N° 273

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2017.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2018 (n° 235),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur Général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 2
 

 

Action extÉrieure de l’État :

 

TOURISME

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Émilie BONNIVARD

 

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPAles analyses et PROPOSITIONS De la RAPPORTEURe SPÉCIALe

données clés

PREMIÈRE PARTIE :  le tourisme dans le projet de loi de finances pour 2018

I. La situation gÉnÉrale du tourisme en France

A. Après une année 2016 en retrait, 2017 marque une reprise de la frÉquentation touristique

1. La désaffection des touristes internationaux en 2016

2. La reprise est confirmée en 2017

B. La France occupe une place centrale dans le tourisme mondial, mais elle décroche en termes de recettes

1. La France reste le premier pays visité au monde

2. Mais les recettes du tourisme en France sont moins élevées que celles de ses concurrents

a. La France perd des parts de marchés depuis 2015

b. Comment augmenter les recettes touristiques ?

C. LA crÉation d’un fonds d’urgence exceptionnel de 10 millions d’euros en 2016

II. les crÉdits consacrés À atout France dans la mission action extÉrieure de l’État

A. La répartition des produits et des charges de l’opérateur Atout france

B. L’attribution d’une part du produit de la recette additionnelle des droits de visa à Atout France

C. Deux comparaisons européennes

III. les crÉdits de la mission Économie

IV. les dÉpenses fiscales rattachÉes au tourisme

V. le document de politique transversale

VI. le rÔle des régions

Deuxième partie : l’investissement dans l’Économie du tourisme : quelle ambition en termes d’aménagement du territoire ?

I. point sur le secteur hÔtelier en France

A. L’offre hôtelière en France : quel avenir pour l’hôtellerie indépendante, en fragilité, mais couvrant bien le territoire national ?

B. L’investissement hôtelier en France : des outils pertinents pour une partie du secteur mais une absence de réponse adaptée au maintien d’une hÔtellerie indépendante

C. dédier une mission à l’élaboration d’une méthode et d’outils d’accompagnement adaptés à l’hôtellerie indépendante

II. BPifrance propose aux professionnels des prêts spécifiques : quels résultats ?

III. L’expertise de la caisse des depôts est essentielle en ingÉnierie de projets : ce qui manque, ce ne sont pas les fonds mais l’accompagnement au montage de projets

IV. rÉnover les rÉsidences de tourisme : un enjeu majeur pour les territoires, en particulier littoraux et de montagne

A. Le dispositif Censi-Bouvard a été réorienté vers la réhabilitation en loi de finances 2017

B. plus globalement, il est indispensable de prÉserver les capacitÉs d’investissement des communes touristiques

V. le fonds « tourisme social investissement », dédié au financement de la rénovation des établissements du tourisme social

troisième partie : les efforts d’équité de traitement entre acteurs en matière de fiscalité sur l’hébergement doivent être poursuivis

I. la taxe de séjour

A. la taxe de séjour a été profondément réformée en 2015

B. premier bilan des mesures instituées en 2016

1. Des outils supports visant à rendre les données locales facilement accessibles ont été mis en place mais devraient être complétés

2. Un élargissement de la collecte par la plateforme Airbnb

3. Un renforcement de la traçabilité des hébergeurs particuliers

4. Une augmentation du nombre de communes collectrices

C. des Réajustements sont envisageables au regard des difficultés rencontrées

1. Les biais provoqués par la taxe forfaitaire

2. La désincitation au classement

3. Un barème inadapté pour les hébergements insolites

II. L’état doit poursuivre le rééquilibrage de la concurrence entre hôtellerie et location entre particuliers

A. la situation en 2016 de la location de vacances entre particuliers

B. les mesures en cours en faveur d’un rééquilibrage

Examen en commission

Personnes auditionnées par la rapporteure spéciale

 


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   PRINCIPAles analyses et PROPOSITIONS
De la RAPPORTEURe SPÉCIALe

Avec 83 millions de touristes internationaux accueillis en 2016, la France est la première destination touristique mondiale. L’objectif du Gouvernement reprend celui du précédent Gouvernement, et consiste à conforter cette première place, en portant le nombre d’arrivées touristiques à 100 millions de touristes internationaux à l’horizon 2020, et à augmenter les recettes touristiques à 50 milliards d’euros en 2020 (contre 40 milliards d’euros actuellement).

Le secteur touristique dans son ensemble représente près de 8 % du PIB et 2 millions d’emplois directs et indirects.

À l’heure où la fracture entre métropoles et territoires ruraux se creuse, l’économie du tourisme constitue une véritable opportunité de développement économique de ces derniers. Économie de l’offre par excellence, elle peut se construire autour de nouveaux produits territoriaux comme en atteste la réalisation récente du Village Nature Pierre et Vacances en Île-de-France.

Or, selon la Rapporteure spéciale, si la ligne du Gouvernement actuel a pour point positif de cibler à juste titre la promotion, elle regrette qu’elle n’aborde pas réellement le tourisme comme vecteur d’aménagement du territoire, facteur de développement.

Depuis de nombreuses années, l’économie touristique est vécue comme une économie de rente par les Gouvernements successifs, ce qui revient à ne pas utiliser pleinement son potentiel. Nous vivons sur les acquis des années 1970, avec les Plans d’aménagement du littoral et le Plan neige, qui restent la référence d’un État stratège en termes de tourisme. La France capitalise sur certaines destinations « leaders » comme Paris et l’Île-de-France, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et la montagne l’hiver.

Toutefois, si ces destinations constituent des vitrines essentielles à l’attractivité de notre pays, des Contrats de destination ou Pôle d’excellence, elles ne doivent pas nous amener à oublier le potentiel et les atouts des territoires ruraux et villes moyennes, ou moins immédiatement attractifs, à partir desquels de vrais produits touristiques peuvent se construire, comme le montre par exemple le tourisme de mémoire ou les produits basés sur l’itinérance. Ces produits répondent aussi au risque de saturation liée à la surfréquentation de certaines destinations.

Pour la Rapporteure spéciale, il apparaît donc essentiel de considérer le tourisme comme un levier crucial de développement économique et d’aménagement du territoire, notamment rural, ce qui n’est pas affiché clairement dans les objectifs du Gouvernement.

À ce déficit d’ambition en la matière, s’ajoutent un éclatement de la compétence tourisme et une atomisation des crédits, affaiblissant l’efficacité de l’action. Comment justifier qu’un secteur pesant 8 % de notre PIB n’ait même pas un programme dédié au sein de budget de l’État ?

Si l’on peut saluer la mobilisation de l’ancien ministre des Affaires étrangères et européennes, Laurent Fabius, notamment après les attentats de Paris et de Nice, et la volonté de l’actuel ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et du Secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne, de développer ce secteur économique, cette fragilité structurelle persiste.

C’est la raison pour laquelle la Rapporteure spéciale déplore qu’un ministre dédié, dont la mission aurait été entièrement consacrée au déploiement d’une stratégie touristique, n’ait pas été désigné. D’autant que la complexité de l’économie du tourisme, ses caractéristiques transversales et multisectorielles (transport, hôtellerie, culture, restauration, sécurité) justifient pourtant pleinement que soit incarnée une approche stratégique ambitieuse.

Ce déficit de stratégie, qui fait obstacle au volontarisme affiché par le Gouvernement, trouve d’ailleurs malheureusement sa traduction dans les documents budgétaires. Le Gouvernement a ainsi purement et simplement supprimé la ligne de crédits consacrés au tourisme de la Direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’Économie et des finances, qui était dotée l’année dernière de 1,2 million d’euros. Il l’a fait sans mention particulière, rendant complexe l’identification de cette suppression, ce qui ne correspond pas à nos attentes collectives de transparence en matière budgétaire. Au travers de la suppression de cette ligne, la question de fond qui se pose est la suivante : soit l’État considère que sa seule mission en matière de tourisme est la promotion, soit il considère qu’il a aussi un rôle à jouer dans la création de produits, l’accompagnement des Contrats de destination et Pôle d’excellence, et en ce cas il ne peut supprimer purement et simplement les crédits gérés par la DGE.

Quant aux crédits du principal opérateur, Atout France, si les subventions pour charge de services publics sont globalement constantes depuis deux ans, ce que salue la Rapporteure spéciale, 2018 sera la première année, après 2016 et 2017, ne bénéficiant plus du Fonds d’urgence pour la promotion, débloqué après les attentats. La Rapporteure spéciale salue sur ce point les moyens déployés par le précédent Gouvernement pour débloquer des fonds d’urgence à la suite des attentats qui ont touché le pays en 2015 et 2016. Par ailleurs, la part des recettes additionnelles des droits de visas dédiée à Atout France reste, quant à elle, très incertaine.

La Rapporteure spéciale propose donc un dispositif innovant afin de maintenir un niveau haut d’attribution de recettes pour la promotion, si l’on souhaite effectivement atteindre l’objectif affiché de 100 millions de touristes, et ce sans créer de nouvelles charges dans le budget de l’État, compte tenu de la contrainte de maîtrise des dépenses publiques dont elle est bien consciente.

Enfin, s’agissant de l’investissement dans l’économie du tourisme, la Rapporteure spéciale estime que l’on ne peut se satisfaire d’outils qui ne prennent pas en compte la disparition progressive de l’hôtellerie indépendante, considérant ce phénomène comme quasiment inéluctable, alors même que cette tendance n’est observée dans aucune des destinations concurrentes en Europe, et que cette forme d’hôtellerie répond, par son maillage territorial, à une véritable réponse au problème posé par la concentration de 80 % de l’offre touristique française sur 20 % du territoire.

Le secteur hôtelier est en mutation. Les modèles anciens d’hôteliers vivant souvent en couple, avec un nombre de chambres réduit, travaillant 80 heures par semaine, sont en voie d’extinction. Ces hôtels ne se transmettent plus car les droits de succession sont élevés, parce que l’exploitation doit être repensée et qu’il est difficile de trouver des exploitants et du personnel qualifié.

La Rapporteure spéciale invite le Gouvernement à une redéfinition des outils pour favoriser l’émergence d’une nouvelle hôtellerie indépendante, couplée à une politique de l’offre, s’appuyant sur la valorisation des destinations régionales. C’est un enjeu fort pour les territoires ruraux et de montagne et une nécessité pour le maintien d’une offre d’hébergement diversifiée correspondant à la diversité des clientèles.

 

 


En conséquence, telles sont les principales propositions développées par la Rapporteure spéciale dans le présent rapport :

● Donner une visibilité et une cohérence gouvernementale à l’économie touristique

‑ Dédier un ministre : il faut un État stratège ;

‑ Publier un document exhaustif et honnête sur l’effort public national, régional et local, en faveur du tourisme.

● Renforcer les moyens alloués

‑ Stabiliser la dotation budgétaire d’Atout France ;

‑ Pérenniser une part de la recette des visas, incertaine à l’heure actuelle, et l’assortir d’une part variable.

● Améliorer la qualité de l’offre et permettre la montée en gamme

‑ Cibler la petite hôtellerie indépendante qui représente 80 % des hôtels en France ;

‑ Relancer le chantier de la réhabilitation de l’immobilier de loisir ;

‑ Rénover les établissements du tourisme social et associatif ;

‑ Promouvoir le label Qualité tourisme ;

‑ Renouveler les contrats de destination avec les régions.

● Favoriser une augmentation des recettes touristiques

‑ Digitaliser les opérations de détaxe à destination des extra-Européens ;

‑ Relever le plafond de remboursement en espèces dans le cadre de la détaxe ;

‑ Favoriser l’ouverture sur une meilleure amplitude horaire des musées et des commerces.

● Valoriser l’emploi dans l’économie touristique

D’après Roland Héguy, Président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), 100 000 emplois dans l’hôtellerie-restauration cette année n’ont pas été pourvus ;

‑ Rénover la formation des jeunes et la formation continue ;

‑ Reprendre le sujet des travailleurs saisonniers.

 


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   données clés

Entre 2014 et 2016, la France est passée de la 3e à la 5e place du classement.


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   PREMIÈRE PARTIE :
le tourisme dans le projet de loi de finances pour 2018

I.   La situation gÉnÉrale du tourisme en France

A.   Après une année 2016 en retrait, 2017 marque une reprise de la frÉquentation touristique

1.   La désaffection des touristes internationaux en 2016

En 2016, la France métropolitaine a accueilli 82,6 millions de touristes étrangers. Ne sont pas incluses dans ce nombre les arrivées dans les territoires d’outre-mer, estimées à environ 400 000. La Rapporteure spéciale estime que ces arrivées sur les territoires d’outre-mer devraient évidemment être comprises dans le nombre total d’arrivées en France.

Ce chiffre total de 83 millions est inférieur de 2,2 % au niveau atteint en 2015. Les attentats qui ont frappé la France au dernier trimestre 2015 à Paris et en juillet 2016 à Nice ont interrompu six années de hausse du tourisme international en France.

Depuis le début des années 2010, les touristes étrangers soutenaient en effet l’activité des professionnels français de l’hébergement, tandis que la clientèle française se portait de plus en plus sur les destinations étrangères. En 2015 et 2016, les incertitudes portant sur la sécurité des touristes dans les pays du sud du bassin méditerranéen ont fortement modifié les comportements des touristes français, qui se sont à nouveau tournés vers les destinations hexagonales. Les difficultés ont donc été partiellement compensées par un regain de demande intérieure en 2015 et 2016.

Néanmoins, le nombre de nuitées en 2016 a reculé de 2,7 % par rapport à 2015. La durée moyenne de séjour, quant à elle, est stable à 6,8 jours. Les courts séjours (entre une et trois nuits) représentent 47 % du total des séjours.

Concernant le secteur du voyage d’affaires, selon le classement ICCA (International Congress and Convention Association), Paris est redevenue la première ville mondiale organisatrice de congrès internationaux (196 en 2016), place qu’elle occupait déjà en 2014 et qu’elle avait perdue en 2015 au profit de Berlin. Plus largement, la France s’est classée en quatrième position avec 545 congrès, après les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni.

2.   La reprise est confirmée en 2017

Au deuxième trimestre 2017 en France métropolitaine, la fréquentation touristique dans les hébergements collectifs touristiques, exprimée en nuitées, a très fortement augmenté (+ 10,2 % par rapport à la même période de 2016).

Cette reprise concerne tant la clientèle résidente qu’étrangère. La hausse est particulièrement marquée dans l’agglomération parisienne (+ 12,6 % dans les hôtels et + 27,6 % dans les autres hébergements touristiques).

Les statistiques officielles ne sont pas encore connues pour la période estivale, mais les différents indicateurs s’accordent à confirmer le retour de la clientèle étrangère et la tendance globale à la hausse observée depuis le début d’année.

Ainsi, en juillet 2017, le trafic de Paris Aéroport est en hausse de 4,3 % par rapport au mois de juillet 2016 avec 10 millions de passagers accueillis, dont 6,9 millions à Paris-Charles-de-Gaulle (+ 5,4 %) et 3,1 millions à Paris-Orly (+ 1,9 %).

Selon l’enquête nationale de fréquentation touristique conduite par Atout France, Tourisme & Territoires, Offices de Tourisme de France et l’Association Nationale des Maires de Stations de Montagne (ANMSM) sur la période de juillet à mi-août 2017, la perception de la fréquentation touristique en France semble amorcer une embellie de fréquentation. À l’échelle nationale, l’appréciation globale de la fréquentation de juillet à mi-août est satisfaisante ou très satisfaisante pour plus de la moitié des répondants (51 %). La fréquentation des villes est perçue comme satisfaisante ou très satisfaisante pour 78 % des répondants. Les avis sont plus mitigés pour l’espace littoral, campagne et montagne (de l’ordre de 60-70 % d’avis mitigés pour ces destinations).

B.   La France occupe une place centrale dans le tourisme mondial, mais elle décroche en termes de recettes

1.   La France reste le premier pays visité au monde

Au palmarès international, en 2016, avec 83 millions de touristes, la France reste la première destination au monde, toujours devant les
États-Unis (75,7 millions de touristes) et l’Espagne (75,6 millions).

Aux États-Unis, la fréquentation internationale est, comme en France, en repli en 2016 (– 2,3 %). À l’opposé, la fréquentation de l’Espagne progresse fortement depuis plusieurs années (+ 10,3 % en 2016), de sorte que l’écart avec la France en nombre de touristes internationaux a fortement diminué.

2.   Mais les recettes du tourisme en France sont moins élevées que celles de ses concurrents

a.   La France perd des parts de marchés depuis 2015

La France reste la première destination mondiale en termes d’arrivées touristiques internationales. Mais en termes de recettes, la France, longtemps troisième derrière les États-Unis et l’Espagne, est désormais cinquième. Cette place s’explique en particulier parce que les durées de séjour sont moins longues en France qu’aux États-Unis notamment (les séjours à Paris, destination « leader » de la France, sont en moyenne de un à trois jours) et parce que la France est un pays de passage (les touristes du nord de l’Europe vers l’Espagne par exemple sont des touristes dits « de transit », qui effectuent souvent leurs achats dans la destination finale).

Les visiteurs étrangers ont dépensé 42,5 milliards de dollars en 2016 en France (contre 45,9 milliards de dollars en 2015).

La France est devancée par les États-Unis (205,9 milliards de dollars), où les visiteurs viennent en moyenne de plus loin, restent plus longtemps et dépensent donc plus ; par l’Espagne (60,3 milliards de dollars) qui compte moins de visiteurs de passage que la France ; par la Thaïlande (49,9 milliards de dollars) et par la Chine (44,4 milliards de dollars en 2016).

Elle devance de peu l’Italie (40,2 milliards de dollars), le Royaume-Uni (39,6 milliards de dollars) et l’Allemagne (37,4 milliards de dollars).

En Chine, la progression de l’industrie touristique est importante depuis plusieurs années car les autorités politiques ont décidé d’en faire un vrai relais de croissance. Les dépenses du tourisme étranger en Chine sont du même ordre que celles que l’on observe en France, avec moins de 60 millions d’arrivées touristiques mais des durées de séjour plus longues qu’en France.

Quant à la Thaïlande, ses recettes touristiques ont considérablement augmenté depuis 2010. Cette destination bénéficie notamment du report des clientèles qui hésitent désormais à visiter le sud du bassin méditerranéen et certaines destinations européennes touchées par des attentats.

Évolution des recettes touristiques de la France et deS quatre principaux pays touristiques entre 2011 et 2016

(en milliards de dollars US)

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016*

France

54,8

53,7

56,7

58,2

45,9

42,5

Espagne

60,0

58,2

62,6

65,2

56,5

60,3

États-Unis

150,9

161,6

172,9

191,9

205,4

205,9

Chine

48,5

50

51,7

44,0

44,9

44,4

Italie

43,0

41,2

43,9

45,5

39,4

40,2

* Chiffres provisoires exprimés en dollars à des fins de comparaisons internationales.

Sources : OCDE, OMT.

Comme l’illustre le graphique, complété par les montants du tableau ci-dessus, la France perd des parts de marchés par rapport à ses concurrents.

La Rapporteure spéciale tient toutefois à souligner la limite des outils de mesure des recettes touristiques. Comme cela lui a été indiqué en audition, les achats par exemple de vins français en France par des touristes étrangers ne sont pas comptabilisés comme des recettes touristiques mais comme des recettes liées à l’agriculture.

b.   Comment augmenter les recettes touristiques ?

Cette ambition passe bien entendu par des mesures globales en faveur de l’attractivité de la France : qualité de l’accueil, structuration de l’offre touristique, etc.

Elle peut aussi être réalisée au travers d’actions plus précises, comme cela a été mentionné à la Rapporteure spéciale par les représentants de l’Alliance du commerce qu’elle a reçus en audition.

Ceux-ci ont en effet particulièrement attiré son attention sur le parcours du touriste achetant en détaxe, qui se heurte souvent à une excessive complexité (il semble que cinq bordereaux doivent être complétés) et à des files d’attente très longues dans les aéroports. Il conviendrait donc de digitaliser ces opérations, afin de donner plus de fluidité et de confort aux clients utilisant ce service.

Une hausse du seuil de remboursement en espèces dans le cadre de la détaxe (actuellement fixé à 1 000 euros) pourrait également être étudiée car il a été prouvé que ces liquidités sont en général dépensées dans le pays d’accueil.

Enfin, le sujet de l’amplitude horaire des ouvertures des musées et des commerces paraît également de nature à favoriser les achats des touristes.

C.   LA crÉation d’un fonds d’urgence exceptionnel de 10 millions d’euros en 2016

Les attentats et la situation préoccupante des réservations touristiques en 2015 ont justifié le déblocage en urgence de 1,5 million d’euros début 2016.

Deux comités d’urgence pour le tourisme ont ensuite été convoqués, en juillet et en septembre 2016, à l’issue desquels le ministre des affaires étrangères a alors annoncé un effort exceptionnel de l’État, pris sur la réserve du ministère, à hauteur de 10 millions d’euros pour renforcer les actions de promotion d’Atout France. Ce « fonds d’urgence pour la promotion du tourisme » a été mis en place dès fin 2016 et a été déployé tout au long de l’année 2017.

Atout France a ainsi perçu 5 millions d’euros supplémentaires en 2016 et 5 millions d’euros en 2017, ce qui lui a permis de lever plus de 9 millions d’euros de partenariats avec des collectivités (en particulier la région Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur) et des opérateurs comme Air France ou Eurostar.

Au total, ce sont donc plus de 20 millions d’euros qui ont été investis en plus. Ce fonds a abondé le budget de promotion d’Atout France sur des typologies d’actions déterminées à l’avance par le ministère chargé des affaires étrangères, en concertation avec l’ensemble des régions de France.

Les actions de promotion mises en œuvre tout au long de l’année 2017 dans ce cadre ont été principalement orientées vers :

– un volet e-réputation sur internet et sur les réseaux sociaux ;

– des campagnes et événements à destination du grand public ;

– un renforcement de la présence et de la visibilité de l’offre française sur les salons professionnels et grand public ;

– une campagne destinée à renforcer la promotion de la saison culturelle 2017 à Paris et en Île-de-France.

La Rapporteure spéciale salue cet effort du précédent Gouvernement qui a pris la mesure du décrochage en raison des attentats et a fait preuve de réactivité. Si elle a bien conscience, compte tenu de l’impératif de maîtrise des dépenses publiques, qu’il n’est pas possible de pérenniser ces fonds exceptionnels, elle estime néanmoins qu’il faudrait trouver des modèles économiques qui permettent d’affecter davantage de recettes à la politique touristique.

II.   les crÉdits consacrés À atout France dans la mission action extÉrieure de l’État

A.   La répartition des produits et des charges de l’opérateur Atout france

La grande majorité des subventions de l’État pour la promotion du tourisme français se concentre sur l’opérateur de l’État chargé du tourisme, Atout France.

L’opérateur a pour mission de contribuer au renforcement de l’attractivité de la destination France et à la compétitivité de ses entreprises, filières et destinations en couvrant de nombreux champs d’intervention : l’observation et la veille touristique, l’ingénierie et l’assistance au développement, la promotion et l’aide à la commercialisation. Atout France est également chargé du classement des hébergements touristiques.

Pour cela, il dispose de 33 bureaux répartis dans 30 pays qui collaborent étroitement avec le réseau des ambassades sur près de 70 marchés. Ce réseau lui a permis de développer une connaissance pointue des clientèles touristiques internationales et des acteurs de la distribution.

En 2017, l’État a alloué à l’opérateur 31,3 millions d’euros de subvention pour charges de service public.

Dans le projet de loi de finances pour 2018, les crédits alloués à la subvention pour charges de service public s’élèvent à 32,7 millions d’euros.

En 2017, les sources de financement d’Atout France proviennent à hauteur de 49 % de son budget des subventions de l’État et à hauteur de 51 % de recettes de partenariat, confirmant le modèle économique de l’agence fixé dans le contrat d’objectifs et de performance (COP) 2016-2018, qui est fondé sur un financement paritaire de subventions pour charges de service public et de recettes partenariales.

Évolution budgétaire des produits de l’opérateur

(en milliers d’euros)

PRODUITS

2013**

2014**

2015**

2016**

2017 (prévisionnel)

2018 (montant PLF)

Subventions de l’État

35 251

33 788

34 267

33 437

36 406

NC

dont subvention pour charges de service public*

30 362

29 079

29 719

31 529

31 267

32 691

Ressources propres

34 546

33 768

36 671

32 932

37 788

NC

Total

69 798

67 556

70 938

66 369

74 194

NC

Source : questionnaire budgétaire.

* La subvention pour charges de service public correspond au versement effectif après mise en réserve.

** Les données correspondent aux comptes financiers votés après clôture de l’exercice.

La Rapporteure spéciale souligne la nécessité absolue, au regard de l’ambition qui doit être celle de la France en matière de tourisme, de pérenniser le budget d’Atout France à son niveau haut.

Le tableau ci-dessous présente la répartition des charges de l’opérateur en 2017 et montre que 89,3 % des charges constituent des dépenses d’intervention sur les différents marchés touristiques, dont 80,4 % concernent des activités de promotion et d’ingénierie.

Répartition des charges de l’opérateur en 2017

(en milliers d’euros)

Promotion

48 456

Ingénierie & développement du territoire

4 822

Classement

398

Immatriculations

606

Fonds d’urgence pour la promotion du tourisme

12 000

Sous-total Interventions :

66 282

Administration

4 405

Prestations admin. externes (honoraires, CAC…)

1 380

Subventions d’équilibre (filiale australienne)

382

Missions support

1 367

Sécurité

378

Sous-total Administration :

7 912

Total général :

74 194

Source : Atout France.

 

S’agissant des moyens humains d’Atout France, ils n’ont cessé de diminuer.

En 2009, lors de la fusion entre Maison de la France et ODIT, Atout France disposait de 435 équivalents temps plein. Alors qu’en parallèle, l’État a confié à l’agence de nouvelles missions (dont le classement hôtelier et l’immatriculation des agents de voyages), les effectifs d’Atout France ont été réduits de manière significative en 10 ans. En 2017, Atout France regroupe 340 ETP, dont 2 dédiés au classement hôtelier (comparativement aux 60 ETP de l’État en 2008).

Dans un environnement mondial de plus en plus concurrentiel, et alors que l’État lui a fixé un nouveau contrat d’objectifs et de performance (avec des demandes fortes en termes de déploiement dans de nouveaux pays et de transformation numérique), Atout France a désormais atteint un seuil critique en termes d’ETP.

En effet, la mise en place du fonds d’urgence tourisme a considérablement augmenté l’activité de l’opérateur, particulièrement en 2017. Cette surcharge d’activité a entraîné mécaniquement une mise sous tension des effectifs.

La récente annonce d’une baisse du plafond d’emplois de 20 ETPT, même si elle apparaît peu problématique à court terme, ne permettra par ailleurs pas de renouveler des postes actuellement occupés au sein de l’opérateur (ou de répondre à un surcroît d’activité).

Atout France dispose en effet dans ses équipes de 29 agents de l’État mis à disposition (provenant principalement de Bercy et du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie). L’État a souhaité en 2015 le transfert du remboursement de la masse salariale relative à ces 29 agents dans la subvention pour charges de service public de l’opérateur, afin de permettre le financement des remplacements des départs programmés de ces mises à disposition par du personnel privé. Or, ces mises à disposition ne sont pas des personnels hors plafonds d’emploi. L’abaissement du plafond d’emplois d’Atout France ne permettra donc pas de les remplacer lors de leur départ.

B.   L’attribution d’une part du produit de la recette additionnelle des droits de visa à Atout France

Conformément au décret n° 2015-1819 du 30 décembre 2015 portant attribution de produits au budget du ministère des affaires étrangères et du développement international, l’attribution d’une part du produit des recettes additionnelles des droits de visa à Atout France a été actée en 2016.

En application d’un accord entre le ministère des affaires étrangères et le secrétariat d’État au budget, deux neuvièmes de la recette additionnelle des droits de visa par rapport à l’année précédente sont attribués au ministère des affaires étrangères. En 2016, cette part s’est élevée à 4,5 millions d’euros.

Ces crédits supplémentaires ont eu vocation à appuyer l’ensemble du secteur touristique français. Ils ont été fléchés comme suit :

– 1,5 million d’euros correspondants à la campagne de relance Destination France « Made in… » (Paris, Normandie, Côte d’Azur) ;

– 2 millions d’euros pour le financement de la nouvelle stratégie digitale d’Atout France (lancement du nouveau site média avant fin 2017) ;

– 1 million d’euros pour renforcer la structure et les actions de promotion de l’opérateur.

Le projet annuel de performances relatif à la mission Action extérieure de l’État, annexé au projet de loi de finances pour 2018, indique que « cette attribution d’une partie du produit des recettes n’a toutefois pas pu avoir lieu en 2017, suite à la baisse de la fréquentation touristique étrangère en 2016 par rapport à 2015 ».

Ce principe de reversement ne reprendrait donc qu’en 2018, selon les résultats 2017 qui, d’après les premières données du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, sont bons. À titre très conditionnel, la direction des Affaires financières du ministère a indiqué à la Rapporteure spéciale qu’elle estimait en effet à 4,7 millions d’euros le montant des recettes additionnelles pouvant être affectées à la promotion du tourisme via Atout France en 2018.

Le tableau ci-après, fourni par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères présente l’évolution des recettes visas depuis 2013 :

Évolution des recettes visas

(en millions d’euros)

2013

2014

2015

2016

2017 (*)

137

160

187

186

190

(*) Au 30 septembre 2017.

Source : ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Si les budgets 2016 et 2017 ont bénéficié au total de 10 millions d’euros du fonds d’urgence pour le tourisme suite aux attentats, le budget 2018 ne prévoit plus de dotation promotion ajouté au budget d’Atout France. Le budget promotion 2018 est donc baisse par rapport à 2017 et 2016, même s’il s’agissait d’années exceptionnelles. Or, lorsque l’on compare le budget alloué à la promotion touristique en France cette année et même les années précédentes, notre pays reste très en deçà des efforts réalisés par ses principaux concurrents. Aussi, et en tenant compte de la nécessaire maîtrise de la dépense publique, il est proposé de sécuriser, de rénover, et de renforcer le budget promotion à partir des recettes issues des droits de visas, dans l’objectif de répondre à l’ambition d’accueil de 100 millions de touristes étrangers d’ici 2020.

La Rapporteure spéciale estime crucial de stabiliser le reversement de cette recette visas et de s’appuyer davantage sur celle-ci pour financer la promotion. Elle propose en ce sens de déterminer une part fixe, qui correspondrait à un pourcentage des recettes totales des droits de visa, et serait au moins égale à ce qui a été déjà versé en 2016, soit une enveloppe de l’ordre de 5 millions d’euros. Cette part fixe pourrait être assortie d’une part variable, qui correspondrait à un pourcentage du produit des recettes additionnelles des droits de visa. Cette double attribution permettrait ainsi de mieux prendre en compte l’aléa substantiel lié à l’incertitude du niveau de recette et ne créerait pas de nouvelles charges sur le budget de l’État.

La Rapporteure spéciale déposera un amendement en ce sens lors de l’examen de la mission en séance.

C.   Deux comparaisons européennes

Lors du premier conseil de pilotage du tourisme qui s’est tenu le 10 octobre dernier, le Gouvernement a annoncé la création d’une mission d’information sur le financement de la promotion du tourisme.

Actuellement, le budget total d’Atout France consacré à la promotion s’élève à 48,5 millions d’euros. En l’état, l’objectif de consacrer 1 euro par touriste international d’ici 2022 est donc loin d’être atteint selon la Rapporteure spéciale. Pourtant, il est en effet essentiel de renforcer ce budget de promotion, d’autant que les crédits dépensés par l’État ont un effet levier. Il est aussi important de veiller à coordonner tous les moyens en faveur de la promotion, car les régions et les collectivités locales y participent également.

En matière de promotion, à titre de comparaison, certains exemples étrangers sont significatifs.

L’Espagne, par exemple, investit massivement, que ce soit dans la rénovation des équipements, la formation ou à travers des initiatives favorisant un nouveau positionnement de son offre (montée en gamme).

En 2016, le gouvernement espagnol a ainsi consacré 332,6 millions d’euros aux politiques de promotion touristique (2,6 % de plus qu’en 2015) dont près de 241 millions d’euros d’aides aux entreprises et 91,7 millions d’euros pour Turespaña, l’organisme de promotion de la destination Espagne à l’étranger.

Sur ces 91,7 millions d’euros, 37 millions d’euros étaient dédiés uniquement à la promotion réelle comme les campagnes de communication, les salons et les événements.

L’Espagne a pris conscience que son modèle uniquement basé sur le produit « soleil et plage » nécessitait d’être repensé et diversifié. Sur ce créneau, elle était jusqu’il y a quelques années concurrencée par les destinations de l’est et du sud de la Méditerranée (Turquie notamment), qui étaient souvent en mesure d’offrir un meilleur rapport qualité/prix. Elle s’est donc efforcée, en réaction, de moderniser son offre grâce à des investissements lourds et de faire évoluer son positionnement vers l’art de vivre, le tourisme urbain et culturel, le tourisme d’affaires, positionnement sur lesquels elle concurrence encore plus directement la France.

En Italie, la politique touristique relève essentiellement des régions, qui allouent environ 600 millions d’euros par an à leurs politiques en faveur du tourisme, dont 200 millions sont uniquement destinés à la promotion. Le budget de l’agence nationale du tourisme italien (ENIT) s’élève à 57 millions d’euros en 2017.

Une loi tourisme votée en 2014 a prévu notamment un crédit d’impôt de 30 % pour les travaux de réhabilitation des structures touristiques et les investissements dans le numérique, la réforme du système de classement hôtelier et des mesures de simplification pour les entrepreneurs du secteur.

III.   les crÉdits de la mission Économie

Les crédits sont portés par l’action 21 Développement du tourisme du programme 134 Développement des entreprises et du tourisme. D’après le projet annuel de performances (PAP), l’objectif de cette action est de « promouvoir l’image touristique de la France et de ses savoir-faire, de structurer l’offre touristique, de soutenir les filières et les métiers dans leurs actions d’amélioration de la qualité et de faciliter le départ en vacances de tous les publics, notamment les personnes handicapées, les seniors et les personnes défavorisées ».

Face à cette ambition affichée par le Gouvernement, les crédits de la Direction générale des entreprises (DGE) n’ont cessé de diminuer depuis 2015 pour atteindre en 2018 un montant égal à 0. Dans la forme, la ligne a même disparu du document budgétaire. La Rapporteure spéciale estime qu’il aurait été plus honnête de ne pas cacher cette suppression totale de crédits mais de présenter l’évolution comme elle le fait dans le tableau ci-dessous, en portant « 0 » dans la case correspondante.

En conséquence, pour 2018, les autorisations d’engagement de l’action 21 s’élèvent à 742 643 euros et les crédits de paiement à 1,85 million d’euros.

 

 

Évolution des crÉdits de l’action dÉveloppement du tourisme

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

 

Crédits de paiement

 

2015

2016

2017

2018

2015

2016

2017

2018

Dépenses de fonctionnement

 

 

 

 

 

 

 

 

Enquêtes statistiques et études

0,81

5,05

0,59

0,74

1,89

1,96

2,46

1,85

Dépenses d’intervention

 

 

 

 

 

 

 

 

Développement des politiques touristiques

1,78

1,44

1,26

0

1,78

1,44

1,26

0

Partenariats internationaux

0,37

 

 

0

0,37

 

 

0

Marque Qualité tourisme

0,21

0,17

0,17

0

0,21

0,17

0,17

0

Développement des politiques sociales

0,43

0,36

0,37

0

0,43

0,36

0,37

0

Contractualisations CPER et hors CPER

0

0

0

0

0,21

0

0

0

Total dépenses d’intervention

2,79

1,97

1,79

0

3

1,97

1,79

0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Total

3,6

7

2,38

0,74

4,9

3,9

4,26

1,85

Source : projets annuels de performances 2015, 2016, 2017 et 2018.

Les dépenses de fonctionnement financent des enquêtes statistiques, demandées par l’Union européenne et conduites en partenariat avec la Banque de France, indispensables pour disposer des données touristiques économiques et de fréquentation. Elles sont réalisées dans le cadre de marchés publics pluriannuels selon deux thématiques : le suivi de la demande touristique des Français (SDT) et l’enquête auprès des visiteurs venant de l’étranger (EVE). Ces deux enquêtes ont fait l’objet de nouveaux marchés en 2016 et sont engagées pour 3 ans. Ce dispositif est complété par les enquêtes de fréquentation conduites en partenariat avec l’INSEE.

Jusqu’en 2017, les dépenses d’intervention, déjà réduites d’année en année, se concentraient sur un nombre limité d’axes stratégiques :

– le soutien aux entreprises innovantes, notamment en renforçant les actions visant à la création d’un réseau à la fois national et international de structures d’appui aux start-up innovantes du tourisme ;

– la poursuite de la diversification et de la qualité de l’offre française passant par le développement de pôles d’excellence afin de la rendre plus visible et lisible en particulier à l’international ;

– la marque Qualité Tourisme en association avec CCI France et Tourisme et Territoires, qui vise à améliorer la qualité de l’accueil des visiteurs et à professionnaliser l’hospitalité française ;

– le développement de politiques sociales, une part non négligeable de ces crédits permettant d’aider au départ en vacances des publics cibles, en particulier les ménages modestes.

La Rapporteure spéciale exprime sa plus vive opposition sur la suppression totale des crédits alloués à la DGE, qui effectue un travail nécessaire et utile en faveur de la compétitivité des entreprises du secteur et de l’accessibilité aux vacances des publics les plus fragiles.

Au regard du montant global de la mission Économie (1,63 milliard d’euros), ces 1,2 million d’euros de la DGE peuvent paraître bien peu mais, aussi modestes soient-ils, ils constituent le cœur de la stratégie en termes de qualité de l’offre française.

La Rapporteure spéciale estime plus globalement qu’il faudrait dédier au tourisme un programme à part entière, ce qui était le cas il y a quelques années, et qui constitue l’unité permettant le droit d’amendement des parlementaires.

D’après les informations communiquées à la Rapporteure spéciale, des négociations seraient en cours afin de réaffecter quelques milliers d’euros à certains projets ciblés. Ce n’est clairement pas à la hauteur de l’ambition qui doit être celle de la France en matière de tourisme.

IV.   les dÉpenses fiscales rattachÉes au tourisme 

S’ajoutent à ces crédits trop modestes un certain nombre de dépenses fiscales, au premier rang desquelles figure le taux réduit de TVA de 10 %.

Le taux de TVA de 10 % appliqué à une large gamme d’activités touristiques (restauration, hébergement, parcs de loisirs, cure thermales) concourt à l’attractivité touristique de la France et à la création nette d’emplois de services.

Pour mémoire, le taux réduit de TVA est passé de 5,5 % à 7 % au
1er janvier 2013, puis de 7 à 10 % depuis le 1er janvier 2014 pour l’hôtellerie et la restauration, ainsi que pour les droits d’entrée dans les parcs de loisirs. Pour les entreprises du tourisme, une partie de la hausse de TVA a pu être compensée par le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi). Le coût annuel de la mesure s’élève à 2,4 milliards d’euros en 2017.

Par ailleurs, peuvent être mentionnées l’ensemble des dépenses fiscales relevant du programme 175 Patrimoines de la mission Culture, qui sont présentées dans le rapport spécial correspondant.

Enfin, le tableau ci-après présente les autres dépenses fiscales significatives.

Autres dépenses fiscales

Coût de la mesure
en 2017
(en millions d’euros)

Nombre de bénéficiaires

Exonération de la contribution patronale et de la participation financière du comité d’entreprise et des organismes à caractère social au financement des chèques-vacances

76

3,8 millions de ménages

Taux de TVA de 10 % applicable à la fourniture de logements dans les hôtels

680

34 000 entreprises

Taux de TVA de 10 % applicable à la fourniture de logements dans les campings classés

172

8 000 entreprises

Total

928

 

Source : Projet annuel de performances 2018.

V.   le document de politique transversale

Le document de politique transversale (DPT) constitue une annexe générale du projet de loi de finances de l’année. À la date de finalisation du présent rapport, il n’est pas encore publié, ce qui rend son utilité pour les députés discutable.

Si la Rapporteure spéciale s’en tient donc à celui présenté en 2016, il est indiqué que « l’effort global de l’État peut être évalué à près de 2 milliards d’euros, portés par 20 programmes relevant de 13 missions ». Ce montant paraît toutefois surévalué, au regard des crédits entrant dans le champ global.

La Rapporteure spéciale estime que le Gouvernement doit être honnête dans cette présentation. Le DPT ne peut se réduire à un agrégat sans cohérence de crédits dédiés à des missions parfois très éloignées de la politique touristique à proprement parler. La Rapporteure spéciale considère que ce document doit présenter la stratégie du Gouvernement en matière de tourisme et les crédits qu’il y consacre réellement.

Que les crédits dédiés au patrimoine et à la culture figurent dans le document semble parfaitement normal au regard de l’importance de ces atouts nationaux, mais que penser par exemple du rattachement à la politique du tourisme des crédits finançant les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), pour 292 millions d’euros ? Que penser de la pertinence d’inclure dans ce DPT les crédits de protection des troupeaux contre les loups, alors que les chiens de protection sont aujourd’hui une problématique pour le produit randonnée dans les zones de montagne. Il est donc totalement paradoxal de les inscrire dans le budget consacré au tourisme.

La Rapporteure spéciale préconise que le périmètre du DPT tourisme soit construit et validé avec les rapporteurs parlementaires.

Elle recommande en outre la publication d’un document exhaustif présentant l’effort public global, agrégeant les dépenses publiques nationales, régionales et locales.

VI.   le rÔle des régions

Les régions jouent également un grand rôle dans l’économie touristique, sans que celui-ci ne soit vraiment pris en compte puisqu’il n’existe pas de document récapitulant l’effort financier des collectivités, comme mentionné ci-dessus.

La DGE a donc fourni une estimation approximative, selon laquelle le budget cumulé des comités régionaux du tourisme (CRT) représenterait
120 millions d’euros en 2016.

 

Le tourisme dans la loi NOTRe

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015 a rationalisé l’exercice de la compétence « tourisme » entre les différents échelons territoriaux de l’État. Si la compétence demeure partagée, la loi NOTRe a renforcé le rôle de la région et celui des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

La région, avec l’appui du CRT, poursuit son objectif de développement touristique par le biais du schéma régional de développement du tourisme et des loisirs (SRDTL). Dans ce cadre, elle coordonne les initiatives publiques et privées dans le domaine du développement, de l'information touristique et de la promotion dont les actions sur les marchés étrangers et en lien avec les comités départementaux du tourisme présents sur le territoire régional. Elle assure également le recueil des données locales issues des offices de tourisme et des conseils départementaux du tourisme, le traitement et la diffusion des données relatives à l’activité touristique de sa région.

Le conseil départemental définit la politique touristique du département dans un schéma d’aménagement touristique départemental (SATD) qui prend en compte les orientations portées par le SRDTL. Il peut créer un comité départemental du tourisme (CDT) dont la politique touristique est davantage axée sur la structuration de l’offre et l’accompagnement des acteurs.

À l’instar des métropoles et des communautés urbaines inscrites dans la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, la loi NOTRe a introduit un transfert automatique de la compétence relative à la « promotion du tourisme dont la création d’offices de tourisme » aux communautés d’agglomération et aux communautés de communes en lieu et place de leurs communes membres le 1er janvier 2017. Ainsi, les intercommunalités sont désormais dotées de cette nouvelle compétence à l’exception des communes qui ont bénéficié du principe dérogatoire mentionné dans la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (dite « loi Montagne II »).

Pour cela, trois conditions cumulatives devaient être respectées :

– la commune ne devait pas avoir déjà transféré la compétence à son EPCI ;

– la commune devait être classée en station de tourisme ou avoir engagé, au plus tard le 1er janvier 2017, une démarche de classement en station classée de tourisme ;

– la commune devait avoir délibéré avant le 1er janvier 2017 en faveur d’un maintien de la compétence au niveau communal.

Près de 170 communes ont délibéré pour le maintien de leur office de tourisme au niveau communal.

Quant aux offices de tourisme et aux syndicats d’initiative, les données fournies par la fédération nationale des offices de tourisme de France permettent d’estimer le budget cumulé des offices de tourisme à 409 millions d’euros en 2015.

Il convient en outre de noter que la plupart des organismes territoriaux du tourisme, adhérents à Atout France, passent des contrats de partenariat avec l’opérateur de l’État, en s’appuyant sur les clusters spécialisés (Outre-mer, montagne, littoral, golf, etc.) ou en réalisant des promotions spécifiques qui donnent lieu à des campagnes très ciblées et relayées par les bureaux de l’Agence à l’étranger. L’une des missions d’Atout France est d’ailleurs de donner une cohérence d’ensemble aux actions de promotion à l’international des collectivités locales.


   Deuxième partie : l’investissement dans l’Économie du tourisme : quelle ambition en termes d’aménagement du territoire ?

I.   point sur le secteur hÔtelier en France 

A.   L’offre hôtelière en France : quel avenir pour l’hôtellerie indépendante, en fragilité, mais couvrant bien le territoire national ?

L’offre hôtelière en France a connu une légère croissance en 2016 et s’établit désormais à 645 595 chambres pour 18 205 hôtels. Il peut être noté une très légère croissance du nombre de chambres (+ 0,54 %) au 1er janvier 2016 par rapport à l’année précédente. Toutefois, les résultats sont très contrastés selon les typologies d’hôtels. D’après les données transmises par l’UMIH,
7 738 défaillances ont été enregistrées en 2016 pour l’hébergement et la restauration. L’hôtellerie indépendante perd donc un certain nombre d’hôtels par an, fragilisant une capacité d’accueil répartie sur le territoire national.

Répartition du parc de l’hôtellerie en nombre de chambres

 

2010

2012

2014

2015

2016

Chaîne intégrée

235 287

259 402

264 184

271 446

280 334

Indépendants

359 538

359 920

363 129

363 129

365 261

Total

594 825

619 322

627 313

641 791

645 595

Source : questionnaire budgétaire - PLF pour 2018.

Depuis 2010, la structure du parc hôtelier a été renouvelée dans les villes du fait d’initiatives d’entrepreneurs innovants avec la création d’hôtels (construction, reconversion, réhabilitation) et la remise en marché. En revanche, dans les zones rurales et semi-rurales confrontées à une mutation profonde de leur marché, les très petites structures hôtelières semblent continuer leur déclin. Cette évolution est partiellement compensée par l’essor des chambres d’hôtes et des meublés de tourisme. Dans les grandes stations de sports d’hiver, elle est portée par le haut de gamme.

De manière générale, les nouvelles structures créées offrent des capacités moyennes plus élevées (48 chambres au lieu de 26 en moyenne).

Le paysage hôtelier en France est donc, assez schématiquement, double : des structures portées par des chaînes hôtelières, situées essentiellement dans des zones de forte attractivité, et des structures indépendantes ou familiales, dans des zones touristiques également attractives, mais aussi dans les territoires ruraux. Le poids de chacun dans l’offre est le suivant : les établissements indépendants représentent 80 % du parc en nombre d’établissements et 52 % en chambres. Le poids de l’hôtellerie indépendante tend à s’éroder. Les chaînes intégrées représentent en 2016 48 % des capacités en chambres, contre 36 % en 2005.

La modernisation du parc hôtelier liée à la réforme du classement hôtelier issue de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 a permis une montée en gamme de l’ensemble du parc ainsi qu’une professionnalisation des hôteliers. Les établissements classés sont plus résilients face aux fluctuations économiques. Le classement reste volontaire et résulte d’une démarche liée au positionnement commercial de l’entreprise.

Au 1er avril 2016, le classement était adopté par 81 % des établissements (14 191 établissements) pour 91 % en nombre de chambres d’hôtels.

L’état des lieux du classement au 1er avril 2016 et au 1er mars 2017 s’établit ainsi :

Catégorie d’étoiles

1 étoile

2 étoiles

3 étoiles

4 étoiles

5 étoiles

 

2016

2017

2016

2017

2016

2017

2016

2017

2016

2017

Hôtels classés (nombre)

714

608

5 381

5 174

6 047

5 966

1 729

1 793

323

330

% du parc classé

5 %

4,4 %

38 %

37 %

43 %

43,2 %

11 %

13 %

3 %

2,4 %

Source : plateforme des hébergements touristiques - Atout France 2016, 2017.

B.   L’investissement hôtelier en France : des outils pertinents pour une partie du secteur mais une absence de réponse adaptée au maintien d’une hÔtellerie indépendante

Globalement, le rythme tendanciel d’investissement hôtelier en France est estimé à 2,5 milliards d’euros par an. Le montant de l’investissement hôtelier en 2016 en France représente 21 % de l’investissement touristique total (estimé à 12,64 milliards d’euros avec les équipements).

Évolution des investissements dans l’hôtellerie (2010-2016)

(en millions d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Investissements

hôtellerie indépendante

965

955

1 089

1 222

1 248

1 258

1 211

Investissements

hôtellerie de chaîne

988

1 164

1 164

1 167

1 307

1 377

1 366

Investissements hôtellerie

1 953

2 119

2 256

2 529

2 648

2 635

2 577

Source : tableau de bord des investissements touristiques 2016 - Atout France.

Les hôtels 5 étoiles et les palaces sont un vecteur important d’investissement touristique. La distinction « palace », créée en 2010, permet de valoriser les établissements 5 étoiles sur la scène internationale. Elle constitue un marché très porteur et une vitrine de l’excellence à la française. Sur la période 2010-2015, un montant de 1,3 milliard d’euros a été investi dans le secteur des palaces.

Le marché des acquisitions d’actifs hôteliers vise principalement des actifs de prestige. Le marché français reste très attractif et bénéficie d’une bonne confiance. La localisation des ventes est quasi équilibrée avec 57 % du volume réalisé à Paris/Île-de-France et 43 % en région. Les fonds d’investissement restent les plus actifs même si les investisseurs domestiques dominent (54 % du volume).

Toutefois, au sein du paysage hôtelier, l’hôtellerie indépendante est particulièrement fragilisée.

C.   dédier une mission à l’élaboration d’une méthode et d’outils d’accompagnement adaptés à l’hôtellerie indépendante

Malgré les discours parfois peu encourageants de certains experts sur l’avenir de l’hôtellerie indépendante en France, force est de constater que ce type d’hôtellerie connaît un véritable regain chez nos voisins italiens, suisses et autrichiens, permettant un accueil performant dans les territoires concernés.

L’un des constats réalisés sur la situation de ce type d’hébergement et de service est que les difficultés rencontrées viennent :

– des travaux de mise aux normes trop lourds, avec un amortissement trop long ;

– des transmissions complexes à effectuer, en raison d’un double obstacle : des coûts de reprise et des frais de succession élevés.

Ces deux difficultés sont les principaux freins à la préservation de l’hôtellerie indépendante, avec des conséquences particulièrement négatives dans les stations de sports d’hiver, puisque la fermeture de ces établissements se traduit par la multiplication du nombre de lits froids. En effet, les hôteliers sont amenés, face à l’impossibilité de mener les travaux et/ou à la difficulté de s’acquitter des droits de succession, de vendre le bâtiment qui deviendra résidence secondaire, beaucoup plus complexe à mettre en location.

La Rapporteure spéciale propose, afin d’initier une expérimentation dans ce domaine, dans les territoires fragiles comme les zones de revitalisation rurale dans lesquels les transmissions sont particulièrement difficiles, d’expérimenter une mesure d’abattement ou d’exonération d’une partie des droits de succession, dès lors que le bien reste à destination hôtelière pendant un certain nombre d’années.

Par ailleurs, les outils mis en œuvre par BPI, la Caisse des dépôts ou encore Atout France sont adaptés à une typologie d’hôtels dont les modèles économiques sont plus solides et sont utiles pour ceux-là. Mais il existe un vide en termes d’outils d’accompagnement et d’ingénierie pour penser et accompagner le renouvellement de l’hôtellerie indépendante, en zone rurale, indispensable à une offre d’accueil de qualité, équilibrée sur le territoire national, et répondant à une vision de tourisme comme vecteur de développement économique des territoires, offre hôtelière coordonnée bien entendu avec les contrats de destination et de construction d’offres nouvelles et/ou à partir de l’itinérance, etc.

Avec l’UMIH, Atout France, les CRT, la CCI, la Caisse des dépôts et BPI, la Rapporteure spéciale souligne la pertinence qu’il y aurait à concevoir une mission dédiée à l’élaboration d’une méthode et des outils d’accompagnement d’une hôtellerie indépendante renouvelée.

L’État ne peut se satisfaire, s’il s’agit de faire du tourisme une opportunité de développement économique et d’aménagement du territoire, de constater la régression de l’hôtellerie indépendante, l’inadéquation de nos outils à cette problématique propre, sans tenter de construire une nouvelle réponse.

II.   BPifrance propose aux professionnels des prêts spécifiques : quels résultats ?

L’action de Bpifrance est réalisée principalement par l’intermédiaire de produits dits « généralistes » (c’est-à-dire multi secteurs). Bpifrance déploie en outre trois types principaux de produits dédiés au secteur touristique, qui viennent en complément de gamme de son offre généraliste.

Bpifrance propose un « prêt hôtellerie » depuis 1923 (alors appelé « crédit hôtelier »). Sur la période 2009-2016, 890 prêts ont été mis en place pour un montant total de 129 millions d’euros. En 2016, 128 prêts de ce type ont été accordés pour un montant moyen d’environ 229 000 euros.

Les conditions financières de ce prêt, en termes de durée, de montant et de champ d’application, ont été sensiblement améliorées en 2016. Ce prêt peut désormais servir à financer le bâti, mais aussi la formation, l’accueil, la création de sites web, le développement commercial, l’adaptation de l’offre pour répondre aux exigences renforcées du classement hôtelier révisé en 2016 et la mise aux normes (sécurité-incendie, mise en accessibilité). Par rapport aux formules antérieures de financement, le champ des entreprises éligibles a également été étendu aux hôtels, villages et centres de vacances, terrains de camping-caravaning et parcs résidentiels de loisirs.

Il peut s’étaler sur 10 ans (au lieu de 7 ans avant 2016), avec un différé d’amortissement de deux ans. Son montant maximal est passé de 300 000 euros à
400 000 euros. Il complète souvent un prêt bancaire à due concurrence et un prêt bonifié de la Caisse des dépôts.

Bpifrance propose en outre un « prêt restauration » qui vise également la modernisation et la mise aux normes d’équipements. En 2016, 243 prêts de ce type ont été accordés pour un montant moyen d’environ de 166 000 euros. D’après Bpifrance, ces prêts constituent une partie très minoritaire des soutiens de Bpifrance à la restauration, principalement réalisée via sa gamme généraliste.

Par ailleurs, le fonds de capital développement « France Investissement Tourisme » (FIT) créé par Bpifrance est opérationnel depuis octobre 2015. Il permet de stimuler l’innovation et d’accroître la compétitivité des entreprises du tourisme (loisirs, hôtellerie, restauration, agences de voyages). Sa mission est d’investir en tant qu’actionnaire minoritaire et de favoriser l’émergence de nouveaux concepts et de nouveaux services. Son montant d’intervention est compris entre 0,5 million d’euros et 5 millions d’euros. Ce fonds d’investissement de 100 millions d’euros a réalisé 32 opérations en 2 ans, pour un montant total de 57,7 millions d’euros.

La Rapporteure spéciale estime que Bpifrance devrait sans doute muscler sa communication auprès des professionnels, au regard du faible nombre de dossiers conclus chaque année auprès de l’hôtellerie indépendante.

III.   L’expertise de la caisse des depôts est essentielle en ingÉnierie de projets : ce qui manque, ce ne sont pas les fonds mais l’accompagnement au montage de projets

Pour accompagner les mesures visant à dynamiser l’économie du tourisme afin d’être en capacité d’atteindre 100 millions de visiteurs internationaux accueillis en 2020, le groupe Caisse des dépôts a décidé depuis 2015 de renforcer son action existante en faveur du secteur. La mise en œuvre de cette démarche volontariste repose sur une plateforme, France Développement Tourisme, qui comprend trois volets permettant de coordonner les modes d’intervention complémentaires du groupe en matière de tourisme :

 une enveloppe pluriannuelle d’investissement de 400 millions d’euros sur 5 ans, dégagée des propres ressources de la Caisse des Dépôts, gérée par la Direction des investissements et du développement local (DIDL) de la Caisse des dépôts. Ces moyens sont accordés pour des investissements (rénovation et création) dans les hébergements touristiques de toutes natures, tous positionnements et dans toutes les destinations, et pour la relance d’équipements publics destinés à renforcer l’attractivité des territoires : palais des congrès et parcs des expositions ; ports de plaisance ; centres thermaux ; sites culturels et monuments historiques ; équipements sportifs ; parcs à thème.

À ce titre la Caisse des dépôts a validé en 2016 des investissements en direct et intermédiés (via des fonds) pour un montant de 53 millions d’euros (part CDC) dans 27 projets. L’investissement global ainsi permis est de l’ordre de 427 millions d’euros, l’effet de levier étant assuré par des apports de fonds d’autres investisseurs et de prêts des établissements bancaires.

À cette date, au titre de l’exercice 2017 et de la même façon, plus de 71 millions d’euros (part CDC) ont déjà été engagés – directement et indirectement – dans 23 opérations pour un total d’opérations de 343 millions d’euros.

– un fonds de capital développement (FIT) doté à terme de 100 millions d’euros et opéré par Bpifrance (cf. supra) pour soutenir le développement des entreprises exploitantes notamment via la mise en place de nouveaux concepts ;

 une foncière, « Foncière Développement Tourisme », dotée à terme de 500 millions d’euros d’equity à destination des investisseurs institutionnels pour investir dans des murs d’hôtels, de résidences de tourisme ou de villages vacances afin d’accroître la capacité d’hébergement de qualité sur des destinations « premium » à la montagne et sur le littoral. Seul un projet a été développé. La Rapporteure spéciale s’interroge sur la pertinence de ce type d’outils par rapport à la concrétisation de projets réels. Comme l’a indiqué Mme Gabrielle Gauthey, Directrice des investissements et du développement local, la difficulté n’est pas de trouver des fonds pour accompagner ces investissements, mais bien de disposer d’ingénierie de projets au plus près des territoires pour faire émerger ce type d’établissements.  

IV.   rÉnover les rÉsidences de tourisme : un enjeu majeur pour les territoires, en particulier littoraux et de montagne

A.   Le dispositif Censi-Bouvard a été réorienté vers la réhabilitation en loi de finances 2017

Initialement, le dispositif d’incitation fiscale dit « Censi-Bouvard », régi par l’article 199 sexvicies du code général des impôts, a été introduit par la loi de finances pour 2009. Il a pris la forme d’une réduction d’impôt sur le revenu en faveur des investissements immobiliers, accordée à tout contribuable acquérant, au sein d’une résidence de services ([1]), un logement neuf ou en état final d’achèvement ou un logement achevé depuis au moins quinze ans ayant fait l’objet de travaux de réhabilitation ou de rénovation. La réduction d’impôt pour 2016 était égale à 11 % de l’investissement réalisé, dans la limite de 300 000 euros de dépenses. Ce dispositif était réservé aux loueurs en meublé non professionnels et était conditionné à l’engagement de louer le logement pendant une durée minimale de neuf ans.

Le Censi-Bouvard a été l’un des outils-clés ayant permis à la France de se doter de capacités d’hébergement touristique concourant à être la première destination mondiale, notamment grâce à un moment donné, aux résidences de tourisme.

Dans la loi de finances pour 2017, le législateur a décidé de réorienter le dispositif en créant une nouvelle réduction d’impôt sur le revenu en faveur de la réhabilitation du parc existant de résidences de tourisme, afin de relancer l’attractivité touristique de ces résidences qui, compte tenu de l’ancienneté du parc, nécessitent avant tout un soutien à la réhabilitation des résidences existantes et non à la production de nouvelles résidences.

Le nouvel avantage fiscal destiné à favoriser la réhabilitation des résidences de tourisme est centré sur des travaux de grande ampleur portant sur l’ensemble de la résidence et adoptés en assemblée générale de copropriété. Les travaux éligibles sont limitativement énumérés et comprennent une forte composante environnementale, en intégrant dans son champ d’application, notamment, les travaux visant à la rénovation énergétique globale des résidences. Les travaux de ravalement ou d’adaptation aux personnes handicapées dans les résidences de tourisme sont également possibles.

Avec un taux de réduction d’impôt de 20 % applicable aux dépenses éligibles dans la limite d’un plafond de 22 000 euros par logement, cet avantage fiscal s’applique, du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019, pour tenir compte des délais nécessaires à la réalisation de travaux de grande ampleur sur ces résidences et aux travaux adoptés en assemblée générale de copropriété.

Si l’enjeu aujourd’hui est toujours sur la création de nouvelles capacités d’accueil, il porte en effet encore plus essentiellement sur la rénovation de l’immobilier de loisir et sa remise en marché. Aussi, il était nécessaire de réorienter le Censi-Bouvard vers cet objectif. Toutefois, si ce nouveau ciblage est positif, il n’a qu’une attractivité limitée, au regard du niveau de l’avantage fiscal qui en découle aujourd’hui, après les différents plafonnements et abaissements progressifs qu’il a subis, surtout si on le compare à d’autres dispositifs incitatifs dans l’investissement immobilier comme le Pinel. Les contraintes sont telles sur la mesure que l’on a le sentiment d’organiser la pénurie de la demande, et donc l’échec de l’atteinte de son objectif : la réhabilitation.

Or, alors que les contraintes réglementaires ne cessent de peser davantage, d’année en année, sur la construction de nouveaux projets d’immobiliers de loisir, la rénovation des résidences de tourisme et leur mise en marché doit être l’une des priorités s’il s’agit de consolider et de renforcer notre capacité d’accueil. La Rapporteure spéciale a donc déposé un amendement en ce sens.

Elle estime en effet que l’État doit aller encore plus loin pour massifier la rénovation de ces résidences car le « diffus particulier » est un frein, comme l’a très bien exprimé Mme Gabrielle Gauthey, directrice des investissements et du développement local au sein de la Caisse des dépôts. Des exploitants sont prêts à reprendre ces résidences, à la condition d’obtenir un effet volume sur l’acquisition, la rénovation et la remise sur le marché.

En juillet dernier, dans son communiqué de presse faisant suite au conseil interministériel du tourisme, le Gouvernement annonçait la préparation d’un plan d’investissement dans les stations balnéaires et de montagne : « Pour lutter contre la dévitalisation des stations touristiques liées à l’insuffisance ou à la vétusté de l’offre de services et du patrimoine de logements d’accueil, un dispositif incitatif sera recherché pour permettre aux copropriétaires de rénover leurs résidences et de favoriser la montée en gamme nécessaire de l’offre de logements d’accueil pour rester dans la compétition touristique internationale. Les copropriétés qui échoueraient à saisir cette opportunité et dont la carence d’action serait avérée pourraient faire l’objet d’une opération d’aménagement avec une déclaration d’utilité publique permettant d’engager la rénovation à la demande du maire de la commune concernée. Une expérimentation sera lancée cette année avant une possible extension en 2018. »

Finalement, à l’issue du conseil de pilotage du 10 octobre dernier, le Gouvernement a annoncé constituer une mission d’information « pour identifier les propositions concrètes et opérationnelles qui permettront de faciliter la rénovation du parc privé d’hébergements touristiques, notamment dans les stations littorales et de montagne ».

La Rapporteure spéciale espère vivement que cette mission sera très rapidement suivie de prises de mesures concrètes car le besoin est grand pour les territoires.

En montagne, les enjeux de l’immobilier de tourisme sont les suivants :

– 123 699 emplois en montagne dépendent du tourisme ;

– 75 % des résidences secondaires et des locations meublées en montagne ont été construites avant 1990 ;

– 30 à 40 % des lits touristiques en montagne sont des lits froids, c’est-à-dire des lits occupés moins de quatre semaines par an ;

– 1,5 à 3 % des lits touristiques en montagne deviennent des lits froids chaque année.

B.   plus globalement, il est indispensable de prÉserver les capacitÉs d’investissement des communes touristiques

La Rapporteure spéciale rejoint les préoccupations de l’Association nationale des élus de montagne (ANEM) sur la nécessité de préserver la capacité d’investissement des communes touristiques de montagne.

L’article 2 de l’acte II de la loi dite « Montagne » (loi n° 2016-1888 du
28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne) a reconnu, pour la première fois dans une loi, la spécificité de la montagne dans le calcul du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) et de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Cette reconnaissance légale de la spécificité montagne est une grande avancée.

Il faut à présent qu’elle se traduise de façon concrète dans les règles de calcul du FPIC et de la DGF. Actuellement en effet, le surdimensionnement et les charges spécifiques qui découlent de la fréquentation touristique entraînent d’importants surcoûts pour les collectivités, qui ne sont pas pris en compte dans le calcul de leurs contributions au FPIC ni dans le calcul de la DGF.

L’augmentation progressive du FPIC, de 150 millions d’euros en 2012 à 1 milliard en 2017, asphyxie les communes touristiques de montagne qui sont soumises, en parallèle, à la baisse drastique de la DGF. Elles subissent donc la double peine.

Il apparaît donc nécessaire, d’une part, d’intégrer les charges d’investissement dans le calcul du FPIC, et d’autre part, d’introduire un angle montagne dans la DGF. Il conviendrait également de compenser financièrement la disparition de la dotation touristique.

V.   le fonds « tourisme social investissement », dédié au financement de la rénovation des établissements du tourisme social

Le Fonds « Tourisme Social Investissement » (TSI) est un fonds d’investissement dédié au financement de la rénovation des établissements du tourisme social. Créé en 2009 par le secrétaire d’État chargé du tourisme,
M. Hervé Novelli, ce fonds réunit la Caisse des dépôts, l’Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV), l’Ircantec et le Crédit coopératif. Il vise à maintenir, sur la durée, un parc significatif de lits s’inscrivant dans le cadre du tourisme social susceptible d’accueillir les populations à revenus intermédiaires et les populations fragilisées dans un cadre de mixité sociale.

Le Fonds TSI vise une capitalisation en première tranche de 75 millions d’euros avec les contributions de l’ANCV et la CDC (25 millions d’euros chacun), de l’Ircantec (22,5 millions d’euros) et du Crédit coopératif (2,5 millions d’euros), soit la possibilité de traiter entre 200 et 400 millions d’euros d’opérations selon les effets levier sur les fonds propres et la dette.

Il a vocation à apporter des capitaux propres à des sociétés immobilières portant le patrimoine d’acteurs du tourisme social dans le cadre d’une dissociation de la propriété et de la gestion de ce patrimoine. Ces apports en capitaux propres doivent favoriser, à travers un effet de levier, l’obtention de crédits bancaires par les structures bénéficiaires, pour des opérations de réhabilitation et / ou d’extension de leur patrimoine immobilier.

À ce jour, 5 dossiers ont été validés par le conseil d’administration du fonds, pour un montant de 14,5 millions d’euros, et 17 dossiers sont à l’étude.

En outre, l’ANCV finance directement des aides à la rénovation de certaines structures. Ainsi, en 2016, 1,3 million d’euros ont été attribués à
13 équipements du tourisme social.

La Rapporteure spéciale considère qu’il est indispensable d’aider le secteur du tourisme social afin de permettre au plus grand nombre de nos concitoyens de partir en vacances. L’Agence joue un rôle crucial qu’il convient de pérenniser car elle contribue aux politiques publiques en faveur de la cohésion nationale et de la lutte contre les exclusions.

Focus sur le modèle économique de l’ANCV et ses enjeux pour 2018

Créés en 1982, le chèque-vacances et l’ANCV traduisaient dès l’origine un engagement social – réduire les inégalités devant le droit aux vacances en donnant au plus grand nombre les moyens du départ – et économique : contribuer au développement de l’économie touristique nationale. Pour accomplir ces missions, l’État et l’Agence ont créé un dispositif, le chèque-vacances, et un modèle économique circulaire et solidaire original.

Le chèque-vacances est un titre nominatif qui permet à ses bénéficiaires de se constituer un budget dédié aux vacances grâce à une participation financière de la structure qui les leur attribue. Les chèques-vacances sont attribués sur la base de critères sociaux par les employeurs privés, les comités d’entreprise et organismes sociaux à leurs ayants droit : salariés, agents de la fonction publique, bénéficiaires d’organismes sociaux. Depuis 2015, les travailleurs non salariés et les salariés des particuliers employeurs peuvent également en bénéficier. La participation financière de la structure qui les attribue fait l’objet d’une exonération partielle de charges.

Les chèques-vacances peuvent être utilisés pour régler des prestations de vacances, d’hébergement, de transport, de restauration et de loisirs chez les prestataires de tourisme conventionnés (190 000 professionnels conventionnés en 2016 soit 208 000 points de contact). Ainsi, en 2016, 1,6 milliard d’euros de chèques-vacances ont été émis, profitant à 4,28 millions de bénéficiaires (soit 10 millions avec leurs familles).

Les coûts de gestion du chèque-vacances sont couverts par une commission de 2 %, répartie à égalité entre les professionnels conventionnés (1 %) et les organismes qui les achètent pour les attribuer (1 %).

Les excédents de gestion et les chèques perdus ou périmés sont entièrement réinjectés sous forme de subventions, dans une logique de solidarité, dans les politiques publiques de cohésion sociale et l’économie touristique, dans le cadre de programmes d’action sociale (aides à la personne et aides à la pierre). L’ANCV dispose ainsi d’un modèle économique qui ne pèse pas sur le budget de l’État, ce qui mérite d’être souligné.

Jusqu’en 2016, des produits financiers venaient compléter les fonds dédiés à ce programme d’intervention, via les intérêts de trésorerie de l’Agence à hauteur de 12 millions d’euros. Dans le cadre de la centralisation des fonds de l’Agence au Trésor, celle-ci perd une grande partie de sa capacité d’action sociale.

La Rapporteure spéciale interpelle le Gouvernement sur la nécessité de maintenir l’équilibre d’un système dont l’impact est immense tant sur l’économie touristique française que sur les politiques sociales nationales.


   troisième partie : les efforts d’équité de traitement entre acteurs en matière de fiscalité sur l’hébergement doivent être poursuivis

I.   la taxe de séjour

A.   la taxe de séjour a été profondément réformée en 2015

L’article 67 de la loi de finances pour 2015 et son décret d’application du 31 juillet 2015 relatif à la taxe de séjour et à la taxe de séjour forfaitaire ont profondément réformé le dispositif de la taxe de séjour. Cette réforme a globalement permis d’augmenter le rendement du produit collecté et d’améliorer l’équité de traitement entre les différentes natures d’hébergement.

En outre, la loi de finances pour 2016, la loi de finances rectificative pour 2016 et la loi pour une République numérique ont réajusté le dispositif de la collecte en ciblant prioritairement les opérateurs en ligne. En effet, depuis la réforme introduite par la loi de finances pour 2015, les professionnels qui, par voie électronique, assurent un service de réservation, de location ou de mise en relation d’un hébergement, peuvent collecter la taxe de séjour pour le compte de l’hébergeur. Cette faculté de « percepteur pour le compte d’autrui » n’est effective que si les sites intermédiaires opèrent eux-mêmes une transaction financière au moment de la réservation. En outre, cette collecte n’est possible que sous le régime d’une taxation au réel.

En 2016, la sous-direction du tourisme de la DGE estime un recouvrement global de la taxe de séjour en France métropolitaine entre
310 et 330 millions d’euros soit un apport supplémentaire de l’ordre de 50 à
70 millions d’euros par rapport aux gains estimés avant la réforme (258 millions d’euros en 2014).

B.   premier bilan des mesures instituées en 2016

1.   Des outils supports visant à rendre les données locales facilement accessibles ont été mis en place mais devraient être complétés

La Direction générale des finances publiques (DGFIP) a développé un moteur de recherche consultable depuis le mois d’avril 2016 sur le site du ministère en charge du budget. Il recense l’ensemble des délibérations des collectivités ayant institué la taxe de séjour. Cet outil a pour objet de renseigner les opérateurs en ligne des tarifs applicables et des périodes de perception des communes collectrices.

En parallèle, la DGFIP a développé une application dédiée à la taxe de séjour, qui permet aux communes ou aux groupements de communes d’insérer directement les données relatives à la taxe de séjour. Cette application, nommée OCSITAN (Ouverture aux Collectivités locales d’un Système d’Information des Taxes Annexes) est accessible sur le site www.impots.gouv.fr. Elle permet, d’une part, de concentrer les données nécessaires pour les plateformes internet sans avoir à parcourir les délibérations et, d’autre part, de disposer de données fiables à l’échelle nationale.

2.   Un élargissement de la collecte par la plateforme Airbnb

La collecte de la taxe de séjour par les plateformes numériques de location est facultative. Elle ne concerne que les plateformes qui participent à la transaction financière (ce qui n’est pas le cas, par exemple, du site Le Bon Coin). La montée en régime de cette collecte par les plateformes numériques est progressive.

La plateforme de location Airbnb a collecté la taxe de séjour pour le compte de ses clients dès 2015 à Paris et à Chamonix. Le montant de la taxe de séjour versé au titre de l’année 2016 par Airbnb à la mairie de Paris s’élève à 5,5 millions d’euros, soit environ 6 % des recettes globales perçues au titre de la taxe de séjour à Paris (80 millions d’euros).

Depuis le 1er août 2016, la plateforme Airbnb a élargi la collecte à 17 villes, lesquelles représentaient, en 2015, 50 % des séjours réservés en France sur cette plateforme. Il s’agit des villes d’Ajaccio, Annecy, Antibes, Avignon, Biarritz, Bordeaux, Cannes, La Rochelle, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Saint-Malo, Strasbourg et Toulouse.

Depuis le 1er mai 2017, Airbnb a instauré la collecte dans 31 communes supplémentaires : Aime-La-Plagne, Aix-en-Provence, Angers, Arcachon, Arles, Boulogne-Billancourt, Bourg-Saint-Maurice, Brest, Clermont-Ferrand, Colmar, Deauville, Dijon, Grasse, Grenoble, Huez, La Baule-Escoublac, Lacanau, Le Mans, Les Allues, Les Belleville, Les Deux Alpes, Megève, Morzine-Avoriaz, Nîmes, Perpignan, Rennes, Saint-Bon-Tarentaise, Saint-Lary, Tignes, Val-d’Isère et Versailles. Le versement de la taxe de séjour au comptable local en ce qui concerne les plateformes numériques doit s’effectuer au plus tard le 1er février de l’année suivant la période de perception. Dès lors, les recettes collectées au titre de l’année 2017 ne seront connues qu’en début d’année 2018.

En ce qui concerne les autres plateformes, Abritel et Homelidays prévoyaient de s’inscrire dans la démarche de collecte de la taxe de séjour à compter du 1er janvier 2017.

 

3.   Un renforcement de la traçabilité des hébergeurs particuliers

La loi pour une République numérique a prévu, pour les communes ayant mis en place une autorisation de changement d’usage (transformation d’un logement d’habitation en local professionnel), la possibilité d’attribuer des numéros d’enregistrement aux meublés de tourisme, qu’il s’agisse de la location d’une résidence principale ou secondaire. Ce numéro doit obligatoirement être publié par la plateforme dans les annonces de location. Il a pour effet de renforcer la connaissance du marché des hébergements collaboratifs et de veiller, ainsi, au respect des règles applicables, notamment du versement de la taxe de séjour.

4.   Une augmentation du nombre de communes collectrices

Le transfert obligatoire de la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme » aux EPCI à fiscalité propre en lieu et place des communes membres, le 1er janvier 2017, a eu fréquemment pour effet d’étendre la collecte de la taxe de séjour à l’ensemble des communes membres. Il en résulte une augmentation des communes collectrices générant, ainsi, une augmentation des recettes. À titre d’exemple, Toulouse a élargi la collecte de la taxe de séjour aux 37 communes de la métropole au lieu de 5 auparavant.

C.   des Réajustements sont envisageables au regard des difficultés rencontrées

Si la réforme de la taxe de séjour de 2015 et les mesures prises en 2016 ont permis d’augmenter les ressources des collectivités et d’améliorer l’équité de traitement entre les différentes natures d’hébergement, la Rapporteure spéciale estime que certaines mesures paraissaient encore perfectibles. Il pourrait en effet être envisagé de corriger certains défauts.

Il faudrait en premier lieu que l’administration fiscale puisse renseigner les collectivités sur le versement de la taxe de séjour par les propriétaires déclarant des revenus locatifs pour meublés de tourisme.

1.   Les biais provoqués par la taxe forfaitaire

La réforme votée en 2015 dote les collectivités d’une plus grande flexibilité quant au choix des abattements applicables pour le calcul de la taxe de séjour forfaitaire.

Le taux d’abattement se choisit sur un éventail plus large (de 10 % à 50 % au lieu de 20 % à 40 %) et dépend du conseil municipal ou de l’organe délibérant alors qu’il était précédemment règlementé dans le code du tourisme selon l’ouverture de l’établissement. Cette liberté de choix peut s’avérer, dans certains cas, préjudiciable pour l’hébergeur lorsque le taux d’abattement adopté ne reflète pas le taux d’occupation réel de l’établissement.

En effet, la taxe de séjour au forfait est collectée selon une estimation du taux d’occupation de l’hébergement touristique fixé en fonction des jours d’ouverture de l’établissement dans la période de perception. Ce taux se calcule donc indépendamment de la fréquentation réelle de l’établissement. Un taux d’abattement de 30 % revient à estimer le taux d’occupation de l’hébergement à hauteur de 70 %. L’écart entre le taux d’occupation réel de l’établissement et le taux d’abattement adopté par le conseil municipal peut générer des iniquités de traitements substantielles entre les hébergements.

2.   La désincitation au classement

Les tarifs applicables s’effectuent selon la nature et la catégorie de l’hébergement (niveau de classement). Le tarif s’élevant proportionnellement au niveau de classement, certains hébergeurs refusent de s’inscrire dans une démarche de classement dans le but de diminuer le montant de la taxe de séjour à reverser. À cette fin, des hébergeurs ont sollicité le déclassement de leur établissement. Pourtant, le classement s’avère un moyen de garantir aux clients une qualité de service et de confort, notamment auprès des touristes étrangers. Dès lors, il conviendrait d’instituer un dispositif incitatif destiné à relancer la démarche du classement.

3.   Un barème inadapté pour les hébergements insolites

Depuis quelques années, des hébergements insolites se sont développés (cabanes dans les arbres, roulottes, yourtes, etc.). Ces nouveaux types d’hébergement, très diversifiés, ne peuvent être mentionnés de façon exhaustive dans le code du tourisme. Ils ne figurent donc pas dans le barème de la taxe de séjour et les collectivités ne savent donc pas quel est le tarif applicable.

II.   L’état doit poursuivre le rééquilibrage de la concurrence entre hôtellerie et location entre particuliers

A.   la situation en 2016 de la location de vacances entre particuliers

Parallèlement à l’offre professionnelle d’hébergements (hôtels, résidences de tourisme, terrains de camping), s’est développé au cours des dernières années le secteur de l’hébergement par les particuliers. Ce secteur assez hétérogène rassemble à la fois des loueurs en meublés, en chambres d’hôtes (hébergement marchand) et des personnes échangeant gratuitement leur résidence principale.


Le segment des meublés compterait environ 800 000 maisons ou appartements, dont 150 000 qui seraient classés. Les estimations statistiques du secteur sont toutefois assez malaisées en raison du caractère diffus de ces hébergements et de l’absence de fédération professionnelle qui pourrait centraliser des données. Ce type d’hébergement a de tout temps été fréquent en zone rurale, du fait de l’absence ou de l’insuffisance d’infrastructures hôtelières. Par ailleurs, l’activité de loueur en meublé ou de chambre d’hôtes a pu apporter un complément de revenu à différentes catégories d’acteurs (agriculteurs, retraités, etc.).

La nouveauté vient de la visibilité accrue de ce type d’offres avec l’apparition des plateformes de mise en relations, qu’elles soient spécialisées (ex : Airbnb) ou généralistes (ex : Le Bon Coin). Cette visibilité accrue a pu inciter également nombre de particuliers à mettre leur résidence principale en location touristique. Ce dernier phénomène, encore marginal il y a seulement deux ou trois, a pris une certaine ampleur, puisqu’on estime par exemple à environ 65 000 les offres de particuliers à Paris sur le seul site Airbnb. C’est la raison pour laquelle, sous l’influence notamment des villes concernées par cette progression des locations de courte durée à des fins touristiques, le Gouvernement sous le précédent quinquennat a fait évoluer la réglementation pour mieux encadrer ce phénomène.

B.   les mesures en cours en faveur d’un rééquilibrage

Un certain nombre de mesures en faveur d’un rééquilibrage de la concurrence entre les hôteliers et les particuliers doivent être prises ; certaines sont en cours de validation. La Rapporteure spéciale insiste sur la nécessité de les publier dans un bref délai, afin que la loi votée soit appliquée au plus tôt.

Deux décrets concernent l’application de l’article 51 de la loi pour une République numérique (LRN), qui prévoit un enregistrement des résidences principales offertes à la location dans les communes de plus de 200 000 habitants (en cas de tensions sur le marché du logement).

Un décret simple précise les informations exigées pour la déclaration préalable auprès de la commune de toute location pour de courtes durées d’un local meublé. Le texte a été pris et publié au Journal officiel du 30 avril dernier.

Un décret en Conseil d’État concerne les modalités de contrôle et de sanction aux manquements aux obligations liées à la mise en location d’un local meublé. Un projet de décret a été préparé.

Trois projets de décrets en application des articles 49, 50 et 52 de la loi pour une République numérique concernent la loyauté des plateformes et l’information des consommateurs. Ces projets de textes ont été signés par
M. Bruno Le Maire et M. Mounir Mahjoubi et se trouvent actuellement au Secrétariat général du Gouvernement :

– un projet de décret relatif aux obligations d’information des opérateurs de plateformes numériques. Il détermine le contenu et les modalités des dispositions du code de la consommation, telles qu’amendées par la loi République numérique, imposant à tout opérateur de plateforme en ligne (donc pas seulement en matière d’hébergement) une obligation d’information loyale, claire et transparente sur les conditions de référencement et de classement des contenus auxquels il permet d’accéder. Y figure l’obligation de préciser si l’offreur est un professionnel ;

– un projet de décret relatif à la fixation d’un seuil de connexions à partir duquel les opérateurs de plateformes en ligne élaborent et diffusent des bonnes pratiques pour renforcer la loyauté. Le seuil est fixé à 5 millions de visiteurs uniques par mois, par plateforme, calculé sur la base de la dernière année civile ;

– un projet de décret relatif aux obligations d’information relatives aux avis en ligne de consommateurs. Ce décret définit la notion d’avis en ligne et détermine le contenu et les modalités d’application de l’obligation d’une information loyale, claire et transparente.

 

 


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   Examen en commission

 

Après l’audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères et de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, (voir le compte rendu de la commission élargie du 26 octobre 2017 à 15 heures ([2])), la commission examine les crédits de la mission Action extérieure de l’État.

 

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale pour les crédits du Tourisme, ayant indiqué qu’elle s’abstenait et suivant l’avis favorable de M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial pour la mission Action extérieure de l’État, la commission adopte les crédits de la mission Action extérieure de l’État.

 

 

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*     *

 

 

 


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   Personnes auditionnées par la rapporteure spéciale

(par ordre chronologique)

 

 

Alliance 46.2 

 M. Frédéric Pierret, Président

Union des Métiers de l’Industrie Hôtelière (UMIH)

– M. Roland Héguy, Président de l’UMIH et de la Confédération des acteurs du tourisme

 M. Jean-Luc Michaud, Président exécutif de l’Institut français du tourisme (IFT)

 M. Matthieu Rosy, Directeur général de l’Union française des métiers de l’événement (UNIMEV)

 Mme Gaëlle Missonier, Directrice de la communication et des relations institutionnelles

CCI France*

 M. Jérôme Pardigon, Directeur des relations institutionnelles

 M. Laurent Andureu, Chargé de mission Tourisme

Direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’économie et des finances

 M. Nicolas Lermant, Directeur du service Tourisme, Commerce et Artisanat

 Mme Emma Delfau, Sous-directrice Tourisme

 M. Olivier Lacoste, Adjoint à la sous-directrice

Association nationale des élus de montagne (ANEM)

 Mme Marie-Noëlle Battistel, Présidente

 Mme Annie Genevard, Secrétaire générale

 M. Pierre Bretel, Délégué général

 Mme Laure Lachaise, Chargée de mission

Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV)

 M. Frédéric Vigouroux, Président du conseil d’administration

 M. Philippe Laval, Directeur général

 Mme Laurence Dermenonville, Directrice déléguée


Direction des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme au ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE)

 M. Martin Juillard, Directeur-adjoint des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme

 M. Clément Laloux, Chef de mission – Mission de la promotion du tourisme

 M. Antony Demel, Conseiller politique en administration centrale « politique du tourisme, promotion et communication, Atout France » – Mission de la promotion du tourisme

 M. Maxence Brischoux, Conseiller tourisme au sein du cabinet de M. JeanBaptiste Lemoyne, secrétaire d’État

Alliance du commerce

 M. Claude Boulle, Président exécutif de l’Alliance du commerce

 M. Éric Giuily, Président du cabinet CLAI

 M. Jean-François Campoli, directeur du développement des relations extérieures des Galeries Lafayette

 Mme Mélanie Pauli-Geysse, chef de projet RSE au Printemps

Bpifrance

 M. Serge Mesguich, Directeur du Fonds France Investissement Tourisme

 M. Benjamin Legourd, Responsable au sein de la direction de la stratégie et du développement

 M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, Responsable des relations institutionnelles

Direction des investissements et du développement local de la Caisse des dépôts et consignations (CDC)

 Mme Gabrielle Gauthey, Directrice des investissements et du développement local

 M. Christophe des Roseaux, Directeur des investissements Tourisme, Loisirs et Culture

 Mme Brigitte Laurent, Directrice des relations institutionnelles

Atout France

 M. Christian Mantei, Directeur général

 Mme Veruschka Becquart, Chef de mission des projets transversaux

 

 

La Rapporteure spéciale remercie les personnes auditionnées pour l’éclairage qu’elles lui ont apporté.

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1])  Étaient éligibles les résidences étudiantes, les résidences de tourisme classées, les résidences d’affaires et les résidences de santé publique.

([2]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/commissions_elargies/