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N° 3436

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2020

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la reconnaissance de la République d’Artsakh,

 

 

présentée par Mesdames et Messieurs

François PUPPONI, Guy TEISSIER, Danièle CAZARIAN, FrançoisMichel LAMBERT, Guillaume KASBARIAN, Vincent BRU, JeanChristophe LAGARDE, JeanPierre CUBERTAFON, Emmanuelle ANTHOINE, Brigitte KUSTER, Alexandra LOUIS, Marine BRENIER, Isabelle SANTIAGO, Bernard DEFLESSELLES, AnneLaurence PETEL, Nadia ESSAYAN, Thomas RUDIGOZ, Mohamed LAQHILA, Cathy RACONBOUZON, JeanMichel MIS, Julien RAVIER, Éric CIOTTI, Paul MOLAC, Florence PROVENDIER, Meyer HABIB, Fabrice BRUN, JeanFélix ACQUAVIVA, Martine WONNER, Jeanine DUBIÉ, JeanMarc ZULESI, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Aurore BERGÉ, Michèle TABAROT,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 27 septembre dernier, la République d’Azerbaïdjan, avec l’appui politique et militaire de la Turquie et le renfort de mercenaires djihadistes syriens ([1]), a déclenché une guerre d’une violence sans précédent contre la population du Haut‑Karabakh ([2]) (de son nom arménien, Artsakh).

– L’intensité de ce conflit, l’utilisation d’armements conventionnels particulièrement meurtriers (missiles, artillerie lourde, lance‑roquettes multiples, drones armés, drones suicides, aviation de combat, chars de combat) d’une part ;

– les bombardements massifs et délibérés des populations et des infrastructures civiles (villes, villages, écoles, hôpitaux, centres culturels, cathédrale), le meurtre et la mutilation de civils, et le recours systématique à des munitions à fragmentation (confirmé par Amnesty International ([3])) prohibées par le droit international en raison de leur effet dévastateur en zone civile, d’autre part,

montrent que le différend territorial n’est qu’un prétexte, et que nous assistons en réalité à une tentative d’épuration ethnique de la population arménienne ancestrale de l’Artsakh.

Chaque jour qui passe entraîne dans la mort des centaines de jeunes Arméniens d’Artsakh et d’Arménie qui livrent une lutte existentielle à armes inégales, et dans l’exode des milliers de civils qui fuient les exactions du régime azerbaidjanais et de ses sinistres supplétifs.

Une urgence dramatique commande que les droits fondamentaux de la population d’Artsakh soient reconnus et protégés par la reconnaissance formelle de la République d’Artsakh : reconnaissance du droit à la vie, à la sécurité, à la santé, à l’éducation, au développement culturel économique et social, au libre choix de son organisation politique, et bien sûr à l’autodétermination.

L’amitié séculaire de la France pour l’Arménie comme sa tradition universelle et humaniste de défense des droits de l’homme, de lutte contre toutes les discriminations et de protection des libertés fondamentales exigent que la France ouvre la voie des nations et reconnaisse dès maintenant la République d’Artsakh, faisant de cette reconnaissance le premier rempart en droit de sa population.

 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement,

Affirme sa volonté de concourir à l’effort de paix dans le Caucase du Sud ;

Constatant l’ardente volonté de la diplomatie française à rechercher, depuis 1994, une solution négociée au conflit du Haut‑Karabakh, dans le cadre du groupe de Minsk dont elle assure la co‑présidence aux côtés de la Russie et des États‑Unis ;

Constatant la guerre des quatre jours du 2 au 6 avril 2016 au Haut‑Karabakh, l’extension du conflit au territoire souverain de la République d’Arménie au mois de juillet 2020 ;

Constatant l’alliance entre l’Azerbaïdjan et la Turquie visant à favoriser une solution militaire comme en atteste la reprise des combats le 27 septembre 2020 dont elle fut à l’origine ;

Constatant le recrutement de mercenaires, ayant servi au sein de groupes djihadistes en Syrie, dans les rangs de l’armée azerbaïdjanaise et leur implication dans les combats ayant débuté le 27 septembre 2020 ;

Constatant que la minorité arménienne placée sous administration azerbaïdjanaise a été soumise de façon répétée à des massacres organisés notamment à Soumgaït du 25 au 27 février 1988, Kirovabad le 23 novembre 1988), Bakou du 12 au 19 janvier 1990, et Maragha le 10 avril 1992, et que, par conséquent, leur sécurité n’est pas garantie dans le territoire de la République de l’Azerbaïdjan ;

Constatant les rapports de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe (ECRI) et du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU (CERD) attestant de manière implacable de l’impossibilité des populations arméniennes de vivre librement en Azerbaïdjan ;

Constatant la position constante de neutralité de la France dans le conflit du Haut‑Karabakh en raison de son engagement diplomatique comme co‑présidente du Groupe de Minsk où elle promeut un processus négocié par étape, et, en outre, que celui‑ci est durablement entravé par le recours de l’Azerbaïdjan à la solution militaire ;  

Constatant la menace que constituerait un conflit armé de grande ampleur au Caucase du Sud, mettant aux prises des puissances régionales à la porte du Moyen‑Orient ;

1. Prend acte du refus du gouvernement azerbaïdjanais de privilégier une solution négociée au conflit du Haut‑Karabakh ;

2. Souligne le caractère exceptionnel du conflit du Haut‑Karabakh, en raison des belligérants et de ses implications régionales, qui appelle une solution adaptée ;

3. Affirme l’urgente nécessité d’aboutir à un règlement définitif du conflit garantissant la sécurité durable des populations civiles ;

4. Affirme la nécessité absolue que le Haut‑Karabakh assure sa pleine souveraineté en dehors de toute administration azerbaïdjanaise sous peine d’une éradication des populations arméniennes, au sein de frontières finales déterminées dans une négociation multilatérale incluant les autorités de l’Artsakh ;

5. Invite le Gouvernement à procéder sans délai à la reconnaissance de la République d’Artsakh et à l’établissement de relations diplomatiques avec ses autorités en vue d’obtenir un règlement définitif du conflit.


([1])  Information confirmée par le président français, Emmanuel Macron, le 1er octobre dernier : « Nous disposons d'informations aujourd'hui de manière certaine qui indiquent que des combattants syriens de groupes djihadistes ont (transité) par Gaziantep pour rejoindre le théâtre d'opérations du Haut Karabakh. C'est un fait très grave nouveau, qui change la donne » ; « Selon nos propres renseignements, 300 combattants ont quitté la Syrie pour rejoindre Bakou en passant par Gaziantep (en Turquie). Ils sont connus, tracés, identifiés, ils viennent de groupes jihadistes qui opèrent dans la région d'Alep »

https://www.lefigaro.fr/international/des-combattants-syriens-jihadistes-au-karabakh-selon-macron-20201001

([2]) Emmanuel Macron a confirmé, le 30 septembre dernier qu’il était « établi qu’il y (avait) eu des tirs venant de l’Azerbaïdjan » https://www.lefigaro.fr/flash-actu/macron-preoccupe-par-des-messages-guerriers-de-la-turquie-sur-le-karabakh-20200930

([3]) https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/06/haut-karabakh-amnesty-denonce-l-utilisation-de-bombes-a-sous-munitions-interdites-depuis-2010_6054976_3210.html