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N° 2965

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mai 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à dresser un bilan du système de santé français,

 

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Bernard PERRUT, Thibault BAZIN, Valérie BAZINMALGRAS, JeanYves BONY, JeanClaude BOUCHET, Bernard BROCHAND, Jacques CATTIN, Gérard CHERPION, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Bernard DEFLESSELLES, Fabien DI FILIPPO, Julien DIVE, JeanPierre DOOR, PierreHenri DUMONT, Daniel FASQUELLE, Nicolas FORISSIER, Laurent FURST, JeanJacques GAULTIER, Philippe GOSSELIN, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Véronique LOUWAGIE, Olivier MARLEIX, JeanLouis MASSON, Gérard MENUEL, Didier QUENTIN, Alain RAMADIER, Robin REDA, Frédéric REISS,  Bernard REYNÈS, Vincent ROLLAND, Martial SADDIER, JeanMarie SERMIER, Laurence TRASTOURISNART, Pierre VATIN, Charles de la VERPILLIÈRE, Arnaud VIALA, Michel VIALAY, Stéphane VIRY,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Si la France se targue d’avoir l’un des systèmes de santé les plus enviés dans le monde, l’ampleur de la crise sanitaire provoquée par l’épidémie du covid‑19 remet sévèrement en cause ce postulat, tant sa gestion révèle de failles et d’écueils. Les fragilités structurelles déjà présentes dans l’organisation sanitaire de l’État ont été accentuées, et ont fait désormais de l’avenir du système de santé une priorité nationale.

En ce début d’année 2020, lorsque le coronavirus déferle sur le pays, les pouvoirs publics sont totalement pris de court et apparaissent rapidement démunis : manque de lits de réanimation, absence de tests, pénurie d’équipements de protection et notamment de masques, sans compter les multiples hésitations sur la stratégie à adopter… L’État semble tout simplement désarmé, pire, ne pas avoir appris de la succession des différentes crises telles que le SRAS, la grippe A‑H1N1 ou les différentes canicules.

Pourtant informé des risques encourus, pourquoi l’État a‑t‑il baissé la garde et négligé les multiples avertissements qui lui sont parvenus ? N’a‑t‑il pas souffert d’une embolie organisationnelle, d’un conglomérat d’entités non coordonnées qui ont conduit au flou des ordres et des contre‑ordres, brouillant la visibilité des messages ?

L’adaptation dans l’urgence a prouvé l’impréparation et l’inadaptation de notre système actuel.

Déjà en avril 2005, un rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) remis au ministre de l’intérieur de l’époque, Dominique de Villepin, après un an d’enquête, soulignait les risques encourus en cas de pandémie mondiale et la nécessaire préparation des pouvoirs publics pour y faire face.

L’année précédente, le ministre de la santé Philippe Douste‑Blazy avait présenté dans l’indifférence générale un plan gouvernemental de prévention et de lutte contre une pandémie grippale. Celui‑ci prévoyait, en cas de crise sanitaire, une batterie de mesures drastiques : fermeture ou contrôle des frontières, restriction des déplacements, suspension des rassemblements de population, limitation de toutes les manifestations, rencontres sportives, foires, salons et célébrations culturelles, imposition des gestes barrières, port de masques FFP2 pour les soignants, chirurgicaux pour le reste de la population…

Autant de mesures que le Gouvernement a mis en œuvre dans la précipitation, et sans que la France soit équipée à la mi‑mars 2020.

Compétence régalienne, la santé reste bien sûr principalement l’apanage de l’État, décideur et stratège de la politique, avec beaucoup de strates administratives complexifiant l’organisation. Son bras armé dans chaque région est l’Agence régionale de santé, héritée de la loi Hôpital patient santé territoire de 2009, les collectivités territoriales n’étant associées que de façon superficielle au pilotage et à l’élaboration des stratégies régionales de santé.

Nous l’avons pourtant vu avec l’arrivée du coronavirus, si l’administration a progressivement mis en œuvre un certain nombre de mesures pour enrayer la propagation du virus, ce sont les acteurs locaux qui ont été confrontés à la gestion en urgence des premiers cas, et ont pris leurs responsabilités dès le début de l’épidémie : les directeurs d’hôpitaux ont montré leur capacité à changer en urgence l’organisation de leur établissement. L’efficacité des circuits courts de décision est à souligner, comme l’engagement remarquable de tous les personnels, particulièrement motivés.

Les élus des collectivités ont été dans le même temps très réactifs et volontaires.

Nous avons pu constater que les initiatives pour faire face à l’épidémie jaillissent du terrain : gestion immédiate de la crise sanitaire, distribution de masques, fourniture de tests, mise en place de mesures de solidarité pour les personnes fragiles ou isolées, gestion des équipements et de l’espace public...

Le rapport Girod consacré à « la gestion territoriale des crises », commandé en 2010 par le chef de l’État Nicolas Sarkozy et rédigé par le sénateur éponyme, anticipait déjà les failles de la « technostructure » jacobine. « Lensemble du dispositif étudié souffre de plusieurs défauts majeurs », prévenaient ainsi les rapporteurs, évoquant notamment « une excessive confiance en soi de nos administrations centrales », leur tendance « à vouloir tout faire ellesmêmes, dans une atmosphère de méfiance mutuelle et de guerre budgétaire et/ou de pouvoir ».

La crise sanitaire que nous vivons a, de fait, douloureusement révélé les insuffisances de notre système de santé, ses faiblesses mais aussi ses forces, repérées directement sur le terrain.

À l’aune de cette crise, ne faut‑il pas oser un effort de clarification qui attribuerait au ministère, l’édiction des grandes politiques de santé publiques et reconnaîtrait aux collectivités locales un rôle dans la régulation, le pilotage sanitaire et l’organisation des acteurs sur chaque territoire ? Nos concitoyens seraient au cœur des préoccupations, et la médecine de ville comme les établissements de santé retrouveraient des capacités d’initiative et de dialogue avec une « tutelle » plus proche.

Poser un cadre général garantissant aux Français leur égalité devant la loi tout en permettant la différenciation territoriale, tel doit être l’objectif.

Alors que les ARS sont des organes déconcentrés au service de politiques centralisées, cette gestion de crise permet de poser un diagnostic clair et de s’interroger sur une évolution de la gouvernance des ARS en accordant un rôle aux régions en termes de politique sanitaire des territoires, les départements s’investissant pour leur part dans le secteur médico‑social.

Ces collectivités ont prouvé leur réactivité et leur efficacité pendant cette crise. Leur agilité décisionnelle et leur connaissance précise des bassins de vie et des besoins des populations sont un sérieux atout.

C’est à elles de prendre la main, en mettant au point, avec l’État, les stratégies qui s’imposent face aux prochaines épidémies, et se faisant de l’organisation des soins une priorité dans chaque bassin de vie.

Le préfet Michel Lalande, auditionné par la mission d’information à l’Assemblée nationale, a exprimé le besoin d’« un réinvestissement de la proximité », et concernant l’ARS propose, de ne « pas sacrifier lorganisation », mais de « sinterroger sur son management et son ancrage territorial ».

Lors de la venue récente à Lyon du ministre des solidarités et de la santé, les élus ont évoqué : « la décentralisation nécessaire de la gestion de la crise sanitaire par des mesures nationales déclinées localement avec les élus, le préfet de lARS, permettant innovation et adaptation ».

Les demandes d’évolution des ARS s’appuient sur le fait que les démocraties qui ont le mieux réagi sont celles où l’État est décentralisé, et affirment que pour redresser la France, il faut un nouvel État fondé sur l’autonomie et les libertés des collectivités locales.

Tel est donc l’objet de cette proposition de résolution qui invite le Gouvernement à dresser un bilan du système de santé français et en penser sa réorganisation territoriale.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant la crise sanitaire de covid‑19 en cours ;

Considérant le désarmement de l’État face à la pandémie ;

Considérant les initiatives vertueuses et la capacité d’adaptation au niveau local des établissements de santé dans la lutte contre le virus au service des malades ;

Considérant l’enjeu d’intégration des échelons locaux dans la stratégie nationale de santé et son application ;

1. Invite le Gouvernement à établir une évaluation des politiques publiques menées dans le domaine de la santé et un bilan du rôle et du fonctionnement des structures qui, au niveau national, ont suivi et géré la crise covid‑19.

2. Invite le Gouvernement à engager une étude sur les évolutions à envisager quant à la réorganisation du système de santé entre les différents échelons de décision stratégique, de responsabilité et d’application des politiques de santé.

3. Invite le Gouvernement à étudier comment impliquer les élus dans la gouvernance, et réformer dans ce but les agences régionales de santé afin que la déclinaison de la stratégie nationale de santé privilégie les capacités d’adaptation, de décision et de gestion sur chacun des territoires.

4. Invite le Gouvernement à produire une étude sur l’organisation des établissements de santé, leurs attentes, et des propositions pour l’amélioration des conditions de travail et de rémunérations des personnels qui se traduisent dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.