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N° 734

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mars 2018.

PROJET  DE  LOI

autorisant la ratification de l’accord de dialogue politique
et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres,
d’une part, et la République de Cuba, d’autre part,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Édouard PHILIPPE,

Premier ministre,

par M. Jean‑Yves LE DRIAN,
ministre de l’Europe et des affaires étrangères

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Durant les deux dernières décennies, les relations entre l’Union européenne et ses États membres vis-à-vis de Cuba étaient officiellement définies par la « position commune » de 1996([1]), une décision prise dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) subordonnant toute coopération avec Cuba à une démocratisation du régime. Cette décision était de facto devenue obsolète : plusieurs chefs d’État et membres de gouvernement européens ont effectué des déplacements officiels à Cuba, et un dialogue sur les droits de l’Homme est conduit depuis 2015. Elle a été formellement abandonnée par l’Union européenne le 6 décembre 2016([2]).

Le dialogue entre l’Union européenne et Cuba avait en fait repris dès 2008 avec la signature d’une déclaration conjointe de coopération et l’instauration d’un dialogue politique, qui a mis en lumière la nécessité d’instaurer un cadre pour les relations UE-Cuba. La présidence française de l’Union européenne a joué un rôle moteur dans le lancement du processus ayant conduit à la négociation avec la partie cubaine.

Le 18 avril 2013, la Commission européenne a présenté au Conseil la recommandation visant à autoriser la Commission et la Haute Représentante à négocier les dispositions d'un accord de dialogue politique et de coopération entre l’Union européenne et la République de Cuba. À la suite de l’adoption du mandat lors du Conseil Affaires étrangères du 10 février 2014, les négociations ont pu débuter en avril de la même année.

Alors que certains États membres étaient réticents à négocier avec ce pays et que les discussions n’avaient débuté que sur le volet du dialogue politique, le processus a bénéficié de la reprise des relations diplomatiques entre les États-Unis et Cuba. Les négociations ont pu avancer à un bon rythme et être étendues au volet de coopération commerciale, dont la France avait demandé l’inclusion dans le mandat.

L’accord de dialogue politique et de coopération (ADPC) entre l’Union européenne et Cuba ainsi négocié a été paraphé à La Havane le 11 mars 2016 par la Haute Représentante, Mme Federica Mogherini. Il a été signé à Bruxelles par l’Union européenne, ses États membres, et la République de Cuba, le 12 décembre 2016.

L’accord se compose d’un préambule et de quatre-vingt-neuf articles répartis en cinq parties.

Le préambule de l’accord réaffirme en particulier l’attachement des parties au multilatéralisme et au rôle des Nations unies, au respect des droits de l’Homme universels, à la lutte contre les discriminations et à la démocratie. Il fait également mention des obligations internationales dans le domaine du désarmement et de la non-prolifération, de la lutte contre le commerce et l’accumulation illicites d’armes légères et de petit calibre. Il souligne l’attachement au développement inclusif et durable et réaffirme l’importance des principes et des règles qui régissent le commerce international ainsi que l’opposition des parties aux mesures coercitives unilatérales assorties d’effets extraterritoriaux.

La partie I (articles 1er et 2) est consacrée aux dispositions générales.

L’article 1er définit les principes de l’accord, rappelant l’attachement des parties au système multilatéral et à des relations centrées sur l’égalité, la réciprocité et le respect mutuel. Le développement durable est défini comme un « principe directeur » de la mise en œuvre de l’accord. Par ailleurs le respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques constitue un élément essentiel de l’accord.

L’article 2 précise les objectifs de l’accord, orientés vers la coopération, le dialogue, la compréhension des parties dans le but de renforcer les relations existantes, de moderniser l’économie et la société cubaine, et d’atteindre les objectifs du développement durable.

La partie II (articles 3 à 14) est consacrée au dialogue politique qui devra avoir lieu à intervalles réguliers à la fois au niveau des hauts fonctionnaires et au niveau politique.

Les articles 3 à 5 traitent de la mise en place, dans le cadre du dialogue politique global, d’un dialogue sur les droits de l’Homme.

Les articles 6 à 14 sont consacrés au commerce illicite d’armes légères et de petit calibre et autres armes conventionnelles ; au désarmement et à la non-prolifération des armes de destruction massive ; à la lutte contre le terrorisme ; aux crimes graves de portée internationale ; aux mesures coercitives unilatérales ; à la lutte contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants ; à la lutte contre la production, le trafic et la consommation de drogues illicites ; à la lutte contre la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée ; au développement durable.

La partie III (articles 15 à 59) est dédiée à la coopération et au dialogue sur les politiques sectorielles dont elle définit les modalités et les procédures : assistance technique et financière, participation de Cuba aux programmes de coopération de l’UE, promotion de modalités et de financements innovants. Cette partie est composée de sept titres.

Le titre Ier est consacré aux dispositions générales (articles 15 à 21) et prévoit la mise en œuvre d’actions de coopération au niveau bilatéral et régional dans le cadre d’outils et de procédures définies entre les parties, et dans l’optique de compléter les actions de développement économique et social à Cuba, de favoriser un développement durable et inclusif et de promouvoir la confiance mutuelle.

Le titre II est intitulé démocratie, droits de l’Homme et bonne gouvernance (articles 21 à 26). Dans l’article 22 les parties conviennent de coopérer pour renforcer la démocratie et les droits de l’Homme, leurs principes et leurs pratiques. Les actions de coopération devront notamment viser à « assurer le respect et la défense de la déclaration universelle des droits de l’Homme, ainsi que la promotion et la protection des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels pour tous » et à « mettre en œuvre de manière effective les instruments internationaux en matière de droits de l’Homme et les protocoles facultatifs applicables à chaque partie, ainsi que les recommandations émanant des organes de défense des droits de l’Homme des Nations unies et acceptées par les parties ». Globalement, la problématique des droits de l’Homme devra être abordée de manière transversale dans les actions et les programmes de développement. Ce titre vise par ailleurs à prendre des engagements pour coopérer dans le domaine de la bonne gouvernance (article 23), dans le respect des engagements internationaux des parties et en particulier de la Charte des Nations unies ; du renforcement des institutions et de l’Etat de droit (article 24) ; de la modernisation de l’administration publique (article 25) ; et de la prévention et de la résolution des conflits (article 26).

Le titre III est intitulé promotion de la justice, sécurité des citoyens et migrations (articles 27 à 36). Dans l’article 27 les parties conviennent de coopérer pour garantir un niveau élevé de protection des données à caractère personnel, en adéquation avec les normes et les instruments internationaux. L’article 28 est dédié à la coopération en matière de lutte contre le problème mondial de la drogue et dans l’article 29, les parties s’engagent à coopérer pour prévenir et combattre l’utilisation de leurs institutions et systèmes financiers aux fins de blanchiment de capitaux provenant d’activités criminelles. Les articles suivants traitent de la volonté des parties de coopérer pour prévenir et combattre la criminalité organisée (article 30), mettre en œuvre et promouvoir les normes et les instruments internationaux contre la corruption (article 31), prévenir et combattre le trafic illicite d’armes légères et de petit calibre (article 32), coopérer en matière de lutte contre le terrorisme (article 33). Les parties conviennent également de mener des consultations en vue de coopérer dans le domaine des migrations, de la traite des êtres humains et du trafic de migrants (article 34). Les articles 35 et 36 traitent respectivement de la protection consulaire et de la contribution potentielle de la société civile.

Le titre IV est consacré au développement social et à la cohésion sociale (articles 37 à 46), les parties reconnaissant que le développement social va de pair avec le développement économique et s’engagent à coopérer dans ce domaine pour réduire la pauvreté, les injustices, les inégalités et l’exclusion sociale dans le but de réaliser les objectifs du développement durable. Sont spécifiés les domaines de coopération suivants : emploi et protection sociale (article 38), éducation (article 39), santé publique (article 40), protection des consommateurs (article 41), culture et patrimoine (article 42), personnes en situation de vulnérabilité (article 43), jeunesse (article 45), développement durable des communautés locales (article 46). Par ailleurs les parties s’engagent à consolider la dimension hommes-femmes dans leurs politiques, programmes et pratiques de coopération (article 44).

Le titre V est dédié à l’environnement, la gestion des risques de catastrophes et au changement climatique (articles 47 à 49). Les parties définissent leurs champs de coopération dans le but de sauvegarder et d’améliorer la qualité de l’environnement. Une coopération accrue est prévue en matière de gestion de l’eau et d’assainissement (article 49).

Le titre VI sur le développement économique (articles 50 à 58) identifie les secteurs de coopérations suivants : agriculture, développement rural, pêche et aquaculture (article 50) ; tourisme durable (article 51) ; science, technologie et innovation (article 52) ; transfert de technologies (article 53) ; énergie, y compris renouvelable (article 54) ; transports (article 55) ; modernisation du modèle économique et social (article 56) ; statistiques (article 57) ; bonne gouvernance en matière de fiscalité (article 58).

Le titre VII, intégration et coopérations régionales comporte un seul article (article 59) qui prévoit que la coopération entre les parties soutient le développement et la coopération régionale dans le cadre du CARIFORUM([3]).

La partie IV de l’accord (articles 60 à 79) est consacrée aux échanges commerciaux et à la coopération commerciale dans l’optique de renforcer les relations dans ce domaine, de « favoriser l’intégration de Cuba dans l’économie mondiale » et de « soutenir la diversification de l’économie cubaine et la promotion d’un climat d’affaires propice ».

L’article 60 définit les objectifs de coopération dans le domaine des échanges commerciaux : dialogue ; intensification des échanges ; intégration de Cuba dans l’économie mondiale ; développement et diversification du commerce intra régional ainsi que des échanges commerciaux avec l’Union européenne ; renforcement de la contribution du commerce au développement durable, y compris à ses aspects environnementaux et sociaux ; soutien à la diversification de l’économie cubaine et à la promotion d’un climat des affaires propice.

Le titre Ier (articles 61 à 70) est consacré aux échanges commerciaux, réaffirmant l’attachement des parties au commerce régi par des règles, au traitement de la nation la plus favorisée et au traitement national tels que définis par l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT)([4]), et au principe de transparence. Elles confirment leur engagement en faveur de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur la facilitation des échanges et leurs droits et obligations découlant de l’accord de l’OMC sur les obstacles techniques au commerce([5]). Elles réaffirment leurs engagements en matière de mesures sanitaires et phytosanitaires, de subventions et de mesures compensatoires

Le titre II (articles 71 à 80) est consacré à la coopération commerciale en matière de douanes, de facilitation des échanges, de propriété intellectuelle, d’obstacles techniques au commerce, de sécurité alimentaire, de mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et sur les questions relatives au bien-être animal, de produits traditionnels et artisanaux, de commerce et développement durable, de défense commerciale, de règles d’origine et d’investissements.

La partie V (articles 81 à 89) traite des dispositions institutionnelles et finales qui prévoient notamment l’institution d’un conseil conjoint (article 81) qui se réunit à intervalles réguliers, qui ne peuvent excéder une durée de deux ans, au niveau ministériel pour examiner toute question importante s’inscrivant dans le cadre de l’accord, d’un comité mixte (article 82) composé de représentants des parties au niveau hauts fonctionnaires ainsi que de sous-comités par le comité mixte afin de l’assister dans ses différentes tâches. L’article 83 précise quelles sont les parties au traité : l’Union et/ou ses États membres selon leurs compétences propres, d’une part, et Cuba, d’autre part. L’article 85 traite de l’exécution des obligations et des mesures pouvant être prises en cas de non-respect de ces obligations. En application de l’article 86, l’accord, qui est conclu pour une durée indéterminée, entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date à laquelle les parties se sont notifié l'accomplissement des procédures juridiques nécessaires. Certaines dispositions, fixées d’un commun accord, pourront s’appliquer provisoirement (paragraphe 3). La dénonciation prend effet six mois après la date de notification à l’autre partie à l’accord. Les modalités de modification de l’accord sont précisées à l’article 87. L’article 88 précise le champ d’application territoriale. Enfin, l’article 89 rappelle les 23 versions de l’accord faisant foi, dont la version française.

Telles sont les principales observations qu’appelle l’accord de dialogue politique et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Cuba, d’autre part, qui, comportant des dispositions de nature législative sur la protection des données personnelles, est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.

 

 

 

 

 

 


projet de loi

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l’Europe et des affaires étrangères,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification de l’accord de dialogue politique et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Cuba, d’autre part, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification de l’accord de dialogue politique et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Cuba, d’autre part, signé à Bruxelles le 12 décembre 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

Fait à Paris, le 7 mars 2018.

Signé : Édouard PHILIPPE,

Par le Premier ministre :
Le ministre de lEurope et
des affaires étrangères
 

Signé : Jean‑Yves LE DRIAN

 


([1])  Position commune du Conseil de l’Union européenne n° 96/697/PESC du 2 décembre 1996  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:31996E0697&from=FR

([2])  Décision (PESC) 2016/2233 du 6 décembre 2016 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32016D2233

([3]) Le Forum caribéen des États de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (CARIFORUM) est une instance régionale intergouvernementale de coopération. C’est un groupe régional au sein des pays ACP qui a été créé en 1992. Il associe seize états de la Caraïbe signataires de l’Accord de Cotonou avec l’Union européenne, y compris la République dominicaine, laquelle n’est pas membre de la Communauté caribéenne (CARICOM). Le CARIFORUM contrôle et coordonne l’attribution des ressources du Fonds Européen de Développement (FED) de la région. Un Accord de Partenariat Économique a été signé avec l’UE en 2008 (ratifié par la France en 2012), qui est actuellement en application provisoire.

([4])  L’accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les obstacles techniques au commerce (accord OTC) est entré en vigueur le 1er janvier 1995, dans le cadre de l’annexe 1A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce.

 Décret n° 95-1242 du 24 novembre 1995 portant publication de l'accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce (ensemble quatre annexes), signé à Marrakech le 15 avril 1994 :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000721939&categorieLien=cid

Texte de l’accord : https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/04-wto.pdf

([5]) https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/17-tbt.pdf