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N° 1419

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 novembre 2018.

PROJET  DE  LOI

autorisant lapprobation de laccord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine relatif à la remise de personnes poursuivies ou condamnées,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Édouard PHILIPPE,

Premier ministre,

par M. Jean‑Yves LE DRIAN,
ministre de l’Europe et des affaires étrangères

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Selon le principe « un pays, deux systèmes», la Loi fondamentale du 4 avril 1990 ([1]) confère à la Région administrative spéciale de Hong Kong une large autonomie dans ses affaires intérieures. Aux termes de l’article 96 de sa loi fondamentale, la Région administrative de Hong Kong a ainsi la capacité de conclure des accords avec des États étrangers en matière d’entraide judiciaire internationale, avec l’assistance ou l’autorisation du Gouvernement central chinois.

En matière de coopération judiciaire pénale, la France et la Région administrative spéciale de Hong Kong sont d’ores et déjà liées par des accords bilatéraux, en l’occurrence la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Hong Kong, signée à Hong Kong le 25 juin 1997 ([2]) et l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine sur le transfèrement des personnes condamnées, signé à Paris le 9 novembre 2006 ([3]).

En outre, plusieurs conventions multilatérales spécialisées adoptées sous l’égide de l’Organisation des Nations unies sont applicables entre la France et la Région administrative spéciale de Hong Kong du fait de leur ratification par la République populaire de Chine. Il s’agit notamment de la convention contre la criminalité transnationale organisée adoptée à New York le 15 novembre 2000 ([4]), signée par la France le 12 décembre 2000 et de la convention contre la corruption adoptée à New York le 31 octobre 2003 ([5]) et signée par la France le 9 décembre 2003.

Cependant, la France et la Région administrative spéciale de Hong Kong ne sont liées par aucun dispositif conventionnel bilatéral permettant la remise des personnes recherchées ou condamnées en fuite. En l’absence d’accord bilatéral, aucune coopération dans ce domaine ne peut être envisagée depuis deux arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation rendus le 14 février 2012 ([6]) par lesquels cette juridiction a estimé que les dispositions du code de procédure pénale relatives à l’extradition ne pouvaient s’appliquer dans les relations de la France avec un État non souverain.

Visant à compléter le tissu conventionnel existant entre les deux parties et à établir entre elles une coopération plus efficace dans la lutte contre la criminalité, l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine a été signé à Hong Kong, le 4 mai 2017, par le consul général de France à Hong Kong et Macao, M. Eric Berti, et le Secrétaire à la sécurité de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine, M. Tung‑Kwok Lai, dûment autorisé par le Gouvernement central populaire de la République populaire de Chine.

Il comporte vingt articles.

L’article 1er énonce l’engagement de principe des parties à se livrer réciproquement les personnes qui, se trouvant sur le territoire de l’une des parties, sont recherchées soit pour l’exercice de poursuites pénales, soit pour l’imposition ou l’exécution d’une peine prononcée par les autorités judiciaires de l’autre partie pour une infraction donnant lieu à remise.

L’article 2 définit les infractions pouvant donner lieu à remise, à savoir celles punies, en vertu des lois des deux parties, d’une peine privative de liberté d’au moins un an ou d’une peine plus sévère et pour lesquelles la remise est autorisée par la législation de la partie requise (paragraphe 1). En outre, aux termes du paragraphe 2, dans le cas d’une remise sollicitée aux fins d’exécution d’une peine, la durée de la peine restant à subir doit être d’au moins six mois.

Le paragraphe 3 stipule que les parties se communiquent par écrit la liste des infractions au titre desquelles la remise peut être accordée en vertu de leur législation respective, au plus tard à la date à laquelle chaque partie notifie à l’autre l’accomplissement de ses procédures internes requises pour l’entrée en vigueur de l’accord.

Le paragraphe 5 traite de la remise accessoire en offrant la possibilité à la partie saisie d’une demande de remise se rapportant à plusieurs infractions distinctes punies chacune par la législation des deux parties mais dont certaines ne satisfont pas aux seuils de peine précités, d’accorder la remise pour ces derniers faits si sa législation le permet.

L’article 3 traite de la remise des nationaux et prévoit que la Région administrative spéciale de Hong Kong et la France se réservent le droit de refuser la remise, respectivement, des ressortissants chinois et français. À cette fin, la nationalité est appréciée au moment de la commission de l’infraction objet de la demande de remise. En cas de refus fondé sur la nationalité, la partie requérante peut demander à la partie requise de soumettre l’affaire à ses autorités en vue d’engager d’éventuelles poursuites, la partie requise informant la partie requérante de la suite réservée à sa demande et de l’issue des poursuites.

L’article 4 règle la question de la peine capitale en énonçant que lorsqu’une telle peine est encourue dans la législation de la partie requérante pour les faits à l’origine de la demande de remise, celle‑ci peut être refusée, sauf à ce que la partie requérante donne des assurances, jugées satisfaisantes par la partie requise, que cette peine ne sera pas prononcée ou, si elle est prononcée, qu’elle ne sera pas exécutée.

L’article 5 énumère les motifs obligatoires de refus de remise. Classiquement, le paragraphe 1, alinéa a, énonce que la remise n’est pas accordée pour les infractions considérées par la partie requise comme des infractions politiques ou connexes à des infractions politiques. Sont cependant exclues du champ des infractions politiques, d’une part, l’atteinte à la vie ou la tentative d’atteinte à la vie du chef d’État de la République populaire de Chine ou de la République française ou un membre de leur famille et, d’autre part, les infractions que les parties ne doivent pas traiter comme politiques en application d’un accord international multilatéral.

Le paragraphe 1, alinéas b et c, prévoit que la remise est refusée si la demande à cette fin a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de sexe, de nationalité ou d’opinions politiques ou si cette personne risque, en cas de remise, de subir un préjudice lors de son procès ou une restriction de sa liberté individuelle en raison de l’une de ces considérations.

Les paragraphes 2 et 3 énoncent que la remise n’est pas davantage accordée si la personne réclamée a été définitivement condamnée ou acquittée, amnistiée ou graciée par la partie requise pour l’infraction à l’origine de la demande de remise ou encore si l’action publique ou la peine prononcée à raison de cette infraction est couverte par la prescription au regard de la législation de l’une ou l’autre des parties.

Le paragraphe 4 stipule que la remise est refusée lorsque l’infraction au titre de laquelle elle est demandée constitue, selon la partie requise, une infraction exclusivement militaire.

Enfin, afin de préserver les droits de la défense, le paragraphe 5 prévoit que lorsque la remise est demandée pour l’exécution d’une peine prononcée en l’absence de la personne réclamée, la partie requise doit la refuser sauf à ce que la personnes réclamée bénéficie de la possibilité d’être rejugée en sa présence.

L’article 6 énumère les motifs facultatifs de refus de remise. La remise peut ainsi être refusée lorsque la partie requise considère que l’infraction a été commise en tout ou partie en un lieu où sa législation s’applique. En outre, une demande de remise peut être rejetée lorsqu’elle aurait pour effet de conduire la partie requise à violer les obligations qui découlent pour elle d’une convention internationale qui lui est applicable. De même, à titre humanitaire, la remise peut ne pas être accordée lorsqu’elle serait susceptible d’avoir pour la personne réclamée des conséquences d’une gravité exceptionnelle du fait de son âge ou de son état de santé. La remise peut encore être refusée par la Région administrative spéciale de Hong Kong ou par la France lorsqu’elle affecterait de manière significative les intérêts en matière de défense ou d’affaires étrangères respectivement de la République populaire de Chine ou de la République française. De même, une remise peut être rejetée si la personne réclamée a été définitivement acquittée ou condamnée pour la même infraction dans un Etat tiers ou encore si des poursuites ont été engagées dans la partie requise à raison de cette infraction.

L’article 7 prévoit la possibilité d’ajourner la remise lorsqu’il existe des procédures en cours à l’encontre de la personne réclamée sur le territoire de la partie requise ou lorsqu’elle y exécute une peine pour une infraction autre. La partie requise peut également remettre temporairement la personne recherchée aux fins de poursuites. Dans cette dernière hypothèse, la personne remise est maintenue en détention par la partie requérante et renvoyée à la partie requise à l’issue des poursuites diligentées à son encontre.

Les articles 8 à 11 règlent les questions de forme et de contenu des demandes. Les demandes de remise, transmises par l’intermédiaire du consulat général de France à Hong Kong, doivent être formulées par écrit et systématiquement être accompagnées d’un signalement aussi précis que possible de la personne réclamée, d’un exposé de chaque infraction et des actes et omissions reprochés à la personne recherchée ainsi que du texte des dispositions juridiques applicables à l’examen du bien‑fondé de la demande. Dans le cas d’une personne réclamée aux fins de poursuites, la demande doit également comporter l’original ou une copie certifiée du mandat d’arrêt ainsi que les éléments qui justifieraient une mise en accusation par la partie requise si les faits avaient été commis dans sa juridiction. Dans le cas d’une demande aux fins d’imposition ou d’exécution d’une peine, elle doit être accompagnée de l’original ou d’une copie certifiée de la décision relative à la culpabilité ou à la condamnation et, le cas échéant, d’une copie d’un mandat d’arrêt ou d’une déclaration confirmant le caractère exécutoire du jugement et le reliquat de peine à exécuter. Les demandes doivent être rédigées ou traduites dans une langue officielle de la partie requérante. Les documents produits à l’appui d’une demande doivent être légalisés, cette condition étant satisfaite s’ils sont signés ou certifiés par un magistrat ou un représentant officiel de la partie requérante et revêtu du sceau d’une autorité compétente de la partie requérante. En présence d’informations insuffisantes, la partie requise sollicite tout complément d’information nécessaire en fixant, le cas échéant, un délai pour l’obtention des informations.

L’article 12 régit la procédure d’arrestation provisoire, applicable en cas d’urgence. Transmise par tout moyen permettant d’en conserver une trace écrite, soit par l’intermédiaire du consulat général de France à Hong Kong, soit par le canal d’Interpol, la demande d’arrestation provisoire doit faire part de l’intention d’envoyer une demande de remise, indiquer l’existence d’un mandat d’arrêt ou d’un jugement de condamnation, contenir un signalement de la personne recherchée, un exposé de l’infraction et des informations relatives à la peine encourue ou prononcée.

Le paragraphe 4 stipule que l’arrestation provisoire prend fin si la demande de remise n’a pas été reçue par la partie requise dans un délai de soixante jours à compter de l’arrestation de la personne, sans préjudice de la possibilité d’engager ou de poursuivre la procédure de remise en cas de réception ultérieure d’une demande à cette fin en bonne et due forme.

L’article 13 règle les hypothèses de concours de requêtes émanant de l’autre partie ou d’un État tiers avec lequel la partie requise a conclu un accord ou un arrangement en vue de la remise de personnes poursuivies ou condamnées, la partie requise devant tenir compte, dans sa décision, de toutes circonstances et notamment de la gravité et du lieu de commission des faits, des dates respectives des demandes, de la nationalité de la personne réclamée et de la possibilité d’une remise ultérieure à un autre Etat. En cas de remise de la personne concernée à l’État tiers, la partie requise en informe l’autre partie en motivant sa décision.

L’article 14 traite de la question de la représentation des intérêts de la partie requérante par la partie requise et de la répartition entre les parties des frais occasionnés par la procédure de remise.

L’article 15 fait obligation à la partie requise de communiquer à la partie requérante la décision sur la demande de remise dès qu’elle a été prise, étant observé que tout refus, même partiel, doit être motivé. Lorsqu’il est fait droit à la demande, la remise intervient au lieu fixé d’un commun accord entre les parties et, sauf cas de force majeure, à la date prescrite par la partie requise, à défaut de quoi la personne réclamée est remise en liberté.

L’article 16 traite de la saisie et de la remise d’objets. Lorsqu’il est donné suite à une demande de remise, la partie requise remet à la partie requérante les objets pouvant servir de pièces à conviction ou qui ont été acquis à la suite de l’infraction. Cette remise, qui peut être différée ou conditionnelle, intervient y compris lorsque la personne recherchée n’a pu être livrée du fait de son décès ou de sa fuite.

Les articles 17 et 18 énoncent la règle traditionnelle de la spécialité et encadrent la remise ultérieure vers un État tiers de la personne remise. La partie requérante ne peut en effet tirer profit de la présence de la personne remise sur son territoire pour la poursuivre, la juger, la détenir ou restreindre sa liberté individuelle pour des infractions distinctes de celles ayant motivé sa remise et commises antérieurement à sa remise ou encore pour la remettre à un autre État. Des exceptions sont néanmoins prévues à ce principe lorsque la partie requise y consent ou lorsque la personne réclamée, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie à laquelle elle a été livrée, ne l’a pas quitté dans un délai de quarante jours à compter du moment où elle avait la possibilité de le faire ou si elle y est retournée après l’avoir quitté. En outre, le principe de spécialité ne fait pas obstacle à ce que la personne soit poursuivie, jugée, détenue ou soumise à une restriction de sa liberté individuelle pour une infraction qui repose sur les mêmes faits que ceux pour lesquels sa remise a été accordée, sous réserve que cette infraction soit susceptible de donner lieu à remise et qu’elle ne soit pas passible d’une peine plus sévère que celle encourue pour l’infraction ayant donné lieu à remise.

L’article 19 fixe les règles applicables au transit d’une personne remise par un État tiers vers l’une des parties à travers le territoire de l’autre partie. Le texte précise également les règles spécifiques applicables au transit par la voie aérienne.

L’article 20, de facture classique, fixe les modalités d’entrée en vigueur, d’application dans le temps et de dénonciation de l’accord.

Telles sont les principales observations qu’appelle l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine relatif à la remise de personnes poursuivies ou condamnées, signé à Hong Kong le 4 mai 2017 qui, comportant des dispositions relevant du droit pénal et de la procédure pénale, est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.

 


projet de loi

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l’Europe et des affaires étrangères,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine relatif à la remise de personnes poursuivies ou condamnées, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion

 

 

 

 

Fait à Paris, le 21 novembre 2018.

Signé : Édouard PHILIPPE,

Par le Premier ministre :
Le ministre de lEurope
et des affaires étrangères
 

Signé : Jean‑Yves LE DRIAN

 


Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine relatif à la remise de personnes poursuivies ou condamnées, signé à Hong Kong le 4 mai 2017, et dont le texte est annexé à la présente loi.


([1]) Cf. Loi fondamentale de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine (en anglais).

([2]) Publiée par décret n° 99846 du 30 septembre 1999 et entrée en vigueur le 29 septembre 1999.

([3]) Publié par décret n° 2009815 du 1er juillet 2009 et entré en vigueur le 1er mai 2008.

([4]) Publiée par décret n° 2003875 du 8 septembre 2003 et entrée en vigueur le 29 septembre 2003.

([5]) Publiée par décret n° 20061113 du 4 septembre 2006 et entrée en vigueur le 14 décembre 2005.

([6]) Cass. crim. 14 fév. 2012 n° 1187.679 ; Cass. crim 14 fév. 2012 n° 1187.680