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N° 4226

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 juin 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

relative aux politiques d’incitation fiscale
pour un développement durable,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes)

présentée par Mesdames et Messieurs

Aina KURIC, Annie CHAPELIER, Vincent LEDOUX, Luc LAMIRAULT, Maina SAGE, Patricia LEMOINE, PierreYves BOURNAZEL, JeanLuc WARSMANN, Hélène ZANNIER, Richard RAMOS, PierreAlain RAPHAN, Benoit SIMIAN, JeanChristophe LAGARDE, Yves DANIEL, Michel ZUMKELLER, Bertrand PANCHER, Jennifer DE TEMMERMAN, Marion LENNE, JeanPhilippe NILOR, JeanBernard SEMPASTOUS, Sonia KRIMI, Philippe CHALUMEAU,

députés.

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

De jour en jour, le dérèglement climatique, la pollution des espaces naturels, l’acidification des océans, l’épuisement des ressources planétaires et la disparition de la biodiversité endommagent notre tissu social, environnemental et économique. Pour protéger les générations présentes et futures, toutes les espèces vivantes et la planète ellemême, nous devons ainsi mettre en œuvre le développement durable mentionné dans l’Agenda 2030 adopté par l’Assemblée générale des Nations unies en 2015, et inscrit à l’article 6 de la Charte de l’environnement adossée à notre Constitution.

Afin de réussir cette transition écologique ambitieuse, les pouvoirs publics n’ont d’autre choix que d’encourager tous les acteurs de nos sociétés à produire, investir et consommer durablement. Et si tous les outils doivent être mobilisés, les réformes fiscales sont un levier primordial pour inciter des comportements viables, vivables et équitables.

Or à l’heure actuelle, au sein de l’Union européenne, la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée impose qu’un taux normal de TVA de minimum 15 % soit appliqué dans tous les Etats membres, et que ceux‑ci ne puissent mettre en place que deux taux réduits, toujours supérieurs à 5 %, sur une liste limitative de produits exposée à l’annexe III du texte. Au moment de leur adoption, en 2006, ces dispositions ont apporté certains progrès dans la protection du marché commun, en harmonisant les systèmes fiscaux européens.

Toutefois, cette « directive TVA » pose de multiples problèmes. Tout d’abord, elle empêche les gouvernements de mettre en œuvre les réformes fiscales nécessaires pour un développement durable, comme l’a rappelé la Commission européenne dans « Le pacte vert pour l’Europe » en décembre 2019. En outre, elle compromet le principe de subsidiarité, prévu à l’article 5, paragraphe 3 du traité sur l’Union européenne. Par ailleurs, elle laisse libre cours à une situation d’inégalité croissante entre les Etats membres, due aux plus de 200 dérogations accordées notamment en vertu de ses articles 110 et 114.

Pour répondre à ces défis, la Commission européenne a élaboré, en janvier 2018, une proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée. Celleci vise à autoriser les Etats membres à mettre en place trois taux réduits de TVA dont un inférieur à 5%, ainsi qu’une exonération avec droit à déduction de la TVA payée au stade antérieur, sur tous les biens et services, exceptés ceux figurant dans une nouvelle III bis qui remplacerait l’annexe III.

Modifier ainsi la « directive TVA » permettrait à chaque État membre de mettre en œuvre des politiques ambitieuses pour encourager un développement durable, en encourageant, par exemple, le réemploi et la réparation des produits électriques et électroniques ou l’agriculture biologique.

De plus, la proposition de 2018 prévoit les mesures nécessaires pour éviter les distorsions de concurrence entre les systèmes fiscaux européens, en maintenant un seuil minimal de 15 % pour le taux normal de TVA et en prévoyant une liste de produits sur lesquels ce taux normal s’appliquera obligatoirement. Les risques éventuels de dumping fiscal sont également maîtrisés grâce à la mention explicite du principe selon lequel les réductions et exonérations de TVA doivent être avantageuses « uniquement pour le consommateur final », dans un « objectif d’intérêt général ».

Cependant, l’examen de cette proposition de directive du Conseil est à l’arrêt depuis fin 2018. A cette période, le Parlement européen, le Comité économique et social et le Comité des régions avaient déjà rendu un avis positif. Ainsi, aux termes de l’article 113 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les consultations obligatoires ayant été menées, le Conseil est en capacité institutionnelle et politique d’adopter ce texte, mais ne l’a pas encore fait.

Dans ce cadre, la présente proposition de résolution européenne vise à réaffirmer l’attachement de l’Assemblée nationale à la préservation de l’environnement et de la biodiversité, à demander à ce que la proposition de directive du Conseil du 18 janvier 2018 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée soit adoptée au plus vite, et à appeler les États‑membres, grâce à la plus grande latitude qui leur sera offerte, à mettre en place des politiques d’incitation fiscale ambitieuses pour un développement durable.

Alors qu’approche la présidence française du Conseil de l’Union européenne, prévue au premier semestre 2022, cette proposition de résolution européenne fait ainsi prévaloir « l’écologie du mieux », prônée par le président de la République Emmanuel Macron en juillet 2020. Modèle qui sera déterminant dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030, notamment au regard de l’objectif de développement durable n°12, relatif à une consommation et à une production responsables.


proposition de résolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu le Traité sur l’Union européenne,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et le protocole (n° 2) sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité,

Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

Vu la proposition de directive du Conseil du 18 janvier 2018 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée (COM/2018/020 final – 2018/05 [CNS]),

Vu l’avis du Comité européen des régions du 8 octobre 2018 sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée (COR 2018/02180),

Vu l’avis du Comité économique et social européen du 23 mai 2018 sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée (EESC 2017/05457),

Vu la résolution législative du Parlement européen du 3 octobre 2018 sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée (TA/2018/0371),

Vu la communication de la Commission du 11 décembre 2019 au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, intitulée « Le pacte vert pour l’Europe » (COM/2019/640 final),

Considérant que le dérèglement climatique, la pollution de l’eau, des sols et de l’air, l’acidification des océans, l’épuisement des ressources naturelles et la disparition de la biodiversité au niveau mondial sont des maux contre lesquels il convient de lutter résolument et urgemment, dans l’intérêt des générations présentes et futures, de toutes les espèces vivantes et de la planète ;

Considérant que cette lutte, pour être efficace, doit s’inscrire dans une dynamique de concertation et de coopération internationales, et dans un cadre régional par le biais des politiques de l’Union européenne, mais doit aussi, en vertu du principe de subsidiarité prévu à l’article 5, paragraphe 3 du traité sur l’Union européenne, être menée par chaque État ;

Considérant, dans ce contexte, que des politiques incitatives importantes doivent être entreprises afin de favoriser la mise en œuvre des objectifs de développement durable, et d’encourager les consommateurs à privilégier des biens dont la conception, la production, le transport et la vente entrainent le moins d’externalités négatives possible sur l’environnement, notamment en termes de pollution et de consommation des ressources naturelles ;

Considérant que ces politiques incitatives doivent inclure des réformes fiscales ambitieuses, ayant pour objectifs de contribuer à une transition écologique juste, d’inciter les producteurs, les utilisateurs ainsi que les consommateurs à adopter des comportements durables, et de soutenir la production de biens et de services respectueux de l’environnement, tels que la réparation et le réemploi des produits électriques et électroniques, ou les fruits et légumes issus d’une agriculture locale et biologique ;

Considérant que la Commission européenne, dans sa communication du 11 décembre 2019 adressée au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, intitulée « Le pacte vert pour l’Europe », a reconnu la nécessité d’adopter de telles réformes fiscales ;

Considérant que la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, si elle a apporté une relative cohérence et une clarification des systèmes fiscaux européens, empêche, dans son état actuel, les États membres de mettre en œuvre les réformes fiscales évoquées, du fait de ses articles 98 et 99, qui ne leur permettent d’appliquer que deux taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) par rapport au taux normal devant être supérieur ou égal à 15 %, sur une liste limitative de produits prévue à l’annexe III, et en respectant toujours un seuil minimal de 5 % ;

Considérant que la proposition de directive du Conseil du 18 janvier 2018 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée permettrait, si elle était adoptée, de pallier cet état de fait, en autorisant les États membres à mettre en place trois taux réduits de TVA dont un inférieur à 5 %, ainsi qu’une exonération avec droit à déduction de la TVA payée au stade antérieur, sur tous les biens et services exceptés ceux figurant à une nouvelle annexe III bis qui remplacerait l’annexe III ;

Considérant que la proposition de directive du Conseil précitée permettrait également de mettre fin à une situation d’inégalité entre les États membres dans l’accès à l’application des taux réduits et des exonérations, induite par les plus de deux cents dérogations accordées ;

Considérant que cette proposition de directive du Conseil prend les précautions nécessaires, à la fois en termes de protection du marché commun et de cohérence des systèmes fiscaux européens, en maintenant le seuil minimal de 15 % pour le taux normal de TVA et en prévoyant une liste limitative de produits sur laquelle les taux réduits et exonérations ne pourraient être applicables, et en termes de prévention du dumping fiscal, en veillant à ce que les taux réduits et exonérations soient « avantageux uniquement pour le consommateur final », et à ce qu’ils poursuivent toujours « un objectif d’intérêt général » ;

Considérant enfin que le Conseil de l’Union européenne, seule instance décisionnaire sur le sujet en vertu de l’article 113 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, n’a pas encore achevé l’examen de cette proposition de directive du Conseil, alors que celle‑ci lui a été transmise en janvier 2018 et avait, à la fin de la même année, déjà reçu un avis favorable de la part de tous les organes européens devant obligatoirement être consultés, à savoir le Comité européen des régions, le Comité économique et social européen et le Parlement européen ;

1. Réaffirme son attachement à la protection de l’environnement et de la biodiversité, et sa volonté de mettre en œuvre toutes les politiques publiques nécessaires à cette fin, notamment en matière d’incitations fiscales ;

2. Partage, à cet égard, les orientations présentées dans le pacte vert pour l’Europe élaboré par la Commission européenne en décembre 2019 ;

3. Salue la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée, et estime que les dispositions qu’elle comporte permettront d’encourager une production, une consommation et des investissements plus respectueux de l’environnement ;

4. Demande au Conseil de l’Union européenne, alors qu’approche la présidence française de celui‑ci prévue au premier semestre 2022, de poursuivre en son sein, dans ses instances préparatoires et auprès des parlements nationaux, les travaux de négociation et de consultation relatifs à cette proposition de directive du Conseil ;

5. Appelle à ce que cette proposition de directive du Conseil soit adoptée dans le délai le plus court possible ;

6. Encourage les États membres à soutenir cette proposition, et, lorsqu’elle aura été adoptée, à profiter des évolutions ainsi acquises pour implémenter des politiques d’incitation fiscale innovantes, dans le but de participer à la mise en œuvre des objectifs de développement durable ;

7. Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.