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N° 3477

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

relative à l’évolution de la Constitution afin de permettre l’intégration des Objectifs de développement durable dans le processus législatif,

 

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Aina KURIC, Olivier BECHT, PierreYves BOURNAZEL, Paul CHRISTOPHE, M’jid EL GUERRAB, Christophe EUZET, Agnès FIRMIN LE BODO, Thomas GASSILLOUD, Antoine HERTH, Dimitri HOUBRON, Philippe HUPPÉ, Laure de LA RAUDIÈRE, JeanCharles LARSONNEUR, Vincent LEDOUX, Patricia LEMOINE, Lise MAGNIER, Valérie PETIT, Benoit POTTERIE, Maina SAGE, PierreAlain RAPHAN, Sira SYLLA, Nathalie SARLES, Sandrine JOSSO, Jennifer De TEMMERMAN, Sophie AUCONIE, Albane GAILLOT, Annie CHAPELIER, Véronique RIOTTON, Laurence VANCEUNEBROCK, Stéphanie ATGER, Florence PROVENDIER, Souad ZITOUNI, Marion LENNE, Stéphane CLAIREAUX, Marjolaine MEYNIERMILLEFERT, Danièle HÉRIN, Typhanie DEGOIS, Carole GRANDJEAN, Patrick VIGNAL, Cécile RILHAC, Matthieu ORPHELIN, Cathy RACONBOUZON, Sonia KRIMI, Loïc DOMBREVAL,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2015, des dirigeants de pays du monde entier étaient à l’ONU pour adopter un programme de développement durable comprenant 17 objectifs et 169 cibles. Aujourd’hui, nous devons prendre conscience de l’importance de ces 17 objectifs, en faisant de leur contenu une direction à suivre, et ce, sans qu’aucune échéance ne leur soit imposée.

Ce programme est intitulé : « Transformer le monde : Programme de développement durable à l’horizon 2030 ».

Cette ambition dépend des 17 Objectifs de développement durable, dits ODD :

 1. Pas de pauvreté

 2. Faim « zéro »

 3. Bonne santé et bien être

 4. Éducation de qualité

 5. Égalité entre les sexes

 6. Eau propre et assainissement

 7. Énergie propre et d’un coût abordable

 8. Travail décent et croissance économique

 9. Industrie, innovation et infrastructure

10. Inégalités réduites

11. Villes et communes durables

12. Consommation et production responsable

13. Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques

14. Vie aquatique

15. Vie terrestre

16. Paix, justice et institutions efficaces

17. Partenariat pour la réalisation des objectifs

Si l’année 2015 fut l’année de l’adoption du programme par les chefs d’États, l’année 2020, doit être celle de l’engagement des Parlements.

1. Les objectifs de développement durable, un enjeu majeur à intégrer au processus législatif

Le parlementaire, en représentant le peuple, fabrique, vote et évalue la loi. Cette résolution propose l’identification systématique des objectifs de développement durable avant l’étude de tout texte présenté aux parlementaires. L’étude de ce dernier pourra démarrer s’il garantit la satisfaction d’au moins un objectif de développement durable.

Le parlementaire, en représentant le peuple, contrôle l’action du Gouvernement. En effet, l’action du Gouvernement ne doit pas être contrôlée sur le simple volet budgétaire. Cette résolution propose donc que les orientations prises par le Gouvernement doivent répondre, comme la France s’y était engagée en 2015, aux objectifs de développement durable.

La France a pris toute la mesure de cet Agenda 2030 pour bâtir une feuille de route cohérente, dessinant les grandes transformations à mener, à la fois sur le territoire national, en Europe et à l’international.

Six enjeux et priorités ont alors vu le jour afin de parvenir à la validation des 17 objectifs.

1. Agir pour une transition juste, en luttant contre toutes les discriminations et inégalités et en garantissant les mêmes droits, opportunités et libertés à toutes et à tous.

2. Transformer les modèles de sociétés par la sobriété carbone et l’économie des ressources naturelles, pour agir en faveur du climat, de la planète et de sa biodiversité.

3. S’appuyer sur l’éducation et la formation tout au long de la vie, pour permettre une évolution des comportements et modes de vie adaptés au monde à construire et aux défis du développement durable.

4. Agir pour la santé et le bien‑être de toutes et tous, notamment via une alimentation et une agriculture saune et durable.

5. Rendre effective la participation citoyenne à l’atteinte des ODD, et concrétiser la transformation des pratiques à travers le renforcement de l’expérimentation et de l’innovation territoriale.

6. Œuvre au plan européen et international en faveur de la transformation durable des sociétés, de la paix et de la solidarité.

L’objectif de la démarche française est de lancer une dynamique de passage à l’action pour l’atteinte des ODD. Dès lors, nous devons réfléchir autrement nos politiques publiques mais aussi changer la manière dont nous légiférons. La prise en compte de ces ODD dès le dépôt d’une loi proposée par le parlement ou le Gouvernement.

L’Agenda 2030 tient compte de cet impératif en proposant le renforcement de l’action des parlementaires en faveur des ODD par :

1. L’orientation du travail et du débat législatif dans le sens des ODD, en initiant et en adoptant les lois nécessaires à l’adoption et à la mise en œuvre de l’Agenda 2030.

2. La sensibilisation et la mobilisation des citoyens, en popularisant et en faisant connaître les ODD.

3. L’intégration des ODD dans le processus budgétaire et dans les dispositifs d’évaluation du parlement.

4. La possible valeur constitutionnelle des Objectifs de développement durable.

La France doit aujourd’hui prendre le virage du développement durable et en faire un garde‑fou de notre processus législatif, et ce, de manière pérenne et stable.

Les Objectifs de développement durable doivent dès lors dépasser l’Agenda 2030, le transcender. En effet, ces objectifs, lorsqu’ils auront été atteints, devront continuer d’être appliqués. En leur donnant une valeur constitutionnelle, nous faisons en sorte qu’ils perdurent au‑delà d’une quelconque date déterminée.

Aussi, depuis le rapport Brundtland de 1987 le développement durable est défini comme « un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Le respect de cette forme de développement est protégé par la Charte de l’environnement, au même titre que la Constitution depuis la révision constitutionnelle de 2008. La Charte de l’environnement a donc déjà pris toute la mesure de l’importance d’une société prenant en compte le développement durable.

En considérant :

« Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité ;

Que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ;

Que l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;

Que l’homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;

Que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles ;

Que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ;

Qu’afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, »

En proclamant alors en son article 6 :

« Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social. »

Le développement durable ayant déjà valeur constitutionnelle, nous pouvons et nous devons en faire une application concrète.

La présente proposition de résolution invite le Gouvernement à se saisir de l’importance des objectifs de développement durable en les intégrant à notre Constitution, afin qu’ils deviennent des motifs d’irrecevabilité lorsque les propositions de loi et les amendements déposés ne répondent pas à leur exigence.

Aussi, nous invitons le Gouvernement à indiquer, lors du dépôt d’un projet de loi, les ODD dans lesquels il s’inscrit.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant l’article 6 de la Charte de l’environnement de 2004, composante du bloc de constitutionnalité depuis sa révision de 2005 ;

Considérant les dix‑sept Objectifs de développement durable adoptés par les États membres de l’Organisation des nations unies en 2015 ;

Considérant que le développement durable est une priorité actuelle et un enjeu futur pour notre société ;

Considérant que les objectifs de développement durable ne sont pas à durée déterminée puisqu’ils devront être observés au‑delà d’une quelconque échéance ;

Invite le Gouvernement à faire évoluer la Constitution afin que les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement répondent à l’un des dix‑sept Objectifs de développement durable.

Suggère au Gouvernement de faire mention dans ses futurs projets de loi du respect d’au moins un objectif de développement durable.