Description : LOGO

N° 2742

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mars 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création dune commission denquête sur le coronavirus,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bernard PERRUT, Ian BOUCARD, Josiane CORNELOUP, Fabrice BRUN, JeanPierre DOOR, Valérie BOYER, Mansour KAMARDINE, Julien DIVE, Charles de la VERPILLIÈRE, Pierre VATIN, Jacques CATTIN, Éric PAUGET, Nathalie BASSIRE, Bérengère POLETTI, Virginie DUBYMULLER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Ralentissement en Chine, mobilisation en Corée du Sud, vigilance en France… Le nombre de cas de nouveau coronavirus dans le monde s’élevait, mardi 3 mars au matin, à 90 914, dont 3 116 morts dans 76 pays et territoires, selon un bilan établi par l’Agence France‑Presse (AFP) à partir de sources officielles, soit une augmentation de 763 contaminations et 38 décès par rapport à la veille à 18 heures.

Ce même jour, à 13 heures, la situation épidémiologique en France fait état de 212 cas confirmés de COVID‑19.

Ces cas confirmés concernent douze régions en métropole avec au moins un cas confirmé : Auvergne‑Rhône‑Alpes (40), Bourgogne‑Franche‑Comté (13), Bretagne (19), Grand‑Est (13), Hauts de France (59), Ile‑de‑France (37), Normandie (2), Nouvelle‑Aquitaine (4), Occitanie (7), Pays de la Loire (5), Provence‑Alpes‑Côte d’Azur (10) et Guadeloupe (3).

Quatre décès ont été rapportés en France depuis le 14 février : un homme de 81 ans diagnostiqué fin janvier 2020, qui était hospitalisé à Paris ; un homme de 60 ans diagnostiqué fin février 2020 hospitalisé à Paris ; une femme de 89 ans diagnostiquée début mars, hospitalisée dans les Hauts‑de‑France ; et un homme de 91 ans diagnostiqué début mars en Bretagne.

Sur les 212 cas identifiés à ce stade en France, sept – dont cinq personnes de la même famille – ont été enregistrés lors de ce rassemblement de plusieurs milliers de personnes du 17 au 24 février dans l’Église La Porte ouverte chrétienne à Mulhouse.

Il y a encore une semaine, le pays ne comptait que douze cas, principalement liés à des patients passés par la Chine. Mais avec l’émergence de foyers hors de Chine, l’épidémie a connu depuis une brusque accélération dans l’Hexagone : la France est dorénavant l’un des principaux foyers du nouveau virus en Europe, avec l’Italie et l’Allemagne.

Brusque accélération dans un contexte d’impréparation décrié notamment par les personnels de santé, pourtant en première ligne pour prendre en charge des patients suspects ou atteints du coronavirus.

Pour rappel, les coronavirus (CoV) forment une grande famille de virus qui provoquent des manifestations allant du simple rhume à des maladies plus graves tels que le syndrome respiratoire du Moyen‑Orient (MERS) et le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Un nouveau coronavirus (nCoV) est une nouvelle souche de coronavirus qui n’a pas encore été identifiée chez l’homme. Les coronavirus sont zoonotiques, c’est‑à‑dire qu’ils se transmettent de l’animal à l’homme.

Le COVID‑19 a été signalé pour sa part pour la première fois à Wuhan, en Chine, le 31 décembre 2019.

Les signes courants d’infection sont les symptômes respiratoires, la fièvre, la toux, l’essoufflement et la dyspnée. Dans les cas plus graves, l’infection peut provoquer une pneumonie, un syndrome respiratoire aigu sévère, une insuffisance rénale et même la mort.

Les recommandations standard pour prévenir la propagation de l’infection comprennent le lavage régulier des mains, le fait de se couvrir la bouche et le nez lorsque l’on tousse et éternue et une cuisson complète de la viande et des œufs. Il faut éviter les contacts étroits avec toute personne présentant des symptômes de maladie respiratoire tels que la toux et les éternuements.

L’analyse moléculaire des protéines de surface du virus — ces piques qui lui permettent notamment de s’accrocher aux cellules pour les infecter — présenteraient ainsi « une affinité pour les cellules humaines dix à vingt fois supérieure » à celle du SARS‑CoV de 2003 (8000 cas/800 morts) selon un rapport publié dans Science par des chercheurs australiens. Les deux agents pathogènes ont un profil génétique identique à 80 % et se servent du même récepteur cellulaire chez l’homme (ACE2) pour infecter l’organisme. Mais le SARS‑CoV‑2 s’y fixe bien plus facilement selon l’étude. « La grande affinité des protéines de 2019nCoV [SARSCoV2] pour lACE2 humain pourrait expliquer la facilité manifeste avec laquelle le virus peut se propager dhumain à humain », écrivent encore les auteurs.

Contagieux, le COVID‑19 est également discret, tant il passe inaperçu dans certains cas. Une personne peut être infectée et contagieuse avant de présenter des symptômes (toux, fièvre), comme c’est le cas de la grippe d’ailleurs. Ce cas de figure, même peu fréquent, rend le suivi des chaînes de transmission plus difficile. Le 18 février, une équipe allemande rapportait ainsi dans un article du New England Journal of Medicine avoir « découvert que lexcrétion de virus potentiellement infectieux peut se produire chez les personnes qui nont pas de fièvre et aucun signe ou seulement des signes mineurs dinfection ». Lundi 24 février, c’est une équipe chinoise du Centre de contrôle et de prévention des maladies de Zhoushan qui arrive à la même conclusion après l’examen de deux groupes familiaux d’infection rapporté dans Emerging Infectious Disease. Les épidémiologistes détaillent deux cas confirmés de COVID‑19 qui ont été contaminés par une personne qui n’avait pas encore présenté de symptômes.

Bien conscients des risques, aucune consigne n’aurait pourtant été donnée en amont aux professionnels de santé, aucune réunion d’information sur la logistique et prise en charge des cas index et sujet contacts n’aurait été organisée, aucune mise à disposition de matériel de protection lors de l’examen des patients (masques adaptés, tuniques de protection) n’aurait été faite : le manque de prévention et de protection élémentaire des soignants est dénoncé dès le mois de février par les associations de médecins.

C’est sur Twitter que le Président de la République annonce, plusieurs jours plus tard, la publication d’un décret qui permet de réquisitionner les stocks de masques de protection. Sont ainsi réquisitionnés, jusqu’au 31 mai, les stocks de masques de protection respiratoire de type FFP2 détenus par « toute personne morale de droit public ou de droit privé » et les stocks de masques antiprojections détenus par les entreprises qui en assurent la fabrication ou la distribution.

C’est également face aux inquiétudes des médecins de ville, que le nouveau Ministre des Solidarités et de la santé, annonce que 15 millions de masques chirurgicaux avaient déjà été prélevés sur le stock de l’Etat à leur intention.

Alors que l’OMS a alerté sur le « rapide épuisement » d’équipement de protection, l’Assistance publique‑Hôpitaux de Paris (AP‑HP) a constaté le vol dans ses établissements d’au moins 8 300 masques et 1 200 flacons de solutions hydroalcooliques. Quelque 2 000 masques chirurgicaux ont aussi disparu à l’hôpital de la Conception à Marseille. 

Samedi 29 février, le Gouvernement réagit enfin en annonçant plusieurs mesures sanitaires : interdiction des rassemblements « en milieu confiné » de plus de 5 000 personnes ; annulation de plusieurs événements comme le semi‑marathon de Paris, la dernière journée du Salon de l’agriculture, ou encore le Salon du livre ; fermeture du musée du Louvre jusqu’à nouvel ordre. Près de 120 établissements scolaires sont aujourd’hui fermés pour lutter contre la propagation du virus, notamment dans l’Oise, dans le Morbihan, et en Haute‑Savoie.

Depuis la pandémie de H1N1 en France en 2009, il existe trois stades d’épidémie, qui correspondent à une avancée spécifique du virus ainsi qu’à une réponse adaptée des autorités sanitaires. Ce plan mérite aujourd’hui d’être affiné tant la multiplication rapide du nombre de cas en France témoigne de ses limites et mérite toute notre attention.

C’est pourquoi un véritable travail d’analyse, transparent, public et contradictoire est nécessaire afin de comprendre les possibles dysfonctionnements des opérations de prévention afin de constater les améliorations à lui apporter. Ce qui a pu ne pas fonctionner doit nous servir à préparer un plan réellement opérationnel, efficace et réaliste pour le jour où nous serons confrontés à d’autres situations similaires de pandémie.

Hors de toute polémique politicienne, la représentation a donc le devoir de créer une commission d’enquête pour aider notre pays à mieux se préparer à l’avenir. Tel est donc l’objet de cette proposition de résolution qui vise à faire toute la lumière sur la gestion du coronavirus.

 


proposition de loi

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée d’évaluer la gestion de la pandémie de coronavirus en France, sur les enseignements à en tirer, notamment pour rendre plus opérationnels, efficaces et réalistes nos futurs plans contre les pandémies.