démontre quà lexception du plasma autrichien, le plasma des autres pays est plus cher].

[Plutôt que de contester ce coût, ne faudraitil pas mieux, pour la sécurité sanitaire, imposer ces tests aux plasmas importés ?].

[Cette préconisation, « lindemnisation », reprend une terminologie des firmes du commerce des produits sanguins, ce qui atteste une volonté de passer à un système marchand : estce acceptable dans notre système éthique ?].

[Ne fautil pas redouter, à lavenir, lors de lentretien prédon, le remplacement de linfirmier(e) par un robot, comme cela est déjà pratiqué aux USA ?].

DE MULTIPLES INTERROGATIONS

 Concernant les utilisations des machines d’aphérèse d’Haemonétics :

 Sur les propositions dévolution :

DISCRIMINATION À L’ÉGARD DE CERTAINS DONNEURS

L’arrêté du 5 avril 2016 fixe les critères de sélection des donneurs de sang en tenant compte de leur sexe et du questionnaire « prédon » que le candidat au don doit remplir. Le don du sang est notamment « contre‑indiqué », c’est à dire refusé, si la personne candidate au don a eu des rapports avec plus d’un partenaire de l’autre sexe durant les 4 derniers mois ou si l’homme a eu des rapports avec un homme durant les 12 derniers mois.

Le don du sang est aussi « contre‑indiqué » durant 12 mois lorsque le partenaire homme a eu lui‑même un rapport avec un autre homme pendant les 12 mois précédents le dernier rapport avec le candidat au don, et durant 4 mois si le partenaire homme ou femme a eu plus d’un partenaire de sexe opposé pendant les 12 mois précédents le dernier rapport avec le candidat au don.

L’arrêté du 17 décembre 2019, qui entrera en vigueur à compter du 2 avril 2020, fait passer la période d’abstinence de 12 à 4 mois pour les hommes homosexuels, mais ne supprime pas la discrimination de fait à l’encontre de cette population et à l’égard d’autres personnes en raison de leurs pratiques sexuelles.

Or l’article L. 1211‑6‑1 du code de la santé publique, modifié par la loi n°  2016‑41 du 26 janvier 2016, instaure que « nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle ». Or il apparaît que l’exclusion en raison des orientations ou des pratiques sexuelles est réelle par l’application de « contre‑indication » retenues comme motifs d’exclusion.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres chargée de rechercher à tous les niveaux les causes des dysfonctionnements constatés au sein du Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies, et d’en évaluer les conséquences pour le système transfusionnel, les patients concernés et les surcoûts pour la sécurité sociale.

Elle devra formuler des recommandations pour garantir la pérennité du système transfusionnel français.

Elle devra formuler des propositions afin que les recherches du Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies, financées par les dons de sang, ne soient pas bradées à des sociétés privées.

Elle devra initier une réflexion associant scientifiques, institutions sanitaires, gouvernement et parlementaires pour maintenir le développement des biotechnologies en dehors d’un système marchand.

Cette réflexion devrait également porter sur la suppression de toute discrimination à l’égard des donneurs de sang en raison de leur orientation ou leurs pratiques sexuelles.