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N° 1876

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 novembre 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’utilisation  par la police nationale, la gendarmerie nationale et certaines polices municipales  du logiciel de l’entreprise Briefcam,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Ugo BERNALICIS, M. Thomas PORTES, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Mathilde PANOT, les membres du groupe La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale [(1)],

députés et députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de résolution porte sur l’utilisation par la police nationale, la gendarmerie nationale et certaines polices municipales du logiciel de l’entreprise Briefcam, qui permet d’automatiser l’analyse des images de vidéosurveillance algorithmiques.

Dans un article([1]) publié le 14 novembre 2023, le média d’investigation Disclose révèle que depuis des années, en se sachant dans l’illégalité la plus totale, la police nationale, la gendarmerie nationale et certaines polices municipales ont recouru au logiciel de l’entreprise Briefcam, qui permet d’automatiser l’analyse des images de vidéosurveillance algorithmiques et qui comporte une option « reconnaissance faciale » qui serait, d’après Disclose, « activement utilisée ».

La vidéosurveillance automatisée est aujourd’hui interdite par le cadre de protection des données personnelles prévues par le règlement général sur la protection des données (RGPD) et la loi Informatique et Libertés. Son usage peut même être sanctionné aux termes des articles 226‑18 et 226‑19 du code pénal, selon lesquels « Le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende ».

L’usage en dehors de tout cadre légal et de tout contrôle d’un tel logiciel d’analyse d’images automatisées de reconnaissance faciale porte une atteinte grave et manifeste aux libertés fondamentales des personnes filmées. Le dispositif, par son caractère particulièrement intrusif, met directement en cause le droit au respect de la vie privée et des données personnelles pourtant protégé. En effet, l’enregistrement d’images, mis en relation de manière automatisée avec d’autres traitements de données à caractère personnel permet la manipulation de données sensibles par les services de l’État et des collectivités territoriales en toute impunité. La dangereuse généralisation non maîtrisée de ces nouveaux dispositifs technologiques développe une surveillance généralisée susceptible de se répercuter sur les comportements des personnes, entravant leurs droits civils et politiques, comme leurs libertés d’aller et venir.

 

Cette révélation est particulièrement inquiétante, compte tenu du caractère attentatoire au droit fondamental à la vie privée, et dans la perspective des Jeux Olympiques de 2024, alors même que l’interdiction de systèmes automatisés de reconnaissance faciale était présentée comme une garantie (de la légalisation de la vidéosurveillance algorithmique) lors de la loi relative aux Jeux Olympiques du 19 mai 2023.

Alors que de fortes présomptions existaient depuis plusieurs années quant à son utilisation par la police nationale, cette révélation d’un usage de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) est gravissime tout autant pour son caractère illégal, qu’en raison des dissimulations et détournement dont ce marché public hautement sensible a fait l’objet de la part de hauts fonctionnaires et de responsables politiques.

L’impuissance chronique à laquelle se condamnent les contre‑pouvoirs institutionnels, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), est symptomatique d’une crise systémique de l’État de droit.

Au vu de cet exposé, et en raison de l’ensemble des questions soulevées par ce grand chantier, nous proposons que soit créée une commission d’enquête parlementaire sur l’utilisation par la police nationale, la gendarmerie nationale et certaines polices municipales du logiciel de l’entreprise Briefcam, de son acquisition à son application en passant par son déploiement par les services de l’État et de certaines collectivités territoriales, dont Nice, Roanne, Aulnay‑sous‑Bois, Perpignan ou Roubaix.

 


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proposition de rÉsolution

Article unique

Il est créé, en application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, une commission d’enquête de trente membres sur l’utilisation par la police nationale, la gendarmerie nationale et certaines polices municipales du logiciel de l’entreprise Briefcam de vidéo surveillance algorithmique, de son acquisition à son application en passant par son déploiement par les services de l’État et de certaines collectivités territoriales, dont Nice, Roanne, Aulnay-sous-Bois, Perpignan ou Roubaix.

 

 


([1]) https://disclose.ngo/fr/article/la-police-nationale-utilise-illegalement-un-logiciel-israelien-de-reconnaissance-faciale/


[(1)](1) Ce groupe est composé de : Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, M. Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Alexis CORBIÈRE, M. Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, M. Hendrik DAVI, M. Sébastien DELOGU, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Martine ETIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, Mme Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mme Raquel GARRIDO, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Mathilde HIGNET, Mme Rachel KEKE, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, Mme Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, Mme Pascale MARTIN, M. William MARTINET, M. Frédéric MATHIEU, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Adrien QUATENNENS, M. Jean-Hugues RATENON, M. Sébastien ROME, M. François RUFFIN, M. Aurélien SAINTOUL, M. Michel SALA, Mme Danielle SIMONNET, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, Mme Bénédicte TAURINE, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, M. Léo WALTER.