– 1 –

N° 2418

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mars 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur la complicité de la France dans le massacre en cours à Gaza,

(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Bastien LACHAUD, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, M. Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Alexis CORBIÈRE, M. Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, M. Hendrik DAVI, M. Sébastien DELOGU, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Martine ETIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, Mme Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mme Raquel GARRIDO, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Mathilde HIGNET, Mme Rachel KEKE, M. Andy KERBRAT, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, Mme Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, Mme Pascale MARTIN, M. William MARTINET, M. Frédéric MATHIEU, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Adrien QUATENNENS, M. Jean-Hugues RATENON, M. Sébastien ROME, M. François RUFFIN, M. Aurélien SAINTOUL, M. Michel SALA, Mme Danielle SIMONNET, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, M. Léo WALTER,

députés et députées.

 


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le mardi 26 mars 2024, l’organisation non gouvernementale (ONG) d’information Disclose a publié une enquête sur une livraison de 100 000 composants militaires produits par une entreprise française à l’armée israélienne pour le fonctionnement de ses fusils mitrailleurs.

Selon Disclose et les documents confidentiels publiés, cette opération aurait eu lieu le 23 octobre dernier, au départ du port de Marseille, où une photographie d’un carton à destination d’Israël a été prise. Il aurait été fait état d’une dizaine de cartons similaires, chacun contenant près de 10 000 maillons M27, produites par l’entreprise française Eurolinks.

Ladite cargaison contiendrait donc au total plus de 100 000 composants M27, et serait destinée à l’entreprise IMI System. Cette firme est aujourd’hui l’un des plus importants fournisseurs de l’armée israélienne en matière de munitions.

Si ces pièces militaires ne sont pas à proprement parler des munitions, elles sont essentielles au fonctionnement des fusils‑mitrailleurs. Ces composants permettent de relier les munitions de calibre 5,56 entre elles. De telles munitions sont ensuite employées dans des fusils NEGEV 5, une arme très largement répandue dans l’armée israélienne. Ce sont par exemple ces fusils qui auraient servi, entre autres, à perpétrer le «  massacre à la farine  » du 29 février 2024, selon l’ONG Euro‑Mediterranean Human Rights Monitor. Les tirs auraient fait plus de 700 blessés, et 118 morts. Ces composants français auraient donc permis aux militaires israéliens d’utiliser leurs armes pour mener des massacres contre des civils, à l’encontre de tous les principes du droit de la guerre.

Dans la mesure où ces composants seraient employés par les militaires de l’armée israélienne, dans les crimes de guerre en cours à Gaza, l’État français pourrait avoir été complice de ces exactions au regard du droit international. En principe, une telle exportation ne peut avoir lieu sans l’approbation de la commission interministérielle chargée d’examiner les exportations de matériel de guerre, sous l’autorité du Premier ministre.

En vertu de l’article 6 du traité de l’Organisation des Nations unies sur le commerce des armes, un État ne doit autoriser aucun transfert d’armes ou de biens s’il sait qu’ils pourraient être utilisés pour commettre un «  génocide, des crimes contre l’humanité́, des violations graves des conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie  ».

Les atteintes aux droits humains récurrentes et de grande ampleur qui ont eu lieu à Gaza sont aujourd’hui connues de tous. La Cour internationale de justice, par ordonnance du 26 janvier 2024, a reconnu un risque de génocide du peuple palestinien à Gaza, enjoignant à Israël de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Monsieur le ministre des armées a affirmé, le 27 février dernier, ne pas avoir connaissance de «  relations d’armements avec Israël  ». Néanmoins, tout porte à croire que l’exécutif français ferme les yeux sur ces faits. Ce faisant, le Gouvernement pourrait s’être rendu complice de crimes de guerre et aurait considérablement dégradé le crédit de la France aux yeux du monde, affaiblissant significativement la portée de toute action visant à faire prévaloir le droit international, le respect des peuples et le règlement pacifique des conflits.

C’est pourquoi il est de la plus haute importance que la lumière soit faite sur les faits rapportés par Disclose.

 


– 1 –

proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée d’examiner les conditions relatives à l’exportation de composants de l’entreprise française Eurolinks en Israël, et à leur emploi par l’armée israélienne à Gaza.