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N° 316

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2017.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2018,

 

 

 

Par MOlivier VÉRAN,

 

Rapporteur général.

 

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

 Assemblée nationale :  269.

 

 

 


 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

Principaux amendements adoptés par la Commission

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DES MINISTRES

EXAMEN DES ARTICLES

Première partie : dispositions relatives à lexercice 2016

Article 1er Approbation des tableaux déquilibre relatifs à lexercice 2016

Article 2 Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de lexercice 2016 (annexe A)

deuxième partie : dispositions relatives à lexercice 2017

Article 3 Rectification des dotations 2017 des branches maladie et AT-MP et prélèvement sur recettes du Fonds CMU

Article 4 Rationalisation de la C3S et suppression de la C4S

Article 5 Rectification des prévisions et objectifs relatifs à 2017

Article 6 Rectification de lONDAM et des sous-ONDAM pour 2017

Troisième partie : dispositions relatives aux recettes et à léquilibre financier de la sécurité sociale pour lexercice 2018

Titre Ier Dispositions relatives aux recettes, au recouvrement et à la trésorerie

Chapitre Ier Mesures relatives au pouvoir dachat des actifs

Avant l’article 7

Article 7 Mesures de pouvoir dachat en faveur des actifs

Après l’article 7

Chapitre II Mesures en faveur de lemploi et des entrepreneurs

Article 8 Transformation du CICE et du CITS en baisse pérenne de cotisations sociales pour les employeurs

Après l’article 8

Article additionnel après l’article 8 Prolongation des conditions d’assujettissement du congé de fin d’activité des conducteurs routiers au forfait social

Article 9 Exonération généralisée de cotisations sociales pour les créateurs ou repreneurs dentreprises

Article 10 Allégement des démarches des petits déclarants en poursuivant la modernisation des titres simplifiés

Article 11 Suppression du régime social des indépendants et modification des règles daffiliation à la CNAVPL

Après larticle 11

Chapitre III Dispositions relatives à la fiscalité comportementale

Article 12 Augmentation des droits de consommation applicables au tabac et engagement du rattrapage de la fiscalité applicable en Corse

Article 13 Verdissement de la taxe sur les véhicules de société

Après larticle 13

Article additionnel après l’article 13 Instauration d’une taxe comportementale sur les boissons sucrées

Après l’article 13

Chapitre IV Dispositions relatives aux recettes de la branche maladie

Article 14 Fixation des taux « Lv » et « Lh » pour 2018 et précisions sur les conditions dapplication de la clause de sauvegarde

Après larticle 14

Article 15 Prorogation et augmentation de la participation des organismes complémentaires au financement des rémunérations alternatives au paiement à lacte

Chapitre V Dispositions relatives à la modernisation de la branche recouvrement

Article 16 Modernisation du recouvrement des cotisations sociales des artistes auteurs

Article 17 Centralisation de la passation des marchés de services bancaires  du régime général

Titre II Conditions générales de léquilibre financier de la sécurité sociale

Article 18 Transferts entre branches et régimes de la sécurité sociale

Article 19 Approbation du montant de la compensation des exonérations mentionnées à lannexe 5

Article 20 Approbation du tableau déquilibre de lensemble des régimes obligatoires pour 2018

Article 21 Tableau déquilibre du régime général

Article 22 Approbation des recettes (état C) et du tableau déquilibre du FSV, de lobjectif damortissement de la dette sociale et prévisions sur les recettes du FRR et la section 2 du FSV

Article 23 Habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à lemprunt

Article 24 Approbation du rapport sur lévolution pluriannuelle du financement de la sécurité sociale (annexe B)

Quatrième partie : Dispositions relatives aux dépenses pour lexercice 2018

Titre Ier Dispositions relatives à la branche famille

Article 25 Majoration du montant maximum du complément de mode de garde pour les familles monoparentales

Article 26 Harmonisation des barèmes et des plafonds de la PAJE et du complément familial

Après larticle 26

Article 27 Objectif de dépenses de la branche famille

Après larticle 27

titre ii dispositions relatives à lassurance vieillesse

Article 28 Revalorisation de lallocation de solidarité aux personnes âgées

Après larticle 28

Article 29 Harmonisation des dates de revalorisation des pensions de retraite de base et de lASPA

Article 30 Objectifs de dépenses de la branche vieillesse

TITRE III dispositions relatives à la branche accidents du travail maladies professionnelles

Article 31 Indemnisation des victimes de maladies professionnelles à la date de la première constatation médicale

Après larticle 31

Article additionnel après larticle 31 Clarification des obligations de lemployeur en cas de contestation, par celui-ci, du caractère professionnel dun accident du travail

Après larticle 31

Article 32 Dotations au FIVA, au FCAATA et transfert au titre de la sous-déclaration AT-MP

Article 33 Objectifs de dépense de la branche AT-MP

titre iv Dispositions relatives à la branche maladie

Chapitre 1er Dispositions relatives à la prévention

Article 34 Vaccination obligatoire des enfants

Après larticle 34

Chapitre II Promouvoir linnovation en santé

Article 35 Innovation du système de santé

Article 36 Prise en charge de la télémédecine

Après l’article 36

Article 37 Modification des conditions dinscription des actes à la nomenclature

Article 38 Adaptation des conditions de prise en charge des produits hospitaliers – liste en sus

Après l’article 38

Chapitre III Accroître la pertinence et la qualité des soins

Article 39 Renforcer lefficience et la pertinence des prescriptions hospitalières

Article 40 Amélioration de la pertinence de lutilisation des produits de santé

Article 41 Renforcer la régulation du secteur des dispositifs médicaux

Après l’article 41

Article 42 Uniformisation et renforcement du mécanisme de demande dautorisation préalable

Après l’article 42

Article 43 Extension de la mise sous objectifs et la mise sous accord préalable à tous les prescripteurs

Chapitre IV Moderniser le financement du système de santé

Article 44 Report de certaines dispositions du règlement arbitral dentaire

Après l’article 44

Article additionnel après l'article 44 Rapport sur l’accès financier aux soins des personnes en situation de handicap et de précarité

Article additionnel après l'article 44 Rapport sur la mise œuvre de l’intégration du dispositif d’aide médicale d’État dans l’assurance maladie et l’accès à une complémentaire santé pour les personnes en situation précaire

Après l’article 44

Article 45 Déploiement de la facturation individuelle des établissements de santé pour les prestations hospitalières facturables à lassurance maladie obligatoire autres que les actes et consultations externes

Article 46 Suppression de la dégressivité tarifaire

Article 47 Report de lentrée en vigueur de lintégration des dépenses de transports inter-établissements dans le budget des établissements de santé

Article 48 Déploiement de la réforme du financement des activités de soins de suite et de réadaptation

Après l’article 48

Article 49 Évolution des compétences financières des Agences régionales de santé (ARS)

Après l’article 49

Article 50 Mesure defficience et dadaptation de loffre aux besoins du secteur médico-social

Article 51 Transfert des missions de lAgence nationale de lévaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) à la Haute Autorité de santé (HAS)

Après l’article 51

Article 52 Dotation de lassurance-maladie au FMESSP, à lONIAM, et de la CNSA aux ARS

Chapitre V Dispositions relatives aux dépenses de la branche maladie

Article 53 Objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès

Article 54 ONDAM et sous-ONDAM

titre v dispositions relatives aux organismes concourant au financement des régimes obligatoires

Article 55 Prévisions des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires (FSV)

Titre VI Dispositions communes aux différentes branches

Article 56 Mise en place dune convention dobjectifs et de gestion (COG)

Article 57 Renforcement des dispositifs de lutte contre la fraude

annexes :

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur général

Contributions DES GROUPES POLITIQUES AU RAPPORT (article 86 alinéa 3 du règlement)

Liste des textes susceptibles dêtre abrogés ou modifiés à loccasion de lexamen du projet de loi

liste des liens vidéo relatifs à lexamen du projet de loi


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   Avant-propos

Le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de cette législature concrétise sans attendre le projet social approuvé par les Français lors des campagnes présidentielle et législative du printemps 2017.

Les mesures fortes portées dans le champ de la sécurité sociale y trouvent une traduction concrète, que ce soit en matière de pouvoir d’achat, de coût du travail, de prévention sanitaire ou de soutien aux publics les plus fragiles. Ce texte est donc avant tout celui des engagements tenus.

Les 57 articles qu’il contient s’articulent autour d’un triptyque « libérer, protéger et innover », constituant le cap de cette majorité pour les cinq années à venir.

● Libérer, c’est d’abord permettre à nos concitoyens de mieux vivre de leur travail. C’est là tout l’objectif de l’article 7 de ce PLFSS, qui prévoit un allègement massif de cotisations salariales (près de 18 milliards d’euros). La cotisation d’assurance maladie (0,75 % du salaire brut) sera supprimée dès le 1er janvier 2018 ; la cotisation d’assurance chômage (2,4 % de la même assiette) le sera en deux temps, en janvier (– 1,45 point) puis en octobre (– 0,95 point). Le gain annuel de pouvoir d’achat pour un salarié rémunéré au SMIC sera significatif (263 euros) ; il s’élèvera à 526 euros pour un foyer percevant un revenu de 2 SMIC.

Cette relance du pouvoir d’achat sera financée par une augmentation de 1,7 point des taux de la contribution sociale généralisée (CSG), qui pèse sur l’ensemble des revenus et pas uniquement sur ceux du travail. Ainsi, les titulaires de revenus du capital et de pensions de retraite contribueront davantage au financement de notre sécurité sociale, qui sera ainsi plus juste. Les retraités les plus modestes, qui bénéficient actuellement d’un taux réduit ou nul de CSG, ne subiront aucune hausse ; pour les autres retraités, la réduction de la taxe d’habitation prévue par le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 pourra permettre de compenser la hausse de CSG, jusqu’à des niveaux de pension mensuelle nette de 2 500 euros. Les travailleurs indépendants, qui ne sont pas assujettis à la cotisation chômage, bénéficieront de réductions supplémentaires de leurs cotisations maladie et famille, permettant de compenser intégralement l’augmentation de la CSG et, pour les 75 % les plus modestes, de gagner en pouvoir d’achat. La compensation de l’augmentation de CSG sera également assurée pour les fonctionnaires, bien qu’ils ne soient assujettis ni à la cotisation maladie ni à la cotisation chômage. Cette compensation est pour partie prévue en PLF, via la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité ; les négociations engagées par le Gouvernement avec les organisations syndicales permettront de compléter cette mesure, dans le souci de justice sociale qui guide notre action.

Libérer, c’est également alléger le coût du travail pour les employeurs, afin de soutenir la compétitivité de nos entreprises et de créer de l’emploi. Le PLF supprime à compter de 2019 un dispositif utile mais perfectible, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Assis sur les salaires bruts compris entre 1 et 2,5 SMIC, au taux actuel de 7 %, le CICE allège notablement le coût du travail, mais avec au moins une année de décalage, résultant de la mécanique de l’impôt sur les bénéfices. L’article 8 de ce PLFSS remplace le CICE par deux mécanismes d’allègement des charges patronales : une réduction de 6 points de la cotisation maladie, sur la même assiette que le CICE ; un renforcement de l’allègement général de charges patronales, maximal à 1 SMIC et dégressif jusqu’à 1,6 SMIC, niveau auquel il s’annule. Le niveau des cotisations de sécurité sociale étant déjà très faible au niveau du SMIC, le renforcement de l’allègement général appelle une réduction des cotisations patronales d’assurance chômage et de retraite complémentaire obligatoire ; au final, les charges au niveau du SMIC seront allégées de près de 10 points, et deviendront ainsi quasi-nulles. Avec ce dispositif d’allègement pérenne, plus simple et plus immédiat que le CICE, le Gouvernement et la majorité donnent aux employeurs, y compris ceux du secteur non lucratif, un outil précieux de soutien à leur activité. Ce soutien sera massif en 2019, année au cours de laquelle les nouveaux allègements de charges se combineront au CICE acquis au titre des années antérieures, notamment de 2018.

Par ailleurs, conformément aux engagements du Président de la République, le régime social des indépendants (RSI) sera supprimé pour être adossé au régime général à compter du 1er janvier 2018. Cette réforme d’ampleur, l’une des plus importantes dans l’organisation de la sécurité sociale depuis sa création, est justifiée tant par les nombreux dysfonctionnements du RSI que par l’évolution des parcours professionnels, caractérisés par des allers-retours plus fréquents entre activité salariale et indépendante. Les particularités de la protection sociale des travailleurs indépendants seront toutefois maintenues, en particulier l’action sanitaire et sociale, le régime obligatoire de retraite complémentaire et le régime d’invalidité-décès dont ils bénéficient. Les travailleurs indépendants bénéficieront également d’une organisation et d’une gouvernance dédiées au sein du régime général. Un Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, doté d’instances régionales, sera créé à cet effet. Le projet de loi prévoit également de permettre aux travailleurs indépendants, d’acquitter leurs cotisations et contributions sociales provisionnelles sur une base mensuelle ou trimestrielle, en fonction de leur activité ou de leurs revenus mensuels ou trimestriels. Cette mesure très attendue leur permettra de payer davantage de cotisations et contributions sociales les mois de forte activité et d’en payer moins lors les périodes creuses.

Un soutien actif est en outre apporté aux créateurs ou repreneurs d’entreprise, avec l’octroi d’une « année blanche » ouverte aux entrepreneurs débutant leur activité à compter du 1er janvier 2019. Il s’agit d’une reconnaissance forte des risques encourus par les créateurs d’entreprise lors de leurs premiers mois d’activité, leur permettant de verser jusqu’à 9 000 euros de cotisations de moins chaque année.

● La protection est également un axe central de ce PLFSS, déclinée par des politiques de prévention et un soutien actif aux publics les plus fragiles.

En matière de prévention, la mise en place du paquet de cigarettes à 10 euros d’ici 2020 constitue un engagement déterminant de la majorité, dans un pays qui compte 16 millions de fumeurs et déplore chaque jour 200 morts liées au tabac, pour un coût social estimé à 122 milliards d’euros. La politique de réduction du tabagisme s’appuiera sur un ensemble de mesures complémentaires financées par le Fonds national de prévention du tabagisme, opérationnel en 2018, et s’accompagnera de moyens supplémentaires pour faire face à la contrebande et appliquer un nouveau cadre de traçabilité.

La réduction de la précarité constitue également un volet majeur du projet de loi, en particulier grâce à la revalorisation du minimum vieillesse, porté en trois ans de 803 euros à 903 euros par mois pour une personne seule et de 1 247 euros à 1 402 euros pour un couple.

Le projet de loi renforce les aides dont bénéficient les familles monoparentales, qui éprouvent des difficultés particulières à concilier vie familiale et vie professionnelle et qui sont, plus souvent que les autres, frappées par la pauvreté. Laugmentation de 30 % du montant maximal du complément au libre choix du mode de garde (CMG) facilitera le recours, pour les parents qui élèvent seuls leur(s) enfant(s), à un assistant maternel, une garde à domicile ou une micro-crèche.

Dans un contexte de résurgence d’épidémies que l’on espérait vaincues, le texte procède à l’extension de l’obligation vaccinale aux enfants de moins de deux ans à compter de l’année 2018. Le rapporteur général a souhaité que les débats soient constructifs. À cet effet, a été organisée une table ronde réunissant des interlocuteurs d’horizons divers (associatif, scientifique et institutionnel). La Commission a également procédé à l’audition du Pr Alain Fischer, président de la concertation citoyenne sur la vaccination ([1]). De ces travaux, il ressort un élément essentiel : la bataille de la couverture vaccinale se jouera essentiellement sur l’exemplarité des professions médicales et l’accompagnement de nos concitoyens. Surmonter la défiance nécessitera un intense travail de pédagogie. Les parlementaires, au contact de la population, devront y prendre leur part.

● La loi doit protéger, mais elle ne doit pas pour autant nous enfermer. C’est particulièrement le cas dans le domaine de la santé. Dans un cadre organisationnel trop figé, comment notre système de santé pourrait-il s’adapter aux défis épidémiologiques, démographiques, numériques ? Le besoin d’innovation dans le domaine n’a jamais été aussi fort. Sur le terrain, les idées nouvelles sont nombreuses, mais elles se heurtent à de multiples obstacles juridiques et financiers, et, lorsqu’elles débouchent sur un succès, rien n’est prévu pour les généraliser.

L’article 35 de ce PLFSS apporte la respiration dont notre système de santé a tant besoin. Pour favoriser la mise en place d’organisations innovantes, il permet de déroger, lorsque c’est nécessaire et de manière très encadrée, au droit existant. Ce nouveau cadre expérimental est accompagné d’un dispositif de sélection, d’appui et d’évaluation, qui fait aujourd’hui cruellement défaut, et devrait faciliter la diffusion des expérimentations réussies. Pas à pas, ces expérimentations contribueront au décloisonnement nécessaire de notre système de soins et à la mise en place d’une logique de parcours.

Ce PLFSS donne également une nouvelle impulsion à la télémédecine, dont le développement est essentiel pour lutter contre les déserts médicaux, en permettant la prise en charge de ces actes par la voie conventionnelle.

● Cette forte ambition politique appliquée à notre sécurité sociale ne pourrait toutefois jamais être menée à son terme sans la poursuite du redressement des comptes sociaux, engagé sous les deux précédentes législatures. Le retour à l’équilibre du régime général puis l’extinction de la dette sociale ne constituent plus des horizons théoriques et ouvrent des perspectives pour renforcer notre système de protection sociale.

Le sérieux que s’imposent le Gouvernement et la majorité ne se croit pas sur parole, il se démontre par les actes et par les résultats. L’ensemble de la trajectoire financière s’appuie sur des hypothèses raisonnables d’amélioration des conditions macroéconomiques avec une croissance du produit intérieur brut de 1,7 % sur l’ensemble de la période 2018-2021, et une croissance de la masse salariale qui accélérerait progressivement de + 3,1 % en 2018 à + 3,8 % en 2021, dans un premier temps grâce à la reprise de l’emploi puis grâce à une hausse des salaires. L’inflation resterait modérée sur la période (+ 1,1 % en 2018 jusqu’à + 1,8 % en 2021). Compte tenu de la reprise économique et des effets prévisibles des réformes économiques mises en place par le Gouvernement, ces hypothèses ont toutes les chances de se réaliser, offrant ainsi de nouvelles recettes aux régimes de sécurité sociale. 

Dans ces conditions, le régime général sera en excédent à partir de 2018, une première depuis 2002. Il atteindra en effet un solde positif de 1,2 milliard deuros grâce à des efforts importants en recettes comme en dépenses réalisés sur la branche maladie et la branche famille, qui verront leurs soldes respectifs saméliorer de 3,3 milliards deuros et de 1,1 milliard deuros par rapport à 2017. Lexcédent de la branche vieillesse et celui de la branche accidents du travail et maladies professionnelles seront en revanche moins élevés que lannée passée, en raison dune hausse des pensions pour lune et dune baisse des cotisations pour lautre.

Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), malgré d’une part une diminution de ses recettes liée à une nouvelle clé de répartition des prélèvements sur le capital et d’autre part la revalorisation du minimum vieillesse en 2018, verra son solde s’améliorer de 200 millions d’euros par rapport à 2017. Son déficit se réduira ensuite progressivement, jusqu’à atteindre l’équilibre en 2022.

En matière d’assurance maladie, l’effort demandé (4,5 milliards), notamment dans le champ de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM – 4,1 milliards), s’appuie autant sur la maîtrise des prix que sur la maîtrise médicalisée. Les économies sont recherchées par l’application de mesures « traditionnelles », telles la fameuse clause de sauvegarde (taux Lv/Lh), les remises sur le chiffre d’affaires ou la négociation tarifaire. Le texte ambitionne également d’améliorer la pertinence des prescriptions au travers de la certification des logiciels d’aide à la prescription et de l’encadrement du démarchage publicitaire dans le secteur des dispositifs médicaux. Cette exigence sur les dépenses de la branche maladie a pour contrepartie un ONDAM relevé et stabilisé pour les années à venir autour d’une progression de + 2,3%. Ce sont ainsi 4,5 milliards d’euros de plus qui seront dépensés en 2018 par rapport à 2017, au service de la santé des Français.

La poursuite de ces efforts du régime général et du FSV permettra à l’ensemble de retrouver l’équilibre financier à compter de l’année 2019 : excédent de 600 millions d’euros en 2019, de 4,8 milliards en 2020 et de 8,6 milliards en 2021.

Cette trajectoire d’équilibre puis d’excédents croissants permet par ailleurs d’envisager un désendettement rapide. La dette de court terme portée actuellement par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) disparaîtrait également rapidement, à l’exception des besoins de trésorerie liés à la gestion infra-annuelle. Les 139 milliards d’euros portés par la Caisse d’amortissement de la dette sociale seront amortis à horizon 2024 grâce à la hausse de ses recettes et à l’absence de reprise de nouvelles dettes, les régimes étant équilibrés.   

Loin de reposer sur une logique purement arithmétique, cette détermination à mettre fin aux déficits comme à la dette sociale répond à une conviction fondamentale du rapporteur général : chaque euro qui n’est plus versé pour payer les charges d’intérêt de cet endettement social est une nouvelle victoire pour notre système de protection sociale.

Le rapporteur général se félicite donc de ce PLFSS qui constitue le premier rendez-vous particulièrement réussi entre les promesses de sérieux et de renouvellement faites durant la campagne, et les mesures rigoureuses et concrètes proposées par le Gouvernement et la majorité pour redonner du souffle à notre protection sociale. Il en augure assurément bien d’autres.


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   Principaux amendements adoptés par la Commission

La Commission des affaires sociales a adopté 32 amendements au projet de loi, dont les principaux sont présentés ci-après.

À l’initiative du rapporteur général, la Commission a :

– inséré, après l’article 8, un article additionnel prolongeant l’assujettissement au forfait social (au taux de 20 %) des avantages versés aux conducteurs routiers dans le cadre du dispositif de congé de fin d’activité, spécifique à cette profession ;

– complété par plusieurs amendement la liste des professions qui ont vocation à demeurer affiliées au régime d’assurance vieillesse des professions libérales, aux termes de l’article 11 (diététiciens, architectes d’intérieur, experts automobiles, économistes de la construction, guides conférenciers) ;

– étendu au ministre chargé de la santé, et plus au seul ministre chargé du budget, la signature de l’arrêté de revalorisation annuelle des droits de consommation sur le tabac (article 12) ;

 substitué à la taxe existante sur les boissons sucrées, instituée à des fins de rendement, une taxation comportementale, modulée en fonction de la quantité de sucre ajoutée dans les boissons concernées (article additionnel après l’article 13) ;

– étendu la responsabilité de l’obligation vaccinale des enfants aux personnes qui en ont la tutelle, au-delà des seuls parents (article 34) ;

– complété la gouvernance du nouveau cadre d’expérimentation organisationnelle dans le secteur de la santé, prévu à l’article 35, en instituant un conseil stratégique chargé de la réflexion prospective autour de ces expérimentations, au sein duquel seront représentées toutes les parties prenantes ;

– supprimé de l’article 40 l’obligation de « visa de publicité », qui devait être octroyée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé pour les dispositifs médicaux pris en charge par l’assurance maladie.

La Commission a par ailleurs demandé au Gouvernement la remise au Parlement d’une série de rapports, à l’initiative de plusieurs commissaires, issus de divers groupes :

– rapport sur l’accès aux soins des personnes handicapées et précaires (M. Pierre Dharréville et ses collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, MM. Jean-Pierre Door et Gilles Lurton, du groupe Les Républicains ; M. Joël Aviragnet et ses collègues du groupe Nouvelle Gauche) ;

– rapport sur un éventuel financement de l’aide médicale d’État par l’assurance maladie et sur l’accès des plus précaires à une complémentaire santé (Mme  Éricka Bareigts et ses collègues du groupe Nouvelle Gauche).


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

   AUDITION DES MINISTRES

La commission des affaires sociales a procédé à laudition de Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarité et de la Santé, et M. Gérald Darmanin, ministre de lAction et des Comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 lors de sa séance du mercredi 11 octobre 2017.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l’audition de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et de M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, et la discussion générale sur ce projet de loi.

Madame la ministre, monsieur le ministre, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue au nom de la commission des affaires sociales. Il est d’usage que les ministres concernés viennent présenter le PLFSS le jour même de son dépôt, et je vous remercie de vous être conformés à cet usage.

Je me félicite de la qualité des échanges qui ont précédé ce PLFSS : nous avons trouvé auprès des ministres, de leurs cabinets et des services, une qualité d’écoute et une réactivité dans les réponses qui n’ont pas toujours été de mise les années antérieures. Elles sont pourtant cruciales compte tenu des délais d’examen de ce texte.

Je regrette néanmoins que nous ne disposions qu’aujourd’hui du texte officiellement déposé, pour un examen en commission la semaine prochaine. Je n’en fais naturellement pas grief à nos ministres, qui sont comme nous enfermés dans les délais constitutionnels. Mais, dans une période de réflexion sur notre Constitution et sur le fonctionnement de l’Assemblée nationale, nous devons agir collectivement pour que ce PLFSS soit le dernier examiné dans ces conditions.

Pour terminer, je vous invite toutes et tous à la concision, afin que les ministres puissent répondre à chacun.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je suis heureuse de vous présenter, avec Gérald Darmanin, le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette législature.

Ce PLFSS est un texte dense, un texte qui fait des choix et qui définit une orientation politique forte. C’est le PLFSS des engagements tenus ; c’est un PLFSS de responsabilité, de solidarité, de transformation.

Nous tenons nos engagements sur le pouvoir d’achat, sur l’aide aux entreprises et aux entrepreneurs, sur la disparition du régime social des indépendants (RSI) et son absorption par le régime général, sur la priorité donnée à la prévention et sur l’attention portée à ceux de nos concitoyens qui sont dans les situations les plus difficiles.

Si le PLFSS permet de tenir les engagements pris devant les Français, c’est parce qu’il est un PLFSS de responsabilité. En tant que ministre chargée des solidarités, je suis particulièrement attentive à l’équilibre des comptes, qui conditionne la confiance à moyen et long terme dans notre système de protection sociale.

Le déficit de la sécurité sociale – régime général et Fonds de solidarité vieillesse (FSV) – devrait s’établir en 2017 à 5,2 milliards d’euros, en amélioration de 2,6 milliards d’euros par rapport à 2016. En 2018, le déficit devrait être de 2,2 milliards d’euros, soit une nouvelle amélioration de 3 milliards d’euros : c’est le déficit le plus faible depuis 2001.

Nous sommes donc clairement sur la trajectoire du retour à l’équilibre à l’horizon 2020, conformément à l’engagement pris par le Premier ministre dans son discours de politique générale.

Ce PLFSS est aussi celui de la solidarité : parce que c’est un PLFSS de responsabilité, nous avons opéré des choix, mais ces choix privilégient les personnes et les familles les plus en difficulté, pour lesquelles la solidarité nationale doit jouer en priorité.

Ma première préoccupation, ce sont les petites retraites. Le PLFSS revalorise le minimum vieillesse. Le Président de la République s’est engagé à le revaloriser de 100 euros : cela commencera dès le 1er avril prochain avec une augmentation de 30 euros, puis de 35 euros en 2019, et de 35 euros en 2020. Nous atteindrons donc l’objectif en deux ans et demi.

Nous harmoniserons la date des revalorisations des avantages vieillesse au 1er janvier, en avançant celle du minimum vieillesse de trois mois et en reculant celle de pensions de trois mois. C’est une mesure qui représente un moindre gain temporaire pour les pensionnés, mais elle doit être mise en regard de l’effort de solidarité très important que représente la revalorisation du minimum vieillesse : l’effort sur trois ans dépasse 500 millions d’euros.

Je veux également mieux répondre aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie. Nous créerons des places nouvelles : 4 500 places d’hébergement permanent en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et 1 500 places d’accueil de jour ou d’hébergement temporaire. Nous consacrons 100 millions d’euros à l’encadrement en soins des EHPAD, pour mieux répondre au vieillissement et à la maladie.

Par ailleurs, le déploiement d’astreintes infirmières la nuit permettra une meilleure évaluation et prise en charge des difficultés survenant la nuit. Des hospitalisations inutiles seront ainsi évitées. C’est, vous le savez, une des préconisations du récent rapport de Mme Iborra sur les EHPAD et je considère qu’il s’agit là effectivement d’une forme d’organisation adaptée et qui a fait ses preuves.

En matière de politique familiale, le PLFSS traduira la priorité que je donne aux familles qui ont le plus de difficultés et en particulier aux familles monoparentales, dont une sur trois est pauvre.

Je veux rappeler ici les orientations de la politique familiale que j’entends mener, et dont j’ai exposé les axes au conseil d’administration de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) il y a un mois : augmenter et améliorer les solutions de garde des jeunes enfants ; créer une véritable politique de soutien à la parentalité ; soutenir les familles fragiles, notamment monoparentales, et permettre aux femmes de travailler quelle que soit leur situation ; enfin, lutter contre la pauvreté des enfants.

Plusieurs dispositions du PLFSS permettront d’augmenter les prestations à destination des familles les plus fragiles. Les familles nombreuses les plus pauvres bénéficieront d’une hausse de 17 euros par mois du complément familial majoré au 1er avril 2018 : 450 000 familles sont concernées. Pour les familles monoparentales, le montant de l’allocation de soutien familial sera revalorisé, au 1er avril également : 750 000 familles sont concernées.

Le montant maximum de l’aide à la garde d’enfants pour les parents qui recourent à un assistant maternel, une garde à domicile ou une micro-crèche augmentera de 30 %. À titre d’exemple, un parent isolé avec un enfant, qui perçoit 2 000 euros de revenus et qui emploie directement une assistante maternelle, percevra jusqu’à 138 euros de plus pour payer la garde de son enfant.

Nous faisons également évoluer le barème et le montant de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), mais ce faisant, nous dégageons des marges d’action pour satisfaire aux besoins prioritaires et nous redonnons une cohérence à la façon dont s’articulent les différentes prestations. De plus, nous mettons fin au gel, depuis près de cinq ans, de la prime de naissance. Nous n’appliquons les mesures sur la PAJE qu’au flux des bénéficiaires, c’est‑à‑dire seulement pour les enfants nés à compter du 1er avril. Il n’y a aucune famille perdante.

C’est enfin le PLFSS de la transformation.

L’ambition de réforme concerne d’abord le champ de la protection sociale.

Au 1er janvier 2018, le RSI est supprimé et adossé au régime général. C’est l’une des réformes les plus importantes depuis la création de la sécurité sociale en 1945 ; nous nous donnons donc les moyens et le temps nécessaires pour la réussir. Une période de deux ans sera ouverte, pour faire évoluer les organisations et mener le dialogue social.

Nous avons, Gérald Darmanin et moi-même, eu l’occasion de dire aux personnels du RSI et des organismes conventionnés toute l’attention que nous portons à cette mutation. La dimension sociale du projet est pour moi un point d’attention prioritaire. Ils ne doivent pas être les perdants de cette évolution.

L’ambition de transformation concerne également le champ de la santé. Je construis, vous le savez, une stratégie nationale de santé, qui sera présentée au mois de décembre, et qui sera le cadre d’un plan national et de plans régionaux de santé, au printemps.

Cette stratégie établit quatre priorités : prévention, égal accès aux soins, innovation, pertinence et qualité des soins.

En matière de prévention, le PLFSS comporte deux mesures très fortes et emblématiques de cette démarche. J’attends de nos débats qu’elles soient confortées par votre Assemblée.

Tout d’abord, nous voulons rendre obligatoires pour les jeunes enfants onze vaccins, dont huit étaient jusqu’à présent simplement recommandés et trois déjà obligatoires. Sept à huit enfants sur dix les reçoivent déjà : ce n’est donc pas un bouleversement des habitudes. Ce taux est toutefois insuffisant pour éviter des épidémies : la protection de chacun dépend de la mobilisation de tous et la puissance publique doit prendre ses responsabilités.

Ce PLFSS prévoit également une hausse importante des prix du tabac, sur trois ans, avec un euro de plus par paquet dès le 1er mars 2018. Le tabagisme en France, c’est près de 80 000 morts, des vies abrégées, des souffrances que l’on pourrait éviter.

Je veux dire ici le dialogue constructif que j’ai eu avec le ministre des comptes publics pour progresser vers cet objectif majeur de santé publique. Nous accompagnerons cette hausse par la prévention, par l’accompagnement des fumeurs souhaitant s’arrêter, mais aussi par une lutte acharnée contre les marchés parallèles.

L’égalité d’accès aux soins comporte une double dimension, sociale et territoriale.

Le PLFSS ne comporte pas directement de dispositions relatives au « reste à charge zéro » mais j’ai proposé, vous le savez, de reporter la mise en œuvre du règlement arbitral dans le domaine dentaire afin de rouvrir un espace de négociation avec les professionnels ; la négociation qui s’est ouverte doit prendre en compte l’objectif du « reste à charge zéro ».

Ce chantier comprend en outre l’optique et les audioprothèses et je ferai connaître très rapidement le cadre de travail et de concertation, pour aboutir en tout état de cause avant la fin du premier semestre 2018. Certains éléments figureront sans doute dans le PLFSS pour 2019.

Pour ce qui est de l’égalité dans les territoires, je présenterai dans deux jours un plan d’action. Le PLFSS permettra déjà de généraliser l’usage de la téléconsultation et de la téléexpertise, en les sortant de leur cadre expérimental et en les faisant entrer dans le droit commun.

S’agissant de l’innovation et de la pertinence des soins, je veux en particulier faciliter l’expérimentation de formes d’organisation et de rémunération nouvelles qui permettront de dépasser les logiques sectorielles de la ville et de l’hôpital, de rémunérer par exemple au forfait des séquences de soins, de prendre en considération la prévention mais aussi la pertinence des actes réalisés et donc d’abandonner le schéma de rémunération uniquement à l’acte. Je vous propose d’adopter un cadre général, valable pour le quinquennat, qui permettra de lancer et d’évaluer ces expérimentations.

Mon objectif est de faire évoluer et de compléter les dispositifs actuels – rémunération à l’acte ou tarification à l’activité (T2A). Le levier tarifaire, j’en suis convaincue, est fondamental pour aller vers plus de prévention et plus de pertinence des soins, avec des parcours de soins coordonnés.

Ce PLFSS de transformation s’inscrira dans le cadre d’un objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) fixé à 2,3 %. Ce taux, conforme à l’engagement du Président de la République, est supérieur à celui des trois années précédentes. Il consacre 4,4 milliards d’euros supplémentaires à la couverture des soins. Il tient compte des engagements déjà souscrits, dont la convention médicale signée en 2016 avec les professionnels libéraux. Ses conséquences, importantes en 2017, le seront plus encore en 2018 : c’est pourquoi le sous-objectif des soins de ville sera supérieur au taux global d’ONDAM, à 2,4 %. Cette convention va dans le sens des orientations que j’ai fixées : elle valorise mieux l’action des généralistes et prend mieux en considération notamment les actes complexes ou réalisés dans des situations d’urgence.

L’évolution des recettes des établissements sera, quant à elle, de 2,2 %, soit un taux supérieur à l’an passé, grâce à l’apport du relèvement de deux euros du forfait journalier, qui n’a pas augmenté depuis 2010. Ce relèvement correspond à l’inflation constatée depuis lors et anticipée pour 2018.

Un ONDAM à 2,3 % reste un ONDAM exigeant, qui repose sur un montant important d’économies par rapport au tendanciel – il s’agit bien du tendanciel et non d’une économie nette, puisque la prévision de croissance des dépenses était pour 2018, je le rappelle, de 4,5 milliards d’euros.

J’entends les critiques de l’industrie du médicament puisque les hypothèses sous-jacentes à la construction de l’ONDAM prévoient des baisses de prix de près d’un milliard d’euros, après d’autres intervenues les années précédentes. Je voulais toutefois signaler que nous avons revu à la hausse cette année, à 3 %, le taux Lh destiné à stimuler l’évolution des prescriptions hospitalières, et qui concerne les produits les plus innovants.

J’entends aussi les critiques de l’industrie ou des distributeurs de dispositifs médicaux. Je suis prête à une discussion sur le contenu du texte, pourvu que l’on en respecte l’esprit, c’est-à-dire la recherche d’une plus grande pertinence dans la prescription et l’usage de ces dispositifs.

L’ONDAM est exigeant mais c’est cette exigence qui permettra un investissement immobilier et numérique de 400 millions d’euros et l’amélioration des prises en charge médico-sociales, dont la dépense progresse de 2,6 %.

Nous avons voulu, Gérald Darmanin et moi-même, donner du sens à ce PLFSS, c’est-à-dire mettre en œuvre des réformes concrètes et les expliquer à nos concitoyens. Donner du sens, c’est aussi engager des chantiers de transformation en profondeur de notre système de santé et de notre système de protection sociale pour les améliorer et les adapter à notre société, en pensant ces évolutions à long terme. Cela correspond au mandat qu’ont donné les Français à leurs représentants en juin dernier.

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je suis très honoré de vous présenter, aux côtés d’Agnès Buzyn, le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature. Je vais apporter certains éléments complémentaires.

Je m’arrêterai d’abord sur la contribution de l’ensemble des branches au rétablissement des comptes publics.

Pour la huitième année consécutive, l’ONDAM est tenu, avec 4,1 milliards d’économies ; en matière de gestion administrative des caisses, les dépenses sont maîtrisées. En 2017, et sans doute en 2018, si l’on suit l’avis du Haut Conseil de finances publiques et le consensus des économistes, l’amélioration de la conjoncture économique se traduira par une hausse du produit des cotisations sociales, assises sur une masse salariale qui devrait augmenter de 3,3 % en 2017 et de 3,1 % en 2018.

Le déficit de l’assurance maladie revient à 4,1 milliards d’euros, soit une amélioration de 700 millions d’euros en un an. C’est le meilleur résultat depuis 2001. La branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) est excédentaire de plus d’un milliard d’euros. L’équilibre de la branche vieillesse du régime général continue de s’améliorer ; elle est excédentaire de plus d’1,3 milliard d’euros. Enfin, la branche famille devient, pour la première fois depuis dix ans, excédentaire à plus de 300 millions d’euros. Par ailleurs, le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) se stabilise en 2017.

En 2018, l’effort de maîtrise de la dépense est amplifié. Nous établissons une stratégie pour plusieurs années, et nous souhaitons un désendettement social de grande ampleur.

La baisse de l’endettement se poursuit. Depuis 2015, le montant total de la dette sociale régresse. Ce mouvement s’est accéléré en 2017 : au 31 décembre, la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) aura remboursé en une seule année quelque 15 milliards, ce qui porterait le montant total de la dette amortie à la fin de l’année 2017 à 139,5 milliards d’euros, soit environ la moitié de la dette totale accumulée.

Compte tenu du déficit du régime général et du FSV prévu pour 2017, qui s’élève à 5,2 milliards d’euros, cette opération représente un désendettement net pour la sécurité sociale de plus de 10 milliards d’euros. Dans la trajectoire pluriannuelle que nous vous présentons aujourd’hui, ce désendettement se poursuivra pour permettre le remboursement complet de la dette sociale en 2024.

La loi de programmation des finances publiques prévoit la remise au Gouvernement, avant le 31 mars 2018, d’un rapport sur les relations financières entre l’État et la sécurité sociale, dans le contexte du retour à l’équilibre de celle-ci alors même que le budget de l’État présente un déficit important.

Au-delà, je souligne que le PLFSS complète le PLF. Leur philosophie est la même et le débat doit les embrasser tous deux.

Mme la ministre a parlé de la suppression du régime social des indépendants, je n’y reviens donc pas.

Le soutien du pouvoir d’achat passe d’abord par la baisse des cotisations sociales, financée par une hausse de la CSG. Ce sont près de 3 milliards d’euros qui seront ainsi redistribués en 2018 au profit des actifs. Le gain pour un salarié au SMIC sera l’année prochaine de 160 euros environ ; la CSG augmentera tandis que les cotisations sociales diminueront, et cela en deux temps. En année pleine, le gain de pouvoir d’achat sera de 263 euros par an en 2019 pour une personne seule rémunérée au SMIC.

Le soutien aux entrepreneurs passe principalement par la transformation du CICE en baisse de charges. Cela rend le CICE moins incertain. En 2019, pour la première fois dans notre histoire, nous serons à zéro charge au niveau du SMIC. C’est un avantage important pour les entreprises qui embauchent, et une demande très forte de leur part. Cette mesure touche aussi le monde de l’économie sociale et solidaire et le monde associatif.

Il faut aussi souligner l’élargissement de l’aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise (ACCRE) aux indépendants en 2019. Le Premier ministre l’a annoncé lors d’un déplacement à Dijon, et cette mesure figure dans le projet de loi que nous vous présentons.

Je voudrais revenir avec vous sur les mesures qui concernent la CSG, afin que nous soyons tous d’accord sur les chiffres et que le débat soit politique.

Souvent, les tableaux qui vous sont présentés utilisent le revenu fiscal de référence (RFR), qui figure sur la feuille d’impôt ; mais ce n’est pas tout à fait la même chose que le revenu net, à 10 % ou 15 % près. C’est un premier point auquel il faut porter attention.

De plus, la hausse de 1,7 point de la CSG sera entièrement déductible de l’assiette utilisée pour le calcul de l’impôt sur le revenu. C’est un point important. Un abattement est en outre appliqué aux personnes de plus de 65 ans.

Il y a donc deux seuils pour le déclenchement de l’augmentation de CSG. En parlant en revenu net par mois, référence habituelle de nos électeurs, un retraité âgé de moins de 65 ans touchant une pension inférieure à 1 289 euros par mois ne sera pas concerné par l’augmentation ; s’il a plus de 65 ans, le seuil sera de 1 394 euros. Pour une personne seule, si l’on revient au RFR, les seuils seront après la revalorisation du 1er janvier 14 404 euros ; pour un couple, 22 096 euros ; pour un couple avec un enfant, 25 942 euros.

Par ailleurs, la commission des finances vient de voter le dégrèvement de la taxe d’habitation (TH) pour 80 % des ménages sur trois ans, inscrit dans le PLF. Un contribuable touchant 2 500 euros nets par mois verra sa taxe d’habitation diminuer d’un tiers dès l’an prochain.

Les retraités âgés de plus de 65 ans qui gagnent moins de 1 394 euros ne paieront pas l’augmentation de la CSG, et un grand nombre d’entre eux cesseront de payer la TH. Tous ceux qui gagnent plus de 1 394 euros et moins de 2 500 euros verront leur TH diminuer largement. Mais, Effectivement, ceux qui gagnent plus de 2 500 euros par mois devront continuer de payer la TH et paieront une CSG très légèrement plus importante.

Cela posé, notre débat pourra être philosophique. Pour financer notre modèle de protection sociale, nous substituons la CSG – qui pèse sur l’ensemble des revenus, y compris ceux du capital – à des cotisations sociales assises exclusivement sur le travail. Ce mouvement est complété, du côté des dépenses, par une universalisation, avec un accès au régime de droit commun de populations spécifiques – étudiants pour l’assurance maladie, démissionnaires et indépendants pour l’assurance chômage.

Il s’agit d’une évolution très profonde, voulue par le Gouvernement et le Président de la République : nous passons d’un modèle assurantiel, dit « bismarckien », fondé sur les cotisations sociales et les statuts, à un modèle dit « beveridgien », universel, fondé sur l’impôt. C’est sur ces bases que commence ces jours-ci la discussion, avec les partenaires sociaux, de la réforme de l’assurance chômage.

Le PLFSS jette les bases de cette transformation, dont Mmes Buzyn et Pénicaud débattront au cours des prochains mois avec les partenaires sociaux.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Merci, madame la ministre, monsieur le ministre, de cette présentation.

C’est en effet le PLFSS des engagements tenus et du pouvoir d’achat. Nous avons beaucoup parlé, au cours de la campagne, de sérieux des comptes publics : si le déficit de la sécurité sociale avait atteint 25 milliards d’euros en 2010, les gouvernements successifs – car il faut rendre hommage à nos prédécesseurs – l’ont réduit peu à peu. Il est aujourd’hui de quelque 4 milliards d’euros, et l’on sait maintenant que, grâce au sérieux budgétaire annoncé, nous en aurons fini dans trois ans avec le déficit. Faut-il rappeler que, la dernière fois que ce budget a été équilibré, la France était encore championne du monde de football en titre ? Cela commence à dater.

On parle en général moins de l’autre bonne nouvelle : la dette accumulée, qui s’élève à 150 milliards – résultat de l’addition des déficits annuels – sera, le président de la CADES nous l’a confirmé la semaine dernière, éteinte en 2024.

Ce budget à l’équilibre et cette dette en voie d’extinction nous permettront, dans les années à venir, d’envisager de belles choses pour le régime de protection sociale – car derrière les chiffres, il ne faut pas oublier les professionnels de santé et les acteurs du secteur médico-social à qui l’on a demandé de grands efforts d’efficience, au service du public.

Beaucoup de questions seront posées tout à l’heure et je n’interviendrai donc que sur quelques points majeurs.

Le premier, c’est la télémédecine. On en parlait comme d’une innovation depuis des décennies ; elle rentre enfin dans le droit commun, permettant une meilleure communication entre les professionnels. Les patients, notamment dans les territoires sous-dotés, seront ainsi mieux soignés.

L’article 35 est la deuxième grande innovation de ce budget dans le domaine de la santé. Il s’agit d’ouvrir la possibilité, demain et presque tout à l’heure, de payer différemment les soins en ville et à l’hôpital, afin de casser les silos entre la ville et l’hôpital, entre le médical et le médico-social. Nous pourrons ainsi financer et accompagner les expérimentations imaginées par les acteurs de terrain : on n’impose pas les choses depuis Paris. C’est là qu’est la plus grande innovation. Toutefois, madame la ministre, le montant de 30 millions d’euros qui apparaît inclut-il les frais d’ingénierie ? Est-ce un plafond, et comment le remonter si cela apparaît nécessaire ?

Je voudrais également intervenir sur la prévention. Ce PLFSS prend des mesures sur la vaccination. Sur ce point, nous sommes derrière vous, et une tribune publiée par la quasi-totalité des sociétés savantes montre que votre démarche courageuse est très largement soutenue. Le projet de loi prévoit aussi une augmentation du prix du tabac. Nous avons ce matin entendu les cigarettiers, les offices de santé publique et les buralistes.

Pour conclure, je voudrais vous interpeller sur le problème de l’obésité chez les enfants, à l’occasion de la Journée mondiale de l’obésité. L’organisation mondiale de la santé (OMS) a publié des chiffres qui montrent que le nombre d’enfants obèses dans le monde a été multiplié par dix en l’espace de quarante ans : ils sont aujourd’hui plus de 120 millions dans le monde.

Parmi les facteurs à l’origine de ce phénomène, il y a la consommation de boissons sucrées. Or une étude montre que ces boissons constituent une voie d’entrée vers l’obésité et le diabète de type 2 chez les plus fragiles, notamment les enfants. L’OMS enjoint les États membres de taxer demain davantage les sodas, afin de faire diminuer la consommation de sucre.

La France a mis en place, en 2012, une sugar tax. Je ne propose pas, je vous rassure tout de suite, de créer une nouvelle taxe. Mais il faudrait à mon sens réfléchir à une modulation de la fiscalité existante, afin de la rendre plus effective. Aujourd’hui, tous les sodas sont taxés, quel que soit leur taux de sucre.

J’ai ainsi apporté une boisson qui s’appelle un « mojito sans alcool », que l’on trouve en grande surface : il y a dans cette toute petite bouteille l’équivalent de cinq morceaux de sucre : 13 grammes de sucre pour 100 millilitres, c’est 125 % du taux de sucre dans le Coca-cola. Ne pourrait-on pas sortir les boissons non sucrées de l’assiette de la taxe, afin de s’assurer que ce sont les boissons très sucrées qui sont taxées ? L’idée n’est pas d’augmenter les recettes mais de réduire l’obésité des enfants.

Merci encore, madame la ministre, monsieur le ministre, pour ce beau projet. Je me félicite, comme la présidente de la commission, de la remarquable qualité du travail que nous avons mené avec les ministres et leurs équipes au cours des dernières semaines. Nous nous réjouissons tous de rentrer dans le vif du sujet.

M. Thomas Mesnier. Au nom du groupe La République en Marche, je salue la concrétisation d’un grand nombre d’engagements de campagne. Le PLF et le PLFSS, ce sont les deux jambes du budget : nous avons ici le budget du quotidien, du pouvoir d’achat, de la feuille de paie. Tous les salariés verront, dès janvier 2018, leur salaire augmenter. C’est aussi le PLFSS du soutien à l’emploi, via le soutien aux entrepreneurs et aux indépendants. La fin du RSI, en particulier, est une réforme majeure.

C’est encore le PLFSS de la solidarité, avec le soutien aux plus fragiles, en particulier les familles monoparentales, mais aussi les anciens, avec la revalorisation du minimum vieillesse et la création de nouvelles places en EHPAD.

C’est enfin le PLFSS de l’innovation en santé, avec la télémédecine – enfin –, et le PLFSS de la prévention. À ce titre, je salue la hausse du prix du tabac et l’extension de l’obligation vaccinale. On sait à quel point la défiance est importante sur ce sujet ; nous, élus, sommes les premiers à devoir tenir un discours responsable sur ce sujet, afin de réinstaurer la confiance.

Madame la ministre, comment sera mise en œuvre cette obligation du point de vue des professionnels de santé ? Comment seront-ils accompagnés pour préserver et conforter la relation de confiance qu’ils entretiennent avec la population ?

Je me réjouis du débat parlementaire à venir.

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre, je connais vos compétences. Mais le groupe Les Républicains s’attendait à un budget de rupture. Il n’en est rien, et permettez-moi de faire entendre, dans cette commission, une voix différente.

La Cour des comptes a confirmé le constat que nous dressions l’an dernier : celui de l’insincérité du bilan financier présenté pour 2017 ; les quelques manipulations des chiffres du déficit et de la dette n’y changent rien. La commission des comptes de la sécurité sociale s’en est inquiétée.

Vous héritez, madame la ministre, d’un système de santé en grande difficulté. De cela, vous n’êtes aucunement responsable. Mais ce PLFSS se situe malheureusement dans le droit fil des précédents, présentés par Mme Touraine, avec un manque d’audace structurelle : vous persévérez dans la politique du rabot et dans la logique du copié-collé. Vous avez conservé la répartition des calculs d’économies entre médicament, hôpital et ville : c’est un mauvais signal envoyé en particulier aux entreprises innovantes, qui subiront notamment une taxation nouvelle de plus d’un milliard. Comment d’ailleurs économiserez-vous 1,2 milliard sur l’hôpital ?

L’article 36 porte sur la télémédecine. Madame la ministre, il faut abandonner les expérimentations et financer correctement les projets sur le terrain.

Monsieur le ministre, les dispositions de l’article 7 constituent le volet financier d’une future réforme de l’assurance chômage. Or aucune procédure conforme n’a encore été engagée : la loi du 31 juillet 2007 de modernisation du dialogue social, dite loi Larcher, que vous connaissez bien, est-elle ainsi respectée ?

Enfin, la suppression du RSI risque de se conclure par un désastre industriel, avec une augmentation des cotisations et la disparition des organismes de gestion des prestations, dont il faudra reclasser les personnels. Pourquoi ne pas avoir préféré la proposition de loi que vous connaissez, déposée par MM. Julien Aubert et Bruno Le Maire en 2015, et qui apportait de bonnes réponses ?

M. Cyrille Isaac-Sibille. Le groupe MODEM approuve les axes politiques de ce PLFSS. Les engagements sont tenus et des mesures sont prises pour améliorer les comptes de notre protection sociale ; nous nous en félicitons. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit. Il s’agit bien à mon sens d’un budget de rupture.

Vous avez déjà, madame la ministre, exprimé votre regret que les sommes consacrées à la prévention ne soient pas mieux identifiées dans ce budget. Je partage ce sentiment, tout en comprenant l’importance du travail qu’il aurait fallu pour les faire mieux apparaître.

Dans la perspective des futurs PLFSS, comment pensez-vous répartir l’ensemble des crédits alloués à la prévention, dont certains apparaissent aujourd’hui dans le PLF et d’autres dans le PLFSS ? Prévention primaire et prévention secondaire apparaîtront-elles clairement, afin de distinguer ce qui relève de l’assurance maladie et ce qui relève du budget de l’État ? Le budget doit être clair et simple.

Enfin, le projet présidentiel prévoit la création d’un service civique de trois mois pour les étudiants en santé, afin de repenser la prévention. Le Premier ministre puis le ministre de l’action et des comptes publics nous ont redit que l’ensemble des projets présidentiels seraient évoqués lors des discussions budgétaires. Or le service sanitaire n’apparaît ni dans le PLF, ni dans le PLFSS. Quand et sous quelle forme envisagez-vous de le créer ?

M. Francis Vercamer. Dans la ligne des exercices budgétaires précédents, ce budget répond malheureusement à une logique comptable plus qu’il n’engage de véritables politiques structurelles.

Comme au cours des cinq dernières années, la réduction annoncée des déficits s’est effectuée au prix d’une maîtrise des dépenses de santé qui s’est notamment focalisée sur le secteur du médicament, sans mise en œuvre d’une réforme de structure majeure. Les acteurs de la santé jugent d’ailleurs ce PLFSS décevant, comme en témoigne le vote défavorable du conseil de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

Le financement de la sécurité sociale repose toujours sur le coût du travail. La baisse de charges, que nous promet le Gouvernement à partir de 2019, aurait dû être engagée dès cette année afin que les entreprises retrouvent des marges de compétitivité.

Au groupe Les Constructifs, nous sommes en désaccord avec votre choix d’augmenter la CSG qui pénalise les classes moyennes, en particulier les retraités et les fonctionnaires, même si des formes de compensation – qui tiennent de l’usine à gaz – sont à l’étude. Nous aurions préféré une baisse de charges compensée par une hausse de la TVA, comme l’indiquent certains de nos amendements.

En revanche, nous notons avec intérêt certaines expérimentations en faveur de l’innovation, que je ne vais pas énumérer par manque de temps. Ces expérimentations sont intéressantes à condition, bien évidemment, qu’une évaluation continue soit réalisée, que des ajustements puissent être possibles et que la généralisation ne soit pas taboue – contrairement à ce que nous avons connu par le passé. Ce type de mesures permet de libérer les énergies des acteurs de la santé, qui sont conscients de la nécessité de rationaliser les dépenses et souvent porteurs d’initiatives innovantes pour faire vivre différemment un système de santé efficace et accessible à tous.

En matière de prévention en santé, nous avons pris acte de la vaccination obligatoire et de l’augmentation du prix du tabac mais il faut faire bien davantage. Nous attendons des mesures de plus long terme, adossées à un financement spécial. Nous proposerons d’ailleurs la création d’un ONDAM spécifique pour la prévention.

S’agissant de la refonte du RSI, nous serons particulièrement vigilants quant à la garantie des droits des intéressés. On nous a garanti les droits de base, mais une question demeure : qu’en sera-t-il des retraites complémentaires des indépendants ?

Mme Caroline Fiat. Il y a trois mois, j’ai présenté dans l’hémicycle un constat objectif sur la situation gravissime de notre système de santé. Ce jour-là, vous n’avez pas détourné les yeux face à une situation que vous connaissez, et nous avons pu croire, l’espace d’un instant, que ce quinquennat s’ouvrirait sur une politique de santé ambitieuse, au moins susceptible de soulager les patients et les soignants qui étouffent dans le carcan budgétaire qu’on leur a imposé.

Nous savons désormais que cela n’arrivera pas. Au contraire : les objectifs de dépenses de santé que contient ce projet de loi ne sont pas du tout à la hauteur du défi qui consiste à redonner de l’air aux personnels des hôpitaux et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Vous imposez, à l’inverse, un plan d’économies massif à l’assurance maladie, peut-être à même de contenter les technocrates et autres chantres de la réduction des déficits à n’importe quel prix, mais certainement incapable de sortir de la noyade les hospitaliers et les soignants du secteur médico-social.

À quoi a donc servi, madame la ministre, la mission flash sur les EHPAD ? Du directeur d’établissement aux syndicats d’aides-soignantes, en passant par les associations de familles, tous nous ont demandé la même chose : que l’on desserre le carcan budgétaire, que l’on augmente le ratio de soignants par usagers, que l’on améliore l’état des infrastructures afin que les quatorze besoins fondamentaux soient enfin respectés sans que les soignants y laissent leurs dos, afin que le reste à charge diminue et que les personnes âgées ne sacrifient pas toutes leurs retraites et les revenus de leurs enfants à leur vie en EHPAD, afin que la maltraitance institutionnelle soit éliminée.

Vous ne faites rien pour les EHPAD et les hôpitaux. Vous allez jusqu’à mettre fin à l’opposabilité des conventions collectives dans les établissements soumis aux conventions d’objectifs et de moyens, pour soumettre les droits des travailleurs du secteur médico-social aux impératifs budgétaires.

Madame la ministre de la santé, monsieur le ministre des comptes publics, quel est le seuil annuel de suicides à partir duquel vous accepterez l’idée que la vie des soignants et des patients prime sur les calculs comptables ? Quel est le seuil critique pour sortir de la religion de la comptabilité et se consacrer, enfin, à la santé publique ?

M. André Chassaigne. Merci de m’accueillir dans cette commission pour représenter le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Je voudrais intervenir sur l’une des priorités de ce PLFSS : l’égal accès aux soins. L’ONDAM est seulement en augmentation de 2,3 %, alors que l’augmentation tendancielle des dépenses est évaluée à 4,5 % par la commission des comptes de la sécurité sociale, ce qui correspond à près de 4,2 milliards d’euros d’économies, dont 1,2 milliard d’euros pour les seuls hôpitaux qui sont déjà exsangues.

Pourtant, les besoins en santé sont nombreux. De fortes préoccupations se manifestent chez nos concitoyens. J’en citerai quelques-unes : le renoncement aux soins qui s’accroît ; le recours obligé aux urgences hospitalières, lié à la désertification médicale ; la persistance de la difficulté d’accès aux soins, notamment dans un milieu rural de plus en plus marqué par la pauvreté et le vieillissement de la population.

Or les orientations budgétaires de ce PLFSS, dans la continuité des politiques menées depuis la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), ne permettront toujours pas, à nos yeux, à l’hôpital public de répondre à ses missions. Nous connaissons quelques-unes des causes de cette situation : la tarification à l’activité (T2A) sur laquelle vous vous êtes exprimée, madame la ministre, en réponse à une question au Gouvernement ; la mutualisation des moyens et des services qui s’accentue ; le développement de la chirurgie ambulatoire sans l’assurance qu’il existe un véritable réseau entre l’hôpital et la médecine de proximité. Nous en connaissons aussi les conséquences pour le personnel hospitalier qui a besoin d’écoute, de respect et de moyens. Il est urgent de remédicaliser le temps de travail des soignants qui sont pris dans une injonction paradoxale : soigner et en même temps faire de la rentabilité.

Concrètement, comment ce PLFSS pour 2018 pourrait-il ouvrir un chemin nouveau ?

M. Joël Aviragnet. Tout d’abord, on se doit de constater et de se réjouir de l’amélioration de la situation financière de toutes les branches, même si le déficit de la branche maladie reste important.

Toutefois, au groupe Nouvelle Gauche, nous gardons de nombreuses réserves sur plusieurs points. Nous nous inquiétons de l’augmentation de la CSG, notamment pour les retraités et les fonctionnaires, sachant que cette hausse se cumulera avec d’autres pertes de revenu liées, par exemple, à la baisse de l’aide personnalisée au logement (APL) et à la hausse du forfait hospitalier. Fixé à l’équivalent de 3,05 euros – vingt francs – au moment de sa création en 1983, ce forfait devrait se situer à 7 euros actuellement s’il avait été indexé – comme prévu – sur l’inflation.

Autres motifs d’inquiétude : le devenir des salariés qui gèrent le RSI ; la hausse différée de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ; la réduction de 2 à 1,8 du coefficient multiplicateur de l’allocation pour adulte handicapé (AAH) pour un couple. D’autres sujets appellent des réponses urgentes : l’absence de praticiens dans certaines zones, rurales notamment ; le mode de calcul de la dépendance pour les EHPAD, suite à la réforme de la tarification.

Notre groupe aborde donc ce texte avec lucidité. Conscients de la nécessité de réduire les déficits, nous resterons vigilants sur la question de l’égalité dans l’accès au droit – encore une fois, je pense au milieu rural – comme dans la répartition de l’effort à consentir. C’est dans ce sens que nous déposerons des amendements qui, je l’espère, seront considérés avec bienveillance.

M. le ministre de laction et des comptes publics. Monsieur Door, vous ne pouvez pas nous reprocher dans la même phrase de ne pas transformer le pays et d’aller trop vite. Quoi qu’il en soit, nous ne préemptons pas de réforme : le mouvement de bascule entre la hausse de la CSG et la baisse des charges faisait partie du programme de campagne lors des élections présidentielles et surtout législatives. Les opposants ont pu largement s’exprimer et les électeurs ont voté en toute connaissance de cause. Ce changement de système s’effectue dans un cadre tout à fait démocratique puisqu’une majorité d’électeurs l’a approuvé.

Il y aura une discussion autour du financement de l’Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (UNEDIC), dans laquelle s’impliqueront le Président de la République, le Premier ministre, Mme Pénicaud, Mme Buzyn et moi-même. Quant à la loi Larcher sur le dialogue social, elle sera bien évidemment respectée comme cela a été le cas pour les ordonnances réformant le code du travail. Mme Pénicaud a démontré sa capacité à écouter et à et prendre en compte les questions et les propositions syndicales. La réforme conduira à un changement profond mais qui ne surprendra personne puisqu’il est conforme au vote que les Français ont exprimé par deux fois.

Monsieur Vercamer, vous plaidez pour un autre arbitrage : augmenter la TVA et baisser les charges, plutôt que d’augmenter la CSG pour supprimer des cotisations. C’est un débat politique et philosophique intéressant et je vais essayer de résumer les arguments qui étayent le choix du Gouvernement.

Tout d’abord, il faut dire que le PLF et le PLFSS ont été élaborés dans l’idée de répondre à une volonté : le travail doit payer. Notre société ne rémunère pas assez l’effort. La secrétaire médicale qui élève seule ses trois enfants et qui gagne le SMIC a du mal à s’en sortir, pour ne pas dire qu’elle ne s’en sort pas. Il arrive que des personnes renoncent à travailler parce qu’elles n’en voient pas l’intérêt, qu’elles ne savent pas comment faire garder leurs enfants, qu’elles ne trouvent pas l’accompagnement nécessaire à leur situation de parents isolés, etc. Nous avons tous rencontré ce genre de cas et tenu des discours sur le fait que le travail doit payer. Des propositions ont été avancées mais rien n’a vraiment été tenté à part la défiscalisation des heures supplémentaires. Conformément à ce qu’a annoncé le Président de la République, nous rétablirons cette exonération des heures supplémentaires en cours de mandat.

Dès janvier prochain, tous les salariés de notre pays constateront une augmentation de leur pouvoir d’achat équivalant quasiment à 1,5 % de leur rémunération brute. D’aucuns pourront la trouver insuffisante. En tout cas, notre décision d’augmenter la CSG en échange de la suppression de cotisations va faire naître une augmentation de pouvoir d’achat.

Aurait-il été plus efficace d’augmenter la TVA que la CSG ? J’attends avec grand plaisir de débattre avec les auteurs d’amendements qui répondent par l’affirmative. Sans attendre, je vais essayer de monter qu’ils se trompent. Prenons l’exemple d’un salarié qui gagne 1 400 euros par mois. Par souci d’honnêteté et pour que nous ayons une discussion sincère, je prends le montant à partir duquel le salarié subira l’augmentation de la CSG, sachant que la hausse de TVA préconisée par M. Vercamer s’appliquerait à tout le monde. Je vous prends au sérieux, monsieur Vercamer, parce que je sais que vous travaillez beaucoup sur ces questions. Avec notre proposition, ce salarié subira une augmentation de la CSG de 23 euros par mois, soit 276 euros par an. Dès la première année, cette somme sera compensée par la suppression de la taxe d’habitation puisque notre projet fiscal est un tout. Une augmentation de la TVA de 2 points correspond quasiment à 300 euros de perte annuelle de pouvoir d’achat. Quant à la baisse des charges des entreprises, nous la réalisons aussi grâce au mouvement de bascule que nous opérons entre la baisse du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et la réduction directe des cotisations sociales patronales.

En résumé, nous donnons du pouvoir d’achat à ceux qui travaillent. Tous ceux qui perçoivent moins de 1 400 euros par mois ne subissent pas l’augmentation de fiscalité alors qu’ils seraient touchés par une hausse de la TVA. Si elle est intéressante en théorie, cette solution TVA est, dans les faits, plus défavorable au pouvoir d’achat de nos concitoyens et particulièrement des retraités. Sur tous les cas pratiques que vous me proposerez au cours de la discussion des articles, je pourrai vous en faire la démonstration. J’imagine que cela intéressera l’intégralité de la représentation nationale.

Qu’en est-il du RSI ? J’entends dire, à présent, que le RSI fonctionne très bien. Il a dû se produire un miracle ! Depuis des années, les élus de tous bords ont entendu un tout autre discours. Pour ma part, je n’ai jamais vu de gens se lever et applaudir à tout rompre quand il était question du RSI, mais les artisans et commerçants de Tourcoing sont peut-être très différents des autres… (Sourires.) Cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien de positif dans le RSI ni que le régime ne s’est pas amélioré. Cela ne veut pas dire non plus que les salariés du RSI n’ont pas été les premiers à subir les désagréments d’un système qui, objectivement, était trop technocratisé et inadapté au travail très difficile que font les indépendants. Avec Mme Buzyn, nous sommes allés rencontrer les salariés de plusieurs caisses. Ils nous ont dit eux-mêmes s’être retrouvés très démunis, à leur guichet ou au téléphone, face à des gens dans une détresse sociale très grande.

Manifestement, cela ne fonctionne pas. Je suis d’ailleurs personnellement assez surpris du fait que les représentants des artisans aient voté contre la proposition de fusion du RSI dans le régime général. Franchement, ce serait assez savoureux d’entendre dire que le RSI va bien et que les artisans et les commerçants ne demandent rien. En réalité, il y a eu plusieurs propositions de changement. Nous passons à l’acte le 1er janvier 2019. On pourrait créer des missions, des commissions, demander des rapports. Je pense qu’on en a assez fait et nous voulons montrer tout de suite que nous avons écouté les artisans et les commerçants.

Comme Mme Buzyn l’a dit, nous engageons cette réforme avec intelligence et en écoutant les salariés : il n’y aura aucune mobilité géographique forcée ; il n’y aura aucun licenciement ; on ne se séparera pas de collaborateurs. Nous l’avons dit, répété et écrit, notamment aux syndicats que nous avons très longuement rencontrés. Dans nos deux ministères, des gens extrêmement compétents travaillent de manière à ce que cela se passe le mieux possible. Les salariés du RSI seront gardés, et ce dans un cadre respectueux du contrat qui les liait avec le régime. Quant aux travailleurs indépendants, ils auront toujours une entrée particulière et ne subiront aucune augmentation de cotisation. Je ne sais pas où vous avez vu ou entendu que les cotisations allaient augmenter. Où est-ce écrit dans le PLFSS ? Nulle part.

Nous allons ménager une période de transition de deux ans pour éviter le même type d’accidents industriels que le RSI a pu connaître à sa création et qui l’ont entraîné parfois dans de grandes difficultés avec les artisans et les commerçants. Dans deux ans, nous ferons le point, y compris devant la représentation nationale. Vous pourrez auditionner qui vous souhaiterez pour voir si l’action du Gouvernement correspond à l’idée générale que nous nous faisons du bon fonctionnement de la caisse pour les indépendants et les commerçants. Franchement, m’entendre dire que le RSI marchait bien et qu’on ne devait rien changer… Il fallait bien que ce soit le jour de mon anniversaire pour que je reçoive ce cadeau !

Mme la ministre des solidarités et de la santé. Pour commencer, je vais répondre au rapporteur général sur ce très important article 35 qui va permettre une transformation en profondeur de notre système de santé. Cet article donne un cadre légal à des expérimentations sur cinq ans, destinées à modifier le système d’organisation de notre système de santé, à décloisonner, à favoriser des tarifications au parcours et la pertinence des soins. Ce dernier point représente une grande révolution dont l’idée de base est la suivante : il faut favoriser les gens qui travaillent bien, pas forcément ceux qui travaillent plus pour faire de l’acte.

Cet article 35 n’a pas de limites. Il prévoit un fonds de 20 millions d’euros, auquel s’ajouteront 10 millions d’euros du Fonds d’intervention régional (FIR) qui était à la main des agences régionales de santé (ARS) pour financer des organisations. Il sera géré par un comité d’experts, de façon à évaluer les expérimentations et à pouvoir les déployer. Ce regard national porté sur les organisations et les innovations de terrain permettra de déployer tout ce qui fonctionne. Les expérimentations actuelles, qui sont financées par le FIR, ne sortent pas de l’ARS où elles sont conduites, dans une région donnée. Financé grâce à un fonds national de gestion de risque, qui sert à rembourser des prestations, le nouveau Fonds pourra être réalimenté autant que de besoin, en fonction des projets qui nous seront présentés. L’idée est évidemment de le faire croître au fil du temps.

Vous avez aussi évoqué la « taxe sodas », monsieur le rapporteur général. Vous avez raison, la consommation de sodas est l’une des causes de l’obésité des enfants, qui progresse en France, en Europe et dans d’autres pays du monde, et qui est un facteur et un marqueur d’inégalités sociales. Il faut cependant bien réfléchir avant de créer ce qui serait une taxe comportementale c’est-à-dire visant à changer les comportements. Si nous voulons qu’une telle taxe soit acceptée par le Conseil constitutionnel, nous devons apporter la preuve de son efficacité, c’est-à-dire que nous devons la fixer à un niveau élevé. Cela revient à taxer plus lourdement les personnes les plus pauvres, qui consomment potentiellement le plus de boissons sucrées. Nous devrions peut-être utiliser prioritairement d’autres biais pour modifier les modes d’alimentation, en commençant, par exemple, par alerter les familles dans le cadre de l’éducation à la parentalité. C’est un axe que je souhaite promouvoir dans le cadre de ma politique familiale. Cela étant, je suis à votre disposition pour discuter de cette éventuelle taxe qui n’est pas prévue dans le PLFSS.

Pour lutter contre le tabagisme, il était urgent d’augmenter fortement la fiscalité sur les produits du tabac. Il y a vingt ans, sous la présidence de M. Chirac, la dernière hausse notable avait permis une baisse de la prévalence du tabagisme. Depuis, il n’y a eu que de petites augmentations sans impact sanitaire. J’ai choisi de m’attaquer à ce fléau car nous détenons les records internationaux en matière de tabagisme des jeunes de moins de dix-sept ans et des femmes. C’est une vraie spécificité française.

Monsieur Mesnier, vous me posez la question de la mise en œuvre effective de la vaccination obligatoire par les professionnels de santé, qui nécessite en effet des explications. Nous avons voulu simplifier au maximum cette obligation car, pour nous, elle vise à faire de la pédagogie et à restaurer la confiance. Le but n’est pas d’entraîner des sanctions ni des complications. Cette obligation sera effective à partir du 1er janvier pour tous les enfants nés à partir du 1er janvier 2018. À leur entrée en collectivité, leur carnet de vaccination sera vérifié.

Nous n’avons pas souhaité faire un rattrapage pour les générations précédentes, car il serait extrêmement complexe à réaliser. Les familles qui ne souhaitent pas faire vacciner leurs enfants ne seront pas sanctionnées. Le fait que leurs enfants soient privés d’entrée en collectivité représente, cela dit, une forme de sanction qui rendra ce choix très difficile. Il existe aussi un cadre pénal général sur la protection de l’enfance, qui nous semble suffire : les parents doivent une protection à leurs enfants. Un enfant non vacciné qui ferait une septicémie et serait amputé et handicapé à vie pourrait se retourner contre ses parents, ceux-ci ne lui ayant pas assuré la protection à laquelle il avait droit. En revanche, l’amende existante est supprimée. Nous avons aussi réfléchi à la clause d’exemption qui était demandée par la concertation citoyenne mais nous ne l’avons pas retenue parce qu’elle serait en contradiction avec l’obligation vaccinale et ne passerait pas la censure du Conseil constitutionnel.

Ce n’est pas un budget de rupture, dites-vous, monsieur Door. Pour ma part, je pense sincèrement que ce PLFSS, notamment son article 35, porte des transformations profondes. Personne n’a jamais été aussi loin, et je ne parle même pas des vaccins ou du tabac. C’est un PLFSS très courageux. L’article 35 va permettre les vraies innovations organisationnelles que les professionnels attendent sur le terrain depuis des années. Nous allons lever énormément de verrous réglementaires. Nous allons favoriser des organisations intelligentes au service des patients, une coordination des soins.

Où sont les économies ?, me demandez-vous, en estimant que nous taxons trop les médicaments. Selon vous, le secteur du médicament supporte plus que sa part des économies. En raison de mon parcours professionnel, notamment à la présidence de la Haute Autorité de santé (HAS) où j’avais à évaluer la valeur ajoutée des médicaments, je connais bien ce secteur. Je sais que nous avons besoin de médicaments innovants. Je sais que les personnes atteintes de pathologies graves, de maladies orphelines ou de cancers attendent ces médicaments. Je sais aussi qu’il y a des rentes de situation dans l’industrie pharmaceutique. Je suis bien placée pour dire à certains professionnels qu’ils profitent d’une rente de situation ou d’une situation de monopole sur un médicament.

Dans le secteur du médicament, les économies se feront grâce à l’augmentation de l’utilisation des médicaments génériques. Nous avons des marges de progrès énormes en la matière puisque la part des génériques ne représente que 40 % en France contre 60 % voire 70 % en Allemagne, par exemple. Il existe aussi des marges d’économies majeures dans le domaine des biosimilaires, c’est-à-dire l’équivalent des génériques pour les médicaments plus innovants, notamment les anticorps monoclonaux. Le taux Lh, porté à 3 %, permet aux médicaments innovants de trouver leur place. Je pense que la répartition des économies prévue dans ce budget est juste pour le secteur du médicament.

N’ayant peut-être pas été assez claire à propos de la télémédecine, je répète qu’elle sort de la phase expérimentale pour entrer dans le droit commun, à la faveur de ce PLFSS.

C’est à raison, monsieur Isaac-Sibille, que vous avez parlé de ma volonté de bien identifier ce qui relève de la prévention dans le PLFSS. Compte tenu de la multiplicité des acteurs qui interviennent à ce titre dans les villes ou les écoles, il est difficile d’identifier tous les financements qui lui sont consacrés. Une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), reprise en annexe 7 du PLFSS, estime que le montant des dépenses rattachables à la prévention se situe aux alentours de 9,3 milliards d’euros. Nous allons continuer à travailler avec la DREES pour essayer de mieux identifier ces dépenses.

Précisons que le PLFSS ne reflète que l’aspect budgétaire de la prévention. On m’a reproché d’être trop timorée dans ce domaine, mais la prévention ne s’arrête pas à la vaccination obligatoire et à la hausse du prix du tabac. La stratégie nationale de santé comportera un énorme volet prévention et, j’y insiste, le PLFSS ne traduit que l’aspect budgétaire des mesures. Monsieur Vercamer, vous verrez que la stratégie nationale de santé a des objectifs très ambitieux notamment dans les domaines de l’environnement, du travail et de l’école, ce qui implique pour moi des échanges avec Nicolas Hulot, Muriel Pénicaud et Jean-Michel Blanquer.

Quant au service civique en santé, nous y travaillons. C’était une priorité et un engagement du Président de la République. Nous avons confié une mission au professeur Loïc Vaillant pour bien identifier le cadre réglementaire dans lequel les étudiants en santé – médecins, pharmaciens ou infirmiers – pourront effectuer ce service sanitaire qui vise à renforcer les actions de prévention dans les établissements, que ce soit des écoles, des EHPAD ou des universités. Nous souhaitons que les premières expérimentations du service sanitaire aient eu lieu au 1er mars 2018 et qu’elles puissent se déployer pleinement en septembre 2018. Cela ne nécessite pas forcément une ligne dans le PLFSS puisque ces dépenses seront notamment couvertes par les ARS ou certains établissements de santé. Notre démarche est progressive parce que la prévention ne s’improvise pas : ces étudiants doivent intervenir dans un cadre sécurisé, être formés et avoir des outils à leur disposition afin que les bons messages soient passés. Après la remise du rapport de M. Vaillant, fin décembre, nous développerons tranquillement ce service dans le courant de l’année 2018.

Madame Fiat, même si je n’utilise pas le même ton que vous – ce qui est normal –, j’ai fait un constat identique au vôtre au cours de ma pratique médicale. C’est parce que je sais qu’il est difficile d’exercer dans un établissement de santé que je veux arrêter la course à l’activité et le financement à la T2A qui obligent les établissements qui sont dans le rouge à faire plus d’actes pour essayer de rétablir l’équilibre de leur budget. Nous allons arrêter le tout T2A pour revenir à des choses plus logiques : rémunérer la pertinence. Qu’est-ce que la pertinence ? C’est le bon soin à la bonne personne au bon moment. Cela signifie qu’il faut être capable de mieux rémunérer des chirurgiens qui décident de ne pas opérer, dans l’intérêt du malade, et pas uniquement des chirurgiens qui cherchent à opérer pour faire du chiffre et éviter que l’établissement ne soit dans le rouge. Ma politique répond exactement à l’enjeu que vous soulignez : arrêter de courir derrière l’activité des établissements.

Concernant les EHPAD, je dois m’être mal exprimée, à moins que n’ayez pas été suffisamment attentive. Je rajoute 100 millions d’euros sur la partie soins des EHPAD pour répondre aux besoins en soins des personnes âgées vieillissantes et malades. Je rajoute des infirmières de nuit, des places en EHPAD. Il s’agit de prendre en compte le fait que les personnes qui se trouvent actuellement en EHPAD n’ont pas le même profil que celles qui y étaient il y a vingt ans. J’ai totalement suivi les recommandations du rapport de Mme Iborra et je continuerai à être très vigilante sur les tarifications des EHPAD puisque nous avons un comité de suivi au ministère.

Comment pouvez-vous me dire, Monsieur Chassaigne, que vous ne voyez rien pour l’égal accès aux soins ? La pertinence des soins – qui consiste à rémunérer des professionnels qui ne font pas forcément des actes coûteux – va nous permettre de réaliser des économies sur le budget de la sécurité sociale. On considère que 30 % des actes financés par la sécurité sociale sont non pertinents, éventuellement redondants. Citons l’exemple du scanner qui est effectué deux fois en une semaine par manque de communication entre les médecins faute de dossier médical partagé.

Nous sommes en train de réorganiser l’hôpital en vue d’accroître la part de l’ambulatoire et de développer les liens avec la médecine ville, de façon à supprimer des lits, sachant que la France détient le record européen du nombre de lits d’hospitalisation par habitant. Cette réorganisation permettra aussi de réaliser des économies.

Nous travaillons sur la permanence des soins et sur les urgences. Les textes qui encadrent la pratique actuelle des urgences sont peut-être trop contraignants, ce qui engendre de grosses dépenses pour établissements. Elles pourraient être rationalisées.

Monsieur Aviragnet, vous évoquiez aussi manque de praticiens dans le monde rural. Lors d’un déplacement, vendredi matin, le Premier ministre va présenter un ambitieux plan territorial d’accès aux soins. Il s’agit de lutter contre la désertification médicale et de rendre du temps de soignant dans les territoires. Ce plan comportera énormément de dispositions, de dérogations réglementaires et d’organisations innovantes qui ne figurent pas toutes dans le PLFSS. Il répondra, je l’espère, à cette problématique que nous ressentons tous lors de nos déplacements en France et dans les DOM.

S’agissant de la tarification des EHPAD, le comité de suivi s’est réuni pour la première fois le 25 septembre au ministère. Rappelons que la nouvelle tarification profite à 80 % des établissements et que 20 % d’entre eux sont perdants. Il faudra peut-être envisager des réorganisations et effectuer des choix stratégiques avec eux. L’idée est de ne pas les abandonner à leurs déficits, de les accompagner vers des prises en charge vertueuses.

M. le ministre de laction et des comptes publics. Permettez-moi de reprendre la parole pour ne pas frustrer M. Vercamer, car j’ai oublié de répondre à sa question sur les retraites complémentaires des travailleurs indépendants. Monsieur le député, les retraites complémentaires des travailleurs indépendants ne sont pas concernées par le passage au régime général au 1er janvier. Pour l’instant, elles restent gérées par les ex-caisses. Durant la période transitoire, nous aurons l’occasion de réfléchir à leur devenir.

Mme Nathalie Elimas. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés est conscient de l’importance de raisonner en termes de projet de santé pour un territoire, avec une responsabilité territoriale, dans une logique de coordination autour du patient. Ces projets de santé doivent se nourrir d’innovations thérapeutiques et médicales mais aussi d’innovations technologiques et organisationnelles. Dans ce cadre, nous soutenons pleinement la volonté du Gouvernement de mener une politique de santé ambitieuse et juste, qui laissera la part belle à l’innovation.

Mon intervention, madame la ministre, portera sur les maladies rares, qui concernent au total 5 % de la population française, étant précisé que 99 % d’entre elles n’ont pas de traitement curatif. La prise en charge de ces malades est très particulière et elle comporte une dimension médico-sociale importante. Un plan national dédié et spécifique est donc primordial.

Un premier plan s’est focalisé sur l’identification des centres de référence et des centres de compétences. Un deuxième plan a permis de mettre en place des filières chercheurs-médecins-malades. Un troisième plan est prévu, qui s’intéresserait aux patients et à leur entourage, en s’attachant à faciliter et à renforcer le lien entre le sanitaire et le médico-social. Nous pensons que des référents parcours pourraient être mis à la disposition des familles. Ce troisième plan national sur les maladies rares pourrait également permettre de mettre en œuvre des actions concrètes afin de lutter notamment contre l’errance diagnostique et d’accélérer le développement pour le plus grand nombre de maladies.

Pour terminer, j’aimerais faire une suggestion : ne serait-il pas pertinent d’encourager l’initiative d’une résolution sur les maladies rares à l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) ?

M. Sylvain Maillard. Dans le PLFSS pour 2018, il est prévu d’adosser le RSI au régime général de sécurité sociale. Votre mission est de proposer une nouvelle organisation afin d’accompagner des améliorations rapides et visibles de la qualité des services aux assurés. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, les doléances des artisans, commerçants et libéraux sont nombreuses : erreurs de calcul, courriers comminatoires, impossibilité de joindre un agent, etc.

Le RSI régit les droits sociaux de 6,6 millions de Français. Ce régime sera supprimé à partir du 1er janvier 2018 et c’est une bonne nouvelle. Cependant, sa suppression suscite certaines interrogations. Quid de l’actuel guichet unique ? Au lieu d’avoir un seul interlocuteur, les travailleurs indépendants devront-ils s’adresser à des caisses différentes pour le recouvrement, la maladie, la retraite, la famille ? Qui va gérer la retraite complémentaire des indépendants, actuellement assurée en direct par le RSI ? Quelle sera le sort réservé aux organismes conventionnés tels que la Réunion des assureurs maladie (RAM) et autres puisque l’assurance maladie a proposé de gérer les prestations santé du RSI à leur place ?

M. Bruno Bilde. Ce week-end, se tiendra la journée nationale des « dys », dédiée aux troubles du comportement et de l’attention. Ces formes de handicap frappent près de 6 millions de Français, soit près de 10 % de la population. Les troubles « dys » doivent donc être élevés au rang de grande cause nationale et faire l’objet d’un plan interministériel dédié.

A l’heure actuelle, les acteurs associatifs et les familles s’accordent sur le fait que la prise en charge est insuffisante. Nous regrettons d’ailleurs que la Fédération française des dys n’ait pas été auditionnée par le rapporteur en charge du PLFSS. Elle aurait sans doute pu éclairer les députés sur cet enjeu de santé publique. Les moyens insuffisants des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et des unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS), la suppression des contrats aidés, le nombre insuffisant d’ergothérapeutes, de psychomotriciens et de neuropsychologues font que la tâche est immense. C’est pourquoi nous devons augmenter l’effort de la solidarité nationale.

Madame la ministre, pouvez-vous détailler le plus précisément possible ce que contiendra le PLFSS à propos des troubles « dys » ? Quelles seront vos initiatives pour traiter comme il se doit ces handicaps ?

Mme la ministre des solidarités et de la santé. Madame Élimas, je suis naturellement très favorable aux plans dédiés à des pathologies ciblées, en particulier les maladies rares, compte tenu de leur impact sur les enfants et les familles. Le ministère de la santé et le ministère de la recherche sont en train de se concerter avec les acteurs associatifs pour rédiger le troisième plan national « maladies rares ». Il existera bel et bien mais je souhaite l’intégrer dans un grand programme national de santé publique. Dans ces conditions, il faudra un délai de trois mois supplémentaires pour le parachever.

Rappelons qu’aujourd’hui, le ministère de la santé gère cinquante-deux plans de santé publique. Citons entre autres le plan cancer, le plan santé-environnement, ou encore le plan santé-nutrition. Nous ne pouvons traiter ces plans indépendamment des uns des autres. Certaines mesures proposées par un plan peuvent rejoindre celles contenues dans un autre. Par exemple, les référents de parcours que vous évoquiez, madame Élimas, sont susceptibles d’intéresser d’autres pathologies. Certains diagnostics génétiques nécessitent des plateformes de génomique qui servent aussi pour le dépistage de maladies courantes et du cancer. Dans un souci de rationalité et de cohérence, le ministère de la santé va s’attacher à homogénéiser la gouvernance de ces plans et s’assurer qu’ils sont construits selon les mêmes standards, notamment avec des indicateurs de qualité, de résultats et d’impact. Sous le couvert d’un programme national de santé publique, j’ai prévu de les rassembler non pour les fusionner en un seul puisqu’ils ont chacun leurs spécificités mais pour veiller à établir une cohérence entre eux.

Je veux vous rassurer en vous indiquant que nous allons débloquer cette année 150 millions d’euros pour les centres de référence dédiés aux maladies rares, à la suite du nouvel appel à projets. Nous sommes en train de financer les deux premières plateformes de génétique moléculaire à la suite d’un premier appel à projets portant sur un montant de 30 millions d’euros. Les choses avancent.

M. le ministre de laction et des comptes publics. À partir du 1er janvier 2018, le régime du RSI entrera dans une phase transitoire d’une durée de deux ans. Il ne sera pas supprimé mais adossé au régime général. Nous veillerons à maintenir la spécificité des droits des indépendants, sans augmentation de cotisations, en évitant les difficultés liées à la fusion des systèmes informatiques. Pour les retraites complémentaires, le back-office sera maintenu et les interlocuteurs seront inchangés. Il y aura un portail internet et des numéros de téléphone communs.

Mme la ministre des solidarités et de la santé. Je vais maintenant répondre à M. Bilde au sujet des troubles « dys », problème de santé publique majeur qui touche nos enfants. La prise en charge est très inégale sur le territoire et reste partout difficile. Le repérage précoce ne se fait pas, notamment dans les structures dédiées à la petite enfance ou à l’école. Et lorsque ce repérage précoce intervient, les délais pour adresser un enfant à un centre spécialisé sont trop longs, allant jusqu’à dix-huit mois.

Vous avez raison, monsieur Bilde, il n’existe pas de ligne du PLFSS qui soit dédiée à ces troubles. Sachez toutefois que la stratégie nationale de santé comprendra un chapitre consacré à la petite enfance : je serai particulièrement attentive à l’harmonisation des parcours pour un meilleur repérage et un meilleur adressage. La Haute Autorité de santé est en train d’élaborer les outils destinés aux médecins généralistes et aux professionnels de la petite enfance, prenant appui sur le référentiel de prise en charge des troubles « dys », que j’avais rédigé lorsque je présidais cette instance.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Le PLFSS prévoit une augmentation de 1,7 point de la CSG, qui ne sera pas sans conséquences. Dans nos circonscriptions, il est beaucoup question de la diminution mécanique des pensions de retraite qu’elle engendrera. On parle moins de ses effets sur la masse salariale des établissements de santé. Certes, deux mécanismes de compensation sont prévus : la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité de 1 % ; la suppression de la cotisation d’assurance maladie des contractuels, de 0,75 %. Néanmoins, ces dispositifs ne compensent pas, loin s’en faut, les dépenses induites par l’augmentation de la CSG.

Dans la mesure où le Gouvernement s’est engagé à ce que les agents concernés ne subissent aucune baisse de rémunération, la différence devra être absorbée par les établissements, dont la masse salariale, déjà contrainte, augmentera mécaniquement en 2018. J’en veux pour preuve une projection réalisée dans un centre hospitalier de taille moyenne, celui de Vichy, qui a évalué le surcoût qu’il subirait à 700 000 euros.

Avez-vous analysé l’impact de l’augmentation de CSG sur la masse salariale des établissements de santé ? Le cas échéant, avez-vous réfléchi à des mécanismes de compensation supplémentaires ?

M. Brahim Hammouche. J’aimerais revenir sur la prévention, dynamique au cœur de votre action, madame la ministre.

L’article L. 321-3 du code de la sécurité sociale prévoit tous les cinq ans un bilan de santé gratuit pour tous les assurés de la caisse nationale maladie des travailleurs salariés : « La caisse doit soumettre lassuré et les membres de sa famille, à certaines périodes de la vie, à un examen de santé gratuit. » Dans les faits, ces bilans sont peu pratiqués.

La convention d’objectifs et de gestion 2014-2017 passée entre l’État et la CNAMTS prévoyait un recentrage sur les publics les plus fragiles.

Quelle place entendez-vous donner, madame la ministre, à ces bilans et aux centres de médecine préventive dans la stratégie nationale de santé et de prévention ?

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Je poserai deux questions concernant la précarité, qui m’ont été inspirées par des remontées du terrain.

La première concerne l’allocation de rentrée scolaire. Le code de la sécurité sociale prévoit qu’elle soit allouée aux personnes qui ont des enfants à charge, sous certaines conditions de ressources. Quand les enfants sont placés dans une famille d’accueil, ce n’est pas celle-ci qui la perçoit : elle bénéficie à la famille d’origine, ou bien elle est placée sur un compte auquel les enfants auront accès à l’âge de dix-huit ans. Cette procédure est source d’injustice sociale et induit une mauvaise utilisation de cet argent, qui devrait être fléché pour couvrir les frais de rentrée scolaire.

Ma deuxième question a trait à l’augmentation du prix du tabac, qui est une très bonne mesure. Il est important de mettre en place un seuil symbolique qui pousse les gens à arrêter de fumer. Toutefois, par mon expérience d’infirmière, je sais que le prix n’arrête pas certains fumeurs, notamment les plus précaires et ceux qui sont atteints de troubles mentaux. Ils ne diminuent que très rarement leur consommation. Il faut donc maintenir des dispositifs d’accompagnement pour leur éviter de déplacer leurs addictions, de s’adonner à la malbouffe et d’être encore plus précaires. Vous avez d’ailleurs souligné que la même problématique se posait pour les sodas.

Ce sont avant tout les personnels de santé qui ont accès à ces publics précaires : médecins généralistes, infirmières et autres acteurs de soin. Ne serait-il pas pertinent de rémunérer les actes de prévention des addictions afin d’inciter ces professionnels à accompagner les plus précaires vers une diminution de leur consommation ?

M. le ministre de laction et des comptes publics. Je commencerai par répondre à la question sur les répercussions de la hausse de la CSG, que vous auriez pu étendre, madame Toutut-Picard, aux agents des collectivités territoriales car la même problématique se pose pour eux : reviendra-t-il aux employeurs, c’est-à-dire aux communes, aux départements, aux régions, de compenser ?

Il faut garder le sens des proportions. Les petites retraites sont celles des personnes qui touchent 600, 700, 800 euros, voire 200 ou 300 euros comme certains agriculteurs. Les retraités ayant des revenus inférieurs à 1 400 euros ne seront pas concernés par l’augmentation de la CSG. Ils connaîtront même une importante augmentation de leur pouvoir d’achat, même si celle-ci ne résoudra pas les problèmes de pauvreté qu’ils rencontrent. Le minimum vieillesse sera en effet revalorisé de 100 euros par mois.

Nous avons fait un choix politique. Nous avons considéré que les retraités percevant un revenu net supérieur à 2 500 euros par mois peuvent contribuer à la solidarité à l’égard de générations qui n’ont pas connu les mêmes conditions économiques que sous les Trente Glorieuses. Ils ont indéniablement une meilleure vie qu’un salarié appartenant à une famille monoparentale qui gagne 1 150 euros. C’est une mesure courageuse de redistribution vers les salariés.

Une question technique se pose : qui compense cette augmentation de la CSG ?

Les agents publics bénéficient d’une augmentation de pouvoir d’achat qui se situe entre 2 % et 4 % par an, mais derrière les moyennes, il y a toujours des disparités. Nous connaissons tous des agents publics n’ayant pas bénéficié d’une telle augmentation. La solution ne réside pas dans une augmentation du point d’indice, mesure générale très coûteuse pour les deniers publics qui ne résout pas les difficultés sociales auxquelles sont confrontés certains agents publics, dans le secteur hospitalier notamment. Il importe plutôt d’examiner la situation métier par métier pour opérer un rattrapage à travers une suppression de cotisations. C’est ainsi que nous procéderons avec Jean-Michel Blanquer pour les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) et avec Agnès Buzyn pour certains métiers hospitaliers.

Que les choses soient claires, nous prévoyons de compenser intégralement la hausse de la CSG. Aucun agent public ne verra sa rémunération baisser. Nous supprimons des cotisations qui se rapprochent de celles payées par les salariés du privé. Il s’agit tout d’abord de la cotisation exceptionnelle de solidarité (CES) de 1 % pour les fonctionnaires, le plus souvent de catégorie A et B, qui a moins d’intérêt dès lors que nous allons changer de modèle d’assurance-chômage. Il s’agit ensuite de la cotisation maladie de 0,75 % pour les contractuels.

Comment procéderons-nous à cette compensation ? Nous avons rendez-vous le 16 octobre avec les syndicats de la fonction publique pour donner le détail des mesures que nous avons retenues. Outre les cotisations que je viens d’évoquer, nous prévoyons de supprimer les cotisations payées par les employeurs de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. La compensation de la hausse de la CSG pour les agents publics ne donnera lieu à aucun transfert de charges. La loi permettra de verser les primes correspondant à la hausse de 1,7 point de la CSG.

Personne ne sera donc lésé. L’État prend toutes ses responsabilités en matière de politique salariale.

Mme la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Hammouche, la CNAM prévoit des examens de santé gratuits et envoie aux assurés des invitations. Un dispositif de consultations gratuites destinées aux jeunes femmes pour le dépistage des cancers et l’éducation à la sexualité vient d’être mis en œuvre. Certaines consultations de prévention sont remboursées par la sécurité sociale, par exemple pour l’arrêt du tabac. Toutefois, peu d’assurés profitent des possibilités qui leur sont offertes. Un problème de communication et d’information se pose et, avant de créer des examens gratuits supplémentaires à des âges donnés, il serait bon de faire fonctionner ceux qui existent. Si nous devons procéder à changements, ce sera dans le cadre de la stratégie nationale de santé.

Vous m’avez interrogée sur le versement de l’allocation de rentrée scolaire, madame Fontaine-Domeizel. La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance dispose que lorsqu’un enfant est placé par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), l’ARS n’est pas plus perçue par sa famille d’origine, mais est gérée par la Caisse des dépôts et consignations jusqu’à ses dix-huit ans. Je préférerais que nous évaluions cette mesure, qui n’a que dix-huit mois, avant de la faire éventuellement évoluer.

En matière de lutte contre le tabac, beaucoup de dispositifs existent déjà. La consultation pour l’arrêt du tabac est gratuite. Et la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) est mise en œuvre si 75 % de patients d’un généraliste se sont vu proposer une consultation d’arrêt du tabac ou des substituts nicotiniques. Par ailleurs, la prise en charge par l’assurance maladie des substituts nicotiniques à hauteur de 150 euros par an et par personne, réservée aux patients souffrant d’affections de longue durée et aux femmes enceintes, a été élargie en 2016 à tous les assurés. En réalité, les Français n’utilisent pas cette possibilité au niveau que nous pourrions espérer.

Nous allons réfléchir à des approches populationnelles car, vous avez raison, madame la députée, le tabagisme touche davantage les populations défavorisées, notamment les chômeurs. Nous développerons des actions d’information et d’accompagnement pour toucher ces publics-cibles.

M. Gilles Lurton. Je partage votre point de vue sur l’allocation de rentrée scolaire, madame la ministre. La loi mérite d’être évaluée. Je vous ai d’ailleurs récemment écrit à ce sujet.

L’examen du PLFSS est traditionnellement l’occasion pour nous d’interroger les ministres au sujet de la politique familiale du Gouvernement. Trois articles y sont consacrés, les articles 25, 26 et 27. Après cinq années de coups de rabot portés à la politique familiale, je dois dire que je m’attendais à une pause, d’autant que la branche famille sera à l’équilibre en 2019. J’ai donc été très surpris, madame la ministre, de votre décision de diminuer encore une fois le plafond de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) : ce seront plus de 500 millions d’euros qui seront encore retirés aux familles les plus modestes et 250 millions d’euros aux familles de catégorie intermédiaire. J’ai du mal à comprendre ce choix alors même que vous venez de nous dire que vous voulez soutenir les familles les plus fragiles et faciliter l’activité professionnelle des femmes, objectifs que je ne peux que partager.

Vous avez justifié cette décision par la nécessité de financer des prestations en faveur des familles monoparentales. Vous avez ainsi prévu une augmentation du complément de mode de garde (CMG) pour les parents isolés. Les couples en seront exclus, alors que tous ne sont pas aisés. Enfin, cette hausse de 138 euros n’aura que peu de bénéficiaires car elle est conditionnée à une dépense très élevée en frais de garde, avoisinant 600 euros. Je ne vois pas quelle famille monoparentale en situation difficile peut débourser autant.

Sur tous ces points, j’aimerais obtenir des éclaircissements.

Mme Monique Iborra. Ce premier budget social de la législature maîtrise la dépense, poursuit la baisse de l’endettement et soutient l’activité économique et le pouvoir d’achat, des plus fragiles notamment. Il se projette dans l’avenir en mettant en avant la prévention, l’innovation, les expérimentations en matière de soins.

Je ne vous poserai pas de question mais vous adresserai des remerciements, en mon nom et au nom de ceux de mes collègues de la commission qui ont participé à la première partie de la « mission flash » consacrée aux EHPAD. C’est l’une des premières fois que l’exécutif prend en compte aussi rapidement les recommandations d’une mission d’information. Au-delà des 100 millions d’euros pour l’encadrement, les conditions de travail et la permanence des soins infirmiers, vous validez les possibilités d’expérimentation, d’utilisation de la télémédecine et d’une évaluation plus qualitative.

Pour ces raisons, je poursuivrai avec d’autant plus d’énergie la deuxième partie de cette mission.

M. Alain Ramadier. Le Gouvernement a acté dans le PLFSS le décalage de trois mois de la revalorisation des pensions de retraite. En clair, la prochaine revalorisation interviendra non en octobre 2018, mais en janvier 2019. Le Gouvernement réalisera ainsi sur le dos des retraités, qu’il se plaît à présenter comme aisés, une économie de 500 millions d’euros. En outre, 60 % des retraités, soit 8 millions d’entre eux, paieront la CSG à taux plein sans autre compensation. Or un rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) a évalué en 2013 le niveau de vie médian des retraités à 1 720 euros par mois. Il est donc curieux, voire injuste, de faire entrer un retraité gagnant 1 200 euros dans la catégorie des retraités aisés.

Quant à la suppression de la taxe d’habitation, censée compenser en partie la hausse de la CSG, qu’en sera-t-il pour les nombreux retraités qui ne la paient pas, notamment les 600 000 d’entre eux qui vivent dans des maisons de retraite et dont les chambres ne sont pas considérées comme des logements privés ? Pour ces personnes, aucune compensation n’est prévue alors même qu’elles doivent supporter un coût mensuel de prise en charge très élevé, souvent bien supérieur à une pension de retraite moyenne, et que les familles peinent à financer.

Madame la ministre, quelles initiatives comptez-vous prendre pour aider ces retraités touchés et par la hausse de la CSG et par le décalage de trois mois de la revalorisation des pensions ? Ne craignez-vous pas, avec de telles mesures, de mettre à mal la solidarité intergénérationnelle, pilier de notre système de retraite par répartition, en laissant se répandre le sentiment que les retraités qui ont travaillé et cotisé toute leur vie coûtent trop cher et pénalisent les actifs ?

M. le ministre de laction et des comptes publics. Je ne peux pas vous laisser dire, monsieur le député, que les retraités ne connaîtront aucune forme de compensation puisqu’ils bénéficieront de la suppression de la taxe d’habitation prévue dans le PLF. Je veux répéter devant vous que toute personne seule ayant jusqu’à 2 500 euros de revenus mensuels ou tout couple jusqu’à 4 000 euros fera l’objet d’une exonération. L’augmentation de la CSG sera quasiment neutralisée par la suppression de la taxe d’habitation.

Par ailleurs, les retraités pourront déduire la CSG de leurs impôts, s’ils en paient. L’augmentation de la TVA préconisée par M. Vercamer aboutirait, quant à elle, à une augmentation bien plus importante de la fiscalité et affecterait tous les retraités, y compris ceux qui ne touchent que 200 ou 300 euros de pension comme c’est le cas des retraités agricoles en outre-mer.

Vous évoquez les personnes qui résident dans une maison de retraite. Certaines doivent acquitter la taxe d’habitation lorsqu’elles ont la jouissance d’un logement privatif et à ce titre, elles bénéficieront de la suppression de la taxe d’habitation dans les mêmes conditions que le reste de la population. Pour celles qui ne paient pas de taxe d’habitation, il faut distinguer deux cas. Si leur établissement paie la taxe d’habitation, celui-ci fera une demande de dégrèvement, qu’il sera naturellement dans l’obligation de répercuter sur les tarifs qu’il pratique. Si leur établissement ne la paie pas, il faudra faire un effort en leur faveur, ce dont nous discuterons lors de l’examen des articles. Nous pensons que cela ne concerne que très peu de personnes. La très grande majorité des personnes résidant dans une maison de retraite bénéficieront d’une manière ou d’une autre d’une compensation.

Mme la ministre des solidarités et de la santé. Nous veillerons à ce que la part que représente l’hébergement en EHPAD dans le budget de ces personnes n’augmente pas l’année prochaine, soit que les coûts soient stabilisés ou soit qu’ils augmentent moins vite que la pension.

Monsieur Lurton, vous m’avez posé la question de la politique familiale. L’alignement du plafond de ressources de la PAJE sur celui du complément familial remonte au PLFSS de 2013. Cette mesure n’a certes jamais été mise en œuvre mais elle existait déjà. Dans un souci de lisibilité, elle visait à harmoniser les allocations reçues pour un enfant avant et après l’âge de trois ans. L’allocation de base de la PAJE va baisser de 17 euros, passant à 169 euros pour les familles. Dans le même temps, le complément familial majoré augmentera de 17 euros pour le troisième enfant. L’abaissement du plafond de l’allocation de base de la PAJE ne concernera que 4 % des familles sur les 72 % qui touchent cette prestation.

Nous avons choisi de revaloriser la prime de naissance, le complément familial majoré, l’allocation de soutien familial et l’allocation pour garde d’enfants pour les familles monoparentales. Ces choix stratégiques, de redistribution, ciblent les familles le plus en difficulté.

Mme Fadila Khattabi. Madame la ministre, monsieur le ministre, nous avons eu le plaisir de vous accueillir à Dijon en septembre dernier avec le Premier ministre. Vous avez eu l’occasion de rencontrer le président et des salariés du RSI, mais aussi les représentants de la chambre des métiers et de l’artisanat de Côte-d’Or. Tous, pour des raisons diverses, ont fait part de leurs inquiétudes à la suite de l’annonce de la suppression du RSI, qui était un engagement du Président de la République.

Le RSI sera adossé au régime général dès janvier 2018. Vos propos ont été rassurants, mais les personnels du RSI sont inquiets. Ils ont le sentiment d’avoir accompli dans des conditions difficiles un travail qui a contribué à la constitution de réserves à hauteur de 17 milliards, ce qui n’est pas négligeable. Quant aux travailleurs indépendants, bien qu’ils soient favorables à cette suppression, ils sont également inquiets car ils craignent de voir leurs cotisations augmenter, dans une proportion de 30 %, disent certains. Ils redoutent par ailleurs que les montants mis en réserve ne viennent compenser d’autres caisses plus ou moins à l’équilibre.

Nous connaissons votre grand sens du dialogue et de l’écoute, madame la ministre, monsieur le ministre, et nous aimerions que vous nous apportiez des précisions sur la mise en œuvre de la réforme ?

M. Jean-Hugues Ratenon. Madame la ministre, monsieur le ministre, le mois dernier, le Défenseur des droits publiait un rapport consacré à la lutte contre la fraude aux prestations sociales. On y apprend que les objectifs chiffrés de détection de la fraude ont conduit à des situations ayant porté « atteinte au principe dégalité devant les services publics, à celui de la dignité de la personne ou encore au principe du contradictoire ». Les allocataires et assurés sociaux ne peuvent plus se justifier devant l’administration, désormais susceptible de couper leurs prestations, de fixer des pénalités importantes, sans possibilité pour les personnes incriminées d’être défendues. On y apprend aussi que l’erreur est de plus en plus confondue avec la fraude et qu’une mauvaise compréhension de la part des usagers peut leur valoir d’être qualifiés de fraudeurs et d’être traités comme tels. C’est d’autant plus grave que les dégâts sur la vie des assurés sociaux les plus précaires sont énormes.

Quelle n’a pas été ma surprise lorsque j’ai appris que ce PLFSS compte intensifier cette lutte contre la fraude pour mener à bien son plan d’économies.

Commençons par pointer le cynisme qui consiste à espérer que la fraude des usagers contribuera au rétablissement de l’équilibre de l’ensemble de la sécurité sociale. À quel prix, madame la ministre ?

Votre projet de loi accroit la pression qui pèse sur les fonctionnaires, poussés à se montrer sans pitié. Vous souhaitez empêcher la remise de dettes et fermer les yeux sur les situations d’endettement des assurés sociaux qualifiés de fraudeurs. Vous déniez aux fonctionnaires le droit à l’humanité, en proposant la mise en place de pénalités s’ils font preuve de compassion.

Pourquoi un tel acharnement sur la fraude aux prestations sociales, trente et une fois moindre que la fraude fiscale, monsieur le ministre ? J’aurais préféré que vous soyez aussi sévère avec les exilés fiscaux mais vous leur déroulez le tapis rouge en les poussant à revenir pour profiter de la fin de l’ISF.

Fort avec les faibles, faible avec les forts : telle est la devise de ce gouvernement qui va vider les poches des pauvres en les criminalisant. Un peu d’humanité de votre part devrait vous conduire à renoncer à une mesure qui aggrave considérablement la situation actuelle.

Mme Valérie Petit. Ma question portera sur la lutte contre la contrebande de tabac et les achats frontaliers.

Nous savons qu’une augmentation importante et rapide du prix du tabac produit des effets positifs en matière de baisse de la consommation et plus largement de lutte contre le tabagisme. L’évolution de la fiscalité que vous proposez dans le PLFSS vise à fixer le prix du paquet de cigarettes à dix euros en 2020, ce qui est une mesure de santé publique extrêmement courageuse.

Elle est aussi susceptible, vous le savez, de provoquer une hausse de la contrebande de tabac et des achats transfrontaliers. Une étude du cabinet KPMG, qui vaut ce qu’elle vaut, estime à 26 % la part du marché parallèle dans la consommation totale du pays.

Des actions ont déjà été engagées pour lutter contre la contrebande de tabac et limiter les achats transfrontaliers, notamment à l’échelle de l’Union européenne. On peut évoquer les directives sur les dispositifs de traçabilité ou encore la limitation des quantités pouvant être transportées par les particuliers d’un État à un autre de l’Union.

Ma question porte plutôt sur les moyens nationaux que nous mettrons en œuvre. J’aimerais en connaître le détail et le coût prévisionnel.

Auriez-vous une estimation, monsieur le ministre, de l’impact de la hausse du prix du tabac à venir sur la contrebande et les achats transfrontaliers ?

Quels moyens supplémentaires vont être mis en œuvre pour lutter efficacement contre la contrebande ? Je pense à la mobilisation des agents des douanes ou encore à des mesures prises en direction des buralistes.

Enfin, pouvez-vous estimer le coût de ces mesures ?

M. le ministre de laction et des comptes publics. Monsieur Ratenon, je vais vous donner un scoop : mon cœur bat, j’ai aussi des sentiments et il m’arrive même d’aimer les enfants. Je pense pouvoir dire que Mme la ministre aussi, même si je n’en ai pas de preuves.

Mme la ministre des solidarités et de la santé. Mais pour moi, tout le monde le sait déjà, cher collègue ! (Sourires.)

M. le ministre de laction et des comptes publics. Votre argumentation sur la fraude fiscale est déconsidérée par les propos que vous tenez à propos de la fraude sociale. Que ce soit en matière de fiscalité ou de prestations sociales, le fraudeur est toujours celui qui donne un coup de canif au pacte républicain.

Je ne sais pas où vous avez vu que j’aurais preuve de légèreté à l’égard des exilés fiscaux, depuis cinq mois que j’occupe mes fonctions ministérielles. Gardez-vous de tout procès d’intention. Je suis le ministre qui a proposé la fermeture de ce bureau, contre certaines habitudes, y compris administratives qui avaient été prises. Ainsi, à partir du 1er janvier prochain, aucun exilé fiscal ne pourra plus bénéficier du régime de rattrapage. Je suis le ministre qui a évoqué pour la première fois la déchéance des droits civiques pour ceux qui seraient convaincus de fraude fiscale avérée et caractérisée, je constate que vous n’en faites pas mention. Par ailleurs, je ne vois pas le lien que vous établissez entre le fait de diminuer la fiscalité et les fraudeurs et autres évadés fiscaux.

Fort heureusement, dans ce pays certains paient beaucoup d’impôts, notamment dans ma région. Alors qu’ils auraient très facilement pu passer la frontière pour aller en Belgique – car il n’y a ni Alpes, ni Pyrénées, ni Manche à franchir : la rue que j’habite est partagée entre la France et la Belgique –, ils sont restés en France. Ils ont le droit de contester le montant des impôts, mais ils les acquittent. Cela s’appelle la démocratie : on a le droit de contester un montant d’impôt comme de dire qu’ils ne sont pas assez élevés. Ce procès que vous me faites n’est donc pas juste.

Celui qui fraude socialement doit être pénalisé, et je n’ai aucun doute sur la nécessité de lutter contre les fraudes. Car la fraude jette l’opprobre sur l’ensemble de la redistribution sociale. Je vais vous délivrer un deuxième scoop : l’argent public n’existe pas ; ce qui existe, c’est l’argent des contribuables. Heureux sont les contribuables qui peuvent payer, car certains, du fait des circonstances de leur existence, en sont empêchés, c’est là que la solidarité nationale prend le relais.

Il ne faut jamais oublier que le gratuit ne sort pas d’une imprimante qui se trouverait dans les sous-sols de Bercy ; cela fait cinq mois que je la cherche, et je n’ai trouvé que des copies du PLFSS et du PLF, dont je remercie les ouvriers du Livre du ministère.

La question du tabac est très importante. Mme la ministre de la santé et des solidarités, suivant en cela l’annonce faite par le Premier ministre lors de son discours de politique générale, a proposé une augmentation très forte des prix du tabac, ce qui emporte de très lourdes conséquences pour les buralistes, influe sur le comportement des fumeurs, et peut poser la question de l’efficacité d’une politique d’augmentation de la fiscalité.

Historiquement, ainsi que Mme Buzyn l’a rappelé en termes choisis, le ministère des comptes publics, puisqu’il est à la fois le ministère des douanes et celui des buralistes – qui m’ont fait l’honneur de m’inviter à leur congrès le 19 octobre prochain –, n’est pas favorable à une forte augmentation des prix du tabac, car elle a des conséquences sur la contrefaçon, la contrebande et leur possible encouragement.

Reste qu’on ne peut pas considérer qu’il faille continuer avec l’instrument de mort qu’est le tabac, qui produit des cancers, singulièrement plus qu’ailleurs dans la région où vous êtes élue, madame Petit. En outre, ce fléau touche davantage les classes populaires, comme beaucoup de maladies liées au comportement, qu’il s’agisse du sucre, de l’alcool ou du tabac.

L’interdiction du tabac dans les lieux publics, décidée par Xavier Bertrand, a donné lieu à des débats très denses, et beaucoup de gens l’ont contestée. Cette décision ne procédait d’ailleurs pas d’un texte législatif, mais d’un texte réglementaire, et personne n’aurait aujourd’hui l’idée de revenir sur cette décision courageuse. Elle a sauvé des milliers de vies, y compris de tenanciers exploitants de bars-tabacs.

Vous avez raison, toutes les études montrent que les hausses du prix du tabac, à condition qu’elles soient fortes, entraînent des arrêts de la consommation. Il existe aussi des mesures d’accompagnement, que nous nous efforçons de mettre en place de la façon la plus précise possible. J’ignore quel est le pourcentage de fraude et de contrebande. J’ai entendu le chiffre de 26 %, qui par définition est difficile à établir. Je le prends pour ce qu’il est, je ne vais pas casser le thermomètre.

Il n’empêche que la contrebande existe à raison du trafic qui, comme tous les trafics dont celui de l’alcool notamment, porte sur des produits qui se revendent facilement, ce qui conforte cette pratique.

Nous voulons mettre tous les moyens en œuvre pour lutter contre ces trafics. Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit 200 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires pour l’administration des douanes, alors que mon ministère connaît une baisse très significative de ses effectifs. Il faut que les douaniers, qui fournissent un travail remarquable, ce que les buralistes soulignent souvent, disposent d’encore plus de moyens, notamment par le renseignement douanier et l’augmentation du nombre des brigades canines. À cet égard, je rappelle que, dans toutes les ambassades, ports et aéroports du monde, les agents douaniers sont en correspondance et échangent de l’information.

Le trafic de cigarettes est important en volume ; la semaine dernière l’administration des douanes a encore arrêté huit tonnes de tabac en transit dans un port de la Manche. Les services douaniers réalisent donc des saisies importantes, mais la question ne concerne pas que ces seuls services. Je pense que les parlementaires devraient aussi aider le ministre des comptes publics, ministre des douanes, lorsqu’il considère – je sais que Gérard Collomb y est très attentif – que la police et la gendarmerie sont aussi concernées, et que les actions doivent être davantage coordonnées.

Comme me l’ont indiqué récemment encore des agents du service du Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN), le trafic de cigarettes nourrit malheureusement d’autres circuits parallèles, dont le terrorisme. Aussi, ceux qui achètent du tabac de contrebande doivent savoir qu’ils ne font pas forcément une bonne affaire, car il leur arrive de financer d’autres trafics. Je partage votre point de vue : il faut améliorer la coordination et – pourquoi pas ? – aggraver les peines infligées aux trafiquants de tabac.

Vous avez aussi évoqué le problème des frontaliers. De fait, la situation n’est pas la même selon que l’on est proche d’Andorre, de l’Espagne, de l’Italie, ou que l’on se trouve au centre de la France ou en Bretagne. Le trafic existe partout, mais il est plus intense dans les zones frontalières ; il ne vous a pas échappé que la France a beaucoup de frontières, et celles-ci doivent être maîtrisées.

Nous allons prendre des initiatives extrêmement fortes pour que l’action de l’Europe se concrétise jusque dans la vie de tous les jours, y compris pour les buralistes et les consommateurs. Nous allons proposer une harmonisation fiscale, je l’espère avec le soutien des députés européens, je vais entreprendre avec M. Moscovici, pour la première fois, des visites des zones frontalières et des services douaniers luttant contre le trafic du tabac.

Le Premier ministre soutient cette démarche, et je ferai la tournée des pays européens concernés avec Mme la ministre de la santé pour évoquer après l’adoption du budget et de la loi de financement de la sécurité sociale, ce problème d’harmonisation fiscale, car il faut mettre un terme aux distorsions existant dans ce domaine entre les différents pays. Si la France doit être à la pointe d’un certain nombre de questions touchant à l’écologie, elle doit aussi l’être de la lutte contre la consommation de tabac, dont les effets destructeurs sont très puissants.

Je souhaite enfin vous dire que nous allons travailler avec les buralistes, qui font un métier difficile. Tous ne connaissent pas la précarité, ils gagnent parfois correctement leur vie, mais beaucoup de fermetures sont constatées. Ces buralistes ne vendent pas que du tabac, mais beaucoup d’autres choses ; ils sont le lieu social des villes et des villages de France, et j’ai beaucoup de respect pour ces gens qui se lèvent tôt le matin, se couchent tard le soir et subissent une fiscalité ainsi qu’une réglementation pesantes – ce qu’ils acceptent, mais ils demandent à être accompagnés.

C’est ce que je leur dirai à leur congrès, notamment en abordant la question d’une meilleure répartition des bénéfices réalisés par la Française des jeux, même s’il y a là d’autres addictions possibles sur lesquelles nous reviendrons. Nous voulons aider les buralistes, notamment les frontaliers, à se moderniser, ce qui est leur souhait. La cigarette électronique pose d’autres questions, les buralistes ont adopté le Compte-Nickel, qui fonctionne très bien pour un certain nombre d’entre eux. Ils ont la possibilité de diversifier les produits qu’ils proposent au public, notamment en relation avec le rôle de lien social qui est le leur.

Nous ne reculerons pas sur l’objectif de santé publique que constitue la lutte contre le tabagisme qui implique une action déterminée contre la contrebande et la contrefaçon, mais nous devons aider les buralistes à s’en sortir, car l’État a longtemps compté sur eux pour vendre du tabac.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Ma question porte sur le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Les tableaux d’équilibre présentés dans le PLFSS laissent apparaître un solde excédentaire de la branche vieillesse d’un montant de 1,3 milliard d’euros ; de son côté, le FSV connaît un déficit de 3,6 milliards d’euros, toutefois en nette diminution depuis quelques années. Qu’en est-il des recettes affectées à ce fonds pour l’année 2018, et quelles sont les perspectives d’évolution ? Quelles seront les évolutions de dépenses, et quelles sont les solutions envisagées pour réduire le déficit ?

Mme Annie Vidal. Ma question concerne les prestations familiales, particulièrement la mise en cohérence du supplément familial de traitement (SFT) de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE). Pouvez-vous me confirmer que ce sont seulement 4 % des 72 % de familles touchant cette prestation qui seront lésées par cette mesure ? Quelles en seront, par ailleurs, les conséquences pour les familles qui auraient pu bénéficier de la PAJE au-delà du 1er avril 2018 ?

Enfin, je voudrais vous dire à quel point les professionnels de santé de mon territoire d’élection reçoivent positivement ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Ce sont surtout la volonté clairement affichée pour la promotion d’une médecine préventive plutôt que curative, et la préférence donnée à une médecine de parcours sur une médecine d’actes qui remportent les suffrages.

Mme Ericka Bareigts. Vous souhaitez porter au problème de la pauvreté infantile une attention particulière, que, bien entendu, nous partageons ces inquiétudes. Je dois toutefois confesser ma perplexité au sujet de la cohérence d’ensemble de la politique du Gouvernement dans le domaine de la lutte contre la pauvreté. À cet égard, on ne peut que s’étonner de la baisse annoncée de l’allocation de base de la PAJE.

Par ailleurs, si les enfants sont pauvres, c’est parce que leurs familles le sont ; ce constat a été établi par l’Observatoire des inégalités. Dès lors, comment peut-on appauvrir les tranches d’âge supérieures des familles, à savoir les parents et grands-parents, en espérant que cela n’affectera pas les enfants ? La théorie du ruissellement vaudrait-elle pour la richesse et pas pour la pauvreté ?

Malheureusement, lorsque l’on appauvrit les parents en diminuant les aides au logement, ou les grands-parents en augmentant la CSG pesant sur leurs retraites, la pauvreté finit fatalement par toucher les enfants. Pour un retraité percevant une pension d’un montant de 1 300 euros, ce qui constitue une petite retraite, monsieur le ministre, car à 600 euros le seuil de la grande pauvreté est atteint, cette mesure représente une baisse de 265 euros du pouvoir d’achat, sans compensation puisque l’intéressé bénéficie déjà de l’exonération.

Comme les retraités, les personnes pensionnées au titre de l’invalidité subiront les conséquences de la hausse de la CSG, et ce sans aucune compensation.

Par ailleurs, la réforme des critères de prise en compte des revenus d’un couple bénéficiant de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) conduira à un nivellement par le bas de leurs allocations. Ces couples aussi ont des enfants qui en subiront les conséquences.

Enfin, le dossier de presse présentant le PLFSS pour 2017 mentionne la somme de 50 millions d’euros pour la prise en charge des patients précaires au sein des établissements de santé. Or cette somme ne figure pas dans le projet de loi : pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

Mme la ministre des solidarités et de la santé. Je précise qu’aucune modification des recettes ou des dépenses du FSV n’est prévue. Nous voulons ramener le déficit à 3,4 milliards d’euros en 2018, et à 800 millions d’euros en 2021.

S’agissant de la PAJE, je confirme à Mme Vidal que l’alignement des plafonds et de l’allocation de base avec le complément familial concernera 4 % des familles recevant aujourd’hui l’allocation de base de la PAJE, sur les 72 % de familles qui la reçoivent aujourd’hui. Ce qui se traduira par une diminution de revenu de 17 euros, passant de 185 euros à 168 euros par enfant, mais, pour beaucoup de familles, cette baisse sera compensée par d’autres types d’allocations. Ce seront donc les 4 % des familles les plus aisées qui seront touchées.

Par ailleurs, dans la mesure où il s’agit d’une mesure « de flux », elle ne concernera que les enfants nés à partir du 1er avril 2018, c’est-à-dire que ceux qui ouvrent actuellement droit à 185 euros ne verront pas leur situation modifiée.

Par ailleurs, nous allons lancer une grande concertation sur la question de la pauvreté des enfants et des jeunes. Si aujourd’hui le taux de pauvreté dans le pays s’est stabilisé à 13,14 %, le visage de la pauvreté a changé. Ce sont majoritairement des jeunes, particulièrement ceux qui sont âgés de moins de 25 ans, qui sont atteints. De plus, 3 millions d’enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Nous allons lancer une action volontariste fondée sur une concertation axée sur une stratégie nationale, dont le Président de la République donnera le départ lundi prochain. Pour ma part, j’ai rencontré toutes les grandes associations ; et je précise qu’une politique ne se résume pas à une seule mesure budgétaire portant sur une allocation.

Se saisir d’un problème aussi complexe que la pauvreté des enfants et travailler sur l’investissement social passe aussi par des mesures concernant l’école – comme le doublement des classes en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP) – et par toutes les mesures que je prends en faveur des familles monoparentales ou des familles pauvres dans le cadre du PLFSS.

Enfin, le PLFSS pour 2018 est un PLFSS de redistribution. Les associations familiales notamment nous reprochent de toucher au principe d’universalité en utilisant la politique familiale comme moyen de redistribution en faveur de la lutte contre la pauvreté : je l’assume, et nous poursuivrons dans cette direction !

M. le ministre de laction et des comptes publics. Pour compléter la réponse de Mme la ministre de la santé, j’avoue tout d’abord ne pas bien entendre vos propos au sujet de la pauvreté, madame Bareigts. Je rappelle que nous augmentons tous les minima, ce qu’aucun gouvernement n’a fait auparavant. Nous augmentons le minimum vieillesse, l’AAH ainsi que le montant de la prime d’activité pour les travailleurs dont les revenus se situent entre 0,5 et 1,3 à 1,4 fois le SMIC. Je ne vois donc pas comment vous parvenez à considérer que le poids de la fiscalité augmente pour ceux qui sont considérés comme pauvres. Je le répète : ce n’est qu’à partir d’un montant de retraite de 1 390 euros que commence l’augmentation de quelques euros de la CSG ; ce qui constitue précisément une mesure redistributive.

Je peux comprendre, madame la députée, que sur le flanc droit de l’hémicycle on conteste – avec cependant des débats internes – la « bascule » opérée entre cotisations et CSG, en préconisant de privilégier la TVA comme instrument d’intervention. De fait, la TVA est payée par tout le monde, et on en acquitte le montant en fonction de ce que l’on achète : ainsi le riche n’achète-t-il pas la même voiture que le pauvre, et paie 20 % en proportion de ce qu’il acquiert.

En revanche, on comprend moins pourquoi des gens qui pourraient se présenter comme sociaux-démocrates, qui sont donc attachés à la redistribution à proportion des revenus – et ça n’est pas pour rien que la CSG a été inventée par Michel Rocard – combattent une politique sociale prenant la CSG pour variable – à moins que la Nouvelle Gauche ne soit plus sociale-démocrate, ce qui pourrait susciter un débat politique intéressant. Je pense vraiment que vous devriez choisir un autre argument pour dénoncer cette bascule entre cotisations et CSG car, comme l’a fort justement rappelé Mme la ministre : c’est le principe même de la redistribution. Or, ce qui est attaqué, ce n’est pas la bascule de la CSG ni même le seuil retenu, mais le principe de la redistribution en faveur de ceux qui travaillent, et dont les salaires sont les plus bas. Je suis donc au regret de devoir vous dire que cette critique prenant pour argument que la CSG ou la fiscalité augmenterait pour les plus pauvres est dénuée de fondement, le contenu du PLF comme du PLFSS démontre d’ailleurs le contraire.

M. Thierry Michels. Au cours de la dernière séance de questions au Gouvernement, vous avez évoqué, monsieur le ministre, le mandat de transformation de l’action publique que les Français ont confié à la majorité. Il ne s’agit pas de passer un coup de rabot uniforme, mais de reconsidérer en profondeur les missions de l’État et des services publics.

Or nous constatons trop souvent un écart entre les moyens investis et les résultats obtenus, au regard de l’efficacité et de la qualité du service rendu. C’est notamment le cas dans les hôpitaux, où les personnels médicaux ne peuvent pas passer suffisamment de temps auprès des patients, en raison des tâches administratives trop lourdes qui leur sont affectées.

Le grand plan d’investissement annoncé par le Gouvernement, qui consacre 5 milliards d’euros à la transformation numérique de système de santé, représente une avancée bienvenue pour rendre du temps aux personnels des hôpitaux afin qu’ils puissent se recentrer sur l’essentiel de leur métier.

Quelles autres mesures envisagez-vous pour améliorer la gestion des personnels et du temps à l’hôpital, et remettre patients et usagers au cœur du système de santé ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Madame la ministre, vous avez évoqué les efforts réels réalisés par le PLF et le PLFSS pour le volet soins. Néanmoins, nous n’avons pas de réponse à la question portant sur la tarification de la partie dépendance. Or, c’est bien là que le décret d’application pose problème. Notre commission vous a adressé un certain nombre de propositions restées à ce jour sans réponse.

Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité augmenter de façon significative le montant de l’allocation aux adultes handicapés, mais cette mesure ne profitera pas de la même façon à tous. Ainsi en sera-t-il pour les couples bénéficiaires de l’AAH puisque vous proposez le gel du plafond de leurs ressources et l’alignez sur celui des personnes bénéficiant du revenu de solidarité active (RSA). Cette mesure semble s’inscrire en contradiction avec l’esprit des divers travaux conduits dans ce domaine, au rang desquels le rapport de Christophe Sirugue sur les minima sociaux, publié en avril 2016, qui montre que l’AAH n’est pas un minimum social comme les autres. En renvoyant à davantage de solidarité familiale, cette mesure risque d’aller à l’encontre du combat pour une plus grande autonomie : 230 000 personnes seraient concernées.

En outre, vous proposez la suppression du complément de ressources destiné aux personnes les plus handicapées ne pouvant pas travailler, mais vivant dans un logement indépendant ; 65 000 personnes seraient alors concernées.

Enfin, vous ne proposez pas de compensation à l’augmentation de la CSG assise sur la prestation de compensation du handicap (PCH) perçue par les aidants familiaux, qui doivent souvent renoncer à travailler. Or le taux horaire proposé n’est absolument pas à la hauteur de l’engagement qui est le leur, et cette augmentation de CSG non compensée risque de diminuer de façon importante leur pouvoir d’achat.

Mme Martine Wonner. Madame la ministre, vous annoncez un PLFSS de solidarité, ce dont nous pouvons tous nous réjouir.

La lutte contre les exclusions et la pauvreté constitue une priorité qui passe par un meilleur accès au droit ainsi que par la simplification des démarches. La prévention est un objectif essentiel de la politique nationale de santé, comme la lutte contre les inégalités sociales en santé.

L’accès à la santé relève des droits inaliénables protégeant la dignité de tout être humain. Dans un souci de santé publique, de simplification et d’économies, intégrer les bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME) dans le régime général constituerait une évolution efficace. La couverture maladie est une garantie pour les plus démunis, mais elle profite à l’ensemble des personnes résidant en France, en évitant que l’état de santé des plus précaires ne se dégrade.

L’intégration de l’AME dans le régime général favoriserait l’accès à la médecine de ville et limiterait le report vers les services d’urgence hospitaliers. Elle faciliterait le travail des professionnels sociaux et médico-sociaux et des caisses d’assurance maladie qui traitent des demandes en devant appliquer des règles complexes variant pour des populations pourtant similaires. Elle faciliterait la continuité de l’accès à la couverture maladie, quel que soit le statut de la personne. Certes, cela représente un choc de simplification administrative, mais comment ne pas y être favorable ?

Que pensez-vous de ces propositions, madame et monsieur le ministre, puisqu’elles concernent à la fois le PLF et le PLFSS ?

Mme la ministre des solidarités et de la santé. À M. Michels, je réponds que nous mettons en œuvre un plan de qualité de vie au travail des professionnels de santé hospitaliers, mais que cela ne suffira pas et que j’ai conscience qu’il ne peut constituer l’unique réponse. Des mesures portant sur la sécurité des établissements de soins seront prises, et une réflexion sur la gouvernance doit par ailleurs être conduite. Nous allons y travailler. Ce n’est pas parce qu’une mesure ne figure pas dans le PLFSS que le ministère ne lance pas des actions et des plans. Encore une fois, le PLFSS ne traduit que les aspects budgétaires d’une politique.

La question des patients et usagers me tient particulièrement à cœur, car j’y ai déjà été confrontée dans d’autres contextes. Il me semble qu’aujourd’hui notre vision de leur représentation au sein des instances est quelque peu archaïque. Ils doivent désormais être impliqués dans l’évaluation et l’évolution du système de santé.

Il existe maintenant des indicateurs d’évaluation de qualité des soins et des parcours, nous disposons des mesures des résultats déclarés par les patients (PROM) et des mesures des expériences déclarées par les patients (PREM), qui permettent d’apprécier la qualité des soins dispensés par un établissement. Ces techniques existent au Canada notamment, nous allons les développer, et elles constitueront une évolution possible vers l’intégration des patients et des usagers dans le cadre de la transformation du système.

Quant à la modification de la tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) évoquée par Mme Firmin Le Bodo, je rappelle que cette mesure a été décidée par le gouvernement précédent. Nous recevons d’ailleurs de nombreuses récriminations à son sujet. Il est prévu que cette réforme s’étale sur sept ans ; nous avons été alertés très tôt des difficultés de tarification des établissements. Je répète qu’aujourd’hui 80 % des EHPAD sont gagnants, et 20 % perdants. Nous disposons de tout le temps nécessaire à une mise en œuvre en douceur, un comité de suivi a été installé ; nous travaillerons avec l’ensemble des parties concernées, particulièrement les acteurs locaux qui participent au financement.

Pour ce qui concerne l’AAH, je laisse à M. Darmanin le soin de répondre.

M. le ministre de laction et des comptes publics. Je tiens tout dabord à lever toute ambiguïté qui aurait pu survenir : aucun allocataire de lAAH ne connaîtra de baisse de pouvoir dachat. La revalorisation annoncée permettra de porter à 900 euros le « treizième mois » de lAAH, dont le montant, au 1er novembre 2018, sera porté à 860 euros et atteindra 900 euros le 1er novembre 2019.

Cette revalorisation correspond à une hausse de plus de 11 % du montant de l’allocation, et représentera un gain mensuel de 48 euros dès la fin de l’année 2018, puis de 90 euros à la fin de l’année 2019. Elle bénéficiera à 876 500 ménages et représente un montant cumulé de dépenses de 2,5 milliards d’euros d’ici 2022. Y aura-t-il des perdants parmi les couples ? La réponse est négative, il n’y aura pas de perdants parmi les couples à cause de ce système de revalorisation.

Cette mesure s’accompagne d’un rapprochement des règles de prise en compte de la situation familiale. Beaucoup de candidats à l’élection présidentielle ont évoqué ce principe du rapprochement des minima sociaux entre eux. Un travail de réflexion sera mené par la ministre de la santé et des solidarités ainsi que par votre commission. Je rappelle par ailleurs que le coefficient multiplicateur des ressources retenu pour le calcul du RSA est aujourd’hui de 1,5 et devrait évoluer vers 1,8. Il reste donc supérieur aux coefficients actuellement applicables aux autres minima, et le minimum garanti de ressources de ces couples s’élève à 1 620 euros. Il est ainsi stabilisé bien au-dessus du seuil de pauvreté pour les couples.

Nous nous accordons tous à dire qu’aucun des allocataires actuel ne sera impacté. Seuls 16,5 % des bénéficiaires de l’AAH qui sont en couple disposent de ressources situées au-dessus du plafond de 1 620 euros, et leur situation demeurera inchangée. Plus de 155 000 bénéficiaires de l’AAH en couple ont des ressources situées en dessous de ce seuil, ce qui n’est pas, madame, le chiffre que vous avez donné. Ils vont donc aussi bénéficier pleinement de la mesure de revalorisation.

Vous m’avez aussi interrogé sur le complément de ressources : les bénéficiaires vont-ils accuser une perte de pouvoir d’achat ? Là encore la réponse est négative. Contrairement à l’objectif de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui visait à maintenir un seul complément de l’AAH, le bénéfice de cette allocation peut être complété pour des personnes placées dans la même situation, par l’un ou l’autre des deux compléments, soit un complément de ressources de 179 euros lorsqu’elles ont une capacité de travail inférieure à 5 % ; et seuls 6 % des bénéficiaires de l’AAH le perçoivent.

Par une majoration pour la vie autonome de 105 euros, qui vient, elle, rehausser le niveau des allocations logement de droit commun, 14 % des allocataires bénéficient de cette majoration. La coexistence de ces deux compléments, dont le bénéfice est soumis à des conditions partiellement communes et qui peuvent ou pas s’articuler avec les prestations logement de droit commun, nuit à la lisibilité des dispositifs, et concourt à l’engorgement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Si nous avions un débat portant sur les autres prestations susceptibles d’être servies aux personnes en situation de handicap, vous seriez sans doute les premiers, avec raison, à dénoncer les dysfonctionnements de certaines MDPH, dus à la diversité excessive des dispositifs qu’elles proposent.

Dans une perspective de rationalisation et de simplification, la fusion de ces compléments va être engagée, elle ne sera effective qu’au début de l’année 2019, et les droits des bénéficiaires actuels seront intégralement maintenus. La fusion des compléments interviendra au fil des nouvelles demandes ; si je devais caricaturer, je dirais que l’on parlera évidemment du flux des nouvelles demandes, et évidemment pas de ceux qui aujourd’hui connaissent ce dispositif.

Mme la ministre des solidarités et de la santé. À Mme Wonner, je répondrai que l’AME est un dispositif nécessaire de santé publique : il protège les personnes en situation irrégulière, mais aussi les autres grâce à la couverture qu’on leur garantit contre les maladies transmissibles. En tout état de cause, en l’absence d’AME les hôpitaux devraient accueillir ces patients, ce qui constituerait un transfert de charge de l’AME vers le budget des hôpitaux. Il est donc évidemment nécessaire de maintenir cette couverture des personnes en situation irrégulière.

Par ailleurs, l’AME et la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) sont des dispositifs complémentaires, qui ne s’adressent pas aux mêmes personnes et qui sont le fruit de réflexions différentes. La CMU-C couvre un risque assurantiel, elle est financée par une taxe prélevée sur les contrats d’assurance, tandis que l’AME est financée par l’impôt.

De plus, la couverture apportée par la CMU-C est supérieure à celle que fournit l’AME, qui ne couvre que le strict nécessaire. La CMU-C peut, par exemple, couvrir le droit à la procréation artificielle ainsi qu’aux cures thermales et aux médicaments à 15 %. Ça n’est pas le cas de l’AME. Il n’est donc pas question, pour l’instant, de fondre les deux dispositifs en un seul.

M. Boris Vallaud. J’ignore si le PLFSS et le PLF seront ceux des promesses tenues. Il est en tout cas vrai que le budget de la Nation est bien celui des promesses tenues à l’endroit des plus favorisés, car ils bénéficient immédiatement de la baisse de l’ISF et de l’institution du prélèvement forfaitaire unique. Pour les autres, nous ne pouvons que constater que bien des mesures sont étalées dans le temps, et pour des montants qui sont sans commune mesure. Mais la question n’est pas là, vous avez vos ordres de priorité que nous pouvons ne pas partager.

Madame la ministre, vous voulez être la ministre de la prévention, or vous avez déconstruit le compte pénibilité, ce qui me donne l’occasion de vous rappeler que vous nous devez une réponse à la lettre que vous a adressée le groupe Nouvelle Gauche. Mais je comprends que vous puissiez être gênée, car je ne suis pas certain que vous ayez été associée à cette réforme.

Que comptez-vous faire pour la prévention des risques professionnels, qui sont la première cause de cancers dans notre pays ? De façon plus générale, où est la prévention dans votre PLFSS ? Y est-il question de l’alcool, de la promotion de l’activité physique, de la lutte contre l’exposition aux risques chimiques ? Qu’est-ce qui, dans votre texte, contribuera à la réduction des inégalités de santé, qui se constituent essentiellement sur les lieux de travail ?

Le diable se nichant dans les détails, je souhaiterais avoir des précisions sur les conséquences de la hausse du forfait hospitalier. Je souhaiterais en particulier connaître le nombre des patients dépourvus d’assurance complémentaire santé ou souscrivant à des assurances complémentaires ne couvrant pas intégralement les frais, et pour lesquels demeure un reste à charge. J’aimerais connaître le montant moyen de ce reste à charge ainsi que la durée moyenne de leur séjour en milieu hospitalier.

L’augmentation du forfait jour représente 2 euros par jour pour ces patients, soit 60 euros par mois. Pour un chômeur en fin de droits bénéficiaire de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) mais pas de la CMU-C, cela représente 10 % de ses revenus.

Je souhaiterais donc savoir combien de personnes sont dans cette situation, et ce que vous envisagez faire pour eux. Demanderez-vous, par exemple, aux hôpitaux de ne pas recouvrer les factures, sauf, sans aucun doute, à prendre le risque de faire payer aux plus malades et aux plus pauvres cette augmentation du forfait jour ?

Enfin, allez-vous réformer le reste à charge supporté par l’hôpital, qui est un nid de complexités ?

M. Julien Borowczyk. Je souhaite tout d’abord souligner les engagements forts et courageux de ce PLFSS, particulièrement pour ce qui concerne la mise en valeur du travail d’innovation et de prévention, mais aussi pour le maintien de l’équilibre budgétaire.

Madame la ministre, la désertification médicale rurale comme urbaine constitue aujourd’hui une préoccupation majeure. L’attention que vous portez à cette problématique nationale apporte d’ailleurs la preuve de la juste appréhension qui est la vôtre des conséquences de cette situation. Vous n’êtes pas sans savoir que le maillage dense et équilibré du territoire national par tous les professionnels de santé est indispensable pour garantir l’accès aux soins primaires et secondaires, mais aussi pour garantir le retour à domicile de chacun.

Afin de lutter contre cette désertification, vous souhaitez par le truchement du PLFSS renforcer et accélérer la constitution d’équipes professionnelles pluridisciplinaires riches de toutes les expériences. C’est à l’évidence préserver l’avenir de la prise en charge médicale au sein de parcours de soins et de santé structurés. Cette solution répond de surcroît à une demande exprimée par les professionnels de santé, qui de plus en plus souhaitent travailler ensemble.

Madame la ministre comment comptez-vous promouvoir cette coordination interprofessionnelle ? Comment pensez-vous faciliter l’articulation entre la ville et l’hôpital au bénéfice du patient ? Enfin, peut-on envisager à brève échéance une pérennisation du maintien à domicile grâce à la télésurveillance et aux soins à domicile ?

Mme la ministre des solidarités et de la santé. En réponse à M. Vallaud, je rappellerai que le forfait hospitalier n’a pas été revalorisé depuis 2010, il va donc prendre en compte l’inflation, y compris celle de 2018 avec une légère anticipation. Aujourd’hui ce sont les assureurs et les complémentaires qui couvrent en très grande majorité ce forfait journalier hospitalier : 95 % de nos concitoyens ont souscrit une assurance complémentaire couvrant le forfait hospitalier.

Les personnes les plus démunies sont couvertes par la CMU-C ou par l’accès à l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS). Ces dispositifs couvrent également l’assurance maternité, les personnes prises en charge au titre des accidents du travail, des maladies professionnelles ou victimes d’actes de terrorisme. Ainsi, très peu de gens ne bénéficient-ils pas d’une garantie complémentaire. C’est en général par choix puisque les personnes les plus défavorisées ont accès à la CMU-C, bien entendu, ainsi qu’à l’ACS.

L’impact sur les complémentaires santé est relativement faible puisque 200 millions leur seront prélevés, ce qui représenterait, si elles les répercutaient sur les cotisants, entre 0,5 % et 1 % du coût de l’assurance complémentaire. Mais cette répercussion est loin d’être sûre ; nous débutons aujourd’hui les négociations avec les assureurs sur le reste à charge zéro. Nous rappellerons aux assureurs qu’alors que la part d’assurance maladie obligatoire a augmenté ces dernières années dans les dépenses de santé, eux-mêmes ont vu leur part plutôt diminuer du fait de l’augmentation du nombre de patients pris en charge au titre d’une affection de longue durée (ALD). Cette évolution devrait leur permettre de rattraper cet écart se creusant entre la part de l’assurance obligatoire et celle de l’assurance complémentaire.

S’agissant des déserts médicaux, je puis déjà affirmer que les modes de financement permettront des modes d’organisation innovants. Le plan sera détaillé le 13 octobre prochain, et il serait pour moi délicat de dévoiler aujourd’hui les mesures que nous allons adopter en faveur des coopérations interprofessionnelles.

De son côté, la télésurveillance ne fait pas l’objet de mesures. Nous avons mis en commun la téléexpertise et la télémédecine, mais la télésurveillance, qui s’apparente plus à ce que l’on appelle un dispositif médical, mérite d’être évaluée au titre de la qualité des soins qu’elle permet de délivrer aux patients. Elle n’entre pas dans le droit commun aujourd’hui, et demeure au stade expérimental.

Non, monsieur Vallaud, les risques professionnels ne sont pas la première cause de cancer, et heureusement. La première cause, c’est le tabac ; suivent, en ordre décroissant, l’alcool, la sédentarité, l’alimentation et l’exposition aux rayons ultraviolets. Que les risques professionnels soient responsables d’environ deux pour cent des cancers ne signifie pas qu’il ne faille pas travailler à la prévention des maladies et des risques professionnels. Je m’y emploie avec ma collègue ministre du travail, et la stratégie nationale de santé comportera un volet à ce sujet.

M. le ministre de laction et des comptes publics. Permettez-moi de préciser que le chiffre précédemment cité correspond aux réserves des régimes complémentaires hors champ.

M. Bernard Perrut. Pourriez-vous rassurer les agriculteurs, qui s’inquiètent des dispositions du PLFSS 2018 ? L’augmentation prévue de leur cotisation personnelle d’assurance maladie s’accompagnera d’une hausse de CSG qui ne sera pas intégralement compensée. En outre, de la conversion du CICE résulte la hausse du prélèvement sur l’emploi des travailleurs occasionnels en agriculture. Ce projet de loi revient donc sur certaines avancées obtenues par les agriculteurs en des temps difficiles, telle la baisse de 7 points de la cotisation d’assurance maladie-maternité (AMEXA) et de la cotisation pour la branche famille, alors que les difficultés demeurent. Vous envisagez l’harmonisation du régime d’assurance maladie pour l’ensemble des travailleurs indépendants agricoles et non agricoles et, dès 2018, le nouveau barème de cotisation pour les exploitants sera progressif, les taux variant de 1,5 % à 6,5 % en fonction des revenus. Les organisations agricoles, dont la FNSEA, s’inquiètent de cette évolution, estimant entre 120 et 300 millions d’euros le coût que devra supporter la « ferme France ».

Alors que le taux de la CSG va augmenter, la réduction de la cotisation famille et maladie ne bénéficiera pas à tous les agriculteurs mais, selon les simulations réalisées, uniquement à ceux dont les revenus sont très bas. Nos agriculteurs connaissant des moments difficiles, ce n’est pas acceptable.

Je ne saurais passer sous silence le coût du travail. Le sujet est capital pour des productions qui demandent beaucoup de main d’œuvre occasionnelle – c’est pourquoi un dispositif ciblé d’exonération de charges sociales avait été créé. Or, la suppression du CICE n’est pas compensée pour les employeurs éligibles au dispositif pour l’embauche de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi. Cela provoque une perte sèche de 7 % du coût du travail pour les agriculteurs et donc une perte de compétitivité. Quel mécanisme à effet équivalent appliquer pour permettre à ce secteur, grand employeur de main d’œuvre occasionnelle, de résister à la forte concurrence des autres pays européens à laquelle il est soumis ? Le Gouvernement est-il prêt à moduler les nouvelles cotisations sociales actuellement non exonérées – prévoyance, complémentaire santé, accidents du travail – pour soutenir l’agriculture française ?

M. Guillaume Chiche. Le PLFSS ambitieux qui nous a été présenté est tourné vers les plus modestes. Les dépenses publiques consacrées à la protection sociale sont en cours de stabilisation et le Gouvernement veut que l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale soit atteint à horizon 2020.

Á cette fin, vous avez annoncé, madame la ministre, l’augmentation du forfait jour hospitalier ; le 1er janvier 2018, il passera de 18 à 20 euros, et le forfait journalier psychiatrie de 13,5 à 15 euros. La hausse est justifiée par le fait que ces montants n’ont pas changé depuis 2010. Néanmoins, le forfait hospitalier, n’étant pas remboursé par la sécurité sociale, est pris en charge par les complémentaires santé ; on peut donc penser que les organismes mutualistes augmenteront le montant des cotisations appelées. Dans quelle mesure pourrions-nous préserver de cette augmentation les usagers, qu’ils soient sociétaires mutualistes ou qu’ils fassent partie des 5 % de Français non couverts par une complémentaire santé ?

Je souhaite aussi appeler votre attention sur les organismes sélectionnés par l’appel public à concurrence des contrats d’assurance complémentaire de santé éligibles à l’aide au paiement d’une aide complémentaire de santé. Les cotisations étant soumises à la validation de la direction de la sécurité sociale (DSS), on peut s’interroger sur la capacité de ces organismes à poursuivre leurs activités une fois les forfaits augmentés.

Enfin, pendant la séance de questions au Gouvernement, hier, au Sénat, vous avez été interrogée, madame la ministre, sur la politique familiale et sur le principe d’universalité des allocations familiales, et vous avez indiqué qu’il fallait prendre le temps de la réflexion. Je pense comme vous qu’il faut prendre le temps de la concertation et de l’échange et j’espère que nous pourrons y contribuer dans le cadre d’une mission parlementaire.

M. Adrien Quatennens. Peut-être avez-vous vu le reportage télévisé que l’émission Cash Investigation a consacré aux conditions de travail dans les entrepôts de l’enseigne Lidl. On y apprend que non seulement les magasiniers sont affublés d’un casque à travers lequel une intelligence artificielle leur dicte tous leurs mouvements, mais qu’en plus ils portent des charges lourdes – jusqu’à 8 tonnes par jour. C’est pourquoi les dos lâchent, les nerfs craquent et la souffrance au travail génère des maladies professionnelles.

La preuve est faite que la pénibilité n’est pas une vieillerie de l’époque des mines de charbon et de l’« âge d’or » du travail à la chaîne. Dans notre économie tertiarisée, des ouvriers usent toujours leurs corps à produire et leurs conditions de travail empirent. Pourtant, votre Gouvernement semble nier cette réalité, ou la mépriser. Les ordonnances réformant le code du travail n’osent-elles pas nous présenter la suppression des CHSCT comme un progrès alors que cette instance permettait aux salariés d’expertiser en toute indépendance les risques auxquelles ils sont confrontés quotidiennement ?

La fin du compte pénibilité qu’entérine ce PLFSS va dans le même sens : votre nouveau « compte professionnel de formation » conditionne le départ anticipé au fait d’être déjà malade, et il exclut quatre critères de pénibilité de la nomenclature actuelle, parmi lesquels l’exposition à des produits chimiques et le port de charges lourdes. Les salariés de Lidl apprécieront.

On aurait pu croire que votre Gouvernement s’arrêterait là, mais non ! Cerise sur le gâteau, le PLFSS modifie les règles d’indemnisation et de prise en compte des maladies professionnelles. Il instaure une limite de départ de l’indemnisation qui pénalisera celles et ceux dont la maladie sera détectée tardivement et satisfera les entreprises pathogènes, qui ne seront pas inquiétées. La boucle est donc bouclée pour la santé au travail : d’une part vous détruisez les instances de régulation et de détection sanitaire des salariés, d’autre part vous réduisez leurs possibilités d’indemnisation en cas de maladies professionnelles. Est-ce cela, la santé au travail sous Emmanuel Macron ? Il avait expliqué pendant la campagne électorale qu’il n’aimait pas le terme « pénibilité », parce qu’il induirait que le travail serait une souffrance. Je dirais plutôt qu’il veut rendre la pénibilité invisible et ne veut pas que l’on reconnaisse cette souffrance. Mais à défaut de reconnaître la maladie, vous risquez de faire disparaître les malades et leurs droits.

M. le ministre de laction et des comptes publics. Je vais m’efforcer de vous rassurer, monsieur Perrut. Vous voudrez bien convenir que les exonérations que vous avez mentionnées étaient consenties à titre exceptionnel. Le Gouvernement de l’époque avait indiqué qu’elles ne dureraient qu’un certain temps et la question était de savoir si elles seraient pérennisées. Conformément aux engagements du Gouvernement, l’augmentation de 1,7 point de la CSG sera intégralement compensée pour l’ensemble des agriculteurs par une baisse uniforme de 2,15 % de la cotisation famille, qui sera ramenée à un taux nul pour tous les exploitants dont le revenu est inférieur à 110 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 43 000 euros.

Parallèlement, dans un souci de simplification et d’équité, le régime des cotisations maladie sera harmonisé pour l’ensemble des travailleurs indépendants, agricoles et non agricoles ; cela se justifie d’autant plus que les prestations maladie servies sont identiques pour tous les indépendants. Le nouveau barème de cotisation – qui passe progressivement de 1,5 à 6,5 points jusqu’à un revenu égal à 110 % du plafond annuel de la sécurité sociale et qui est stabilisé à 6,5 points pour les revenus supérieurs à ce plafond – donnera, à revenu égal, un gain de pouvoir d’achat à deux tiers des exploitants agricoles du pays. Tous les agriculteurs verront leur cotisation maladie baisser par rapport au barème uniforme ; la réduction est évaluée à 356 millions d’euros en 2018. Je peux donc rassurer le monde agricole et je sais que le ministre de l’agriculture, dont c’est l’un des dossiers prioritaires, aura l’occasion de traiter à nouveau de ce sujet avec les organisations syndicales que vous avez mentionnées. J’ignore si le Président de la République a évoqué la question lors de son discours à Rungis cet après-midi puisque je me trouvais avec vous, mais je sais qu’il s’en est entretenu avec mon collègue Stéphane Travert.

Mme la ministre des solidarités et de la santé. Je ne reviendrai pas sur le forfait hospitalier, à propos duquel je pense avoir déjà répondu.

Nous avons une politique nataliste, largement fondée sur l’universalité des droits et donc des allocations familiales. Mais l’on se rend compte que les besoins des familles ont changé. J’ai commencé à discuter avec les associations familiales, car nous devons redéfinir tous ensemble les objectifs que nous visons et, à cette occasion, nous interroger sur la pertinence de l’universalité des allocations familiales. Je ne souhaite pas aborder cette question sous un angle idéologique, car tout le monde se braquerait. Or la politique familiale est importante pour notre pays, où le taux de natalité est en baisse : il s’établit à 1,8 % et c’est la première fois qu’il est aussi bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Nous devons impérativement nous doter des outils qui nous permettront de répondre aux enjeux que nous définirons conjointement au cours de l’année à venir.

Je regrette, monsieur Quatennens, que nous n’ayons pas la même lecture de ce que prévoit le PLFSS en matière d’indemnisation des maladies professionnelles. Le texte me semble être mal compris car la mesure est très positive pour les salariés : elle améliore la couverture en avançant la prise en charge, qui se fera au moment de l’apparition des premiers symptômes de la maladie professionnelle, au lieu qu’auparavant c’était la déclaration par un médecin qui la déclenchait. On prend donc en compte le fait que les salariés ont commencé d’être malades bien avant que l’affection ait été déclarée.

 M. Dominique Da Silva. Sont prévus dans le PLFSS l’allègement uniforme de 6 points de cotisations sociales qui compensera parfaitement la suppression du CICE en 2018 et le renforcement de la réduction générale et dégressive des cotisations patronales sur les bas salaires – soit une charge nulle pour un salaire au niveau du SMIC. Une autre promesse de campagne du président de la République tendait à instaurer un mécanisme de bonus-malus sur la part des cotisations chômage et ce dispositif devrait faire l’objet d’un projet de loi à l’initiative de la ministre du travail. Ne pourrait-on profiter de l’allègement massif des cotisations sociales qui bénéficie à tous les employeurs pour introduire de manière très simple le principe du bonus-malus, sans devoir revenir demain sur les taux de cotisation ? Quel avis porteriez-vous sur un amendement en ce sens ?

Mme Delphine Bagarry. Je souhaite revenir sur les conclusions de la Cour des comptes au sujet des comptes de l’exercice 2016. Lorsque nous l’avons reçu, M. Didier Migaud, son Premier Président, nous a dit que les réformes structurelles entreprises avaient commencé de porter leurs fruits et a préconisé de les poursuivre – mais nous n’avons manifestement pas tous entendu la même chose. Plusieurs des recommandations formulées par la Cour sont d’ailleurs reprises dans le PLFSS pour 2018 : la poursuite de la recherche du retour à l’équilibre des comptes sociaux, la sincérité de l’ONDAM, le développement de la télémédecine ou encore les mesures en faveur des familles monoparentales. En revanche, les recommandations relatives à la rémunération des pharmaciens d’officine n’ont pas trouvé leur traduction dans le texte. La Cour préconisait de fonder cette rémunération sur l’acte de dispensation et non plus sur le nombre de boîtes de médicaments vendues. Ce serait une belle mesure, au moment où l’on tend à favoriser les pharmaciens vertueux – ceux qui se soucient de ne dispenser que le nécessaire – et à désavantager ceux qui omettent d’interroger les patients sur leur stock éventuel de médicaments. Une telle mesure réduirait le volume de médicaments distribué et aussi le gaspillage.

Le PLFSS ne traite pas davantage de la dispensation des médicaments à l’unité, une pratique pourtant usitée dans de nombreux pays et qui contribue également à réduire le gaspillage tout en favorisant l’observance des traitements. La mesure aurait donc un triple aspect préventif, économique et écologique. Le nouveau mode de rémunération pourrait être inscrit à l’article 35 du PLFSS, qui tend à promouvoir l’innovation en santé par des expérimentations. Les pharmaciens d’officine seraient de la sorte impliqués dans la politique de prévention et dans la lutte contre le gaspillage.

Mme Audrey Dufeu Schubert. Je vous félicite, madame la ministre, pour votre action en faveur de la couverture vaccinale des enfants. Nous, responsables politiques, nous devons de tout faire pour que nos concitoyens soient protégés au mieux : renforcer la couverture vaccinale collective, c’est renforcer la solidarité à l’égard des plus fragiles.

Les épidémies de grippe virulentes des hivers 2014 et 2015 ont eu un impact significatif sur le volume de soins, en ville et à l’hôpital. La faible efficacité de la vaccination des personnes les plus fragiles et les contre-indications qui s’imposent à certaines d’entre elles rendent particulièrement nécessaire la vaccination des personnels de santé, vecteurs potentiels de la maladie. Or la faiblesse de leur couverture vaccinale – à peine 25 % en moyenne nationale – ne permet pas d’assurer la sécurité sanitaire de nos structures de soins. Le PLFSS pour 2018 ne peut-il être le véhicule permettant de renouer avec l’obligation qui était faite aux personnels de santé d’être vaccinés contre la grippe jusqu’à ce que le décret du 14 octobre 2006 la suspende ?

M. le ministre de laction et des comptes publics. Un groupe de travail technique a été constitué qui étudie la création d’un système de bonus-malus pour les contributions des entreprises à l’assurance chômage. Parce que la réforme envisagée, complexe, ne peut être précipitée, je serais contraint de donner un avis défavorable à tout amendement déposé à ce sujet, monsieur Da Silva. Mais la question sera traitée dans le cadre de la concertation que Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, va lancer avec les partenaires sociaux, et il pourrait être intéressant pour vous de travailler le sujet en amont d’un futur texte.

Je suis attendu en haut lieu et dois donc m’éclipser ; je vous prie de m’en excuser, mais je vous laisse en de bonnes mains.

Mme la ministre des solidarités et de la santé. Nous souhaitons promouvoir des modes de rémunération diversifiés pour les pharmaciens d’officine. Le mouvement est déjà enclenché, puisque sont rémunérés certains actes indépendants de la vente des boîtes de médicaments. Ainsi, la dispensation à des personnes âgées et à des enfants ainsi que la dispensation de certains médicaments spécifiques font déjà l’objet d’une convention prévoyant un entretien pharmaceutique. Est aussi prévue la possibilité d’une conciliation médicamenteuse pour certaines ordonnances complexes. Les pharmaciens d’officine sont aussi encouragés à participer à des expérimentations de vaccination, de manière à ce qu’ils deviennent des acteurs de santé publique en matière de prévention. Nous continuerons de travailler avec eux au sujet de la dispensation et de la vente de médicaments à l’unité.

Á ce propos, une expérimentation vient de se terminer en Bretagne. J’attends d’avoir pris connaissance du rapport pour apprécier si l’on peut aller plus loin dans la vente à l’unité, car si cette pratique offre probablement un intérêt pour l’observance et pour le coût, elle est aussi facteur de risque pour la traçabilité des médicaments vendus de la sorte.

L’obligation de vaccination antigrippale faite aux personnels de santé a effectivement été suspendue, les experts considérant que si la probabilité pour les soignants de contracter la maladie était accrue, la grippe n’exposait pas à un risque important cette population jeune, qui n’en tirait donc pas un bénéfice personnel significatif. Il ne faut surtout pas mettre en regard la vaccination antigrippale des personnels de santé et la vaccination des enfants avec les vaccins de la petite enfance, dont on escompte un bénéfice individuel important face aux risques de handicap, de mort ou de maladie sévère. Mais, parce que je considère qu’il y a un enjeu déontologique dans la couverture vaccinale antigrippale des personnels de santé, j’ai demandé aux ordres professionnels de sensibiliser leurs membres à ce sujet. Nous verrons, au cours des années qui viennent, si la couverture vaccinale antigrippale des personnels soignants augmente. Si tel n’est pas le cas, nous nous dirigerons peut-être vers des mesures plus incitatives – voire coercitives si l’on assiste à des épidémies comparables à celle de l’année dernière, qui a causé 16 000 décès supplémentaires liés à la grippe chez les personnes âgées de plus de 75 ans. Le débat reste ouvert, mais je ne souhaite pas inscrire cette obligation dans le PLFSS pour l’instant.

Mme Jeanine Dubié. Je ne m’appesantirai pas sur la question, déjà abordée, de l’augmentation de la CSG pour les retraités modestes car je pense que nous y reviendrons en séance publique.

J’ai pris acte, madame la ministre, de votre volonté de lutter contre la contrebande de cigarettes et de limiter les achats transfrontaliers ; en ma qualité de députée des Hautes-Pyrénées, je m’en félicite. Envisagez-vous aussi des mesures destinées à limiter, sinon à empêcher, la vente de paquets de cigarettes par le biais d’internet, où on les trouve à la moitié du prix pratiqué en France ? Sur un plan plus général, la France a-t-elle entrepris des actions visant à l’harmonisation européenne du prix du tabac et de sa fiscalité ? Si rien n’est fait en ce sens, je crains que les mesures prises dans notre pays pénalisent et les finances publiques et les buralistes.

Pour ce qui est du paiement de la taxe d’habitation par les maisons de retraite, il faut clarifier les choses. Les établissements sanitaires ou médico-sociaux publics ne la payent pas, non plus que les établissements sanitaires ou médico-sociaux à caractère commercial, soumis à la cotisation foncière des entreprises. Les seuls qui la payent sont les établissements privés à but non lucratif ; peut-on les en exonérer pour éviter cette inégalité de traitement ?

M. Belkhir Belhaddad. La situation des praticiens à diplôme hors Union européenne reste problématique, notamment pour ceux qui ont été recrutés en France après le 3 août 2010. Ces médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes et sages-femmes exercent depuis des années dans nos hôpitaux, où ils assurent des soins médicaux en parfaite autonomie et sont reconnus tant par leurs patients que par leurs pairs. La réalité de leur situation, ce sont pourtant des contrats de courte durée, de très forts écarts de salaire et une absence de reconnaissance en dépit de leur importante contribution à la continuité du service public hospitalier.

Je souhaite donc connaître les dispositions que vous entendez prendre en vue de leur régularisation progressive dans les corps et effectifs de la fonction publique hospitalière. Il nous serait aussi utile de disposer, si possible, d’une étude d’impact budgétaire qui permettrait à la représentation nationale d’estimer le nombre d’agents concernés ainsi que les charges que représenterait leur intégration, lesquelles pourraient être lissées sur plusieurs exercices budgétaires.

Mme Corinne Vignon. J’ai récemment été interpellée par la caisse primaire d’assurance maladie de Haute-Garonne au sujet de la prise en charge financière des implants et des prothèses dentaires pour les patients ayant été atteint d’un cancer de la bouche. Nombre d’entre eux doivent subir une reconstruction buccale et se faire poser des implants dentaires pour déglutir et parler. Cette reconstruction, très coûteuse – la dépense moyenne est de 10 000 euros –, n’est pas prise en charge par l’assurance maladie, pour laquelle cette réhabilitation fonctionnelle relève de l’esthétique et du confort. Vos services, madame la ministre, négocient en ce moment avec les chirurgiens-dentistes de nouvelles prises en charge et un meilleur accès aux soins. Il est difficile de retrouver confiance en soi après un cancer ; une fois guéri, devoir débourser des sommes folles pour retrouver l’apparence physique que l’on avait avant la maladie est une double peine. Le panier de soins devrait prendre ces personnes en considération. Qu’en pensez-vous ?

Mme la ministre des solidarités et de la santé. La vente du tabac par internet est par définition une vente hors réseau ; elle ressortit à la contrebande et donc au plan d’action que nous allons mettre en œuvre, même si c’est très compliqué sur le plan technique.

Nous allons prendre une initiative forte concernant l’harmonisation des prix du tabac. J’en ai déjà discuté avec mes homologues européens et aussi avec le nouveau directeur de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dont nous avons l’appui et qui a sollicité un rendez-vous auprès de la Commission européenne. L’état d’esprit change ; c’est le bon moment pour que la France donne l’élan.

Nous avons répondu plusieurs fois aux questions relatives aux EHPAD ; je n’y reviens donc pas.

La situation des praticiens à diplôme hors Union européenne est compliquée. Ils exercent en France mais ont échoué à un concours de praticien hospitalier, peut-être trop sélectif puisque 10 % seulement des candidats sont reçus ; cela signifie qu’avoir une note moyenne de 14 ou 15 sur 20 ne suffit pas à être admis. Nous revoyons les modalités d’intégration de ces professionnels dans les hôpitaux, en maintenant pour condition expresse la qualité des soins et en ciblant l’intégration des praticiens qui exercent dans des disciplines où nous faisons face à une pénurie, telle l’anesthésie-réanimation. La réflexion est lancée et nous trouverons une solution car de nombreux hôpitaux fonctionnent avec ces praticiens qui non seulement sont intégrés mais qui contribuent utilement à l’égalité d’accès aux soins. 

Jusqu’à présent, seuls les très rares cas d’agénésie dentaire entraînaient le remboursement des implants dentaires. Depuis peu, ces implants sont inscrits dans la nomenclature pour les patients atteints d’une tumeur de la cavité buccale ou d’un maxillaire. Tous les actes ne sont pas remboursés par l’assurance maladie car pour l’être ils doivent avoir fait l’objet d’une évaluation par la Haute Autorité de santé, ce qui peut prendre du temps, mais déjà certains actes d’implantologie le sont déjà dans le cadre dit. Une évolution est donc en cours, mais il faut tenir compte des tarifs des professionnels. La question sera abordée dans le cadre global de la négociation conventionnelle en cours avec les dentistes.

Mme Isabelle Valentin. La politique familiale repose en France sur la redistribution horizontale, les familles avec enfants bénéficiant du soutien des familles sans enfants parce que, en retour, ces derniers paieront leurs pensions de retraite. Ainsi s’applique le principe historique de la solidarité intergénérationnelle, socle de notre système de sécurité sociale. Mais, à partir de 2015, de très fortes économies ont été réalisées sur la branche famille. Depuis lors, le Gouvernement a mené une politique sociale, non plus une politique familiale. La mise sous conditions de ressources du versement des allocations familiales et les baisses successives du quotient familial qui ont particulièrement touché les classes moyennes ne sont pas conformes au principe de solidarité intergénérationnelle. La politique familiale doit faire l’objet d’une stratégie concertée et bénéficier d’un financement pérenne dynamique pour donner confiance aux familles. Pensez-vous, madame la ministre, réformer le congé parental pour le deuxième parent ? Entendez-vous rehausser le quotient familial ? Quels moyens d’insertion professionnelle envisagez-vous pour les parents qui ont arrêté leur activité quelques années afin de s’occuper de leurs enfants ?

Mme Laëtitia Romeiro Dias. Le PLFSS pour 2018 matérialise lengagement du Président de la République de redonner du pouvoir dachat aux salariés. Sept milliards deuros leur seront directement redistribués par la suppression des cotisations maladie et chômage et la hausse de 1,7 point de la CSG. Ces baisses de cotisations ont lieu dans une logique de rééquilibrage du financement de notre protection sociale qui tend vers plus déquité en élargissant la base dimposition. La revalorisation de la prime dactivité et celle du minimum vieillesse et de lallocation aux adultes handicapés vont aussi dans le sens dune plus grande justice sociale. Le Gouvernement est ainsi très attentif à la situation des personnes les plus fragiles, notamment celles qui sont éloignées du marché de lemploi. Cependant, le 1er janvier prochain, le taux de CSG sur les pensions dinvalidité passera de 6,6 % à 8,3 % ; des mesures sont-elles prévues pour compenser la hausse de la fiscalité pour les personnes concernées, souvent démunies ?

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Le financement des hôpitaux outre-mer, notamment en Guadeloupe, appelle une approche globale concertée pour répondre à l’urgence. L’exigence est double : il faut répondre aux besoins de santé spécifiques de la population et tenir compte de ce que l’effort nécessaire demande un engagement exceptionnel national à la mesure des enjeux. Les hôpitaux antillais, en particulier, doivent faire face à des surcoûts dus à l’insularité : la prime de vie chère versée à 40 % du personnel, les frais d’approche et de transport, des taxes très importantes, des frais d’évacuation sanitaire bien plus élevés que les standards métropolitains. Á cela s’ajoute le coût de la mise aux normes pour parer les risques naturels. Les surcoûts mentionnés entraînent certes une majoration de 26 % de la tarification à l’activité (T2A), mais cela ne suffit pas, notamment en Guadeloupe, à compenser l’intégralité des charges – au contraire, le déficit s’aggrave, si bien qu’une aide exceptionnelle de trésorerie est versée a posteriori aux établissements publics de santé antillais en fin d’année.

Comptez-vous, madame la ministre, mettre fin à cette situation particulière et déterminer un financement réaliste adapté à la situation des outre-mer ? Revaloriserez-vous le coefficient géographique, actuellement insuffisant au regard des coûts réels, notamment en Guadeloupe, et l’appliquerez-vous à l’ensemble des enveloppes pour constituer une mission d’intérêt général et d’aide à la contractualisation spécifique aux départements d’outremer, ce qui permettrait, par exemple de financer des caissons hyperbares, un service de réanimation et d’autres activités qui entraînent des dépenses supplémentaires ?

Mme la ministre des solidarités et de la santé. Je souhaite, je vous l’ai dit, redéfinir avec tous les acteurs nos objectifs en matière de politique familiale, notamment pour favoriser la natalité, enjeu majeur. Nous déterminerons si cela passe seulement par la redistribution horizontale et donc par des allocations familiales universelles, ou aussi par d’autres moyens d’aide aux familles.

Le congé parental vient d’être réformé. Ne tombons pas dans le fréquent travers consistant à modifier un texte avant même d’avoir pu en évaluer les effets.

Le quotient familial, instrument de politique fiscale, n’est pas de mon ressort. Mais il faudra évidemment, en discutant de la politique familiale dans son ensemble, tenir compte de tous les leviers – c’est-à-dire aussi de ce que nous investissons collectivement dans l’école, l’université et la formation, tous investissements favorisant la natalité en ce qu’ils contribuent à donner confiance aux familles, qui savent que les enfants seront pris en charge de cette manière par la société. La redistribution horizontale ne passe pas que par les allocations familiales. Les citoyens font d’autres efforts pour accompagner les enfants : ainsi les familles sans enfants n’ont-elles pas besoin, pour ce qui les concerne seules, de tout ce que nous investissons pour le système scolaire. L’importante discussion sur la définition des paramètres susceptibles d’inciter les familles à avoir de nouveau des enfants aura lieu.

Les pensions d’invalidité seront traitées comme les pensions de retraite et donc exonérées dans les mêmes proportions que les petites pensions de retraite, par l’application des mêmes seuils : 1 394 euros pour les personnes âgées de plus de 65 ans, 1 289 euros pour celles qui ont moins que cet âge.

Nous tenons évidemment compte des problèmes spécifiques que connaît l’offre de soins en Guadeloupe et outremer en général, en accompagnant de manière importante les établissements de santé pour tenir compte de leur déficit : la majoration de la tarification à l’activité déjà appliquée tient compte de l’insularité et des spécificités de la population. Cette question sera traitée dans la stratégie nationale de santé, dont le chapitre consacré aux Outremer comportera un volet spécifique pour chaque département et par territoire.

M. Stéphane Viry. M. Jean-Paul Delevoye vient d’être nommé haut-commissaire à la réforme des retraites auprès de vous, madame la ministre, et une loi-cadre est annoncée à ce sujet. L’équilibre général du dispositif étant un enjeu essentiel pour la pérennité du système par répartition, le Gouvernement privilégiera-t-il un système de retraite par points ? Le Conseil d’orientation des retraites a appelé à la prudence. Quelles sont les perspectives du Gouvernement pour la branche vieillesse pour les cinq ans à venir ?

Mme Valérie Rabault. Combien dentreprises, et de quelles tailles, gagneront, et combien perdront à la suppression du CICE ? Il va sans dire quen raison des structures respectives de lemploi, la transformation du CICE en baisse de cotisations naura pas le même impact pour les petites et pour les grandes entreprises.

Aujourd’hui, un contribuable dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 25 185 euros bénéficie d’un allègement de la taxe d’habitation. Á l’avenir, un retraité percevant une pension comprise entre 14 375 euros et 25 185 euros perdra le bénéfice de l’allégement de la taxe d’habitation mais supportera la hausse de la CSG – est-ce bien cela ?

Enfin, les tarifs versés par la sécurité sociale pour les groupements homogènes de séjour (GHS), notamment la chirurgie, incluent-ils bien tous les personnels qui doivent accompagner les chirurgiens, par type d’opération ?

Mme Josiane Corneloup. Le PLFSS pour 2018 fait état d’une économie à réaliser de 4,2 milliards d’euros. Elle porte pour plus d’un milliard d’euros sur le médicament, et fait suite à l’économie de 1,4 milliard d’euros demandée au même secteur en 2017. Paradoxalement, le médicament, qui est à l’origine de 15 % des dépenses, contribue à 45 % des économies. Á ce rythme, le risque est réel de pénaliser la capacité d’innovation de notre industrie pharmaceutique et de menacer sa compétitivité face à des concurrents installés dans d’autres pays européens dont la politique est aux antipodes de celle que vous menez. Cette politique aggravera en outre la situation déjà préoccupante des grossistes-répartiteurs et mettra en péril leur capacité à alimenter chaque jour les officines, qui connaîtront elles-mêmes des difficultés supplémentaires ; le service rendu aux patients en sera obéré.

Le coup de grâce vient d’être donné par la Cour des comptes, qui prône un traitement de choc décrit comme la panacée pour remédier au déficit de notre système de santé : la fermeture d’une pharmacie sur deux, soit la suppression de 10 400 des 21 400 officines de la France métropolitaine. Alors que la désertification médicale progresse partout, le pharmacien demeure le professionnel de santé de proximité, accessible sans rendez-vous sur l’ensemble de notre territoire. Après les déserts médicaux, allons-nous connaître les déserts officinaux ? Quelle est votre vision de l’avenir des officines, madame la ministre ? Pourquoi répéter année après année les mêmes mesures conventionnelles, dont la portée très limitée n’est pas à la hauteur d’enjeux d’une tout autre ampleur ?

Mme la ministre des solidarités et de la santé. M. Jean-Paul Delevoye, qui vient à peine d’être nommé, constitue son équipe et commence à recevoir les partenaires sociaux. Il est donc trop tôt pour vous donner des indications sur le fond de la réforme à venir et je me limiterai à rappeler les principes définis par le président de la République : chaque euro cotisé donnera les mêmes droits et le système de retraite par répartition demeurera. Pour le reste, je ne souhaite pas ouvrir maintenant un débat qui s’engagera en 2018 et qui demandera une longue concertation. La réforme à venir, structurelle, n’aura que peu d’impact pendant ce quinquennat, si même elle en a. Elle ne touche pas le PLFSS pour 2018. Il faut laisser le temps à la concertation et parvenir d’abord à un accord de méthode avec les partenaires sociaux pour déterminer le contenu de la réflexion et le calendrier que nous nous donnons.

La mesure « zéro charge pour les salaires au niveau du SMIC » sera très favorable aux TPE et aux PME qui emploient des salariés au salaire bas, entraînant un allégement de 150 euros par mois.

Il n’existe pas de norme professionnelle pour les GHS, qui fixent une norme de temporalité pour la prise en charge d’actes spécifiques. Les normes définissant le nombre de professionnels voulus pour l’exercice d’une activité donnée n’existent que pour certaines spécialités telles l’obstétrique, afin de garantir une certaine qualité de soin, mais pas pour les autres. La question est donc sans objet puisque les GHS ne fonctionnent pas ainsi.

Étant donné mes fonctions antérieures, je connais parfaitement le monde du médicament et s’il convient effectivement de favoriser l’innovation, je sais que le système de fixation des prix des médicaments est toujours inflationniste sans que l’on puisse freiner cette évolution, précisément parce que le dispositif a été conçu à un moment où l’on souhaitait favoriser l’innovation dans ce secteur. Maintenant, l’inflation s’emballe, et les prix accordés à certaines molécules sont complètement déconnectés de leur efficience. Il y a des rentes de situation et des marges de progrès. Nous pouvons aussi faire des progrès sur les médicaments génériques et les biosimilaires. Je pense pouvoir légitimement porter ces réformes sans obérer la capacité de nos industriels à innover – d’autant que, malheureusement, les innovations sont rarement d’origine française, nos industriels produisant plutôt des médicaments assez peu innovants, remboursés à 15 % ou à 35 %, que les molécules innovantes réclamées par les assurés atteints de maladies orphelines ou de cancers.

La partie du rapport de la Cour des comptes consacrée aux pharmaciens est en cours d’analyse par mes services. Je suis très prudente au sujet de l’offre de soins. Les pharmaciens d’officine, qui réalisent un travail remarquable sur tout le territoire, font partie des professionnels de santé sur lesquels je m’appuierai dans le futur plan d’accès aux soins. Ils auront évidemment un rôle à jouer pour la santé publique en matière de prévention et je compte sur eux pour participer à l’offre de soins.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Madame la ministre, nous vous remercions.

 


—  1  —

   EXAMEN DES ARTICLES

La commission des Affaires sociales a procédé à lexamen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 au cours de ses séances des mardi 17 et mercredi 18 octobre 2017.

Première partie :
dispositions relatives à l’exercice 2016

Article 1er
Approbation des tableaux déquilibre relatifs à lexercice 2016

Cet article porte approbation des comptes du dernier exercice clos, retracés notamment dans des tableaux d’équilibre consolidés. Ils permettent d’établir la base sur laquelle peut être construite la trajectoire financière pour les années suivantes.

Cet article fait partie des dispositions devant obligatoirement figurer en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), en application des dispositions organiques en définissant le contenu.

A du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ([2])

« dans sa partie comprenant les dispositions relatives au dernier exercice clos [c’est-à-dire sa première partie], la loi de financement de la sécurité sociale :

 Approuve les tableaux déquilibre par branche du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, du régime général et des organismes concourant au financement de ces régimes, ainsi que les dépenses relevant du champ de lobjectif national de dépenses dassurance maladie constatées lors de cet exercice ;

 Approuve, pour ce même exercice, les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et ceux correspondant à lamortissement de leur dette ».

Il s’agit d’assurer l’information du Parlement sur la situation des comptes pour le dernier exercice clos, à savoir l’année 2016.

I.   La clôture d’un exercice budgétaire 2016 marquée par le recul des déficits sociaux

1.   Le tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale témoigne d’un recul important de leurs déficits cumulés en 2016

● Le de cet article porte approbation du tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base.

S’agissant de ce premier périmètre, il est défini conformément à l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale tous les trois ans par le Gouvernement lui-même par la voie d’une liste transmise au Parlement au moment lors de l’examen du PLFSS. À l’aune de la liste transmise à l’occasion du présent PLFSS ([3]), on comptait en 2016 donc dans le champ des régimes obligatoires de base le régime général, dix-huit régimes spéciaux ([4]), un régime des salariés agricoles et quatre régimes de non-salariés ainsi que des régimes et fonds « fermés » qui naccueillent plus de nouveaux assurés tout en continuant à distribuer quelques prestations. Certains régimes ne dérogent au régime général que pour une seule branche (vieillesse généralement) ([5]).

Le tableau suivant rapproche les montants que l’article 1er soumet à l’approbation du Parlement de ceux des prévisions initiales (article 39 de la LFSS 2016) ou révisées (article 36 de la LFSS 2017).

TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2016 DE L’ENSEMBLE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE

(en milliards d’euros)

Prévisions initiales

(LFSS 2016)

Prévisions révisées

(LFSS 2017)

Réalisé

(PLFSS 2018)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

194,9

201,1

– 6,2

197,0

201,1

– 4,0

195,9

200,7

– 4,7

Vieillesse

228,7

227,8

0,9

228,3

227,1

1,2

228,8

227,2

1,6

Famille

48,6

49,6

– 0,8

48,7

49,7

– 1,0

48,6

49,6

– 0,1

AT-MP

14,0

13,4

0,6

14,1

13,4

0,7

14,1

13,3

0,8

Total*

472,8

478,3

 5,6

474,4

477,6

 3,1

473,7

477,1

 3,4

FSV ([6])

16,4

20,1

 3,7

16,5

20,3

 3,8

16,7

20,3

 3,6

Total incluant le FSV*

469,5

478,7

 9,2

471,1

478,0

 6,9

470,5

477,5

 7,0

(*) Hors transferts entre branches.

Sources : LFSS 2016, LFSS 2017 et PLFSS 2018.

Le résultat définitif pour 2016 fait apparaître un solde négatif de 7 milliards d’euros, contre 10,2 milliards d’euros en 2015.

Cette amélioration de plus de 3 milliards deuros est pour la première fois depuis plusieurs années le résultat dune amélioration de lensemble des risques ([7]).

Les autres régimes de base ont globalement contribué positivement au solde à hauteur de 600 millions d’euros, lequel correspond à un différentiel positif entre les régimes en excédent (CNRACL ([8]), CNAVPL ([9])  et CNBF ([10])) et le déficit du régime des exploitants agricoles notamment.

2.   Le tableau d’équilibre du régime général illustre l’effort important réalisé sur ce périmètre central en 2016

Le porte approbation du tableau d’équilibre du seul régime général ; comme pour l’ensemble des régimes, le tableau suivant rapproche les montants que l’article 1er soumet à l’approbation du Parlement de ceux des prévisions initiales de la loi de financement pour 2016 ou rectifiées par la loi de financement pour 2017.

Sont affiliés auprès du régime général tous les employés du secteur privé qui ne relèvent pas d’un autre régime. Représentant 75% de l’ensemble des régimes obligatoires de base, le régime général est le principal régime de sécurité sociale, le seul en matière de risque famille et quasiment le seul en matière de maladie depuis la mise en place de la protection universelle maladie ([11]).

Ce statut conduit le régime général à entretenir de nombreuses relations financières avec les autres régimes obligatoires de base :

– deux mécanismes de compensation ([12]) créent une certaine intégration financière avec les autres régimes de base : la « compensation démographique généralisée » prévue à l’article L. 134-1 du code de la sécurité sociale entraîne une dotation de la branche vieillesse du régime général vers les autres régimes obligatoires déficitaires tandis que des « compensations spécifiques » prévues aux articles L. 134-3 et suivants couvrent d’autres risques (maladie ou AT-MP) pour des régimes identifiés (notamment les régimes agricoles et des mines) ;

– l’intégration financière ([13]) des branches maladie et vieillesse d’autres régimes obligatoires (indépendants, cultes, régimes agricoles).

Le régime général contribue ainsi à la réduction des déficits de nombreux autres régimes, essentiellement par la prise en charge de l’intégralité des déficits des régimes financièrement intégrés ([14]).

TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2016 DU RéGIME GéNéRAL DE LA SéCURITé SOCIALE

(en milliards d’euros)

Prévisions initiales

(LFSS 2016)

Prévisions révisées

(LFSS 2017)

Réalisé

(PLFSS 2018)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

171,7

177,9

– 6,2

195,8

199,8

– 4,1

194,6

199,4

– 4,8

Vieillesse

123,6

123,1

0,5

124,0

122,9

1,1

228,8

122,8

0,9

Famille

48,8

49,6

-0,8

48,7

49,7

– 1,0

48,6

49,6

– 1,0

AT-MP

12,5

12,0

0,5

12 ,7

12,0

0,7

14,1

11,8

0,8

Total*

344,0

350,0

 6,0

368,2

371,6

 3,4

366,6

370,7

 4,1

FSV ([15])

16,4

20,1

 3,7

16,5

20,3

 3,8

16,7

20,3

 3,6

Total incluant le FSV*

([16])

366,3

373,5

 7,1

365,0

372,7

 7,8

(*) Hors transferts entre branches.

Source : LFSS 2016, LFSS 2017 et PLFSS 2018.

Compte tenu de son poids et du caractère croissant des mécanismes d’intégration financière précités, son solde est souvent très proche de celui de l’ensemble des régimes obligatoires, sous réserve de quelques écarts liés notamment à la branche vieillesse. Le résultat définitif pour 2016 fait apparaître un déficit de 7,8 milliards d’euros, contre 10,8 milliards en 2015.

Cette réduction très significative du déficit de trois milliards d’euros est liée à une collecte de recettes conforme aux prévisions ainsi qu’à d’importants efforts en termes de dépenses :

– le solde de la branche famille (+ 500 millions d’euros) bénéficie des effets du recentrage des allocations sur les foyers les plus modestes sur la branche maladie ;

– l’excédent de la branche vieillesse s’améliore (+ 1,2 milliards d’euros) grâce à un ralentissement de la hausse des pensions liée au recul de l’âge légal de départ à la retraite ;

– la réduction du déficit de la branche maladie (+ 1 milliard d’euros) résulte très largement d’un objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) historiquement faible. 

3.   Le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base retrace exclusivement le recul du déficit du FSV

Le porte approbation du tableau d’équilibre du seul organisme de cette catégorie, à savoir le FSV.

Celui-ci finance en effet des prestations non contributives servies par les régimes de base, correspondant notamment :

–  aux périodes pendant lesquelles les assurés n’ont pas pu cotiser en matière d’assurance vieillesse, par exemple en cas de chômage (11,7 milliards d’euros en 2016)  ou d’arrêts de travail (1,7 milliards d’euros en 2016) ;

– à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) (3,1 milliards d’euros en 2016).

TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2016 DES ORGANISMES CONCOURANT
AU FINANCEMENT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE

(en milliards d’euros)

Prévisions initiales

(LFSS 2016)

Prévisions révisées

(LFSS 2017)

Réalisé

(PLFSS 2018)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

FSV

16,4

20,1

 3,7

16,5

20,3

 3,8

16,7

20,3

 3,6

Source : LFSS 2016, LFSS 2017 et PLFSS 2018.

 

Le recul du déficit du FSV par rapport à 2015 résulte très largement d’une diminution des charges liées au minimum contributif (MICO) ([17]), à la suite du choix fait en LFSS pour 2015 ([18]) de modifier les modalités de financement de celui-ci par le Fonds.

4.   L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est marqué par une progression historiquement basse en 2016

L’ONDAM est le montant prévisionnel des dépenses d’assurance maladie voté par le Parlement pour l’année à venir.

Celui-ci a été atteint en 2016 puisque les dépenses constatées relevant de son champ ont atteint 185,1 millions d’euros, en légère sous-exécution par rapport à ce que prévoyait l’article 87 de la LFSS pour 2016 (185,2 millions d’euros) et correspondant quasi-parfaitement ([19]) à la prévision rectifiée en LFSS 2017.

La progression historiquement faible de la progression de l’ONDAM (+ 1,75 %) ([20]) en 2016 a constitué un très important effort de ralentissement des dépenses de soins de ville (+ 1,7 %), notamment la dépense de médicaments, et des soins hospitaliers (+ 1,8 %) ([21]).

Dans son dernier rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale ([22]), la Cour des comptes tempère ce succès car il repose également sur deux mesures de périmètre :

– ainsi, la LFSS pour 2016 avait réduit le taux de cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (PAMC), limitant d’autant leur prise en charge par l’assurance-maladie pour un montant de 270 millions d’euros ;

– d’autre part, des dotations aux établissements médico-sociaux relevant du financement de l’ONDAM médico-social ont été prélevées sur des réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ([23]) à hauteur de 200 millions d’euros.

Pour autant, il n’est pas contesté que la progression de l’ONDAM en 2016, même corrigée de ces deux « biais », soit + 1,93 %, est la plus faible jamais constatée. 

5.   Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

Le porte approbation du montant de la dotation au FRR, qui est nul depuis 2011. Cette donnée rentre dans le domaine obligatoire déterminé par l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale précité  au titre des organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

En effet, en application de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, le Fonds a été mis en extinction : aucune recette ne lui est plus affectée, tandis qu’il décaisse chaque année 2,1 milliards d’euros au profit de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), afin de participer au financement des déficits des organismes chargés d’assurer les prestations du régime de base de l’assurance vieillesse pour les exercices 2011 à 2018, en application de la LFSS 2011 ([24]).

Créé en 1999 ([25]), le Fonds de réserve pour les retraites était chargé de mettre en réserve et de faire fructifier des ressources qui lui étaient affectés afin de maintenir voire d’améliorer le niveau des pensions à horizon 2020, dans la perspective d’une dégradation prévisible des équilibres financiers. Compte tenu de la forte dégradation des régimes d’assurance vieillesse à la suite de la crise financière des années 2008-2009, il a été décidé de mettre à contribution le Fonds avant l’horizon initialement prévu.

Au 31 décembre 2016, la valeur des actifs du FRR était de 36 milliards d’euros, contre 37,2 milliards d’euros en 2015, son résultat financier étant excédentaire de 810 millions d’euros en 2016 ([26]).

6.   Les recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV)

Le approuve le montant des recettes mises en réserve par le Fonds en 2016, à savoir un montant nul.

La vocation du Fonds de solidarité vieillesse n’est en effet pas de mettre en réserve ses recettes, mais de les utiliser pour assurer le financement de ses missions rappelées ci-dessus.  Toutefois, l’article L. 135-3-1 du code de la sécurité sociale, aujourd’hui abrogé, avait prévu la mise en réserve entre 2011 et 2016 d’un certain nombre de recettes en vue de financer le dispositif « parents de trois enfants ou d’enfant handicapé » ([27]). Ces réserves, représentant au total 875 millions d’euros, ont été transférées à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) dans le cadre de la création du fonds d’innovation pharmaceutique par la LFSS 2017.

7.   La dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES)

La CADES a été créée par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 portant mesures relatives au remboursement de la dette sociale pour amortir et éteindre la dette du régime général de la Sécurité sociale. Elle est historiquement affectataire depuis sa création d’une ressource exclusive, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) ainsi que d’une fraction de contribution sociale généralisée (CSG) depuis la LFSS pour 2008 et du versement annuel du FRR précité ([28]). Ces ressources lui permettent chaque année d’assurer l’amortissement d’une partie de la dette sociale reprise et financée par des opérations d’emprunt sur les marchés ([29]). L’amortissement est égal à la différence entre le produit des ressources affectées et le montant des charges financières nettes de la Caisse (déduction faite, donc, des produits financiers qu’elle peut percevoir).

Le porte ainsi approbation du montant de la dette amortie par la CADES en 2016, à savoir 14,4 milliards d’euros.

Ce chiffre, supérieur à l’objectif fixé en LFSS pour 2016, s’explique à la fois par une excellente dynamique des recettes de l’année 2016 (16,8 milliards d’euros) et par un contexte de taux d’emprunt extrêmement bas, qui a d’ailleurs justifié une opération de reprise anticipée par la caisse de 23,6 milliards de dette ([30]).

II.   Ces comptes sont validés par la COUR des comptes sous certaines réserves

En application des 2° et 3° du VIII du même article et de l’article L.O. 132-3 du code des juridictions financières, la Cour des comptes est chargée de produire, dans le cadre de sa mission d’assistance du Parlement et du Gouvernement prévue par l’article 47-1 de la Constitution :

– un avis sur la cohérence des tableaux déquilibre par branche du dernier exercice clos ;

L’avis sur la cohérence des tableaux d’équilibre figure dans le rapport sur l’application des LFSS (RALFSS), produit annuellement par la Cour en application du 1° du VIII de l’article L.O. 111-3. Les principales conclusions de l’avis rendu dans le RALFSS 2017 sont reproduites dans l’encadré suivant :

Avis de la Cour des comptes sur la cohérence des tableaux d’équilibre pour 2016

« À lissue de ces vérifications, et au regard des éléments dinformation qui lui ont été communiqués par la direction de la sécurité sociale, la Cour estime que les tableaux déquilibre qui seront soumis à lapprobation du Parlement à larticle premier du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 fournissent une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde qui en découle, mais fait les quatre observations suivantes :

1. les tableaux déquilibre intègrent un produit de contribution sociale généralisée de 740 M€ enregistré à tort dans les comptes de la branche maladie, de la CNAMTS et de lactivité de recouvrement de lexercice 2016 (…);

2. le tableau déquilibre de lensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale intègre un produit à recevoir de 99,3 M€ de la CPRP SNCF sur lÉtat au titre de la dotation déquilibre de ce dernier pour lexercice 2016, qui na pas de contrepartie en charge à payer dans les comptes de lÉtat, ce qui crée une incertitude de même montant sur les recettes et le solde inscrits dans le tableau déquilibre de lensemble des régimes obligatoires de base (…) ;

3. les tableaux déquilibre sont établis en procédant à des contractions de produits et de charges non conformes au cadre normatif fixé par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale pour létablissement des comptes sociaux () ;

4. les positions exprimées par la Cour et les opinions émises par les commissaires aux comptes continuent à souligner la qualité perfectible des comptes des régimes de sécurité sociale intégrés aux tableaux déquilibre, en raison notamment de la persistance dinsuffisances des dispositifs de contrôle interne et de difficultés comptables (). »

Source : Cour des comptes, Rapport sur lapplication des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2017 ([31]), pages 137 à 158 : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-09/20170920-rapport-securite-sociale-2017_1.pdf

● La première observation de la Cour fait référence à la comptabilisation en 2016 d’un produit exceptionnel de CSG correspondant à des encaissements effectués en décembre 2015 et qui n’ont été notifiés aux régimes de base affectataires qu’en janvier 2016, dans le cadre de la nécessaire réaffectation des produits issus de la CSG activité après la mise en place de la protection universelle maladie. Les 740 millions d’euros concernés figurent ainsi en charges de l’ACOSS pour 2015 et comme produits de la branche maladie en 2016. Par souci de cohérence, la Cour estime que la branche recouvrement aurait dû appliquer rétroactivement aux montants encaissés en décembre 2015 les nouvelles règles comptables applicables depuis janvier 2016.

Si la mesure a pour effet d’améliorer les comptes 2016, il convient cependant d’indiquer qu’une prise en compte en 2015 du produit, aurait conduit à un effet de base favorable pour 2016 au titre de l’année 2015. À l’inverse, le mécanisme retenu et critiqué par la Cour a effectivement dégradé les comptes 2015 au profit des comptes 2016, sans toutefois, ni par les montants concernés ni par la nature de l’erreur essentiellement juridique, fausser la trajectoire financière de la branche maladie dès lors qu’il s’agit bien d’un produit réel.

On peut également noter que cette anomalie n’a pas été relevée par les commissaires aux comptes chargés de certifier les comptes de la branche maladie.

● La deuxième observation tient à une incohérence identifiée par la Cour entre les inscriptions comptables réalisées dans le budget de l’État et dans les comptes du régime de retraite des personnels de la SNCF. En effet, l’annulation des arrêtés fixant les taux de cotisations de 2013 à 2015 ([32]) conduit à un risque pour la caisse de prévoyance et de retraite des personnels de la SNCF de perte d’une partie de ses recettes à hauteur de 99,3 millions d’euros. Compte tenu de l’obligation pour l’État d’assurer l’équilibre financier de ce régime, la caisse a inscrit en produits une dotation d’équilibre dans ses comptes 2016. Toutefois, l’État n’a dans ses propres comptes inscrit qu’une provision pour risques, laquelle est moins certaine que l’inscription d’une dette à l’égard du régime.

En tout état de cause, les modalités de présentation de cette opération n’ont pas eu d’incidence sur l’équilibre de la caisse.

● Les deux dernières observations sont des remarques récurrentes de la Cour s’agissant de certaines modalités d’élaboration des tableaux d’équilibre.

– un rapport de certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes des organismes nationaux du régime général et des comptes combinés de chaque branche et de l’activité de recouvrement du régime général, relatifs au dernier exercice clos([33]) .

Dans son dernier rapport remis en juin 2017, la Cour des comptes a certifié les comptes des cinq comptes combinés des branches et de l’activité de recouvrement pour la quatrième année consécutive. Elle a assorti cette formulation de 31 réserves (6 pour la branche maladie, 6 pour la branche AT-MP, 3 pour la branche famille, 3 pour la branche vieillesse et 4 pour l’activité de recouvrement), 5 réserves ayant été levées par rapport à 2015. Deux nouvelles réserves concernent en revanche la difficulté liée à la comptabilisation d’un produit exceptionnel de CSG déjà évoquée.

*

La commission adopte l’article 1er sans modification.

*

*     *

Article 2
Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de lexercice 2016 (annexe A)

 

Cet article porte approbation du tableau patrimonial qui retrace l’essentiel de la situation financière dans le champ des LFSS au 31 décembre du dernier exercice clos ainsi que l’affectation des excédents et des déficits constatés au terme de cet exercice.

Cet article fait partie des dispositions devant obligatoirement figurer en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), en application des dispositions organiques en définissant le contenu.

3° du A du I de l’article L.O. 111-3 et II de l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale.

La loi de financement « 3° Approuve le rapport mentionné au II de larticle LO 111-4 et, le cas échéant, détermine, dans le respect de léquilibre financier de chaque branche de la sécurité sociale, les mesures législatives relatives aux modalités demploi des excédents ou de couverture des déficits du dernier exercice clos, tels que ces excédents ou ces déficits éventuels sont constatés dans les tableaux déquilibre prévus au 1° ».

Le II de l’article LO 111-14 précise qu’il s’agit d’« un rapport décrivant les mesures prévues pour laffectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à loccasion de lapprobation des tableaux déquilibre relatifs au dernier exercice clos [, qui] présente également un tableau, établi au 31 décembre du dernier exercice clos, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement ([34]), à lamortissement de leur dette ([35]) ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ([36]) ».

Il s’agit d’assurer l’information du Parlement sur l’état de la situation patrimoniale d’une partie des régimes faisant partie du champ des lois de financement de la sécurité sociale ([37]).

1.   Le tableau présentant la situation patrimoniale de la sécurité sociale reflète une amélioration de la situation des comptes sociaux

● Ce tableau reflète à plusieurs égards l’amélioration du solde des régimes de sécurité sociale de plusieurs manières au passif :

– les capitaux propres sont en augmentation de 3,4 milliards par rapport à 2015 ; elle résulte d’une amélioration du solde du régime général (+ 2,7 milliards d’euros), du FSV (+ 0,3 milliard) et des autres régimes (+ 0,3 milliard), ainsi que des résultats excédentaires de la CADES (+ 0,9 milliard) minorés par la moindre performance du FRR par rapport à 2015 (– 0,8 milliard) ;

– le report du résultat des années précédentes sera positif au 31 décembre de l’année 2016 (+ 3,2 milliards d’euros) correspondant au différentiel entre la diminution des reports de déficits des années précédentes (+ 13,3 milliards d’euros) et la progression du report de dettes des années passées à la CADES (+ 10,1 milliards d’euros).

● Conformément à l’article LO 132-3 du code des juridictions financières, la Cour des comptes produit un avis sur la cohérence du tableau patrimonial.

Dans son Rapport sur lapplication des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2017, la Cour des comptes juge que le tableau patrimonial figurant à l’annexe A du présent projet « fournit une représentation cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2016 » ([38]).

En revanche, elle maintient deux observations tenant à la fiabilité insuffisante de la présentation des actifs et passifs des régimes de base du régime social des indépendants ainsi qu’à l’insuffisance des dispositifs de contrôle interne et la persistance de difficultés comptables.

Ces observations récurrentes de la Cour sont des marges de progression identifiées de la présentation des comptes sociaux.

2.   La description des mesures prévues pour la couverture des déficits constatés et l’affectation des excédents illustrent l’hétérogénéité des situations financières de chaque régime

S’il est difficile de résumer par de grandes lignes directrices des opérations propres à la situation financière de chaque régime, certaines mesures méritent d’être décrites, en s’appuyant également sur l’annexe 4, dans le cadre du présent commentaire :

● Le régime général et le FSV étaient en déficit de 7,8 milliards d’euros en 2016, qui sont venus s’ajouter à la dette gérée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

Par ailleurs, un montant de 23,6 milliards correspondant aux déficits de la branche famille et de la branche famille en 2013 et 2014 et des branches vieillesse et maladie en 2015 a été repris par la CADES, saturant ainsi son plafond de reprise pour la période 2011-2018.

● La plupart des autres régimes de base sont à l’équilibre ou en excédent soit grâce à l’intégration financière (maladie pour tous les régimes, salariés agricoles et RSI), soit grâce à des subventions de l’État (SNCF, RATP, mines, marins) ou enfin par des subventions de l’État en tant qu’employeur (FPE, industries électriques et gazières). Les excédents alimentent, le cas échéant, le fonds de roulement.

● Les excédents (0,3 milliard) du régime de retraite des agents des collectivités territoriales ont été affectés aux réserves de ce régime (CNRACL).

● Les déficits passés accumulés par le régime des mines ont été transférés à la CNAMTS à hauteur de 0,7 milliard d’euros.

● Le déficit du régime de retraite des exploitants agricoles est géré comme les années précédentes par la Caisse Centrale de la Mutualité Sociale Agricole (CCMSA) et financé par des avances rémunérées de l’ACOSS conformément aux nouvelles dispositions adoptées en 2015.

*

La commission adopte l’article 2 sans modification.

Elle adopte ensuite la première partie du projet de loi.

*

*     *

deuxième partie :
dispositions relatives à l’exercice 2017

Article 3
Rectification des dotations 2017 des branches maladie et AT-MP et prélèvement sur recettes du Fonds CMU

Cet article rectifie les dotations prévues par la dernière loi de financement, au profit de fonds dépendant des branches maladie et AT-MP. Il opère également un prelèvement sur les recettes issues de la taxe de solidarité additionnelle (TSA) au profit de la branche maladie.

● Le I rectifie certaines dotations prévues aux articles 57 et 100 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ([39]).

Le a) du 1° réduit de 150 millions d’euros la dotation de la branche AT-MP du régime général au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) en 2017. 

Le fonds qui a pour mission d’indemniser les victimes de l’amiante et leurs ayants droit, compte tenu de la double origine professionnelle et environnementale de cette exposition, est traditionnellement financé à la fois par l’État (pour 7,4 millions d’euros en 2017) et par la branche accidents du travail-maladies professionnelles. S’agissant de la contribution de cette dernière, elle avait été votée à 400 millions d’euros.

Or, le FIVA connaît une diminution continue de ses dépenses depuis 2016 en raison d’une diminution des demandes des victimes directes comme des ayants droits. La très nette supériorité des produits (549,4 millions d’euros) sur les charges (466,9 millions) en 2016 a permis de constituer un important fonds de roulement pour 2017 (152 millions d’euros) représentant trois mois d’activité. Un scénario similaire en 2017 aurait conduit à nouveau à une augmentation de ce fonds de roulement de 12 millions d’euros.

La nouvelle diminution prévisible des dépenses pour l’année 2017 ainsi que l’importance de ce fonds de roulement permettent de diminuer le montant de la dotation de la branche AT-MP. Limitée à 250 millions d’euros, cette-dernière entraîne, après reprises sur provisions, un résultat net du fonds de – 43,8 millions d’euros, couvert par une variation du fonds de roulement.

● Le b) du 1° augmente de 7,6 millions d’euros la contribution de la branche AT-MP du régime général vers la branche retraite de ce même régime pour tenir compte de l’entrée en vigueur de l’ordonnance relative au compte professionnel de prévention le 1er octobre 2017 ([40]).

Le nouveau dispositif doit notamment permettre aux salariés exposés à quatre facteurs de risques professionnels ([41]) exclus du compte personnel de prévention de bénéficier d’une retraite anticipée à condition de justifier de l’existence d’une maladie professionnelle avec une incapacité permanente de plus de 10 %. Dès lors, de nouveaux assurés vont bénéficier de ce dispositif entre octobre et décembre 2017. La branche AT-MP finance ces nouveaux départs au même titre que les autres mécanismes de retraite anticipée liée aux risques qu’elle couvre.

● Le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) a pour objet unique ([42])  de financer les dépenses d’investissement des établissements de santé, touchant aux opérations immobilières et au développement et à la modernisation des systèmes d’information. Il est normalement financé par les régimes obligatoires d’assurance maladie pour le compte desquels il assure sa mission ([43]).

Le a) du 2° augmente la participation des régimes obligatoires d’assurance maladie au financement du fonds pour le FMESPP de 15 millions d’euros.

 Le b) du 2° diminue le prélèvement sur les réserves du fonds pour l’emploi hospitalier (FEH) au profit du FMESPP de 40 millions.

Au total, le résultat net de ces deux opérations constitue une perte de 25 millions d’euros de produits pour le fonds en 2017. Cette situation intervient après une année 2016 qui avait généré un excédent important de 79 millions d’euros, grâce à des produits exceptionnels issus notamment des réserves du FEH et de l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH).

En 2017, le fonds bénéficie ainsi de 44,4 millions d’euros de crédits issus de la branche maladie et de 220 millions d’euros issus de contributions exceptionnelles du FEH et de l’ANFH.

Le II diminue de 150 millions d’euros les recettes de taxe de solidarité additionnelle (TSA) affectée au Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (dit « Fonds CMU ») au profit de la branche maladie du régime général.

Ce fonds assure le financement de la CMU complémentaire et de l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS). Son financement est assuré par la TSA et par les droits de consommation sur les tabacs (354 millions d’euros en 2017).

Après une série de résultats excédentaires – liés notamment au dynamisme de la TSA – qui ont atteint en cumulé 284 millions d’euros fin 2016, il a été choisi pour la première fois d’affecter une fraction de la TSA à la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). L’article 18 propose de reconduire cette mesure en 2018.

*

La commission se saisit de l’amendement AS38 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Cet article a pour objet de réduire la contribution de la branche des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) au financement du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA). Elle passerait de 400 à 250 millions d’euros, au prétexte que cette branche serait excédentaire. C’est oublier un peu vite le phénomène de sous-déclaration des accidents du travail, source de problèmes de santé qui viennent s’ajouter aux dépenses de la branche maladie, laquelle prend notamment en charge les pensions d’invalidité.

Nous proposons donc de reverser le solde de 150 millions d’euros dégagé par la baisse du montant alloué au FIVA à la branche maladie et ainsi de poser la question de fond de la sous-déclaration des accidents du travail. En effet, selon un rapport remis en 2014 par la commission instituée par l’article L. 176-2 du code de la sécurité sociale, « dans le cadre de la procédure de reconnaissance, les victimes peuvent subir un deuxième choc : le refus opposé par les commissions de recours amiables (CRA) des CPAM, qui remettent rarement en cause les décisions des CPAM, même quand les dossiers produits par les victimes sont à charge. C’est très dur pour les victimes, surtout en ce qui concerne les risques psycho-sociaux. »

Les commissions de recours amiable vont disparaître à la suite des ordonnances portant réforme du code du travail, mais la question demeure. De nombreuses études montrent le lien entre une meilleure santé au travail et une moindre gravité des accidents du travail. Le Gouvernement, soucieux de défendre la vitalité de notre tissu économique et donc la productivité des travailleurs français, ne peut rester sourd à cette proposition.

C’est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, de vous rallier à cet amendement de justice et de bon sens.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Votre amendement comporte en fait deux parties.

La première partie de votre amendement est satisfaite puisque l’article 3 vise à diminuer le transfert de la branche AT-MP au FIVA afin de tenir compte de la situation financière de ce dernier, qui, au cours des dernières années, a cumulé plusieurs excédents.

La seconde a pour objet un transfert vers l’assurance maladie, en raison du phénomène de la sous-déclaration. Ce problème est bien identifié. Une commission ad hoc présidée par un magistrat de la Cour des comptes a estimé qu’il représentait un montant compris entre 700 millions et 1,3 milliard d’euros. Nous avons retenu le montant de 1 milliard d’euros qui sera précisément transféré au titre de la sous-déclaration. Il n’y a donc pas lieu de ne pas rendre ces 150 millions à la branche AT-MP, qui verse par ailleurs, en 2017, cette dotation spécifique.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 sans modification.

*

*     *


Article 4
Rationalisation de la C3S et suppression de la C4S

 

L’article 4 supprime la contribution supplémentaire à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C4S), créée par la loi de finances rectificative pour 2016. Cette contribution, qui devait s’appliquer aux sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à un milliard d’euros, venait s’imputer sur le versement ultérieur de C3S et n’aurait donc apporté un gain budgétaire que la première année de versement. Sa suppression, qui entraîne une moindre recette de 480 millions d’euros pour la branche maladie en 2017, répond à un objectif de simplification et de lisibilité du système fiscal.

L’article rationalise par ailleurs la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) en y intégrant sa contribution additionnelle – répondant aux mêmes modalités d’assiette, de recouvrement et d’affectation mais juridiquement distincte – et en rétablissant l’obligation de son télérèglement.

 

I.   Le droit en vigueur

1.   La contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et sa contribution additionnelle

a.   La C3S

La contribution sociale de solidarité des sociétés, dite « C3S », a été créée par la loi du 3 janvier 1970 ([44]) afin d’apporter un financement supplémentaire aux régimes des indépendants non agricoles. Elle est désormais affectée au financement de la branche vieillesse du régime général.

La section I du chapitre premier du titre V du livre VI du code de la sécurité sociale en définit les paramètres, rappelés brièvement dans le tableau ci-dessous ([45]).

Champ d’application et paramètres de la C3S

Entreprises redevables

– sociétés anonymes ;

– sociétés à responsabilité limitée ;

– sociétés en commandite ;

– personnes morales de droit public, dans la limite de leur activité concurrentielle ;

– groupements d’intérêt public (GIP) assujettis à la TVA selon les règles de droit commun ;

– personnes morales ayant leur siège hors de France, au titre des affaires réalisées en France et les rendant passibles de l’impôt sur les sociétés ;

– sociétés en nom collectif ;

– groupements d’intérêt économique (GIE) ;

– groupements européens d’intérêt économique (GEIE) à raison des affaires réalisées sur le territoire de la France métropolitaine et des DOM ;

– sociétés d’assurance, de réassurance et de capitalisation, mutuelles et institutions de prévoyance ;

– sociétés coopératives, à l’exception notamment des sociétés coopératives agricoles ;

– sociétés européennes et sociétés coopératives européennes.

Entreprises non redevables

– sociétés d’habitation à loyer modéré et de crédit immobilier ;

– sociétés immobilières de copropriété ;

– sociétés d’économie mixte de construction ou d’aménagement ;

– sociétés de rédacteurs de presse ;

– sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer).

Assiette

Contribution assise sur le chiffre d’affaires de l’année civile précédente, après application d’un abattement égal à 19 millions d’euros

Taux

0,13 % du chiffre d’affaires

Recouvrement

Versement unique le 15 mai au plus tard, recouvré par la Caisse nationale du régime social des indépendants (RSI)

Source : Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

b.   La contribution additionnelle à la C3S

Le produit de la C3S est complété par une contribution additionnelle à la C3S, assise, exigible, recouvrée, contrôlée et affectée dans les mêmes conditions.

Créée par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie ([46]) afin d’apporter un financement supplémentaire à la branche maladie du régime général, cette contribution additionnelle s’applique à un taux de 0,03 % et est désormais également affectée à la branche vieillesse du régime général.

Au total, le taux supporté par l’entreprise redevable est donc de 0,16 % du chiffre d’affaires. Le montant cumulé de C3S et de sa contribution additionnelle est toutefois plafonné pour certaines catégories d’entreprises à 3,08 % de leur marge brute, à condition que cette dernière ne dépasse pas 4 % du chiffre d’affaires hors taxe ([47]). Il est également plafonné à 1,6 % du produit net bancaire pour les établissements de crédits, les sociétés de financement et les entreprises d’investissement agréées dont le produit net bancaire est inférieur ou égal à 10 % du chiffre d’affaires.

c.   Deux contributions allégées depuis 2015

Le nombre de redevables de la C3S et de sa contribution additionnelle a été divisé par près de dix en deux ans, passant de 296 000 en 2015 à 20 000 en 2017. En conséquence, son produit a également considérablement diminué, passant de 6,46 milliards d’euros en 2014 à 3,67 milliards en 2017.

L’allègement voulu de la C3S résulte de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité ayant dans un premier temps engagé sa suppression par étapes. Dans ce cadre, l’abattement sur le chiffre d’affaires a été successivement augmenté, passant de 760 000 euros à 3,25 millions d’euros en 2015 puis à 19 millions d’euros en 2016.

Les microentreprises et les très petites entreprises (TPE), qui étaient initialement majoritaires dans le nombre de redevables – en cohérence avec leur poids majoritaire dans la démographie française d’entreprises – n’en sont donc plus redevables aujourd’hui. En 2016, les 20 000 entreprises assujetties à la C3S étaient donc des petites et moyennes entreprises (PME), dont le chiffre d’affaires est compris entre 19 et 50 millions d’euros, des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des grandes entreprises.

La réorientation du pacte de responsabilité et de solidarité à la fin de la XIVe législature a finalement conduit au maintien de la C3S dans sa dernière mouture – celle d’un abattement à 19 millions d’euros – au profit d’une augmentation d’un point du taux du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

2.   La contribution supplémentaire à la C3S (C4S)

L’article 112 de la loi de finances rectificative pour 2016 ([48]) a créé une contribution supplémentaire à la C3S, dite « C4S ».

Applicable à compter du 1er janvier 2017, la C4S est due par les sociétés, entreprises et établissements redevables de la C3S dont le chiffre d’affaires réalisé l’année précédente est supérieur à un milliard d’euros. Elle est assise, recouvrée, exigible et contrôlée dans les mêmes conditions que celles applicables à la C3S. Son taux est fixé à 0,04 % du chiffre d’affaires.


Répondant à un dispositif sophistiqué, le fonctionnement de la C4S est le suivant :

– un acompte de 90 % est exigible au 15 décembre de l’année de réalisation du chiffre d’affaires ;

– la C4S s’impute ensuite sur le montant dû de C3S l’année suivante portant sur le même chiffre d’affaires ;

– plutôt qu’une contribution supplémentaire, il s’agit donc d’un acompte indirect de C3S, ne correspondant à aucune charge finale supplémentaire.

L’objectif ayant amené la création de cette contribution était donc financier : il s’agissait de permettre aux organismes de sécurité sociale de percevoir une partie du produit de la C3S dès l’année de réalisation du chiffre d’affaires. Si la C4S était initialement conçue comme pérenne, son impact budgétaire aurait toutefois été limité à l’année 2017. En effet, à partir de 2018, le gain perçu au titre de l’acompte de C4S de décembre 2018 aurait été compensé par l’imputation sur la C3S de l’acompte de C4S versé en décembre 2017.

II.   Le dispositif proposé

1.   La rationalisation de la C3S et le rétablissement de son télérèglement

● L’article 4 rationalise la C3S en fusionnant la contribution initiale et sa contribution additionnelle.

Cette opération répond à un objectif de lisibilité du système fiscal, la distinction juridique entre les deux contributions n’apparaissant pas justifiée par leurs modalités d’assiette, de recouvrement et d’affectation d’ores et déjà identiques.

Les références à la contribution additionnelle sont donc supprimées dans le code de la sécurité sociale (, , et du I) et dans le code général des impôts (II).

En conséquence, le taux résultant de l’addition des deux contributions à 0,13 % et 0,03 % est désormais explicitement fixé à 0,16 % à l’article L. 651-3 du code de la sécurité sociale ( du I). Contrairement au droit en vigueur, ce taux ne correspond plus à un plafond du taux de C3S ensuite fixé par décret mais à son taux effectif, désormais inscrit directement dans la loi.

● L’article 4 rétablit également l’obligation de télérèglement de la C3S.

Cette obligation, supprimée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 ([49]), est rétablie dès lors que la perspective d’une extinction programmée de la C3S n’est plus d’actualité. L’obligation de télérèglement figure donc de nouveau aux côtés de celle de télédéclaration, à l’article L. 651‑5-3 du code de la sécurité sociale ( du I).

2.   La suppression de la C4S

L’article 4 supprime par ailleurs la C4S instituée l’année passée. Le Gouvernement avance deux arguments pour justifier cette suppression :

– la complexité excessive de la fiscalité des entreprises, d’une part ;

– un gain seulement temporaire pour les recettes de la sécurité sociale, qui génère néanmoins une démarche administrative supplémentaire, d’autre part.

Pour ce faire, l’article 4 supprime les références à cette contribution supplémentaire figurant dans le code de la sécurité sociale ( et du I) et dans le code général des impôts (II). En cohérence, il abroge également la disposition de la loi de finances rectificative pour 2016 précitée prévoyant l’affectation du produit de la C4S à la CNAMTS en 2017 (III), par dérogation à l’affectation de l’ensemble des recettes issues de la C3S, de sa contribution additionnelle et de la C4S à la branche vieillesse. Il en résulte une moindre recette de 480 millions d’euros pour la branche maladie en 2017.

La suppression de la C4S appelle néanmoins une prise de position de l’administration fiscale sur l’exigibilité ou non de l’acompte de 90 % au 15 décembre 2017. En effet, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) n’étant traditionnellement promulguée qu’à la fin du mois de décembre, l’échéance précitée est antérieure à l’entrée en vigueur de la loi. Selon les informations transmises par le Gouvernement au Rapporteur général, les redevables seront informés en amont de la suppression programmée de la C4S et, in fine, d’absence d’exigibilité de son acompte au 15 décembre 2017.

*

La commission adopte l’article 4 sans modification.

*

*     *

Article 5
Rectification des prévisions et objectifs relatifs à 2017

Cet article porte la rectification des prévisions de recettes et de soldes ainsi que des objectifs de dépenses relatifs à l’année en cours, afin de tenir compte des données les plus récentes.

Cet article fait partie des dispositions devant obligatoirement figurer en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), en application des dispositions organiques en définissant le contenu.

B du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale

« B.-Dans sa partie comprenant les dispositions relatives à lannée en cours, la loi de financement de la sécurité sociale :

1° Rectifie les prévisions de recettes et les tableaux déquilibre des régimes obligatoires de base et du régime général par branche, ainsi que des organismes concourant au financement de ces régimes ; (…)

3° Rectifie lobjectif assigné aux organismes chargés de lamortissement de la dette des régimes obligatoires de base et les prévisions de recettes affectées aux fins de mise en réserve à leur profit. »

Il s’agit d’assurer l’information du Parlement quant aux perspectives financières pour les différents régimes ainsi que le FSV pour l’année 2017, en utilisant notamment les données fournies par la Commission des comptes de la sécurité sociale lors de sa réunion du 28 septembre dernier.

Au titre des prévisions de recettes et des tableaux d’équilibre, le présent article rectifie ainsi trois articles de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2017 ([50]) : l’article 36, approuvant les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base ; l’article 37, approuvant les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre, par branche, du régime général ; et l’article 38, approuvant les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre du FSV.

S’agissant des objectifs de dépenses, sont modifiés, outre les articles 36 et 37 pour les tableaux d’équilibre, les articles 101 (branche maladie, maternité, invalidité et décès), 56 (branche vieillesse), 59 (branche accidents du travail et maladies professionnelles – AT-MP) et 43 (branche famille).

Concernant l’objectif d’amortissement de la CADES et les prévisions de recettes mises en réserve par le FRR et le FSV, cet article porte modification de l’article 38.

1.    La situation financière des régimes obligatoires de base devrait à nouveau s’améliorer significativement en 2017

 

Le de cet article arrête, pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, les nouvelles prévisions de recettes, les objectifs de dépenses afférents et le tableau d’équilibre. Ces données rectificatives sont mises en regard, dans le tableau ci‑après, des prévisions et objectifs initiaux de la LFSS 2017.

TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2017 DE L’ENSEMBLE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE

(en milliards d’euros)

Prévisions initiales

(LFSS 2017)

Prévisions révisées

(LFSS 2018)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

204,5

207,1

– 2,6

203,2

207,3

– 4,1

Vieillesse

232,2

230,6

1,6

232,6

231,1

1,5

Famille

49,9

49,9

0,0

49,9

49,6

0,3

AT-MP

14,2

13,5

0,7

14,3

13,2

1,1

Total *

487,1

487,4

– 0,3

486,3

487,6

– 1,3

Total incluant le FSV*

483,7

487,8

– 4,1

483,1

488

– 4,9

* Hors transferts entre branches.

Sources : LFSS 2017 et PLFSS 2018.

Sans préjudice de l’analyse des mécanismes propres au régime général, l’analyse de ce tableau d’équilibre appelle trois remarques :

● L’écart important (800 millions d’euros) entre les prévisions initiales et les prévisions révisées résulte très largement de recettes plus faibles que prévues ;

●  Le déficit de -4,9 milliards d’euros contraste également avec les prévisions remises par la Commission des comptes de la sécurité sociale le 28 septembre dernier ([51]) qui prévoyait un déficit  – 4,4 milliards d’euros, en raison de plusieurs mesures nouvelles rétroactives commentées ci-dessous ;

● Un tel déficit constituerait néanmoins une amélioration du solde de 3 milliards d’euros, soit autant qu’entre 2015 et 2016.

2.   Une dégradation des comptes du régime général « en trompe l’œil »

Le porte rectification, pour le régime général, des prévisions de recettes fixées par la loi de financement pour 2017, des objectifs de dépenses afférents et du tableau d’équilibre, ces données étant mises en regard, dans le tableau ci-après, des corrections que propose d’y apporter ce article.

TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2017 DU RÉGIME GÉNÉRAL

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales

(LFSS 2017)

Prévisions révisées

(LFSS 2018)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

203,2

205,9

– 2,6

201,9

206,0

– 4,1

Vieillesse

126,5

125,0

1,6

126,2

124,9

1,3

Famille

49,9

49,9

0,0

49,9

49,6

0,3

AT-MP

12,8

12,1

0,7

12,8

11,8

1,0

Total *

379,5

379,9

– 0,4

377,8

379,4

– 1,6

Total (avec FSV)

377,6

381,8

– 4,2

376,1

381,3

– 5,2

* Hors transferts entre branches.

Sources : LFSS 2017 et PLFSS 2018.

Le solde du régime général et du fonds de solidarité vieillesse atteindra vraisemblablement -5,2 milliards en 2017. En progrès de 2,8 milliards par rapport à l’année précédente, ce chiffre se révèle plus proche de la prévision réalisée par la Commission des comptes de la sécurité sociale en juillet (– 5,5 milliards d’euros), à partir d’un scénario de dégradation des recettes par rapport aux prévisions initiales de la LFSS, que de celles de cette même Commission des comptes du 28 septembre dernier qui tenaient compte d’un regain de la masse salariale en fin d’année (– 4,4 milliards d’euros).

Cette dégradation apparente résulte en réalité d’une volonté de clarification des comptes 2017 par le Gouvernement. Ainsi, quatre mesures nouvelles, d’ordre technique pour l’essentiel, affectent les comptes 2017 dans la partie rectificative du PLFSS pour 2018, créant ainsi un écart, au total défavorable de 800 millions d’euros, avec les prévisions les plus récentes:

● La première tient à la suppression de la contribution sociale supplémentaire de solidarité des sociétés à l’article 4 du projet de loi de financement ([52]), laquelle engendre une perte de 0,48 milliard € pour la CNAMTS ;

● La deuxième est la suppression de la compensation du crédit d’impôt de taxe sur les salaires. Appliquant une comptabilité en droits constatés, le régime général doit tirer les conséquences de la suppression à l’exercice portant le fait générateur du crédit, soit 2017, même si ce crédit ne sera formellement liquidé qu’en janvier 2018 au moment de la régularisation du montant de  taxe sur les salaires dû au titre de 2017. La perte globale pour le régime général est estimée à 0,6 milliard d’euros se répartissant entre branche au prorata des clés d’affectation de la TS.

● La troisième est la diminution de la dotation de la branche AT-MP au FIVA de 150 M€ consacrée à l’article 3 ([53]) du présent projet de loi.

● Enfin, la réaffectation de 150 millions d’euros de taxe de solidarité additionnelle du fonds CMU vers la CNAMTS, mise en œuvre à l’article 3 ([54]) du présent projet de loi réoriente des recettes vers le régime général.

 

 

Maladie

AT-MP

Vieillesse

Famille

RG

FSV

RG+FSV

Soldes CCSS – 28 septembre 2017

 3,6

0,8

1,5

0,5

 0,8

 3,6

 4,4

Suppression C4S

– 0,48

 

 

 

-0,48

 

– 0,48

Non compensation CITS

– 0,14

 

– 0,23

– 0,23

-0,6

 

– 0,6

Dotation FIVA

 

0,15

 

 

0,15

 

0,15

Réaffectation TSA

0,15

 

 

 

0,15

 

0,15

Soldes PLFSS*

 4,1

1,0

1,3

0,3

 1,6

 3,6

 5,2

Source : direction de la sécurité sociale.

*Sous réserve des règles d’arrondis

3.   Le fonds de solidarité vieillesse, la caisse d’amortissement de la dette sociale et le fonds de réserve pour les retraites

a.   Le fonds de solidarité vieillesse

Le porte rectification, pour les organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base (c’est-à-dire le seul FSV), du tableau d’équilibre, tel qu’approuvé par l’article 38 de la loi de financement pour 2017, ces données étant mises en regard, dans le tableau ci-après, des corrections qu’il est proposé d’y apporter.

TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2017 DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE

(en milliards d’euros)

Prévisions initiales

(LFSS 2017)

Prévisions révisées

(LFSS 2018)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

FSV

15,7

19,6

– 3,8

16,0

19,7

– 3,6

Sources : LFSS 2017 et PLFSS 2018.

Le fonds de solidarité vieillesse (FSV) dont les recettes, assises sur les revenus du capital, sont particulièrement sensibles à la conjoncture économique a bénéficié d’un rendement meilleur que prévu notamment de la CSG et des autres contributions, en dépit de mesures nouvelles défavorables ([55]).

b.   La caisse d’amortissement de la dette sociale

Le 4° prévoit un objectif d’amortissement de 14,8 milliards d’euros, légèrement inférieur à ce qui était prévu en PLFSS pour 2017 (14,9 milliards d’euros).

L’amortissement cumulé s’élèverait, fin 2017, à 139,5 milliards d’euros, franchissant ainsi le seuil symbolique de 50 % de dette amortie par rapport à la dette reprise. L’ensemble des dettes sociales reprises par la CADES depuis sa création en 1996 s’élèveraient à la même date à 260,5 milliards d’euros, 121 milliards d’euros resteraient donc à amortir, soit 6 points de PIB.

En 2017, la CADES n’a pas repris de dette, le plafond prévu en PLFSS pour 2011 pour la période 2011-2018 a été saturé dès 2016. Au 31 août 2017, la CADES se refinançait au taux historiquement bas de 1,64 % sur 10 ans.  

Les dernières simulations de la CADES prévoient le remboursement de l’intégralité de la dette transférée pour 2024, comme prévu par l’article 4 bis de la loi organique du 2 août 2005 relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.

c.   Le fonds de réserve pour les retraites

Depuis que la loi du 9 novembre 2010 ([56]) a transformé le FRR en fonds fermé, aucune recette ne lui est affectée, ce que confirme le 5°.

La mission du FRR est désormais de verser à la CADES, en avril de chaque année, 2,1 milliards d’euros, de 2011 à 2024, soit un total de 29,4 milliards d’euros.

Au 1er juillet 2017, soit après déduction du versement annuel de 2,1 milliards d’euros, la valeur de marché du portefeuille du FRR s’élevait à 35,4 milliards d’euros.

*

La commission adopte l’article 5 sans modification.

*

*     *

 

Article 6
Rectification de lONDAM et des sous-ONDAM pour 2017

Cet article rectifie les prévisions de l’ONDAM pour l’année en cours. La construction de l’ONDAM 2018 repose sur ces prévisions rectifiées.

● Cet article fait partie des dispositions devant obligatoirement figurer en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), en application des dispositions organiques définissant leur contenu.

B du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ([57])

« B.-Dans sa partie comprenant les dispositions relatives à lannée en cours, la loi de financement de la sécurité sociale :

(…)

2° Rectifie les objectifs de dépenses par branche de ces régimes, lobjectif national de dépenses dassurance maladie de lensemble des régimes obligatoires de base, ainsi que leurs sous-objectifs ayant été approuvés dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale »

● Cet article, en s’appuyant sur les prévisions de dépenses présentées par la Commission des Comptes de la Sécurité sociale du 28 septembre dernier, confirme la probabilité d’un ONDAM 2017 conforme à celui voté en PLFSS pour 2017.

Au total, les mises en réserves prévues dans le présent texte ainsi que des mesures complémentaires permettent de compenser le dépassement prévisionnel de l’ONDAM initialement envisagé, selon les modalités suivantes :

– un dépassement de 280 millions d’euros est prévu sur les dépenses de soins de ville ;

– il est compensé à hauteur de 80 millions par une sous-exécution de l’ONDAM hospitalier ;

– un montant très important de 602 millions d’euros avait été mis en réserve en début d’année 2017 ([58]), permettant ainsi de mobiliser sans difficulté majeure 200 millions d’euros, prélevés sur les sous-objectifs hospitalier (65 millions d’euros) et médico-social (100 millions d’euros).

La nouvelle ventilation est fixée selon des modalités retracées par le tableau suivant :

(en milliards d’euros)

 

Prévisions PLFSS 2017

Prévisions révisées PLFSS 2018

Dépenses de soins de ville

86,6

86,8

Dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l’activité

79,2

79,0

Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées

9,1

9,0

Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées

11,0

10,9

Dépenses relatives au Fonds d’intervention régional

3,3

3,3

Autres prises en charge

1,6

1,6

Total

190,7

190,7

Source : annexe 7 du PLFSS

Le comité dalerte a estimé dans son avis du 10 octobre 2017, compte tenu de limportance des réserves pour 2017, la prévision « réaliste » ([59]). Il a néanmoins rappelé la nécessité de « maintenir en réserve un montant suffisant de crédits hospitaliers [pour] faire face à un éventuel dérapage en fin dannée ».

*

La commission se saisit des amendements identiques AS102 de M. Jean-Pierre Door et AS306 de Mme Jeanine Dubié.

M. Jean-Pierre Door. Je retire mon amendement AS102, madame la présidente.

L’amendement AS102 est retiré.

Mme Jeanine Dubié. L’amendement AS306 a pour objet de mieux répartir les dépenses relatives à la médecine de ville. Le débasage opéré en loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 est préjudiciable dans la mesure où les augmentations de charges sont essentiellement supportées par les établissements de santé qui, au titre de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de 2017, voient leurs dépenses diminuer de 200 millions d’euros. Surtout, cela change les bases de calcul de l’ONDAM de 2018, que nous examinerons à l’article 54. Sur le papier, celui-ci est de 2,3 %, mais, du fait de ce débasage, le taux d’évolution ne sera que 1,89 % pour le sanitaire et de 1,90 % pour le médico-social en 2018.

Nous proposons un rééquilibrage, en substituant, à l’alinéa 2, à la première ligne de la seconde colonne, le montant « 86,7 » au montant « 86,8 », et, en conséquence, à la deuxième ligne de la même colonne, le montant « 79,1 » au montant « 79 ».

M. le rapporteur général. Votre amendement AS306 vise en fait à modifier les prévisions des sous-objectifs de l’ONDAM pour l’exercice 2017. Disons, en schématisant, qu’il a pour objet de transférer une fraction de l’ONDAM de ville vers l’ONDAM hospitalier. Vous vous appuyez notamment, chère collègue, sur le fait qu’il existe un mécanisme de réserve prudentielle à l’hôpital et des aménagements dans le cadre des campagnes tarifaires pour tenir les budgets d’une année sur l’autre, mécanismes qui n’existent pas pour les dépenses de ville.

J’appelle votre attention sur le fait qu’il n’entre pas du tout dans les intentions du Gouvernement d’instaurer pour la médecine de ville une enveloppe dont le dépassement obligerait les médecins à reverser une partie des honoraires perçus pour financer l’hôpital – la question avait notamment été débattue au moment du plan dit « Juppé », dans les années quatre-vingt-dix. En tout état de cause, il existe aujourd’hui des mécanismes de réserve prudentielle et de régulation, des clauses de sauvegarde et des mises sous accord préalable, tous éléments qui permettent de tenir l’ONDAM et ses sous-objectifs.

Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Jeanine Dubié. Je le maintiens.

La commission rejette l’amendement AS306.

Puis elle adopte l’article 6 sans modification.

Elle adopte ensuite la deuxième partie du projet de loi.

*

*     *

 

Troisième partie :
dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre financier de la sécurité sociale pour l’exercice 2018

Titre Ier
Dispositions relatives aux recettes, au recouvrement et à la trésorerie

Chapitre Ier
Mesures relatives au pouvoir dachat des actifs

Avant l’article 7

La commission se saisit de l’amendement AS120 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Adrien Quatennens. En quelques minutes, nous venons de valider les exercices précédents : nous avons eu vite fait de passer sur les coupes budgétaires sévères déjà opérées dans le budget de la sécurité sociale… Nous nous apprêtons dès à présent à discuter de celles qu’il conviendrait d’organiser maintenant pour l’année 2018. Il me semble que la majorité de mes collègues n’a pas forcément saisi l’ampleur du bouleversement que ce PLFSS va engendrer dans la vie de nos concitoyens, qui ont fait de nous leurs représentants. Il s’agit là non pas simplement de la discussion d’un simple PLFSS mais bien de l’examen d’une réforme globale de la sécurité sociale, qui affectera durement le pouvoir d’achat de l’ensemble des actifs.

Vous prévoyez, chers collègues de la majorité, de revoir le financement de la sécurité sociale en le fondant sur la contribution sociale généralisée (CSG) plutôt que sur les cotisations. Or cette contribution est injuste car non progressive en fonction des revenus, et ni les fonctionnaires ni les retraités ni les indépendants ne connaîtront les compensations prévues.

Vous voulez augmenter le forfait hospitalier et, ainsi, le reste à charge dont les patients devront s’acquitter. Pourtant, un Français sur deux refuse aujourd’hui de se soigner à cause du coût des soins. N’est-ce pas déjà trop ?

Vous entendez pérenniser le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et continuer de creuser ce gouffre financier à l’efficacité quasi nulle tandis que vous supprimez 150 000 contrats aidés, au motif qu’ils seraient trop coûteux.

Vous avez créé de nouvelles trappes à bas salaires en multipliant les exonérations de cotisations patronales autour du SMIC. Ces dispositions vont donc affecter le pouvoir d’achat des actifs, sauf les plus riches, cajolés par l’autre texte budgétaire en cours de discussion dans l’hémicycle.

Puisqu’il faut nommer les choses, nous proposons de renommer ce chapitre : « Mesures relatives à la baisse du pouvoir d’achat des actifs ».

M. le rapporteur général. Je salue le trait d’humour de M. Quatennens, sans relever la provocation.

Les chiffres sont têtus, et puisque vous me donnez l’occasion de défendre ce PLFSS comme un projet de loi respectueux des engagements présidentiels en faveur du pouvoir d’achat, je ne vais pas bouder mon plaisir. Nous allons supprimer, dans quelques heures, sinon dans quelques minutes, un certain nombre de cotisations salariales qui pèsent aujourd’hui sur le pouvoir d’achat. Certes, cette suppression est compensée sous la forme d’une augmentation de la CSG, mais la totalité des salariés du secteur privé y gagneront en pouvoir d’achat. Nous aurons l’occasion, plus tard, de parler du pouvoir d’achat dans la fonction publique, du pouvoir d’achat des retraités, du pouvoir d’achat de toutes les catégories de Français.

Ajoutons à cet étage de la fusée, celui des cotisations sociales, l’étage de la taxe d’habitation, qui sera supprimée en loi de finances pour 2018 pour 80 % des Français.

Ajoutons également les mesures qui seront prises tout à l’heure en faveur des indépendants, notamment la création d’une « année blanche », qui permettra à un chef d’entreprise qui lance une activité et gagne 30 000 euros la première année d’avoir 9 500 euros de cotisations de moins.

Sans doute pouvez-vous nous reprocher de mener une politique avec laquelle vous êtes en désaccord ; en revanche, lorsque vous contestez que ce projet de loi permettra de redresser le pouvoir d’achat de l’immense majorité des Français, je ne peux être d’accord ; c’est un faux procès. Je préfère donc ne retenir que le trait d’humour.

Vous comprendrez que je sois défavorable à votre amendement.

M. Boris Vallaud. J’ai bien entendu vos propos, monsieur le rapporteur général, mais que lisons-nous en page 26 de l’étude d’impact, qui constitue l’annexe X du PLFSS ? « On a donc une baisse du coin fiscalo-social. Cela va entraîner un ajustement à la baisse des salaires bruts, et donc une baisse du coût du travail. » Est-ce à dire que l’augmentation du pouvoir d’achat n’est que conjoncturelle, les augmentations futures de salaires n’ayant probablement jamais lieu ?

M. le rapporteur général. Nous n’en sommes pas encore à l’article 8, mais je vous confirme que nous allons tout à la fois améliorer le pouvoir d’achat des Français et améliorer la compétitivité des entreprises, à travers la transformation du CICE, qui permettra de baisser le coût du travail et de le stabiliser dans le temps.

M. Boris Vallaud. Mais l’annexe X ne se rapporte pas au CICE…

La commission rejette l’amendement.

Article 7
Mesures de pouvoir dachat en faveur des actifs

Cet article met en œuvre un engagement fort du Président de la République : redonner du pouvoir d’achat aux travailleurs, en supprimant les cotisations maladie et chômage qui grèvent leurs revenus. Afin de compenser à l’assurance maladie et à l’assurance chômage la perte de ressources en résultant (17,7 milliards d’euros), la contribution sociale généralisée (CSG) verra ses taux augmenter de 1,7 point.

À la différence des cotisations, la CSG pèse sur toutes les catégories de revenus : les salariés s’acquitteront donc de l’augmentation de 1,7 point, mais leur pouvoir d’achat augmentera, car ce sont pas moins de 3,15 points de cotisations qui seront supprimés, sur une assiette proche (0,75 point au titre de la cotisation maladie – dès janvier prochain – et 2,4 points au titre de la cotisation chômage – 1,45 point en janvier, puis 0,95 point en octobre). Pour un salarié au SMIC (1 480 euros bruts par mois), le gain de pouvoir d’achat sera de 263 euros par an ; il sera de 685 euros pour un salaire mensuel de 3 000 euros. Le gain de pouvoir d’achat sera amplifié par le caractère déductible de l’augmentation de CSG, pour l’établissement de l’impôt sur le revenu (mesure prévue dans le projet de loi de finances pour 2018). Du fait des mécanismes de calcul de la cotisation chômage et de la CSG pour les revenus excédant quatre fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit environ 160 000 euros, les plus hauts revenus ne seront pas gagnants à la « bascule » prévue par cet article, qui est donc construit sous le signe de la justice sociale.

Cette justice se caractérise principalement par une mise à contribution plus forte, pour le financement de notre protection sociale, des revenus du capital et des pensions de retraite (assujettis à la CSG mais pas aux cotisations maladie et chômage). S’agissant des pensions de retraite, il faut dire immédiatement que seuls les contribuables soumis au taux normal de CSG – qui, à 6,6 %, est toutefois plus faible que celui pesant sur les revenus d’activité (7,5 %) – seront concernés par la hausse du taux de 1,7 point : les retraités les plus modestes, qu’ils soient exonérés ou soumis au taux réduit de 3,8 %, sont préservés de toute augmentation. Les autres retraités pourront, selon les cas, voir leur augmentation de CSG compensée par la réduction de la taxe d’habitation, autre engagement fort du Président de la République, mis en œuvre dans le projet de loi de finances.

Si la réduction de la taxe d’habitation n’est pas conçue en tant que telle comme une compensation de l’augmentation de la CSG, d’autres dispositions – contenues dans cet article ou prévues par ailleurs – ont pour objet de régler les cas particuliers des personnes assujetties à la CSG mais pas aux cotisations maladie ou chômage, et qui seraient donc perdantes nettes sans mesure spécifique :

– tous les indépendants, non assujettis à la cotisation chômage, bénéficieront en contrepartie de l’augmentation de la CSG d’une réduction de 2,15 points du taux de leur cotisation familiale. En outre, la cotisation maladie des indépendants les plus modestes pourra être réduite jusqu’à 5 points, contre 3,5 aujourd’hui ; 75 % des indépendants seront gagnants in fine, pour un montant pouvant dépasser 650 euros par an pour un revenu de 2 SMIC ;

– les professionnels et auxiliaires médicaux conventionnés, également hors du champ de l’assurance chômage, et dont l’essentiel de la cotisation maladie est prise en charge par les régimes d’assurance maladie, verront la hausse de la CSG compensée par la prise en charge, par ces mêmes régimes, de leur cotisation vieillesse ;

– une mesure de compensation est également prévue, par cet article, pour les ministres du culte, affiliés à un régime spécial ;

– les fonctionnaires, qui ne sont soumis à aucune des deux cotisations supprimées, subiraient une augmentation « sèche » de CSG sans mesure compensatoire. Le PLF prévoit une première mesure, la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité, qui sera complétée à l’issue de discussions avec les représentants professionnels, faute de compenser à elle seule l’augmentation de CSG.

Sur le plan budgétaire, l’augmentation de la CSG génèrera un rendement de 22,5 milliards d’euros environ, et la suppression des cotisations un coût de 17,7 milliards d’euros.

Les conséquences de cet article en termes d’affectation des recettes aux organismes de protection sociale sont pour beaucoup tirées dans l’article 18. Ici, il est prévu que l’Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (UNÉDIC), gestionnaire de l’assurance chômage, ne subira aucune perte de ressources en 2018 : l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) est en effet chargée de lui verser le montant de cotisation chômage qu’elle aurait spontanément perçu si cette cotisation n’avait pas été réduite puis supprimée.

Le commentaire de cet article commence par détailler le dispositif juridique, présenté par blocs aussi cohérents que possible, détail à l’occasion duquel sont évoqués les principaux effets attendus et les volumes financiers en jeu : suppression des cotisations maladie et chômage des salariés (I) ; compensation de cette suppression par l’augmentation de 1,7 point des taux de CSG (II) ; traitement par l’article de quelques cas particuliers (III) – travailleurs indépendants, professionnels et auxiliaires médicaux conventionnés, ministres du culte – ; mesures diverses (IV).

Puis, dans un second temps, le commentaire se concentre sur des aspects importants, mais déliés du détail des dispositions juridiques : tentative de présentation des principaux effets socio-économiques et budgétaires de la « bascule », pour une vue d’ensemble de données précédemment évoquées (V) ; évocation des conséquences devant être tirées ailleurs que dans cet article (VI), qu’il s’agisse de la déductibilité de l’augmentation de la CSG pour l’établissement de l’impôt sur le revenu, des modalités de compensation de cette augmentation pour les agents publics, ou encore de l’articulation de cette augmentation avec la réduction de la taxe d’habitation, en particulier pour les retraités.

Il faut préciser préalablement aux développements qui suivent que, sauf exception, les dispositions du présent article s’appliquent aux cotisations et contributions dues au titre des périodes intervenant à compter du 1er janvier 2018 (III).

I.   la suppression des cotisations maladie et chômage des salariés

A.   la suppression immédiate de la cotisation maladie

1.   Pour les salariés non-agricoles

Le II de l’article L. 241-2 du code de la sécurité sociale dresse la liste des ressources de la branche maladie du régime général ([60]). Le 1° de ce II mentionne les cotisations des salariés et de leurs employeurs. En application de l’article L. 242-1, ces cotisations – comme du reste l’ensemble des cotisations de sécurité sociale proprement dites  ([61]) – sont assises sur tous les avantages consentis aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail (salaires, bien évidemment, mais également indemnités, primes gratifications, avantages en nature, etc.) ([62]). Les taux de cotisation, fixés par voie réglementaire selon la règle habituelle, étaient en 2017 de 12,89 % pour la part patronale et de 0,75 % pour la part salariale.

Le du I du présent article acte la suppression de la cotisation maladie des salariés, en réorganisant la rédaction actuelle pour ne plus mentionner que la cotisation des employeurs.

La référence à la cotisation salariale maladie est supprimée par cohérence à l’article L. 381-30-4 ( du I), relatif aux cotisations assises sur le travail des détenus.

2.   Pour les salariés agricoles

L’article L. 741-9 du code rural et de la pêche maritime dresse la liste des ressources des assurances sociales des salariés agricoles. Le a) du I de cet article mentionne, pour l’assurance maladie, une cotisation sur les rémunérations des salariés, à la charge des employeurs et des assurés. Par jeu de renvois ([63]), l’assiette des cotisations sur les salaires agricoles, ainsi que leurs taux, sont les mêmes que pour les salaires non-agricoles.

Le du II supprime la référence aux assurés, actant ainsi la suppression de la cotisation maladie des salariés agricoles, sur le modèle de ce qui vient d’être décrit pour les salariés non-agricoles.

3.   Une exonération non compensée par des crédits du budget de l’État

L’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale ([64]) pose le principe de la compensation par l’État des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations sociales. Le VI du présent article précise que, par dérogation à l’article L. 131-7, ses dispositions ne donnent pas lieu à compensation intégrale par le budget de l’État.

Il faut préciser que cela ne signifie pas que les mesures en question ne sont pas compensées sur le plan financier, puisque larticle 18 du présent projet de loi a notamment pour objet de procéder à cette compensation ([65]). Il sagit simplement dune précaution juridique indispensable : les allègements de cotisations « de droit commun » doivent être compensés « à leuro leuro », en clair par laffectation de crédits budgétaires ; dès lors que la compensation passe par laffectation pérenne de recettes, et non par le versement dun quantum précis, elle sort mécaniquement dune logique « à leuro leuro », et confère ainsi à lallègement un caractère dérogatoire qui doit être expressément prévu.

4.   Une application immédiate

Le A du III prévoit la suppression de la cotisation maladie des salariés au titre des périodes intervenant à compter du 1er janvier 2018.

B.   la suppression en deux temps de la cotisation chômage

1.   Le principe de la suppression

● L’article L. 5422-9 du code du travail prévoit que l’allocation d’assurance chômage est financée par des contributions des employeurs et des salariés, assises sur les rémunérations brutes, dans les limites d’un plafond. C’est le règlement général annexé à la convention relative à l’assurance chômage, signée entre les partenaires sociaux (organisations représentatives des employeurs et des salariés), qui définit plus précisément les contributions.

Il faut en effet rappeler que lassurance chômage fonctionne, depuis sa mise en place en 1958, selon un mode purement paritaire. Obligatoire pour les employeurs et salariés du secteur privé et possible pour certains employeurs et employés du secteur public (cf. infra), la cotisation à lassurance chômage permet dindemniser les pertes involontaires demploi, sous certaines conditions, notamment de durée de cotisation, dans le détail desquelles il nest pas nécessaire dentrer ici. Les modalités dadhésion, les règles de couverture des risques, le fonctionnement et le financement de lassurance chômage sont décidés par les partenaires sociaux, et consignés dans une convention. LUnion nationale pour lemploi dans lindustrie et le commerce (UNÉDIC), dont le statut est associatif, est lorganisme de droit privé chargé de la gestion du régime dassurance chômage, en application de larticle L. 5427-1 du code du travail.

● L’article 49 du règlement annexé à la dernière convention en date, celle du 14 avril 2017 ([66]), prévoit :

– que l’assiette des cotisations chômage est la même que celle des cotisations de sécurité sociales, définie par renvoi aux articles L. 242-1 et suivants du code de la sécurité sociale ;

– que cette assiette est plafonnée à quatre fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) ([67]).

Larticle 50 fixe le taux de la contribution salariale à 2,4 % et celui de la contribution patronale à 4,05 % (soit le taux « historique » de 4 % augmenté dune majoration temporaire, qui prendra fin au plus tard le 30 septembre 2020).

● Le IV du présent article prévoit la suppression en deux temps des contributions salariales, ou plus exactement leur prise en charge par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (cf. infra([68]) :

– au 1er janvier 2018, leur taux sera ramené de 2,4 à 0,95 % (soit
– 1,45 point) ;

– à compter du 1er octobre 2018, leur taux sera nul.

Il est précisé que la prise en charge ainsi organisée se fait « dans la limite des contributions salariales dues », ce qui est somme toute assez logique.

● L’article L. 5422-24 du code du travail prévoit que les contributions d’assurance chômage servent, pour au moins 10 % des sommes collectées, à la constitution d’une « contribution globale » affectée au budget de Pôle Emploi, et plus précisément à ses sections « Fonctionnement et investissement », et « Intervention ». Afin que la suppression des contributions salariales ne dégrade pas les ressources du service public de l’emploi, il est prévu de faire entrer dans le calcul de la contribution globale les montants compensant la suppression des contributions salariales (cf. infra).

2.   Les modalités de compensation pour l’assurance chômage

● Il faut tout d’abord dire que la réduction par la loi de la cotisation chômage des salariés est une nouveauté dans l’arsenal jusqu’alors utilisé pour redonner du pouvoir d’achat aux Français. En effet, les cotisations chômage n’avaient pas encore été utilisées, à la différence des cotisations de sécurité sociale proprement dites, et plus encore des impôts et taxes en général, comme un outil de politique économique. Cette innovation conceptuelle rend nécessaire de penser des modalités de compensation, les recettes de l’assurance chômage ne pouvant être diminuées sans dommage pour les assurés.

● Le V organise justement, pour l’année 2018 en tout cas, la compensation à l’UNÉDIC de la réduction de la contribution salariale instaurée par le IV. Il est à cette fin prévu que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) verse à l’UNÉDIC le produit des contributions salariales qui aurait été dû en 2018, abstraction faite de la réduction de leur taux ([69]).

En l’état du droit, les contributions d’assurance chômage sont déjà, sauf exceptions, recouvrées par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), dont l’ACOSS constitue la « tête de réseau ». En 2018, la réforme sera donc financièrement neutre pour l’UNÉDIC, et sans effet sur ses activités de recouvrement.

Si la compensation est prévue pour 2018 seulement, c’est, selon l’exposé des motifs, « dans lattente de lissue des discussions sur lavenir de lassurance chômage prévues en 2018 ».

Afin de sécuriser la compensation « à l’euro l’euro » pour l’UNÉDIC, il est prévu que les branches du régime général assurent l’équilibre financier de l’ACOSS au titre de cette mission, selon une répartition fixée par arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale, en fonction des soldes prévisionnels de chaque branche.

● Les contributions salariales d’assurance chômage aujourd’hui recouvrées par les caisses de mutualité sociale agricole (pour les salariés agricoles, en application du b) de l’article L. 5427-1 du code du travail), par Pôle Emploi en application du e) du même article (intermittents du spectacle, en substance) et par le guichet unique du spectacle occasionnel (article L. 133-9 du code de la sécurité sociale) seront, dans les conditions précédemment décrites pour la généralité des contributions, centralisées et reversées par l’ACOSS.

II.   l’augmentation de 1,7 point des taux de CSG

A.   La pluralité « des » CSG

La CSG n’est pas un impôt unique, mais la collection de quatre impôts « cédulaires », qui frappent à des taux différents plusieurs catégories de revenus :

– les revenus d’activité et de remplacement, au taux de droit commun de 7,5 %, avec les exceptions suivantes :

– les revenus dits « du capital », au taux de 8,2 %, à savoir :

– les produits de certains jeux, en distinguant deux assiettes ([73]) :

Le taux des « quatre CSG » (activité et remplacement, patrimoine, placement, jeux) sont tous augmentés de 1,7 point, à l’exception des taux réduit et nul applicables aux revenus de remplacement les plus modestes. Cette augmentation aura lieu au 1er janvier 2018.

B.   L’augmentation des taux

● Le 3° du I modifie l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, qui fixe entre autres les différents taux de CSG, à l’exception de celle sur les jeux de casino :

– le a) du porte de 7,5 à 9,2 % le taux de la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement ;

 le b) porte de 8,2 à 9,9 % le taux de la CSG sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement. Il faut préciser ici que les produits de placement sont retenus à la source par les établissements financiers payeurs, en année N : en 2018, ce sont donc les revenus de 2018 qui supporteront laugmentation du taux de CSG. En revanche, la CSG sur les revenus du patrimoine est recouvrée par voie de rôle, lannée suivant la perception des revenus : en 2018, laugmentation de la CSG frappera donc les revenus dégagés en 2017 ([74]) ;

– le c) porte de 6,9 à 8,6 % le taux de la CSG sur les jeux exploités par La Française des jeux ;

 le d) porte de 6,6 à 8,3 % le taux de CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité.

● Le 2° du I augmente de 1,7 point les taux de CSG sur les jeux de casino, définis au III de l’article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale :

– le taux de 9,5 % applicable à une fraction (68 %) du produit brut des jeux ([75]) automatiques (« machines à sous ») est porté à 11,2 % ;

– le taux de 12 % applicable aux gains de 1 500 euros et plus, réglés aux joueurs par des bons de paiement manuels, est porté à 13,7 %.

● Ne sont pas augmentés les taux de CSG applicables :

– aux allocations chômage et aux indemnités journalières de sécurité sociale (taux maintenu à 6,2 %, en application du 1° du II de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale). Cette exclusion se justifie, selon l’étude d’impact, « par cohérence avec lobjectif même de la mesure […], ces revenus étant accordés à des actifs en situation dabsence ou darrêt temporaire de travail » ;

– aux revenus de remplacement les plus modestes, assujettis à un taux de 3,8 % en application du III du même article ou exonérés en application du 2° du III de l’article L. 136-2). Cette exclusion permet de maintenir constant le pouvoir d’achat de 5,8 millions de pensionnés, soit plus de 40 % (4 millions exonérés et 1,8 millions assujettis au taux réduit, sur un total de 13,8 millions de retraités du régime général).

C.   Les conséquences sur l’affectation du produit

● Le IV de l’article L. 136-8 répartit entre différents affectataires le produit de la CSG, à l’exception de la CSG sur les revenus du capital et sur les jeux de casino ([76]) ; le 4° de ce IV prévoit que les régimes obligatoires d’assurance maladie perçoivent une part du produit de la CSG, correspondant à un taux variable selon la cédule concernée. La notion de « part correspondant à un taux » n’est pas intuitive ; pour prendre un exemple simple et théorique, si le taux d’une cédule de CSG est de 5 % et que la part affectée aux régimes d’assurance maladie est de 2,5 %, cela signifie que la moitié du produit de la CSG récolté sur cette cédule est affectée aux régimes d’assurance maladie.

Cela étant posé, les modalités de répartition du produit de la CSG « maladie » sont déterminées par décret, mais variablement selon l’affectataire :

– pour la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement, affectée à l’ensemble des régimes obligatoires d’assurance maladie, la répartition doit se faire « en proportion des contributions sur les revenus dactivité acquittées par les personnes affiliées à chaque régime » ([77]) ;

– la CNAM, c’est-à-dire la branche maladie du seul régime général, est seule affectataire de la CSG assise sur les autres revenus ;

– pour les régimes non intégrés financièrement à la CNAM ([78]), la répartition se fait par décret, sans procédure particulière.

Les e), f) et g) du du I augmentent de 1,7 point les quotités de CSG affectées aux régimes d’assurance maladie, en portant respectivement :

– de 6,05 à 7,75 % la fraction de CSG sur les revenus d’activité et de remplacement (a) du 4° du IV de l’article L. 136-8) ;

– de 5,75 à 7,45 % la fraction de CSG sur les jeux exploités par La Française des jeux (b) du même 4°) ;

– de 5,15 à 6,85 % la fraction de CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité (e) du 4°).

Les allocations chômage et indemnités journalières de sécurité sociale (d) du 4°) et les revenus de remplacement modestes (f) du 4°) n’étant pas concernées par l’augmentation de CSG, leurs quotités d’affectation ne sont logiquement pas modifiées.

Ne sont pas davantage modifiées les quotités de CSG affectées :

– à la CNAF, pour la part correspondant à un taux de 0,85 % (1° du IV de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale) ;

– à la CADES, pour la part correspondant à un taux de 0,6 % dans la généralité des cas et à 0,3 % pour la CSG sur les jeux de La Française des jeux (5° du même IV).

Cela signifie donc que seuls les affectataires de la CSG « maladie », pour les cédules concernées par le IV de l’article L. 136-8, bénéficient de l’augmentation de 1,7 point.

● Le IV bis de l’article L. 136-8 affecte au FSV et à la CADES le produit de la CSG sur les revenus du capital (revenus du patrimoine et de placement). En l’état du droit, le taux de CSG applicable à ces revenus est de 8,2 % ; le FSV perçoit une part correspondant à un taux de 7,6 %, et la CADES une part correspondant au taux « solde », de 0,6 %.

Le g) du du I porte à 9,3 % la part du FSV. Autrement dit, seul le FSV bénéficie de l’augmentation du taux de cette cédule de CSG.

III.   le traitement par l’article de quelques cas particuliers

A.   les travailleurs indépendants, non assujettis à la cotisation chômage

1.   La compensation de l’augmentation du taux de CSG par une réduction supplémentaire de la cotisation familiale

● En l’état du droit, l’article L. 242-11 du code de la sécurité sociale :

– définit en son premier alinéa les modalités de calcul et de recouvrement des cotisations familiales des travailleurs indépendants non-agricoles ;

– prévoit en son second alinéa un mécanisme de réduction du taux de ces cotisations, lorsque les revenus d’activité sont inférieurs à un seuil fixé par décret, et dans la limite de 3,1 points.

Le taux est égal :

– à 2,15 % des revenus d’activité lorsque ceux-ci n’excèdent pas 1,1 PASS ([79]) ;

– à 5,25 % lorsque les revenus dépassent 1,4 PASS ([80]) ;

– à un taux croissant de manière linéaire – de 2,15 à 5,25 %– entre 1,1 et 1,4 PASS.

● Le du I abroge l’article L. 242-11, et le 11° lui substitue un nouvel article L. 613-1 au sein du chapitre III du titre Ier du livre VI du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la LFSS pour 2018 ([81]).

Le nouvel article L. 613-1 apporte deux modifications au droit existant :

– il porte à 5,25 points, soit le taux maximum actuellement applicable, la limite de la réduction de taux. L’étude d’impact annexée au présent article précise que le taux sera nul pour les revenus d’activité jusqu’à 1,1 PASS, puis progressera linéairement pour atteindre un nouveau maximum de 3,1 % à 1,4 PASS. Ainsi, les indépendants bénéficieraient d’une réduction de 2,15 points de leur taux de cotisation familiale, ce qui permet de compenser strictement l’augmentation de 1,7 point de la CSG. L’assiette de la CSG étant plus large que celle de la cotisation familiale des indépendants, la stricte compensation implique de réduire davantage le taux de la cotisation que n’est augmenté celui de la CSG ;

– il prévoit la possibilité de cumuler la réduction du taux avec :

2.   Un gain de pouvoir d’achat pour 75 % des indépendants, par une réduction supplémentaire de la cotisation maladie

● L’article L. 612-5 du code de la sécurité sociale, créé par l’article 11 de la LFSS 2017 ([83]), prévoit une réduction du taux des cotisations maladie et maternité ([84]) des indépendants non-agricoles affiliés au RSI, sous réserve que leurs revenus d’activité soient inférieurs à un seul fixé par décret, égal à 70 % du PASS, soit plus de 27 000 euros ([85]). La réduction maximale est de 3,5 points, ramenant ainsi le taux de cotisations de 6,5 à 3 % ([86]). Ce niveau maximal, atteint pour les revenus les plus faibles, décroît ensuite linéairement pour s’annuler lorsque les revenus atteignent 1,1 PASS. Cette réduction n’est cumulable avec aucune autre réduction ou aucun abattement portant sur les cotisations en question, à l’exception de la réduction de 3,1 points de la cotisation familiale (cf. supra).

Le 12° transforme l’article L. 612-5 en un article L. 621-3 (dans le cadre de la refonte du titre VI résultant de la suppression du RSI), en lui apportant trois modifications :

– les cotisations maladie et maternité sont définies par renvoi aux articles L. 621-1 et L. 621-2, et non plus à l’article L. 621-4, du fait de la refonte du titre VI ;

– la limite de la réduction est portée de 3,5 à 5 points ;

– la réduction devient cumulable avec la réduction « ACCRE », tout en restant cumulable avec la réduction de cotisation familiale.

● L’étude d’impact indique que le renforcement de la réduction des cotisations maladie et maternité des indépendants à revenus modestes permet un gain net de pouvoir d’achat pour 75 % des indépendants. Les 25 % restants ne sont pas perdants à la réforme, le renforcement de la réduction de la cotisation familiale permettant, comme on l’a vu, de compenser l’augmentation de la CSG.

Le gain serait maximal pour un revenu d’activité autour de 2 SMIC, et la compensation deviendrait stricte au-delà de 3 SMIC. Parmi les indépendants, la mesure serait globalement favorable pour 82 % des artisans-commerçants et 50 % des professions libérales.

● Sur le plan budgétaire, le coût net serait de l’ordre de 180 millions d’euros, l’augmentation de la CSG produisant environ 2,1 milliards de recettes supplémentaires et la réduction des cotisations 1,9 milliard de perte.

3.   Des mesures qui concernent également les non-salariés agricoles

a.   La cotisation familiale

L’article L. 731-25 du code rural et de la pêche maritime assujettit les indépendants agricoles à une cotisation familiale, dont le taux est réduit dans les conditions prévues par l’article L. 242-11 du code de la sécurité sociale pour les indépendants non-agricoles. Par coordination avec l’abrogation de cet article et son remplacement par un nouvel article L. 613-1 (cf. supra), le du II procède à une substitution de référence à l’article L. 731-25.

b.   La cotisation maladie

● L’article L. 731-35 du même code prévoit que les cotisations dues pour la couverture du risques maladie de l’essentiel des exploitants, anciens exploitants, de leurs aidants et de leurs ayant-droits sont assis sur les revenus tirés de l’exploitation, ou sur une base forfaitaire ([87]), et que leurs taux sont fixés par décret.

Le a) ([88]) du du II insère un nouvel alinéa dans l’article L. 731-35, prévoyant une réduction du taux des cotisations maladie et maternité des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole exerçant cette activité à titre exclusif ou principal. Les conditions d’application de la réduction sont celles prévues, pour les indépendants non-agricoles, par l’article L. 621-3 du code de la sécurité sociale (cf. supra).

 Létude dimpact indique que cette réduction se substitue à la réduction de 7 points de la cotisation maladie dont les exploitants agricoles ont bénéficié en 2016 ([89]). Selon la même source, cette exonération, qui nest soumise à aucune condition de ressources, est mal ciblée : 50 % de son montant bénéficie en effet aux exploitants agricoles dont les revenus sont les plus élevés. Lalignement du régime des indépendants agricoles sur celui des non-agricoles, facteur déquité, permet donc au surplus de concentrer leffort sur les niveaux de revenus les plus faibles.

4.   Un complément à apporter par voie réglementaire pour la catégorie particulière des micro-entrepreneurs

● Les travailleurs indépendants non-agricoles dont le chiffre d’affaires ou les recettes n’excèdent pas certaines limites peuvent de longue date bénéficier de modalités dérogatoires d’imposition des revenus tirés de leur activité, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (régime dit « micro-BIC ») ou des bénéfices non-commerciaux (« micro-BNC »). Par exception au principe d’imposition des bénéfices réels, les régimes micro permettent une imposition forfaitaire, assise sur le chiffre d’affaires et non sur le résultat net ; permettant parfois d’alléger l’impôt dû, cette facilité est surtout administrative, rendant plus aisée la liquidation de l’impôt.

Prévu par l’article 50-0 du code général des impôts, le régime micro-BIC est ouvert aux exploitants individuels dont le chiffre d’affaires hors taxes de l’année précédente ne dépasse pas, dans la généralité des cas :

– 82 800 euros pour les entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement (entreprises dites de la première catégorie) ;

– 33 200 euros pour les autres entreprises de prestation de services (entreprises dites de la deuxième catégorie).

Le bénéfice imposable est alors calculé sur la base du chiffre d’affaires, après application d’un abattement représentatif des charges (71 % pour les entreprises de la première catégorie, 50 % pour les entreprises de la deuxième catégorie).

Le régime micro-BNC, prévu par l’article 102 ter du code général des impôts, permet aux exploitants individuels d’activités non commerciales de bénéficier, sous réserve que leurs recettes de l’année précédente n’excèdent pas 33 200 euros, d’une imposition forfaitaire desdites recettes, abattues de 34 %.

● L’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale prévoit, pour les bénéficiaires du micro-BIC ou du micro-BNC, un régime dit « micro-social », qui permet définir un taux forfaitaire global pour l’essentiel des contributions et cotisations sociales. Il s’agit donc d’un régime dérogatoire du droit commun des travailleurs indépendants, régi par l’article L. 131-6-2 du même code, qui assoit ces contributions et cotisations sur les revenus d’activité de l’année précédente.

Dans le régime micro, le chiffre d’affaires ou les recettes du dernier mois ou du dernier trimestre – au choix du redevable – sont frappés d’un taux fixé par décret, mais qui ne saurait être inférieur au taux moyen acquitté par les indépendants non éligibles au régime micro-social. Le taux applicable en 2017 varie selon la nature de l’activité exercée : 13,1 % pour les entreprises de la première catégorie du micro-BIC, 22,7 % pour les entreprises de la deuxième catégorie et pour celles relevant du micro-BNC. Le principal avantage du régime micro-social est d’ajuster les charges au chiffre d’affaires, jusqu’à exonérer les exploitants dont le chiffre d’affaires est nul.

● L’étude d’impact indique qu’un décret ajustera le taux global des cotisations applicables aux micro-entrepreneurs, pour tenir compte du renforcement, par le présent article, des allègements de cotisations de la généralité des indépendants. Le taux de la première catégorie du micro-BIC passerait de 13,1 à 12,8 %, celui de la deuxième catégorie de 22,7 à 21,6 % et celui du micro-BNC de 22,7 à 21,3 %.

B.   les professionnels et auxiliaires médicaux conventionnés

● L’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale définit le contenu des conventions conclues entre les organismes de sécurité sociale et les professionnels de santé : médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, directeurs de laboratoires privés d’analyse médicale, entreprises de transport sanitaire. Le 5° du I de cet article L. 162-14-1 prévoit que les conventions définissent les conditions dans lesquelles les caisses d’assurance maladie participent au financement des cotisations sociales dues par les professionnels de santé, au titre de certaines de leurs activités : les activités non salariées réalisées dans le cadre de la permanence des soins ([90]), et les activités exercées dans des structures dont le financement inclut la rémunération des praticiens. Sont concernées : les cotisations d’allocations familiales visées à l’article L. 242-11, les cotisations maladie et maternité (article L. 612-1) et les cotisations aux régimes de retraite complémentaire (article L. 645-2) et les cotisations visées à l’article L. 722-4.

En 2017, le taux de la cotisation maladie pour les médecins conventionnés en secteur 1 (c’est-à-dire ne pratiquant pas de dépassement d’honoraires), les chirurgiens-dentistes et les auxiliaires médicaux est de 6,5 %, dont seulement 0,1 % à la charge de l’assuré. Sans mesure de compensation, ces professionnels seraient donc perdants à la réforme : leur CSG augmenterait, et ils ne bénéficieraient par construction pas de la suppression des cotisations maladie (qu’ils ne payent quasiment pas, et dont la suppression est du reste prévue pour les seuls salariés) et chômage (à laquelle ils ne sont pas soumis, en tant que professionnels en principe libéraux).

● C’est pourquoi le du I ([91]) élargit le champ des cotisations visées : aux cotisations d’assurance vieillesse des professions libérales, mentionnées à l’article L. 642-1 du code de la sécurité sociale, le champ des cotisations pouvant être prises en charge par les caisses d’assurance maladie en application des conventions. En 2017, le taux de ces cotisations était de 10,1 % du revenu sur sa fraction n’excédant pas le PASS, puis 1,87 % au-delà.

C.   les ministres du culte

● L’article L. 382-22 du code de la sécurité sociale prévoit que les charges du régime d’assurance maladie des ministres des cultes et des membres des congrégations et collectivités religieuses sont couvertes par trois types de recettes :

–une cotisation à la charge de ces personnes, assise sur une base forfaitaire (cotisation « salariale » – 1°) ;

– une cotisation à la charge des collectivités religieuses elles-mêmes (cotisation « patronale » – 2°) ;

– une contribution d’équilibre du régime général (3°).

● Le du 10° du I abroge le 2° de l’article L. 382-22. Le taux de la cotisation maladie était de 13,94 % en 2017, et s’appliquait à une base forfaitaire égale au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) ([92]).

IV.   des mesures diverses

● Le du I supprime le premier alinéa de l’article L. 131-9 du code de la sécurité sociale, devenu obsolète.

● L’article L. 172-3 du code de la sécurité sociale institue une coordination entre régimes d’assurance invalidité pour les poly-pensionnés, c’est-à-dire les assurés ayant relevé simultanément ou successivement de plusieurs régimes. Un décret en Conseil d’État doit fixer les conditions dans lesquelles sont ouverts, maintenus et calculés les droits à pension d’invalidité, lorsque le montant de la pension servie par le régime représente une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d’assurance les plus avantageuses. Le du I modifie la rédaction de cet article, substituant à l’expression « correspondant aux cotisations versées » l’expression « soumis à cotisations au sens de larticle L. 242-1 ». Il semblerait que cette disposition soit d’ordre rédactionnel.

Le du I procède à la même modification à l’article L. 313-1, qui conditionne l’ouverture des droits aux prestations de la branche maladie du régime général.

● Le VII précise que seules les dispositions relatives à l’augmentation de CSG sur les revenus du capital (b) du 3° du I et III de l’article) sont applicables à Mayotte, où il n’existe pas de CSG sur les revenus d’activité et de remplacement.

V.   les principaux effets attendus de la « bascule » prévue par cet article

A.   redonner du pouvoir d’achat aux salariés en rendant plus équitable le financement de notre sécurité sociale

● Le mouvement consistant à supprimer des cotisations assises sur les revenus d’activité en augmentant parallèlement la CSG, qui pèse sur l’ensemble des revenus, a pour mérite fondamental de redonner du pouvoir d’achat aux actifs en faisant contribuer de manière plus équitable d’autres catégories de population au financement de notre système de protection sociale, sans affecter aucunement les droits à prestations.

L’étude d’impact annexée au présent article relève que plus de 80 % des recettes de la sécurité sociale sont assises sur les revenus d’activité. Le basculement proposé par cet article aura pour effet de faire contribuer davantage les revenus du capital et les pensions de retraite, soumis à la CSG mais, par construction, exemptés des cotisations sur les revenus d’activité.

● Au-delà de cette répartition nouvelle de la charge entre catégories de revenus, la mesure proposée doit également permettre une forme de redistribution au sein des actifs :

– en fonction de la catégorie à laquelle appartiennent les salariés, puisque certains éléments exclus de l’assiette des cotisations figurent dans l’assiette de la CSG, et que ces éléments sont plutôt attribués aux cadres qu’aux non-cadres (typiquement, l’épargne salariale, notamment la participation aux résultats, versée par l’entreprise) ;

– en fonction du niveau de salaire, puisque la bascule ne profitera pas aux très hauts revenus, sous l’effet conjugué de deux mécanismes déjà existants :

● Au total, selon l’étude d’impact, ce sont plus de 7 milliards d’euros qui seraient redistribués aux actifs.

B.   quelques illustrations chiffrées et graphiques

● La bascule proposée par le présent article produit pour les salariés du secteur privé un gain de pouvoir d’achat sur une très large échelle de salaires.

Au niveau du SMIC– soit 1 480 euros bruts mensuels en 2017 –, la réduction des cotisations produit, en régime de croisière (une fois la cotisation chômage intégralement supprimée) :

– un gain spontané de 46,6 euros (11,1 euros au titre de la cotisation maladie et 35,5 euros au titre de la cotisation chômage) ;

– une perte de 24,7 euros du fait de l’augmentation de 1,7 point du taux de la CSG ;

– soit un gain net de 21,9 euros par mois, et donc de 263 euros par an.

Le gain est doublé pour un salaire de 2 SMIC (526 euros). Pour un salaire net de 3 000 euros ([93]), le gain est de 685 euros par an.

Source : Commission des affaires sociales.

● Les cotisations comme la CSG étant proportionnelles au salaire, le gain procuré par la bascule l’est également, mais jusqu’à 4 PASS seulement, pour les raisons précédemment évoquées.

Ainsi, le gain est de 190 euros par mois pour un salaire brut mensuel correspondant à 4 PASS, soit 13 076 euros. Au-delà, le gain décroît ; pour un salaire brut mensuel de 15 000 euros, il est d’environ 171 euros. Puis le gain s’annule lorsque le revenu brut atteint 33 000 euros par mois ; au-delà, les salariés sont « perdants », le terme méritant des guillemets compte tenu des niveaux de revenus dont il est question. Ainsi, pour un salaire brut de 30 SMIC (44 408 euros par mois), la perte mensuelle est de 108 euros.

Source : Commission des affaires sociales.

C.   l’équilibre budgétaire d’ensemble

● L’augmentation de la CSG devrait produire un rendement de 22,5 milliards (sur la base des chiffres prévisionnels pour 2017), détaillé dans le tableau suivant.

ventilation par assiette de l’augmentation des taux de csg

(en milliards d’euros)

Nature des revenus

Montant

Revenus d’activité

15,85

Revenus de remplacement

4,45

Revenus du capital

2,11

Jeux

0,09

Total

22,5

Source : Direction de la sécurité sociale.

 La suppression des cotisations aurait un coût spontané de 17,7 milliards :

– 13,1 milliards au titre de la cotisation chômage ;

– 4,6 milliards au titre de la cotisation maladie.

Les modalités de répartition du solde, prises dans un ensemble plus vaste de mouvements financiers entre l’État et la sécurité sociale et au sein de la sécurité sociale, sont décrites infra dans le commentaire de l’article 18.

VI.   plusieurs conséquences n’ayant pas vocation à être tirées dans cet article

A.   la déductibilité du surplus de csg pour l’établissement de l’impôt sur le revenu : du pouvoir d’achat en plus

● Lors de sa création par la loi de finances pour 1991 ([94]), la CSG, alors au taux de 1,1 %, n’a pas été exclue de l’assiette de l’impôt sur le revenu, suivant la règle usuelle selon laquelle les autres impôts ne sont pas regardés comme des charges déductibles du revenu imposable.

Le législateur a entendu faire exception à cette règle pour l’augmentation de 1,3 point du taux de CSG, cette quotité supplémentaire ayant été rendue déductible par la première loi de finances rectificative (LFR) pour 1993 ([95]).

L’exception n’aura toutefois pas eu le temps d’entrer en vigueur, puisque la loi de finances pour 1994 ([96]) l’a abrogée : depuis lors, 2,4 points de CSG sur les revenus d’activité et de remplacement sont demeurés non déductibles.

En revanche, les augmentations successives du taux de CSG en 1997 (+ 1 point) et 1998 (+4,1 points) ont été rendues déductibles ([97]), car ces nouvelles quotités de CSG se substituaient aux cotisations salariales d’assurance maladie, quasi-intégralement supprimées, et qui elles étaient déductibles de l’assiette de l’IR ([98]).

En 2004, l’augmentation de CSG sur les revenus du capital et sur les pensions (+ 0,7 point) a été rendue déductible ([99]). La loi de finances pour 2013 ([100]) est revenue sur cette déductibilité s’agissant des revenus du capital, portant la fraction de CSG non déductible de 2,4 à 3,1 points.

La CSG sur les jeux n’est quant à elle pas déductible.

● L’augmentation de CSG prévue par le présent article se substituant à des cotisations déductibles de l’assiette de l’IR en application de l’article 83 du code général des impôts, la logique retenue en 1997 et 1998 prévaut : l’article 38 du PLF 2018 prévoit donc la déductibilité de la quotité supplémentaire de 1,7 point. Le tableau suivant récapitule les fractions déductibles et non déductibles de CSG, en l’état actuel du droit et en l’état futur.

fractions de csg déductibles et non déductibles
selon les catégories de revenus

(en points)

 

Droit existant

Droit proposé

Catégories de revenus

CSG déductible

CSG non déductible

Total

CSG déductible

CSG non déductible

Total

Revenus dactivité

5,1

2,4

7,5

6,8

2,4

9,2

Revenus de remplacement

 

Pensions de retraite et d’invalidité

4,2

2,4

6,6

5,9

2,4

8,3

Allocations chômage et indemnités journalières de sécurité sociale

3,8

2,4

6,2

3,8

2,4

6,2

Revenus de remplacement soumis au taux réduit

3,8

0

3,8

3,8

0

3,8

Revenus de remplacement exonérés

0

0

0

0

0

0

Revenus du capital

5,1

3,1

8,2

6,8

3,1

9,9

Source : Commission des affaires sociales.

L’exemple suivant permet de comprendre les effets – positifs – de la déductibilité pour un contribuable. Dans le cadre de la réforme, un salarié percevant 2 SMIC (environ 2 300 euros par mois) devrait bénéficier d’une augmentation de son revenu net de 44 euros par mois (soit une réduction de 93 euros de cotisations, dont sont retranchés les 49 euros d’augmentation de CSG). Sans déductibilité de la CSG, son revenu imposable augmenterait de 93 euros par mois ; il augmentera de seulement 44 euros par mois avec la déductibilité de la CSG.

B.   les modalités de compensation de l’augmentation de csg pour les agents publics

Les fonctionnaires ne sont pas assujettis à la cotisation maladie, ce risque étant assuré par les régimes spéciaux de protection sociale de chaque fonction publique ; les agents contractuels, en revanche, y sont soumis. Par ailleurs, dans la généralité des cas, les agents publics ne sont pas assujettis à la cotisation chômage. En conséquence, sans mesure de compensation, les agents publics seraient perdants nets à la réforme, puisqu’ils subiraient l’augmentation de la CSG sans bénéficier de la réduction de cotisations qu’ils n’acquittent pas. Le Gouvernement entend répondre en plusieurs temps à cette problématique.

1.   La suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité par l’article 47 du projet de loi de finances pour 2018

Comme les salariés du secteur privé, les agents publics ont droit à une allocation chômage en cas de perte d’emploi (article L. 5424-1 du code du travail). En principe, le risque chômage est auto-assuré par les employeurs publics (article L. 5424-2 du même code) ; en conséquence, les agents publics ne sont en principe pas assujettis à la cotisation chômage. Par exception, les employeurs d’agents non titulaires, autres que l’État et les établissements publics administratifs, peuvent adhérer au régime d’assurance chômage géré par l’UNÉDIC ; dans ce cas, les employés s’acquittent de la cotisation chômage.

Lorsque l’employeur public ([101]) n’est pas adhérent à l’UNÉDIC – soit qu’il n’en ait pas le droit, soit qu’il ait choisi de ne pas y adhérer –, ses employés sont assujettis à une contribution exceptionnelle de solidarité (CES) ([102]), assise au taux de 1 % sur la rémunération nette totale, dès lors qu’elle excède 1 467 euros mensuels ([103]), et dans la limite d’un plafond fixé à 4 PASS, comme pour la cotisation chômage donc.

Le produit de la CES, estimé à 1,4 milliard d’euros pour 2017, est affecté au Fonds de solidarité, chargé du financement des allocations de solidarité au profit des personnes privées d’emploi, essentiellement l’allocation de solidarité spécifique, versée aux chômeurs en fin de droits. Ce financement sera à l’avenir intégralement assuré par des crédits du budget de l’État, depuis la mission Travail et emploi, qui servait déjà une subvention d’équilibre au Fonds de solidarité, à hauteur de 1,3 milliard d’euros en 2017. La suppression du Fonds était déjà prévue pour le 1er janvier 2018 ([104]), puisqu’il se contentait en réalité de collecter la CES ([105]), Pôle Emploi assurant le service des aides. L’apport informatif du Fonds était également limité, le rapport public annuel 2016 de la Cour des comptes ayant entre autres curiosités relevé qu’il ne dispose d’aucun recensement précis des employeurs assujettis à la CES ([106])

2.   Des mesures complémentaires à venir

Comme le relève le Gouvernement dans l’exposé des motifs de l’article 47 du PLF 2018, « la suppression de la CES ne constitue quun premier pas pour la compensation de la hausse de CSG pour les agents et les salariés du secteur public ou parapublic ».

● Trois facteurs simples l’expliquent :

– le taux de la CES est inférieur au taux supplémentaire de CSG ;

– de surcroît, l’assiette est plus étroite, portant sur les rémunérations nettes et non brutes ;

– enfin, la CES épargne les traitements les plus modestes, qui sont en revanche assujettis à la CSG.

● Les mesures complémentaires de compensation seront discutées avec les organisations syndicales dans le cadre du « rendez-vous salarial » de l’automne.

● Ces mesures complémentaires peuvent en tout état de cause être chiffrées à 1,6 milliard d’euros, puisque le rendement de l’augmentation de la CSG sur les revenus d’activité du secteur public est estimé à 3 milliards, et que la suppression de la CES coûte 1,4 milliard.

C.   les effets potentiels de l’augmentation des revenus sur le bénéfice de certains avantages socio-fiscaux et de certaines prestations sociales

● Le revenu fiscal de référence (RFR), défini à l’article 1417 du code général des impôts, est indiqué sur l’avis d’imposition ou de non-imposition du revenu, adressé à chaque foyer fiscal. Il ne correspond pas exactement au revenu net imposable du foyer, car plusieurs éléments sont ajoutés à ce revenu net, afin de tenir compte des capacités contributives effectives du foyer. Sont ainsi réintégrés certains abattements (par exemple l’abattement de 40 % sur les dividendes), certains revenus exonérés (par exemple les bénéfices exonérés en application des dispositifs « zonés » – zones franches urbaines, zones de revitalisation rurale, etc.), certains revenus exclus du barème mais soumis à un prélèvement forfaitaire libératoire (par exemple les produits des contrats d’assurance-vie).

Parce qu’il donne justement un aperçu assez complet de la capacité contributive réelle, le RFR sert couramment de critère pour déterminer le bénéfice de certains avantages fiscaux et sociaux, et de certaines prestations sociales, recensés dans l’encadré suivant ([107]).

Exemples de dispositifs subordonnés à une condition de RFR

En matière dimpôt sur le revenu

– Exonération des plus-values immobilières réalisées par les titulaires de pensions de vieillesse ou de la carte d’invalidité (III de l’article 150 U du code général des impôts)

– Éco-prêt à taux zéro (article 244 quater U du même code)

En matière dimpôts locaux

Exonérations, dégrèvements et abattements en matière de taxe d’habitation (3 du II de l’article 1411, articles 1414, 1414 A et 1414 B) et de taxe foncière sur les propriétés bâties (article 1390, 1391, 1391 B, 1391 B bis et 1391 B ter)

En matière de contributions sociales

Exonération de CSG et de contribution au remboursement de la dette sociale sur les allocations de chômage, pensions de retraite et d’invalidité (article L. 136-2 du code de la sécurité sociale)

En matière de prestations sociales

– Bourses du collège et du lycée (article D 531-4 du code de l’éducation)

– Tarifs de certaines cantines et crèches

– Attribution d’un logement social par un organisme d’habitation à loyer modéré (arrêté du 29 juillet 1987)

– Accès au livret d’épargne populaire (article L. 221-15 du code des marchés financiers)

– Tarif social de l’électricité (décret n° 2004-325 du 8 avril 2004) et tarif spécial de solidarité au gaz naturel (décret n° 2008-778 du 13 août 2008)

Source : Conseil des prélèvements obligatoires, Impôt sur le revenu, CSG – Quelles réformes ?, février 2015, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20150204-rapport-CPO-Impot-CSG-quelles-reformes%20.pdf, page 226

● Le gain de pouvoir d’achat pour de nombreux actifs, permis par cet article, aura mécaniquement pour effet de faire augmenter le RFR des bénéficiaires, toutes choses égales par ailleurs. Cette augmentation pourrait à son tour avoir des répercussions sur le bénéfice de certaines des mesures conditionnées à un niveau donné de RFR.

D.   la « compensation » de l’augmentation sèche de csg pour certains retraités, par l’allègement de la taxe d’habitation

1.   Une participation renforcée des retraités au financement de la protection sociale, une solidarité assumée entre les générations

Le basculement d’une partie des cotisations sociales salariales vers la CSG produit une catégorie de « perdants » bien identifiés : les personnes titulaires exclusivement de revenus de remplacement soumis au taux normal de CSG, qui subiront une augmentation de taux de 1,7 point sans bénéficier de la réduction de cotisations auxquelles elles ne sont par construction pas assujetties, ces cotisations étant destinés à assurer les actifs contre des risques de nature à les empêcher de gagner leur vie grâce au travail ([108]).

Il s’agit là d’un choix assumé par le Gouvernement, l’étude d’impact indiquant qu’ « à niveau de revenus équivalents et sans tenir compte des cotisations dassurance chômage et dassurance vieillesse, le poids des prélèvements sur les pensions de retraite est plus faible que celui sappliquant aux revenus des actifs, alors même que ces retraités bénéficient dune protection sociale proche ».

La même source rappelle que le niveau de vie moyen des retraités est légèrement supérieur à celui de la population générale, en se fondant sur le rapport annuel 2017 du Conseil d’orientation des retraites. Selon ce rapport, la pension moyenne brute des retraités représentait en 2015 52 % du revenu d’activité brut des actifs employés. Ce rapport est porté ([109]) à plus de 66 % si l’on considère les revenus nets des prélèvements sociaux, plus élevés sur les revenus d’activité que sur les pensions. Il est en progression depuis 2010 (moins de 63 %), en raison de l’effet dit de noria : les nouvelles générations de retraités ont un niveau de vie globalement plus élevé que les générations précédentes, auxquelles elles se substituent au moment du décès.

Au-delà des seuls revenus, les comparaisons de niveau de vie tiennent compte de la structure des ménages, qui en modifie les charges ; en substance, le revenu perçu par un couple d’actifs avec enfants à charge produit un niveau de vie plus faible que le même revenu dans un couple de retraités sans personnes à charge. Il faut préciser au surplus que les indicateurs retenus ne peuvent tenir compte, pour des raisons statistiques, du fait que les retraités sont plus souvent propriétaires de leur logement que le reste de la population.

En 2014, le niveau de vie des retraités était légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population : pour une base 100 dans la population générale, le niveau de vie des retraités dépassait 106 %, avec une disparité entre les hommes (109 %) et les femmes (103 %).

niveau de vie moyen des retraités rapporté à celui de l’ensemble de la population

Les années 2012 à 2014 sont affectées d’une rupture de séries, pour des raisons statistiques exposées dans le rapport-source.

Source : Conseil d’orientation des retraites, Évolutions et perspectives des retraites en France, juin 2017, http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-4025.pdf, page 89

2.   Des conséquences limitées par la réforme de la taxe d’habitation

● La taxe d’habitation (TH) est due par l’occupant en titre, au 1er janvier, d’un immeuble affecté à l’habitation (principale ou secondaire), qu’il en soit propriétaire ou locataire. La TH est assise sur la valeur locative cadastrale, et son taux est fixé par les collectivités territoriales qui en sont affectataires, à savoir les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Sont exonérés de la TH, notamment, les personnes âgées de plus de 60 ans, dont le RFR de l’année précédente n’excède pas les limites prévues à l’article 1414 du code général des impôts : cette limite est fixée à 10 708 euros par part fiscale (pour un célibataire) et à 16 426 euros pour un foyer composé de deux parts (par exemple un couple).

Pour certains contribuables non exonérés, dans des limites de RFR par part, il existe un mécanisme de plafonnement, dont les modalités de calcul sont complexes : le montant maximum de RFR par part est abattu d’un montant, puis cette différence est affectée d’un coefficient de 3,44 %, et c’est ce produit qui constitue le montant maximum de TH acquittée. Pour une personne seule, le plafond de RFR est fixé à 25 180 euros, l’abattement à 5 456 euros, soit un plafond de TH de 678,5 euros ([110]).

Aujourd’hui, environ 18 % des foyers, soit 5 millions, ne paient pas de TH : 3,8 millions en sont exonérés, et 1,2 million voient leur cotisation annulée par l’effet du plafonnement.

● L’article 3 du PLF 2018 prévoit, conformément aux engagements du Président de la République, un dégrèvement de TH sur la résidence principale, qui aura pour effet de porter dès 2020 à 80 % la proportion de foyers exonérés (soit 22 millions de foyer) ([111]).

Cet allègement, conditionné à un plafond de RFR fixé à 27 000 euros pour une part, sera échelonné sur trois ans : 30 % en 2018, 65 % en 2019 et enfin 100 % en 2020. En 2018 et 2019, le dégrèvement s’appliquera après le plafonnement, dont les effets seront « écrasés » en 2020, lorsque le dégrèvement prendra son plein effet.

Il est très difficile, pour ne pas dire impossible, d’avoir une répartition fine par catégories de contribuables du gain généré par la mesure, compte tenu essentiellement de la détermination du taux de la TH par les communes et EPCI. Néanmoins, le gain moyen peut être estimé, année par année, en rapportant le coût de la mesure au nombre de bénéficiaires, chiffrés dans l’évaluation préalable annexée à l’article 3 du PLF ([112]) : ce gain moyen serait de 175 euros par contribuable en 2018, 385 euros en 2019 et 590 en 2020.

● Le dégrèvement de TH n’est pas conçu en tant que tel comme une mesure destinée à compenser l’augmentation sèche de CSG pour les retraités assujettis au taux normal ; le Gouvernement indique toutefois dans l’exposé des motifs du présent article que « la hausse de la CSG sera également compensée dès 2018 par la réduction dun tiers du montant de la taxe dhabitation au bénéfice de 80 % des foyers, que les personnes soient actives ou retraitées ».

L’étude d’impact développe un exemple, celui d’un retraité de plus de 65 ans dont le montant de RFR 2016 s’élève à 15 000 euros, et la pension mensuelle nette à environ 1 445 euros. La hausse de CSG réduira cette pension à hauteur de 27 euros par mois (324 euros par an). Mais ce retraité bénéficiera d’une réduction moyenne de sa TH de 144 euros en 2018 (12 euros par mois), 300 euros en 2019 (25 euros par mois) et 445 euros à horizon 2020 (soit 37 euros par mois). Au final, le revenu net mensuel sera augmenté de 10 euros.

● L’inventaire casuistique de toutes les situations étant en pratique impossible, le tableau suivant résume les principaux effets de la hausse de CSG et du dégrèvement de TH à horizon 2020, en fonction des seuils « critiques » de RFR. Il se concentre sur les retraités de plus de 65 ans, les plus nombreux. Il est précédé d’un encadré précisant la méthodologie retenue.

Éléments méthodologiques

Quel que soit leur âge, les retraités bénéficient, pour l’établissement de leur revenu soumis à l’IR, d’un abattement de 10 % sur leur pension. Cela explique que le niveau de pension mensuel permettant de respecter les seuils de RFR ouvrant droit aux régimes de faveur de TH et de CSG ne soit pas égal au douzième du RFR. Pour obtenir le revenu mensuel net permettant de respecter un seuil de RFR, il faut en effet diviser ledit seuil par 0,9 – pour tenir compte de l’abattement de 10 %, inclus dans le RFR mais par définition pas dans le revenu net –, puis diviser le montant ainsi produit par 12. Ainsi, un retraité de 64 ans percevant une pension mensuelle de 991 euros (soit 11 898 euros par an) est éligible à l’exonération de TH, conditionné à un seuil de RFR par part de 10 708 euros (car [10 708 / 0,9] / 12 = 991,5).

Les retraités de plus de 65 ans bénéficient en outre d’un abattement spécifique sur leur revenu net, de 2 352 euros pour les revenus n’excédant pas 14 750 euros, et de 1 176 euros pour les revenus compris entre 14 750 et 23 760 euros. Ainsi, un retraité de 66 ans percevant une pension mensuelle de 1 209 euros (soit 14 511 euros par an) est éligible à l’exonération de TH : au seuil de RFR de 10 708 euros, à diviser par 0,9, il faut en effet ajouter 2 352 euros ([[10 708 + 2 352] / 0,9] / 12 = 1209).

En intégrant ces spécificités, le tableau suivant compare donc la situation des retraités de plus de 65 ans aujourd’hui et en 2020, en articulant les effets de l’augmentation de la CSG et les effets de la réduction de la TH.

 

 


articulation des réformes de la csg et de la th pour les retraités

 

Situation actuelle

Situation après réforme en 2020

Seuils de RFR

Niveau de pension

TH acquittée

Taux de CSG

TH acquittée

Taux de CSG

RFR ≤ 10 708 euros

Pension ≤ 1 209 euros

0

0 %

0

0 %

10 708 euros < RFR ≤ 10 996 euros

1 209 euros < Pension ≤ 1 236 euros

TH plafonnée

 

0 %

0

0 %

10 996 euros < RFR ≤ 14 375 euros

1 236 euros < Pension ≤ 1 440 euros

TH plafonnée

3,8 %

0

3,8 %

14 375 euros < RFR ≤ 25 180 euros

1 440 euros < Pension ≤ 2 331 euros

TH plafonnée

6,6 %

0

8,3 %

25 180 euros < RFR ≤ 27 000 euros

2 331 euros < Pension ≤ 2 500 euros

TH intégrale

6,6 %

0

8,3 %

RFR > 27 000 euros

Pension > 2 500 euros

TH intégrale

6,6 %

TH intégrale

8,3 %

Seuil de RFR (de l’année N-2) conditionnant l’exonération de TH = 10 708 euros

Seuil de RFR conditionnant l’exonération de CSG = 10 996 euros

Seuil de RFR conditionnant le taux réduit de CSG à 3,8 % = 14 375 euros

Seuil de RFR conditionnant le plafonnement de la TH = 25 180 euros

Seuil de RFR conditionnant l’exonération de TH dans le PLF = 27 000 euros

Source : Commission des finances (http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0273-tII.pdf, page 119).


—  1  —

● Le tableau suivant s’essaie à un bilan, pour les principales catégories de revenus, des effets de la bascule proposée par cet article, tenant le cas échéant compte de la réduction de la TH.


 

tableau récapitulatif des « gagnants » et des « perdants » à la réforme

Catégorie de revenus

Évolution du taux de CSG

(en %)

Suppression des cotisations maladie et chômage (3,15 points)

Autres mesures de compensation de laugmentation des taux de CSG

Bilan hors réduction de la TH

Effets de la réduction de la TH
(pour les catégories subissant sans cela une augmentation sèche de CSG)

Salaires du secteur privé

7,5 → 9,2

Oui

Non

Gain

Sans objet

Revenus dactivité des indépendants

7,5 → 9,2

Non

Réduction de 2,15 points de la cotisation familiale = compensation stricte de laugmentation de CSG, pour tous les indépendants

Réduction de 1,5 point supplémentaire de la cotisation maladie pour les indépendants dont les revenus dactivité nexcèdent pas 1,1 PASS = gain net,
pour 75 % des indépendants

75 % = gain

 

25 % = stricte compensation

Sans objet

Traitements des fonctionnaires

7,5 → 9,2

Non

Suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité = 1 % du revenu, mais sur une assiette moins large que la CSG

Perte en létat, dans lattente de mesures de compensation supplémentaires annoncées par le Gouvernement

Sans objet, du fait de la compensation annoncée par le Gouvernement

Retraites assujetties au taux normal de CSG

6,6 → 8,3

Non

Non

Perte

TH réduite pour les RFR ≤ 27 000 euros = compensation, au moins partielle, à horizon 2020

 

RFR ≥ 27 000 euros = perte nette

Retraites assujetties au taux réduit de CSG

3,8 → 3,8

Non

Non

Neutre

TH plafonnée aujourdhui → TH nulle après réforme = gain à horizon 2020

Retraites exonérés de CSG

0 → 0

Non

Non

Neutre

Sans objet, car exonération de TH dans la généralité des cas aujourdhui, maintenue après réforme

Source : Commission des affaires sociales.

 


—  1  —

*

La commission examine les amendements de suppression AS1 de Mme Virginie Duby-Muller, AS25 de Mme Marine Brenier, AS59 de M. Jean-Pierre Door, AS121 de M. Jean-Hugues Ratenon, AS149 de M. Pierre Dharréville et AS260 de M. Francis Vercamer.

M. Gilles Lurton. L’article 7 nous paraît injuste pour une partie de la population, les retraités, et il crée des inégalités importantes. En fait, il fait peser l’augmentation de la CSG sur les seuls retraités, sans compensation immédiate puisque la compensation annoncée par le Gouvernement sous la forme de la suppression de la taxe d’habitation n’interviendra que dans quelques mois. Nous estimons injuste que seuls les retraités subissent cette augmentation de la CSG. D’où l’amendement AS1.

Mme Marine Brenier. Par l’amendement AS25, je propose de supprimer l’augmentation de 1,7 point du taux de la CSG. C’est effectivement une aberration fiscale dont les retraités seront victimes.

M. Jean-Pierre Door. L’article 7 vise à opérer des transferts de pouvoir d’achat entre catégories de Français : vous allez prendre aux retraités pour donner aux actifs, en augmentant le taux normal de la CSG de 22 %, qui passera de 7,5 % à 9,2 %, afin de compenser la suppression de cotisations salariales d’assurance maladie et chômage à hauteur de 18 milliards d’euros. Cependant, cette augmentation de la CSG sera immédiate, alors que la suppression des exonérations des cotisations sociales se fera en deux temps, et à la fin de l’année 2018 ! C’est un véritable tour de passe-passe dans la mesure où l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) recevra 3 milliards d’euros de recettes dès le 1er janvier. Entre le 1er janvier et la fin de l’année, vous pourrez donc vous prévaloir d’une réduction totalement artificielle du déficit, qui ne sera plus de 4 milliards d’euros mais de 800 millions d’euros, comme vous l’annoncez dans ce PLFSS.

Vous le savez, monsieur le rapporteur général : cette méthode a déjà été dénoncée par la Cour des comptes et jugée insincère, dès l’instant où l’on se sert d’artifices ou d’alibis pour repousser sans arrêt les réformes ; Nous avons donc déposé cet amendement de suppression. Nous n’acceptons pas ce tour de passe-passe.

Mme Caroline Fiat. Comme l’a précédemment dit mon collègue Quatennens, ce nouveau PLFSS est une réforme globale de la sécurité sociale, sur la voie du « détricotage » d’un système admiré à l’étranger, dont les résultats, quoi qu’on en dise, sont plus que convaincants.

Vous prévoyez d’en revoir le financement en fondant celui-ci sur la CSG plutôt que sur les cotisations sociales. Pourtant, cette contribution est injuste, car non progressive en fonction du revenu : ni les fonctionnaires, ni les retraités ni les indépendants n’en connaîtront les compensations. À l’inverse, votre suppression de cotisations représente une perte de pouvoir d’achat indirecte pour les Français.

Les auteurs de l’amendement AS121 s’opposent donc à la logique de l’article et en proposent la suppression.

M. Pierre Dharréville. Beaucoup a déjà été dit sur cet article, qui vise à supprimer les cotisations sociales à la faveur d’une fiscalisation, via la CSG, mais je n’ai toujours pas entendu les arguments qui justifient ce changement. J’aimerais pourtant les connaître, s’ils existent.

Évidemment, nous nous opposons à cette mesure. Elle remet en cause le principe de la cotisation et les fondements de notre système de protection sociale et de la sécurité sociale elle-même, fondée à la Libération, avec son caractère solidaire, collectif, paritaire. La transformation de notre protection sociale en une forme caisse de secours marque une dégradation nouvelle, préjudiciable à l’ensemble des assurés sociaux. C’est la raison pour laquelle, par l’amendement AS149, nous proposons de supprimer l’article 7.

M. Francis Vercamer. Notre amendement AS260 a le même objet. Le Gouvernement justifie la hausse de la CSG par une baisse des cotisations sociales salariales et une hausse de pouvoir d’achat, mais on nous dit également que la hausse du pouvoir d’achat résultera aussi de la baisse de la taxe d’habitation, qui ne figure pas dans le texte que nous examinons présentement. Ce genre d’explication me paraît toujours un peu curieux : le pouvoir d’achat va augmenter… en vertu d’un autre texte que celui que nous sommes en train d’examiner !

Les membres du groupe Les Constructifs estiment pour leur part qu’il vaudrait mieux améliorer la compétitivité des entreprises et réduire les charges – patronales et, pourquoi pas, salariales, mais nous en discuterons lors de l’examen d’un prochain amendement –, et compenser cela en recourant à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cela permettrait d’ailleurs de faire financer la protection sociale par les produits fabriqués à l’étranger, qui, pour l’heure, ne contribuent pas au financement de notre protection sociale.

M. le rapporteur général. Ces amendements de suppression, émanant de différents bancs de l’Assemblée, étaient attendus. Évidemment, j’y serai défavorable, car vous touchez là au cœur de la politique économique du Gouvernement, soutenue par la majorité.

M. Door parle de la nécessité de réduire les déficits de la sécurité sociale. Rappelons que le déficit de la sécurité sociale était de 25 milliards d’euros en 2010. Grâce aux efforts des gouvernements successifs, ce fameux « trou » de la Sécu – expression impropre – s’est réduit de manière substantielle ; dans deux à trois ans, nous serons enfin à l’équilibre. Ce nonobstant, la dette sociale reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) s’élève aujourd’hui à 140 milliards d’euros. Bonne nouvelle, le remboursement de cette dette sociale a atteint un rythme de croisière, ce qui nous permet d’affirmer qu’elle sera entièrement remboursée en 2024. La trajectoire est plus que vertueuse, c’est une trajectoire de correction, grâce à l’ensemble des mesures prises par les uns et les autres au cours des dernières années. Nous continuons à prendre des mesures structurelles courageuses afin de transformer notre système de protection sociale, le moderniser et le pérenniser, pour nos enfants et nos petits-enfants.

M. Vercamer s’étonne de voir certaines mesures figurer dans le PLFSS et d’autres dans le projet de loi de finances initiale (PLF). La Cour des comptes s’est déjà exprimée en faveur d’une lecture conjointe, à terme, des parties des deux projets de loi consacrées aux recettes – et le ministre Darmanin également. Nous allons y travailler au cours des prochaines années, mais le sujet, vous le savez, est très ancien et très complexe.

Monsieur Dharréville, la philosophie de la réforme, que vous nous dites ne pas avoir comprise, est d’abord de s’appuyer davantage sur la fiscalité du patrimoine et du capital pour financer le système de protection sociale. Vous devriez être sensible à cet élargissement de l’assiette ! La philosophie de la réforme, c’est aussi de rendre 7 milliards d’euros aux revenus du travail, c’est d’améliorer la situation des actifs et de valoriser le travail.

Pour ce qui est des trois catégories qui se verraient pénalisées par la hausse de la CSG, je veux rétablir quelques vérités.

En ce qui concerne les fonctionnaires, le PLF pour 2018 comporte notamment la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité, à hauteur de 1,4 milliard d’euros par an. Le Premier ministre et le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin ont également annoncé à plusieurs reprises qu’une concertation était menée avec les organisations syndicales, en vue de provisionner dans le budget de l’État et celui de la sécurité sociale toute mesure financière permettant de garantir qu’aucun fonctionnaire ne perdra de pouvoir d’achat avec l’augmentation de la CSG. Des contreparties sont prévues, qui prendront la forme de primes ou de suppressions de cotisation.

Pour les indépendants, au nombre de 6,5 millions, non seulement la hausse de la CSG sera intégralement compensée, mais 75 % d’entre eux verront leur pouvoir d’achat progresser grâce à un allégement accru de la cotisation maladie.

Pour ce qui est des retraités, rappelons d’abord que 40 % ne verront pas leur CSG augmenter. Il nous arrive à tous de croiser sur les marchés des retraités aux pensions modestes, parfois même des bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, qui craignent de subir cette hausse. Non, la CSG n’augmentera pas pour les retraités de soixante-cinq ans et plus et dont la pension mensuelle nette est inférieure à 1 440 euros par mois. Quant aux autres, la plupart d’entre eux bénéficieront de la suppression de la taxe d’habitation – tous ceux dont la pension mensuelle est inférieure à 2 500 euros. En fait, 80 % des retraités verront de fait leur pouvoir d’achat augmenter. Ensuite, est-il illégitime de demander aux retraités dont la situation financière est plus confortable – les 20 % les plus aisés – de contribuer davantage au financement de la sécurité sociale, dont ils bénéficient comme les autres ? Les études récentes montrent que leur niveau de vie est désormais légèrement supérieur au niveau de vie moyen de la population. La société a évolué, acceptons-le.

J’espère que ces explications vous auront convaincu. À défaut, je serai défavorable à l’ensemble de ces amendements de suppression.

M. Adrien Taquet. Notre rapporteur précis et exhaustif, voire volubile, a détaillé l’ensemble des arguments qui justifient cet article 7, mais j’ajouterai une considération un peu plus politique : je m’étonne que les membres de certains groupes veuillent supprimer cet article, je m’étonne que l’on puisse s’élever contre l’idée de redistribuer du pouvoir d’achat à près de 30 millions de Français ; de la même façon, je m’étonne que l’on puisse s’opposer à l’idée d’étendre aux revenus du capital une charge qui pesait jusqu’à présent uniquement sur ceux du travail. Cette réforme est une mesure de justice sociale qui favorise les classes moyennes et populaires de notre pays.

M. Bernard Perrut. Je veux revenir sur le cas des 600 000 retraités qui vivent en maison de retraite, sujet évoqué lors de l’audition de Mme la ministre des solidarités et de la santé et de M. le ministre de l’action et des comptes publics. Leurs chambres n’étant généralement pas considérées comme des logements privés, ils ne paient pas la taxe d’habitation et ne bénéficieront donc pas de sa suppression alors même qu’ils doivent supporter un coût mensuel de prise en charge très élevé, souvent bien supérieur à la retraite moyenne, que les familles peinent à financer. Nous savons à quel point c’est une question importante. Et il y a aussi ceux qui gardent leur appartement ou leur maison pendant une certaine durée, soit parce qu’ils ne peuvent pas la vendre soit parce que leurs enfants ne veulent pas s’en séparer du vivant de leurs parents, même si ceux-ci résident en maison de retraite.

Le ministre avait laissé entendre qu’il pourrait être tenu compte de la situation de ces retraités qui vivent en maison de retraite et dont certains assument encore les frais liés à leur maison ou leur appartement.

M. Pierre Dharréville. Les explications apportées par M. le rapporteur général ne me paraissent pas justifier ce que j’appelle un tour de passe-passe. Si vous voulez vraiment taxer le capital, monsieur le rapporteur général, j’ai toute une batterie de mesures efficaces à vous proposer ! En l’occurrence, ce sont les salariés et les retraités qui sont appelés à financer cette prétendue hausse du pouvoir d’achat. C’est donc une très mauvaise manière d’étendre la fiscalité du capital. Qui plus est, cela me paraît dédouaner les employeurs de leurs propres responsabilités en matière d’augmentation du pouvoir d’achat et des salaires.

M. le rapporteur général. Monsieur Dharréville, je reprends une expression tirée du livre d’un candidat à l’élection présidentielle qui, depuis lors, l’a remportée : au lieu de regarder fixement les tâches, voyez la girafe dans son ensemble. On peut pointer du doigt une partie d’une réforme fiscale en considérant son seul effet sur le pouvoir d’achat ; on peut aussi la considérer dans sa globalité. Vous l’avez très bien compris : la suppression des cotisations entraînera une hausse du pouvoir d’achat bien supérieure à la perte induite par l’augmentation de la CSG. Cette réforme est une réforme au service du pouvoir d’achat, parfaitement assumée par la majorité, expliquée, comprise des Français. Celles et ceux qui doutent encore – c’est leur droit – verront sur leur fiche de paie du moins de janvier prochain que quelque chose a changé, et dans un sens plutôt positif pour eux.

Nous aurons plusieurs occasions, Monsieur Perrut, de parler des retraités en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Nous nous préoccupons de leur situation, à laquelle nous sommes sensibles. Vous avancez le nombre de 600 000, mais voyez celles et ceux qui ne paient pas la CSG et n’auront pas de raison d’en payer demain, considérez le nombre de celles et ceux qui n’auraient pas bénéficié de la suppression de la taxe d’habitation car leur pension est supérieure au plafond de 2 500 euros par mois pour un retraité seul, voyez les différents EHPAD qui existent, publics, privés non lucratifs et privés lucratifs. Seulement 15 % de ces 600 000 personnes verront au final leur CSG augmenter sans que ce soit compensé par la suppression de la taxe d’habitation. Le Gouvernement s’est engagé à prendre des mesures en faveur du pouvoir d’achat de ces personnes pour leur offrir une autre compensation. C’est plutôt dans le cadre du PLF que cette question sera réglée, puisque c’est dans ce cadre que la question de la taxe d’habitation sera abordée. Soyez-en parfaitement conscients, chers collègues : la majorité veillera à ce que cette situation trouve une réponse durable, efficace et cohérente.

La commission rejette les amendements de suppression.

La commission en vient à l’examen des amendements identiques AS16 de M. Martial Saddier, AS37 de M. Alain Ramadier, AS123 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS307 de Mme Jeanine Dubié.

M. Martial Saddier. L’alinéa 8 de l’article 7 est une nouvelle preuve de l’injustice de ce PLFSS. Vous ne parviendrez pas, malgré tous vos efforts, monsieur le rapporteur général, à convaincre les Françaises et les Français du contraire : je vous donne rendez-vous au moment où ils auront reçu la totalité de la liasse fiscale issue de nos débats budgétaires.

Vous avez beau parler de compensation sur les feuilles de paie, cela ne peut concerner les retraités, qui n’ont pas de feuille de paie. Vous mettez par ailleurs en avant les 40 % de retraités exonérés, ce qui veut dire qu’il en reste 60 %, soit 8 millions de retraités, qui vont prendre de plein fouet l’augmentation de la CSG, alors qu’ils sortent, comme les autres, de trois années de gel des pensions… C’est un véritable coup de poignard que vous leur portez, mais, à vous entendre, il n’y a pas d’inquiétude à avoir car le Gouvernement et la majorité prendront sous peu des mesures de compensation. Mais où allez-vous prendre l’argent pour tenir vos promesses ? Les Françaises et les Français vont déchanter, quand ils comprendront que le compte n’y est pas. C’est la raison pour laquelle, avec ma collègue Virginie Duby-Muller, je propose par mon amendement AS16 de supprimer cet alinéa.

M. Alain Ramadier. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une augmentation de la CSG de 6,6 % à 8,3 % pour les pensionnés d’invalidité qui y sont soumis. Cette augmentation ne fera l’objet d’aucune compensation. C’est la raison pour laquelle notre amendement AS37 propose la suppression de l’alinéa 8, et ce d’autant plus que les revalorisations des pensions d’invalidité restent très faibles depuis de nombreuses années, entraînant leurs bénéficiaires vers une précarisation certaine.

M. Adrien Quatennens. Nous nous opposons à l’augmentation de la CSG pour les retraités, impôt injuste dont l’augmentation va toucher principalement les personnes âgées les plus pauvres.

Selon la CGT-retraite, les retraités qui perçoivent 1 200 euros nets par mois paieront chaque année 245 euros de CSG en plus ; ce sera 306 euros supplémentaires pour ceux qui perçoivent 1 500 euros, 346 euros pour ceux qui perçoivent 1 700 euros, et 408 euros pour ceux dont la pension s’élève à 2 000 euros nets par mois. Seules les retraites inférieures à 1 200 euros par mois seront épargnées par la hausse de la CSG.

Cette augmentation est donc parfaitement injuste et va toucher des foyers modestes. Par notre amendement AS123, nous proposons a minima de supprimer cette augmentation pour les retraités.

Mme Jeanine Dubié. Les retraités acquittent déjà la CSG à un taux de 6,6 %, taux qu’il est proposé de porter à 8,3 % pour les pensions de retraite et d’invalidité. Ce n’est qu’une mesure supplémentaire après celles, nombreuses, déjà prises pour faire participer les retraités à la solidarité nationale, qu’il s’agisse, pour mémoire, de la fiscalisation de la majoration des pensions pour trois enfants ou de la suppression de la demi-part du quotient familial attribuée aux veuves et aux veufs. Au bout du compte, et compte tenu du très faible niveau de revalorisation des pensions ces dernières années, les retraités ont subi une baisse très significative de leur pouvoir d’achat.

C’est la raison pour laquelle notre amendement AS307 vise à supprimer l’augmentation de 1,7 point du taux de CSG prévu pour les pensions de retraite et d’invalidité.

M. le rapporteur général. Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Je voudrais ajouter à l’attention de M. Saddier qu’il a parfaitement le droit d’être en désaccord avec la politique menée par le Gouvernement, mais que les mots ont un sens. Laisser entendre que l’on « attaque » les retraités, qu’on les « poignarde dans le dos » relève d’un registre un peu outrancier.

Quant au financement des compensations, notamment dans la fonction publique, il se trouve que le rendement de la CSG est de 4,5 milliards d’euros supérieur à ce que va coûter la baisse des cotisations et que la réforme a donc un rendement positif.

Monsieur Quatennens, l’augmentation de la CSG sera déductible de l’impôt sur le revenu, de façon à atténuer l’effet sur le pouvoir d’achat dès l’année 2018 pour les ménages concernés.

Enfin, Madame Dubié, je vous rappelle que, d’après le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites, le revenu médian des personnes retraitées correspond à l’indice 106 par rapport au revenu médian de la population, qui s’établit à 100. La solidarité intergénérationnelle, entre retraités et actifs s’inscrit au cœur du projet présidentiel ; c’est une notion totalement assumée par la majorité, après avoir été expliquée et inscrite dans le programme du candidat, et reprise également durant la campagne législative.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement AS367 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Nous proposons d’exonérer de l’augmentation de la CSG de 6,6 % à 8,3 % prévue à l’alinéa 8 les pensionnés d’invalidité, et ce pour trois raisons. D’abord parce que cette augmentation de la CSG se fait sans aucune compensation, ensuite parce que ces pensionnés ont déjà un revenu extrêmement faible, enfin parce que les pensionnés qui ont actuellement un emploi vont perdre la prime d’activité.

M. le rapporteur général. Depuis la création de la CSG, les pensions de retraite et d’invalidité sont soumises au même taux. Ce taux est d’une part plus faible que celui qui frappe les revenus d’activité : 6,6 % contre 7,5 % en l’état du droit ; il est d’autre part réduit pour les pensions les plus modestes, puisqu’il est nul pour les pensions inférieures à 1 236 euros nets, et de seulement 3,8 % pour les pensions comprises entre 1 236 euros et 1 440 euros, taux qui n’est pas augmenté par l’article 7.

Créer un nouveau taux pour les pensions d’invalidité introduirait une couche supplémentaire de complexité dans le dispositif, alors que les pensions de retraite et d’invalidité sont de même nature : dans un cas comme dans l’autre, elles se substituent à des revenus d’activité qui ne peuvent plus être perçus du fait de la condition de la personne concernée, qu’elle soit trop âgée pour travailler, ou invalide.

Afin de conserver cette cohérence, j’émets un avis défavorable à votre amendement.

M. Pierre Dharréville. J’ai rencontré hier une personne qui va sans doute toucher une pension d’invalidité parce qu’elle a été victime de maladies professionnelles graves qui ont déjà eu pour effet d’affecter sa carrière. Ce ne serait pas une si mauvaise manière d’en tenir compte que de voter cet amendement…

M. Sébastien Chenu. J’irai dans le même sens. Cet amendement prend toute sa portée dans le cas de certaines victimes de maladies professionnelles qui ont dû subir une baisse de leur indemnisation – je pense notamment aux victimes de l’amiante.

M. Gilles Lurton. Je soutiens également l’amendement de Mme Bareigts : les pensions d’invalidité n’ont pas été revalorisées depuis plusieurs années et la situation des personnes qui en bénéficient est très souvent extrêmement difficile.

M. le rapporteur général. Je répète que le taux de la CSG est déjà réduit et que les pensions d’invalidité de moins de 1 440 euros net par mois ne seront pas concernées.

M. Adrien Taquet. Pour être précis et sauf erreur de ma part, les pensions d’invalidité ont été revalorisées chaque année, à l’exception de 2016, de 0,3 à 2,1 points. On peut estimer que ce n’est pas suffisant, mais il est inexact de dire qu’elles ne l’ont pas été.

Par ailleurs une allocation spécifique de solidarité s’ajoute à la pension d’invalidité, lorsque celle-ci est faible. Enfin, je rappelle que les bénéficiaires de la pension d’invalidité bénéficieront évidemment du dégrèvement de la taxe d’habitation.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie des amendements AS190 et AS189 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Nathalie Elimas. Ces deux amendements ont pour finalité commune de protéger le pouvoir d’achat des retraités modestes en relevant le seuil à partir duquel ils sont exonérés de la hausse de la CSG, de telle sorte qu’au moins la moitié d’entre eux ne seront pas pénalisés.

L’amendement AS190 est un amendement de repli puisqu’il propose de n’appliquer cette mesure qu’en 2018, tandis que montera en charge la mesure de dégrèvement de la taxe d’habitation.

Conscients de la situation budgétaire particulièrement contrainte dans laquelle le Gouvernement a dû construire le budget pour 2018, nous proposons de financer cette mesure par une augmentation de la taxe sur les boissons sucrées, ce qui non seulement procurera des recettes supplémentaires mais constituera également une mesure de santé publique.

M. le rapporteur général. Vous proposez, pour 2018, de maintenir à 6,6 % le taux de la CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité pour les personnes dont le revenu fiscal de référence dépasse celui ouvrant droit au taux réduit de 3,8 %, sans excéder 18 500 euros pour une personne seule, soit environ 10 % de plus.

Avant même de me prononcer sur le fond de votre proposition, j’appelle votre attention sur une erreur dans la rédaction de votre amendement, qui emporte des conséquences certainement contraires à ce que vous souhaitez : en visant dans votre amendement les revenus du 1° du III de l’article L.136-2 du code de la sécurité sociale, vous incluez dans votre dispositif les allocations chômage, que l’article 7 épargne de l'augmentation de CSG.

Je ne peux donc que vous inviter à retirer ces deux amendements.

Les amendements AS190 et AS 189 sont retirés.

La commission examine l’amendement AS308 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à relever à 16 320 euros le seuil du revenu fiscal de référence à partir duquel ne s’applique plus le taux réduit de CSG, ce qui équivaut à une retraite de 1 600 euros nets par mois.

Monsieur le rapporteur général. Un seuil reste un seuil… Il n’y a jamais de bon seuil, mais celui qui a été retenu est conforme à la philosophie du texte. Avis défavorable.

Mme Jeanine Dubié. J’entends bien, mais il y a tout de même une notable différence entre une retraite de 1 200 euros nets par mois et une retraite de 1 600 euros nets !

M. Pierre Dharréville. Tout en étant opposé au principe de la disposition qui nous est proposée, je comprends cet amendement comme un amendement de repli, car je considère qu’il n’est pas juste d’utiliser cette mesure pour financer non seulement la sécurité sociale, mais également l’UNEDIC, qui jusque-là n’était pas financée par les retraités.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS352 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Avec l’article 7, le Gouvernement propose d’augmenter la CSG de 1,7 point. Cette hausse aura des conséquences diverses sur le pouvoir d’achat des Français.

Pour les salariés, elle sera compensée par la baisse des cotisations sociales, laquelle sera dans un premier temps partielle, ce qui risque, pendant plusieurs mois en 2018, d’entraîner une perte de pouvoir d’achat.

Pour les fonctionnaires, le Gouvernement annonce 3 milliards d’euros de compensation, engagement qui n’a pour l’heure fait l’objet d’aucune traduction écrite dans le PLF.

Pour les retraités, la hausse s’appliquera à celles et ceux qui sont actuellement assujettis au taux de 6,3 %. Ainsi, pour une personne seule, cette hausse s’appliquera dès que le revenu fiscal de référence dépasse 14 375 euros, soit 1 289 euros par mois si la personne a moins de 65 ans et 1 394 euros par mois si elle a plus de 65 ans. Un retraité disposant de 1 400 euros par mois aura donc à payer 285 euros supplémentaires de CSG par an.

Le groupe Nouvelle gauche a estimé, dans le contre-projet de budget qu’il a présenté le 3 octobre dernier, qu’appliquer une telle hausse sans compensation aux retraités n’était pas acceptable en termes de pouvoir d’achat. Afin de parvenir à un équilibre entre le maintien du pouvoir d’achat des retraités et l’exigence de sérieux dans la gestion des finances publiques, il a proposé que la hausse de CSG pour les retraités ne s’applique pas pour les montants de retraite inférieurs au coût moyen d’une maison de retraite médicalisée.

Mon amendement AS352 est la traduction de cette proposition. Il représente pour l’État un manque à gagner de 1,9 milliard d’euros.

M. le rapporteur général. Je vous proposerai de retirer votre amendement dont la rédaction pose problème. Non seulement vous créez pour les personnes que vous visez un nouveau taux de CSG à 6,3 %, alors que le taux applicable aujourd’hui est de 6,6 %, et que vous semblez vouloir maintenir le droit existant pour ces publics, mais vous « embarquez », vous aussi, involontairement, comme Mme Elimas dans les amendements examinés précédemment, les allocations chômage, qui seraient soumises à un taux de CSG légèrement plus élevé qu’aujourd’hui, ce qui, me semble-t-il, est contraire à l’esprit de votre amendement. Et pour ma part, je ne souhaite pas augmenter la CSG sur les allocations chômage des Françaises et des Français.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS336 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. L’amendement AS336 vise à évaluer les conséquences de la hausse généralisée de la CSG pour sa première année de mise en œuvre. Cette méthode de contrôle de l’action publique permettrait de faire valoir les avantages et les inconvénients de cette « mesure phare du programme présidentiel ». Elle offrirait notamment un éclairage sur les effets de la réforme en matière de pouvoir d’achat, pour les retraités, les salariés et les fonctionnaires, sachant que l’étude d’impact annexée au PLFSS précise que la hausse de la CSG devrait induire à terme une baisse du coût du travail mais pas de baisse du pouvoir d’achat.

M. le rapporteur général. Il est de tradition lors de l’examen des projets de loi de finances ou des projets de loi de financement de la sécurité sociale, souvent parce qu’on est limité par l’article 40 de la Constitution, de demander un rapport au Gouvernement. Sur ce PLFSS, c’est le cas de près de trente amendements sur trois cents !

Nous avons déjà une mission de contrôle et d’évaluation, qui m’incite donc à limiter le plus possible le nombre de rapports demandés. En l’occurrence, s’agissant de l’impact de la réforme fiscale proposée, nous en connaissons les conséquences : le produit de la CSG augmentera de 22,5 milliards d’euros.

Par ailleurs, vous disposez en tant que parlementaire de plusieurs sources régulièrement actualisées, qui pourront vous fournir toutes les informations utiles ; je citerai notamment les rapports de la Commission des comptes de la Sécurité sociale, qui se réunit tous les mois de juin et de septembre, le rapport annuel de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement, et enfin le tome I de l’évaluation des voies et moyens, annexé au projet de loi de finances pour 2019. Votre amendement est donc déjà satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS74 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. J’ai été très étonné, monsieur le rapporteur général, que vous puissiez revenir sur la mesure d’allégement de charges sur la cotisation maladie et maternité de sept points, que nous avions obtenue en 2016 pour les agriculteurs. La cotisation avait été réduite de 10,4 % à 3,04 %, quel que soit le niveau de revenus professionnels déclarés à la Mutualité sociale agricole. Cette réduction accordée à la suite d’une série de crises agricoles majeures avait permis de redonner un peu de compétitivité à la profession.

Cette mesure de suppression, prise sans concertation avec la profession agricole, entraîne un surcoût de 120 à 300 millions d’euros pour la « ferme France ». Cela ne peut être accepté par une profession où le revenu moyen est de 350 euros par mois. C’est la raison pour laquelle je propose de supprimer les alinéas 26 à 28 de l’article 7.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Vous estimez que le dispositif prévu par la loi est moins favorable pour les agriculteurs que le dispositif prévu par voie réglementaire aujourd’hui. Mais, si vous supprimez, comme vous le proposez dans votre amendement, la disposition légale, vous faites disparaître le dispositif appelé à se substituer à celui que le Gouvernement supprimera par voie réglementaire, ce qui priverait les agriculteurs de tout dispositif !

M. Jean-Pierre Door. Votre réponse me surprend, monsieur le rapporteur général : dès l’instant où vous revenez sur un avantage qu’ils avaient obtenu pour pallier leurs difficultés, vous replongez inévitablement les agriculteurs dans ces difficultés. Beaucoup d’entre vous habitent sans doute en ville, mais la vie dans les territoires ruraux est dure. Pourquoi donc revenir sur cette mesure que nous avions obtenue sous le quinquennat de François Hollande et dont nous étions très satisfaits ? Eh oui, ça arrive ! Je vous demande de la conserver.

M. le rapporteur général. J’ai eu au téléphone la présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) qui s’alarmait également de la situation. Je rappelle que le dispositif prévu par le Gouvernement devrait être un dispositif gagnant pour les 60 % d’agriculteurs les moins riches. Je peux donc également contester votre amendement sur le fond, plutôt que sur la rédaction, dont je vous redis qu’elle pose problème et va à l’encontre de votre raisonnement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS208 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Nathalie Elimas. Cet amendement vise à protéger les retraités les plus modestes, en prévoyant que ceux qui sont actuellement exonérés de taxe d’habitation ne soient pas soumis à l’augmentation de la CSG. En effet, ne bénéficiant pas du gain de pouvoir d’achat lié à la suppression de la taxe d’habitation, prévue par le Gouvernement pour compenser la hausse de la CSG, ils subiraient au contraire une perte nette de pouvoir d’achat.

M. le rapporteur général. Votre intention est de maintenir à 6,6 % le taux de CSG pour les retraités modestes, exonérés de taxe d’habitation et pour qui l’augmentation de CSG ne serait de ce fait pas compensée par la réduction de la taxe d’habitation.

Sur la forme, vous vous y prenez d’une manière assez complexe, en introduisant un nouvel article dans le code général des impôts, alors que le régime de la CSG est défini dans le code de la sécurité sociale.

Vous prévoyez le maintien d’une CSG à 6,6 % pour certaines personnes exonérées de taxe d’habitation, dont les revenus sont supérieurs au seuil du taux réduit de 3,8 % mais inférieurs à 28 000 euros, ce qui correspond au seuil de sortie « en sifflet » du nouveau dégrèvement de taxe d’habitation.

Vous exprimez ces seuils en revenus fiscaux, ce qui n’a pas véritablement de sens juridique : soit on parle de revenu fiscal de référence, soit de revenu imposable – c’est-à-dire de l’assiette de l’impôt sur le revenu. Il me semble que votre intention est de viser le revenu fiscal de référence, mais ce n’est pas ce que fait l’amendement.

Ensuite, dans le champ des personnes concernées par votre amendement, vous faites entrer les retraités et invalides exonérés de taxe d’habitation, les résidents en EHPAD exonérés en application de l’article 1414 B, mais aussi, et c’est moins logique, les personnes exonérées en application de l’article 1408, parmi lesquelles on trouve certes les indigents, déjà exonérés de CSG en tout état de cause, mais aussi les ambassadeurs et autres agents diplomatiques.

Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS2 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement vise, dans un souci d’équité, à exclure les résidents d’EHPAD de la hausse de la CSG souhaitée par le Gouvernement.

L’article 7 augmente en effet le taux de la CSG de 1,7 point, soit 22 milliards d’euros. Cette augmentation s’appliquera « à l’ensemble des revenus d’activité, de remplacement et du capital, à l’exception des allocations chômage et des indemnités journalières ».

Vous expliquez qu’elle sera compensée par la suppression des cotisations salariales et sera donc favorable au pouvoir d’achat. Or, en réalité, cette mesure va générer des dizaines de millions de perdants, parmi lesquels les retraités et en particulier les résidents d’EHPAD.

Aucune compensation n’est prévue pour les 600 000 retraités qui vivent en maison de retraite et qui ne paient déjà pas de taxe d’habitation, leurs chambres n’étant pas considérées comme des logements privés. Ces résidents devront donc supporter un coût de prise en charge extrêmement élevé, puisque le tarif moyen d’hébergement en EHPAD est de 2 769 euros par mois, soit 106 % du montant de ressources moyen des retraités : concrètement, avec cette mesure, un retraité qui perçoit 1 200 euros par mois, devra débourser 250 euros de plus chaque année.

M. le rapporteur général. Votre amendement présente un risque constitutionnel majeur. Vous proposez en effet d’établir un taux différencié de CSG selon qu’une personne âgée réside en EHPAD ou qu’elle a décidé de rester à son domicile et d’employer des aides à domicile, des auxiliaires de vie ou du personnel médical. Cela ne se justifie nullement ; je vous propose de le retirer, faute de quoi je donnerai un avis défavorable

Par ailleurs, des propositions seront faites dans le cadre du PLF pour les résidents en EHPAD.

M. Martial Saddier. Je m’étonne de la réponse du rapporteur général, car il ne s’agit pas du tout du même public. En outre, on ne décide pas de partir en EHPAD ou de rester chez soi : quand une personne est orientée vers un EHPAD, c’est que son niveau de dépendance est tel qu’il n’y a plus malheureusement pour elle de solution pour la garder à domicile. Sa situation est donc radicalement différente de celle de la personne qui a la chance de pouvoir rester chez elle. Cela limite selon moi le risque constitutionnel.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Il y a des gens très dépendants qui restent à domicile. Il n’est pas inéluctable de se retrouver en EHPAD, et l’objectif de notre politique, que pour ma part je soutiendrai de toutes mes forces, sera de permettre aux gens, quand bien même ils sont très dépendants, de rester chez eux.

M. Thomas Mesnier. Le budget a deux jambes, le PLF et le PLFSS. Nous traitons ici du PLFSS, tandis qu’a lieu, en ce moment même en séance, la discussion sur le PLF. Le ministre de l’action et des comptes publics a signifié ce matin lors de son audition devant la commission des affaires sociales du Sénat qu’il allait proposer dans le cadre du PLF une réduction d’impôt pour les personnes résidant en EHPAD afin de compenser la hausse de la CSG. Cela doit être pris en compte dans le champ global de la réforme.

M. Gilles Lurton. Bien entendu, nous souhaitons tous que les personnes âgées puissent rester à domicile le plus longtemps possible. C’est la solution idéale pour elles. Malgré tout, nous sommes tous obligés de constater, au vu de la situation dans nos circonscriptions, qu’il arrive un moment où la situation ne devient plus tenable, ou alors à des coûts énormes pour les familles. Dans ma circonscription, le maintien de certains parents à domicile faute de place en EHPAD en vient parfois à coûter plus de 8 000 euros par mois pour la famille. C’est une conséquence que l’on devra assumer si l’on veut vraiment s’orienter vers cette politique.

Mme Jeanine Dubié. Il est important de rappeler que les EHPAD publics ne paient pas de taxe d’habitation, non plus que les EHPAD commerciaux, assujettis à la cotisation foncière des entreprises (CFE). Le problème ne se pose que pour les établissements sanitaires et médico-sociaux à but non lucratif. Comme je l’avais proposé lors de l’audition du ministre, je voudrais que les établissements privés à but non lucratif soient exonérés de la taxe d’habitation, afin que toutes les personnes âgées résidant en établissement soient soumises au même régime.

Le problème demeure cependant des personnes âgées qui ont gardé leur maison et domicile antérieur après être entrées en établissement. Elles continueront en effet à payer, pour ce bien, la taxe d’habitation et la taxe foncière.

Mme Monique Iborra. Je me félicite de la mobilisation des groupes autour du problème des EHPAD et des personnes âgées. Le problème soulevé ici est indépendant du projet de loi de financement de la sécurité sociale : c’est celui de la taxe d’habitation, pour laquelle la situation diffère profondément selon le statut de l’établissement. Il est donc très difficile de traiter l’ensemble des gens qui y résident de la même manière.

Comme Thomas Mesnier l’a dit, le Gouvernement prépare sur ce sujet un amendement qu’il déposera demain dans le cadre du projet de loi de finances, ce qui devrait nous permettre, je le souhaite en tout cas, de tomber tous d’accord.

M. le rapporteur général. Cette question recouvre des enjeux majeurs. Depuis dix ou quinze ans, les gouvernements ont parlé d’un plan autonomie, d’un plan dépendance, face à la solidarité intergénérationnelle qui s’impose à chacun d’entre nous, face au vieillissement de la population, face à l’augmentation des maladies chroniques, face à la perte d’autonomie, etc. On sait que cet enjeu démographique est imminent et que nous aurons ce débat année après année.

Mais il peut exister des solutions innovantes ; il n’y a pas que les EHPAD en tant que tels. Il est possible, comme le font d’autres pays, de développer des « EHPAD à domicile », grâce à la silver economy, sous la forme de petites résidences accueillant cinq à dix personnes, équipées de capteurs de chutes et où le concierge est remplacé par un auxiliaire de santé. Dépassons la dichotomie entre EHPAD et maisons de retraite classiques au profit de ces solutions innovantes. Si l’on se met à créer des sectorisations et des seuils différents, on ne s’en sortira pas.

Je vous invite à attendre la proposition du Gouvernement dans le cadre du PLF.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS15 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Cet amendement et les suivants, que j’ai cosignés avec ma collègue Virginie Duby-Muller, concernent les travailleurs frontaliers. Grand pays frontalier, la France en compte 500 000. Et après avoir travaillé, ils touchent naturellement une pension de retraite. Mon amendement AS15 concerne plus précisément les polypensionnés qui touchent une rente suisse.

Les relations entre pays frontaliers au sein de l’Union européenne, mais aussi les relations bilatérales avec la Suisse, sont régies dans le cadre du droit européen. Nous sommes donc soumis à un certain nombre d’arrêts de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). Or il y a une différence d’interprétation constante entre la jurisprudence de la CJUE et la position de la France au sujet de la CSG. Mon amendement vise à faire en sorte que les retraités qui reçoivent des rentes suisses ne soient pas soumis à cette CSG.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. La rédaction de cet amendement m’étonne…

M. le rapporteur général. Je crois qu’il y a un malentendu sur le terme de polypensionné. Ce terme s’applique à ceux qui ont cotisé à plusieurs régimes de retraite différents, et reçoivent ainsi une pension de plusieurs régimes différents, par exemple le régime des indépendants et le régime des salariés. Il ne s’applique pas, au sens strict, aux personnes cotisant dans plusieurs pays.

En tout cas, la situation que vous évoquez ne justifie pas de différence de traitement. Ce serait même contraire au principe d’égalité.

M. Martial Saddier. Je maintiens – sous réserve de vérifications – que c’est bien le terme de polypensionné qui est utilisé dans le droit européen et les dispositions spécifiques à la Suisse, pour désigner ces publics.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je me référais quant à moi code de la sécurité sociale… D’où la différence d’acception entre nous.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS338 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Compte tenu du caractère particulier de l’augmentation de la CSG et des lourdes conséquences qu’elle aura sur le quotidien de nos concitoyens, et non les plus fortunés, je persiste à penser qu’une évaluation différenciée et affinée, même si elle semble devoir déranger – ce qui tout de même interroge –, profiterait à la représentation nationale et à l’ensemble des Français.

M. le rapporteur général. Votre amendement laisse à penser que l’on abroge toutes les cotisations sociales, ce qui n’est pas le cas. Sur le fond, comme je le disais tout à l’heure, toutes les données utiles sont déjà disponibles partout. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 7 sans modification.

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*     *

Après l’article 7

La commission examine l’amendement AS17 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Ma collègue Virginie Duby-Muller et moi sommes élus de deux circonscriptions de Haute-Savoie où habitent près de 70 000 travailleurs frontaliers, qui vont chaque jour travailler en Suisse, avec laquelle nous sommes liés par un accord bilatéral.

Depuis l’arrêt De Ruyter de la Cour de Justice de l’Union européenne du 26 février 2015, suivi de l’arrêt du Conseil d’État du 27 juillet 2015, la France n’a plus le droit de prélever la CSG et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) sur les revenus du patrimoine des frontaliers relevant du système de sécurité sociale de leur pays d’emploi. Le motif retenu est que le produit de ces prélèvements est destiné à financer les prestations bénéficiant aux seules personnes assurées du régime français de sécurité sociale, ce qui est désormais contraire au droit européen.

Or l’administration fiscale de notre pays soutient que ce financement n’est pas accordé à la sécurité sociale, mais à l’aide sociale. Cette interprétation est contraire au droit européen et à l’arrêt du Conseil d’État. Notre amendement AS17 vise tout simplement à ce que le droit français soit parfaitement en règle avec le droit européen, comme l’exige notre Constitution.

M. le rapporteur général. Je vais faire une réponse complète, pour poser clairement le cadre juridique.

Votre amendement tend à exonérer de prélèvements sociaux les revenus du capital de source française perçus par les Français non-résidents.

Le champ des revenus assujettis aux prélèvements sociaux a été élargi par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012, au début du quinquennat précédent, aux revenus fonciers et aux plus-values immobilières.

Trois ans plus tard, la Cour de Justice de l’Union européenne a rendu le fameux arrêt De Ruyter, dans lequel elle a jugé que les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un État membre de l’Union européenne ne peuvent être assujetties à des prélèvements sociaux destinés à financer des régimes contributifs de sécurité sociale dans un autre État membre.

Concrètement, un Français résidant aux Pays-Bas et affilié à la sécurité sociale néerlandaise ne peut être assujetti, sur ses revenus de source française, à des prélèvements dont le produit irait aux régimes d’assurance sociale de base, puisqu’il ne bénéficie pas des prestations de ces régimes.

Dans le projet de loi pour le financement de la sécurité sociale pour 2016, le Gouvernement a proposé au Parlement, qui l’a acceptée, la solution suivante : plutôt que d’exonérer les non-résidents des prélèvements sociaux, ce qui aurait coûté environ 250 millions d’euros, le produit de ces prélèvements a été affecté, au sein de la sphère sociale, à des organismes non contributifs, essentiellement au Fonds de solidarité vieillesse. Ces organismes, financés essentiellement par l’impôt, ne servent pas de prestations en contrepartie des impôts perçus ; ce faisant, on s’écarte de la logique assurantielle des régimes de base, dans laquelle le versement de cotisations ouvre doit à des prestations.

Votre amendement conteste le bien-fondé de cette solution, estimant que seule l’exonération des non-résidents permettrait de se conformer pleinement à la jurisprudence de la CJUE ; je vous propose de le retirer, car la logique qui a prévalu en 2016 n’a pas changé. Du reste, sur le fond, il n’est pas forcément juste de ne pas prélever de CSG sur les revenus du capital de personnes qui vivent à l’extérieur du pays. Avis défavorable.

M. Martial Saddier. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur général. Le sujet est en effet un peu complexe… Vos éléments de réponse étaient présents dans le contenu même de ma question.

Nous n’aurons pas réglé ce soir la différence d’interprétation entre la France et la CJUE sur les notions de sécurité sociale et d’aide sociale. Condamnée par la Cour et le Conseil d’État sur la couverture sociale, la France a essayé, par un truchement, de la transformer en aide sociale. Reste que les frontaliers estiment encore et toujours que l’arrêt de la Cour européenne n’est pas respecté. Nous continuerons quant à nous, plus qu’à défendre les frontaliers, à demander que le droit français soit mis en conformité avec le droit européen.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS6 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement propose que le Gouvernement rédige un rapport sur l’impact de la hausse de la CSG sur le pouvoir d’achat et sur les conditions de vie des résidents d’EHPAD.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

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Chapitre II
Mesures en faveur de lemploi et des entrepreneurs

Article 8
Transformation du CICE et du CITS en baisse pérenne de cotisations sociales pour les employeurs

Cet article met en œuvre un engagement du Président de la République, destiné à simplifier les mécanismes de réduction du coût du travail, et à amplifier cette réduction pour les niveaux de salaire les plus faibles.

Deux dispositifs principaux coexistent aujourd’hui :

– l’allègement général de cotisations patronales de sécurité sociale, dégressif pour les rémunérations comprises entre 1 et 1,6 SMIC ;

– le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), assis au taux de 7 % sur les rémunérations n’excédant pas 2,5 SMIC, qui réduit l’impôt sur les bénéfices.

Le CICE, s’il a contribué au redressement des marges des entreprises depuis son entrée en vigueur en 2013, est plus complexe qu’un allègement de charges patronales, et surtout ses effets sont décalés dans le temps, puisqu’il est en général perçu entre un et quatre ans après le versement des salaires (l’allègement étant pour sa part contemporain du versement des salaires).

À compter du 1er janvier 2019, le CICE sera supprimé ; cette suppression est prévue à l’article 42 du projet de loi de finances pour 2018. Il sera remplacé par des allègements de charges supplémentaires, prévus par le présent article, sous deux formes :

– une réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie sur les salaires jusqu’à 2,5 SMIC, soit une sorte « d’équivalent-CICE », dont le taux sera ramené à 6 % en 2018 ;

– un renforcement de l’allègement général, par une réduction de près de 10 points des charges au niveau du SMIC (4 points nets des 6 points de la réduction forfaitaire maladie, qui s’imputera avant). C’est en effet à ce niveau que les allègements sont réputés les plus créateurs d’emploi.

Pour ce faire, compte tenu du niveau déjà relativement faible des charges en bas de l’échelle des rémunérations, cet article prévoit ce qui apparaît comme une nouveuté dans le paysage de la réduction du coût du travail, à savoir un allègement des cotisations patronales de chômage et de retraite complémentaire. L’article prévoit d’ailleurs diverses mesures de coordination entre les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), qui recouvrent l’essentiel des cotisations et contributions dans le champ de l’allègement général, et les fédérations AGIRC (Association générale des institutions de retraite des cadres) et ARRCO (Association des régimes de retraite complémentaire), qui continueront de recouvrer les cotisations de retraite complémentaire.

Figure également dans le texte un dispositif prévisionnel de compensation à l’Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (UNÉDIC) et à l’AGIRC-ARRCO des pertes de recettes, par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ; ce dispositif sera amené à évoluer après des discussions engagées sur cette question en 2018.

La suppression du CICE – et du crédit d’impôt de taxe sur les salaires, son équivalent pour les organismes non lucratifs – rapportera environ 23 milliards d’euros au budget de l’État ; le renforcement des allègements de charges en coûtera un peu moins de 25 aux organismes de sécurité sociale.

Les charges sociales étant déductibles de l’assiette soumise à l’impôt sur les bénéfices, leur réduction massive par cet article aura pour effet d’accroître la base imposable.

Mais cet « effet retour » sera plus que compensé à horizon 2022 par les mesures d’allègement de la fiscalité des entreprises prévues par le Gouvernement, notamment la réduction du taux de l’impôt sur les sociétés.

En 2019, année de mise en place des nouveaux allègements, les entreprises éligibles continueront de bénéficier en outre du CICE acquis au titre des exercices antérieurs, notamment 2018. Ce « coût double » assumé par l’État apportera un soutien sans précédent aux employeurs de notre pays.


Le commentaire de cet article commence par présenter les deux principaux dispositifs de soutien public à la réduction du coût du travail : lallègement général de cotisations patronales pour les salaires compris entre 1 et 1,6 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), renforcé en 2014 dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité ; le crédit dimpôt pour la compétitivité et lemploi (CICE), créé fin 2012, qui réduit de 7 % le coût du travail jusquà 2,5 SMIC.

Puis il présente le dispositif proposé par le Gouvernement, en compensation de la suppression du CICE par le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 : réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation maladie, sur la même assiette que le CICE, et nouvel élargissement du champ de l’allègement général, en réduisant les cotisations d’assurance chômage et de retraite complémentaire. Il consacre également un développement aux nouvelles relations prévues entre réseaux de recouvrement, pour assurer une interprétation harmonieuse de la législation relative à l’allègement général, ainsi qu’au mécanisme de compensation par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) des pertes de recettes pour l’assurance chômage et les régimes de retraite complémentaire.

Enfin, le commentaire essaie de dessiner les principaux effets de la « bascule » proposée par le Gouvernement, au-delà de l’effet de soutien massif en 2019, année de coexistence des nouveaux allègements et du CICE acquis au titre de 2018 et des années antérieures.

I.   l’allègement général et le CICE sont les deux principaux outils de réduction du coût du travail.

Afin de restaurer la compétitivité des entreprises françaises, dans un contexte international de plus en plus concurrentiel, mais également de soutenir l’emploi, face à un taux de chômage élevé, une politique de réduction du coût du travail a été lancée au début des années 1990, et sans cesse approfondie depuis ; deux outils principaux sont au service de cette politique.

A.   l’allègement général de cotisations patronales de sécurité sociale

 La politique dallègement des cotisations patronales de sécurité sociale a été initiée au début des années 1990, poursuivant un objectif de réduction du coût du travail. Elle sest poursuivie à la suite de la mise en place de la semaine de 35 heures, afin den compenser le surcoût pour les employeurs (les 35 heures hebdomadaires étant rémunérées à hauteur des 39 heures qui constituaient antérieurement la durée légale). Plusieurs dispositifs dallègements ont coexisté jusquà ce que la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de lemploi ([113]) les fusionne en un allègement général, parfois dit « Fillon ».

● Codifié à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, l’allègement général bénéficie :

– aux employeurs tenus de cotiser au régime d’assurance chômage ([114]) ;

– aux entreprises inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l’État ([115]), aux établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales, aux sociétés d’économie mixte dans lesquelles ces collectivités ont une participation majoritaire ([116]) ;

– aux employeurs relevant des régimes spéciaux de sécurité sociale des marins, des mines, et des clercs et employés de notaires.

Sont exclus les particuliers employeurs et les employeurs relevant des régimes spéciaux, à l’exception de ceux précédemment cités ; sont ainsi exclus les employeurs publics (État, collectivités territoriales, hôpitaux, en particulier).

● L’allègement général ([117]) prend la forme d’une réduction dégressive des cotisations patronales, maximale au niveau du SMIC et s’annulant lorsque la rémunération atteint 1,6 SMIC.

Le SMIC est calculé de la manière suivante :

– prise en compte du SMIC annuel. L’annualisation du calcul de l’allègement général, antérieurement calculé sur une base horaire puis mensuelle, a été instaurée par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2011 ([118]) ; elle a permis de rendre équivalent, à rémunérations annuelles identiques, le montant de la réduction sur une année quelle que soit la manière dont la rémunération est répartie sur l’année, c’est-à-dire qu’elle soit lissée sur 12 mois ou qu’elle soit irrégulière, sous la forme de primes ou de treizième mois, par exemple ([119]) ;

– sur la base de la durée légale du travail (35 heures par semaine, dans la généralité des cas, soit 1 607 heures par an en tenant compte notamment des cinq semaines légales de congés payés) ;

– cette durée étant augmentée, le cas échéant, du nombre d’heures complémentaires ou supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent lieu. En pratique, pour déterminer si un niveau donné de rémunération est éligible à l’allègement général, il faut comparer le montant versé au salarié (avec prise en compte des majorations) et le plafond légal (sans prise en compte des majorations) ; les rémunérations éligibles entrent alors dans le champ de l’allègement pour l’intégralité de leur montant, majoration comprise ([120]) ;

– pour les salariés qui ne sont pas employés à temps plein ou qui ne sont pas employés sur toute l’année, le salaire pris en compte est celui qui correspond à la durée de travail prévue au contrat au titre de la période pendant laquelle ils sont présents dans l’entreprise (prise en compte au prorata, donc) ([121]).

● Avant l’entrée en vigueur de l’article 2 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2014 ([122]), seules les cotisations de sécurité sociale proprement dites ([123]) étaient concernées par l’allègement général, à l’exclusion des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP) : maladie, maternité, invalidité et décès ([124]) ; famille ; vieillesse.

Mettant en œuvre le Pacte de responsabilité et de solidarité, annoncé le 14 janvier 2014 par le Président de la République d’alors, la LFRSS 2014 a étendu le champ de l’allègement général, y compris au-delà des seules cotisations de sécurité sociale proprement dites :

– aux cotisations AT-MP, dans des conditions particulières liées à la nature de ce risque. Dans une logique de responsabilisation des employeurs, les salariés ne sont assujettis à aucune cotisation pour la couverture de ce risque ; dans la même logique, les cotisations AT-MP – exclusivement patronales, donc – n’étaient pas dans le champ de l’allègement général. Le VIII de l’article L. 241‑13, dans sa rédaction issue de la LFRSS 2014, prévoit que l’allègement général ne s’impute sur la cotisation AT-MP que si son montant est trop élevé pour être « absorbé » par les autres cotisations et contributions dans le champ de l’allègement ; au surplus, cette imputation n’est possible que dans la limite d’un plafond, correspondant à la cotisation « socle », dont s’acquittent tous les employeurs indépendamment de leur taux propre de sinistralité. La logique préventive de la cotisation AT-MP aboutit en effet à ce que le taux de cotisation soit une fonction croissante des risques encourus par les salariés ; mais même les employeurs n’ayant constaté aucun sinistre s’acquittent d’une sorte de cotisation minimale, estimée à 0,9 % environ ;

– à la contribution des employeurs au Fonds national d’aide au logement (FNAL), prévue par l’article L. 834-1 du code de la sécurité sociale. Cette contribution, destinée au financement de l’allocation de logement sociale, frappe distinctement les employeurs : dans la généralité des cas, elle est assise sur la totalité des rémunérations versées, au taux de 0,5 % ; les employeurs occupant moins de 20 salariés, l’essentiel des exploitants agricoles et les coopératives agricoles s’acquittent d’une contribution de 0,1 % seulement, et de surcroît sur une assiette limitée au plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) ([125]), quel que soit le niveau de la rémunération versée ;

– à la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA), prévue par le 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles. Cette contribution frappe au taux de 0,3 % la même assiette que les cotisations patronales de sécurité sociale, et son produit est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

● Le montant de l’allègement général est égal au produit de la rémunération annuelle brute et d’un coefficient, lui-même fonction du rapport entre la rémunération annuelle brute du salarié ([126]) et le SMIC. La valeur maximale du coefficient – au niveau du SMIC, donc – est fixée par décret dans la limite de la somme des taux des cotisations et contributions dans le champ de l’allègement général ([127]) ; elle décroît pour s’annuler à 1,6 SMIC.

La formule précise de calcul du coefficient est définie à l’article D. 241-7 :

– pour les employeurs redevables de la contribution FNAL au taux de 0,1 %, coefficient = [0,2809/0,6] X [1,6 X (SMIC annuel/rémunération annuelle brute) – 1] ;

– pour les employeurs redevables de la cotisation FNAL au taux de 0,5 %, coefficient = [0,2849/0,6] X [1,6 X (SMIC annuel/rémunération annuelle brute)  1].

La valeur maximale du coefficient est fonction du taux global des cotisations et contributions qui se trouvent dans le champ de l’allègement général, dont la composition est détaillée dans le tableau suivant.

taux des cotisations et contributions
dans le champ actuel de l’allègement général

Cotisations et contributions dans le champ de l’allègement général

Taux applicables aux employeurs soumis à une contribution FNAL de 0,5 %

Taux applicables aux employeurs soumis à une contribution FNAL de 0,1 %

Cotisation maladie

12,89 %

12,89 %

Cotisation famille*

3,45 %

3,45 %

Cotisation vieillesse plafonnée**

8,55 %

8,55 %

Cotisation vieillesse déplafonnée***

1,9 %

1,9 %

Cotisation « socle » AT-MP

0,9 %

0,9 %

Contribution FNAL

0,5 %

0,1 %

CSA

0,3 %

0,3 %

TOTAL

28,49 %

28,09 %

* Le taux normal de la cotisation famille est de 5,45 %. Mais l’article 2 de la LFRSS 2014 a institué une réduction forfaitaire de 1,8 point de cette cotisation, pour les salaires n’excédant pas 1,6 SMIC. L’article 7 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 a étendu jusqu’à 3,5 SMIC l’assiette des rémunérations éligibles à cette réduction, dans le cadre de la deuxième phase du Pacte de responsabilité et de solidarité. Cette réduction s’impute prioritairement à l’allègement général : cela signifie que celui-ci ne porte plus que sur les 3,45 points restant après la réduction forfaitaire de 1,8 point du taux normal de 5,25 points (qui continue de s’appliquer pour les rémunérations excédant 3,5 SMIC). L’existence de cette réduction forfaitaire explique que le montant de l’allègement ne soit pas nul lorsque la rémunération atteint 1,6 SMIC ; en effet, à partir de ce seuil au-delà duquel l’allègement général cesse de s’appliquer, la réduction forfaitaire « prend le relais », en quelque sorte (cf. graphiques infra).

** Taux applicable à la fraction des rémunérations n’excédant pas le PASS.

*** Taux applicable à la totalité de la rémunération. En l’occurrence, s’agissant de rémunérations ne dépassant pas le PASS, les deux taux s’appliquent.

Source : Commission des affaires sociales.

Le tableau suivant décline, en fonction du SMIC, le taux d’allègement général et le montant correspondant (après prise en compte de la réduction forfaitaire de cotisation famille).

montant annuel de l’allÉgement actuel de cotisations
en fonction de la rémunération

Rémunération brute en SMIC

Entreprises soumise à une contribution FNAL de 0,5 %

Entreprises soumise à une contribution FNAL de 0,1 %

Taux d’allègement général
 

Montant annuel de l’allégement
(en euros)

Taux d’allègement général
 

Montant annuel de l’allégement
(en euros)

1

28,49 %

5 060,7

28,09 %

4 989,6

1,1

21,58 %

4 217,2

21,28 %

4 158

1,2

15,83 %

3 373,8

15,6 %

3 326,4

1,3

10,96 %

2 530,3

10,8 %

2 494,8

1,4

6,78 %

1 686,9

6,67 %

1 663,2

1,5

3,6 %

843,4

3,12 %

831,6

1,59

0,3 %

84,3

0,29 %

83,2

Source : Commission des affaires sociales.

● L’allègement général concerne 11 millions de salariés et 1,8 million d’employeurs, pour un coût de 21,8 milliards d’euros. La réduction forfaitaire de la cotisation familiale, qui touche le même public, coûte 6,5 milliards d’euros.

B.   le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

1.   Un crédit d’impôt destiné à alléger le coût du travail

● Le CICE a été créé par amendement gouvernemental au troisième projet de loi de finances rectificative pour 2012, devenu l’article 66 de la loi ([128]). Codifié à l’article 244 quater C du code général des impôts, il est entré en vigueur le 1er janvier 2013.

● Le CICE est ouvert aux entreprises imposées d’après leur bénéfice réel, qu’elles soient assujetties à l’impôt sur les sociétés (IS) ou à l’impôt sur le revenu (IR). Peuvent également en bénéficier, par exception, certaines entreprises exonérées temporairement d’impôt sur les bénéfices, au titre de la nature de leur activité (jeunes entreprises innovantes, par exemple, en application de l’article 44 sexies A du code général des impôts) ou de leur implantation géographique (dans les bassins d’emploi à redynamiser, par exemple, en application de l’article 44 duodecies).

● Le CICE est assis sur les rémunérations n’excédant pas 2,5 SMIC, définies par renvoi à l’assiette des cotisations sociales, identique donc à elle de l’allègement général.

● Le taux du CICE, fixé à 4 % pour 2013, a été porté à 6 % pour les rémunérations versées entre 2014 et 2016, puis à 7 % en 2017. L’article 42 du PLF 2018 ramène le taux à 6 % en 2018. Depuis 2015, le taux est majoré pour les salaires versés dans exploitations situées dans les départements d’outre-mer : 7,5 % en 2015, 9 % depuis 2016.

● Le CICE s’impute sur l’impôt dû par le contribuable au titre de l’année de versement des rémunérations, sachant que l’impôt dû au titre d’une année N est définitivement liquidé en N+1. Si le montant de CICE montant excède celui de l’impôt dû, l’excédent est utilisé pour payer l’impôt des trois années suivantes, et c’est seulement à l’expiration de cette période que l’éventuel solde de créance est remboursé. Cela signifie concrètement qu’une créance née en 2014 au titre des rémunérations servies en 2013 peut « vivre » jusqu’en 2017 si son montant excède l’impôt dû au titre des exercices 2014 à 2016.

Exemple d’imputation de droit commun du CICE

Une entreprise bénéficie au titre de l’année 2013 d’un CICE de 100. Au titre de la même année, son impôt sur les bénéfices est de 50. En 2014, cette entreprise n’a donc pas à décaisser pour payer son impôt, et se trouve même créancière de l’État à hauteur de 50.

Au titre de 2014, son impôt est de 20. Elle s’en acquitte en 2015 en mobilisant une fraction de sa créance, dont le solde est donc de 30 (soit 50 de créance – 20 d’impôt).

Au titre de 2015, son impôt est de 10, ce qui laisse subsister en 2016 une créance de 20 (soit 30-10).

En 2016, son impôt est à nouveau de 10. La fraction de créance qui subsiste après paiement de l’impôt en 2017, à savoir 10 (soit 20-10) est alors remboursée par l’État à l’entreprise.

Certaines entreprises, auxquelles il apparaît prioritaire d’apporter un soutien accru, peuvent bénéficier d’un remboursement immédiat de leur créance : petites et moyennes entreprises, entreprises nouvelles (pendant cinq ans), jeunes entreprises innovantes, entreprises en difficulté (notamment en cas de redressement judiciaire).

● Par ailleurs, afin de permettre aux entreprises de commencer à bénéficier du CICE sans le décalage d’un an inhérent à la liquidation de l’impôt, un mécanisme original de préfinancement a été mis en place, permettant de céder à un établissement de crédit la créance « en germe », dans la limite de 85 % du montant estimé et moyennant rétribution de l’établissement. Bpifrance est un acteur majeur du préfinancement, en accordant directement des lignes de crédit ou en fournissant une garantie à l’établissement bancaire privé.

● La loi ne fixe aucune condition spécifique à l’obtention du CICE, mais elle en définit les objectifs et prévoit, de manière déclarative, les usages contraires à l’esprit du législateur. Ainsi, l’article 244 quater C dispose que le CICE a pour objet « le financement de lamélioration de [la] compétitivité [des entreprises] à travers notamment des efforts en matière dinvestissement, de recherche, dinnovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement » ; à l’inverse, il ne peut « ni financer une hausse de la part des bénéfices distribués, ni augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans lentreprise ».

● La loi a en outre créé un comité de suivi du CICE, chargé de publier un rapport annuel faisant état des évaluations réalisées et des effets constatés (cf. infra). Présidé par une personnalité nommée par le Premier ministre, le comité est composé de deux députés et deux sénateurs (dont deux d’opposition) et, à parts égales, de représentants des partenaires sociaux et des administrations compétentes.

● Du fait de ses modalités d’imputation, le coût du CICE est différent en comptabilité nationale et en comptabilité budgétaire : la première est une comptabilité d’engagement, qui enregistre les droits constatés au titre d’une année, même s’ils ne sont pas exigibles immédiatement ; la seconde est une comptabilité de caisse, qui enregistre les flux d’une année donnée, en l’espèce les imputations et restitutions. Comme l’illustre le tableau suivant, le coût annuel en comptabilité nationale est donc toujours plus élevé que le coût en comptabilité budgétaire.

Évolution du coût du cice

 (en milliards d’euros)

Année

2014

2015

2016

2017

2018

Coût en comptabilité nationale

10,2

17,6

18,4

19,2

22,8

Coût en comptabilité budgétaire

6,6

12,5

12,9

16,5

21

Source : rapport 2017 du comité de suivi du CICE

http://www.strategie.gouv.fr/publications/rapport-2017-comite-de-suivi-credit-dimpot-competitivite-lemploi

2.   Le crédit d’impôt de taxe sur les salaires, « double » du CICE pour le secteur non lucratif

La loi de finances pour 2017 ([129]) a par ailleurs instauré un crédit d’impôt de taxe sur les salaires (CITS), au profit des organismes du secteur non lucratif qui ne pouvaient par construction pas bénéficier du CICE, faute d’être assujettis à l’impôt sur les bénéfices. Mais ces organismes pouvaient en revanche se trouver en concurrence, dans leur secteur d’activité, avec des entreprises commerciales en bénéficiant.

L’article 231 A du code général des impôts rend donc ces organismes (associations, fondations reconnues d’utilité publique, syndicats, mutuelles, notamment) éligibles à un crédit d’impôt dont le modèle est calqué sur celui du CICE, mais qui réduit la taxe sur les salaires, au taux de 4 %. Ces organismes ont en effet pour particularité de ne pas être assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ; le défaut d’assujettissement à la TVA entraîne mécaniquement assujettissement à la taxe sur les salaires, outil en l’espèce commode pour alléger le coût du travail.

3.   Des résultats positifs, mais des critiques persistantes

● Selon les données figurant dans le dernier rapport du comité de suivi du CICE, rendu public le 4 octobre dernier, la somme des créances enregistrées au 5 août 2017 s’élevait à plus de 62 milliards depuis 2013, dont plus de 42 milliards consommés, et près de 11 milliards préfinancés.

Le CICE bénéficie prioritairement, en volume, aux grandes entreprises et aux petites et moyennes entreprises ; les micro-entreprises sont, numériquement, les plus représentées.

Répartition de la créance de CICE 2016 des redevables à l’is
selon les catégories d’entreprises (au 5 août 2017)

 

Bénéficiaires

Montant des créances
(en milliards deuros)

Micro-entreprises

446 069

1,6

Petites et moyennes entreprises

120 353

4,6

Entreprises de taille intermédiaire

4 644

3,3

Grandes entreprises

253

4,8

Total

571 319

14,3

Source : rapport 2017 du comité de suivi du CICE, précité.

Les secteurs les plus représentés dans l’assiette du CICE sont le commerce (plus de 19 %), l’industrie (près de 19 % également) et les services (plus de 16 %).

● Malgré la relative jeunesse du dispositif, le CICE a commencé à produire des effets tangibles :

– le taux de marge des entreprises – qui rapporte l’excédent brut d’exploitation à la valeur ajoutée – a progressé de deux points entre son plus bas niveau, atteint en 2013 (29,9 %) et 2016 (31,9 %) ;

– sans certitude, le comité de suivi estime à environ 100 000 le nombre d’emplois créés ou sauvegardés grâce au CICE, ce qui est loin d’être négligeable.

En revanche, le même comité constate l’absence d’impact du CICE sur l’investissement, la recherche et les exportations. Ce constat n’est toutefois pas jugé comme surprenant, compte tenu du délai relativement court qui s’est écoulé depuis l’instauration du dispositif.

Selon l’étude d’impact annexée au présent article, la combinaison du CICE, du CITS et des mesures du Pacte de responsabilité relatives aux cotisations sociales patronales (réduction forfaitaire de la cotisation maladie et renforcement de l’allègement général) aurait permis de réduire les charges de 5 % au niveau du salaire moyen et de 25 % au niveau du SMIC.

● Le CICE souffre fondamentalement, depuis sa création, de critiques récurrentes, liées à sa nature même :

– une perception décalée dans le temps, a fortiori pour les entreprises non éligibles au remboursement immédiat de la créance ;

– une mécanique de ce fait assez complexe, impliquant éventuellement de recourir à un préfinancement assorti d’un coût ;

– des craintes, sans doute dissipées par le passage du temps, de contrôles renforcés de l’administration fiscale, compte tenu notamment de la fixation dans la loi d’objectifs, pourtant non contraignants.

L’étude d’impact constate qu’environ 10 % des bénéficiaires potentiels du CICE n’y ont pas recours, ce qui pourrait s’expliquer par les éléments qui viennent d’être cités. La transformation du CICE en allègements de charges devrait permettre de remédier à cette situation.

II.   cet article renforce les allègements de charges sociales, jugés plus efficaces que le cice, supprimé par le projet de loi de finances pour 2018.

Les articles 42 et 43 du PLF suppriment, respectivement, le CICE et le CITS. En compensation, cet article instaure une réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie (équivalente au CICE, dont le taux est ramené à 6 % en 2018 par l’article 42 du PLF) et d’une extension du champ des charges prises en compte dans l’allègement général.

Cette « bascule » poursuit un triple objectif :

– supprimer le décalage temporel entre le versement des rémunérations et l’allègement du coût du travail ;

– ce faisant, rendre plus lisible le dispositif de soutien public à la réduction du coût du travail, en évitant cette forme détour conceptuel que constituent les crédits d’impôt assis sur la masse salariale (CICE et CITS) ;

– renforcer l’allègement au voisinage du SMIC, l’effet sur la création d’emploi étant maximisé à ce niveau de revenu.

A.   Une réduction de 6 points de la cotisation maladie patronale : un « équivalent-CICE »

Le du I du présent article insère un nouvel article L. 241-2-1 dans le code de la sécurité sociale. Ce nouvel article réduit de 6 points le taux de certaines cotisations patronales de sécurité sociale au titre des salariés dont la rémunération n’excède pas 2,5 SMIC, pour les employeurs éligibles à l’allégement général ([130]).

Les cotisations dont le taux est réduit sont celles mentionnées au 1° du II de l’article L. 241-2, à savoir les cotisations maladie dues par les employeurs ([131]) du régime général.

Ces cotisations – comme du reste l’ensemble des cotisations de sécurité sociale proprement dites – sont assises sur tous les avantages consentis aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail (salaires, bien évidemment, mais également indemnités, primes gratifications, avantages en nature, etc.). L’assiette est donc la même que celle du CICE et de l’allègement général.

Le taux de cotisation, fixé par voie réglementaire selon la règle habituelle, était de 12,89 % en 2017 ; il sera donc ramené à 6,89 %.

L’étude d’impact chiffre à 21,6 milliards d’euros le coût de cette nouvelle réduction.

B.   l’extension du champ de l’allègement général

1.   L’inclusion des cotisations patronales de retraite complémentaire et d’assurance chômage

a.   Le dispositif juridique

Le a) du du I réécrit le I de l’article L. 241-13, qui dresse la liste des cotisations patronales faisant l’objet d’une réduction dégressive lorsqu’elles sont assises sur des salaires inférieurs à 1,6 SMIC.

Le présent article ajoute à cette liste ([132]) :

– les cotisations patronales au titre des régimes de retraite complémentaire AGIRC (Association générale des institutions de retraite des cadres), ARRCO (Association des régimes de retraite complémentaire) et AGFF (Association pour la gestion du fonds de financement de l’AGIRC et de l’ARRCO). Il s’agit des régimes de retraite légalement obligatoires mentionnés à l’article L. 921-4 du code de la sécurité sociale, institués par accord national interprofessionnel (ANI) et mis en œuvre par des institutions de retraite complémentaire regroupées en fédérations (cf. encadré suivant) ;

– les contributions à la charge de l’employeur dues au titre de l’assurance chômage. Prévue à l’article L. 5422-9 du code du travail, la cotisation chômage des employeurs frappe au taux de 4,05 % la même assiette que celle des cotisations de sécurité sociale ([133]), plafonnée à 4 PASS.

Il s’agit là d’une nouveauté dans le paysage des allègements de charges sociales patronales, qui jusqu’alors n’avaient jamais porté sur les cotisations de retraite complémentaire ni sur les cotisations chômage.

Contributions finançant l’AGIRC et l’ARRCO

En application de l’article L. 921-1 du code de la sécurité sociale, tous les salariés du régime général doivent être affiliés à un régime complémentaire de retraite, complétant les prestations servies par la branche vieillesse du régime général.

Les deux régimes obligatoires sont :

– l’ARRCO (Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés). Créé par l’accord collectif du 8 décembre 1961, ce régime concerne les salariés non-cadres et les cadres pour la première tranche de leur rémunération* ;

– l’AGIRC (Association générale des institutions de retraite des cadres). Créé par la convention collective du 14 mars 1947, ce régime concerne les deuxième et troisième tranches de rémunération des cadres.

L’AGIRC et l’ARRCO sont financées par des cotisations de retraite, dont l’assiette est dans la généralité des cas celle des cotisations de sécurité sociale.

Deux tranches sont distinguées pour les cotisations des non-cadres à l’ARRCO : la tranche 1 jusqu’à 1 PASS et la tranche 2 entre 1 et 3 PASS.

Seule la tranche 1 des salaires des cadres est assujettie aux cotisations ARRCO.

Le taux ARRCO varie en fonction de la tranche : 6,2 % sur la tranche 1 et 16,2 % sur la tranche 2.

La cotisation ARRCO est en réalité appelée sur 125 % de son assiette, ce qui porte les taux effectifs à 7,75 et 20,25 % ; les prestations, elles demeurent servies sur une base 100.

La charge de la cotisation est en principe répartie à 60/40 entre l’employeur et le salarié : les taux employeur sont donc de 4,65 % sur la tranche 1 et 12,15 % sur la tranche 2 ; les taux salarié sont de 3,1 % sur la tranche 1 et 8,1 % sur la tranche 2).

La tranche 1 des salaires des cadres – dénommée tranche A dans le langage AGIRC – n’est pas soumise aux cotisations AGIRC.

Le taux AGIRC est le même – 16,44 % – sur les tranches B et C des salaires des cadres, comprise respectivement entre 1 et 4 PASS et entre 4 et 8 PASS.

La cotisation AGIRC est elle aussi appelée sur une base 125 – les prestations restant servies sur une base 100 –, ce qui porte le taux effectif à 20,55 %.

Sur la tranche B, la répartition entre employeur et salarié est uniforme : 12,75 % pour l’employeur, 7,80 % pour le salarié (sauf demande de l’employeur pour une répartition plus favorable au salarié).

Sur la tranche C, la situation est plus complexe : seul 0,55 point du taux est réparti de manière univoque (0,19 point pour l’employeur et 0,36 pour le salarié) ; la répartition des 20 points restants est fixée par accord d’entreprise.

L’AGIRC et l’ARRCO perçoivent également une cotisation dite « AGFF » (Association pour la gestion du fonds de financement de l’AGIRC et de l’ARRCO), destinée à financer le décalage entre l’âge du taux plein du régime général (62 ans) et l’âge du taux plein des retraites complémentaires (65 à 67 ans).

Cette contribution, applicable jusqu’au 31 décembre 2018, est due par les employeurs et les salariés, sur une assiette en général identique à celle des cotisations AGIRC-ARRCO.

Son taux est :

– de 2 % sur la tranche 1 (ou A), soit 1,2 % pour l’employeur et 0,8 % pour le salarié ;

– de 2,2 % sur la tranche 2 des non-cadres et sur les tranches B et C des cadres, soit 1,3 % pour l’employeur et 0,9 % pour le salarié.

Enfin, l’AGIRC perçoit le produit de la contribution exceptionnelle et temporaire (CET), assise sur les tranches A, B et C des salaires des cadres, au taux de 0,35 % (0,22 % pour l’employeur et 0,13 % pour le salarié). Applicable jusqu’au 31 décembre 2018, la CET ne génère aucun droit à pension.

* La classification entre cadres et non-cadres étant définie par les conventions collectives, mais soumise à agrément de l’AGIRC.

** Les taux en vigueur résultent de l’ANI du 13 mars 2013 sur les retraites complémentaires, étendu par arrêté du 17 décembre 2013 :
https://www.agirc-arrco.fr/fileadmin/agircarrco/documents/conventions_accords/2013/Accord_Agirc_Arrco_13032013.pdf)

Source : Commission des affaires sociales.

b.   Les effets : une réduction du taux de charges de près de 10 points au niveau du SMIC

● Le tableau suivant détaille le nouveau taux maximal d’allègement général. Sa lecture appelle au préalable une précaution méthodologique importante, apportée par le Gouvernement au rapporteur général.

La réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation maladie, pour les salaires n’excédant pas 2,5 SMIC, s’impute prioritairement à l’allègement général ([134]) : cela signifie que celui-ci ne porte plus que sur les 6,89 points restant après la réduction forfaitaire, qui pour sa part continue de s’appliquer pour les rémunérations excédant 2,5 SMIC (cf. infra).

La comparaison de ce tableau avec celui présenté supra pour l’allégement actuel fait apparaître une réduction de 3,9 points du taux de charges au niveau du SMIC. Il s’agit là en quelque sorte d’un taux « net », observé lorsqu’on regarde uniquement le coefficient de dégressivité de l’allègement général. Mais en réalité, la réduction est de 9,9 points, car il faut ajouter aux 3,9 points les 6 points de la réduction forfaitaire de cotisation maladie, qui se combine avec l’allègement général sur les salaires n’excédant pas 1,6 SMIC.

taux des cotisations et contributions
dans le champ futur de l’allègement général

Cotisations et contributions dans le champ de l’allègement général

Taux applicables aux employeurs soumis à une contribution FNAL de 0,5 %

Taux applicables aux employeurs soumis à une contribution FNAL de 0,1 %

Cotisation maladie

6,89 %

6,89 %

Cotisation famille

3,45 %

3,45 %

Cotisation vieillesse plafonnée

8,55 %

8,55 %

Cotisation vieillesse déplafonnée

1,9 %

1,9 %

Cotisation « socle » AT-MP

0,9 %

0,9 %

Contribution FNAL

0,5 %

0,1 %

CSA

0,3 %

0,3 %

Cotisation chômage

4,05 %

4,05 %

Tranche 1 ARRCO*

4,65 %

4,65 %

Tranche 1 AGFF**

1,2 %

1,2 %

TOTAL

32,39 %

31,99 %

* Seule cette cotisation chômage est due sur l’assiette de l’allègement général, inférieure au PASS. La cotisation sur la tranche A AGIRC n’est pas due, la rémunération des cadres excédant le plafond d’éligibilité à l’allègement général.

** Idem.

Source : Commission des affaires sociales.

● Le tableau suivant décline, en fonction du SMIC, le taux d’allègement général à venir et le montant correspondant. Le montant prend en compte la réduction forfaitaire de la cotisation famille, déjà existante, et la nouvelle réduction forfaitaire de la cotisation maladie. Ainsi, si l’allègement général s’annule lorsque la rémunération atteint 1,6 SMIC, le montant global d’allègement ne s’annule pas : jusqu’à 2,5 SMIC, il combine les deux réductions forfaitaires, et est ensuite égal à la réduction forfaitaire famille, jusqu’à 3,5 SMIC.

montant annuel de l’allÉgement futur de cotisations
en fonction de la rémunération

Rémunération brute en SMIC

Entreprises soumise à une contribution FNAL de 0,5 %

Entreprises soumise à une contribution FNAL de 0,1 %

Taux d’allègement général
 

Montant annuel de l’allégement
(en euros)

Taux d’allègement général
 

Montant annuel de l’allégement
(en euros)

1

32,39 %

7 138,9

31,99 %

7 067,9

1,1

24,5 %

6 318,6

24,2 %

6 252,4

1,2

18 %

5 498,2

17,77 %

5 450,9

1,3

12,46 %

4 677,9

12,3 %

4 642,3

1,4

7,71 %

3 857,5

7,62 %

3 833,8

1,5

3,6 %

3 037,2

3,55 %

3 025,3

1,59

0,33 %

2 298,9

0,33 %

2 297,7

Source : Commission des affaires sociales.

● Le graphique suivant compare les pentes de dégressivité du montant de l’allègement actuel et du montant de l’allègement futur en fonction du niveau du SMIC, pour la généralité des entreprises, assujetties à la contribution FNAL au taux de 0,5 %.

Source : Commission des affaires sociales.

● Le graphique suivant procède à la même comparaison, mais sur une échelle de salaire plus large, allant jusqu’à 3,5 SMIC, niveau de rémunération au-delà duquel cesse de s’appliquer la réduction forfaitaire de cotisation famille.

Source : Commission des affaires sociales.

● L’étude d’impact chiffre à 3,3 milliards d’euros le coût du renforcement de l’allègement général.

● À l’issue de la réforme prévue par le présent article, qui les réduit de 9,9 points au total, les seules charges patronales qui subsisteront au niveau du SMIC seront ([135]) :

– pour toutes les entreprises ([136]) :

 

– pour les entreprises d’au moins 20 salariés, la participation des employeurs à l’effort de construction (le « 1 % logement »), assise au taux de 0,45 % sur la totalité du salaire, et affectée à Action Logement (article L. 313-1 du code de la construction et de l’habitation) ;

– à un taux différent selon la taille de l’entreprise, la participation des employeurs à la formation professionnelle, assise sur la totalité du salaire (0,55 % pour les employeurs de moins de 11 salariés, 1 % au-delà).

taux global de charges patronales au niveau du smic après réforme

Nombre de salariés

Taux global de charges fiscales et sociales
au niveau du SMIC

Moins de 11

1,446 %

Plus de 11

1,896 %

Plus de 20

2,346 %

Source : Commission des affaires sociales.

2.   L’encadrement de la déduction forfaitaire spécifique

● Le troisième alinéa de l’article L. 242-1, qui définit la rémunération et donc l’assiette des cotisations sociales, autorise, dans des conditions prévues par arrêté ([138]), la déduction des frais professionnels, ce qui a pour effet de minorer l’assiette soumise à cotisations.

Au-delà des frais classiques de nourriture, de logement, de transport, pris en compte dans la généralité des cas pour leur montant réel, l’arrêté du 20 décembre 2002 prévoit, en son article 9, une « déduction forfaitaire spécifique » (DFS), au profit de catégories de salariés supportant des frais professionnels dont le montant est « notoirement supérieur » aux frais classiques. La DFS, plafonnée à 7 600 euros par an, est appliquée à des taux différents selon les professions concernées, taux et professions définies à l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000.

Sans faire l’inventaire complet des professions concernées, on apprendra avec profit que bénéficient de la DFS les artistes dramatiques (au taux de 20 %), l’essentiel des professions de l’aviation marchande, notamment les pilotes (30 %), les mannequins (10 %), les inspecteurs d’assurance (30 %), les internes des seuls hôpitaux de Paris (20 %), les journalistes (30 %), les ouvriers scaphandriers (10 %), ou encore la défunte profession des speakers de la radiodiffusion-télévision française (20 %).

● La seule lecture de ce bref inventaire peut suffire à venir à l’appui du constat dressé par le Gouvernement dans l’étude d’impact, selon lequel « la justification économique [de la DFS] nest aujourdhui plus avérée au regard des modalités dexercice de ces activités ».

La DFS a pour effet concret de repousser le point de sortie de l’allègement général pour les salaires dont elle est déduite. L’étude d’impact prend l’exemple éloquent d’un salaire de 1,8 SMIC – en principe hors du champ de l’allègement général – mais bénéficiant d’une DFS de 30 % : pour le calcul de l’assiette des cotisations et donc de l’allègement général, ce salaire est ramené à 1,26 SMIC ([139]), ce qui non seulement le fait entrer dans le champ de l’allègement, mais de surcroît à un niveau auquel la réduction est plus forte que pour un salaire réel inférieur, mais non éligible à la DFS.

Cet effet serait amplifié par le renforcement de l’allègement général, sans mesure correctrice. Afin d’éviter cette conséquence fâcheuse, le c) du du I prévoit une mesure de « neutralisation », par l’insertion d’un nouvel alinéa (quatrième, dans le décompte à venir) dans l’article L. 241-13 ; il prévoit que si la rémunération prise en compte pour le calcul de l’allègement général est celle prévue à l’article L. 242-1, elle ne tient compte des déductions forfaitaires pour frais professionnels que dans des limites fixées par arrêté. En pratique, seule la DFS est concernée, l’objectif affiché par le Gouvernement étant de maintenir constant l’avantage actuel, sans l’amplifier ; selon l’étude d’impact, cet objectif pourrait être atteint en réduisant d’un tiers les taux de DSF actuellement applicables.

Le b) du du I modifie par coordination le deuxième alinéa du III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale : la définition de la rémunération sera donc à l’avenir renvoyée au quatrième alinéa du III de l’article L. 241-13.

● Le coût de la DFS est d’environ 1,7 milliard d’euros, soit 1,1 milliard au titre de l’abattement de l’assiette des cotisations, auxquels s’ajoutent 620 millions au titre du renchérissement de l’allègement général. L’étude d’impact évoque, indépendamment des dispositions de cet article, « dautres évolutions qui pourraient être envisagées ultérieurement sur ce dispositif de déduction particulièrement dérogatoire » ; sa suppression apparaît au rapporteur général comme une évolution à étudier.

3.   Le toilettage des modalités d’imputation de l’allègement général

● Le d) du du I rétablit un VII – abrogé en l’état du droit – dans l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, pour prévoir les modalités d’imputation de l’allègement général. Ce VII prévoit l’imputation au moment du paiement des cotisations et contributions, déclarées aux organismes de recouvrement compétents :

– AGIRC-ARRCO pour les cotisations de retraite complémentaire obligatoire ([140]) ;

– unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) ([141]) et caisses générales de sécurité sociale (CGSS) ([142]) dans les départements d’outre-mer, pour les cotisations de sécurité sociale et d’assurance chômage, ainsi que pour les autres contributions.

Il est logiquement précisé que l’imputation se fait en fonction de la part que représente le taux de ces cotisations et contributions dans la valeur du coefficient de dégressivité.

● En conséquence, le e) du du I abroge le VIII de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, qui prévoit les modalités d’imputation de l’allègement général, avec leur champ actuel, plus restreint qu’à l’avenir. Cette abrogation a pour effet « d’écraser » l’ordre d’imputation, prévoyant que les cotisations d’AT-MP sont les dernières à être réduites par l’allègement général (cf. supra). La limitation de leur fraction réductible, à hauteur d’un taux fixé par arrêté, n’est pas remise en cause, puisqu’elle est prévue au troisième alinéa de l’article L. 241-5, qui n’est pas modifié.

C.   la mise en place d’une coopération renforcée entre les urssaf et l’agirc-arrco

Incluses dans le champ de l’allègement général par le présent article, les cotisations AGIRC-ARRCO demeureront toutefois recouvrées à part, et non pas par le réseau des URSSAF. En conséquence, il apparaît nécessaire de mettre en place des outils de nature à garantir une interprétation uniforme de la législation applicable, et à éviter toute complexification du processus de recouvrement et de contrôle pour les cotisants.

1.   Intervention de l’ACOSS en cas d’interprétation contradictoire de la législation relative à l’allègement général

● Le b) du du I complète l’article L. 243-6-1 du code de la sécurité sociale par un II ([143]). En l’état du droit, cet article prévoit que lorsque les URSSAF ([144]) interprètent de manière contradictoire la même législation sur les cotisations et contributions sociales pour plusieurs établissements rattachés à un même cotisant, celui-ci peut solliciter l’intervention de l’ACOSS ([145]). Après analyse du litige, l’ACOSS peut demander aux organismes d’adopter une position donnée dans un délai d’un mois, à l’expiration duquel elle peut se substituer à eux pour prendre les mesures nécessaires.

Le présent article étend cette procédure aux interprétations contradictoires retenues par les URSAFF ou CGSS, mais aussi par l’AGIRC-ARRCO, pour l’application des dispositions relatives à l’allègement général. S’agissant des cotisations sociales, il est simplement fait renvoi à l’article L. 241-13 ; s’agissant des cotisations AGIRC-ARRCO, la rédaction vise « tout point de droit dont lapplication est susceptible davoir une incidence sur les allègements portant sur les cotisations à la charge de lemployeur au titre des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires ».

2.   Opposabilité de la doctrine administrative sur l’allègement général aux réseaux de recouvrement et création d’un site Internet dédié

● L’article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale prévoit que lorsqu’un cotisant a appliqué la législation relative aux cotisations et contributions sociales selon l’interprétation admise par l’administration dans une circulaire ou une instruction ministérielle régulièrement publiée, les URSSAF ou l’ACOSS ne peuvent procéder à aucun redressement fondé sur une interprétation différente de celle de l’administration, qui lie donc les organismes de recouvrement.

Le b) du 4° du I étend ce respect de l’interprétation de l’administration, au-delà des redressements opérés à l’occasion d’un contrôle, aux demandes de rectification de la déclaration sociale.

● Le c) du du I complète l’article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale par :

– un II ([146]), étendant l’ensemble du dispositif à l’AGIRC-ARRCO, pour l’application de l’allègement général, sur le modèle de ce que prévoit le b) du 3° du I à l’article L. 243-6-1 ;

– un III, prévoyant qu’à compter du 1er janvier 2019, un site Internet présente l’ensemble des instructions et circulaires relatives à la législation applicable en matière d’allègements et de réductions des cotisations et contributions sociales, mises à disposition des cotisants.

3.   Extension du rescrit social à l’AGIRC-ARRCO

● L’article L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale prévoit une procédure de « rescrit social » ([147]), qui permet à un cotisant ou futur cotisant, dès lors que la demande est nouvelle et sérieuse, d’interroger les URSSAF ou CGSS sur l’application à une situation précise de la législation relative aux cotisations et contributions de sécurité sociale, ou recouvrées par les mêmes organismes sur la même assiette (cotisation FNAL, versement transport, cotisations chômage).

La position prise par l’organisme de recouvrement sur la question de réglementation soulevée est opposable pour l’avenir à l’ensemble des organismes de recouvrement, tant que la législation ou les faits de l’espèce ne sont pas modifiés.

Faute de réponse dans un délai de trois mois, l’organisme de recouvrement ne peut procéder à un redressement fondé sur le point de législation faisant l’objet de la demande, pour la période courant entre la date à laquelle la réponse aurait dû être apportée et la date à laquelle l’organisme s’est effectivement prononcé.

● Le du I rend opposable, dans les mêmes conditions, une demande de rescrit adressée à l’AGIRC-ARRCO, pour l’application de l’allègement général.

4.   Application automatique aux cotisations AGIRC-ARRCO des facilités de paiement accordées par les URSSAF

● Le 6° du I introduit un nouvel article L. 243-6-6 ([148]) dans le code de la sécurité sociale, qui a pour objet de simplifier les démarches engagées par les employeurs en difficulté. Il prévoit que les échéanciers de paiement et les plans d’apurement instaurés par les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales sont « dupliqués » du côté AGIRC-ARRCO, sans que le cotisant ait à accomplir deux fois les mêmes démarches, auprès de deux interlocuteurs différents.

Cette simplification, dont le champ excède celui du présent article, est toutefois bienvenue à l’occasion du nécessaire rapprochement des pratiques des deux réseaux de recouvrement, appelé par l’inclusion des cotisations AGIRC-ARRCO dans le champ de l’allègement général.

● Dans le détail, l’article L. 243-6-6 prévoit :

– que l’URSSAF recevant une demande d’échéancier de paiement d’un cotisant communique la demande et la réponse à l’AGIRC-ARRCO ;

– que l’octroi d’un échéancier de paiement par les URSSAF ou CGSS vaut  également pour les cotisations AGIRC-ARRCO qui resteraient dues par l’employeur ;

– que lorsqu’un créancier public statue sur l’octroi à une entreprise d’un plan d’apurement, l’AGIRC-ARRCO donne mandat aux URSSAF ou CGSS pour prendre toute décision sur ses créances.

5.   Une convention de coordination entre l’ACOSS et l’AGIRC-ARRCO

Le nouvel article L. 243-6-7, également créé par le du I, prévoit la conclusion d’une convention entre l’ACOSS et un représentant de l’AGIRC-ARRCO ([149]), qui prévoira en substance, selon les termes de l’étude d’impact, « les modalités de concertation entre les deux réseaux afin dapporter aux entreprises des réponses coordonnées dans lensemble du parcours de recouvrement des cotisations (réclamations, questions juridiques par exemple) ».

Dans le détail, la convention devra prévoir :

– les modalités selon lesquelles les deux réseaux informent « de manière coordonnée » les employeurs, s’agissant notamment des constats d’anomalie et des demandes de rectification adressées au sujet de l’application de l’allègement général ;

– les modalités de validation, par l’ACOSS, des conditions dans lesquelles les deux réseaux s’assurent de la conformité à la législation relative à l’allègement général des déclarations sociales adressées par les employeurs ([150]) ;

– les modalités « de coordination » entre les deux réseaux permettant un traitement « coordonné » des demandes et réclamations des cotisants portant sur la législation relative à l’allègement général, ainsi que la formulation de réponses « coordonnées ».

Il n’est donc pas exclu que la coordination soit au centre de la convention à venir. Pour sa conclusion, les deux réseaux pourront utiliser les données d’un répertoire commun relatif à leurs entreprises cotisantes.

6.   L’unicité des procédures de contrôle

L’article L. 243-7 du code de la sécurité sociale prévoit, en son deuxième alinéa, que les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général sont également habilités à vérifier, dans le cadre des contrôles qu’ils diligentent, l’assiette, le taux et le calcul des cotisations dont ils n’assurent pas le recouvrement. Il s’agit pour l’essentiel des cotisations AGIRC-ARRCO et de quelques cotisations chômage ([151]). Les informations sont recueillies pour le compte des organismes de recouvrement, et leur sont logiquement transmises.

Le du I complète ces dispositions, pour prévoir dans une formulation quelque peu confuse que « les modalités de mise en œuvre des contrôles, de la phase contradictoire et des procédures amiables et contentieuses sont définies de manière à garantir aux entreprises une unicité de procédures applicable pour lensemble des cotisations contrôlées ».

D.   un dispositif prévisionnel de compensation des pertes de recettes pour l’unédic et l’agirc-arrco

● Le II pose le principe d’une prise en charge par l’ACOSS de la réduction des cotisations d’assurance chômage et de retraite complémentaire.

Déjà chargée du recouvrement des cotisations chômage – via son réseau d’URSSAF – l’ACOSS en versera le produit à l’UNÉDIC, aux termes du texte, « sans tenir compte de la part de la réduction imputée sur celles-ci ». S’agissant des cotisations de retraite complémentaire, il est prévu que l’AGIRC-ARRCO
– qui continuera de les recouvrer – transmette à l’ACOSS les justificatifs nécessaires à l’établissement des montants à prendre en charge par l’Agence.

S’agissant des contributions d’assurance chômage aujourd’hui recouvrées par les caisses de mutualité sociale agricole (pour les salariés agricoles, en application du b) de l’article L. 5427-1 du code du travail), par Pôle Emploi en application du e) du même article (intermittents du spectacle, en substance) et par le guichet unique du spectacle occasionnel (article L. 133-9 du code de la sécurité sociale), la prise en charge de la part exonérée sera centralisée par l’ACOSS, sur la base des informations transmises par les organismes de recouvrement. Puis l’ACOSS reversera les montants correspondants aux allègements à l’UNÉDIC.

Afin d’assurer une prise en charge « à l’euro l’euro » par l’ACOSS, il est prévu que les branches du régime général assurent l’équilibre financier de l’ACOSS au titre de cette mission. La répartition de cette charge nouvelle se fera par arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale, en fonction des soldes prévisionnels des branches. L’ACOSS devrait toutefois se voir affecter une recette spécifique en loi de finances, selon l’exposé des motifs.

● Exposé qui précise que « le dispositif de compensation ainsi proposé correspond […] à une hypothèse de travail qui ne préempte pas les concertations à venir », au cours de l’année 2018. La même source indique que cette disposition figure dans le texte pour en assurer la place en loi de financement, « les exigences de la loi organique [relative aux lois de financement de la sécurité sociale] imposant de justifier limpact du dispositif sur léquilibre financier des régimes de sécurité sociale ».

E.   une entrée en vigueur décalée au 1er janvier 2019

1.   Un soutien public aux employeurs d’un niveau inégalé en 2019

Le IV du présent article prévoit que ses dispositions entrent en vigueur pour les rémunérations versées à compte du 1er janvier 2019.

Cela signifie donc qu’en 2018, l’allègement général continuera de coexister avec le CICE et le CITS, dans les conditions en vigueur jusqu’alors. Seul changement : l’article 42 du PLF 2018 réduit de 7 à 6 % le taux du CICE.

Au titre de 2019, justement, les employeurs bénéficieront :

– du renforcement des allègements de charges sociales prévu par cet article (réduction forfaitaire de 6 points du taux de la cotisation maladie  et renforcement de l’allègement général) ;

– de la créance de CICE acquise au titre de 2018.

En comptabilité nationale, l’année 2019 apparaît comme une année « double », au cours de laquelle s’additionneront le coût des mesures prévues par le présent article (24,8 milliards d’euros) ([152]) et celui des créances de CICE acquises au titre de 2018 (22,8 milliards d’euros).

Cela ne signifie pas que le coût budgétaire sera du même niveau ; en effet, les modalités d’imputation du CICE ne sont pas modifiées, et la créance acquise au titre de 2018 sera donc imputable, selon le profil des résultats des entreprises, jusqu’en 2022. En 2019, seront également imputées des créances de CICE acquises au titre des années 2015 à 2018. Le surcoût pour les finances publiques correspond donc, en comptabilité nationale, au montant total de la créance acquise au titre des rémunérations versées en 2018, quelle que soit l’année de son imputation.

Le Gouvernement aurait pu faire faire le choix d’éviter ce « coût double » en proposant de supprimer le CICE dès 2018, et en renforçant à compter de 2019 seulement les allègements de charges sociales. Mais un tel choix aurait immanquablement produit un « trou d’air » en 2018, les entreprises n’enregistrant pas de nouvelle créance au titre du CICE, et ne bénéficiant pas encore du renforcement des allègements de charges. La situation aurait été particulièrement dommageable pour les entreprises se créant au cours de l’année 2018, qui n’auraient par définition pas pu imputer les créances antérieures de CICE, ni bénéficier de son préfinancement. La Gouvernement fait donc un choix certes coûteux à court terme, mais bénéfique pour l’économie et l’emploi.

2.   Un délai d’un an pour tirer les conséquences de la réforme s’agissant de dispositifs d’exonérations spécifiques

L’étude d’impact indique que, dans le cadre des lois financières pour 2019, seront réexaminés plusieurs dispositifs d’exonérations spécifiques, dont l’efficacité a été remise en cause dans un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales de juin 2015 ([153]). Ce défaut d’efficacité serait amplifié par le renforcement de l’allègement général au niveau du SMIC, qui serait plus avantageux dans la généralité des cas.

L’étude d’impact cite huit dispositifs, dans le détail desquels il est prématuré d’entrer ici :

– quatre exonérations « zonées », liées à l’implantation des entreprises bénéficiaires dans des territoires plus sinistrés que la moyenne :

– exonération pour l’emploi de travailleurs occasionnels agricoles ;

– exonération applicables aux structures d’insertion par l’activité économique (associations intermédiaires ; ateliers et chantiers d’insertion) ;

– exonération applicable aux contrats uniques d’insertion.

L’étude d’impact précise qu’une concertation approfondie sera menée avec les représentants des acteurs concernés. Il est heureux de le lire, car il s’agit de sujets sensibles, comme l’ont notamment montré les débats sur les deux précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

F.   aperçu des principaux effets de la réforme

1.   Les effets « macro-budgétaires »

Le coût spontané des dispositions de cet article pour les organismes de sécurité sociale s’élève à 24,8 milliards d’euros ([155]) : 21,6 milliards au titre de la réduction de 6 points de la cotisation maladie et 3,3 milliards au titre du renforcement de l’allègement général.

La suppression du CICE et du CITS génère à l’inverse une économie de 24,4 milliards d’euros pour le budget de l’État (22,8 milliards au titre du CICE et 600 millions au titre du CITS, que l’État compense aux organismes de sécurité sociale, auxquels est affecté le produit de la taxe sur les salaires).

Les modalités de compensation de ce vaste mouvement financier seront présentés en détail dans les PLF et PLFSS pour 2019, la réforme n’entrant pas en vigueur l’année prochaine.

2.   Un gain net pour les actuels bénéficiaires du CITS

Les bénéficiaires du CITS seront mécaniquement gagnants au remplacement du crédit d’impôt par le renforcement des allègements de charges : sans même prendre en compte le renforcement de l’allègement général, le taux de réduction de la cotisation maladie est supérieur de 2 points, sur la même assiette, au taux du CITS.

Alors que le CITS représente une enveloppe de 600 millions d’euros, le dossier de presse présentant le PLFSS indique que, pour le même public, les allègements de charges s’élèveront à 1,4 milliard d’euros par an à compter de 2019, « soit trois fois plus que limpact actuel du CITS » (sic).

3.   L’effet « retour d’IS » pour les entreprises bénéficiaires du CICE et sa neutralisation par des mesures globalement favorables

● L’évaluation préalable annexée à l’article 42 du PLF 2018 indique que la transformation du CICE en allègement de charges se traduira in fine par un gain de recettes fiscales pour l’État, estimé à 5 milliards d’euros.

En effet, les charges sociales acquittées par les entreprises sont déductibles de l’assiette de l’impôt sur les bénéfices. En réduisant ces charges, le présent article a donc pour effet mécanique d’augmenter l’assiette imposable, à hauteur de 22 milliards d’euros environ donc. Il résulte de l’application d’une règle de trois que le taux d’impôt sur les bénéfices retenu pour parvenir à un gain de 5 milliards est de 22,7 %, qui correspondrait à une sorte de taux moyen.

Une partie du soutien fiscal actuel, réinjecté à l’avenir sous forme d’allègement de charges, sera donc récupéré sous forme d’impôt.

● L’évaluation préalable de l’article 42 du PLF entend toutefois dissiper les craintes que cet effet de « retour d’IS » pourrait susciter :

– d’une part, il sera « sans incidence sur lemploi [car] les allègements de cotisations sont relativement plus efficaces quun crédit dimpôt pour soutenir la création demploi » ;

– d’autre part, « cette réforme sinscrit dans un ensemble de mesures en faveur de la compétitivité des entreprises » (cf. encadré suivant), aboutissant à ce que tous les secteurs économiques sont gagnants à horizon 2022.

Principales mesures du PLF 2018 favorables aux entreprises

Réduction dégressive du taux de lIS jusquà 25 % en 2022

L’article 41 prévoit d’amplifier la réduction du taux normal de l’IS, entamée à la fin de la précédente législature, selon la chronique suivante :

– en 2018, 28 % sur les 500 000 premiers euros de bénéfices et 33,33 % – soit le taux normal actuel – au-delà ;

– en 2019, le taux de 33,33 % sera ramené à 31 % ;

– en 2020, le taux de 28 % s’appliquera à la totalité de l’assiette ;

– en 2021, ce taux sera ramené à 26,5 % ;

– enfin, en 2022, il sera de 25 %, plus proche ainsi de la moyenne européenne.

La perte de recettes pour l’État s’élèvera, à terme, à 4,1 milliards d’euros par an.

Suppression de la contribution de 3 % sur les revenus distribués

Cette contribution additionnelle à l’IS, assise au taux de 3 % sur les revenus distribués par une société (les dividendes, typiquement), a été créée par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012*.

Déclarée contraire au droit de l’Union européenne par la Cour de Justice de l’Union européenne dans un arrêt du 17 mai dernier**, cette contribution est supprimée par l’article 13, sans être remplacée par un nouvel impôt.

La perte de recettes pour l’État s’élèvera à 1,9 milliard d’euros par an.

* Article 6 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012.

** Association française des entreprises privées (AFEP) contre Ministre des Finances et des comptes publics, affaire C-365/16.

Source : Commission des affaires sociales.

Le graphique suivant, issu du dossier de presse gouvernemental présentant le PLF, illustre l’effet combiné de l’ensemble de ces réformes à horizon 2022 ; il en ressort un effet positif pour l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille.

gains/pertes nets pour les entreprises au régime normal de lIS
du cumul des mesures

(total des impacts en milliards deuros et en points de résultats net comptable)

Source :

https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/images/actualite/PLF2018/DP_PLF2018_WEB.pdf, page 48

Le tableau suivant présente le gain d’ensemble de ces réformes pour les entreprises, à horizon 2022.

Gain pour les entreprises à horizon 2022

(en milliards d’euros)

Mesure

Impact à horizon 2022

Suppression du CICE

– 22,8

Baisse du taux du CICE

– 3,1

Réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie

21,6

Renforcement de l’allègement général

3,3

Effet de « retour d’IS »

– 5

Suppression de la contribution de 3% sur les dividendes

1,9

Réduction du taux de l’IS par rapport à 2017

10,9

Total

6,8

Source: Commission des affaires sociales.

*

La commission examine, en discussion commune, l’amendement AS150 de M. Pierre Dharréville et l’amendement AS242 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Pierre Dharréville. Je veux dire toute ma révolte contre l’article 8, qui constitue une atteinte grave à la sécurité sociale et revient à une dépossession. Vous voulez taxer le capital ? En voici une bonne occasion.

Alors que chaque année le montant des exonérations de cotisations sociales s’élève à 46 milliards d’euros, d’après l’annexe 5 du PLFSS, l’article 8 du présent projet de loi prévoit à compter du 1er janvier 2019 de pérenniser de nouveaux allégements de cotisations patronales à hauteur de 6 points pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC, et de renforcer des allégements généraux de cotisations sociales au niveau du SMIC, privant ainsi de manière durable les organismes de sécurité sociale de ressources financières.

En 2019, les entreprises cumuleront donc de façon transitoire deux dispositifs : le crédit d’impôt pour 2018 et les baisses de cotisations pour 2019. Le dernier rapport du comité d’évaluation du CICE d’octobre 2017 conclut à « un effet modéré du CICE sur l’emploi » avec 100 00 emplois créés ou sauvegardés, soit un coût de 400 000 euros par emploi créé. Outre son inefficacité, ce dispositif encourage les emplois peu qualifiés du fait de son ciblage sur des rémunérations inférieures à 2,5 SMIC, tout en renchérissant le « coût du travail » dans les secteurs employant des salariés qualifiés.

Pour toutes ces raisons, nous proposons par l’amendement AS150 de supprimer cet article.

Mme Caroline Fiat. Dans cet article 8, le Gouvernement a décidé de consacrer les exonérations et les baisses de cotisations sociales, telles que le CICE ou le dispositif « Fillon ».

Nous nous opposons à la logique développée par cet article. Nous en contestons la dimension d’intérêt général, en nous basant sur l’expérience du CICE qu’il pérennise. Le comité de suivi mis en place au sein de France Stratégie n’a pas conclu à des effets positifs sur le niveau de l’emploi. Seules les marges des entreprises ont bénéficié de ce dispositif, sans garantie sur l’investissement et l’innovation.

En outre, les dispositions du présent article ne vont faire qu’augmenter les effets de trappes à bas salaires. Par « trappe à bas salaires », j’entends le dispositif qui, en accordant des exonérations de cotisations, incite les patrons à maintenir leurs employés sous un certain niveau de salaire, pour éviter de passer le seuil au-delà duquel ils devraient de nouveau payer des cotisations sur les salaires.

Il serait préjudiciable pour les finances de la sécurité sociale et le bien-être des salariés français que leurs revenus soient limités par des effets de seuil qui conduisent leurs employeurs à préférer leur limitation.

Nous proposons donc de supprimer cet article.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. L’article 8 est au cœur de la politique du Gouvernement : il s’agit de relancer la compétitivité de nos entreprises pour permettre de pérenniser ou de créer des emplois dans notre pays. Car la relance de l’emploi est la première des solidarités. La suppression du CICE au profit d’un abaissement des cotisations patronales nous semble le mécanisme le plus simple, le plus lisible, le plus stable et donc le plus efficace pour arriver à cette fin. Vous comprendrez donc que nous soyons attachés au maintien de cet article…

M. Dominique Da Silva. Il est tout de même fascinant d’entendre contester une baisse des cotisations sociales de 6 %, voire, à terme, de 10 %, en parallèle à la défense des contrats aidés, exonérés pour certains à 85 %… Est-il bon ou non de baisser les cotisations sociales ? En tout cas, on ne peut tenir sur ce point un double langage.

M. Pierre Dharréville. Je me sens interpellé… Ne mélangeons pas tout. Nous ne manquons pas de critiquer les contrats aidés : nous préférons les emplois stables. Mais nous contestons la suppression brutale des emplois aidés, car elle met leurs bénéficiaires dans des situations difficiles et les dégâts vont être colossaux, comme j’ai pu m’en apercevoir la semaine dernière au cours d’une réunion dans ma circonscription : l’émotion est grande. Vous n’avez pas mesuré l’impact social de la mesure que vous avez prise.

M. Gilles Lurton. C’est vrai !

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement AS240 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Adrien Quatennens. Avec l’article 8, vous prévoyez de baisser un peu plus les cotisations sociales, qui ne sont rien d’autre que du salaire socialisé et différé. Nous nous y opposons fermement.

Comme nous l’avons déjà exposé au sujet de l’amendement précédent, ce dispositif destiné à alléger le prétendu « coût du travail » des salariés les moins qualifiés est une véritable trappe à bas salaires, y compris pour les salariés qualifiés et diplômés. En vous attaquant au code du travail, vous avez renvoyé à l’entreprise les questions relatives à l’évolution des salaires. Quoique nous ayons bon espoir de perpétuer la bataille contre les ordonnances, qui n’est pas terminée, nous nous inquiétons de l’argument supplémentaire que vous donnez aux patrons pour ne pas augmenter le salaire de leurs employés : « Pourquoi voudrais-tu être augmenté de 50 euros si, en t’augmentant, je perds le bénéfice de l’exonération de mes cotisations patronales ?».

Ces dispositifs grèvent fortement les finances publiques et privent l’État de financement apporté sur les services publics. Nous nous opposons à la philosophie de ces dispositifs d’exonération et, plus encore, à cette nouvelle disposition.

M. le rapporteur général. Si j’étais taquin, monsieur Quatennens, je dirais que la logique de votre propos devrait vous amener à demander l’extension du CICE au-delà du plafond de 2,5 SMIC… Mais je doute que ce soit l’objectif de votre amendement.

Lorsque le CICE a été mis en place, à la suite de la crise économique et bancaire, sous le mandat précédent, les carnets de commandes étaient vides, les redressements et les liquidations judiciaires se multipliaient : un nombre colossal d’entreprises vivaient une situation dramatique sur le plan de l’emploi. Le pacte de compétitivité, la mise en place du CICE ont tout de même permis à des entreprises de sortir la tête de l’eau, en baissant le coût du travail. Des emplois ont pu être maintenus, d’autres ont pu être créés. Là où je vous rejoins, c’est que la compétitivité-coût ne suffit pas ; il faut aussi la compétitivité-qualité. Il est donc nécessaire d’avoir une vraie démarche d’éducation, de recherche, d’enseignement supérieur, d’innovation… D’autres outils fiscaux sont disponibles pour cela, qui n’entrent pas dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il faut donc les deux jambes, la compétitivité par les coûts et la compétitivité par la qualité pour arriver à créer de l’emploi. C’est l’objectif qui nous anime tous en tant que parlementaires. Avis défavorable.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Monsieur Quatennens, avez-vous employé des personnes ? Êtes-vous entrepreneur ? Il arrive que des employés reçoivent un salaire modeste, tout simplement parce que les personnes qui les emploient n’ont pas de moyens très importants. Et les employeurs qui voudraient employer davantage, ne le peuvent pas toujours. J’en ai fait moi-même l’expérience : mon mari, qui est agriculteur, est tombé malade. Il ne touchait pas d’indemnité maladie et devait impérativement employer quelqu’un pour le remplacer. Mais il ne pouvait pas, car les charges patronales étaient trop importantes.

M. Adrien Quatennens. Parlons s’il vous plaît de cotisations, non de charges !

M. Francis Vercamer. Le groupe des Constructifs, plutôt favorable à une baisse des charges, ne votera donc pas en faveur de cet amendement. Néanmoins, l’argument utilisé sur l’effet de seuil est audible : c’est un vrai problème. Le fait de perdre le bénéfice des exonérations sitôt passées un certain seuil a tendance à bloquer les rémunérations et à créer des trappes à bas salaires. Cette réflexion doit être prise en compte dans le cadre des baisses de charges pour éviter cet effet pervers.

M. Sylvain Maillard. Effectivement, le CICE pose une réelle difficulté à cause des effets de seuil. C’est pourquoi nous avons pour souci de mettre fin à ce système.

Par ailleurs, monsieur Quatennens, puisque vous parlez de « prétendus » différentiels et de « prétendus » coût élevés du travail par apport à des pays comparables, je tiens à souligner que le niveau de cotisations patronales, pour le même salaire, est en France de 42 %, contre 22 % en Allemagne… Cela explique la perte de compétitivité de nos entreprises et, à terme, de l’emploi.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS60 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Je vous propose de faire réellement baisser le coût du travail pour les entreprises et non, comme vous le proposez, d’alourdir de 8 milliards d’euros la fiscalité qui pèse sur elles.

Le Gouvernement propose de transformer le CICE en baisses de cotisations patronales. Sur le principe, ce choix serait le bon, puisqu’il permet de pérenniser ce soutien aux entreprises. Mais dans le même temps, par ce basculement, vous renchérissez le coût du travail par deux biais. Premièrement, vous abaissez le taux du CICE de 7 % à 6 %, si bien que l’allégements de cotisations se fera sur la base d’un CICE à 6 % et non à 7 %. Les entreprises y perdront 3,1 milliards d’euros. Deuxièmement, la transformation du CICE en allégements de charges aura pour effet d’élargir l’assiette de l’impôt sur les sociétés, les cotisations patronales en étant déductibles, et donc d’alourdir la fiscalité sur les entreprises. Selon Rexecode, la perte serait de l’ordre de 5 milliards d’euros pour les entreprises.

Cette mesure, que le Gouvernement présente comme une avancée pour les entreprises, aura donc plutôt pour effet de faire peser sur elles 8 milliards d’euros de fiscalité supplémentaire.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. S’agissant de la baisse du coût du travail pour les entreprises, n’oublions pas de dire qu’en 2019, il y a une double baisse de charges, via le CICE et les mesures prévues dans cet article 8 : ce sera donc une année phare pour les entreprises. D’ici à 2022, le mécanisme aura trouvé son rythme de croisière, de sorte que la totalité des entreprises seront gagnantes à la bascule que nous opérons aujourd’hui.

Vous proposez d’étendre le CICE jusqu’à 3,5 SMIC de façon à englober dans son champ des ingénieurs et des chercheurs. Vous proposez aussi de baisser de 7 % plutôt que de 6 % les cotisations patronales, en indiquant vous-même que cela entraîne un allégement du coût de travail de 13 milliards d’euros supplémentaires, en sus des 23 milliards d’euros d’allégement déjà prévus par le CICE. Une bagatelle ! Cela correspondrait exactement à un point d’augmentation de la CSG – ou à 0,7 point d’augmentation de la TVA, puisque vous proposez de financer cet allégement du coût du travail par une telle augmentation, ce qui grèverait la consommation et le budget des ménages de façon massive.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS241 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Adrien Quatennens. Nous venons d’intervenir sur la question des trappes à bas salaires et je pense que nous nous sommes bien fait comprendre.

Nous proposons maintenant, par l’amendement AS241, de supprimer les exonérations de cotisations patronales. Ce dispositif a coûté très cher à l’État, plus de 67 milliards d’euros. Combien de logements sociaux non financés, combien de services hospitaliers fusionnés, combien de fleurons industriels abandonnés, combien de commissariats et de tribunaux non rénovés ?

Pourtant, dans son rapport, France Stratégie estime que le CICE a eu un effet minime sur l’emploi. Il n’aurait permis la sauvegarde ou la création que de 10 000 à 200 000 emplois, selon les estimations, soit un coût pour les finances publiques de 335 000 euros par emploi dans le meilleur des cas. C’est huit fois plus que le coût d’un emploi créé par le passage aux 35 heures.

Nous vous proposons de revenir à la raison budgétaire et de faire preuve de sérieux, en supprimant ce dispositif d’exonération.

M. le rapporteur général. C’est votre interprétation du rapport de France Stratégie… Entre les 10 000 emplois avancés et le million d’emplois promis par le Mouverment des entreprises de France (MEDEF), il y a sans doute un juste milieu. Le nombre d’emplois créés ou pérennisés est probablement beaucoup plus élevé que ce que vous soutenez. Nous sommes pour ce qui nous concerne plutôt d’avis de pousser sur la voie du « CICE simplifié », comme le propose l’article 8. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 8 sans modification.

*

*     *

Après l’article 8

La commission examine, en discussion commune, les amendements AS245 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS213 de M. Pierre Dharréville.

Mme Caroline Fiat. Notre amendement AS245 propose de créer une contribution de solidarité des actionnaires pour financer l’adaptation de la société au vieillissement.

En mettant à contribution les dividendes versés aux actionnaires à hauteur de 0,3 %, comme pour les retraités avec la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), nous pourrions ainsi augmenter de plusieurs centaines de millions d’euros le budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

La CNSA est chargée de financer les aides en faveur des personnes âgées en perte d’autonomie et des personnes en situation de handicap, de garantir l’égalité de traitement sur tout le territoire et pour l’ensemble des handicaps et des situations de perte d’autonomie, d’assurer une mission d’information et d’animation de réseau, d’information des personnes âgées, des personnes en situation de handicap et de leurs familles, d’assurer un rôle d’expertise et de recherche sur les questions liées à l’accès à l’autonomie, quels que soient l’âge et l’origine du handicap.

Au regard, notamment, du rapport de la « mission flash » sur les EHPAD, nous estimons plus que nécessaire d’augmenter le budget alloué aux aides aux personnes âgées en perte d’autonomie ainsi qu’aux personnes en situation de handicap.

M. Pierre Dharréville. Il est, à mon sens, impropre de parler de « coût du travail » : le travail étant un investissement, c’est lui qui produit des richesses. En revanche, on peut parler de coût du capital : c’est ce que fait mon amendement AS213, qui propose de créer une contribution de solidarité des actionnaires pour financer l’adaptation de la société au vieillissement. Il y a là, sans doute, de l’argent à rendre utile. En mettant à contribution les dividendes versés aux actionnaires à hauteur de 0,3 %, comme pour les retraités avec la CASA, nous pourrions retrouver près de 600 millions d’euros pour le financement de la CNSA.

M. le rapporteur général. Il est louable de vouloir financer la CNSA. Nous partageons cet objectif. Je note en revanche que vous revenez en deuxième semaine pour reprendre d’une main ce que nous avions accordé de l’autre à travers le CICE, en voulant prélever les bénéfices et les dividendes des entreprises. Comme vous l’aurez compris, c’est contraire à la philosophie du Gouvernement, qui propose de renforcer le maintien et la création d’emplois dans nos entreprises. Nous avons vraiment besoin de ces emplois. Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Vous annonciez tout à l’heure vouloir taxer le capital ; je m’efforce de faire des propositions, mais je vois qu’elles ne trouvent pas preneur.

La commission rejette successivement les deux amendements.

La commission est saisie de l’amendement AS7 de Mme Bérengère Poletti.

M. Gilles Lurton. La loi de finances rectificative pour 2015 a modifié la définition du zonage de revitalisation rurale, avec une entrée en vigueur le 1er juillet 2017.

Aujourd’hui, les conséquences de cette réforme pour les territoires se précisent : les élus locaux connaissent sur le territoire des situations dramatiques, avec des communes soudainement exclues du dispositif en raison d’un effet de seuil qui pénalise tout un territoire pour quelques euros.

Cette décision imposée est injuste et très préjudiciable pour nos territoires, quand certains s’en retrouvent exclus à cause d’un écart minime avec les nouveaux critères : cela décourage l’investissement dans nos campagnes, empêche le développement économique des communes et centres bourgs et vient mettre un coup d’arrêt aux ambitions de développement rural, en périphérie des grandes villes.

Cette nouvelle application du dispositif de zonage de revitalisation rurale vient aggraver la crise de la ruralité sans précédent que connaît déjà la France depuis plusieurs années. Afin d’éviter des effets de seuils pénalisants pour nos territoires, l’amendement AS7 vise donc à mettre en place un arbitrage gouvernemental pour décider de l’inclusion ou de l’exclusion dans le zonage ZRR des communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre se situant dans la fourchette basse ou haute de 1 % maximum autour des deux critères prédéfinis pour la qualification de ces zones.

M. le rapporteur général. Sur le fond, en proposant de rehausser le seuil actuel de 1 %, vous remplacez en fait un effet de seuil par un autre effet de seuil.

Sur la forme, le placement de cet amendement dans un PLFSS me paraît contestable ; cette mesure, qui modifie le code général des impôts, relève davantage d’une loi de finances. Enfin, le Gouvernement vient d’ailleurs d’entamer une large concertation en vue de réviser le soutien aux ZRR en 2019 : comme on le dit en milieu rural, ne mettons pas la charrue avant les bœufs ! Je vous suggère de retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Gilles Lurton. Cet amendement avait été préparé par Mme Poletti ; je le maintiens.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS246 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Adrien Quatennens. Avec ce PLFSS, le Gouvernement affaiblit un peu plus la sécurité sociale, en entendant lui imposer près de 4 milliards d’euros d’économies dès 2018. Qui peut vouloir imposer ces économies quand on sait qu’un Français sur deux refuse de se soigner en raison du coût des soins ? Qui peut vouloir imposer ces économies quand le service public hospitalier ne survit bien souvent que grâce au dévouement des praticiens, littéralement poussés à bout ? Ces économies ne sont pas admissibles quand des milliers de personnes âgées, mais aussi de personnels, souffrent en EHPAD.

Personne ne peut vouloir imposer ces économies, et il convient au contraire de restaurer notre système de santé. Plutôt que d’augmenter la CSG des retraités, nous proposons d’instaurer une contribution sur les revenus du patrimoine et une contribution sur les produits de placement. Le principe de la sécurité sociale n’est-il pas que chacun cotise selon ses moyens et reçoive selon ses besoins ?

Les revenus des Français les plus fortunés ont augmenté de 20 % au cours des cinq dernières années. La France détient le record européen du nombre de millionnaires, et les dividendes vont atteindre le montant inégalé de 10 milliards d’euros en 2017. Les Français fortunés peuvent bien participer à la solidarité et au maintien de la cohésion nationale. Pour justifier l’augmentation de la CSG, vous avez avancé pour seul argument qu’elle fiscaliserait le capital. Pour répondre à votre préoccupation, nous vous faisons une proposition de fiscalisation du capital qui ne pénalisera ni les retraités, ni les fonctionnaires, ni les indépendants.

M. le rapporteur général. Vous partez du principe que ni les retraités, ni les fonctionnaires, ni les indépendants n’ont des revenus tirés du patrimoine ou de produits de placement, ce dont je doute fort.

Je m’étonne qu’après avoir refusé de voter l’augmentation de la CSG à l’article 7, vous proposiez une taxe de 5 % sur tous les revenus du capital et de placement, afin de financer la sécurité sociale. Le mécanisme de la CSG, dont l’assiette est plus large que l’assiette des seuls salaires, aurait dû avoir vos faveurs…

Je rappelle enfin, sous réserve du vote qui devrait intervenir demain, que le budget de la santé va augmenter de près de 4,6 milliards d’euros en 2018 par rapport à 2017.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS217 de M. Thierry Benoit.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Dans la continuité de l’exonération de charges pour les travailleurs saisonniers, le présent amendement a pour objet d’étendre aux salariés permanents de la production agricole le dispositif d’exonération de cotisations sociales patronales de toutes les filières de l’élevage et des fruits et légumes, afin de renforcer la compétitivité de l’agriculture française et l’employabilité de salariés sur les exploitations.

M. le rapporteur général. Cet article additionnel aboutirait à étendre l’exonération de cotisations patronales dont bénéficient les travailleurs agricoles occasionnels à l’ensemble des salariés agricoles. Ce dispositif massif et non chiffré viendrait s’ajouter, d’une part, à l’ensemble des dispositifs existants : les allégements généraux dits « Fillon », la déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires, l’exonération de cotisations accidents du travail pour les groupements d’employeurs, l’exonération de cotisations patronales liées à l’emploi à domicile, l’exonération de cotisations patronales sur les comptes épargne temps, les plans d’épargne pour la retraite collective ou de certains congés, ainsi qu’à la modulation de la cotisation d’allocations familiales, etc., et aux autres mesures proposées dans le cadre de ce PLFSS et que nous venons de voter en faveur des salariés agricoles.

En raison des effets vraisemblablement massifs et insuffisamment évalués, d’un tel dispositif, je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Je le maintiens.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS96 de M. Jean-Pierre Door.

M. Bernard Perrut. La transformation du crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en un allégement de cotisations, prévue pour 2019 par l’article du 8 du PLFSS, doit permettre de pérenniser et de simplifier un dispositif reconnu essentiel à la compétitivité des entreprises.

Or, les modalités de cette transformation vont fortement renchérir le coût du travail pour certaines entreprises et certains secteurs, en raison de la baisse prévue pour 2018 de 7 % à 6 % du CICE puis, pour 2019, de la hausse de l’impôt sur les sociétés (IS), compte tenu de l’élargissement de son assiette. À cela, il faut ajouter l’impact sur la participation et l’intéressement. La diminution du taux normal de l’IS annoncée par le Gouvernement sera donc insuffisante pour compenser ce surcoût.

Dans ce contexte, il peut être proposé d’atténuer ces effets en portant de 20 % à 16 %, à compter du 1er janvier 2019, le taux du forfait social s’appliquant sur les sommes versées au titre de l’intéressement, du supplément d’intéressement et de l’intéressement de projet, les sommes versées au titre de la participation et du supplément de réserve spéciale de participation, ainsi que des plans d’épargne pour la retraite collectifs (PERCO).

De fait, la hausse de la participation versée par les employeurs estimée à 1 million d’euros, et dont bénéficieront les salariés, ne correspondrait pas à une amélioration des performances de l’entreprise mais à un simple effet mécanique lié à l’élargissement de l’assiette.

M. le rapporteur général. Toutes ces modifications de taux que vous proposez dans votre amendement auraient un coût très conséquent, que vous proposez de gager sur les recettes du tabac et de l’alcool… Vous ne serez pas étonné que j’émette un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques AS101 de M. Jean-Pierre Door et AS172 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

M. Jean-Pierre Door. La loi Macron du 6 août 2015 a prévu l’application temporaire d’un taux de forfait social réduit – 8 % au lieu de 20 % – pour les entreprises de moins de 50 salariés concluant pour la première fois un accord de participation ou un accord d’intéressement.

Mon amendement AS101 vise à étendre le bénéfice de cette mesure aux entreprises de moins de 50 salariés mettant pour la première fois en place un plan d’épargne salariale, c’est-à-dire un plan d’épargne d’entreprise de droit commun (PEE) ou un plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO). En l’état actuel, du fait que le PEE et le PERCO sont exclus du dispositif, de nombreuses petites entreprises se trouvent injustement privées d’allégements de charges sur les accords de participation ou d’intéressement.

Par ailleurs, cette mesure ne diminuerait en rien les ressources publiques : au contraire, elle permettra de nouvelles recettes, puisque le dispositif ne s’applique qu’aux entreprises n’ayant jamais mis en place de PEE ou de PERCO auparavant. Cet amendement va donc dans le bon sens et vous êtes obligé de lui donner un avis favorable, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)

M. le rapporteur général. Malheureusement, j’ai l’esprit de contradiction et j’émettrai donc un avis défavorable, monsieur Door ! Plus sérieusement, faire passer de 20 % à 8 % le taux de forfait social pour les plans d’épargne salariale aurait un coût extrêmement important.

M. Jean-Pierre Door. C’était prévu !

M. le rapporteur général. Si on commence à gager des mesures comme celle-ci, sans même discuter du fond, sur les recettes du tabac et de l’alcool, comme on le fait souvent dans les PLFSS – je l’ai fait moi-même, je l’avoue –, on va se retrouver avec un budget complètement déséquilibré ; et l’année prochaine, vigilant comme je vous connais, monsieur Door, vous viendrez nous faire remarquer que nous n’avons pas respecté nos engagements budgétaires.

Il me paraît difficile de s’exposer aujourd’hui à de telles pertes de recettes ; c’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. Jean-Pierre Door. Mais cette mesure procure des recettes supplémentaires !

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Mon amendement identique AS172 a été brillamment défendu par mon collègue, mais mal interprété par M. le rapporteur général : cette mesure a bien pour effet de procurer des recettes supplémentaires.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine les amendements identiques AS211 de M. Pierre Dharréville et AS239 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Pierre Dharréville. L’amendement AS211 vise à supprimer les exonérations de cotisations sociales patronales sur les bas salaires – ce que l’on a appelé « la réduction Fillon » –, qui auront grevé le budget de la sécurité sociale de 21 milliards d’euros en 2017 selon l’annexe 5 du PLFSS. On a évoqué tout à l’heure le mécanisme de trappe à bas salaires que provoque ce type de mesure. Par ailleurs, au regard de la crise des ressources de la protection sociale, il est essentiel de trouver des recettes nouvelles afin de répondre correctement aux besoins de nos concitoyens en matière de santé.

M. Adrien Quatennens. Les exonérations par tranches de salaire entrent sérieusement en contradiction avec le principe même de la sécurité sociale. Jusqu’à preuve du contraire, notre système d’assurance sociale permet aux travailleurs de s’assurer et d’assurer leurs familles, ainsi que les populations fragiles, avec le soutien des cotisations patronales. Le fait que des catégories entières du salariat se trouvent écartées de ce système aboutit à la création de plusieurs catégories de travailleurs : d’une part, les moyens et les hauts salaires, pour lesquels chacun paye ce qu’il doit ; d’autre part, les bas salaires, que l’on prive du salaire socialisé, qui constituent l’ensemble des cotisations.

Si nous parlons de baisse du pouvoir d’achat, monsieur le rapporteur, c’est bien parce que les cotisations constituent une part du salaire et, à créer des catégories de salariés dont le statut est différent face aux finances de la sécurité sociale, nous glissons sur une pente dangereuse.

Avant toute question de principe, ce type de mesure joue, à moyen et à long terme, en faveur de la baisse du pouvoir d’achat des Français, car leurs employeurs seront, de fait, incités à les payer au niveau du SMIC ou à un salaire à peine plus élevé. À terme, les salariés seront donc perdants avec cette réforme, tout comme les finances de la sécurité sociale. Le seul gagnant, c’est le patronat, et cette fameuse baisse du coût du travail n’a pour l’instant pas fait ses preuves en termes de création d’emplois.

Ne serait-il pas temps que Pierre Gattaz nous rende son pin’s « Un million d’emplois » et que vous laissiez enfin tomber ces politiques d’exonération qui ne donnent pas de résultat ?

M. Pierre Dharréville. Il peut bien garder son pin’s, mais qu’il rende l’argent !

M. le rapporteur général. Ces amendements auraient pour effet d’alourdir le coût du travail de près de 25 milliards d’euros par an.

M. Adrien Quatennens. Vous ne parlez pas du coût du capital !

M. le rapporteur général. Chacun doit bien comprendre qu’un tel alourdissement du coût du travail n’aurait pas un impact très favorable en matière de création et de maintien des emplois.

M. Adrien Quatennens. Le travail n’est pas un coût !

M. le rapporteur général. J’ai évoqué tout à l’heure l’équilibre entre le million d’emplois promis par le MEDEF et les 10 000 emplois auxquels vous faisiez allusion. Pour ce qui me concerne, j’ai arrêté de collectionner les pin’s depuis l’âge de douze ans… Au-delà des symboles, il me paraît surtout important de faire progresser la situation de l’emploi dans notre pays. Je suis donc très défavorable à ces amendements.

La commission rejette ces amendements.

Elle est saisie de l’amendement AS272 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. En France, cinquième puissance économique mondiale, les femmes gagnent 27 % de moins que les hommes, à compétence, qualification et ancienneté équivalentes. Constatant que malgré les lois successives en matière d’égalité professionnelle, les écarts en termes de salaire ne se sont pas réduits, nous considérons qu’étendre à toutes les entreprises l’obligation d’adopter un plan contre les inégalités de salaire et de carrière entre les hommes et les femmes, avec obligation de résultat, devrait être l’une des exigences de votre gouvernement.

Par ailleurs, le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle a montré que l’égalité entre les hommes et les femmes allait considérablement pâtir de la casse du code du travail par ordonnances. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons de corriger l’erreur du Gouvernement en supprimant les exonérations de cotisations sociales patronales des entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d’égalité salariale.

M. le rapporteur général. Vous proposez que l’allégement général soit repris dans son intégralité aux entreprises en cas d’absence d’accord d’entreprise sur l’égalité entre les femmes et les hommes – c’est en tout cas ce que je comprends de votre amendement, car vos références au code du travail, qui a beaucoup évolué ces derniers temps, ne sont pas toujours très claires.

Sur le fond, la sanction que vous proposez est très rude, alors même que des sanctions sont déjà prévues en cas de non-respect de la négociation obligatoire sur les salaires effectifs. Il existe aujourd’hui un mécanisme gradué, pour en assurer l’effectivité – à la différence de votre dispositif, qui semble un peu brutal –, étant précisé que l’égalité entre les femmes et les hommes constitue un objectif auquel je souscris pleinement, comme chacun de nous sans doute.

Le dispositif actuel est constitué d’une sanction prévue par l’article L. 2247 du code du travail : 10 % de l’allégement général si aucun manquement n’a été constaté au cours des six dernières années, et 100 % si un manquement a déjà été constaté sur la même période. Dans les deux cas, l’application est limitée à trois années de rémunérations.

Au dispositif que vous proposez, je préfère l’arsenal actuel, plus progressif. Il faut également accompagner, inciter fortement et faire preuve d’une grande vigilance auprès des entreprises afin de s’assurer qu’elles accomplissent bien cet effort indispensable : en effet, il est choquant qu’en 2017, il subsiste un tel écart de rémunération entre les femmes et les hommes. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Thomas Mesnier. Comme vient de le dire le rapporteur général, cette proposition semble un peu rude. Je remercie néanmoins nos collègues de la France insoumise de donner l’occasion de rappeler que l’égalité entre les femmes et les hommes est la grande cause nationale du quinquennat, et que le Gouvernement va lancer prochainement le Tour de France de l’égalité. Il va être mis en place une formation de bonnes pratiques d’égalité pour les entreprises les moins respectueuses des engagements à tenir dans ce domaine ; le secrétariat d’État s’est procuré la liste des dix entreprises les moins performantes en termes d’égalité. La République en marche a décidé que celles qui ne se rendraient pas à ces formations feraient l’objet du fameux name and shame, c’est-à-dire que leur nom serait divulgué, ce qui devrait être assez dissuasif.

Mme Caroline Fiat. Puisque vous trouvez choquant que les femmes gagnent moins que les hommes, je ne comprends pas que vous trouviez trop rude une sanction destinée à mettre fin à cet état de fait : si l’employeur peu soucieux d’égalité s’expose, par ses pratiques, à une suppression de ses exonérations de cotisations patronales, ce qui risque de lui coûter cher, il sera d’autant plus enclin à modifier son comportement et à faire en sorte que les femmes gagnent autant que les hommes. En votant cet amendement, nous atteindrons forcément l’objectif recherché, car il est certain qu’aucune entreprise ne voudra s’exposer à une sanction financière. Nous pouvons y arriver tous ensemble, mes chers collègues !

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS42 de M. Thibault Bazin.

M. Bernard Perrut. Depuis peu, les élus territoriaux sont obligés de cotiser à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) pour la retraite. Or beaucoup d’élus locaux sont retraités du régime général ou amenés à prendre leur retraite durant leur mandat. La cotisation se fait donc à fonds perdus, si l’on peut dire, puisque le cumul emploi-retraite ne donne pas de nouveaux droits – or ce sont les collectivités qui supportent le poids de la cotisation.

Cet amendement vise donc à exonérer les collectivités de cotisation quand l’élu est déjà à la retraite, afin d’atténuer la charge des collectivités territoriales et de répondre ainsi à une préoccupation que nous sommes nombreux à partager.

M. le rapporteur général. La préoccupation essentielle que nous devons partager, c’est le respect du droit commun et de l’égalité entre tous les citoyens. Si nous adoptions cet amendement, les élus seraient les seuls à ne pas cotiser à perte après avoir liquidé leurs droits à la retraite, ce qui irait à rebours de ce que nous essayons de mettre en œuvre collectivement depuis 2013, en faisant en sorte que les élus ne bénéficient pas d’un régime spécial, mais aient les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres Français. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS97 de M. Jean-Pierre Door.

M. Bernard Perrut. Un certain nombre d’entreprises ont vu leur contribution sociale de solidarité (C3S) progressivement supprimée en 2015 et 2016. Le précédent gouvernement a finalement remplacé la suppression totale de la C3S par une hausse du taux du CICE, passé de 6 % à 7 %. Pour compenser la baisse du taux du CICE, ramené de 7 % à 6 % en 2018 dans le cadre du projet de loi de finances, il pourrait être proposé a maxima de supprimer le reliquat de C3S pour un montant sensiblement équivalent – c’est l’objet de l’amendement AS97.

Toutefois, conscients qu’il est difficile de réviser l’équilibre budgétaire souhaité par le Gouvernement, nous proposons a minima, comme signal positif, une augmentation progressive de l’abattement sur les cinq années à venir, avec une suppression de la C3S programmée en 2023, ce qui permettra aux finances publiques d’amortir cette suppression. Par ailleurs, la progressivité de l’abattement assurera une exclusion de l’imposition pour les très petites entreprises (TPE), puis les petites et moyennes entreprises (PME) – ce sera l’objet de l’amendement AS98.

M. le rapporteur général. Qu’il s’agisse de supprimer la C3S en une seule fois ou de façon progressive jusqu’en 2023, le coût d’une telle mesure est énorme, puisqu’il s’élève à près de 4 milliards d’euros, à nouveau gagés par des recettes sur le tabac et l’alcool.

Je vous invite à voir le verre à moitié plein en considérant que nous avons pris, à l’article 8, l’engagement d’abaisser l’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % en fin de quinquennat afin de revenir vers la moyenne européenne en matière d’imposition sur les sociétés, et qu’il est ainsi déjà accompli un effort important pour permettre aux entreprises d’employer des salariés dans les meilleures conditions.

Pour ce qui est de vos amendements, j’y suis défavorable – d’autant qu’ils auront pour effet de n’épargner que les grands groupes.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS98 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. LA C3S a été progressivement supprimée pour certaines entreprises en 2015 et 2016. Le précédent gouvernement a finalement remplacé la suppression totale de la C3S par une hausse du taux du CICE, passé de 6 % à 7 %.

Nous sommes évidemment attentifs à l’équilibre budgétaire ; c’est pourquoi nous vous proposons, avec l’amendement AS98, une solution a minima consistant en une augmentation progressive de l’abattement, porté de 6 % à 7 % sur les cinq ans à venir, avec une suppression de la C3S programmée pour 2023.

M. le rapporteur général. Un coût de 3,7 milliards d’euros, même réparti sur cinq ans, provoque tout de même un déséquilibre budgétaire important. Je vous confirme donc émettre un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS244 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Caroline Fiat. Nous prenons acte de la fiscalisation des recettes des comptes publics de la sécurité sociale voulue par la majorité gouvernementale et renforcée par ce PLFSS 2018. Cependant, nous proposons d’instaurer une contribution sociale annuelle de solidarité sur la fortune, reprenant dans le code de la sécurité sociale le dispositif de l’ISF que le Gouvernement et la majorité parlementaire veulent supprimer du code général des impôts avec leur projet de budget des riches.

Ayant mauvaise conscience à proposer la suppression de l’ISF, qui coûte cher au Gouvernement en points de popularité, vous tentez de corriger le tir en taxant les yachts et le caviar dans le PLF, alors qu’il y a beaucoup mieux à faire. Avec l’amendement AS244, nous vous proposons en effet un ISF social qui constituerait une mesure de justice sociale faisant porter l’effort sur celles et ceux qui sont en meilleure santé financière depuis dix ans, et nous donnerait l’occasion de créer un dispositif encore plus efficace que l’ISF que vous avez amputé.

En effet, le principal grief évoqué contre l’ISF est qu’il provoquerait la fuite de nos talents, qui rechignent à sacrifier une partie de leurs revenus au budget de l’État. Les personnes concernées ne seraient-elles pas plus sensibles à leurs obligations fiscales si elles savaient qu’elles ont désormais pour objet principal de permettre aux Français de disposer d’un système de santé à la qualité restaurée, digne de la sécurité sociale que le monde nous envie ? Nous le pensons, c’est pourquoi nous vous proposons cette contribution sociale de solidarité sur la fortune.

M. le rapporteur général. Si j’étais taquin, madame Fiat, je vous dirais que c’est vous qui devriez avoir mauvaise conscience – écologique, en l’occurrence – en proposant un amendement de vingt-cinq pages… Mme la présidente a été fort bien inspirée en décidant que, pour la première fois, les liasses d’amendements en papier ne seraient pas distribuées au cours de notre réunion !

Plus sérieusement, je trouve que vous faites preuve d’un certain conservatisme en reprenant le dispositif qui vient d’être supprimé du PLF pour le recréer dans le cadre du PLFSS et en affecter les recettes à la sécurité sociale. Cette commission n’est pas le lieu pour débattre de la suppression de l’ISF, même si nous pourrions évoquer la finalité de cette mesure, qui ne vise pas à permettre à certains contribuables de payer moins, mais à réorienter l’épargne des Français vers l’économie réelle, afin de soutenir les PME en croissance et à l’export. Chacun de nous connaît dans sa circonscription des tas d’exemples d’entreprises qui ont été soutenues, grâce à l’argent public, dans leurs efforts en matière de recherche et d’innovation, qui ont pu bénéficier d’une levée de fonds auprès de la Banque publique d’investissement et profiter de la dynamique d’un incubateur. En ce moment, cela fonctionne bien, car lorsqu’une une entreprise a besoin de lever 15 millions d’euros pour exporter et créer ainsi de l’emploi, elle trouve très peu d’investisseurs privés disposés à prêter une telle somme. La finalité de la réforme est là : permettre aux entreprises qui en ont besoin de disposer de capitaux destinés à soutenir l’économie réelle. Dans les pays où cela a été mis en œuvre, cela a fonctionné. Je n’ai pas envie de me demander s’il vaut mieux regarder la girafe ou ses taches, mais plutôt de me concentrer sur l’objectif et les moyens d’y parvenir, et je pense que ce projet le permet, c’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement, le plus copieux qu’il me soit arrivé de lire…

M. Dominique Da Silva. On oublie un peu trop souvent que la filière du luxe emploie énormément de salariés en France et qu’elle constitue même, à ce titre, l’une de ses principales richesses. Pour ma part, je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 8
Prolongation des conditions d’assujettissement du congé de fin d’activité des conducteurs routiers au forfait social

La commission en vient à l’amendement AS394 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Les conducteurs routiers peuvent bénéficier depuis 1996 d’un congé de fin d’activité qui fait l’objet d’un accord entre partenaires sociaux. Le dernier accord, signé le 19 avril 2017, prévoit notamment le maintien du taux de forfait social existant en échange de l’engagement des employeurs de négocier le dispositif de gestion des fins de carrière.

Le précédent accord avait déjà été sécurisé au niveau législatif, notamment pour éviter des redressements intempestifs par certaines URSSAF isolées. Je vous propose par cet amendement de faire de même pour cet accord de 2017 qui convient aussi bien au Gouvernement qu’aux employeurs et aux salariés.

La plupart des dispositifs de préretraite sont soumis à un forfait social très élevé – le taux est de 50 % – en vue de dissuader les employeurs d’y recourir. S’agissant des conducteurs routiers, je souhaiterais insister sur le fait que ce forfait social n’est pas applicable depuis l’origine au dispositif de congé de fin d’activité – l’ACOSS aura l’occasion de le rappeler par voie de circulaire à son réseau.

Afin d’éviter toute remise en cause de cet accord équilibré, il me semble que nous devons prolonger le dispositif de l’année dernière pour laisser le temps au secteur de se réorganiser. Notre objectif est qu’il n’ait plus recours à ces mécanismes.

Vous l’aurez compris, il s’agit d’une mesure en faveur des entreprises de transport routier et de leurs salariés.

La commission adopte l’amendement.

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Article 9
Exonération généralisée de cotisations sociales pour les créateurs ou repreneurs dentreprises

L’article 9 prévoit une « année blanche » de cotisations sociales pour les créateurs ou repreneurs d’entreprises débutant leur activité à compter du 1er janvier 2019.

Prenant la forme d’un élargissement de l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise (ACCRE), l’exonération intégrale serait ouverte aux entrepreneurs dont le revenu annuel net est inférieur à 30 000 euros. Elle serait ensuite dégressive jusqu’à 40 000 euros.

En parallèle, les micro-entrepreneurs bénéficieront d’une exonération dégressive durant leurs trois premières années d’activité.

Au total, 350 000 entrepreneurs supplémentaires – dont 280 000 nouveaux micro-entrepreneurs – devraient bénéficier de cet élargissement de l’ACCRE, s’ajoutant aux bénéficiaires actuels. La moindre recette générée par le dispositif d’exonération est évaluée à 310 millions d’euros en 2021, cette somme étant neutre pour les organismes de sécurité sociale car compensée par l’État.

I.   Les aménagements successifs de l’accre

1.   Un dispositif de soutien à la création d’entreprise par les demandeurs d’emploi

a.   Le public éligible à l’ACCRE

L’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise (ACCRE) a été créée par la loi du 3 janvier 1979 comme un dispositif de soutien financier aux nouveaux entrepreneurs sortant de période de recherche d’emploi ([156]).

Progressivement élargie, elle s’adresse désormais :

– aux demandeurs d’emploi indemnisés et à ceux non-indemnisés et inscrits à Pôle emploi six mois au cours des dix-huit derniers mois ;

– aux bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) ou du revenu de solidarité active (RSA) ;

– aux personnes âgées de 18 à 26 ans ;

– aux personnes de moins de 30 ans reconnues travailleurs handicapés par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ;

– aux personnes salariées ou licenciées d’une entreprise en situation de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires ;

– aux entrepreneurs créant ou reprenant une activité implantée dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ;

– aux bénéficiaires d’un contrat d’appui au projet d’entreprise ou du complément de libre choix d’activité.

b.   Le champ, le montant et la durée de l’exonération

● L’exonération porte sur les cotisations d’assurance maladie, maternité, veuvage, invalidité et décès et d’allocations familiales, que son bénéficiaire relève d’un régime salarié ou non-salarié :

– lorsque le créateur ou repreneur relève d’un régime salarié, l’exonération porte sur les cotisations patronales et salariales. L’employeur doit alors formuler la demande de bénéfice du dispositif ;

– lorsqu’il relève d’un régime non-salarié, l’exonération porte sur ses propres cotisations.

● L’exonération est intégrale lorsque le revenu ou la rémunération du créateur ou repreneur d’entreprise est inférieur à 29 421 euros par an, correspondant aux trois quarts du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS). Lorsque le revenu est compris entre 29 421 euros et 39 228 euros, l’exonération décroît linéairement.

Ce plafond résulte de l’article de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2017 ([157]). Jusqu’alors, l’exonération était complète pour la fraction du revenu tiré de la nouvelle activité inférieure à 1,2 SMIC, quel que soit le montant du revenu.

● La durée du bénéfice de l’ACCRE est définie par voie réglementaire. L’article D. 161-1-1 du code de la sécurité sociale fixe cette durée à un an. Toutefois, lorsque le créateur ou repreneur d’entreprise relève du régime micro-fiscal ([158]), l’exonération est portée à trois ans et s’applique de manière dégressive.

2.   Un dispositif fréquemment réformé, éloigné de son objectif initial

● L’ACCRE n’a cessé d’être remaniée depuis sa création il y a quarante ans afin d’en élargir le bénéfice et de soutenir la création ou la reprise d’entreprise. Force est de constater qu’elle ne correspond plus à un dispositif de soutien ciblé vers les demandeurs d’emploi et qu’elle vise désormais d’autres publics prioritaires, tels que les jeunes de moins de 26 ans ou les bénéficiaires du RSA.

Le dernier élargissement du champ de l’ACCRE résulte de l’article 6 de la LFSS pour 2017, qui a étendu son bénéfice aux personnes physiques reprenant une entreprise dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Jusqu’alors, seuls les créateurs d’entreprises dans ces territoires y étaient éligibles.

● Le constat d’un décalage croissant entre l’objectif initial du dispositif – encore affiché par sa dénomination d’« aide aux chômeurs » – a été posé par de nombreux travaux. Les limites du dispositif, plus généralement, ont notamment été identifiées par de MM. Jean-Charles Taugourdeau et Fabrice Verdier dans leur rapport d’information déposé à l’Assemblée nationale en février 2013 ([159]).

II.   Une exonération généralisée orientée vers la création et la reprise d’entreprise

L’article 9 du projet de loi crée un dispositif d’exonération généralisée de début d’activité pour les créateurs ou repreneurs d’entreprise.

Pour ce faire, il élargit l’ACCRE, désormais dénommée « exonération de début dactivité ». En cohérence avec son prédécesseur, le nouveau dispositif est défini à la fois dans le code de la sécurité sociale – s’agissant du champ, du niveau et de la durée de l’exonération – et dans le code du travail – s’agissant du public éligible.

1.   Le champ, le niveau et la durée de l’exonération de début d’activité

Le I de l’article 9 précise les contours de l’exonération, figurant dans une nouvelle section du chapitre premier du titre III du livre premier du code de la sécurité sociale, intitulée « exonération de début dactivité de création ou reprise dentreprise ».

● Le du I reprend le dispositif de l’ACCRE, figurant actuellement à larticle L. 161-1-1, en le complétant et en le plaçant désormais à un nouvel article L. 131-6-4. Par rapport au droit en vigueur, le dispositif ne sera plus uniquement ouvert à la liste limitative énumérée dans le code du travail. Il bénéficiera désormais à tout créateur ou repreneur dentreprise, que la création ou la reprise concerne :

– une activité indépendante relevant du régime social des indépendants – visé à l’article L. 611-1 du même code – ou du régime des non-salariés agricoles – visé à l’article L. 722-4 du code rural et de la pêche maritime ;

– une activité sous la forme d’une société « à condition den exercer effectivement le contrôle » ([160]), qu’il s’agisse d’une activité relevant du régime général ou d’une activité de non-salarié agricole. Cette catégorie vise à inclure dans le dispositif les personnes gérant des entreprises et assimilées à des travailleurs salariés car affiliées au régime général. La formulation reprend celle figurant d’ores et déjà dans le code du travail pour les bénéficiaires de l’ACCRE.

● Le du I précise la durée et le plafond d’éligibilité à l’exonération.

La durée de l’exonération, maintenue à un an, est désormais inscrite dans la loi, sans renvoi au pouvoir réglementaire. La possibilité de prolonger ce délai pour les entreprises créées ou reprises éligibles au régime micro-fiscal, prévue par le droit en vigueur, reste quant à elle définie par voie réglementaire. Selon l’étude d’impact du projet de loi, la durée de trois ans applicable à cette situation serait maintenue.

Le plafond de revenus ou de rémunérations permettant d’en bénéficier, par également, est maintenu dans la loi à 75 % du PASS pour une éligibilité totale – soit 29 421 euros en 2017 –, l’exonération devant ensuite décroître linéairement jusqu’au PASS – fixé à 39 228 euros cette même année.

Toutefois, la nouvelle rédaction précise dans le même temps que l’exonération sera accordée « pour une fraction et dans la limite dun plafond de revenus ou de rémunérations fixées par décret ». Le plafond d’éligibilité étant maintenu dans la loi, l’ajout simultané d’un renvoi au pouvoir réglementaire ne peut qu’interroger. Il s’agit au mieux d’une disposition superfétatoire ou, de manière plus préoccupante, d’une source d’ambiguïté.

● Le du I apporte deux précisions supplémentaires par rapport au droit en vigueur.

En premier lieu cette exonération n’est pas cumulable avec tout autre dispositif de réduction ou d’abattement applicable à ces cotisations. L’« année blanche » prévue à l’article 9 s’applique donc par principe, à l’exception des situations dans lesquelles l’assuré bénéficie de dispositions spécifiques et dérogatoires – par exemple, le dispositif d’exonération pour les jeunes agriculteurs.

Une exception au principe de non cumul est néanmoins prévue pour les réductions et abattements prévus aux articles L. 613-1 et L. 621-3 du code de la sécurité sociale, qui correspondent aux exonérations prévues à larticle 7 du PLFSS pour compenser, auprès des travailleurs indépendants, laugmentation des taux de la contribution sociale généralisée (CSG) inscrite à larticle 7 du projet de loi.

En second lieu, le bénéfice de l’exonération ne peut intervenir au maximum qu’une fois tous les trois ans, dans le cadre d’une nouvelle activité.

2.   Le public éligible à l’exonération de début d’activité

Le II identifie le champ des bénéficiaires de l’exonération de début d’activité, maintenu à la section I du chapitre premier du titre IV du livre premier de la cinquième partie du code du travail désormais dénommée « Bénéficiaires ».

Il ne procède à aucune modification par rapport au droit en vigueur : les publics aujourd’hui éligibles à l’ACCRE resteront éligibles au nouveau dispositif, mais n’en constitueront donc qu’un public parmi d’autres.

Le et le du II ne procèdent qu’à des modifications rédactionnelles.

3.   L’entrée en vigueur de l’exonération de début d’activité

Le III prévoit une entrée en vigueur au 1er janvier 2019.

L’exonération de début d’activité s’appliquera donc aux cotisations et contributions sociales dues au titre des périodes courant à compter de cette échéance pour les créations ou reprises d’entreprises intervenues à partir de cette date.

Cette mesure s’inscrit plus largement dans le programme du Gouvernement en faveur des travailleurs indépendants. L’élargissement de l’accès au régime micro-fiscal, en particulier, prévu à l’article 10 du projet de loi de finances pour 2018, s’inscrit dans cette perspective et devrait faciliter d’autant la création ou la reprise d’entreprise ([161]).

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La commission examine deux amendements de suppression de l’article, AS151 de M. Pierre Dharréville et AS292 de M. Adrien Quatennens.

M. Pierre Dharréville. L’article 9 entend mettre en place une année blanche pour les créateurs et repreneurs d’entreprise. À compter du 1er janvier 2019, il établit un dispositif généralisé d’exonération de l’ensemble des cotisations de sécurité sociale dont sont redevables les créateurs et repreneurs d’entreprise dont le revenu annuel net est inférieur à 40 000 euros.

Alors que ces exonérations sont actuellement réservées aux seuls chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise au titre de l’aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise (ACCRE), elles bénéficieraient désormais à tous les entrepreneurs qui démarrent une activité. Outre une réduction non négligeable des recettes des organismes de sécurité sociale, cette disposition vient remettre en cause un principe fondateur de la sécurité sociale qui conditionne le bénéfice des prestations sociales au versement de cotisations.

Nous estimons qu’il y a d’autres façons d’encourager les créateurs d’entreprise et les repreneurs. Trop de dispositifs d’exonération ont été mis en place ces dernières années.

Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. Adrien Quatennens. Le dispositif de l’article 9 vise à étendre au-delà des seuls chômeurs le bénéfice des exonérations de cotisations sociales pour les créateurs d’entreprise.

Par principe, nous nous opposons à cette nouvelle mesure de réduction de la part des cotisations dans le financement de la sécurité sociale. Elle remet en cause l’équilibre sur laquelle elle repose ; de telles mesures doivent être appliquées à bon escient. Qui plus est, cet avantage, qui pourrait être justifié pour les petits créateurs d’entreprise confrontés à des difficultés objectives, va être étendu aux repreneurs d’entreprise et à celles et ceux qui gagnent jusqu’à 40 000 euros par an.

Il nous semble risqué de susciter un tel effet d’aubaine dès la première année de la création d’une entreprise. En France, 30 % à 40 % des entreprises disparaissent après trois ans d’existence. Parmi tous ces jeunes à qui l’on demande de rêver d’être milliardaire, combien se retrouveront endettés et sans protection ?

M. le rapporteur général. Je ne suis pas sûr d’avoir compris les raisons pour lesquelles vous vous opposez l’un et l’autre à cette mesure.

Le dispositif de l’ACCRE a déjà été élargi au fil des années et ne correspond plus depuis longtemps à son objectif initial. L’article 9 en tire précisément les conséquences en rationalisant le dispositif d’exonération. Il encourage les entrepreneurs à créer une activité en leur permettant de ne pas payer de cotisations sociales pendant un an – cela peut représenter jusqu’à 9 000 euros de dépenses en moins. Il ne s’adresse pas à des personnes extrêmement fortunées ou à des grands patrons. C’est un encouragement à mettre le pied à l’étrier, une mesure de bon sens. Je suis défavorable à ces deux amendements.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine ensuite l’amendement AS391 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. L’article 9 renvoie au pouvoir réglementaire la définition du plafond de l’éligibilité au dispositif de l’année blanche, ce qui nous paraît superfétatoire. En conséquence, nous vous proposons de supprimer cette précision.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS294 de M. Adrien Quatennens tombe.

La commission en vient à l’amendement AS125 Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Le présent amendement propose de prolonger, à titre expérimental, de douze à vingt-quatre mois l’exonération prévue à l’article 9 dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. Dans les régions et départements d’outre-mer, il faut savoir en effet que si le taux de création d’entreprises est très élevé, leur taux de survie est faible. Une telle extension permettrait de pérenniser ces activités.

M. le rapporteur général. Madame Vainqueur-Christophe, votre proposition pose deux difficultés.

D’une part, elle double la durée de l’exonération pour les départements d’outre-mer sans que l’on connaisse le taux de recours à l’ACCRE dans ces territoires. Pourquoi viserait-on ces territoires-là et non pas d’autres, confrontés eux aussi à des difficultés ?

D’autre part, l’objectif de l’article 9 est de rationaliser le fonctionnement de l’ACCRE. L’ajout de dispositifs expérimentaux ajouterait de la complexité à la complexité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 9 modifié.

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Article 10
Allégement des démarches des petits déclarants en poursuivant la modernisation des titres simplifiés

Cet article propose d’étendre l’utilisation du chèque emploi service universel (CESU) à l’ensemble des particuliers employés à domicile ou prestataires indépendants sous certaines conditions, en vue de favoriser la simplicité de leurs démarches sociales.

1.   Les titres simplifiés malgré leur efficacité et leur diversité sont réservés à un nombre trop limité d’utilisateurs

a.   L’offre diversifiée de titres simplifiés favorise le recours à l’emploi déclaré et le recouvrement des prélèvements sociaux

Les titres emplois ([162]) simplifiés constituent des offres de services de la « branche » recouvrement permettant à certains employeurs de simplifier les formalités liées à l’embauche en intégrant dans des dispositifs dématérialisés, voire prépayés, la possibilité d’effectuer l’ensemble des démarches et versements obligatoires. Ils évitent ainsi aux leurs utilisateurs le recours à des logiciels de paye onéreux et inadaptés pour des employeurs occasionnels.

Ces dispositifs poursuivent également l’objectif d’améliorer le recouvrement des prélèvements sociaux en incitant à la déclaration, d’une part, par leur simplicité d’utilisation ([163]) et, d’autre part, en intégrant les différents dispositifs d’incitations fiscales et sociales liées à certaines formes d’emploi.

Ainsi, les petites entreprises de moins de vingt salariés peuvent recourir au titre emploi service entreprise (TESE) ([164]), les associations de moins de vingt salariés au chèque emploi associatif (CEA) ([165]), les particuliers employant des salariés à domicile au chèque emploi service universel (CESU) ([166]) et les parents employant une garde d’enfants à Pajemploi.

b.   Le recours à ces titres est limité par une conception trop restrictive de ses utilisateurs potentiels

Les conditions d’accès à ces dispositifs, notamment le CESU, sont cependant encore très restrictives. Le titre emploi CESU ([167]) est en effet réservé à des catégories d’emploi limitativement définies à l’article L. 1271-1 du code du travail :

– les salariés occupant des emplois de services à la personne ou d’assistants maternels agréés ;

– les stagiaires aides familiaux placés au pair ;

– les accueillants familiaux.

Lorsque le particulier souhaite employer un salarié pour une autre activité que celles-ci à son domicile, il doit procéder :

– soit à une déclaration normative simplifiée (DNS), laquelle se matérialise par un formulaire à remplir et à renvoyer par voie postale à l’URSSAF compétente ; on peut rappeler que cette procédure particulièrement ancienne a été remplacée par PAJEMPLOI s’agissant des assistantes maternelles et des salariés employés pour la garde d’enfants au domicile de l’employeur ;

– soit à une déclaration aide et services à la personne (ASAP) dématérialisée lorsque le particulier employeur recourt à une association ou une entreprise mandataire en vue de recruter du personnel de maison.

Enfin, la question se pose du recours, souvent pour des activités très voisines, aux services de prestataires indépendants de manière très occasionnelle, par exemple au travers de plateformes numériques. En principe, le particulier ne verse qu’un prix en échange de la prestation tandis que son prestataire a l’obligation de déclarer cette activité en tant que travailleur indépendant. S’agissant de petits travaux, de quelques heures de jardinage ou encore de cours particuliers, il existe cependant peu d’incitations à procéder de cette manière.

2.   Le présent article élargit les possibilités de recours aux titres simplifiés

Le 2° du I complète l’article L. 311-3 qui énumère les catégories de personnes dont l’affiliation au régime général est obligatoire en y ajoutant les particuliers qui effectuent de manière ponctuelle un service de conseil ou de formation en contrepartie d’une rémunération pour des activités dont la durée et la nature sont fixées par le décret mentionné au 8° de l’article L. 133-5-6 .

Les autres prestataires resteront donc au régime applicable aux indépendants.

Le II modifie les conditions d’accès aux dispositifs simplifiés de déclaration et de recouvrement et de contributions sociales.

Le complète la liste des personnes pouvant recourir aux titres simplifiés de l’article L. 133-5-6 de la sécurité sociale.

Le a) du 1° supprime la référence aux seuls particuliers employant des salariés dans le champ des services à la personne et renvoie à l’ensemble des particuliers employeurs, à l’exception des activités de garde d’enfants qui relèvent toujours de PAJEMPLOI.

Le b) du 1° complète la liste en ajoutant :

– les particuliers recourant pour leur usage personnel à d’autres particuliers pour des prestations de service de conseil et de formation rémunérées, dans un champ d’activités et pour une durée fixée par voie réglementaire ;

– les plateformes de mise en relation des particuliers avec des prestataires précités, des salariés, des stagiaires placés au pair, des accueillants familiaux pour le compte de leurs utilisateurs pour l’ensemble des démarches ([168])

Le c) du 1° tire les conséquences de l’élargissement du CESU qui reposait jusqu’ici sur un choix pour l’ensemble des salariés concernés. Ce principe de généralité pouvant avoir des conséquences non souhaitées s’il était appliqué au nouveau dispositif ne s’appliquera plus que pour les entreprises agricoles de moins de vingt salariés, les associations à but non lucratif et fondations ainsi que les employeurs agricoles utilisateurs du titre emploi service agricole.

Les a) et b) du 2°, le et le premier alinéa du 4° tirent les conséquences de cette ouverture des titres simplifiés à des personnes non-employeurs dans la rédaction de l’article L. 133-5-7 qui précise les fonctions des titres simplifiés et de l’article L. 133-5-8 relatif au fonctionnement de ces titres.

Le d) du 2° précise les modalités d’application de ces obligations lorsque le titre simplifié est utilisé par un particulier recourant à un autre particulier pour effectuer une prestation. Celui-ci reçoit un décompte des cotisations et contributions sociales par voie dématérialisée.

Le e) du 2° procède aux ajustements rédactionnels liés aux modifications apportées à l’article L. 133-5-6.

Le réécrit l’article L. 133-5-8 relatif aux obligations déclaratives des employeurs utilisant un titre simplifié.

Le second alinéa du crée une obligation d’information pour les organismes de recouvrement d’informer les particuliers prestataires recourant aux titres simplifiés de manière ponctuelle de la nécessité pour eux d’effectuer l’ensemble d’autres démarches pour exercer leur activité dans le respect de la légalité.

Le III supprime le consentement et l’information préalables au recours au chèque emploi service.

Le IV prévoit une entrée en vigueur de ces dispositions au 1er janvier 2019.

Si cet article est de nature à simplifier beaucoup de démarches en offrant une possibilité généralisée de recours au CESU, le rapporteur général souhaite attirer la vigilance du Gouvernement et des parlementaires sur au moins deux aspects de cette modification très significative du fonctionnement des démarches sociales des particuliers :

● Le choix du rattachement obligatoire d’une partie des particuliers prestataires, même restreinte, au régime général à travers le CESU constitue une véritable novation sur la question de l’affiliation des indépendants, dans une économie des plateformes encore très mouvante. Il s’agira donc de s’assurer que cette mesure constitue une simplification et un progrès en termes de droits sociaux réels pour les personnes concernées. À défaut, le dispositif risque en effet de se révéler impuissant face à la tentation, dominante jusqu’à présent, d’un maintien dans l’économie informelle.

● La mise en œuvre de ce dispositif risque, indépendamment des difficultés juridiques, de constituer un défi technique, s’agissant de la gestion d’un dispositif très différent de ceux qui étaient pris en charge jusqu’à présent par la branche recouvrement. Ainsi, le CESU pourra être utilisé à la fois par des affiliés du régime général et du régime social des indépendants ; par des particuliers et par des plateformes numériques pour déclarer leurs utilisateurs ; par des particuliers bénéficiant d’avantages fiscaux et sociaux et par des particuliers recourant à ces dispositifs uniquement par commodité. Une telle hétérogénéité appellera nécessairement une nouvelle organisation.

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La commission adopte larticle 10 sans modification.

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Article 11
Suppression du régime social des indépendants et modification des règles daffiliation à la CNAVPL

Cet article propose tout d’abord d’adosser le régime social des indépendants au régime général (II).

Compte tenu de l’ampleur de la transformation, une période transitoire d’une durée maximale de deux ans s’ouvrira à partir du 1er janvier 2018. Au cours de cette période, la gestion des différentes missions du RSI doit être progressivement reprise par les caisses du régime général.

Les particularités de la protection sociale des travailleurs indépendants seront maintenues, en particulier l’action sanitaire et sociale, le régime obligatoire de retraite complémentaire et le régime d’invalidité-décès dont ils bénéficient.

Les travailleurs indépendants bénéficieront également d’une organisation et d’une gouvernance dédiées au sein du régime général. Un Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, doté d’instances régionales, doit être créé à cet effet.

Par ailleurs, la mise en place d’un schéma stratégique d’organisation, établi par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), doit permettre d’assurer une bonne articulation entre le recouvrement des cotisations et contributions sociales et le versement des pensions de retraite.

Le personnel du RSI sera transféré aux branches du régime général. Les conditions du transfert doivent être négociées avec les représentants de ces salariés.

Le présent article prévoit par ailleurs d’intégrer une partie des professions libérales au régime général d’assurance vieillesse (III).

Enfin, la possibilité pour les travailleurs indépendants d’acquitter leurs cotisations et contributions sociales provisionnelles sur une base mensuelle ou trimestrielle, en fonction de leur activité ou de leurs revenus mensuels ou trimestriels, est proposée à titre expérimental (IV).

Avec 6,5 millions de ressortissants et 2,8 millions de cotisants, le régime social des indépendants (RSI) est, après le régime général, le second régime de protection sociale par le nombre de personnes assurées.

Le régime a recouvré 15,5 milliards d’euros de cotisations et de contributions sociales en 2016. Il a servi 18,3 milliards d’euros de prestations, réparties de la manière suivante : 8,6 milliards d’euros de prestations d’assurance maladie, 9,2 milliards d’euros de pensions de retraite (dont 7,4 pour les retraites de base) et 339 millions de pensions invalidité-décès, 224 millions d’euros d’indemnités journalières de maladie, 9,2 millions d’euros d’indemnités de congé paternité et d’accueil de l’enfant, et 108 millions d’euros au titre de l’action sanitaire et sociale.

Les 2,8 millions de cotisants regroupent 37 % de commerçants, 35 % d’artisans et 28 % de professions libérales. Par ailleurs, 40 % des cotisants ont le statut de micro-entrepreneurs, tous groupes professionnels confondus.

La création du RSI en 2006 résulte de lordonnance n° 2005-1529 du 8 décembre 2005, qui a regroupé les régimes de retraite et d’invalidité-décès des professions artisanales (CANCAVA) et des professions industrielles et commerciales (ORGANIC), ainsi que le régime maladie-maternité des travailleurs non-salariés non-agricoles (CANAM). Cette ordonnance a également mis en place un interlocuteur social unique (ISU) pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants.

Sont rattachés au RSI les travailleurs indépendants, regroupant les professions artisanales, industrielles et commerciales, pour l’ensemble des cotisations et contributions sociales, ainsi que les professions libérales au titre de l’assurance maladie-maternité.

Depuis sa création, le RSI rencontre de graves problèmes de fonctionnement, le sujet de l’appel des cotisations et de leur recouvrement cristallisant le mécontentement d’une partie des assurés. Le climat de méfiance envers le régime s’est accru au cours de la fin de l’année 2014 et au début de l’année 2015. Les actions engagées au cours des dernières années ont permis une amélioration de la fiabilité des comptes des cotisants et un meilleur recouvrement de leurs cotisations, même si des dysfonctionnements importants subsistent.

La contestation qui renaît périodiquement dépasse désormais, pour certains groupes dassurés, le cadre dun mécontentement lié à des dysfonctionnements pour sinscrire dans celui plus global dune remise en cause du régime.

La persistance d’anomalies, mais également l’évolution des parcours professionnels, caractérisés par le développement des périodes daffiliation alternées, voire imbriquées, entre le régime général et le RSI, plaident en faveur de l’adossement du régime des travailleurs indépendants au régime général de sécurité sociale.

La réforme proposée par le présent article, attendue par de nombreux travailleurs indépendants, traduit un engagement de campagne du Président de la République. Elle a été préparée par une mission de pilotage menée conjointement par lInspection générale des affaires sociales (IGAS) et par lInspection générale des finances (IGF), mise en place en juillet 2017 et présidée par M. Dominique Giorgi.

Ladossement du RSI au régime général doit permettre aux travailleurs indépendants de bénéficier de la même qualité de service que les salariés. Cette mesure est également justifiée par lévolution des parcours professionnels, caractérisés par des allers-retours plus fréquents entre activité salariale et indépendante.

I. Le RSI, des dysfonctionnements majeurs depuis sa création

1.   Les dysfonctionnements du dispositif de l’interlocuteur social unique

Linterlocuteur social unique (ISU), mis en place par lordonnance du 8 décembre 2005 précitée, a été créé afin de simplifier le recouvrement des cotisations et contributions sociales dues par les artisans et les commerçants affiliés au régime social des indépendants (RSI), qui acquittaient auparavant leurs cotisations auprès de multiples organismes distincts.

Pourtant, la mise en place de cette réforme s’est accompagnée de dysfonctionnements importants. Outre le fait que le RSI ne couvrait pas l’ensemble des risques ni tous les travailleurs indépendants, les différentes activités liées au recouvrement faisaient l’objet d’un partage des tâches complexe : si les caisses de base du RSI exerçaient les missions de l’interlocuteur social unique, le RSI déléguait ou pouvait déléguer certaines de ses missions aux Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) ([169]).

Cette répartition des activités et des responsabilités entre le réseau du RSI et celui de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) s’est rapidement révélée inopérante.

À la fois précipitée et peu pilotée, la mise en place de l’ISU s’est traduite par des dysfonctionnements graves décrits dans plusieurs rapports publics. Ainsi, l’Inspection générale des affaires sociales a rendu public en octobre 2011 un rapport accablant, pointant la « situation de crise grave et persistante que traverse le RSI depuis la mise en place en 2008 de linterlocuteur social unique » et relevant une « vague danomalies considérable » et de multiples dysfonctionnements, notamment en matière de recouvrement des dettes ([170]).

La Cour des comptes a quant à elle qualifié le démarrage du nouveau régime de « catastrophe industrielle » dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2012.

2.   Des actions engagées tardivement pour améliorer le fonctionnement du régime social des indépendants

Plusieurs mesures ont été progressivement mises en place afin d’améliorer la qualité du service rendu par le RSI.

– Au niveau régional, des cellules mixtes, composées en moyenne de six personnes des réseaux URSSAF et RSI, ont été mises en place en octobre 2011 afin d’assurer les échanges d’informations nécessaires et de favoriser un pilotage commun.

– Dans le prolongement de cette expérience de terrain, un décret de juillet 2013 ([171]) a prévu la signature de conventions, au niveau national et au niveau régional, pour mettre en place « une organisation permettant le traitement de bout en bout en commun de la gestion du recouvrement des cotisations auprès du public des artisans et des commerçants ».

Signée le 31 juillet 2013, la convention nationale définit le fonctionnement de l’ISU autour de quatre axes, chacun étant assorti d’indicateurs : la qualité de service au cotisant, la performance du recouvrement, la maîtrise des risques et la dynamique commune de travail en régions. Cette convention formalise les relations entre l’ACOSS et le RSI, mettant ainsi en place les conditions d’un pilotage unifié de l’ISU.

– Par ailleurs, à la suite des conclusions du rapport d’étape pour améliorer le fonctionnement du RSI des anciens députés Fabrice Verdier et Sylviane Bulteau ([172]), le précédent Gouvernement a lancé en juin 2015 vingt actions en faveur des assurés du RSI. Ce programme de réformes concrètes visait à améliorer les relations entre les travailleurs indépendants et leur organisme de protection sociale. Ont notamment été mises en place la généralisation de la régularisation anticipée des cotisations, l’internalisation de la fonction téléphonie, ou la mise en place de médiateurs de terrain.

En dépit des améliorations de gestion réalisées depuis 2012, les dysfonctionnements de l’interlocuteur social unique ont entraîné une déstabilisation durable du RSI dans son ensemble et une perte de confiance généralisée de ses assurés.

3.   Des allers-retours fréquents entre le RSI et le régime général

Le RSI a également été déstabilisé par les évolutions rapides de la population des travailleurs indépendants, liées à la création du statut de micro-entrepreneur et au développement de la poly-activité et de l’activité accessoire.

Après une longue période de déclin entamée dans les années 1970, en particulier parmi les artisans, le commerce et les services de proximité, les effectifs des personnes affiliées au RSI ont progressé au début des années 2000, avec une forte augmentation de 26 % entre 2006 et 2011 ([173]). Ce dynamisme s’explique essentiellement par le vif engouement suscité par le statut d’auto-entrepreneur (aujourd’hui micro-entrepreneur), mis en place par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008. Les micro-entrepreneurs cotisent, pour plus d’un million d’entre eux, au RSI. Ils représentent ainsi près de 40 % des travailleurs indépendants affiliés à ce régime. Un tiers d’entre eux est néanmoins rattaché à un autre régime de sécurité sociale au titre d’une activité principale. Cette catégorie de travailleurs indépendants, en plein essor, perçoit en moyenne de faibles revenus (5 000 euros dans l’étude d’impact annexée au présent article) et connaît une durée d’affiliation au RSI plus courte : trois ans pour les micro-entrepreneurs contre neuf ans en moyenne pour la population générale des indépendants.

Par ailleurs, les indépendants recourent de plus en plus fréquemment à des formes sociétales comme la société par actions simplifiée (SAS), conduisant d’ores et déjà à une affiliation au régime général. Ainsi, d’après les données fournies par l’étude d’impact, « 56 % des sociétés créées en 2016 ont été des SAS, même si, compte tenu de lexistant, 70 % des sociétés sont encore des SARL ».

Le RSI se caractérise enfin par une relative volatilité de ses ressortissants, les assurés sociaux connaissant de plus en plus au cours de leur parcours professionnel des périodes daffiliation alternées, voire imbriquées, entre le régime général et le RSI. Létude dimpact évalue ainsi à environ 400 000 le nombre de nouveaux travailleurs indépendants qui saffilient chaque année au RSI, dont 80 % viennent du régime général. De même, environ 400 000 travailleurs indépendants sont radiés du RSI et retournent au régime général chaque année.

Ces allers-retours au sein de la sécurité sociale se justifient de moins en moins, les prestations auxquelles ont droit les travailleurs indépendants s’étant progressivement rapprochées de celles des salariés.

II.   Ladossement du RSI au régime général

A.   Le transfert du recouvrement des cotisations et contributions sociales à l’ACOSS

1.   Un rapprochement du RSI et de l’ACOSS déjà engagé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017

L’article 16 de la LFSS pour 2017 a réformé le recouvrement des cotisations et contributions sociales dues par les travailleurs indépendants en mettant en place une responsabilité conjointe et égale des réseaux du RSI et de l’ACOSS dans la mise en œuvre du recouvrement.

Les deux réseaux sont ainsi, depuis le 1er janvier 2017, pleinement compétents, à égalité et de manière permanente, sur l’ensemble du processus de recouvrement, chaque réseau disposant néanmoins d’une compétence exclusive dans certains domaines :

– Le RSI reste seul compétent en ce qui concerne l’affiliation des travailleurs indépendants à la sécurité sociale et les opérations d’action sociale. Les commissions de recours amiables du RSI sont par ailleurs seules compétentes pour examiner les recours portant sur l’ensemble des cotisations dues par les travailleurs indépendants.

– L’ACOSS est quant à elle entièrement responsable des opérations de contrôle de la législation sociale applicable au recouvrement des cotisations et contributions des travailleurs indépendants, et de la comptabilisation des produits et des charges, ainsi que des éléments d’actif et de passif afférents, qui découlent des opérations de recouvrement des cotisations et contributions sociales concernées.

La mise en place d’une responsabilité partagée entre le RSI et le réseau de recouvrement du régime général s’est accompagnée d’une réforme du pilotage des missions de recouvrement, grâce à la création d’un poste de directeur national unique chargé du recouvrement, désigné conjointement par le directeur de l’ACOSS et le directeur général de la Caisse nationale du RSI. Cette réforme du pilotage a également été déclinée au niveau local, puisque des responsables locaux chargés du recouvrement, relevant à la fois de la direction des caisses de base du RSI et de celle des URSSAF devaient être nommés.

Cette réforme du RSI est entrée en vigueur dès le 1er janvier 2017, à trois exceptions près :

– en matière de recouvrement des cotisations d’assurance famille, des contributions sociales (CSG et CRDS) et de la contribution à la formation professionnelle dues par les professions libérales, l’entrée en vigueur de la réforme était prévue le 1er janvier 2018 ;

– en matière d’assurance vieillesse, la date d’entrée en vigueur de l’affiliation au RSI des professions libérales non réglementées devait intervenir à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2018 pour les micro-entrepreneurs, et le 1er janvier 2019 pour les autres travailleurs indépendants relevant des professions libérales non réglementées ;

– enfin, les dispositions relatives à la suppression de la délégation aux URSSAF du recouvrement des cotisations d’assurance maladie des professions libérales, qui avait été prévue par l’article 13 de la LFSS pour 2016, devaient entrer en vigueur le 1er janvier 2018.

2.   Le transfert du recouvrement à l’ACOSS

Si la mise en place d’une compétence commune entre l’ACOSS et le RSI en matière de recouvrement des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants par l’article 16 de la LFSS pour 2017 constitue un progrès récent qui a permis de développer des outils de travail communs, il n’en demeure pas moins que cette responsabilité partagée peut être source de fragilité et d’ambiguïté dans la répartition des tâches.

Le présent article met donc fin à la co-responsabilité entre l’ACOSS et le RSI, pour confier le recouvrement des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants exclusivement à l’ACOSS et, au niveau local, aux URSSAF.

À cet effet, le du I modifie l’article L. 213-1 relatif aux URSSAF. Il supprime la compétence commune au RSI et au régime général en matière de recouvrement des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, pour en faire une compétence exclusive du régime général.  

De même, le 11° du I modifie l’article L. 225-1-1 relatif à l’ACOSS, pour préciser que l’agence est compétente en matière de recouvrement des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants.

Les et du VI abrogent l’ensemble des dispositions, dans le livre VI du code de la sécurité sociale, établissant une co-responsabilité entre le RSI et le régime général en matière de recouvrement des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, désormais confiés au seul régime général.

B.   Le rattachement des travailleurs indépendants aux branches maladies et vieillesse du régime général

L’article L. 200-1 du code de la sécurité sociale définit le champ du régime général de sécurité sociale. Seules les personnes salariées sont, en l’état du droit, couvertes au titre de la prise en charge des frais de santé et des assurances sociales, définies comme le versement des prestations en espèces liées aux risques ou charges de maladie, d’invalidité, de vieillesse, de décès, de veuvage, de maternité et de paternité.

Le du I a pour objet de rattacher les travailleurs indépendants au régime d’assurance maladie et d’assurance vieillesse de base du régime général. À cet effet, il complète l’article L. 200-1 précité pour préciser que le régime général couvre également les personnes non-salariées non-agricoles, « pour le versement des prestations en espèces au titre des assurances maladies, maternité, paternité et vieillesse ».

Il est également prévu que le régime général couvre les travailleurs indépendants au titre de la protection universelle maladie (PUMA).

Plusieurs dispositions du I modifient les articles relatifs aux compétences des caisses de sécurité sociale, afin à la fois de tirer les conséquences de la suppression du RSI et de clarifier la rédaction de certains articles.

Ainsi, le  du I supprime, à l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale, les dispositions mentionnant la caisse correspondant à chaque type de risque, pour les réécrire au sein des articles relatifs à chaque organisme.

Le et le 10° du I réécrivent respectivement les articles L. 222-1, relatif à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), et L. 223-1, relatif à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), sur le même modèle que la rédaction retenue à l’article L. 221-1 portant sur les compétences de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Cette clarification de la rédaction, effectuée pour cette dernière caisse à l’occasion de la mise en œuvre de la PUMA, est aujourd’hui transposée, par cohérence et pour davantage de lisibilité, pour la CNAV et la CNAF.

Les, , , , et 12° du I modifient les articles relatifs au champ de compétence respectivement, des caisses d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) (, article L. 215-1), de la CNAM (, article L. 221-1 et , article L. 221-3-1), de la CNAV (, article L. 222-1) et aux conventions d’objectifs et de gestion conclues entre l’État et les organismes de sécurité sociale (12°, article L. 227-1), à la fois pour tenir compte de la suppression du RSI et de la spécificité des travailleurs indépendants (voir infra sur ce point).

Les ,,et du I procèdent en outre à des modifications d’ordre rédactionnel visant à tirer les conséquences de la réforme proposée par le présent article.

1.   L’assurance maladie des travailleurs indépendants

a.   Une compétence du RSI aujourd’hui déléguée à des organismes conventionnés

En l’état du droit, conformément à l’article L. 611-8 du code de la sécurité sociale, les caisses de base du RSI assurent, sous le contrôle de la Caisse nationale du RSI, les missions relatives à la gestion du risque d’assurance maladie et maternité des travailleurs indépendants.

Toutefois, en application de l’article L. 611-20 du même code, la Caisse nationale du RSI peut confier à des organismes conventionnés le soin d’assurer, pour le compte des caisses de base, le versement des prestations en espèces de l’assurance maladie et maternité des travailleurs indépendants. La Caisse nationale a ainsi conclu des conventions avec un réseau d’organismes conventionnés, c’est-à-dire des mutuelles ou des groupements de sociétés d’assurances, rattachés à la Fédération française des sociétés d’assurances ou à la Fédération nationale de la mutualité française. Dans ce cadre, ces organismes jouent un rôle équivalent à celui des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) pour le régime général (gestion de la carte vitale, remboursement des frais médicaux, inscription des ayants droit…).

b.   Le transfert de la gestion de l’assurance maladie des travailleurs indépendants au régime général

Le présent article rattache la gestion de l’assurance maladie des travailleurs indépendants au régime général grâce à la modification de l’article L. 200-1 du code de la sécurité sociale relatif au champ du régime général, en vertu du du I.

Le et le du I modifient en outre les articles L. 221-1, relatif au rôle de la CNAM, et L. 221-3-1, relatif aux missions de son directeur général.

Le du I réécrit l’article L. 211-1 afin de redéfinir en conséquence le champ de compétence des CPAM.

c.   La suppression de la délégation aux organismes conventionnés

● Le III du présent article supprime la délégation du versement des prestations en espèces de l’assurance maladie et maternité des travailleurs indépendants aux organismes conventionnés.

Le du III abroge ainsi l’article L. 611-20 du code de la sécurité sociale. L’article 16 de la LFSS pour 2017 avait déjà prévu la suppression du premier alinéa de cet article, relatif à la délégation aux organismes conventionnés de l’encaissement et du contentieux des cotisations d’assurance maladie des travailleurs indépendants, suppression qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2018.

Le du III permet donc en réalité de supprimer le deuxième alinéa de l’article L. 611-20, relatif à la délégation, par le RSI, aux organismes conventionnés du versement des prestations en espèces de l’assurance maladie et maternité des travailleurs indépendants.

Le du III modifie l’article L. 160-17 en conséquence, en supprimant les dispositions de l’article visées par l’article L. 611-20 abrogé.

En vertu du 7° du VII, la suppression de cette délégation doit entrer en vigueur le 1er janvier 2019.

● Par ailleurs, le du VII précise les modalités de la reprise, en gestion directe, de l’activité des organismes conventionnés :

La réforme se traduit en premier lieu par le transfert, au 1er janvier 2018, du pilotage de la délégation de gestion confiée aux organismes conventionnés à la CNAM. Dès cette date, la CNAM se substitue à la Caisse nationale du RSI dans tous les actes juridiques conclus par celle-ci avec les organismes conventionnés.

Les délégations de gestion existant entre les organismes conventionnés et la Caisse nationale du RSI demeurent en vigueur pour les travailleurs indépendants ayant débuté leur activité avant le 1er janvier 2019, et ce jusquà léchéance des conventions conclues avec la Caisse nationale du RSI.

Les conventions et les contrats conclus à ce titre, en vigueur à la date de publication de la présente loi, continuent de produire leurs effets jusqu’à leur terme pour le service des prestations dues aux travailleurs indépendants ayant débuté leur activité avant le 1er janvier 2019. La CNAM et les organismes signataires concernés peuvent renouveler ces mêmes conventions, modifiées le cas échéant par avenant, pour assurer le service des prestations dues aux mêmes assurés jusqu’au 31 décembre 2020 au plus tard.

L’ensemble des droits et obligations des organismes conventionnés, y compris les contrats de travail, qui sont afférents à la gestion leur ayant été confiée sont transférés de plein droit aux CPAM de leur circonscription[174], au plus tard le 31 décembre 2020. Ces transferts ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxe de quelque nature que ce soit.

Enfin, le préjudice susceptible de résulter, pour les organismes délégataires, de l’absence de renouvellement des conventions fait l’objet d’une indemnité s’il présente un caractère anormal et spécial. Cette indemnité est fixée dans le cadre d’un constat établi à la suite d’une procédure contradictoire. Les conditions et le montant de l’indemnité sont fixés par décret.

d.   Les prestations et les cotisations maladie et maternité des travailleurs indépendants

Le du II modifie le titre II du livre VI du code de la sécurité sociale. Regroupant aujourd’hui des dispositions intitulées « généralités relatives aux organisations autonomes dassurance vieillesse », il doit être consacré à l« assurance maladie et maternité » des travailleurs indépendants.

Le titre II doit être composé de trois chapitres, le premier relatif aux « cotisations » ( du II), le chapitre II aux « prestations maladie en espèces » ( du II) et le chapitre III à l « assurance maternité » (10° du II).

 Au sein du chapitre premier, consacré aux cotisations dues au titre de la couverture des risques dassurance maladie et maternité, sont distingués les travailleurs indépendants dune part et les professions libérales et les avocats dautre part.

 Larticle L. 621-1 nouveau précise que les travailleurs indépendants, à lexception des professions libérales, sont redevables dune cotisation assise sur leurs revenus dactivité, selon des modalités différentes selon quils bénéficient (article L. 133-6-8) ou non (articles L. 131-6 à L. 131-6-2) du régime micro-social. Le taux de cotisation est fixé par décret. Cet article précise en outre les modalités selon lesquelles les travailleurs indépendants ne relevant pas du régime micro-social peuvent bénéficier dun taux de cotisation réduit.

 Larticle L. 621-2 nouveau est relatif aux cotisations des professions libérales et des avocats. Leur cotisation est assise sur leurs revenus dactivités. Le taux est fixé par décret et ne peut être supérieur à celui prévu pour les autres travailleurs indépendants mentionnés à larticle L. 621-1, à lexception des micro-entrepreneurs.

 Le du II regroupe les dispositions du chapitre II, relatif aux prestations maladies en espèces des travailleurs indépendants.

Larticle L. 622-1 est réécrit pour préciser que les travailleurs indépendants, à lexception des professions libérales, bénéficient, sous réserve dadaptations par décret, en cas de maladies, de prestations en espèces calculées, liquidées et servies dans les mêmes conditions que celles prévues pour le régime général, en ce qui concerne les indemnités journalières.

Larticle L. 613-20, relatif aux prestations supplémentaires, devient larticle L. 622-2 et est modifié, le nouvel article mentionnant seulement les prestations supplémentaires accordées aux professions libérales et aux avocats, et non plus également celles dont pouvaient bénéficier les autres travailleurs indépendants.

Les prestations supplémentaires des travailleurs indépendants, hors professions libérales, instituées par décret sur proposition du conseil dadministration de la Caisse nationale du RSI, correspondent au versement dindemnités journalières de maladie. Le rattachement des travailleurs indépendants à lassurance maladie et maternité du régime général conduit à intégrer ces prestations supplémentaires – en loccurrence les indemnités journalières – dans les prestations servies par le régime général dont bénéficient les travailleurs indépendants, conformément à la nouvelle rédaction de larticle L. 622-1 du code de la sécurité sociale (b) du du II).

Les professions libérales ne disposant pas, en l’état du droit et contrairement aux autres travailleurs indépendants, d’indemnités journalières au titre des prestations supplémentaires, la possibilité pour elles d’en bénéficier a été laissée ouverte par la nouvelle rédaction de l’article L. 622-2.

Il est en outre précisé à cet article que le service de ces prestations est délégué, par convention établie entre le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants et la CNAM, aux CPAM ([175]).

La rédaction actuelle de larticle 11 pourrait être amendée afin  que lensemble des travailleurs indépendants, et pas seulement les professions libérales, puissent bénéficier, sils le souhaitent, de prestations supplémentaires à lavenir.

 Enfin, le 10° regroupe les dispositions du chapitre III, intitulé « Assurance maternité ». Les articles L. 613-19 à L. 613-19-3 deviennent les articles L.623-1 à L. 623-4, sans changement de fond par rapport au droit existant.

2.   L’assurance vieillesse de base

a.   Une forte imbrication, inhérente au fonctionnement du RSI, entre recouvrement des cotisations et retraites

En l’état du droit, le RSI gère à la fois le régime de retraite de base des indépendants et leur régime de retraite complémentaire et d’invalidité-décès, en application de l’article L. 611-1 du code de la sécurité sociale.

L’articulation étroite entre le recouvrement des cotisations et l’ouverture des droits à la retraite constitue une caractéristique fondamentale du RSI que ne connaît pas le régime général. D’une manière générale, le RSI doit pouvoir contrôler que le travailleur indépendant a bien déclaré ses revenus et connaître l’état de ses cotisations pour assurer le versement des prestations. Ainsi, en matière de retraite, la validation de quatre trimestres de retraite se fait non pas en lien avec la durée d’activité mais en rapport avec le montant des cotisations versées.

Par ailleurs, pour les organismes de retraite, la mise en place de la liquidation unique des retraites (LURA) le 1er juillet 2017 a permis des avancées très importantes en matière de collaboration entre régimes salariés et non-salariés. En effet, la LURA permet un calcul et un versement unique des pensions de retraite pour les poly-pensionnés, c’est-à-dire les assurés ayant été affiliés à plusieurs régimes de retraite au cours de leur carrière (régime général des salariés, régime social des indépendants et régime des salariés agricoles), par la dernière caisse à laquelle ils ont été affiliés. Ainsi, les CARSAT, en tant que dernière caisse d’affiliation, liquident déjà, depuis le 1er juillet 2017, des retraites pour des assurés qui ont passé une partie de leur carrière au RSI.

Avec la disparition du RSI, les CARSAT liquideront donc les retraites des assurés dont la dernière activité ou l’unique activité est exercée en tant qu’indépendants.

b.   Le transfert du régime d’assurance retraite de base du RSI au régime général

Le présent article transfère l’assurance vieillesse de base des travailleurs indépendants au régime général grâce à la modification de l’article L. 200-1 du code de la sécurité sociale relatif au champ du régime général, en vertu du du I.

En conséquence, les et du I modifient respectivement les articles L. 215-1 du même code, relatif aux compétences des CARSAT, et L. 222-1, relatif au rôle de la CNAV.

Par ailleurs, les points 11° à 16° du II modifient le titre III, rebaptisé « Assurance invalidité et vieillesse » du livre VI du code de la sécurité sociale.

Le chapitre premier, intitulé « Champ d’application » est composé d’un seul article L. 631-1 nouveau, en vertu du 12° du II. Cet article précise que le titre III s’applique aux travailleurs indépendants, à l’exception de certaines professions libérales – celles mentionnées à l’article L. 640-1 – et des avocats.

Le 14° et le 15° du II sont relatifs à l’assurance vieillesse. Le 14° modifie le chapitre III, consacré aux « cotisations d’assurance vieillesse », le 15° modifiant quant à lui le chapitre IV, relatif aux « prestations d’assurance vieillesse ».

L’article L. 633-10, relatif aux cotisations d’assurance vieillesse, est modifié et renuméroté L. 633-1, sans modification de fond.

Les articles L. 634-2, L. 634-3-1, L. 634-6, relatifs aux prestations d’assurance vieillesse, sont modifiés afin de prendre en compte le transfert de compétence de l’assurance vieillesse de base du RSI au régime général.

Le rapporteur général tient à souligner que seule l’assurance vieillesse de base est transférée au régime général. Les régimes d’assurance invalidité-décès (13° du II) et d’assurance vieillesse complémentaire des travailleurs indépendants (16° du II) ne sont quant à eux pas intégrés au régime général (voir infra).

c.   Un lien entre le recouvrement et les droits à retraite maintenu et sécurisé

Le lien entre recouvrement des cotisations et ouverture des droits à la retraite, inhérent au fonctionnement du RSI, est maintenu au sein de la nouvelle organisation proposée par le présent article.

Le 14° du I du présent article créé un article L. 233-1 nouveau, qui prévoit la mise en place d’un schéma stratégique d’organisation, établi conjointement par les directeurs l’ACOSS et de la CNAV et approuvé par les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Ce schéma fixe les orientations et les modalités dorganisation permettant :

– d’assurer une bonne articulation des activités réalisées par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) et les CARSAT auprès des travailleurs indépendants, notamment l’accueil et l’accompagnement des assurés, la réception de leurs demandes, l’instruction de leurs demandes d’action sociale, l’enregistrement et la fiabilisation des droits futurs que le paiement de leurs cotisations permet d’ouvrir ;

– de sécuriser l’atteinte des objectifs de qualité de service fixés par les conventions d’objectifs et de gestion conclues entre l’État et l’ACOSS d’une part et entre l’État et la CNAV d’autre part, en ce qui concerne les travailleurs indépendants.

C.   Le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, nouvelle instance représentative des travailleurs indépendants

Les travailleurs indépendants bénéficieront d’une organisation et d’une gouvernance dédiées au sein du régime général grâce à la création du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI).

Le et le du II créent ainsi un chapitre entier consacré à cette nouvelle instance au sein du titre Ier du livre VI du code de la sécurité sociale, composé des articles L. 612-1 à L. 612-8.

1.   Le rôle du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants

L’article L. 612-1 précise le rôle du CPSTI. Il est chargé :

– de veiller à la bonne application aux travailleurs indépendants des règles du code de la sécurité sociale relatives à leur protection sociale et à la qualité du service qui leur est rendu par les organismes du régime général assurant le recouvrement des cotisations et le service des prestations ;

– de déterminer des orientations générales relatives à l’action sanitaire et sociale déployée spécifiquement en faveur des travailleurs indépendants ; ces orientations étant soumises pour approbation à l’autorité compétente de l’État ;

– de piloter le régime complémentaire d’assurance vieillesse obligatoire et le régime invalidité-décès des travailleurs indépendants et la gestion du patrimoine y afférent ;

– d’animer, coordonner et contrôler l’action des instances régionales de la protection sociale des travailleurs indépendants.

Le CPSTI peut en outre faire au ministre chargé de la sécurité sociale toute proposition de modification législative ou réglementaire dans son domaine de compétence. Il peut être saisi par le ministre de toute question relative à la protection sociale des travailleurs indépendants. Il est saisi pour avis des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des projets de mesures législatives ou réglementaires lorsque celles-ci concernent spécifiquement la sécurité sociale des travailleurs indépendants.

La CNAM, la CNAV et l’ACOSS rendent compte au moins une fois par an de la qualité de service rendu aux travailleurs indépendants. Le CPSTI rend un avis sur la qualité de ce service et formule, le cas échéant, des recommandations d’évolution ou d’amélioration de celui-ci.

Le Conseil peut en outre formuler des recommandations relatives à la mise en œuvre par les CPAM et les CGSS d’actions de prévention menées plus particulièrement à destination des travailleurs indépendants.

Le Conseil formule également des propositions relatives notamment à la politique de services rendus aux travailleurs indépendants, qui sont transmises aux Caisses nationales du régime général en vue de la conclusion des conventions d’objectifs et de gestion entre ces Caisses et l’État.

2.   Les instances régionales du Conseil

En application de l’article L. 612-4, le CPSTI dispose d’instances régionales de la protection sociale des travailleurs indépendants, composées de représentants des travailleurs indépendants désignés par les organisations professionnelles représentatives de ces travailleurs au niveau national.

Les instances régionales décident de l’attribution des aides et des prestations individuelles en matière d’action sanitaire et sociale accordées aux travailleurs indépendants, dans le cadre des orientations définies par le CPSTI.

Au sein des conseils et conseils d’administration des CPAM, des URSSAF, des CARSAT, des caisses communes de sécurité sociale (CCSS) et des caisses générales de sécurité sociale (CGSS), un membre de l’instance régionale de la protection sociale des travailleurs indépendants de la région dans laquelle se situent ces caisses, désigné par cette instance, représente le CPSTI. Il dispose dans ces conseils et conseils d’administration d’une voix consultative. Les instances régionales de la protection sociale des travailleurs indépendants procèdent aux autres désignations nécessaires à la représentation des travailleurs indépendants dans les instances ou organismes au sein desquels ceux-ci sont amenés à siéger.

Les instances régionales désignent en outre un médiateur chargé d’accompagner dans leur circonscription les travailleurs indépendants amenés à former une réclamation relative au service de leurs prestations de sécurité sociale ou au recouvrement de leurs cotisations par les organismes du régime général. 

3.   La composition et le financement du Conseil

L’article L. 612-2 précise que le CPSTI est un organisme de droit privé disposant de la personnalité morale. Il est doté d’une assemblée générale délibérante et d’un directeur nommé par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Conformément à l’article L. 612-3, l’assemblée générale du CPSTI comprend :

– des représentants des travailleurs indépendants, désignés par les organisations professionnelles représentatives de ces travailleurs au niveau national ;

– des personnalités qualifiées, désignées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

L’État est également représenté auprès du conseil d’administration par des commissaires du gouvernement. Participent également aux réunions, en fonction de l’ordre du jour, les directeurs ou directeurs généraux de la CNAM, de la CNAV et de l’ACOSS ou leurs représentants.

Par ailleurs, au sein du conseil ou du conseil d’administration de ces mêmes organismes, un membre de l’assemblée générale, désigné par celle-ci, représente le CPSTI. Il dispose dans ce conseil ou ces conseils d’administration d’une voix consultative. L’assemblée générale procède aux autres désignations nécessaires à la représentation des travailleurs indépendants dans les instances ou organismes au sein desquels ceux-ci sont amenés à siéger.

L’article L. 612-6 précise les modalités de désignation des représentants des travailleurs indépendants membres de l’assemblée générale du CPSTI et de ses instances régionales. Peuvent ainsi désigner des membres au sein de ces instances les organisations professionnelles considérées comme représentatives des travailleurs indépendants au regard d’une série de critères (respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale de deux ans, influence – prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience, et audience – mesurée en fonction du nombre de travailleurs indépendants volontairement adhérents).

Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’appréciation de ces critères, les modalités de recueil et d’examen des candidatures préalables à ces désignations et la règle permettant d’établir, sur la base de l’audience, le nombre de membres que chaque organisation peut désigner pour siéger au sein de l’assemblée générale du CPSTI et de ses instances régionales.

Enfin, l’article L. 612-5 précise que les dépenses nécessaires à la gestion administrative du CPSTI, d’une part, et celles nécessaires à la mise en œuvre de l’action sanitaire et sociale déployée spécifiquement en faveur des travailleurs indépendants, d’autre part, sont couvertes par des dotations annuelles attribuées par les branches maladie, maternité et vieillesse du régime général, par les régimes complémentaires obligatoires d’assurance vieillesse et d’invalidité-décès dont bénéficient les travailleurs indépendants.

Le montant global de chacune des deux dotations est fixé par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget après avis du CPSTI. Celui-ci procède à la répartition de la dotation nécessaire à la mise en œuvre de l’action sanitaire et sociale attribuée à chaque instance régionale. Un décret fixe les modalités de répartition de ces dotations entre les branches et régimes mentionnés au premier alinéa.

4.   Entrée en vigueur

En vertu du  du VII, l’entrée en vigueur des dispositions relatives au Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants et à ses instances régionales est prévue le 1er janvier 2019.

En 2018, ces fonctions seront assurées respectivement par la Caisse nationale et les caisses locales du RSI, prenant la dénomination de Caisse nationale et de caisses locales déléguées pour la sécurité sociale des indépendants.

Il est précisé qu’à compter de cette date et jusqu’à la dissolution de ces caisses, dans l’hypothèse où le mandat des membres de leurs conseils d’administration arriverait à échéance, les membres siégeant au sein de l’assemblée générale du CPSTI ou de ses instances régionales exercent respectivement, de façon simultanée, le mandat de membre du conseil de la caisse nationale et des caisses locales déléguées pour la sécurité sociale des indépendants situées dans le ressort géographique de chaque instance régionale.

D.   le maintien des particularités de la protection sociale des travailleurs indépendants

En dépit de ladossement du RSI au régime général, des particularités de la protection sociale des travailleurs indépendants sont maintenues, comme laction sanitaire et sociale ou leurs régimes de retraite complémentaire et dinvalidité-décès.

1.   Laction sanitaire et sociale

L’action sanitaire et sociale intervient en complément de la protection sociale légale pour répondre aux besoins et aux situations spécifiques propres aux travailleurs indépendants et non prévus par la loi.

Elle revêt une importance particulière au sein du RSI, notamment pour accompagner les cotisants dont l’activité est en baisse et pour lesquels des retards de paiement sont observés. Elle a ainsi représenté en 2016 près de 108 millions d’euros.

Aussi, le présent article prévoit de conserver une gestion spécifique de ces aides destinées aux travailleurs indépendants par les nouveaux organismes représentatifs de ces travailleurs.

En effet, conformément au du II, les orientations générales relatives à l’action sanitaire et sociale déployée spécifiquement en faveur des travailleurs indépendants sont déterminées par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (article L. 612-1 du code de la sécurité sociale).

L’attribution des aides et des prestations individuelles en matière d’action sanitaire et sociale accordées aux travailleurs indépendants est quant à elle décidée par les instances régionales de la protection sociale des travailleurs indépendants, dans le cadre des orientations définies par le CPSTI (article L. 612-4 du même code). Plus précisément, les demandes sont déposées auprès des organismes locaux et régionaux du régime général, qui les instruisent, saisissent les instances régionales pour décision et procèdent au paiement des aides et prestations attribuées.

Les compétences des organismes du régime général sont modifiées en conséquence. Ainsi, le du I complète l’article L. 222-1 relatif à la CNAV pour préciser que celle-ci met en œuvre, pour les travailleurs indépendants, les décisions prises par les instances du CPSTI en matière d’action sanitaire et sociale. Le  du I modifie l’article L. 215-1 relatif aux CARSAT pour ajouter que ces caisses « mettent en œuvre les décisions des instances régionales de la protection sociale des travailleurs indépendants destinées à venir en aide aux travailleurs indépendants, en vue de leur retraite ». Enfin, le du I complète l’article L. 213-1 pour préciser que les URSSAF sont chargées de « la mise en œuvre des décisions prises par les instances régionales de la protection sociale des travailleurs indépendants destinées à venir en aide aux travailleurs indépendants qui éprouvent des difficultés pour régler leurs cotisations et contributions sociales ».

2.   L’assurance vieillesse complémentaire et l’assurance invalidité-décès

a.   Des régimes complémentaires autonomes

Comme le notent Fabrice Verdier et Sylviane Bulteau dans leur rapport de 2015 consacré au RSI ([176]), le particularisme de ce régime tient notamment dans la mise en place de régimes complémentaires qui, à la différence des régimes de base, ont un financement assuré exclusivement par des ressources internes, cotisations et produits financiers.

Le régime obligatoire d’assurance vieillesse complémentaire, tout d’abord, fonctionne par points à l’instar des régimes ARRCO et AGIRC et à la différence des régimes de retraite de base gérés par la CNAV, qui fonctionnent en annuités. Contrairement à ces derniers, ces régimes connaissent des perspectives d’évolutions favorables, puisqu’ils ont versé 1,8 milliard d’euros de pensions en 2016 et disposent de réserves financières d’un montant supérieur à 16 milliards d’euros début 2017, ce qui garantit leur pérennité jusqu’en 2056.

Le régime invalidité-décès, ensuite, est équilibré. Il diffère du régime général à plusieurs égards. Les principales différences concernent notamment :

– les prestations d’invalidité partielles, pour lesquelles le RSI prend en compte l’incapacité au métier exercé, alors que le régime général considère l’incapacité à exercer une profession quelconque ;

– les montants minima des pensions, qui sont plus élevés au RSI ;

– des paramètres techniques, comme les modalités de revalorisation des pensions ou la périodicité des contrôles de non-cumul d’activité ;

– le risque décès, avec l’existence de cotisations spécifiques et l’attribution d’un capital aux enfants à charge.

Le présent article propose de préserver la spécificité de ces deux régimes complémentaires, qui font l’objet d’une gestion autonome : en application de l’article L. 612-1 tel que modifié par le du I, le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants est chargé du pilotage du régime complémentaire d’assurance vieillesse obligatoire et du régime invalidité-décès des travailleurs indépendants, ainsi que de la gestion du patrimoine y afférent.

b.   L’assurance vieillesse complémentaire

Le chapitre V, renommé « Assurance vieillesse complémentaire », du titre III du livre VI du code de la sécurité sociale, est modifié par le 16° du II du présent article.

Ce régime complémentaire de retraite obligatoire dont bénéficient les travailleurs indépendants est maintenu, conformément à l’article L. 635-1 modifié. Les travailleurs indépendants, obligatoirement affiliés à ce régime, continueront de bénéficier à ce titre d’une pension exprimée en points, à la différence du régime de retraite de base qui fonctionne en annuités.

Un décret doit déterminer les règles de pilotage de ce régime complémentaire, notamment « les conditions dans lesquelles le conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants formule à échéance régulière, au ministre chargé de la sécurité sociale, des règles dévolution des paramètres permettant de respecter les critères de solvabilité ».

Si le régime reste piloté par les instances représentatives des travailleurs indépendants, le service des prestations d’assurance vieillesse complémentaire est néanmoins délégué aux CARSAT([177]), conformément à l’article L. 635-4-1 nouveau (d) du 16° du II). Les conditions de cette délégation de compétence sont fixées par convention entre le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants et la CNAV.

c.   L’assurance invalidité-décès

Le 13° du II modifie le chapitre II, intitulé « Assurance invalidité et décès », du titre III du livre VI du code de la sécurité sociale.

Les articles L. 635-5 et L. 635-6 sont modifiés et deviennent les articles L. 632-1 et L. 632-4.

Alors que le service des prestations de pension d’invalidité des travailleurs indépendants était géré par le service retraite des caisses de base du RSI, l’article L. 632-3 nouveau précise que cette compétence est désormais déléguée, dans des conditions fixées par convention entre le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants et la CNAM, aux CPAM ([178]).

L’article L. 632-4 précise toutefois que les conditions d’attribution, de révision, et les modalités de calcul, de liquidation et de service de la pension, qui étaient déterminées par un règlement de la Caisse nationale du RSI approuvé par arrêté ministériel, seront déterminées par un règlement du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, également approuvé par arrêté ministériel.

Le service des prestations de pension d’invalidité des travailleurs indépendants est donc désormais délégué aux CPAM, mais dans des conditions déterminées par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants.

3.   Le conjoint collaborateur 

Le 19° du II crée, au sein du Livre VI du code de la sécurité sociale, un titre VIII nouveau, intitulé « Dispositions applicables aux conjoints collaborateurs » et composé d’un unique article. L’article L. 611-2 nouveau reprend les dispositions qui figuraient à l’article L. 622-8.

4.   Un suivi spécifique du service rendu aux travailleurs indépendants au sein des organismes du régime général

Le 12° du I complète l’article L. 227-1, relatif aux conventions d’objectifs et de gestion, pour préciser que les conventions conclues entre l’État et respectivement la CNAM, la CNAV et l’ACOSS « identifient les objectifs et actions dédiés au service des prestations et au recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants ».

En matière d’assurance vieillesse, le 14° du I met en place entre l’ACOSS et la CNAV un schéma stratégique d’organisation, afin d’assurer une bonne articulation des activités réalisées par les URSSAF et les CARSAT auprès des travailleurs indépendants et de sécuriser l’atteinte des objectifs de qualité de service fixés par les conventions d’objectifs et de gestion conclues entre l’État et l’ACOSS d’une part et entre l’État et la CNAV d’autre part, en ce qui concerne les travailleurs indépendants (article L. 233-1 nouveau, voir supra).

Un suivi spécifique a également été prévu concernant l’assurance maladie des travailleurs indépendants. En effet, le du I modifie l’article L. 221-1 relatif au rôle de la CNAM pour préciser que le rapport d’activité et de gestion, publié chaque année par la CNAM, comporte « des données relatives aux services rendus aux travailleurs indépendants ». L’article L. 221-3-1 est également modifié par le du I pour prévoir que le directeur général de la CNAM rend compte périodiquement du service rendu aux travailleurs indépendants au Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants.

Source : Direction de la sécurité sociale

E.   Une réforme progressive grâce à une phase transitoire de deux ans

Compte tenu de l’ampleur de la réforme, une période transitoire de deux ans – du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019 – a été prévue, pendant laquelle les différentes missions du RSI seront progressivement reprises par les caisses du régime général.

Le présent article comprend à cet égard plusieurs dispositions destinées à permettre le bon déroulement de la réforme.

1.   La mise en place dun comité de pilotage de la réforme

Le 4° du VII prévoit la mise en place, pendant la période transitoire de deux ans, d’un comité chargé du pilotage des opérations. Ce comité est composé des directeurs de la CNAM, de la CNAV, de l’ACOSS et du directeur général de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, nouvelle dénomination de la Caisse nationale du RSI jusqu’à sa dissolution le 1er janvier 2020.

Il est notamment chargé de définir un schéma d’organisation des services, préfigurant le schéma stratégique d’organisation qui doit être établi entre l’ACOSS et de la CNAV, conformément à l’article L. 233-1 nouveau précité.

Le schéma d’organisation des services a également pour objet d’organiser la période transitoire comprise entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2019, en précisant le cadre général et le calendrier dans lequel sont préparés le transfert des différentes missions et activités des caisses du RSI vers les caisses du régime général, ainsi que l’intégration des personnels des caisses du RSI au sein du régime général. Il est approuvé par les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

2.   Les caisses du RSI, rebaptisées « caisses déléguées pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants »

Dès le 1er janvier 2018, la caisse nationale du RSI et les caisses de base du RSI prennent respectivement la dénomination de Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et de caisses locales déléguées pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, en vertu du 2° du VII du présent article.

Pendant la période transitoire de deux ans, ces caisses apportent leur concours aux caisses du régime général s’agissant du service des prestations dont bénéficient les travailleurs indépendants et du recouvrement des cotisations dont ils sont redevables. À ce titre, elles continuent d’exercer tout ou partie des missions antérieurement dévolues aux caisses du RSI, pour le compte des caisses du régime général et dans les conditions fixées par le schéma d’organisation des services mis en place par le 1° du VII.

La Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants continue par ailleurs d’exercer, sous réserve de ce qui échoit désormais à la CNAM, à la CNAV et à l’ACOSS en vertu des dispositions du présent article, les missions, définies à l’article L. 611-4 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au présent article, qu’elle exerçait avant le 1er janvier 2018, à l’exception du financement du RSI et du pilotage du contrôle médical. Ces missions concernent notamment la coordination et le contrôle de l’action des caisses de base ainsi que le contrôle, conjointement avec les caisses de base, des organismes conventionnés, la promotion des actions de prévention, d’éducation et d’information, l’action sanitaire et sociale, ou encore le contrôle du service des prestations afin de détecter les fraudes.

De même, au cours de la période transitoire, les caisses locales déléguées pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants restent régies, sous réserve des dispositions du présent article, par plusieurs dispositions du code de la sécurité sociale relatives à leur champ de compétence, en particulier la lutte contre la fraude (article L. 114-16-3) et les missions de contrôle (article L. 611-16), ou à leurs modalités de fonctionnement, notamment les règles applicables en cas de fusion des caisses de base ou de délégation d’actes d’une caisse de base à une autre caisse de base (articles L. 611-9 à L. 611-11), et celles relatives à l’élection et à la composition du conseil d’administration des caisses de base (articles L. 611-12 et L. 611-13).

Les caisses déléguées pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants doivent être dissoutes le 1er janvier 2020.

Source : Direction de la sécurité sociale

3.   Le calendrier de la mise en œuvre de la réforme

Les dates de transfert des droits et obligations autres que les contrats de travail sont précisées au 4° du VII. Sont ainsi transférés : 

– au 1er janvier 2018, aux organismes nationaux et locaux du régime général selon leurs périmètres de responsabilité respectifs, les disponibilités, capitaux propres, créances et dettes représentatives des droits et obligations directement afférents à la mise en œuvre de l’assurance maladie, maternité et de l’assurance vieillesse de base des travailleurs indépendants, ainsi que les engagements qui en découlent ;

– au 1er janvier 2020, au conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, créé par les et du II du présent article, les disponibilités, capitaux propres, créances et dettes représentatives des droits et obligations directement afférents à la mise en œuvre de l’assurance vieillesse complémentaire et d’invalidité-décès dont bénéficient les travailleurs indépendants, à l’exception de certaines professions libérales (celles mentionnées à l’article L. 640-1) et des avocats, ainsi que les engagements qui en découlent ;

– au 1er janvier 2020, aux organismes nationaux et locaux du régime général tous les autres droits et obligations, à l’exclusion des contrats de travail, afférents à la gestion administrative de la caisse. Par ailleurs, sauf si l’ensemble des caisses concernées en conviennent différemment, les droits et obligations de chaque caisse déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants sont transférés à l’organisme du régime général – CPAM, CARSAT ou URSSAF – dans lequel sont transférés la majorité de ses salariés.

Le du VII précise en outre que les conditions dans lesquelles s’opèrent ces transferts font l’objet de conventions entre les directeurs des organismes concernés. Ils ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxe de quelque nature que ce soit.

Enfin, le 5° du VII prévoit que les contrats de travail des salariés des caisses déléguées pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants sont transférés aux organismes du régime général à une date fixée par décret, et au plus tard au 1er janvier 2020.

Le rapporteur général souhaite rappeler que la réussite de la réforme proposée par le présent article dépend également, en grande partie, de l’existence de systèmes d’information performants.

D’après les informations qui lui ont été communiquées par la direction de la sécurité sociale, un premier audit, reposant sur une expertise externe, doit être mis en place d’ici la fin de l’année 2018 afin d’identifier les sujets présentant un risque particulier.

Par ailleurs, la transformation des systèmes d’information doit faire l’objet d’une réflexion générale grâce à la mise en place d’un groupement d’intérêt public (GIP).

F.   Le transfert du personnel du RSI au régime généraL

Les modalités de transfert du personnel du RSI vers les organismes du régime général sont définies au 5° et au du VII du présent article.

1.   Le transfert des contrats de travail

Le 1er janvier 2018, les près de 5 000 salariés du RSI continueront d’exercer leurs activités au sein des caisses déléguées pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, pour passer progressivement sous la responsabilité fonctionnelle des caisses du régime général, qui deviendront leurs employeurs au plus tard en 2020.

Les modalités de transfert des salariés des caisses déléguées sont détaillées au du VII du présent article.

Ainsi, les caisses déléguées pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et les organismes du régime général sont tout d’abord chargés de préparer le transfert des contrats de travail des salariés des caisses déléguées et rechercher, pour chaque salarié, une solution de reprise recueillant son accord.

Cette phase de préparation du transfert des contrats de travail, qui ne peut excéder le 30 juin 2019, se déroule conformément au schéma d’organisation des services mis en place par le du VII pour accompagner la réforme. Il est en outre précisé que les Caisses nationales peuvent se substituer aux caisses locales en cas de carence de celles-ci dans cette préparation.

Les contrats de travail de ces salariés doivent être transférés aux organismes du régime général à une date fixée par décret, et au plus tard au 1er janvier 2020, dans le respect des solutions de reprises ayant recueilli l’accord individuel de chaque salarié concerné.

Toutefois, en l’absence de telles solutions ayant recueilli l’accord des salariés, les contrats des salariés concernés sont transférés de plein droit à l’organisme du régime général dont les missions et les activités se rapprochent le plus de l’activité antérieure de ces salariés. Dans ce cas, les contrats de travail des salariés de la Caisse nationale déléguée sont transférés aux Caisses nationales du régime général désignées en application de ce critère ; les contrats de travail des salariés des caisses locales déléguées étant quant à eux transférés à l’organisme, désigné en application de ce même critère, dans la circonscription duquel se situe le lieu de travail de ces salariés.

Enfin, le du VII précise que le décret fixant, le cas échéant, la date du transfert des contrats de travail ne peut être pris avant la validation, par un comité de surveillance de la réforme, des conclusions auxquelles sont parvenues les caisses déléguées pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et les organismes du régime général lors de la phase préparatoire. Un décret peut néanmoins fixer une date de transfert anticipé pour les salariés dont l’activité relève uniquement des missions d’un seul type d’organisme du régime général.

2.   Les conventions collectives applicables aux anciens salariés du RSI

Le 6° du VII, relatif aux conventions collectives applicables aux salariés transférés, prévoit la négociation d’accords transitoires, avant que les conventions collectives du régime général ne soient applicables à ces salariés.

Il convient de distinguer trois étapes :

1) Jusqu’au transfert de leur contrat de travail, les salariés des caisses déléguées pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants restent régis à titre exclusif par les conventions collectives du régime social des indépendants.

2) Des accords dits « de transition » peuvent ensuite s’appliquer à compter du transfert des salariés concernés et jusqu’à une date qui ne peut excéder le 31 décembre 2022.

Ainsi, avant le 31 mars 2018, l’union des Caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS) et les organisations syndicales de salariés représentatives au sein du RSI engagent des négociations afin de conclure des accords précisant les modalités, les conditions et les garanties s’appliquant aux salariés dans le cadre de leur transfert vers les organismes du régime général et prévoyant le cas échéant les dispositions s’appliquant pour les salariés transférés, à l’exclusion des stipulations portant sur le même objet que les conventions collectives du régime général et que les accords applicables dans l’organisme dans lequel leurs contrats de travail sont transférés. 

La validité de ces accords est subordonnée, en application de l’article L. 2232-6 du code du travail, à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l’audience, au moins 30 % des suffrages exprimés, quel que soit le nombre de votants, et à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants.

Toutefois, en ce qui concerne les accords relatifs aux conditions de travail des agents de direction et de l’agent comptable, participent à la négociation les organisations syndicales de salariés représentatives des agents de direction et des agents comptables des organismes du RSI ainsi que l’organisation syndicale dont relève la personne élue, pour ce même régime, pour représenter ces agents dans la commission chargée d’établir la liste d’aptitude à la fonction de directeur ou d’agent comptable.

À défaut d’accord avant leur transfert, les conventions collectives du régime général s’appliquent intégralement et à titre exclusif aux salariés transférés.

3) À partir du 1er janvier 2013, les conventions collectives du régime général s’appliquent intégralement et à titre exclusif aux salariés transférés.

Source : Direction de la sécurité sociale

G.   dispositions relatives au maintien des droits et à la coordination entre régimes

Le IV du présent article modifie diverses dispositions des titres VI et VII du livre Ier de la sécurité sociale.

Le du IV réécrit l’article L. 161-8 du code de la sécurité sociale relatif à la continuité des droits aux prestations pour les risques maladie, maternité, invalidité et décès, sans toutefois en modifier le contenu.

Le du IV modifie le chapitre Ier du titre VII, relatif à la coordination entre les régimes et à la prise en charge de certaines dépenses par les régimes. Il propose d’intituler ce chapitre « Dispositions générales », et non plus « Dispositions générales – Dispositions communes à lassurance vieillesse et à lassurance invalidité ».

Les , et du IV réécrivent les articles du code de la sécurité sociale relatifs aux règles d’affiliation aux différents régimes de sécurité sociale des personnes en situations de pluriactivité, sans toutefois modifier ces règles.

En vertu du , l’article L. 171-2-1 remplace l’article L. 613-4, tout en modifiant sa rédaction. Il dispose que les personnes exerçant simultanément plusieurs activités sont affiliées et cotisent simultanément aux régimes dont relèvent ces activités.

Le réécrit l’article L. 171-3 qui dispose que par dérogation à L. 171-2-1 précité, les personnes exerçant simultanément une activité indépendante agricole et une activité indépendante non agricole sont affiliées dans le seul régime de leur activité la plus ancienne, sauf option contraire exercée dans des conditions fixées par décret. L’article précise toutefois que ces dispositions ne s’appliquent pas dans deux cas :

– pour les personnes dont l’une des activités est permanente et l’autre saisonnière. Ces personnes sont alors affiliées au régime qui correspond à leur activité permanente ;

– pour les travailleurs indépendants exerçant simultanément une activité indépendante agricole et une activité indépendante relevant du régime micro-social : dans ce cas, ils sont affiliés et cotisent simultanément auprès des régimes dont relèvent ces activités.

Le  réécrit l’article L. 622-1, qui devient l’article L. 171-6-1. Celui-ci dispose que les personnes qui exercent simultanément plusieurs activités professionnelles indépendantes sont affiliées et cotisent au régime d’assurance vieillesse dont relève leur activité principale. Pour les personnes ayant exercée simultanément plusieurs activités indépendantes relevant de régimes d’assurance vieillesse distincts, l’allocation est à la charge du régime d’assurance vieillesse dont relevait ou aurait relevé son activité principale.

Le  du IV complète l’article L. 172-2 relatif à la coordination entre régimes en cas de maladies ou de maternité, pour préciser que cette coordination est assurée par l’application des dispositions de maintien de droit prévues à l’article L. 161-8, modifié par le du IV.

Le et ledu IV procèdent à une modification rédactionnelle, respectivement à l’article L. 161-18 et à l’article L. 171-7, afin de tirer les conséquences de la suppression du RSI.

Le du IV tire les conséquences, à l’article L. 162-14-1, des renumérotations d’articles opérées par le présent article. 

H.   nouvelles numÉROTATIONS d’articles, Coordinations rédactionnelles et abrogations

1.   Nouvelles numérotations d’articles

Le du II vise à regrouper, au sein du chapitre III du titre Ier du livre VI du code de la sécurité sociale, les « dispositions relatives au financement communes à l’ensemble des indépendants ». Sont insérées dans ce chapitre des dispositions qui figuraient dans le livre Ier du même code, en particulier les articles L. 133-5-2, L. 133-6-7, L. 133-6-7-1, L. 133-6-7-2 et L. 131-6-3, respectivement renumérotées articles L. 613-2, L. 613-3, L. 613-4, L. 613-5 et L. 613-9 (d) à i) du ). Les seules modifications sont d’ordre rédactionnel et visent à tirer les conséquences de la suppression du RSI.

Le du II créé un chapitre V, intitulé « Contrôles et sanctions », du titre Ier du livre VI. Sont insérées dans ce chapitre des dispositions qui figuraient dans les titres 4 et 5 du livre VI du même code, en particulier les articles L. 652-7, L. 637-1, L. 637-2 et L. 652-4, respectivement renumérotés articles L. 615-1, L. 615-2, L. 615-3 et L. 615-4 (a) à d) du ). Là encore, les modifications visent seulement à tirer les conséquences de la suppression du RSI.

Par ailleurs, le e) du complète le chapitre V par un article L. 615-5 nouveau, qui précise que les dispositions du chapitre VII du titre VII du livre III, sont applicables aux prestations servies aux travailleurs indépendants. Il s’agit des sanctions à l’encontre de tout intermédiaire ayant offert ses services moyennant paiement à un assuré social en vue de lui faire obtenir le bénéfice des prestations qui peuvent lui être dues d’une part, et de celles destinées à punir quiconque, soit par menaces ou abus d’autorité, soit par offre, promesse d’argent, ristourne sur les honoraires médicaux ou fournitures pharmaceutiques, aura attiré ou tenté d’attirer ou de retenir les assurés notamment dans une clinique ou cabinet médical, dentaire ou officine de pharmacie.

2.   Modifications de coordination rédactionnelle

Le V du présent article procède à de nombreuses modifications de coordination rédactionnelle, afin de tirer les conséquences dans 35 articles du code de la sécurité sociale de la suppression du RSI.

Ces modifications sont effectuées :

– à l’article L. 111-11, relatif aux objectifs de dépenses et de recettes de la CNAM et de la caisse centrale de la MSA, par le du V ;

 à l’article L. 114-16-3, relatif aux agents des organismes de protection sociale habilités à s’échanger tous renseignements utiles en matière de fraude sociale ainsi qu’en matière de recouvrement des cotisations dues et de prestations sociales versées indûment, par le du V ;

– à l’article L. 114-23, relatif à la convention-cadre de performance du service public de la sécurité sociale, conclue entre les organismes nationaux de sécurité sociale et l’État, par le du V ;

– à l’article L. 114-24, relatif au fonds de prospective et de performance de la sécurité sociale, par le du V ;

– à l’article L. 115-9, relatif à la convention pluriannuelle fixant les principes et les objectifs d’une politique coordonnée d’action sociale en vue de la préservation de l’autonomie des personnes âgées, conclue entre l’État et les caisses nationales d’assurance vieillesse, par le du V ;

– à l’article L. 123-1, relatif aux conventions collectives de travail du personnel des organismes de sécurité sociale, par le du V ;

– à l’article L. 123-2-1, relatif aux conventions collectives spéciales relatives aux conditions de travail des praticiens conseils exerçant dans le service du contrôle médical, par le du V ;

– à l’article L. 133-1-4, qui devient l’article L. 133-4-11, relatif au recouvrement partiel des cotisations et contributions sociales, par le du V ;

– à l’article L. 134-1, relatif à la compensation entre les régimes obligatoires de sécurité sociale comportant un effectif minimum, par le du V ;

– à l’article L. 134-3, relatif aux comptes de la CNAV, par le 10° du V ;

– à l’article L. 134-4, relatif aux comptes de la branche maladie, maternité, invalidité et décès du régime général de sécurité social, par le 11° du V ;

– à l’article L. 135-2, relatif aux dépenses prises en charge par le fonds de solidarité vieillesse, par le 12° du V ;

– à l’article L. 135-6, relatif au fonds de réserve pour les retraites, par le 13° du V ;

– à l’article L. 136-3, relatif à la contribution sociale généralisée, par le 14° du V ;

– à l’article L. 173-2, relatif au montant du minimum de pension lorsque l’assuré a relevé d’un ou plusieurs régimes d’assurance vieillesse, par le 15° du V ;

– à l’article L. 182-2-2, relatif à la composition du conseil de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, par le 16° du V ;

– à l’article L. 182-2-4, relatif aux rôles respectifs du directeur général et du collège des directeurs de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, par le 17° du V ;

– à l’article L. 182-2-6, relatif aux ressources de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, par le 18° du V ;

– à l’article L. 241-2, relatif aux ressources destinées à couvrir les dépenses de maladie, maternité, invalidité et décès du régime général, par le 19° du V ;

– à l’article L. 243-6-3, relatif au rescrit social, par le 20° du V ;

– à l’article L. 311-3, relatif aux personnes affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, par le 21° du V ;

– à l’article L. 351-15, relatif à la retraite progressive, par le 22° du V ;

– dans l’intitulé du chapitre II du titre II du livre VII, et dans celui de la section II de ce même chapitre, par le 23° du V ;

– à l’article L. 722-1, relatif au régime des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés, par le 24° du V ;

– à l’article L. 722-1-1, relatif à la possibilité, pour les médecins pratiquant des honoraires différents des honoraires conventionnels de demander à être affiliés au régime d’assurance maladie et maternité des travailleurs indépendants non agricoles, par le 25° du V ;

– à l’article L. 612-3, qui devient l’article L. 722-4, relatif à la contribution de 3,25 % à la charge des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés, au profit du régime d’assurance maladie-maternité du RSI, par le 26° du V ;

– à l’article L. 722-5, relatif au recouvrement des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés, par le 27° du V ;

– à l’article L. 722-6, relatifs aux prestations maladie, maternité et décès dont bénéficient les praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés, par le 28° du V ;

– à l’article L. 722-9, relatif aux modalités de coordination entre le régime des praticiens et auxiliaires médicaux et le régime d’assurance maladie et maternité des travailleurs indépendants non agricoles, par le 29° du V ;

– à l’article L. 742-6, relatif aux personnes pouvant adhérer volontairement à l’assurance vieillesse des travailleurs non-salariés non agricoles, par le 30° du V ;

– à l’article L. 742-7, relatif à l’acquisition des droits aux prestations servies par le régime d’assurance vieillesse des travailleurs non-salariés non agricoles, en cas d’adhésion volontaire à ce régime, par le 31° du V ;

– à l’article L. 752-4, relatif au rôle des caisses générales de sécurité sociale, par le 32° du V ;

– à l’article L. 752-6, relatif à la composition des conseils d’administration des caisses générales de sécurité sociale, par le 33° du V ;

– à l’article L. 752-9, relatif à la composition des conseils d’administration des caisses d’allocations familiales de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion, par le 34° du V ;

– à l’article L. 756-5, relatif aux conditions d’exonérations de cotisations maladie et vieillesse des travailleurs indépendants exerçant leur activité en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, par le 35° du V ;

– à l’article L. 766-2, relatif aux conditions de prise en charge, sur le territoire français, des prestations maladies et maternité par la Caisse des Français de l’étranger, par le 36° du V.

3.   Abrogations d’articles

Le VI du présent article regroupe les dispositions abrogées par le présent article. Il s’agit :

– de la section II du chapitre III du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, relative au recouvrement des cotisations et contributions de sécurité sociale des travailleurs indépendants, par les et du VI ;

– des sections II bis et 2 quater du chapitre III bis du titre III du livre Ier du même code, relatives respectivement à la modernisation et à la simplification des formalités au regard des travailleurs indépendants d’une part, et aux droits des cotisants d’autre part, par le du VI ;

– de l’article L. 173-3, relatif à l’assurance vieillesse des travailleurs indépendants, par le du VI ;

– de la section V du chapitre II du titre IV du livre II, relative aux modalités de calcul des cotisations d’allocations familiales des travailleurs indépendants non agricoles, par le du VI ;

– des articles L. 611-2 à L. 611-20 relatifs à l’organisation administrative du RSI, par le du VI ;

– des articles L. 612-9 à L. 612-13, L. 613-2, L. 613-9, L. 613-12 à L. 613‑14 et L. 613-23, relatifs à l’assurance maladie et maternité des personnes affiliées au RSI, par le du VI ;

– de la section IV du chapitre III du titre Ier du livre VI, relative aux prestations supplémentaires servies aux travailleurs indépendants, par le du VI ;

– de l’article L. 614-1, relatif au contentieux lié au RSI, et les articles L. 621-4, L. 622-2, L. 622-6, L. 623-1, L. 623-2, L. 633-9, L. 633-11-1, L. 634-1 et L. 634-5, relatifs à lassurance vieillesse et invalidité-décès des personnes affiliées au RSI, par le du VI ;

– du chapitre VII du titre III du livre VI, relatif aux sanctions en cas de non-respect de l’obligation d’affiliation à la sécurité sociale ou de refus de payer les cotisations et contributions dues, par le 10° du VI ;

– des articles L. 642-2-1, L. 642-2-2, L. 651-12, L. 651-13, L. 722-2, L. 722-3, L. 722-4, L. 722-5-1 et L. 722-7, relatifs à l’assurance vieillesse et invalidité-décès des professions libérales et au régime des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés, par le 11° du VI ;

– du XII de l’article 50 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017, relatif à la redéfinition du périmètre des professions libérales affiliées à la CNAVPL, par le 12° du VI.

III.   La modification des règles d’affiliation à la CNAVPL

Le présent article prévoit de transférer l’assurance vieillesse de certaines professions libérales de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse des professions libérales (CIPAV) au régime général.

A.   L’affiliation actuelle à la CIPAV est source de complexité et de difficultés de gestion

Si la suppression du régime social des indépendants (RSI) constitue le principal objet du présent article, celui-ci propose également de corriger la segmentation entre les professions artisanales, industrielles et commerciales, d’une part, et certaines professions de services, qui relèvent aujourd’hui du régime des professions libérales, d’autre part.

Les professions libérales sont affiliées pour les risques retraite et invalidité-décès, dans le droit en vigueur, à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse des professions libérales (CIPAV), qui constitue l’une des dix sections professionnelles de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). Elles relèvent toutefois du RSI – et, à compter du 1er janvier 2018, du régime général – pour la couverture du risque maladie.

Les autres entrepreneurs, assimilés à des travailleurs indépendants, relèvent quant à eux pour l’ensemble des risques de la couverture du RSI – et demain de celle du régime général –, bien que leurs activités soient proches.

Cette segmentation est tout d’abord source de forte complexité pour les organismes de retraite s’agissant de l’appréciation de la frontière entre ces différents périmètres, qui leur demande de consacrer des moyens de gestion importants pour classer l’ensemble des activités, alors même que cette distinction est artificielle.

Par ailleurs, du fait des règles actuelles, le régime d’affiliation est fréquemment incertain et peu lisible pour les entrepreneurs assurés. Un changement d’activité d’importance limitée peut en effet se traduire par un changement de régime, avec les effets potentiellement pénalisants que cela implique pour la pension dès lors que les droits sont ouverts dans un régime non aligné.

En outre, des difficultés spécifiques sont liées à l’affiliation à la CIPAV des micro-entrepreneurs, ayant succédé aux auto-entrepreneurs. Le mouvement massif de création d’entreprises, résultant de la mise en place du régime micro‑social simplifié par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, a créé une lourde charge de travail supplémentaire pour la CIPAV, qui regroupe désormais 600 000 cotisants relevant de 260 professions distinctes. Près d’un tiers de ces cotisants ont un chiffre d’affaires inférieur à 200 SMIC horaire par an, entraînant une insuffisance du niveau des cotisations versées.

Au total, le périmètre recouvert par la CIPAV et la segmentation juridique avec les travailleurs indépendants affiliés au RSI et, demain, au régime général, semblent source de complexité tant pour les assurés que pour les caisses de retraite.

Pour remédier à cette situation, l’article 50 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 proposait de modifier le périmètre des professions libérales affiliées à la CIPAV : un nouvel article L. 640-1 du code de la sécurité sociale prévoyait ainsi que seules les professions libérales énumérées dans un décret relèveraient de la CIPAV, les autres professions libérales devant être rattachées au RSI.

Cette mesure a néanmoins fait l’objet d’une censure partielle du Conseil constitutionnel ([179]), rendant le dispositif actuel, dont l’entrée en vigueur ne devait intervenir que le 1erjanvier 2019, inapplicable.

Le présent article propose donc de réécrire le dispositif prévu à l’article 50 de la précédente loi de financement de la sécurité sociale, tout en tenant compte de la suppression du RSI.

B.   La redéfinition de l’affiliation de certaines professions libérales

Le présent article redéfinit le périmètre couvert par l’assurance vieillesse du régime général. Sont désormais concernées l’ensemble des personnes qui étaient affiliées au RSI, mais également les professions libérales ne relevant pas de la liste figurant à l’article L. 640-1, tel que modifié par le présent article.

En effet, l’article L. 200-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le du I, prévoit que le régime général de sécurité sociale couvre, pour le versement des prestations en espèce au titre de l’assurance vieillesse, les personnes visées à l’article L. 631-1. Cet article, créé par le 12° du II, précise qu’il s’agit des travailleurs indépendants non agricoles, à l’exception des personnes affiliées :

– au régime d’assurance vieillesse des professions libérales, c’est-à-dire les professions libérales figurant à l’article L. 640-1 ;

– à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF).

Or, le a) du 17° du II modifie l’article L. 640-1 du code de la sécurité sociale définissant le champ d’application du régime d’assurance vieillesse et d’invalidité-décès des professions libérales. La liste des professions libérales désormais seules affiliées aux régimes d’assurance vieillesse et invalidité-décès des professions libérales est complétée, en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel censurant la rédaction de ce même article, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. Sont ainsi identifiées :

– les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, auxiliaires médicaux, psychothérapeutes, psychologues, ergothérapeutes, ostéopathes ;

– les notaires, huissiers de justice, commissaires-priseurs, syndics ou administrateurs et liquidateurs judiciaires agréés, greffiers, experts devant les tribunaux, mandataires judiciaires à la protection des majeurs, courtiers en valeurs, arbitre devant le tribunal de commerce, experts-comptables, agents généraux d’assurances ;

– les architectes, géomètres, ingénieurs-conseils ;

– les artistes autres qu’artistes-auteurs ;

– les vétérinaires ;

– les moniteurs de ski titulaires d’un brevet d’État ou d’une autorisation d’exercer mettant en œuvre leur activité dans le cadre d’une association ou d’un syndicat professionnel, quel que soit le public auquel ils s’adressent.

C.   une entrée en vigueur échelonnée

Le du VII du présent article prévoit des dispositions transitoires afin de faciliter l’entrée en vigueur des nouveaux périmètres respectifs du régime général et de la CNAVPL.

Cet aménagement est nécessaire aussi bien pour le « flux » – c’est-à-dire les nouveaux micro-entrepreneurs ou professionnels libéraux ne figurant pas à l’article L. 640-1, dont l’affiliation se fera obligatoirement au régime général – que pour le « stock » – c’est-à-dire les actuels micro-entrepreneurs ou professionnels libéraux ne figurant pas à l’article L. 640-1, qui pourront exercer un droit d’option.

● Deux dates d’entrée en vigueur sont tout d’abord prévues pour le « flux » des assurés :

– à compter du 1er janvier 2018 pour les micro-entrepreneurs, aux termes du a) du ;

– à compter du 1er janvier 2019 pour les autres travailleurs indépendants relevant des professions libérales non identifiées à l’article L. 640-1, aux termes du b) du 8°.

● S’agissant du « stock », le du VII du présent article met en place un droit d’option pour les professionnels concernés, qui pourront décider de maintenir leur affiliation à la CIPAV ou de basculer au régime général.

Le quatrième alinéa du du VII définit comme principe le maintien de l’affiliation à la CIPAV des travailleurs indépendants ne relevant pas du champ de l’article L. 640-1 du code de la sécurité sociale et affiliés antérieurement à cette caisse.

Il prévoit également les conditions d’exercice d’un droit d’option entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2023 dans le cas du choix du transfert de leur affiliation à l’assurance vieillesse et invalidité du régime général. Ils doivent alors être à jour du paiement de leurs cotisations dues à la CIPAV et, le cas échéant, des majorations et pénalités associées.

Ce changement d’affiliation, qui est définitif, prend effet au 1er janvier de l’année suivant celle au cours de laquelle le droit d’option a été exercé.

Les professionnels qui exerceront leur droit d’option verront la totalité de leur pension liquidée par les CARSAT, aux termes du neuvième alinéa du du VII.

Pour les périodes antérieures au changement d’affiliation, les points acquis dans le régime de base des professions libérales seront multipliés par la valeur de service du point à la date d’effet du changement d’affiliation puis transférés au régime général selon des modalités précisées par décret.

S’agissant du régime de retraite complémentaire, les points acquis à la CIPAV par les travailleurs indépendants ayant exercé leur droit d’option seront convertis dans le régime complémentaire d’assurance vieillesse des travailleurs indépendants, tel qu’il résulte de l’article L. 635-1 modifié par le 16° du II. Le douzième aliéna du renvoie au pouvoir réglementaire la définition des règles de conversion, en fonction des valeurs de service de chacun des deux régimes à la date d’effet de la nouvelle affiliation.

Enfin, les travailleurs indépendants désormais affiliés au régime général et ne relevant pas du régime micro-social pourront bénéficier, à leur demande, de taux spécifiques pour le calcul de leurs cotisations d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire. Ils choisiront donc entre le maintien global du niveau antérieur de leurs cotisations et prestations ou l’application immédiate des niveaux de cotisations et de prestations en vigueur au sein du régime de retraite auquel sont affiliés les autres travailleurs indépendants.

Le huitième alinéa du du VII précise les contours de cette dérogation, ouverte jusqu’au 31 décembre 2026. Fixés par décret après avis du conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, ces taux inférieurs permettront d’assurer une neutralisation des effets de l’affiliation au régime de retraite des travailleurs indépendants en termes de prélèvement tant pour le « flux » que pour le « stock » des professionnels libéraux concernés. Ils donneront lieu, de facto, et à due proportion, à l’acquisition, par rapport aux autres travailleurs indépendants affiliés au régime général, de moindres droits pendant la période de transition de huit ans. Ces taux rejoindront ensuite progressivement le taux normal du régime de retraite complémentaire des travailleurs indépendants.

D.   Modifications rédactionnelles

Le b) du 17° du II complète l’article L. 641-1, relatif à la CNAVPL et à ses sections professionnelles, pour préciser les dispositions du code de la sécurité sociale s’appliquant à ces organismes. Il s’agit des dispositions relatives aux règles de constitution et de fonctionnement des caisses (article L. 216-1) et celles applicables aux membres de leur conseil d’administration (articles L. 231-5, L. 231-6-1, L. 231-12, L. 272-1 et L. 272-2), à la garantie des prêts hypothécaires consentis par les organismes de sécurité sociale (article L. 256-3), au contrôle de l’État (articles L. 273-1, L. 281-1 et L. 281-3), à la cession des pensions et rentes d’invalidité et de vieillesse (article L. 355-2), aux modalités de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d’invalidité (article L. 355-3) et aux sanctions contre toute personne qui, moyennant paiement, fait bénéficier un assuré de prestations qui peuvent lui être dues (article L. 377-2).

Le c) du 17° du II crée une section III intitulée « contrôle et sanction » au sein du chapitre Ier du titre IV du livre VI. En vertu du d) du 17° du II, l’article L. 652-6, relatif au contrôle de l’application par les travailleurs indépendants des dispositions du livre VI, confié aux caisses et sections professionnelles relevant des organisations autonomes d’assurance vieillesse des professions libérales, devient l’article L. 641-8 et est inséré dans ce nouveau chapitre.

Le e) du 17° du II complète la section II du chapitre II du titre VI du livre VI, relative au recouvrement des cotisations d’assurance vieillesse et invalidité-décès des professions libérales par un nouvel article L. 642-6.

Celui-ci mentionne les règles applicables aux organismes d’assurance vieillesse des professions libérales et aux professions libérales qui y sont affiliées. Il s’agit des règles relatives aux garanties en cas de non-paiement des cotisations (articles L. 243-4 et L. 243-5), au redressement de cotisations et contributions sociales (article L. 243-6-2), aux agents de l’organisme chargé du contrôle de l’application des dispositions du code de la sécurité sociale (articles L. 243-9 et L. 243-11), aux règles applicables lorsqu’un cotisant ne s’est pas conformé aux prescriptions de la législation de sécurité sociale (articles L. 244-1 à L. 244-5, L. 244-7 et L. 244-8-1 à L. 244-14).

Le f) du 17° du II insère dans la première section du chapitre III du titre IV du livre VI, relative à louverture des droits et à la liquidation des prestations de base, l’article L. 133-6-10, qui devient l’article L. 643-0, relatif au rescrit social.

Enfin, le 18° du II complète la section IV du chapitre III du même titre par un nouvel article L. 643-10 prévoyant que la structure des organisations, leurs règles de fonctionnement ainsi que le mode d’élection des membres des conseils d’administration de leurs caisses ou sections de caisses dont déterminées par décret en Conseil d’État, après avis du conseil d’administration de la caisse nationale intéressée.

IV.   La modulation des acomptes de cotisations sociales des travailleurs indépendants

Parallèlement à la disparition du RSI, le programme du Gouvernement en faveur des travailleurs indépendants, détaillé le 5 septembre 2017 par le Premier ministre Édouard Philippe, contient plusieurs mesures destinées à améliorer et à simplifier la qualité de service en faveur des travailleurs indépendants, en particulier la possibilité de moduler leurs acomptes de cotisations « en temps réel ».

En effet, contrairement aux salariés, il existe pour les travailleurs indépendants un décalage temporel entre leur activité et les prélèvements de cotisations sur le revenu qu’elle génère. Cela est lié au statut même du travailleur indépendant qui, contrairement au salarié dont les revenus sont communiqués chaque mois par l’entreprise, ne fait qu’une seule déclaration sociale par an, comme le prévoit l’article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale.

Ce décalage, source d’incompréhensions, peut devenir problématique en cas de fortes fluctuations de revenu.

C’est pourquoi le VIII du présent article prévoit la possibilité pour les travailleurs indépendants, par dérogation à l’article L. 131-6-2 précité, d’acquitter leurs cotisations et contributions sociales provisionnelles sur une base mensuelle ou trimestrielle, établie à partir des informations communiquées par ces travailleurs indépendants, en fonction de leur activité ou de leurs revenus mensuels ou trimestriels.

Ce dispositif, proposé à titre expérimental pour une durée d’un an, permet aux travailleurs indépendants de payer davantage de cotisations et contributions sociales les mois de forte activité et d’en payer moins lors les périodes creuses, une régularisation annuelle du montant à acquitter intervenant ensuite, une fois leur compte définitif établi.

Le VIII précise par ailleurs que les travailleurs indépendants concernés participent à titre volontaire à l’expérimentation et à la réalisation de son bilan, les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation devant être précisées par décret.

Enfin, ce dispositif doit faire l’objet d’un rapport d’évaluation, réalisé par le Gouvernement au terme de l’expérimentation et transmis au Parlement.

V.   Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances

Le IX du présent article vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans un délai de six mois suivant la date de publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi visant à modifier les parties législatives des codes et les dispositions non codifiées, afin d’assurer la cohérence des textes au regard des dispositions du présent article et le respect de la hiérarchie des normes, de regrouper les dispositions qui le justifient dans le livre VI du code de la sécurité sociale et d’abroger les dispositions, codifiées ou non, devenues sans objet.

Il prévoit le dépôt devant le Parlement d’un projet de loi de ratification dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

*

La commission examine lamendement AS340 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. La loi de financement de la sécurité sociale vise à assurer la maîtrise des dépenses de santé, or cet article est d’une tout autre nature puisqu’il vise à supprimer un régime social, celui des indépendants (RSI). Aussi pensons-nous qu’il s’agit d’un cavalier législatif. Cela d’autant que l’essentiel des dispositions qui y figurent ne portent pas sur les règles relatives au financement du RSI mais sur l’organisation, la gouvernance, la représentation des assurés, les règles d’affiliation, de prestation et de cotisation d’un nouveau système de portée générale. En outre, en intégrant salariés et indépendants dans le régime général sans systèmes différenciés, on peut s’attendre à de sérieux problèmes de gestion. C’est pourquoi la suppression du RSI devrait faire l’objet d’un projet de loi ordinaire à part entière et, de ce fait, bénéficier d’un examen plus approfondi.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Je n’ai pas compris si vous étiez favorable sur le fond à la suppression du RSI et si c’est contre la forme que vous vous inscriviez en faux, ou bien si vous étiez défavorable et à la suppression et à la forme.

M. Joël Aviragnet. Nous ne sommes pas opposés à la suppression du RSI mais à la méthode par laquelle vous entendez y procéder.

M. le rapporteur général. Je vous rassure : nous pouvons supprimer le RSI dans le cadre du présent PLFSS puisqu’il s’agit de règles d’affiliation à un régime de sécurité sociale et des modalités de recouvrement des cotisations et contributions sociales.

M. Joël Aviragnet. Cela étant, je persiste à penser que la suppression du RSI mérite un examen plus approfondi, et que cette question doit faire l’objet d’un projet de loi ordinaire.

Mme Carole Grandjean. La création du RSI a tout de même été marquée par de réels problèmes de mise en œuvre. Ce régime et les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) doivent assurer conjointement le calcul, l’encaissement et le recouvrement des cotisations mais avec des systèmes informatiques qui ont créé des dysfonctionnements. Au-delà de l’adossement du RSI au régime général, nous voulons retravailler la méthode en maintenant certaines spécificités inhérentes à l’activité indépendante. L’action sociale dédiée des régimes de retraite complémentaire d’invalidité me paraît ainsi très importante. De même, les règles de cotisation doivent tenir compte de la situation économique des intéressés. Enfin, il faut prendre en considération la gestion spécifique des missions relatives à l’accompagnement des travailleurs indépendants, notamment ceux qui éprouvent des difficultés à acquitter leurs cotisations, mais aussi la surveillance générale de la mise en œuvre de la protection sociale des indépendants par les différents organismes. Or, je tiens à rassurer nos collègues car ces différents éléments figurent bien dans le texte. En outre, à compter du 1er janvier 2018, un conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants garantira les droits des indépendants et le niveau de leurs cotisations.

L’article 11 vise à simplifier les démarches et les conditions de prise en charge des assurés au sein du régime de droit commun des travailleurs indépendants, qui pourront également bénéficier d’une continuité de leur couverture au fil de leur activité. Nous savons en effet que celle-ci peut parfois s’interrompre, reprendre et que ces interruptions sont complexes à gérer. Il nous revient donc, par l’adossement au régime général, de faciliter cette gestion, j’y insiste. Enfin, un comité sera créé afin de piloter la réforme et de veiller à son bon déroulement.

M. Jean-Pierre Door. Nous pensons également que le dispositif en question devrait faire l’objet d’un projet de loi à part entière dès lors que l’article 11 compte à lui seul plus de trente pages. Je n’ai pas encore obtenu de réponse de la part du ministre de l’action et des comptes publics mais il y a un risque constitutionnel sur le fait que l’on rattache brutalement le RSI au régime général. Attention, monsieur le rapporteur général, vous savez que le Conseil constitutionnel a ses règles et, dès l’instant où il sera saisi du texte, il pourrait même faire valoir que l’article relève d’une loi organique car vous changez totalement de régime et vous imposez, dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale, la suppression d’un régime au profit d’un autre.

M. le rapporteur général. Pour aller dans le sens de notre collègue Grandjean, je crois que pas un seul d’entre nous, sur les marchés, pendant la campagne pour les élections législatives, n’a pas été interpellé sur le RSI. Les 6,5 millions de travailleurs indépendants attendent vraiment que les choses changent. Il y a eu des cafouillages, peu importe pour quelles raisons – on dit qu’il y a jusqu’à 20 % d’erreurs dans les systèmes d’information. Évidemment, l’efficacité ne reviendra pas comme par magie, il faudra un peu de temps. Reste que le régime général est totalement adapté pour intégrer et développer les systèmes d’information nécessaires pour améliorer la situation. Le RSI avait néanmoins fait des efforts, ces dernières années, en matière de structuration et d’organisation.

Nous avons auditionné ici même les représentants de la direction du RSI, ceux des syndicats de salariés et ceux des indépendants. Nous avons pu constater une attente très forte. Il s’agit en outre d’un engagement du Président de la République. Des garanties sont prévues pour sauvegarder les emplois.

Pour ce qui est de la forme, j’y insiste, j’ai une confiance absolue. Le travail réalisé avec les administrateurs de l’Assemblée me conduit à avoir une lecture différente de la vôtre monsieur Door, monsieur Aviragnet, et du risque constitutionnel encouru. En outre, le Gouvernement s’en est également assuré.

Je remarque que les députés du groupe Nouvelle Gauche souhaitent que cette proposition fasse l’objet d’une loi organique puisqu’il s’agit d’un sujet très important. Dont acte mais, à l’exception d’une demande de rapport, le présent amendement est le seul déposé par votre groupe sur ce sujet, monsieur Aviragnet.

Avis défavorable.

M. Francis Vercamer. Les députés du groupe Les Constructifs ne voteront pas cet amendement, même si l’article présente un vrai risque d’inconstitutionnalité. Reste qu’il s’agit de rapprocher des régimes spéciaux du régime général de la sécurité sociale.

Lors de l’audition de M. Darmanin, j’ai évoqué les retraites complémentaires des indépendants. Il a alors répondu n’avoir pas avancé sur le sujet. Or, il nous importe que les droits des indépendants soient garantis et que ceux qui ont cotisé pendant un certain nombre d’années puissent bénéficier de leurs droits.

Mme Caroline Fiat. Les députés du groupe La France insoumise ne voteront pas cet amendement. Toutefois, si nous sommes d’accord avec la majorité – notre programme prévoyait également la fin du RSI et donc nous vous suivrons parce qu’il faut être intelligent ‑, nous défendrons un amendement relatif aux salariés des caisses du RSI.

M. le rapporteur général. Je vous confirme, Monsieur Vercamer, que les retraites complémentaires des travailleurs indépendants seront préservées. Et je remercie Mme Fiat pour sa position constructive.

La commission rejette lamendement AS340.

Puis elle examine lamendement AS61 de M. Jean-Pierre Door.

M. Gilles Lurton. Pour avoir assisté aux mêmes auditions des responsables du RSI et des syndicats que vous, monsieur le rapporteur général, je n’ai pas eu le même sentiment d’un soulagement à l’idée de la suppression du RSI telle qu’elle est envisagée par cet article. J’ai même eu plutôt l’impression d’une très grande inquiétude de la part de responsables que j’ai trouvé très déçus.

Le RSI, je suis le premier à le reconnaître, a connu de très importantes difficultés de fonctionnement au cours des premières années, liées à une mauvaise fusion des fichiers au moment de sa création, difficultés qui se sont répercutées jusqu’à ces dernières années et ont eu un effet des plus préjudiciables pour les commerçants, les artisans et autres professions libérales.

J’ai néanmoins remarqué, à l’occasion des nombreuses permanences que je tiens dans ma circonscription, que si j’ai été saisi d’un très grand nombre de réclamations de la part des commerçants et des artisans pendant plusieurs années pendant le précédent quinquennat, ces réclamations ont beaucoup diminué l’année dernière à la suite de l’application des préconisations du rapport remis par Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier, nos anciens collègues. Or, j’y insiste, à écouter les commerçants et les artisans, même s’ils gardent une certaine rancœur vis-à-vis du RSI, j’ai l’impression que ces améliorations commencent à produire leurs effets.

Il ne faudrait donc pas que ce soit à ce moment qu’on décide brutalement de supprimer le système en vigueur pour en créer un autre qui présentera à ses débuts les mêmes inconvénients que le précédent.

Aussi le présent amendement propose-t-il une solution qui figurait dans une proposition de loi soutenue par la plupart des connaisseurs du dossier, déposée par MM. Aubert et Le Maire sous la précédente législature et qui a été rejetée par la majorité d’alors.

M. le rapporteur général. Lors des auditions, l’inquiétude portait sur l’emploi : qu’allait-il advenir des salariés du RSI ? Les deux ministres se sont engagés pour le maintien de l’emploi et l’absence de mobilité contrainte, les salariés du RSI étant dès lors intégralement réintégrés dans le régime général – une attention particulière sera même accordée à leurs appétences professionnelles. Cette inquiétude, nous la partageons donc et vous aurez remarqué qu’à chaque audition les premières questions portaient sur ce point.

Au-delà, il y avait aussi la volonté des salariés d’en finir avec le système du RSI, pesant pour eux. Aussi, l’idée de leur permettre demain d’intégrer le régime général et de partir sur de nouvelles bases me semblait-elle correspondre à des attentes sinon unanimes, du moins d’un certain nombre de représentants syndicaux.

Vous proposez de passer à un calcul en fonction des revenus mensuels ou trimestriels des indépendants et non plus en fonction de leurs revenus annuels. J’ai sur ce point une bonne nouvelle : l’article 11 comporte une disposition similaire. Nous sommes donc d’accord sur le principe de votre amendement. Reste qu’en supprimant l’article 11, il supprime la possibilité de mettre en place ce dispositif. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. J’ai rencontré, il y a quelque temps, des salariés du RSI – ceux notamment de l’Apria RSA (Réunion des sociétés d’assurances) – qui s’inquiétaient de la différence de traitement susceptible d’advenir entre eux à l’occasion de la suppression du RSI. Est-il possible d’obtenir des précisions sur ce point ? Il conviendrait en tout cas qu’ils aient connaissance du calendrier, des postes qui ne leur seront pas proposés, des déplacements géographiques qu’ils seront éventuellement amenés à faire. J’ajouterai une inquiétude supplémentaire : la différence de logiciel entre ceux qui gèrent le RSI et ceux qui travaillent à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).

M. Gilles Lurton. Je partage totalement l’inquiétude qui vient d’être exprimée par notre collègue Dharréville. J’ai bien entendu M. Darmanin, lors des questions au Gouvernement, assurer qu’il disposait de toute une équipe qui travaillait au cas par cas pour que les salariés du RSI soient replacés sans qu’ils aient à subir de problèmes liés à la mobilité géographique. Mais quand un siège du RSI se trouve dans une ville où il n’y a pas de CPAM, que deviendront ses salariés ?

J’ai par ailleurs très bien compris l’engagement du Gouvernement selon lequel le montant des cotisations des travailleurs indépendants ne varierait pas la première année ; mais qu’en sera-t-il les années suivantes ?

M. le rapporteur général. Pour ce qui est des organismes conventionnels – un de nos collègues a évoqué lApria –, le texte précise que lensemble des droits et obligations des organismes délégataires, y compris les contrats de travail afférents à la gestion leur ayant été confiée, sont transférés de plein droit aux organismes de leur circonscription au plus tard le 31 décembre 2020 ; le texte ajoute que ces transferts ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit. Les équipes du RSI seront, jy insiste, pleinement intégrées au régime général.

La commission rejette lamendement

Puis elle en vient à lamendement AS395 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Le présent amendement vise à rappeler de manière symbolique, dans le premier article du livre II du code de la sécurité sociale, que les assurés salariés et les travailleurs indépendants couverts par le régime général sont obligatoirement affiliés au régime général.

En effet, l’affiliation obligatoire des salariés aux assurances sociales du régime général figure au livre III du code. Or, à la suite de nombreuses modifications, il n’y a plus de disposition équivalente pour les travailleurs indépendants.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AS396 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Je propose que les organismes du régime général transmettent au conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, nouvellement créé – par l’article 11 –, toutes les informations nécessaires à l’exercice de ses missions.

En effet, une réelle communication entre les organismes du régime général d’une part et ce nouveau conseil d’autre part, est essentielle pour permettre au conseil de veiller effectivement à la qualité du service rendu aux travailleurs indépendants par les organismes du régime général.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement AS399 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il s’agit d’ajouter explicitement, au sein du futur conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, une représentation des assurés retraités parmi les représentants des travailleurs indépendants. En effet, le RSI couvre encore 2 millions de retraités. En outre, sur 18,3 milliards d’euros de prestations qu’il verse, 9,2 milliards correspondent à des pensions de retraites.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AS321 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Nathalie Elimas. À la suite de la crise de 2015, les agriculteurs avaient obtenu une baisse de 7 points de leurs cotisations. C’était une mesure nécessaire pour réduire les charges des exploitants et mettre à niveau notre agriculture avec celle de nos voisins européens, alors même que les charges de nos principaux compétiteurs demeurent moindres que les nôtres. Or, le PLFSS propose une harmonisation du régime des cotisations maladie pour l’ensemble des travailleurs indépendants, agricoles et non agricoles. En conséquence, dès 2018, pour les exploitants, le nouveau barème de cotisations sera progressif avec un taux qui variera de 1,5 % à 6,5 %. Ce nouveau système va faire quelques gagnants mais de nombreux perdants et va alourdir le coût du travail pour certaines exploitations agricoles.

Si nous avons entendu votre réponse à lamendement présenté par notre collègue Door, le présent amendement propose toutefois de maintenir le gain pour les agriculteurs concernés et ne touche que ceux qui seraient les perdants de la réforme, en maintenant pour ces derniers lavantage de la baisse des charges, acquis en 2016 par un plafonnement du taux de cotisation des agriculteurs à 3,04 %.

M. le rapporteur général. L’exposé sommaire de votre amendement, madame Elimas, justifie la mesure que vous proposez par une harmonisation de la protection sociale des agriculteurs sur le régime général. Or, l’article 7 que nous avons adopté procède déjà à un alignement du taux de la cotisation maladie des exploitants agricoles sur celui des travailleurs indépendants affiliés au régime général, soit 6,5 % au lieu de 10,04 %.

Cette réduction se substitue à celle de 7 points de la cotisation maladie dont les agriculteurs ont bénéficié en 2016. Cette exonération n’était soumise à aucune condition de ressources, si bien que 50 % de son montant bénéficiaient aux exploitants agricoles dont les revenus étaient les plus élevés. Le Gouvernement privilégie cette fois un abaissement de cotisations qui va favoriser les 60 % des agriculteurs aux revenus les moins élevés.

Avis défavorable.

M. Jean-Paul Lecoq. Je suis assez d’accord avec notre collègue du Groupe du Mouvement Démocrate et apparentés. Mais qu’entend-on par revenus les moins élevés ?

M. le rapporteur général. Il s’agit des revenus jusqu’à 20 000 euros.

M. Jean-Pierre Door. Je soutiens l’amendement de notre collègue. Je trouve très regrettable que nous revenions en arrière sur ce qui a été décidé lors des précédentes législatures et qui était à l’avantage du monde agricole qui reste en souffrance, il faut le rappeler. Plutôt que de chercher à manipuler des chiffres et des pourcentages, il aurait fallu laisser en l’état, j’y insiste, ce qui existait.

Mme Nathalie Elimas. Je sais bien, monsieur le rapporteur général, que mon amendement nest pas placé au bon endroit et que jaurais dû le défendre lors de lexamen de larticle 7, mais cest une réponse sur le fond que je souhaite entendre. Pour les députés de mon groupe, il est injuste daugmenter les cotisations de certains agriculteurs alors que cest toute notre agriculture qui est en crise.

Mme Isabelle Valentin. Le coût du travail agricole en France est déjà très élevé : 12 euros avec les charges et après exonérations contre 6 euros en Allemagne et environ 5 euros en Espagne. Aussi, si nous adoptons les mesures proposées par la majorité, c’est la compétitivité agricole de la France qui en pâtira.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Les députés du groupe Les Constructifs voteront cet amendement. Notre agriculture est en grande souffrance et il n’est pas utile d’aggraver la situation.

M. le rapporteur général. Le dégrèvement sera maximal jusqu’à 27 000 euros de revenus annuels et dégressif, ensuite, jusqu’à 43 000 euros de revenus annuels.

M. Jean-Pierre Door. Il n’y a pas beaucoup d’agriculteurs qui ont ce niveau de revenus !

M. le rapporteur général. Vous regrettez que nous parlions chiffres et pourcentages, monsieur Door, mais malheureusement, et vous qui avez une plus longue expérience que la mienne en la matière, le budget de la sécurité sociale comprend de nombreux chiffres et pourcentages… et il faut bien trancher à un moment donné. Je le répète, l’arbitrage du Gouvernement avantage les 60 % d’agriculteurs dont les revenus sont les plus faibles.

J’appelle en outre votre attention sur le fait que le dispositif proposé par Mme Elimas pourrait entraîner une perte de recettes qui serait compensée par une taxe sur le tabac et l’alcool mais sans notion de valeur, sans qu’on sache les conséquences de cette disposition sur l’équilibre général du budget de la sécurité sociale. On navigue donc un peu à l’aveugle, si j’ose dire. C’est pourquoi je réitère mon invitation à ne pas voter l’amendement.

M. Laurent Pietraszewski. Il serait en effet important de pouvoir évaluer les conséquences financières du dispositif proposé par Mme Elimas. Faute de connaître plus précisément les montants qui pourraient être engagés en valeur absolue, il me semble difficile de se prononcer en faveur de l’amendement.

M. Jean-Pierre Door. Le sujet est très important. Le ministre de l’économie est un ancien ministre de l’agriculture. Je vous propose d’examiner la question en séance la semaine prochaine, après que vous en aurez débattu avec lui, monsieur le rapporteur général, afin que nous ayons des explications. Je vous suggère donc de donner une sorte d’avis de report en séance…

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Le règlement, monsieur Door, vous le savez bien, prévoit qu’on adopte ou qu’on rejette un amendement dès lors que son auteur le maintient. Rien ne nous empêchera de revenir sur le sujet en séance.

Mme Isabelle Valentin. Le coût de la main-d’œuvre, dans le secteur agricole, est très important et avec l’adoption des dispositions proposées par la majorité, nous allons favoriser les travailleurs détachés. Pour toutes les activités saisonnières, les agriculteurs embaucheront des travailleurs détachés venant de Pologne ou des pays de l’Est.

M. le rapporteur général. L’intention est sans doute louable, mais personne ici n’est capable de dire quelle est la somme en jeu.

Juste avant la pause dans nos travaux, nous avons adopté l’article 7, qui prévoit des dispositions spécifiques pour les agriculteurs. Je les ai rappelées, en vous donnant les valeurs : le dégrèvement des cotisations sociales sera maximal pour un revenu de 27 000 euros annuels, cette somme est issue d’un arbitrage gouvernemental. Lors du débat en séance, vous aurez tout loisir d’en discuter avec les ministres présents au banc, qui seront peut-être plus convaincants que moi sur ce sujet.

Je réitère mon avis défavorable à cet amendement.

M. Dominique Da Silva. Je défends, comme beaucoup, l’agriculture et les agriculteurs, mais pourquoi, à de tels niveaux de salaire, serait-elle traitée comme une industrie à part et privilégiée en termes de cotisations sociales ?

De nombreux agriculteurs souffrent et il faut les aider. Mais au niveau de rémunération qui est évoqué, le régime commun est tout à fait approprié et ces mesures ne se justifient pas.

La commission rejette lamendement AS321.

Elle est saisie de lamendement AS408 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement propose de maintenir la possibilité de créer de nouvelles prestations supplémentaires pour tous les travailleurs indépendants.

Pour les indépendants hors professions libérales, les prestations supplémentaires consistaient en indemnités journalières de maladie. Le rattachement des travailleurs indépendants au régime général a conduit à intégrer ces prestations supplémentaires d’indemnités journalières parmi les prestations servies par le régime général, dont bénéficient les travailleurs indépendants. En conséquence, la possibilité pour les indépendants, hors professions libérales, de bénéficier de prestations supplémentaires a été supprimée par l’article 11.

Je vous propose donc de rétablir cette possibilité, notamment pour leur permettre, s’ils le souhaitent, de bénéficier de prestations supplémentaires au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite les amendements AS401, AS402, AS403 et AS404 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Ces différents amendements ont pour objet, conformément au résultat des concertations conduites avec les organisations interprofessionnelles représentatives des professions libérales, d’ajouter plusieurs professions libérales à la liste de celles qui restent affiliées à la CIPAV.

L’amendement AS401 vise les diététiciens ; l’AS402, les experts automobiles qui travaillent auprès des assurances ; l’AS403, les architectes d’intérieur et les économistes de la construction et l’AS404, les guides conférenciers.

M. Jean-Pierre Door. L’an dernier, le transfert des professions indépendantes de la CIPAV vers le RSI a été censuré par le Conseil constitutionnel. Le transfert d’une caisse interprofessionnelle de prévoyance vers le régime social des indépendants ne se fait pas d’un coup de baguette magique, il soulève des problèmes de constitutionnalité. Sinon, tout le monde serait placé dans le même panier et il n’y aurait plus besoin de mutuelles, de compagnie d’assurances ou de compagnies interprofessionnelles. Il y aurait une assurance universelle, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Monsieur le rapporteur général, ne risquez-vous pas de subir une nouvelle censure du Conseil constitutionnel ?

M. le rapporteur général. C’est une excellente remarque, et c’est justement la raison pour laquelle ces dispositions sont dans la loi. Le Conseil constitutionnel a censuré le recours au décret pour définir la liste des professions considérées : il nous demande d’inscrire dans la loi la liste exhaustive des professions concernées.

La commission adopte successivement les amendements.

Elle en vient à lamendement AS360 de M. Xavier Roseren.

M. Xavier Roseren. Cet amendement a pour unique but de compléter cet article, en ajoutant le cas des guides de haute montagne après l’alinéa 182 qui concerne les moniteurs de ski. Leur situation étant similaire, le traitement qui leur est réservé doit l’être aussi.

M. le rapporteur général. Je suis d’accord avec vous, il y a beaucoup de similitudes entre les moniteurs de ski et les guides de haute montagne, je suis donc favorable à votre amendement.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement AS18 de Mme Marine Brenier.

Mme Nicole Sanquer. Cet amendement vise à supprimer une contribution à la seule charge des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés.

À l’origine, le régime spécial des praticiens et auxiliaires médicaux se voulait un avantage social. Cependant, cette contribution peut devenir un désavantage selon les circonstances, et favoriser ainsi les praticiens déconventionnés. Cette différenciation ne nous semble pas justifiée par la gestion du risque maladie des praticiens.

Il convient donc de redonner toute son attractivité à la contractualisation conventionnelle en supprimant cette contribution inéquitable imposée aux praticiens conventionnés.

M. le rapporteur général. C’est toute la différence entre le secteur 1 et le secteur 2 vis-à-vis des charges qui pèsent sur les libéraux. Lorsqu’ils exercent sans dépassement d’honoraires, ou sans secteur privé, une partie des cotisations est prise en charge. Lorsqu’il y a des dépassements d’honoraires dans cette activité, il n’y a pas de prise en charge et les cotisations sont plus importantes.

Supprimer les cotisations sur la partie de dépassements d’honoraires que pourraient pratiquer des médecins en secteur 1 dont une partie de l’activité est dans le secteur privé revient à supprimer la différence entre l’exercice à tarif opposable et les dépassements d’honoraires. Cela contrevient aux équilibres négociés par la convention médicale, et pour les autres professions de santé.

Par ailleurs, financer la défiscalisation des dépassements par les recettes du tabac me semble justifier un avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AS400 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Jusqu’au 31 décembre 2019, les anciennes caisses du RSI apportent leur concours aux caisses du régime général, en matière de recouvrement des cotisations dues par les travailleurs indépendants et de versement des prestations dont ils bénéficient.

Cet amendement a pour objet de permettre au personnel des caisses héritières du RSI de signer les actes nécessaires à lexercice de leurs missions, exercées pour le compte du régime général, pendant la période transitoire de deux ans.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AS238 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Adrien Quatennens. Monsieur le rapporteur général, la suppression du RSI nous semble relever du bon sens et nous y étions favorables dans notre programme. Mais si certains parlent de mettre un terme à un naufrage, il ne faudrait pas laisser périr l’équipage…

Il est nécessaire de veiller à ce que les salariés des caisses et des organismes associés, qui ont fait de leur mieux dans un contexte souvent difficile, ne pâtissent pas de la fusion avec le régime général. Ces salariés ont tenté de pallier au mieux les difficultés rencontrées, ont tenu à traiter sérieusement les demandes des cotisants, et ils n’ont pas à souffrir de la disparition d’un dispositif mal ficelé.

Nous souhaitons protéger les salariés du RSI de toute mobilité géographique forcée, et nous demandons une application circonstanciée en fonction des régions et de la durée des temps de transports. Si la création du RSI a été difficile, tâchons qu’il n’en aille pas de même de sa suppression.

M. le rapporteur général. Votre amendement pose plusieurs problèmes.

Des problèmes de rédaction tout d’abord, parce que vous parlez de bassins d’emplois sans préciser desquels il s’agit. Il faudrait préciser qu’il s’agit du bassin d’emplois où se situe le lieu de travail des salariés du RSI.

Vous écrivez ensuite que les salariés doivent être transférés : « prioritairement dans le bassin demploi » ; il s’agit donc d’une simple priorité et pas d’une garantie. Ainsi, les salariés pourraient en principe être reclassés n’importe où. Votre amendement est donc moins favorable que le texte proposé, ce qui, je n’en doute pas, n’est pas votre intention première.

Enfin, quand bien même votre amendement serait correctement rédigé, le Gouvernement sest engagé fortement pour que, dans le processus daffectation des personnels du RSI, les contraintes pouvant peser sur eux en termes de temps de déplacement soient bien prises en compte. La lettre cosignée par la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de laction et des comptes publics la rappelé.

À trop restreindre le périmètre, on risque de restreindre les solutions de reprise possibles. Avis défavorable.

Mme Éricka Bareigts. Sur ce sujet de la mobilité, une attention toute particulière doit être portée au personnel du RSI dans les outre-mer. Les mobilités depuis La Réunion vers une ville de la métropole seraient extrêmement compliquées pour les salariés.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AS261 de M. Thomas Mesnier.

Mme Carole Grandjean. Par cet amendement, nous souhaitons faciliter le paiement des cotisations pour les indépendants en favorisant la faculté d’estimation de ces cotisations.

L’article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale précise le principe du calcul des cotisations dues par les travailleurs indépendants non agricoles ne relevant pas du statut du micro-entrepreneur : elles sont calculées à titre provisionnel sur les revenus de l’avant-dernière année, puis régularisées sur la base du revenu d’activité définitif de la dernière année.

Le même article prévoit la possibilité pour un travailleur indépendant qui anticipe une baisse ou une hausse de son activité de demander la prise en compte d’une estimation pour le calcul de ses cotisations provisionnelles. Néanmoins, en cas d’écart trop important entre le montant de revenu estimé et celui finalement constaté, le travailleur indépendant est redevable d’une majoration de retard.

Nous souhaitons revenir sur ce principe, et favoriser cette faculté d’estimation des revenus annuels en supprimant cette sanction pour les deux années à venir.

M. le rapporteur général. Avis favorable. Suspendre tout système de sanction pendant deux ans devrait permettre d’améliorer le taux de personnes ayant recours à ce dispositif, qui est seulement de 10 % aujourd’hui alors qu’il devrait être bien supérieur.

M. Gilles Lurton. Le groupe Les Républicains votera cet amendement.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AS398 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il s’agit simplement de prolonger de six mois la durée d’expérimentation relative à la modulation des acomptes de cotisations et contributions sociales dues par les travailleurs indépendants, de façon à améliorer la qualité du service et mettre fin au décalage temporel existant entre leur activité et les prélèvements de cotisations sur le revenu que génère cette activité.

Un an semblait un peu court, un délai d’un an et demi semble plus adapté.

M. Jean-Pierre Door. Cet amendement confirme que nous ne sommes pas certains de pouvoir réaliser ce transfert total du RSI vers le régime général. Si les prestations ne posent pas de problèmes, ce n’est pas le cas du recouvrement. Si vous prolongez la durée d’expérimentation, c’est parce que vous avez peu confiance dans le résultat de l’année à venir.

M. le rapporteur général. Non, monsieur Door. Ce qui est prévu à titre expérimental, c’est de permettre aux travailleurs indépendants d’acquitter leurs cotisations et contributions sociales sur une base mensuelle ou trimestrielle, établie en fonction de leur activité ou de leurs revenus mensuels ou trimestriels.

Cela rejoint l’amendement déposé par votre groupe et discuté précédemment. Mais tandis que vous proposiez de faire cela dans le cadre du RSI, nous proposons de le faire dans le cadre du régime général. La durée de l’expérimentation, un an, ne semble pas suffisante pour avoir un retour exhaustif sur les données.

Cela n’a aucun rapport avec la capacité à transférer au régime général, je tiens à vous rassurer.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement AS339 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. J’ai bien entendu que plusieurs mesures sont prévues pour accompagner cette réforme du RSI. Il n’en demeure pas moins qu’au regard des problèmes de gestion que cette suppression risque d’entraîner, une évaluation permettrait d’avoir une analyse précise des effets de cette mesure, alors que lors de sa création, le RSI avait connu des difficultés opérationnelles importantes.

Cette évaluation permettrait aussi d’avoir une vision précise du sort réservé aux 6 000 salariés du RSI qui assurent sa gestion au quotidien.

M. le rapporteur général. Le Président de la République a expliqué, notamment dans le discours qu’il a prononcé devant le Congrès, qu’il souhaitait que les parlementaires soient davantage investis dans leur mission d’évaluation et de contrôle.

Évaluer le transfert du RSI vers le régime général fait partie de nos prérogatives dans le cadre de cette mission de contrôle. Plutôt que de demander au Gouvernement de produire un rapport, je pense que les parlementaires sont capables de le faire eux-mêmes. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite larticle 11, modifié.

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*     *

Après l’article 11

La commission est saisie de lamendement AS22 de Mme Marine Brenier.

Mme Marine Brenier. Cet amendement vise à supprimer une mesure discriminatoire pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), dont les associés sont majoritairement affiliés au RSI, et le seront au futur régime, et à imposer les dividendes versés au régime de droit commun.

Il s’agirait d’un geste fort au bénéfice des TPE, donc des artisans et commerçants. Beaucoup de TPE et PME ont choisi de se transformer en société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) ou société par actions simplifiée (SAS) afin d’éviter cette taxation, ce qui rend le droit existant inefficace, mais également inique pour certaines sociétés à responsabilité limitée (SARL) majoritaires qui se voient surtaxées.

Nous proposons donc de mettre fin à cette mesure discriminatoire et de revenir au droit commun.

M. le rapporteur général. Madame Brenier, ne prenez pas mal ma boutade, mais si vous avez compris cet amendement, ne prenez pas le volant…

Nous avons essayé d’analyser le texte avec les administrations centrales pour en comprendre tous les tenants et aboutissants. Je n’ose vous exposer les motifs pour lesquels je demande le rejet de cet amendement, mais je suis disposé à les détailler si vous le souhaitez. Je vous assure que ce mécanisme est extrêmement compliqué et alambiqué. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AS24 de Mme Marine Brenier.

Mme Marine Brenier. Il s’agit d’un autre amendement pour défendre les TPE et les PME. Celui-ci sera certainement plus facile à comprendre, puisqu’il vous est proposé de rétablir la déductibilité de 10 % pour frais professionnels pour les gérants majoritaires de ces entreprises.

La suppression de l’abattement des 10 % pour les indépendants affiliés au RSI est fondée sur l’hypothèse fausse que les gérants majoritaires imputent déjà les frais leur incombant personnellement du domicile à leur lieu de travail au travers de la société. Mais c’est faux, car l’administration fiscale n’admet pas la déductibilité de ces frais, qui sont personnels et n’ont pas à figurer dans les frais généraux des sociétés.

C’est pourquoi cet amendement vise à rétablir un traitement juste et asseoir les cotisations sur la base d’un revenu disponible, et non rehausser l’assiette des cotisations sociales sur les frais supportés par les dirigeants de TPE et PME.

M. le rapporteur général. Cet amendement est le même que le précédent, amputé de sa seconde partie.

Pour répondre sur le fond à cet amendement et au précédent, il s’agirait en substance de ressortir de l’assiette des cotisations sociales des indépendants certains éléments qui y ont été réintroduits afin de lutter contre des stratégies d’optimisation. Par exemple, la déduction des frais professionnels de 10 %, qui s’appliquait pour les assiettes sociales comme en matière fiscale, aboutissait à une double déduction de frais, pour un coût estimé à 500 millions d’euros. Autre exemple, les cotisations sociales de prévoyance facultative, dites « Madelin », d’un coût d’un milliard d’euros. Ou encore les dividendes perçus au-delà de 10 % du capital social lorsque l’activité indépendante s’exerce en société. En substance toujours, il arrivait que des rémunérations soient déguisées en dividendes, et ainsi assujetties à l’impôt sur le revenu mais pas aux cotisations sociales. En plafonnant les dividendes déductibles, ces stratégies sont limitées. Le coût de cette pratique était d’au moins 100 millions d’euros.

J’appelle donc au rejet de cet amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AS131 de Mme Marine Brenier.

Mme Marine Brenier. Nous allons en terminer avec cette série d’amendements. Celui-ci tend à protéger le régime des autoentrepreneurs en empêchant les Urssaf de taxer les sommes versées par les clients au régime général de la sécurité sociale. En effet, les Urssaf essaient de plus en plus de remettre en cause le régime des autoentrepreneurs, ce qui créée une insécurité juridique très forte.

C’est pourquoi cet amendement va encore une fois dans le sens d’une plus grande protection du statut des autoentrepreneurs. On ne peut pas vouloir relancer l’économie du pays en favorisant l’esprit d’entreprise et d’innovation, et d’un autre côté entraver l’utilisation, par les citoyens, des possibilités qu’offrent ces statuts. Cette situation impose une clarification de notre part.

M. le rapporteur général. Cet amendement aborde un sujet intéressant : la frontière entre micro-entrepreneur et salariat. Toutefois, il interdit tout simplement aux Urssaf de procéder à des contrôles liés au travail illégal dès lors que la personne aurait payé ses cotisations de micro-entrepreneur.

Cela ne revient plus à présumer que le travailleur indépendant est de bonne foi, comme le prévoit le droit en vigueur, mais à affirmer que toute fraude est impossible. Tout contrôle deviendrait impossible. De plus, ce serait renoncer à une protection pour ces faux indépendants, qui se voient parfois imposer leur forme de travail.

Cet amendement paraît excessif, et je vous propose de le retirer. À défaut, avis défavorable.

M. Francis Vercamer. Je ne vois pas en quoi l’amendement interdit à aux Urssaf de contrôler.

M. le rapporteur général. Cet amendement propose d’inscrire dans le code de la sécurité sociale l’impossibilité de remettre en cause l’appartenance de travailleurs indépendants au régime micro social, notamment s’il s’agit d’une requalification en contrat de travail.

Si l’on ne peut plus remettre en cause, on ne peut plus effectuer de contrôles.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AS170 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Les praticiens conventionnés bénéficient d’un régime d’assurance maladie spécifique, institué par les articles L. 722-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Ce régime spécial, lié au conventionnement des praticiens et auxiliaires médicaux libéraux, est adossé au régime général.

Cependant, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a modifié l’article L. 612-3 du code de la sécurité sociale, en augmentant le taux de cotisations de 0,1 % à 3,25 %, et en modifiant l’assiette de calcul, basée sur les revenus liés à l’activité non-conventionnée et aux dépassements d’honoraires.

En médecine bucco-dentaire, il n’y a pas de dépassements, mais un complément d’honoraires, appelé entente directe, justifié par la stagnation des tarifs des soins dits « opposables » au cours des dernières décennies, mais surtout par le blocage des bases de remboursement des prothèses et des traitements d’orthopédie dentofaciale depuis 1988.

Cette situation conduit à un désengagement de l’Assurance-maladie pour les soins bucco-dentaires, les bases de remboursement de ces actes n’ayant plus aucune réalité économique. Désormais, les cotisations au RSI et au régime des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés sont identiques, il n’y a donc plus aucune raison de conserver une contribution additionnelle, insérée pour les seuls bénéficiaires du régime des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés, qui renchérit leurs cotisations sans cause réelle.

Qui plus est, depuis le 1er avril 2017, un règlement arbitral s’applique pour les chirurgiens-dentistes, fixant des plafonds à la quasi-totalité des actes à entente directe. Une nouvelle négociation est certes ouverte depuis le 15 septembre, avec pour objectif de s’accorder sur une nouvelle convention qui remplacera le règlement arbitral. Mais les orientations du ministère sont claires dans le maintien du principe de plafonnement.

L’amendement propose donc de supprimer cette taxe récente, qui introduit une rupture d’égalité dans les cotisations payées par les professionnels de santé exerçant le même métier et bénéficiant de prestations d’assurance-maladie similaires.

M. le rapporteur général. Votre amendement est similaire à l’amendement AS18 de Mme Brenier, qui n’a pas été adopté. J’y serai également défavorable.

La cotisation de 3,45 % est assise uniquement sur les dépassements d’honoraires et permet de limiter ces dépassements, donc de favoriser l’accès aux soins.

La question des dentistes sera abordée plus tard. Le règlement arbitral qui s’était appliqué, faute de négociations, sous le Gouvernement précédent, ne s’appliquera pas. Nous proposerons que son application soit reportée pour permettre au dialogue conventionnel entre les syndicats de dentistes, l’Assurance-maladie et les complémentaires d’aboutir à une conclusion prenant en compte le fait que les pratiques dentaires ont évolué, que les tarifs n’ont pas été augmentés depuis des années, et que des actes plus anciens qui ne sont quasiment plus pratiqués sont mieux valorisés que des actes plus innovants. Tout cela relève du dialogue conventionnel, avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

La commission est saisie de lamendement AS30 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Cet amendement soulève le débat de la pluriactivité, indispensable notamment aux territoires de montagne. Beaucoup de villages en montagne n’existeraient tout simplement plus sans le statut particulier existant pour les pluriactifs, en particulier dans les métiers spécifiques de la montagne. Vous avez accepté tout à l’heure un amendement sur les guides de haute montagne ; il faudra voir d’ici à la séance si les accompagnateurs et les moniteurs n’ont pas été oubliés. En ce qui concerne le régime d’assurance vieillesse, les pluriactifs, notamment les moniteurs, sont rattachés aux professionnels libéraux, soumis à une cotisation minimale forfaitaire. L’activité des moniteurs de ski est sujette à des aléas : pics de saisonnalité – les vacances scolaires –, conditions climatiques… Ces pluriactifs n’ont pas de difficulté à faire valider les trimestres nécessaires tout au long de l’année. C’est pourquoi les différentes majorités les avaient exonérés de cette cotisation minimale forfaitaire pour en rester à un régime de cotisation au premier euro. Toutefois, en 2016, celle-ci a fait place à un régime forfaitaire. Le présent amendement est très général, portant sur les professionnels libéraux, et le suivant concernera spécifiquement les moniteurs de ski.

M. le rapporteur général. Il s’agit à nouveau d’un amendement d’une très grande complexité, mais ce n’est pas de votre faute, c’est parce que le dispositif a évolué par strates et est devenu un magma peu lisible. Bien que vous visiez principalement les moniteurs de ski, cet amendement couvre en fait la totalité des professions libérales affectées à la Caisse, et il n’est pas certain que toutes les professions souhaitent bénéficier de la mesure que vous proposez. Depuis 2014, avec entre autres l’article 26 de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « ACTPE », l’article 9 de la LFSS pour 2015 et le décret du 16 juillet 2015, et l’article 21 de la LFSS pour 2016, les choses ont énormément bougé. Je vous invite à redéposer votre amendement en séance pour interpeller le Gouvernement.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite lamendement AS29 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Merci, monsieur le rapporteur général, de n’avoir pas complètement fermé la porte. Je sais bien que, depuis le mois de juin, plus rien ne doit être fait comme avant, mais je rappelle que, pendant cinquante ans, sur quelques sujets, notamment ceux relatifs aux spécificités de la montagne, l’ensemble de la représentation nationale a été unanime, c’est le cas pour les moniteurs de ski. Si vous présentiez un amendement précisant le mien, je n’y verrais que des avantages.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. La dispense n’est pas nécessaire car les moniteurs de ski peuvent relever du dispositif microsocial et ne pas acquitter de cotisations minimales. Ouvrir une dispense de cotisations minimales conduirait au contraire à créer un avantage dans le champ du régime au profit des seuls moniteurs de ski pluriactifs – salariés ou exploitants agricoles –, tandis que ceux qui exerceraient à titre indépendant pour toutes leurs activités professionnelles resteraient soumis à ces cotisations.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite lamendement AS236 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Caroline Fiat. La croissance exponentielle du nombre de travailleurs indépendants cache mal l’émergence d’un salariat déguisé, véritable casse-tête pour les juristes du travail. Les travailleurs de plateforme ont vu leur nombre exploser, à l’image des coursiers pressés que nous croisons partout dans les grandes villes. Ce qu’il est convenu d’appeler « uberisation » et que nous considérons comme une augmentation du nombre de travailleurs en situation de dépendance économique, donc de faux indépendants, doit nous interroger sur l’avenir de notre système de protection sociale. Soit nous laissons ce type d’emploi se développer, réduisant les retraites de la sécurité sociale tout en contribuant au développement d’un sous-salariat sans droits, soit nous prenons la mesure du phénomène et les décisions adéquates. La requalification en salariat des travailleurs en situation de dépendance pourrait en être une. Le coût pour les finances sociales d’une évolution aussi rapide et incontrôlée mériterait un rapport.

M. le rapporteur général. Ma réponse sera la même que pour les autres demandes de rapport. Pour les seules années 2016 et 2017, il y a eu à ce sujet un rapport de l’IGAS de mai 2016 relatif au salariat à l’épreuve des plateformes collaboratives, dont l’article 10 du présent projet reprend certaines propositions, un rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFPS) sur la protection sociale des non-salariés, en janvier 2017, et une étude de la DARES d’août 2017 sur l’économie des plateformes. Les sources d’information sont donc déjà nombreuses. Je vous invite à retirer l’amendement.

Mme Caroline Fiat. Je le maintiens car je ne suis pas certaine qu’un rapport existe sur les cotisations sociales.

La commission rejette cet amendement.

Elle en vient ensuite à lamendement AS237 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Caroline Fiat. Les contours de la mise en œuvre opérationnelle de la suppression du RSI appellent à la vigilance quant aux impacts juridiques de ce changement sur les contrats de travail des salariés. C’est pourquoi nous demandons la remise d’un rapport afin de savoir ce qu’il adviendra de la protection sociale des indépendants.

M. le rapporteur général. Avis défavorable, d’autant plus que le délai prévu est de six mois alors que la période transitoire doit s’achever dans deux ans : il faudrait donc évaluer le dispositif après un quart à peine de la période transitoire…

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite lamendement AS363 de M. Julien Aubert.

M. Jean-Pierre Door. Nous demandons un rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFPS) sur les cotisations sociales des personnes non salariées. J’étais membre du Haut Conseil sous la précédente législature : il dispose d’informations et d’analyses très précises et détaillées.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. L’article 7 du projet de loi permet des gains de pouvoir d’achat pour 75 % des travailleurs indépendants : 270 euros par an pour un indépendant au SMIC, 550 euros par an pour un indépendant gagnant 2 400 euros, soit deux SMIC, en un mot pour tous les indépendants dont les revenus annuels nets sont inférieurs à 43 000 euros. Nous n’avons pas besoin de rapport : les bonnes nouvelles sont dans la loi !

La commission rejette cet amendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement AS365 de M. Julien Aubert.

M. Gilles Lurton. J’aimerais partager l’optimisme du rapporteur général quant aux gains des indépendants. Un certain nombre de personnes ont beaucoup souffert ces dernières années des dysfonctionnements du RSI et, même si j’ai le sentiment que les choses sont en train de s’améliorer, elles en subissent encore les conséquences aujourd’hui car tous les dossiers ne sont pas complètement réglés. Nous demandons donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport qui étudie les conditions de la création d’un fonds d’indemnisation des cotisants au régime social des indépendants ayant subi un préjudice en raison de dysfonctionnements du RSI.

M. le rapporteur général. En 2012, la Cour des comptes évoquait une « catastrophe industrielle » au sujet de l’interlocuteur social unique (ISU) créé en 2008 sous un autre gouvernement. Ce sont en effet 1,5 milliard d’euros de cotisations auxquelles le régime a dû renoncer parce que tout dysfonctionnait. L’objet de la suppression du RSI est aussi de tourner cette page. Aujourd’hui, les dysfonctionnements, qui ne sont pas acceptables, sont en général réparés, même avec retard, et l’adossement au régime général s’accompagnera d’une réflexion sur ce qui s’est passé afin d’éviter de répéter les mêmes erreurs. Avis défavorable.

M. Gilles Lurton. Je vous remercie dindiquer que les dysfonctionnements sont réparés « en partie » : car ils ne le sont pas tous, même si je perçois une évolution positive depuis quelques mois. Et cest au moment où les choses vont beaucoup mieux que lon interrompt le processus.

La commission rejette cet amendement.

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Chapitre III
Dispositions relatives à la fiscalité comportementale

Article 12
Augmentation des droits de consommation applicables au tabac et engagement du rattrapage de la fiscalité applicable en Corse

Cet article vise à élever le prix de vente au détail des différentes formes de tabac via une augmentation de la fiscalité afférente.

Le prix de vente est fixé librement par les fabricants, faisant uniquement l’objet d’une homologation par arrêté ministériel afin d’en garantir l’unicité sur l’ensemble du territoire. Dès lors, l’objectif affiché par le Gouvernement d’un paquet de cigarettes à 10 euros en 2020 ne peut résulter que d’une répercussion de l’augmentation de la fiscalité sur le prix à la vente par les fabricants.

Le dispositif prévoit une augmentation progressive des droits de consommation et du minimum de perception associé. Mise en œuvre en cinq étapes du 1er mars 2018 au 1er novembre 2020, cette augmentation sera différenciée selon le produit consommé afin de limiter les effets de substitution d’une catégorie à une autre.

La hausse attendue du prix de vente du tabac vise à réduire la consommation de tabac, à l’origine de 73 000 décès par an en France. Il s’agit, selon les cas, de dissuader l’entrée ou le retour à la consommation de tabac ou d’inciter à une consommation inférieure. Il s’agit également de rapprocher le prix de vente du coût social induit par le tabac, permettant ainsi d’internaliser une partie des externalités négatives causées par sa consommation.

L’augmentation attendue du prix de vente du tabac devrait générer dès 2018 des recettes estimées à 510 millions pour les administrations de sécurité sociale et 5 millions d’euros pour la collectivité de Corse. L’État devrait également bénéficier de recettes supplémentaires de TVA.

Larticle 12 engage également un processus de convergence de la fiscalité du tabac applicable en Corse. Laugmentation des droits de consommation sappliquera sur ce territoire à un rythme identique – du 1er mars 2018 au 1er novembre 2020 – mais à un niveau plus soutenu que sur le continent, afin damorcer le rattrapage des prix. Lalignement de la fiscalité ne pourra être achevé quau-delà, selon des modalités quil reste à définir. Le paquet de vingt cigarettes mis à la vente en Corse passerait ainsi à 5,10 euros à 8 euros en 2020.

L’ensemble des estimations d’augmentation des prix doivent néanmoins être interprétées avec précaution, dès lors qu’elles dépendent directement des hypothèses formulées concernant :

– l’élasticité de la demande au prix, qui peut varier selon les catégories de produits consommés ou le niveau de revenu du consommateur ;

– les comportements des fabricants, pouvant le cas échéant répercuter en partie l’augmentation de la fiscalité sur leurs marges ;

– les effets de substitution, avec le report d’une partie de la consommation sur d’autres produits, voire sur des produits de contrebande ou de points de vente frontaliers.

Au-delà du cadre initial fixé par cet article, une évaluation in itinere sera donc nécessaire pour observer les effets concrets de la nouvelle fiscalité sur la consommation et effectuer le cas échéant les ajustements nécessaires.

I.   Une fiscalité reposant sur les droits de consommation

1.   La fiscalité comme levier de réduction du tabagisme

● La consommation de tabac reste une préoccupation sanitaire majeure dans un pays où près de 73 000 morts prématurées sont constatées chaque année – soit 200 par jour –, s’ajoutant aux centaines de milliers de malades associés. La consommation de tabac tuerait davantage en France que l’alcool, les drogues illicites, les accidents de la route et le sida réunis ([180]). Elle reste, selon l’organisation mondiale de la santé (OMS), la première cause évitable de mortalité dans le monde.

Les conséquences sanitaires du tabac ne doivent néanmoins pas être prises en compte isolément. Ainsi, la consommation de tabac comporte également :

– un coût environnemental. Outre la déforestation, il peut être rappelé que 4 300 milliards de mégots de cigarettes seraient jetés dans les rues chaque année, soit 137 000 par seconde ;

– un coût social. Une récente étude économique évaluait ce coût à 122 milliards d’euros ([181]). Il cumule un coût externe (valeur des vies humaines perdues, perte de qualité de vie) et le coût pour les finances publiques (dépenses de prévention, répression et soins, économie de retraites non-versées et recettes fiscales).

● La fiscalité constitue un levier efficace des politiques de réduction du tabagisme. Le graphique ci-dessous illustre la corrélation entre l’augmentation des prix – résultant de l’augmentation des droits de consommation – et la consommation de tabac.

Évolution du tabagisme quotidien en France entre 2000 et 2016
parmi les 15-75 ans et du prix du tabac

Source : Santé publique France, à partir des données de l’Observatoire française des drogues et des toxicomanies (OFDT).

Certaines conditions doivent toutefois être remplies afin de garantir l’efficacité du levier fiscal sur la consommation de tabac. Ainsi, des hausses importantes et répétées ont démontré une efficacité supérieure à celle de hausses identiques étalées sur la durée. Les hausses intervenues sur la période 2002-2004 dans le cadre du premier « plan cancer » auraient à la fois conduit 1,5 million de fumeurs à arrêter leur consommation et diminué la prévalence tabagique chez les jeunes publics.

Par ailleurs, le levier fiscal est considéré comme d’autant plus efficace qu’il s’accompagne de mesures de prévention et d’aides, par exemple au sevrage.

La mise en place du Fonds national de prévention du tabagisme, créé fin 2016 ([182]), constitue à ce titre une réponse déterminante pour renforcer l’efficacité des politiques préventives. Adossé à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), le fonds est financé par la contribution sociale sur le chiffre d’affaires des distributeurs de tabac, créée par l’article 28 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ([183]). Cette contribution étant assise sur le chiffre d’affaires de l’année 2017, son produit ne sera affecté au fonds qu’en 2018. Pour sa première année d’existence, le fonds a donc débuté le recensement des projets éligibles afin d’engager leur financement dès 2018.

● La mobilisation du levier fiscal implique de mesurer attentivement – et, le cas échéant, de corriger – les conséquences sur la vente et la circulation de produits de tabacs.

Les risques liés à la contrebande ou à l’obtention de produits sur internet doivent être pris en compte et impliquent une coordination efficace entre acteurs. Le volet relatif aux politiques de traçabilité, en particulier, doit être mobilisé davantage en association avec les buralistes et les fabricants.

Lors de son audition par la Commission des affaires sociales, la ministre des Solidarités et de la santé a ainsi rappelé l’engagement du Gouvernement dans « la lutte acharnée contre le trafic illégal ».

Le Gouvernement a précisé lors de cette audition plusieurs axes de son action dans ce domaine, avec en priorité :

– le renforcement des effectifs des douanes, avec deux cents équivalent à temps plein (ETP) supplémentaires annoncés pour 2018 ;

– la concrétisation d’une harmonisation de la fiscalité du tabac à l’échelle européenne, dans le cadre de déplacements conjoints de la ministre des Solidarités et de la santé et du ministre de l’Action et des comptes publics dans d’autres
États-membres ;

– l’aide à la modernisation de l’activité des buralistes, en renforçant leur diversité de missions et en reconnaissant le volet social de leur action ;

– le renforcement de la lutte contre la vente de produits du tabac sur internet, qui relève de la contrebande et pourrait être plus lourdement sanctionné.

2.   Le droit commun de la fiscalité applicable aux produits de tabac

● Le droit fiscal soumet les produits de tabac à un droit de consommation dual :

– d’une part, un droit spécifique, exprimé en valeur absolue en euros par millier d’unités (cigarettes, cigares et cigarillos) ou millier de grammes (tabac à rouler et autres tabacs à fumer) ;

– d’autre part, un droit proportionnel, qui résulte de l’application d’un taux au prix de vente toutes taxes comprises.

Ce droit de consommation doit au minimum atteindre un plancher, appelé « minimum de perception ». Ce dernier :

– est fixé par millier d’unités ou par millier de grammes ;

– peut être majoré de 10 % au plus, par arrêté des ministres du budget et de la santé ;

– ne s’applique pas aux tabacs à priser et à mâcher.

Ce droit de consommation, qui correspond à un droit d’accise, est dû mensuellement par les fournisseurs pour les produits mis à la consommation ou importés en France. Il est recouvré par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

● S’ajoute à ce droit de consommation un taux de TVA calculé en appliquant le taux au prix de vente au détail. Pour un taux normal de TVA à 20 %, le taux applicable au prix de vente est de 16,6667 % ([184]).

● Outre la fiscalité, le prix de vente au détail doit également être diminué d’une remise brute allouée au débitant. Son niveau, déterminé par un arrêté du ministre du budget ([185]), est aujourd’hui fixé à 9,44 % du prix de vente.

3.   Le régime fiscal dérogatoire applicable en Corse

a.   La prévalence du tabagisme en Corse

Les données relatives à la consommation de tabac en Corse et aux conséquences sanitaires associées surpassent dans des proportions inquiétantes les moyennes nationales.

Les données suivantes recensées par l’Agence régionale de santé corse retiennent l’attention :

– en 2015, un quart des 255 nouveaux cancers de la sphère ORL (lèvres, pharynx et cavité buccale) et respiratoire (bronches et poumons) était lié au tabagisme ;

– le taux de mortalité par cancer du poumon des habitants corses est supérieur à la moyenne nationale, pour les hommes – +12 % – et, dans des proportions renforcées, pour les femmes – +27 % ;

– 38 % des jeunes corses de 17 ans fument quotidiennement, là où la moyenne nationale s’élève à 32,4 %.

Au total, la consommation de produits de tabac en Corse par habitant serait de 25 % supérieure à celle du continent. Cette consommation supérieure peut être rapprochée du régime fiscal dérogatoire, conduisant à un prix de vente inférieur à celui pratiqué sur le continent – le prix moyen pondéré du paquet de cigarettes étant de 5,1 euros.

b.   Une fiscalité différenciée par rapport au continent

● Une fiscalité dérogatoire s’applique aux produits de tabac mis à la vente en Corse, définie à l’article 575 E bis du code général des impôts. Plusieurs justifications ont été avancées jusqu’alors pour justifier ce cadre spécifique, notamment la compensation de l’insularité, avec une affectation des recettes fiscales issues de la vente de tabac à la collectivité de Corse.

Ce régime spécifique a été mis en œuvre en conformité avec le droit de l’Union européenne, les directives relatives au rapprochement des accises communautaires ayant dès l’origine admis le principe d’une fiscalité différenciée pour une période limitée dans le temps. Il a ensuite été prorogé par étapes, notamment par la directive du 5 décembre 2003 ([186]).

La directive du 11 juin 2011 ([187]) mentionne le cas spécifique de la Corse et fixe au 31 décembre 2015 l’échéance au-delà de laquelle la convergence devra avoir été effectuée avec le continent. Cette convergence est néanmoins attendue comme progressive afin d’éviter tout déséquilibre et de prendre en compte la situation économique et sociale de l’île.

La lecture de son alinéa 22 reste d’actualité : « afin déviter de porter préjudice à léquilibre économique et social de la Corse, il est à la fois essentiel et justifiable de prévoir une dérogation jusquau 31 décembre 2015 en vertu de laquelle la France peut appliquer un taux daccise inférieur à celui appliqué au niveau national aux cigarettes et autres tabacs manufacturés mis à la consommation dans lîle. À cette date, les dispositions fiscales applicables aux tabacs manufacturés mis à la consommation en Corse devront être pleinement alignées sur les dispositions applicables sur le continent. Toutefois, il y a lieu déviter un changement trop brutal et, par conséquent, de procéder à une augmentation progressive de laccise actuellement appliquée aux cigarettes et au tabac fine coupe destiné à rouler les cigarettes en Corse ».

● Les recettes issues des droits de consommation sont affectées à la Corse, par dérogation au droit commun, dans le cadre du « financement de travaux de mise en valeur de la Corse ». Le produit est ainsi versé :

– à hauteur d’un quart au budget des départements de la Corse ;

– aux trois quarts au budget de la collectivité territoriale de Corse.

● En dépit d’augmentations par étapes, le régime dérogatoire reste applicable en Corse. Il est ainsi prévu que le prix appliqué dans les départements de Corse est au moins égal à :

– 75 % des prix de vente continentaux, pour les cigarettes ;

– deux tiers de ces prix, pour les tabacs à rouler, les autres tabacs à fumer et les tabacs à priser et à mâcher ;

– 85 % de ces prix pour les cigares et les cigarillos.

● L’absence d’uniformité des droits de consommation entre la Corse et le continent expose aujourd’hui la France à des procédures visant à sanctionner le non-respect du droit de l’Union européenne.

II.   Une augmentation différenciée programmée sur trois ans

1.   Une augmentation programmée sur trois ans

 Laugmentation programmée de la fiscalité applicable au tabac seffectuera en cinq étapes, identifiées du I au V de larticle 12 selon le calendrier suivant :

– une première augmentation significative au 1er mars 2018 ;

– deux augmentations en 2019, au 1er avril et au 1er novembre ;

– deux augmentations en 2020, également au 1er avril et au 1er novembre.

Au total, selon l’étude d’impact du projet de loi ([188]), ces trois vagues d’augmentation des droits de consommation devraient se traduire par une augmentation du prix de vente de 20 % pour les cigarettes et 25 % pour les autres catégories de tabacs. Avec une élasticité estimée à – 0,75, la vente devrait donc diminuer de 15 % pour les cigarettes et de 19 % pour les autres produits de tabac.

En amont de ces augmentations, le Gouvernement a annoncé son intention de relever de 10 % les minima de perception par arrêté. Relevant du pouvoir réglementaire, cette faculté n’est donc pas inscrite dans le dispositif de l’article 12 et a été mise en œuvre dès septembre 2017 ([189]).

 Ce calendrier peut néanmoins être considéré comme prévisionnel, dès lors que des ajustements seront nécessaires dans le cas dune augmentation des prix à la vente ou dune réduction de la consommation inférieures à celles attendues.

Un suivi in itinere du dispositif sera donc effectué, afin dévaluer les effets de la première augmentation et dopérer, le cas échéant, les aménagements nécessaires. Létude dimpact précise que « si les prix observés au cours de la période 2018-2020 venaient à être inférieurs aux cibles envisagées, des ajustements réglementaires ou législatifs pourraient être effectués avant 2020 » ([190]).

La répercussion sur le prix à la vente ou sur la consommation dépend fortement des hypothèses retenues par le Gouvernement. Trois doivent être regardées avec une attention particulière :

– l’élasticité de la demande au prix, tout d’abord, reposant sur des conventions de calcul et pouvant varier fortement selon les études. Le Gouvernement retient une hypothèse de – 0,75, considérée comme une élasticité moyenne selon les types de produits consommés. Une augmentation des prix de 1 % entraînerait en ce sens une réduction de la vente en volume de 0,75 %. À titre de comparaison, selon les données de l’étude d’impact, l’augmentation des prix des tabacs à rouler de 15 % en 2017 – résultant de l’augmentation des droits de consommation inscrite dans la LFSS pour 2017 – aurait entraîné une diminution des ventes de 8 %, soit une élasticité de – 0,5. Le Gouvernement estime néanmoins que « limportante ampleur de la mesure » et « les fortes incitations à adopter des comportements dévitement qui résulteront de cette hausse » justifient de retenir une hypothèse supérieure ([191]). Au-delà de 2018, l’élasticité-prix serait revue légèrement à la baisse, sans que le Gouvernement n’en précise toutefois le niveau précis ;

– les comportements des fabricants, ensuite, choisissant de répercuter une partie de l’augmentation des droits de consommation sur leurs marges ou sur le prix de vente. Le Gouvernement formule l’hypothèse d’un niveau de marge constant des fabricants, c’est-à-dire d’une répercussion intégrale sur les prix. Cette hypothèse – dont le suivi sera décisif pour atteindre les niveaux de prix attendus à 10 euros en 2020 – est déterminante pour l’efficacité de la mesure ;

– les effets de substitution, enfin, pouvant entraîner un report de la consommation vers d’autres produits, voire vers des produits de contrebande ou de points de vente frontaliers. À ce titre, une diminution des ventes ne suffit pas à témoigner de celle de la consommation. L’analyse précise du comportement des consommateurs devra donc être menée.

● Au total, les augmentations successives de la fiscalité applicable au tabac devrait générer des recettes supplémentaires dès 2018, la réduction attendue des ventes étant supposée plus que compensée par l’augmentation des droits de consommation.

Impact financier de la mesure pour la caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAMTS)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Gain (en million d’euros)

510

940

1 319

1 392

1 392

Source : Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, à partir du projet de loi.

S’y ajouteront également les recettes supplémentaires de TVA, affectées au budget de l’État. Selon les informations transmises par le Gouvernement au rapporteur général, elles s’élèveraient à 66 millions d’euros en 2018.

2.   Une augmentation différenciée selon le produit consommé

● Le calendrier d’augmentation du prix de vente des cigarettes visé par le Gouvernement est représenté sur le graphique ci-dessous. Il conjugue le relèvement précité des minima de perception par voie réglementaire en 2017 et les cinq augmentations successives prévues par voie législative entre 2018 et 2020.

Augmentation projetée du prix de vente moyen d’un paquet
de vingt cigarettes (en euros)

Source : Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, à partir des données du Gouvernement.

L’augmentation applicable aux cigarettes s’effectuera à un rythme inférieur à celle prévue pour les autres catégories de produits. Le Gouvernement justifie ce choix par le risque d’effet de substitution vers des produits bénéficiant d’une fiscalité réduite.

 

CIGARETTES

Échéance

Part proportionnelle

(en %)

Part spécifique

(en euros)

Minimum de perception
(en euros)

Pour 1 000 unités

Pour un paquet de 20 unités

2017 (droit en vigueur)

49,7

48,75

210

4,2

1er mars 2018

50,8

59,9

261

5,22

1er avril 2019

51,7

61,1

279

5,58

1er novembre 2019

52,7

62,0

297

5,94

1er avril 2020

53,6

62,5

314

6,28

1er novembre 2020

54,6

62,7

333

6,66

Augmentation totale

+ 9,9 %

+ 28,6 %

+ 58,6 %

Source : commission des affaires sociales, à partir du projet de loi.

● Les droits de consommation applicables aux cigares et aux cigarillos augmenteraient davantage que ceux applicables aux cigarettes.

Le Gouvernement avance deux arguments pour motiver ce choix :

– une fiscalité inférieure sur ces produits, d’une part – estimée à 23 % sur le prix moyen, contre plus de 60 % pour les cigarettes ;

– un risque d’effet de substitution, d’autre part, l’étude d’impact évoquant un possible basculement de la consommation « au profit de cigarillos ressemblant à des cigarettes » ([192]).

L’augmentation programmée s’appliquera davantage à la part spécifique, afin de tirer les premiers prix de marché vers le haut. Ce choix est justifié par l’étude d’impact « compte tenu de la forte hétérogénéité des produits appartenant à cette catégorie » ([193]). En conséquence, le poids de la part proportionnelle dans la fiscalité totale applicable à ces produits devrait diminuer d’un point chaque année.

 

CIGARES ET CIGARILLOS

Échéance

Part proportionnelle

(en %)

Part spécifique
(en euros, pour 1 000 unités)

Minimum de perception (en euros)

Pour 1000 unités

Pour un paquet de 20 unités

2017 (droit en vigueur)

23

19

92

1,84

1er mars 2018

30,5

31,4

166

3,32

1er avril 2019

32,3

38,5

192

3,84

1er novembre 2019

33,8

46,2

219

4,38

1er avril 2020

34,9

54,4

245

4,9

1er novembre 2020

35,9

63,3

271

5,42

Augmentation totale

+ 56,1 %

+ 233,2 %

+ 194,6 %

● L’augmentation de la fiscalité applicable au tabac à rouler prolonge la réforme engagée par l’article 29 de la LFSS pour 2017.

Le constat posé alors – celui d’une attractivité du tabac à rouler résultant notamment d’une fiscalité avantageuse entraînant in fine un prix de vente réduit – justifiait une augmentation du poids des droits de consommation pour cette catégorie de produits, afin de les rapprocher de ceux applicables aux cigarettes.

Poursuivant cette démarche, l’article 12 augmente, dans des proportions légèrement supérieures à celles prévues pour les cigarettes, les droits de consommation et le minimum de perception applicables aux tabacs à rouler. L’étude d’impact fixe un objectif d’augmentation de son prix de vente de 0,9 euro par an.

Cette augmentation, dont le rythme est reproduit dans le tableau ci-dessous, se justifie dautant plus par le maintien dun prix de vente inférieur pour le tabac à rouler malgré une fiscalité désormais proche de celle appliquée aux cigarettes. Selon les données transmises par le Gouvernement, la mesure adoptée dans la LFSS pour 2017, conduisant à une augmentation des prix de 15 % sur lannée, se serait traduite par une diminution de la consommation de ce tabac de 8 %.

Un rythme d’augmentation supérieur est prévu pour les autres tabacs à fumer, recouvrant pour l’essentiel les tabacs à pipe.

 

TABACS À ROULER ET AUTRES TABACS À FUMER

Échéance

Part proportionnelle

(en %)

Part spécifique (en euros, pout 1 000 grammes)

Minimum de perception (en euros, pour 1 000 grammes)

Tabac à rouler

Autres tabacs à fumer

Tabac à rouler

Autres tabacs à fumer

Tabac à rouler

Autres tabacs à fumer

2017 (droit en vigueur)

37,7

45,0

67,5

17

167

70

1er mars 2018

44,5

48,1

68,5

21,5

218

99

1er avril 2019

45,6

49,0

72,5

23,4

239

108

1er novembre 2019

46,7

49,9

76,2

25,3

260

117

1er avril 2020

47,7

50,6

79,3

27,2

281

126

1er novembre 2020

48,7

51,3

82,1

29,1

302

134

Augmentation totale

+ 29,2 %

+ 14 %

+ 21,6 %

+ 71,2 %

+ 80,8 %

+ 91,4 %

● Les droits de consommation applicables aux tabacs à priser et à fumer, enfin, augmentent dans les mêmes proportions. En l’absence de part spécifique ou de minimum de perception, seule la part proportionnelle augmentera sur la période.

 

TABACS À PRISER ET À MÂCHER

Échéance

Part proportionnelle

(en %)

Part spécifique (eu euros, pour 1 000 grammes)

Tabacs à priser

Tabacs à mâcher

Tabacs à priser

Tabacs à mâcher

2017 (droit en vigueur)

50

35

0

1er mars 2018

53,8

37,6

0

1er avril 2019

55,0

38,5

0

1er novembre 2019

56.2

39,3

0

1er avril 2020

57,1

40,0

0

1er novembre 2020

58,0

40,6

0

Augmentation totale

+ 16,0 %

0 %

3.   L’application d’un mécanisme d’indexation des droits de consommation au-delà de 2020

L’article 12 complète ce dispositif par un mécanisme d’indexation des droits de consommation destiné à prendre le relais des cinq augmentations prévues entre 2018 et 2020.

Les parts spécifiques et les minima de perception seraient augmentés chaque année au 1er janvier, avec l’application d’un mécanisme d’indexation sur l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année, publié par l’INSEE. L’arrêté serait signé par le ministre chargé du budget.

Ce relèvement ne pourrait pas excéder 1,8 %. Ce mécanisme peut être rapproché de celui prévu pour la fiscalité applicable aux boissons alcoolisées, l’article 402 bis du code général des impôts prévoyant une indexation similaire au 1er janvier de chaque année.

III.   L’amorce du processus de convergence de la fiscalité du tabac applicable en Corse

1.   L’engagement d’une convergence de trois ans

L’article 12 procède également à l’augmentation des droits de consommation applicables en Corse.

En cohérence avec le dispositif prévu pour la fiscalité de droit commun sur le continent, l’augmentation applicable en Corse est :

– progressive, suivant un calendrier de cinq étapes, du 1er mars 2018 au 1er novembre 2020, également à hauteur d’un euro par an ;

– différenciée, selon le produit de tabac mis à la vente.

L’augmentation prévue en Corse se distingue néanmoins par :

– son niveau proportionnellement supérieur, appuyant ainsi l’objectif affiché de convergence des prix ;

– l’élasticité de la demande au prix, fixée par le Gouvernement à – 0,85, soit un niveau supérieur à celui envisagé pour le continent.

Au total, l’augmentation des droits de consommation en Corse devrait générer une recette supplémentaire de 22 millions d’euros en 2021, qui reste affectée à la collectivité de Corse.

● S’agissant des cigarettes, l’augmentation attendue par le Gouvernement en Corse est la suivante :

– + 1 euro en mars 2018 ;

– + 0,5 euro en avril puis novembre 2019 ;

– + 0,5 euro en avril 2020 et + 0,4 euro en novembre 2020.

Le paquet de vingt cigarettes devrait donc passer de 5,10 euros à 8 euros.

 

CIGARETTES

Échéance

Part proportionnelle

(en %)

Part spécifique

(en euros)

2017 (droit en vigueur)

40

25

1er mars 2018

42,9

32,5

1er avril 2019

44,4

36,3

1er novembre 2019

45,8

40,1

1er avril 2020

47,3

43,9

1er novembre 2020

48,8

47,6

Augmentation totale

+ 22 %

+ 90,4 %

● Les augmentations de droits de consommation applicables aux autres produits de tabac sont retracées ci-dessous. Elles amorcent également la convergence avec la fiscalité applicable sur le continent.

 

 

Cigares et cigarillos

Tabacs à rouler

Autres tabacs à fumer

Tabacs à priser

Tabacs à mâcher

Échéance

Part prop. (en %)

Part spéc.

(en euros)

Part prop. (en %)

Part spéc.

(en euros)

Part prop. (en %)

Part spéc.

(en euros)

Part prop. (en %)

Part prop. (en %)

2017 (droit en vigueur)

10

18,5

15

22,5

25

0

20

15

1er mars 2018

15,2

27,5

21,7

34,4

30,3

5,8

27,6

20,1

1er avril 2019

17,8

31,9

25,4

40,4

32,9

8,7

31,4

22,7

1er novembre 2019

20,4

36,4

28,5

46,3

35,5

11,6

35,2

25,2

1er avril 2020

22,9

40,9

31,9

52,3

38,1

14,5

39

27,8

1er novembre 2020

25,5

45,4

35,2

58,3

40,8

17,5

42,8

30,4

Augmentation totale

+ 155 %

+ 145,4 %

+ 134,7 %

+ 159,1 %

+ 63,2 %

-

+ 114 %

+ 102,7 %

2.   Un alignement envisagé au-delà de 2020

Le rattrapage engagé par l’article 12 du projet de loi devra être complété par un processus de « convergence totale » ([194]), pour reprendre les termes du Gouvernement dans la présentation du dispositif. À partir de 2021, des mesures supplémentaires devront donc être mises en œuvre pour rendre notre droit fiscal conforme au droit de l’Union européenne et ne plus exposer la France à des sanctions. Ces mesures ne sont toutefois pas précisées à ce stade et s’appliqueront « dans des conditions qui doivent encore faire lobjet de travaux ».

*

La commission est saisie des deux amendements identiques AS62 de M. Jean-Pierre Door et AS132 de Mme Isabelle Valentin.

Mme Josiane Corneloup. Le tabac n’est pas un produit comme les autres : sa consommation constitue aujourd’hui, et de loin, la première cause de mortalité évitable en France, avec environ 73 000 décès chaque année, soit 200 morts par jour. Il est actuellement responsable de plus d’un décès sur cinq chez les hommes. La baisse du tabagisme, en particulier chez les jeunes, est un enjeu de santé public majeur, il y a consensus sur cela.

Pour autant, nous arrivons à un tournant. Alors que notre pays pratique des prix très sensiblement supérieurs à ceux des pays voisins, un marché parallèle très important s’est installé, pour environ 27 % des ventes, et il rend de moins en moins opérantes les mesures que nous prenons pour lutter contre le tabagisme. La nouvelle hausse proposée, comme le paquet neutre en son temps, n’aura vraisemblablement pas d’impact, ou très peu, sur la consommation de tabac.

La priorité absolue, si l’on veut retrouver de l’efficacité, c’est de lutter réellement contre le trafic parallèle. Pour cela, comme le rappelle Éric Woerth, président de la commission des finances : « La seule façon de lutter contre le marché parallèle du tabac, cest la traçabilité. Il suffit de mettre en application la convention de lOMS. » C’est pour ces raisons que nous proposons de supprimer cet article.

Mme Isabelle Valentin. Le tabac est un fléau. Avec 66 000 décès chaque année en France, l’enjeu est de taille. Le tabac coûte environ dix milliards d’euros aux finances publiques.

Ces derniers temps, la profession de buraliste a trop souvent été attaquée par des mesures défavorables à son activité – paquet neutre, augmentation des prix, etc. –, qui coûtent cher, qui n’ont jamais démontré leur efficacité et qui ont eu au contraire des effets pervers, avec le développement du marché parallèle, qui représente aujourd’hui 30 % des ventes.

La réalité est que ces dispositions ont contraint de nombreux buralistes de nos communes, souvent rurales, à fermer leurs établissements. Or, ils forment notre tissu économique de proximité, ils sont, dans nos communes, les figures du lien social, ils incarnent des valeurs qui peuvent nous rassembler : le travail, le mérite, l’esprit d’entreprise. Il faut donc les accompagner et non les stigmatiser.

Je vous propose des mesures concrètes pour lutter contre le tabagisme sans mettre en péril l’activité des buralistes : un grand plan de prévention, une harmonisation européenne des prix, une intensification des contrôles de la vente parallèle. Elles permettront à l’État de récupérer le manque à gagner important pour nos buralistes, qui souhaitent vivre de leur métier, et à nos concitoyens de prendre conscience des méfaits du tabac. Cet amendement vise donc à supprimer l’article 12.

M. le rapporteur général. L’augmentation du prix de paquet de cigarettes à dix euros en trois ans est un engagement présidentiel. Un engagement courageux car ce sera la plus forte augmentation depuis que la cigarette existe dans notre pays. C’est un engagement de santé publique majeure. On ne sauve pas des vies en luttant contre la contrebande mais en luttant contre le tabagisme, en augmentant le prix du tabac. Avec le passage du prix de 3,60 euros à 5 euros entre 2002 et 2004, 1,5 million de fumeurs ont arrêté de fumer. Aujourd’hui, 200 personnes meurent encore chaque jour du tabac dans notre pays : ce sont donc 73 000 morts directement causées par le tabac chaque année, sans compter les innombrables maladies cardiovasculaires, les AVC, les infarctus, les cancers…

Vous avez raison de souligner qu’il faut travailler à une harmonisation des prix au niveau européen et lutter efficacement contre la contrebande. Le Gouvernement prend des dispositions : création de 200 postes supplémentaires dans l’administration des douanes, nouveau cadre de traçabilité, opérationnel dès 2019, coordination des parquets, fonds de prévention du tabagisme doté de plus de 100 millions d’euros en 2017, le « mois sans tabac » qui va démarrer le 1er novembre, les mesures du plan cancer… Il faut aussi des dispositifs d’accompagnement des jeunes : dire à un adolescent de seize ans que fumer va le tuer ne le dissuadera pas, on doit expliquer aux plus jeunes comment le tabac bouche les artères, provoque des mutations cellulaires et des cancers. Les pays qui ont réussi à lutter efficacement contre le tabagisme des jeunes, comme l’Allemagne et surtout l’Australie – 2,5 % des jeunes fument en Australie contre près de 25 % en France –, ont mené des campagnes de prévention proactives. Il n’empêche qu’une augmentation importante du prix du paquet de cigarettes sauve des vies, on le sait.

Je demande donc le retrait de ces amendements. Nous devons débattre de la façon dont assortir l’augmentation du prix de mesures opérationnelles, y compris pour les buralistes, que j’ai reçus ici pour discuter des reconversions professionnelles car on ne peut poursuivre l’objectif de mettre un terme au tabagisme et vouloir en même temps aider les buralistes à se maintenir cette activité. L’objectif doit être d’accompagner les buralistes vers d’autres commerces de proximité.

Mme Isabelle Valentin. Il faut certes de la prévention. Le paquet à dix euros ne dissuadera pas les gens car ils commanderont des cigarettes sur internet, et cela développera le marché parallèle.

M. Thomas Mesnier. Le groupe majoritaire votera contre ces amendements de suppression. Outre que c’était un engagement fort de la campagne présidentielle, c’est la première mesure de prévention dans l’examen de ce PLFSS. Depuis dix ans, les augmentations faibles et successives n’ont eu aucun effet majeur sur la diminution du nombre de consommateurs, alors que le tabac, qui représente un coût de 14 milliards pour la société et qui tue 200 personnes chaque jour, est la première cause de décès évitable. Certes, la hausse est majeure mais le calendrier permet à chacun de se mettre dans la perspective d’arrêter. C’est une mesure essentielle de santé publique et, parallèlement, nous soutenons bien sûr les actions de lutte contre la contrebande et de reconversion des buralistes.

M. Pierre Dharréville. Les taxes sur le tabac ont été le moyen pour les gouvernements successifs d’accroître les recettes de la sécurité sociale. Si cet argent ne sert pas à renforcer les actions de prévention, cela créera un hiatus.

La mesure va frapper inégalement la population selon ses revenus. Les plus défavorisés en seront les principales victimes, frappés au porte-monnaie. Cela n’enlève rien à l’enjeu de santé publique mais je me demande si une mesure aussi aveugle n’est pas inéquitable, donc problématique.

M. Laurent Pietraszewski. En tant qu’élus, nous devons prendre toutes nos responsabilités en utilisant les leviers les plus efficaces contre ce fléau, et il a été démontré et redémontré que le prix est l’élément essentiel permettant la baisse de la consommation. Affirmer le contraire est d’ailleurs assez dangereux.

Quand le Président Jacques Chirac a souhaité prendre des décisions fortes pour réduire le nombre de morts sur la route, on entendait objecter que les verbalisations, les radars étaient des impôts déguisés. Eh bien, ça a été un succès. Je crois d’ailleurs que ceux qui, aujourd’hui, nient que le prix du tabac soit un élément essentiel dans la baisse de la consommation étaient fort optimistes avec le plan du Président Chirac.

Mme Caroline Fiat. Selon les études, l’augmentation progressive du prix du paquet de cigarettes ne montre pas un arrêt spectaculaire de la pratique, car la hausse est à un moment donné budgétisée. Nous sommes tous d’accord pour dire que le tabac est un fléau et qu’il faut trouver des solutions. La prévention, cela commence par aider les personnes qui n’ont pas autant de moyens pour arrêter de fumer, c’est-à-dire par rembourser les substituts nicotiniques. Une fois que cela aura été fait, augmentons le prix du paquet de cigarettes, d’un seul coup.

M. le rapporteur général. Selon un rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies de septembre 2015, le coût social du tabac est de 122 milliards d’euros. Il faut sortir du discours sur les recettes fiscales du tabac. J’appelle votre attention sur le nombre d’amendements de réduction des recettes fiscales, déposés par tous les groupes, qui sont gagés par une augmentation des taxes sur le tabac : attention à l’ambivalence vis-à-vis de cet outil fiscal. Ensuite, si demain il n’y avait plus de fumeurs dans ce pays, ne considérez pas une seule seconde que l’État perdrait de l’argent, car le coût social du tabac est énorme.

Son coût humain, le plus important bien sûr, l’est tout autant. On estime que l’augmentation du paquet à dix euros réduira de 15 % la consommation de tabac. Chaque jour, ce sont plusieurs personnes qui ne mourront plus à cause du tabac.

Les consultations de tabacologues sont remboursées. Certains substituts nicotiniques de sevrage le sont aussi, la présentation de leur emballage a d’ailleurs été améliorée.

Un débat est en cours au sujet de la façon de consommer autrement de la nicotine, notamment au moyen de la cigarette électronique, j’ai ici même interpellé Mme la ministre à ce propos. Des études montrent que la cigarette électronique permet à beaucoup de personnes en France et en Europe d’arrêter le tabac ; nous devons poursuivre notre réflexion, mais cela ne doit pas nous empêcher d’adopter cette mesure courageuse d’augmentation massive du prix du paquet de cigarettes.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle étudie ensuite lamendement AS392 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Je rétablis le ministère de la santé dans ses droits en le faisant cosignataire de l’arrêté de revalorisation des parts spécifiques et des minima de perception, ce qui lui avait été retiré au profit du seul ministère du budget.

La signature conjointe des deux ministres me paraît constituer un signal assez fort.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte larticle 12 modifié.

*

*     *

Article 13
Verdissement de la taxe sur les véhicules de société

L’article 13 aménage la taxe sur les véhicules de société (TVS) afin de renforcer son volet incitatif à l’utilisation de véhicules moins polluants.

Il procède au verdissement simultané des barèmes constitutifs de la TVS et modifie le régime d’exonération en vigueur, afin notamment d’encourager le recours à des véhicules hybrides combinant l’énergie électrique et une motorisation à l’essence.

Le rendement supplémentaire attendu est estimé à 112 millions d’euros en année pleine, s’ajoutant ainsi aux 700 millions d’euros de recettes perçues en 2016.

I.   Le droit en vigueur

1.   Le champ, la déclaration et l’affectation de la taxe sur les véhicules de société

● La taxe sur les véhicules de société (TVS), régie par l’article 1010 du code général des impôts, s’applique aux véhicules de tourisme :

– utilisés par les sociétés en France quel que soit l’État d’immatriculation ;

– possédés par les sociétés en France et immatriculés sur le territoire.

Lorsqu’un véhicule est pris en location, la TVS est due par la société locataire. Le même régime s’appliquera, à compter du 1er janvier 2018, pour les véhicules mis à disposition. Lorsque le véhicule fait l’objet d’un remboursement des frais kilométriques par la société, par ailleurs, la société est redevable de TVS au-delà de 15 000 kilomètres parcourus à titre professionnel, le montant dû augmentant en fonction du kilométrage professionnel donnant lieu à remboursement.

Les véhicules de tourisme visés sont les voitures particulières telles que définies par le droit de l’Union européenne ([195]) et les véhicules à usages multiples destinés au transport de voyageurs Certains véhicules sont néanmoins soustraits à la TVS, s’agissant :

– des sociétés dont l’activité normale est la vente, la location de courte durée ou l’exécution d’un service de transport à la disposition du public ;

– des véhicules accessibles en fauteuil roulant.

● La TVS, aujourd’hui déclarée à partir d’imprimés fournis par l’administration, dans les deux premiers mois de chaque période d’imposition, sera acquittée sur déclaration comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à compter du 1er janvier 2018 ([196]). L’absence d’obligation de télédéclaration et de télérèglement actuellement en vigueur, dérogatoire au droit commun, sera supprimée à compter de cette même date ([197]). À l’avenir, la TVS sera donc intégralement régie par les dispositions applicables en matière de taxe sur le chiffre d’affaires s’agissant du recouvrement, du contrôle et du contentieux.

Elle n’est pas déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

Elle est actuellement due par les sociétés au titre des véhicules qu’elles possèdent ou utilisent entre le 1er octobre de l’année n-1 et le 30 septembre de l’année n, liquidée par trimestre et payable en une seule fois au terme de la période d’imposition.

À compter du 1er janvier 2018, toutefois, elle sera due sur une période d’imposition allant du 1er janvier au 31 décembre, aux termes de la modification opérée par l’article 19 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2017 ([198]). Cette dernière a en effet permis d’aligner l’exercice comptable de la TVS sur l’année civile.

Afin d’éviter une absence d’acquittement de la TVS du 1er octobre au 31 décembre 2017, l’article précité a également prévu une TVS spécifique au dernier trimestre 2017, appelée à assurer la transition entre les deux exercices.

● L’essentiel du produit de la TVS est affecté à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) depuis la LFSS pour 2014. La fraction de TVS jusqu’alors affectée à l’État est désormais également versée à la branche famille, aux termes de l’article 48 de la loi de finances pour 2017 ([199]). L’affectation à la CNAF est donc désormais intégrale.

Son rendement, qui atteint 692 millions d’euros en 2016, décroît au fil des ans. Si elle peut être considérée comme une preuve de l’efficacité de la taxe, cette diminution peut néanmoins également refléter le vieillissement du barème et son décalage par rapport au parc automobile des entreprises.

Rendement de la taxe sur les véhicules de société

 

Source : Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, à partir des données transmises par le Gouvernement.

Ce rendement décroissant pose question et est d’autant plus significatif qu’il intervient en dépit de l’ajout d’un second barème à partir de 2014, censé apporter un rendement supplémentaire de TVS.

2.   Les barèmes constitutifs de la taxe sur les véhicules de société

La TVS est calculée par l’addition de deux composantes :

– un premier tarif fixé, selon les cas, en fonction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) ou de la puissance fiscale du véhicule ;

– un second tarif déterminé en fonction du type de carburant et de l’année de première mise en circulation, prenant en compte les émissions de polluants atmosphériques.

Les barèmes qui déterminent ces tarifs jouent un rôle décisif dans le caractère incitatif du dispositif. En frappant plus lourdement les véhicules les plus polluants, ils comportent une finalité comportementale et visent à encourager l’utilisation de véhicules laissant une faible empreinte sur l’environnement.

a.   Le tarif relatif aux émissions de CO2 ou à la puissance fiscale du véhicule

La première part de TVS, qui constitue l’origine du dispositif, est calculée à partir des émissions de dioxyde de carbone ou, à défaut, de la puissance fiscale du véhicule.

● Le tarif relatif au taux d’émission de CO2 s’applique aux véhicules répondant à trois critères cumulatifs :

– avoir été mis en circulation pour la première fois à compter du 1er juin 2004 ;

– être utilisé ou possédé par la société à compter du 1er janvier 2006 ;

– avoir fait l’objet d’une réception communautaire, dite réception CE. Cette appellation signifie que le type de véhicule, de système ou d’équipement est déclaré satisfaire aux directives de l’Union européenne qui leur sont applicables.

Huit tranches fixent un tarif allant de zéro euro pour une émission inférieure ou égale à 50 grammes par kilomètre à 27 euros par gramme pour une émission supérieure à 250 grammes par kilomètre.

Le taux retenu pour l’application du dispositif est le taux conventionnel d’émission de CO2 calculé selon la méthode définie par l’arrêté du ministère de l’équipement, des transports et du logement du 21 avril 2000 ([200]).

Ce taux est communiqué au public par divers moyens – notamment le guide annuel publié par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et accessible sur internet ([201]) – et figure sur la carte grise du véhicule.

● Pour les autres véhicules, le barème repose sur la puissance fiscale, exprimée en chevaux-vapeur (CV). Ces autres véhicules recouvrent :

– les véhicules possédés ou utilisés avant le 1er janvier 2006 par la société ;

– ceux possédés ou utilisés après cette date mais mis en circulation pour la première fois avant le 1er juin 2004 ;

– ceux n’ayant pas fait l’objet d’une réception communautaire, c’est-à-dire les véhicules ayant fait l’objet d’une réception nationale ou à titre isolé, par exemple issus du marché américain.

Cinq tranches établissent un tarif compris entre 750 euros pour les véhicules dont la puissance est inférieure à 3 CV et 4 500 euros lorsqu’elle est supérieure à 15 CV.

b.   Le tarif relatif aux émissions de polluants atmosphériques

La seconde part de TVS, ajoutée par la loi de finances pour 2014 ([202]), correspond à une composante « air » de la taxe, visant à prendre en compte les oxydes d’azote, les composés organiques volatiles non méthaniques et les particules en suspension. Elle ne s’applique pas aux véhicules fonctionnant exclusivement à l’énergie électrique.

Le tarif est calculé à partir d’un barème de cinq tranches retenant deux paramètres :

– d’une part, le mode de carburation, avec deux catégories « essence et assimilé » ou « diesel et assimilé ». Cette seconde catégorie rassemble les motorisations au gazole et celles combinant une motorisation électrique et une motorisation au gazole émettant plus de 110 grammes de CO2 par kilomètre. La première catégorie recouvre les autres véhicules, y compris ceux fonctionnant au gaz naturel, au gaz de pétrole liquéfié ou au superéthanol ;

– d’autre part, l’année de première mise en circulation du véhicule.

À titre d’exemple, le tarif applicable à une voiture essence mise en circulation à compter de 2011 est de 40 euros, là où celui relatif à une voiture diesel mise en circulation avant 1997 est de 600 euros.

3.   L’exonération applicable aux véhicules hybrides

Les véhicules hybrides – combinant l’énergie électrique et une motorisation à l’essence ou au gazole – et ceux combinant l’essence à du gaz naturel carburant ou du gaz de pétrole liquéfié sont exonérés de la première part de TVS lorsqu’ils émettent moins de 110 grammes de CO2 par kilomètre parcouru.

Cette exonération est ouverte pour huit trimestres.

II.   Le dispositif proposé

L’article 13 aménage les barèmes de la TVS afin de les rendre plus incitatifs et dissuasifs. L’ensemble de ses dispositions entreront en vigueur au 1er janvier 2018, aux termes du II du dispositif.

1.   L’aménagement de la première part de TVS

Le du I aménage le premier tarif de TVS, exprimé en euros par gramme de CO2 émis. La modification vise à rendre le barème à la fois :

– plus progressif : une tranche supplémentaire est ajoutée aux deux prévues actuellement entre 0 et 100 grammes de CO2 par kilomètre ;

– plus incitatif : les tarifs applicables au-delà de 100 grammes de CO2 par kilomètre sont augmentés.

Évolution du barème applicable au premier tarif de TVS

(en euros, selon le taux d’émission de dioxyde de carbone en grammes par kilomètres)

Source : Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, à partir du projet de loi.

2.   La réforme du dispositif d’exonération du premier barème de TVS

Le du I aménage le dispositif d’exonération de la première part de TVS s’agissant à la fois du parc éligible et de sa durée.

● S’agissant des véhicules éligibles, sont désormais exclues de l’exonération :

– les véhicules combinant l’énergie électrique et une motorisation au gazole, quel que soit leur taux d’émission de CO2, aux termes du a du  ;

– les véhicules combinant l’énergie électrique et une motorisation à l’essence dont les émissions de CO2 sont supérieures à 100 grammes par kilomètres – par rapport au plancher de 110 g/km applicable aujourd’hui –, aux termes du b du.

L’exonération ne sera donc plus ouverte qu’aux seuls véhicules hybrides électricité-essence et à ceux combinant l’essence à du gaz naturel carburant ou du gaz de pétrole liquéfié dont les émissions sont inférieures ou égales à 100 g/km.

● La durée de l’exonération, par ailleurs, est portée de huit à douze trimestres par le c du .

Elle deviendra définitive pour les véhicules dont les émissions sont inférieures ou égales à 60 grammes de CO2 par kilomètre. Ce plafond, fixé au d du , est identique à celui défini par le décret du 11 janvier 2017 ([203]) ayant défini le seuil en-deçà duquel une voiture particulière ou une camionnette est considérée comme un véhicule à faibles niveaux d’émissions de CO2.

3.   L’aménagement de la seconde part de TVS

Le du I modifie le barème de la composante « air » de la TVS.

Il repousse de quatre années chacune des cinq échéances de ce barème, en cohérence avec le délai de quatre ans s’étant écoulé entre la mise en place de ce tarif en 2014 et l’entrée en vigueur du dispositif, au 1er janvier 2018.

Évolution du barème applicable au second tarif de TVS

(en euros, selon l’année de première mise en circulation du véhicule)

Source : Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationales, à partir du projet du loi.

Cette modification vise à tenir compte de la dernière classification des normes Euro, comme le préconisait notamment le rapport de la mission d’information relative à l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale, déposé le 12 octobre 2016 ([204]).

*

La commission examine lamendement AS266 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Les flottes de véhicules de sociétés en France sont équipées à 90 % de moteurs diesel. Afin de lutter plus efficacement contre le changement climatique, il faut remplacer ces véhicules carburant aux énergies fossiles par des voitures carburant aux énergies renouvelables.

Le superéthanol contient entre 65 % et 85 % de bioéthanol, et réduit d’au moins 50 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux carburants fossiles. Promouvoir le recours au bioéthanol contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi qu’à l’amélioration de la qualité de l’air.

Cet amendement propose donc l’octroi de l’exonération de la taxe sur les véhicules de société (TVS) pendant une période de douze trimestres pour les véhicules fonctionnant au superéthanol, comme cela existe déjà pour les véhicules fonctionnant au gaz naturel et au gaz de pétrole liquéfié (GPL).

Cette mesure permettrait également de répondre aux objectifs de réduction de CO2 et de particules fines émises par les flottes de véhicules de société.

M. le rapporteur général. Vous proposez d’inclure dans le champ de l’exonération de la taxe sur les véhicules de société les véhicules carburant au bioéthanol, sur le principe, je dirais : pourquoi pas ?

Hélas votre dispositif pose problème, car il renvoie à l’article 1011 bis du code général des impôts qui correspond à la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation. Par ailleurs, cette rédaction n’est pas complètement opérationnelle puisqu’il existe des kits permettant de transformer une voiture essence en une voiture « flex‑fuel » compatible avec l’usage de superéthanol, ne donnant aucune garantie à l’administration sur l’utilisation de tel ou tel carburant.

Je vous suggère de retirer cet amendement, et de le reprendre en vue de la séance publique afin que nous puissions en débattre avec le Gouvernement.

M. Francis Vercamer. Je retire mon amendement.

M. Julien Borowczyk. S’agissant des émissions polluantes des véhicules automobiles, l’attention est toujours focalisée sur le CO2, il ne faut toutefois pas négliger les diverses microparticules émises par le bioéthanol.

Cet amendement est retiré.

La commission en vient à lexamen de lamendement AS274 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. La TVS a pour objet de limiter les émissions de CO2 afin de lutter contre la pollution atmosphérique et le réchauffement climatique. Ce combat doit être mené de façon urgente à une grande échelle.

Pour autant, la transition souhaitée par le Gouvernement ne va pas dans le bon sens. Vous souhaitez encourager l’achat de véhicules électriques ou hybrides qui nécessitent le recours aux terres rares, et dont l’empreinte écologique est considérable dès lors que l’on prend en compte les coûts de fabrication, d’utilisation, de recyclage et de démantèlement.

Votre orientation demeurera avantageuse pour les constructeurs automobiles ainsi que pour le secteur du bâtiment et travaux publics. Par ailleurs, cet article favorise les grandes entreprises qui disposent des moyens de s’équiper de véhicules hybrides ou électriques, et défavorise les plus petites.

Notre objectif est de mettre fin au culte de la voiture, nocive pour l’environnement et la santé. Nous voulons engager une stratégie nationale déterminée en faveur des transports collectifs et des modes de transport doux, et diminuer les inégalités.

Notre amendement vise ainsi à flécher les recettes issues de la TVS vers le soutien aux entreprises désireuses de faire bénéficier leurs employés des transports collectifs et des modes doux. Il s’agit de mettre un terme à la casse des transports publics collectifs en favorisant l’accès au transport en autocar, trains express régionaux (TER), trains Intercités, TGV, bus, tramway, métro pour les employés. Nous voulons rendre les transports accessibles aux personnes à mobilité réduite, développer les itinéraires cyclables et favoriser les vélos à assistance électrique.

M. le rapporteur général. Catastrophe, madame Fiat ! Car vous proposez d’affecter les recettes de TVS à un fonds de soutien à la transition des transports collectifs. Dès lors, ses recettes sortiraient complètement du champ de la sécurité sociale, et creuseraient d’autant l’équilibre de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), aujourd’hui affectataire de la TVS, en la privant 900 millions d’euros par an.

Au regard de ces conséquences financières, et non pas de votre demande de rapport, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme Caroline Fiat. Nous maintenons notre amendement, et approfondirons notre réflexion.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 13 sans modification.

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*     *

Après l’article 13

La commission se saisit de lamendement AS99 de M. Jean-Pierre Door.

M. Stéphane Viry. Cet amendement vise à faire évoluer le parc automobile français dans l’esprit des engagements pris lors de la COP21.

Il convient de développer l’usage des véhicules à faibles émissions de substances polluantes ; or, 50 % des véhicules achetés chaque année sont des véhicules de société. Les salariés utilisant ces véhicules bénéficient d’un avantage en nature assujetti à cotisations, alors que le coût d’un véhicule de ce type est supérieur à celui d’un véhicule conventionnel. Le salarié se voit donc ainsi pénalisé.

Afin de favoriser l’évolution de notre parc automobile, il est prévu un abattement spécifique sur le montant de rémunération à prendre en compte au titre de l’avantage en nature constitué par l’utilisation privée de véhicules de sociétés dont le taux d’émission de dioxyde de carbone est inférieur à 60 grammes par kilomètre.

M. le rapporteur général. L’intention est louable, mais je ne suis pas convaincu par le dispositif proposé.

Sur le principe : vous proposez la création d’une niche sociale allant à l’encontre de la préservation de l’assiette de prélèvements sociaux, sur laquelle il serait difficile de revenir par la suite. Je rappelle que l’intégration des avantages en nature dans l’assiette des cotisations se justifie par l’économie de frais de transport effectuée par le salarié pour se rendre sur son lieu de travail.

Votre amendement conduirait le salarié à prendre une voiture électrique en location de longue durée ou en leasing, ce qui lui conférerait directement des avantages, alors que le fait de bénéficier de la location de longue durée d’un véhicule constitue déjà un avantage.

Par ailleurs, nous venons d’adopter le principe du verdissement du parc automobile des sociétés avec l’article 13.

Pour ces raisons, mon avis est défavorable.

La commission rejette lamendement.

*

*     *

Article additionnel après l’article 13
Instauration d’une taxe comportementale sur les boissons sucrées

Elle est ensuite saisie de lamendement AS412 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement porte sur un sujet qui me tient à cœur comme à beaucoup de nos collègues, je souhaiterais que nous l’abordions de façon rigoureuse.

La loi de finances pour 2012 a créé une contribution sur les boissons rafraîchissantes sans alcool, créant ainsi deux niveaux de taxation. Le premier est un droit d’accise touchant toutes les boissons non alcoolisées, y compris celles ne comportant pas de sucre, qui rapporte environ 80 millions d’euros aux organismes de sécurité sociale. Le second est une contribution portant spécifiquement sur les boissons sucrées, quel que soit leur taux de sucre.

Une étude récente de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a montré que l’obésité des enfants a été multipliée par 10 en quarante ans. Or, nous savons que, parmi les facteurs d’obésité et de diabète de type 2, figure la consommation de boissons rafraîchissantes sans alcool, c’est-à-dire des sodas, des boissons sucrées, voire extrêmement sucrées, contenant des ajouts directs de sucre, et dont l’apport calorique est considérable sans pour autant conduire à la satiété. Ces sucres et calories viennent ainsi s’ajouter à l’alimentation habituelle des enfants.

L’OMS enjoint les États membres à agir afin de réduire ces apports sucrés provenant de sodas et autres boissons rafraîchissantes sans alcool. Un certain nombre de pays l’ont déjà fait, en prenant des mesures – que l’on me passe cette expression – plus intelligentes, pragmatiques et efficaces que la fiscalité existant aujourd’hui dans le droit français. L’Angleterre par exemple a adopté une disposition applicable dès le mois d’avril prochain ; je vous propose de moduler la fiscalité existante afin de la faire évoluer vers un système à peu près similaire.

Il ne s’agit donc pas de créer une nouvelle taxe comportementale, mais de rebattre les cartes de la taxe existante, et de la moduler de façon à ce qu’elle soit de nature à inciter les industriels à réduire le taux de sucre de leurs boissons. S’ils réduisent ce taux, ils doivent être récompensés par une baisse de la fiscalité, s’ils ne le baissent pas ou l’augmentent, ils prennent acte des conséquences de leurs pratiques sur la population de notre pays, et subissent une pression fiscale plus importante.

Nous proposons en premier lieu de supprimer le droit d’accise sur les boissons ne contenant pas de sucre, ou dont le taux de sucre est inférieur à 5 grammes par 100 millilitres ; car cette taxation n’a aucun sens au regard des impératifs de santé publique que je viens d’évoquer.

En ce qui concerne les boissons contenant entre 5 grammes et 8 grammes de sucre par 100 millilitres, il est proposé de ne pas modifier le niveau de taxe existant soit environ 2 centimes pour une canette de soda de 33 centilitres, ce que suggère d’ailleurs notre collègue, Mme Nathalie Elimas, pour le groupe Mouvement Démocrate et apparentés, ce dont je la remercie.

Il est ensuite proposé de doubler le droit d’accise pour les boissons comportant entre 8 grammes et 10 grammes par 100 millilitres. Au-delà de 10 grammes – ce qui concerne quelques sodas et boissons extrêmement sucrées –, c’est le triplement du montant de la taxe qui est proposé.

Encore une fois, si l’industriel réduit le taux de sucre, il sera fiscalement encouragé en retour. Une étude réalisée au Mexique a montré que l’augmentation de la fiscalité a été entièrement répercutée par les producteurs sur le prix de vente des boissons concernées, ce qui a entraîné un effet dissuasif sur le consommateur. L’étude montre la courbe de l’évolution de consommation de sodas, avec 70 % de jeunes atteints d’obésité, puis l’évolution à la baisse très sensible de cette consommation, accompagnée d’une très forte augmentation de la consommation de boissons sans sucre. L’effet sanitaire sur la population est donc majeur.

Une autre étude réalisée en Amérique du Nord montre que l’augmentation significative de la fiscalité pesant sur les sodas très sucrés s’est traduite un an après par une perte de poids de 720 grammes chez les enfants.

Il s’agit donc de la modulation d’une taxe existante, n’impliquant pas nécessairement un rendement supplémentaire pour l’État ; l’enjeu est de rendre le dispositif plus compréhensible et plus intelligent.

Je remercie encore nos collègues du groupe Mouvement Démocrate et apparentés pour le dépôt d’un dispositif similaire, mais qui propose des seuils de sucre si bas qu’ils ne laissent que très peu aux industriels la possibilité de se conformer aux normes préconisées en matière de santé par les organismes internationaux.

Toutefois, madame Elimas, si vous en étiez d’accord, nous pourrions reprendre ensemble la rédaction de cet amendement afin de le présenter de concert au moment du débat en séance publique.

M. Dominique Door. La préoccupation qui marque cet amendement est louable puisque nous savons que ce phénomène touche principalement les enfants, premiers consommateurs de ces boissons, ce qui conduit certains d’entre eux à souffrir d’obésité ; la responsabilité de leurs parents est d’ailleurs en cause.

Je ne suis pas sûr que, lorsque nous avons entendu la ministre de la santé, elle se soit montrée favorable ou non à cette mesure ; j’ai cru comprendre qu’elle demeurait interrogative.

Je rappelle que certaines de ces boissons sont produites par des entreprises françaises, or votre proposition est susceptible de les mettre en difficulté. Par ailleurs, je m’interroge sur la pertinence du niveau d’augmentation de la fiscalité que vous préconisez : ne serait-il pas plus judicieux d’envisager une progression moindre, passant, par exemple, d’une part de 6 grammes à 7 grammes de sucre par 100 millilitres, d’autre part de 8 grammes à 9 grammes ?

Il convient en effet de prendre le temps de la réflexion et de ne pas se précipiter dans cette démarche ; d’autant moins que les travaux des États généraux de l’alimentation (EGA) sont en cours et que les industriels du secteur des boissons, alcoolisées ou non, y participent.

Je me souviens, monsieur le rapporteur général, que les boissons sucrées ont été interdites dans les distributeurs installés dans les établissements scolaires ; nous avions déjà fait le premier pas.

Ne risque-t-on pas de vous accuser de créer une nouvelle taxe ?

M. Gilles Lurton. L’amendement suivant de Mme Elimas propose des taux très différents de ceux avancés par le rapporteur général. Or, depuis des années, des entreprises se sont engagées de façon très volontaire dans une diminution importante du taux de sucre dans leurs boissons, atteignant des proportions correspondant à peu près à celles proposées par M. le rapporteur général.

Il me semble que nous devons rester très prudents, et récompenser nos entreprises ayant d’ores et déjà pris les mesures nécessaires.

M. le rapporteur général. En réponse à M. Lurton, j’indiquerai que l’amendement de notre collègue Elimas est beaucoup plus radical.

Je n’exclus pas de présenter au cours du débat en séance publique une version légèrement différente de mon amendement, proposant un dispositif de lissage plus progressif que celui actuellement en vigueur afin de rendre l’incitation quasiment gramme par gramme très visible. Le but est d’encourager très concrètement les industriels à réduire ces taux de sucre.

Les taux aujourd’hui retenus reconnaissent précisément les efforts réalisés par certaines entreprises, notamment françaises, qui ne seront pas désavantagées par ma proposition.

Je rappelle par ailleurs que j’ai entendu en audition des industriels produisant des boissons rafraîchissantes sans alcool ; ils se sont montrés favorables à une fiscalité reconnaissant les efforts fournis au lieu de frapper aveuglément comme le fait le droit en vigueur depuis 2012.

S’agissant de savoir si la ministre sera favorable ou non à cette mesure, le mieux sera d’avoir avec elle ce débat en séance publique. J’insiste sur l’intérêt que nous aurions à travailler ensemble sur cette question. À cet égard le rapport d’information de Véronique Louwagie et Razzy Hammadi, déposé au mois de juin 2016 sur la taxation des produits agroalimentaires, considérait qu’en l’état, la taxe n’avait pas de sens, et formulait des propositions à certains égards plus radicales que les miennes. Il me semble enfin que François Baroin lui-même avait jugé que cette taxe ne constituait qu’une mesure de rendement, et qu’il conviendrait un jour de la changer.

M. Dominique Door. J’indique au rapporteur général que, s’il propose une modification progressive des seuils à l’occasion du débat dans l’hémicycle, nous le soutiendrons dans cette démarche.

La commission adopte lamendement AS412.

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Après l’article 13

Elle se saisit de lamendement AS191 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Nathalie Elimas. Nous acceptons la proposition du rapporteur général et retirons notre amendement.

Lamendement est retiré.

La commission étudie lamendement AS198 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Cet amendement propose d’augmenter la contribution assise sur les boissons contenant des édulcorants de synthèse, et de la réaffecter au financement d’une politique de prévention de la santé au bénéfice d’expérimentations nouvelles en faveur de la lutte contre le surpoids et l’obésité touchant les enfants.

M. le rapporteur général. Cet amendement présente une incohérence puisqu’il propose d’affecter la taxe existante à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et non à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), mais, l’opération se faisant à somme nulle, un transfert de la CNAM vers la CCMSA demeurerait nécessaire.

Mon amendement précédemment adopté répond à l’objectif sous-tendu par votre proposition, je demande le retrait.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement AS243 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Caroline Fiat. Les boissons sucrées sont à l’origine de problèmes de santé très préoccupants. Commercialisées par des entreprises qui excellent dans l’art de rendre leurs produits attractifs, elles multiplient la consommation de sucre, notamment des plus jeunes, ce qui entraîne de lourdes conséquences sur la santé publique. Une canette de soda de 33 centilitres contient en effet entre 30 grammes et 45 grammes de sucre. Sachant que, d’après les recommandations de l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), pour rester en bonne santé, il ne faut pas dépasser 100 grammes de sucre par jour, on comprend aisément le bouleversement qu’elles provoquent, le diabète et l’obésité étant les effets les plus flagrants.

Cet amendement propose la création d’une nouvelle taxe sur les sodas, qui a pour objet d’encourager la baisse de la consommation de boissons sucrées ; ses recettes seront versées à l’assurance maladie. Je rappelle qu’il y a quelques instants nous étions tous d’accord au sujet du tabac et de l’importance de l’augmentation du prix du paquet de cigarettes afin d’en réduire la consommation. Il me semble donc que la même préoccupation de préserver nos enfants de la consommation excessive de sucre doit nous animer.

M. le rapporteur général. Je suis heureux de constater que nous partageons les mêmes objectifs pour ce sujet de santé publique.

Toutefois, en proposant le doublement de la taxe assise sur les boissons comprenant des édulcorants, vous courrez le risque de brouiller le message sur le taux de sucre, dont l’impact est plus important.

Une fiscalité particulière s’applique déjà aux boissons comprenant des édulcorants : dans l’amendement que nous venons d’adopter figure une disposition favorisant les boissons moins sucrées et sans édulcorants par rapport aux boissons moins sucrées, mais comportant des édulcorants.

En effet, une suspicion plane sur certains édulcorants au regard des risques sanitaires qu’ils pourraient présenter, même si aucune étude recensée par l’ANSES n’est pas parvenue à le démontrer. En revanche, les édulcorants peuvent habituer le consommateur à un goût sucré, notamment pour les boissons.

Faut-il pour autant imposer une fiscalité aussi lourde aux édulcorants qu’aux boissons sucrées ? Je pense que la réponse est négative. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de vous joindre à celui que nous déposerons en vue du débat en séance publique.

Mme Caroline Fiat. Nous reconnaissons que votre proposition constitue une avancée, mais nous persistons à considérer que, tout comme le tabagisme, l’excès de sucre est néfaste à la santé. Nous maintenons donc notre amendement.

La commission rejette cet amendement.

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Chapitre IV
Dispositions relatives aux recettes de la branche maladie

Article 14
Fixation des taux « Lv » et « Lh » pour 2018 et précisions sur les conditions dapplication de la clause de sauvegarde

 

Cet article définit les modalités d’application de la clause de sauvegarde portant sur les dépenses de médicament.

Il vise principalement à fixer les taux d’évolution des taux Lv et Lh pour l’année 2018. Il précise aussi les modalités de calcul de l’assiette des taux Lv et Lh pour tenir compte des changements de circuits de distribution des médicaments.

Enfin, il simplifie le calcul des contributions des entreprises pharmaceutiques au titre des années 2015 et 2016.

I.   le mÉcanisme de la clause de sauvegarde

1.   Assurer le respect de l’ONDAM

La clause de sauvegarde a vocation à intervenir lorsque les autres actions de régulation relatives au prix et à la maîtrise des volumes de médicaments prescrits ont été insuffisantes pour permettre le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

Le mécanisme vise à réguler les dépenses liées aux médicaments en assujettissant les entreprises concernées à un prélèvement assis sur l’évolution de leur chiffre d’affaires brut. Au-delà d’un certain taux d’évolution, les entreprises pharmaceutiques s’acquittent collectivement d’une contribution progressive.

2.   L’assiette fixée par la loi

Le taux de la contribution est fixé proportionnellement au chiffre d’affaires constaté. Si celui-ci est supérieur de plus d’un point au taux fixé par la loi, alors le taux de la contribution s’élève à 70 % de la part du chiffre d’affaires qui dépasse le taux de croissance autorisé.

Sont visés par cette contribution les médicaments vendus dans les officines, ceux délivrés par les établissements hospitaliers qu’il s’agisse des médicaments inscrits sur la liste de rétrocession ou de ceux facturés en sus des prestations d’hospitalisation, et les médicaments pris en charge de manière dérogatoire au titre d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU), ou au titre du régime dit du « post-ATU ». Cependant, les médicaments orphelins dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 30 millions d’euros ainsi que les médicaments génériques sont exclus de l’assiette.

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2017 a opéré une modification de l’assiette de calcul en supprimant la déduction des remises conventionnelles.

Le mécanisme est conçu comme une incitation à la négociation des prix avec le Comité économique des produits de santé (CEPS). En effet, les entreprises ayant conventionné avec lui peuvent choisir de verser à l’assurance maladie des remises les exonérant ainsi de l’acquittement de la contribution. Le mécanisme est incitatif, dans la mesure où une décote de 20 % est prévue dès lors que le montant des remises ainsi consenties dépasse 80 % du montant dû au titre de la contribution.

3.   Les taux d’évolution

Jusqu’en 2017, un taux unique – le taux L –  a été appliqué. Le taux L a ainsi été fixé à – 1 % par les LFSS pour 2015 et pour 2016, ce taux s’appliquant indifféremment à l’ensemble des médicaments entrant dans l’assiette de la contribution, qu’ils soient délivrés en ville ou à l’hôpital.

Constatant que les rythmes de croissance des dépenses de médicaments présentent d’importantes différences selon le secteur, la LFSS pour 2017 a instauré deux mécanismes de régulation distincts dénommés « Lv » applicable aux médicaments délivrés par les officines et « Lh » applicable aux médicaments délivrés par les établissements de santé, en rétrocession ou en sus des tarifs hospitaliers, ainsi qu’aux médicaments bénéficiant du régime des ATU.

Pour 2017, les taux Lv et Lh ont été respectivement fixés à 0 % et à 2 % ([205]).

Enfin, le produit de la contribution, dû au titre du taux (Lv), est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. Le produit de la contribution, dû au titre du taux (Lh), est quant à lui affecté au Fonds pour le financement de l’innovation pharmaceutique.

II.   la clause de sauvegarde prévuE pour l’année 2018

Cet article vise quatre objectifs :

– il précise les modalités de calcul de l’assiette des taux Lv et Lh pour tenir compte des changements de circuits de distributions des médicaments (1° et 2° du I) ;

– il vise à s’assurer de la fiabilité des informations permettant de déterminer le niveau des contributions (3° du I) ;

– il fixe les taux d’évolution des taux Lv et Lh pour l’année 2018 (II) ;

– il simplifie le calcul des contributions au titre des années 2015 et 2016 (III).

1.   Modifications portant sur l’assiette de calcul

Constatant qu’un médicament donné pouvait faire changer de circuit de distribution (de l’hôpital vers la ville notamment), les 1° et 2° du I procèdent à la modification des articles L. 138-10 et L. 138-11 du code de la sécurité sociale afin de préciser les modalités de calcul des taux Lv et Lh.

Afin de calculer au plus près le montant des contributions, le texte instaure une formule tenant compte des modifications de circuit de distribution des médicaments.

Ces changements peuvent entraîner une modification significative des dépenses susceptibles de déclencher la clause de sauvegarde pour l’un ou l’autre des secteurs. L’objectif recherché vise à neutraliser cet effet non corrélé à une augmentation de la consommation de médicaments. Les chiffres d’affaires N et N‑1 sont ainsi ventilés au prorata des dépenses constatées au titre de l’année N.

2.   Fiabilité des informations transmises en matière de chiffres d’affaires des médicaments

Le du I modifie l’article L. 138-15 du code du même code afin de s’assurer de la fiabilité des informations permettant de déterminer le montant des contributions au titre de la clause de sauvegarde. L’article L. 138-15 dispose notamment que les entreprises redevables des contributions transmettent aux organismes de recouvrement de la sécurité sociale un document permettant d’identifier les chiffres d’affaires relatifs aux ventes de médicament en ville et à l’hôpital.

Le présent article prévoit que le comité économique des produits de santé (CEPS), partie prenante aux négociations portant sur les prix et les remises conventionnelles, peut signaler les données faisant l’objet de la déclaration qu’il faudrait rectifier. Un décret fixe les modalités de ce signalement.

3.   Fixation des taux Lv et Lh pour 2018

Les taux de croissance des taux Lv et Lh pour 2018 visent à tenir compte de l’arrivée de médicaments innovants et onéreux, tout en assurant la soutenabilité des dépenses de médicaments. Ils sont ainsi fixés par le II :

– à 0 % pour le taux Lv ;

– à 3 % pour le taux Lh.

L’étude d’impact explique ces taux différenciés par la nécessité de faire face aux flux importants de nouveaux médicaments innovants et coûteux, principalement à l’hôpital.

4.   Contributions au titre des années 2015 et 2016

Le III dispose que les montants appelés au titre des contributions pour les années 2015 et 2016 sont définitifs.

Il s’agit ici de tenir compte des évolutions opérées par la LFSS pour 2017. Jusqu’à son entrée en vigueur, l’assiette de la contribution excluait les remises conventionnelles négociées par ailleurs avec le CEPS.

Dans le cas particulier des médicaments sous ATU, le montant des remises ne pouvait être déterminé de façon précise, les entreprises étant encore en négociation avec le CEPS pour fixer un prix de vente. Pour préserver le secret des affaires, il était prévu que l’assiette de la contribution était calculée, dans un premier temps, sur un montant prévisionnel de remises pour les médicaments sous autorisation temporaire d’utilisation (ATU) ou du régime « post-ATU ». Le code de la sécurité sociale prévoyait ensuite une mesure de régularisation l’année suivant celle au cours de laquelle le prix ou le tarif des médicaments en ATU ou post-ATU est fixé. Cette régularisation s’imputait sur la contribution due au titre de l’année au cours de laquelle le prix ou le tarif de ces médicaments était fixé.

Cet ajustement, applicable au titre de l’ancien taux L dont l’assiette excluait les remises conventionnelles, n’a pas été opéré pour les années 2015 et 2016. Cette mesure répond à une volonté de simplification administrative : elle évite d’avoir à solliciter inutilement les entreprises pour un dispositif que le législateur a entendu supprimer.

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La commission examine lamendement AS137 de M. Jean-Pierre Door. 

M. Bernard Perrut. Il s’agit de redéfinir la nature du chiffre d’affaires taxé dans le cadre du mécanisme de la clause de sauvegarde.

L’article 30 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a redéfini les modalités de calcul de ce mécanisme au moyen d’une assiette reposant sur le chiffre d’affaires brut. Le précédent mécanisme prenait en compte un chiffre d’affaires net des remises négociées avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) ou versées à l’occasion de la fixation du prix d’un produit faisant précédemment l’objet d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) ou selon le mécanisme « W » spécifique aux médicaments destinés au traitement de l’hépatite C.

Les remises versées au titre des produits pharmaceutiques pris en charge par la collectivité sont croissantes. Elles ont dépassé un milliard d’euros en 2015, dernière année où les chiffres sont connus, contre seulement 308 millions d’euros en 2012 : l’écart est considérable.

Les entreprises commercialisant les médicaments les plus récents, qui sont les plus soumises au versement de remises, sont taxées sur la base d’un chiffre d’affaires qu’elles ne réalisent pas, alors que ces médicaments sont la plupart du temps ceux qui apportent le plus d’innovation thérapeutique.

L’amendement vise à revenir à une règle de calcul cohérente, avec une assiette de taxation basée sur un chiffre d’affaires net.

M. le rapporteur général. Votre proposition vise à défalquer les remises dans le calcul de l’assiette des taux « Lv » et « Lh ». Vous souhaitez harmoniser les assiettes de l’année n (en l’occurrence 2018) et de l’année n-1 (2017), qui font référence pour calculer la progression du chiffre d’affaires hors taxes : l’assiette de l’année n-1 (2017) tient compte des remises conventionnelles accordées au CEPS, mais pas l’assiette de l’année n (2018).

Je rappelle que le CEPS fixe un objectif de baisse des prix, par exemple 100 millions d’euros. Soit les entreprises réalisent cet objectif et il y a une répercussion sur le chiffre d’affaires, soit elles n’y parviennent pas, le chiffre d’affaires prospère et la clause de sauvegarde joue : les industriels pharmaceutiques reversent alors à l’assurance maladie un pourcentage de l’objectif d’économies qu’ils ne sont pas parvenus à atteindre.

Si l’on acceptait la modification de l’assiette de calcul du chiffre d’affaires que vous proposez, la base de calcul serait faussée pour 2018. En effet, les remises accordées au titre d’une année ne se répercutent pas l’année suivante, à la différence des baisses de prix. Si vous défalquez les remises en 2018, vous aboutissez à un mécanisme inefficace, marqué par une absence de baisses de prix et une absence de clause de sauvegarde.

Pour cette raison technique, avis défavorable.

M. Jean-Pierre Door. Le sujet est très complexe. La grille devient de plus en plus sévère alors que des molécules de plus en plus innovantes et performantes sont développées. Le mécanisme actuel a été mis en place quand sont arrivés les nouveaux médicaments pour lhépatite C et quil fallait bien assurer une régulation. Ce cap est maintenant passé, les prix sont différents et le CEPS fixe les remises. Nen restons pas à la situation actuelle qui constitue un frein au développement des molécules. Nous proposons den revenir à une règle de calcul cohérente en nous basant sur le chiffre daffaires net plutôt que brut : lentreprise reverse à la sécurité sociale au-delà dun seuil et il ne faut pas mettre la barre trop haut.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement AS288 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. Nous saluons la volonté du Gouvernement de vouloir faire des économies sur le médicament : la France paie encore trop et nous devons multiplier les modalités de contrôle d’une industrie pharmaceutique qui se concentre et dont les réseaux d’influence se multiplient. Le déclenchement de la clause de sauvegarde en cas de dépassement de l’objectif de dépenses va dans le bon sens, mais le relèvement du taux hospitalier ressemble fort à un desserrage de vis alors que vous prétendez demander des efforts au secteur du médicament. Nous ne comprenons pas un tel laxisme : lorsqu’il s’agit de l’hôpital, tout semble permis pour les industries pharmaceutiques, qui ont trop de marge de manœuvre. Nous demandons donc la réduction du taux à zéro, afin de contraindre le secteur du médicament à réguler ses prix. Les Français attendent une telle rigueur, qui serait on ne peut plus favorable aux finances sociales.

M. le rapporteur général. Si l’on inclut le rebasage de l’ONDAM, le taux est en réalité inférieur à 3 %. Si on le ramenait à zéro, on supprimerait la différence entre le taux « Lv » et le taux « Lh » et l’on reviendrait au taux antérieur, le taux « L » unique.

Quel est l’intérêt d’avoir deux taux ? Il y a deux enjeux. En termes d’innovation, il s’agit de ne pas brider l’arrivée de traitements améliorant la santé des patients. Ne pas le reconnaître serait fermer les yeux sur la perte de chances. C’est un enjeu de santé publique. À cela s’ajoute un enjeu de coûts, qui doit aussi être réglé par d’autres moyens. Je pense notamment à la maîtrise de la liste en sus, dispositif que nous étudierons tout à l’heure, ou à la diffusion des bonnes pratiques de prescription. Ce n’est pas qu’une « affaire de laboratoires ».

Il faut reconnaître ce qui est fait en termes de maîtrise médicalisée. Chaque année, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, l’industrie pharmaceutique participe de façon importante à la politique de maîtrise médicalisée : un gros effort lui est demandé en matière de maîtrise des coûts et de l’expansion du volume de médicaments distribués. Cette année, cela représente 1,5 milliard d’euros sur la pertinence et l’efficience des produits de santé, notamment le médicament, à travers les baisses de prix, les remises et le développement des génériques. 33 % des économies sont demandés à l’industrie des produits de santé, alors qu’elle ne représente que 17 % des dépenses de santé.

Il faut conserver une place pour l’accès à l’innovation. Si je peux remettre brièvement ma casquette de neurologue, on voit arriver des traitements certes onéreux, mais porteurs d’espoir pour des malades que l’on ne pensait pas pouvoir soigner hier encore. Si on bride trop l’accès à l’innovation, si on l’empêche de se développer davantage, on aura demain des difficultés pour proposer des traitements aux malades. Par conséquent, avis défavorable à l’amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS63 de M. Jean-Pierre Door et AS310 de Mme Jeanine Dubié.

M. Jean-Pierre Door. Mon amendement est contraire à celui qui vient d’être rejeté. Il faut absolument éviter de brider l’innovation. Lors de son déplacement à Nevers, le Président de la République a souligné qu’il faut être responsable : on peut faire des économies, mais il y a des risques quand on fait du mal aux entreprises pharmaceutiques, quand on gêne leur développement.

On distingue aujourdhui le taux « Lv », pour la ville, et le taux « Lh », pour lhôpital. Or, depuis un certain temps, le taux affiché pour lhôpital nest plus compatible avec larrivée dinnovations : elles narrivent plus à se développer et des entreprises risquent de se détourner de la recherche. Nous proposons donc de porter le taux « Lh » de 3 à 6 %, au bénéfice de linnovation dans le monde hospitalier.

Mme Jeanine Dubié. L’amendement AS310 propose de ramener le taux « Lh », qui concerne les médicaments dispensés par les hôpitaux, de 3 à 2 %. Il faut bien sûr soutenir l’innovation, notamment en cancérologie, mais on doit aussi renforcer la maîtrise des coûts des médicaments, comme l’a préconisé la Cour des comptes. Il s’agit de protéger l’assurance maladie contre une progression trop rapide des dépenses de médicaments remboursés.

M. le rapporteur général. Un des deux amendements repose sur l’idée que le taux est trop faible, l’autre sur celle qu’il est trop élevé. Je vous propose la voie de la sagesse, c’est-à-dire le taux fixé par le projet de loi. Un taux de 3 % permet d’accueillir l’innovation sans trop la contraindre, tout en évitant que les dépenses flambent au-delà du raisonnable. L’amendement de M. Door, qui propose d’augmenter l’enveloppe à travers le taux « Lh » et de compenser avec la fiscalité sur le tabac, illustre par ailleurs ce que je disais tout à l’heure. Avis défavorable aux deux amendements.

Lamendement AS310 est retiré.

La commission rejette lamendement AS63.

Puis elle adopte larticle 14 sans modification.

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Après l’article 14

La commission examine les amendements identiques AS58 de Mme Josiane Corneloup, AS81 de M. Jean-Pierre Door, AS173 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS337 de M. Francis Vercamer.

Mme Josiane Corneloup. Les entreprises de répartition pharmaceutique disposent d’un large référencement de médicaments génériques destinés à l’approvisionnement des officines. Acteurs responsables, les grossistes répartiteurs vont au-delà de leurs obligations légales, qui leur imposent seulement de disposer du princeps et d’un générique. Ils contribuent pleinement au développement de ce marché, en proposant l’ensemble des références génériques aux patients qui peuvent ainsi conserver leurs habitudes de traitement. Ces acteurs participent ainsi à la maîtrise des dépenses de santé.

La Cour des comptes a confirmé la situation économique préoccupante des entreprises de la répartition : leur modèle de rémunération, assis sur le prix des médicaments, n’est plus adapté, notamment en raison de l’essor des médicaments génériques. La situation est telle que les conditions dans lesquelles les répartiteurs distribuent ces médicaments ne sont pas économiquement supportables.

L’objet de notre amendement est de retirer le segment des génériques de l’assiette de la taxe sur le chiffre d’affaires des distributeurs en gros et de pérenniser ainsi leur activité. Cette mesure serait salutaire au regard de l’urgence qui s’impose à nous et constituerait par ailleurs une mise en cohérence avec le cadre fiscal existant, les génériques étant déjà exclus d’une des trois composantes de la taxe.

M. Jean-Pierre Door. Nous avons été alertés par un rapport de la Cour des comptes qui confirme la situation économique très préoccupante des entreprises de la répartition, dont nous avons un réel besoin pour assurer la distribution des médicaments, de l’industrie jusqu’à la pharmacie. Le modèle de rémunération, reposant sur le prix des médicaments, n’est plus adapté. Il y a urgence à exclure les médicaments génériques de l’assiette de la taxe sur le chiffre d’affaires des distributeurs en gros afin de les aider à sortir la tête de l’eau.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Les grossistes répartiteurs se trouvent vraiment dans une situation économique très difficile. Retirer les médicaments génériques de l’assiette constituerait pour eux une petite bouffée d’air. Il faut bien être conscient que ces acteurs participent à la bonne distribution des médicaments et nous permettent ainsi de suivre des traitements dans de bonnes conditions.

M. Francis Vercamer. Beaucoup a déjà été dit sur ces amendements identiques. Les grossistes répartiteurs sont en grande difficulté, comme la Cour des comptes l’a souligné. La baisse des prix fait que leur marge nette diminue au fil du temps, même si le pourcentage reste identique. La disparition de ces acteurs, qui sont indispensables pour la répartition du médicament dans le réseau des officines en France, donc pour l’aménagement du territoire, ajouterait aux déserts médicaux des déserts pharmaceutiques. Il est important de leur donner une bouffée d’oxygène, en attendant peut-être une remise à plat complète du financement.

M. le rapporteur général. Afin d’éviter de pénaliser les entreprises de la répartition lors de la vente de médicaments génériques, généralement peu chers, une marge d’au moins trente centimes d’euros par boîte a été attribuée à partir de 2012. Je suis conscient qu’il existe une difficulté pour les grossistes répartiteurs en raison d’une baisse de leur chiffre d’affaires et que nous devons être capables de faire des propositions. À titre personnel, je m’engage à rencontrer les acteurs concernés et à me rendre sur le terrain à l’issue de l’examen du projet de loi, afin de voir quelles solutions nous pourrions proposer pour l’évolution de cette profession.

Dans l’immédiat, j’appelle votre attention sur le fait que si l’on exclut les médicaments génériques de l’assiette de la taxe sur la vente en gros, cela profiterait aussi bien à la vente directe qu’à la répartition. On risquerait même de favoriser la première au détriment de la seconde, en augmentant l’incitation financière pour les laboratoires à assurer eux-mêmes la distribution de leurs produits dans les officines. L’effet pourrait donc être contre-productif.

Enfin, et pardon de le rappeler, il y a un équilibre budgétaire à prendre en compte : l’exclusion des médicaments génériques représenterait quand même une perte de recettes de 60 millions d’euros pour l’assurance maladie.

Avis défavorable, mais avec une sensibilité et une attention particulières à ces enjeux auxquels nous pourrons travailler ensemble, si vous le souhaitez, dans les mois et les années à venir.

La commission rejette ces amendements.

Elle en vient ensuite à lamendement AS167 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Il s’agit de mettre fin à une incohérence dans l’approche des différentes administrations en ce qui concerne le prix net du médicament. Les laboratoires versent à l’assurance maladie des « remises conventionnelles » lorsque les produits des ventes excèdent un seuil préalablement négocié avec le CEPS, tandis que les administrations fiscales et de sécurité sociale imposent les laboratoires sur le chiffre d’affaires. Il y a donc une « double peine » : les laboratoires sont taxés sur un chiffre d’affaires non perçu, puisqu’il y a un reversement à l’État dans le cadre des « remises conventionnelles ». L’amendement vise à clarifier la nature de « remises accordées » de ces remises négociées entre le CEPS et chaque laboratoire dans le cadre des conventions de prix ou des avenants de baisse de prix.

M. le rapporteur général. Cet amendement revient sur la fusion de la taxe sur le chiffre d’affaires des laboratoires et de la taxe sur les premières ventes de médicaments, qui avait été instaurée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Le dispositif proposé n’aboutirait pas à une rédaction limpide. Il y aurait deux types de contributions, basés sur deux assiettes différentes, sans que l’on arrive à distinguer qui s’acquitterait de quoi, ce qui compliquerait singulièrement la vie des entreprises concernées.

Par ailleurs, le droit actuel prévoit déjà que lassiette de la contribution est défalquée du chiffre daffaires : largument de la « double peine » ne tient donc pas.

Enfin, l’amendement complique inutilement le dispositif. Il vise à défalquer de l’assiette de la contribution des laboratoires les montants versés dans le cadre de la clause de sauvegarde. Celle-ci ne joue que si la maîtrise de l’ONDAM et l’objectif de baisse des prix ne sont pas tenus. La clause de sauvegarde n’affecte pas de manière pérenne le chiffre d’affaires. Inclure dans une assiette un montant hypothétique n’est un bon signal de prévisibilité ni pour les entreprises, ni pour l’administration.

Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

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Article 15
Prorogation et augmentation de la participation des organismes complémentaires au financement des rémunérations alternatives au paiement à lacte

Cet article vise à proroger d’une année la participation des organismes complémentaires au financement des rémunérations alternatives au paiement à l’acte, tout en aménageant les modalités de cette contribution.

Il traduit ainsi dans la loi les engagements figurant à l’article 15 de la convention médicale du 25 août 2016, qui prévoyait la poursuite de l’engagement financier des organismes complémentaires ainsi que sa transformation à compter de 2018. Le rendement de cette contribution, réparti entre chaque organisme complémentaire, s’élèverait à 250 millions d’euros.

1.   Modalités actuelles de la participation des organismes de complémentaires santé

L’avenant n° 8 à la convention médicale du 26 juillet 2011 prévoyait une participation des organismes complémentaires au développement des nouveaux modes de rémunération des médecins.

L’article 4 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 a instauré à cet effet une participation au titre des années 2013 à 2015, assise sur une contribution due par chaque organisme complémentaire en activité au 31 décembre de l’année civile en cours (année N). Le produit de la participation globale, plafonné à 150 millions d’euros, est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

La participation a été prorogée pour les années 2016 et 2017 respectivement par les articles 36 et 31 des lois de financement de la sécurité sociale. Pour 2017, toutefois, le montant de la capitation a été fixé par la loi tandis qu’a été supprimé le plafonnement de la contribution.

2.   Prorogation de la participation pour 2018

Conformément à la convention médicale conclue au mois d’août 2016, cet article institue pour l’année 2018 la participation des organismes complémentaires au financement de rémunérations alternatives au paiement à l’acte.

Le I institue, à la charge des organismes complémentaires mentionnés au I de l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, une nouvelle participation des organismes à la prise en charge des modes de rémunération mentionnés au 13° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire : « les modes de rémunération, autres que le paiement à lacte, des activités de soins ainsi que les modes de rémunération des activités non curatives des médecins ».

Comme pour les années passées, son produit sera affecté à la CNAMTS.

3.   Définition de l’assiette et du forfait

La contribution est due par tout organisme complémentaire en activité au 31 décembre 2018.

Les modalités d’imputation de la participation restent globalement inchangées. Ainsi, le montant de la contribution est égal au produit d’un forfait annuel et du nombre de bénéficiaires de la prise en charge des frais de santé mentionnée à l’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale et ayants droit couverts âgés de seize ans ou plus par cet organisme – à l’exception des bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU‑C) – qui ont bénéficié, au cours de l’année 2017, d’au moins une consommation de soins ayant donné lieu à une prise en charge du ticket modérateur par les organismes complémentaires.

Le I fixe le montant du forfait annuel à 8,10 euros contre 5 euros en 2017 conformément à l’effort prévu par la convention médicale.

4.   Modalités de recouvrement et évolutions proposées

Le II dispose que la participation sera recouvrée, comme c’était déjà le cas, par l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), concomitamment au recouvrement de la taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d’assurance maladie prévue à l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale – sauf aménagements prévus par décret en Conseil d’État – et dans les mêmes conditions, garanties et sanctions que celles prévues pour le recouvrement de cette taxe.

5.   Rendement attendu pour 2018

L’étude d’impact rappelle que de nombreux facteurs – évolution du nombre global d’assurés ayant souscrit une couverture complémentaire, part des assurés exonérés de ticket modérateur, part des patients effectuant une consultation dans l’année chez leur médecin traitant – peuvent avoir un effet à la hausse ou à la baisse sur le rendement de la taxe.

Selon une hypothèse de réalisation fondée sur les rendements observés les années précédentes, le produit de la contribution atteindrait 250 millions d’euros en 2018.

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La commission examine lamendement de suppression AS295 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Nous progressons assez rapidement dans l’examen du texte, mais je ne suis pas certain que nous devions nous en réjouir car ce PLFSS, qui réforme profondément la sécurité sociale, ne nous semble pas aller dans le bon sens.

La participation des complémentaires au financement de l’assurance maladie équivaut à une privatisation de notre système de santé et à une charge supplémentaire pour les Français. Elle s’inscrit dans la logique de la hausse du forfait hospitalier qui, si elle ne figure pas dans le PLFSS, aura un impact sur la vie des patients. Puisque leurs cotisations aux complémentaires vont augmenter, c’est en effet à ces derniers que le Gouvernement demande de mettre la main à la poche pour aider le secteur hospitalier à survivre à la rigueur qui lui est imposée. Et que dire des 4 millions de Français qui, eux, n’ont pas de complémentaire santé ?

Il s’agit donc d’une atteinte fondamentale à un système d’assurance sociale que le monde entier nous enviait. Au-delà des principes, je le répète, cet article fait peser une partie de la charge de l’assurance maladie sur les usagers, puisque les complémentaires répercuteront cette contribution sur les tarifs des cotisations. C’est la raison pour laquelle nous nous y opposons.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Je me garderai bien, à cette heure tardive, de me lancer dans un débat sur la place de chacun des acteurs dans le financement de la protection sociale. Ce sujet nous est cher, à vous et à moi. Du reste, nous partageons peut-être un certain nombre de constats, notamment celui que lassurance maladie doit garantir la solidarité entre tous les assurés, sans sélection des risques. Toutefois, les complémentaires ont un rôle à jouer dans le financement de la protection sociale. Sous le quinquennat précédent, lobjectif était den généraliser laccès. Cet objectif na pas été atteint, puisque – cest lexternalité négative des accords nationaux interprofessionnels – sen retrouvent aujourdhui paradoxalement exclus certains étudiants, certains retraités et certains chômeurs. Nous pourrons travailler, au cours des prochaines années, à lamélioration de la protection sociale. De même, nous pourrons nous interroger sur les raisons pour lesquelles les coûts de gestion et de fonctionnement des complémentaires santé sont croissants – et le mot est faible. Mais ce serait un long débat.

Je m’en tiendrai à votre amendement. Cet article entérine un accord conventionnel. Or, aller à l’encontre de ce qui a été négocié serait faire une mauvaise manière aux partenaires sociaux. Les choses évolueront probablement dans les mois et les années à venir.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 15 sans modification.

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Chapitre V
Dispositions relatives à la modernisation de la branche recouvrement

Article 16
Modernisation du recouvrement des cotisations sociales des artistes auteurs

Cet article constitue une double avancée pour le régime des artistes auteurs : la fiabilisation du recouvrement de leurs cotisations sociales, d’une part, ainsi que l’extension des conditions d’affiliation, d’autre part, devraient leur permettre d’acquérir dans des conditions normalisées davantage de droits au sein du régime général.

1.   Les artistes auteurs bénéficient d’un régime particulier dont le recouvrement est assuré par des organismes agréés

a.   Un régime rattaché au régime général conservant des singularités

L’activité de création artistique, compte tenu de sa nature particulière, pourrait, en l’absence de qualification législative, relever du salariat ou du travail indépendant en fonction des conditions de son exercice. Dans un souci de protection des artistes mais aussi des personnes privées et publiques qui assurent l’exploitation et la diffusion des œuvres, la loi détermine depuis 1964 ([206]) que les artistes-auteurs relèvent du régime général pour les assurances sociales.

La notion d’artiste auteur renvoie aux créateurs d’œuvres littéraires, dramatiques, musicales, chorégraphiques, audiovisuelles, cinématographiques, graphiques, plastiques et même depuis une date plus récente photographique sous certaines conditions (art. L. 382-1 du code de la sécurité sociale). L’affiliation est prononcée par les organismes de sécurité sociale du régime général (même article). En cas de désaccord entre l’assuré et les organismes de sécurité sociale du régime général sur la nature artistique de l’activité, une commission comprenant des professionnels et des représentants de l’État fournit un avis en vue d’éclairer ces derniers ([207]).

Protecteur pour les affiliés pour lesquels les niveaux de cotisations sont suffisants pour ouvrir des droits (environ 39 000 personnes), le régime des artistes auteurs l’est beaucoup moins pour les nombreux assujettis (220 000 personnes) qui cotisent ([208]) sans qu’aucun droit ne leur soit ouvert ([209])

b.   Le recouvrement par des organismes agréés se révèle insatisfaisant

À moins que la relation entre l’artiste et la société avec laquelle il travaille pour la diffusion et l’exploitation de ses œuvres ne relève clairement du salariat, le financement du régime des artistes auteurs repose sur deux sources :

– les artistes-auteurs versent des cotisations et contributions dans les mêmes conditions qu’un salarié au-delà d’un certain seuil ;

– les personnes privées ou publiques assurant la diffusion ou l’exploitation d’œuvres artistiques pallient l’absence d’employeurs et versent une contribution calculée sur leur chiffre d’affaires.

La relative singularité de ce mécanisme a justifié la mise en place de deux organismes agréés assurant à la fois le recouvrement des différentes contributions et cotisations ainsi que des missions d’action sociale : il s’agit de la Maison des Artistes pour les arts graphiques (MDA) et de l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des artistes auteurs (AGESSA), dont les modalités de la gouvernance sont précisées par l’article L. 382-2. Elles sont consultées par les caisses du régime général avant que celles-ci ne prononcent l’affiliation, la pratique consistant pour les caisses à suivre leur avis, souvent mieux renseigné sur la nature de l’activité des artistes auteurs concernés (L. 382-1).

Cette organisation du recouvrement reposant sur deux entités associatives concerne aujourd’hui 262 000 auteurs cotisants et 48 529 diffuseurs pour 281 millions d’euros de cotisations et contributions encaissées en 2016 ([210]).

La MDA et l’AGESSA semblent toutefois sous-dimensionnées pour assurer ces activités de recouvrement dans de bonnes conditions, notamment au regard des besoins en termes de systèmes d’information. Ces dysfonctionnements ont des conséquences directes sur les droits des artistes auteurs dès lors que l’absence d’appel de cotisations, due généralement à des difficultés d’identification, entraînent directement un retard, voire l’absence, d’ouverture des droits pour les affiliés.

Plusieurs dispositifs récents ont toutefois participé à améliorer les mécanismes de recouvrement sans remettre en cause le principe même de cette organisation :

– la régularisation des cotisations vieillesse pour les artistes auteurs a été reprécisée et étendue par voie de circulaire permettant ainsi de reconstituer plus facilement les carrières depuis le 31 décembre 1975 grâce au rachat des cotisations dues au titre de ces périodes ([211]) ;

– l’article 10 du PLFSS pour 2016 avait prévu la mise en place d’un précompte de cotisations d’ici au 1er janvier 2019, lequel n’est pas entré en vigueur à ce jour.

2.   Le présent article entend renforcer le recouvrement des prélèvements sociaux sur les revenus des artistes tout en normalisant les conditions dans lesquelles ils bénéficient des prestations du régime général

a.   Les nouvelles conditions d’affiliation

Le I modifie les règles d’affiliation dans le code de la sécurité sociale.

Le a) du 1 prévoit que l’affiliation des artistes auteurs est prononcée par les organismes agréés de l’article L. 382-2 du code de la sécurité sociale. Elles pourront consulter les commissions professionnelles de leur initiative ou à celle de l’intéressé.

Le b) crée un nouvel alinéa précisant que ce sont les organismes de sécurité sociale du régime général qui mettent en œuvre cette affiliation.

Cette nouvelle organisation constitue une clarification des rôles respectifs des MDA et de l’AGESSA, d’une part, et des caisses du régime général, d’autre part : les premières, dans la mesure où elles connaissent les spécificités liées à l’activité d’artistes auteurs prononcent l’affiliation qui doit être mise en œuvre par les caisses.

Le améliore la rédaction de l’article L. 382-2 relatif aux instances dirigeantes des organismes agréés sans modifier le droit applicable, à savoir un conseil d’administration composé de représentants des artistes, des diffuseurs et de l’État, et le renvoi des conditions de nomination des directeurs et agents comptables au pouvoir réglementaire.

Le 3° crée un nouvel article L. 382-3-1 permettant aux artistes auteurs lorsque leurs revenus sont inférieurs à un montant fixé par voie réglementaire de « sur-cotiser » à partir d’une assiette forfaitaire afin de s’ouvrir des droits supplémentaires.

Cette disposition s’inscrit dans la perspective d’une suppression de la distinction entre affilié et assujetti, laquelle est de niveau réglementaire au regard des dispositions combinées des articles L. 382-14 et R. 382-1 du code de la sécurité sociale, à partir de laquelle tout affilié cotisera en fonction de ses revenus et s’ouvrira des droits afférents. Si le seuil était fixé à 900 SMIC, soit le seuil qui jusqu’ici déclenchait l’ouverture de droits, un artiste auteur qui se situerait en dessous de celui-ci pourrait ainsi s’ouvrir jusqu’à 4 trimestres de retraite ainsi que des droits aux prestations en espèce de l’assurance maladie.

b.   La centralisation du recouvrement par une URSSAF

Le supprime le dernier alinéa de l’article L. 382-4 qui confiait aux intermédiaires des organismes agréés le recouvrement de la contribution assurant le financement des charges patronales pour ces affiliés, à savoir les sociétés assurant la diffusion et l’exploitation commerciale d’œuvres originales.

Le modifie l’article L. 382-5 relatif au versement des cotisations et contributions par les artistes auteurs. L’article 20 de la LFSS pour 2015 avait prévu à terme (au plus tard le 1er janvier 2019) un précompte par les personnes assurant la diffusion et l’exploitation des œuvres lorsque ce sont elles qui rémunèrent les artistes. Ce principe n’est pas remis en cause par cet article qui modifie la version issue de la LFSS 2015 ([212]).

Le a) du 4° confie à une URSSAF désignée par le directeur de l’ACOSS le recouvrement des cotisations versées par les artistes auteurs, mettant fin aux missions jusqu’ici assurées dans cette matière par les organismes agréés.

Le b) du 4° fait de même s’agissant des cotisations salariales perçues au titre de rémunérations versées directement par les entreprises assurant la diffusion et l’exploitation commerciale d’œuvres originales.

Le c) du 4° confie à l’URSSAF désignée par le directeur de l’ACOSS le recouvrement de la contribution perçue sur les entreprises assurant la diffusion et l’exploitation commerciale d’œuvres originales ainsi que les contributions versées au titre de la formation professionnelle versées par les artistes auteurs et les entreprises assurant la diffusion et l’exploitation commerciale d’œuvres originales.

c.   Les conséquences rédactionnelles

Le réécrit l’article L. 382-6 relatif aux cotisations minimales d’assurance vieillesse sur une base forfaitaire lequel n’avait jamais été mis en œuvre en l’absence d’arrêté d’application, et n’avait plus d’intérêt au regard de la suppression future de la distinction entre affiliés et assujettis.

Ces dispositions sont ainsi remplacées par de nouvelles qui prévoient :

– au premier alinéa, une distinction entre les artistes auteurs qui ont la faculté d’effectuer leurs déclarations et le versement de manière dématérialisée et les diffuseurs et exploitants pour lesquels il s’agit d’une obligation, sous peine des majorations ([213]) ;

– au second alinéa, l’obligation pour les entreprises assurant la diffusion et l’exploitation commerciale d’œuvres originales de fournir à l’URSSAF chargée par le directeur de l’ACOSS d’opérer les opérations de recouvrement prévues dans le présent article les numéros d’inscription au répertoire national d’identification, afin de fiabiliser les données.

Le supprime le second alinéa de l’article L. 382-9 qui prévoyait une catégorie d’affiliés dérogatoires pouvant bénéficier des prestations en espèces des assurances maladie et maternité, bien que leurs revenus soient inférieurs au seuil d’affiliation ([214]). Cette dérogation sera en effet sans objet dès lors que la distinction entre affiliés et assujettis sera supprimée.

Les a) du 7° tire la conséquence de la suppression à venir de la notion d’ « assujettis » à l’article L. 382-14 portant dispositions diverses d’application ;

Le b) du 7° ainsi que le II tirent les conséquences rédactionnelles de la centralisation des opérations de recouvrement auprès d’une URSSAF désignée par le directeur de l’ACOSS, remplaçant ainsi les organismes agréés dans ses fonctions au même article ainsi qu’à l’article L. 6331-67 du code du travail relatif à la formation continue des artistes auteurs.

d.   Le transfert des personnels des organismes agréés vers l’URSSAF

Le III prévoit le transfert des contrats de travail des personnels des organismes agréés chargés du recouvrement vers l’URSSAF précitée.

Contactés sur cette question, les services de la direction de la sécurité sociale ont précisé au rapporteur général que ce plan se fera sur une base volontaire, les employés de l’AGESSA-MDA pouvant conserver leur poste sous réserve d’un plan de formation.

e.   Une entrée en vigueur différée

Le IV prévoit plusieurs échéances pour l’entrée en vigueur des dispositions du présent article :

– les dispositions relatives à la dématérialisation des déclarations et paiement des cotisations et contributions entrent en vigueur le 1er janvier 2018 ;

–  les dispositions relatives à l’obligation de transmettre le numéro permettant d’identifier l’artiste auteur entrent en vigueur en même temps que les dispositions de l’article 20 du PLFSS 2015 relatives au précompte ;

– le pouvoir réglementaire fixera la date à laquelle les autres dispositions entreront en vigueur, au plus tard le 1er janvier 2019.

Le rapporteur général souscrit à l’avancée que constitue cet article tant pour le financement de la sécurité sociale que pour les droits sociaux des artistes auteurs.

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La commission adopte larticle 16 sans modification.

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Article 17
Centralisation de la passation des marchés de services bancaires
du régime général

Cet article confie à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) une nouvelle fonction, celle de centrale d’achat pour les prestations de services bancaires auxquelles ont recours les organismes du régime général de sécurité sociale. La centralisation de ces marchés publics, aujourd’hui conclus de manière dispersée dans les réseaux, a pour objet de les rendre plus attractifs pour les établissements bancaires et, partant, de sécuriser la trésorerie du régime général, en évitant que certains marchés soient déclarés infructueux, ou encore que certaines caisses ou branches aient à traiter avec une banque en situation de monopole.

I.   le droit existant

L’activité des organismes de sécurité sociale implique des flux financiers réguliers, soit pour le paiement des prestations (indemnités journalières en cas de maladie, pensions de retraite, allocations familiales, etc.), soit pour le recouvrement des cotisations et autres créances (par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales – URSSAF).

Ainsi que l’indique l’étude d’impact annexée au présent article, chaque organisme du régime général est lié à un ou plusieurs partenaires bancaires pour la gestion de ces flux. Ces partenaires sont choisis après mise en concurrence, selon les règles de la commande publique. La dispersion du processus de mise en concurrence, organisme par organisme, peut rendre délicate la sélection des candidats, pour deux raisons qui peuvent se combiner : d’une part, du fait de la diversité des prestations demandées par chaque organisme ; d’autre part, du fait de la potentielle étroitesse géographique du marché, lorsqu’il est passé au niveau local et non national.

En conséquence, ces marchés peuvent apparaître peu attractifs pour les établissements bancaires ; la mise en concurrence peut alors s’avérer infructueuse, ou bien peuvent se créer des situations de monopole, ce qui selon l’étude d’impact « pose des problèmes de dépendance et de risque opérationnel qui ne sont pas acceptables ». En outre, cette dispersion ne permet pas de disposer d’une vision synthétique des risques, notamment des incidents de paiement préjudiciables aux assurés.

II.   le droit proposÉ

● Afin de corriger les défauts du système actuel de marchés publics de services bancaires, il est prévu d’élargir les compétences de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), en lui confiant la possibilité d’exercer un rôle de centrale d’achat, pour le compte des caisses nationales du régime général et de leurs organismes locaux.

La liste des missions de l’ACOSS, organisme central du réseau de recouvrement constitué par les URSSAF, est définie à l’article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale, que le du présent article complète par un 8°, précisant que cette nouvelle mission s’exerce « au titre de la sécurisation de la trésorerie du régime général ».

La notion de centrale d’achat est définie par renvoi à l’article 26 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, qui régit désormais le droit desdits marchés, en lieu et place de l’ancien code des marchés publics. La centrale d’achat y est définie comme un acheteur, soumis au droit des marchés publics, « qui a pour objet dexercer des activités dachat centralisées », au rang desquelles figure la passation des marchés publics de services destinés à des acheteurs. L’acheteur ayant recours à une centrale d’achat au sens de cet article 26 est logiquement réputé avoir respecté ses obligations de publicité et de mise en concurrence. L’acheteur peut confier à la centrale, sans formalisme, des activités d’achat dites « auxiliaires », consistant à fournir une assistance à la passation de marchés publics (prestations de conseils, notamment).

L’ACOSS pourra donc non seulement conclure les marchés pour le compte des organismes du régime général, mais également, pour reprendre les termes de l’étude d’impact, « centraliser le pilotage de la stratégie "marchés des services bancaires" au niveau national, en évitant toute dispersion au sein de chaque branche ». La même source précise que la conclusion des marchés sera confiée à une cellule ad hoc au sein de l’ACOSS, les organismes demeurant responsables de l’exécution des marchés.

● Pour tirer les conséquences de cette nouvelle compétence confiée à l’ACOSS, le modifie l’article L. 224-5 du code de la sécurité sociale, définissant les missions de l’Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS), qui « assure les tâches mutualisées de la gestion des ressources humaines du régime général », et peut exercer à ce titre une fonction de centrale d’achat. Pour éviter toute ambiguïté et confier à la seule ACOSS le rôle de centrale d’achat en matière de marchés de services bancaires, il est précisé que la compétence générale de l’UCANSS s’exerce sous réserve de celle, nouvellement créée, de l’ACOSS.

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La commission adopte larticle 17 sans modification.

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Titre II
Conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale

Article 18
Transferts entre branches et régimes de la sécurité sociale

Cet article a pour objet principal de tirer les conséquences de la « bascule » opérée par l’article 7, qui supprime les cotisations salariales maladie et chômage et augmente en compensation les taux de contribution sociale généralisée (CSG) de 1,7 point.

L’augmentation de la CSG produit un rendement de 22,4 milliards d’euros.

La suppression de la cotisation maladie produit une perte de 4,8 milliards et celle de la cotisation chômage une perte de 9,4 milliards en 2018. Année au titre de laquelle c’est la sécurité sociale, et plus spécifiquement l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) qui compensera à l’euro près la perte de la cotisation chômage à l’Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (UNÉDIC). La bascule coûtera 2,5 milliards d’euros de plus, essentiellement au titre du renforcement des allègements de cotisation famille et maladie des indépendants, non assujettis à la cotisation chômage mais auxquels le Gouvernement entend néanmoins redonner du pouvoir d’achat.

Au total, la bascule génère donc un surplus de recettes spontané de 5,9 milliards d’euros (après des arrondis significatifs).

Ce surplus est amputé de 1,6 milliard d’euros par plusieurs éléments :

– la disparition de recettes non pérennes perçues uniquement en 2017 (1,3 milliard) ;

– le transfert de dépenses de l’État vers la sécurité sociale (300 millions).

Les 4,3 milliards de surplus net sont restitués à l’État, afin notamment de permettre de compenser aux fonctionnaires, non assujettis aux cotisations supprimées, l’augmentation de CSG.

Cette restitution empruntera deux canaux :

– la réduction de la quotité de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée à la sécurité sociale (1,7 milliard) ;

– l’affectation à l’État du prélèvement de solidarité sur les revenus du capital, actuellement affecté au Fonds de solidarité vieillesse (2,6 milliards).

Le FSV, qui percevra 2,1 milliards de CSG en plus, sera donc perdant net en 2018, à hauteur de 500 millions d’euros.

Ces mouvements ont toutes choses égales par ailleurs pour effet de « surcompenser » la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) à hauteur de 1,7 milliard d’euros et de « sous-compenser » la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) à la même hauteur, la CNAM étant la principale bénéficiaire de l’augmentation de la CSG.

Cette différence de 1,7 milliard d’euros est partiellement compensée, à hauteur de 1,4 milliard d’euros, par une nouvelle répartition du produit de la taxe sur les salaires. La CNAM conservera le produit du « verdissement » de la taxe sur les véhicules de société, auquel procède l’article 12 (100 millions d’euros), et la CNAF, en meilleure santé financière que la CNAM, supportera à hauteur de 200 millions d’euros le défaut de compensation du crédit d’impôt de taxe sur les salaires (CITS), créé par la loi de finances rectificative pour 2016.

Cet article contient par ailleurs deux mesures ayant un effet direct sur l’équilibre des comptes tel qu’il vient d’être brièvement décrit :

– un toilettage des règles relatives aux frais d’assiette et de recouvrement (FAR), qui coûtera 150 millions d’euros à la sécurité sociale en 2018. En l’état du droit, la base juridique des FAR est obsolète, et ils sont appliqués diversement selon l’administration de l’État qui recouvre les impôts affectés à la sécurité sociale, ou selon l’affectataire de la ressource. Cette disparité ne répond à aucune logique, et l’objectif du Gouvernement est de fixer un taux de FAR de 0,5 % sur tous les impôts recouvrés par l’État pour le compte de la sécurité sociale ;

– la mention expresse dans la loi que quatre dispositifs d’allègements de prélèvements sociaux ne sont pas compensés à la sécurité sociale, par dérogation au principe général de compensation posé par l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale (CITS, exonération de taxe sur les salaires des impatriés par la loi de finances pour 2017, suppression de la dernière tranche de taxe sur les salaires par l’article 44 du projet de loi de finances pour 2018, doublement des seuils d’éligibilité aux régimes micro-fiscal et micro-social par l’article 10 du même PLF).

Cet article procède ensuite à une série de modifications d’organismes particuliers, sans effets autres qu’internes à la sécurité sociale.

Premièrement, il modifie les modalités de financement du Fonds CMU, qui prend en charge la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) en remboursant les organismes de sécurité sociale :

– révision des modalités d’indexation du forfait servant de base au remboursement, car ce forfait tend à être supérieur aux frais réellement engagés ;

– ajustement au plus près des besoins de la taxe de solidarité additionnelle affectée au Fonds, afin que le surplus alimente la CNAM ;

– prélèvement de 150 millions d’euros sur les réserves du Fonds en 2018, au profit de la CNAM encore.

Deuxièmement, il réorganise l’affectation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie au sein de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, afin de mieux répondre à ses besoins de financement prioritaires et d’éviter des prélèvements sur ses réserves.

 

Troisièmement, il isole le risque accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) dans le régime spécial de sécurité sociale des marins, de sorte quil ne soit plus confondu avec le risque maladie, et quil soit pris en charge par la branche AT-MP du régime général (auquel le régime des marins est intégré), et non plus par la CNAM.

Quatrièmement, il affecte au régime complémentaire obligatoire (RCO) des non-salariés agricoles le produit de la taxe sur les farines alimentaires, aujourdhui affecté à la branche vieillesse du régime de base des non-salariés agricoles, afin de financer le déficit de trésorerie du RCO.

La diversité des organismes concernés par cet article, la multiplicité des recettes dont le régime est modifié, la complexité des flux financiers retracés, interdisent bien évidemment d’entrer dans le détail et l’historique de chaque mesure. Ce commentaire essaie néanmoins, autant que possible, de présenter les conséquences financières des dispositions de l’article.

Sa première partie présente ce qui constitue chaque année le cœur de cet article récurrent de transferts, à savoir les évolutions spontanées des recettes de la sécurité sociale du fait des mesures contenues dans ce projet de loi mais également dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2018. Il résulte de ces mesures dimportants mouvements financiers entre la sécurité sociale et lÉtat, qui appellent à leur tour des mécanismes de compensation internes à la sécurité sociale.

Après cet aperçu financier aussi complet que les délais d’examen du texte le permettent, le commentaire détaille les dispositions juridiques de l’article, classées en trois blocs par souci de clarté : mesures liées à l’équilibre financier d’ensemble, mesures plus spécifiques relatives à des organismes identifiés, et enfin mesures de pur toilettage.

I.   l’évolution spontanée des recettes de la sécurité sociale en 2018 appelle un reversement à l’état et des transferts internes à la sphère sociale.

A.   l’évolution spontanée des recettes de la sécurité sociale dégagera un surplus de 4,3 milliards d’euros en 2017.

1.   La « bascule » cotisations sociales/CSG dégagera un surplus spontané de 5,9 milliards d’euros.

L’augmentation de 1,7 point des taux de contribution sociale généralisée (CSG), prévue par l’article 7 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ([215]), accroîtra de 22,4 milliards d’euros les recettes de la sécurité sociale en 2018.

Le même article supprime la cotisation maladie des salariés, soit un coût pour la sécurité sociale de 4,8 milliards d’euros.

Il supprime par ailleurs la cotisation chômage des salariés, en deux temps (1,45 point en janvier 2018, et le solde de 0,95 point en octobre 2018). Le coût en année pleine sera de 13,1 milliards d’euros ; en 2018, il sera de 9,4 milliards. L’article 7 prévoit que la perte de recettes pour l’Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (UNÉDIC), affectataire de la cotisation chômage, sera intégralement compensée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) en 2018 ; cette perte devient ainsi, par détermination de la loi, celle de la sécurité sociale.

L’article 7 prévoit, en faveur des indépendants qui ne sont pas assujettis à la cotisation chômage, deux mesures de réduction des taux des cotisations famille (pour compenser strictement l’augmentation de CSG auprès de tous les indépendants) et maladie (procurant un gain net de pouvoir d’achat aux 75 % d’indépendants les plus modestes). Le coût de ces mesures est estimé à 1,9 milliard d’euros.

L’étude d’impact annexée au présent article mentionne en outre les mesures de compensation à mettre en œuvre dans la fonction publique, à hauteur de 0,6 milliard d’euros ([216]).

Au total, la « bascule » opérée par l’article 7 produit un gain spontané de 5,9 milliards d’euros (après arrondi) pour la sécurité sociale.

surplus spontané de recettes généré au profit de la sécurité sociale
par la « bascule » cotisations/CSG

(en milliards d’euros)

Mesure

Impact financier pour la sécurité sociale

Augmentation de 1,7 point des taux de CSG

+ 22,4

Suppression de la cotisation salariale maladie

– 4,8

Compensation par l’ACOSS à l’UNÉDIC de la suppression en deux temps de la cotisation salariale chômage (en 2018)

– 9,4

Réduction des cotisations famille et maladie des indépendants

– 1,9

Mesures de compensation fonction publique

– 0,6

Total

+ 5,9*

* Après arrondi, pour aboutir au montant indiqué dans l’étude d’impact

Source : Commission des affaires sociales, d’après l’étude d’impact.

2.   Mais la sécurité sociale aura en 2018 des besoins de financement nouveaux par rapport à 2017.

a.   La disparition de recettes non pérennes perçues en 2017

Plusieurs recettes non pérennes (« one shot »), perçues en 2017, ne le seront plus en 2018.

● L’article 34 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2017 a transféré au régime général les réserves de la section III du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), supprimée par le même article.

Cette section retraçait les versements aux différents régimes des sommes mises en réserve par le FSV, pour compenser le maintien à 65 ans du départ à la retraite pour les parents de trois enfants ou les parents d’enfants handicapés, à la suite de la réforme des retraites de 2010 ([217]). Le législateur de l’année passée a considéré que les dépenses en question pourraient être prises en charge par la branche vieillesse du régime général ; les réserves ont été affectées au Fonds pour le financement de l’innovation pharmaceutique, créé par l’article 95 de la LFSS.

Le montant de cette recette est évalué ici à 719 millions d’euros.

● L’article 19 de la LFSS 2017 a créé un trimestre exceptionnel de taxe sur les véhicules de société (TVS) en 2017 (160 millions d’euros).

Avant 2017, la TVS était due sur une période de douze mois courant du 1er octobre de l’année N au 30 septembre de l’année N+1. Pour ramener cette période d’imposition dans le droit communément applicable aux impôts commerciaux, l’article 19 de la LFSS 2017 a prévu une période d’imposition du 1er janvier au 31 décembre, à compter de 2018. Sans autre mesure, aucune TVS n’aurait été due pour les mois d’octobre à décembre 2017, sans perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale toutefois, puisque la TVS acquittée en 2017 l’aurait été sur douze mois (octobre 2016 à septembre 2017) et il en serait allé de même en 2018 (de janvier à décembre).

Sans doute saisi par l’horreur du vide fiscal, le Gouvernement d’alors a donc proposé l’instauration d’une « mini-TVS » sur le trimestre « blanc » de 2017, selon un régime en tous points identique à celui de la TVS. Cette recette n’avait pas vocation à produire de rendement au-delà de 2017.

● L’article 112 de la loi de finances rectificative pour 2016 ([218]) a créé la contribution supplémentaire à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C4S).

Conçue comme un acompte sur la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) de l’année N+1, la C4S n’aurait plus produit en 2018 les 400 millions d’euros de recettes attendus en 2017. Sa suppression par l’article 4 du présent PLFSS est donc neutre à cet égard ([219]).

b.   La sécurité sociale supportera en 2018 des dépenses jusqu’alors assumées par l’État.

Les transferts en question sont, sauf exception, prévus ou retracés à l’article 26 du PLF 2018 ([220]) :

– suppression de la subvention de l’État à l’Agence de biomédecine (14 millions d’euros) ;

– suppression de la participation de l’État aux frais de santé des personnes écrouées (136 millions d’euros) ;

– suppression du financement par l’État de l’École des hautes études en santé publique (9 millions d’euros) ;

– suppression du financement par l’État de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), dont les missions sont transférées à la Haute Autorité de santé par l’article 51 du PLFSS (1 million d’euros) ;

– recentralisation de politiques sanitaires jusqu’alors exercées par les départements, et financées à l’avenir par le Fonds d’intervention régional (FIR), donc l’assurance maladie (2,2 millions d’euros) ;

– la réforme du régime de frais d’assiette et de recouvrement (FAR) par l’État des impositions de toute nature affectées à la sécurité sociale, prévue par le présent article (cf. infra) aura pour effet d’alourdir les charges de la sécurité sociale de 150 millions d’euros, bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’un transfert.

*

Le montant total des nouveaux besoins spontanés de financement de la sécurité sociale atteint près de 1,6 milliard d’euros en 2018.

nouveaux besoins spontanés de financement de la sécurité sociale en 2018

(en millions d’euros)

Mesure

Impact financier pour la sécurité sociale

Disparition de recettes « one shot » perçues en 2017

1 279

Dont transfert des réserves de lancienne section III du FSV

719

Dont « mini-TVS » du dernier trimestre 2017

160

Dont produit de la C4S

400

Suppression de la subvention de l’État à l’Agence de biomédecine

14

Suppression de la participation de l’État aux frais de santé des personnes écrouées

136

Suppression du financement par l’État de l’École des hautes études en santé publique

9

Suppression du financement par l’État de l’ANESM

1

Recentralisation dans le FIR de politiques sanitaires jusqu’alors exercées par les départements

2,2

Réforme du régime des FAR

150

Total

1 591,2

Source : Commission des affaires sociales, d’après l’étude d’impact.

3.   À l’inverse, d’autres dépenses assurées aujourd’hui par la sécurité sociale le seront à l’avenir par l’État.

Le montant de ces dépenses est faible, à hauteur de 4,7 millions d’euros :

– financement par l’État de contrats à durée déterminée (CDD) mis à disposition de la direction générale de l’offre de soins (DGOS), actuellement pris en charge par l’assurance maladie (0,2 million d’euros) ;

– subvention pour charge de service public versée aux agences régionales de santé (ARS) au titre de l’emploi de conseillers techniques et pédagogiques en soins infirmiers (2,6 millions d’euros) ;

– financement de 80 postes supplémentaires de chefs de clinique universitaire en médecine générale – CCU-MG– (1,9 million d’euros).

dépenses transférées de la sécurité sociale à l’état en 2018

(en millions d’euros)

Mesure

Impact financier pour la sécurité sociale

Financement par l’État de CDD mis à disposition de la DGOS

0,2

Subvention pour charge de service public versée aux ARS au titre de l’emploi de conseillers techniques et pédagogiques en soins infirmiers

2,6

Financement de 80 postes supplémentaires de CCU‑MG

1,9

Total

4,7

Source : Commission des affaires sociales, d’après l’étude d’impact.

*

 

Au total, après prise en compte de la bascule cotisations/CSG, des nouvelles charges transférées par l’État et des nouvelles charges transférées à l’État, le « surplus spontané net » de recettes pour la sécurité sociale s’élèverait à plus de 4,3 milliards d’euros en 2018.

surplus spontané net de recettes de la sécurité sociale en 2018

Nature du mouvement financier

Impact financier pour la sécurité sociale

Surplus spontané de recettes généré au profit de la sécurité sociale par la bascule cotisations/CSG

+ 5 900

Nouveaux besoins spontanés de financement

– 1 591,2

Dépenses transférées de la sécurité sociale à l’État

+ 4,7

Total

4 313,5

Source : Commission des affaires sociales, d’après l’étude d’impact.

B.   le surplus de 4,3 milliards sera restitué à l’état.

● Cette restitution empruntera deux canaux :

– la réduction, par l’article 26 du PLF, de la fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée à la sécurité sociale, qui passera de 7,03 % à 5,99 %
(– 1 732 millions d’euros), soit :

 laffectation par le présent article à lÉtat du prélèvement de solidarité sur les revenus du capital, affecté en létat du droit au FSV (– 2 567 millions deuros).

modalités de restitution à l’état du surplus spontané net
de recettes de la sécurité sociale en 2018

(en millions d’euros)

Mesure

Impact financier pour l’État

Réduction de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale

+ 1 732

Affectation à l’État du prélèvement de solidarité sur les revenus du capital

+ 2 576

Total

+ 4 299

● L’étude d’impact indique que les sommes ainsi restituées serviront notamment à financer la compensation, par l’État, de l’augmentation de la CSG pour les agents publics, qui ne sont pas ou partiellement soumis aux cotisations supprimées (cf. supra le commentaire de l’article 7).

C.   Ces mouvements appellent des réaffectations de recettes internes à la sécurité sociale.

Sans réaffectations internes à la sécurité sociale, les mouvements qui viennent d’être décrits aboutiraient à ce que certaines branches ou organismes seraient « surcompensés » au détriment d’autres, « sous-compensés ».

● La CNAM serait, toutes choses égales par ailleurs, largement sur-compensée :

– elle perdra en 2018 1,1 milliard d’euros au titre de la part des recettes « one shot » de 2017 qui lui était affectée, soit le transfert des réserves de l’ancienne section III du FSV et le produit de la C4S ;

 elle gagnera nettement à la bascule CSG/cotisations (+ 14,4 milliards) ([221]) :

– elle supportera les conséquences de la réforme des FAR et du transfert des soins des écroués (soit 150 + 136 = 286 millions d’euros ([223])) ;

– elle perdra 11,1 milliards de TVA ([224]).

Au total, la branche maladie du régime général gagnera donc 1,8 milliard d’euros.

● La Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), elle, serait spontanément sous-compensée, à hauteur de 1,7 milliard d’euros :

– elle perdra 160 millions d’euros ([225]) du fait du caractère « one shot » de la « mini-TVS » en 2017 ;

– la bascule CSG/cotisations, lui coûtera 1,53 milliard ([226]).

● L’asymétrie entre la CNAM et la CNAF sera partiellement compensée par la réaffectation du produit de taxe sur les salaires, 1 435 millions d’euros étant ainsi transférés de la CNAM vers la CNAF par le présent article. La compensation n’est pas totale car la modification des fractions de taxe sur les salaires affectées à l’une et l’autre des branches tient compte :

– d’une part, de la nécessité principielle de faire revenir à la CNAM le produit du « verdissement » de la TVS (112 millions d’euros) ([227]), s’agissant d’une mesure à finalité de santé publique. Au lieu d’affecter une partie du produit de la TVS à la branche maladie, le Gouvernement choisit de retenir un montant équivalent dans le calcul des clés de réaffectation de la taxe sur les salaires, ce qui produit comptablement le même résultat ;

– d’autre part, en faisant porter 200 millions d’euros à la CNAF, dont les comptes sont meilleurs que ceux de la CNAM, au titre du défaut de compensation du crédit d’impôt de taxe sur les salaires (cf. infra).

*

Le tableau suivant retrace les principaux mouvements financiers internes aux administrations de sécurité sociale (ASSO) prévus pour 2018.

principaux mouvements financiers internes aux aSSO en 2018

(en milliards d’euros)*

 

Régime général

Tous régimes

FSV

ACOSS

CNSA

UNÉDIC

ASSO

 

Maladie

AT-MP

Vieillesse

Famille

Toutes branches

Disparition de recettes « one shot » perçues en 2017

 1,1

0,0

0,0

 0,2

 1,3

 1,3

0,0

0,0

0,0

0,0

 1,3

Prélèvement sur les réserves de la section III du FSV

– 0,7

 

 

 

– 0,7

– 0,7

 

 

 

 

– 0,7

Extinction de la C4S

– 0,4

 

 

 

– 0,4

– 0,4

 

 

 

 

– 0,4

Extinction de la « mini-TVS »

 

 

 

– 0,2

– 0,2

– 0,2

 

 

 

 

– 0,2

Bascule cotisations/CSG

14,4

0,0

0,0

 1,53

12,8

12,8

2,1

 9,4

0,0

0,0

5,5

Hausse de la CSG sur les revenus d’activité

15,9

 

 

– 0,09

15,9

15,9

 

 

 

 

15,9

Hausse de la CSG sur les revenus de remplacement

4,5

 

 

 

4,5

4,5

 

 

 

 

4,5

Hausse de la CSG sur les revenus du capital

 

 

 

 

0,0

0,0

2,1

 

 

 

2,1

Hausse de la CSG sur les revenus des jeux

0,1

 

 

 

0,1

0,1

 

 

 

 

0,1

Suppression de la cotisation salariale maladie

– 4,8

 

 

0,04

– 4,7

– 4,7

 

 

 

 

– 4,7

Suppression en deux temps de la cotisation salariale chômage

 

 

 

0,1

0,1

0,1

 

 

 

– 9,422

– 9,3

Baisse de cotisations des travailleurs indépendants

– 0,7

 

 

– 1,6

– 2,3

– 2,3

 

 

 

 

– 2,3

Autres effets (compensations de la hausse de CSG pour les autres populations)

– 0,7

 

 

– 0,7

– 0,7

– 0,7

 

 

 

 

– 0,7

Prise en charge des cotisations d’assurance chômage par la sécurité sociale

 

 

 

 

0,0

0,0

 

– 9,4

 

– 9,4

0,0

Transferts de dépenses de lÉtat (compensés)

 0,3

0,0

0,0

0,0

 0,3

 0,3

0,0

0,0

0,0

0,0

 0,3

Harmonisation des FAR

– 0,1

 

0,0

0,0

– 0,1

– 0,1

 

 

0,0

 

– 0,1

Transfert du financement de la santé des détenus

– 0,1

 

 

 

– 0,1

– 0,1

 

 

 

 

– 0,1

Rétrocession à lÉtat du « surplus net » de la sécurité sociale

 11,2

0,0

0,0

0,0

 11,2

 11,2

 2,6

9,4

0,0

0,0

 4,3

Rétrocession à l’État
du prélèvement de solidarité sur les revenus du capital

 

 

 

 

0,0

0,0

– 2,6

 

 

 

– 2,6

Ajustement de la fraction de la TVA

– 11,2

 

 

 

– 11,2

– 11,2

 

9,4

 

 

– 1,8

Total

1,8

0,0

0,0

 1,7

0,1

0,1

 0,5

0,0

0,0

0,0

 0,4

* Les chiffres du tableau étant fournis en milliards d’euros, les sommes ne sont pas toujours justes, du fait des règles d’arrondi. .

Source : Commission des affaires sociales, sur la base du tableau déquilibre financier.

 

 

II.   détail des dispositifs juridiques

A.   les mesures directement liées à l’équilibre financier d’ensemble

1.   La modification des clés de répartition de la taxe sur les salaires

Le 1° l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale ventile le produit de la taxe sur les salaires ([228]) entre ses différents affectataires. Le a) du 1° du I du présent article procède à une nouvelle répartition des quotités de taxe sur les salaires :

– la branche famille du régime général, qui en perçoit en l’état du droit 38,74 %, en percevra à l’avenir 48,87 % ;

– la branche maladie-maternité-invalidité-décès du régime général ([229]), qui en perçoit en l’état du droit 22,78 %, en percevra à l’avenir 12,65 %.

2.   La suppression de l’affectation au FSV du prélèvement de solidarité sur les revenus du capital

● Le du I et le du IV suppriment l’affectation au FSV du prélèvement de solidarité sur les revenus du capital (assis au taux de 2 % sur les revenus de patrimoine et de placement) :

– en abrogeant le 3° de l’article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, qui affecte le prélèvement au FSV ;

– en prévoyant l’affectation à l’État au IV de l’article 1600-0-S du code général des impôts.

Le VIII précise que cette suppression s’applique aux faits générateurs intervenant à compter du 1er janvier 2018.

L’État bénéficiera donc d’un produit de 2 567 millions d’euros, affecté au FSV depuis 2016 seulement.

● Le FSV percevra 2,1 milliards du fait de l’augmentation de la CSG sur les revenus du capital. Au final, comme le montre l’extrait du tableau d’équilibre financier supra, le FSV sera donc perdant net d’environ 500 millions d’euros en 2018.

3.   Le toilettage des règles de perception des frais d’assiette et de recouvrement des contributions sociales par l’État

● L’État recouvre pour le compte de la sécurité sociale de nombreuses impositions de toute nature (taxe sur les salaires, taxe sur les véhicules de société, droits de consommation sur le tabac, entre autres). Ce recouvrement pour compte de tiers donne lieu à perception de frais d’assiette et de recouvrement, précomptés par l’État sur les sommes recouvrées, avant reversement aux organismes de sécurité sociale. L’étude d’impact indique que les FAR ont atteint 170 millions d’euros en 2016, sur un montant recouvré de 70 milliards d’euros environ (soit un taux effectif moyen de FAR de 0,24 %).

● En l’état du droit, l’article 1647 du code général des impôts dispose que « lÉtat effectue un prélèvement sur les cotisations perçues au profit des organismes de sécurité sociale soumis au contrôle de la Cour des comptes ». Cette rédaction est insatisfaisante à deux égards :

– les FAR pèsent non pas sur les cotisations, recouvrées par les organismes de sécurité sociale directement, mais bien sur des impôts ;

– le visa des organismes soumis au contrôle de la Cour des comptes n’est pas usuel, et laisse en toute rigueur de côté le FSV et la CADES.

La rédaction est donc corrigée sur ces deux points :

– les termes « impositions, taxes et autres contributions » sont substitués à celui de « cotisations » (a) du du IV) ;

– le champ des organismes concernés est défini plus classiquement, par le b) du du IV, comme :

● L’étude d’impact mentionne une autre difficulté, tenant à la détermination par arrêté des taux de FAR, qui a produit des situations disparates et n’obéissant à aucune rationalité. Ainsi :

– les impositions recouvrées par la direction générale des finances publiques font l’objet de FAR, tandis que celles recouvrées par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) en sont exemptes ;

– les contributions affectées à certains organismes sont frappées de FAR (FSV, CADES), tandis que celles affectées à d’autres organismes en sont exemptes (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie). Cette situation absurde peut aboutir, comme le relève l’étude d’impact, au fait que « la seule modification de laffectation des recettes, même à recette inchangée, peut avoir pour conséquence une hausse ou une baisse des FAR, sans aucun fondement logique ».

La fixation des taux, et donc in fine l’assujettissement aux FAR, relève d’arrêtés du ministre chargé de l’économie et des finances. Le c) du du IV confie pour l’avenir ce pouvoir aux ministres chargés du budget et de la sécurité sociale, dans un arrêté conjoint.

● La systématisation des FAR, qui relèvera donc du pouvoir réglementaire, devrait coûter environ 150 millions d’euros aux organismes de sécurité sociale, par application d’un taux uniforme de 0,5 % ([230]) à l’ensemble des organismes. L’impact sur les organismes sera différencié, et pèsera surtout sur la CNAM, affectataire des droits sur le tabac et l’alcool, aujourd’hui exemptés de FAR car recouvrés par la DGDDI. L’étude d’impact indique en conséquence que les effets de la systématisation des FAR devront être ultérieurement neutralisés, entre l’État et la sécurité sociale d’une part, au sein des organismes de sécurité sociale d’autre part.

4.   La non-compensation de certaines mesures de réductions de cotisations et contributions sociales

● En application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, issu de la loi dite « Veil » du 25 juillet 1994 ([231]), les mesures de réduction ou d’exonération de cotisations sociales sont en principe compensées par l’État, sauf disposition législative contraire. Depuis 2004, ce principe de compensation est étendu aux contributions affectées aux organismes de sécurité sociale, ainsi qu’aux mesures de réduction ou d’abattement d’assiette des cotisations et contributions, au-delà donc des seules exonérations.

Il faut préciser que cela ne signifie pas systématiquement que les mesures faisant exception au principe posé par la loi Veil ne sont pas compensées sur le plan financier. Il s’agit simplement d’une précaution juridique indispensable : les allègements « de droit commun » doivent être compensés « à l’euro l’euro », en clair par l’affectation de crédits budgétaires ; dès lors que la compensation passe par l’affectation pérenne de recettes, et non par le versement d’un quantum précis (compensation dite « pour solde de tout compte »), elle sort mécaniquement d’une logique « à l’euro l’euro », et confère ainsi à l’allègement un caractère dérogatoire qui doit être expressément prévu.

● Le VI prévoit la non-compensation – réelle, en l’espèce – de quatre mesures, présentées succinctement dans l’encadré qui suit :

– au , la suppression de la dernière tranche de taxe sur les salaires prévue par l’article 44 du PLF 2018 ;

– au , le doublement des seuils d’éligibilité aux régimes « micro », fiscal comme social (article 10 du PLF) ;

– au , le crédit d’impôt de taxe sur les salaires (article 231 A du code général des impôts, créé par l’article 88 de la loi de finances pour 2017) ([232]) ;

– au , l’exonération de taxe sur les salaires des impatriés (article 231 bis Q du code général des impôts, créé par l’article 71 de la loi de finances pour 2017.).

 

Mesures non compensées aux organismes de sécurité sociale

CITS

L’article 88 de la loi de finances pour 2017 a créé et codifié, à l’article 231 A du code général des impôts, un crédit de taxe sur les salaires.

Les organismes redevables de cette taxe et non assujettis à l’impôt sur les bénéfices, c’est-à-dire en pratique les organismes non lucratifs (associations, fondations, notamment) bénéficient d’un crédit d’impôt, assis au taux de 4 % sur les rémunérations versées à leurs salariés et qui n’excèdent pas 2,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).

Le CITS a été instauré pour compenser le différentiel de concurrence induit, au détriment des organismes non lucratifs, par la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), au profit des employeurs redevables de l’impôt sur les bénéfices, et assis sur la même échelle de salaire, au taux de 7 % en l’état du droit.

Le coût du CITS est estimé à 600 millions d’euros pour les organismes de sécurité sociale, affectataires de la taxe sur les salaires.

L’article 43 du PLF 2018 prévoit la suppression du CICE pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2019, du fait du renforcement des allègements de charges patronales prévues par l’article 8 de ce PLFSS (cf. commentaire supra).

Exonération de la taxe sur les salaires des impatriés

L’article 71 de la loi de finances pour 2017 a assoupli le régime fiscal, déjà dérogatoire du droit commun, applicable aux « impatriés », c’est-à-dire aux salariés et dirigeants appelés par une entreprise établie à l’étranger à occuper un emploi pendant une période limitée dans une entreprise établie en France, et qui n’ont pas été fiscalement domiciliés en France au cours des dix années précédant celle de leur prise de fonctions en France.

A notamment été introduit dans le code général des impôts un nouvel article 231 bis Q, qui exonère les employeurs de taxe sur les salaires s’agissant des primes d’impatriation, c’est-à-dire des revenus spécifiquement versés aux salariés au titre de leur installation ou réinstallation en France. Cette exonération s’applique pendant les huit premières années de la présence du salarié en France, soit la durée du régime dérogatoire de l’impatriation.

Cette mesure bénéficie prioritairement au secteur financier, assujetti à la taxe sur les salaires faute de l’être à la TVA.

Le coût de cette exonération, logiquement croissant sur les huit premières années, est estimé à 7 millions d’euros en 2017, 15 en 2018, pour atteindre finalement 68 millions en 2025.

Suppression de la dernière tranche de taxe sur les salaires

La taxe sur les salaires comporte un taux normal, fixé à 4,25 %, ainsi que des taux majorés qui frappent les rémunérations individuelles dépassant un certain seuil. Le barème de la taxe est retracé dans le tableau ci-après.

L’article 44 du PLF 2018 prévoit la suppression du dernier taux majoré, pour renforcer l’attractivité de la place financière de Paris.

Le coût de cette mesure pour les organismes de sécurité sociale est estimé à 140 millions d’euros par an.

Barème de la taxe sur les salaires
applicable aux rémunérations versées en 2017

Taux

Taux sur la fraction de rémunération

Taux global

Fraction de rémunération brute annuelle versée en 2017
(taxe payable en 2018)

Taux normal

4,25 %

4,25 %

Inférieure ou égale à 7 721 euros

Premier taux majoré

4,25 %

8,50 %

Comprise entre 7 721 et 15 417 euros

Deuxième taux majoré

9,35 %

13,60 %

Comprise entre 15 417 et 152 227 euros

Troisième taux majoré

15,75 %

20,00 %

Supérieure à 152 721 euros

Source : code général des impôts.

Doublement des seuils déligibilité aux régimes micro-fiscal et micro-social

Les travailleurs indépendants non agricoles dont le chiffre d’affaires ou les recettes n’excèdent pas certaines limites peuvent de longue date bénéficier de modalités dérogatoires d’imposition des revenus tirés de leur activité, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (régime dit « micro-BIC ») ou des bénéfices non-commerciaux (« micro-BNC »). Par exception au principe d’imposition des bénéfices réels, les régimes micro permettent une imposition forfaitaire, assise sur le chiffre d’affaires et non sur le résultat net ; permettant parfois d’alléger l’impôt dû, cette facilité est surtout administrative, rendant plus aisée la liquidation de l’impôt.

Prévu par l’article 50-0 du code général des impôts, le régime micro-BIC est ouvert aux exploitants individuels dont le chiffre d’affaires hors taxes de l’année précédente ne dépasse pas, dans la généralité des cas :

– 82 800 euros pour les entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement (entreprises dites de la première catégorie) ;

– 33 200 euros pour les autres entreprises de prestation de services (entreprises dites de la deuxième catégorie).

Le bénéfice imposable est alors calculé sur la base du chiffre d’affaires, après application d’un abattement représentatif des charges (71 % pour les entreprises de la première catégorie, 50 % pour les entreprises de la deuxième catégorie).

Le régime micro-BNC, prévu par l’article 102 ter du code général des impôts, permet aux exploitants individuels d’activités non commerciales de bénéficier, sous réserve que leurs recettes de l’année précédente n’excèdent pas 33 200 euros, d’une imposition forfaitaire desdites recettes, abattues de 34 %.

L’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale prévoit, pour les bénéficiaires du micro-BIC ou du micro-BNC, un régime dit « micro-social », qui permet définir un taux forfaitaire global pour l’essentiel des contributions et cotisations sociales. Il s’agit donc d’un régime dérogatoire du droit commun des travailleurs indépendants, régi par l’article L. 131-6-2 du même code, qui assoit ces contributions et cotisations sur les revenus d’activité de l’année précédente.

Le principal avantage du régime micro-social est d’ajuster les charges au chiffre d’affaires, jusqu’à exonérer les exploitants dont le chiffre d’affaires est nul.

L’article 10 du PLF 2018 procède à un doublement des seuils des régimes micro, portés respectivement à 170 000 et 70 000 euros.

Le coût global pour les finances publiques est essentiellement porté par les organismes de sécurité sociale (18 millions d’euros, contre 3 pour l’État).

Source : Commission des affaires sociales.

B.   une série de modifications propres à des organismes particuliers

1.   Les recettes et les dépenses du Fonds CMU

a.   La révision des modalités d’indexation du forfait CMU-c

● La loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle a créé le Fonds CMU ([233]), établissement public administratif chargé de la prise en charge des dépenses de couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) et d’aide à la complémentaire santé (servie aux personnes dont les revenus sont légèrement supérieurs à ceux ouvrant droit à la CMU-c). Concrètement, cette prise en charge revient à rembourser les prestations aux organismes qui les servent.

S’agissant de la CMU-c, le a) de l’article L. 862-2 du code de la sécurité sociale prévoit que le Fonds rembourse aux organismes d’assurance maladie et aux mutuelles les sommes correspondant à la prise en charge des dépenses de complémentaire santé ([234]). Le remboursement est effectué sur la base d’un forfait annuel par bénéficiaire, dont le montant est fixé par décret, sauf si le coût moyen est inférieur au forfait, auquel cas le remboursement s’opère selon les frais réellement engagés. En l’état du droit, ce forfait est revalorisé au 1er janvier de chaque année en fonction de la prévision d’inflation retenue pour l’établissement du projet de loi de finances de l’année.

L’étude d’impact indique que le coût moyen par bénéficiaire de la CMU-c diminue tendanciellement depuis 2012, alors que le niveau du forfait augmente ; les deux courbes devraient se croiser en 2017, un peu au-dessus de 400 euros.

● Le a) du 4° du I prévoit en conséquence d’indexer à l’avenir l’évolution du forfait sur celle du coût moyen des dépenses de complémentaire santé du dernier exercice, constatée par arrêté.

Seront perdants à la réforme les organismes dont le coût moyen se situe entre le niveau à venir du forfait (413 euros selon l’étude d’impact) et le niveau qui aurait résulté de l’application en 2018 des règles actuelles de revalorisation (420 euros) :

– les organismes dont le coût moyen est supérieur à 420 euros n’auraient de toute façon été remboursés qu’à hauteur du forfait en 2018 ;

– les organismes dont le coût moyen est inférieur à 413 euros auraient de toute façon été remboursés selon leurs frais réels ;

– en revanche, les organismes dont le coût moyen se situe entre 413 et 420 euros supporteront la fraction de coût excédant 413 euros, qui aurait été incluse dans le forfait à législation inchangée.

L’étude d’impact évalue ce coût à 1 million d’euros en 2018, 1,5 million en 2019 et 2 millions en 2020.

b.   Les modalités de financement du Fonds

● La loi du 27 juillet 1999 a mis à la charge des organismes complémentaires de couverture maladie une contribution assise sur le montant des primes ou cotisations hors taxes, contribution transformée en taxe de solidarité additionnelle (TSA) par la loi de finances pour 2011 ([235]).

La TSA frappe son assiette au taux de 13,27 % dans la généralité des cas (II de l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale), avec quelques exceptions ; pour les besoins de ce commentaire, il suffit de retenir que le taux est de 6,27 % pour les assurances de groupes, souscrites en général par un employeur pour le compte de ses salariés (1° du II bis) et pour les contrats couvrant les professions agricoles (2° du II bis).

En application du IV de l’article L. 862-4, le produit de la TSA est affecté :

– pour ce qui concerne les contrats du II et du 2° du II bis, au Fonds CMU, pour une part correspondant à 6,27 % (c’est-à-dire en totalité pour la taxe frappant les contrats mentionnés aux 1° et 2° du II bis) ;

– pour le solde, au Fonds CMU à hauteur de 20,18 % et à la branche maladie du régime général à hauteur de 79,2 %.

● Depuis l’entrée en vigueur de la LFSS 2017, la TSA est la seule recette fiscale du Fonds CMU, qui percevait antérieurement une fraction du droit de consommation sur les tabacs. Ce qui apparaissait l’année dernière comme une mesure utile de simplification, à savoir l’affectation de la seule TSA au Fonds, doit désormais être modifié : l’étude d’impact indique en effet que le produit de TSA dont bénéficie le Fonds est décorrelé de ses besoins, ce qui prive la CNAM
– autre affectataire de la TSA – d’une ressource qui lui serait utile, et entraîne la constitution d’importantes réserves dans le Fonds CMU (passées de 129 millions d’euros en 2010 à 368 millions en 2017). Le Gouvernement souhaite donc ajuster aux besoins réels du Fonds CMU sa recette de TSA.

● Pour ce faire, le 5° du I abroge le IV de l’article L. 862-4. Les nouvelles modalités d’affectation de la TSA seront désormais prévues au 8° de l’article L. 131-8, introduit par le c) du du I :

– le produit de la TSA sera affecté au Fonds CMU à hauteur de l’écart entre ses charges et ses produits (de TSA, donc) ;

– le solde sera affecté à la branche maladie du régime général.

En conséquence, le b) du du I abroge le quatrième alinéa de l’article L. 862-2, qui prévoit que le remboursement du Fonds CMU à la CNAM est majoré du fait des dispositions de l’article L. 861-6, qui interdisent à l’assurance maladie de refuser la prise en charge des dépenses de complémentaire santé des bénéficiaires de la CMU. Par un jeu de vases communicants, cette disposition, de nature à assurer la juste compensation des dépenses prises en charge par la CNAM, n’est plus nécessaire dès lors que la TSA est affectée au Fonds CMU pour la stricte couverture de ses besoins.

● Par ailleurs, le V prévoit pour 2018 une ponction de 150 millions d’euros sur les recettes du Fonds CMU, au profit de la branche maladie du régime général. Ce prélèvement s’ajoute à celui opéré au titre de l’exercice 2017 par l’article 3 du PLFSS, du même montant. Sans ces prélèvements, les réserves du Fonds se seraient élevées à 368 millions d’euros en 2018 ; elles seront finalement de 68 millions, ce qui selon l’étude d’impact laisse au Fonds une marge de manœuvre suffisante pour couvrir ses variations de trésorerie.

2.   La réaffectation du produit de la CASA entre les sections de la CNSA

● L’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles organise en sections la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ; pour les besoins de ce commentaire, il n’est pas nécessaire d’entrer dans le détail de cette organisation, présentée pour information dans le tableau ci-après.

La CNSA est affectataire d’une fraction du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), due par les bénéficiaires d’une pension de retraite ou d’invalidité non assujettis à la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) ([236]) et assise sur lesdites pensions au taux de 0,3 % :

– 70,5 % de ce produit sont affectés à la section II (b) du 1° du II de l’article L. 14-10-5) ;

– 28 % au moins sont affectés à la sous-section 1 de la section V (a) du V de l’article L. 14-10-5) ([237]).

 

● Selon l’étude d’impact, le produit de la CASA affecté à la CNSA (plus de 755 millions d’euros en 2017) doit permettre de financer des mesures issues de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement ([238]).Or, les ressources issues de la CASA s’avèrent supérieures aux besoins ; l’excédent est estimé à 100 millions d’euros en 2018.

Parallèlement, les besoins de ressources de la section I – qui finance l’objectif global de dépenses, ou OGD, équivalent médico-social de l’ONDAM – augmentent : réforme de la tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ; amélioration de l’accueil et de la prise en charge de publics spécifiques, dans le cadre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens ([239]). Le financement de ces besoins passe, depuis plusieurs années, par des prélèvements sur les réserves de la CNSA, à hauteur de 230 millions d’euros en 2017.

● Afin de réduire le volume de ces prélèvements, il est prévu d’affecter à l’OGD les 100 millions d’euros de CASA excédentaires. Pour ce faire :

– le du II affecte aux sous-sections 1 et 2 de la section I de la CNSA 6,6 % du produit de la CASA (+ 13,2 points de CASA) ([240]) ;

– le du II ramène la fraction affectée à la section II de 70,5 à 61,4 %
(– 9,1 points de CASA) ;

– le du II ramène la fraction minimale affectée à la sous-section 1 de la section V de 28 à 23,9 % (– 4,1 points de CASA).

organisation de la cnsa et affectation du produit de la casa

Section

Sous-sections

Fraction du produit de CASA affectée en l’état du droit et à l’avenir

Section I  Financement des établissements ou services sociaux
et médico-sociaux

Sous-section 1 – Établissements et services accueillant des personnes handicapées

0 % → 6,6 %

Sous-section 2 – Établissements et services accueillant des personnes âgées

0 % → 6,6 %

Section II – Allocation personnalisée d’autonomie

 

70,5 % → 61,4 %

Section III – Prestation de compensation et maisons départementales des personnes handicapées

 

 

Section IV – Promotion des actions innovantes, formation des aidants familiaux et accueillants familiaux et renforcement de la professionnalisation des métiers de services exercés auprès des personnes âgées et des personnes handicapées

 

 

Section V – Autres dépenses en faveur des personnes en perte d’autonomie

Sous-section 1 – Actions en faveur des personnes âgées

28 % → 23,9 %

Sous-section 1 – Actions en faveur des personnes handicapées

 

Section VI – Frais de gestion de la Caisse

 

 

Source : Commission des affaires sociales.

3.   L’identification de la branche AT-MP du régime de protection sociale des marins

● Institué par un décret-loi du 17 juin 1938, le régime spécial de protection sociale des marins est géré par l’Établissement national des invalides de la marine. Ce régime a ceci de spécifique que le risque accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) n’est pas isolé dans une branche dédiée, mais intégré à la branche maladie.

Ce régime étant désormais financièrement intégré au régime général, comme la quasi-totalité des régimes spéciaux, c’est donc la CNAM qui équilibre sa branche AT-MP, alors qu’en bonne logique ce devrait être la branche AT-MP du régime général.

Cette spécificité est d’autant plus problématique que le secteur de la marine est particulièrement accidentogène ; le défaut d’identification du risque AT-MP n’incite donc pas les employeurs à développer des actions de prévention.

● Le du I rétablit en conséquence un nouvel article L. 134-6 dans le code de la sécurité sociale, au début de la section 3 (« Relations financières entre régimes au titre de la couverture des accidents du travail et maladies professionnelles ») du chapitre IV (« Relations inter-régimes ») du titre III (« Dispositions communes relatives au financement ») du livre Ier (« Généralités – Dispositions communes à tout ou partie des régimes de base »).

Cet article prévoit que le solde des charges et produits du risque AT-MP du régime d’assurance des marins est retracé dans les comptes de la branche AT‑MP du régime général, qui assure l’équilibre dudit solde.

4.   L’affectation au RCO de la taxe sur les farines alimentaires

Le régime complémentaire obligatoire (RCO) des non-salariés agricoles, institué par l’article L. 732-56 du code rural et de la pêche maritime, est un régime de retraite complémentaire par répartition.

Un plan de revalorisation des petites retraites agricoles a été mis en œuvre entre 2014 et 2017. Son financement reposait notamment – à hauteur de 170 millions d’euros – sur une mesure de lutte contre l’optimisation sociale, prévue à l’article 9 de la LFSS 2014 ([241]), consistant à réintégrer dans l’assiette des cotisations sociales les revenus mobiliers versés aux membres de la famille de l’exploitant associés à la société agricole sans participer à l’exploitation. Cette mesure a produit un rendement très inférieur à celui attendu (51 millions d’euros en 2016) ; le RCO connaîtra de ce fait un déficit en 2018.

Afin d’abonder les recettes du RCO ([242]), le du III lui affecte le produit de la taxe sur les farines alimentaires ([243]), estimé à 64 millions d’euros en 2018.

En conséquence, le du III abroge le 6° bis de l’article L. 731-3 du code rural et de la pêche maritime, prévoyant l’affectation de la taxe sur les farines alimentaires à la branche vieillesse du régime de base des non-salariés agricoles. On notera, pour illustrer le caractère « épileptique » des modalités de financement de la sécurité sociale, que le 6° bis qu’il est proposé d’abroger avait été créé par la LFSS 2017 ([244]).

C.   des mesures de pur toilettage

1.   La suppression d’un « gage » dans une loi promulguée

Le VII supprime le dernier alinéa de l’article 20 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale est économique.

Il s’agit de supprimer un « gage » figurant dans la loi promulguée. Rappelons que le gage a pour objet de rendre conforme à l’article 40 de la Constitution – qui proscrit la diminution des ressources publiques par les parlementaires – un amendement réduisant une recette ; en augmentant à due concurrence une autre recette au profit du même affectataire, le gage permet le dépôt de l’amendement et sa discussion. Il est d’usage que lorsqu’un amendement ainsi gagé est adopté, le Gouvernement, seul habilité à le faire, « lève » le gage, en sous-amendant oralement l’amendement parlementaire, afin d’en supprimer l’alinéa ou les alinéas de gage. Cet usage n’a en l’espèce pas été appliqué.

2.   Une modification d’ordre rédactionnel

Régie par les articles 991 à 1004 du code général des impôts, la taxe sur les conventions d’assurance est perçue annuellement sur le montant des sommes stipulées au profit de l’assureur et de tous les accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l’assuré. L’article 1001 du code général des impôts détermine les taux de cette taxe, variables selon l’objet du contrat ; s’agissant des assurances de véhicules, deux taux coexistent : 15 % pour les véhicules utilitaires et les camions, 33 % pour les autres.

Le 4° de l’article L. 131-8 prévoit ([245]) l’affectation à la CNAF d’une fraction de la taxe « véhicules », correspondant à 13,3 % du taux (soit la quasi-totalité du produit de la taxe à 15 %, et plus du tiers du produit de la taxe à 33 %).

Le b) du du I, de portée rédactionnelle, substitue à la référence à la CNAF la référence à la branche famille du régime général, comme cela est d’usage.

*

La commission adopte larticle 18 sans modification.

*

*     *


Article 19
Approbation du montant de la compensation des exonérations
mentionnées à lannexe 5

Cet article porte approbation du montant des exonérations compensées pour 2018, fixé à 6 milliards d’euros.

Cet article fait partie des dispositions devant obligatoirement figurer en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), en application des dispositions organiques qui définissent leur contenu.

c) du 2° du C du I de larticle L.O. 111-3 et 5° du III de larticle LO 111-4

« C.-Dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à léquilibre général pour lannée à venir, la loi de financement de la sécurité sociale :

(…)

2° Détermine, pour lannée à venir, de manière sincère, les conditions générales de léquilibre financier de la sécurité sociale compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution prévisible. Cet équilibre est défini au regard des données économiques, sociales et financières décrites dans le rapport prévu à larticle 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. A cette fin :

(…)

c) Elle approuve le montant de la compensation mentionnée à lannexe prévue au 5° du III de larticle LO 111-4 ; » (art. LO 111-3)

« III.-Sont jointes au projet de loi de financement de la sécurité sociale de lannée des annexes :

(…)

5° Enumérant lensemble des mesures de réduction ou dexonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement et de réduction de lassiette ou dabattement sur lassiette de ces cotisations et contributions, présentant les mesures nouvelles introduites au cours de lannée précédente et de lannée en cours ainsi que celles envisagées pour lannée à venir et évaluant limpact financier de lensemble de ces mesures, en précisant les modalités et le montant de la compensation financière à laquelle elles donnent lieu, les moyens permettant dassurer la neutralité de cette compensation pour la trésorerie desdits régimes et organismes ainsi que létat des créances. Ces mesures sont ventilées par nature, par branche et par régime ou organisme ; »

En application de ces dispositions organiques, cet article approuve le montant, figurant dans l’annexe 5 du projet de loi ([246]), de la compensation par l’État des pertes de recettes résultant, pour les organismes sociaux, des différents mécanismes d’exonération, de réduction ou d’abattement d’assiette en matière de cotisations et contributions sociales, communément appelées « niches sociales ». Ce montant serait de 6,0 milliards d’euros en 2018.

Lencadrement des « niches sociales »

 L’intérêt communément admis d’une meilleure appréhension de l’ensemble des mécanismes d’exonération de prélèvements sociaux, notamment pour l’information du Parlement et l’évaluation des politiques publiques concernées, a incité depuis plusieurs années à renforcer le caractère dérogatoire des « niches sociales ».

 La création de l’annexe 5 du PLFSS par la loi organique de 2005 ([247])  a contribué à une meilleure connaissance des montants et des dispositifs concernés, de même que les travaux de la Cour des comptes ou du Haut conseil pour le financement de la protection sociale (HCFiPs).

 Toutefois, la nécessité d’encadrer le recours aux dispositifs dérogatoires en matière de prélèvements sociaux s’est traduite essentiellement par des dispositions inscrites dans les lois de programmation des finances publiques :

– la LPFP 2012-2017 prévoyait ainsi une évaluation de l’ensemble des dispositifs par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et sociales ;

– la LPFP 2014-2019 a inscrit pour la première fois le principe d’une limitation dans le temps des niches sociales pour une durée de trois ans assortie d’une évaluation systématique au terme de cette période ([248]).

L’article 18 du projet de LPFP 2017-2020 ([249]) apporte deux nouveautés par rapport aux dispositifs précédents :

–  il prévoit à à nouveau un bornage dans le temps de trois ans au plus qui doit être fixé par le texte lui-même ;

– il crée un mécanisme de plafonnement global des exonérations non compensées qui ne peuvent dépasser 14 % des cotisations et contributions affectés aux régimes obligatoires ([250]).

Toutefois, en raison de la valeur législative des lois de programmation, la disposition ne crée aucune obligation, ni pour le législateur financier ni pour le législateur ordinaire

L’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale dispose que toute mesure de réduction ou d’exonération des cotisations sociales instituée à partir de 1994 donne lieu à compensation intégrale, par l’État, de la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale. Conformément au premier alinéa de l’article L. 131-7 précité, cette compensation se fait essentiellement par crédits budgétaires, mais peut également se faire par affectation de recettes fiscales.

Il est possible de déroger au principe de compensation, mais exclusivement en loi de financement de la sécurité sociale, en application du IV de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. De ce fait, il existe deux types d’exonérations non compensées : les mesures antérieures à 1994, d’une part, et les mesures assorties d’une disposition expresse de non compensation, d’autre part.

Si ce commentaire a pour objet essentiel de présenter les principales exonérations compensées et les mouvements qui les affectent, il présentera également les exonérations non compensées et de la vue d’ensemble des « niches sociales » qu’offre l’annexe 5.

1.    Les exonérations compensées

En 2018, les exonérations compensées devraient atteindre 6 milliards deuros, soit la somme des crédits budgétaires de compensation à la sécurité sociale inscrits dans les programmes concernés du budget de lÉtat. Cette somme sera en recul de 6 % par rapport à 2017, notamment en raison dune diminution des mesures ciblées sur certains secteurs économiques, elle-même liée à la réforme du financement de la sécurité sociale qui résulte des articles 7 et 8 du projet de loi ([251]).

● Les exonérations ciblées, sur certains publics, certains secteurs économiques ou certaines aires géographiques, font en principe l’objet d’une compensation budgétaire.

● Les autres exonérations d’ordre plus général compensées par crédits budgétaires sont essentiellement les allègements généraux (33,6 milliards deuros), en forte hausse par rapport à 2017 (+ 9 %) en raison de mesures nouvelles dexonérations en faveur des travailleurs indépendants et des mesures de pouvoir dachat en faveur des actifs issues de larticle 7 du projet de loi (14,2 milliards deuros) ([252]).

2.   Les exonérations non compensées

a. Les exonérations ciblées non compensées

Le montant total des exonérations non compensées est estimé à 1,4 milliards deuros en 2017 et 0,94 milliards deuros en 2018, en raison notamment de la diminution des mesures dits de contrats aidés. Il est ainsi en forte diminution en 2018 (– 34 %) notamment en raison dune diminution des contrats daccompagnements dans lemploi et contrats uniques (notamment les emplois davenir) (– 43 %) et des contrats de sécurisation professionnelle (– 18 %).

b. Les allégements généraux sur les bas salaires

Entre 2007 et 2010, les deux allégements à portée générale – la réduction de cotisations dite « Fillon » sur les bas salaires et l’exonération des heures supplémentaires – ont été compensés par le biais de « paniers » de recettes affectés aux régimes et organismes touchés par ces pertes de recettes.

À partir de 2011, le principe du panier a été abandonné pour l’allégement général. Autrement dit, la sécurité sociale a conservé à titre permanent les recettes de l’ancien « panier » fiscal, tandis que l’exonération n’est plus compensée.

Ces allègements généraux ont été renforcés par l’article 33 de la LFSS 2015 (7,6 milliards en 2018), qui a également créé une exonération de cotisations d’allocations familiales au bénéfice des travailleurs indépendants (0,9 milliard en 2017) dans le cadre du Pacte de responsabilité.

Les articles 7 et 18 du projet de loi de financement de la sécurité sociale renforcent ces allègements généraux notamment pour les travailleurs indépendants pour atteindre un total de 33,6 milliards deuros, en hausse de 9 % par rapport à 2017, dans le cadre dune réforme très profonde du financement de la protection sociale.

c. La mesure de pouvoir d’achat en faveur des actifs

S’agissant de l’application de l’article 7 du projet de loi, on pourra utilement se référer à son commentaire.

3.   La vision d’ensemble des « niches sociales »

L’annexe 5 au présent projet de loi ne considère pas seulement les allégements généraux et les exonérations ciblées ainsi que les modalités de leur compensation mais, dans l’esprit de la loi organique de 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ([253]) et des troisième à sixième alinéas de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, s’attache à identifier et à chiffrer l’ensemble des taux minorés, des exemptions d’assiette et des dispositifs dérogatoires susceptibles de faire perdre des recettes aux organismes sociaux. Le tableau suivant en fournit un aperçu synthétique.

PERTES de REcetteS résultant des exonérations et exemptions d’assiette de cotisations et de contributions sociales

(en milliards d’euros)

 

2016

2017 (prévision)

2018 (prévisions)

Allégements généraux

29,0

30,7

33,6

Exonérations compensées

4,1

6,5

6,1

Exonérations non compensées

3,8

1,4

0,9

Exemption d’assiette

7,5

7,9

7,8

Total des pertes de recettes

44,4

46,5

48,4

(1) L’article 18 du PLFSS prévoit un montant d’exonérations compensées de 6 milliards d’euros. Les tableaux récapitulant les totaux aux pages 10 et 11 de l’annexe 5 permettent de préciser l’arrondi à 6,1 milliards.

Source : annexe 5 du PLFSS.

*

La commission adopte larticle 19 sans modification.

*

*     *

Article 20
Approbation du tableau déquilibre
de lensemble des régimes obligatoires pour 2018

Cet article porte approbation du tableau d’équilibre pour l’année à venir de l’ensemble des régimes obligatoires. Il illustre la volonté de réduire de réduire durablement le déficit à travers un effort important sur les dépenses, en ramenant le solde des régimes obligatoires et du FSV à -2,2 milliards d’euros.

Cet article vise à approuver l’annexe C du projet de loi, qui retrace, conformément ce que prévoit l’article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, l’équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale par branche sous la forme d’un tableau, présenté par branche et établi pour l’ensemble des régimes obligatoires de base. Le tableau suivant compare les données du tableau d’équilibre pour 2018 avec celui de 2017 :

 

 

RECETTES

DÉPENSES

SOLDES

 

2017 (1)

2018 (2)

2017 (1)

2018 (3)

2017 (1)

2018 (2)

Maladie

203,2

210,9

207,3

211,7

– 4,1

– 0,8

Vieillesse

232,6

236,6

231,1

236,4

1,5

0,1

Famille

49,9

51,0

49,6

49,7

0,3

1,3

Accidents du travail et maladies professionnelles

14,3

14,1

13,2

13,5

1,1

0,5

TOUTES BRANCHES

486,3

498,9

487,6

497,7

– 1,3

1,2

Toutes branches incluant le FSV*

483,1

496,1

488

498,3

– 4,9

– 2,2

(1) Prévisions rectifiées par l’article 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018

(2) S’agissant de l’année 2018, il s’agit d’un objectif de dépenses.

(3) S’agissant de l’année 2018, il s’agit de prévisions de recettes.

* Hors transferts.

● Par rapport aux prévisions révisées pour 2017 figurant à l’article 4 du projet de loi de financement (PLFSS) pour 2018, le déficit de l’exercice 2018 s’établirait à 2,2 milliards, soit 2,7 milliards de moins que l’année précédente. Les seuls régimes obligatoires, à l’exclusion du fonds de solidarité vieillesse (FSV), seraient symboliquement excédentaires pour la première fois depuis 2001.

Cette amélioration du solde repose sur une hausse importante des recettes prévues qui devraient augmenter de 13 milliards d’euros entre 2017 et 2018 et une augmentation modérée des dépenses de 10,3 milliards d’euros.

La commission des comptes de la sécurité sociale ayant évalué un déficit tendanciel de l’ensemble des régimes obligatoires et du fonds de solidarité vieillesse à 8,6 milliards, les mesures portées par le PLFSS et par le PLF pour 2018 doivent engendrer 6,4 milliards d’euros d’économies ou de recettes supplémentaires.

Un effort particulièrement fort sera fourni par la branche maladie (3,3 milliards d’euros) et recettes (1 milliard), alors que la branche AT-MP verra ses ressources diminuer à la suite d’une nouvelle baisse de cotisations et que la branche vieillesse connaîtra une nouvelle accélération des ses dépenses dans un contexte d’extinction des effets du recul de l’âge légal de départ à la retraite.

● Pour le rapporteur général, la construction de l’équilibre financier pour 2018 tel qu’il résulte du tableau d’équilibre ainsi que du tableau des mesures nouvelles ci-dessous illustre certains axes structurants de la politique du Gouvernement et de la majorité ([254]) :

– le choix de scénario économique fait par le Gouvernement pour l’année 2018 consacre une exigence de réalisme, au service d’une information fiable et sincère du Parlement, confirmée par l’appréciation du Haut conseil des finances publiques ([255]) ;

– la conduite d’une réforme essentielle des prélèvements sociaux avec la baisse des cotisations sociales compensée par une hausse de la contribution sociale généralisée, neutralisé pour les comptes de la sécurité sociale ([256]), permettra d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés ;

– une conception sérieuse de l’efficacité de la dépense publique conduit à réaliser 5,2 milliards d’économies de dépenses (dont 4 milliards dans le champ de l’ONDAM) tout en prenant en charge 300 millions d’euros de dépenses nouvelles, par exemple liées à la santé des détenus en prison ;

– l’année 2018 sera celle d’un quasi-équilibre de toutes les branches des régimes obligatoires permettant de tracer de nouvelles perspectives de réformes structurelles dans un contexte financier serein pour la suite de la législature. 

 

impact des mesures nouvelles sur les comptes des rÉgimes obligatoires de sÉCURITÉ sociale et LE FSV (*)

(en milliards d’euros)

solde tendanciel

– 8,6

Mesures nouvelles ([257])

Effet sur les comptes des régimes obligatoires et du FSV

Perte des mesures de compensation du pacte de responsabilité

 1,3

Suppression de la C4S

 0,4

Fin de leffet de la modification du fait générateur de la TVS ([258])

 0,2

Effet de la mesure CSG/Cotisations ([259])

+ 0,1

Hausse de la CSG

+ 22,6

Suppression des cotisations maladie

– 4,7

Exonération séquentielle des exonérations chômage

+0,1

Compensations

– 3,4

Rétrocession à l’État du prélèvement de solidarité et de la fraction de TVA

– 13,7

Transferts de dépense

 0,3

Harmonisation des frais d’assiette et de recouvrement applicables aux recettes fiscales

– 0,1

Financement de la santé des détenus

– 0,1

Perte de laffectation exceptionnelle des réserves de la section 3 du FSV

 0,7

Économies ONDAM

+ 4,0

Mesures relatives aux recettes

+ 0,5

Mesures relatives aux droits tabacs

+ 0,5

Baisse du taux AT-MP

– 0,7

Hausse du taux maladie

+ 0,5

Suppression de la 4e tranche de taxe sur les salaires (PLF)

– 0,2

Réforme du financement du fonds CMU-C

+ 0,2

Transfert de la taxe sur les farines au régime vieillesse complémentaire des exploitants agricoles

– 0,1

Verdissement de la TVS

+ 0,1

Mesures nouvelles en dépenses

+ 1,2

Alignement du plafond et du montant de la PAJE

+ 0,1

Modération de la progression du FNAS

+ 0,2

Mesures de lutte contre la fraude sur les prestations

+ 0,2

Revalorisation de l’ASPA

– 0,1

Décalage de la datte de revalorisation des pensions

+ 0,3

Abaissement de la dotation de la branche AT-MP au FIVA

+ 0,1

Soldes 2018 après mesures

– 2,2

(*) Les chiffres étant issus des annexes du projet de loi et en l’absence de précisions de la part du Gouvernement, les éventuels écarts qui  ne s’expliquent pas par des règles d’arrondi sont de la responsabilité de ce dernier.

Source : annexe IX du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

*

La commission adopte larticle 20 et lannexe C sans modification.

Article 21
Tableau déquilibre du régime général

Cet article vise à approuver le tableau d’équilibre du régime général, figurant dans l’annexe C du projet de loi, qui présente pour chaque branche les recettes et les dépenses.

Comparaison des tableaux d’équilibre du régime général
pour 2017 (1) et pour 2018

(en milliards d’euros)

 

Recettes

Dépenses

Soldes

 

2017 (1)

2018 (2)

2017 (1)

2018 (2)

2017 (1)

2018 (2)

Maladie

201,9

209,8

206,0

210,6

-4,1

-0,8

Vieillesse

126,2

133,8

124,9

133,6

1,3

0,2

Famille

49,9

51,0

49,6

49,7

0,3

1,3

Accidents du travail et maladies professionnelles

12,8

12,7

11,8

12,2

1,0

0,5

Toutes branches

377,8

394,3

379,4

393

-1,6

1,2

Toutes branches incluant le FSV*

376,1

392,6

381,3

394,8

-5,2

-2,2

(1) Prévisions rectifiées par l’article 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018

(2) S’agissant de l’année 2018, il s’agit d’un objectif de dépenses.

(3) S’agissant de l’année 2018, il s’agit de prévisions de recettes.

* Hors transfert

Le déficit du régime général prévu pour 2018 serait ainsi de 3 milliards inférieur au déficit prévu par l’article 4 en 2017.

Le « tendanciel » présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale en septembre dernier prévoyait un déficit de 8,6 milliards d’euros du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, portant ainsi à 6,4 milliards d’euros les mesures de redressement nécessaires pour atteindre l’objectif de solde fixé pour 2018. Ce chiffre étant le même que pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, l’effort sera donc porté quasiment en totalité par le régime général, sous réserve de quelques évolutions au sein des autres régimes qui devraient se neutraliser sur le plan financier.

Les mesures affectant le régime général et le FSV sont pour l’essentiel retracées dans le tableau présenté au sein du commentaire de l’article 20.

*

La commission adopte larticle 21 sans modification.

*

*     *


Article 22
Approbation des recettes (état C) et du tableau déquilibre du FSV, de lobjectif damortissement de la dette sociale et prévisions sur les recettes du FRR et la section 2 du FSV

Cet article répond à des obligations organiques relatives au domaine obligatoire des lois de financement de la sécurité sociale.

2° du C du I de larticle L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale

« 2° Détermine, pour lannée à venir, de manière sincère, les conditions générales de léquilibre financier de la sécurité sociale compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution prévisible. Cet équilibre est défini au regard des données économiques, sociales et financières décrites dans le rapport prévu à larticle 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. A cette fin :

a) Elle prévoit, par branche, les recettes de lensemble des régimes obligatoires de base et, de manière spécifique, celles du régime général, ainsi que les recettes des organismes concourant au financement de ces régimes. Lévaluation de ces recettes, par catégorie, figure dans un état annexé ;

b) Elle détermine lobjectif damortissement au titre de lannée à venir des organismes chargés de lamortissement de la dette des régimes obligatoires de base et elle prévoit, par catégorie, les recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes à leur profit »

● Le I porte, en premier lieu, approbation du tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires, en l’occurrence, depuis 2008, du seul Fonds de solidarité vieillesse. Cet organisme ([260]) est chargé de mettre en réserve des recettes au profit des régimes obligatoires de base au sens de la loi organique.

Principales charges et recettes du FSV

Créé en 1994 pour financer les dispositifs non-contributifs, au nom de la solidarité nationale, le Fonds de solidarité vieillesse présente un déficit chronique, supérieur à 3 milliards d’euros depuis 2010.

Côté charges (19,7 milliards d’euros en 2017), les prises en charge de cotisations au titre de périodes validées gratuitement représentent deux tiers des dépenses, en premier lieu au titre du chômage. Le financement de prestations constitue le dernier tiers, pour l’essentiel au titre du minimum vieillesse et du minimum contributif. Ce dernier sera progressivement financé par les régimes obligatoires de base. La première étape de ce basculement, mise en œuvre en 2017, sera complétée en 2018 et 2019, allégeant ainsi les dépenses du fonds de 1,8 milliard d’euros sur ces deux années.

Côté recettes (16,1 milliards d’euros en 2017), la nouvelle structure de financement du fonds ayant tiré les conséquences de l’arrêt « de Ruyter » de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) du 26 février 2015 est désormais effective. Depuis 2016, la quasi-totalité des produits de CSG et des prélèvements sociaux assis sur les revenus du patrimoine et de placement perçus par la sécurité sociale est versée au FSV. En 2018, le produit supplémentaire issu de l’augmentation des taux de CSG – estimé, pour la part revenant au FSV, à 2,1 milliards d’euros – sera compensé par la perte du prélèvement de solidarité sur les produits du patrimoine et de placement – 2,6 milliards d’euros en 2017 – désormais affecté à l’État. Une moindre recette de 500 millions d’euros en résultera donc.

Le déficit du fonds se stabiliserait en 2017 à 3,6 milliards d’euros, avant d’entamer sa réduction en 2018, comme l’illustre le graphique ci-dessous.

Source : Fonds de solidarité vieillesse.

● Le II fixe l’objectif d’amortissement au titre de l’année à venir des organismes chargés de l’amortissement de la dette sociale, en l’espèce, la seule Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) ([261]) à 15,2 milliards d’euros.

Au 31 décembre 2018, l’amortissement cumulé représentera 154,7 milliards d’euros, soit 59,4 % de la dette reprise cumulée.

● Le III prévoit les recettes affectées au second organisme chargé de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base, c’est-à-dire le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) ([262]), lequel ne bénéficie plus d’aucune recette depuis 2011, en raison de sa mise en extinction.

*

La commission adopte larticle 22 sans modification.

*

*     *

Article 23
Habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à lemprunt

Cet article habilite cinq organismes à recourir à l’emprunt pour financer leurs besoins de trésorerie en 2018.

Les organismes de sécurité sociale peuvent être confrontés à des besoins de trésorerie en cours d’année, qui ne s’expliquent pas nécessairement par un déséquilibre structurel des produits et des charges du régime. L’apparition d’un besoin de trésorerie peut en effet être ponctuelle et résulter d’un simple décalage calendaire entre les encaissements (cotisations et contributions, recettes affectées) et les décaissements (versements des prestations aux affiliés et frais de gestion).

Plusieurs organismes, dont le fonds de roulement ne permet pas de couvrir les besoins de trésorerie au cours de l’année, ont ainsi recours à des ressources non permanentes, sous la forme d’avances de trésorerie ou d’emprunts de court terme (douze mois maximum).

Parmi ces organismes, plusieurs empruntent auprès de lAgence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) : celle-ci porte donc dautres besoins de financement que celui du régime général, dont elle assure la trésorerie. LACOSS est en outre autorisée, compte tenu des montants associés à la gestion de la trésorerie des organismes du régime général, à émettre des titres de créances négociables.

Le présent article arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les plafonds de ces ressources.

Ces plafonds d’emprunt sont fixés en fonction de l’estimation du « point bas » de trésorerie, c’est-à-dire du solde négatif le plus important, pour l’exercice à venir, afin de pouvoir couvrir les besoins maximaux estimés en projet de loi de financement. En outre, ils sont systématiquement ajustés à la hausse pour parer à une éventuelle dégradation de la trésorerie en cours d’exercice.

Comme en 2017, cinq organismes bénéficieront d’une telle habilitation en 2018 :

– l’ACOSS pour le régime général ;

– la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) pour le régime des exploitants agricoles ;

– la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF ;

– la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) ;

– la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG).

Le commentaire du présent article est l’occasion de présenter les besoins de trésorerie de ces cinq organismes.

1. L’ACOSS et le régime des exploitants agricoles doivent assurer les besoins de trésorerie de régimes déficitaires

● Un profil de trésorerie est établi chaque année pour le régime général reposant sur les prévisions liées aux grands agrégats économiques et aux mesures nouvelles.

Compte tenu de ces éléments, la variation annuelle de trésorerie de l’ACOSS serait de – 4,3 milliards d’euros. Le solde au 31 décembre 2018 s’établirait ainsi à – 27,6 milliards d’euros.

Le solde moyen prévisionnel de – 22,1 milliards d’euros, avec un besoin de financement maximal net de 31 milliards d’euros le 13 avril 2018. Le besoin de financement brut, comprenant notamment les avances aux partenaires, s’établirait le même jour à 37,2 milliards d’euros.

Compte tenu de ces différents éléments, le présent article propose de fixer le plafond d’emprunt de l’ACOSS à hauteur de 38 milliards d’euros pour l’ensemble de l’année 2018 soit un niveau supérieur à celui de 2017 (33 milliards d’euros).

Ce plafond permettra à l’ACOSS, dans le cadre de la politique de mutualisation des trésoreries sociales, de couvrir les besoins de financement du régime vieillesse des exploitants agricoles, du régime des mines, ainsi que du régime d’assurance vieillesse des industries électriques et gazières.

Le plafond d’emprunt proposé conserve, en outre, une marge par rapport au point bas prévisionnel, de façon à assurer à l’ACOSS la possibilité de faire face aux différents types d’aléas pesant sur sa trésorerie.

● Depuis 2009, la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) gère les ressources du régime des exploitants agricoles, structurellement en déficit, malgré une réduction progressive de celui-ci.

Pour l’exercice 2018, le solde moyen de trésorerie de la branche maladie se stabiliserait, tandis que celui de la branche vieillesse s’améliorerait sensiblement. Dans ce contexte, le solde moyen prévisionnel du régime s’établit à – 4,2 milliards d’euros, avec un point bas prévu en novembre à – 4,6 milliards d’euros.

Comme les années précédentes, le régime agricole devra donc recourir à des ressources non permanentes pour l’année 2018, tout en respectant un plafond, fixé par le présent article à 4,9 milliards d’euros, en augmentation de 450 millions d’euros par rapport au montant fixé dans la précédente loi de financement.

Cette hausse correspond, comme en 2017, à l’aléa représenté par l’absence de stabilisation, à ce stade, des modalités et du calendrier de versement de la compensation financière par l’État de la mesure de réduction du taux de cotisation maladie des exploitants agricoles.

Depuis 2016 ([263]), les besoins de trésorerie de la CCMSA sont en principe intégralement financés par l’ACOSS (art. L. 225-1-4 du code de la sécurité sociale), même si une ligne de tirage a été conservé auprès d’un partenaire bancaire pour un maximum de 500 millions d’euros, soumis à l’accord préalable des ministères de tutelle.

2. Les autres organismes gèrent des problèmes de trésorerie significatifs liés à des règles spécifiques

● Le profil de trésorerie de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP SNCF) était traditionnellement caractérisé par un décalage existant entre, d’une part, le rythme de versement trimestriel des pensions de retraite aux affiliés et, d’autre part, le rythme des encaissements de cotisations, le 5 de chaque mois, et de la subvention de l’État, nécessitant ainsi un recours à l’emprunt auprès d’établissements bancaires.

Dans un contexte de crise financière et de tensions accrues en matière de trésorerie, le décret  2011-1925 du 21 décembre 2011 a fixé un calendrier de versement fractionné des pensions pour 2012, ce dispositif ayant été reconduit de 2013 à 2015.

Depuis le mois de janvier 2016, en application du décret n° 2016-539 du 15 mai 2015, les pensions sont payées mensuellement, ce qui a permis de réduire de près de 50 % le besoin en fonds de roulement moyen.

En 2018, le point bas est prévu le 4 janvier à – 489 millions d’euros. En effet, comme en 2017, le paiement des pensions de retraite de janvier s’effectuera avant que la caisse ne reçoive le premier versement de subvention d’équilibre de l’État, lequel ne peut avoir lieu pour des raisons techniques avant le 5 ou 6 janvier.

Le présent article propose donc de retenir un premier plafond d’emprunt de 500 millions d’euros pour la période du 1er au 31 janvier, puis un second plafond de 200 millions d’euros pour le reste de l’année.

● La Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM), chargée d’assurer la gestion commune de la trésorerie des différentes branches du régime minier, fait face à des difficultés de financement importantes.

Les recettes de la caisse sont constituées à 90 % par des ressources externes : dotation d’équilibre versée par la branche maladie du régime général pour le risque maladie, compensation généralisée vieillesse, et subvention de l’État pour le risque vieillesse. Celles-ci ne suffisaient néanmoins plus à couvrir les besoins de trésorerie issus des déficits passés cumulés, qui ont requis de majorer significativement, au cours des dernières années, les autorisations d’emprunt accordées à la Caisse en loi de financement de la sécurité sociale.

Pour l’exercice 2018, le solde moyen prévisionnel de trésorerie de la CANSSM est de – 323 millions d’euros, le point bas étant atteint début janvier avec – 445 millions d’euros. Le présent article propose d’habiliter la CANSSM à recourir à des ressources non permanentes dans la limite de 450 millions d’euros, en légère augmentation par rapport à 2017 (350 millions d’euros).

Le besoin en ressources non permanentes du régime continuera à être assuré exclusivement par des avances de trésorerie de l’ACOSS.

● La Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) présentait ces dernières années un besoin constant en fonds de roulement, son profil de trésorerie étant rythmé par un versement trimestriel des retraites. La Caisse devait ainsi recourir à des montants d’emprunts bancaires importants pour financer ses décalages de trésorerie.

Afin de réduire fortement les décalages en trésorerie entre les encaissements des cotisations et les décaissements des pensions de retraite
– lesquels conduisaient à un besoin de financement dont les modalités de couverture paraissaient problématiques dans un contexte de raréfaction des concours bancaires – une réforme plus structurelle a été mise en œuvre à partir d’avril 2013 avec la mensualisation du versement des pensions.

L’amélioration de la gestion de la trésorerie du régime a donc permis au régime de limiter ses besoins de court terme. Il dégage d’ailleurs des excédents ponctuels qui sont placés à l’ACOSS et donnent lieu à une rémunération. En contrepartie, le régime recourt à des avances de trésorerie de l’ACOSS.

L’année 2018 marquerait un retour à un quasi-équilibre (– 13 millions d’euros) en raison d’une hausse des recettes liées à la contribution tarifaire d’acheminement.

De ce fait, le solde moyen de trésorerie pour 2018 serait en baisse à  53 millions d’euros (contre 99 millions d’euros en 2017), avec un point bas prévu à –386 millions d’euros le 1er décembre 2018.

Le présent article propose donc de retenir un plafond d’emprunt à 440 millions d’euros.

*

La commission adopte larticle 23 sans modification.

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Article 24
Approbation du rapport sur lévolution pluriannuelle du financement de la sécurité sociale (annexe B)

● En application du 1° du C du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) comporte chaque année un article approuvant son annexe B, constituée d’un rapport – prévu par le I de l’article L.O. 111-4 – décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes (c’est-à-dire du Fonds de solidarité vieillesse – FSV), ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour les quatre années à venir (en l’occurrence, 2018 à 2021).

Cette démarche s’inscrivant dans le cadre plus général de la pluri-annualité des finances publiques, le rapport de l’annexe B est par construction en cohérence avec :

– les perspectives d’évolution des recettes, des dépenses et du solde de l’ensemble des administrations publiques, présentées dans le Rapport économique, social et financier joint au projet de loi de finances (PLF) de l’année ([264]) ;

– le programme de stabilité de la France, transmis chaque année à la Commission européenne en application des règles d’encadrement des déficits et des dettes des administrations publiques nationales ([265]) ;

– les lois de programmation pluriannuelle des finances publiques ([266]), qui sont le support juridique national permettant de définir la stratégie de redressement des comptes publics ;

Il faut par ailleurs signaler qu’outre les rapports parlementaires, plusieurs publications commentent, à des degrés divers, les perspectives pluriannuelles des finances publiques, et notamment sociales :

– le rapport annuel de la Cour des comptes sur l’application des LFSS ([267]) ;

– le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale ([268]) ;

– l’avis du Haut conseil des finances publiques relatif aux PLF et PLSS de l’année ([269]).

Ce commentaire n’a pas l’ambition de résumer les analyses produites dans ces différentes publications, auxquelles on pourra toutefois se référer pour davantage d’éclairages sur les principales perspectives dressées dans l’annexe B. On relèvera que, comme l’année dernière, celle-ci consacre d’assez longs développements à la présentation de mesures contenues dans le texte pour l’année 2018, sur lesquelles il est par construction inutile de s’attarder ici, les commentaires des autres articles pourvoyant au besoin d’information du Parlement.

Le rapporteur général entend néanmoins souligner les principaux aspects de cette nouvelle trajectoire pluriannuelle :

● Si la construction de ce PLFSS repose sur l’hypothèse générale d’une confirmation de la reprise économique, due notamment aux effets des mesures de compétitivité et de pouvoir d’achat, celle-ci est exprimée en des termes prudents :

– la prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) de + 1,7 % sur l’ensemble de la période 2018-2021 repose sur des hypothèses raisonnables de hausse de la croissance potentielle résultant des nouvelles mesures mises en place pour soutenir l’investissement, la formation, la compétitivité du travail et l’innovation ;

–  la hausse de la masse salariale qui irait en s’accélérant de + 3,1 % en 2018 à 3,8 % en 2021 serait tirée par les effectifs en début de période puis par les salaires dans un second temps, en ligne avec des hypothèses cohérentes sur l’évolution du taux de chômage ;

– l’inflation qui augmenterait progressivement de + 1,0 % en 2018 à + 1,8 % en 2012.

● Le présent PLFSS intègre une stratégie de redressement très rapide des comptes sociaux avec un excédent du régime général atteint en 2018, puis de l’ensemble des régimes, FSV inclus, en 2019. 

À partir de cette date, des excédents croissants seront dégagés favorisant l’extinction de la dette sociale à l’horizon 2024 et la réduction du déficit des administrations publiques.

Ces soldes consolidés correspondent à des trajectoires fortement différenciées entre les divers risques :

– les branches maladie et famille doivent à terme dégager d’importants excédents (respectivement 6,6 milliards et 5 milliards) grâce à des ressources dynamiques et des dépenses maîtrisées ;

– la branche AT-MP verra ses excédents augmenter progressivement passant ainsi de 500 millions d’euros en 2018 à 1,7 milliard en 2021 ;

– À l’inverse, le risque vieillesse, en tant qu’il regroupe branche vieillesse et FSV, verrait sa situation financière se dégrader en raison d’une stagnation de ses recettes et d’une relative accélération de la progression de ses dépenses retrouveraient ; ainsi la réduction progressive du déficit du FSV (– 3,4 milliards en 2018 jusqu’à – 0,8 milliards en 2021) sera plus que compensée par l’accroissement du solde des branches vieillesse des régimes obligatoires qui atteindrait – 3,9 milliards en 2021.

*

La commission examine lamendement AS64 de M. Jean-Pierre Door.

M. Stéphane Viry. Nous ne partageons pas le satisfecit contenu dans l’annexe B, que nous considérons comme très éloigné de la réalité.

S’il est vrai que le déficit de la sécurité sociale se réduit d’année en année, celle-ci n’est pas encore sauvée, comme on nous l’avait pourtant annoncé l’année dernière. En effet, comme le dénonce la Cour des comptes, faute de véritables réformes structurelles, la réduction du déficit est obtenue grâce, d’une part, à des artifices comptables – ce qui rend de plus en plus insincère la présentation du budget – d’autre part, à une augmentation des recettes dans le cadre d’un véritable matraquage fiscal. Le PLFSS pour 2018 ne déroge pas à la règle. Qu’on en juge.

S’agissant de la branche vieillesse, le report de trois mois de la revalorisation des pensions, du 1er octobre 2018 au 1er janvier 2019, permet de réaliser, sur le dos des retraités, qui vont déjà être affectés par la hausse de la CSG, une économie de 500 millions d’euros. Évidemment, cette mesure n’est pas renouvelable, à moins que le Gouvernement ne repousse, chaque année, de quelques mois les revalorisations.

En ce qui concerne la branche maladie, sur laquelle se concentrent désormais les déficits, le Gouvernement prévoit, tout d’abord, une hausse de deux euros du forfait hospitalier, ce qui revient à transférer 200 millions d’euros de charges vers les complémentaires santé, qui annoncent d’ores et déjà des hausses de prix. Qui paiera, au bout du compte ? Toujours l’assuré social !

Le Gouvernement maintient ensuite les habituelles mesures d’économie sur le médicament, qui représente 15 % des dépenses mais contribue depuis des années à plus de la moitié des économies – 45 % cette année. À cet égard, la politique actuelle ne présente aucune différence avec celle de Mme Touraine.

Par ailleurs, il annonce d’importantes mesures d’économie pour l’hôpital, sans pour autant mettre en œuvre les réformes structurelles dont celui-ci a besoin pour se réformer. Seul point positif : le PLF rétablit le jour de carence dans la fonction publique. Avant d’être supprimé par les socialistes, celui-ci avait en effet permis aux hôpitaux d’économiser 70 millions d’euros en une année.

Enfin, pour la branche famille, des mesures compliquées d’alignement du montant et des barèmes de l’allocation de base de la Prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) sur ceux du complément familial permettront au Gouvernement d’économiser, en 2018, 70 à 90 millions d’euros sur le dos des familles. Qui plus est, ces prestations étant servies sous conditions de ressources, il ne s’agit pas des familles les plus riches. Après cinq années de massacre organisé de la politique familiale de notre pays, les familles de la classe moyenne n’avaient certainement pas besoin de cela.

Pour ces différentes raisons, nous vous proposons de supprimer larticle 24.

M. le rapporteur général. Avis défavorable, vous vous en doutez. Vous n’y allez pas de main morte ! Votre amendement m’offre cependant l’occasion de rappeler la trajectoire des finances publiques pour les années à venir. Nous prévoyons un excédent du régime général pour l’année prochaine, un retour à l’équilibre du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dès 2019, un retour à l’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale en 2020 et l’extinction de la dette sociale en 2024. Pour 2018, le Haut conseil des finances publiques et le Comité d’alerte de l’ONDAM ont validé ces prévisions qui s’appuient sur des hypothèses prudentes.

Nous apercevons donc le bout du tunnel. Mais, je l’ai dit, nous ne partons pas de nulle part : depuis 2010, le déficit annuel est passé, grâce à l’action des gouvernements successifs, de 25 à 4 milliards, et il sera bientôt nul. À cet égard, il faut reconnaître les efforts consentis par l’ensemble des acteurs de la filière santé : hôpital, médecine de ville, industrie du médicament. C’est grâce à leurs efforts conjugués que nous avons pu juguler les déficits pour retrouver, enfin, des comptes annuels à l’équilibre. Je salue également l’action de l’ensemble des ministres de la santé et du budget qui se sont succédé depuis 2010, en particulier celle de Marisol Touraine, qui a pris sa part dans la réduction des déficits et dont les prévisions pour l’année 2017 n’étaient pas éloignées de la réalité.

On peut considérer que les efforts demandés sont importants, mais on peut aussi espérer ne plus avoir à en demander dans les années à venir. Ne broyons donc pas du noir : la dette sociale qui pesait sur nos têtes comme l’épée de Damoclès aura disparu, quoi qu’il arrive, d’ici à 2024 – le président de la CADES, que nous avons auditionné, a été très clair sur ce point. Nous allons donc pouvoir commencer à imaginer, au cours de cette législature, ce que nous pourrons faire une fois que le déficit et la dette sociale auront disparu. Faudra-t-il, par exemple, consacrer les contributions sociales qui étaient affectées à son remboursement au financement de la perte d’autonomie ?

Aussi, je vous suggère, monsieur Viry, de retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 24 et lannexe B sans modification.

Elle adopte la troisième partie du projet de loi.

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*     *

 

Quatrième partie :
Dispositions relatives aux dépenses pour l’exercice 2018

Titre Ier
Dispositions relatives à la branche famille

Article 25
Majoration du montant maximum du complément de mode de garde pour les familles monoparentales

Cet article permet d’augmenter (dans une proportion qui devrait être de 30 %) le montant maximum du complément de libre choix du mode de garde (CMG) pour les familles monoparentales.

1.   Le droit existant

Le complément de libre choix du mode de garde (CMG) constitue l’une des composantes de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE). Il est versé aux parents qui recourent à un mode d’accueil individuel pour assurer la garde de leur enfant de moins de six ans.

Il existe deux types de CMG : le CMG « emploi direct » et le CMG « structure ».

● Le CMG « emploi direct », défini à l’article L. 531-5 du code de l’action sociale et des familles, est versé aux parents qui emploient un assistant maternel ou une garde à domicile. Il comporte deux volets :

– une prise en charge des cotisations et contributions sociales correspondant à la rémunération de la personne employée, à hauteur de 100 % pour l’emploi d’un assistant maternel, sous réserve que sa rémunération soit inférieure à un plafond journalier, et à hauteur de 50 % pour l’emploi d’une garde à domicile, dans la limite d’un plafond variable en fonction de l’âge de l’enfant ;

– une prise en charge maximale de 85 % de la rémunération nette (comprenant le salaire et l’indemnité d’entretien) de la personne employée, dans la limite d’un plafond variable selon les ressources et la composition du foyer.

● Le CMG « structure », défini à l’article L. 531-6 du code de la sécurité sociale, est versé aux parents qui ont recours à une association, une entreprise ou une micro-crèche. Le montant versé ne peut excéder 85 % du coût de la garde facturé aux parents, dans la limite d’un plafond variable selon les ressources et la composition du foyer.

Le barème du CMG comporte trois tranches de revenus, dont les plafonds varient en fonction du nombre d’enfants à charge. Dans tous les cas, le montant de l’aide financière ne peut dépasser 85 % de la rémunération nette de l’assistant maternel ou de la garde à domicile (CMG « emploi direct ») ou du montant versé à l’association, à l’entreprise ou à la micro-crèche (CMG « structure »).

Par ailleurs, en application du décret n° 2012-666 du 4 mai 2012 relatif au complément de libre choix du mode de garde pour les familles monoparentales et les familles dont lun des parents perçoit lallocation aux adultes handicapés, le plafond de ressources applicable pour le calcul du montant du CMG est majoré de 40 % pour les familles monoparentales.

Le tableau ci-dessous présente les plafonds de revenus et les montants de CMG en vigueur pour les familles monoparentales au 1er avril 2017.

Barème du CMG applicable pour les familles monoparentales au titre d’un enfant né ou adopté à compter du 1er avril 2014

Nombre denfant
à charge

Revenus (majoration de 40 %)

Inférieurs à

Ne dépassant pas

Supérieurs à

1 enfant

28 713 €

63 805 €

63 805 €

2 enfants

32 788 €

72 862 €

72 862 €

3 enfants

35 663 €

81 918 €

81 918 €

Montant plafond du CMG « emploi direct »

Enfant de moins de 3 ans

462,78 €

291,82 €

175,07 €

Enfant de 3 à 6 ans

231,39 €

145,91 €

87,54 €

Montant plafond du CMG « structure » en cas de recours à une association ou une entreprise employant un assistant maternel

Enfant de moins de 3 ans

700,31 €

583,60 €

466,88 €

Enfant de 3 à 6 ans

350,15 €

291,80 €

233,44 €

Montant plafond du CMG « structure » en cas de recours à une association ou une entreprise employant une garde à domicile ou en cas de recours à une micro-crèche

Enfant de moins de 3 ans

846,22 €

729,49 €

612,77 €

Enfant de 3 à 6 ans

423,11 €

364,74 €

306,39 €

Source : caf.fr

Ces différents montants de CMG peuvent être majorés dans deux cas, prévus aux articles L. 531-5 et L. 531-6 du code de la sécurité sociale :

– lorsque la personne seule ou les deux membres du couple ont des horaires de travail spécifiques ; le décret n° 2009-908 du 24 juillet 2009 relatif à la prestation d’accueil du jeune enfant prévoit ainsi une majoration du CMG de 10 % si le nombre d’heures de garde en horaires spécifiques est supérieur ou égal à 25 heures dans le mois pour lequel la prestation est demandée ;

– lorsque la personne seule ou l’un des membres du couple bénéficie de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), une majoration de 30 % du montant maximal du CMG est prévue par le décret  2012-666 du 4 mai 2012 précité.

Ces deux cas de majoration du montant du CMG sont codifiés à l’article D. 531-23-1 du code de la sécurité sociale.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article propose de majorer le montant maximal du CMG « emploi direct » et du CMG « structure » pour les familles monoparentales.

À cette fin, le I tend à compléter la liste, figurant à la fois à l’article L. 531-5 et à l’article L. 531-6 du code de la sécurité sociale, des situations ouvrant droit, dans des conditions définies par décret, à une majoration de ce montant. Il est ainsi précisé que le plafond du CMG est également majoré « lorsque la charge du ou des enfants est assumée par une personne seule ».

Cette majoration du montant maximal du CMG, qui doit être fixée par décret, sera, d’après les engagements pris par le Gouvernement, égale à 30 %.

Le reste à charge, équivalent à 15 % de la rémunération de l’emploi à domicile, ne serait quant à lui pas modifié.

Les familles monoparentales bénéficieraient ainsi à la fois de la majoration de 40 % des plafonds de ressources applicables pour le calcul du CMG et d’une majoration du CMG de 30 %.

Le tableau ci-dessous présente les plafonds de revenus et les montants de CMG qui s’appliqueraient aux familles monoparentales.

Barème du CMG applicable pour les familles monoparentales au titre d’un enfant né ou adopté à compter du 1er avril 2018

Nombre denfant
à charge

Revenus (majoration 40 %)

Inférieurs à

Ne dépassant pas

Supérieurs à

1 enfant

28 713 €

63 805 €

63 805 €

2 enfants

32 788 €

72 862 €

72 862 €

3 enfants

35 663 €

81 918 €

81 918 €

Montant plafond du CMG « emploi direct » (majoration 30 %)

Enfant de moins de 3 ans

599,82 €

377,31 €

175,07 €

Enfant de 3 à 6 ans

299,91 €

189,14 €

87,54 €

Montant plafond du CMG « structure » en cas de recours à une association ou une entreprise employant un assistant maternel (majoration 30 %)

Enfant de moins de 3 ans

907,66 €

756,39 €

466,88 €

Enfant de 3 à 6 ans

453,83 €

378,20 €

233,44 €

Montant plafond du CMG « structure » en cas de recours à une association ou une entreprise employant une garde à domicile ou en cas de recours à une micro-crèche (majoration 30 %)

Enfant de moins de 3 ans

1 096,80 €

945,48 €

612,77 €

Enfant de 3 à 6 ans

548,40 €

472,74 €

306,39 €

Source : CNAF – Calculs effectués à partir des montants de CMG en vigueur au 1er avril 2017.

Selon les estimations communiquées au rapporteur par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), à comportement inchangé des familles, cette majoration bénéficierait à 53 % des familles monoparentales déjà bénéficiaires du CMG, soit potentiellement près de 44 000 familles, pour un gain mensuel moyen de 70 euros par enfant gardé.

Les familles monoparentales bénéficiaires de la mesure proposée par le présent article seraient ainsi réparties :

 

Type de CMG

Nombre de familles monoparentales bénéficiaires

CMG « emploi direct » d’un assistant maternel

35 965

CMG « emploi direct » d’une garde à domicile

3 607

CMG « structure »

4 227

TOTAL

43 799

Source : Direction de la sécurité sociale

La mesure proposée par le présent article entraîne donc un gain financier conséquent pour de nombreuses familles monoparentales, qui, du fait de leur isolement, peuvent éprouver plus de difficultés pour la garde de leurs enfants. Elle contribuera à encourager l’activité professionnelle des parents isolés et leur permettra ainsi de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.

Le II étend la mesure proposée par le présent article à Saint-Pierre-et-Miquelon, en modifiant le 6° de l’article 11 de l’ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au développement de Saint‑Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales.

Le b) et le c) du du II rendent respectivement applicables à la collectivité d’Outre-mer l’article L. 531-5 du code de la sécurité sociale, relatif au CMG « emploi direct », et l’article L. 531-6 du même code, relatif au CMG « structure », dans leur rédaction résultant du présent article.

Le III précise que le présent article doit entrer en vigueur le 1er octobre 2018 pour les gardes d’enfants réalisées à compter de cette date.

Le rapporteur général veillera à ce que le décret complétant l’article D. 531-23-1 du code de la sécurité sociale pour fixer le taux de la majoration du CMG à 30 % soit bien pris avant cette date, permettant ainsi l’entrée en vigueur effective du dispositif.

*

La commission adopte larticle 25 sans modification.

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*     *

Article 26
Harmonisation des barèmes et des plafonds de la PAJE et du complément familial

Cet article propose d’aligner le montant de l’allocation de base à taux plein de la prestation d’accueil du jeune enfant, ainsi que les plafonds de ressources pour en bénéficier, sur ceux du complément familial.

Par ailleurs, les montants de l’allocation de base et de la prime à la naissance ou à l’adoption seront désormais revalorisés chaque année, alors qu’ils étaient gelés depuis 2014.

1.   Le droit existant

a.   L’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant

L’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) est une aide financière destinée aux parents d’un ou plusieurs enfants de moins de trois ans. Définie à l’article L.  531-3 du code de la sécurité sociale, elle est versée sous condition de ressources, les plafonds de revenus pour pouvoir bénéficier de l’allocation de base variant à la fois en fonction du nombre d’enfants (+ 5 415 euros par enfant supplémentaire) et de la structure du foyer (couple avec un seul revenu, couple avec deux revenus, parent isolé).

Le montant de l’allocation à taux plein s’élève, au 1er avril 2017, à 184,62 euros. Le montant de l’allocation à taux partiel s’élève, à la même date, à 92,31 euros, soit la moitié de l’allocation de base.

Montants de l’allocation de base de la Paje
pour les enfants nés depuis avril 2014

Nombre denfants
à charge

Revenus pour un couple avec
un seul revenu

Revenus pour un couple
avec deux revenus ou
pour un parent isolé

Montant

1 enfant

Moins de 30 027 €

Moins de 38 148 €

184,62 €

Entre 30 027 € et 35 872 €

Entre 38 148 € et 45 575 €

92,31 €

2 enfants

Moins de 35 442 €

Moins de 43 563 €

184,62 €

Entre 35 442 € et 42 341 €

Entre 43 563 et 52 044 €

92,31 €

3 enfants

Moins de 40 857 €

Moins de 48 978 €

184,62 €

Entre 40 857 € et 48 810 €

Entre 48 978 € et 58 513 €

92,31 €

Source : service-public.fr

L’allocation de base est versée tous les mois, à partir du premier jour du mois suivant la naissance de l’enfant et jusqu’à son troisième anniversaire. Les enfants adoptés ouvrent aussi droit au bénéfice de cette aide : elle est alors versée pendant trois ans, tant que l’enfant est âgé de moins de 20 ans.

Au 31 décembre 2016, la CNAF comptait 1,56 millions d’allocataires de l’allocation de base à taux plein et 1,52 millions d’allocataires de l’allocation de base à taux réduit.

b.   Le complément familial

Défini aux articles L. 521-1 à L. 521-3 du code de la sécurité sociale, le complément familial est une aide financière versée sous condition de ressources aux parents ayant au moins trois enfants à charge, âgés de plus de trois ans et de moins de 21 ans.

Le montant de base du complément familial sélève à 169,02 euros. Comme pour lallocation de base de la PAJE, les plafonds de ressources ouvrant droit à cette allocation varient en fonction du nombre denfants à charge et de la structure du foyer (couple avec un seul revenu, couple avec deux revenus, parent isolé).

Plafonds de ressources applicables au complément familial en 2017

Plafonds de ressources

Enfants à charge

Couple avec 1 revenu

Couple avec 2 revenus

Parent isolé

3 enfants

37 705 €

46 125 €

46 125 €

4 enfants

43 989 €

52 409 €

52 409 €

Par enfant supplémentaire

6 284 €

6 284 €

6 284 €

Source : service-public.fr

Un montant majoré de 236,70 euros (+ 67,68 euros par rapport au complément familial de base) est versé aux familles dont les revenus ne dépassent pas le plafond suivant :

Plafonds de ressources applicables au complément familial Majoré en 2017

Plafonds de ressources

Enfants à charge

Couple avec 1 revenu

Couple avec 2 revenus ou parent isolé

3 enfants

18 856 €

23 066 €

4 enfants

21 999 €

26 209 €

Par enfant supplémentaire

3 143 €

3 143 €

Source : service-public.fr

c.   La LFSS pour 2014 prévoyait un alignement progressif du montant de l’allocation de base de la PAJE sur celui du complément familial

L’article 74 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoyait d’aligner de façon progressive le montant de l’allocation de base de la PAJE sur le montant du complément familial non majoré.

En 2013, le montant mensuel de l’allocation de base de la PAJE était supérieur de 17,28 euros à celui du complément familial. Or, conformément à l’article L. 532-1 du code de la sécurité sociale, l’allocation de base de la PAJE n’est pas cumulable avec le complément familial. Pour une famille de trois enfants ou plus, au troisième anniversaire de l’enfant au titre duquel l’allocation de base est versée, le complément familial est donc censé « prendre le relais ». Toutefois, le changement de prestations se traduit par une diminution de l’aide versée et par une modification des plafonds de ressources, ce qui peut exclure certaines familles du bénéfice du complément familial, alors même qu’elles bénéficiaient de l’allocation de base, le complément familial étant attribué sous un plafond de ressources plus bas que l’allocation de base.

Il a donc été décidé par la précédente majorité de maintenir le montant de l’allocation de base de la PAJE à son niveau actuel – soit 184,62 euros, sans application, chaque 1er avril des années à venir, des règles de revalorisation définies à l’article L. 551-1 du code de la sécurité sociale, jusqu’à ce que le montant du complément familial, revalorisé chaque année en fonction de l’évolution de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF), atteigne le niveau de l’allocation de base. La durée de la transition était alors estimée à six ans.

Le montant du complément familial a néanmoins connu une augmentation bien plus faible que ce qui avait été anticipé, en raison d’une très faible évolution de la BMAF ([270]). Le montant du complément familial au 1er avril 2017 a en conséquence augmenté de seulement 1,68 euros par rapport à son montant en vigueur au 1er avril 2013.

Dès lors, l’alignement des montants des deux prestations n’a pas pu être réalisé, l’objectif d’une plus grande cohérence et d’une meilleure lisibilité entre les deux prestations – allocation de base de la PAJE et complément familial – n’ayant ainsi pas pu être atteint.

2.   Le dispositif proposé

Ces deux allocations ayant, dans un grand nombre de situations, vocation à se succéder, le présent article propose daligner le montant de lallocation de base à taux plein sur celui du complément familial, ainsi que les plafonds de ressources pour en bénéficier.

Le b) du du I complète ainsi larticle L. 531-3 du code de la sécurité sociale, relatif à lallocation de base de la PAJE, par un alinéa précisant que « le plafond de ressources et le taux servant au calcul de lallocation de base versée à taux plein sont identiques à ceux retenus pour lattribution du complément familial ». Le a) supprime en conséquence le renvoi à un décret pour fixer le plafond de ressources en dessous duquel lallocation de base est versée à taux plein.

Cette disposition suppose dabroger, conformément au II, le III de larticle 74 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 qui prévoyait lalignement progressif des montants du complément familial et de lallocation de base à taux plein par gel du montant de cette dernière allocation.

a.   Lalignement des montants de lallocation de base et du complément familial

Le montant de l’allocation de base de la PAJE s’élève actuellement à 184,62 euros, alors que celui du complément familial est de 169,02 euros, soit 15,60 euros de moins.

Lalignement des montants entraîne donc une baisse de lallocation de base à taux plein de 15,60 euros. Par ailleurs, le montant de l’allocation de base à taux partiel étant égal à la moitié de celui de l’allocation à taux plein, en application de larticle D. 531-1, il doit diminuer de 7,80 euros.

b.   Lalignement des plafonds de lallocation de base et du complément familial

Les plafonds de revenus applicables à l’allocation de base à taux plein et au complément familial non majoré diffèrent dans leur niveau, mais également dans leur structure, puisque le complément familial est versé aux familles de trois enfants ou plus.

Plafonds de ressources applicables à l’allocation de base de la PAJE et au complément familial en 2017

 

Allocation de base à taux plein

Complément familial

Nombre denfants

Couple monoactif

Couple biactif/parent isolé

Couple monoactif

Couple biactif/parent isolé

1 enfant

30 027

38 148

26 184

34 604

2 enfants

35 442

43 563

31 421

39 841

3 enfants

40 857

48 978

37 705

46 125

4 enfants

46 272

54 393

43 989

52 409

Source : Étude d’impact.

L’alignement des plafonds conduit à légèrement resserrer les conditions d’accès à l’allocation de base. D’après l’étude d’impact, « il est estimé que le resserrement des conditions daccès ne concernera que 4 % des ménages qui auraient été éligibles sans cette réforme à lallocation de base […]. En outre, 6 % des ménages qui auraient été éligibles sans la réforme à lallocation de base à taux plein le seront à taux partiel ». Seuls les bénéficiaires de l’allocation de base aux revenus les élevés ne seront plus éligibles au dispositif : davantage ciblé sur les revenus les plus faibles, le caractère redistributif de l’allocation se trouve donc renforcé.

Les plafonds de revenus applicables à l’allocation de base à taux partiel sont, conformément à l’article L. 531-3 du code de la sécurité sociale, identiques à ceux applicables pour la prime à la naissance ou à l’adoption. Ils s’élèvent actuellement à 119,47 % du plafond de l’allocation de base à taux plein.

Le du I propose de maintenir cet écart en précisant, à l’article L. 531-2 du code de la sécurité sociale, que le montant du plafond de revenus applicable à la prime à la naissance ou à l’adoption est fixé par référence au plafond applicable à l’allocation de base à taux plein. L’étude d’impact précise que le resserrement des conditions d’accès à la prime à la naissance ou à l’adoption qui en résulte ne concernera que 6 % des ménages, qui auraient été éligibles à cette prime sans la réforme.

Le deuxième alinéa du II précise que les modifications proposées par le présent article, relatives au montant et aux plafonds de ressources de lallocation de base et au plafond de la prime à la naissance ou à ladoption ne sappliquent quau titre des enfants nés ou adoptés à compter du 1er avril 2018.

De ce fait, les droits acquis au titre des enfants nés avant ou adoptés avant le 1er avril 2018 ne sont pas modifiés par le présent article.

c.   La revalorisation annuelle de lallocation de base et de la prime à la naissance ou à ladoption

Le présent article prévoit par ailleurs une revalorisation annuelle des montants de lallocation de base de la PAJE et de la prime à la naissance ou à ladoption, qui étaient gelés depuis 2014.

À cette fin, le premier alinéa du II abroge le III de larticle 74 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, disposition qui avait gelé les montants de lallocation de base de la PAJE et de la prime à la naissance ou à ladoption.

L’article L. 551-1 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que le montant des prestations familiales est déterminé d’après la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF), revalorisée chaque année au 1er avril selon l’inflation, sera donc désormais applicable à ces deux prestations.

Le III du présent article prévoit que cette revalorisation ne sapplique quaux prestations dues au titre des enfants nés ou adoptés à compter du 1er avril 2018, lallocation de base étant maintenue à son niveau actuel pour les autres enfants.

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La commission est saisie des amendements identiques AS3 de M. Xavier Breton, AS66 de M. Gilles Lurton, AS148 de M. Joël Aviragnet, AS153 de M. Pierre Dharréville et AS234 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Xavier Breton.  L’article 26 prévoit une harmonisation du barème et des plafonds de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) et du complément familial. Une telle disposition pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, le complément familial n’est versé qu’aux familles de trois enfants et plus. Est-ce à dire que la PAJE ne serait plus versée pour un premier ou un deuxième enfant ?

D’autre part, aucune précision n’est apportée sur la base des plafonds, qui sont beaucoup plus bas pour le complément familial que pour la PAJE ; ainsi, près de 30 % des familles pourraient être exclues de ce dispositif.

Enfin, pour toutes les familles ayant un enfant à naître en 2018, l’allocation de base de la PAJE diminuera de 16 euros, soit une baisse de 8 %, sachant que cette allocation calculée en fonction des revenus est perçue par 85 % des familles. Autrement dit, la majorité des familles seront pénalisées.

Pour ces trois raisons, nous proposons par l’amendement AS3 de supprimer l’article.

M. Gilles Lurton. J’ai beaucoup de mal à comprendre la justification de cet article. Après cinq années de coups de rabot portés à la politique familiale, des sommes considérables – plus de 4 milliards d’euros – ayant été retirées aux familles même si l’on nous dit aujourd’hui que la branche familles est à l’équilibre – l’inverse serait inquiétant, étant donné toutes les économies réalisées –, Mme la ministre nous propose dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale de diminuer de 16 euros par mois le montant de la PAJE. Dans le même temps, elle nous dit vouloir favoriser les modes de garde d’enfant, développer les modes d’accueil, les crèches et toutes les autres solutions susceptibles de faciliter la vie des parents d’enfants en bas âge. Comment se fait-il donc qu’elle décide de diminuer d’autant cette prestation ?

Cela reviendrait à réaliser une économie de près de 500 millions d’euros en trois ans sur le dos de ces jeunes familles. Sur ce montant, seuls 90 millions seront reversés aux familles monoparentales, comme le prévoit l’article 25 qui n’a pas fait l’objet d’amendements, puisque le complément de libre choix du mode de garde n’est versé aux familles monoparentales à faibles ressources que si elles dépensent un minimum de frais de garde par mois. Or, ce minimum est assez important puisque selon mes calculs, il correspond à environ 600 euros mensuels pour une famille percevant un revenu de 1 200 ou 1 300 euros. Je connais peu de familles qui peuvent se permettre ce genre de frais de garde. C’est pourquoi je propose, par l’amendement AS66, de supprimer l’article 26 du projet de loi.

Mme Éricka Bareigts. Nous demandons également par l’amendement AS148 la suppression de cet article car, pour plusieurs raisons, nous peinons à comprendre les propositions du Gouvernement sur ce sujet. Outre la diminution du montant de l’allocation, il est également proposé de réviser les plafonds de ressources. En fin de compte, les familles vont perdre 15 euros et, en revisitant les plafonds d’entrée dans cette prestation, nous allons exclure 150 000 familles qui en seront privées. Or, la PAJE ne concerne pas les familles aisées mais des familles modestes de la classe moyenne. Nous allons donc toucher les familles et, par voie de conséquence, les enfants.

Pour nous, cette mesure est donc essentiellement de nature budgétaire : elle vise à réaliser sur le dos de ces familles une économie de 500 millions d’euros en trois ans, ce qui est considérable et injuste.

M. Pierre Dharréville. L’article 26 prévoit l’alignement des plafonds de ressources et des montants de l’allocation de base de la PAJE sur ceux, plus bas, du complément familial. Ainsi, le montant de l’allocation de base de la PAJE versée sous conditions de ressources baissera de 184 à 169 euros par mois, pour une économie attendue de 500 millions d’euros. Après l’instauration de la modulation des allocations familiales en 2015, cette nouvelle mesure va pénaliser les familles, notamment les familles populaires, alors même que les comptes de la branche famille sont excédentaires de 300 millions d’euros en 2017. Voilà pourquoi nous demandons par l’amendement AS153 la suppression de cet article.

M. Jean-Hugues Ratenon. Par cet article, le Gouvernement prétend harmoniser le montant de lallocation de base versé à taux plein avec le complément familial. « Harmoniser » est un bien joli mot pour parler dune mesure qui fera perdre 15 euros de pouvoir dachat à la grande majorité des familles percevant actuellement le complément familial. Lexposé des motifs de larticle ne mentionne pas une seule fois cette baisse pour un grand nombre de familles.

Nous avons fait les calculs : pour les familles ayant des enfants nés ou adoptés à partir du 1er juillet 2018, le montant de l’allocation de base de la PAJE est de 184 euros par mois à taux plein. Ce montant sera aligné sur ceux du complément familial qui, dans l’ensemble, sont moins favorables, puisque le montant de cette allocation s’élève à 169 euros par mois pour les ménages ayant un enfant de moins de trois ans à charge et des revenus inférieurs à un certain plafond, et à 236,70 euros pour certains ménages très précaires.

Si nous saluons l’augmentation accordée aux ménages très précaires, nous condamnons les pertes causées par cet alignement pour la majorité des familles. Nous vous rappelons que la sécurité sociale est un système d’assurance sociale universelle destiné à l’ensemble de la population. Par ailleurs, la bonne situation financière de la branche famille ne justifie aucunement cet alignement à la baisse. Nous nous opposons donc à cette mesure par l’amendement AS234.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Comme toutes les politiques sociales, la politique familiale est indispensable dans notre pays. Nous avons besoin d’une politique forte en faveur de la natalité ; d’ailleurs, l’État consacre chaque année près de 70 milliards aux familles dans toute leur diversité, qu’elles soient dans la richesse ou dans la pauvreté, car notre système de soutien aux familles est universel et le restera.

La création dune mission dinformation parlementaire a été annoncée il y a quelques jours afin de revisiter lensemble des prestations familiales, en concertation, notamment, avec les associations familiales. Plus dune vingtaine de prestations sont versées aux familles ; certaines le sont en fonction des revenus perçus un ou deux ans auparavant ou pendant lannée en cours selon les cas. Sur les 70 milliards consacrés aux familles, près de 13 milliards le sont via les allocations familiales et bien dautres sommes le sont à travers diverses prestations.

L’article précédent n’a pas été examiné faute d’amendements, mais nous avons adopté l’augmentation du complément de libre choix de mode de garde destiné aux mères isolées ayant un ou plusieurs enfants à charge. Vous dites, monsieur Lurton, qu’une famille doit engager 600 euros de frais de garde. Sur 600 euros engagés, savez-vous combien il restera in fine à la charge d’une mère isolée ayant plusieurs enfants ? Moins de 90 euros à la fin du mois. C’est précisément tout l’intérêt de la mesure, qu’il faut au contraire saluer ! Nous gommons ainsi les inégalités d’accès aux modes de garde et permettons notamment aux mères isolées avec enfant de retrouver ou ne pas perdre une activité professionnelle.

Notre collègue Guillaume Chiche, une fois nommé co-rapporteur de la mission d’information, aura donc la lourde tâche de mener la concertation et d’envisager l’éventuelle modernisation de notre politique familiale mais, je le rappelle, dans l’optique de conserver une forte politique de natalité pour les ménages français.

Permettez-moi de vous rassurer, Monsieur Breton : l’allocation de base de la PAJE ne sera pas versée qu’à la naissance du troisième enfant et demeurera allouée dès la naissance du premier enfant, comme c’est déjà le cas ; les règles ne changent pas. Il s’agit d’une mesure technique qui consiste à fixer le plafond de revenus des familles à un niveau identique selon que l’enfant a plus ou moins de trois ans. De ce point de vue, on peut s’interroger sur la pertinence des écarts de plafonds selon que l’enfant ait deux ans ou passé trois ans. J’insiste sur un point : aucune famille avec enfant ne subira de réduction des aides déjà versées puisque la mesure ne concernera que les enfants nés à partir de juin 2018.

Cela étant, nous sommes obligés chaque année de prendre des décisions pour pérenniser, moderniser et renforcer notre système de protection sociale afin que nos enfants et nos petits-enfants puissent demain s’enorgueillir de disposer encore d’un système de protection sociale qui fait notre fierté dans le monde. Toutes les décisions ne sont pas forcément consensuelles : la preuve, cet article fait l’objet de six amendements de suppression. Encore une fois, examinons la politique sociale de notre pays d’un point de vue global et travaillons ensemble dans le cadre de la mission d’information parlementaire pour enrichir davantage le soutien de l’État aux familles. Avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Gilles Lurton. Je maintiens que la mesure relative au complément de libre choix de mode de garde ne touchera qu’un très faible nombre de familles, car il n’y a que très peu de familles à bas revenus qui engagent assez de frais de garde pour bénéficier de cette prestation. Autrement dit, cette mesure sera totalement inopérante.

D’autre part, je comprends et j’approuve, monsieur le rapporteur général, la nécessité de trouver les moyens de pérenniser notre système de protection sociale, mais pourquoi, budget après budget depuis cinq ans, est-ce toujours la branche famille qui trinque ?

M. Francis Vercamer. J’ai déposé un amendement malheureusement déclaré irrecevable qui visait à généraliser l’expérimentation ouverte par l’article 31 de la loi du 4 août 2014 consistant pour la caisse d’allocations familiales à verser directement le complément de libre choix de mode de garde à l’assistante maternelle agréée plutôt que de laisser le parent employeur avancer les frais comme c’est le cas actuellement, ce qui freine le recours aux modes de garde puisque certaines familles ne peuvent pas avancer ces sommes. Je suppose que cet amendement a été retoqué au motif qu’il entraînerait une dépense, alors que je n’y vois qu’un simple transfert de bénéficiaires. Quel est votre avis sur ce point, monsieur le rapporteur général ?

Mme Éricka Bareigts. J’entends derrière les propos de M. le rapporteur des mesures d’ordre plutôt budgétaire. Or la branche famille est excédentaire. D’autre part, vous comparez les mesures prises concernant les frais de garde, qui vont certes dans le bon sens mais concernent pour l’essentiel les familles monoparentales, à la PAJE qui concerne aussi des couples ; ce n’est pas la même chose. Vous annoncez une mission d’information pour faire le point sur l’état de l’ensemble des prestations. Attendons donc les conclusions de la mission d’information, faisons le point et prenons les mesures à la lecture de ce qui nous sera rendu ! Cette méthode permet de faire moins d’erreurs et de prendre des mesures moins dures pour les familles qui ne comprennent pas toujours pourquoi certaines prestations diminuent de manière injuste.

M. le rapporteur général. L’expérimentation de 2014 à laquelle vous faites référence, monsieur Vercamer, n’a, semble-t-il, pas remporté un grand succès et, en tout état de cause, l’amendement que vous avez déposé n’était pas recevable pour des questions de forme. Rien ne vous empêche de participer à la mission d’information et d’y prôner la relance de cette expérimentation ou de demander des informations supplémentaires.

La mesure relative au complément de libre choix de mode de garde qui, je le rappelle, augmentera sensiblement pour les mères isolées ayant des enfants, concernera tout de même 44 000 familles ; elle n’est donc pas marginale, d’autant plus qu’elle s’adresse à des mères seules qui, au quotidien, galèrent pour faire garder leurs enfants et conserver une activité professionnelle.

Vous ayant déjà répondu, madame Bareigts, je ne reprendrai pas l’ensemble de mon raisonnement. Je confirme mon avis défavorable à ces amendements de suppression.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle examine lamendement AS183 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Nathalie Elimas. Comme les précédents, cet amendement vise également à supprimer larticle 26 à une nuance près : plutôt que de supprimer lintégralité de larticle, nous demandons la suppression des alinéas 1 à 8 relatifs à la PAJE afin de conserver lalinéa 9 qui porte sur le dégel de la prime de naissance.

M. le rapporteur général. Pour toutes les raisons que j’ai expliquées à l’instant et tout en comprenant que cette mesure fasse débat – le débat étant précisément la raison de notre présence ici –, je ne peux qu’émettre un avis défavorable à votre amendement, madame Elimas.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 26 sans modification.

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Après l’article 26

La commission examine lamendement AS69 de M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. L’article L. 531-2 du code de la santé publique dispose qu’une prime à la naissance est allouée pour chaque enfant à naître avant la naissance de l’enfant. Or, en décembre 2014, la ministre de l’époque, Mme Touraine, a décidé que cette prime serait versée dans les deux mois qui suivent la naissance. Je l’avais alors interrogée sur les motifs de cette décision : il ne s’agissait que d’une décision de trésorerie. Nous savons pourtant tous que les besoins des parents se manifestent avant la naissance de l’enfant : c’est pendant la grossesse que les futurs parents doivent faire les achats nécessaires afin d’aménager une chambre ou de se procurer les vêtements et autres fournitures dont l’enfant aura besoin à sa naissance. Le versement de l’allocation deux mois après la naissance est donc tardif par rapport aux besoins des familles. C’est pourquoi l’amendement AS69 vise à rétablir le versement de la prime de naissance avant la naissance, précisément, étant entendu que les caisses d’allocations familiales font preuve d’une grande souplesse sur ce point en faisant en sorte de verser la prime en amont aux familles qui se trouvent en grande difficulté. Il me semble normal que le versement de la prime avant la naissance redevienne le régime général, conformément au code de la sécurité sociale.

M. le rapporteur général. Sur le fond, monsieur Lurton, je mentirais en prétendant que je ne suis pas d’accord avec vous : il est en effet cohérent que la prime de naissance soit attribuée aux familles avant la naissance de leur enfant plutôt qu’après. Plusieurs d’entre nous avons des enfants en bas âge et savons les dépenses qu’il faut engager à cette occasion.

Cela étant, votre amendement a été jugé recevable au titre de l’article 40 alors même que ses conséquences pèsent 200 millions d’euros sur la branche famille, un montant qui déséquilibrerait d’un seul coup le budget de la branche et l’équilibre des mesures que nous examinons aujourd’hui. Tout en partageant votre objectif, l’enjeu financier de votre amendement me paraît nécessiter un avis défavorable. Je rappelle toutefois que les familles qui le souhaitent ont la possibilité de contracter un prêt auprès des caisses d’allocations familiales avant la naissance de leur enfant lorsqu’elles sont en difficulté, afin d’emprunter tout ou partie du montant de la prime de naissance qu’elles sont en droit de percevoir. Nous pourrons également travailler sur ce système d’avance d’allocation que proposent les CAF, par exemple dans le cadre de la mission d’information parlementaire qui débutera bientôt ses travaux. C’est une proposition que nous pouvons formuler en tant que parlementaires. En attendant, pour respecter l’équilibre du budget dont nous sommes tous ici les garants, je dois émettre un avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Permettez-moi d’apporter mon soutien à l’amendement de M. Lurton dont les arguments m’ont convaincu. Vous nous avez dit, monsieur le rapporteur général, que cet amendement est passé entre les gouttes de l’article 40 ; ce n’est pas si fréquent, alors profitons-en et prenons ensemble une bonne décision ! De surcroît, le dispositif que vous avez évoqué me semble peu efficace pour répondre aux questions soulevées par M. Lurton.

M. Gilles Lurton. Je suis d’accord, monsieur le rapporteur général, avec votre argument concernant la mission d’information qui devra remettre l’ensemble de ces mesures à plat, mais il valait aussi pour l’article précédent, dont il aurait donc fallu accepter les amendements de suppression. Puisque la majorité a fini par adopter cet article, nous économiserons 500 millions d’euros au titre de la branche famille ; il me semblerait normal qu’une partie de ce montant revienne à la branche elle-même.

M. le rapporteur général. Il n’est pas exact, monsieur Lurton, de dire que la mesure précédente se traduira par 500 millions d’euros d’économies. Cet argent, en effet, ne sera pas décaissé, mais ce n’est pas comparable à une mesure de rabot sur des politiques sociales en vigueur. Ce n’est donc pas une mesure d’économie stricto sensu.

Je ne connais pas, monsieur Dharréville, le nombre de familles qui ont sollicité un prêt auprès des CAF. Avant de considérer que le dispositif nest pas efficient, sans doute convient-il de se renseigner auprès de la caisse nationale dallocations familiales – je peux solliciter son directeur en ce sens – afin dobtenir cette donnée et revenir vers vous ensuite. En tout état de cause, je rappelle que cette mesure coûterait 200 millions deuros, ce qui me semble excessif.

Mme Martine Wonner. Nous sommes tous très sensibles à cette question et il nous faut en quelque sorte choisir entre le cœur et la raison. Sans surprise, j’irai dans le sens du rapporteur général, tout en gardant un œil très attentif sur ce qu’il vient de nous indiquer quant à l’évaluation attendue par la mission d’information. Nous devons en effet disposer de données concrètes sur l’accessibilité au prêt et le nombre de personnes qui y accèdent pour imaginer, en fonction des conclusions de la mission, comment nous pourrons inclure cette mesure dans le prochain PLFSS.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je soutiens quant à moi l’amendement de M. Lurton tant il me paraît évident que les frais à engager doivent l’être avant la naissance de l’enfant. D’autre part, je ne comprends pas bien comment cet amendement pourrait entraîner un surcoût de 200 millions d’euros puisque les sommes en question doivent de toute façon être versées.

M. Thomas Mesnier. Nous ne sommes certes pas à la commission des finances mais nous devons tout de même être responsables de l’équilibre budgétaire. Or cette mesure, même si elle fait consensus, entraînerait la première année un effet de trésorerie qui se traduirait par une perte financière. On ne peut donc hélas pas y donner suite dans le présent PLFSS, mais nous la soutiendrons dans le cadre de la mission d’information afin de l’intégrer dans le PLFSS de l’année prochaine.

M. Jean-Carles Grelier. En effet, nous ne sommes pas à la commission des finances mais, précisément, à la commission des affaires sociales, qui sont notre objet. Après deux années de baisse de la natalité en France, selon l’Institut national d’études démographiques, je suis très surpris que vous ne soyez pas plus punchy, si j’ose dire, en matière de politique familiale. Chaque année passée est une année perdue pour la démographie de notre pays. Ce sont des années que nous paierons très cher dans un avenir proche, qu’il s’agisse du rapport entre les cotisants et les retraités ou de la collecte des cotisations salariales et familiales. Je ne vois donc pas pour quelle raison il faudrait de nouveau différer une mesure ou créer une mission d’information. La proposition de Gilles Lurton, finalement, est une proposition de bon sens qui envoie un signal fort aux familles. Quand bien même nous serions les comptables de ce budget qui relève aussi de notre responsabilité, nous sommes avant tout chargés des affaires sociales et familiales. À ce titre, j’estime que nous ne pouvons pas différer sans cesse, année après année, qu’il s’agisse de ce sujet, du grand âge ou d’autres questions relatives à la solidarité. Nous sommes aussi là pour apporter des solutions. En l’occurrence, nous sommes saisis d’une solution facile et de bon sens qu’il n’y aurait aucune raison de rejeter, surtout pour des motifs exclusivement budgétaires.

M. Gilles Lurton. Les caisses d’allocations familiales connaissent parfaitement le nombre de familles qui ont pu bénéficier de prêts puisqu’elles abordent cette question à chaque audition depuis déjà deux ans. Elles n’opposent donc aucune difficulté quand les familles les demandent. Le problème est toujours le même, cependant : certaines familles demandent et obtiennent tandis que d’autres, avisées qu’elles peuvent présenter une demande, restent chez elles en toute humilité, font face avec les moyens dont elles disposent et renoncent à demander une aide à laquelle elles pourraient pourtant prétendre.

M. Laurent Pietraszewski. Plusieurs collègues mettent en avant le bon sens qui anime la proposition de M. Lurton, et j’entends l’enthousiasme qu’elle suscite, notamment par le signal qu’elle donne au regard de notre politique familiale, mais le rapporteur général ne lui a pas opposé une fin de non-recevoir. Nous sommes aussi tenus par une responsabilité en matière d’équilibres financiers. Le rapporteur général nous propose non pas de reporter la mesure sine die mais d’attendre que la mission d’information, dont c’est la responsabilité, se pose certaines questions sur la politique familiale. Cet amendement suscite a priori l’intérêt des parlementaires : allons au bout de ce sujet dans le cadre de la mission. Il y a des mesures que nous pouvons construire ensemble, y compris sur des sujets d’importance comme la politique familiale.

M. Joël Aviragnet. Cette mesure est tout à fait importante pour les familles qui en ont besoin, et nous voterons pour.

M. Pierre Dharréville. Je décevrai peut-être M. Lurton et rassurerai du même coup la commission en disant que cette mesure n’est tout de même pas révolutionnaire. D’autre part, lorsqu’on établit des droits, il est toujours problématique de forcer les personnes concernées à devoir les quémander. Il faut aller au bout de la démarche et établir ce droit dès le premier jour. Enfin, la branche famille est excédentaire : nous avons donc les moyens d’honorer cette proposition.

M. le rapporteur général. Si la mesure coûte 200 millions d’euros, c’est parce qu’elle constitue une avance de trésorerie. J’entends que le groupe Nouvelle Gauche souhaite son adoption mais, en 2014, ce sont les députés du groupe socialiste de l’époque qui ont inséré la disposition inverse dans la loi pour des raisons de respect de l’équilibre budgétaire. Je le dis sans reproche ni esprit provocateur : chacun a le droit d’évoluer. Je veux simplement indiquer que nous ne tenons pas le rôle de la méchante majorité qui supprime des droits, mais que nous débattons d’une mesure instaurée il y a trois ans, sur laquelle une partie de la commission voudrait désormais revenir ; dont acte. Il existe toutefois des dispositions que j’ai citées, comme les avances de trésorerie grâce aux prêts consentis par les CAF. D’autre part, je ne peux que rappeler l’équilibre budgétaire. On pourrait dresser une liste très longue du nombre de mesures de bon sens qui visent à améliorer la protection sociale des Français par catégorie, dans la branche famille, la branche vieillesse ou la branche santé, mais dont le coût nous oblige à ne pas les adopter. Je vous rappelle donc à notre engagement de sérieux budgétaire pour pérenniser et conforter le modèle social, de sorte que ceux qui nous succèderont puissent encore profiter d’un système de protection sociale efficient. Avis défavorable.

M. Boris Vallaud. Je comprends la préoccupation d’équilibre des finances publiques mais, selon le projet de loi de programmation des finances publiques, les régimes sociaux devraient en fin de quinquennat être excédentaires de 25 milliards d’euros qui seront transférés vers l’État – ce qui, en réalité, privera ceux qui auront fait des efforts de la juste redistribution de ces excédents qui ne relèveront donc plus des comptes sociaux. Autrement dit, l’argument concernant une branche qui, de surcroît, est déjà excédentaire, ne tient pas.

La commission rejette lamendement.

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Article 27
Objectif de dépenses de la branche famille

Cet article porte approbation de l’objectif de dépenses de la branche famille pour l’année 2018, tels qu’il ressorterait de l’adoption des dispositions du projet de loi, et notamment des dispositions du titre Ier de la quatrième partie.

● Cette branche étant intégralement prise en charge par le régime général qui assure le versement de prestations pour l’ensemble des autres régimes obligatoires, il n’existe qu’un seul objectif voté chaque année.

L’objectif de dépense de la branche famille est fixé par cet article à 49,7 milliards d’euros pour l’année 2018, soit 100 millions d’euros de plus qu’en 2017.

● Cet objectif est légèrement inférieur au volume de dépense tendanciel tel qu’il ressort du rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale du 28 septembre dernier (50,2 milliards d’euros).

Le tableau ci-dessous illustre les conséquences des mesures nouvelles dans ce différentiel.

niveau de dépenses tendanciel (en milliards)

50,2

Mesures nouvelles

Effet sur les comptes

Alignement du plafond et du montant de la PAJE

– 0,1

Modération de la progression du FNAS

– 0,2

CMG Familles monoparentales

+ 0,01

CMG Droit à l’erreur

+ 0,01

Mesures de maîtrise des dépenses de gestion courante

– 0,1

Lutte contre la fraude aux prestations

– 0,1

OBJECTIF DE DEPENSES 2018

49,7*

Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, à partir des annexes du PLFSS 2018

* sous réserve de règles d’arrondis

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La commission examine lamendement AS68 de M. Gilles Lurton.

M. Alain Ramadier. L’objectif de dépenses de la branche famille est inférieur de 200 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Les prévisions retenues tiennent compte de la modulation des allocations familiales qui représente une économie de 760 millions d’euros. Cette très mauvaise mesure, qui a été dénoncée par les députés du groupe Les Républicains comme la première étape vers la suppression de l’universalité des allocations familiales, pénalise les familles avec enfants. En outre, elle sert de prétexte à ceux qui veulent remettre en cause ce qui constitue pourtant l’un des piliers de notre système de protection sociale, qui repose sur la solidarité des bien-portants envers les malades et des familles sans enfant envers les familles avec enfants. Notre système de retraites, quant à lui, repose sur la solidarité entre les générations, les actifs payant la retraite de la génération précédente.

Revenir sur cette solidarité remettrait en cause le système. C’est une bien mauvaise nouvelle pour notre pays. Il faut espérer que ce n’est pas une conséquence funeste de la mise à bas de la politique familiale par la majorité précédente. L’amendement AS68 vise donc à supprimer symboliquement cet article, puisque l’article 40 de la Constitution ne permet pas de déposer un amendement supprimant la modulation des allocations familiales.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Hier soir, la commission a voté les tableaux d’équilibre aux articles 20 et 21 ; ne rejouons donc pas ce matin le match d’hier en matière d’équilibre budgétaire par branche, y compris les objectifs de dépenses de la branche famille.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 27 sans modification.

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Après l’article 27

La commission examine lamendement AS28 de Mme Marine Brenier.

Mme Marine Brenier. Depuis le cas de la famille de Mohamed Merah, dont la sœur est partie en Syrie avec ses enfants, en 2014, le départ de nombreuses familles vers le Moyen-Orient est un phénomène inquiétant et intolérable qui nécessite une réponse ferme.

Le précédent ministre de l’intérieur l’a lui-même laissé sous-entendre lors de sa réponse à la question posée par le député Alain Marsaud, en mai 2014 : le contrôle de l’arrêt des versements des prestations sociales aux individus ayant quitté le sol français n’est pas infaillible.

Il est impensable que la France continue de maintenir des prestations sociales pour des ennemis de la République. C’est pourquoi il paraît indispensable de durcir la sanction à l’encontre de ces individus et de la rendre plus dissuasive.

Cet amendement propose en conséquence de supprimer les prestations sociales aux familles des individus ayant commis un acte terroriste.

M. le rapporteur général. Défavorable. Supprimer toutes les prestations familiales pour les familles dont l’un des membres a encouragé ou a été complice d’un terroriste me paraît pour le moins contestable.

Sur la forme, votre amendement n’est pas assez précis : d’une part, vous ne visez pas clairement la famille de l’individu que vous voulez sanctionner, d’autre part, nous ne savons pas qui appréciera l’implication dans une activité terroriste – la CAF, le juge, l’enquête policière ? Cela rend votre amendement inapplicable.

Sur le fond, si, pour reprendre l’exemple de l’exposé sommaire de votre amendement, une famille avec des jeunes enfants a été abandonnée par un père parti en Syrie, la punition que vous souhaitez infliger – la suppression des allocations familiales, de l’allocation de rentrée scolaire, ou des réductions de titre de transport – constitue une sorte de double peine. Si vous estimez que cela culpabiliserait le père qui pourrait renoncer à son projet terroriste, vous vous trompez : vous oubliez que ces gens n’ont aucun scrupule à donner la mort et qu’ils renoncent au bonheur de leurs enfants pour mourir en martyr. La privation d’allocations ne changera rien au parcours morbide de ceux qui partent faire le djihad.

Mme Albane Gaillot. Je suis assez choquée par cet amendement. Nous devons prôner une société plus solidaire. Rendre une famille responsable des actes terroristes commis par l’un de ses membres, c’est juste… ignoble.

M. Dominique Da Silva. Un mot pour atténuer celui de ma collègue, car je comprends le sens de l’amendement dès lors que de nombreux Français s’indignent du manque de responsabilité de certaines familles. Toutefois, je crains qu’une mesure trop générale, comme celle qui est proposée, qui touche indifféremment toute la famille, ne constitue finalement un terreau pour le djihadisme.

La commission rejette lamendement.

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titre ii
dispositions relatives à l’assurance vieillesse

Article 28
Revalorisation de lallocation de solidarité aux personnes âgées

L’article 28 vise à revaloriser l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) afin de la porter de 803 euros à 903 euros pour une personne seule – et de 1 246,97 euros à 1 402 euros pour un couple – en trois ans. Une augmentation identique s’appliquera aux allocations constitutives de l’ancien minimum vieillesse encore versées. Le plafond de ressources augmentera d’autant.

Le coût de la revalorisation est estimé à 525 millions d’euros, à partir :

– du montant de l’ASPA, qui correspond à une allocation différentielle versée pour compléter les ressources, jusqu’à l’atteinte du montant maximum ;

– du nombre de bénéficiaires, aujourd’hui de 550 300 personnes. L’augmentation de son montant y rendrait éligibles 46 000 allocataires supplémentaires.

La revalorisation de l’ASPA sera, dès 2019, avancée du 1er avril au 1er janvier de chaque année (en application de l’article 29 du projet de loi).

I.   Le droit en vigueur

● L’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) vise à garantir un niveau minimal de ressources aux personnes âgées résidant en France. Il s’agit d’une prestation vieillesse non contributive, attribuée sans contrepartie de cotisations.

Dénommée « minimum vieillesse » lors de sa création en 1956, cette allocation est devenue l’ASPA en 2006, avec l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance du 24 juin 2004 ([271]). L’objectif était alors de rassembler l’ensemble des dispositifs existants dans une allocation unique. Les allocations constitutives de l’ancien minimum vieillesse – avec en premier lieu l’allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS) – restent néanmoins versées aux allocataires en ayant bénéficié jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ASPA et n’ayant pas demandé l’obtention du nouveau dispositif.

● Régie par les articles L. 815-1 à L. 815-23 du code de la sécurité sociale, l’ASPA est :

– ouverte aux personnes âgées justifiant d’une résidence stable et régulière en France et ayant atteint un âge minimum, fixé à 65 ans à l’article R. 815-1 du code de la sécurité sociale. Cet âge peut néanmoins être abaissé dans des cas spécifiques, par exemple pour un assuré inapte au travail ou justifiant d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 50 % ;

– liquidée et servie par les régimes de base obligatoires d’assurance vieillesse auprès de leurs assurés respectifs. Toutefois, pour les personnes ne relevant d’aucun de ces régimes, un service dédié à l’ASPA – dit « SASPA » – est compétent. Confiée à la Caisse des dépôts et consignations, sa gestion sera transférée à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) au plus tard en 2020, aux termes de l’article 104 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2017 ([272]).

– financée, au titre de la solidarité nationale, par le fonds de solidarité vieillesse (FSV).

● Le niveau et le plafond d’éligibilité à l’ASPA, qui sont identiques, sont définis par décret ([273]) et revalorisés chaque année, au 1er avril, à partir de l’inflation constatée. La revalorisation du 1er avril 2017 a porté son montant à :

– 803,20 euros pour une personne seule ;

– 1 246,97 euros pour un couple.

II.   Le dispositif proposé

1.   La revalorisation sur trois ans de l’ASPA

L’article 28 prévoit la revalorisation de l’ASPA – et des allocations constitutives de l’ancien minimum vieillesse – en trois ans. Le plafond de ressources est revalorisé dans les mêmes conditions.

Cette augmentation relevant du domaine réglementaire, un décret d’application sera nécessaire pour définir le nouveau montant. L’étude d’impact de l’article précise néanmoins d’ores et déjà que l’ASPA augmenterait, pour une personne seule, de 30 euros en 2018 puis de 35 euros en 2019 et en 2020, passant ainsi de 803,30 euros à 903,30 euros. Les couples éligibles à l’ASPA bénéficieraient d’une augmentation identique de 12,4 % sur la période, passant de 1 246,97 à 1 402 euros.

Augmentation projetée de l’ASPA mensuelle (en euros)

Source : Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, à partir du projet de loi.

Le I de l’article pose le principe d’une revalorisation par décret sur la période 2018 – 2020. Le II prévoit un dispositif identique pour le cas spécifique de Mayotte.

Selon le Gouvernement, 46 000 nouveaux bénéficiaires devraient être éligibles à l’ASPA, s’ajoutant aux 550 300 allocataires actuels. Sur la base de cette projection, le coût de la revalorisation s’élèverait à 525 millions d’euros sur trois ans. Cette estimation, qui intègre l’inflation prévisionnelle, ne tient toutefois pas compte de l’avancement d’avril à janvier de la date de revalorisation annuelle de l’ASPA, prévu à l’article 29. Le versement plus tôt dans l’année de l’ASPA revalorisée devrait donc conduire au bénéfice anticipé de ces revalorisations et à un coût légèrement supérieur.

*

La commission est saisie de lamendement AS376 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Mes amendements AS376 et AS379 concernent les personnes âgées qui ont droit à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), mais qui ne demandent pas à en bénéficier. Elles survivent souvent avec 400 ou 500 euros par mois, après une vie professionnelle discontinue durant laquelle elles ont perçu des bas salaires, et elles choisissent de ne pas toucher l’ASPA par crainte d’un recours sur succession qui priverait leurs héritiers du seul bien qu’elles possèdent et chérissent : leur maison qu’elles souhaitent transmettre.

Il est dautant plus indispensable de traiter le problème de la grande pauvreté des personnes âgées que, sans cela, il pèsera uniquement sur lentourage familial, souvent lui-même très modeste – au nom des solidarités familiales, les enfants et les petits-enfants assument une charge économique supplémentaire. La pauvreté des plus âgés a donc un effet sur toute la famille, y compris sur les enfants.

Si nous ne disposons pas de suffisamment d’informations précises pour prendre une mesure définitive, nous savons que les taux « apparents » de non-recours à l’ASPA sont estimés à 31 %, et que la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et le Conseil d’orientation des retraites (COR) considèrent que le recours sur succession dissuade les retraités très modestes de réclamer cette allocation. Ces indicateurs suffisent pour nous faire penser qu’il serait utile de voir, à titre expérimental, si la disparition du recours sur succession pour la résidence principale déclenche des demandes d’ASPA plus nombreuses de la part de ceux qui y ont droit.

Mes deux amendements visent à mettre en place une expérimentation. L’amendement AS379 peut s’appliquer à l’ensemble du territoire national, alors que l’amendement AS376 ne vise que les territoires ultramarins où la situation « historique » des personnes âgées est particulière.

M. le rapporteur général. Je suis défavorable à l’amendement AS376, comme je le serai à l’amendement AS379. J’appelle votre attention sur le fait que l’amendement AS376 ne fait pas du tout mention d’une expérimentation.

Plusieurs mesures ont déjà été adoptées pour remédier au problème que vous soulevez. Depuis 2010, les bâtiments professionnels des exploitations agricoles sont exclus du patrimoine récupérable, et, depuis 2011, c’est également le cas des bâtiments d’habitation indissociables de l’exploitation. S’agissant précisément de l’outre-mer, la loi du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer a porté le seuil de récupération, dans ces territoires, de 39 000 euros à 100 000 euros. Ce progrès majeur pour l’outre-mer résulte d’une disposition adoptée il y a seulement six mois, par un choix délibéré des parlementaires contre l’avis du gouvernement de l’époque. Peut-être serait-il pertinent de commencer par évaluer la portée de ce nouveau dispositif et ses effets sur le non-recours à l’ASPA en outre-mer avant de prendre de nouvelles dispositions qui me paraissent contrevenir au principe d’égalité.

Le législateur a déjà pris des mesures largement dérogatoires. Donnons-nous le temps de regarder l’impact d’un texte dont l’encre n’est pas encore sèche !

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le rapporteur général, le problème ne se pose pas seulement outre-mer. Le recours sur succession existait déjà à l’époque du fonds national de solidarité (FNS), ancêtre de l’ASPA. Le seuil de 39 000 euros n’est d’ailleurs qu’une sorte de prolongement des 350 000 francs de l’actif successoral net du FNS.

Sans soustraire la résidence principale de la récupération sur succession, la situation que décrit Mme Bareigts mériterait sans doute que l’on augmente le seuil prévu. Il est en effet très fréquent que des personnes âgées ne demandent pas l’ASPA parce qu’elles veulent préserver et transmettre le seul bien qu’elles ont pu acquérir à la sueur de leur front.

M. le rapporteur général. Nous sommes confrontés à un problème qui peut concerner toute la population où quelle réside, alors que lamendement vise loutre-mer. De plus, dans ces territoires, un régime dérogatoire vient dêtre mis en place qui relève le seuil dont nous parlons de 39 000 à 100 000 euros. Nous pouvons nous donner le temps de mesurer son impact réel sur le recours à lASPA.

La commission rejette lamendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AS379 de Mme Éricka Bareigts, et AS221 de M. Gabriel Serville.

M. Pierre Dharréville. Avec M. Gabriel Serville et M. Jean-Philippe Nilor, nous proposons de mener une expérimentation au sein des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. Il est proposé de ne tenir compte de la valeur de la résidence principale du bénéficiaire qu’au-delà d’un montant défini par décret pour le recours sur succession postérieur au décès du bénéficiaire dans les conditions prévues par l’article L. 815‑13 du code de la sécurité sociale.

Suivant lavis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les deux amendements.

Elle adopte ensuite larticle 28 sans modification.

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*     *

Après l’article 28

La commission est saisie de lamendement AS233 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Les personnes âgées qui ont trimé durant toute leur vie ont droit à un minimum de bien-être.

L’article 28 autorise la revalorisation de l’ASPA par voie réglementaire. Au passage, vous noterez, mes chers collègues, que la revalorisation du minimum vieillesse tant attendue n’est pas inscrite dans le dispositif de cet article, et qu’il revient à l’exécutif de le mettre en œuvre. Il nous faudra donc être particulièrement vigilant sur ce point.

Le Gouvernement annonce une augmentation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées qui sera portée à 903 euros d’ici à 2020. Pour notre part, nous estimons qu’il est indigne que le minimum vieillesse reste en dessous du seuil de pauvreté. Nous demandons au Gouvernement d’estimer le coût pour la branche vieillesse d’une revalorisation de l’ASPA au niveau du seuil de pauvreté afin que cette mesure d’humanité soit effectivement mise en œuvre.

Pour mémoire, le seuil de pauvreté est égal à 60 % du revenu médian, soit actuellement 1 015 euros mensuels. En refusant d’augmenter le minimum vieillesse à ce niveau, vous maintenez volontairement plusieurs centaines de milliers de personnes âgées dans la pauvreté.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Monsieur Ratenon, je sens bien que votre souhait n’était pas vraiment de demander un rapport et que, si la Constitution vous l’avait permis, vous auriez souhaité augmenter directement l’ASPA au niveau du seuil de pauvreté par la voie législative.

Je rappelle que l’article 28 donne la possibilité de revaloriser l’ASPA par décret pendant les trois prochaines années. Le Gouvernement a annoncé une augmentation de 30 euros en 2018, de 35 euros pour 2019, et du même montant en 2020.

En tout état de cause, nous n’avons pas besoin d’un rapport pour évaluer l’impact financier d’une augmentation de l’ASPA, et nous pouvons nous féliciter du fait que le Gouvernement tienne son engagement dès le début de mandat, en revalorisant de 100 euros une allocation qui n’avait pas été réévaluée dans ces proportions depuis très longtemps. Il s’agit d’une mesure de justice. Peut-être faudra-t-il aller plus loin et dépasser le seuil de pauvreté, mais saluons d’abord l’effort consenti par le Gouvernement.

La commission rejette lamendement.

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Article 29
Harmonisation des dates de revalorisation des pensions de retraite de base et de lASPA

L’article harmonise les dates de revalorisation des pensions de retraite et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), fixées au 1er janvier à compter de 2019.

S’agissant de l’ASPA, l’anticipation de la revalorisation – passant d’avril à janvier – entraînera une mise en œuvre plus rapide de l’augmentation prévue à l’article 28 pour les années 2019 et 2020.

S’agissant des pensions de retraite, l’article programme la prochaine revalorisation au 1er janvier 2019.

I.   Le droit en vigueur

Les pensions de retraite de base du régime général et des régimes alignés – la mutualité sociale agricole et le régime social des indépendants – et l’ASPA – ou les anciennes formes de minimum vieillesse – ont longtemps été revalorisées à la même échéance, au 1er avril de chaque année. Leur montant se voit appliquer une indexation identique, reposant sur l’inflation constatée les douze mois précédents.

La loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites ([274]) a néanmoins introduit un décalage entre ces deux revalorisations, en reportant celle applicable aux pensions de retraite du 1er avril au 1er octobre. Selon les informations transmises par le Gouvernement au rapporteur général, ce report a généré des économies estimées à 900 millions d’euros en 2014 puis 1,2 milliard d’euros en 2015 et en 2016.

En 2017, les pensions ont ainsi augmenté de :

– + 0,3 % en avril, concernant l’ASPA ;

– + 0,8 % en octobre, concernant les retraites de base.

Dans le cas spécifique de Mayotte, lASPA est aujourdhui revalorisée dans les conditions applicables aux pensions dinvalidité ([275]). Il sagit en réalité dune indexation identique à celle prévue pour lASPA de droit commun, les deux types de pensions renvoyant au même article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

II.   Le dispositif proposé

L’article 29 modifie les règles de revalorisation des pensions de retraite de base et de l’ASPA.

Le I fixe au 1er janvier l’échéance de revalorisation annuelle des pensions, s’agissant à la fois des retraites de base () et de l’ASPA ().

Le II procède à une modification identique pour Mayotte, clarifiant à cette occasion le renvoi aux dispositions de l’ASPA dans le code de la sécurité sociale.

Le III fixe au 1er janvier 2019 la prochaine revalorisation des pensions de retraite de base.

Le IV fixe l’entrée en vigueur de la nouvelle échéance de revalorisation applicable à l’ASPA au 31 décembre 2018. En 2018, la revalorisation interviendra donc à nouveau en avril.

DateS de revalorisation des pensions de retraite et de l’ASPA

 

Pensions de retraite

ASPA

2017

1er octobre

1er avril

2018

absence de revalorisation

1er avril

2019

1er janvier

1er janvier

Source : Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, à partir du projet de loi.

Le gain généré par cette mesure est estimé à 380 millions d’euros en 2018, selon l’étude d’impact. Il devrait être néanmoins légèrement inférieur à ce niveau, l’estimation ne prenant pas en compte les augmentations de l’ASPA prévues à l’article 28 du projet de loi. Les augmentations de 35 euros de l’ASPA en 2019 et 2020 seront de fait versées dès janvier et entraîneront un coût supplémentaire de 20 millions d’euros chacune de ces années, selon les informations transmises par le Gouvernement au rapporteur général.

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La commission est saisie des amendements identiques AS71 de M. Jean-Pierre Door, et AS155 de M. Pierre Dharréville.

M. Jean-Pierre Door. Sous couvert d’harmoniser les dates de revalorisation de l’ASPA et des pensions de retraite, le Gouvernement va imposer aux retraités un report au 1er janvier 2019 et une année blanche en 2018. Ce tour de passe-passe regrettable intervient alors qu’ils subiront l’augmentation non compensée de la CSG. Il faut impérativement reconsidérer le calendrier proposé et ne pas reporter les revalorisations. Faites un effort pour nos retraités !

M. Pierre Dharréville. De nombreux retraités connaissent une situation difficile, en particulier les femmes. La stagnation du niveau des pensions et allocations a des conséquences graves sur ces personnes et sur la vie de leur famille.

Sous couvert d’harmonisation entre les dates de revalorisation des prestations de retraite et du minimum vieillesse, cet article prévoit le gel des pensions de retraite en 2018. Ainsi, la prochaine revalorisation ne pourrait intervenir qu’à partir du 1er janvier 2019. Il nous paraît juste de supprimer une disposition négative pour le pouvoir d’achat des retraités déjà pénalisés par le projet de loi.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. S’agissant du pouvoir d’achat des retraités je rappelle que la hausse de la CSG n’aura aucune conséquence pour 40 % des retraités, parmi les plus modestes, et que la compensation découlant de la réforme de la taxe d’habitation permettra à 80 % d’entre eux de voir leur pouvoir d’achat augmenter. Les chiffres sont têtus ; il faut les rappeler sans cesse.

La revalorisation des pensions de retraite est effectivement décalée de trois mois, doctobre à janvier. Il sagit dune mesure dharmonisation, duniformisation et de cohérence. Laugmentation au 1er janvier est plus visible et plus lisible.

Si une avance sur trésorerie peut découler de ce décalage, elle permet d’augmenter l’ASPA de 100 euros par mois pour les retraités les plus fragiles. Nous anticipons par ailleurs la revalorisation de cette dernière allocation en la fixant au 1er janvier afin que l’ensemble des pensions de retraite soient revalorisées à la même date.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie de lamendement AS154 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Cet amendement vise à supprimer le report de trois mois de la date de revalorisation des pensions de retraite. Ce décalage au 1er janvier 2019 fait perdre une année de revalorisation aux retraités, alors même que la date de revalorisation de l’ASPA ne sera avancée au 1er janvier qu’à compter de 2019.

Ce type d’économie à la marge au regard du budget global a surtout pour effet de rendre totalement inaudibles, voire suspects, les efforts du Gouvernement pour augmenter certaines prestations comme l’ASPA. L’ISF et le prélèvement forfaitaire unique sont aussi calculés au 1er janvier : tout cela ne fait qu’augmenter la suspicion et l’effet « Président des riches » !

M. le rapporteur général. Avis défavorable. J’ai déjà répondu sur l’amendement précédent. Dans l’exposé sommaire de votre amendement, vous évoquez des économies de 380 millions d’euros : j’ai expliqué qu’elles serviraient à revaloriser l’ASPA de 100 euros par mois. Et puis quand on se compare, on se console : les économies générées par la réforme de 2014, sous la précédente législature, s’élevaient à 900 millions, puis, deux années de suite, en 2015 et en 2016, à 1,2 milliard d’euros !

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AS232 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Une nouvelle fois, le joli mot « harmonisation » est utilisé dune façon qui nest pas digne de lui : pour revaloriser plus rapidement le minimum vieillesse, mesure que nous défendons, vous reculez de trois mois laugmentation des pensions de retraite. Cette astuce comptable nest pas très saine. Elle revient à faire attendre les uns pour revaloriser plus rapidement les autres. Dans un cas comme lautre, ce jeu comptable touche directement des centaines de milliers de personnes pour lesquelles ces pensions représentent le seul moyen de subsistance. Aussi, nous vous demandons de retirer cet article et, a minima, deffectuer toutes les revalorisations à la date la plus proche.

Suivant lavis défavorable du rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 29 sans modification.

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Article 30
Objectifs de dépenses de la branche vieillesse

Cet article porte approbation des objectifs de la branche vieillesse, tels qu’ils ressortent des articles du projet de loi, et notamment des dispositions du titre II de la quatrième partie.

L’objectif de dépense de la branche vieillesse est fixé par cet article à 236,4 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et 133,6 milliards d’euros pour le régime général, soit respectivement 8,7 milliards et 5,3 milliards d’euros de plus qu’en 2017.

● L’objectif du régime général est rehaussé de 4,4 milliards par rapport au tendanciel (129 milliards) tel qu’il ressortait des dernières prévisions de la Commission des comptes de la sécurité sociale, pour tenir compte de la suppression du régime sociale des indépendants (RSI).

 

niveau de dépenses tendanciel (en milliards)

129,2

Mesures nouvelles 

Effet sur les comptes

Décalage de la date de revalorisation des pensions

– 0,3

Intégration des pensionnés du RSI

+ 7,9

Annulation du transfert d’équilibrage vers le RSI

– 1,6

Annulation de la compensation démographique

– 1,5

OBJECTIF DE DEPENSES 2018

133,6

● L’objectif des régimes de base est inférieur de 600 millions d’euros par rapport au tendanciel (237 milliards), grâce notamment au décalage de la date de revalorisation

niveau de dépenses tendanciel (en milliards)

237,0

Mesures nouvelles 

Effet sur les comptes

Décalage de la date de revalorisation des pensions

– 0,4

OBJECTIF DE DEPENSES 2018

236,4 (*)

(*) Les chiffres étant issus des annexes du projet de loi et en l’absence de précisions de la part du Gouvernement, les éventuels écarts qui  ne s’expliquent pas par des règles d’arrondi sont de la responsabilité de ce dernier.

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La commission adopte larticle 30 sans modification.

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TITRE III
dispositions relatives à la branche accidents du travail maladies professionnelles

Article 31
Indemnisation des victimes de maladies professionnelles à la date de la première constatation médicale

Le présent article tend à améliorer la prise en charge des victimes de maladies professionnelles. Il leur permet de bénéficier des prestations et des indemnités prévues par la législation relative aux maladies professionnelles dès la date de la première constatation médicale de la maladie, et non plus à partir de celle du certificat médical faisant état du lien possible entre la pathologie et l’activité professionnelle.

1.   Le droit existant

a.   Le dispositif issu de la LFSS pour 1999

Les victimes de maladies professionnelles bénéficient des prestations et indemnités prévues par la législation relative aux maladies professionnelles à compter de la date de l’accident, date assimilée, aux termes de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, à « la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ». Ce certificat est aussi dénommé « certificat médical initial ».

Le droit au bénéfice de ces prestations et indemnités est ouvert pendant un délai de deux ans. Le point de départ de ce délai court :

– soit, conformément à l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, à compter de la date de l’accident, c’est-à-dire, conformément à l’article L. 461-1 précité, à compter de la date à laquelle est établi le certificat médical initial mentionnant l’origine professionnelle de la maladie ;

– soit à compter de la cessation du travail, à la condition que la victime ait déjà été informée de l’origine professionnelle de sa maladie, conformément à l’article L. 461-5 du même code.

La définition de la date de l’accident a été modifiée par l’article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Auparavant, la date retenue était celle de la première constatation médicale de la maladie, que l’origine professionnelle de celle-ci soit ou non présumée à cette date. Claude Evin, alors rapporteur du PLFSS, justifiait cette évolution par la nécessité de modifier le délai de prescription de deux ans pour les victimes d’une maladie professionnelle dans un sens qui leur serait plus favorable. Il notait ainsi dans son rapport que « par labsence de connaissance du lien possible entre leur maladie et leur ancien travail, beaucoup dentre elles se trouvaient forcloses et considéraient à juste titre le système comme inéquitable. Ce délai de prescription ne devra donc plus courir à compter de la première constatation médicale de la maladie, mais de linformation de la victime par certificat médical du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle passée ».

b.   Les limites du dispositif actuel

● La règle actuelle reste tout d’abord défavorable aux victimes de maladies professionnelles dans la mesure où elles perdent le bénéfice de prestations plus favorables tant que l’origine professionnelle de la maladie n’est pas établie.

En effet, la reconnaissance d’une maladie professionnelle a des conséquences importantes en matière d’amélioration de l’indemnisation de l’assuré, comparativement à celle du risque maladie. Les prestations en nature sont prises en charge à 100 % – contre 80 % en maladie, sans que l’assuré n’ait à faire l’avance de frais. Concernant les prestations en espèce, le régime est également plus favorable puisque les indemnités journalières correspondent à 60 % du salaire le premier mois et à 80 % au-delà, au lieu d’une indemnisation à hauteur de 50 % du salaire en maladie.

Or, dans la majorité des cas, l’origine professionnelle de la maladie est constatée après la survenue de celle-ci. Ainsi, d’après une étude de la CNAMTS de 2013 citée dans l’étude d’impact, le délai moyen entre la date de la première constatation médicale de la maladie et celle du certificat établissant le lien possible avec l’activité professionnelle est de 6,9 mois, avec d’importants écarts selon le type de pathologie.

De ce fait, lorsque l’origine professionnelle de la maladie n’est pas immédiatement identifiée, la victime ne peut bénéficier dès le départ d’une indemnisation selon les règles relatives aux maladies professionnelles, alors même que son affection est bien, dès l’origine, due au travail.

● Une autre difficulté tient à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Alors que les caisses primaires d’assurance maladie, conformément à l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, retiennent la date du certificat établissant un lien possible entre la maladie et le travail, dit « certificat médical initial », comme point de départ des prestations et indemnités qu’elles sont amenées à verser au titre d’une maladie professionnelle, la Cour de cassation écarte systématiquement, depuis 2007, l’application de cet article pour considérer que la prise en charge doit prendre effet à compter de la date de la première constatation médicale de la maladie.

Bien que favorable aux victimes de maladies professionnelles, cette jurisprudence pose des problèmes d’égalité devant la loi dans la mesure où elle aboutit à traiter différemment les victimes selon qu’elles ont ou non initié un contentieux.

2.   Le dispositif proposé

Afin d’améliorer la prise en charge des victimes de maladies professionnelles, le présent article modifie la date à partir de laquelle elles peuvent bénéficier d’une indemnisation selon les règles propres aux maladies professionnelles, sans pour autant modifier le point de départ du délai de prescription, qui reste fixé à la date d’établissement du certificat médical initial.

● Le point de départ de l’indemnisation :

Le 1° du I tend à modifier l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale afin d’assimiler la date de l’accident, et donc le point de départ de l’indemnisation des maladies professionnelles, à « la date de la première constatation médicale de la maladie », et non plus à celle, souvent postérieure, de l’établissement du certificat médical initial.

Depuis un décret du 7 juin 2016 ([276]), la date de la première constatation médicale de la maladie est définie à l’article D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale comme « la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi ». Elle est fixée par le médecin conseil.

La date du début de l’indemnisation ne peut toutefois pas précéder de plus de deux ans la déclaration de maladie professionnelle, faite par la victime à la caisse primaire d’assurance maladie. Selon l’étude d’impact, ce délai maximum de deux ans est justifié « tant pour des raisons opérationnelles que pour limiter limpact de la mesure sur le taux de cotisation des employeurs concernés ».

● Le point de départ du délai de prescription :

Le délai de prescription n’est en revanche pas modifié. Le du I précise, à l’article L. 461-1 précité, que ce délai court à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.

Le 2° du I procède à une modification de coordination à l’article L. 461-5.

● Le II prévoit que la mesure sera applicable aux demandes de reconnaissance de maladies professionnelles reçues par les caisses primaires d’assurance maladie à compter du 1er juillet 2018.

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La commission adopte larticle 31 sans modification.

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Après l’article 31

La commission examine lamendement AS303 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Cet amendement reprend une recommandation du rapport d’information parlementaire n° 4487 de février 2017 sur le syndrome d’épuisement professionnel (ou burn out), présenté par les députés Yves Censi et Gérard Sebaoun.

Il est ainsi proposé que la commission chargée d’apprécier la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles évalue également le coût des pathologies psychiques liées au travail, actuellement supporté par l’assurance maladie.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. L’excellent travail réalisé par nos collègues proposait en effet de confier cette mission à la commission chargée d’apprécier la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. Cette commission a toutefois estimé dans un récent rapport qu’il était « totalement impossible de produire une estimation tant soit peu robuste de la proportion de pathologies psychiques qui auraient pu faire lobjet dune demande de reconnaissance avec quelque chance de succès ».

En clair, la commission à laquelle vous entendez confier une tâche spécifique dit elle-même que ce que vous proposez est impossible à mettre en œuvre en l’état. On peut en revanche sans doute progresser sur l’identification du stress professionnel, et sur ses causes multifactorielles et ses impacts.

M. Pierre Dharréville. Progresser est une absolue nécessité ! Il s’agit d’un sujet de société majeur qui se répand bien au-delà des grandes entreprises où des affaires de burn out ont été révélées ces dernières années. Il faut agir beaucoup plus fortement que cela n’a été fait jusqu’à maintenant, et le projet de loi devrait comporter des mesures en la matière.

Mme Martine Wonner. Je souscris totalement à ce que vient de dire M. Dharréville. Il existe une véritable problématique du stress au travail, et ce que j’ai observé au cours de ma vie professionnelle en tant que psychiatre ne peut que nous encourager à compléter le travail effectué par M. Censi et par M. Sebaoun.

J’ai discuté de ces sujets avec le cabinet de la ministre du travail, et avec celui de la ministre des solidarités et de la santé. Je pense que les deux ministres ont une conscience aiguë du problème et que nous pourrons travailler ensemble sur le sujet à partir de l’année prochaine.

La commission rejette lamendement.

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Article additionnel après l’article 31
Clarification des obligations de lemployeur en cas de contestation, par celui-ci, du caractère professionnel dun accident du travail

La commission est saisie de lamendement AS411 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement précise que la déclaration d’accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l’employeur. Cette disposition déjà prévue au niveau réglementaire sera renforcée par une inscription dans la loi.

L’amendement a surtout pour objectif de clarifier les obligations respectives des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) et de l’employeur en cas de contestation par ce dernier du caractère professionnel d’un accident du travail.

Lorsqu’elle a connaissance de l’accident, la CPAM instruit le dossier pour statuer sur son caractère professionnel. Après cela, l’employeur peut encore contester cette qualification, même s’il n’a pas formulé de réserves lors de la transmission et de la déclaration de l’accident du travail à la CPAM. Lorsque l’employeur engage une action précontentieuse ou contentieuse, et seulement dans ce cas, c’est à lui qu’il revient d’apporter à l’appui de sa demande les éléments relatifs à l’absence de matérialité ou de lien entre l’accident et le travail. Il semble important de préciser au niveau de la loi les différentes responsabilités qui pèsent sur l’employeur et la CPAM.

La commission adopte lamendement.

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Après l’article 31

Elle examine lamendement AS214 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Cet amendement vise à rétablir la contribution à la charge des entreprises au financement des fonds de l’amiante, créée par l’article 47 de la loi de financement de la sécurité́ sociale pour 2005, et abrogé par la loi de finance pour 2009.

Cette contribution visait à prendre en compte la responsabilité́ des entreprises à l’origine des dépenses du fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA). Elle a été supprimée au motif que son rendement était peu élevé́ depuis sa mise en œuvre.

De nombreux rapports parlementaires préconisent de rétablir cette contribution en proposant de l’augmenter et de simplifier ses modalités de recouvrement.

La liste des entreprises contributrices qui ouvrent droit au bénéfice du fonds comprend des sociétés concernées par l’exposition des travailleurs impliqués dans le transport, la fabrication et la transformation de l’amiante. Cette liste mérite d’être actualisée. Elle devrait ainsi intégrer les entreprises actives depuis de nombreuses années dans le secteur des services de diagnostic et de désamiantage dont les personnels sont soumis à une exposition chronique. Le fait que nombre d’entreprises échappent à leur responsabilité en la matière me semble particulièrement préoccupant.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Votre question contient un peu sa propre réponse puisque vous soulignez que son recouvrement étant difficile et son rendement très faible, cette contribution a été supprimée quatre ans après son entrée en vigueur, alors, je le précise, que de nombreux contentieux étaient en cours. Je souligne aussi que plus l’on s’éloigne de la période d’utilisation intensive de l’amiante, moins cette contribution fait sens.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AS373 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Cet amendement, qui s’inspire de la proposition de loi du député Benoît Hamon, du 16 février 2016, sur le burn out, a pour objectif d’expérimenter pendant trois ans la suppression du seuil d’incapacité permanente partielle (IPP) lors d’une demande d’instruction concernant le syndrome d’épuisement professionnel, communément appelé burn out. Il s’agit de lever l’obstacle principal à la reconnaissance des pathologies psychiques par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, et ainsi par la sécurité sociale.

Aujourd’hui, cette reconnaissance est rare et le chemin pour y parvenir est pour le moins difficile. Alors que 3,2 millions d’actifs en France sont exposés à un risque élevé d’épuisement professionnel, la procédure de reconnaissance requiert toujours un taux d’IPP de 25 % pour une simple instruction du dossier.

L’expérimentation que nous proposons et le rapport qui sera ensuite établi permettront de mieux cerner le problème et de progresser vers une reconnaissance du syndrome d’épuisement professionnel.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Tout d’abord, même dans le cadre d’une expérimentation, supprimer le taux d’incapacité professionnelle permanente (IPP) pour les seules maladies psychiques poserait des difficultés au regard de l’équité de traitement entre les victimes d’une pathologie psychique et celles d’une maladie physique.

Ensuite, la suppression du seuil conduirait à décupler le nombre de dossiers de demande de reconnaissance à Marseille, où l’amendement précise que l’expérimentation doit avoir lieu. Elle ferait passer le délai moyen d’examen par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de Marseille de trois mois à plus de deux ans. Cela me paraît un peu compliqué pour les personnes concernées.

Cela dit, comme l’indiquait Mme Wonner, nous n’avons pas épuisé le sujet, même si, en l’état, les choses ne sont pas mûres pour que nous expérimentions les dispositions proposées.

La commission rejette lamendement.

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Article 32
Dotations au FIVA, au FCAATA et transfert au titre de la sous-déclaration AT-MP

Cet article porte approbation de dotations de la branche AT-MP vers deux fonds finançant des risques professionnels liés à l’amiante ainsi que le transfert récurrent vers la branche maladie au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles pour l’année 2018.

 Le I prévoit une contribution de la branche AT-MP au fonds dindemnisation des victimes de lamiante (FIVA) de 270 millions deuros en 2018, soit le même montant quen 2017.

L’évaluation préalable ([277])  de cet article fait état, comme en 2017 ([278]), d’une situation favorable du fonds qui bénéficiera, outre la contribution de la branche, d’une dotation de l’État de 7,8 millions et d’autres produits (88,9 millions d’euros), ainsi que d’un fonds de roulement important (80,9 millions d’euros) lui permettant de faire face aux 375,3 millions d’euros de dépenses prévues en 2018. Le résultat prévisionnel du fonds en 2018 devrait être meilleur qu’en 2017
(– 16,4 millions au lieu de – 43,8 millions) notamment grâce à une nouvelle diminution des charges, malgré une hausse limitée des recettes.

● Le II prévoit une contribution de la branche AT-MP au Fonds de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante (FCAATA) de 613 millions d’euros en 2018.

Le fonds finance l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante, leurs cotisations retraite de base et complémentaire et le financement auprès de la branche vieillesse des départs à 60 ans des travailleurs de l’amiante.

La FCAATA disposait après l’exécution 2014 d’excédents significatifs lesquels ont été épuisés jusqu’en 2016 par des résultats déficitaires. Après un léger déficit de 7 millions d’euros en 2017, l’objectif financier pour 2018 est d’obtenir un excédent permettant de couvrir ce solde négatif cumulé.

À partir de cet exercice, les recettes de la FCAATA seront quasi-exclusivement composées de la contribution de la branche du régime général AT-MP ([279]), les recettes ayant vocation à s’ajuster à la diminution tendancielle des dépenses. La contribution est ainsi en diminution de 2,1 % alors même que les dépenses diminueront sur la même période de 4,7 %.

● Le III prévoit un reversement d’1 milliard d’euros de la branche AT-MP au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles.

Il s’agit d’un transfert légalement obligatoire (article L. 176-1 du code de la sécurité sociale) qui correspond au constat que pour des raisons multiples (méconnaissance, complexité de la procédure, manque de médecins du travail, …), des pathologies relevant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles sont prises en charge par la branche maladie.

Ce montant est fixé chaque année dans la loi de financement de la sécurité sociale ([280]), conformément aux prescriptions de larticle L. 176-2, sur le fondement du rapport dune commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes remis tous les trois ans qui évalue le coût réel de cette sous-déclaration. Ces rapports ont, de manière coutumière, encadré ce coût dans des bornes. Le dernier rapport en date ([281]) situait ainsi son estimation entre 815 millions et 1,53 milliards deuros. Le montant choisi, identique aux trois années précédentes malgré un rehaussement de lestimation en 2017, est plus proche de la borne basse que de la borne haute.

● Le IV prévoit les montants des dépenses prises en charge par la branche AT-MP au titre de l’ordonnance relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains risques professionnels et au compte professionnel de prévention,  à savoir 186 millions d’euros pour les salariés du régime général et 8 millions d’euros pour les salariés agricoles.

Ce montant résulte de la montée en charge de l’ouverture au 1er octobre 2017 du compte personnel de prévention et du nouveau dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente issus de l’ordonnance du 22 septembre dernier ([282]). L’étude préalable ([283]) indique la ventilation de ces nouvelles prises en charge : 82 millions d’euros financeront le dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente pour les taux d’incapacité permanente pour ses nouveaux bénéficiaires ([284]) et 104 millions d’euros financeront le compte professionnel de prévention (CPP). Parmi ces 186 millions d’euros, 8 seront orientés vers le régime agricole, pour lequel le poids du dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente (5,5 millions) sera beaucoup plus important que le CPP.

Le rapporteur général souligne la pertinence du transfert des nouveaux dispositifs de prévention vers la branche accidents du travail et maladies professionnelles, de nature à favoriser une réflexion d’ensemble sur la prise en charge de la prévention au travail reposant sur une responsabilisation incitative.

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La commission est saisie de lamendement AS95 de M. Jean-Pierre Door.

M. Bernard Perrut. Nous proposons de diminuer le montant du transfert de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) à la branche maladie de 1 milliard à 500 millions pour 2018.

Le montant du transfert de la branche AT-MP à la branche maladie est passé de 300 millions d’euros en 2004 à 1 milliard d’euros en 2015. Ce transfert fait aujourd’hui figure de véritable « ponction » sur la branche AT-MP, ponction destinée à financer une branche maladie dont la situation financière est bien préoccupante.

Or le niveau de ce transfert ne tient pas compte des progrès pourtant substantiels réalisés par les acteurs sur la base des recommandations de la commission chargée d’évaluer les sous-déclaration des AT-MP : actions de sensibilisation des médecins déclarants, simplification des procédures au niveau de l’instruction des dossiers en CPAM, meilleure information des employeurs, amélioration de l’information et accompagnement des salariés sur leurs droits et leurs démarches.

Ainsi, ce transfert, dont le montant n’est pas justifié par des raisons objectives, affaiblit la logique assurantielle de la branche AT-MP, en particulier son caractère incitatif en matière de prévention des risques professionnels. La Cour des comptes l’a d’ailleurs déploré dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité de septembre 2017.

M. le rapporteur général. Le Gouvernement a retenu un prélèvement d’un milliard d’euros en ligne avec l’estimation de la commission prévue à l’article 176‑2 du code de la sécurité sociale et présidée par un magistrat de la Cour des Comptes, qui évalue la sous-déclaration dans une fourchette comprise comprise entre 700 millions et 1,3 milliard d’euros. Le prélèvement de 500 millions d’euros que vous proposez est très inférieur à l’hypothèse minimale de la Cour. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement AS249 de Mme Caroline Fiat. 

Mme Caroline Fiat. Par cet amendement, nous nous opposons au compte professionnel de prévention (CPP) que nous jugeons régressif. La prévention et la compensation de la pénibilité du travail sont des éléments essentiels de lutte contre les inégalités sociales ou de santé. La nouvelle formule imposée par ordonnance ne répond pas à cette ambition ; au contraire, elle rejette des milliers de salariés, notamment dans les industries de la chimie et de la construction, en excluant les postures pénibles, la manutention manuelle de charges et les risques chimiques. Nous aurons l’occasion d’en parler lors de l’examen du projet de loi de ratification des ordonnances réformant le code du travail, mais nous tenons à le dire déjà : rien ne justifie que ces situations soient exclues du périmètre du CPP. Alors que les excédents de la branche AT-MP pourraient bénéficier à une politique de prévention et de réinsertion professionnelle digne de ce nom, le choix est fait de déresponsabiliser le patronat. Un dispositif de progrès eût consisté à créer un congé de fin d’activité ou la reconnaissance collective de la pénibilité par métier au niveau de la branche. Vous choisissez de rétrécir le périmètre du CPP sous la dictée des organisations patronales, aucune considération d’intérêt général ne pouvant justifier le rabotage radical du compte pénibilité, l’un des rares acquis sociaux de la présidence Hollande.

M. le rapporteur général. La prévention au travail est un enjeu majeur. Ainsi des accidents de la main, dont il se produit un toutes les 20 secondes en France – mais tous ne sont pas d’origine professionnelle. La France a des progrès évidents à faire en matière de prévention en général, pour la santé au travail en particulier ; nous ne pouvons que nous améliorer. Notre commission aura l’occasion de débattre des quatre critères qui ne seront pas inclus dans le CPP lors de l’examen du projet de loi de ratification des ordonnances renforçant le dialogue social. Aujourd’hui, le CPP existe et il est abondé pour permettre de premières actions de prévention et de santé au travail. Si l’amendement était adopté, le CPP serait supprimé et avec lui son financement ainsi que toute possibilité de progression en matière de santé au travail, un objectif que nous partageons. Je vous invite donc à le retirer. Le débat de fond sur la prévention et la pénibilité au travail aura lieu ultérieurement.

Mme Caroline Fiat. L’amendement est maintenu.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 32 sans modification.

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Article 33
Objectifs de dépense de la branche AT-MP

Cet article a pour objet l’approbation des objectifs de dépense de la branche AT-MP pour l’année 2018, tel qu’il ressortirait de l’adoption de l’ensemble des dispositions du titre III.

● L’objectif de dépense de la branche accidents du travail-maladie professionnelle (AT-MP) est fixé par cet article à 13,5 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, et 12,2 milliards d’euros pour le régime général, respectivement en hausse de 400 et 300 millions d’euros par rapport aux dépenses constatées en 2017.

● Ces deux objectifs sont en légère diminution par rapport au tendanciel tel qu’il ressort du rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale du 28 septembre dernier (respectivement 13,7 milliards pour les régimes obligatoires et 12,3 milliards pour le régime général).

Ces écarts correspondent à deux mesures nouvelles : la création d’une branche accidents du travail pour les marins (+ 100 millions d’euros pour les régimes obligatoires de base) et l’indemnisation des victimes de maladies professionnelles à la date de la première constatation médicale ([285]) (+ 65 millions d’euros pour le régime général).

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La commission adopte larticle 33 sans modification.

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titre iv
Dispositions relatives à la branche maladie

Chapitre 1er
Dispositions relatives à la prévention

Article 34
Vaccination obligatoire des enfants

En France l’obligation vaccinale date de 1902 avec la publication d’une loi imposant la vaccination antivariolique ([286]). Elle est étendue en 1938 au vaccin antidiphtérique ([287]), en 1940 à l’anatoxine antivariolique ([288]), en 1950 au BCG et en 1964 au vaccin antipoliomyélitique.

Le code de la santé publique impose aujourd’hui l’obligation vaccinale à trois vaccins : antivariolique, antidiphtérique et antipoliomyélitique. S’agissant du BCG, l’obligation a été suspendue en 2007. Les autres vaccins existants font, quant à eux, l’objet de recommandations.

Prenant acte d’une insuffisante couverture vaccinale ainsi que de l’émergence de foyers épidémiologiques, le présent article vise à étendre l’obligation vaccinale pour les enfants de moins de 24 mois aux vaccins aujourd’hui recommandés.

Au terme du projet de loi, l’obligation vaccinale comporterait 11 vaccins. La mesure entrerait en vigueur à partir du 1er juin 2018 et s’appliquerait aux enfants nés au 1er janvier 2018.

Elle s’accompagne enfin de l’abrogation des dispositions du code de la santé publique réprimant spécifiquement le non-respect de l’obligation vaccinale.

I.   Une extension motivée par une insuffisante couverture vaccinale

La vaccination reste l’un des meilleurs moyens pour prévenir et juguler les maladies infectieuses graves. Elle protège l’intéressé contre les microbes qui en sont à l’origine tout en évitant leur propagation à l’ensemble de la population lorsque la maladie se révèle contagieuse.

1.   Le cadre général de l’obligation vaccinale

S’agissant de l’exercice d’un pouvoir de police sanitaire de l’État, mettant en cause certaines libertés individuelles, seul le législateur est compétent en matière de détermination de l’obligation vaccinale ([289]), conformément à la jurisprudence constante du Conseil d’État ([290]).

Sous l’autorité du ministre chargé de la santé et après avis du Haut Conseil de la santé publique, un calendrier vaccinal est publié chaque année. Il fixe les vaccinations applicables aux personnes résidant en France en fonction de leur âge. Il est assorti de recommandations générales – portant par exemple sur la politique vaccinale – et de recommandations particulières –  portant par exemple sur les risques accrus d’exposition ou de transmission. Le dernier calendrier a ainsi été publié en avril 2017 ([291]).

Pour la population générale, le calendrier vaccinal comporte des vaccinations obligatoires et des vaccins recommandés. Il peut aussi être fait mention des personnes pour lesquelles des obligations particulières sont imposées par la loi ou les règlements.

a.   Les vaccins obligatoires

L’obligation de vaccination est prévue par les articles L. 3111-2 et L. 3111‑3 du code de la santé publique et concerne trois vaccins, sauf contre-indication médicale.

Larticle L. 3111-2 impose la simultanéité des vaccinations antidiphtériques et antitétaniques, la justification de cette vaccination étant obligatoire pour toute admission dans une collectivité denfants (crèche, garderie, institution scolaire…). Larticle L. 3111-3 a trait à la vaccination antipoliomyélitique.

Ces vaccinations doivent avoir lieu avant l’âge de dix-huit mois. Cette obligation comprend la primo-vaccination ainsi que les rappels nécessaires qui varient selon l’âge des patients.

Cette obligation est assortie de sanctions pénales pour tout refus de se soumettre ou toute entrave. L’article L. 3116-4 du code de la santé publique prévoit ainsi six mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende pour les titulaires de l’autorité parentale et les personnes exerçant la tutelle. Dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a affirmé que l’obligation d’effectuer sur un enfant les vaccinations assortie d’une sanction pénale en cas de non-respect ne porte pas atteinte à l’exigence constitutionnelle de protection de la santé ([292]). Surtout, le juge constitutionnel se refuse à apprécier le fondement scientifique du choix réalisé par le législateur de rendre un vaccin obligatoire.

b.   Les vaccins recommandés

Les autres vaccins sont recommandés et concernent des populations (enfants ou adolescents) ou des situations particulières (grippe saisonnière, varicelle,…). La distinction obligation/recommandation semble toutefois brouiller la portée de la politique vaccinale. Cette distinction, initialement justifiée par la banalisation de la vaccination assortie à la diffusion de nouveaux vaccins, est aujourd’hui inopérante. On observe d’une part la résurgence de foyers infectieux portant sur des maladies pour lesquelles la vaccination est recommandée, d’autre part, un net recul de la pratique vaccinale. Le rapport de Mme Sandrine Hurel a notamment souligné l’assimilation de la notion de recommandation au caractère simplement facultatif ([293]), y compris par les professions de santé alors que la recommandation vise à répondre à un objectif de santé publique visant à circonscrire un risque épidémiologique.

Or, il suffit de parcourir le récent calendrier vaccinal pour constater combien ces recommandations sont importantes. Dans le cas de la lutte contre la coqueluche, il est recommandé aux adultes de se faire vacciner en cas de projet parental. Dans le cadre de la « stratégie du cocooning », cette recommandation concerne la personne en état de grossesse, le conjoint ou la fratrie. Ces recommandations s’appliquent aussi aux personnels soignants ou aux personnes dont les activités professionnelles les mettent en contact avec des populations fragilisées.

c.   Les obligations particulières

Pour les populations particulières ou des zones géographiques, les textes peuvent prévoir des obligations spécifiques.

L’article L. 3111-4 du code de la santé publique impose des obligations pour des personnes exerçant des professions, notamment médicales et paramédicales, ainsi que pour les étudiants et élèves se préparant à ces métiers. Il impose l’immunisation contre « lhépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe ».

Introduit par la loi de modernisation de notre système de santé ([294]), l’article L. 3111-4-1 du même code impose aux thanatopracteurs « en formation pratique et en exercice » la vaccination contre l’hépatite B.

Le statut de personnel militaire impose aussi la prescription de vaccinations dont le panel est plus large que pour la population générale. Le calendrier vaccinal comprend les vaccinations obligatoires ainsi que les vaccinations de caractère réglementaire inhérentes aux objectifs des armées.

La vaccination s’impose aussi dans certaines zones géographiques comme la Guyane. L’article L. 3111-6 oblige ainsi à la vaccination contre la fièvre jaune pour toute personne âgée de plus d’un an y résidant ou séjournant.

2.   Une extension doublement motivée

L’extension de l’obligation vaccinale répond à une nécessité sanitaire doublée d’une nécessité juridique.

a.   Une nécessaire réponse sanitaire

Le rapport remis par Mme Hurel constate un taux élevé de couverture vaccinale pour les vaccinations à caractère obligatoire alors quil relève en revanche une insuffisance quant à la vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR), contre la méningite à méningocoque du groupe C ou lhépatite B.

Du reste, le dernier état de santé de la population montre que si la couverture vaccinale chez le nourrisson est élevée pour certaines vaccinations, elle doit être nettement améliorée pour la vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole « dont les niveaux de couverture actuels sont incompatibles avec lobjectif délimination de la rougeole et de linfection rubéoleuse congénitale » : le taux est de 90,6 % pour la première dose mais tombe à 76,8 % pour la seconde. La même enquête appelle à l’amélioration de la couverture vaccinale pour l’hépatite B (83,1 %) et pour le méningocoque du groupe C dont le taux de couverture s’établit à 64 % ([295]).

Ces faibles taux de couverture ne permettent pas dinterrompre la circulation de virus ni lapparition de lourdes séquelles ou encore déviter la mortalité. La couverture vaccinale contre la rougeole est notoirement insuffisante pour correspondre aux recommandations de lOrganisation mondiale de la santé (95 %). Elle ne permet pas non plus de satisfaire des engagements internationaux visant à son éradication comme dans le cas de la rubéole, qui rappelons-le, est une maladie responsable de malformations congénitales. Linfection à méningocoque C se traduit par des amputations ou des séquelles dordre mental, les infections à pneumocoque se traduisent par des décès, lhépatite B peut conduire au décès mais entraîne aussi lapparition de pathologies chroniques (cirrhose ou cancer du foie).

En définitive, élargir l’obligation vaccinale, en privilégiant les enfants de moins de deux ans constitue une mesure propre à améliorer l’état de santé de la population, à diminuer les risques d’apparition de la maladie voire à l’éradiquer. L’efficacité vaccinale à cet âge est aussi plus élevée que chez l’adulte. En d’autres termes, il s’agit d’une mesure essentielle de santé publique.

b.   La nécessité juridique de mettre fin à la confusion entre obligation et recommandation

● La distinction entre le périmètre des vaccins obligatoires et celui des vaccins recommandés repose aujourd’hui sur des critères difficilement identifiables, au risque d’être mal interprétée par le grand public.

Ces deux périmètres ont toujours évolué en fonction des risques sanitaires et, le cas échéant, du succès des politiques vaccinales dans l’éradication de certaines maladies. Ainsi, l’obligation de vaccination antivariolique a été suspendue en 1979 de même que la vaccination contre la grippe en 2006.

Cependant, certaines incohérences sont régulièrement relevées dans le choix de ces périmètres : ainsi des vaccins recommandés depuis près de 50 ans ne sont pas devenus obligatoires, de même que ceux portant sur des maladies au moins aussi dangereuses que les trois valences obligatoires (hépatite B, papillomavirus).

La coexistence de vaccins obligatoires et recommandés peut aujourd’hui laisser penser à tort que les seconds n’ont qu’une faible valeur ajoutée pour la santé publique, qui explique très largement la faiblesse de couvertures vaccinales dont les enjeux de santé publique sont pourtant très importants (rougeole, rubéole, oreillons).

● Cette distinction emporte des conséquences juridiques importantes. En effet, si le caractère obligatoire est indifférent en matière de remboursement ([296]), il commande le régime de responsabilité : la réparation des dommages causés par une vaccination obligatoire peut être entièrement réalisée auprès de l’office national de l’indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), sans préjudice des voies de recours normales ([297]). S’agissant d’une vaccination non-obligatoire (même recommandée), la victime doit exercer les actions de responsabilité de droit commun (administrative ou judiciaire selon les cas) moins faciles à mettre en œuvre.

Par ailleurs, la méconnaissance de l’obligation de vaccination peut entraîner des sanctions administratives (refus d’inscription des enfants non vaccinés) et pénales (articles L. 3116-4 et R. 3116-1 du code de la santé publique).

● Aujourd’hui, la confusion entre les vaccins se retrouve en pratique dans l’offre vaccinale puisque les Français n’ont plus à leur disposition pour accomplir l’obligation vaccinale depuis une dizaine d’années que des vaccins comprenant des valences à la fois obligatoires et recommandées (on parle de tétravalence, de pentavalence ou d’hexavalence).

Dans une décision du 8 février 2017 ([298]), le Conseil d’État a enjoint le ministre d’exercer pleinement sa compétence auprès des industries pharmaceutiques sous six mois afin de permettre au public de disposer d’un vaccin trivalent DTP permettant de se conformer aux seules obligations légales. La haute juridiction administrative a en effet estimé que le pouvoir réglementaire avait méconnu sa compétence en ne mettant pas en œuvre tout ce qui est en son pouvoir pour tenir compte de la distinction faite par le législateur entre vaccins obligatoires et vaccins recommandés, ces derniers devant rester facultatifs dans les faits tant qu’ils le sont en droit.

En revanche, le Conseil d’État a rejeté dans la même décision le moyen, soulevé par les requérants, tiré de ce que les adjuvants et la valence contre l’hépatite B seraient dangereux, soulignant que la vaccination hexavalente en cause fait l’objet d’une procédure de recommandation sérieuse et circonstanciée par le Haut conseil de la santé publique. C’est un point crucial que le rapporteur aimerait souligner.

3.   Une extension qui entraîne un coût

L’élargissement du calendrier vaccinal implique un coût pour l’assurance maladie. La question du reste à charge pour le patient doit également être posée.

Selon l’étude d’impact jointe à l’appui du projet de loi, l’extension de l’obligation se traduira par un surcoût d’environ 12 millions d’euros en année pleine pour une couverture de 95 %. Ce surcoût couvre le remboursement des vaccins à proprement parler ainsi que celui des consultations.

La prise en charge de la vaccination par l’assurance maladie obligatoire varie selon le professionnel de santé considérée. Elle est de 70 % si elle est réalisée par un médecin ou une sage-femme, de 60 % par un infirmier sur prescription médicale. Elle s’élève à 100 % pour les personnes atteintes de certaines affections de longue durée. Enfin, il convient de noter qu’aux termes de l’article L. 3111-11 du code de la santé publique, « les vaccinations réalisées par les établissements et organismes habilités dans des conditions définies par décret sont gratuites » : c’est notamment le cas des vaccinations réalisées en PMI pour les enfants de moins de 6 ans ou les centres de vaccination.

Sagissant du vaccin à proprement parler, la prise en charge par lassurance maladie obligatoire est de 65 %. Pour le vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR), la prise en charge est intégrale pour les enfants et les jeunes de 12 mois à 17 ans révolus.

En définitive, l’extension de l’obligation vaccinale devrait se traduire, par un surcoût au titre du ticket modérateur. En réalité, ce surcoût devrait être quasi-totalement assumé par l’assurance maladie complémentaire (5 M€ selon les estimations transmises au rapporteur général). C’est notamment le cas pour le remboursement des consultations. S’agissant des vaccins, les mutuelles prennent déjà en charge le ticket modérateur et proposent même celle des vaccins non remboursés par l’assurance maladie obligatoire. Dans le cas particulier des paniers de soins couverts par les contrats responsables, la prise en charge des vaccins du ticket modérateur est d’ores et déjà effectuée : en effet, l’article R. 871-2 du code de la sécurité sociale prévoit la prise en charge de l’intégralité de la participation des assurés pour les médicaments, à l’exception de ceux dont le service médical rendu est modéré ou faible.

II.   Le dispositif porté par l’article

1.   L’extension de l’obligation vaccinale

Le I vise à modifier les dispositions du code de la santé publique relative à la vaccination. Il modifie le cadre général relatif à la politique vaccinale dont la mesure la plus importante – l’extension de l’obligation vaccinale – est portée par le 2°.

Le a pour objet de modifier l’article L. 3111-1 qui prévoit l’élaboration de la politique vaccinale par l’État et la participation de certains professionnels de santé à sa mise en œuvre. Le deuxième alinéa de cet article prévoit la possibilité de suspendre, pour tout ou partie de la population, les obligations vaccinales compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques. Ces dispositions concernent jusqu’à présent les vaccins obligatoires (articles L. 3111-2 et L. 3111-3), les vaccins exigés pour les professionnels, notamment de santé, en contact avec des populations à risque (article L. 3111-4), ainsi que la vaccination par le vaccin antituberculeux BCG qui, du reste est suspendue aux termes d’un décret de 2007 ([299]). Cette possibilité est désormais étendue aux thanatopracteurs obligatoirement vaccinés contre l’hépatite B (l’article L. 3411-4-1 devenant l’article L. 3411-3 au terme du 4° du présent I) ainsi qu’à la vaccination contre la fièvre jaune pour la Guyane (ajout de l’article L. 3411-6). La levée de l’obligation pourrait être effective dès lors qu’une couverture vaccinale optimale sera atteinte et dans la mesure où elle ne se traduira pas par une baisse des vaccinations.

Le procède la rédaction de l’article L. 3111-2 et définit le nouveau calendrier vaccinal.

Le I de l’article L. 3111-2 liste les onze vaccins faisant l’objet d’une obligation vaccinale et comporte, outre les trois vaccins aujourd’hui obligatoires, huit vaccins faisant actuellement l’objet de recommandations. Certains d’entre eux sont déjà proposés à l’injection par la mise à disposition de vaccins tétravalents, pentavalents ou hexavalents (coqueluche, infections à Haemophilus influenzae de type B et hépatite B). Les autres font l’objet de vaccins à part comme celui contre la rougeole, les oreillons ou la rubéole.

Le même I dispose que la vaccination est pratiquée dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Haute Autorité de santé.

Le II dispose que les parents ou les personnes en charge de la tutelle des mineurs sont personnellement tenus responsables de l’exécution de l’obligation vaccinale. Cette disposition n’est pas nouvelle et ne fait que reprendre le droit existant. Cette responsabilité se traduit notamment par la justification de l’exécution de l’obligation lorsque l’enfant est en collectivité. Cela étant, cette justification n’est plus seulement exigée en cas d’admission. Elle le sera aussi pour le maintien de l’enfant dans cette collectivité. En tout état de cause, un délai sera laissé pour accompagner les parents dans la démarche comme c’est le cas aujourd’hui ([300]). Il ne s’agit donc pas d’une mesure sèche.

Le procède à l’abrogation de l’article L. 3111-3 qui prévoyait l’obligation de la vaccination antipoliomyélitique rendue désormais inutile par la nouvelle rédaction de l’article L. 3111-2.

Le vise à donner une nouvelle numérotation à l’article L. 3411-4-1 relatif à l’obligation de la vaccination contre l’hépatite B pour les thanatopracteurs en formation ou en exercice. Il devient l’article L. 3111-3.

Le procède à une modification d’ordre légistique au sein de l’article L. 3111-9, relatif à la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire. La portée de l’article est étendue à l’ensemble du titre Ier alors qu’il est désormais consacré à la réparation des seuls vaccins DTP. Cette référence permettra d’embrasser le chapitre Ier, qui concerne des vaccins obligatoires, et le chapitre II qui concerne le BCG.

2.   La suppression de sanctions particulières prévues par le code de la santé publique

Le II vise à supprimer les sanctions spécifiques au non-respect de l’obligation vaccinale.

Le modifie la portée de l’article L. 3116-1 qui prévoit la constatation des infractions relatives à l’obligation vaccinale par des officiers et agents de police judiciaire ainsi que les sanctions applicables en cas d’obstacles à l’accomplissement de leur fonction. L’article est aujourd’hui applicable aux trois vaccins obligatoires (articles L. 3111-2 et L. 3111-3), aux professionnels en contact avec les populations à risque dans les conditions fixées par l’article L. 3111-4, à l’obligation de vaccination contre la fièvre jaune en Guyane (article L. 3111-6). Cet article ne couvre pas l’obligation de vaccination des thanatopracteurs introduite par la loi de modernisation de notre système de santé et comporte des références rendues obsolètes par l’ordonnance n° 2017-9 du 5 janvier 2017 relative à la sécurité sanitaire. Cette dernière a notamment abrogé deux articles L. 3111-7 (vaccination ou revaccination antivariolique) et L. 3111-8 (vaccination contre le typhus).

Au terme du 1°, la constatation des infractions s’appliquera aux professionnels en contact avec les populations à risque dans les conditions fixées par l’article L. 3111-4. En résumé, l’article n’a plus vocation à s’appliquer aux nouvelles obligations vaccinales.

Le procède à l’abrogation des articles L. 3116‑2 et L. 3116-4.

L’article L. 3116-2 fixe le point de départ du délai de prescription de l’action publique en cas de non-respect de l’obligation vaccinale. Celle-ci peut être exercée jusqu’à l’âge de dix ans pour les vaccinations antidiphtérique et antitétanique et de quinze ans pour la vaccination antipoliomyélitique.

L’article L. 3116-4 prévoit les pénalités applicables en cas de refus de se soumettre ou de soumettre ceux sur lesquels on exerce l’autorité parentale ou dont on assure la tutelle aux obligations de vaccination. Cet article avait été adopté dans le cadre de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance et constituait la traduction législative d’une proposition adoptée par la commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire. Son objet visait, entre autres, à harmoniser les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations vaccinales : 6 mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.

Cette abrogation ne supprime pas pour autant la possibilité plus générale de poursuivre les personnes refusant de se soumettre aux obligations vaccinales.

L’article 227-17 du code pénal prévoit de façon plus générale une infraction de mise en péril des mineurs qui peut trouver à s’appliquer au domaine de la santé. La portée de l’article est plus restreinte puisqu’il ne s’applique qu’aux parents de l’enfant mineur et non pas aux personnes susceptibles d’exercer la tutelle sur un enfant mineur. En revanche, les peines encourues sont plus lourdes : deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Pour autant, l’invocation de cet article, à l’appui d’une poursuite, suppose la démonstration devant le juge de la réalité des éléments constitutifs de l’infraction, en particulier la preuve d’un lien de causalité direct entre l’état de santé de l’enfant et la non-vaccination. En dépit de la sévérité des peines encourues, le recours à cet article reste en définitive très hypothétique.

Toutefois, l’absence de dispositions pénales particulières n’empêche aucunement d’examiner l’exercice de l’autorité parentale ou de la tutelle sur le plan du droit civil.

3.   Les dispositions transitoires et d’adaptation

Le III prévoit l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale. Il dispose que la justification des vaccinations, anciennement recommandées, est exigible à partir du 1er juin 2018 pour les enfants nés à compter du 1er janvier 2018.

Si le texte déposé prévoit l’extension de l’obligation aux personnes titulaires de l’autorité parentale, il n’en prévoit pas l’application à celles qui sont chargées de la tutelle d’enfants mineurs. Le texte gagnerait à être précisé sur ce point en cohérence avec le 2° du I. Rappelons en effet que le projet de loi rend les parents et les personnes en charge de la tutelle des mineurs responsables de l’exécution de l’obligation vaccinale.

Le IV prévoit l’adaptation des dispositions de l’article à Wallis-et-Futuna.

Le A prévoit l’application des modifications opérées sur le code de la santé publique : prise en compte de l’abrogation de l’article L. 3111-3 dans sa rédaction actuelle, renumérotation de l’article L. 3111-4-1, abrogation des poursuites et des peines particulières en cas de non soumission à l’obligation vaccinale et entrée en vigueur des nouvelles obligations vaccinales.

Le B vise à modifier plusieurs dispositions du code de la santé publique.

Le du B modifie l’article L. 3821-1 qui prévoit l’application adaptée des dispositions relatives à la vaccination pour Wallis-et-Futuna.

Le a) procède par coordination à la renumérotation de l’article L. 3111‑4‑1 ;

Le b) vise à étendre à Wallis-et-Futuna les nouvelles obligations vaccinales issues du I du présent article. Il procède également à l’application de l’article L. 3111-5 dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique. Cet article prévoit notamment les modalités de transmission à l’Agence nationale de santé publique des informations nécessaires à l’évaluation de la politique vaccinale en lieu et place de l’Institut de veille sanitaire.

Les et du même B procèdent à des mesures de coordination.

*

La commission est saisie des amendements identiques AS156 de M. Pierre Dharréville et AS370 de Mme Blandine Brocard.

M. Pierre Dharréville. Les arrêts de fabrication de vaccins décidés par des laboratoires pharmaceutiques ont créé une situation problématique. Il est inacceptable de devoir légiférer sous cette pression, et cela n’aide pas à faire progresser la vaccination en France. Quelle maîtrise la puissance publique a-t-elle de la distribution des vaccins face au pouvoir des laboratoires pharmaceutiques ? La question demeure en suspens. Il n’y a pas non plus de réponse satisfaisante à la question des effets des adjuvants aluminiques pour la santé et la recherche doit se poursuivre. Mieux vaudrait aussi évaluer les raisons de la défiance croissante de la population à l’égard de la vaccination. Or la méthode et le calendrier choisis ne permettent pas de trancher ces questions, ce qui risque de renforcer la défiance à l’égard de la vaccination sans régler les questions de fond. La réflexion doit se poursuivre afin que nous prenions les meilleurs décisions possibles en séance publique Aussi proposons-nous par l’amendement AS156 la suppression de l’article 34.

Mme Blandine Brocard. Lamendement AS370 a le même objet. Comme notre collègue, nous estimons que le calendrier retenu ne permet pas un débat serein en faveur de la vaccination. Intégrer lobligation vaccinale au PLFSS pour 2018 nous contraint à un débat réduit au strict minimum, alors que la défiance à légard de la vaccination saccroît, ce que je trouve très regrettable. Ce nest pas par la contrainte que lon favorisera la vaccination. Des recherches ont été lancées sur certains adjuvants aluminiques et des études mettent en exergue la possibilité dun lien entre des vaccinations et des pathologies qui apparaissent après ces vaccinations. Je précise quil ne sagit pas de quelques scientifiques isolés : un arrêt de la Cour de justice de lUnion européenne a reconnu cet été que « la proximité temporelle entre ladministration dun vaccin et la survenance dune maladie » pouvait « constituer des indices suffisants pour établir une telle preuve ».

Voilà pour le volet scientifique. Quant au débat démocratique, il peut parfaitement s’inspirer du précepte de Pasteur : « Ayez le culte de lesprit critique (…), sans lui tout est caduc ». Appliquons ce principe, donnons-nous le temps du débat et n’incluons pas cette disposition dans le PLFSS pour 2018 mais dans une autre loi de santé ou dans une loi de bioéthique à l’automne prochain.

M. le rapporteur général. Pasteur a aussi écrit que « le hasard ne favorise que les esprits préparés ». En l’espèce, on peut considérer que dix-huit mois ont suffi à ce que les esprits soient préparés. En revanche, on peut difficilement considérer que l’on peut laisser au hasard la santé des enfants.

Le débat a eu lieu au Parlement et certains d’entre vous ont pris part aux auditions que j’ai organisées, à l’audition du Pr Alain Fischer organisée par la présidente de la commission, qui a duré plus de deux heures, et à la table ronde qui a rassemblé des scientifiques, des acteurs de la vie sociale, des représentants des usagers et des professionnels de santé, favorables à la vaccination ou qui ne l’étaient pas, soit par crainte des adjuvants aluminiques soit par opposition de principe à l’obligation vaccinale.

Il ne s’agit pas d’ajouter des vaccins ou des injections au calendrier vaccinal actuel mais de généraliser la couverture vaccinale à la totalité ou à la quasi-totalité des enfants de France. Le constat est fait que la couverture vaccinale pour certaines maladies contre lesquelles la vaccination est recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – et certainement pas par un lobby pharmaceutique – s’est amoindrie, si bien que nous voyons resurgir en France des maladies qui avaient disparu et qui n’auraient pas dû réapparaître. Il y a eu un dixième cas de rougeole aux conséquences désastreuses, a rappelé la ministre de la santé, dont je salue le courage avec lequel elle tient à faire entrer en vigueur cette mesure de santé publique. La fermeté et le sens du dialogue avec lesquels elle présente cette disposition l’honorent et honorent sa fonction. J’espère que, de la même manière, nous nous honorerons en favorisant une protection renforcée de la population, notamment des enfants, contre les risques infectieux.

Des maladies ont réapparu dans notre pays et d’autres n’ont pas disparu alors qu’elles sont éteintes ailleurs. Comment se satisfaire que l’hépatite B soit encore responsable de 2 500 morts par an en France ? C’est le seul pays d’Europe occidentale où il en est ainsi ! Nous pouvons, comme vous le souhaitez, prendre le temps de la réflexion pendant encore cinq, dix ou vingt ans, tout en comptant ceux qui tombent des suites de maladies infectieuses et ceux qui les transmettent ! Expliquons donc aux parents d’enfants qui, parce qu’ils sont atteints de troubles immunitaires, ne peuvent être vaccinés, que l’on veut plus de temps pour réfléchir ! On a beaucoup attendu et le taux de couverture vaccinale est aux alentours de 80 % pour certains vaccins ; nous voulons que ce taux remonte à 90 % ou 95%, de manière que l’ensemble de la population soit protégée, au premier chef les enfants qui n’ont pas la chance de pouvoir bénéficier de la vaccination.

C’est un héritage considérable que nous ont laissé les scientifiques, et leurs successeurs, dans leur écrasante majorité, nous soutiennent et soutiennent la démarche de la ministre : ainsi de la quasi-totalité des conférences scientifiques, des collèges d’enseignants et des académiciens qui, tous, nous encouragent. Le Pr Alain Fischer a conduit pendant dix-huit mois une conférence sociétale, parcourant le pays pour entendre des acteurs de la société civile, des scientifiques et des professionnels de santé. Au terme de cette concertation, il a remis un rapport aux conclusions sans équivoque. D’autre part, l’ancienne députée Sandrine Hurel avait remis au Gouvernement, sous la précédente législature, un rapport consacré à la politique vaccinale.

En bref, la décision n’est pas tombée d’un chapeau ; elle a été mûrement réfléchie. Voyez ce dossier, dont j’ai envoyé copie à Mme Brocard et que je tiens à votre disposition : y figurent sur 600 à 700 pages l’ensemble des pièces – documents scientifiques et prises de position – sur laquelle la mesure est fondée. Que l’on nie l’existence du débat me gêne profondément car rarement j’aurai eu dans cette Assemblée autant l’occasion de débattre, dans des cercles privés et dans des cercles publics, des enjeux de la vaccination. On peut contester l’idée qu’il faille recourir à l’obligation, mais une représentante des usagers qui a participé à la table ronde a présenté les choses ainsi qu’il suit : l’obligation n’est pas la meilleure solution en soi, nous a-t-elle dit, et il faut rétablir la confiance en la vaccination, mais vous, parlementaires, devez voter l’obligation pour protéger la santé des enfants.

Voilà quelle a été la concertation préalable à cette disposition. Il ne faudra pas craindre, ensuite, de débattre, au-delà de la vaccination obligatoire, des étapes suivantes nécessaires pour protéger les enfants. Peut-être, un jour, parviendrons-nous par exemple à débattre sereinement de la vaccination contre le papillomavirus humain pour éviter le cancer du col de l’utérus. Il ne faut pas avoir peur d’avancer ; la science ne doit pas effrayer.

M. Julien Borowczyk. Puis-je signaler que nous n’avons pas dix-huit mois de recul mais 90 ans, au cours desquels des milliards de doses de vaccins ont été administrées, pour lesquelles on n’a pas trouvé de meilleurs adjuvants que les adjuvants aluminiques, qui sont indispensables. L’esprit critique que Pasteur appelait de ses vœux doit aussi être appliqué à des études relatives à la vaccination, lesquelles sont plus que galvaudées puisqu’elles n’apportent aucune preuve tangible d’un quelconque danger de la vaccination. Qu’un vaccin provoque un granulome à l’endroit de l’injection, réaction allergique banale, n’a rien à voir avec la toxicité de l’aluminium à haute dose, et le lien entre les deux n’a jamais été fait. D’autre part, j’entends parler de manière répétitive du lobby des laboratoires pharmaceutiques en faveur des vaccins ; mais a-t-on ainsi mis en exergue le lobby des fabricants d’airbags qui, eux aussi, sauvent des vies, quand a été introduite l’obligation d’équiper les voitures ?

 Médecin généraliste, j’observe que jamais, dans un cabinet médical, personne ne remet en cause la vaccination contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, vaccin pourtant obligatoire… et qui contient aussi des adjuvants aluminiques ! Nous devons faire cesser ces discussions interminables qui agitent les esprits car nous avons la responsabilité d’essayer de protéger la population et en particulier les plus fragiles ; or, se vacciner c’est protéger les autres. Pour finir, j’aimerais que l’on aborde la question dans le bon sens en se rappelant que pouvoir être vacciné est une chance énorme. À Madagascar, 800 personnes sont mortes de la peste depuis le mois d’août. La discussion que nous avons est une discussion de riches dans un pays nanti.

M. Jean-Pierre Door. La vaccination est un sujet conflictuel depuis de nombreuses années. On l’a vu au moment d’introduire le vaccin contre l’hépatite B, puis quand on a voulu protéger les jeunes filles en les vaccinant contre le papillomavirus humain et encore lors de l’épisode de la vaccination contre la grippe A (H1N1) sous le ministère de Mme Bachelot. Plus on alimente le débat, plus on alimente le refus de la vaccination, à présent contestée partout. Cela vaut aussi pour la vaccination antigrippale : selon le Haut Conseil de la santé publique, la couverture n’est que de 40 % en France alors qu’elle est de 80 % dans les pays étrangers. On ne peut donc s’étonner ensuite que des personnes âgées soient contaminées par le virus et en meurent. À cela s’ajoute que les migrants peuvent être atteints de maladies infectieuses contagieuses ; les médecins hospitaliers des banlieues font état d’un fort taux de porteurs, qui peuvent propager les infections. Se vacciner, c’est se protéger et protéger les autres. Pour avoir été l’auteur, il y a quelques années, d’un rapport sur le risque épidémique, ma religion est faite : il est indispensable de se vacciner. Il faut en parler et l’on en reparlera, mais je voterai contre la suppression de l’article.

M. Pierre Dharréville. J’espère que mon propos a été entendu pour ce qu’il était : je suis de ceux qui sont favorables à la vaccination, mais je considère que le débat ne s’arrête pas à cela. Des questions demeurent posées auxquelles les réponses apportées ne sont pas suffisantes. Que disons-nous aux laboratoires qui, en prenant des décisions qu’il ne leur incombait pas de prendre, ont placé l’État dans une situation intenable, débouchant sur cette décision du Conseil d’État ? Leurs agissements ne doivent pas pouvoir se reproduire ! Il ne leur revient pas de décider de la politique vaccinale de la France ; cela relève de la puissance publique. La question se pose aussi du prix des médicaments en général et des vaccins en particulier : si l’on rend un vaccin obligatoire, on doit prévoir qu’il est intégralement remboursé, ce que ne fait pas le projet de PLFSS. Je suis favorable à ce que l’on se dirige vers le remboursement total du prix des médicaments, et en tout cas des vaccins obligatoires. Enfin, j’appelle l’attention sur le fait que le Pr Fischer a proposé la poursuite des recherches sur les adjuvants, y compris par d’autres équipes que celle du Pr Gherardi. Une question étant soulevée par des scientifiques, il faut évaluer chaque volet de la mesure proposée.

M. Sébastien Chenu. La politique de santé publique est une des missions régaliennes de l’État. Le débat sur l’aspect médical de la question n’a pas lieu d’être ici, il faut le laisser aux médecins. En revanche, l’État doit rassurer les Français sur la composition des vaccins et sur la capacité de la puissance publique à gérer le problème en toute indépendance. Peut-être que le lobby des airbags rapporte moins que le lobby des laboratoires pharmaceutiques et que c’est pourquoi il n’est pas entendu… Il faut regarder les choses en face et constater que depuis l’affaire des vaccins H1N1 les Français considèrent les politiques vaccinales avec suspicion. Mais il faut aussi parler des causes, comme vient de le faire M. Door, et dire que les maladies infectieuses disparues réapparaissent parce que la politique migratoire est à l’inverse de ce qu’elle devrait être (Vives exclamations). C’est bien ce qu’a dit M. Door, sans hypocrisie, en parlant des banlieues, et l’on doit pouvoir nommer les choses sans hystériser le débat.

M. Sylvain Maillard. C’est cela ! Et interdisons aussi les voyages à l’étranger !

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Vous avez entendu, monsieur Chenu, la réprobation générale qu’ont suscitée vos propos. Un mauvais procès est fait à la vaccination alors même que, comme l’a justement souligné notre collègue Julien Borowczyk, des centaines de millions de doses vaccinales ont été injectées au fil des décennies et que de multiples études ont été faites. Je déplore que l’on soit dans le domaine de la croyance et que des croyances empêchent de comprendre qu’il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique. On oublie que la vaccination a constitué une révolution médicale. Outre cela, la politique vaccinale est régulièrement évaluée ; c’est ce qui a conduit, au fil du temps, à réduire le nombre de rappels pour les vaccins dont la première injection a un effet immunisant assez fort. S’en prendre aux solvants aluminiques, c’est oublier qu’ils renforcent l’immunité tout en réduisant l’importance des allergènes. En bref, chacun, en adhérant à des croyances, met à mal une politique ambitieuse et nécessaire de protection de la population. Enfin, en rendant la vaccination obligatoire, l’État engage sa responsabilité, ce qui signifie qu’il est sûr de ce qu’il propose.

M. Sylvain Maillard. N’étant pas médecin, n’ayant aucun intérêt dans les laboratoires pharmaceutiques mais étant un citoyen député sans avis particulier sur la vaccination, si ce n’est que j’ai été vacciné et que je fais vacciner mes enfants, je remercie le rapporteur général d’avoir éclairé le débat en organisant des auditions. J’ai été frappé par la détermination avec laquelle la ministre de la santé a exprimé un point de vue très fort, et je ne saurais conclure sans rappeler les mots du Pr Fischer, selon lequel « la vaccination est la plus grande avancée de la médecine moderne ». Il faut entendre cette phrase et maintenir l’article.

Mme Blandine Brocard. Comme M. Pierre Dharréville, je suis favorable à la vaccination. Le débat que suscitent nos amendements ne porte donc pas sur ce thème. Le rapporteur général a brandi un dossier rassemblant des études. J’ai moi-même reçu des courriers de médecins et de professeurs dont on ne saurait dire qu’ils ne sont pas éclairés et qui ne mettent pas en cause la vaccination mais l’obligation vaccinale. Le temps du débat a eu lieu, nous dites-vous. Certes, une table ronde, non publique, a été organisée, mais moins d’une dizaine de députés y ont participé, ce qui est regrettable. Quant au rapport Fischer, il est inexact de dire qu’il est sans équivoque puisque ses conclusions ne suivent pas celles des jurys de citoyens et de professionnels de santé qui insistaient sur la nécessité de ne pas imposer une obligation vaccinale.

Mme Josiane Corneloup. Membre d’une profession de santé, je suis loin de remettre en cause l’importance de la vaccination. Je dirai seulement qu’en Allemagne, au Royaume-Uni et dans les pays nordiques, où il n’y a pas d’obligation vaccinale, les taux de couverture vaccinale sont largement supérieurs à ce qu’il est en France. C’est la sensibilisation à l’intérêt de la vaccination qui devrait être au cœur de nos préoccupations, plutôt que l’injonction.

M. Thomas Mesnier. Il faut en finir avec la désinformation. J’ai beaucoup entendu parler du « pouvoir des lobbies ». Or, les recommandations en matière vaccinale émanent de l’OMS, et les laboratoires pharmaceutiques s’y plient dans la conception des vaccins. Quant à l’enrichissement des laboratoires consécutif à la mesure de vaccination obligatoire, ce sera une goutte d’eau dans un océan de profits pour des entreprises qui en vendent des millions de doses dans le monde chaque année, et alors que 80 % des enfants de France sont déjà vaccinés. Pour ce qui est adjuvants aluminiques, plusieurs collègues ont souligné à juste titre que l’on a un recul de plusieurs décennies – et si une seule équipe dans le monde entier est capable de mettre en avant ce qui n’est qu’un soupçon et non une preuve, ce n’est pas sans raison.

Pour protéger nos concitoyens, nous nous devons de redonner confiance en la vaccination et pour cela nous devons tenir un discours responsable. Nous devons veiller à la solidarité nationale. Le seul moyen d’accéder à une couverture vaccinale convenable, c’est l’obligation ; on peut le regretter, mais c’est un fait. Il est inconcevable qu’une jeune fille ait pu mourir en France, en juin 2017, des suites d’une rougeole. Je salue le courage de la ministre de la santé et j’appelle chacun à la responsabilité pour redonner confiance en la vaccination à tous.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Je partage ce point de vue sans réserves. La vaccination a été une révolution médicale dont nous avons la chance de bénéficier et, ce faisant, de pouvoir offrir à la population une protection collective. L’évaluation existe, cela a été rappelé, et les rappels sont de moins en moins nombreux – ils se font désormais tous les vingt ans et non plus tous les dix ans. Nous devons nous faire pédagogues et expliquer pourquoi nous devons en passer par l’obligation, peut-être temporaire, de vaccination pour en venir à un taux de couverture suffisant.

Mme Delphine Bagarry. Nous avons une responsabilité politique en matière de santé publique. Il est question de passer de la recommandation à l’obligation. Chacun voudra bien convenir que si l’on s’était limité à recommander de rouler à 90 kilomètres à l’heure au maximum sur les routes nationales au lieu d’y contraindre, le nombre des morts sur la route serait bien supérieur à ce qu’il est ; notre responsabilité politique est la même aujourd’hui. Pour ce qui est du remboursement des vaccins rendus obligatoires, je rappelle que la vaccination des enfants est gratuite dans les centres de protection maternelle et infantile.

M. Brahim Hammouche. Il faut sortir d’une logique de croyances pour s’orienter dans une logique d’action de santé publique. Les recommandations sont déjà largement faites sur le terrain. Ces obligations vaccinales ne rajoutent pas de vaccins supplémentaires.

Il a été rappelé que la vaccination et l’hygiène sont les deux plus grandes avancées de la médecine – le nombre de salles de bains n’est évidemment pas le même aujourd’hui qu’au XIXe siècle. La vaccination est un acte de responsabilité fondamental. La solidarité, c’est se vacciner pour soi mais aussi pour les autres.

Si l’article 34 fait l’objet d’un aussi long débat, c’est parce qu’il constitue le squelette du PLFSS, la feuille de route du ministre de la santé qui a fort bien défendu ce dossier. Nous devons être vigilants et maintenir cet article sur la forme et sur le fond. Lui enlever de la forme reviendrait à lui enlever du fond.

M. Guillaume Chiche. Comme M. Maillard, je ne suis pas un professionnel de la santé. Pour autant, je suis très attaché à la science et à la recherche dans notre pays qui nous honorent et constituent la voie vers le progressisme et les lumières. En l’occurrence, les travaux menés par les scientifiques ont démontré l’importance de la vaccination. Je suis donc tout à fait favorable à la mesure visant à rendre ces onze vaccins obligatoires.

Monsieur Chenu, je condamne fermement les propos que vous avez tenus. Vous faites le parallèle entre les flux migratoires, nos quartiers populaires et les risques d’épidémie. Ce sont des réflexes de racisme primaire, ce que nous ne pouvons tolérer ici. Je combats pour ma part les orientations politiques défendues par votre parti politique, le Front national, sur la sécurité intérieure et l’immigration. Lorsque, à la faveur d’un débat sur la santé, notre sécurité sanitaire et la vaccination en France, vous faites, alors que vous êtes le représentant de la souveraineté nationale, le parallèle avec ces sujets, vous faites honte à la République.

Mme Annie Vidal. Quel serait aujourd’hui l’état de santé de la population s’il n’y avait pas eu de vaccination contre la poliomyélite, la variole et la tuberculose ? Je pose la question s’agissant de ces trois vaccins emblématiques pour éclairer ceux qui en ont encore besoin.

Mme Catherine Fabre. Il me semble que le caractère obligatoire de la vaccination se justifie pleinement dans la mesure où il ne s’agit pas ici de liberté individuelle. La non-vaccination a un impact sur la collectivité. Je ne vois pas pourquoi on devrait tenir compte de la liberté individuelle pour protéger l’ensemble de la société. Je connais personnellement le cas de bébés qui ont attrapé la rougeole parce que des personnes de leur famille avaient pris la liberté individuelle de ne pas vacciner leurs enfants. C’est une question de responsabilité collective et non plus de liberté. Jusqu’où peut d’ailleurs aller la liberté individuelle ? Mme Bagarry faisait allusion aux limitations de vitesse sur la route.  Cela relève en effet de la même logique : nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons si nos actes ont un impact sur les autres.

Mme Geneviève Levy. On nous reproche souvent de ne pas avoir une vision pragmatique des choses, de faire de l’entre-soi et de ne pas avoir ce regard sur les vrais problèmes qui se posent. La question qui nous intéresse aujourd’hui me paraît très significative : nous devons répondre à ce besoin. Si, dans une commission où l’on doit tout se dire, on ne peut pas évoquer certains sujets, on enlève une partie de ce pourquoi nous avons été élus.

On ne peut absolument pas m’accuser de racisme puisque j’ai fondé la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) à Toulon, et que j’ai beaucoup œuvré contre des idées que je réprouve et que je combats. Il reste que, dans certains territoires, le manque de vaccination a des conséquences éminemment graves pour l’ensemble de la population.

Pour toutes ces raisons, je suis favorable à cet article.

Mme Martine Wonner. Je souhaite répondre à ma collègue qui citait des pays qui, contrairement à la France, n’avaient pas rendu la vaccination obligatoire en lui disant que l’on reconnaît un Français à l’étranger car c’est le seul qui traverse en dehors des clous. Sans faire de la psychologie sociale, il est clair que nous aimons enfreindre les règles. En tant que députée du Bas-Rhin, je côtoie beaucoup les Allemands. Sans caricaturer, je dirai que lorsque l’on recommande quelque chose à un Allemand, cela devient une obligation chez nous. Il faut peut-être se poser la question de cette obligation et de sa durée.

M. le rapporteur général. Je vais essayer de répondre aux interrogations des uns et des autres.

Je tiens tout d’abord à préciser que nous n’avons pas reçu les représentants des laboratoires pharmaceutiques. L’extension de l’obligation vaccinale représente pour l’assurance maladie une dépense nouvelle de 12 millions d’euros, à comparer à des dépenses remboursées de 34 milliards d’euros, soit moins de 0,03 % du marché du médicament remboursable. Il faut donc sortir du mythe des puissants lobbies qui guideraient nos décisions en matière de politique publique. Je rappelle que les vaccins seront remboursés à 65 % par l’assurance maladie obligatoire, le reste étant pris en charge par les assurances complémentaires de santé. Pour celles et ceux qui n’en auraient pas ou souhaiteraient disposer d’une dispense d’avance de frais, ils peuvent se rendre dans les centres de PMI où la vaccination des enfants est gratuite avec un tiers payant intégral.

Certaines questions ont porté sur l’enjeu des adjuvants aluminiques. Nous avons reçu ici le seul expert français, voire l’un des seuls experts au monde à envisager que l’injection d’adjuvants aluminiques pourrait avoir un impact sur la myofasciite à macrophages. À l’issue de cette table ronde, j’ai proposé qu’une étude sur l’impact potentiel des adjuvants aluminiques soit réalisée par une autre équipe scientifique que celle du professeur Gherardi, un tiers des publications mondiales sur la question relevant de sa seule équipe. S’il ne revient  pas à la représentation nationale de décider dans quel sens doit aller la recherche, qu’elle soit publique ou privée, elle peut toutefois encourager à un appel à projet.

Vous demandez si l’obligation vaccinale doit s’inscrire dans la durée. Je vous rappelle que l’obligation de se vacciner contre la tuberculose – le BCG – a été suspendue par décret en 2007 compte tenu de l’évolution des données scientifiques et de l’état des connaissances de la science. En cas d’une efficacité amoindrie ou d’un impact plus faible de la vaccination obligatoire, il est donc très simple de revenir sur la décision qui aura été prise.

La variole a été la première maladie éradiquée dans l’histoire de l’humanité grâce à la variolisation, développée par Edward Jenner, le père de l’épidémiologie contemporaine, à partir du virus cowpox. Aujourd’hui, la variole n’existe plus. Deux souches sont néanmoins conservées dans des laboratoires P4 très protégés, afin de développer très rapidement des traitements si elle apparaissait de nouveau. Cette maladie a fait de tels ravages que personne n’a envie de la voir flamber encore. Je crois même savoir que l’Organisation mondiale de la santé offre une prime de plusieurs millions de dollars à quiconque lui apporterait la preuve d’un cas de variole.

Quant à la poliomyélite, elle est quasiment en voie d’extinction. Hélas, il y a encore des foyers de flambée de poliomyélite dans certains endroits du monde. On subodore ainsi des centaines de cas à la suite du départ des équipes de l’ONG Médecins sans frontières de Somalie, et donc de l’interruption de la campagne de vaccination des enfants contre la polio qu’elle menait. Cela montre que le combat pour la vaccination vient parfois percuter des enjeux géopolitiques. Dans certains pays, il y a des ersatz d’autorités qui expliquent que la vaccination sert en fait à injecter des produits aux enfants pour les rendre malades… Ce sujet est tellement fondamental en termes de santé publique qu’il faut prendre garde à ce que l’on dit.

Monsieur Chenu, ce que vous avez dit est profondément choquant. Vous faites le lien entre l’immigration et la vaccination, entre des maladies qui, pour l’immense majorité d’entre elles, n’ont rien à voir avec l’immigration illégale. J’ai envie de vous répondre qu’une meilleure couverture vaccinale dans notre pays, c’est aussi une façon de protéger celles et ceux que l’on accueille et qui n’ont pas la chance de bénéficier d’une vaccination. Je suis au regret de vous dire qu’à vous seul vous êtes un vaccin vivant non atténué contre l’extrême droite. Peut-être voulez-vous « faire le buzz » avec des fake news. Mais ce n’est pas le lieu !

Enfin, des enquêtes montrent que si on levait l’obligation vaccinale sur les maladies actuellement soumises à obligation, 13 % des familles arrêteraient de faire vacciner leurs enfants. Je vous laisse faire le rapport entre ce pourcentage et le nombre de maladies qui pourraient émerger et leur impact sur la santé des populations.

Si ce qui choque c’est de se dire que la couverture vaccinale va passer de 85 % à 95 %, pourquoi vaccine-t-on 85 % des enfants ? Cette mesure ne convaincra sans doute pas tout le monde, mais le temps de la concertation a été parfaitement respecté. J’espère que nous serons extrêmement nombreux, sur tous les bancs, à voter cette mesure de santé publique.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Permettez-moi juste de citer John Stuart Mill : « La seule fin en vue de laquelle la contrainte puisse être justement exercée à lencontre de nimporte quel membre dune société civilisée contre sa volonté est de prévenir un mal pour les autres. »

La commission rejette les amendements identiques AS156 et AS370.

Elle en vient à lamendement AS375 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. Le présent amendement vise à empêcher que la vaccination ne conditionne l’entrée ou le maintien dans toute école, colonie de vacances ou autre collectivité d’enfants.

Un vaccin protégeant l’enfant contre telle ou telle maladie, un enfant non vacciné est supposé mettre en danger dans une collectivité les enfants et les adultes qui ne sont pas vaccinés pour les mêmes maladies.

Par ailleurs, les enfants fréquentent de multiples lieux autres que ceux cités dans l’article, comme les jardins d’enfants, les centres de loisirs privés, etc. dans lesquels aucun certificat n’est demandé.

En outre, les enfants sont également en contact dans ces lieux avec des adultes qui, eux, n’ont pas été vaccinés pour l’ensemble des onze valences obligatoires.

Par conséquent, conditionner l’entrée en collectivité à la remise d’un certificat de vaccination n’a pas de sens dans la mesure où les parents qui font le choix de ne pas vacciner leur enfant ne mettent en danger que ceux, adultes ou enfants, qui ont fait un choix identique.

De plus, une telle mesure risque d’augmenter fortement le nombre d’enfants non scolarisés du seul fait d’une décision appartenant à leurs parents sans pour autant annihiler le risque d’une contagion. Ces enfants subiront alors un préjudice du seul fait d’une décision parentale.

M. le rapporteur général. Avis très défavorable. Il est faux de prétendre que l’on ne demande pas les certificats de vaccination avant l’accueil d’un enfant en collectivité. La loi prévoit que l’on demande les pièces justificatives des vaccinations qu’il s’agisse des crèches, des écoles, des centres de loisirs, des scouts, etc. Ce que vous proposez est plutôt une tentative de contourner l’obligation vaccinale en disant qu’elle n’aurait pas d’impact.

La commission rejette lamendement.

Elle étudie ensuite lamendement AS222 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Comme l’a dit Mme Agnès Firmin le Bodo, nous soutenons le Gouvernement qui souhaite promouvoir la vaccination dans un objectif de prévention. Cela met d’ailleurs fin à un flou qui existait autour des vaccins puisque trois étaient obligatoires tandis que huit étaient recommandés, comme le précise le rapporteur général dans son rapport.

Il est important de combattre la baisse du taux de couverture vaccinale en France qui est d’ailleurs l’un des plus faibles d’Europe. La couverture vaccinale stagne en effet dans notre pays autour de 75 % pour un certain nombre de vaccins, ce qui est bien en dessous du seuil de 95 % nécessaire à l’éradication de la maladie.

Cependant, si le système de lobligation se justifie au regard de lobjectif fixé et du faible taux de personnes vaccinées actuellement, il ne trouvera plus de justification lorsque le taux de 95 % de prévalence vaccinale sera atteint ; lobligation devra alors être levée. Comme vous lavez dit, monsieur le rapporteur général, il faut rétablir la confiance, mais lobligation ne va pas dans le sens de la confiance. Cest pourquoi nous proposons la suppression de cette obligation lorsque le taux de prévalence de 95 % sera atteint ou lorsque la maladie sera éradiquée.

M. le rapporteur général. Votre amendement propose d’abord une évaluation chaque année, par la Haute autorité de santé, de l’impact de l’extension. Si l’idée est bonne, peut-être faudrait-il convenir d’une rédaction optionnelle et retravailler votre amendement en vue de son examen en séance publique.

La seconde partie de votre amendement est satisfaite par le droit en vigueur puisque, comme je l’ai dit à propos du BCG, on peut suspendre une obligation vaccinale par décret. Plutôt que d’instaurer dans la loi un taux de couverture vaccinale de 95 %, mieux vaudrait s’en remettre au débat scientifique et à l’état des connaissances scientifiques en ce qui concerne le taux de couverture à atteindre et à maintenir.

Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. Francis Vercamer. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AS385 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. C’est un amendement de conséquence de l’amendement que j’ai présenté précédemment qui visait à ne pas conditionner l’inscription à l’école à la vaccination.

Il s’agit là de rétablir les poursuites à l’encontre des parents en cas d’infraction à l’obligation vaccinale.

M. le rapporteur général. Je ne comprends pas votre logique.

D’un côté, vous supprimez la justification de l’obligation vaccinale à l’entrée d’un enfant dans une collectivité, tandis que de l’autre vous maintenez la responsabilité pénale des parents. Pour vous, l’intérêt de santé publique passe après la répression et la culpabilisation. Pour ma part, je préfère l’accompagnement des parents et l’information nécessaire. Vous avez assisté, comme moi, à la table ronde sur la vaccination. Ainsi que l’ont souligné les associations de parents, il y a un enjeu d’information.

Pourquoi abroge-t-on ? Tout simplement parce que le dispositif n’a été que peu opérant. Nous préférons informer davantage les familles plutôt que de susciter plus de méfiance et de défiance.

Je vous propose donc de retirer votre amendement.

Mme Blandine Brocard. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de deux amendements identiques AS157 de M. Pierre Dharréville et AS381 de Mme Blandine Brocard.

M. Alain Bruneel. L’extension de l’obligation vaccinale mérite un large débat démocratique qui doit peut-être sortir de cette commission, ainsi que des moyens financiers dédiés à la recherche sur les vaccins afin de trancher les questions qui se posent dans le débat public.

Pour ces raisons, nous proposons, à travers cet amendement de repli, de décaler d’un an l’entrée en vigueur de l’extension de l’obligation vaccinale.

Mme Blandine Brocard. L’amendement AS381 est défendu.

M. le rapporteur général. Je répète que cette question a fait l’objet de dix-huit mois de concertation par le professeur Fischer, d’un rapport parlementaire, d’études scientifiques fournies, étayées dans le monde entier, de recommandations de la quasi-totalité de la communauté scientifique et médicale dans notre pays et à l’étranger. J’ajoute que si l’on généralisait la vaccination, rien que pour l’hépatite B, 2 500 morts seraient évitables chaque année. Je ne vois pas en quoi un an supplémentaire permettrait de convaincre les rares députés qui ne le sont pas encore.

Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle en vient à lamendement AS397 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Le présent article dispose que l’obligation vaccinale concerne les personnes titulaires de l’autorité parentale mais il ne prévoit pas l’application à celles qui sont chargées de la tutelle d’enfants mineurs. Le texte gagnerait donc à être précisé, en cohérence avec l’alinéa 16. Rappelons en effet que le projet de loi rend les parents et les personnes chargées de la tutelle des mineurs responsables de l’exécution de l’obligation vaccinale.

La commission adopte lamendement.

Puis elle étudie lamendement AS380 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. Le présent amendement a pour objet de soutenir la démarche du Gouvernement. En effet, celui-ci a annoncé que ces obligations vaccinales pourront être levées lorsque les couvertures vaccinales appropriées seront atteintes et que la levée de l’obligation ne risquera pas d’entraîner une baisse des vaccinations.

Dans un souci de transparence et d’exhaustivité, il est donc proposé de confirmer le caractère temporaire de cette mesure dans le PLFSS, pour que le Gouvernement puisse, au vu de l’évolution de la couverture vaccinale, prendre la décision dans trois ans de renouveler ou non cette obligation.

Cet amendement ne fait pas obstacle aux dispositions de l’article L. 3111-1 du code de la santé publique, qui prévoit déjà dans son deuxième alinéa que puisse être levée l’obligation vaccinale par décret, compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques.

M. le rapporteur général. Je ne sais pas si votre proposition va dans le sens du Gouvernement. En tout cas, elle vise à lui complexifier la tâche et le droit en vigueur.

Avis défavorable donc.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AS384 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. Là aussi je considère que je soutiens la démarche du Gouvernement, non sur le caractère temporel de l’obligation vaccinale mais sur le seuil de vaccination. J’ai bien entendu qu’il fallait viser le seuil de vaccination recommandé par l’OMS qui est de 95 %. C’est pourquoi, je souhaite inscrire ce seuil.

Suivant lavis défavorable du rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AS386 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. Le présent amendement a pour objet de recenser les possibilités de contamination par un adulte non immunisé à l’intérieur des établissements accueillant des enfants.

Si l’on considère qu’un enfant non vacciné peut représenter un danger pour la collectivité et qu’on lui interdit dès lors l’accès aux écoles, garderies, colonies de vacances ou autres collectivités, il doit en être de même pour les adultes qui travaillent au contact des enfants dans ces lieux.

Ainsi, par exemple, concernant les accueils collectifs de mineur, l’article R. 227-8 du code de l’action sociale et des familles prévoit que les intervenants « doivent produire, avant leur entrée en fonction, un document attestant quelles ont satisfait aux obligations légales en matière de vaccination. » Ces intervenants n’ont donc que la seule obligation de la vaccination DTP puisqu’ils sont tous, pour au moins les seize années à venir, nés avant le 1er janvier 2018.

Cet amendement permettra au Gouvernement d’évaluer les risques et d’envisager l’obligation vaccinale pour les personnels en contact avec les enfants.

M. le rapporteur général. Cet amendement me gêne puisqu’il vise à confier aux directeurs de centres accueillant des enfants la gestion d’un fichier en fonction de l’état vaccinal du personnel qui exerce. Il soulève donc de nombreux sujets – respect des libertés individuelles, déclaration de fichiers à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) –, et justifie que j’émette un avis défavorable sans apporter davantage de précision.

M. Julien Borowczyk. Madame Brocard, avec cet amendement vous allez au-delà de ce que souhaite le Gouvernement puisqu’il faudrait vacciner tout le monde, les encadrants mais aussi tous ceux qui n’auront pas été soumis à la vaccination obligatoire. Bien sûr, s’il est intéressant de vacciner le plus de monde possible, il faut fixer une date à partir de laquelle on met en place une réglementation.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement AS344 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Pour éviter toute polémique et apporter des réponses aux inquiétudes des citoyens réticents à faire vacciner leurs enfants, il pourrait être utile que le Gouvernement fournisse au Parlement un rapport d’évaluation détaillant l’efficacité de cette politique préventive.

Au vu des réponses qui ont été apportées hier, je crois pouvoir anticiper votre réponse, monsieur le rapporteur général. Mais si vous devez donner un avis défavorable à tous nos amendements, dites-le moi !

M. le rapporteur général. Nous travaillons à la rédaction d’un amendement qui vise à faire en sorte que le Parlement puisse être régulièrement saisi de cette question. Je vous propose de retirer le vôtre parce que sa rédaction peut être améliorée, et de travailler ensemble d’ici à l’examen du texte en séance afin d’aboutir à une proposition concertée avec le Gouvernement. M. Vercamer pourrait également s’y associer..

M. Boris Vallaud. Je propose plutôt de d’adopter dès maintenant notre amendement et de le sous-amender en séance publique.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 34 modifié.

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Après l’article 34

La commission est saisie de lamendement AS276 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Comme on a pu s’en rendre compte, l’extension vaccinale met en grande difficulté l’obligation vaccinale dont La France insoumise est un fervent défenseur. Face à la décision rapide et difficile à comprendre du ministère de la santé, le camp des anti-vaccins a réarmé, instrumentalisant la défiance légitime qui existe dans notre pays depuis que des scandales sanitaires se multiplient – dépakine, médiator, et récemment le levothyrox – il risque de créer un véritable mouvement de rejet qui remettra les vaccins obligatoires actuels en péril, ce qui serait dangereux. Pourquoi cette précipitation ? Les justifications claires manquent et je ne salue pas la communication par la peur à laquelle le Gouvernement a trop souvent recours.

Lors des auditions en commission, vous avez pu constater, comme moi, que le consensus scientifique n’existait pas en la matière. Nous sommes forcés de nous demander si c’est pour résoudre la pénurie du tétravalent que Mme la ministre veut une extension aussi rapide. Est-ce pour des considérations de santé publique qu’il faudra alors nous exposer beaucoup plus clairement en prenant du temps ?

Une chose est sûre : si nous devons imposer à la population huit vaccins supplémentaires pour les nouveau-nés, nous devons le faire en levant les doutes les plus légitimes. Au mois de mars dernier, un rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament, basé sur une étude menée par le professeur Gherardi, a mis en lumière les effets neurotoxiques de cet adjuvant. Le 8 mars, le conseil scientifique de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a rendu l’avis suivant : « Lapport de létude aux connaissances sur la sécurité des vaccins semble significatif sans être encore déterminant. Quil sagisse des résultats sur les effets observés en fonction de la dose daluminium ou de ceux sur la susceptibilité génétique, réplications et approfondissements sont nécessaires. »

En cohérence avec cet avis, le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et remettre au Parlement un rapport sur cette question. Une fois ces informations connues et le temps pris pour lever tous les doutes, nous accepterons l’extension vaccinale.

M. le rapporteur général. Beaucoup de choses ont été dites lors des tables rondes et auditions auxquelles vous avez assisté. C’est pourquoi je vous ai adressé par courriel, le 3 octobre dernier, à dix heures vingt et un, l’ensemble des pièces du dossier qui nous avaient été présentées par l’ensemble des intervenants auditionnés. J’avais même pris la liberté d’ajouter les dernières publications scientifiques internationales, notamment celles relatives à l’aluminium.

Madame Fiat, attention aux raccourcis : il n’y a pas eu du tout de mise en évidence d’effets neurotoxiques, mais une théorisation de l’idée de migration de l’adjuvant aluminique du muscle dans lequel on injecte le vaccin jusqu’à l’encéphale. Mais cela n’a pas été démontré. Pour essayer de rassurer celles et ceux qui attendent des réponses aux problèmes de santé dont ils souffrent, j’ai indiqué que je ne suis pas opposé à ce qu’une autre équipe indépendante développe des études sur le sujet.

Considérant que toutes les pièces du dossier, tous les rapports qui ont été mis à votre disposition permettent de faire la lumière sur l’état des connaissances scientifiques et du droit en matière de vaccination, il n’est pas nécessaire que le Gouvernement remette un nouveau rapport au Parlement. Je vous demande donc de retirer cet amendement. À défaut, j’y suis défavorable.

Mme Caroline Fiat. Je n’ai pas fait de raccourci, j’ai seulement repris le compte rendu du conseil scientifique de l’ANSM.

Pour diminuer la défiance qui ne fait qu’augmenter et faire de l’éducation populaire, ne faut-il pas que le Gouvernement remette un rapport, ce qui fera taire ceux qui sont opposés aux vaccins ?

M. le rapporteur général. C’est tout à votre honneur que de vouloir diminuer la défiance et renforcer la confiance. C’est un travail que chaque parlementaire peut faire dans sa circonscription, sur la base des documents dont il dispose déjà et qui viendront compléter utilement les travaux scientifiques auxquels j’ai largement fait allusion au cours de l’heure que nous venons de passer sur la question de la vaccination.

La commission rejette lamendement.

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Chapitre II
Promouvoir linnovation en santé

Article 35
Innovation du système de santé

Cet article créé un cadre général étendu pour favoriser les expérimentations relatives à l’organisation des soins.

Des dérogations au droit existant sont ainsi rendues possibles pour permettre la mise en place d’organisations innovantes, qui pourront permettre d’enfin adopter une logique centrée sur le parcours de soins et la séquence de soins, de développer les modes d’exercice regroupé, de lutter contre les déserts médicaux, d’améliorer la pertinence de la prise en charge et celle des prescriptions.

En parallèle, il met en place le dispositif de sélection, d’appui et d’évaluation pour ces expérimentations qui fait aujourd’hui cruellement défaut, et devrait faciliter la généralisation des expérimentations réussies.

I.   la difficile diffusion de l’innovation organisationnelle au sein de notre système de sante

1.   Un enjeu de taille

Lorsque l’on évoque l’innovation dans le domaine de la santé, on pense immédiatement au progrès de la science et des techniques : biotechnologies, nanotechnologies, sciences cognitives, irruption du numérique… et moins souvent aux innovations organisationnelles, pourtant cruciales pour améliorer la qualité et la sécurité des prises en charges, l’efficience de notre système de santé, son accessibilité.

Pourtant, dans un cadre organisationnel figé, comment notre système de santé pourra-t-il s’adapter à la transition épidémiologique et démographique ? Comment pourra-t-il s’emparer de l’infinité de possibilités offertes par le numérique ?

La santé, qui n’est pas une activité comme une autre, doit sans aucun doute être strictement encadrée et régulée. Ce cadre ne doit pas pour autant être un carcan.

Or, s’il existe aujourd’hui des procédures de droit commun permettant d’encourager et de diffuser l’innovation en matière de médicaments et de dispositifs médicaux, des obstacles trop importants freinent encore l’innovation organisationnelle en matière de santé. Ces difficultés ont été exposées très clairement par le Haut Conseil pour l’assurance maladie ([301]) et par l’assurance maladie dans son rapport « Charges et produits 2018 ».

Cela ne signifie pas que les idées disruptives dans ce domaine manquent dans notre pays, bien au contraire. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les projets primés cette année aux États généraux de l’innovation organisationnelle en santé ([302]), comme la plateforme mise en place par l’hôpital Albert Schweitzer de Colmar pour dématérialiser les éléments administratifs et médicaux relatifs aux patients opérés, ou le parcours de soins coordonnés pour les patients sous chimiothérapie orale de l’Institut Gustave Roussy.

2.   Un cadre juridique peu porteur

Le cadre juridique actuel, s’il n’empêche pas ces innovations, ne les encourage pas assez. Surtout, il ne permet pas leur diffusion à grande échelle, et ces innovations, même lorsqu’elles sont un succès, restent souvent des bouteilles à la mer. Pour reprendre les mots de la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, dans son rapport « Charges et produits 2018 », elles restent pour leur grande majorité des « expérimentations temporaires permanentes ».

a.   Les limites de l’expérimentation locale

Le Fonds d’intervention régional (FIR), créé par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2012, permet aux Agences régionales de santé (ARS) de bénéficier d’un peu de souplesse dans la gestion de leurs crédits. Doté de 3,35 Md€ en 2017, il permet indéniablement à des projets innovants d’exister au niveau local : ainsi, parmi les projets lauréats précités des États généraux de l’innovation organisationnelle en santé, trois avaient été financés grâce au FIR.

Le positionnement régional du FIR est absolument essentiel pour faire émerger des projets répondant véritablement à des enjeux locaux et pour mobiliser les acteurs sur le terrain. Toutefois, aucun pilotage n’est aujourd’hui prévu pour permettre à ces initiatives locales, lorsqu’elles sont un succès, d’être identifiées puis généralisées au niveau national. Par ailleurs, les crédits attribués par le biais du FIR ne sont pas uniquement dédiés à l’innovation, et leur caractère temporaire reste un frein au développement de ces expérimentations.

b.   Les expérimentations nationales : entre lenteur du processus et rigidité du cadre

Parallèlement, des expérimentations sont également portées au niveau national, le plus souvent dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) : une vingtaine d’expérimentations ont ainsi été prévues au cours des dix dernières années.

Ces expérimentations consacrées au niveau législatif permettent de fortement mobiliser l’ensemble des acteurs, dans un cadre juridique dédié. Toutefois, le bilan que l’on peut en faire, s’il est parfois très positif, à l’exemple du projet PAERPA dédié au parcours de soins des personnes âgées en risque de perte d’autonomie, généralisé en 2016, reste mitigé.

Au-delà de leur caractère parfois trop peu adapté aux contextes locaux, car procédant bien souvent d’une logique descendante et jacobine, c’est bien la lourdeur de leur création puis de leur mise en œuvre qui est le plus problématique.

La mise en place de parcours de soins pour les personnes âgées en risque de perte d’autonomie a ainsi nécessité deux mesures législatives successives (article 70 de la LFSS pour 2012 puis article 48 de la LFSS pour 2013) afin d’adapter la mesure aux besoins progressivement identifiés.

Surtout, le délai de déploiement de ces expérimentations est loin de la souplesse et de la réactivité nécessaires. Quelques exemples sont à ce titre éclairants : c’est notamment le cas de l’expérimentation relative aux transports sanitaires urgents pré-hospitaliers, adoptée en LFSS pour 2012, dont le décret n’a été publié qu’en décembre 2014, et qui n’a été réellement déployée qu’en 2016… Les expérimentations relatives aux hôtels hospitaliers, prévues en LFSS pour 2015, n’ont quant à elles été mises en place qu’en 2017.

Certaines de ces expérimentations n’ont même jamais eu d’application concrète. L’exemple le plus criant est sans aucun doute celui de l’organisation du transport sanitaire, pour lesquelles des expérimentations ont successivement été prévues en LFSS pour 2010, 2013 et 2014, sans qu’aucun texte d’application ne voie jamais le jour…

Par ailleurs, la profusion d’expérimentations pose une autre difficulté, celle de l’articulation entre le dispositif expérimental législatif piloté par l’État et les actions entreprises parallèlement par l’assurance maladie dans le cadre conventionnel (ou parfois même entre dispositifs législatifs). L’existence de dispositifs concurrents ne concourt évidemment pas à la lisibilité de la politique de santé ni à son efficience.

3.   L’absence de dispositif d’appui à la diffusion de l’innovation

Au-delà des difficultés de mise en œuvre de ces expérimentations, tant locales que nationales, c’est souvent leur conception elle-même qui pose problème : leur cible est insuffisamment identifiée, et leurs modalités d’évaluation ne sont pas clairement définies en amont.

La tentative d’esquisser un cadre général pour les expérimentations a été amorcée dans la LFSS pour 2014, avec la création dans le code de la sécurité sociale d’un article L. 162-31-1 permettant la mise en place de projets pilotes visant à optimiser les parcours de soins des patients. Ce dispositif, trop restreint, n’a pas permis la mise en place d’un véritable dispositif d’appui à l’innovation organisationnelle : aucune expérimentation n’a d’ailleurs été réalisée dans ce cadre.

Il est donc urgent de créer un cadre favorable à l’émergence d’initiatives innovantes, permettant non seulement de les encourager mais également d’appuyer leur développement, et de généraliser celles qui auront fait l’objet d’une évaluation prometteuse.

De tels programmes existent déjà à l’étranger : la CNAMTS, dans son rapport « Charges et produits 2018 », évoque notamment l’exemple des new care models et du transformation fund mis en place au Royaume-Uni, ou des expérimentations prévues au sein de l’Affordable care Act (« Obamacare ») aux États-Unis.

II.   Le dispositif proposé

Le I du présent article réécrit entièrement l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale relatif aux projets pilotes visant à optimiser les parcours de soins des patients souffrant de pathologies chroniques.

Le présent article instaure ainsi un cadre général très large pour les expérimentations relatives à l’organisation de notre système de santé. Parallèlement, il met en place un mécanisme de sélection, d’appui et d’évaluation pour ces expérimentations, qui fait aujourd’hui cruellement défaut.

A.   Un cadre juridique desserré, favorisant l’innovation organisationnelle

1.   Les objectifs des expérimentations prévues

La réécriture du I de l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale vise à définir un cadre général pour les expérimentations plus large que celui existant, tout en précisant leurs objets et leurs durées pour ne pas porter atteinte au principe d’égalité devant la loi, dans le droit fil de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et afin de ne pas porter atteinte au principe d’égalité devant la loi ([303]).

Il permet la mise en place d’expérimentations dérogeant au cadre législatif en vigueur pour une durée maximale de cinq ans.

Ces expérimentations peuvent avoir pour objectif un ou plusieurs des items suivants.

● Favoriser linnovation organisationnelle, non seulement dans le secteur sanitaire, mais également dans le secteur médico-social. Ces expérimentations devront concourir à l’amélioration de la prise en charge et du parcours des patients, de l’efficience du système de santé et de l’accès aux soins, en cherchant à :

– optimiser par une meilleure coordination le parcours de santé, la pertinence et la qualité de la prise en charge sanitaire, sociale ou médico-sociale ;

– organiser pour une séquence de soins la prise en charge des patients ;

Ces expérimentations pourraient ainsi permettre de décloisonner la prise en charge des patients en rompant enfin avec la logique de silos dont souffre aujourd’hui notre système de soins à travers le financement au parcours.

Cette modalité de financement permet de rémunérer globalement tous les acteurs intervenant dans la prise en charge des pathologies chroniques (ville et hôpital, transports, produits de santé,…) ou dans un épisode de soins ‑ hospitalisation, les soins pré et post-opératoires, ré-hospitalisations par exemple. Ce nouveau mode de rémunération, déjà mis en place dans plusieurs pays, pourrait permettre non seulement d’améliorer la coordination entre professionnels, mais également de limiter les hospitalisations ou les actes inutiles ou inappropriés.

En outre, l’étude d’impact envisage notamment la possibilité d’ouvrir aux groupements volontaires, sélectionnés sur appel à projets, la possibilité d’un intéressement collectif intervenant en sus de la tarification de droit commun.

– développer les modes dexercice regroupé en participant à la structuration des soins primaires, notamment par le biais de regroupements pluri-professionnels (maison de santé, pôle de santé, centre de santé…). Pour le rapporteur général, cette expression « soins primaires » est cependant trop restrictive : si la structuration des soins de premier recours est en effet une priorité, les médecins spécialistes de ville doivent également être au cœur de ces parcours de soins. 

Ce mode d’exercice est non seulement plus attractif pour les jeunes professionnels de santé, mais doit également améliorer la qualité et l’accessibilité de l’offre de soins et faciliter la mise en œuvre d’une logique centrée sur le parcours de soins. De nouveaux modes de rémunération ont déjà été mis en place, avec succès, pour accompagner le développement de certaines structures ([304]) : de telles expériences doivent être poursuivies et encouragées.

– favoriser la présence de professionnels de santé dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins.

Ces expérimentations pourront ainsi constituer un levier puissant pour la mise en œuvre du plan gouvernemental d’accès territorial aux soins présenté par la ministre de la santé le 13 octobre dernier.

● Améliorer la pertinence de la prise en charge par l’assurance maladie des produits de santé ([305]) ou des prestations associées, et la qualité des prescriptions, en modifiant :

 les conditions de prise en charge des produits de santé onéreux et des prestations associées au sein des établissements de santé – les produits sur la liste en sus notamment –, et le recueil dinformations relatives au contexte, à la motivation et à limpact de la prescription et de lutilisation de ces produits de santé ;

– les modalités de rémunération (notamment par des mesures incitatives ou de modulation) des professionnels de santé ou des établissements de santé, ainsi que des mesures d’organisation dans l’objectif de promouvoir un recours à ces produits de santé ;

– les conditions d’accès au forfait innovation prévu par l’article
L. 165-1-1 du code de la sécurité sociale.

Le « forfait innovation »

Aux termes de l’article L. 165-1-1 du code de la sécurité sociale, modifié par la LFSS pour 2015, tout dispositif ou acte innovant susceptible de présenter un bénéfice clinique ou médico-économique peut faire l’objet, à titre dérogatoire et pour une durée limitée, d’une prise en charge partielle ou totale par l’assurance maladie. Cette prise en charge est conditionnée à la réalisation d’une étude clinique ou médico-économique.

Ce « forfait innovation » doit donc permettre à la fois un accès sécurisé à des innovations de rupture pour les patients tout en réunissant de manière encadrée les données cliniques et/ou médico-économiques manquantes qui permettront de prendre une décision ultérieure de prise en charge plus robuste.

Pour le moment, selon les informations transmises au rapporteur général, seules trois dispositions ont pu bénéficier de ce dispositif depuis sa création.

2.   Des expérimentations qui peuvent très largement déroger au droit commun

Afin de mettre en œuvre les expérimentations, le II de l’article L. 162-31-1 liste les règles prévues par le code de la sécurité sociale relatives aux modalités de financement, de tarification et de facturation des prestations couvertes par l’assurance maladie auxquelles il peut être dérogé. L’objectif poursuivi au travers de ces dérogations est de permettre le test de nouveaux modes de financement des soins, au titre des dépenses d’assurance maladie, à travers l’intéressement collectif des acteurs contribuant au décloisonnement des prises en charges sanitaires et médico-sociale, au paiement intégré à l’épisode de soins et à la pertinence du remboursement des produits de santé.

Le 1° prévoit un certain nombre de dérogations touchant aux règles définies par le code de la sécurité sociale.

Sont ainsi visés au a) :

– la prise en charge des actes et prestations inscrits sur la nomenclature (L. 162-1-7) ;

– les principes et les bases de la tarification des prises en charge réalisées par les professionnels de santé libéraux communs (article L. 162-14-1) ou spécifiques (article L. 162-5 pour les médecins, L. 162-9 pour les chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux, L. 162-16-1 pour les pharmaciens, L. 162-12-2 pour les infirmiers, L. 162-12-9 pour les masseurs-kinésithérapeutes) ou en celles afférentes aux laboratoires de biologie médicale (article L. 162-14) et aux centres de santé (article L. 162-32-1) ;

– les dispositions relatives au financement des activités des établissements de santé publics et privés (cf. encadré ci-après). Les dispositions ne semblent pas exhaustives. Ainsi, il n’est pas prévu de déroger à la tarification transitoire prévue pour les activités de soins de suite et de réadaptation ou encore au financement des hôpitaux de proximité ;

Le périmètre de la dérogation au financement des établissements de santé

 Les activités de psychiatrie : articles L. 162-22-1 pour les établissements financés au prix de journée et L. 174-1 pour les établissements sous dotation.

 Les activités de médecine, chirurgie et obstétrique : articles L. 162-22-6 pour les catégories de prestations concernées par la tarification à l’activité, L. 162-22-6-1 pour la rémunération des consultations longues, pluridisciplinaires et pluri-professionnelles, L. 162-22-10 pour la fixation des tarifs GHS, forfaits ou dotation pour soins critiques, L. 162-22-13 à L. 162-22-15 pour la dotation relative aux missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation.

 Les activités de soins de suite et de réadaptation : articles L. 162-23-1 pour les catégories de prestations concernées par la dotation modulée à l’activité, L. 162-23-2 pour la fixation des tarifs GHM, la dotation « plateaux techniques spécialisés », la dotation relative aux missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (conjointement avec l’article L. 162-23-8) et la dotation IFAQ (qualité et sécurité de soins), L. 162-23-4 s’agissant des modalités de fixation de la dotation modulée à l’activité).

 Les actes et consultations externes : articles L. 162-26 et L. 162-26-1.

– les principes et les bases de la tarification des prises en charge de frais de transport couverts par l’assurance maladie (articles L. 322-5 et L. 322-5-2).

Le b) vise à déroger au principe du paiement direct des honoraires médicaux par le patient (article L. 162-2).

Le c) prévoit une dérogation portant sur le périmètre des frais couverts par l’assurance maladie : frais de médecine générale et spéciale, frais pharmaceutiques et d’appareils, frais d’examens de biologie médicale, frais d’hospitalisation et de traitement dans des établissements de soins, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation ou d’éducation professionnelle, ainsi que des frais d’interventions chirurgicales (1° de l’article L. 160-8), prestations de transport (2° du même article) et examens de prévention bucco-dentaire (6°).

Le d) déroge aux conditions de participation des assurés aux différents tarifs et frais prévues aux articles L. 160-13 à L. 160-15 ainsi qu’à l’article L. 174‑4 (ticket modérateur, forfait journalier, franchises).

Le e) prévoit une dérogation aux principes et aux bases de la tarification des médicaments et des dispositifs médicaux en ville ou à l’hôpital.

Le 2° prévoit un certain nombre de dérogations touchant aux règles définies par le code de la santé publique.

Le a) vise à déroger à l’article L. 4113-5 qui interdit tout partage d’honoraires entre professionnels de santé.

Le b) a pour objet délargir le champ de lactivité des établissements de santé dont l’activité consiste à assurer « le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes » ainsi que les actions de prévention et d’éducation à la santé. Au terme du b), les hôpitaux pourront proposer des prestations temporaires d’hébergement non médicalisé aux patients, en amont ou en aval de la prestation.

Le c) vise à permettre la possibilité d’accorder une autorisation de soins et d’équipements matériels lourds à des groupements d’établissements de santé ou de professionnels de santé. Certains groupements d’acteurs, en tant que tels, ne bénéficient pas d’une telle autorisation.

Pour les groupes d’établissements de santé, il s’agirait de viser les groupements de coopération sanitaire de moyens et les groupements hospitaliers de territoires.

Pour les groupements de professionnels de santé, sont visés les professionnels libéraux des maisons de santé pluri-professionnelles et les sociétés d’exercice des professionnels de santé. Dans ce dernier cas, une modification d’ordre réglementaire serait nécessaire pour autoriser le caractère pluri-professionnel des sociétés d’exercice.

Le d) prévoit aussi une dérogation afin de permettre dexpérimenter des parcours de soins adaptés à la dialyse à domicile avec lintervention de prestataires de services. Le prestataire de service assurerait les prestations techniques et la mise à disposition du matériel nécessaire à la dialyse. Pour permettre une dispensation directe par le prestataire de service, il est nécessaire de pouvoir déroger aux règles de dispensation des produits de santé tout en restant sous la responsabilité d’un pharmacien inscrit à l’Ordre.

Le 3° du I permet enfin la dérogation aux modes de tarification des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à larticle L. 312-1 du code de la sécurité sociale.

B.   des rÈgles de gouvernance assurant la pertinence de ces expérimentations et leur accompagnement

L’accompagnement, le suivi des expérimentations et leur évaluation constituent la faiblesse principale des cadres expérimentaux antérieurs.

Les modalités de gouvernance prévues au présent article doivent pallier ce manque, et garantir enfin la cohérence des expérimentations menées et leur suivi.

Ces modalités sont prévues au III de L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale modifié par le présent article.

1.   Une gouvernance souple

Les expérimentations seront autorisées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé pour celles à dimension nationale, et des directeurs généraux de l’ARS pour les expérimentations locales, après respectivement l’avis ou l’avis conforme de la Haute Autorité de santé (HAS).

Un comité technique, composé de représentants de l’assurance maladie, des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé et des ARS émettra un avis sur les expérimentations, leur mode de financement et leurs modalités d’évaluation, et déterminera leur champ d’application territoriale.

Pour le rapporteur général, cette définition en amont des critères de l’évaluation est absolument essentielle, et constituera une étape clé vers une éventuelle généralisation de l’expérimentation. Selon les informations transmises par le Gouvernement, un marché-cadre multi-attributaire sera passé pour sélectionner les évaluateurs. L’appui de la DREES (direction de la recherche, des études, de lévaluation et des statistiques des ministères sociaux) pourrait également être précieux.

Le comité technique devra saisir pour avis la HAS des projets d’expérimentations comportant des dérogations à des dispositions du code de la santé publique relatives à l’organisation ou la dispensation des soins. Les cas justifiant sa saisie et le délai dans lequel elle devra rendre son avis seront fixés par décret en Conseil d’État (ce délai pourrait être deux mois, selon les informations transmises au rapporteur général). En tout état de cause, la HAS ne sera saisie qu’en tant que de besoin, seulement si le cahier des charges de l’expérimentation le nécessite, afin de ne pas alourdir plus que nécessaire la procédure.

Un décret en Conseil d’État précisera également :

– les catégories d’expérimentations, les modalités de sélection, d’autorisation, de financement et d’évaluation des expérimentations. Il s’agit ainsi d’apporter dans le texte d’application des précisions par rapport à l’objet figurant au I de l’article, pour plus de sécurité juridique ;

– les modalités d’information des patients ;

– la composition et les missions du comité technique.

Pour le rapporteur général, un conseil stratégique devrait compléter cette gouvernance. Ce conseil stratégique serait notamment chargé de formuler des propositions sur les innovations dans le système de santé. Des éléments sur la mise en œuvre des expérimentations et leurs rapports d’évaluation lui seraient systématiquement transmis. Le rapporteur général souhaite vivement que les usagers, les professions de santé et les établissements de santé, entre autres, soient représentés au sein de ce conseil.

Le IV de l’article L. 162-32-1 prévoit des dispositions spécifiques à la protection des données personnelles des patients dans le cadre de ces expérimentations.

Il prévoit notamment que les professionnels intervenant dans le cadre d’une expérimentation seront systématiquement réputés comme appartenant à une équipe de soins au sens de l’article L. 1110-12 du code de la santé publique : cela leur permettra de partager les données nécessaires à la prise en charge du patient, dont le consentement est présumé.

Par ailleurs, les personnes chargées de l’évaluation des expérimentations auront accès aux données individuelles contenues dans le système national d’information interrégimes de l’assurance maladie (SNIIRAM), dans le respect des conditions prévues relatives à la mise à disposition des données de santé prévues au sein du code de la santé publique. Des adaptations pourront être établies par décret en Conseil d’État. Selon les informations transmises au rapporteur général, l’avis de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) sera notamment nécessaire dans certains cas, en fonction de la nature des données définies comme nécessaires à l’évaluation.

2.   Un fonds d’appui

Pour accompagner ces innovations, la création d’un fonds pour l’innovation du système de santé est prévue au V de l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale.

Ce fonds peut couvrir tout type de dépenses, y compris des prestations, mais à titre subsidiaire seulement : les expérimentations mises en œuvre dans ce nouveau cadre auront avant tout vocation à être financées dans les conditions de droit commun, par l’assurance maladie au titre du risque maladie ou par le FIR. Les évaluations des expérimentations, en revanche, seront entièrement prises en charge par ce fonds.

Les travaux du comité technique permettront de préciser, au cas par cas, ce qui est pris en charge spécifiquement par le fonds dans le cadre des cahiers des charges. Les dépenses de soins pourront être financées dans le cadre du fonds, notamment si elles relèvent de plusieurs sous-objectifs (ville, hôpital, médico-social).

Les ressources de ce fonds seront constituées par une dotation du régime général de l’assurance maladie, dont le montant sera fixé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé. Un arrêté constituera donc les réserves du fonds, qui pourront être abondées le cas échéant en cours d’année par modification de ce même arrêté.

Selon les informations transmises au rapporteur général, pour le moment, pour l’année 2018, 20 M€ de ressources ont été dégagées pour le fonds par opération de périmètre (9,30 M€ viennent des soins de ville, 8,50 M€ de l’ONDAM hospitalier et 2,20 M€ du médico-social). Par ailleurs, 10 M€ de mesures nouvelles ont également été intégrées en construction sur le FIR pour le financement des expérimentations à dimension régionale.

3.   Un mécanisme de contrôle parlementaire nécessaire

Le V de l’article L. 162-32-1 réécrit prévoit que le Gouvernement remette chaque année au Parlement un état des lieux des expérimentations en cours, et lui remette, au plus tard un an après la fin de l’expérimentation, le rapport d’évaluation de celle-ci.

Le rapporteur général se félicite quun mécanisme de contrôle parlementaire soit prévu par le présent article. Un tel dispositif dinformation est absolument nécessaire pour que, progressivement, les expérimentations réussies puissent le cas échéant être intégrées par le législateur dans le droit commun.

C.   Les dispositions portant simplification et coordination

Les III à V présentent plusieurs mesures de simplification et de coordination portant sur le code de la sécurité sociale, le code de la santé publique et sur les expérimentations actuellement engagées.

1.   Le financement du travail en équipe entre professionnels de santé

Le II tend à réécrire le 9° de l’article L. 221-1 du code de la sécurité sociale. Cet article définit le rôle de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés s’agissant notamment de la gestion de la branche maladie.

Le 9° l’autorise actuellement à attribuer par une dotation une aide au financement des actions et expérimentations « concourant à lamélioration de la qualité et de la coordination des soins dispensés en ville » définies par le conseil national de pilotage des agences régionales de santé. À ce jour, quatre expérimentations sont toujours financées à ce titre. Elles seront, en tout état de cause, achevées à la fin de l’année 2017.

Le nouvel alinéa remplace ce dispositif, qui sera obsolète en 2018, et précise que la CNAMTS participera au financement « des dispositifs qui organisent le travail en équipe entre professionnels de santé ». Il s’agit notamment de pérenniser le financement de la délégation d’actes qui concerne un millier de médecins et nécessite aujourd’hui une intermédiation associative. L’article autorise ainsi l’assurance maladie à financer ces associations qui portent aujourd’hui l’organisation de la coopération entre médecins et infirmiers ainsi que la rémunération des infirmiers. La rédaction est également suffisamment large pour inclure d’autres modalités de coopération entre professionnels de santé.

2.   Les dispositions de coordination relatives au nouveau cadre stratégique

Le III du présent article procède à une coordination rendue nécessaire par ce nouveau cadre juridique applicable aux expérimentations.

Il supprime ainsi le dernier alinéa de l’article L. 1433-1 du code de la santé publique, qui prévoit que le conseil national de pilotage des ARS définit les orientations stratégiques relatives aux actions et expérimentations nationales concourant à l’amélioration de la qualité et de la coordination des soins dispensés en ville, et que les aides attribuées à ces actions et expérimentations ainsi qu’à leur évaluation sont financées par une dotation des régimes d’assurance maladie, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé.

3.   La simplification du cadre expérimental

Les IV et V procèdent aux coordinations nécessaires à la mise en place du nouveau dispositif expérimental.

Le V prévoit que plusieurs des expérimentations déjà prévues au niveau législatif (cf. infra) pourront être poursuivies à condition de correspondre aux objectifs définis par ce nouveau cadre expérimental. Le financement sera alors assuré dans les conditions prévues par le nouveau cadre.

Ces expérimentations devront cependant toutes être réexaminées. En effet, pour pouvoir être poursuivies, elles devront faire l’objet d’un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé. Les expérimentations dont la poursuite n’aura pas été autorisée avant le 31 décembre 2018 prendront fin au plus tard le 31 décembre 2019. La logique retenue sera à la fois ascendante et descendante. Il appartiendra en effet aux porteurs de projets, particulièrement les professionnels de santé, de présenter leurs projets aux ARS. Leur prise en charge au titre du nouveau cadre expérimental sera ensuite décidée en fonction des orientations stratégiques définies nationalement.

Cet arrêté devra notamment fixer une nouvelle date de fin de l’expérimentation, étant précisée que cette date ne pourra pas être postérieure au 31 décembre 2022, en cohérence avec la limite de cinq ans fixée par le présent article pour toutes les expérimentations. En tout état de cause, cette nouvelle date ne pourra porter la durée totale de l’expérimentation à plus de six ans à compter de la date de début de mise en œuvre effective de l’expérimentation initiale.

Liste des expérimentations susceptibles d’être poursuivies

Article prévoyant lexpérimentation

Contenu de lexpérimentation

Date de fin de lexpérimentation actuellement prévue

Article 48 de la LFSS pour 2013

Projets pilotes mettant en œuvre de nouveaux modes d’organisation des soins destinés à optimiser le parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA)

1er janvier 2019

Article 43 de la LFSS pour 2014 (I)

Projets pilotes destinés à améliorer le parcours de soins et la prise en charge des personnes atteintes d’insuffisance rénale chronique

1er juillet 2018

Article 43 de la LFSS pour 2014 (II)

Améliorer le parcours de soins et la prise en charge des personnes atteintes d’affections cancéreuses traitées par radiothérapie externe

1er mars 2018

Article 53 de la LFSS pour 2015

Hôtel hospitalier (prestation d’hébergement temporaire non médicalisé, en amont ou en aval de l’hospitalisation)

Autorisation pour une durée de trois ans

Article 66 de la LFSS pour 2017

Administration par les pharmaciens du vaccin contre la grippe saisonnière

Autorisation pour une durée de trois ans

Article 68 de la LFSS pour 2017

Prise en charge de la souffrance psychique des jeunes de 6 à 21 ans

1er janvier 2021

Article 94 de la LFSS pour 2017

Améliorer les parcours de soins et la prise en charge des personnes souffrant de douleurs chroniques

Autorisation pour une durée de trois ans

L’expérimentation PAERPA issue de l’article 70 de la LFSS pour 2012 n’est donc pas réintégrée au sein de ce nouveau cadre, car elle aura déjà duré six ans au 31 décembre 2018.

En revanche, le rapporteur général regrette vivement que l’expérimentation prévue à l’article 68 de la LFSS pour 2016, qui permet d’améliorer la prise en charge et le suivi d’enfants de trois à huit ans chez lesquels le médecin traitant a décelé un risque d’obésité, ait été oubliée dans cette liste. Cette expérimentation, qui ne prendra fin qu’au 31 décembre 2019, mériterait pourtant d’y être incluse.

Pour éventuellement pouvoir intégrer au sein de ce nouveau cadre juridique les expérimentations prévues à l’article 43 de la LFSS pour 2014 (parcours de soins et prise en charge des personnes atteintes d’insuffisance rénale chroniques et d’affections cancéreuses traitées par radiothérapie externe), le IV les prolonge jusqu’au 31 décembre 2018, au lieu respectivement du 1er juillet et 1er mars 2018, en cohérence avec la date limite prévue pour l’arrêté ministériel décidant, le cas échéant, de leur poursuite. 

*

La Commission examine dabord lamendement de suppression AS329 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Les dérogations permises par cet article ouvrent une brèche dans laquelle les établissements de santé, les centres de santé, les professionnels de santé, les prestataires de transports sanitaires et les entreprises de taxi pourraient s’engouffrer au détriment des patients. Certes, ces expérimentations doivent recevoir l’aval des ARS, mais au vu de la façon dont est menée la politique de santé, nous n’avons pas confiance.

L’article contient un grand nombre de dérogations possibles : dérogation à l’article L. 162‑2 du code de la sécurité sociale, qui assure les principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin et le secret professionnel ; dérogation à l’article L. 160‑8 du même code, qui porte sur de nombreuses obligations de remboursement, ou encore sur la prise en charge de frais d’hébergement et de traitement des enfants et adolescents handicapés ; dérogation aux conventions établies entre l’union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives et portant sur les honoraires dus aux professionnels de santé ; plus inquiétant, voire hallucinant, dérogation à l’article L. 160‑15 du code de la sécurité sociale, qui exonère les mineurs de toute participation aux frais de santé. Des dizaines d’articles sont concernés, et je ne peux tous les citer ici.

Si les innovations et les expérimentations sont nécessaires à l’adaptation de notre système de santé, elles ne peuvent se faire au détriment des patients. On finit par se demander si cet article n’est pas, pour notre système de protection sociale, et nos normes d’égalité, le début de la fin.

M. le rapporteur général. Ce n’est pas l’Armageddon, cet article, c’est tout l’inverse ! Il est attendu du monde de la santé depuis des années. C’est, enfin, la liberté de faire confiance aux initiatives venues du terrain.

La vision que vous exposez m’attriste. Vous considérez que les acteurs du monde de la santé pourraient s’engouffrer dans une brèche au détriment des patients ; au contraire, cet article leur permettra de s’engouffrer dans une brèche au service des patients.

L’article 35 permettra ainsi de faire vivre la promesse présidentielle de réduire la part de la T2A à l’hôpital, de faire vivre la coordination des parcours de soins et les coopérations interprofessionnelles, de financer la prévention primaire, secondaire et tertiaire ainsi que l’éducation thérapeutique, de casser les silos et de faire enfin travailler ensemble la ville et l’hôpital, le médical et le médico-social. Ainsi, les parcours des patients, y compris des personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie, seront plus fluides.

Cet article est une bouffée d’oxygène dans notre système si rigide. En 2012, nous avons voté dans le PLFSS pour 2013 – c’était la méthode d’avant – l’expérimentation de financements de parcours pour l’insuffisance rénale chronique terminale. Il a fallu deux à trois ans pour que le décret sorte, pour que le protocole expérimental soit rédigé par les administrations centrales : aujourd’hui, il n’y a aucun malade dans ce parcours !

Notre retard est considérable. Les pays d’Europe du nord, mais aussi ceux d’Amérique du nord, ont bien compris l’intérêt d’aller dans ce sens, au service des malades : meilleure prise en charge des maladies chroniques, meilleure coordination. Demandez aux gens qui souffrent d’insuffisance cardiaque, d’insuffisance rénale, d’un cancer si leur parcours leur paraît bien balisé. Nous pouvons faire mieux, d’autres ailleurs font mieux.

Il ne s’agit pas de ratiboiser, mais d’expérimenter, en partant d’un principe : au lieu de faire ceinture et bretelles en amont, au lieu de tout vouloir maîtriser à la virgule près, on encadre et on accompagne, mais on choisit une logique d’évaluation.

Je suis certain que vous êtes sensible à cette logique d’évaluation – de la pertinence des soins, de la qualité des soins, de la qualité de l’information. Pour cela, nous interrogerons les professionnels, mais aussi les malades. Nous pourrons ainsi mettre en place de nombreux indicateurs.

Je crois vraiment que cet article non seulement apportera une immense bouffée d’oxygène, mais sera probablement l’acte majeur du quinquennat. Nous verrons, au cours des mois et des années à venir, ce qui sera mis en place ; si quelque chose marche, on pourra le généraliser ; si quelque chose ne marche pas, grâce à l’évaluation, on pourra mettre fin à l’expérimentation et passer à autre chose.

Ne supprimons surtout pas cet article.

M. Francis Vercamer. Je ne soutiens pas cet amendement ; le groupe Les Constructifs est tout à fait favorable à cet article.

Toutefois, monsieur le rapporteur général, il y a déjà eu des expérimentations : elles ont sans doute été évaluées – ce qui, nous en sommes bien d’accord, est nécessaire ; mais les résultats de ces évaluations sont communiqués aux autorités sanitaires, à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) sans doute, mais pas au Parlement. Il me semble que ces évaluations devraient être communiquées à la commission des affaires sociales.

Si elles sont favorables, les expérimentations devraient alors être généralisées. J’évoquais tout à l’heure l’expérimentation du tiers payant pour le versement du complément du mode de garde, et vous disiez que l’évaluation n’avait sans doute pas été positive : il serait bien que nous sachions ce qu’il en est. Cela aurait pu permettre une réorientation, des corrections.

Mme Caroline Fiat. Monsieur le rapporteur général, il y a des exemples d’expérimentations positives, d’autres négatives. Mon parcours professionnel m’a trop souvent montré que les expériences négatives étaient beaucoup plus nombreuses que les autres ; d’où mes doutes. Attention : la bouffée d’oxygène ne doit pas devenir une bouffée d’hydrogène.

Mme Martine Wonner. Madame Fiat, nous nous connaissons depuis longtemps, nous venons de la même grande région, et nous avons côtoyé les mêmes préfets sanitaires : je suis tout de même un peu étonnée de l’imagination que vous déployez pour remplir votre inventaire très noir et très péjoratif. La Lorraine a pourtant été à la pointe de différentes expérimentations ; je pense par exemple au réseau Oncolor.

Il faut aller vers l’expérimentation, vers l’innovation, mais personne n’a parlé d’absence de contrôle. Ces projets seront surveillés par les autorités de tutelle, mais aussi, au niveau national, par la Haute Autorité de santé (HAS).

M. Thomas Mesnier. Cet article 35 est sans doute la mesure la plus remarquable de ce PLFSS. Il crée notamment un fonds pour l’innovation, et permettra d’améliorer la prise en charge des patients et l’accès aux soins. Il est en parfaite cohérence avec le plan pour l’égal accès aux soins dans les territoires annoncé la semaine dernière par la ministre des solidarités et de la santé.

Il faut saluer cette mesure.

Mme Annie Vidal. Mon expérience professionnelle m’amène également à souligner combien cet article est attendu des professionnels, qu’ils exercent en ville ou à l’hôpital, comme des patients. Il y est surtout question de qualité de prise en charge, et c’est ce souci qui anime tous ceux qui travaillent dans le secteur de la santé.

M. le rapporteur général. Monsieur Vercamer, l’alinéa 34 de l’article précise que « le Gouvernement présente chaque année au Parlement un état des lieux des expérimentations en cours et lui remet, au plus tard un an après la fin de chaque expérimentation, le rapport dévaluation la concernant ».

Le Président de la République a en outre souhaité que le Parlement joue mieux son rôle d’évaluation et de contrôle. Nous pourrons aller voir sur place ces expérimentations. Pour ma part, j’irai, et je vous invite à vous joindre à moi. Nos territoires fourmillent d’idées. Il ne manquait que le feu vert.

La commission rejette lamendement AS329.

Elle examine ensuite lamendement AS186 de Mme Nathalie Elimas.

M. Brahim Hammouche. L’article 35 est en effet un progrès majeur. La prévention, dont nous avons parlé tout à l’heure, et l’innovation, que nous traitons ici, vont de pair.

Cet amendement propose une expérimentation qui réponde pleinement aux besoins de patients, en créant des prises en charge innovantes mais aussi en élaborant une définition venant directement des acteurs de terrain, voire des patients eux-mêmes. Ces futurs dispositifs expérimentaux devront être formalisés et englober l’ensemble des soins dispensés pour un état de santé donné, pendant un laps de temps donné, en coordination avec l’ensemble des acteurs – médecine de ville, sanitaire et médico-social – sur un territoire donné. Ce parcours débute, sans s’y limiter, par la médecine de ville et se construit impérativement sur la base du libre choix du patient. Au niveau territorial, cette construction prend en compte l’ensemble des acteurs de santé et de l’offre de soins existante ; elle ne se limite donc pas aux groupements hospitaliers de territoire (GHT).

Ces dispositifs auront pour objectifs principaux de tendre vers une plus grande efficience d’une part, et d’autre part d’optimiser la qualité et la sécurité de la prise en charge du patient, ainsi que le respect de son droit à l’information, afin de garantir une récupération optimale. Pour y parvenir, ils intégreront les activités de prévention et d’éducation à la santé, d’éducation thérapeutique, de coordination, d’accompagnement du patient aux soins et de réhabilitation.

Quant à la structuration de l’épisode de soins – dans le cas d’une maladie aiguë – ou du parcours de soins – pour une pathologie chronique – elle devra être centrée sur le patient. C’est la raison pour laquelle elle doit être modulée selon qu’il s’agisse d’une pathologie aiguë ou d’une pathologie chronique.

Les expérimentations proposées dans cet amendement s’inscrivent pleinement dans l’esprit de la stratégie nationale de santé impulsée par Mme Agnès Buzyn, visant à promouvoir la qualité des pratiques et l’innovation en matière d’organisation.

M. le rapporteur général. Vous proposez une définition du parcours de santé. Sur le fond, je partage vos objectifs : améliorer la prise en charge, améliorer l’efficience du système de santé, renforcer l’accès des patients à une pluralité d’acteurs dans le cadre d’un parcours de soins. Mais la version actuelle de l’article satisfait pleinement ces demandes. Il ne s’agit pas ici de redéfinir la notion de parcours de soins, sur laquelle se penche une littérature abondante.

Je vous propose de retirer l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission se saisit alors de cinq amendements identiques, AS33 de M. Alain Ramadier, AS44 de M. Thibault Bazin, AS82 de M. Jean-Pierre Door, AS193 de Mme Nathalie Elimas et AS353 de M. Francis Vercamer.

M. Alain Ramadier. Cet amendement vise à élargir le dispositif d’expérimentation, en y incluant les professionnels « du second recours », c’est-à-dire les spécialistes qui accompagnent les généralistes, et sont tout aussi essentiels dans la lutte contre les déserts médicaux mais aussi contre les hospitalisations inutiles. Nous pensons aux spécialistes techniques ou médico-techniques, aux gynécologues, pédiatres, ophtalmologues, dermatologues…

Le nombre de spécialistes a augmenté de 44 % pour les premiers entre 1991 et 2016, alors que le nombre de généralistes n’a augmenté que de 9 %. Des situations similaires sont observées dans la majeure partie des pays de l’OCDE.

Cet amendement vise à donner un cadre aux coopérations instaurées entre les professionnels.

M. Thibault Bazin. L’intégration des spécialistes de second recours est en effet essentielle ; il faut faciliter le fonctionnement collectif, la possibilité du contact direct avec les spécialistes, la discussion de visu, mais aussi simplifier la consultation décentralisée. Vous parliez, monsieur le rapporteur général, de qualité et de pertinence de soins : une telle disposition y contribuerait grandement.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le rapporteur général, vous connaissez les « parcours territoriaux de santé », centrés sur les soins primaires : c’était une grande demande des médecins généralistes. Il faudrait aujourd’hui, en optimisant et en coordonnant les parcours de soins, y inclure les médecins de second recours, c’est-à-dire quelques spécialistes, surtout là où ils sont trop peu nombreux.

Les professionnels de santé sont prêts à s’engager dans cette voie.

J’ajoute que vous avez déposé un amendement qui utilise la notion de « soins ambulatoires » : elle me paraît meilleure que celle de « soins de ville ».

M. Brahim Hammouche. Les expérimentations envisagées doivent avoir pour but de développer les modes d’exercice regroupés en participant à la structuration, non pas exclusivement des soins primaires, mais de manière générale à tout type de structuration imaginée par les professionnels de santé exerçant en ville, et ce afin de pouvoir également y inclure les spécialistes du second recours.

M. Francis Vercamer. Tous ces amendements identiques visent à dépasser le cadre des soins primaires, dans le cadre notamment de la lutte contre les déserts médicaux, mais aussi pour éviter les hospitalisations inutiles et coûteuses.

M. le rapporteur général. Il faut toujours insister énormément sur la notion de soins primaires, de soins de premier recours. Nonobstant, j’approuve entièrement l’intégration d’autres spécialités dans la gestion des parcours de soins. Par exemple, les cardiologues sont indispensables à la gestion d’un parcours de soins en insuffisance cardiaque.

Monsieur Door, vous avez raison, j’ai déposé un amendement utilisant la notion de « soins ambulatoires », plus large que celle de « soins de ville ».

Je vous propose donc de retirer ces amendements.

M. Jean-Pierre Door. Les soins ambulatoires comprennent-ils obligatoirement les soins de second recours ?

M. le rapporteur général. Absolument. Le terme d’ambulatoire va encore plus loin, comprenant par exemple certains soins à l’hôpital.

Les amendements sont retirés.

La commission se saisit de lamendement AS409 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Sans surprise, cet amendement vous propose d’élargir les expérimentations à la structuration des « soins ambulatoires », notion plus large que celle de soins de ville. Cela n’enlève rien, je le redis, à l’importance accordée aux soins primaires. Mais cette formulation est plus large, et facilitera notamment la structuration de parcours de soins destinés aux malades chroniques, en y intégrant les médecins spécialistes de ville.

M. Jean-Pierre Door. Nous allons voter cet amendement. En séance, pourra-t-il devenir un amendement de la commission ?

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Absolument. Voté en commission, il deviendra un amendement de la commission.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AS359 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement porte sur une proposition qui a souvent été débattue en ces murs : le dossier médical partagé, qui devrait à notre sens être accessible à l’ensemble des acteurs du système de santé. Cette idée a souvent été combattue par le milieu médical ; mais si l’on veut développer notamment la télémédecine, l’existence d’un dossier médical partagé par tous paraît importante.

M. le rapporteur général. Cet amendement est satisfait : la loi prévoit déjà, à l’article 96 de la loi de modernisation de notre système de santé, la création d’un dossier médical partagé. En outre, l’article 35 prévoit des dispositions relatives au partage des données entre les professionnels de santé pendant toute la durée des expérimentations. Je vous renvoie au commentaire de l’article.

Lamendement est retiré.

La commission se saisit alors de lamendement AS158 de M. Pierre Dharréville.

M. Alain Bruneel. Monsieur le rapporteur général, vous parlez d’améliorer la coordination des parcours et la qualité des soins. Mais ce projet de loi nous inquiète en prévoyant la possibilité de modifier « les modalités de rémunération, les dispositions prévoyant des mesures incitatives ou de modulation concernant les professionnels de santé ou les établissements de santé ». Le personnel hospitalier souffre d’un manque de reconnaissance et de moyens ; cette formulation très large laisse craindre une nouvelle aggravation des conditions de travail dans les hôpitaux.

Cet amendement vise donc à supprimer cette disposition.

M. le rapporteur général. Nous souhaitons sortir du « tout T2A », c’est-à-dire de la logique de course à l’activité qui épuise les équipes. Le Président de la République a rappelé l’objectif de plafonner ce mode de financement à 50 % d’ici à la fin du quinquennat, et je suis sûr que vous approuverez cette proposition.

S’agissant des professionnels de santé exerçant à l’hôpital, ils relèvent du statut de la fonction publique hospitalière, qui est un cadre national sécurisé : il n’y a donc pas lieu d’imaginer une seule seconde que l’article 35 permette d’y déroger. Il ne faut pas penser à des réductions de rémunérations ou de prestations mais plutôt à des mesures d’intéressement, par exemple. Rien n’est fermé, en ville ou à l’hôpital d’ailleurs. Ainsi, il existe déjà pour la médecine de ville la rémunération sur objectifs de santé publique ; je ne vous dis pas du tout que c’est ce qui sera fait à l’hôpital, mais l’idée est bien d’accompagner les professionnels de santé vers un parcours de soins plus attractif pour eux comme pour les malades.

M. Alain Bruneel. Une modulation, c’est vague, monsieur le rapporteur général. Vous dites que ce sera très encadré, mais nous n’en savons rien, comme nous ne savons pas dans quelle mesure le personnel ne risque pas de subir les conséquences de ces expérimentations.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement de précision AS390 du rapporteur général.

Mme Jeanine Dubié. L’amendement AS311 vise à effacer le clivage entre la médecine de ville et la médecine hospitalière, afin de promouvoir des parcours de soins cohérents. L’amendement que nous venons d’adopter répond d’ailleurs en partie à cette préoccupation.

Toutefois, l’amendement tend également à renforcer la sécurité juridique, en s’assurant qu’il existe au moins dans les dispositifs une personne morale de droit privé ou de droit public, dans l’hypothèse de dommages corporels ou matériels qui pourraient résulter de l’activité de soins.

M. le rapporteur. Votre amendement est largement satisfait par l’amendement précédent. Il restreint par ailleurs le champ de l’article, alors que notre démarche est au contraire de chercher une plus grande souplesse. Les garanties juridiques sont suffisantes en l’état.

Mme Jeanine Dubié. Sur la sécurité juridique, monsieur le rapporteur, vous ne répondez pas du tout.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Cet amendement est en fait tombé en raison de l’adoption de l’amendement AS390.

La commission examine alors lamendement AS104 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Cet amendement est similaire à celui de Mme Dubié : il propose d’adosser ces expérimentations à un établissement de santé ou à une structure ayant la personnalité morale. L’amendement AS390 semble répondre à ces préoccupations.

Lamendement est retiré.

La commission se saisit ensuite de lamendement AS130 de M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. L’article 35 vise à promouvoir l’organisation de parcours de soins cohérents, dans une amplification des expérimentations ouvertes par le programme Personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA), à l’ensemble des publics. Il me semble qu’il faut encourager cette volonté ; de même, je ne peux qu’approuver la volonté du Gouvernement de développer la prévention.

Toutefois, la démarche expérimentale ne peut déstabiliser les fondamentaux du droit des autorisations d’activités de soins et de la prévention des conflits d’intérêts. Des prestataires de services poursuivant un but lucratif pourraient, dans la rédaction actuelle, offrir des soins, au mépris de la sécurité sanitaire.

La distinction claire des rôles et responsabilités de fabricant et de distributeur d’une part, et de délivrance des produits de santé aux usagers d’autre part, doit rester l’un des principes généraux du droit de la sécurité sanitaire.

Ce sont les raisons pour lesquelles l’ordonnance du 12 janvier 2017 a pris soin d’interdire, concernant les groupements de coopération sanitaire et leur fonctionnement, la participation « dune personne physique ou morale qui poursuit un but lucratif en exerçant à titre principal une activité soit de fournisseur, de distributeur ou de fabricant de produit de santé ». Nous vous proposons de reprendre cette précaution d’évidence.

M. le rapporteur général. Nous n’avons pas du tout la même lecture de cet alinéa. Votre préoccupation est bien sûr légitime. Mais cette disposition permet tout simplement de prolonger l’expérimentation prévue par l’article 43 de la LFSS pour 2014 pour l’insuffisance rénale chronique : dans ce cadre, des structures autorisées à effectuer la dialyse à domicile peuvent conclure une convention avec un prestataire de services assurant uniquement la partie logistique. Il n’y a aucune modification des règles d’autorisation des activités de soins. Vous pouvez être pleinement rassuré.

M. Gilles Lurton. Je ne suis pas du tout rassuré ; nous y reviendrons en séance publique.

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement AS105 de M. Jean-Pierre Door. 

M. Jean-Pierre Door. Ces expérimentations innovantes n’auront d’intérêt sur nos territoires que si elles sont connues et reconnues par le citoyen, dans le cadre de la démocratie sanitaire, mais également par les acteurs de la santé et les élus locaux. Il est en effet fréquent que ces différentes catégories de personnes s’inquiètent des dysfonctionnements de notre système de santé. Elles en ont plutôt une image négative que positive. Nous proposons donc une présentation de ces expérimentations en commission spécialisée de l’organisation des soins ainsi que leur publication au recueil des actes administratifs, que l’on reçoit chaque année en mairie et dans les conseils départementaux.

M. le rapporteur général. Sur la forme, votre amendement relève du niveau non pas législatif mais réglementaire. Sur le fond, nous pourrions, comme je l’ai proposé à M. Vercamer, partir en délégation pour découvrir sur le terrain les expérimentations qui fonctionnent et l’énergie que sont capables de mettre les professionnels de santé au service des malades, dès lors qu’on leur donne la possibilité d’innover et qu’on les accompagne par des financements. En attendant, je vous propose de retirer votre amendement.

Lamendement est retiré.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous accueillons le président de l’Assemblée nationale qui nous fait l’honneur de venir constater de visu cette expérience, que nous menons depuis hier et qui est une première dans la maison, de dématérialisation de nos travaux. Nous pouvons désormais suivre le débat sans avoir de version papier de la liasse d’amendements. Je vous remercie, monsieur le président, d’être présent parmi nous.

M. François de Rugy, président de lAssemblée nationale. Je ne veux par perturber les travaux de la commission. Comme, par ailleurs, je ne siège dans aucune d’entre elles, je n’interviendrai évidemment pas dans vos débats. Je voulais juste saluer symboliquement l’initiative que vous avez prise. C’est en effet une première qui appelle d’autres. Elle participe d’un mouvement, engagé il y a déjà quelques années, de modernisation des moyens de travail de notre assemblée. Au-delà, il s’agit de réduire considérablement notre consommation de papier, pour tendre vers le « zéro papier ». Comme vous le savez peut-être, les questeurs ont également pris la décision d’aller vers la généralisation du travail sur tablette dans l’hémicycle. Cela évitera cette distribution un peu surréaliste de piles d’amendements papier qui, non seulement, choque nombre de nos concitoyens en raison du gaspillage que cela induit mais qui, en outre, n’est ni pratique ni efficace. Je souhaitais donc symboliquement saluer ce mouvement et dire que l’expérience que vous menez à la commission des affaires sociales sera utile pour améliorer encore le système avant de le généraliser.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous remercie, monsieur le président. Nous ferons un bilan de cette expérience à la fin de l’examen de ce PLFSS ; nous avons d’ores et déjà noté une plus grande fluidité dans nos débats. Même s’il y aura peut-être des ajustements techniques à prévoir, les choses se sont très bien passées et nous avons fait d’importantes économies de papier depuis hier. Je voudrais saluer les services qui nous ont permis de mener à bien cette expérimentation et qui ont préparé les députés à cet exercice.

La commission aborde en discussion commune les amendements AS410 du rapporteur général et AS175 de M. Pierre Dharréville. 

M. le rapporteur général. Une quinzaine d’amendements ont été déposés sur ce que devrait être la gouvernance du modèle d’expérimentation prévu à l’article 35. Je vous répondrai donc globalement sur ces amendements.

Une première version du texte, qui circulait avant son examen par le Conseil d’État, mentionnait un conseil stratégique. Ce dernier ayant malheureusement disparu du texte définitif, je souhaite que nous le rétablissions dans la loi. Ce conseil sera chargé de suivre les expérimentations et leur évaluation, et de formuler des propositions et des orientations. Je souhaite que toutes les parties prenantes puissent y être intégrées, au premier rang desquelles les usagers, les professionnels de santé et les fédérations hospitalières. En revanche, il ne faut pas nous lancer dans un inventaire à la Prévert de tous les participants qui pourraient intégrer ce conseil stratégique. Cela ne relève pas du niveau de la loi, qui doit définir les missions de ce conseil mais pas sa composition précise.

Il y aura aussi un comité technique, chargé au quotidien de sélectionner les expérimentations et de définir précisément le cahier des charges, les indicateurs permettant d’évaluer ces expérimentations et leurs modalités d’évaluation. Ce comité d’experts travaillera à temps plein. Les parties prenantes n’ont pas vocation à être représentées dans ce comité d’experts ; elles le seront plutôt dans le conseil stratégique.

Nous proposons ainsi la création de deux instances séparées.

M. Alain Bruneel. L’amendement AS175 vise à donner une place aux représentants des usagers du système de santé dans le conseil et le comité chargés de l’observation, de l’évaluation et de l’orientation des projets expérimentaux permis par le présent article.

Vous avez parlé d’un conseil stratégique et d’un comité technique. Si j’ai bien compris, la présence des usagers dans le comité technique sera admise tandis que le conseil stratégique sera réservé aux professionnels.

M. le rapporteur général. C’est l’inverse. Le comité technique sera composé d’experts et le conseil stratégique, des parties prenantes.

M. Alain Bruneel. Cela figurera-t-il dans la loi ?

M. le rapporteur général. L’amendement que vous défendez est satisfait par le mien, de même que l’est la quinzaine d’amendements qui suivent sur ce sujet.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. M. Bruneel, vous ralliez-vous à l’amendement du rapporteur ou maintenez-vous le vôtre ?

M. Alain Bruneel. Si l’amendement du rapporteur est dans l’esprit du nôtre, je suis prêt à retirer ce dernier. Mais comme nous n’avons pas le texte proposé par le rapporteur, je suis un peu inquiet.

M. le rapporteur général. Nous veillerons à ce que les usagers soient bien représentés au sein du conseil stratégique, ne vous inquiétez pas. Mais plus on définit la composition de ce conseil dans la loi, plus on risque de sortir du domaine législatif – raison pour laquelle ce conseil ne figurait plus dans la version définitive du projet de loi présentée en Conseil des ministres.

M. Francis Vercamer. J’ai moi-même déposé plusieurs amendements visant à améliorer la composition du comité technique. J’ai bien compris que le conseil stratégique avait pour but d’intégrer en son sein les personnes que nous visons. Cela étant, je ne vois pas bien quel sera le lien entre les deux instances et quels seront leurs rôles respectifs. Le conseil stratégique sera-t-il prépondérant par rapport au comité technique ? Ou bien ces deux organismes seront-ils complètement différents, le conseil stratégique fixant de grandes orientations tandis que le comité technique serait beaucoup plus opérationnel, auquel cas les professionnels de santé devraient être dans le comité technique ?

M. le rapporteur général. Le comité technique a son rôle propre. Il sera composé d’experts qui examineront les projets d’expérimentation et l’évaluation de ces expériences. Ils auront aussi la responsabilité d’établir un cahier des charges. Ils feront un travail technique, à temps plein.

Le conseil stratégique définira, lui, les grandes orientations de ces expérimentations. Il accueillera en son sein plusieurs structures. Si l’on fait la liste de ces dernières dans la loi, on risque d’en oublier. De plus, cette énumération ne relève pas de la loi mais du domaine réglementaire. Le conseil stratégique aura son indépendance et son fonctionnement propre par rapport au comité technique. Cela répond-il à votre question ?

M. Francis Vercamer. Non. Si ce comité technique a une mission opérationnelle, il me paraît important qu’il comprenne des professionnels de santé et pas seulement des techniciens du ministère et des fonctionnaires.

La commission adopte lamendement AS410.

En conséquence, lamendement AS175 devient sans objet.

La commission en vient à lamendement AS138 de M. Jean-Pierre Door. 

M. Jean-Pierre Door. J’ai bien compris, monsieur le rapporteur général, que la composition du conseil stratégique et du comité technique n’était pas encore fixée mais je ne voudrais pas que ces instances deviennent des comités Théodule supplémentaires.

Les trois amendements AS138, AS106 et AS84 que j’ai déposés visent à intégrer dans le comité technique les établissements de soins, les usagers, l’hospitalisation privée et des représentants des professions de santé sur le territoire. Puisque rien n’est figé et que vous comptez recomposer ces instances, je suppose, monsieur le rapporteur, que nous serons informés des évolutions de votre réflexion. Je vous fais donc cadeau de ces amendements qui vous aideront à déterminer qui doit faire partie de ces deux structures. Tous les représentants du système de santé doivent figurer dans ce conseil et ce comité pour analyser les  différentes propositions d’expérimentation. Il s’agira d’une sorte de démocratie sanitaire renforcée.

Bref, je veux bien retirer ces trois amendements si vous me promettez que la composition de ces comités sera définie par décret et que nous en parlerons la semaine prochaine en séance publique.

M. le rapporteur général. J’ai obtenu en haut lieu toutes les garanties sur ces demandes. J’en partage le principe. Je pense donc que vous pouvez retirer vos amendements sereinement.

Lamendement AS138 est retiré.

La commission étudie lamendement AS205 de M. Brahim Hammouche. 

M. Brahim Hammouche. Cet amendement vise à renforcer la démocratie sanitaire. Il me semble, au contraire de ce qu’affirme le rapporteur général, que plus on définit les choses dans la loi, plus on sécurise le dispositif. Dans sa version actuelle, l’article 35 prévoit que seuls les représentants de l’assurance maladie, les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé et les agences régionales de santé seront représentés dans le comité technique. Nous voulons, nous, faire œuvre de démocratie sanitaire et permettre aux acteurs incontournables du système de santé et aux usagers d’être dans ce comités technique, qui ne doit pas être un comité d’experts.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Dois-je en déduire que vous retirez votre amendement ?

M. Brahim Hammouche. Non, je le maintiens.

M. le rapporteur général. Je n’ai pas été assez pédagogue tout à l’heure. Je vais donc reprendre mon explication. La version initiale du texte prévoyait un comité technique. Il n’y avait plus de conseil stratégique. Nous avons réintroduit ce dernier par le biais de l’amendement AS410. La mission de ce conseil stratégique, je l’ai expliqué, sera différente de celle du comité technique. Les partenaires que vous voulez intégrer dans ce comité technique relèvent en fait du conseil stratégique. C’est pourquoi votre amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement AS410.

La commission rejette lamendement AS205.

Elle examine en discussion commune les amendements AS283 de M. Francis Vercamer, AS106 de M. Jean-Pierre Door et les amendements identiques AS180 de M. Bertrand Bouyx et AS313 de Mme Jeanine Dubié. 

M. Francis Vercamer. Je présenterai en même temps les amendements AS283, AS296 et AS354 que je vais en fait retirer car il faut effectivement qu’on réfléchisse à la composition du conseil stratégique et du comité technique. Je souhaitais que les professionnels de santé, leurs représentants et les parlementaires puissent être associés au comité technique mais je réécrirai mes amendements en vue de la séance publique, en tenant compte de l’amendement AS410 que la commission vient d’adopter. Une remarque simplement : s’il n’y a au comité technique que des hauts fonctionnaires mais aucun professionnel de santé ni aucun acteur de terrain, je crains qu’on y monte des usines à gaz.

M. Bertrand Bouyx. L’amendement AS180 vise à étendre la composition du comité technique aux représentants des professions de santé.

Mme Jeanine Dubié. Je défendrai à la fois les amendements AS313 et AS312. Je salue l’initiative du rapporteur général qui a réintroduit le conseil stratégique dans le projet de loi. Mais je trouve regrettable qu’on n’en prévoie pas la composition. Vous indiquez dans l’exposé sommaire de votre amendement AS410, monsieur le rapporteur général, que ce conseil pourrait comprendre des représentants d’usagers, des professionnels de santé et d’établissements de santé. Mais ce n’est que dans l’exposé sommaire.

Il me semble positif d’avoir à la fois un conseil stratégique et un comité technique. D’ailleurs, je rappellerai que dans le dispositif des parcours des personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA) sont prévues à la fois un niveau stratégique et un niveau technique. Je crois donc qu’il faut prévoir dans le projet de loi la composition des deux instances dont nous discutons. Je fais confiance au rapporteur pour retravailler le texte d’ici à la séance publique et je retire mes amendements.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Retirez-vous le vôtre, monsieur Bouyx ?

M. Bertrand Bouyx. Quel est l’avis du rapporteur ?

M. le rapporteur général. Vous pouvez retirer votre amendement sereinement. La composition du conseil stratégique ne peut figurer dans la loi. C’était le projet initial du Gouvernement mais après lecture par le Conseil d’État, la dernière version du texte s’est vu retirer toute mention de ce conseil stratégique parce que la définition de sa composition dans la loi était trop précise. Je vous propose de réintroduire la mention de ce conseil dans la loi. Sa composition pourra être définie par décret et inclura l’ensemble des partenaires qui sont cités dans la liste des amendements que nous examinons depuis un quart d’heure.

M. Bertrand Bouyx. Je retire mon amendement.

Les amendements AS283, AS106, AS180 et AS313 sont retirés.

Il en va de même des amendements AS296 de M. Francis Vercamer, AS312 de Mme Jeanine Dubié et AS354 de M. Francis Vercamer.

La commission est saisie de l'amendement AS201 de M. Brahim Hammouche.

M. Brahim Hammouche. Cet amendement tend à clarifier la rédaction des dispositifs d’expérimentation prévus dans le système de santé. Il propose que le décret fixe les modalités selon lesquelles les représentants des professions de santé – médecins, infirmiers ou autres – sont représentés au sein du conseil stratégique et du comité technique.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Votre amendement est plutôt rédactionnel, mais la formulation du texte initial me paraît préférable et plus claire que celle que vous proposez. Je vous propose de le retirer pour ne pas avoir à émettre un avis défavorable.

L'amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques AS35 de M. Alain Ramadier, AS46 de M. Thibault Bazin et AS84 de M. Jean-Pierre Door.

M. Alain Ramadier. Compte tenu de l’adoption de l’amendement AS410 du rapporteur général et des engagements de ce dernier, je retire mon amendement.

M. Thibault Bazin. Pour les mêmes raisons que mon collègue Ramadier, je vais aussi retirer mon amendement. Comme l’a dit mon collègue Vercamer, je crois qu’il sera très important d’associer les professionnels de santé, y compris dans le comité technique.

M. Jean-Pierre Door. Comme je l’ai déjà indiqué, je retire mon amendement.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de l'amendement AS204 de M. Brahim Hammouche.

M. Brahim Hammouche. Dans la mesure où ces expériences ont des répercussions sur l’organisation des soins et les pratiques des professionnels, l’évaluation doit impliquer l’ensemble des soignants mobilisés et leur expertise doit être prise en compte. Il en va de même de la satisfaction des patients notamment en matière d’accessibilité.

L’amendement vise donc à s’assurer que l’évaluation multidimensionnelle ne se limitera pas à un cadre médico-économique jugé trop restrictif. Elle doit pouvoir porter sur au moins cinq dimensions : l’accessibilité aux soins, les pratiques et l’organisation des soins, la qualité de prise en charge des patients, la satisfaction des patients, les coûts liés aux recours aux soins.

M. le rapporteur général. C’est par voie de décret qu’il convient de définir les modalités générales de ces évaluations. Vous avez parfaitement raison de souligner qu’il ne doit pas y avoir qu’une seule évaluation médico-économique. L’évaluation doit être globale et inclure la qualité et la pertinence des soins, la satisfaction des professionnels – que l’on n’évalue jamais assez, alors que ces professionnels sont parfois les mieux placés pour définir s’ils se sentent en mesure d’offrir des soins de qualité – et la satisfaction des usagers qui sont également trop peu consultés.

Nous devons passer d’une logique d’évaluation sur indicateurs de process à une logique d’évaluation sur indicateurs de résultats, beaucoup plus inclusive dans la démarche, c'est-à-dire associant davantage les usagers – c’est de la démocratie sanitaire 2.0, si vous voulez – et les professionnels.

Tout cela relevant du décret, je vous propose de retirer votre amendement.

L'amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques AS34 de M. Alain Ramadier, AS45 de M. Thibault Bazin, AS80 de M. Vincent Ledoux et AS83 de M. Jean-Pierre Door.

M. Alain Ramadier. Je vais retirer cet amendement car il est satisfait par la dernière mouture du texte.

M. Thibault Bazin. Je ferai la même remarque que mon collègue. Nous voulions associer tous les acteurs dans le parcours de soins.

M. Vincent Ledoux. Je voulais demander l’extension du financement des expérimentations, au-delà de tandems médecins-infirmiers, à des équipes pluridisciplinaires qui sont extrêmement utiles sur nos territoires. J’essaie d’avoir une parole d’or aussi rapide que celle de mon collègue Vercamer.

M. Jean-Pierre Door. C’est un amendement qui a trait au partage de compétences, aux délégations de tâches. Il faut aller au-delà du recours aux soins infirmiers. Nous sommes à une époque où il faut proposer de faire travailler les ophtalmologistes avec des orthoptistes, les pneumologues avec des kinésithérapeutes, les cardiologues avec des échocardographistes, comme cela se fait dans d’autres pays. Cela permettrait d’alléger un peu le travail des uns et des autres et d’augmenter le temps médical. Il faut penser à l’expérimenter.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de l'amendement AS356 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Nous changeons de registre avec cet amendement qui vise à reporter la date indiquée dans le texte. L’article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 nécessitait la publication de textes d’application pour pouvoir être mise en œuvre. Le décret, qui devait déterminer les régions participant à l’expérimentation et définir le cahier des charges, est paru seulement le 17 juillet 2015, soit près de deux ans plus tard. L’arrêté comportant les orientations nationales pour l’élaboration du cahier des charges n’a été publié que le 17 mai 2016, soit près de douze mois après le décret et plus de deux ans et demi après la promulgation de la loi. Le lancement de l’expérimentation, initialement prévu à partir de la fin de 2016, a été largement retardé. Le choix des promoteurs de l’expérimentation ne s’est effectué qu’au premier semestre de 2017.

En conséquence, la date du 31 décembre 2018 n’est pas en adéquation avec le décalage de calendrier prévu dans la loi initiale, les expérimentations n’ayant pas encore débuté à ce jour. Il est donc nécessaire de reporter la date au 31 décembre 2020.

M. le rapporteur général. L'article permet d'intégrer au sein de ce nouveau cadre juridique les expérimentations prévues à l'article 43 de la LFSS pour 2014 : parcours de soins pour les personnes atteintes d'insuffisance rénale chronique ou d'affections cancéreuses traitées par radiothérapie externe.

L'article les prolonge jusqu'au 31 décembre 2018 pour qu'elles puissent être rattrapées par l'arrêté ministériel qui doit décider, d'ici le 31 décembre 2018, de leur poursuite. Il n’est donc pas nécessaire de prolonger de deux ans puisque, d’ici à la fin de 2018, l’arrêté aura décidé, si nécessaire, de cette prolongation.

Votre amendement étant satisfait, je vous propose de le retirer.

M. Francis Vercamer. Je le retire. Je n’avais pas saisi la subtilité que vous venez de m’expliquer.

L'amendement est retiré.

La commission en vient à l'amendement AS393 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement traite du dispositif expérimental concernant la prise en charge et le suivi d’enfants âgées de trois à huit ans chez lesquels le médecin traitant a décelé un risque d’obésité. Ce dispositif semble avoir été oublié dans la liste des expérimentations pouvant être intégrées et éventuellement prolongées dans le nouveau cadre expérimental. Mon amendement propose de l’y inclure.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je remercie M. le rapporteur général d’avoir déposé cet amendement.

La commission adopte l'amendement, puis l’article 35 modifié.

*

*     *

Article 36
Prise en charge de la télémédecine

Cet article prévoit le financement des actes de télé-expertise et de téléconsultation par la voie conventionnelle. Il abroge en conséquence le dispositif expérimental existant qui n’a pas permis d’accélérer le déploiement de la télémédecine.

Il institue en revanche un nouveau cadre expérimental d’une durée de 4 ans pour la télésurveillance médicale.

I.   Le déploiement poussif de la télémédecine

L’article L. 6316-1 du code de la santé publique définit la télémédecine comme « une pratique médicale à distance utilisant les technologies de linformation et de la communication ». Elle met toujours en rapport un professionnel médical avec d’autres professionnels de santé. Elle peut être réalisée en dehors de la présence du patient. Elle vise à établir un diagnostic, assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, requérir un avis spécialisé, à préparer une décision thérapeutique, prescrire des produits, prescrire ou réaliser des prestations ou des actes, ou à effectuer une surveillance de l’état des patients.

Constituent des actes de télémédecine, la téléconsultation (consultation à distance), la télé-expertise (sollicitation à distance de l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux par un professionnel médical), la télésurveillance médicale (interprétation à distance des données nécessaires au suivi médical d’un patient par un professionnel médical), la téléassistance médicale (assistance à distance d’un professionnel médical par un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d’un acte) et la réponse médicale apportée au titre la régulation médicale dans le cadre de la permanence des soins.

Une expérimentation portant sur le champ de la télémédecine en ville avait été engagée avec la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2014.

En raison d’une lente maturation du cahier des charges expérimental ainsi que de complexités administratives, aucun projet n’avait pu voir le jour en 2016. La loi de financement pour 2017 avait procédé à un allégement des procédures de déploiement tout en élargissant son champ aux actes et consultations externes des établissements de santé et aux structures médico-sociales. Parallèlement, l’assurance maladie et les médecins libéraux se sont accordés sur le financement de quatre actes de télémédecine dans le cadre de la convention médicale de 2016.

II.   La prise en charge des actes de télémédecine dans le cadre conventionnel

La mesure vise d’abord à simplifier le cadre normatif pour donner une nouvelle impulsion à une activité susceptible d’organiser les soins de manière plus efficiente. Elle prévoit la détermination du financement des actes de télémédecine par la voie conventionnelle tout en procédant à la suppression du cadre expérimental de la loi de financement pour 2014.

1.   L’objectif d’un avenant conventionnel pour la fin de l’année 2018

En modifiant l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale, le I vise à prévoir le financement des « actes de télémédecine » dans le cadre conventionnel. La rédaction est par ailleurs suffisamment large pour inclure à terme les actes de téléassistance et de télésurveillance. Toutefois, leur modèle de financement nécessitant une évaluation préalable, le IV du présent article institue un cadre expérimental. Dans un premier temps, les négociations concerneront donc seulement la télé-expertise et la téléconsultation.

La rédaction proposée précise également le périmètre des actes de téléconsultation concernés par le champ conventionnel en ne mentionnant que ceux « effectués par vidéotransmission ». Cette précision est motivée par le souci de ne prendre en considération que les seuls actes innovants de téléconsultation. Seraient ainsi exclus les appels téléphoniques.

La mesure vise à ce que les partenaires conventionnels s’accordent sur le financement de nouveaux actes de télémédecine. Selon les informations transmises au rapporteur général, « le champ des nouvelles discussions nest pas encore déterminé ». En tout état de cause, le mandat de négociation du directeur général sera défini par le conseil de l’UNCAM, « dans le respect des lignes directrices qui pourront être transmises par la ministre », conformément à l’article L. 162-14-5 du code de la sécurité sociale.

Les négociations seront l’occasion de déterminer le mode de rémunération de la télé-expertise ainsi que la rémunération du médecin requérant. S’agissant du mode de rétribution, le caractère forfaitaire ne convient pas aux professions de santé qui lui préfèrent une rémunération à l’acte ([306]). S’agissant de la rémunération du médecin requérant, il conviendra de trouver un juste équilibre permettant de rétribuer le temps passé à la préparation des dossiers complexes.

Le rapporteur général insiste également sur la nécessité d’accompagner les professionnels de santé désireux de s’équiper de matériel de télémédecine. Deux voies sont possibles : l’amortissement de l’investissement en l’intégrant dans le dispositif de tarification ou la mobilisation d’autres instruments en sus de l’ONDAM. Sur ce sujet, il semble qu’il y ait discordance entre l’assurance maladie et la direction de la sécurité sociale.

L’objectif de conclusion d’un accord par voie d’avenant à la convention médicale est fixé pour la fin de l’année 2018. Selon le ministère de la santé, « la perspective de conclusion dun avenant en 2018 sur la télémédecine apparaît raisonnable, compte tenu des volontés de développement déjà exprimées par les partenaires conventionnels dans la convention de 2016 ».

Le II modifie par coordination l’article L. 6316-1 du code de la santé publique qui définit la télémédecine. Son dernier alinéa dispose actuellement que les modalités de financement sont précisées par décret. Cette disposition, rendue obsolète par le I, fait l’objet d’une suppression.

2.   La suppression du cadre expérimental

Prenant acte du déploiement de la télémédecine dans le cadre du droit commun, le III vise à abroger l’article 36 de la LFSS pour 2014 relatif aux expérimentations de télémédecine. Cette abrogation prend effet à compter du 1er janvier 2018.

Le texte prévoit par ailleurs le maintien des textes d’application et des « stipulations conventionnelles » portant sur les expérimentations jusqu’à la conclusion de l’avenant à la convention médicale et au plus tard le 1er juillet 2019. Cette disposition permet d’assurer le financement transitoire des actes de télémédecine aujourd’hui pris en charge à titre expérimental jusqu’à ce que les actes inscrits au remboursement dans le cadre conventionnel entrent en vigueur.

Selon les informations transmises au rapporteur général, cette disposition permettrait de maintenir en vigueur plusieurs textes comme l’arrêté du 28 avril 2016 portant cahier des charges des expérimentations relatives à la prise en charge par téléconsultation ou télé­-expertise ([307]) , le décret n° 2015-1263 du 9 octobre 2015 autorisant la création de traitements de données à caractère personnel pour la mise en œuvre des actes de télémédecine ([308]) et l’arrêté du 10 juillet 2017 fixant le financement forfaitaire dit « forfait requérant » ([309]).

S’agissant des stipulations conventionnelles, il s’agit de maintenir les conventions passées entre les acteurs locaux de la télémédecine pour appliquer l’expérimentation (conventions avec les plateformes régionales, conventions entre professionnels de santé).

Cette rédaction permet également d’inclure le maintien en vigueur des textes réglementaires relatifs à la télésurveillance qui ont été pris sur le même fondement. Cela étant, contrairement à la téléconsultation et à la télé-expertise, la télésurveillance ne fera pas l’objet du champ de la négociation conventionnelle mais du nouveau cadre expérimental instauré par le IV. Pour ne pas remettre en question les projets déjà engagés, les textes afférents seront donc maintenus jusqu’à la publication de ceux portant application des expérimentations ([310]).

III.   La mise en place d’un dispositif expérimental portant sur la télésurveillance

Le IV prévoit la mise en place d’expérimentations de télémédecine, restreintes aux actes de télésurveillance, sur le territoire métropolitain et en outre-mer pour une durée de 4 ans. Le dispositif est inspiré de la rédaction de l’article 36 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

Contrairement à la téléconsultation ou la télé-expertise, la télésurveillance concerne des pathologies dont les traitements peuvent avoir des incidences sur les modalités de la prise en charge télé-médicale. L’expérimentation permettra d’évaluer l’intérêt de cette pratique pour l’organisation de soins tout en tenant compte de sa complexité.

1.   Une approche expérimentale par pathologie

L’article renvoie pour ce faire à plusieurs cahiers des charges, arrêtés par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, la définition des conditions de mise en œuvre de ces expérimentations qui concerneraient les professions de santé libérales, les centres de santé et les établissements de santé et médico-sociaux.

Les expérimentations, d’envergure nationale, seront l’occasion d’évaluer des solutions techniques adaptées selon une approche par pathologie. Comme l’indique le ministère de la santé dans sa réponse aux interrogations du rapporteur général, « les caractéristiques des solutions sont étroitement liées aux types de cas cliniques pris en charge. Les exigences réglementaires ne sauraient donc être les mêmes pour chaque pathologie, cest pourquoi la publication dun cahier des charges unique ne serait pas pertinente ».

Le dispositif expérimental présente l’intérêt d’être immédiatement applicable. Plusieurs cahiers des charges sont d’ores et déjà publiés s’agissant plus particulièrement de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque chronique, de l’insuffisance rénale chronique, l’insuffisance respiratoire chronique ou du diabète. Ces textes sont maintenus en vigueur par le titre III du présent article et feront l’objet d’une nouvelle publication au titre des mesures d’application du cadre d’expérimentations. Le rapporteur général a aussi été informé de la publication prochaine d’un cahier des charges encadrant la prise en charge des patients porteurs de prothèses cardiaques implantables.

La participation à l’expérimentation se caractérise par sa souplesse de mise en œuvre. Une simple déclaration d’activité doit être adressée aux ARS de rattachement par les acteurs concernés.

2.   Le financement du dispositif expérimental

Les 1° à 5° du dispositif prévoient également les dérogations auxquelles la mise en œuvre de ces expérimentations ouvre droit. Elles concernent les principes et les bases de la tarification des prises en charge (professionnels de santé libéraux, laboratoires de biologie médicale, établissements de santé publics et privés dans le cadre de consultations externes, centres de santé), les modes de tarification applicables aux établissements et services médico-sociaux, le paiement direct des honoraires médicaux par le patient ou les conditions de participation des assurés (ticket modérateur, forfait journalier, franchises, etc..). Le dispositif prévoit enfin le financement des expérimentations par les crédits du fonds d’intervention régional (FIR) sur une ligne identifiée.

Sur le modèle du cadre expérimental de l’article 36 de la LFSS pour 2014 modifié par la loi de financement pour 2017, le texte prévoit des dispositions particulières pour les dispositifs médicaux (DM) émargeant au cadre expérimental.

Un alinéa dispose ainsi que les DM utilisés dans le cadre expérimental ne font pas l’objet d’un financement dans le cadre du droit commun ([311]) via la liste des produits et prestations remboursables (LPPR). La disposition dérogatoire vise les dispositifs médicaux dont l’indication « inclut le diagnostic, la prévention, le contrôle ou le traitement dune pathologie prévue » par l’un par les cahiers des charges portant expérimentation.

Selon les informations transmises au rapporteur général, cette dérogation permettrait d’éviter un double circuit de prise en charge au titre de l’expérimentation d’une part, de l’inscription sur la LPPR d’autre part. À cet effet, les DM seront financés sur la base d’un tarif forfaitaire auquel s’ajoutera un financement à la performance, assis sur le respect des objectifs de santé publique.

Pour éviter toute rupture dégalité de prise en charge, le texte exclut du financement expérimental les DM comparables à ceux déjà inscrits sur la LPPR et bénéficiant dun remboursement à ce titre. Ces dispositions spécifiques visent les catégories de DM considérés comme « déjà matures », à linstar des « pacemakers », pour lesquels il est déjà prévu une prise en charge de droit commun.

3.   Les mesures de sortie du cadre expérimental

Plusieurs dispositions permettent d’anticiper sur la sortie du cadre expérimental. Elle concerne le basculement du financement des DM dans le droit commun, la remontée d’informations permettant d’apprécier les résultats expérimentaux, et l’évaluation des expérimentations. Ces dispositions ne constituent pas des nouveautés. Elles étaient déjà prévues dans le cadre de l’expérimentation prévue par l’article 36 de la loi précitée.

Le dispositif inclut la possibilité d’anticiper la prise en charge de droit commun du DM à la suite de l’expérimentation. Le texte autorise le dépôt d’une demande d’inscription sur la LPPR avant la fin de l’expérimentation. Le financement dérogatoire est maintenu jusqu’à la fin de l’instruction du dossier. En cas d’inscription sur la LPPR, la prise en charge s’effectuera dans le cadre du droit commun. Dans l’hypothèse contraire, le dispositif ne sera plus pris en charge.

Afin de faciliter le suivi des expérimentations, les agences régionales de santé et les organismes de sécurité sociale pourront échanger les informations afin de mieux cerner le parcours des patients. Ajoutons que ces données pourront, dans le respect du secret médical, faire l’objet d’un recueil à des fins d’analyse, la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés étant chargée d’adapter les systèmes d’information.

Une évaluation est enfin prévue par le dernier alinéa du IV. Selon les informations transmises au rapporteur général, l’évaluation du programme d’expérimentations serait confiée à l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES). Il appartiendra ensuite à la HAS, comme le projet de loi le permet, de valider le document ainsi produit. Elle donnera lieu à la transmission d’un rapport au Parlement avant le 30 septembre 2021.

*

La commission examine, en discussion commune, l’amendement AS299 de M. Francis Vercamer et les amendements identiques AS178 de M. Pierre Dharréville et AS348 de M. Joël Aviragnet.

M. Francis Vercamer. Je vais retirer mon amendement. C’était un amendement de repli par rapport à un amendement qui a été satisfait.

M. Alain Bruneel. L’article 36 prévoit l’intégration dans le droit commun tarifaire des actes de télémédecine et de téléconsultation.

Pour autant, il est indispensable que cette thématique nouvelle, qui pose la question du lien entre la médecine de ville et l’hôpital, associe d’emblée les professionnels hospitaliers et les fédérations hospitalières représentatives, publiques et privées.

C’est dans ce cadre, que nous proposons la création d’une commission de la télémédecine auprès de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM). Cette commission, présidée par le directeur général de l’UNCAM, est composée de représentants des médecins libéraux et hospitaliers, de représentants des fédérations hospitalières représentatives publiques et privées, et de représentants de l’UNCAM et de l’Union nationale des organismes des caisses d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM). Un représentant de l’État assiste à ses travaux.

Cette commission rend un avis motivé sur les propositions présentées par l’UNCAM. La composition et les règles de fonctionnement de la commission sont fixées par arrêté.

En même temps, comme de nombreux collègues, nous appelons votre attention sur la fracture numérique.

M. Joël Aviragnet. Il s’agit d’associer les professionnels de santé à la pratique de la télémédecine dont on ne peut que se réjouir de l’arrivée, notamment dans les territoires ruraux. Dans l’un de vos deux éminents rapports, monsieur le rapporteur général, vous rappelez que « la télémédecine constitue un important vecteur de l’amélioration de l’accès aux soins, en particulier dans les territoires ruraux ». Vous ne pourrez donc qu’abonder dans mon sens. J’ai relu vos excellents travaux et je crois qu’ils ont fortement orienté la politique de santé conduite par Marisol Touraine. C’est pourquoi je me permettais de les citer.

M. le rapporteur général. Merci beaucoup, monsieur Aviragnet.

Avant toute chose, je voudrais dire un mot sur l’article. Enfin, nous allons diffuser massivement la télémédecine dans notre pays. J’avais coutume de dire : la télémédecine existe depuis quinze à vingt ans, la seule chose innovante serait de la financer. Nous en étions à tâtonner avec des modèles expérimentaux très limitants. Les pouvoirs publics considéraient qu’il y avait un risque de dérapage des finances publiques et qu’il valait mieux contenir l’objet plutôt que d’ouvrir la boîte de Pandore.

Or, nous constatons que les fractures territoriales dans l’accès aux soins se sont multipliées, que les médicalisations de pathologies chroniques se sont de plus en plus complexifiées, et que les outils de télé-expertise et de téléconsultation sont devenus absolument indissociables d’une médecine de qualité dans certains territoires.

C’est une excellente décision que de permettre de renvoyer la télémédecine au droit commun. En pratique, c’est la convention entre la Caisse nationale d’assurance maladie, l’UNCAM et les professionnels libéraux qui permettra de définir les tarifs des différents actes de télé-expertise et de téléconsultation.

Dans cet amendement, considérant que l’hôpital sera concerné au premier chef par cette télé-expertise et cette téléconsultation, vous proposez qu’il soit associé aux négociations tarifaires. Il est vrai que tous les actes et consultations externes qui se déroulent dans les établissements hospitaliers ont des valeurs monétaires qui sont déterminées en dehors de leurs décisions, par la convention médicale.

Je comprends le sens de cet amendement et, effectivement, j’avais soulevé la question dans le rapport. Cela étant, en adoptant cette mesure, nous créerions une brèche dans le dispositif de droit commun, notamment dans le droit conventionnel, en faisant une exception pour la seule télémédecine au détriment des autres actes et consultations externes. Il me semblerait dommageable, pour le respect du dialogue social et le fonctionnement de la convention médicale, d’introduire des acteurs qui n’y figurent pas pour l’ensemble des actes.

Cela étant, j’appelle votre attention sur le fait que nous venons d’adopter l’article 35 qui permettra de définir des protocoles et des financements ville-hôpital, pour s’affranchir des fameux silos que nous dénonçons. Cet article 35 permettra aux établissements d’avoir leur mot à dire sur la façon dont la télé-expertise et la téléconsultation peuvent être utilisées en leur sein.

Je ne peux que donner un avis défavorable à cet amendement même si je comprends le principe qui le sous-tend.

M. Joël Aviragnet. Je vais le retirer.

M. Alain Bruneel. Pour ma part, je vais maintenir notre amendement, et je vous signale aussi que vous ne m’avez pas répondu sur la fracture numérique.

Les amendements AS299 et AS348 sont retirés.

La commission rejette l'amendement AS178.

Puis elle en vient aux amendements identiques AS47 de M. Thibault Bazin et AS73 de M. Jean-Pierre Door.

M. Thibault Bazin. Le projet de loi met fin au caractère expérimental de la télémédecine et la généralise, mais les alinéas 5 et suivants de cet article reparlent d’une expérimentation de quatre ans. Nous sommes pourtant tous d’accord pour avancer et considérer que cet outil est indispensable. Vu l’enjeu que la télémédecine représente pour les déserts médicaux, il faut aller plus vite, tout en réglant la question de l’accès au haut débit et celle de la démographie médicale, qui ne fait pas partie, pour le moment, du plan de la ministre.

M. Jean-Pierre Door. Enfin nous passons des paroles aux actes : nous sommes armés pour la télémédecine dont nous parlions depuis un certain temps. Il faut arrêter avec les expérimentations.

Le recours à la télémédecine doit permettre de pallier les déficiences de l’offre de soins et l’enclavement géographique dans certains territoires. Cette télémédecine est un outil incontournable du virage numérique pris par notre système de santé. Dans les services d’urgences hospitalières, au moins 60 % des actes effectués ne relèvent pas de leurs compétences. Ces actes contribuent à créer des embouteillages dans les hôpitaux, notamment dans les territoires où les habitants n’ont pas accès au médecin ni pour un renouvellement d’ordonnance, ni pour une prescription, ni pour de petits maux. Ceci est particulièrement vrai pour les personnes d’un certain âge.

La télémédecine existe dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Le rapport des sénateurs Daudigny et Cardoux s’est effectué dans mon département et j’ai participé au développement de la télémédecine dans dix communes qui ont accepté de jouer le jeu. Les élus acceptent de mettre à disposition les locaux pour les infirmiers et aides-soignants appelés assistants de télémédecine. Des médecins – retraités, hospitaliers, internes – acceptent d’être à l’autre bout de la chaîne pour répondre. Notre commission avait, elle aussi, évoqué la solution de la télémédecine dans un rapport sur la permanence des soins ambulatoires.

À présent, la télémédecine doit être rapidement mise en place et entrer dans le droit commun. Dès lundi, je vois la directrice de l’agence régionale de santé (ARS) de ma région ainsi que le président du conseil régional pour que nous lancions les opérations locales. C’est urgent. Comme je l’avais dit à Mme la ministre, il reste à définir l’acte de téléconsultation, ce qui devrait se faire dans le cadre des conventions avec les professionnels de santé.

Voilà pourquoi je tiens à cet amendement : plus que favorables à la télémédecine, nous pensons qu’il est urgent de la développer pour remédier aux déserts médicaux. Nous avons les moyens techniques – fibre, 4G – de le faire. Il suffit de s’armer de bonne volonté et de le réaliser. Je redirai tout cela la semaine prochaine dans l’hémicycle, au moment où j’aurais les réponses de l’ARS et de la région Centre-Val de Loire, l’une des plus pauvres dans le domaine de la démographie médicale.

M. le rapporteur général. Je goûte vos paroles, monsieur Door, et je vous en remercie. Vous dites que l’on passe de la parole aux actes. C’est exactement cela. Nous sommes parfaitement d’accord ; il y a un consensus sur l’urgence qu’il y avait à déployer enfin la télémédecine. Mes remerciements sont sincères, d’autant que je connais votre implication dans la lutte contre les déserts médicaux ; vous la menez dans votre circonscription ou au Parlement depuis bien des années.

Je reviens à l’accès au numérique, pour ne pas éluder la question que vous m’avez posée précédemment, monsieur Bruneel. Il faut trouver des solutions à la carte. Concrètement, vous avez des médecins généralistes qui consultent de sept heures du matin jusqu’à vingt et une heures le soir, qui ont la tête sous l’eau, et auxquels on ne va pas demander de s’équiper en téléconsultation : ils n’en ont pas la force, le temps, la possibilité.

À l’inverse, vous avez des médecins qui vont souhaiter développer ce type d’activités pour améliorer la disponibilité des avis de second recours, d’expertise, ou améliorer la fluidité de la communication entre leur activité libérale et l’hôpital. Nous pourrons dire à ces médecins que l’État est à leur écoute et met en place les dispositifs nécessaires. Ces activités s’adresseront aussi beaucoup aux maisons de santé pluridisciplinaires qui, par principe, sont situées dans des zones sous-denses mais plutôt dotées en équipements et en services publics et privés.

Pour ma part, je me fais moins d’inquiétude pour la fracture numérique. Comme il faut restaurer le principe de continuité territoriale dans l’hexagone et en outre-mer, je suis convaincu de la volonté des pouvoirs publics d’avancer pour réduire cette fracture territoriale. L’obligation d’offrir des soins de qualité pour tous sera un leitmotiv supplémentaire pour agir et avancer.

Vous parliez des urgences, monsieur Door. J’ai découvert que des équipes de SAMU faisaient déjà des sorties, équipées de Google Glass, des lunettes connectées qui leur permettent d’envoyer directement les informations de leurs interventions sur le terrain aux équipes de régulateurs pour qu’il n’y ait pas la moindre perte de temps et que, à l’arrivée du malade à l’hôpital, la gestion du dossier soit déjà commencée. Nous sommes déjà très avancés sur la voie d’une forme de médecine futuriste qui n’attendait que la possibilité d’attribuer des tarifs et de financer pour pouvoir se déployer. C’est ce que nous proposons par le biais de cet article.

S’agissant de la télésurveillance, des cahiers des charges ont été définis – vous les trouverez dans le rapport. Les solutions techniques appliquées sont étroitement liées aux types de cas cliniques pris en charge. Cette raison a justifié une approche par pathologies et par cahiers des charges. C’est pour cette raison que la méthode expérimentale a été retenue. Je suis aussi partisan que vous de développer la télémédecine à fond, mais je comprends la démarche expérimentale en matière de télésurveillance. Celle-ci ne nuira pas du tout à l’amélioration de l’accès aux soins qui doit être un objectif rapide, défendu par la totalité de la représentation nationale.

M. Thibault Bazin. Pourquoi ne pas se lancer tout de suite au lieu d’en passer par un processus d’expérimentation de quatre ans ?

M. le rapporteur général. En télésurveillance, vous avez l’intervention de nombreux prestataires techniques, de prestataires de services, que vous n’avez pas en téléconsultation. Il faut prendre le temps d’évaluer très finement les dépenses que cela engendre. La définition et la valeur des actes ne seront pas les mêmes en télésurveillance et en téléconsultation où l’idée est d’avoir un système le plus automatisé et le plus général possible.

M. Thibault Bazin. Si nous sommes prêts avant l’échéance de quatre ans, sera-t-il possible de généraliser le système dans un délai plus court ?

M. le rapporteur général. Vous poserez la question à la ministre en séance.

Nous sommes sortis d’une logique trop « subie », dans notre pays, vis-à-vis de la télémédecine et du numérique en santé : la peur de la boîte de Pandore et du coût. C’est derrière nous. Maintenant, nous avançons. Il ne faut pas se tromper sur certains points techniques extrêmement détaillés et potentiellement coûteux. C’est pourquoi la solution expérimentale demeure pour certains dispositifs. Mais je rappelle que, pour tout ce qui concerne la téléconsultation et la télé-expertise, tous ces avis du quotidien qui vont être indispensables aux praticiens de notre pays, nous sommes passés à la phase de généralisation.

M. Jean-Pierre Door. Il est normal que nous débattions un peu longuement de ce qui, pour moi, est l’un des points majeurs du PLFSS.

La télésurveillance a des objectifs très importants, que l’on oublie souvent de citer, dans l’hospitalisation et les soins à domicile, lorsque les patients, atteints des pathologies que vous connaissez, retournent chez eux. On va les garder le plus possible à domicile, non pas en EHPAD mais chez eux, grâce aux aides-soignantes et aux aides ménagères. Dans ce cas-là, la surveillance est très utile pour établir une relation avec le médecin hospitalier, le médecin traitant ou un médecin à distance, de façon à éviter les déplacements de ces praticiens qui sont parfois absents. La télésurveillance doit donc faire aussi partie des alternatives à l’hospitalisation.

Je voulais aussi parler de ces entreprises qui vantent la téléconsultation low cost sur internet. Attention : on risque de se faire doubler par des sociétés dont on préférerait qu’elles ne soient pas opérationnelles. On entend parfois à la radio ou à la télévision la publicité dangereuse de ces entreprises.

M. le rapporteur général. En tant que médecin hospitalier, j’ai été sollicité, il n’y a pas très longtemps, par une société qui met en place des téléconsultations pour donner un autre avis, etc. Pour ma part, j’ai refusé d’y participer pour des motifs de coûts, d’accessibilité, d’organisation du système de soins. À titre personnel, je n’y suis pas favorable. Cela étant, nous ne sommes pas là dans le domaine de la téléconsultation et de la télé-expertise. Il s’agit d’un autre domaine qui n’entre pas dans le cadre du PLFSS, celui d’une entreprise dont la démarche est totalement parallèle.

M. Jean-Pierre Door. Certaines personnes peuvent être assez fragiles pour s’y adresser !

Mme Monique Iborra. On ne peut pas éviter – et peut-être heureusement – que certains prennent des initiatives. Ce ne serait pas la première fois que la loi est en retard par rapport aux pratiques de terrain. Notre rôle est d’évaluer ces pratiques de terrain, qui se développent notamment dans les EHPAD.

M. Julien Borowczyk. Certaines personnes peuvent avoir du mal à faire la différence entre la télémédecine et ces officines qui font de la consultation par téléphone. J’avoue avoir un peu de mal à comprendre comment on peut consulter par téléphone.

Quant à la télésurveillance, elle représente un enjeu d’avenir en matière d’accessibilité des soins et de diminution des coûts. Cependant, je rejoins la demande d’une étude plus poussée car un grand nombre d’interlocuteurs et d’intervenants sont impliqués dans le système. Nous devons nous donner le temps de revoir l’organisation, en nous posant la question du secret médical compte tenu de l’accès à de nombreuses informations. Cela étant dit, je pense que nous sommes tous d’accord pour considérer que ce domaine est d’une importance capitale.

La commission rejette les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement AS277 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Le recours à la télémédecine est un peu trop souvent décrit comme la solution miracle aux déserts médicaux. J’ai tendance à me méfier du triomphalisme technologique qui tend à faire des innovations techniques des solutions à tous nos problèmes d’organisation.

Cependant, dans certains domaines de la vie médicale, la télémédecine présente des intérêts certains. Une expérimentation, que j’appelle « télédermatologie » parce que je ne sais comment nommer cette consultation qui concerne des plaies, a déjà eu lieu et elle a fait ses preuves. Je peux en témoigner. En revanche, l’extension de la télésurveillance à tous les actes présente de nombreux risques.

La télémédecine ne doit concerner que les actes concernant des plaies dont il est possible de réaliser l’expertise à distance car elles peuvent se prêter à un diagnostic à l’œil nu, les actes de chirurgie de bloc à autre chirurgien et des actes effectués en situation d’urgence pour des événements graves excédant les moyens habituels. Les SAMU sont d’ailleurs très demandeurs pour que le médecin régulateur puisse aider au tri avant la mise en place d’un plan blanc. Puisque les actes de chirurgie et les actes réalisés en situation d’urgence relèvent de la télémédecine et non pas de la télésurveillance dont il est question ici, seuls les actes diagnostiquables à l’œil nu devraient faire l’objet d’une télésurveillance.

La télésurveillance ne doit, en aucun cas, s’étendre aux actes de psychiatrie pour lesquels la communication sociale et physique est très importante. Suivre un malade atteint d’une maladie psychiatrique à distance est tout simplement indécent. La télésurveillance doit aussi être proscrite pour les personnes souffrant de diabète : il faut regarder leurs pieds, faire des dextro, etc. Pour ce type de malades, la télésurveillance semble ingérable et dangereuse.

Afin d’éviter les dérives, nous souhaitons que la télésurveillance ne soit utilisée que pour ce qui peut se prêter à un diagnostic à l’œil nu. Dans ces conditions, elle peut apporter de réels bénéfices.

M. le rapporteur général. Pour le coup, je ne suis pas sûr d’avoir compris votre amendement, madame Fiat. Et je ne suis pas sûr non plus que nous soyons totalement d’accord sur la définition de la télésurveillance.

Avant l’invention du stéthoscope, le médecin écoutait à l’oreille le cœur de ses patients à travers la peau. Ce n’est pas l’outil technique ou la démarche oculaire qui est en jeu dans la télésurveillance, mais la possibilité, pour le patient, d'envoyer – directement ou par l'intermédiaire d'un professionnel de santé ou d'un dispositif médical – des données de santé qui vont être interprétées par un médecin. Rien ne se fera à l'œil nu, puisqu'il s'agit d'une transmission de données.

Avis défavorable.

Mme Martine Wonner. Concernant le domaine de la psychiatrie, je souhaitais apporter une précision. Il est clair qu’on ne peut pas mettre un patient seul devant un écran pour dialoguer avec un professionnel – psychiatre, psychologue ou infirmier spécialisé – dans un environnement qu’il ne pourrait pas maîtriser. En revanche, des expérimentations en cours – je pense à celle conduite du côté de Montpellier dans le cadre d’un partenariat public-privé – donnent d’excellents résultats quand le patient est accompagné par un professionnel très bien formé. Et on sait à quel point on est confronté à une carence en professionnels psychiatres.

Mme Audrey Dufeu Schubert. En complément de l’intervention de ma collègue sur la télémédecine, j’ajoute que la consultation en télémédecine avec un gériatre peut être bénéfique pour des patients âgés qui ont des troubles du comportement avec une agitation pathologique dans 90 % des cas. Elle est beaucoup moins délétère car elle évite les traumatismes du transport, et l'agitation peut mieux être circonscrite.

La commission rejette l’amendement.

Les amendements AS280 et AS281 de Mme Caroline Fiat sont retirés.

La commission en vient à l’amendement AS318 de M. Thomas Mesnier.

Mme Valérie Petit. La télésurveillance permet aux médecins de procéder à une interprétation à distance des données médicales. La télésurveillance facilite le suivi médical, notamment des patients âgés ou en perte d’autonomie. Elle est aussi une réponse au problème des déserts médicaux.

L’article 36 soutient le développement de la télémédecine et prévoit le prolongement, pour quatre ans, du dispositif expérimental de télésurveillance. Nous proposons qu’une évaluation de cette expérimentation soit réalisée à mi-parcours, et qu’un rapport soit remis au Parlement. Ainsi, nous aurions les moyens d’ajuster le dispositif, et éventuellement d’en accélérer la mise en œuvre et la généralisation. Cet amendement suit une logique de meilleure évaluation des politiques publiques, notamment des expérimentations.

M. le rapporteur général. Madame Petit, j’ai une proposition à vous faire : dans le cadre des missions de contrôle et d’évaluation dont j’ai parlé, au vu de la longue liste des rapports auxquels j’ai été contraint de donner un avis défavorable, je suis d’avis que, sans attendre deux ans, nous réalisions une évaluation sur place et sur pièces.

Nous pouvons aller voir un ou plusieurs dispositifs de télésurveillance en cours d’expérimentation. Ce serait beaucoup plus parlant qu’un rapport, qui va demander du travail aux services administratifs, et dont au mieux une petite partie d’entre nous prendra connaissance. Allons voir sur place, et soyons capables de montrer que l’action publique a du sens, donnons-lui corps par ces déplacements.

Pendant les mois qui nous séparent du prochain PLFSS, j’aimerais vraiment que nous allions regarder sur place le fonctionnement de ce type de procédés, dans une démarche ouverte à l’ensemble des parlementaires de tous bords. Ce serait plus efficace qu’un rapport.

Mme Valérie Petit. Je suis tout à fait d’accord, et j’accepte donc votre proposition. Étant membre de la commission d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, je propose de l’inscrire dans ce cadre. Je retire donc l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS203 de M. Brahim Hammouche.

M. Brahim Hammouche. Cet amendement vise à renforcer l’évaluation de la télésurveillance en prenant en compte ses cinq dimensions : l’accès aux soins, les pratiques et l’organisation des soins, la qualité de la prise en charge des patients, leur satisfaction, et les coûts liés aux recours aux soins.

Cette évaluation médico-économique va consister à mesurer les bénéfices cliniques d’une stratégie de santé ou d’un produit de santé au regard de son coût, en vue d’une plus grande efficience ou d’une allocation optimale des ressources disponibles, selon le jargon en vigueur. Si cette dernière est nécessaire dans un contexte de ressources limitées, elle ne saurait être exclusive, ni constituer l’alpha et l’oméga des décideurs politiques.

Nous souhaitons introduire une dimension sociale, fondamentale si nous ne voulons pas terminer dans une impasse, notamment s’agissant des ruptures dans les financements de certaines prises en charge. L’impact organisationnel n’est pas assez pris en compte dans les évaluations actuelles – quand il n’est pas purement et simplement oublié – notamment s’agissant des évaluations sur la télé-expertise qui, selon le rapport de 2006 de la Haute Autorité de santé (HAS), a vu son périmètre se réduire comme peau de chagrin.

Outre un rapport dans les délais impartis, nous voulons une évaluation complète, tant quantitative que qualitative, c’est-à-dire à la fois médicale, économique et sociale.

M. le rapporteur général. On pourrait considérer que ce niveau de précision sur les critères de précision relève davantage du niveau réglementaire, donc du décret plutôt que de la loi. Cela étant, je reste sensible à l’attention que vous portez à une évaluation multifactorielle et pas uniquement médico-économique. La télémédecine, c’est de l’accessibilité aux soins, de la qualité des pratiques, de la pertinence des actes, de l’accès à l’expertise, l’ensemble de ces choses.

Étant donné l’importance de cet article et l’enjeu, j’aurai tendance à donner un avis de sagesse, voire un avis favorable. Je ne vois pas à mal dans cet amendement, même s’il pourrait relever du niveau réglementaire. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS200 de M. Brahim Hammouche.

M. Brahim Hammouche. Cet amendement rejoint ce qui s’est dit plus tôt : il convient de réduire le délai d’évaluation, et le ramener au 30 juin 2019. Mais j’ai entendu la proposition du rapporteur d’effectuer un déplacement, et je viendrai sur le terrain avec plaisir.

L’idée principale est que nous ne devons pas tarder à mettre en place des choses qui ont déjà montré leur efficience sur le terrain. Il faut se donner les moyens de ce virage numérique.

Je retire donc cet amendement au bénéfice d’une action plus concrète.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 36 modifié.

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Après l’article 36

La commission est saisie des amendements identiques AS48 de M. Thibault Bazin et AS85 de M. Jean-Pierre Door.

M. Thibault Bazin. Cet amendement fait écho à la préoccupation mentionnée par Jean-Pierre Door de réglementer ce qui peut apparaître comme une dérégulation, voire un risque pour la qualité de soins.

La législation actuelle sur la télémédecine ne permet pas de garantir que les actes de téléradiologie sont réalisés conformément à la réglementation. Ne pensez pas que cela soit sans conséquence ; la nuit, lorsque l’on a besoin d’imagerie médicale, notamment au niveau des urgences, certains hôpitaux manquent de praticiens hospitaliers. Dans ces cas, les hôpitaux font parfois appel à des sociétés qui respectent la réglementation, avec des personnes compétentes qui pratiquent des tarifs réglementés. Mais parfois, du fait des restrictions budgétaires, il est tentant de faire appel à des sociétés à bas coûts qui ne garantissent pas le respect de la réglementation et la déontologie. Elles ne respectent pas non plus les tarifs médicaux réglementaires.

L’amendement qui vous est proposé entre dans notre logique de développer la télémédecine et la téléradiologie dans des cadres bien spécifiques, notamment lorsqu’il n’y a pas d’injections. Aujourd’hui, nous avons l’avantage que des règles communes ont été inscrites dans la charte de téléradiologie élaborée par le conseil professionnel de la radiologie et cosignée par le conseil national de l’ordre des médecins. Des règles comme celles-ci permettraient de garantir le respect des conditions d’un acte médical, de sa tarification, du traitement des dossiers des patients, et surtout de s’assurer que nous avons toujours une qualité de réponse pour le patient confié à des services d’urgences où il n’y a pas toujours de radiologue sur place.

M. Stéphane Viry. En complément de ce qui vient d’être dit par M. Bazin, nous sollicitons par cet amendement la fixation par voie réglementaire des conditions de mise en œuvre de la téléradiologie.

Comme cela a été souligné, des sociétés à bas coût offrent désormais des prestations sans que l'on puisse s’assurer de leur respect de la réglementation et des règles médicales.

Nous considérons nécessaire de poser par décret les modalités et les conditions d’un acte médical, de sa tarification et du traitement des dossiers des patients.

M. le rapporteur général. Ces amendements soulèvent plusieurs problèmes techniques.

La télémédecine comprend cinq actes médicaux comme la téléconsultation, la télé-expertise ou la télésurveillance. Il n'y a pas d'actes de téléradiologie en tant que tel, la téléradiologie fait partie d’une catégorie plus générale d’actes de télé-expertise, de téléconsultation ou de télésurveillance.

Ensuite, la déontologie relève de la compétence de l'ordre plutôt que de la loi, surtout si vous faites allusion à des centres à bas coût.

Vous réintroduisez un alinéa qui a été supprimé à l'article 36 parce que nous ne sommes plus dans un cadre expérimental, mais dans le cadre du droit commun. Cela ne fait pas sens.

Enfin, la définition du tarif des actes relève du dialogue conventionnel entre les partenaires sociaux, et pas de la loi, ni du décret.

Avis défavorable pour toutes ces raisons.

La commission rejette les amendements.

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Article 37
Modification des conditions dinscription des actes à la nomenclature

Pour être pris en charge par la sécurité sociale, un acte ou une prestation doit faire l’objet d’une inscription sur la liste des actes et prestations (LAP). La procédure nécessite une instruction du dossier par la Haute Autorité de santé (évaluation médicale), par les commissions de hiérarchisation des actes et prestations (CHAP ([312]) , évaluation scientifique et technique) et enfin par l’Union nationale des caisses d’assurances maladies (UNCAM) pour la tarification.

Cet article précise les conditions dans lesquelles l’avis de la Haute Autorité de santé est requis, reconnaît l’inscription des actes ou prestations réalisées en équipe, notamment dans le cadre des protocoles de coopération, et instaure une procédure d’instruction rapide des dossiers par l’UNCAM en cas de blocage dans les CHAP.

L’article précise aussi le cadre juridique et financier des protocoles de coopération qui ne font aujourd’hui l’objet que d’un financement dérogatoire et limité dans le temps. Le dispositif prévoit la possibilité de définir des thèmes prioritaires de coopération conditionnant ainsi une instruction accélérée des dossiers. Le suivi des protocoles est renforcé avec l’intégration de la Haute Autorité de santé au sein du collège des financeurs. Enfin, l’article pérennise le financement des actes pluri-professionnels testés dans le cadre de ces protocoles de coopération.

I.   la modification des conditions d’inscription des actes et prestations à la nomenclature

Le I de l’article modifie, au sein du code de la sécurité sociale, les conditions d’inscription sur la liste des actes et prestations sur trois aspects : conditions de saisine pour avis de la HAS, reconnaissance de l’inscription des actes ou prestations réalisées en équipe et encadrement temporel du travail des CHAP.

A.   Une procédure qui fait intervenir plusieurs acteurs

L’assurance maladie prend en charge un acte ou une prestation réalisée par un professionnel de santé dès lors qu’il ou elle est inscrit sur une liste : la liste des actes et prestations (LAP) régie par les articles L. 162-1-7, R. 161-71, R. 162-52 et R. 162-52-1 du code de la sécurité sociale.

La LAP regroupe trois nomenclatures distinctes : la classification commune des actes médicaux (CCAM) ([313]), la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) ([314]) et la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) ([315]).

L’inscription sur la liste, comme d’ailleurs la radiation, est décidée par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) après avis de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM) dans un délai fixé à 6 mois.

Elle est subordonnée au respect des règles de hiérarchisation établies par des commissions de hiérarchisation (CHAP) et est réputée approuvée sauf opposition motivée des ministres chargées de la santé et de la sécurité sociale.

Au nombre de neuf, les CHAP sont chargées d’établir les règles de hiérarchisation des actes et prestations de la profession, c’est-à-dire de leur attribuer un score médical. L’UNCAM assure le secrétariat général de ces commissions paritaires, comprenant des représentants des syndicats représentatifs des professionnels de santé et des représentants de l’UNCAM, étant précisé l’État assiste aussi aux travaux. Le score médical, exprimé en points, sert de base au calcul du tarif effectué ensuite par l’UNCAM.

Schéma simplifié de la procédure d’inscription sur la liste des actes et prestations

B.   Des modifications qui tendant à accélérer l’instruction des dossiers

1.   Simplification de la saisine de la HAS

Dans le cadre de la procédure fixée par l’article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, l’UNCAM est tenue de saisir la HAS en vue d’une évaluation médicale de l’acte.

L’avis de la HAS est rendu dans les 6 mois suivant sa saisine mais ce délai peut être renouvelé à titre exceptionnel (cf. schéma ci-dessus). Il porte sur le service médical attendu et repose sur deux critères : l’intérêt diagnostique et thérapeutique et l’intérêt de santé publique.

L’avis est rendu par le collège de la HAS. Au terme de l’ordonnance n° 2017-84 du 26 janvier 2017 relative à la Haute Autorité de santé, cet avis peut être préparé par une commission spécialisée, la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (Cnedimts).

Cet avis n’est pas nécessaire lorsqu’il ne fait que modifier que la hiérarchisation des actes ou des prestations. Il est en effet inutile de saisir la HAS qui s’est déjà prononcée sur l’évaluation médicale de l’acte ou de la prestation.

Le 1° du I vise à simplifier davantage la saisine de la HAS. Les a) et b) prévoient que la saisine de la HAS n’est plus utile dès lors que la modification de la nomenclature ne nécessite pas d’évaluation médicale ([316]). Cette mesure proposée vise à recentrer les missions de la HAS.

2.   La nouvelle tarification des actes réalisés en équipe par les professionnels libéraux

Le du I insère un nouvel article L. 162-1-7-4 au sein du code de la sécurité sociale relatif à la reconnaissance des actes ou prestations réalisées en équipe par plusieurs professionnels de santé.

Il s’agit ici de donner un caractère pérenne aux actes ou prestations faisant l’objet d’une utilisation innovante dans un cadre interprofessionnel. À l’heure actuelle, il n’existe pas de cadre juridique et financier adapté à la reconnaissance de ces actes et à leur hiérarchisation. En effet, l’instruction actuelle, articulée autour des CHAP, résulte plutôt d’une approche mono-professionnelle.

Aujourd’hui, le financement des actes réalisés en équipe n’est assuré que dans le cadre d’un financement dérogatoire et limité dans le temps (durée maximale de trois ans renouvelable une fois) par le biais des protocoles de coopération.

Le 2° prévoit un dispositif spécifique de reconnaissance de ces actes ou prestations qui couvriraient :

– les professionnels libéraux ou les professionnels de santé salariés d’un autre professionnel libéral ;

– les professionnels exerçant dans les centres de santé ;

– les professionnels de santé salariés dans un établissement de santé.

La procédure est calquée sur celle prévue par l’article L. 162-1-7 pour les actes isolés. L’inscription sur la liste, comme d’ailleurs la radiation, est décidée par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) après avis de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM). Enfin, les décisions de l’UNCAM sont réputées approuvées sauf opposition de l’État.

Le présent 2° prévoit désormais une prise en charge, à l’issue de la période de financement dérogatoire et dans le cadre du droit commun, des actes réalisés dans le cadre des protocoles de coopération. Sans que soit sollicité l’avis de la HAS, l’UNCAM pourra décider d’inscrire l’acte dans la nomenclature et en définir la tarification, après la détermination des modalités de financement et de rémunérations par le collège des financeurs. Il s’agit de tenir des modifications opérées par le II du présent article, la HAS étant appelée à intégrer le collège des financeurs (cf. II du commentaire d’article).

Toutefois, la rédaction proposée ouvre la voie à d’autres types d’actes interprofessionnels et ne se restreint pas aux seuls protocoles de coopération. Il est fait mention des actes et prestations réalisés en équipe. Cette définition, plutôt large, permettra d’inclure d’autres actes interprofessionnels dont l’encadrement par les sociétés savantes n’est pas encore abouti. Il en est ainsi des protocoles organisationnels qui visent plus particulièrement une nouvelle répartition des tâches entre les professionnels de santé libéraux et salariés exerçant au sein d’un même cabinet.

À terme, la mesure concerne les professionnels libéraux, salariés en centre de santé ou en établissement de santé. S’agissant des établissement de santé, l’inscription à la nomenclature et la tarification concerneront sont les actes et consultations externes.

Selon l’étude d’impact, l’objet de cette mesure vise à définir des tarifs « inférieurs ou égaux à ceux des actes médicaux correspondant, garantissant pour lassurance maladie lefficience de ces nouvelles pratiques ».

3.   L’accélération de l’instruction des dossiers

Le 3° du I vise à compléter l’article L. 162-1-8 du code de la sécurité sociale afin d’accélérer l’instruction des dossiers examinés par les CHAP. Il crée une procédure d’instruction accélérée pour les actes susceptibles de faire l’objet d’un blocage.

Le d) créé un nouveau dispositif d’instruction accélérée des dossiers au sein d’un nouveau II de l’article L. 162-1-8.

À l’heure actuelle, hormis la saisine de la HAS et de l’UNOCAM, aucune disposition ne fixe en effet un délai durant lequel les CHAP sont amenées à statuer sur les règles de hiérarchisation d’un acte ou d’une prestation (cf. schéma ci-dessus). Selon le Gouvernement, cette situation peut se révéler bloquante en cas de désaccord au sein de la commission ou freiner inutilement l’arrivée d’un acte ou d’une prestation pourtant efficients. C’est notamment le cas de la photothérapie dynamique qui a reçu un avis de la HAS en mai 2010 pour une inscription sur la nomenclature en janvier 2017.

Le nouveau II de l’article L.162-1-8 fixe un délai maximal d’examen des actes et prestations par les CHAP. Elles disposeront ainsi de onze mois pour établir les règles de hiérarchisation, le point de départ étant la transmission de l’avis de la HAS à l’UNCAM. En l’absence de décision dans le délai imparti, l’UNCAM est fondée à se substituer aux commissions afin de procéder à la hiérarchisation de l’acte ou de la prestation. La procédure suit alors son cours avec la décision de tarification et d’inscription sur la LAP par l’UNCAM puis la transmission, dans un délai de trente jours, de cette décision aux ministres compétents avant publication au journal officiel. Le texte précise qu’en l’absence de décision dans le délai de trente jours, l’UNCAM est tenue d’informer les ministres compétents.

La procédure accélérée se limite aux nouvelles inscriptions. Selon les termes employés par la direction de la sécurité sociale, celles-ci « revêtent un caractère prioritaire dans la mesure où elles matérialisent lentrée dun acte dans le panier de soins remboursables, et permettent dincorporer des innovations ».

Si le texte prévoit une procédure accélérée, il ne dessaisit pas les CHAP de leur compétence. En effet, le nouvel article envisage l’hypothèse d’un retour au droit commun, les CHAP pouvant être amenées à définir les règles de hiérarchisation de l’acte ou de la prestation. Selon les informations transmises au rapporteur général, il faudra cependant modifier leur règlement intérieur pour s’accorder avec la rédaction du projet de loi de financement.

Les a) à c) procèdent à des modifications de nature rédactionnelle qui portent sur le dispositif actuel de procédure accélérée des actes innovants.

La procédure proposée par le texte s’inspire, sans s’y substituer pour autant, à la procédure accélérée déjà applicable à certaines catégories d’actes porteurs d’innovation désormais prévue par le I de l’article L. 162-1-8 au terme du présent projet de loi.

Le champ de la procédure accélérée relative à l’innovation est toutefois plus restreint puisqu’il ne comprend que quatre types d’actes : les actes associés à des dispositifs médicaux innovants, ceux pratiqués uniquement au sein d’un établissement de santé et ayant ou étant susceptibles d’avoir un impact significatif sur l’organisation des soins et les dépenses de l’assurance maladie, les actes ayant fait l’objet d’une tarification provisoire dans le cadre d’une expérimentation et, enfin, ceux inscrits dans un protocole de coopération.

Par ailleurs, elle s’inscrit dans un autre cadre temporel puisque l’UNCAM peut procéder à la hiérarchisation des actes faute de décision de la CHAP dans un délai de cinq mois.

● Enfin, prenant acte de la nouvelle économie de l’article L. 162-1-8, le e) vise à créer au sein de cet article un III comprenant le dernier alinéa relatif aux modalités d’application.

Le rapporteur général est dubitatif sur l’intérêt de la cette nouvelle instruction accélérée. Il se demande si l’accélération des dossiers ne peut pas être recherchée dans un cadre plus souple et surtout plus respectueux des partenaires conventionnels. Le dessaisissement des CHAP, bien que temporaire, n’est pas de nature à instaurer un rapport de confiance avec les professionnels de santé. Par ailleurs, si l’intention est d’utiliser ce nouveau dispositif telle une épée de Damoclès afin d’exercer une « amicale pression », on peut s’interroger sur l’intérêt de prévoir par la loi une mesure destinée à ne pas être appliquée. D’autres moyens plus opérationnels peuvent être convoqués. Il n’est pas non plus interdit de faire confiance au bon sens des partenaires conventionnels.

II.   une prise en charge accÉLÉrée pour les protocoles de coopération jugés prioritaires

En lien avec la possibilité de tarifer les actes réalisés dans le cadre des protocoles de coopérations, le II réaménage le cadre juridique de ces derniers qui ressortit au code de la santé publique. Il prévoit la possibilité de définir des thèmes prioritaires de coopération associés à l’accélération de l’instruction des dossiers et des financements.

 Linstruction des projets de protocole de coopération

Les 1° et 2° ont pour objet la modification de l’article L. 4011-2 relatif à la validation des protocoles de coopération. Les professionnels de santé soumettent à l’agence régionale de santé (ARS) un dossier précisant l’objet de la coopération ainsi que son modèle économique. Ce n’est qu’après l’avis conforme de la HAS et l’avis du collège des financeurs que le directeur de l’ARS autorise la mise en place du protocole ainsi que sa durée.

Le vise à restreindre le champ de la saisine de l’ARS par les professionnels de santé.

Au terme du a), seuls les dossiers portant protocoles de coopération impliquant un financement dérogatoire seront instruits par l’ARS. Il s’agit ici de tester des modèles de financement innovants susceptibles de déboucher sur une tarification pérenne.

En conséquence, le b) vise à préciser les modalités d’intervention de la HAS lorsque le directeur général de l’ARS arrête les protocoles de coopération. Aujourd’hui, son avis conforme est systématiquement requis. À l’avenir, le périmètre sera restreint aux seuls protocoles impliquant un financement dérogatoire.

Le c) complète l’article L. 4011-2 par un alinéa prévoyant la définition par voie d’arrêté des priorités nationales en matière de protocoles de coopération. Selon l’étude d’impact, « la priorité gouvernementale de lutte contre le phénomène de désertification médicale pourra se traduire dans la mise en œuvre rapide de protocoles de coopération adaptés à cette problématique ». Pour les projets de protocoles qui relèveraient de ces priorités, les avis de la HAS et du collège des financeurs seront rendus dans un délai de six mois à compter leur transmission par l’ARS. L’avis du collège des financeurs sera sollicité lorsque les protocoles de coopération ont vocation à aboutir à une inscription des actes réalisés par les équipes dans la nomenclature des termes. C’est ainsi qu’il faut comprendre les termes « le cas échéant ».

Ces priorités n’ont pas encore été arbitrées mais il a été indiqué au rapporteur général que « les protocoles de coopération qui seront retenus sont ceux qui répondent aux objectifs de la stratégie nationale de santé (développement de la prévention) et du plan daccès aux soins (faciliter laccès aux compétences spécialisées qui connaissent des délais ou difficultés daccès) ».

 Lintégration de la HAS au sein du collège des financeurs

Le 2° modifie l’article L. 4011-2-1 relatif au collège des financeurs. Il devra désormais comprendre des représentants de la Haute Autorité de santé. Il s’agit de lui permettre de mieux suivre la mise en œuvre des protocoles de coopération et de prendre part aux décisions. Aujourd’hui, elle n’est que destinataire de l’avis rendu par le collège des financeurs.

Par coordination, le 3° supprime la transmission de l’avis rendu par le collège des financeurs à la HAS, celle-ci étant partie intégrante de l’instance collégiale.

 La pérennisation des protocoles de coopération

Le 4° tend à modifier l’article L. 4011-2-3 relatif à la pérennisation du protocole de coopération. Cet article prévoit l’évaluation des actes réalisés dans le cadre du protocole qui peut aboutir à la fin du financement dérogatoire, à sa poursuite pour une nouvelle durée limitée ou à l’intégration des actes sur la LAP.

Le a) modifie les conditions d’évaluation des actes réalisés dans le cadre du protocole.

En l’état du droit, l’ARS doit transmettre au collège des financeurs les avis de la HAS sur chacun des actes prévus dans le protocole. La HAS réalise une évaluation médico-économique du protocole et rend un avis sur son efficience.

Selon les informations transmises au rapporteur général, le terme d’efficience prévu par le droit actuel n’était pas adapté car, dans le vocabulaire de la HAS, ce mot renvoie à des analyses médico-économiques, qui supposent notamment des analyses comparatives ; les protocoles organisent des modes de prise en charge innovants qui, par construction, ne peuvent faire l’objet de comparaison. .

Le projet de loi prévoit donc que l’avis de la HAS porte désormais sur l’efficacité et la sécurité du protocole « en termes de santé publique ».

Le b) procède à une mesure de coordination puisque les actes réalisés en équipe dans le cadre des protocoles de coopération ont vocation à aboutir à une inscription sur la LAP au titre de l’article L. 162-1-7-4 du code de la sécurité sociale.

Le 5° procède à la rédaction globale du IV de l’article L. 4011-2-3 qui prévoit le maintien du financement dérogatoire d’un protocole de coopération faisant l’objet d’une prise en charge définitive jusqu’à l’inscription de ses actes sur la LAP.

Il est désormais prévu que le collège des financeurs statue sur les modalités de financement et de rémunération des actes et prestations réalisées dans le cadre du protocole dès lors qu’une procédure d’inscription des actes et prestations réalisés en équipe a été réalisée à l’initiative de l’UNCAM, conformément à l’article L. 162-1-7-4 (cf. 2 du B du I).

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La commission est saisie des amendements identiques AS50 de M. Thibault Bazin et AS87 de M. Jean-Pierre Door.

M. Thibault Bazin. L’objet de cet amendement est de permettre à la commission de hiérarchisation des actes et des prestations (CHAP), instance paritaire, de piloter et de déterminer la procédure d’évaluation du coût de la pratique des actes.

M. Jean-Pierre Door. Nous souhaitons que cette compétence ne soit plus attribuée à l’UNCAM, mais à la commission de hiérarchisation des actes et des prestations.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. L'amendement étend les compétences des CHAP et tend à empiéter sur la compétence de l'UNCAM. Les CHAP sont constituées de professionnels qui évaluent scientifiquement le travail que représente un acte. Il faut qu'elles restent cantonnées à cette démarche scientifique.

Adopter l'amendement reviendrait à laisser subsister deux dispositions contradictoires au sein du même article : la tarification par l'UNCAM d'une part, et votre dispositif d'autre part, ce qui brouillerait la portée de la loi.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS49 de M. Thibault Bazin et AS86 de M. Jean-Pierre Door.

M. Thibault Bazin. J’anticipe la réponse du rapporteur, car cet amendement se situe dans la continuité du précédent. Il vous est proposé de supprimer les alinéas 5 à 12. Aujourd’hui, nous nous interrogeons sur le pouvoir de l’UNCAM de décider seule du niveau de hiérarchisation d’un acte.

M. le rapporteur général. Je suis favorable à votre idée, mais défavorable sur la forme, car vous avez travaillé sur une version du texte qui n’est pas celle que nous examinons aujourd’hui. Les alinéas que vous proposez de supprimer ne correspondent plus au texte actuel.

Je vous donne rendez-vous à l’amendement suivant, que j’ai déposé, et qui va dans le sens que vous souhaitez.

M. Thibault Bazin. En ce cas, ce pourrait être un amendement de la commission, si tout le monde est d’accord.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Ce sera en effet un amendement de la commission.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient à l’amendement AS405 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Je propose de supprimer une disposition prévue dans le texte initial du PLFSS, portant sur la procédure d'instruction accélérée des CHAP. Cette mesure vise à dessaisir temporairement les CHAP de leur compétence pour laisser à l'UNCAM le soin de décider unilatéralement de l'inscription des actes à la nomenclature en cas de blocage.

Le dessaisissement des CHAP, bien que temporaire, n'est pas de nature à instaurer un rapport de confiance avec les professionnels de santé. C’est une épée de Damoclès qui permet d’exercer une « amicale pression ». Mais on peut s'interroger sur l'intérêt de prévoir par la loi une mesure destinée à ne pas être appliquée. D'autres moyens plus opérationnels peuvent être convoqués, et il n'est pas interdit de faire confiance aux partenaires conventionnels.

Selon mes informations, il n'y a eu aucun blocage depuis 2011. Par ailleurs, lors des rares cas de désaccords, le vote a pu être reporté à la séance suivante afin de favoriser un consensus. Il suffit juste de se donner un peu plus de temps pour convaincre les parties en présence.

La procédure proposée offre la possibilité de passer outre les prérogatives des professionnels de santé en donnant un pouvoir unilatéral à l'UNCAM. L'intérêt des CHAP est pourtant de promouvoir une plus grande adhésion des professionnels de santé à la décision de l'UNCAM.

Enfin, le texte proposé comporte une imprécision.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 37, ainsi modifié.

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Article 38
Adaptation des conditions de prise en charge des produits hospitaliers – liste en sus

Cet article vise à mieux réguler les dépenses de médicaments des établissements de santé :

– en instaurant un tarif de remboursement unifié pour les médicaments comparables en termes d’indications ou de visée thérapeutique, afin d’encourager les établissements de santé à prescrire des médicaments génériques ou biosimilaires ;

– en permettant au Comité économique des produits de santé (CEPS) de fixer un prix limite de vente, protecteur des établissements, pour les médicaments de la liste en sus ou rétrocédés ;

– en permettant la modulation de la marge forfaitaire incluse dans le prix de cession des médicaments rétrocédés en cas de modicité de ceux-ci.

Il introduit également une renégociation systématique du prix des médicaments bénéficiant d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU), afin de faciliter leur prise en charge.

Il abroge le mécanisme de minoration forfaitaire de chaque tarif d’hospitalisation lorsqu’un médicament de la liste en sus a été utilisé au cours du séjour.

Enfin, il modifie les modalités de calcul de la tarification du séjour des patients relevant d’un régime étranger coordonné avec le régime français, afin d’y intégrer les produits de santé de la liste en sus, qui restent actuellement à la charge des établissements.

I.   La nécessité d’amÉliorer l’efficience des prises en charges des médicaments par les Établissements de santé

A.   Les modalités de prise en charge des mÉdicaments à l’hÔpital

1.   Liste en sus et médicaments rétrocédés

Dans les domaines couverts par la tarification à l’activité, le coût des médicaments utilisés au cours d’un séjour hospitalier est en principe pris en compte au sein des tarifs d’hospitalisation, qui couvrent l’ensemble des moyens nécessaires à l’hospitalisation du patient grâce à la définition d’un forfait.

Ce dispositif n’est cependant pas adapté pour certains produits innovants ou particulièrement onéreux : pour permettre l’égal accès des patients à ces traitements, dans des conditions financièrement acceptables pour tous les établissements de santé, un système dérogatoire permet donc que certains produits de santé soient facturés et pris en charge par l’assurance maladie en sus des prestations d’hospitalisation. Ces médicaments sont inscrits sur une liste de produits appelée « liste en sus ».

Parallèlement, certains établissements de santé disposant d’une pharmacie à usage intérieur peuvent être autorisés par l’Agence régionale de santé à dispenser des médicaments aux patients non hospitalisés. Ces médicaments « rétrocédés » par les pharmacies à usage intérieur aux patients, doivent être inscrits sur la « liste de rétrocession ». Ils présentent notamment des contraintes spécifiques de distribution, de dispensation ou d’administration, ou peuvent nécessiter un suivi de la prescription ou de la délivrance.

2.   Tarif de responsabilité et prix de cession

Alors que la règle est celle de liberté des prix dans le cadre de la politique dachat de létablissement pour les médicaments compris dans les tarifs dhospitalisation, un « tarif de responsabilité » est fixé par convention avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) pour les médicaments de la « liste en sus », tout en laissant aux établissements de santé leur capacité de négociation. À défaut daccord, le tarif de responsabilité est fixé et publié par le CEPS.

Pour les médicaments rétrocédés, le prix de cession est également fixé par convention entre l’entreprise et le CEPS. Il correspond au prix publié par le CEPS, auquel s’ajoute une marge prenant en compte les frais inhérents à la gestion et à la dispensation de ces spécialités. À défaut d’accord, il est fixé par décision du CEPS.

La prise en charge de la dépense de médicaments de l’établissement de santé par l’assurance maladie se fait sur la base de ce tarif de responsabilité ou de ce prix de cession.

Fixation du prix de cession et du tarif de responsabilité

Médicaments rétrocédés

Prix de cession au public

Prix de vente fixé par le CEPS + marge forfaitaire prenant en compte les frais de gestion et de dispensation du médicament + TVA

Article L. 162-16-5 du code de la sécurité sociale

Médicaments inscrits sur la liste en sus

Tarif de responsabilité

Tarif fixé par convention entre l’entreprise et le CEPS, ou, à défaut d’accord, par le CEPS

Article L. 162-16-6 du code de la sécurité sociale

Source : Commission des affaires sociales.

3.   L’écart médicament indemnisable

Du fait des négociations qu’ils mènent directement avec les entreprises pharmaceutiques dans le cadre de leur politique d’achat, le prix d’achat réel de ces produits par les établissements de santé peut toutefois être inférieur au prix de cession ou au tarif de responsabilité sur la base duquel s’effectue le remboursement.

Pour éviter que cette différence ne conduise à un sur-remboursement au détriment de l’assurance maladie, sans pour autant désinciter les établissements de santé à négocier les prix les plus bas possibles, un mécanisme d’intéressement, dit « écart médicament indemnisable » a été mis en place pour les médicaments de la liste en sus, puis pour les médicaments rétrocédés : si l’établissement parvient à acheter des médicaments à un prix inférieur au tarif de responsabilité ou au prix de cession, l’établissement de santé est remboursé sur la base de la facture majorée, afin de répartir le gain de la négociation entre l’établissement et l’assurance maladie.

B.   Un système insuffisamment efficient

La négociation du prix des médicaments par les établissements de santé est donc possible non seulement pour les médicaments inclus dans les tarifs d’hospitalisation, mais également pour les médicaments inscrits sur la liste en sus ou rétrocédés. Cette capacité de négociation, pleinement intégrée à la politique d’achat des établissements de santé, est supposée être source de gains pour ces derniers, et, in fine, pour l’assurance maladie.

Mais le pouvoir de négociation des hôpitaux face aux entreprises pharmaceutiques est-il si important ?

La Cour des comptes, dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2017, souligne ainsi que si les médicaments intégrés dans les GHS sont majoritairement concurrentiels, dans le cas des médicaments de la liste en sus ou rétrocédés, « il sagit cependant dune négociation en grande partie théorique qui sest progressivement déplacée sur le terrain des avantages non tarifaires, au détriment de lassurance maladie. (…) Les acheteurs hospitaliers, nombreux et encore trop dispersés, ne disposent pas, le plus souvent, des outils pour mesurer létat du marché pharmaceutique, les stratégies des entreprises pharmaceutiques, les conditions obtenues par les autres établissements ou groupements ou les variations de prix dans le temps. Lorganisation actuelle de lachat du médicament à lhôpital avantage les entreprises qui seules disposent dune vision globale du marché ».

Si les établissements ne parviennent pas à négocier le prix des médicaments à un prix égal ou inférieur au tarif de responsabilité ou au prix de cession, ce sont eux qui doivent supporter le coût du « reste à charge », puisqu’en aucun cas la différence ne peut être facturée aux patients.

Au vu du dynamisme de la dépense des médicaments de la liste en sus et rétrocédés (cf. encadré infra.), il est donc primordial de faire évoluer les dispositifs existants relatifs à la fixation du prix et à la prise en charge des médicaments utilisés par les établissements de santé.

La dépense relative aux médicaments rétrocédés et aux médicaments de la liste en sus

Les médicaments rétrocédés sont comptabilisés parmi la consommation de médicaments en ville : ils représentant 8 % de cette consommation. Après avoir progressé de 80 % en 2014 du fait de l’introduction de nouveaux traitements contre le virus de l’hépatite C, disponibles exclusivement en rétrocession, leur montant a diminué de 3,1 % en 2015, et s’est établi à 2,8 milliards d’euros.

Source : DREES, Les dépenses de santé en 2015, Édition 2016

La dépense associée aux médicaments de la liste en sus s’élève quant à elle à 3,1 milliards d’euros en 2015. L’évolution de cette dépense est extrêmement dynamique : elle a augmenté de 18,5 % depuis 2011, malgré des vagues de radiations de produits de la liste en sus qui ont permis de contenir cette hausse. Les médicaments anticancéreux et les traitements pour les maladies auto-immunes représentent aujourd’hui trois quarts des remboursements de la liste en sus. Deux tiers des remboursements se concentrent sur dix médicaments.

Source : DREES, Les établissements de santé, Édition 2017

II.   Le dispositif proposé

A.   réguler les dépenses de médicaments de la liste en sus et rétrocédés

1.   Dispositions relatives à la fixation du prix de cession

Le 1° du I modifie l’article L. 162-16-5 du code de la sécurité sociale relatif à la fixation du prix de cession.

Le a) simplifie l’arrêté ministériel relatif à la fixation de ce prix, qui ne sera plus pris que par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, et non plus co-signé par le ministre de l’économie.

Surtout, l’article introduit la possibilité de moduler la marge forfaitaire ajoutée au prix fixé par le CEPS afin de prendre en compte les frais de gestion et de dispensation inhérents aux médicaments rétrocédés.

Aujourd’hui, cette marge est la même pour tous les médicaments rétrocédés, et a été fixée par arrêté à 22 euros par ligne de prescription. ([317]) Or, pour certains médicaments peu coûteux dispensés par rétrocession, il est absurde de fixer une marge forfaitaire de 22 euros.

Le b) instaure donc la possibilité de réduire cette marge en cas de modicité du prix de cession.

2.   Un prix de vente limite, protecteur des établissements

Le présent article introduit un prix limite de vente pour les médicaments figurant sur la liste en sus ou dispensés par rétrocession.

Le c) du 1° du I modifie l’article L. 162-16-5 relatif au prix des médicaments rétrocédés. Il prévoit ainsi que pour ces médicaments, le prix d’achat acquitté par l’établissement ne peut être supérieur au prix de cession servant de base au remboursement, minoré de la marge forfaitaire par ligne de prescription incluse dans ce prix de cession.

Le 2° du I modifie l’article L. 162-16-6 relatif au prix des médicaments de la liste en sus. Le c) prévoit ainsi que pour ces médicaments, le prix d’achat acquitté par l’établissement ne peut être supérieur à un prix limite de vente fixé par le CEPS. Ce prix limite de vente, distinct du tarif de responsabilité, est fixé par le CEPS dans les mêmes conditions que ce dernier (a) et b) du 2° du I).

3.   Un tarif unifié facilitant l’achat de médicaments génériques ou biosimilaires par les établissements

Le mécanisme de « l’écart médicament indemnisable » (cf. supra), s’il doit inciter les établissements de santé à mieux négocier le prix des médicaments qu’ils achètent, peut également avoir pour effet de décourager la prescription de molécules moins onéreuses.

En effet, puisque ce mécanisme vise à répartir l’écart de prix entre le tarif servant de base au remboursement et le prix d’achat entre l’assurance maladie et l’établissement de santé, l’établissement peut être incité, afin d’augmenter cet écart, à préférer entre plusieurs molécules à l’efficacité identique celle ayant le tarif de remboursement plus élevé. Ce mécanisme d’intéressement risque notamment de décourager la prescription de médicaments génériques ou biosimilaires.

Les médicaments biosimilaires

Les médicaments biologiques sont des substances produites à partir d’une cellule ou d’un organisme vivant ou dérivés de ceux-ci. Les vaccins, les anticorps monoclonaux ou encore les hormones de croissance font partie des principaux médicaments biologiques commercialisés au cours des dernières décennies.

Alors qu’un médicament générique est la copie d’un médicament chimique, un médicament biosimilaire est la copie d’un médicament biologique. Tout médicament biologique dont le brevet est tombé dans le domaine public peut être copié : cette copie est désignée comme biosimilaire. Les produits biosimilaires ne peuvent toutefois pas être strictement identiques au produit de référence, contrairement à un médicament générique, et doivent donc démontrer leur similarité au médicament biologique de référence.

La Cour des comptes, dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2017, note que d’ici 2020, de nombreuses expirations de brevets sont attendues pour des médicaments biologiques avec un apport thérapeutique majeur : en 2016, huit des principaux biomédicaments concernés ont été à l’origine de 1,5 Md€ de dépenses. L’arrivée de ces biosimilaires pourrait donc avoir une incidence majeure sur les dépenses d’assurance maladie.

Afin de neutraliser cet effet et surtout d’encourager les établissements de santé à utiliser des médicaments biosimilaires, des génériques ou, plus généralement, des médicaments comparables en termes d’indications ou de visée thérapeutique, le présent article ouvre la possibilité de déterminer un tarif unifié de remboursement pour les médicaments à l’efficacité équivalente.

Cette mesure est aujourd’hui nécessaire pour encourager les établissements de santé à prescrire des génériques ou des biosimilaires. Elle est d’autant plus urgente que dans les années à venir, les médicaments biosimilaires de médicaments biologiques pesant fortement sur la liste en sus - en particulier des anticorps monoclaux (anticancéreux) – devraient arriver sur le marché.

Ce tarif unifié est prévu au d) du 1° du I pour les médicaments rétrocédés et au d) du 2° du I pour les médicaments de la liste en sus, qui modifient respectivement les articles L. 162-16-5 et L. 162-16-6 du code de la sécurité sociale.

La base de remboursement d’une spécialité pourra ainsi être limitée à un tarif unifié fixé par décision du CEPS.

Ce tarif unifié pourra être appliqué aux spécialités génériques et à leurs spécialités princeps, aux biosimilaires et à leurs biologiques de référence, ainsi quà toute spécialité comparable en ce qui concerne les indications ou la visée thérapeutique. Le cas échéant, il pourra être modulé au vu de différences de posologie ou du circuit de distribution, notamment si le médicament est importé de létranger.

B.   Un nouveau mode de fixation du prix des médicaments faisant l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU)

1.   Les recommandations temporaires d’utilisation (RTU)

Les RTU concernent des médicaments qui disposent d’ores et déjà d’une autorisation de mise sur le marché, mais qui sont prescrits en dehors du cadre de cette autorisation.

L’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, issu de la loi du 29 décembre 2011, prévoit en effet qu’une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché (AMM).

En l’absence d’une spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique bénéficiant d’une AMM ou d’une autorisation temporaire d’utilisation dans l’indication considérée, l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) peut ainsi établir une RTU. Cette RTU, qui repose sur l’évaluation par l’ANSM d’une présomption de rapport bénéfice/risque favorable, est accordée pour une durée de trois ans renouvelable.

Aux termes de l’article L. 162-17-2-1 du code de la sécurité sociale, les prescriptions dans le cadre des RTU peuvent donner lieu à une prise en charge par l’assurance maladie, après un arrêté pris par le ministre de la santé et de la sécurité sociale, sur avis de la Hante Autorité de santé (HAS). Le médicament est alors pris en charge dans les mêmes conditions que celles valant pour les indications prises en charge au titre de l’AMM : le médicament est pris en charge dans les mêmes conditions que les indications remboursables ou, si le médicament n’est pas remboursable, sur la base d’un forfait annuel.

Le prix d’un médicament sous RTU est donc totalement figé, puisqu’il n’est soumis à aucune nouvelle négociation.

Pourtant, toute extension d’indication peut avoir un impact sur le juste prix du médicament concerné : si l’indication de l’AMM initiale peut justifier l’obtention d’un prix élevé, l’extension d’indications peut permettre de cibler une population plus large.

L’absence de renégociation en cas d’obtention d’une RTU bloque en réalité le développement de cette procédure. Du fait du coût trop important de médicaments destinés à une patientèle très large, un avis de la HAS favorable à la prise en charge d’un médicament sous RTU peut, malheureusement, ne pas être suivi de l’arrêté ministériel correspondant, car cette prise en charge aurait un coût beaucoup trop élevé pour la sécurité sociale.

2.   Le dispositif proposé

Le 3° du III du présent article assouplit le mécanisme de fixation des prix des médicaments sous RTU, afin de faciliter le développement de cette procédure innovante. Pour cela, il vise à rapprocher la situation des RTU du droit commun, en modifiant l’article L. 162-17-2-1 du code de la sécurité sociale (le a) corrige une simple erreur de référence qui subsistait au sein de l’article L. 162-17-2-1 du code de la sécurité sociale).

Il prévoit que lorsqu’un médicament bénéficie d’une RTU, le CEPS fixe, par convention, ou à défaut par décision, un nouveau tarif ou un nouveau prix en vue de sa prise en charge ou de son remboursement, selon les règles et critères d’appréciation applicables aux indications déjà prises en charge (b)).

Si le médicament a fait l’objet d’une préparation, d’une division, d’un changement de conditionnement ou de présentation spécifique afin d’être adaptée à la RTU et la posologie indiquée, ce nouveau prix tient également en compte, au moins pour partie, du prix lié à cette opération (c)).

Si le médicament n’est pas remboursable pour les indications prises en charge au titre de l’AMM, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale peuvent fixer, en plus du forfait annuel de prise en charge, le prix de vente aux patients ou aux établissements de ces médicaments faisant l’objet d’une RTU (d)).

Le rapporteur général souligne que, plus généralement, la question du lien entre l’extension d’indications d’un médicament et la renégociation systématique de son prix devra à l’avenir être posée.

C.   L’abrogation du mécanisme de minoration forfaitaire

Afin de réguler les dépenses croissantes liées aux médicaments de la liste en sus, l’article 63 de la LFSS pour 2015 ([318]) a introduit un mécanisme de minoration tarifaire, conduisant à déduire un montant forfaitaire (fixé par arrêté à 40 euros) de chaque tarif d’hospitalisation si un médicament de la liste en sus a été utilisé au cours du séjour.

Cette pénalité financière devait favoriser un recours plus juste à la liste en sus, alors que des mésusages avaient été observés (spécialités prescrites en dehors des indications de leur autorisation de mise sur le marché notamment). Elle devait permettre, en infléchissant les comportements de prescription de ces médicaments, une économie de 35 millions deuros en année pleine.

Ce mécanisme n’a fait que complexifier le dispositif de prise en charge, sans pour autant modifier le comportement des prescripteurs vis-à-vis du recours à la liste en sus (cf. schéma). Les fédérations hospitalières auditionnées par le rapporteur général partagent toutes le même constat.

 Source : Direction de la sécurité sociale

Le 4° du I met donc fin à ce mécanisme, en abrogeant l’article L. 162-22-7-2 du code de la sécurité sociale.

D.   Mieux prendre en compte le coût supporté par les établissements pour la prise en charge des patients relevant d’un régime étranger

Pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) des établissements anciennement sous dotation annuelle de financement, la facturation des soins des patients relevant d’un régime de sécurité sociale étranger mais coordonné avec le système français – régimes de sécurité sociale des États membres de l’Union européenne et des États avec lesquels la France a conclu une convention bilatérale de sécurité sociale – est aujourd’hui calculée sur la base d’un tarif journalier de prestations.

Ce tarif journalier de prestations est établi sur la base des tarifs nationaux de prestations, en divisant les charges d’exploitation engagées par l’hôpital au cours des séjours des malades par le nombre de journées prévisionnelles d’hospitalisation.

Or, puisque ce mode de calcul est issu des GHS, il ne prend aujourd’hui pas en compte la dépense liée à l’utilisation de médicaments de la liste en sus. Du fait du poids croissant de ces dépenses en médicaments de la liste en sus, cette base de facturation reflète donc de moins en moins le coût supporté par les établissements de santé pour la prise en charge de ces patients.

Le II du présent article insère donc au sein de l’article 33 de la LFSS pour 2004 un alinéa précisant que, lorsqu’un patient relevant d’un système de sécurité sociale coordonné avec le régime français bénéficie de produits de santé de la liste en sus, la facturation de ses soins est majorée du coût de ces produits de santé.

E.   Entrée en vigueur

Le présent article entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2018, mais le 1° du III précise que les dispositions relatives au prix limitent de vente des médicaments n’entreront en vigueur qu’à compter du 1er juillet 2018, pour les médicaments rétrocédés comme pour ceux de la liste en sus. À cette date du 1er juillet 2018, pour les médicaments de la liste en sus, le prix de vente limite est fixé au niveau du tarif de responsabilité.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, ce délai devrait notamment permettre aux établissements qui en auraient besoin de renégocier avec les entreprises du médicament.

Le 2° du III précise que les décisions de prise en charge ou de remboursement, les tarifs ou les prix édictés pour les médicaments sous RTU avant la publication de la loi demeurent en vigueur jusqu’à leur modification éventuelle.

*

La commission est saisie de l’amendement AS254, de Mme Caroline Fiat.

M. Jean-Hugues Ratenon. Les alinéas 28 et 29 de cet article font supporter le coût réel des soins onéreux de la liste en sus aux patients relevant de systèmes de sécurité sociale étrangers. Cette disposition pourrait s’avérer à terme néfaste pour notre système sanitaire, si elle entraîne un renoncement aux soins de ces patients.

Notre sécurité sociale se veut solidaire des travailleurs qui s’assurent entre eux, de leurs familles et de tous ceux qui, dans notre pays, ont besoin d’aide sanitaire. À l’heure où les égoïsmes et les peurs empêchent l’Europe d’aider comme il se doit ceux qui se présentent à nos frontières, nous nous ferions honneur en supportant le coût des soins, même onéreux, donnés à des patients relevant de systèmes de sécurité sociale étrangers.

Nous demandons donc la suppression de ces deux alinéas.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Votre amendement supprimerait l'intégration des médicaments de la liste en sus aux tarifs facturés aux patients relevant d'un régime de sécurité sociale coordonné, c’est-à-dire aux assurés de l'Union européenne ou d'un pays avec lequel nous avons signé une convention en matière de protection sociale.

Ces dispositions ne visent pas à faire payer les produits, extrêmement chers, de la liste en sus aux patients, mais bien au régime de sécurité sociale auquel ils sont affiliés. Ce ne sont pas les patients qui paient, mais les services de sécurité sociale avec lesquels des partenariats sont tissés.

Aujourd'hui, qui paye ces molécules onéreuses ? Prenons l'exemple d’un résident espagnol, assuré à la sécurité sociale espagnole, qui vient se faire soigner pour un cancer en France. Sa facture est ensuite remboursée par la sécurité sociale espagnole, qui a d'ailleurs dû donner son accord préalable pour qu'il vienne se faire soigner en France. Aujourd'hui, cette facture ne comporte pas les produits de la liste en sus utilisés au cours de son séjour.

De ce fait, les molécules onéreuses sont payées par l'hôpital lui-même, pour qui l'utilisation de ces produits constitue une perte sèche, puisqu'il ne peut pas non plus se faire rembourser par l'assurance maladie française. Au vu de l'augmentation exponentielle des dépenses de médicaments sur la liste en sus, cela met en danger l'équilibre financier de nos établissements de santé, déjà fragiles. Cela pourrait même les inciter à refuser des patients étrangers, ce qui serait dommage, puisque ce ne sont pas les patients qui paient, mais les régimes de sécurité sociale des pays d’origine.

Je vous propose de retirer cet amendement, sinon mon avis serait défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 38 sans modification.

Après l’article 38

La commission est saisie de l’amendement AS304 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement a pour objet, à titre expérimental, de permettre aux centres hospitaliers de sous-traiter le stockage, la détention et l’approvisionnement des médicaments et dispositifs médicaux.

Le stockage et la détention des médicaments et dispositifs médicaux sont aujourd’hui des missions exclusives des pharmacies à usage intérieur (PUI) des établissements de santé. Or ces établissements sont confrontés à des difficultés liées aux stocks immobilisés : gestion des espaces occupés et mobilisation de main-d’œuvre pour des fonctions logistiques.

Afin d’améliorer l’efficience des établissements disposant d’une PUI et de sécuriser le circuit des médicaments et des dispositifs médicaux, il vous est proposé de les autoriser à confier à un établissement pharmaceutique, suite à une procédure de marché public ou privé, ou par contrat écrit soumis à approbation du directeur général des ARS, la détention et le stockage de certains médicaments et dispositifs médicaux.

Un décret en Conseil d’État fixera les catégories d’établissements pharmaceutiques pouvant assurer le stockage et la détention des médicaments et dispositifs médicaux pour le compte de la PUI. Un arrêté du ministre chargé de la santé fixera la liste des catégories de produits de santé qui ne sont pas concernés par cette mesure. L’expérimentation sera ainsi encadrée par un ensemble de dispositions qui visent à assurer la sécurité du circuit du médicament dans l’intérêt du patient, et peuvent être complétées le cas échéant dans le cadre de nos débats.

M. le rapporteur général. Vous proposez d'autoriser les pharmacies à usage intérieur des établissements sanitaires et médico-sociaux à déléguer le stockage et la détention de certains produits de santé à des établissements pharmaceutiques.

Cela pose plusieurs problèmes.

Tout d’abord, l'ordonnance du 15 décembre 2016, issue de la loi de modernisation de notre système de santé, permet et encourage les coopérations en matière de pharmacies à usage unique dans un objectif d’efficience et de sécurité optimale. L’encre en est à peine sèche, peut-être pouvons-nous attendre de voir les résultats pratiques.

Vous renvoyez ensuite à la notion d’établissements pharmaceutiques, qui sont définis par le code de la santé publique comme les fabricants, importateurs, exportateurs, exploitants, dépositaires, grossistes répartiteurs et distributeurs en gros de produits de santé. Ce ne sont pas que les officines. Confier la gestion des stocks des produits de santé de nos hôpitaux et de nos EHPAD à ce type d’établissement poserait un certain nombre de problèmes, je suis sûr que vous en serez d’accord, à la lumière de ce que je viens de dire.

Je vous propose donc de retirer cet amendement. À défaut, avis défavorable, pour des raisons de sécurité d’approvisionnement, de confiance pour le pharmacien hospitalier, qui doit pouvoir s’engager à délivrer les médicaments en toute sécurité, et donc avoir eu la commande de ces médicaments en main.

M. Francis Vercamer. J’en conclus que si nous limitions l’étendue de cette mesure à un réseau plus court, qui ne comprenne pas les importateurs et autres, vous y seriez favorable.

M. le rapporteur général. Non, pour la première raison que j’ai évoquée. La loi de modernisation de notre système de santé incite les pharmacies à usage intérieur à coopérer et à mettre en place des processus de coopération dans les territoires pour améliorer tout cela.

Je pense qu’il est trop tôt pour rouvrir ce dossier très complexe.

La commission rejette l’amendement.

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*     *

Chapitre III
Accroître la pertinence et la qualité des soins

Article 39
Renforcer lefficience et la pertinence des prescriptions hospitalières

Cet article vise à renforcer l’impact du contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins (CAQES) en permettant d’octroyer aux établissements de santé un intéressement proportionnel aux économies réalisées, sous la forme d’une dotation du Fonds d’intervention régional.

I.   Le contexte : la création du contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins

A.   Un contrat unique

L’article 81 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 ([319]) a créé un contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins (CAQES), prévu à l’article L. 162-30-2 du code de la sécurité sociale.

Ce contrat a permis la fusion de plusieurs dispositifs contractuels préexistants : contrat d’amélioration et de la qualité et de l’organisation des soins (CAQOS), contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations (CBU), contrat d’amélioration des pratiques, contrat d’amélioration de la pertinence des soins, etc.

Ce nouveau contrat unique concerne tous les établissements de santé. Il est conclu entre le représentant légal de l’établissement de santé, le directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) et le directeur de l’organisme local d’assurance maladie.

Il se compose :

– d’un volet obligatoire relatif au bon usage des médicaments, des produits et des prestations ;

– le cas échéant, d’un ou plusieurs volets additionnels dont la conclusion est justifiée, soit en application du plan d’actions pluriannuel régional d’amélioration de la pertinence des soins, soit, le plus souvent, en raison du non-respect de référentiels de qualité ou de sécurité des soins par l’établissement.

B.   Mécanismes de sanctions et d’intéressements

En cas de non-réalisation ou de réalisation partielle des objectifs prévus par le contrat, l’article L. 162-30-4 du code de la sécurité sociale prévoit un arsenal de sanctions pouvant être prononcées par le directeur général de l’ARS

Celui-ci peut, après avis de l’organisme local d’assurance maladie, prononcer des sanctions financières :

– par une pénalité proportionnelle à l’ampleur des manquements constatés et à leur impact sur les dépenses d’assurance maladie, dans la limite, pour chaque volet du contrat, de 1 % des produits reçus des régimes obligatoires d’assurance maladie par l’établissement de santé au titre du dernier exercice clos et dans la limite totale, pour l’ensemble des volets, de 5 % de ces produits par an ;

– ou, lorsqu’il s’agit de manquements relatifs à des produits de santé, sous la forme d’une réduction, dans la limite de 30 % et en tenant compte des manquements constatés, de la part prise en charge par l’assurance maladie des spécialités pharmaceutiques et des produits et prestations de la liste sus.

La non-réalisation ou la réalisation partielle des objectifs peut également donner lieu à la mise sous accord préalable de certaines prestations ou prescriptions.

Source : instruction interministérielle n° DSS/A1/CNAMTS/2017/234 du 26 juillet 2017 relative à la mise en œuvre du contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins

Un mécanisme d’intéressement a également été prévu par le décret fixant les modalités d’application du CAQES. ([320])

Cet intéressement ne concerne actuellement que certains volets additionnels du contrat : les volets transports et pertinence, pour lesquels des modalités d’intéressement préexistaient à la création du CAQES. Pour chacun de ces volets additionnels, le respect des objectifs peut conduire à un intéressement qui doit être prévu par le contrat. Cet intéressement ne peut excéder 30 % du montant des économies réalisées.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article vise à renforcer l’efficacité du CAQES en permettant d’octroyer un intéressement aux établissements de santé répondant aux objectifs fixés dans celui-ci.

Contrairement à ce que prévoit aujourd’hui le décret d’application, ce mécanisme d’intéressement concernerait tous les volets du contrat, y compris le volet obligatoire.

En effet, selon l’étude d’impact annexée au présent article, « en labsence dincitations fortes et dans la seule perspective de sanctions, il est parfois difficile de fédérer les établissements autour de ces objectifs ». Un mécanisme d’intéressement mieux identifié et au champ beaucoup plus large qu’aujourd’hui pourrait être un vecteur important de mobilisation des établissements autour d’objectifs de maîtrise médicalisée des dépenses.

Le I vise donc à compléter l’article L. 162-30-4 du code de la sécurité sociale relatif aux sanctions afférentes au CAQES, afin de permettre au directeur général de l’ARS, après avis de l’organisme local d’assurance maladie, d’allouer un intéressement à l’établissement si les objectifs sont réalisés.

Le montant de cet intéressement, qui prendra la forme d’une dotation du Fonds d’intervention régional, est modulé en fonction des économies réalisées et du degré de réalisation de l’ensemble des objectifs fixés par le contrat.

Selon les informations transmises au rapporteur général, cet intéressement serait plafonné à 30 % des économies constatées.

Les CAQES remplaçant définitivement les contrats préexistants à partir du 1er janvier 2018, le II prévoit que ce mécanisme d’intéressement s’applique à l’évaluation des CAQES ou avenants à ceux-ci conclus à partir du 1er janvier 2018.

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La commission examine les amendements identiques AS159 de M. Pierre Dharréville et AS229 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Alain Bruneel. Je ne comprends pas pourquoi cet article figure dans ce texte. Je n’ai pas participé à tous les travaux de la commission, mais j’ai bien compris que l’essentiel de ce projet de loi était consacré à l’intérêt des patients et des médecins.

Nous ne sommes peut-être pas tous d’accord sur les moyens pour y arriver, mais dans cet article, il est prévu de mettre en concurrence les établissements, puisqu’il est question d’attribuer un intéressement aux établissements de santé qui réaliseront des économies, le montant de l’intéressement étant proportionnel aux économies réalisées.

Tout le monde sait ici que les hôpitaux sont en déficit. Le manque de moyens est flagrant, le personnel soignant et administratif est en souffrance, il n’y a plus assez d’infirmières ni de médecins. À l’hôpital de Douai, on compte 73 000 heures supplémentaires non payées. Les week-ends, le personnel est encore moins nombreux que d’habitude, les nuits sont atroces. Et cet hôpital est déjà en déficit de 4 millions d’euros alors que l’année n’est pas terminée. Allons-nous dire à ces hôpitaux de faire des économies et de supprimer du personnel ? Réduire le personnel est la seule source d’économies possibles, mais c’est intolérable.

Nous devrions prévoir tout le contraire : comment allons-nous attribuer plus de moyens aux hôpitaux pour que tout le monde puisse vivre de son métier, et que les patients soient mieux traités ? Dans l’hôpital de Douai, qui compte 2 600 agents, 250 personnes viennent tous les jours aux urgences, parce que l’on manque de médecins, qu’il n’y a plus de médecins de nuit, et que l’on envoie tout le monde à l’hôpital.

Il est terrible de lancer une course aux économies pour toucher un intéressement. Cela met en l’air la philosophie que vous défendez depuis le début, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Hugues Ratenon. Cet article s’inscrit dans le mouvement de mise en concurrence des organismes et des services publics, et sa logique me laisse songeur. Il s’agit de donner davantage de moyens aux prétendus bons élèves qui font des économies sur le fonctionnement des établissements, comme une carotte que l’on agiterait pour pousser les gestionnaires à en faire toujours plus, dans l’adage du service public néolibéral : « faire mieux avec moins. »

Si ce pari est tenu, l’étau budgétaire se desserre un peu. Mais pour ceux qui n’y parviennent pas, point de « carotte ». À l’image des universités à qui l’on donne plus quand elles font bien, à l’image des bons élèves à qui l’on réserve les meilleures et les plus coûteuses conditions d’étude, cet article donne plus à ceux qui en ont plus, et moins à tous les autres.

C’est le mode de fonctionnement qui inspire des gestions comptables et pousse des administrateurs à être obsédés par des PowerPoints plutôt que de prendre en compte la situation réelle de leurs établissements. Je peux vous assurer que tous les soignants à qui vous parlez s’élèvent contre cette logique, à commencer par celles et ceux qui témoignent dans l’excellent documentaire Burning out, dans le ventre de l’hôpital.

Quand sortirons-nous de cette logique comptable ? Quand distribuerons-nous l’argent selon les besoins réels des établissements, selon des critères objectifs ? Nous demandons la suppression de cet article.

M. le rapporteur général. Chers collègues, il n’existe pas aujourd’hui de financement lié à la qualité des soins en milieu hospitalier. On ne module pas la T2A, ni le financement des soins hospitaliers, en fonction de critères de qualité ou de pertinence des soins. Pas du tout.

Ce qui est prévu dans le dispositif au joli nom de contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins (CAQES), c’est un intéressement à la prescription de médicaments génériques ou biosimilaires, ou au bon usage des antibiotiques, et absolument pas aux réductions de coûts ou de prestations. On n’entre pas dans l’organisation des équipes ou les questions de management, ni le nombre de lits hospitaliers. Ce n’est pas un encouragement à faire moins pour gagner plus. C’est surtout un encouragement à modérer les dépenses de médicament, et je pense que vous y serez sensibles au vu des débats que nous avons eus hier soir. Si vous supprimez cet intéressement, il ne restera que la sanction.

Je vous invite donc à retirer vos amendements à la lumière de ces explications, nous ne sommes pas à l’ère du financement des hôpitaux à la qualité des soins dans notre pays.

M. Alain Bruneel. Je ne partage pas l’avis du rapporteur. Qu’on le veuille ou non, cet article entraînera des dérives.

Les amendements sont rejetés.

La commission est saisie de l’amendement AS413 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que des amendements déposés par des collègues du groupe MODEM et du groupe Les Républicains, dont l’examen est prévu juste après, mais qui tomberont si cet amendement est adopté.

Il s’agit d’intégrer les commissions et conférences médicales d’établissement pour qu’elles donnent leur avis préalablement à la conclusion des contrats d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins, dans le cadre de l’article 39 du présent projet de loi. Il est toujours question de pertinence des actes et des soins.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS110, AS51, AS88, AS195 et AS111 tombent, et l’article 39 est ainsi rédigé.

*

*     *

 

Article 40
Amélioration de la pertinence de lutilisation des produits de santé

Cet article vise à favoriser la maîtrise médicalisée des dispositifs médicaux.

Pour favoriser le juste recours aux dispositifs médicaux, il encadre les visites médicales et instaure à cet effet une procédure de certification mise en œuvre par la Haute Autorité de santé. Il étend par ailleurs la certification des logiciels d’aide à la prescription et à la dispensation aux dispositifs médicaux. Il prévoit enfin la conclusion d’une charte de qualité des pratiques professionnelles des visiteurs médicaux d’ici septembre 2018 dont le non-respect est sanctionné par une pénalité.

Le texte comporte également plusieurs modifications de l’encadrement des activités de formation dispensées par les visiteurs médicaux et du régime de publicité des dispositifs médicaux. Il précise le régime d’interdiction de la publicité auprès du public et procède à l’instauration d’un régime d’autorisation pour la publicité auprès des professionnels de santé. Il prévoit enfin l’encadrement des démarchages publicitaires au sein des établissements de santé grâce au levier de la certification.

I.   Dispositions relatives au code de la sécurité sociale

Le I vise à modifier en plusieurs points le code de la sécurité sociale.

A.   la Haute Autorité de santé renforcée dans ses missions de certification

1.   L’extension de la certification à la publicité des dispositifs médicaux

Le I commence par modifier l’article L. 161-37 relatif aux compétences de la Haute Autorité de santé. Il vise à charger l’instance de trois nouvelles missions :

– au terme du 1° du I, l’évaluation des actions des établissements de santé tendant à encadrer les pratiques de promotion des produits de santé dans leurs enceintes. Cette évaluation sera opérée dans le cadre des procédures de certification des établissements de santé conduites par la HAS prévues par le 4° de l’article L. 161-37.

– selon le 2° du I, la mise en place de la certification des « activités de présentation, dinformation ou de promotion » en faveur des produits de santé, c’est-à-dire des activités de publicité relatives aux médicaments et aux dispositifs médicaux. Cette nouvelle mission vise à garantir le respect des chartes de qualité des pratiques professionnelles relatives aux médicaments (article L. 162-17-8 du code de la sécurité sociale déjà en vigueur) et aux dispositifs médicaux (article L. 162-17-9 du même code institué par le présent article) ;

– au terme du , l’émission d’un avis sur les expérimentations à caractère national et les expérimentations régionales. Cette nouvelle mission constitue une mesure de coordination avec le nouveau cadre d’expérimentation relatif à l’innovation organisationnelle porté par l’article 35 du projet de loi (cf. commentaire de l’article 35).

2.   La procédure de certification des logiciels de santé

Le 3° du I tend à modifier l’article L. 161-38 relatifs à la procédure de certification établie par la HAS applicable aux logiciels dédiés à la santé. Le champ de l’article est étendu aux logiciels dédiés aux dispositifs médicaux.

L’a) étend la compétence de la HAS, actuellement limitée aux bases de données sur les médicaments, à celles sur les dispositifs médicaux et leurs prestations associées destinées à l’usage des logiciels d’aide à la prescription et à la dispensation.

Le b) modifie le premier alinéa du II de l’article L. 161-38, relatif à la procédure de certification des logiciels d’aide à la prescription (LAP). La HAS doit notamment s’assurer que les logiciels intègrent ses recommandations et avis médico‑économiques, permettent la prescription sous la dénomination commune internationale et l’affichage du prix des produits. Cette dernière mention est précisée pour que les LAP affichent les prix des produits de santé et leurs prestations « éventuellement associées » (soit les médicaments, comme actuellement, et les dispositifs médicaux et leurs prestations associées).

Le c) modifie le deuxième alinéa du II en précisant que la procédure de certification par la HAS vise à l’amélioration des pratiques de prescription, aux dispositifs médicaux et à leurs prestations associées.

Le d) complète le même II par un alinéa précisant les garanties apportées par la HAS sur le contenu des données dispensées par les LAP. La certification doit ainsi s’assurer que les LAP :

– informent les prescripteurs des conditions de prescription et de prise en charge des produits de santé et de leurs prestations. S’agissant des dispositifs médicaux, la certification a pour but de s’assurer que les LAP mentionnent l’inscription soit par la description générique, soit sous forme de marque ou de nom commercial ;

– intègrent les référentiels de prescription ou tout autre document arrêtés par les ministères en charge de la santé et de la sécurité sociale ;

– permettent l’accès aux services dématérialisés de l’assurance maladie, l’objectif ultime étant de mettre à la disposition des professionnels de santé l’ensemble de ces services dans un espace partagé (suivi des dossiers, référentiels de prescriptions, modèles d’ordonnance,…).

Le e) modifie le III de l’article L. 161-38 qui précise la portée de la procédure de certification par la HAS des logiciels d’aide à la dispensation. Il prévoit que la HAS s’assure de la dénomination retenue par les logiciels sur les médicaments. Ces derniers doivent prioritairement faire référence aux principes actifs selon leur dénomination commune internationale recommandée par l’Organisation mondiale de la santé. Au terme du e), la procédure de certification devra comprendre la « certification des fonctions relatives à la délivrance des dispositifs médicaux et des prestations qui leur sont associées ». Il s’agit ici de viser les informations complémentaires au codage des dispositifs médicaux, comme les conditions de prise en charge.

Le f) complète le même III afin d’enjoindre la HAS de s’assurer que la procédure de certification permette d’étendre la conformité des logiciels d’aide à la dispensation aux exigences minimales requises pour les dispositifs médicaux et non plus seulement pour les médicaments. La portée de ces exigences est par ailleurs revue pour y intégrer l’efficience et non plus seulement la sécurité et la conformité.

Le g) prévoit lentrée en vigueur de lobligation de certification des logiciels de santé intégrant la prescription et la dispensation des dispositifs médicaux.

À l’heure actuelle, la réglementation prévoit une obligation de certification des logiciels d’aide à la prescription médicale et d’aide à la dispensation officinale depuis le 1er janvier 2015 ([321]) pour les seuls médicaments. Depuis peu, cette obligation concerne aussi les pharmacies des établissements de santé ([322]).

Le g) prévoit une extension de lobligation de certification au 1er janvier 2021 pour les logiciels dans des conditions prévues par décret en Conseil dÉtat. Cette extension vise à modifier sensiblement et durablement la structure de prescription des professionnels de santé : il sagit ici de permettre le développement doutils permettant dorienter les professionnels de santé vers les dispositifs médicaux les plus efficients. Ces derniers sont particulièrement demandeurs de ces outils daide à la prescription comme a pu le constater le rapporteur général à loccasion de laudition des représentants syndicaux des médecins.

Les LAP sont-ils des dispositifs médicaux ?

Lors de l’audition du SNITEM, le rapporteur général a été sensibilisé aux discussions portant sur la portée de la certification des logiciels d’aide à la prescription dans le cadre d’un contentieux pendant devant le Conseil d’État, impliquant une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) par la voie préjudicielle.

Ce contentieux, qui porte sur l’annulation d’un décret visant à l’obligation de certification des logiciels ([323]), implique de déterminer si un logiciel d’aide à la prescription peut être qualifié ou non de dispositif médical.

En cas de réponse positive, la portée du décret en serait sensiblement affectée. Rappelons en effet que le droit de l’Union européenne impose déjà la certification des DM pour disposer du marquage CE. En l’espèce, le décret imposerait une procédure de certification supplémentaire contraire au droit de l’Union européenne. Or, les conclusions de l’avocat général près la CJUE ([324]) tendent à assimiler les logiciels d’aide à la prescription aux dispositifs médicaux.

La position de la CJUE est importante puisqu’elle conditionne la portée de la mesure législative portée par le projet de loi de financement. En l’absence de décision définitive, le choix du Gouvernement a été d’opérer à droit constant et de ne modifier le droit qu’en cas de nécessité. Si les conclusions de l’avocat général venaient à être suivies, d’autres modalités seront alors privilégiées pour encourager le développement de la certification.

3.   L’encadrement de la publicité portant sur les dispositifs médicaux par une charte

Le 4° du I institue un nouvel article L. 162-17-9 relatif à la mise en place d’une charte de qualité des pratiques professionnelles des visiteurs médicaux chargés de présenter, d’informer ou de promouvoir les dispositifs médicaux. La rédaction de cet article est inspirée de celle de l’article L. 162-17-8 qui prévoit un dispositif similaire pour l’industrie du médicament.

Est prévue la conclusion de cette charte entre le comité économique des produits de santé (CEPS) et les syndicats ou organisations regroupant les fabricants ou distributeurs de produits. Selon le dernier accord-cadre signé avec les membres du secteur des dispositifs médicaux, pas moins de 26 organisations seraient concernées par cette charte.

La charte est approuvée par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. En l’absence de charte ou en l’absence d’approbation, les autorités ministérielles sont habilitées à arrêter la charte en question. Il faut relier ces dispositions au III du présent article au terme duquel la conclusion de la charte doit être effective avant le 30 septembre 2018.

L’objet de la charte vise à mieux « encadrer les pratiques commerciales promotionnelles, de présentation ou dinformation ».

Pour mieux lier l’inscription de ce nouveau dispositif au champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il est précisé :

– que cet encadrement vise à éviter des comportements de nature à « nuire à la qualité des soins ou conduire à des dépenses injustifiées pour lassurance maladie » ;

– que le CEPS peut fixer des objectifs chiffrés d’évolution de ces pratiques afin, semble-t-il, de maîtriser les coûts des dispositifs médicaux et partant leur remboursement par l’assurance maladie.

– qu’en cas d’écart par rapport à l’objectif de réduction des pratiques publicitaires, l’entreprise concernée pourra se voir infliger une pénalité ne pouvant dépasser 10 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France à l’issue d’une procédure contradictoire. Le montant de la pénalité est fonction de la gravité du manquement. Elle est recouvrée par les URSSAF selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations. Les différends sont portés devant le contentieux général de la sécurité sociale.

Le dispositif diffère de celui retenu pour les médicaments sur un point : la constatation du manquement. Il est ainsi prévu que le constat du manquement est opéré par un « professionnel, organisme ou établissement » qui en informe sans délai le CEPS. L’application du dispositif repose ainsi sur l’association des professionnels du secteur à l’application effective de la charte. Pour le Gouvernement, cette disposition est notamment justifiée par la nécessité que le CEPS dispose de toutes les remontées d’informations pour appliquer d’éventuelles sanctions. Le rapporteur général s’interroge toutefois sur la rédaction retenue. Une chose est de pouvoir se plaindre de pratiques illégales, une autre est de pouvoir expressément compter sur l’action des professionnels du secteur à ce qui est pudiquement appelé « une constatation du manquement ». Surtout, cette disposition laisse entendre que le CEPS ne disposerait nullement des moyens nécessaires à l’application de la charte et à l’application d’éventuelles sanctions.

Pour s’assurer du bon usage de la charte, le texte prévoit enfin que le contrôle de son application par « les agences régionales de santé et les organismes locaux et régionaux dassurance maladie », afin d’assurer, là aussi, une remontée d’informations sur d’éventuels écarts observés dans les établissements de santé. En ce cas, aucune sanction ne serait appliquée.

En complément de ce dispositif de remontée d’informations, le rapporteur général a été informé que le CEPS devrait aussi pouvoir s’inspirer du mécanisme d’évaluation élaboré pour le suivi de la charte relative aux médicaments. Il s’agirait de prévoir, par la voie conventionnelle, une enquête nationale dont les résultats permettraient d’orienter l’action du CEPS, principalement pour déterminer les objectifs chiffrés d’évolution des pratiques commerciales. Le rapporteur général doute sincèrement de l’effet attendu de ce dispositif et préconise de recentrer le CEPS sur son cœur de métier : la négociation des prix. Le levier de la certification semble plus efficient si l’objectif est finalement d’encadrer le démarchage publicitaire. Du reste, étendre la capacité d’action du CEPS à l’application de sanctions modifie la nature de ses missions. Si l’objectif consiste à en faire un régulateur, il conviendrait de s’interroger sur son statut comme l’y invite la Cour des comptes dans son dernier rapport d’application des lois de financement de la sécurité sociale.

4.   La prise en charge de certains produits subordonnée à des précisions du prescripteur sur l’ordonnance

Le 5° du I vise à créer un nouvel article L. 162-19-1 qui autorise la subordination de la prise en charge de médicaments, de dispositifs médicaux et de leurs prestations associées à des renseignements portés par le professionnel de santé sur l’ordonnance. Ces renseignements portent sur les circonstances et les indications de la prescription. Le ciblage des produits de santé concernés est motivé par l’intérêt de santé publique, l’impact financier ou les risques de mésusage.

Selon le Gouvernement, ces informations complémentaires doivent être de nature à modifier la structure de prescription des professionnels de santé. Concrètement, il s’agirait de justifier la prescription d’antibiotiques par le recours à des tests rapides d’orientation diagnostiques. Dans le cas des dispositifs médicaux, il s’agirait de justifier le type de plaie concernée pour l’application d’un pansement adapté.

Les éléments de justification portés sur l’ordonnance sont susceptibles d’être contrôlé par l’assurance maladie puisque le dispositif prévoit leur transmission au service du contrôle médical. En cas de manquement à ces obligations, une procédure de recouvrement de l’indu pourra être opérée soit auprès du médecin prescripteur, soit auprès du distributeur.

L’intérêt de cette mesure se heurte cependant à une sérieuse limite, à savoir son caractère éminemment tatillon. La pertinence d’une prescription adaptée relève du colloque singulier entre le professionnel médical et son patient. Du reste, l’objectif visant à favoriser l’efficience de la prescription est partagé par les professionnels médicaux qui jugent cependant plus efficace le recours aux logiciels d’aide à la prescription.

5.   Dispositions transitoires

Le II dispose que la charte de qualité des pratiques professionnelles des visiteurs médicaux du secteur des dispositifs médicaux instituée par le 4° du I doit être conclue avant le 30 septembre 2018. À défaut, celle-ci sera arrêtée par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

II.   Les dispositions affectant le code de la santÉ publique

Le III emporte plusieurs modifications du code de la santé publique sur l’encadrement des activités de formation dispensées par les visiteurs médicaux et le régime de la publicité des dispositifs médicaux.

1.   La réglementation des activités de formation dispensées par les visiteurs médicaux.

Le vise à créer un nouvel article L. 5122-15-1 au sein d’un chapitre consacré à la réglementation de la publicité des médicaments à usage humain.

Il s’agit d’encadrer davantage les activités de formation professionnelle relatives à la connaissance ou à l’utilisation des produits de santé par l’édiction, par la voie réglementaire, de règles de bonnes pratiques. L’article prévoit que ces règles concerneront la qualification des intervenants et les modalités de déclaration des formations délivrées par ceux-ci.

Prévoir l’édiction de règles de bonnes pratiques, par construction d’application souple, par la voie réglementaire, relativise la portée de la mesure recherchée. Pour permettre une application pleine et entière de l’article, sa rédaction devrait être davantage précisée. Le terme de « bonnes pratiques » désigne un ensemble de comportements indispensables à l’exercice d’une profession. Leur détermination relève plutôt d’un consensus dégagé au sein du milieu professionnel et leur application procède davantage d’une appropriation par les professionnels eux-mêmes que du respect dû à une norme réglementaire. Le rapporteur lui préfère le terme de référentiels.

2.   L’encadrement de la publicité des dispositifs médicaux

Plusieurs mesures affectent l’encadrement de la publicité des dispositifs médicaux tenant à la définition du périmètre publicitaire, l’interdiction auprès du public et de l’instauration d’un visa préalable pour la publicité auprès des professionnels et établissements de santé.

a.   Les dispositions actuelles

La réglementation de la promotion des dispositifs médicaux est issue de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Elle fait l’objet d’une présentation dans des chapitres séparés selon qu’il s’agit des dispositifs médicaux (articles L. 5213-1 à L. 5213-7 du code de la santé publique) ou des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (articles L. 5223-1 à L. 5223-7).

On entend par publicité « toute forme dinformation, y compris le démarchage, de prospection ou dincitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou lutilisation de ces dispositifs, à lexception de linformation dispensée dans le cadre de leurs fonctions par les pharmaciens gérant une pharmacie à usage intérieur ».

Aux termes des articles L. 5213-1 et L. 5223-2, ne relèvent pas de la publicité, l’étiquetage, les notices d’instruction ou les informations relatives aux mises en garde, aux précautions d’emploi et aux effets indésirables relevés dans le cadre de la matériovigilance (dispositifs médicaux) et de la réactovigilance (dispositifs médicaux de diagnostic in vitro) ou encore les informations relatives à la santé humaine ou à des maladies humaines.

Les articles L. 5213-2 et L. 5233-2 disposent en outre que la publicité a pour objet de définir « de façon objective le produit, le cas échéant ses performances et sa conformité aux exigences essentielles concernant la sécurité et la santé ».

Le régime de publicité fait enfin l’objet d’un contrôle a priori (dépôt d’un dossier auprès de l’ANSM) et a posteriori (sans dépôt de dossier auprès de l’ANSM). Le tableau ci-après résume l’état du droit applicable en la matière.

Les régimes de publicité de l’ensemble des dispositifs médicaux

 

 

Publicité auprès du grand public

Publicité auprès du professionnel de santé

Dispositifs médicaux (DM)

Remboursables

Principe dinterdiction


Mais publicité autorisée pour les DM présentant un faible risque (classes I et II a) qui font l’objet d’un contrôle a posteriori

Principe de publicité (contrôle a posteriori)

 
 

 


Mais régime d’autorisation pour les DM présentant un risque important pour la santé humaine (contrôle a priori)

Non

 remboursables

Principe de publicité (contrôle a posteriori)

 

Mais régime dautorisation pour les DM présentant un risque important pour la santé humaine (contrôle a priori)

DM de diagnostic in vitro

Principe de publicité (contrôle a posteriori)


 

Mais régime dautorisation pour les DM présentant un risque grave pour la santé (contrôle a priori)

b.   Le futur encadrement de la publicité des dispositifs médicaux

Les 2° à 7° visent à modifier le régime de publicité pour l’ensemble des dispositifs médicaux. Ils tendent à aligner les dispositions spécifiques portant sur les DM de diagnostic in vitro.

En premier lieu, les régimes de publicité ne s’appliquent plus seulement aux DM. Ils concernent aussi les prestations qui leur sont associées, l’idée étant d’éviter les « publicités de contournement », c’est-à-dire les publicités sur les services faisant indirectement référence aux DM.

En second lieu, des exceptions supplémentaires sont prévues s’agissant de la publicité auprès du public. Sont désormais réservés à la publicité les DM présentant un faible risque pour la santé humaine et n’ayant pas d’impact important sur les dépenses d’assurance maladie, à l’exception des lunettes et des audioprothèses. Les DM et prestations non remboursables ressortissent au principe de publicité sans exception, en retrait par rapport au droit existant. À la lecture de létude dimpact, il semble pourtant que lintention du Gouvernement est bien de maintenir le dispositif en vigueur. La publicité auprès des professionnels de santé bascule, quant à elle, dans un régime d’autorisation.

Le tableau ci-après présente une synthèse des nouveaux régimes.

 

Les régimes de publicité au terme du PROJET de loi

 

 

 

Publicité auprès du grand public

Publicité auprès du professionnel de santé

Dispositifs médicaux et prestations associées , Dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et prestations associées

Remboursables

Principe d’interdiction

 

à l’exception des dispositifs médicaux présentant un faible risque pour la santé humaine et n’ayant pas d’impact important sur les dépenses d’assurance maladie, lunettes et des audioprothèses

Principe du régime d’autorisation

Non remboursables

Principe de publicité

 

Principe de publicité

 

Le modifie l’article L. 5213-1 relatif à la définition de la publicité relative aux dispositifs médicaux.

Il en modifie le champ d’application pour en étendre l’application aux prestations associées aux dispositifs médicaux. Il est dorénavant précisé que les informations relatives aux mises en garde, aux précautions d’emploi et aux effets indésirables peuvent aussi relever du cadre de la réactovigilance. Cette modification est une conséquence des 6° et 7° du présent III qui visent à abroger les dispositions spécifiques à la publicité des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Il est en effet prévu d’aligner les deux régimes de publicité au sein d’un même chapitre quel que soit le dispositif médical.

Le procède, quant à lui, à une modification d’ordre cosmétique de l’article L. 5213-2 relatif à la portée de la publicité portant sur les dispositifs médicaux.

● Précisions portant sur le régime d’interdiction de la publicité auprès du public

Le modifie l’article L. 5213-3 qui édicte le principe d’interdiction de publicité des dispositifs médicaux auprès du public pris en charge ou financés, même partiellement, par les régimes obligatoires d’assurance maladie. Il dispose toutefois que l’interdiction ne s’applique pas aux dispositifs médicaux « présentant un faible risque pour la santé humaine dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ».

La modification vise à davantage circonscrire le régime d’interdiction de publicité auprès du grand public. Feront ainsi l’objet d’une autorisation à la publicité les DM présentant un faible risque pour la santé humaine et n’ayant pas d’impact important sur les dépenses d’assurance maladie à l’exception des lunettes et des audioprothèses. Pour ces deux derniers DM, l’objectif consiste à préserver une certaine intensité concurrentielle pour diminuer le reste à charge des patients.

La portée de l’article est également étendue aux prestations associées aux dispositifs médicaux.

● La mise en place d’un régime d’autorisation pour la publicité auprès des professionnels de santé

Le prévoit, au sein de l’article L. 5213-4, un régime d’autorisation préalable de la publicité en faveur des dispositifs médicaux et leurs prestations associées auprès des professionnels de santé ou des distributeurs. Cette autorisation est délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) mais ne concerne que les dispositifs médicaux remboursables par l’assurance maladie, en totalité ou partiellement. Enfin, le visa est accordé pour une durée indéterminée, la possibilité étant laissée à l’ANSM de le suspendre en cas d’urgence ou de le retirer par décision motivée.

À l’heure actuelle, le régime d’autorisation, d’une durée de 5 ans, ne s’applique qu’aux dispositifs médicaux présentant un risque important pour la santé humaine et dont la liste est fixée par arrêté. En cas de méconnaissance des dispositions relatives à la publicité, l’ANSM peut prononcer une astreinte ou retirer son visa au terme d’une procédure contradictoire. Ces dispositions s’appliquent aussi bien à la publicité auprès des professionnels de santé qu’à celle pratiquée auprès du public s’agissant des DM non remboursables.

Les nouvelles rédactions ne mentionnent toutefois que les DM remboursables par l’assurance maladie obligatoire. Il faut en déduire que, s’agissant des DM non remboursables, le principe de publicité sans restriction vaudra aussi bien pour le grand public que les professionnels de santé. Ce régime est en net recul au regard du droit existant qui prévoit qu’une autorisation doit porter pour les DM présentant un risque grave pour la santé. Le rapporteur général suggère de rétablir cette disposition de bon sens.

En outre, la modification proposée pose doublement question.

Tout d’abord, elle impose au secteur des DM un formalisme administratif plus lourd alors qu’il convient plutôt de libérer les énergies. Elle impose également à l’ANSM de s’adapter à l’afflux massifs des dossiers à moyen constant.

La mesure prête aussi à interrogation si l’on raisonne en termes d’efficacité de la protection de santé publique : Il est à craindre que l’afflux massif de dossier empêche l’ANSM de se concentrer sur les DM présentant un intérêt majeur de santé publique.

D’autres voies pourraient être recherchées, notamment par le ciblage des DM. Il s’agirait de modifier l’arrêté ciblant les DM présentant un risque important pour la santé humaine prévu par l’article L. 52134 dans sa rédaction actuelle.

● La mise en place d’un régime publicitaire unifié pour tous les dispositifs médicaux

Les et 7° procèdent à la modification des dispositions relatives l’encadrement de la publicité des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.

Le 6° vise à réécrire l’intégralité de l’article L. 5223-1 et prévoit que sont applicables aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro les articles L. 5213-1 à L. 5213-7 dans leur rédaction issue du présent projet de loi. Le 7° abroge en conséquence les articles L. 5223-2 à L. 5223-5 rendues obsolètes par ce renvoi.

● Le renforcement de l’encadrement de la publicité au sein des établissements de santé.

Le modifie les compétences du directeur d’un établissement public de santé prévues par l’article L 6143-7. Il prévoit désormais qu’il est tenu de définir les conditions de réalisation et d’encadrement des mesures de publicité des produits de santé au sein de son établissement. Cette mission n’intervient qu’après concertation avec le directoire, au terme du huitième alinéa de l’article L. 6143-7, et en tout état de cause, après avis du président de la commission médicale d’établissement. Les mesures d’encadrement résultent de l’application des chartes de bonne pratique professionnelle visant les visiteurs médicaux, qu’il s’agisse des médicaments ou des dispositifs médicaux, ainsi que des dispositions législatives et réglementaires encadrant la publicité des produits de santé partiellement modifiées par le présent article. Le rapporteur général rappelle en outre que la HAS est fondée à évaluer la mise en place de ces mesures dans le cadre de la certification des établissements de santé.

Pour autant, le champ de la modification opérée par le présent 8° ne correspond pas à celui portée par le 1° du I. Le 8° ne concerne en effet que les établissements publics de santé quand le 1° du I concerne tous les établissements de santé soumis à certification quels que soient leurs statuts. S’agissant des établissements de santé privés, leur statut nécessite des mesures adaptées afin d’éviter toute ingérence dans leur organisation par construction autonome.

*

La commission est saisie de l’amendement AS255 de Mme Caroline Fiat.

M. Jean-Hugues Ratenon. Si l’usage de la visite médicale chez les praticiens libéraux est moins répandu que par le passé, elle se développe de plus en plus dans les hôpitaux publics. Des produits dérivés à de véritables stratégies d’influences, cette pratique n’est plus adaptée à une médecine transparente et débarrassé des conflits d’intérêts.

Nous pensons donc que l’interdiction de la publicité dans les hôpitaux publics s’impose. Par publicité, le code de la santé publique n’entend pas la correspondance ou les informations nécessaires à la connaissance et l’usage d’un produit pharmaceutique. Ainsi, les industriels auront toujours la possibilité d’informer les professionnels de santé, sans les démarcher.

Cet amendement mettra fin à une surconsommation de produits pharmaceutiques préjudiciable et aura un effet direct sur les recettes et les dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, des organismes concourant à leur financement ou des organismes chargés de l’amortissement de leur dette.

M. le rapporteur général. Je suis d’accord sur les conditions de l’encadrement, mais le motif de votre amendement est de charger le Comité économique des produits de santé (CEPS) de mettre en œuvre l'interdiction d'accès des visiteurs médicaux. Ce n'est pas une compétence du CEPS, je vous renvoie d’ailleurs au rapport de la Cour des comptes sur les moyens accordés au CEPS pour faire son travail. Vu le nombre de salariés de cette structure, chacun d’entre eux gère un portefeuille supérieur au milliard d’euros dans le seul domaine des dispositifs médicaux, ils ne sont donc vraiment pas compétents pour aller faire de l’évaluation ou mettre en œuvre une interdiction de visite.

Nous sommes dans une logique d’encadrement de la visite médicale de la publicité dans le secteur des dispositifs médicaux, mais votre amendement ne serait pas applicable. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie des amendements identiques AS52 de M. Thibault Bazin et AS89 de M. Jean-Pierre Door.

M. Thibault Bazin. L’intention de l’article est louable, mais le fait de renseigner sur l’ordonnance des éléments relatifs au contexte ou à la motivation de la prescription est extrêmement chronophage pour les médecins et professionnels de santé concernés, leur ajoute encore une charge administrative au détriment du temps consacré aux soins. Alors que les médecins que nous rencontrons sont déjà dégoûtés par ces obligations qui leur occasionnent un surcroît de travail important, vous en remettez une couche en les obligeant désormais à motiver le pourquoi du comment de leurs prescriptions, ce qui tend à remettre en question la liberté de prescription mais aussi le secret médical. Permettre aux médecins de se concentrer sur les soins serait leur rendre service. C’est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas 16 à 28.

M. Bernard Perrut. Cette disposition du projet de loi prévoit qu’au regard notamment de l’intérêt de la santé publique, de l’impact financier ou des risques de mésusage, la prise en charge d’un produit de santé et de ses prestations éventuellement associées puisse être subordonnée au renseignement, par le professionnel de santé, sur l’ordonnance, d’éléments relatifs au contexte ou à la motivation de la prescription. Ces éléments, présents sur l’ordonnance, doivent être transmis au service du contrôle médical par le prescripteur, le pharmacien ou un autre professionnel de santé, selon une forme qui sera déterminée par voie réglementaire. Cette obligation est assortie de sanctions en cas de non-respect. Une telle disposition est de nature à mettre en cause à la fois la liberté de prescription et le secret médical. En outre, elle sera chronophage pour les médecins et professionnels de santé concernés et constituera une charge administrative considérable, au détriment du temps consacré aux soins. Cela va à l’encontre de ce que souhaitent les médecins.

M. le rapporteur général. Sensible aux arguments que vous exposez, tant il est important de préserver le temps de soins et d’éviter les contraintes administratives, je vous invite néanmoins à retirer vos amendements pour une simple raison de forme, à savoir que vous supprimez les mauvais alinéas – en l’occurrence, des alinéas concernant une charte. Le texte a sans doute changé depuis la version sur laquelle vous avez travaillé.

Les amendements sont retirés.

La commission examine l’amendement AS406 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. L’application du dispositif repose sur l’association des professionnels du secteur à l’application effective de la charte sur laquelle portaient par erreur les précédents amendements, concernant l’encadrement du démarchage publicitaire des visiteurs médicaux. Pour le Gouvernement, cette disposition est notamment justifiée par la nécessité que le Comité économique des produits de santé (CEPS) dispose de toutes les remontées d’information pour appliquer d’éventuelles sanctions, mais cela ressemble fortement, pour être clair, à de la délation. Une chose est de pouvoir se plaindre de pratiques illégales, une autre de compter expressément sur l’action des professionnels à ce qui est appelé pudiquement « une constatation du manquement ». Pour permettre au CEPS d’agir et de constater les manquements, je propose une nouvelle rédaction qui renvoie les conditions de ces constatations à un décret en Conseil d’État. Il faudra d’ailleurs être vigilant sur la rédaction du décret, pour ne pas laisser subsister les mêmes difficultés.

La commission adopte cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS75 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. La disposition proposée ici, qui consiste à demander au professionnel de santé de rédiger sur l’ordonnance des éléments relatifs au contexte ou à la motivation de la prescription, est extrêmement chronophage et entraînera une surcharge administrative. En outre, la liberté de prescription et le secret médical sont par là-même remis en question. Il convient donc de supprimer cette disposition.

M. le rapporteur général. C’est le même amendement que les précédents de vos collègues mais vous supprimez les bons alinéas. Au plan formel, si l’on supprime cette partie de l’article, plus rien ne le reliera à un PLFSS et il pourrait dès lors tomber dans son intégralité. Sur le fond, la volonté du Gouvernement est de lutter contre l’antibiorésistance et notamment de demander pour certaines molécules davantage d’informations et de justifications. Je propose que nous ayons ce débat dans l’hémicycle avec la ministre pour qu’elle puisse nous apporter les explications nécessaires.

M. Jean-Pierre Door. Vous remettez en question la liberté de prescription et le secret médical. Les ententes préalables et autres sont très souvent sous cachet. Inscrire la motivation sur une ordonnance, c’est quelque chose que je ne ferais pas en tant que médecin.

M. Brahim Hammouche. Je rejoins mon collègue. Éventer ce qui se dit dans le cadre du colloque singulier entre le médecin et son patient, c’est annoncer un diagnostic à autrui. Je considère qu’il faudrait s’assurer de garde-fous pour que le secret médical reste absolu.

M. Julien Borowczyk. Il faut en effet être prudent. Dans les logiciels médicaux, il est déjà possible d’indiquer le motif de prescription. De même, dans certaines spécialités, en cas de doute sur un remboursement, on peut être interrogé par la CPAM. On peut sans doute trouver un juste milieu.

M. le rapporteur général. Je vous donne deux exemples concrets de l’application de cet article. Un médecin prescrit un pansement spécifique : il vaut mieux que le pansement qui sera délivré par le pharmacien soit adapté aux besoins du patient. Second exemple, le médecin fait une prescription d’antibiotique qui sort de l’ordinaire : s’il a pratiqué un test rapide d’orientation diagnostique (TROD), il le précise, indiquant qu’il a détecté tel germe et que c’est la raison pour laquelle il prescrit tel antibiotique. C’est un dispositif qui a vocation à remplacer à terme le dispositif des prescriptions de médicaments d’exception, et de le généraliser.

La commission rejette cet amendement.

La commission est ensuite saisie de l’amendement AS271 de M. Bertrand Bouyx.

M. Bertrand Bouyx. Il s’agit d’encadrer l’article et de laisser au médecin la faculté d’apprécier en fonction du contexte et de ses motivations si les éléments relèvent ou non du secret médical.

M. le rapporteur général. L’amendement est satisfait car le secret médical fait partie des principes reconnus et protégés par le droit en vigueur. Il n’est pas utile de le préciser.

M. Bertrand Bouyx. Les termes « contexte » et « motivations » sont larges, peu définis et nécessitent d’être précisés. L’imprécision de la rédaction rend nécessaire cet ajout que je propose, « sous réserve du respect du secret médical », car, même si c’est redondant, cela garantit que rien ne se cache derrière les mots.

M. le rapporteur général. On peut discuter de l’article et de ses conséquences au fond, mais sa rédaction n’est pas imprécise. Je vous renvoie à l’étude d’impact, qui comporte toutes les informations sur les conditions du respect du secret médical. Je pense que vous avez travaillé sur une version du texte qui n’est pas la version définitive, qui parle des « circonstances » et des « indications de la prescription ». Je vous invite à retirer l’amendement.

M. Bertrand Bouyx. Je le retire, mais il est tout de même désagréable de s’entendre dire que l’on n’a pas eu la bonne version du texte.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement AS407 du rapporteur.

M. le rapporteur général. L’article 42 prévoit une modification substantielle du régime de publicité des dispositifs médicaux auprès des professionnels de santé. Il systématise le régime d’autorisation par l’octroi d’un visa qui sera délivré par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Cette modification pose doublement question. En premier lieu, elle impose au secteur des dispositifs médicaux (DM) un formalisme administratif plus lourd, alors qu’il convient plutôt de libérer les énergies, surtout dans ce secteur économique d’intérêt majeur pour notre pays. Elle impose à l’ANSM de s’adapter à l’afflux massif des dossiers à moyens constants. Chaque année, plus de 10 000 nouveaux produits font l’objet d’une communication de mise en service auprès de l’ANSM, soit environ 10 % du stock total. Si l’on prend une base d’un à trois documents promotionnels par produit, cela ferait entre 100 000 et 300 000 visas à délivrer. Par comparaison, seules 2 800 substances médicamenteuses sont commercialisées en France au total, ayant généré 3 350 dépôts de publicité en 2016.

La mesure prête aussi à interrogation si l’on raisonne en termes d’efficacité de la protection de santé publique. Il est à craindre que l’afflux massif de dossiers empêche l’ANSM de se concentrer sur les DM présentant un intérêt majeur de santé publique.

D’autres voies pourraient être recherchées, notamment par le ciblage des DM. Il s’agirait de modifier l’arrêté en ciblant les DM présentant un risque important pour la santé humaine prévu par l’article L. 52134 du code de la santé publique. Je vous propose donc de supprimer les alinéas 48 à 50 de l’article.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 40 modifié.

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*     *

Article 41
Renforcer la régulation du secteur des dispositifs médicaux

Cet article prévoit l’extension, au secteur des dispositifs médicaux qui représente environ 13 milliards d’euros au seul titre des dépenses remboursables, des mécanismes de régulation des dépenses applicables aujourd’hui aux médicaments.

À cet effet, il vise à renforcer sensiblement les capacités d’action du CEPS ([325])  par un soutien de l’assurance maladie prenant la forme d’une mise à disposition « gratuite » de personnels et de participation aux dépenses de systèmes d’information.

Il accorde la possibilité au CEPS de diminuer les tarifs et les prix lorsqu’un plafond de dépenses est atteint. Il précise le contenu des accords prévoyant des remises assises sur le volume de vente et en facilite le versement en conditionnant les remises à une prise en charge effective. Il vise à inciter le secteur à produire des données économiques fiables au CEPS en vue de rééquilibrer les conditions de négociation tarifaire. Il modifie en outre le cadre des négociations conventionnelles portant sur les dispositifs médicaux de la ligne générique pour les pharmaciens d’officine. Enfin, il instaure un prix plafond s’agissant des dispositifs médicaux inscrits sur la liste en sus des établissements de santé.

I.   Les mécanismes de maÎtrise des dépenses

Le présent texte vise à davantage maîtriser les dépenses de dispositifs médicaux (DM) en renforçant les mécanismes de régulation et en modifiant les conditions de négociation.

1.   La fixation des prix

Le premier niveau de régulation concerne la prise en charge du dispositif médical par l’assurance maladie (le tarif de responsabilité) et la fixation d’un prix maximal de vente (le prix). Ces deux montants sont déterminés par une négociation entre le comité économique des produits de santé (CEPS) et les fabricants et distributeurs des dispositifs médicaux pour les seuls produits et prestations inscrits sur une liste (la liste des produits et prestations remboursables ou LPPR). En dehors de ce cas de figure, le prix de vente est libre et la prise en charge est inexistante.

Dans le cas particulier des établissements de santé, le prix de vente est actuellement négocié directement avec le fabricant ou le distributeur. C’est notamment le cas des dispositifs médicaux dont le coût est tel qu’il ne peut pas être intégré dans la tarification établie pour les activités de court séjour. En ce cas, l’établissement est remboursé à due concurrence du tarif de responsabilité négocié entre le CEPS et les représentants du secteur. Pour maîtriser les prix de vente aux établissements de santé, le texte prévoit désormais un prix administré aligné sur le prix maximal de vente négocié avec le CEPS.

2.   La régulation par les prix ou le volume

Le second niveau de régulation implique une approche par les prix ou tarifs ou par les volumes. C’est sur ce niveau de régulation que le présent texte entend principalement agir s’agissant des dispositifs médicaux.

Une première modalité d’action permet l’ajustement à la baisse des tarifs et des prix par la voie conventionnelle sur le fondement de critères limitativement énumérés. Pour les DM, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 en a d’ailleurs précisé le cadre.

Une deuxième modalité d’action portant sur les prix et les tarifs, aujourd’hui applicable aux médicaments, est introduite par le présent projet de loi pour les DM. Il étend au secteur des dispositifs médicaux la possibilité pour le CEPS de fixer unilatéralement une baisse de la prise en charge (tarif) ou du prix de vente au-delà d’un montant de remboursement par la sécurité sociale.

Une troisième modalité d’action consiste en une régulation de la dépense par les volumes de vente. Un accord peut être ainsi conclu avec le CEPS afin de prévoir des remises. Ces remises permettent d’atteindre l’objectif de dépenses mais n’emportent pas de modification sur le prix de vente ou la prise en charge. Le présent texte précise le contenu des accords conventionnels sur ce point et facilite le versement des remises en les conditionnant à une prise en charge effective.

3.   L’équilibre des parties dans le cadre de la négociation conventionnelle

Un troisième type de mesure vise à corriger l’asymétrie d’information ente le CEPS et les représentants du secteur des dispositifs médicaux. Le texte incite les représentants du secteur à produire au CEPS un certain nombre de données économiques lui permettant de rééquilibrer la négociation. Il s’agit notamment de données comparatives provenant des autres pays de l’Union européenne.

II.   la contribution de l’assurance maladie obligatoire au fonctionnement du ceps

S’inspirant des constats formulés par la Cour des comptes dans son dernier rapport d’application sur les lois de financement de la sécurité sociale, l’article prévoit le renforcement des moyens humains et matériels du Comité économique des produits de santé (CEPS).

La Cour des comptes, dans l’optique de mieux maîtriser les dépenses de santé, appelle à un renforcement des moyens humains et financiers du CEPS, compte tenu de l’importance du marché des médicaments remboursables (34 Md€ pour les seuls médicaments remboursables). Elle plaide en faveur d’une évolution institutionnelle du CEPS en proposant une autonomie de gestion (établissement public ou autorité administrative indépendante). La Cour des comptes relève ainsi que « les systèmes dinformation du CEPS ne lui permettent pas, en leur état actuel, dêtre alerté de larrivée à échéance des clauses de remises et dengager des révisions de prix fabricant ».

Le Gouvernement a fait le choix de l’augmentation des moyens mis à la disposition du CEPS sans aller jusqu’à une évolution institutionnelle. Le de l’article prévoit ainsi la participation de l’assurance maladie obligatoire au fonctionnement du CEPS avec un nouvel article L. 162-17-3-1.

● Cette participation prend la forme d’une mise à disposition de personnels des caisses d’assurance maladie dans une limite fixée par un arrêté ministériel. Cette mesure est motivée par des engagements antérieurement pris pour le renforcement des capacités d’action du CEPS avec 6 ETP supplémentaires, répartis entre 3 ETP déployés par l’administration et 3 ETP mis à disposition par l’assurance maladie.

Le régime légal de la mise à disposition de personnels privés suppose cependant le remboursement par l’État à l’assurance maladie de la masse salariale correspondant aux effectifs ([326]). Dès lors que l’accord vise à faire participer l’assurance maladie aux missions du CEPS, il est nécessaire de déroger aux dispositions légales en prévoyant expressément que la mise à disposition n’est pas assortie d’un remboursement par l’État.

Les effectifs concernés permettraient de renforcer notamment le secteur consacré aux DM.

● Elle prend également la forme d’une participation aux dépenses de fonctionnement et de maintenance des systèmes d’informations relatifs aux produits de santé dont le montant est arrêté par le ministère chargé de la sécurité sociale. Ce montant n’a pas été précisé au rapporteur général.

Ces renforts permettraient de doter le CEPS de moyens suffisants pour l’aider à mieux assurer l’instruction de dossiers complexes et à forts enjeux financiers tout en améliorant la capacité de traitement des demandes d’inscription. Il a également été précisé au rapporteur général que « le système dinformation visé par cet article concerne à la fois des activités relevant de la compétence des ministres comme des activités relevant de la compétence du CEPS ».

La participation de l’assurance maladie permettrait de doter le CEPS d’une capacité d’expertise des informations qui lui sont transmises. Dans son rapport d’application, la Cour des comptes souligne ainsi la dépendance du comité aux données transmises par le groupement pour l’élaboration et la réalisation de statistiques dont les membres sont issus de l’industrie du médicament. Elle plaide en faveur d’une capacité de contre-expertise en s’appuyant notamment sur la comparaison des données fournies par le système national d’information inter-régimes d’assurance maladie (SNIIRAM).

Le rapporteur général tient à souligner que ces moyens supplémentaires permettront au CEPS d’assurer ses missions à droit constant.

Les nouvelles missions qui lui échoiront au titre du présent texte nécessiteront cependant un nouvel ajustement. Le dispositif proposé laisse toute latitude au pouvoir réglementaire pour ajuster les moyens accordés par l’assurance maladie. Il conviendra donc d’être attentif à la rédaction des textes.

La participation de l’État au fonctionnement du CEPS suppose également une certaine vigilance. Le comité requérant un certain niveau d’expertise, le niveau des rémunérations proposées devra garantir une certaine attractivité. La fixation et la négociation de prix ne sauraient se réduire à l’enregistrement des pièces et à leur classement. Ces missions requièrent en effet des compétences particulières, particulièrement en économie de la santé.

III.   De nouvelles modalités de régulation des dépenses de dispositifs médicaux

1.   La mise en place d’un mécanisme de diminution des prix et des tarifs

Le tend à modifier l’article L. 162-17-5 du code de la sécurité sociale qui autorise le CEPS à fixer le montant des dépenses des régimes obligatoires de sécurité sociale au-delà duquel il peut décider de baisser le prix ou le tarif de responsabilité. L’article concerne actuellement les médicaments ou les produits et prestations pris en charge en sus des prestations d’hospitalisation relevant des activités de court séjour (MCO) et long séjour (SSR). La mesure étend cette possibilité aux dispositifs médicaux inscrits sur la liste des produits et prestations (LPRR) de l’article L. 165-1 tant pour le tarif que les prix.

2.   Une obligation de déclarations d’informations portant sur les données économiques

Le insère un nouvel article L. 165-2-1 au sein du code de la sécurité sociale visant à s’assurer que le CEPS dispose de l’ensemble des données économiques lors des négociations avec les entreprises du secteur des dispositifs médicaux. Ces informations touchent :

– aux conditions de prise en charge, aux volumes de vente, aux montants remboursés par les régimes d’assurance maladie dans les autres pays de l’Union européenne ;

– aux « conditions réelles ou prévisibles dutilisation ou aux volumes de vente en France ».

Les dispositions applicables au secteur des médicaments

La mesure proposée par le présent projet de loi de financement s’inspire de l’article L. 162-17-7 du code de la sécurité sociale sans embrasser une rédaction identique.

Cet article prévoit des pénalités susceptibles d’être infligées par le CEPS à une entreprise pharmaceutique lorsque les informations qu’elle a à connaître « conduisent à modifier les appréciations portées […] notamment pour ce qui concerne le service médical rendu ou lamélioration du service médical rendu ». La pénalité financière est plafonnée à 5 % du chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France par l’entreprise au cours du dernier exercice clos.

Le présent article s’écarte toutefois de la rédaction de l’article L. 162-17-7 qui ne prévoit pas de dispositions particulières pour la transmission de données économiques pour le secteur des médicaments. Dans ses réponses au rapporteur général, le Gouvernement précise que « les difficultés dinformation du CEPS sur ce champ [des médicaments] sont toutefois plus limitées, notamment parce que le CEPS dispose de bases de données regroupant des informations sur les conditions de prise en charge dans différents pays européens ».

Dans le présent article, la pénalité financière peut être infligée, au terme d’une procédure contradictoire, dès lors que le fabricant ou le distributeur fournit des « données manifestement erronées ». La pénalité porte soit sur le fabricant soit sur le distributeur.

Son montant est proportionné à la gravité du manquement, tout en étant plafonné à 10 % du chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos pour les produits ou prestations concernés. Une assiette particulière est prévue en cas de première inscription sur la liste des produits et prestations remboursables : la pénalité est ainsi fixée à 10 % du chiffre d’affaires annuel, hors taxes pour la France, estimé sur « la base de la population de patients » concernée par le dispositif ou la prestation.

Cet article prévoit enfin les modalités de recouvrement de la pénalité par les URSSAF et son affectation à l’assurance maladie obligatoire.

Justifié par la nécessité de disposer de données susceptibles d’influer sur les négociations, cette mesure, pour être efficace, suppose que le CEPS dispose des effectifs et des outils nécessaires à l’exploitation des données et au développement d’une contre-expertise. La participation de l’assurance maladie et de l’État à due concurrence des nouvelles missions CEPS apparaît, de ce point de vue, la condition sine qua non d’une application effective.

3.   La représentation des pharmaciens d’officine aux négociations conventionnelles portant sur les dispositifs médicaux de la ligne générique

Le modifie l’article L. 165-3-3, institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, qui fixe notamment les modalités de participation aux négociations des fabricants et des distributeurs sur les tarifs de responsabilité et les prix des dispositifs médicaux faisant l’objet d’une inscription sur la LPPR sur une ligne générique ou générique renforcée.

Procédure d’inscription des dispositifs médicaux en vue d’une prise en charge

L’inscription peut être effectuée de deux manières :

– sous la forme d’un nom de marque pour les produits présentant un caractère innovant ou qui nécessitent un suivi particulier pour des raisons techniques, économiques ou de santé publique ([327]) ;

 sous la forme dune description générique sans référence à un nom de produit ou de société. En pratique, les entreprises procèdent à une auto-inscription en déterminant elles-mêmes la ligne générique dont elles estiment que leur produit relève. En raison de problèmes sanitaires posés par linscription de certains dispositifs médicaux, la loi prévoit une description générique renforcée destinée à renforcer les mécanismes de traçabilité et de contrôle. Ce mode dinscription comporte une déclaration de conformité auprès de lANSM établie par un organisme compétent désigné par lagence.

Le 4° modifie son II relatif aux négociations impliquant les distributeurs. Deux conditions cumulatives doivent aujourd’hui être satisfaites :

– faire connaître au CEPS une intention de négocier ;

– justifier d’une part du montant remboursé, constaté ou prévisionnel, représentant au moins 10 % du montant relatif des produits et prestations concernés remboursé par l’assurance maladie obligatoire.

Pour apprécier la part du montant remboursé, le cadre juridique actuel prévoit une méthode de calcul fondée sur les volumes de vente du distributeur auxquels s’applique le taux moyen de prise en charge par l’assurance maladie obligatoire.

Enfin, le droit actuel assortit cette appréciation d’une règle relative au poids des organisations négociatrices. À cet effet, chaque participant à la négociation indique au CEPS les distributeurs qui lui ont donné mandat pour les représenter dans le cadre de cette négociation. Chaque distributeur participant à la négociation est aussi invité à déclarer s’il participe en son nom propre ou au titre d’une organisation.

Le présent 4° vise à prévoir une disposition particulière pour la négociation impliquant les pharmaciens d’officine sous la forme d’une représentation automatique par leurs syndicats représentatifs sauf opposition des pharmaciens titulaires d’officine. Le poids de ces derniers est ensuite apprécié selon les conditions précisées ci-avant. Cette modification est justifiée par la souplesse des modalités de représentation.

Enfin, le texte prévoit une méthode de répartition du volume de ventes de chacun des syndicats appelés à négocier. Sur la base des données de l’assurance maladie, les volumes de vente de la totalité des pharmacies d’officine sont pondérés par l’audience syndicale. Il est néanmoins précisé qu’en sont défalqués les volumes de ventes des pharmaciens ayant notifié leur opposition.

4.   Le cadre renouvelé des accords portant sur les volumes de vente

Le tend à modifier l’article L. 165-4 relatif aux conventions portant sur les volumes conclues entre le CEPS et les fabricants et distributeurs de dispositifs médicaux. Cet article prévoit la possibilité d’opérer des remises portant sur le chiffre d’affaires réalisé en France des dispositifs médicaux pris en charge par la sécurité sociale.

Le a) tend à préciser l’objet de ces conventions.

Il indique tout d’abord, qu’outre les volumes de vente, les conventions peuvent comporter différents critères :

– les dépenses remboursées par l’assurance maladie, le cas échéant par indication thérapeutique ;

– les conditions réelles d’usage des produits ou prestations ;

– les niveaux de recours au sein d’une catégorie de produits ou de prestations comparables ;

– les critères prévus aux I et II de l’article L. 165-2 qui précisent respectivement les conditions de définition et les critères de révision des tarifs de responsabilité.

Le texte prévoit également que « ces critères peuvent être considérés pour un ensemble de produits ou prestations comparables même si la convention ne porte que sur certains de ces produits ou prestations ». Cette phrase vise à prendre en compte l’activité des entreprises, non parties à l’accord, commercialisant des produits comparables à ceux qui font l’objet de la convention. Le versement de la remise, adaptée aux entreprises parties à l’accord, sera ainsi déclenché selon un critère qui prend en compte l’ensemble des produits comparables.

Le Gouvernement justifie ces modifications en rappelant que l’article « vient préciser les éléments principaux sur lesquels la négociation des remises peut seffectuer », à l’instar de l’article 98 de loi de financement pour 2017 qui « avait précisé les critères sur lesquels se fondait la négociation de prix ou de tarifs des dispositifs médicaux ». Il souligne également que « lexplicitation des différents critères permet en outre de donner une meilleure visibilité de laction du CEPS à lensemble des parties prenantes ».

Le a) étend également l’assiette permettant de calculer le montant de la remise. Il est également assis sur le chiffre d’affaires portant sur les produits. L’appréciation du chiffre d’affaires est désormais étendue aux prestations.

Le b) insère, après le premier alinéa de l’article L. 165-4, un nouveau II composé de trois alinéas.

Le premier d’entre eux est destiné à subordonner la prise en charge des dispositifs médicaux et des prestations associées au versement effectif de remises par les fabricants ou distributeurs. Le CEPS est notamment habilité à préciser qui du distributeur ou du fabricant est chargé de s’acquitter de la remise.

L’objet des remises est également précisé. Celles-ci peuvent s’attacher à un produit ou une prestation mais peuvent également concerner des produits et prestations comparables ou répondant aux mêmes visées thérapeutiques ([328]), auquel cas l’évaluation de la remise devra tenir compte des volumes de vente.

Les deux derniers alinéas du II précisent les conditions de fixation des remises :

– pour les produits et prestations inscrits sous forme de marque ou de nom commercial, une convention pourra être conclue entre le CEPS et le fabricant ou le distributeur. En l’absence de convention, la remise pourra relever d’une décision du comité ;

– pour les produits et prestations relevant des descriptions générique ou générique renforcée, les remises sont également fixées par la voie conventionnelle mais entre le CEPS d’une part et l’ensemble des fabricants et distributeurs concernés d’autre part. Les modalités de représentations de ces acteurs répondent aux critères définis par l’article L. 165-3-3 modifié par le présent article (cf. 3 du présent III). À défaut de convention, les remises sont fixées par le CEPS.

Selon les informations transmises au rapporteur général, « lajout essentiel du b) consiste […] à rendre applicable la procédure de négociation des prix et des tarifs (L. 165-3-3) pour les dispositifs pris en charge par description générique au cas de la négociation des remises ». Il n’existe actuellement pas de cadre permettant de négocier des remises engageant globalement les entreprises avec les organisations représentant les fabricants ou distributeurs. La contractualisation individuelle n’aurait pas permis d’arriver au même résultat et, en tout état de cause, aurait créé une rupture d’égalité de traitement entre entreprises volontaires et entreprises réfractaires aux accords.

Le c) modifie enfin le deuxième alinéa de l’article L. 165-4 relatif au suivi des dépenses relatives aux dispositifs médicaux et leur compatibilité avec le respect de l’ONDAM. Cet alinéa, qui constitue le nouveau III de l’article L. 165‑4, est modifié pour élargir le suivi des dépenses aux prestations associées aux DM alors qu’il est aujourd’hui circonscrit aux produits.

5.   Un prix désormais administré pour les dispositifs médicaux inscrits sur la liste en sus

Le modifie enfin l’article L. 165-7 relatif aux conditions de prise en charge des dispositifs médicaux et de leur prestation relevant de la liste en sus dans les établissements de santé.

Pour les activités relevant de la médecine, de la chirurgie et de l’obstétrique (MCO), la rémunération des actes, séjours et prestations hospitalières fait l’objet d’une tarification unique et englobante. Or, ces tarifs de référence ne permettent pas de couvrir la prise en charge des dispositifs médicaux innovants ou onéreux. Les établissements de santé sont ainsi fondés à facturer à l’assurance maladie les dispositifs médicaux inscrits sur une liste particulière, dite liste en sus.

L’article L. 165-7 dispose que la prise en charge par l’assurance maladie s’élève à concurrence du tarif de responsabilité défini dans le cadre de l’accord conclu par le CEPS et les fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux (article L. 165-2). Il prévoit en outre un mécanisme d’intéressement des établissements de santé afin de les inciter à négocier à la baisse les prix des dispositifs médicaux. En cas de facturation inférieure au tarif de responsabilité, l’établissement de santé est remboursé sur la base de la facture majorée. En cas de prix de vente supérieur au tarif de responsabilité, le reste à charge ne peut être facturé au patient.

Le présent texte apporte de nouvelles garanties aux établissements de santé. Il prévoit désormais un prix limite de vente des dispositifs médicaux aux établissements alignés sur les prix négociés entre le CEPS et les fabricants et distributeurs.

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La commission examine l’amendement AS225 de M. Adrien Taquet.

M. Adrien Taquet. L’article 41 porte sur le renforcement des prérogatives du CEPS. Avec le présent amendement, il s’agit de mettre un terme à une situation anormale à trois égards : pour les personnes en situation de handicap, qui se voient offrir du matériel à des prix exorbitants ; pour la collectivité et les comptes de la protection sociale ; enfin au regard du droit européen, le système existant étant sans doute contraire au principe de libre circulation des biens.

Le système en question est le suivant. Le Centre d’études et de recherche sur l’appareillage des handicapés (CERAH), qui dépend du CEPS, établit et certifie la liste des véhicules pour personne handicapée (VPH). C’est cette liste qui donne lieu à remboursement du matériel par l’assurance maladie et, de façon complémentaire, par la prestation de compensation du handicap (PCH). Il existe une double certification : par les fabricants, ce qui est fort légitime et souhaitable, mais aussi par les distributeurs, et c’est là que le bât blesse car la très grande majorité, pour ne pas dire la totalité, sont Français. Or les tarifs pratiqués par ces distributeurs sont deux à trois fois supérieurs aux prix pratiqués sur le même matériel à l’étranger. Par exemple, un fauteuil roulant de la marque Invacare coûte plus de 1 100 euros en France, contre 620 euros en Italie et entre 350 et 500 euros au Royaume-Uni. Ce matériel va donc coûter près de 1 000 euros à la collectivité, et deux à trois fois moins cher si le patient l’acquiert à l’étranger, auquel cas il ne sera pas remboursé par la Sécurité sociale.

Au nom de la justice sociale en faveur des personnes handicapées mais aussi de la bonne gestion des deniers publics, il est temps de mettre un terme à cette situation. Le présent amendement est une première étape.

M. le rapporteur général. L’intention est plus que louable et je la partage pleinement, mais il y a une raison de forme et une raison de fond qui s’opposent à ce que je donne un avis favorable à l’amendement.

La raison de forme, c’est que vous souhaitez que le CEPS optimise le coût de la prise en charge pour la Sécurité sociale et les assurés, alors que cela ne fait pas partie de ses prérogatives.

Sur le fond, le CEPS est en passe de terminer la négociation du premier scooter électrique extérieur pour les personnes handicapées qui connaissent une limitation sévère et durable de l’activité de marche. La prise en charge de ces scooters était en discussion depuis de nombreuses années et constituera une avancée majeure en faveur de certaines personnes handicapées. Les mesures du PLFSS pour 2018 permettront de disposer de meilleurs éléments de comparaison européens, notamment sur les niveaux de prix pratiqués à l’étranger. Si, pour les VPH, des prix plus faibles dans d’autres pays européens sont constatés, le CEPS pourra renégocier les conditions de prise en charge ou fixer des prix limite de vente aux patients à des niveaux plus bas que ceux actuellement pratiqués. Il me semble que votre préoccupation a ainsi reçu un premier écho favorable. Si vous souhaitez aller plus loin, il faut en discuter dans l’hémicycle avec la ministre.

M. Adrien Taquet. Votre réponse ne porte que sur une seule technologie innovante, et l’on peut certes se féliciter de l’apparition de ce matériel, mais il reste un champ très large au-delà et je voudrais m’assurer que la situation, qui est, ne nous mentons pas, un monopole de fait, sera étudiée dans son ensemble. Par ailleurs, je n’ai pas compris dans quel cadre s’inscrivait ce que vous venez d’évoquer.

M. le rapporteur général. Au-delà du scooter électrique, il sera possible pour l’ensemble des VPH de comparer les prix européens et donc de demander un prix plus faible en France sur la base de ces comparaisons.

M. Adrien Taquet. Les comparaisons européennes, nous les avons : il suffit de se connecter à internet. Le problème est lié à la certification des distributeurs. La fixation du prix dépend du reste à charge dans chaque pays et il est vrai, pour être tout à fait sincère, que le reste à charge est plus faible en France, de par les mécanismes de prise en charge de la Sécurité sociale. Du point de vue de la personne bénéficiaire, on pourrait donc dire que tout va bien, même si cela grève en partie sa PCH, mais le coût pour la collectivité est énorme : plus de 100 millions d’euros par an, rien que pour les VPH.

M. le rapporteur général. Le dispositif que j’ai évoqué est celui de l’alinéa 5 de l’article 41 : « Le Comité économique des produits de santé peut fixer, pour les médicaments inscrits sur l’une des listes ouvrant droit au remboursement au titre de leur autorisation de mise sur le marché ou pour les produits et prestations pris en charge au titre de la liste mentionnée à l’article L. 165-1 ou pris en charge en sus des prestations d’hospitalisation au titre des articles L. 162-22-7 et L. 162-23-6, le montant des dépenses des régimes obligatoires de sécurité sociale au-delà duquel il peut décider de baisser le prix ou le tarif de responsabilité, mentionnés aux articles L. 162-16-4 à L. 162-16-5, L. 162-16-6, L. 165-2, L. 165-3 et L. 165-7, des produits et prestations concernés. » À mon sens, vous êtes satisfait.

La commission adopte cet amendement.

Elle adopte ensuite l’article 41 modifié.

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Après l’article 41

La commission est saisie de l’amendement AS223 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le développement de la prescription de médicaments génériques est l’un des éléments permettant la maîtrise des dépenses de santé. Le taux de prescription de ces médicaments, bien qu’en augmentation, peut néanmoins être amélioré, comme la ministre l’a fait remarquer lors de son audition ici : 45,4 % en 2016 contre 42,8 % en 2015. Le taux de substitution d’un médicament d’origine à un générique par les pharmaciens était de 82,8 % en 2015 et de 83,2 % en 2016, l’objectif fixé par les pouvoirs publics étant de 86 %. De manière à accélérer le processus, cet amendement a pour objet de donner une plus grande faculté aux pharmaciens de délivrer un générique quand bien même il serait fait mention du caractère non substituable sur le médicament prescrit.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. La mention « non substituable » est censée permettre une meilleure diffusion des médicaments génériques. Je me suis demandé s’il fallait continuer d’exiger une mention écrite à la main. On m’a répondu que les logiciels de prescription n’étaient pas bridés de manière à faire apparaître la mention sur la totalité des ordonnances, et que cela pourrait poser problème pour la diffusion des génériques. Ensuite, la mention permet aux patients, s’ils refusent le générique, d’obtenir leurs médicaments avec une dispense totale d’avance de frais. Si nous supprimons cette mention, il n’y aura plus de tiers payant pour ces médicaments, et votre amendement n’est pas complet puisqu’il ne tire pas les conséquences s’agissant de la dispense d’avance de frais.

M. Francis Vercamer. Mon amendement n’empêche pas la mention « non substituable » : il autorise le pharmacien à passer outre la mention s’il estime que le patient, que généralement il connaît, peut prendre un générique. Cela ne change rien pour le remboursement.

M. le rapporteur général. La suppression de la mention « non substituable » à la main par le médecin entraînerait une plus grande délivrance de génériques et, pour le patient, au lieu d’une dispense d’avance de frais, un remboursement par l’assurance maladie, en général dans un délai de cinq jours. Cependant, il ne vous aura pas échappé que nous traversons, en ce qui concerne les génériques et les solutions médicamenteuses, une période où l’opinion publique est quelque peu bouleversée et je ne suis pas certain que la mesure soit comprise dans le sens que vous entendez lui donner.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS298 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. Je souhaite mettre en lumière un dispositif particulièrement problématique, posant la question des intérêts pharmaceutiques. Dans l’état actuel des choses, ce sont les laboratoires pharmaceutiques qui fixent eux-mêmes le montant de l’indemnité qu’ils perçoivent pour la délivrance de médicament ayant reçu une autorisation temporaire d’utilisation (ATU). C’est ce qu’on peut lire sur le site du ministère de la santé. Les industries pharmaceutiques peuvent donc réaliser des bénéfices considérables sur les médicaments lors de leur lancement.

Les enjeux de santé publique exigent que les laboratoires soient partie prenante de la politique de santé. Il nous semble donc qu’il serait de bon sens de laisser au CEPS le soin de fixer les indemnités versées aux industries pharmaceutiques pour les mises à disposition des médicaments ayant fait l’objet d’une ATU. Pour établir ces indemnités, nous suggérons que soit utilisé comme critère le coût de production des médicaments.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Le principe de base de la fixation du prix du médicament est la négociation, non la fixation unilatérale ; les tarifs ne sont pas administrés. Il ne faut pas non plus priver les patients de l’arrivée d’un traitement susceptible d’améliorer leur chance tout en préservant un système favorisant l’innovation. C’est précisément ce que l’amendement est susceptible d’empêcher. Enfin, en cas d’ATU, une indemnité est fixée au préalable. Une fois que le prix est fixé, l’industriel pharmaceutique est tenu de faire une remise. Cette remise correspond à la différence entre le chiffre d’affaires facturé aux établissements de santé et la valorisation des unités vendues au prix négocié avec le CEPS. Le produit de ces remises est affecté aux régimes d’assurance maladie.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AS300 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. L’objet de cet amendement est de lancer une expérimentation permettant aux pharmaciens, aux professionnels de santé formés et expérimentés, de prescrire des médicaments figurant sur une liste exhaustive, aujourd’hui rangés sous le régime de la prescription obligatoire. Il s’agit de créer une liste intermédiaire entre la prescription médicale et la vente libre.

Il n’est pas ici question de remettre en cause le principe de la prescription médicale, mais simplement d’expérimenter une distinction entre certains produits nécessitant une expertise et un suivi médical, et d’autres produits en vente libre, mais dont la distribution doit être contrôlée et éventuellement refusée à certaines catégories de patients après leur avoir posé les questions nécessaires afin d’éviter un usage non conforme du médicament.

Ce dispositif permettra d’éviter le coût d’une consultation médicale pouvant paraître inutile pour de petits maux du quotidien.

M. le rapporteur général. L’article 35 de notre texte permet d’ores et déjà des protocoles d’expérimentation ainsi que des coopérations entre professionnels de santé ; laissons-leur le soin de faire des propositions pouvant répondre à leurs attentes. N’allons pas à nouveau leur dire ce qu’ils ont à faire, ce qui serait contraire à l’esprit de cet article ; pour une fois, ce ne seront pas les parlementaires qui feront les choses, mais davantage les professionnels eux-mêmes, et les pouvoirs publics sauront les accompagner.

Pour ces raisons, mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement AS226 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement est de repli par rapport à un amendement précédent qui permettait de passer outre la mention « non substituable » ; il vise à demander un rapport du Gouvernement. Je le retire, puisque le débat aura lieu dans l’hémicycle.

Cet amendement est retiré.

La commission en vient à l’examen de l’amendement AS228 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Caroline Fiat. Au-delà des fantasmes, l’industrie pharmaceutique s’est considérablement développée et concentrée au cours des vingt dernières années. Ses moyens et son influence publique sont importants – certainement plus que celle du lobby des airbags dont vous parliez ce matin. Il est d’autant plus important de savoir faire face à cette industrie que, contrairement à celui des airbags, le prix du médicament a une influence sur les comptes de la sécurité sociale.

Cette influence est telle qu’un conseiller du candidat Macron a pu bénéficier de plus de 80 000 euros de frais de restaurant, de logement et de transport, après avoir effectué de nombreuses interventions pour le laboratoire Servier entre 2013 et 2016. Puisqu’il a dû partir après ces révélations, nous sommes désormais à l’aise pour évoquer le poids de l’industrie pharmaceutique, et faire le point sur les outils dont nous disposons afin d’établir un rapport de force acceptable.

Or nos outils sont largement insuffisants. Le Comité économique des produits de santé (CEPS) chargé de la négociation des prix, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) chargée de la régulation des recherches biomédicales ainsi que la Haute autorité de santé (HAS) sont les trois instances qui font face au secteur du médicament. Leurs moyens sont trop faibles pour qu’elles puissent réagir de façon adéquate, comme en témoigne le scandale du Levothyrox.

Nous considérons que les missions de ces institutions, négociation des prix, régulation éthique et évaluation, ne devraient pas être séparées ; si l’on veut qu’elles soient fortes devant une industrie puissante, nous prônons leur fusion au sein d’un pôle public du médicament. Ce pôle public aux moyens renforcés sera de taille à négocier et à réguler le secteur du médicament, et pourra rassurer la population française sur la capacité de l’État à maintenir le rapport de force.

M. le rapporteur général. La réponse est la même que pour les autres demandes de rapport : rien ne vous empêche de plutôt vous saisir de la question en tant que parlementaire, et de travailler à ces sujets.

Le sujet n’est pas tant l’organisation que l’évaluation du médicament. C’est ce système qu’il faut repenser ; à cet égard, nous disposons du rapport de Dominique Polton sur l’intérêt thérapeutique relatif, remis au mois de novembre 2015. Ce sera un des enjeux du mandat que de faire évoluer et améliorer le système d’évaluation du service médical rendu. Il faut aller vers un dispositif qui tienne mieux compte de l’innovation incrémentale et de l’innovation de rupture.

Beaucoup de questions restent en suspens ; d’autres rapports sont intéressants à lire, dont celui de Christian Saout sur l’accompagnement à l’autonomie des patients, remis à la ministre chargée de la santé au mois de juillet 2015. La Haute autorité de santé se saisit pleinement de ces enjeux ; nous aurons l’occasion d’en rediscuter.

Au-delà de leur évolution se pose la question des moyens dévolus aux organismes : pour ses missions actuelles, le CEPS bénéficiera de subsides supplémentaires accordés par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ; il n’était que temps. La loi lui confie de nouvelles missions qui demanderont des effectifs et des compétences supplémentaires. Cette institution rencontre parfois des difficultés pour recruter des personnels, compte tenu des règles en vigueur dans les administrations centrales ; ainsi, un poste de pharmacien spécialiste est toujours à pourvoir, mais le salaire proposé ne s’élève qu’à 1 800 euros par mois… Trouver un pharmacien disposé à travailler pour ce prix, c’est un peu compliqué ! C’est pour ces raisons qu’il ne faut pas trop en attendre du CEPS ; il faut d’abord le stabiliser, le conforter dans ses missions ainsi que dans les moyens qui lui sont accordés.

Pour ces raisons, mon avis est défavorable.

M. Julien Borowczyk. Je suis heureux de voir que mon intervention sur les airbags a marqué les esprits… Il ne faut pas se tromper de cible et systématiquement stigmatiser l’industrie pharmaceutique ; sur ce point, je rejoins tout à fait l’avis du rapporteur général. Il convient bien entendu de cibler le service médical rendu, et de chercher le bénéfice que le médicament apporte afin d’en fixer le juste prix. Et il ne faut pas toujours imaginer que c’est David contre Goliath ; le discours doit être dédramatisé.

La commission rejette l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS302 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. La résistance aux antibiotiques est un phénomène alarmant qui met au défi notre système de santé. Un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) du 20 septembre 2017 a mis en lumière ce grave danger, susceptible d’entraîner « une augmentation des dépenses médicales, une prolongation des hospitalisations et une hausse de la mortalité. » Notre pays, un des moins bons élèves de l’espace européen, quatrième plus gros consommateur, doit d’urgence changer sa façon de prescrire et d’utiliser les médicaments antibiotiques. L’utilisation non maîtrisée de ces médicaments étant responsable des résistances bactériennes, le rapport que nous proposons préparera ce tournant.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Plusieurs rapports publics existent déjà : le rapport du groupe de travail spécial pour la préservation des antibiotiques, déposé au mois de juin 2015, et le rapport Consommation d’antibiotiques et résistance aux antibiotiques en France réalisé par l’ANSM et Santé publique France notamment, publié au mois d’octobre 2016. Cela me semble suffisant.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS325 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Je l’ai défendu avec le précédent.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

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*     *

 

Article 42
Uniformisation et renforcement du mécanisme de demande dautorisation préalable

Cet article prévoit notamment l’inscription de la mention « non remboursable » sur l’ordonnance du prescripteur en cas d’absence d’accord de prise en charge par l’assurance maladie.

L’article précise les critères de déclenchement de la procédure : de nature alternatifs, les critères sont désormais au nombre de quatre. L’existence d’alternatives moins coûteuses constituera un nouveau critère justifiant le recours à la procédure tandis que le critère du « caractère particulièrement coûteux » pourra être excipé en cas de risque ou de mésusage anticipés. Le texte prévoit explicitement la règle du silence vaut acceptation, le délai étant désormais variable selon la nature de la prestation.

L’article dispose que l’initiative de la procédure, aujourd’hui dévolue à l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM), pourra revenir aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale soit en formulant une proposition à l’UNCAM, soit directement lors de l’inscription ou du renouvellement d’inscription d’un produit.

L’article organise aussi le contrôle a posteriori de la mise en œuvre effective de la procédure. Il charge les distributeurs de s’assurer que l’accord de prise en charge a bien été rendu sous peine de recouvrement de l’indu.

I.   La demande d’accord préalable, outil de la maîtrise médicalisée

La demande d’accord préalable vise à subordonner la prise en charge de certains actes et prestations à une autorisation délivrée par l’assurance maladie.

L’accord préalable est ainsi utilisé pour un certain nombre de prestations : médicamenteuses (Rosuvastatine, médicaments hypocholesterolémiants), de transports ou de soins.

Au terme de l’article L. 315-2 du code de la sécurité sociale, l’accord préalable s’applique aux prestations dont :

– la nécessité doit être appréciée au regard d’indications déterminées ou de conditions particulières d’ordre médical (recommandations de la Haute Autorité de santé, de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou de l’Institut nationale du cancer) ([329]) ;

– la justification, du fait de leur caractère innovant ou des risques encourus par le bénéficiaire, doit être préalablement vérifiée eu égard notamment à l’état du bénéficiaire et aux alternatives thérapeutiques possibles. Ce critère est apprécié au regard d’études de pharmacovigilance ou de pharmacovigilance, des recommandations de la Haute Autorité de santé ou des études d’équivalence thérapeutique ([330]) ;

– le caractère particulièrement coûteux doit faire l’objet d’un suivi particulier afin d’en évaluer notamment l’impact sur les dépenses de l’assurance maladie. Ce critère s’apprécie soit pour des prestations « intrinsèquement coûteuses », soit pour « des prestations dont lutilisation massive ou non conforme aux recommandations engendre un coût global important » ([331]).

La rédaction du code ne permet pas de conclure précisément au caractère alternatif ou cumulatif des critères. Cette rédaction suffisamment souple a donné toute latitude à l’État pour mobiliser les critères de façon alternative. Il suffit donc qu’un des critères soit convoqué pour engager la procédure.

L’application de ce dispositif suppose ensuite qu’une demande soit formulée par le prescripteur auprès du service du contrôle médical de l’assurance maladie.

L’accord préalable peut aussi concerner des professionnels de santé fortement prescripteurs et les établissements de santé.

II.   Les évolutions opérées par le texte

Le I procède à diverses modifications affectant le code de la sécurité sociale de nature à renforcer l’effectivité de la procédure de demande d’accord préalable. Le II fixe le régime des décisions d’accord préalable prises antérieurement à l’application du présent texte.

1.   L’ajout de la mention « non remboursable » sur les ordonnances en l’absence de prise en charge

Le 1° du I tend à modifier l’article L. 162-4 qui encadre les conditions de prescription des médecins.

Ces derniers sont tenus de signaler sur l’ordonnance le caractère non remboursable des produits, prestations et actes qu’ils prescrivent. Ce signalement s’appliquera désormais aux prestations qui ne font pas l’objet d’un accord de prise en charge ou dont la demande de prise en charge est en cours d’instruction. Le champ des prestations couvre l’assurance maladie, la maternité, l’invalidité, les prestations relevant de l’aide médicale d’État ou des soins urgents.

Cette mesure se justifie par la nécessité de davantage informer le patient. Elle renforce également la portée de l’obligation d’information dès le stade de la prescription. À l’heure actuelle, le sixième alinéa de l’article L. 315-2 du code de la sécurité sociale dispose que le bénéfice des prestations est, le cas échéant, subordonné à l’accord préalable. Cette obligation d’information ne pèse cependant qu’au moment de la prise en charge.

Si le rapporteur général partage le souci de mieux informer le patient, il estime cependant que les prescripteurs peuvent aussi s’acquitter de cette obligation, sans formalisme excessif, dans le cadre du colloque singulier avec le patient, dans un objectif d’épargne du temps.

2.   Le déclenchement de la procédure de demande d’accord préalable

Le du I procède à la modification de l’article L. 315-2 qui détermine les conditions de l’accord préalable. Il révise les critères de déclenchement tout en étendant l’initiative à l’État.

a.   Des critères de déclenchement dûment précisés

Le a) procède à une modification d’ordre cosmétique. Le premier alinéa constituera le I de l’article L. 315-2.

Le b) emporte plusieurs modifications.

En premier lieu, il regroupe au sein d’un II les quatre alinéas suivants tout en incluant l’alinéa inséré par le f) du présent 2°.

En deuxième lieu, il prévoit explicitement un délai de réponse implicite d’acceptation de l’assurance maladie, éventuellement différent selon la nature de la prestation. En l’état actuel du droit, un tel délai de réponse existe déjà même s’il s’applique uniformément. L’article R. 162-52 du code de la sécurité sociale en fixe le délai à quinze jours.

Le cadre légal et réglementaire ne permet pas aujourd’hui de moduler le délai selon les prestations. L’intention du Gouvernement n’est pas de multiplier exagérément le nombre de délais distincts. Si l’objectif demeure toujours de rendre une décision rapide, il doit cependant être tenu compte de la complexité de certaines prises en charge ou des enjeux financiers. Dans ces deux derniers cas, le temps imparti pourra sans doute être plus long afin que l’examen du dossier puisse être convenablement effectué.

En dernier lieu, le b) met fin à l’ambiguïté relative aux critères d’appréciation justifiant l’accord préalable. La nouvelle rédaction prévoit expressément qu’ils peuvent être pris isolément.

Les c) à f) tendent à préciser les critères de déclenchement de la procédure de demande d’accord préalable.

Cet objectif aurait pu être atteint par une décision du collège des directeurs de l’UNCAM, comme c’est aujourd’hui le cas. Mais, ce vecteur n’aurait pas permis de satisfaire les obligations européennes en matière de transparence. Au terme du droit européen, les critères décisionnels doivent en effet être objectifs et transparents. Une transcription législative se justifie pleinement de ce point de vue. Du reste, des échanges avec le Gouvernement, il ressort que la rédaction actuelle, plutôt équivoque, ne permettait pas de parvenir à une application uniforme. Le projet de loi est donc l’occasion de préciser les critères de déclenchement afin d’éviter des contentieux inutiles.

Au-delà d’une modification d’ordre rédactionnel, le c) précise la portée du premier critère d’engagement de la demande d’accord préalable. La nécessité doit être appréciée au regard d’indications déterminées ou de conditions particulières d’ordre médical. La portée de l’appréciation est complétée par une mention envisageant le risque « prévisible ou avéré » de non respect des indications ouvrant droit à prise en charge ou de mésusage.

Le d) procède à une stricte modification d’ordre rédactionnel portant sur le deuxième critère de déclenchement.

Le e) précise la portée du dernier critère de déclenchement portant sur le « caractère particulièrement coûteux ». La nouvelle rédaction autorise un déclenchement fondé sur l’anticipation d’un risque de dérapage des dépenses alors que la procédure n’est aujourd’hui lancée qu’a posteriori. L’appréciation peut se fonder non seulement sur le coût unitaire de la prestation mais également sur le volume global des prestations prises en charge.

Le f) vise à introduire un quatrième critère de déclenchement fondé sur le constat du recours à des prestations moins coûteuses. Cette modification est particulièrement structurante compte tenu du taux de prescription en matière de génériques. Elle permettra aussi de cibler le cas des nouveaux produits, particulièrement onéreux, dont l’efficacité n’est pas avérée. L’objectif vise à influer sur la structure de prescription : à efficacité comparable, il s’agit d’orienter la prescription vers le produit dont le coût est le moins élevé pour l’assurance maladie.

b.   L’initiative du déclenchement partagée par l’assurance maladie et l’État

Le g) regroupe au sein d’une même subdivision les sixième et septième alinéas de l’article L. 315-2 dans sa rédaction actuelle ainsi que les deux alinéas insérés par le h).

Le h) tend à modifier l’initiative du recours à la demande d’accord préalable. Trois possibilités de déclenchement sont désormais prévues :

– selon l’initiative de l’UNCAM comme c’est aujourd’hui le cas ;

– selon une initiative partagée entre les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et l’UNCAM. Les ministres pourront en effet saisir le collège des directeurs de l’UNCAM d’une proposition. Au terme d’un délai fixé par décret et en l’absence d’une action du collège, un arrêté interministériel déclenchera la procédure.

– selon l’initiative des seuls ministres de la santé et de la sécurité sociale pour les inscriptions ou renouvellement d’inscription de certains produits de santé : médicaments délivrés en ville (article L. 162-17 du code de la sécurité sociale), des médicaments relevant de la liste en sus pour les activités de court et de longs séjours (articles L. 162-22-7 et L. 162-23-6 du même code), des dispositifs médicaux relevant de liste des produits et prestations remboursables (article L. 165-1 dudit code), les médicaments relevant de la liste à l’usage des collectivités (L. 5123-1 du code de la santé publique), les médicaments bénéficiant d’une autorisation temporaire d’utilisation (article L. 5121-12 du même code), du régime « post-ATU » (article L. 162-16-5-2 du code de la sécurité sociale) ou d’une recommandation temporaire d’utilisation (article L. 162-17-2-1 du même code). Un décret en Conseil d’État en fixe les conditions d’application.

Les i) et j) regroupent les avant-dernier et dernier alinéas de l’article L. 315-2 respectivement au sein d’un IV et d’un V. le i) procède en outre à des mesures de coordination.

c.   La mise en place d’un contrôle a posteriori

Le du I vise à rétablir un article L. 315-3 relatif au contrôle de la mise en œuvre effective de l’accord préalable. Il précise que, s’agissant des produits et prestations associées soumises à accord préalable, le pharmacien, le prestataire de service et tout autre distributeur de matériels doivent s’assurer que l’accord de prise en charge a été rendu. Le dispositif précise en outre que l’intéressé est « tenu dagir conformément à la décision du service du contrôle médical ».

Le manquement à cette obligation peut donner lieu à une procédure de recouvrement de l’indu dans les conditions de l’article L. 133-4 : en l’espèce, le recouvrement n’est pas opéré auprès de l’assuré social mais bien auprès du distributeur (pharmacien, prestataire de service et autre distributeur de matériels).

d.   Le sort des décisions prises avant l’application de la présente loi

Le II fixe le régime transitoire des décisions prises par le collège des directeurs de l’UNCAM qui sont aujourd’hui prises sur le fondement du quatrième alinéa de l’article L. 315-2 dans sa rédaction actuelle. Afin d’éviter tout contentieux, il est précisé que ces décisions, prises sur le fondement des anciens critères, continueront de s’appliquer jusqu’à l’intervention de nouvelles décisions.

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La commission examine les amendements identiques AS53 de M. Thibault Bazin et AS90 de M. Dominique Door.

M. Thibault Bazin. Vous voulez obliger le médecin à porter sur l’ordonnance la mention supplémentaire « non remboursable » lorsqu’une prestation ou un produit ne fait pas l’objet d’une prise en charge. Vous voulez encore lui faire porter la mention « subordonné à un accord préalable du service médical » lorsque l’accord est en cours d’instruction.

Il s’agit clairement d’une surcharge administrative supplémentaire ; les médecins en souffrent déjà – j’ignore s’il s’agit d’une maladie, mais l’ordonnance que vous vous apprêtez à prendre, loin d’apporter le remède, va l’empirer, et cela n’encouragera pas les vocations. C’est pourquoi nous proposons par l’amendement AS53 la suppression des alinéas 2 et 3 de cet article.

M. Bernard Perrut. Tout est fait pour alourdir la charge administrative des médecins, à tout le moins, c’est ce qu’ils perçoivent à cause de cette complication du mécanisme d’accord préalable, demandée par la ministre, et que notre amendement AS90 propose de supprimer.

Le dispositif de demande d’autorisation préalable permet de conditionner un remboursement du régime obligatoire à l’obtention d’un accord préalable du service médical de l’assurance maladie. Le 5° du I prévoit précisément, d’une part, d’obliger les prescripteurs à inscrire la mention « non remboursable » sur l’ordonnance d’une prestation ou d’un produit prescrit en l’absence d’accord préalable, et d’autre part, de les obliger à inscrire que la prise en charge est subordonnée à un accord préalable du service médical lorsqu’une demande d’accord est en cours d’instruction.

Nous voulons alléger ce dispositif, car un médecin est surtout fait pour soigner et consacrer tout son temps à son patient, non à de la paperasse et des écritures supplémentaires.

M. le rapporteur général. Nous parlons d’une disposition qui prévoit l’obligation pour le prescripteur, en l’absence d’accord préalable, d’inscrire la mention « non remboursable » sur l’ordonnance prescrivant le produit ou la prestation.

Cet article va dans le sens d’une meilleure information de l’usager lorsqu’il va chercher son produit de santé dont le remboursement a été refusé et qui sera donc à sa charge. J’ai posé la question de savoir qui devait informer le patient : ne devrait-ce pas être le pharmacien ? L’un n’empêche pas d’autre. Je me suis interrogé sur la lourdeur administrative du dispositif ; on m’a répondu que, dans les logiciels « métiers » des professionnels de santé, cette mention « non remboursable » sera automatisable. Le problème n’est donc pas tant celui de l’écrire à la main que d’en informer l’usager.

J’ai demandé davantage d’informations aux services du ministère afin de mesurer la portée réelle de cet article ; nous pourrons avoir ce débat dans l’hémicycle, si vous en êtes d’accord, pour obtenir toutes les réponses portant sur les aspects pratiques.

Pour ces raisons, mon avis est défavorable.

M. Thibault Bazin. Avez-vous eu, monsieur le rapporteur, la confirmation que la mention « subordonné à un accord préalable » figurera aussi dans les logiciels « métier » des médecins ? Le cas échéant, sous quels délais ?

M. le rapporteur général. Je n’ai pas la réponse à ces questions ; c’est pourquoi je vous propose d’en rediscuter en séance publique.

M. Julien Borowczyk. Je partage le point de vue du rapporteur ; si j’en crois mon expérience personnelle, ce genre de prescription est très rare, la charge supplémentaire de travail me paraît tout à fait négligeable. Cet amendement ne me paraît pas justifié.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle adopte l’article 42 sans modification.

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Après l’article 42

La commission examine les amendements identiques AS56 de M. Thibault Bazin et AS92 de M. Dominique Door.

M. Thibault Bazin. Les articles L. 162-1-9 et L. 162-1-9-1 du code de la sécurité sociale rompent avec les principes de la négociation conventionnelle, chère au rapporteur qui a usé de cet argument pour refuser un de nos amendements. C’est la raison pour laquelle mon amendement AS56 se propose de les abroger.

M. Dominique Door. Ces deux articles du code de la sécurité sociale déterminent la procédure de fixation des tarifs et de classification des matériels lourds, ce qui va dans le bon sens : il faut qu’une commission intervienne, car la classification des équipements médicaux lourds est très variable.

Mais là où le bât blesse, c’est qu’en cas de défaut d’accord, le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) fixe unilatéralement les tarifs et la classification. C’est là une rupture avec les négociations conventionnelles et les contrats professionnels ; mon amendement AS92 tend donc à abroger les articles L. 162-1-9 et L. 162-1-9-1 et à restaurer le principe de la négociation conventionnelle.

M. le rapporteur général. Je suis très attaché à la négociation conventionnelle et au dialogue social. De fait, ces deux articles sont comme des ovnis et posent un certain nombre de questions ; ils ont été adoptés l’an dernier au cours de l’examen du PLFSS ; les enjeux financiers sont colossaux, ce que souligne la Cour des comptes. Sur le plan de la méthode, cette situation n’est pas satisfaisante. Cela étant, il ne me revient pas de vous dire que nous pouvons revenir sur une disposition mise en place il y a un an, et confirmée à l’issue d’une procédure intentée par des radiologues.

Ce sujet pourrait être débattu en séance publique avec la ministre ; je ne peux donner un avis favorable à ces amendements, même si vous avez compris que, sur la forme, je préfère toujours le dialogue conventionnel à des articles de loi plus contraignants.

La commission rejette ces amendements.

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Article 43
Extension de la mise sous objectifs et la mise sous accord préalable à tous les prescripteurs

Cet article vise à étendre les procédures de mise sous objectif et de mise sous accord préalable à tous les professionnels de santé. L’intention du Gouvernement est de prévoir leur application aux sages-femmes, infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes pour les prescriptions qu’ils sont amenés à délivrer.

L’article a également vocation à préciser les critères de ciblage qui permettent d’en justifier le recours.

Il prévoit enfin le non-remboursement des prestations réalisées dans les établissements de santé omettant de faire une demande d’accord préalable.

I.   La mise sous accord préalable et la mise sous objectif : une alternative destinée à accompagner les médecins fortement prescripteurs

1.   L’accompagnement des médecins libéraux fortement prescripteurs

L’article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale prévoit les procédures de mise sous accord préalable (MSAP) et de mise sous objectif (MSO) des médecins libéraux. Ces procédures sont engagées lorsqu’ont échoué les actions menées par l’assurance maladie pour accompagner les médecins fortement prescripteurs dans l’amélioration de leur pratique médicale. Elle consiste à cibler les médecins dont les prescriptions sont sensiblement supérieures aux moyennes constatées dans un territoire donné pour la même activité.

La MSO constitue une alternative à la MSAP. Elle vise à atteindre un objectif de réduction des prescriptions ou réalisations en cause dans un certain délai en accord avec le prescripteur.

Ce n’est qu’en cas de refus du médecin que la MSAP est engagée. Cette dernière vise à subordonner à l’accord préalable de l’assurance maladie pour une durée de six mois les prescriptions des actes, produits ou prestations inscrits aux nomenclatures, de transports sanitaires ou d’arrêts de travail. L’objectif vise à réduire l’écart entre les pratiques moyennes observées sur le territoire et celle du médecin.

Il s’agit d’une procédure contradictoire, le médecin devant être mis en mesure de présenter ses observations. Est également requis l’avis d’une commission placée auprès de l’assurance maladie, à laquelle participent des professionnels de santé.

2.   L’accompagnement des établissements vers la pertinence des soins

La MSAP peut aussi s’appliquer aux établissements de santé. Prévue par l’article L. 162-1-17 du code de la sécurité sociale, elle consiste à subordonner la prise en charge par l’assurance maladie de certains soins à l’accord préalable du service du contrôle médical de l’organisme local d’assurance maladie, pour une durée ne pouvant excéder six mois.

La décision est prise par le directeur général de l’agence régionale de santé, sur proposition du directeur de l’organisme local d’assurance maladie après la mise en place d’une procédure contradictoire.

En ce cas, l’établissement de santé ne peut facturer au patient les prestations d’hospitalisation qui font l’objet d’un refus de prise en charge. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, la procédure s’applique à l’ensemble des prestations d’hospitalisation, des actes et des prescriptions délivrées par l’établissement de santé.

II.   L’extension du champ de la mise sous objectif et de la mise sous accord préalable

L’article vise à étendre le champ d’application de la mise sous accord préalable et d’en réviser les critères de ciblage pour la ville. Il a également pour objet d’étendre aux établissements de santé le non-remboursement des actes et prestations lorsque celui-ci ne sollicite pas l’accord préalable du service du contrôle médical.

1.   La procédure dans le cadre de la médecine de ville

Le I vise à modifier l’article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale afin d’étendre la portée de la procédure de mise sous accord préalable et de mise sous objectif.

a.   Une extension à tous les professionnels de santé

Le 1° du I l’étend à tous les professionnels de santé. Il s’agit ici de permettre la MSAP des sages-femmes, des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes pour les prescriptions qu’ils sont amenés à délivrer :

– au terme de l’article L. 4151-4 du code de la santé publique, les sages-femmes sont autorisées à prescrire des dispositifs médicaux ou des médicaments figurant sur une liste limitative ainsi que les « examens strictement nécessaires à lexercice de leur profession ». L’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale dispose qu’elles peuvent prescrire des arrêts de travail ;

– au terme de l’article L. 4311-1 du même code, les infirmiers sont autorisés à renouveler les prescriptions, datant de moins d’un an, de médicaments une durée maximale de six mois. Ils sont aussi habilités à prescrire des dispositifs médicaux figurant dans une liste limitative ;

– au terme de l’article L. 4321-1 dudit code, les masseurs-kinésithérapeutes peuvent adapter, sauf indication contraire du médecin, dans le cadre d’un renouvellement, les prescriptions médicales initiales d’actes de masso-kinésithérapie datant de moins d’un an et sont habilités à prescrire des dispositifs médicaux dans le cadre d’une liste limitative.

b.   La révision des critères de ciblage

Le 2° du I procède à une modification d’ordre rédactionnel portant sur le troisième alinéa du I de l’article L. 162-1-15 précité. Cet alinéa fixe les critères de ciblage des arrêts de travail délivrés par les médecins au regard de leurs confrères exerçant dans le ressort de la même agence régionale de santé. Compte tenu de l’extension du champ aux autres professions de santé, il est précisé que la comparaison est bien effectuée au sein de la même profession.

Le 3° du I vise à réviser les critères de ciblage de la MSAP pour les arrêts de travail et les prescriptions d’un acte, produit ou prestation. L’évaluation des écarts repose aujourd’hui sur le nombre de prescriptions rapporté aux consultations effectuées. La modification consiste à rapporter ces prescriptions au nombre de patients concernés par « un acte ou une consultation » sur une période donnée.

Selon l’étude d’impact, cette modification permettrait « déviter une neutralisation des critères de ciblage par une répétition des actes par le professionnel ». Il s’agit aussi de prendre en compte « les situations liées à la réalisation dactes techniques et non uniquement de consultations ». La rédaction permet ainsi d’inclure les actes spécifiques effectués par les médecins spécialistes ainsi que ceux effectués par les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes. En effet, le terme de « consultations », actuellement employé dans le code, est trop restrictif et ne concerne que les médecins et les sages-femmes.

Le 4° du I prévoit d’adapter également les critères retenus pour le ciblage des prescriptions de transport. Il vise d’une part le montant remboursé et non plus seulement le nombre de prescriptions. En effet, un nombre important de prescriptions effectué par le même professionnel n’entraîne pas nécessairement un montant élevé de dépenses. Il vise d’autre part à rapporter le nombre de prescriptions ou leur montant au nombre de patients concernés dans les mêmes conditions terminologiques que le 3° du I. Là encore, la rédaction a été modifiée pour tenir compte des actes et des soins plutôt que du terme trop restrictif de « consultations ».

Le 5° du I vise à préciser la portée du ciblage portant sur les prescriptions d’acte, produit ou prestation. Comme pour le 2°, il est précisé que toute comparaison est effectuée au sein de la même profession. Le 5° dispose en outre que le décompte des actes ne doit pas inclure ceux qui résultent d’une prescription médicale « précisant expressément leur nombre ».

2.   La procédure dans le cadre des établissements de santé

Le II vise à modifier l’article L. 162-1-17 relatif à la MSAP des établissements de santé. Actuellement, cet article prévoit qu’en pareil cas, l’établissement de santé qui délivre des actes ou prestations malgré une décision de refus de prise en charge n’est pas remboursé. L’article dispose que l’établissement ne peut les facturer au patient.

La portée de l’article est modifiée afin de pénaliser les établissements de santé qui omettent de demander l’accord préalable à l’assurance maladie.

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La commission adopte l’article 43 sans modification.

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Chapitre IV
Moderniser le financement du système de santé

Article 44
Report de certaines dispositions du règlement arbitral dentaire

Un règlement arbitral exceptionnel a été prévu par l’article 75 de la loi de financement pour 2017 en cas d’échec des négociations engagées sur un avenant à la convention entre l’assurance maladie et les chirurgiens-dentistes. Approuvé le 29 mars 2017 par le Gouvernement de la précédente majorité, le règlement arbitral est publié et appliqué. Il prévoit notamment des dispositions portant sur la réévaluation des soins conservateurs et des soins prothétiques. Ce règlement constitue le cadre juridique des relations entre l’assurance maladie et les chirurgiens-dentistes.

Faisant suite aux intentions de la ministre des solidarités et de la santé, cet article vise à reporter l’entrée en application des dispositions litigieuses du règlement portant sur le rééquilibrage de l’activité dentaire au profit des soins conservateurs et chirurgicaux d’une part, sur la réévaluation des actes conservateurs des tissus dentaires d’autre part. Cette mesure permettra aux parties prenantes d’engager de nouvelles négociations en vue de dégager un accord convenant à tous les acteurs.

Si le report « donne du mou », il va sans dire, qu’en cas de nouvel échec, les dispositions non consensuelles trouveront à s’appliquer dès 2019.

I.   Les enjeux du règlement arbitral dentaire

La convention relative aux rapports entre l’assurance maladie et les chirurgiens-dentistes a été reconduite en juin 2016. Des négociations ont ensuite été ouvertes sur un avenant relatif à la réévaluation des soins conservateurs et des soins prothétiques au sein de la rémunération des chirurgiens-dentistes. Alors que les négociations suivaient leur cours, la loi de financement pour 2017 a défini une procédure subsidiaire en cas d’échec des négociations se concluant par un règlement arbitral.

Le texte prévoit, qu’à défaut de la signature d’un avenant à la convention nationale des chirurgiens-dentistes au 1er février 2017, un arbitre aura la responsabilité d’arrêter un projet de convention, « dans le respect du cadre financier pluriannuel des dépenses dassurance maladie ».

Dans ce cadre un règlement arbitral a été rédigé par le président de chambre honoraire à la Cour des comptes Bertrand Fragonard. Soumis à la ministre des Affaires sociales et de la santé, il a été approuvé par un arrêté du 29 mars 2017 publié au Journal officiel. Il prévoit des mesures articulées autour de quatre axes :

– le plafonnement des tarifs des prothèses et l’augmentation de la base de remboursement des couronnes ;

– l’amélioration de l’accès aux soins dentaires pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l’aide à l’acquisition d’une protection en matière de santé (ACS) ;

– l’amélioration de la prévention et la revalorisation des soins courants ;

– l’amélioration de la prise en charge des patients à risques (handicap mental sévère, patients diabétiques).

Dans une annonce datée de juillet 2017, la ministre des solidarités et de la santé a souhaité la mise en place de nouvelles négociations portant sur les dispositions litigieuses entre L’UNCAM et les représentants des chirurgiens-dentistes. Des lignes directrices ont été adressées à cet effet au directeur général de l’UNCAM le 18 juillet 2017. Afin de laisser toute sa chance à la conclusion d’un accord, il convient de procéder au report de l’application des dispositions pour lesquelles des divergences subsistent.

II.   le droit proposé

Cet article prévoit de reporter l’entrée en vigueur des dispositions du règlement arbitral relatives au rééquilibrage de l’activité dentaire au profit des soins conservateurs et chirurgicaux d’une part, à la réévaluation des actes conservateurs des tissus dentaires d’autre part (pose des couronnes notamment).

Il ne faut cependant pas se méprendre sur la portée de cet article.

Le rapporteur général précise qu’hormis cette exception, le règlement arbitral constitue toujours le cadre juridique des relations entre l’UNCAM et les chirurgiens-dentistes. Ainsi, les arrêtés qui accompagnent celui du règlement arbitral et qui prévoient l’amélioration du remboursement des actes effectués auprès des bénéficiaires de la CMU-C et de l’ACS sont maintenus.

L’article ne met donc pas fin au règlement arbitral et n’a pas vocation à s’y substituer. Il ne supprime pas non plus ses éléments litigieux. Il ne fait que surseoir à leur application, le temps pour les partenaires conventionnels de se mettre d’accord sur des termes qu’ils jugeraient plus appropriés.

La présentation de cette mesure dans le cadre d’une loi de financement est justifiée à double titre :

– d’une part, l’intervention du législateur est nécessaire. L’arbitre prévu par l’article 75 de la loi de financement pour 2017 n’est plus compétent en raison de l’approbation du règlement par voie d’arrêté. Le règlement arbitral constitue ainsi le cadre juridique des relations entre L’UNCAM et les chirurgiens-dentistes. En l’état actuel du droit, il emporte plein effet y compris dans ses dispositions les moins consensuelles. Le législateur ayant prévu la possibilité d’un règlement arbitral pour un avenant, le parallélisme des formes exige son intervention si l’on veut surseoir aux éléments litigieux.

– d’autre part, elle emporte des modifications sur l’équilibre des comptes sociaux pour l’année 2018 et les années suivantes. Le report des mesures de revalorisations des actes se traduit par une économie de 152 millions d’euros pour l’année 2018 selon l’étude d’impact ([332]).

Le report des mesures de revalorisation des actes.

En millions d’euros

 

2018

2019

2020

2021

2022

Dépenses AMO avec application du règlement arbitral (1)

152

190

156

109

 

Dépenses AMO Mesure LFSS (2)

 

152

190

156

109

Impact de la mesure LFSS =  (1) - (2)

152

38

-34

-47

-109

Source : CNAMTS, calcul DSS

L’article prévoit l’entrée en vigueur du règlement arbitral au 1er janvier 2018 sous deux réserves.

Le reporte d’une année l’application des revalorisations tarifaires de soins bucco-dentaires et des plafonnements tarifaires des actes à honoraires à entente directe ([333]) applicables à certains actes prothétiques ainsi que la réévaluation des actes conservateurs des tissus dentaires. Il vise à décaler d’une année l’échelonnement de ces dispositions prévu par les articles 3 et 4 ainsi que par les annexes I C à G du règlement arbitral. L’application de ces dispositions prendra effet le 1er janvier 2019 et s’étalera jusqu’en 2022.

Le modifie en conséquence les montants de référence mentionnés à l’annexe I H du règlement arbitral pour le déclenchement de la clause de sauvegarde. Le règlement prévoit en effet des indicateurs de suivi permettant d’apprécier le rééquilibrage de l’activité dentaire prévu par l’article 3 qui combine revalorisations tarifaires des actes bucco-dentaires et plafonnement des actes à entente directe. Le décalage d’un an de l’entrée en vigueur des dispositions litigieuses emporte des conséquences sur les seuils fixés par le règlement.

Deux séries d’indicateurs ont ainsi été définies pour chacune de ces composantes :

– dans le cas de la revalorisation tarifaire, le respect ou non des objectifs chiffrés de maîtrise médicalisée d’une année conditionne la mise en place ou le gel des nouveaux tarifs pour l’année suivante. Le montant des seuils est progressif jusqu’en 2021 (+ 0,46 milliard d’euros sur la période 2017-2021).

– dans le cas du mécanisme de plafonnement tarifaire, le respect ou non des évolutions estimées pour une année détermine pour l’année suivante un durcissement ou non des plafonds. L’application des seuils entraîne un effort de 0,32 milliard d’euros sur la période 2017-2021.

*

La commission examine l’amendement AS293 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. Au cours de la campagne pour les élections présidentielles, M. Macron avait promis la prise en charge totale des prothèses dentaires. Vous prenez souvent pour argument d’autorité que, lorsque le candidat Macron s’est engagé à prendre une mesure, il est légitime de le faire ; vous l’avez largement utilisé pour modifier le code du travail ou supprimer l’impôt sur la fortune (ISF).

Pourtant, malgré le caractère prioritaire de l’accès aux soins bucco-dentaires, cet engagement-là n’est pas tenu. Nous nous étonnons donc que le Gouvernement envisage de reporter d’un an l’application du règlement arbitral plafonnant les dépassements sur les soins prothétiques. D’autant plus que ce report ne concerne pas l’augmentation des tarifs plafonds applicables aux bénéficiaires de la CMU.

Le Gouvernement veut se donner le temps de la discussion dans un climat apaisé : nous l’avons connu bien plus expéditif quand il a légiféré par ordonnances… Lorsqu’il s’agit de négocier avec les fédérations de chirurgiens-dentistes, il en prend bien plus que pour dialoguer avec les salariés avant de sabrer des droits !

C’est surtout une mauvaise nouvelle pour les patients puisqu’il s’agit d’une nouvelle année de perdue en matière de santé bucco-dentaire. Or nous ne voyons aucun engagement du Gouvernement propre à nous permettre de penser qu’il ne s’agirait pas de l’abandon pur et simple d’une promesse de campagne du Président de la République.

M. le rapporteur général. S’agissant de la promesse de supprimer le reste à charge sur les soins prothétiques auditifs et dentaires lourds d’ici à la fin du mandat, nous serons un certain nombre à être vigilants, car c’est une belle promesse : c’est la première cause de renoncement aux soins pour raisons financières dans notre pays.

Dans la mesure où cela relève d’un partenariat et d’une négociation avec les organismes complémentaires, comme l’a expliqué le Président de la République pendant sa campagne, cette question ne concerne pas le PLFSS. Je sais par ailleurs que la ministre de la santé et des solidarités est très attentive à ce sujet.

Vous avez entendu ce que j’ai dit sur le respect du dialogue conventionnel, très important dans notre système de soins, qui doit se dérouler entre l’assurance maladie, les professionnels et leurs instances représentatives, et je vous sais sensible au dialogue social. Je considère qu’un règlement arbitral n’est jamais une bonne solution : c’est l’échec de la négociation.

La ministre a souhaité accorder davantage de temps à celle-ci afin que le dialogue reprenne dans de bonnes conditions, et a choisi de reporter cette décision, pour l’heure sortie du cadre de la convention et qui aujourd’hui pèse sur les épaules des dentistes.

Je suis donc défavorable à votre amendement par respect pour le dialogue, mais aussi parce que je crois important que cette convention dentaire reparte sur de bonnes bases. Il faut notamment que la tarification de certains actes puisse être revalorisée, ce qui n’a pas été fait depuis un certain nombre d’années. Certains traitements de dentisterie devront aussi être revisités, et le rôle des hygiénistes reconsidéré… Bien des choses restent à discuter : laissons les professionnels dialoguer avec l’assurance maladie, c’est le rôle de la convention.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS20 de Mme Marine Brenier.

Mme Nicole Sanquer. L’article 75 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 prévoyait l’instauration d’un règlement arbitral devant le constat d’échec des négociations conventionnelles entre les chirurgiens-dentistes et l’assurance maladie.

Cela a fragilisé les conditions d’exercice des professionnels et ne permet pas de répondre aux enjeux d’une dentisterie moderne et préventive. La ministre Agnès Buzyn a annoncé le report de l’application des modalités tarifaires du règlement arbitral, et a convoqué de nouvelles négociations conventionnelles.

Cette décision est inscrite à l’article 44 du PLFSS pour 2018, qui reporte à 2019 l’entrée en vigueur dudit règlement.

Mon amendement AS20 propose l’abrogation du règlement arbitral afin d’adresser un signal positif à la profession et d’instaurer un cadre de dialogue serein permettant aux parties prenantes d’envisager des modalités de la dentisterie française en accord avec les données acquises et actuelles de la science, notamment la révolution de la prévention.

M. le rapporteur général. Votre amendement vise à supprimer la disposition législative qui a permis la mise en place du règlement arbitral, mais il ne supprime pas le règlement arbitral et ne permet pas non plus la reprise des négociations ; bien au contraire, il produirait l’effet inverse à celui que vous souhaitez car, en supprimant l’article, nous n’aurions plus la possibilité de suspendre les dispositions litigieuses du règlement arbitral : il ne suffit pas d’abroger le texte qui a mis en place le règlement il y a un an pour le supprimer. Je vous propose donc de retirer cet amendement.

Mme Nicole Sanquer. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 44 sans modification.

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*     *

Après l’article 44

La commission examine en discussion commune les amendements AS218 de M. Pierre Dharréville, AS335, AS332 et AS333 de M. Joël Aviragnet.

M. Alain Bruneel. L’article additionnel que nous proposons d’insérer par notre amendement AS218 tend à créer les conditions propres à éviter les concentrations de médecins dans certaines zones, et à couvrir en médecins libéraux les territoires en difficulté.

La désertification médicale ne cesse de s’aggraver ; la ministre a fait part de son intention de doubler le nombre des maisons de santé. Chacun sait toutefois que la chose n’est pas si simple : une fois le bâtiment construit, il arrive que les locaux restent vides faute de médecins ou d’infirmières.

Afin de lutter efficacement contre les déserts médicaux, notre amendement propose d’étendre aux médecins libéraux un dispositif de régulation à l’installation qui existe déjà pour plusieurs autres professionnels de santé : pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et orthophonistes. Il prévoit que, dans des zones définies par les Agences régionales de santé (ARS) en concertation avec les syndicats médicaux dans lesquelles est constaté un fort excédent en matière d’offre de soins, un nouveau médecin libéral ne pourra s’installer en étant conventionné à l’assurance maladie que lorsqu’un médecin libéral de la même zone aura cessé son activité. Le principe de la liberté d’installation demeure donc, mais le conventionnement n’est possible que de manière sélective pour les nouvelles installations.

M. Joël Aviragnet. Mon amendement AS335 vise, dans le même esprit, à conventionner un médecin lorsque l’un de ses confrères cesse son activité.

Je me suis penché sur le plan du Gouvernement relatif à l’accès territorial aux soins ; j’ai pu constater qu’il ne comporte que des mesures incitatives. Les principales mesures portent sur l’aide à l’installation, les maisons de santé, dont le financement n’est pas certain puisque confié aux intercommunalités, le développement de la télémédecine, qui nécessite toutefois des professionnels ; mais, dans le monde rural, il faut aussi des réseaux, ce qui n’est pas toujours le cas.

Les mesures incitatives mises en place par le précédent Gouvernement ont montré leurs limites. Il est temps d’aller plus loin et d’opter pour des mesures un peu plus contraignantes. D’autant que lorsque je rencontre de jeunes internes dans les cabinets médicaux de ma circonscription du sud de la Haute-Garonne, je ne trouve franchement pas beaucoup d’oppositions à l’idée de venir s’installer là où des besoins existent, à condition évidemment que ces mesures soient accompagnées.

M. le rapporteur général. Je demeure très opposé aux mesures coercitives pour l’installation des professionnels de santé. C’est injuste, inefficace, et mal approprié aux enjeux.

En premier lieu, j’aimerais que l’on cesse de parler de déserts médicaux, mais simplement de déserts : les médecins ne sont pas des déserteurs. S’ils ne s’installent pas dans certains territoires, c’est généralement parce que cela fait longtemps que les services publics et privés se sont « fait la malle », si vous me permettez l’expression… Sans parler des difficultés d’accès à l’emploi, aux transports, etc.

Cela étant, il est absolument indispensable de maintenir une présence sanitaire dans ces territoires. Nous devons réfléchir à la notion de disponibilité en offre de soins. Je pense d’abord aux maisons de santé pluridisciplinaires : la ministre de la santé et des solidarités et le Premier ministre ont annoncé la semaine dernière leur objectif, ambitieux, d’en doubler le nombre. Ces structures permettent une démarche plus collective et intégrée dans le domaine de l’offre de soins. Il y a la télémédecine ; nous venons d’adopter un article qui la généralise. Elle permettra de casser les distances et de faire en sorte que chacun ait accès à des soins spécialisés et primaires de qualité. Beaucoup de mesures incitatives se développent.

Je me suis exprimé sur la question de la démographie : quand un médecin sur quatre qui s’installe en France est titulaire d’un diplôme étranger, quand des étudiants français partent dans des facultés et des écoles francophones d’Europe de l’Est afin de se former à la médecine pour revenir demain s’installer en France, on peut se poser la question de l’utilité du numerus clausus. La France formait 8 000 médecins en 1972 ; elle en forme 7 000 aujourd’hui alors qu’il y a 15 millions d’habitants en plus.

Le sujet est extrêmement complexe, il n’y a pas de martingale, de solution toute faite contre la désertification médicale : il faut un bouquet de mesures.

Là où on y a recouru, les mesures incitatives ont produit un effet qui n’était pas approprié. Comme le disait Coluche, tous les champignons sont comestibles en apparence, mais certains ne le sont qu’une fois… Si l’on commence à casser la dynamique du conventionnement pour tous et si l’on instaure un conventionnement sélectif, je crains que l’on ne casse totalement le mouvement que nous tentons d’impulser depuis quelques années et qui sera amplifié par le plan pour l’égal accès aux soins. Il faut donner aux professionnels de santé l’envie de s’installer, leur faire découvrir la médecine libérale, faire connaître les territoires ruraux aux étudiants en formation ; toutes ces mesures sont efficaces. Mais la contrainte est une vieille lune qui ne fonctionne pas.

Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable sur tous ces amendements.

M. Joël Aviragnet. Les amendements AS332 et AS333 participent d’un même esprit. Le dernier d’entre eux reprend l’idée d’un conventionnement sélectif dans le cadre d’une expérimentation. Parmi les mesures citées par le rapporteur général, il me semble que l’augmentation du numerus clausus faisait partie des promesses du Président de la République. Je ne le retrouve pas dans le plan présenté par le Gouvernement, mais cela viendra peut-être...

M. le rapporteur général. Même avis défavorable que sur les amendements précédents. Nous aurons peut-être l’occasion de reparler du numerus clausus. Il faut être capable de réaliser des projections à 5, 10 ou 15 ans pour voir quels seront les besoins en santé, mais on doit aussi continuer à développer des pratiques avancées, telles que les coopérations interprofessionnelles, qui peuvent permettre de moderniser notre système d’offre de soins. Il reste à poursuivre le développement d’un grand nombre de mesures très belles avant de se tourner vers d’autres qui paraissent très simples, mais sont en réalité inapplicables et injustes en pratique.

M. Thomas Mesnier. Le plan pour l’accès aux soins qui a été annoncé par le Premier ministre et la ministre des solidarités et de la santé, vendredi dernier, tend effectivement à renforcer les mesures incitatives, à libérer les professionnels d’un certain nombre de contraintes et à favoriser un travail en groupe ou multi-sites, c’est-à-dire à casser des barrières qui contraignent au quotidien. Ce plan a été très bien accueilli par l’ensemble des professionnels qui se sont exprimés. Il porte sur les court et moyen termes. La modification du numerus clausus aurait des effets à bien plus long terme – il faudrait au moins dix ou douze ans pour que ces effets soient perceptibles. Le Président de la République s’est néanmoins engagé à ce que l’on y réfléchisse. Je ne doute donc pas que nous en rediscutions dans les mois à venir.

M. Joël Aviragnet. J’entends bien que les mesures incitatives sont importantes, mais cela fait un certain temps qu’elles sont appliquées ou bien que nous essayons de les mettre en place. Résultat : il n’y a pas eu d’amélioration. Dans les zones rurales, et au-delà, des populations n’ont plus accès aux soins.

Je le dis sans être un défenseur des mesures contraignantes à tout crin. J’habite dans un village de 700 habitants pourvu d’un cabinet médical qui reçoit de jeunes internes. Ils me disent qu’ils peuvent venir pendant leur formation s’ils sont financièrement aidés – et je pense en effet que l’on peut avoir une réflexion sur les mesures d’accompagnement.

Je regrette que Mme Poletti n’ait pas pu défendre son amendement, identique aux AS218 et AS335. Je crois me souvenir qu’elle avait évoqué il y a quelques années l’idée que l’on revienne sur la libre installation des médecins.

Mme Monique Iborra. C’est un sujet complexe, qui ne date pas d’aujourd’hui, et il est vrai aussi que les mesures mises en place tardent à montrer leur efficacité.

Le déconventionnement serait une très mauvaise idée : ce n’est pas tant les médecins que l’on pénaliserait que les malades.

J’ai reçu la semaine dernière des internes. Ils ne voulaient pas entendre parler de la question du numerus clausus, mais étaient tout à fait favorables au salariat. C’est une évolution chez certains médecins, même si tous ne sont pas d’accord, en particulier les syndicats. Les internes font cette proposition et je crois qu’il serait bon de les entendre.

M. Sylvain Maillard. Élu parisien, j’ai moi aussi été amené à m’occuper de l’implantation de médecins dans ma circonscription. Paris deviendra dans quelques années un désert médical en ce qui concerne les généralistes : nous n’arrivons plus à implanter de nouveaux cabinets. Le problème ne concerne pas seulement les zones rurales, mais aussi les grandes villes et la capitale.

Les propos du rapporteur général sont très justes. S’il suffisait d’appuyer sur un seul bouton, on l’aurait fait depuis bien longtemps – il y a les incitations, la télémédecine, le numerus clausus, mais aussi l’intelligence artificielle et le big data, qui vont profondément modifier le rôle des médecins. Il faut dix ans pour les former et l’on sait très bien que les technologies auront avancé entre-temps.

Je crois qu’on doit être très souple. Il faut apporter des réponses particulières dans chaque territoire, en écoutant les professionnels : pourquoi ne veulent-ils pas s’implanter et comment peut-on les aider ? Il n’existe pas de solutions faciles, y compris à Paris, alors que nous avons mis en place beaucoup d’incitations. Soyons souples, en laissant ouvertes toutes les possibilités et en évitant les solutions toute faites.

M. Jean-Pierre Door. C’est un sujet qui revient sans cesse ici, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et partout sur les territoires. La population demande des médecins aux maires, comme si l’on pouvait ouvrir un tiroir pour en trouver...

Le chantier lancé par le Premier ministre et la ministre de la santé va dans le bon sens – cela correspond à ce que l’on souhaite depuis un certain temps. Mais il faut arrêter de dire que l’on va obliger les médecins à s’installer quelque part.

Mme Iborra a raison : environ 40 % de jeunes médecins peuvent s’orienter vers le salariat, peut-être pour seulement quelques années, avant de repartir vers le secteur libéral. Des mouvements sont possibles.

Il suffit d’écouter les associations de jeunes étudiants en médecine : tous disent qu’ils n’iront jamais là où ils ne le veulent pas. Si on les contraint, ils feront un autre métier et il y en a tout un éventail dans le domaine médical.

Il existe aujourd’hui une désaffection pour la médecine générale, comme le montrent les stages des internes. Beaucoup de postes sont vacants, car on se dirige vers d’autres spécialités. Il faudrait une variabilité dans le numerus clausus au niveau des facultés, afin de l’augmenter dans les spécialités dont on a besoin et de le réduire ailleurs. Il faut aussi redonner de la valeur à la médecine générale.

Si l’on dit aux médecins qu’ils doivent s’installer à un endroit donné, que risque-t-il de se passer ? D’abord, on ne trouvera personne, ou peut-être pour quinze jours seulement, et ensuite on aura de plus en plus de médecins non conventionnés, à honoraires libres, ce qui ne correspond pas aux attentes de la population.

Mme Fiona Lazaar. Je voudrais abonder dans le sens de notre collègue Maillard. On parle beaucoup de ruralité, et le cas de Paris a également été évoqué, mais il y a aussi une vraie question dans les banlieues. La réponse doit être adaptée selon les territoires et leurs enjeux.

M. Brahim Hammouche. La question de la désertification médicale est d’abord celle du désert tout simplement. Certains territoires n’ont pas de problèmes, ils attirent et sont même surreprésentés en matière d’offre de soins, quand d’autres cumulent les précarités : il n’y a plus de bureau de poste, ni de bureau de tabac, ni de médecins et ainsi de suite.

Il y a aussi la question des passerelles entre l’activité libérale et l’activité hospitalière : on pourrait sans doute travailler pour fluidifier la situation, là aussi. Pourquoi ne pas avoir un temps d’activité à l’hôpital et un autre en libéral, avoir un cabinet réduit et une activité hospitalière ? C’est aujourd’hui extrêmement compliqué.

Le métier de médecin reste, par ailleurs, un compagnonnage, un accompagnement, une transmission d’expérience et de manières de travailler, avec des outils qui sont de plus en plus techniques et numériques. Il y a tout un travail qu’il ne faut pas négliger.

En tout cas, la contrainte n’est pas la bonne réponse : elle augmenterait les problèmes au lieu de les résoudre.

Mme Delphine Bagarry. De nos jours, on ne veut plus faire le même métier toute sa vie, on ne veut pas s’installer au même endroit pour toujours. L’image du médecin de famille existe encore, mais les jeunes ne veulent pas en entendre parler. Il faut prendre en compte cette dimension. C’est une évolution de la société et de la vie que chacun est en droit de mener à titre individuel.

M. Alain Bruneel. Il y a un manque d’équipements et une souffrance dans certains territoires. Le Gouvernement dit qu’il va doubler le nombre de maisons de santé. Mais il manque encore des médecins dans celles qui existent déjà, ainsi que d’autres professionnels, notamment des infirmières.

Je partage l’idée que l’on ne va pas forcer un médecin à s’installer là où il ne le veut pas, mais on ne peut pas en rester à ce constat. Il faut absolument dresser un état des lieux, peut-être en établissant une commission. Ne construisons pas des locaux sans un état des lieux préalable.

Le rapporteur général nous dit que l’on ne peut pas tout régler par des dispositions législatives. On adopte pourtant des incitations, par exemple en prévoyant que les hôpitaux ou les maisons de santé peuvent bénéficier d’une prime d’intéressement s’ils réalisent des économies sur les génériques. N’ayons pas deux poids et deux mesures.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Certaines mesures incitatives vont encore plus loin dans la souplesse, comme les contrats d’assistanat. Dans ma circonscription, ils ont permis à de jeunes médecins de venir goûter à la médecine générale dans un milieu rural et ils sont restés. Cela ne fait que trois ans, mais on commence à voir des effets. Pensons-y avant d’en venir à des mesures coercitives.

De même, alors que les stages de médecine générale n’étaient plus prisés, voire ne se faisaient plus du tout, on arrive à des taux de 100 % en trois ans seulement. La médecine générale a été désacralisée pendant toute une période, à cause de certaines ambiances dans des facultés : on la considérait comme destinée à ceux qui ratent leurs études, ce qui est aberrant car il s’agit du cœur de métier. Tout cela est en train de changer et il faut en tenir compte.

Outre les aspects qui ont déjà été abordés, notamment la télémédecine et les facilités que l’on commence à accorder, il y a également le fait que les élus locaux se mobilisent, avec parfois l’offre de permanences gratuites ou permettant à des médecins de faire des visites régulières. La situation évolue et pour ma part je fais confiance à l’avenir.

Depuis deux ans, je vais dans des facultés pour sensibiliser et cela commence à porter ses fruits, même si les étudiants sont d’abord surpris qu’une députée vienne jusqu’à eux pour leur parler de sa circonscription, de sa beauté, de son attractivité et des avantages dont ils bénéficieraient s’ils venaient y vivre. Nous devons aussi nous mobiliser, militer pour les zones rurales, comme pour les banlieues et toutes les zones sous-dotées.

La commission rejette les amendements identiques AS218 et AS335, puis successivement les amendements AS332 et AS333.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous propose de faire un rapide point sur nos travaux. Il nous reste environ une heure et demie de débat sur les amendements. Si vous en êtes d’accord, nous poursuivons l’examen du projet de loi sans interruption. (Assentiment).

La commission examine ensuite l’amendement AS139 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Nous souhaitons revenir sur la généralisation obligatoire du tiers payant. C’est une demande forte de beaucoup de professionnels de santé, comme du mouvement Les Républicains. Pour avoir écouté le Président de la République et la ministre, nous avons un sentiment de va-et-vient : tantôt il est question d’arrêter ce projet, tantôt de le poursuivre, et nous n’avons pas de réponse définitive.

Nous souhaitons que la généralisation du tiers payant soit facultative, c’est-à-dire qu’elle soit appliquée par ceux qui le veulent, comme le font déjà les radiologues, les biologistes ou d’autres professionnels. Des médecins généralistes ou spécialistes peuvent également le faire s’ils le souhaitent, notamment pour des populations fragiles, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) et des assurances complémentaires de santé (ACS). Nous souhaitons que le tiers payant généralisé obligatoire ne soit plus prévu par la loi.

M. le rapporteur général. Nous attendons les conclusions d’une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Elle doit déterminer les conditions dans lesquelles le tiers payant généralisé pourrait ou non être mis en place. Je rappelle également que, si la loi de modernisation de notre système de santé prévoyait la généralisation du tiers payant intégral, le Conseil constitutionnel a censuré ce qui concernait les assurances complémentaires : son application ne porte en pratique que sur la partie de l’assurance maladie obligatoire, pour les médecins libéraux. Lors des dernières élections, le Président de la République s’est plutôt prononcé pour un tiers payant généralisant que généralisé, la différence sémantique étant porteuse de sens.

Historiquement, au début des années 2010, des médecins avaient fait le constat que pour faire bénéficier leurs patients d’une dispense totale d’avance de frais, ils devaient vérifier qu’ils répondaient à des conditions particulières en matière de protection sociale. Ils ont donc demandé que la loi change, pour permettre d’en faire bénéficier tous les patients qu’ils souhaitaient : c’était l’idée du tiers payant généralisable, non imposé mais accessible à tous. À l’époque, le choix politique – assumé – a été que, plutôt que de « générabiliser » le tiers payant, si je puis dire, il fallait le « généraliser » en le rendant applicable à tous, dans tous les cas. C’est alors qu’une fracture s’est produite entre une partie importante du corps médical et les pouvoirs publics, alors que l’intention de départ était de limiter les difficultés d’accès aux soins pour raisons financières.

Le rapport de l’IGAS doit apporter des éléments qui seront, je l’imagine, déterminants dans la décision de la ministre de la santé. Cette décision n’est pas connue à ce jour. Je vous propose donc de retirer l’amendement et d’avoir plutôt le débat sur le tiers payant en séance avec la ministre, qui aura peut-être reçu d’ici là les conclusions du rapport de l’IGAS.

M. Jean-Pierre Door. Je peux retirer mon amendement, mais un vote serait plus clair, même s’il est vrai que nos échanges figureront au compte rendu.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je pense aussi qu’un vote serait plus sage.

Mme Delphine Bagarry. L’avance des frais par les patients est un vrai frein pour l’accessibilité des soins. Je suis désolée que l’on ait fait un retour en arrière en passant de « généralisé » à « généralisable ». Cela crée des clivages entre les médecins, alors qu’il en existe déjà entre les secteurs 1 et 2. La généralisation permettrait d’éviter une médecine à deux vitesses. Je suis donc complètement opposée à l’amendement et vraiment favorable au tiers payant intégralement généralisé.

M. Thomas Mesnier. Le discours du Président de la République était assez clair pendant la campagne électorale : il s’est plutôt exprimé en faveur d’un tiers payant généralisable et la ministre s’est également prononcée à plusieurs reprises sur ce sujet. Par ailleurs, un rapport de l’IGAS doit être publié dans les jours qui viennent. Nous pourrions donc reporter le débat en séance, comme le propose le rapporteur général.

M. Gilles Lurton. On ne gagne jamais à adopter une disposition sans concertation avec ceux qui auront à l’appliquer. Avec la décision d’adopter le tiers payant généralisé, sous la précédente législature, on est dans l’exemple même de ce qu’il ne fallait pas faire. Il y a une très forte opposition des médecins, qui se sont sentis mis à l’écart de la discussion quoi qu’en ait dit la précédente ministre. Résultat : nous sommes dans une situation totalement impossible, comme nous l’avions dit à l’époque. Voilà la justification de l’amendement de notre collègue Jean-Pierre Door.

M. Laurent Pietraszewski. Je suis moi aussi plutôt favorable à ce qu’il puisse y avoir un débat et à ce que les professions médicales, en tout cas les médecins généralistes, soient bien intégrées dans le tiers payant.

Je me suis rendu la semaine dernière à la caisse primaire d’assurance maladie de Lille-Douai : son directeur m’a rappelé que les médecins bénéficient déjà d’un certain nombre d’aides, notamment pour améliorer leur back office – une des principales difficultés étant la gestion de ce back office, que le tiers payant soit généralisable ou généralisé.

Il est important qu’il y ait une concertation et que nous soyons également entendus en tant que parlementaires, voire en tant qu’usagers de la médecine de ville. On doit trouver avec les médecins généralistes des solutions, comme on l’a fait avec d’autres professions de santé, telles que les infirmières et les kinésithérapeutes.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il y a un problème psychologique, au sens où le précédent gouvernement a braqué les médecins. Si l’on veut améliorer, réformer, transformer le système de santé, il faut le faire avec les médecins et non contre eux.

Par ailleurs, il existe d’autres manières d’assurer l’accès aux soins sans que les patients aient à faire l’avance des frais : des mutuelles réalisent des cartes assez simples.

Si le tiers payant est généralisé, on va aboutir à une situation dans laquelle le médecin devient un salarié recevant ses émoluments à la fin du mois, de la part de la sécurité sociale. C’est un vrai débat que nous devons avoir : veut-on toujours une médecine libérale ou une médecine salariée ?

Enfin, sur le plan de la sur-administration, tout cela va nécessiter de remplir toujours plus de papiers, alors que nous voulions libérer du temps pour que les médecins puissent exercer, me semble-t-il.

M. le rapporteur général. Si l’on met à la disposition des professionnels de santé un système de cartes à paiement différé ou de tiers payant dont l’expérimentation montre qu’il fonctionne, que ce n’est pas une perte de temps, une procédure ni une tâche administrative de plus, et que les médecins sont effectivement payés en temps et en heure, je ne pense pas qu’il y aura un blocage idéologique, mais au contraire une acceptation assez rapide et une appropriation du dispositif. Quand il a été question de généraliser la carte Vitale, les médecins ne voulaient pas des lecteurs, puis ils ont vu que c’était plutôt fonctionnel, et l’on est aujourd’hui à plus de 95 % de médecins équipés.

Nous n’allons pas refaire tous les débats que nous avons connus sur ce sujet pendant la précédente législature. Je ne peux pas donner mon avis sur le fond, quel qu’il soit à titre personnel et même si vous l’avez senti poindre dans mes propos, car nous sommes suspendus à un rapport d’inspection générale et peut-être à une intervention de la ministre de la santé. Je vous demande de retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS372 de M. Pierre Dharréville.

M. Alain Bruneel. Nous proposons qu’un rapport soit établi sur l’accès financier aux soins des personnes en situation de handicap ou de précarité, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi. La question financière est l’un des facteurs récurrents du renoncement aux soins. Or la population en situation de handicap est relativement pauvre : plus de 1,1 million de personnes sont titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et près de 70 000 titulaires de la pension d’invalidité sont également bénéficiaires de l’allocation supplémentaire d’invalidité – ils vivent donc sous le seuil de pauvreté. Par ailleurs, le handicap peut conduire à un besoin de soins plus fréquent ou plus fractionné et à un recours à des produits de santé non remboursables. Cette demande de rapport permettra d’éclairer la représentation nationale sur la situation.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Vous avez ainsi défendu par anticipation l’amendement AS181. L’amendement AS372 que nous examinons a déjà fait l’objet d’un débat tout à l’heure et d’un avis défavorable du rapporteur général.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l'article 44
Rapport sur l’accès financier aux soins des personnes en situation de handicap et de précarité

La commission examine, en discussion commune, l’amendement AS76 de M. Gilles Lurton et les amendements identiques AS181 de M. Pierre Dharréville, AS219 de M. Gilles Lurton et AS349 de M. Joël Aviragnet.

M. Gilles Lurton. Mes deux amendements, AS76 et AS219, sont quasiment identiques. Ils demandent au Gouvernement de faire rapport au Parlement sur l’accès financier aux soins des personnes en situation de handicap et de précarité. J’apporterai une rectification avant la séance publique pour inclure aussi la manière dont ces personnes sont soignées, par exemple lorsqu’elles se présentent à l’hôpital : le handicap nécessite des prises en charge spécifiques auxquelles tous les services ne sont peut-être pas préparés.

M. Joël Aviragnet. Je défends l’amendement AS349 pour les mêmes raisons, en soulignant que les personnes en situation de handicap ont des besoins spécifiques, concernant souvent des produits non remboursables, car considérés comme des produits de confort.

M. le rapporteur général. Comme pour d’autres demandes de rapports, j’ai regardé ceux qui existent déjà et je n’en ai pas trouvé beaucoup qui soient récents sur ce sujet. Par ailleurs, la demande est faite par plusieurs groupes politiques, d’orientations différentes, et concerne une question sensible. Avis favorable.

M. Gilles Lurton. Je remercie le rapporteur général, en insistant de nouveau sur la nécessité d’inclure la question des soins prodigués aux personnes en situation de handicap, par exemple lorsqu’elles se présentent à l’hôpital.

L’amendement AS76 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques AS181, AS219 et AS349, à l’unanimité.

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Article additionnel après l'article 44
Rapport sur la mise œuvre de l’intégration du dispositif d’aide médicale d’État dans l’assurance maladie et l’accès à une complémentaire santé pour les personnes en situation précaire

Puis la commission examine l’amendement AS368 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Par cet amendement, nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de l’intégration du dispositif d’aide médicale d’État (AME) dans l’assurance maladie. En effet, nombre de personnes en situation de précarité n’ont pas accès à leurs droits, soit parce que les démarches administratives sont trop complexes, soit parce que, face à des dispositifs très différents, elles ne comprennent pas à quoi elles ont droit. Elles renoncent alors à se soigner, de sorte que leur santé se dégrade et que leur prise en charge, lorsqu’elle intervient, est plus coûteuse pour le système de santé.

Parmi les solutions envisagées pour remédier à cette situation, diverses institutions, notamment l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), l’Inspection générale des finances (IGF) et le Défenseur des droits, se prononcent en faveur d’une fusion des différentes prestations. Un rapport sur ce sujet permettrait en tout cas d’y voir plus clair et d’identifier les différentes pistes de réflexion que nous pourrions explorer, dont celle que je viens de mentionner.

M. le rapporteur général. L’accès aux soins des personnes en situation de précarité qui se trouvent hors des systèmes classiques de sécurité sociale est un sujet important, sur lequel nous avons peu de données, mais qui fait l’objet de nombreux non-dits et croyances. Cependant, la solution ne consiste pas forcément à fusionner l’ensemble des dispositifs. Du reste, j’interprète votre amendement comme un appel à une réflexion approfondie sur ce sujet, qui soulève un certain nombre de questions.

Outre l’AME, qui relève davantage de la solidarité nationale que de la sécurité sociale – puisque celle-ci est fondée sur le principe de la cotisation –, on peut citer, parmi les dispositifs concernés, la protection universelle maladie (PUMA), les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) hospitalières, qui fonctionnent parfois difficilement, le rôle des centres de santé dans certains territoires ou celui d’ONG telles que Médecins du monde qui, sur le territoire national, luttent contre le renoncement aux soins. Dans ma circonscription, par exemple, j’ai eu la chance de pouvoir compter sur la générosité et l’enthousiasme de dentistes libéraux qui se sont rassemblés au sein d’une structure de soins dentaires, Solident – créée par un dentiste formidable, dont je tiens à saluer l’action –, pour offrir des soins dentaires aux personnes précaires.

Il existe, nous le savons, de nombreux trous dans la raquette, notamment outre-mer. Pour prendre l’exemple de La Réunion, l’isolement géographique et la précarité des populations en provenance de Mayotte, notamment, ont des conséquences sur le système de soins et représentent un coût pour les établissements de santé. Tout cela doit faire l’objet d’une réflexion générale sur la notion globale de précarité plutôt que sur un régime ou une population en particulier. Je suis donc favorable à votre amendement.

M. Thomas Mesnier. Le groupe La République en Marche a réfléchi à un amendement similaire que nous n’avons pas déposé en commission car il nous semblait nécessaire de débattre de cette question avec la ministre. Néanmoins, nous soutenons l’amendement de Mme Bareigts.

La commission adopte l’amendement à l’unanimité.

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Après l’article 44

Puis elle examine l’amendement AS124 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. Nous sommes nombreux à nous réclamer du camp du progrès, mais il serait intéressant de savoir quel sens chacun d’entre nous donne à ce mot. En tant que députés du groupe La France insoumise, nous pensons, quant à nous, que l’instauration d’une sécurité sociale intégrale et universelle serait un véritable progrès. La France, cinquième puissance économique mondiale, doit être le porte-étendard du progrès humain et social.

Alors qu’un Français sur deux refuse de se soigner en raison du coût des soins, le remboursement à 100 % des actes médicaux et des dépenses de santé répond à une impérieuse nécessité de santé publique. Il s’agit bien évidemment d’aller à rebours de la logique que vous contribuez à imposer, logique selon laquelle les complémentaires et les assurances privées assument la hausse du forfait hospitalier et le financement de l’assurance maladie. C’est une alternative radicale à ce recul que nous vous proposons.

Une évaluation du coût d’une telle mesure pour les finances sociales est évidemment indispensable, car il n’est pas question de « raser gratis ». Nous demandons donc au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant le coût pour les finances publiques de l’instauration d’un système de couverture aussi ambitieux.

Si nous sommes conscients du grand nombre de rapports sur lesquels les administrations vont devoir travailler, nous estimons néanmoins qu’un tel projet d’extension du périmètre de la Sécurité sociale, qui changerait la vie de millions de Français, doit faire l’objet d’un rapport. C’est pourquoi nous maintiendrons cet amendement.

M. le rapporteur général. L’évolution de la place de chaque acteur dans le financement de la protection sociale, voilà un autre beau sujet ! Les complémentaires ont tout leur rôle à jouer, les mutuelles forment un réseau de solidarité et il y a des dizaines de milliers d’emplois à la clé : le problème est extrêmement complexe. Plusieurs options se présentent. Si l’on crée une complémentaire santé publique, par exemple, le droit européen de la concurrence imposerait que l’on fixe des prix administrés. Je sais que cela ne vous fait pas peur, madame Fiat, mais une telle réforme emporterait des conséquences qui iraient bien au-delà de la question de la couverture. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas y réfléchir. Quant à la méthode, est-il besoin que le Gouvernement y consacre un rapport ? Non. Si la question vous intéresse, vous pouvez, en tant que parlementaire, vous impliquer dans cette réflexion. N’attendez pas des administrations centrales qu’elles vous rendent, sur un tel sujet, un rapport « aux petits oignons » qui irait dans votre sens.

Encore une fois, cette question n’est pas inintéressante, quelles que soient nos opinions personnelles. Une telle étude permettrait de réfléchir à l’évolution future de notre système de protection sociale. Par exemple, les accords nationaux interprofessionnels, parce qu’ils ont voulu généraliser l’accès aux complémentaires santé sur la base du travail, ont exclu une partie des étudiants, une partie des retraités et une partie des chômeurs des dispositifs d’assurance complémentaire. Il faudrait également se pencher sur la question des coûts de gestion, dont je sais qu’elle vous est chère. Bref, de nombreux points doivent être étudiés. Ce n’est pas l’objet d’un rapport, mais je vous propose que nous y réfléchissions collectivement, sur le fond.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS11 de Mme Bérengère Poletti.

M. Bernard Perrut. L’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) a entériné une augmentation justifiée des tarifs des consultations des médecins généralistes et spécialistes, lesquelles sont désormais différenciées. Ainsi, les consultations dites « complexes » seront au tarif de 46 euros ; une majoration de 16 euros pourra être appliquée pour certaines pathologies ; les consultations dites « très complexes » seront au tarif de 60 euros ; enfin, les consultations « longues » passent de 56 à 70 euros.

La hausse de ces tarifs est une bonne nouvelle pour les médecins, car elle remet à plat la tarification et détermine la rémunération en fonction du temps de travail et du service rendu au patient. Les médecins auront ainsi davantage de temps à consacrer à la prévention et seront rémunérés en conséquence. L’important reste que le remboursement pour les patients soit constant et que ces nouveaux tarifs n’aient pas d’impact sur le portefeuille des Français.

Cependant, cette revalorisation est entachée, pour le moment, d’une réelle injustice puisqu’elle ne s’applique pas aux tarifs des sages-femmes. Pourtant, consultations pour la contraception de l’adolescente, dépistage et prévention des maladies sexuellement transmissibles (MST) font partie intégrante de leurs compétences et de leurs prescriptions quotidiennes. Bien que, depuis plusieurs années, les pouvoirs publics affirment vouloir faire de la sage-femme un acteur principal de la prévention, notamment pour pallier le manque de plus en plus important de médecins, celles-ci sont les grandes oubliées de cette revalorisation de la tarification des actes.

Aussi proposons-nous, par cet amendement, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la possibilité d’une revalorisation des tarifs des consultations complexes des sages-femmes. Il y va de la justice et de l’égalité.

M. le rapporteur général. Je comprends que, plus qu’un rapport, vous souhaitez appeler notre attention sur la nécessité de revaloriser la tarification des consultations complexes des sages-femmes. Il s’agit, là encore, d’un très beau sujet, qui relève du dialogue conventionnel. Du reste, les négociations ont commencé.

Parmi les gynécologues, on distingue, vous le savez, les gynécologues-obstétriciens et les gynécologues médicaux. La filière de la gynécologie médicale n’a jamais été complètement asséchée, mais les professionnels formés chaque année à cette spécialité sont au nombre d’une quinzaine. De fait, les pouvoirs publics envisagent, depuis quinze ou vingt ans, une amélioration de la coopération entre maïeuticiens et gynécologues obstétriciens. Il est donc important de reconnaître l’exercice des sages-femmes dans toute sa complexité et sa diversité, mais cela relève de la convention médicale. Encore une fois, un rapport n’est pas adapté à cet enjeu. Au demeurant, je crois que votre message est passé. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

M. Bernard Perrut. J’accepte de le retirer, monsieur le rapporteur. Mais le problème est repoussé année après année, et les sages-femmes attendent un signal fort. Si vous pouviez vous-même évoquer cette question en séance publique, ce serait pour nous une manière de nous faire entendre.

L’amendement est retiré.

Article 45
Déploiement de la facturation individuelle des établissements de santé pour les prestations hospitalières facturables à lassurance maladie obligatoire autres que les actes et consultations externes

Cet article reporte la généralisation de la facturation individuelle des établissements de santé (projet « FIDES »), actuellement fixée au 1er mars 2016 pour les actes et consultations individuelles et au 1er mars 2018 pour les autres prestations hospitalières, respectivement au 1er mars 2019 et au 1er mars 2022.

I.   la facturation directe et individuelle des établissements de santé

A.   un corollaire de la tarification À l’activité, prÉvu des la lfss pour 2004

Le principe du passage à une facturation individuelle des établissements de santé (FIDES) a été entériné par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2004 ([334]) en même temps que la mise en place opérationnelle de la tarification à l’activité (T2A), la facturation directe des séjours et prestations à l’assurance maladie par les établissements apparaissant comme un corollaire de ce nouveau mode de financement.

La LFSS pour 2004 prévoit ainsi la mise en place d’une facturation directe et individuelle des séjours, actes et consultations externes à l’assurance maladie. Ce mécanisme devait se substituer, pour la part des recettes des établissements émanant de l’assurance maladie et liée à l’activité, à la « dotation globale » dont relevaient jusqu’alors les établissements publics et privés à but non lucratifs.

La facturation directe s’applique déjà aux établissements de santé privés à but lucratif. Par ailleurs, les établissements de santé publics et privés à but non lucratifs sont déjà en facturation directe pour certaines missions : l’aide médicale d’État, les soins aux migrants, la part complémentaire de la couverture maladie universelle (CMU) et du régime Alsace Moselle, la rétrocession des médicaments.

Le projet FIDES vise pour le moment uniquement les activités « MCOO » (médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie) sur le périmètre suivant :

– les séjours hospitaliers (et séances) entrant dans le champ de la T2A ;

– les actes et consultations externes (ACE) auxquels ont été adjointes certaines prestations réalisées en ambulatoire, la principale étant la prestation accueil et traitement des urgences, qui rémunère les passages aux urgences non suivis d’hospitalisation.

L’enjeu de la facturation directe, qui permettrait l’envoi « au fil de leau » des factures hospitalières à l’assurance maladie, est jugé déterminant par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), qui y voit le moyen d’accroître la maîtrise médicalisée des dépenses d’hospitalisation grâce à une amélioration de sa connaissance du détail des prestations réalisées au cours de chaque séjour, plutôt que de jouer le rôle d’un « payeur aveugle ».

Elle permettrait également de fiabiliser les comptes de l’assurance maladie : dans l’une de ses réserves à la certification des comptes 2016 de la CNAMTS, la Cour des comptes souligne ainsi que « les règlements aux établissements de santé anciennement sous dotation globale sont affectés dun risque élevé de paiements erronés compte tenu des limites des contrôles opérés a priori et a posteriori sur la valorisation et la facturation des prestations dhospitalisation, ce qui induit une incertitude sur les comptes ».

Plus globalement, elle doit surtout permettre aux établissements de mieux connaître leur activité et renforcer leur capacité à maîtriser leurs recettes, en leur donnant les moyens d’opérer un véritable contrôle interne de leurs activités de facturation.

Le programme FIDES doit également être replacé dans la perspective globale de la modernisation des outils informatiques des hôpitaux, et notamment des hôpitaux publics.

Cette généralisation de la facturation individuelle devrait en effet s’articuler avec le déploiement du programme de simplification du parcours administratif du patient à l’hôpital (programme « SIMPHONIE », Simplification du Parcours administratif Hospitalier du patient et Numérisation des Informations Échangées). Ce programme vise, entre autres, à dématérialiser les échanges liés au parcours hospitalier, grâce notamment à la consultation automatique des droits à l’assurance maladie obligatoire et à la dématérialisation des échanges avec les organismes d’assurance maladie complémentaire.

La mise en place de FIDES pour les séjours hospitaliers s’inscrit également dans le contexte de la généralisation à venir d’ici 2020 du projet ROC (remboursement aux organismes complémentaires), qui doit permettre aux hôpitaux d’échanger en temps réel des flux de facturation dématérialisés avec l’ensemble des organismes complémentaires, et ainsi d’organiser le tiers payant pour le ticket modérateur. Or, selon le Gouvernement, cette simplification administrative pour le patient ne pourra être atteinte que si l’hôpital adopte vis-à-vis de l’assurance maladie obligatoire les mêmes conditions de facturation individuelle en temps réel que l’assurance maladie complémentaire.

Le passage à la facturation individuelle et directe pourrait également permettre de mettre la ville et l’hôpital sur un pied d’égalité en termes de facturation, et ainsi de faciliter la mise en place de financements décloisonnés, tout en s’assurant que la même prestation ne soit pas prise en charge plusieurs fois.

B.   Une application sans cesse repoussée…

1.   Le système dérogatoire mis en place

Dès 2004, un système dérogatoire a été mis en place pour les établissements anciennement sous dotation globale pour les prestations d’hospitalisation et les actes et consultations externes.

Ces prestations ne sont pas directement facturées à l’assurance maladie par les établissements publics et privés à but non lucratif.

Ces établissements transmettent leurs données d’activité, de façon mensuelle, à l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), dans le cadre du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). L’ATIH est alors chargée de contrôler et de valoriser les séjours. Elle transmet ensuite ces informations à l’Agence régionale de santé (ARS). Celle-ci procède, pour chaque établissement, à la valorisation de l’activité, pour la part prise en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie, par application des tarifs relatifs aux prestations. L’ARS arrête le montant ainsi calculé (arrêté de versement) et le notifie à l’établissement et à l’assurance maladie qui assure le versement des sommes dues à l’établissement concerné.

 

 Schéma : Mécanisme de facturation dérogatoire mis en place pour les établissements anciennement sous dotation globale

Source : Commission des affaires sociales

La qualité des données recueillies par le PMSI et recueillies par l’ATIH est primordiale pour la mise en œuvre de la tarification à l’activité. Celle-ci repose en effet sur la connaissance de deux types de données :

– les données d’activité, transmises à l’ATIH via le PMSI sous forme d’informations quantifiées et standardisées ;

– les données relatives aux coûts de production, elles-mêmes agrégées par l’ATIH sur la base d’un échantillon d’établissements.

2.   Les reports successifs

Initialement limitée à l’année 2005, l’échéance du régime dérogatoire a ensuite été repoussée au 31 décembre 2008 par la LFSS pour 2008 ([335]), puis au 1er juillet 2011 par la loi de financement pour 2009 ([336]), une expérimentation étant lancée en parallèle pour évaluer la faisabilité du dispositif.

La mise en place de l’expérimentation n’ayant été effective qu’en 2011, un nouveau report au 1er janvier 2013 a été entériné par la LFSS pour 2011 ([337]).

Enfin, la LFSS pour 2013 ([338]) a fixé un calendrier de généralisation de la facturation individuelle étalée du 1er janvier 2013 au 1er mars 2016 afin de tenir compte de la catégorie des établissements et de la distinction entre actes et consultations externes, d’une part, et prestations d’hospitalisation, spécialités pharmaceutiques et produits et prestations d’autre part. En effet, si les expérimentations ont montré des résultats positifs sur la facturation des actes et consultations externes (ACE), la facturation des séjours s’est révélée beaucoup plus complexe.

L’article 45 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ([339]) a de nouveau modifié la date de passage à la facturation individuelle, fixant les nouvelles échéances au 1er mars 2016 pour les actes et consultations individuelles et au 1er mars 2018 pour les autres prestations hospitalières.

C.   Une génÉralisation enfin effective de la facturation directe pour les actes et consultation externes

L’expérimentation ouverte par l’article 54 de la LFSS pour 2009 a permis de généraliser la facturation individuelle pour les ACE : 94 % des établissements concernés sont aujourd’hui passés en production (avec un déploiement pour l’instant limité dans les DOM-TOM). D’après les informations fournies au rapporteur général par la direction générale de l’offre de soins, après plusieurs années de mise en œuvre chaotique, le bilan que l’on peut dresser aujourd’hui de FIDES ACE est positif, avec notamment un taux de rejet de factures de soins externes qui devrait passer sous le seuil des 2 %.

Les séjours hospitaliers des établissements anciennement sous dotation globale sont donc, depuis la fin du déploiement de FIDES ACE, les dernières prestations exclues du système d’information des caisses de l’assurance maladie obligatoire.

Selon les informations transmises au rapporteur général, le volume des factures concernées par FIDES ACE est de 110 millions par an. Par comparaison, le nombre de factures concernées par FIDES Séjours est évalué à 18 millions par an.

II.   Un nouveau report de la facturation individuelle

Le présent article reporte la généralisation de la facturation individuelle pour les ACE au 1er mars 2019, et la mise en œuvre de la facturation individuelle pour les séjours au 1er mars 2022.

Le I reprend le dispositif auparavant prévu à l’article 33 de la LFSS pour 2004, en ne faisant plus référence aux actes et consultations externes mais uniquement aux séjours hospitaliers.

Le II abroge à compter du 1er mars 2019 le dispositif dérogatoire actuellement en vigueur, prévu par l’article 33 de la LFSS pour 2004.

Le III précise que la dérogation prévue au I doit prendre fin au plus tard au 1er mars 2022, selon des modalités calendaires précisées par décret.

Pour le rapporteur général, si la facturation individuelle entraîne indubitablement des progrès, cette généralisation ne peut ni ne doit se faire au prix dune charge de travail supplémentaire pour les personnels administratifs des hôpitaux, ni au détriment du temps de soin des professionnels de santé. Des leçons doivent être tirées de léchec qua dans un premier temps constitué la mise en place de FIDES ACE. Pour cela, la généralisation pourrait utilement être précédée par la mise en place de projets pilotes puis de premières évaluations, estimant notamment limpact de FIDES séjours en matière de ressources humaines. Il est également nécessaire que les quelques établissements sans ACE concernés (principalement dans le secteur privé non lucratif) bénéficient dun accompagnement renforcé.

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L’amendement AS279 de Mme Caroline Fiat est retiré.

La commission adopte l’article 45 sans modification.

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Article 46
Suppression de la dégressivité tarifaire

Le présent article supprime le mécanisme de dégressivité tarifaire institué par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2014, qui consistait à diminuer les tarifs de chaque établissement de santé dépassant un seuil d’activité, pour un ensemble d’activités ciblées.

I.   Le dispositif issu de la LFSS pour 2014

L’article 41 de la LFSS pour 2014 ([340]) a créé un nouvel article L. 162‑22‑9‑2 au sein du code de la sécurité sociale, mettant en place un mécanisme de dégressivité tarifaire.

Ce dispositif, qui vise à minorer les tarifs d’hospitalisation lorsque le taux d’évolution ou le volume d’activité d’une prestation dépasse un seuil fixé annuellement par l’État, devait permettre de lutter contre le potentiel effet inflationniste de la tarification à l’activité (T2A).

Parallèlement à la régulation macro-économique effectuée au niveau de l’ONDAM, l’objectif de ce dispositif était de réguler au niveau micro-économique le volume de l’activité des établissements de santé, en incitant chaque établissement à maîtriser l’évolution de son volume d’activité, notamment en favorisant la pertinence des soins. Il devait également permettre de tenir compte dans les tarifs des économies d’échelles pouvant exister pour certains soins.

L’étude d’impact annexée au PLFSS pour 2014 s’appuyait notamment sur les succès d’expériences étrangères similaires. ([341])

II.   Un mécanisme insuffisamment efficace

A.   Une application très circonscrite

Le taux de minoration des tarifs appliqué sur l’activité produite au-delà des seuils a été fixé par arrêtés successifs à 20 % ([342]), mais les sommes pouvant être récupérées à ce titre ont en revanche été très fortement encadrées par les textes d’application du dispositif, qui ont fixé un plafond (1 % des recettes globales d’assurance maladie de l’établissement) ([343]) et un plancher en dessous duquel les sommes dues ne donnent pas lieu à récupération (fixé à quinze mille euros). ([344])

Le champ dapplication a également été limité à un petit nombre dactivités, avec seulement vingt-quatre racines de groupes homogènes de malades ciblées. ([345])

B.   Un outil insuffisamment pertinent

Le principe même de ce mécanisme peut être questionné : la pertinence des soins dépend-elle du nombre d’actes pratiqués ?

Il faut également s’interroger sur la réalité de l’effet inflationniste de la T2A, alors qu’induire une hospitalisation insuffisamment justifiée est loin d’être anodin.

À l’époque de l’adoption de ce dispositif, le rapporteur du projet de loi avait souligné que ce mécanisme se désintéressait du contenu de l’augmentation de l’activité, et que « toute augmentation du volume dactivité dun établissement ne peut être considérée en elle-même comme injustifiée, si elle correspond à la satisfaction dun réel besoin de santé ».

L’étude d’impact annexée au présent article estime en effet que, dans la pratique, « il sest avéré que lactivité réalisée par des établissements au-delà des seuils fixés au niveau national pouvait être parfaitement justifiée ».

Certains établissements ont notamment dû faire face à des injonctions contradictoires de la part des ARS, leur demandant à la fois de ne pas dépasser des seuils d’évolution fixés au niveau national et de développer leur activité pour certaines prestations afin de répondre à un véritable besoin. Ainsi, selon les informations transmises au rapporteur général, en ce qui concerne l’intervention portant sur l’amygdalectomie, 52 % des établissements de santé qui ont dépassé le seuil d’évolution étaient localisés dans un département en situation de sous-recours par rapport à la moyenne nationale.

Des difficultés d’application ont également été constatées lors de regroupements ou de fusions d’établissements, engendrant des transferts de patients augmentant mécaniquement le volume d’activité au-delà du seuil d’évolution fixé au niveau national. Il est donc à prévoir que la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT) suscitera des complications supplémentaires dans la mise en œuvre de la dégressivité tarifaire.

La Cour des comptes, dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2017, a souligné l’intérêt de ce dispositif, mais également ses limites, au premier rang desquelles la fixation de seuils unifiés au niveau national qui ne tiennent pas compte de la situation particulière des établissements, et les pratiques de contournement autorisées par les modalités d’application de ce dispositif.

Enfin, selon les informations transmises au rapporteur général, cette disposition a donné lieu à plusieurs contentieux.

Quant à l’impact de ce dispositif sur les finances publiques, elle est difficile à évaluer. Huit millions d’euros seulement ont été récupérés en 2015 au titre de la dégressivité tarifaire, mais l’ampleur de l’effet dissuasif de cette mesure est extrêmement difficile à mesurer.

III.   Le dispositif proposé : l’abrogation pure et simple du mécanisme

Le présent article met fin à ce dispositif, en abrogeant l’article L. 162‑22‑9-2 du code de la sécurité sociale. Cette suppression a été unanimement saluée par les fédérations hospitalières auditionnées par le rapporteur général.

Il n’est en tout état de cause pas souhaitable de maintenir le dispositif dans son état actuel.

Une solution pourrait être de chercher à l’améliorer. C’est notamment ce que suggère la Cour des comptes, qui considère, dans le rapport précité, que sa conception devrait être revue afin d’en améliorer l’efficacité : « les ARS devraient disposer de marges dautonomie pour fixer, au niveau des établissements concernés, les seuils dapplication de la dégressivité tarifaire. En outre, les pratiques de contournement pourraient être jugulées en faisant porter la dégressivité non plus sur des GHM, mais sur des ensembles dactivités de soins ».

Toutefois, l’amélioration de ce dispositif, qui nécessiterait inéluctablement de l’affiner beaucoup plus, risque de le complexifier encore davantage. Le rapporteur général juge préférable de le supprimer purement et simplement.

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La commission adopte l’article 46 sans modification.

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Article 47
Report de lentrée en vigueur de lintégration des dépenses de transports inter-établissements dans le budget des établissements de santé

Cet article reporte le transfert de lenveloppe relative aux dépenses de transports inter-établissements de lassurance maladie vers le budget des établissements de santé, initialement prévu au 1er mars 2018, au 1er octobre 2018.

I.   Des dépenses de transports croissantes et insuffisamment rÉgulées

A.   Un dispositif complexe

Le financement des transports de patients est aujourd’hui source d’une telle complexité qu’une circulaire s’est révélée nécessaire pour en clarifier les règles ([346]). Cette circulaire prévoit en tout plus de soixante-dix cas de figure différents…

Parmi ces cas de figure, on peut identifier trois grandes catégories :

– les transports primaires, qui correspondent aux transports de patients depuis le domicile ou un établissement assimilé (établissement pénitentiaire) vers l’établissement de santé, et sont à la charge de l’assurance maladie sur l’enveloppe soins de ville ;

– les transports intra hospitaliers, qui recouvrent les transports effectués au sein d’établissements relevant d’une même entité juridique et de la même agglomération (par exemple, entre les différents sites de l’AP-HP), et sont à la charge de l’établissement ;

– les transports secondaires, qui correspondent à des transports inter-établissements réalisés entre deux établissements de santé et aux transports de retour à domicile des patients.

S’agissant de ce dernier cas de figure :

– en cas de séjour provisoire, c’est-à-dire inférieur à deux nuitées dans l’établissement d’accueil, les frais sont à la charge soit de l’établissement d’origine (établissements publics et privés du secteur ex-dotation annuelle de financement), soit de l’assurance maladie (établissements privés du secteur ex-objectif quantifié national) ;

– en cas de séjour définitif, c’est-à-dire pour une hospitalisation supérieure à deux nuitées au sein de l’établissement d’accueil, la prise en charge est assurée par l’assurance maladie dans le cadre de l’enveloppe de soins de ville ;

– les transports permettant le retour du patient à domicile sont à la charge de l’assurance maladie sur l’enveloppe de soins de ville.

B.   Un dispositif insuffisamment efficient

L’essentiel des dépenses de transports sanitaires prescrites par les établissements de santé sont donc aujourd’hui prises en charge par l’assurance maladie.

Ces dépenses prescrites par les établissements contribuent dans une large mesure à la croissance extrêmement dynamique des transports sanitaires ([347]), puisqu’elles représentaient en 2014 2,3 Mds €, soit 63,3 % des dépenses de transports remboursées sur l’enveloppe « soins de ville ». Les dépenses prises en charge par les établissements de soins eux-mêmes, sur leur propre budget, sont évaluées à 250 M€, soit seulement 10 % environ du total des dépenses prescrites par ces établissements ([348]).

Or, la dualité prescripteur-payeur contribue à l’insuffisante régulation de cette dépense de transports sanitaires, car les établissements ont un intérêt limité à maîtriser des dépenses qui ne sont pas à leur charge.

II.   Le report de sept mois du transfert d’enveloppe prévu par la précédente LFSS

Pour mettre fin à cette dichotomie prescripteur-payeur, larticle 80 de la LFSS pour 2017, introduit par voie damendement en première lecture à lAssemblée nationale, prévoit de transférer tous les transports inter-établissements entre établissements de santé au sein du budget des établissements ([349]).

Ce transfert concerne donc uniquement les transports secondaires entre établissements de santé relevant de structures juridiques distinctes, enveloppe correspondant à environ 125 millions d’euros. Le présent article prévoit l’intégration au sein des tarifs de prestations ou des dotations des établissements de santé du coût de ces transports.

Ce transfert devait être opéré au 1er mars 2018. Or, selon l’étude d’impact annexée au présent article, « lengagement des travaux techniques, ainsi que la phase de concertation avec les fédérations représentatives des établissements de santé, ont révélé la nécessité daménager un délai supplémentaire aux établissements, afin de mener de manière optimale les chantiers organisationnels et financiers préalables à la mise en œuvre de cette mesure ».

Le présent article prévoit donc un report de l’entrée en vigueur de ce transfert du 1er mars 2018 au 1er octobre 2018, en modifiant le II de l’article 80 de la LFSS pour 2016.

Ce délai devrait donner plus de temps aux établissements pour réorganiser leurs processus de commande de transports sanitaires, notamment pour les établissements publics qui devront passer de nouveaux marchés publics.

Selon les informations transmises au rapporteur général, les établissements pourront être accompagnés dans cette démarche de manière à ce que les délais soient tenus et un groupe de travail impliquant les acteurs institutionnels et hospitaliers sera constitué. S’agissant de la mise en œuvre d’une organisation centralisée de la commande de transports, la DGOS et la CNAMTS, avec l’appui de l’Agence Nationale d’Appui à la Performance, pourraient mettre à disposition des établissements un kit d’outils de déploiement de la centralisation des commandes de transports, ainsi qu’un cahier des charges type des plateformes de commandes de transports.

Enfin, ce délai devrait également permettre de s’assurer de la bonne prise en compte des coûts de transports dans les tarifs d’hospitalisation, de façon à éviter des effets revenus trop importants pour les établissements de santé.

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La commission examine les amendements identiques AS113 de M. Jean-Pierre Door et AS176 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

M. Stéphane Viry. L’amendement AS113 a pour objet d’abroger l’article 80 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017, qui comporte, selon nous, plusieurs risques majeurs pour les établissements. Certes, il nous est proposé de reporter l’application du dispositif au 1er octobre 2018, mais la situation reste floue et complexe. Les fédérations hospitalières s’interrogent notamment quant aux effets et au périmètre du transfert de dépenses opéré par cet article. Les conditions techniques de mise en œuvre de celui-ci n’étant pas réunies, la mesure nous paraît, en l’état, inapplicable.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. L’amendement AS176 a également pour objet d’abroger l’article 80 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017. Cet article vise en effet à transférer, au 1er mars 2018, les dépenses de transports interhospitaliers du budget de l’assurance maladie vers le budget des établissements de santé. Or, ce transfert risque de freiner les coopérations entre établissements et de nuire à la fluidité des parcours de soins, puisque tout transport sera à la charge de l’établissement prescripteur, alors qu’aujourd’hui, la facturation se fait entre le transporteur et l’assurance maladie. Un volume important de factures devra donc, demain, être traité par les établissements de santé.

En outre, dans la mesure où les tarifs fixés ne prennent pas en compte le volume des transports réalisés, la situation financière de l’établissement prescripteur pourrait être fragilisée et il pourrait devenir réfractaire à l’idée d’hospitaliser des patients susceptibles d’être transférés dans un second temps. L’application de cette mesure irait ainsi à l’encontre de l’intérêt à coopérer des établissements et s’opposerait au principe de subsidiarité mis en avant par les groupements hospitaliers de territoire (GHT). C’est pourquoi nous vous proposons d’abroger la disposition législative qui prévoit le transfert des dépenses de transport interhospitalier aux établissements de santé.

M. le rapporteur général. On ne peut pas dire que le système actuel soit satisfaisant. Il n’est pas clair et peut provoquer des situations absurdes : une circulaire dénombre plus de soixante-dix cas de figures différents. Ainsi, pour un trajet entre deux hôpitaux, les frais sont à la charge de l’établissement d’origine si le séjour dans l’établissement d’accueil dure de moins de deux nuits et à la charge de l’assurance maladie s’il est plus long. Et les règles sont encore différentes pour les établissements privés… Je vous renvoie à mon rapport si vous souhaitez savoir en détail qui paye quoi, par catégorie de transports sanitaires.

Ensuite, le système actuel n’est pas efficient. La dualité prescripteur-payeur n’incite pas du tout les établissements à maîtriser des dépenses qui ne sont pas à leur charge. On assiste ainsi à une banalisation de la prescription de transports sanitaires. Cependant, j’ai conscience que, dans le secteur privé, un directeur d’établissement n’a pas la main sur la prescription, par les médecins qui exercent dans son établissement, de transports médicalisés et que, dans le secteur public, il n’est pas évident de recommander de prescrire ces transports avec modération.

Il est vrai également que, sur le plan pratique, cette disposition emporte des conséquences telles que la situation n’est pas parfaitement satisfaisante. Mais j’appelle votre attention sur le fait que renoncer à ce transfert de responsabilité aurait des conséquences financières importantes. Or, vous avez pu constater que, depuis le début de nos travaux, je suis attaché au fait que l’on s’en tienne à un budget proche de celui que nous a présenté le Gouvernement, afin de maintenir les équilibres. Je suis donc défavorable à ces deux amendements, tout en reconnaissant que nous pourrons avoir, sur ce sujet, une discussion avec la ministre en séance publique, afin qu’elle nous précise les conditions dans lesquelles cette mesure va s’appliquer, l’évaluation qui en sera faite et les garanties que nous avons qu’elle n’emportera pas de conséquences supplémentaires pour les finances des établissements.

Je précise que mon avis sera le même pour les amendements suivants qui ont pour objet de reporter l’entrée en vigueur de la mesure.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS220 de M. Gilles Lurton, AS317 de M. Francis Vercamer et AS114 de M. Jean-Pierre Door.

M. Gilles Lurton. Pour ma part, j’estime que la date du 1er mars 2018 prévue pour l’entrée en application du dispositif de l’article 80 de la LFSS pour 2017 est beaucoup trop proche ; nous l’avions d’ailleurs indiqué l’année dernière. Nous vous proposons donc, par cet amendement de repli, de reporter cette application au 1er octobre 2019.

J’ajoute que la ministre a récemment annoncé à la télévision qu’elle allait engager une réflexion générale sur les transports sanitaires car elle estime, à juste titre, que des économies importantes peuvent être réalisées dans ce domaine. Je trouve donc dommage que l’on prenne une telle mesure au moment où la ministre fait cette annonce. Enfin, j’ai demandé que le rapport que la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de l’Assemblée nationale a consacré à ce sujet il y a deux ans lui soit transmis, car il est regrettable que les rapports parlementaires ne soient pas utilisés, surtout quand ils sont bons.

M. Francis Vercamer. Je relève que le rapporteur général, comme le Gouvernement, reconnaît que le dispositif prévu dans la LFSS pour 2017 est inapplicable en l’état, compte tenu des risques qu’il comporte. Nous proposons donc, quant à nous, d’en reporter l’application au 1er janvier 2020, car il nous paraît raisonnable de laisser le temps aux établissements hospitaliers de réaliser les études techniques nécessaires. La Cour des comptes a fait état à plusieurs reprises de l’envolée des coûts de transport. Il est donc nécessaire de régler ce problème. C’est pourquoi le groupe Les Constructifs n’a pas déposé d’amendement de suppression ; nous proposons uniquement de reporter l’application du dispositif.

M. Stéphane Viry. Par l’amendement AS114, qui est de repli, nous proposons de reporter la date d’application du dispositif au 1er mars 2020.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement ces amendements.

Puis elle adopte l’article 47 sans modification.

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Article 48
Déploiement de la réforme du financement des activités de soins de suite et de réadaptation

Cet article vise à prolonger la période transitoire prévue au sein des nouvelles modalités de financement des activités de soins de suite et de réadaptation (SSR), qui devait initialement prendre fin au 28 février 2017, jusqu’au 31 décembre 2019.

Il introduit également plus de souplesse dans la mise en œuvre de ce dispositif : possibilité de moduler le rythme de déploiement en fonction des catégories d’établissements ; plus grande flexibilité des modalités de facturation des établissements privés ; assouplissement du mode de calcul du coefficient de rééducation-réadaptation.

I.   Le contexte : la réforme en profondeur du financement des activités de SSR

A.   Un financement antérieur insatisfaisant des activités de SSR

Aux termes de l’article R. 6123-118 du code de la santé publique, l’activité de soins de suite et de réadaptation (SSR) a « pour objet de prévenir ou de réduire les conséquences fonctionnelles, physiques, cognitives, psychologiques ou sociales des déficiences et des limitations de capacité des patients et de promouvoir leur réadaptation et leur réinsertion ».

Ces activités constituent un secteur en forte croissance du fait du développement des maladies chroniques et du vieillissement de la population. De plus, dans un contexte de diminution des durées moyennes de séjour, elles constituent également une voie de sortie pour la prise en charge des patients hospitalisés en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO).

Les établissements de santé, publics comme privés, sont pleinement conscients des perspectives de développement de ce secteur. Ceux-ci font toutefois face à des situations très différentes, liées à leurs différentes modalités de financement.

Le financement des activités SSR avant la réforme prévue en LFSS pour 2016

En effet, pour pallier la baisse des tarifs liés aux activités de MCO, les établissements privés ont ouvert nombre de lits de SSR, incités en cela par le mécanisme du financement au prix de journée. En revanche, les établissements financés par la dotation annuelle de fonctionnement (DAF), enveloppe fermée et peu évolutive, ne peuvent pas bénéficier des mêmes perspectives.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2004 et 2014, 5 531 lits ont été créés dans les établissements publics, soit une augmentation de 15 %. Dans le même temps, le secteur privé en a créé le double (10 944 soit 50 % de lits supplémentaires). Exprimée en journées, l’évolution des trois secteurs entre 2010 et 2014 est de 2 % pour le privé non lucratif, de 6 % pour le public et de 14 % pour le privé lucratif ([350]).

B.   Rappel du cadre juridique posé par la LFSS pour 2016

Pour répondre à ces insuffisances, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016 ([351]) a profondément rénové le cadre du financement des activités de SSR, en introduisant, dans son article 78, un nouveau modèle de financement, commun aux trois secteurs public, privé non lucratif et privé lucratif, et reposant sur une dotation modulée à l’activité.

1.   Les bases du financement : une dotation modulée à l’activité et une part variable

La nouvelle tarification SSR prend appui sur la mise en place d’une dotation modulée à l’activité composée :

– d’une part fixe, assise sur les recettes historiques de l’établissement ;

– d’une part variable permettant de prendre en compte son activité.

Cette réforme s’applique aussi bien aux établissements publics et privés non lucratifs qui relevaient de la DAF quaux établissements privés qui relevaient de lobjectif quantifié national (OQN).

Le principe retenu pour le financement de l’activité SSR repose sur les groupes médico-économiques permettant de servir de base à la valorisation de l’activité des établissements et à leur tarification. Cette classification conditionne la montée en charge du nouveau modèle de financement : la part du financement liée à l’activité sera donc ajustée en fonction de la fiabilité des paramètres constituant les groupes médico-économiques.

2.   Les financements complémentaires

Des financements complémentaires sont également prévus :

 le remboursement des spécialités pharmaceutiques inscrites sur une nouvelle liste en sus SSR (molécules onéreuses) ;

– le remboursement des frais liés à l’utilisation de plateaux techniques spécialisés (dotation PTS) ;

– la dotation relative au financement des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC) ;

– la dotation complémentaire versée au titre de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins (dotation IFAQ).

3.   La mise en place d’un objectif de dépenses en SSR

Comme pour les activités de MCO, un objectif de dépense spécifique aux activités de SSR doit être mis en place, et constitue un sous-objectif de l’ONDAM dont le montant est fixé en fonction de celui-ci.

À la différence de l’ODMCO, l’objectif de dépenses SSR doit distinguer deux enveloppes : une enveloppe couvrant le financement des spécialités pharmaceutiques inscrites sur la liste en sus de la tarification SSR et une enveloppe consacrée à la dotation MIGAC.

C.   Le dispositif transitoire instauré en LFSS pour 2017

1.   L’instauration d’une période transitoire par la LFSS pour 2017

Le texte issu de la LFSS pour 2016 prévoyait une entrée en application dès 2017 et un déploiement progressif jusqu’en 2022, dans le cadre d’un mécanisme de convergence destiné à lisser les effets de la réforme sur les recettes des établissements de santé. L’année 2016 devait être mise à profit afin de fixer les premiers éléments de classification des groupes médico-économiques et de déterminer une première échelle de tarifs.

L’article 82 de la LFSS pour 2017 ([352]) a reporté la phase de déploiement du nouveau modèle de financement du 1er mars 2017 au 1er mars 2018, et mis en place un mécanisme de financement transitoire dual, couvrant la période allant du 1er mars 2017 au 28 février 2018.

2.   Les modalités de financement transitoire

Le financement transitoire associé à cette période combine à la fois les modalités actuelles et futures de financement.

Ce mécanisme prévoit :

– une première source de financement correspondant à une fraction des recettes calculées selon les anciennes règles de financement ;

– une deuxième source de financement paramétrée sur la dotation modulée à l’activité.

Dans le cas particulier des établissements privés qui relevaient de l’OQN, la fraction des recettes calculées selon les anciennes règles de financement, assise sur le prix de journée, est affectée d’un coefficient dont la valeur est égale à celle du niveau de fraction correspondant aux anciennes règles de financement. Ainsi, pour l’année 2017, la part « anciennement prix de journée » de la dotation a été valorisée à hauteur de 90 % des tarifs publiés, et, en miroir, le coefficient de minoration a été fixé à 0,9 ([353]).

Par ailleurs, un coefficient de transition doit permettre de limiter les pertes de revenus liés à la mise en place de ce financement dérogatoire. Ce coefficient de transition a également été encadré par arrêté : il doit être fixé de façon à ce que la somme versée en 2017 ne soit pas inférieure de plus de 1 % à la somme des recettes de l’activité de soins versées en 2016 pour le même périmètre de prestations.

3.   Mise en place d’un coefficient de majoration pour les activités de rééducation-réadaptation

La LFSS pour 2017 a mis en place un coefficient de majoration du financement des établissements permettant de tenir compte du poids des actes de rééducation et de réadaptation des établissements, pour le moment mal valorisés au sein des groupes médico-économiques. Cette phase transitoire doit être mise à profit pour améliorer les critères de classification et permettre in fine un financement assis sur un codage aussi fidèle que possible des actes de rééducation-réadaptation.

Chacun de ces actes est affecté d’une pondération en fonction de la consommation de ressources qu’il représente. La somme de ces pondérations est résumée dans un score qui retrace, établissement par établissement, le poids des charges liées à la spécialisation. Le décret d’application prévoit que ce coefficient est déterminé par le directeur de l’ARS, et doit prendre en compte non seulement le nombre mais aussi l’intensité des actes de rééducation et de réadaptation réalisés par chaque établissement l’année précédant l’application du coefficient ([354]).

Ce coefficient a vocation à pondérer les tarifs calculés dans le cadre du financement des activités de SSR. La loi prévoit que son niveau doit être réduit chaque année afin d’atteindre une valeur neutre au 1er mars 2022.

4.   Financement des actes et consultations externes

Pour les établissements sous OQN, les actes et consultations externes font déjà l’objet d’une facturation en sus. En revanche, pour les établissements anciennement sous DAF, la LFSS pour 2017 prévoit que, à terme, cette facturation s’effectue en sus du versement de la dotation modulée à l’activité (au lieu d’un financement actuellement inclus dans la DAF).

Le financement transitoire des actes et consultations externes combine donc deux montants : l’un correspondant, pour chaque établissement, à une fraction des recettes issues de l’application des anciennes modalités de financement antérieures, et l’autre correspondant, pour chaque établissement, à une fraction des recettes issues de l’application des nouvelles modalités de financement.

5.   Entrée en vigueur progressive des enveloppes composant le modèle de financement des activités de SSR

Le mécanisme issu de la LFSS pour 2017 prévoit l’entrée en vigueur, à compter du 1er janvier 2017, de deux des quatre compartiments « complémentaires » : la dotation MIGAC et la dotation d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.

En revanche, le versement de la dotation liée aux molécules onéreuses ainsi que la dotation liée à l’utilisation des plateaux techniques spécialisés ne doivent être effectifs respectivement qu’aux 1er mars et 1er janvier 2018.

6.   Modalités de facturation des établissements sous OQN durant la période de financement transitoire

La LFSS pour 2017 a institué une dérogation partielle aux modalités de facturation des établissements de santé privés sous OQN.

L’article L. 174-18 du code de la sécurité sociale pose en effet le principe d’une caisse unique pour le versement aux cliniques privées des frais d’hospitalisation afférents aux soins pris en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie.

Pour les établissements privés sous OQN, le montant de la part calculée sur les modalités actuelles de financement (prix de journée) continue à être versé dans le cadre de l’article L. 174-18. S’agissant de la seconde part, assise sur la dotation modulée à l’activité, le circuit de financement s’inscrit dans le cadre dérogatoire à cette organisation du 1er mars 2017 au 28 février 2018. Le montant forfaitaire n’est pas facturé auprès de la caisse centralisatrice. Les établissements doivent remettre à l’ARS dont ils relèvent leurs données d’activité. Après valorisation de ces données, le montant calculé par l’ARS est notifié à l’hôpital concerné ainsi qu’à la caisse de leur circonscription.

II.   Le dispositif proposé

A.   La Prolongation jusqu’en 2020 de la période transitoire

Le présent article a principalement pour objet de prolonger la période transitoire jusqu’au 31 décembre 2019. Selon les informations transmises au rapporteur général, ce report devrait permettre :

– de faciliter l’appropriation par les établissements des nouvelles modalités de financement, en renforçant la progressivité de la réforme ;

– de finaliser les travaux techniques sur plusieurs points clefs du modèle (les plateaux techniques spécialisés, les molécules onéreuses, le mode de calcul du socle), en cohérence avec les orientations politiques concernant la place et les missions des activités de soins de suite et de réadaptation dans le dispositif d’offre de soins (gradation des soins, reconnaissance et valorisation de missions de recours, développement de l’ambulatoire…).

Cette prolongation ne concernera toutefois pas les actes et consultations externes des établissements anciennement sous DAF. Ceux-ci pourront, dès le 1er janvier 2018, être tarifiés totalement à l’activité, et plus du tout sous enveloppe fermée, ce qui devrait favoriser le développement des prises en charge externes en SSR.

Le II modifie l’article 78 de la LFSS pour 2016 pour effectuer les mesures de coordination nécessaires à ce report.

Le du A tend à modifier le A et le B du III de l’article 78 de la loi précitée, reportant ainsi la phase de montée en charge du 1er mars 2018 au 1er janvier 2020.

Le 2° du A tend à modifier le C du III de l’article 78 précité, relatif au dispositif transitoire de facturation des prestations d’hospitalisation, actes et consultations externes et molécules onéreuses des établissements pour les établissements de santé publics et privés non lucratif. Il prolonge ce dispositif transitoire, initialement prévu jusqu’au 1er mars 2020, jusqu’au 1er mars 2022. Cette disposition fait écho à celle prévue par l’article du présent projet de loi relatif à FIDES.

Le tend à modifier :

– en son a) le 2° du E de l’article 78 précité, reportant la fin de la période transitoire au 31 décembre 2019 ;

– en son b), le 3° du E de l’article 78 sur l’entrée en vigueur des financements complémentaires molécules onéreuses et plateaux techniques spécialisés, qui entreraient en vigueur respectivement à compter du 1er janvier 2020 (i)) et au plus tard au 1er janvier 2020 (ii));

– en son c), le 6° du E relatif à l’objectif de dépenses SSR en actualisant la composition de ce dernier (i)). Il abroge également les dispositions relatives à l’objectif de dépenses SSR pour la période du 1er janvier 2018 au 28 février 2018 (ii)).

Le  tend à modifier le F de l’article 78 de la LFSS pour 2016, qui institue une dérogation partielle aux modalités de facturation des établissements de santé privés sous OQN, en prolongeant cette facturation dérogatoire jusqu’au 31 décembre 2019.

Le B du II tend à modifier le V et le VI de l’article 78 précité, relatifs respectivement à la fixation d’une enveloppe relative à la liste en sus au sein de la DAF allouée au titre des activités SSR et au financement des maisons d’enfants à caractère sanitaire durant la période transitoire, en étendant la période de transition jusqu’au 31 décembre 2019.

Source : Direction générale de l’offre de soins.

B.   Une plus grande souplesse dans la mise en Œuvre du dispositif

Afin de favoriser la mise en œuvre du dispositif, le présent article prévoit plusieurs assouplissements au cadre législatif fixé pour la période transitoire.

1.   Un assouplissement des modalités de fixation du coefficient de rééducation-réadaptation

Le du A du II tend à supprimer l’obligation de diminuer chaque année la valeur du coefficient de rééducation-réadaptation prévue au D du III de l’article 78 précité.

Selon les informations transmises au rapporteur général, la décision quant à la fixation du niveau de ce coefficient serait ainsi renvoyée au pouvoir règlementaire, qui pourra mieux l’adapter en fonction de l’avancée des travaux de classification des séjours.

2.   Un assouplissement des modalités de facturation des établissements privés

Le présent article assouplit le dispositif prévu dans la loi pour la facturation des établissements anciennement sous OQN, afin de laisser plus de latitude lors de son application.

Ainsi, le ii) du a) du vise à modifier le deuxième alinéa du a) du 2° du E de l’article 78 précité qui, pour les établissements privés anciennement sous OQN, affecte d’un coefficient de minoration la fraction des recettes calculée selon les anciennes règles de financement (et donc sur le prix de journée).

La nouvelle rédaction ne fait pas mention d’un coefficient, mais seulement, de manière moins précise, d’une minoration.

Le dispositif proposé ne statue pas définitivement sur les modalités de cette minoration, mais, en supprimant la référence à un coefficient de minoration, permettrait de laisser plus de souplesse dans la fixation des modalités de régularisation de la part « DMA », qui seront définies par voie réglementaire en concertation avec les acteurs dans le cadre de la préparation de la campagne 2018.

Selon les informations transmises au rapporteur général, les établissements concernés seraient favorables à la suppression de ce coefficient de minoration, qui ne leur permet pas d’avoir une idée globale de l’évolution de leur financement, et lui préfèreraient éventuellement une régularisation a posteriori.

Le rapporteur général note toutefois qu’une erreur rédactionnelle s’est glissée dans la nouvelle rédaction : cette minoration doit être à hauteur de la fraction des recettes « DMA » et non pas de la fraction des recettes issues de l’application des modalités de financement antérieur. Il convient de corriger cette erreur en faisant référence non pas à la fraction mentionnée au a) mais à la fraction mentionnée au b).

Le C précise que cette disposition entre en vigueur à compter du 1er mars 2018 et est applicable pour le calcul des montants alloués aux établissements à compter de cette date.

3.   Un rythme de déploiement modulé en fonction des catégories d’établissements

Le iii) et le iv) a) du 4° du II visent à introduire une possibilité de modulation du rythme de déploiement des nouvelles modalités de financement en fonction des catégories d’établissement au cours de la période transitoire.

Pour mémoire, un dispositif similaire est déjà prévu pour la phase de montée en charge, puisque, de 2020 à 2022, le niveau de fractions déterminant la part fixe et la part variable de la dotation modulée à l’activité pourra être différencié entre établissements publics et privés non lucratifs relevant de la dotation annuelle de financement, d’une part, et les établissements issus du secteur privé relevant de l’objectif quantifié national, d’autre part.

Le présent article prévoit ainsi que pourront être différenciés en fonction des catégories d’établissements :

– le montant mentionné au b) du 2° du E de l’article 78 de la LFSS pour 2016, qui correspond à la part paramétrée sur la dotation modulée à l’activité (iii) ;

– le niveau des fractions prévues au a) et b) du même article, c’est-à-dire les pourcentages correspondant à la part des recettes calculées selon les anciennes règles de financement et à celle correspondant aux recettes calculées avec les nouvelles règles (iv).

Cette modulation devrait permettre aux établissements publics, très demandeurs de cette réforme, de s’approcher au plus vite du dispositif cible, et aux établissements privés de bénéficier de plus de temps pour effectuer cette transition.

C.   Autres mesures

Le I de l’article corrige une erreur rédactionnelle, puisque deux articles L. 162-23-15 existaient dans le code. Il transforme donc l’article L. 162-23-15 issu de la LFSS pour 2017, relatif aux hôpitaux de proximité, en un article L. 162‑23‑16.

 

 

 


Schéma : dispositif de financement cible SSR (simplifié)

Source : Commission des affaires sociales


Schéma: dispositif de financement transitoire SSR (simplifié)

 

Source : Commission des affaires sociales


Schéma: dispositif de financement transitoire SSR prévu par le présent article (simplifié)

Source : Commission des affaires sociales
 


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La commission examine l’amendement AS115 de M. Jean-Pierre Door.

M. Bernard Perrut. L’article 48 reporte l’application du modèle cible du nouveau financement des établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR) au 1er janvier 2020, afin d’en assouplir la montée en charge.

Soumis à un cadre réglementaire commun issu de deux décrets du 17 avril 2008, les établissements de santé ayant une activité de SSR, qu’ils soient publics ou privés, doivent respecter les mêmes conditions d’implantation et les mêmes conditions techniques de fonctionnement pour leur activité. Depuis le 1er mars 2017, les établissements de SSR sont soumis à un modèle transitoire, fondé sur l’application combinée des anciennes et nouvelles modalités de financement. Concernant ces nouvelles modalités, l’article 78 modifié de la LFSS pour 2016 prévoit la possibilité de mettre en place deux grilles tarifaires nationales distinctes entre catégories d’établissements, concrétisées par un premier arrêté ministériel en mai 2017. Ces tarifs nationaux correspondent à un périmètre de remboursement identique à toutes les catégories d’établissements. Par ailleurs, pour ceux d’entre eux faisant appel à des intervenants libéraux, le mécanisme prévoit déjà une adaptation des tarifs, c’est-à-dire une minoration.

Dès lors, au regard de l’exposé des motifs de l’article 48, qui précise que « la mesure a également pour objectif de simplifier certains aspects du dispositif et prévoit la possibilité d’introduire plus de souplesse dans la montée en charge du modèle », cet amendement prévoit une dérogation temporaire. Il a ainsi pour objet de permettre aux établissements de SSR privés de bénéficier, pendant la période transitoire, de l’accès à la même échelle tarifaire que celle prévue pour les établissements SSR publics et assimilés.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. L’enjeu réside moins aujourd’hui dans l’échelle tarifaire que dans la possibilité pour le secteur public de combler une partie du retard qu’il a accumulé, faute de bénéficier des mêmes règles de financement que le secteur privé. Je ne m’inscris pas du tout dans une concurrence entre les secteurs mais, s’agissant des soins de suite et de réadaptation, le secteur public est payé dans le cadre d’une dotation globale correspondant à une enveloppe fermée, alors que le secteur privé est payé en prix de journée. Ainsi, lorsque le nombre des lits de SSR augmente dans le secteur public, la dotation reste identique, alors que lorsqu’il augmente dans le secteur privé, l’augmentation des financements est proportionnelle – vous reconnaîtrez qu’en matière d’égalité, nous sommes assez loin du compte.

De fait, le nombre des établissements de SSR diminue dans le public tandis qu’il augmente dans le privé. Ainsi, de nombreux projets sont freinés dans les territoires, faute de financement. La réforme des SSR, qui doit s’appliquer progressivement, permettra de restaurer l’équité et de développer de belles structures de soins de suite et de réadaptation.

Il est proposé de reporter l’application de la réforme pour affiner notre connaissance des SSR spécialisés afin que les tarifs correspondent à la complexité des pratiques qui s’y exercent. Quoi qu’il en soit, on ne peut ni revenir sur cette réforme ni repousser davantage son entrée en vigueur. Toutefois, dans le rapport que j’ai consacré au financement des établissements de santé, j’avais proposé que l’on envisage de créer une dotation modulée en fonction de l’activité en soins de suite et de réadaptation, car l’immense majorité des coûts liés aux démarches de rééducation sont des coûts fixes et des coûts de structure. Ainsi une réforme consistant à ajouter à cette importante part fixe une part discrètement modulée en fonction de l’activité semble plus intéressante que la mise en œuvre de la T2A. Mais, pour cela, les établissements ont besoin d’un peu de temps. En tout état de cause, laissons le secteur des SSR public se développer. Pour ces différentes raisons, je vous suggère, monsieur Perrut, de retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 48 sans modification.

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*     *

Après l’article 48

La commission examine l’amendement AS127 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. L’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale sert de base à la fixation, chaque année, des tarifs nationaux des prestations, des modalités de détermination du montant des forfaits annuels et des coefficients géographiques pour le financement des établissements de santé. Cet article dispose que les coefficients géographiques s’appliquent aux tarifs nationaux, aux forfaits annuels et à la dotation complémentaire en tenant compte d’éventuels facteurs spécifiques pour les établissements implantés dans certaines zones.

Par cet amendement, nous proposons de préciser que les critères de ces facteurs spécifiques sont l’éloignement, l’insularité, les risques naturels, la dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits et le surcoût lié aux dépenses de personnel. En effet, dans les départements d’outre-mer, les hôpitaux font face à des surcoûts liés à l’insularité, aux sur-rémunérations des personnels, aux frais d’approche et de transport, aux évacuations sanitaires et à la mise aux normes des bâtiments en matière sismique et cyclonique. Or, les coefficients géographiques tels qu’ils sont actuellement appliqués dans les outre-mer ne compensent pas les charges pesant sur les hôpitaux. C’est ainsi que, chaque fin d’année, une aide exceptionnelle de trésorerie est accordée a posteriori aux établissements de santé.

L’adoption de cet amendement permettrait d’assurer un financement réaliste et adapté à la situation des outre-mer et d’étendre l’application du coefficient géographique à l’ensemble des enveloppes.

M. le rapporteur général. Je vous suggère de retirer cet amendement. Je sais, pour m’être rendu à La Réunion dans le cadre de ma mission sur le financement des établissements de santé et pour y avoir rencontré l’ensemble des acteurs hospitaliers des secteurs public et privé, que les surcoûts liés aux difficultés propres aux établissements d’outre-mer soulèvent une véritable question.

Du reste, si l’on voulait être exhaustif, il faudrait ajouter les surcoûts immobiliers et les sur-dépenses liées à la précarité des populations. La Réunion, par exemple, compte 55 % de bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Par ailleurs, très peu de prestations hôtelières sont payées par les complémentaires santé. C’est pourquoi j’ai précisé, dans mon rapport sur le financement des établissements de santé, que le coefficient géographique, même s’il est important, ne prend pas en compte la complexité de ces surcoûts qui grèvent le financement des établissements de santé outre-mer. Toutefois, cette question relève du règlement, et non de la loi. Il me semble donc préférable d’approfondir la réflexion sur l’évolution des modes de financement des établissements qui sont dans des territoires sous tension financière.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS346 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Cet amendement d’appel vise à attirer l’attention du Gouvernement sur l’augmentation de 2 euros du forfait hospitalier. Celui-ci, qui était de 20 francs lors de sa création, en 1983, soit 3,05 euros, atteint aujourd’hui 18 euros alors que, s’il avait suivi l’inflation, il serait de 7 euros. Or, son augmentation sera répercutée sur les patients, notamment les plus modestes d’entre eux, qui pâtissent déjà de l’inégalité de l’accès aux soins. Nous appelons donc le Gouvernement à revenir sur cette mesure.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Puisqu’il s’agit d’un amendement d’appel, monsieur Aviragnet, comptez-vous le maintenir ?

M. Joël Aviragnet. Je le retire.

L’amendement est retiré.

L’amendement AS135 de M. Jean-Pierre Door est également retiré.

La commission examine l’amendement AS265 de M. Thomas Mesnier.

M. Thomas Mesnier. Il s’agissait, par cet amendement, de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la prise en charge des frais directs ou indirects liés à une pathologie cancéreuse, notamment sur le reste à charge lié à une chirurgie réparatrice dans le cas de cancers du sein.

M. le rapporteur général. Je relève que vous parlez de votre amendement au passé… Une enquête menée par la Ligue contre le cancer en 2014 relève en effet l’existence d’un reste à charge très important après une mastectomie, qui peut aller jusqu’à 1 391 euros pour une reconstruction mammaire. Dans cette enquête, une femme sur deux ayant eu une mastectomie évoque avoir eu des difficultés financières pour faire face à ce reste à charge et, parmi elles, 15 % ont eu recours à une aide extérieure pour couvrir ces frais. Toutefois, plutôt que de demander un rapport au Gouvernement, il vaut mieux travailler sur la réduction de ce reste à charge avec l’assurance maladie et les complémentaires.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS341 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Nous proposons de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les conditions de mise en place d’une indemnité compensatrice de perte de salaire pour les personnes dialysées lorsque leur traitement entraîne une interruption partielle de travail. Actuellement, en effet, ces personnes n’ont pas d’autres possibilités que de demander un arrêt maladie ou, en cas d’aggravation de la maladie, de recourir à des dispositifs d’invalidité qui les précipitent hors du monde du travail et les excluent davantage.

M. le rapporteur général. Là encore, ne devons-nous pas réfléchir collectivement à cette question plutôt que de demander – une fois de plus ! – un rapport au Gouvernement ? Cette question entre dans le périmètre de notre mission d’évaluation et de contrôle. Je vous tends donc la main, même si la liste de mes engagements commence à s’allonger : travaillons ensemble sur ce sujet.

M. Julien Borowczyk. Il me semble en effet qu’un travail commun serait intéressant, car il existe désormais de nouvelles techniques de dialyse à domicile moins invalidantes et qui nuisent donc moins à la vie sociale du patient.

M. Joël Aviragnet. Je suis d’accord pour que nous travaillions en commun sur cette question ; je retire l’amendement.

M. le rapporteur général. J’ajoute qu’une indemnité compensatrice de perte de salaire en cas de traitement de l’insuffisance rénale chronique par dialyse à domicile est déjà prévue par un arrêté du 26 octobre 1995. Nous pouvons donc commencer par nous pencher sur l’application de cette disposition dans le cadre de nos travaux parlementaires.

L’amendement est retiré.

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*     *

Article 49
Évolution des compétences financières des Agences régionales de santé (ARS)

L’article prévoit plusieurs mesures assouplissant la gestion du Fonds d’intervention régional (FIR) :

– fongibilité des financements des dispositifs de coordination des parcours, par dérogation au principe de fongibilité asymétrique qui s’applique aujourd’hui à la gestion du FIR ;

– modifications des règles de gestion du FIR : possibilité pour les ARS d’inscrire en recette de leur budget tout crédit versé à l’agence et destiné à financer une action entrant dans le champ des missions du FIR, simplification de l’arrêté fixant la dotation de l’assurance maladie au fonds, modification des règles de gestion des crédits du FIR non consommés et des crédits correspondants aux sommes notifiées mais prescrites.

I.   LE fonds d’intervention régional (FIR)

A.   Le FIR : un outil de la stratégie régionale de santé

L’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2012 ([355]) a créé un Fonds d’intervention régional (FIR) réunissant des crédits et des dotations déjà existants au titre des actions des ARS, afin de donner à ces dernières une plus grande souplesse dans la gestion de certains crédits qui s’inscrivent dans leur stratégie régionale de santé.

L’article 56 de la LFSS pour 2015 ([356]) a réorganisé les missions du FIR autour de cinq axes :

– la promotion de la santé et la prévention des maladies, des traumatismes, du handicap et de la perte d’autonomie ;

– l’organisation et la promotion de parcours de santé coordonnés ainsi que la qualité et la sécurité de l’offre sanitaire et médico-sociale ;

– la permanence des soins et la répartition des professionnels et des structures de santé sur le territoire ;

– l’efficience des structures sanitaires et médico-sociales et l’amélioration des conditions de travail de leurs personnels ;

– le développement de la démocratie sanitaire.

Les ressources du fonds sont constituées par une dotation des régimes obligatoires de base d’assurance maladie, une dotation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), et toute autre dotation ou subvention prévue par des dispositions législatives ou réglementaires ([357]).

B.   Les règles actuelles de gestion des crédits du FIR

1.   Une souplesse de gestion encadrée

Le FIR doit donner une plus grande souplesse de gestion aux ARS, en leur permettant d’allouer des crédits selon leurs priorités régionales.

Cette souplesse est encadrée par un principe de fongibilité asymétrique et de fléchage de certains crédits. Ce principe de fongibilité asymétrique est prévu par le b de l’article L. 1435-9 du code de la santé publique, qui prévoit qu’au sein des ressources du FIR, deux compartiments sont clairement identifiés, afin de préserver leurs moyens tout en permettant des transferts inverses de financement à leur profit :

– les crédits destinés au financement des actions tendant à la prévention (promotion de la santé, éducation à la santé, prévention des maladies, des traumatismes et sécurité sanitaire), qui ne peuvent être affectés au financement d’activités de soins ou de prises en charge et d’accompagnements médico-sociaux ;

– les crédits destinés au financement de la prévention des handicaps et de la perte d’autonomie ainsi qu’au financement des prises en charge et accompagnements des personnes handicapées ou âgées dépendantes, qui ne peuvent être affectés au financement d’activités de soins.

Certains crédits sont également fléchés par la loi : c’est le cas des crédits destinés au financement des projets « PAERPA » (Personnes Âgées En Risque de Perte d’Autonomie) issus de l’article 48 de la LFSS pour 2013. Le même article prévoit en effet que les crédits affectés aux projets pilotes par cet arrêté ne peuvent être affectés au financement d’autres activités.

2.   Une gestion pluriannuelle des crédits

La réforme du FIR par la LFSS pour 2015 a confié aux ARS la gestion budgétaire et comptable du fonds, jusqu’alors partagée avec les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), dans le cadre d’un budget annexe au budget des ARS, permettant de retracer les recettes et les dépenses du FIR dans un document synthétique. Seuls les paiements effectués directement aux professionnels de santé restent gérés par les CPAM.

Elle a également permis une gestion pluriannuelle des crédits, plus conforme à l’esprit de ce fonds. Cette gestion pluriannuelle a été facilitée par la présentation du FIR en budget annexe, qui permet de retracer les recettes et les dépenses du FIR dans un document synthétique et ouvre la possibilité de dégager un résultat spécifique en fin d’exercice.

L’article L. 1435-10 du code de la santé publique prévoit qu’en cas de non consommation intégrale des crédits, il est possible de les reporter, dans la limite d’un plafond, sur l’exercice suivant afin de faciliter le suivi des projets de manière pluriannuelle. Afin d’éviter la constitution d’une trésorerie importante, il est également prévu que les crédits non consommés, c’est-à-dire non ordonnancés, et qui ne peuvent être reportés en application de la règle de plafonnement soient reversés à la CNAMTS, à la CNSA et à l’État.

II.   le dispositif proposé : la modification des règles de gestion du FIR

Le dispositif proposé modifie les règles de gestion du FIR. Il permet notamment d’utiliser les crédits destinés aux dispositifs « MAIA » et PAERPA pour financer d’autres dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes intéressant en tout ou partie les personnes âgées et handicapées.

Le I du présent article vise à intégrer une dérogation à la « fongibilité asymétrique » (cf. supra) des crédits pour le cas spécifique du financement de dispositifs de coordination des parcours.

En effet, de nombreux dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé se sont développés au cours des dernières années. Parmi ces dispositifs se distinguent notamment :

–  les MAIA (méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soin dans le champ de l’autonomie), qui permettent la coordination entre les institutions et les professionnels de santé intervenant dans le secteur social, médico-social et sanitaire, sur un même territoire, auprès des personnes en perte d’autonomie. Ce dispositif, prévu à l’article L. 113-3 du code de l’action sociale et des familles, permet de construire à la fois un « guichet unique » et un réseau intégré de partenaires pour les soins, l’aide et l’accompagnement à domicile ;

– les projets pilotes « PAERPA » (Personnes Âgées En Risque de Perte d’Autonomie) issus de l’article 48 de la LFSS pour 2013, qui ont pour objectif d’optimiser le parcours des personnes âgées de plus de 75 ans et dont l’état de santé est susceptible de se dégrader, en améliorant la coordination entre les différents professionnels du territoire.

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a donné une base législative au concept de plateforme territoriale d’appui développé dans le cadre des expérimentations PAERPA. Désormais, les ARS peuvent mettre en place des plateformes territoriales d’appui (PTA), en s’appuyant sur les initiatives des professionnels, en vue de mieux coordonner la prise en charge des situations complexes, sans distinction ni d’âge ni de pathologie.

Selon l’étude d’impact annexée au présent article, ces dispositifs ont un objectif commun qui est de « mobiliser, appuyer, coordonner les professionnels disponibles sur un territoire pour une prise en charge individualisée des personnes en situation complexe ». Or, actuellement, « les ARS ne peuvent pas redéployer certains crédits FIR fléchés sur des dispositifs dappui à la coordination spécifique au bénéfice dun autre dispositif, ce qui est en contradiction avec lobjectif de convergence de ces dispositifs ».

Le présent article créé donc un nouvel article L. 1435-9-1 au sein du code de la santé publique.

Par dérogation au principe de fongibilité asymétrique en vigueur et à la sanctuarisation des crédits « PAERPA » prévue à l’article 48 de la LFSS pour 2013, ce nouvel article autorise les ARS à utiliser les crédits dédiés au financement des dispositifs MAIA ou PAERPA ([358]) pour le financement d’un autre dispositif d’appui à la coordination des parcours de santé complexes intéressant en tout ou partie les personnes âgées et handicapées.

Le 1° du II modifie l’article L. 1432-5 du code de la santé publique relatif au budget des ARS.

Pour le moment, seuls les crédits expressément dédiés au FIR, délégués par un arrêté national, peuvent être inscrits au sein du budget annexe des ARS. Or, les ARS perçoivent actuellement des recettes (de l’assurance maladie ou des départements par exemple) sur leur budget principal qui sont destinées à couvrir les charges liées à une action mise en place par l’ARS et relèvent des missions du fonds.

Le présent article permet donc aux ARS d’inscrire en recette de leur budget tout crédit versé à l’agence et destiné à financer une action entrant dans le champ des missions du FIR, afin de mieux assurer le suivi de ces crédits.

Le 2° du II simplifie l’arrêté prévu au 1° de l’article L. 1435-9 du code de la santé publique fixant la dotation de l’assurance maladie au FIR, afin qu’il soit pris uniquement par le ministre en charge de la sécurité sociale, et non plus par les ministres chargés de la santé, du budget, de la sécurité sociale, des personnes âgées et des personnes handicapées.

Le 3° du II modifie les règles de gestion des crédits du FIR non consommés ou des crédits correspondants aux sommes notifiées mais prescrites (règle de déchéance quadriennale).

La mesure opère une simplification, en évitant une étape dans la gestion des crédits non consommés, puisqu’elle prévoit que ceux-ci soient directement déduits des contributions de l’assurance maladie ou de la CNSA au FIR, plutôt que de reverser ces crédits à ces mêmes acteurs, lesquels viennent ensuite abonder le FIR. La même règle s’appliquera aux crédits correspondants aux sommes notifiées mais prescrites.

La procédure proposée est d’ores et déjà celle qui trouve à s’appliquer au regard des dispositions réglementaires en vigueur (décret n° 2017-814 du 5 mai 2017 portant réglementation des reports et de déchéance des créances relatives au fonds d’intervention régional). Il convenait d’ailleurs de supprimer la possibilité de reverser les crédits non consommés à l’État, qui ne contribue plus au FIR depuis 2017.

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La commission examine les amendements identiques AS116 de M. Jean-Pierre Door et AS187 de Mme Nathalie Elimas.

M. Stéphane Viry. L’objet de l’article 49 est d’apporter plus de souplesse dans l’utilisation du financement des agences régionales de santé afin de renforcer l’efficience des dépenses. Si nous sommes d’accord sur le principe, nous souhaiterions que la transparence soit également renforcée et que l’ARS puisse justifier l’utilisation des deniers publics devant les citoyens. C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement AS116, de donner aux acteurs de santé une meilleure visibilité concernant les modalités d’attribution des fonds par les ARS.

M. Brahim Hammouche. L’amendement AS187 vise également à renforcer la transparence s’agissant de l’utilisation des deniers publics par les ARS.

M. le rapporteur général. Il me semble que la publicité actuelle de l’exécution des budgets et des comptes est plus efficace qu’une éventuelle publication au recueil des actes administratifs. Je vous suggère donc de retirer vos amendements.

Mais, puisque vous me tendez une perche, j’ajoute qu’il serait intéressant de faciliter la fongibilité des financements au sein des fonds d’intervention régionaux (FIR), de façon à permettre aux ARS, lorsqu’elles procèdent à la restructuration d’unités hospitalières, d’urgence par exemple, de conserver le financement correspondant dans le cadre du FIR et de le réinvestir pour développer les soins d’urgence non programmés en ambulatoire. Ma réflexion sur ce point n’était pas encore suffisamment aboutie pour que je puisse vous proposer un amendement en commission, mais j’espère pouvoir le faire la semaine prochaine. Sous son aspect technique, cette modification serait très importante et permettrait d’améliorer la structuration de l’offre de soins dans les territoires.

M. Stéphane Viry. Compte tenu de la proposition qui nous sera faite la semaine prochaine, je retire l’amendement AS116.

M. Brahim Hammouche. Je retire également l’amendement AS187.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 49 sans modification.

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Après l’article 49

La commission examine l’amendement AS328 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à préciser les modalités de la répartition des crédits affectés aux Fonds d’intervention régionaux – dont j’ai remarqué qu’elle ne prenait pas suffisamment en compte la démographie régionale et les besoins de santé recensés sur le territoire –, afin que les régions qui connaissent les difficultés les plus importantes aient davantage de moyens que les autres.

M. le rapporteur général. Le code de la santé publique prévoit déjà de manière explicite, à l’article L. 1435-8, que le FIR doit concourir à la permanence des soins et à la répartition des professionnels et des structures de santé sur le territoire. Il me semble donc que votre amendement est satisfait par le droit existant.

M. Francis Vercamer. Ce n’est pas tout à fait la même chose : il s’agit ici de la prise en compte de l’état sanitaire de la population et non de la répartition des médecins. Je constate chaque année que les Hauts-de-France, où le taux de mortalité est l’un des plus élevés de France, reçoit moins de crédits que les autres régions.

M. le rapporteur général. Dans la pratique, la répartition de ces crédits tient compte de la démographie régionale, mais aussi d’indicateurs de santé publique tels que la précarité, la mortalité, le taux de personnes atteintes d’affection de longue durée… Je vous assure que votre amendement est satisfait.

M. Francis Vercamer. Je le maintiens néanmoins, car il n’est pas satisfait dans la réalité.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS326 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Voici un amendement que nous déposons chaque année depuis une quinzaine d’années. Il s’agit de relancer la réflexion sur les objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie (ORDAM), c’est-à-dire une déclinaison régionale de l’ONDAM, afin que la situation de chaque territoire soit mieux prise en compte.

M. le rapporteur général. Je vous renvoie, monsieur Vercamer, à l’excellent rapport que Jean-Pierre Door a consacré à cette question à l’occasion de la présentation d’une proposition de loi organique en 2014, ainsi qu’au rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) de 2011.

Sur le fond, je ne suis pas favorable aux ORDAM. Nous ne sommes pas prêts et il ne s’agit pas d’un objectif en soi. Il est déjà complexe d’élaborer un ONDAM, alors le décliner au niveau des régions… En outre, pour qu’elles puissent piloter des ORDAM, il faudrait que les ARS deviennent de véritables paquebots. Enfin, l’article 35, qui permet d’expérimenter de nouvelles façons de payer les soins dans les territoires, me semble déjà être une étape très importante. Je vous propose donc de retirer l’amendement.

M. Francis Vercamer. Je le maintiens. Vous dites que l’on n’est pas prêt, mais cela fait quinze ans que nous déposons cet amendement : je pense que l’on a eu le temps de se préparer…

La commission rejette l’amendement.

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Article 50
Mesure defficience et dadaptation de loffre aux besoins du secteur médico-social

Cet article introduit diverses mesures relatives aux établissements et services sociaux et médicaux sociaux (ESSMS) :

– la possibilité d’une caducité seulement partielle des autorisations délivrées à ces établissements ;

– des dispositions harmonisant les différents types de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) obligatoires ;

– la suppression de l’opposabilité des conventions collectives de travail aux ESSMS obligatoirement signataires d’un CPOM, et, par conséquent, la suppression de la procédure d’agrément des conventions collectives signées par ces établissements.

I.   caducité partielle des autorisations délivrées aux ESSMS

Actuellement, l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles dispose que toute autorisation accordée à un ESSMS ([359]) est réputée caduque si celui-ci n’est pas ouvert au public dans un délai et selon des conditions fixées par décret. Si seule une partie des places autorisées a été ouverte au public une fois ce délai écoulé, l’autorisation est réputée caduque pour l’ensemble des places autorisées.

Le introduit donc une possibilité de caducité partielle d’autorisation à l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles, pouvant concerner une partie seulement de l’activité de l’établissement ou du service. Le délai et les conditions dans lesquels l’ESSMS doit être ouvert au public seront fixés par décret.

Selon l’étude d’impact annexée au présent article, « lintroduction dun régime de caducité partielle permettrait de reconnaître la divisibilité et la souplesse propres aux autorisations sociales et médico-sociales (…) Cette mesure serait par ailleurs cohérente avec la pratique actuelle des autorités compétentes, qui retranscrivent explicitement dans les arrêtés dautorisation les places attribuées pour chaque activité ou site, lorsque les établissements ou services exercent des activités distinctes ou une même activité sur des sites distincts ».

II.   Dispositions liées aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM)

A.   Le contexte : La généralisation des CPOM

Le financement des établissements et services médico-sociaux a été modifié en profondeur en 2016, avec la mise en place progressive d’un nouveau cadre financier contractuel.

Les lois relatives à l’adaptation de la société au vieillissement et les lois de financement de la sécurité sociale pour 2016 et 2017 ont en effet consacré un outil déjà existant, le CPOM. Ces contrats, signés entre les pouvoirs publics et les gestionnaires d’établissements et services médico-sociaux, fixent des objectifs de qualité et d’efficience, en contrepartie de perspectives pluriannuelles sur le financement des établissements.

Les CPOM sont devenus obligatoires pour plusieurs types d’établissements et de services, au premier rang desquels les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les établissements pour personnes handicapées, les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD).

Deux types de CPOM obligatoires sont aujourd’hui prévus par la loi. La période de déploiement de ces deux types de contrat doit prendre fin au 31 décembre 2021.

Les CPOM obligatoires dans le droit actuel

 

CPOM relevant de l’article L. 313-12 (IV ter) du code de l’action sociale et des familles

CPOM relevant de l’article L. 313‑12-2 du code de l’action sociale et des familles

 

 

 

Établissements ou services concernés

 

 

 

EHPAD et petites unités de vie

 

 

 

Un seul CPOM est conclu pour lensemble des EHPAD du département dun même organisme gestionnaire, et peut intégrer dautres catégories dESMS.

Établissements accueillant des personnes handicapées

 

Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD)/Service polyvalent d’aide et de soins à domicile (SPASAD)

 

Seuls sont concernés les établissements ou services relevant de la compétence tarifaire de lARS (les ESSMS relevant de la compétence exclusive du conseil départemental ne sont pas soumis à cette obligation).

Source : Commission des affaires sociales

B.   Le Dispositif : l’Harmonisation de diverses dispositions relatives aux CPOM

Le présent article met en cohérence les deux types de CPOM. Malgré ces mesures d’harmonisation, ces deux types de CPOM restent très différents dans leur contenu, puisque le CPOM « EHPAD », qui a remplacé la convention tripartite, constitue un véritable outil budgétaire.

1.   Sur le plan de la modulation des tarifs

Le introduit la possibilité de moduler les tarifs en fonction de l’activité pour les CPOM « EHPAD » à l’article L. 313-12.

Cette modulation du tarif en fonction d’objectifs d’activité vise à éviter que le passage à une dotation globale incite certaines structures à laisser leur activité se dégrader – notamment pour les ESSMS qui relevaient jusqu’alors d’une tarification au prix de journée.

Elle est aujourd’hui prévue uniquement pour les CPOM relevant de l’article L. 313-12-2, mais pas pour les CPOM « EHPAD », qui peuvent pourtant inclure, au côté des EHPAD, les mêmes catégories d’ESSMS (notamment les SSIAD ou des structures pour personnes handicapées).

Le présent article remédie donc à l’inégalité de traitement entre des structures de même type qui relèveraient de l’une ou l’autre de ces catégories de CPOM.

2.   Sur le champ des établissements concernés

Le a) du vise à étendre l’obligation de conclure un CPOM à tous les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées, à l’exception des EHPAD. Il s’agit en réalité d’inclure dans cette disposition les établissements d’accueil de jour autonome pour les personnes âgées, pour lesquels il existe aujourd’hui un vide juridique. En effet, si la loi ne les mentionne actuellement pas parmi les établissements devant conclure un CPOM, les différentes instructions ministérielles produites dans le cadre de la réforme de la tarification et de la contractualisation les ont inclus dans le périmètre, afin d’éviter que seuls ces établissements, peu nombreux, demeurent exclus du dispositif.

Par ailleurs, il est actuellement prévu que les CPOM « EHPAD » puissent concerner plusieurs activités, en incluant d’autres catégories d’établissements ou de services sociaux et médicaux-sociaux, lorsque ces établissements ou services sont gérés par un même organisme gestionnaire et relèvent du même ressort territorial.

Le b) du introduit une disposition similaire pour les CPOM relevant de l’article L. 313-12-2. Cela permettrait notamment aux ESSMS relevant de la compétence exclusive du conseil départemental de conclure ce type de CPOM, dont ils ne relèvent pas aujourd’hui. Les EHPAD sont logiquement exclus du champ de cette disposition.

C.   suppression de l’opposabilité des conventions collectives de travail pour les ESSMS signataires d’un CPOM

1.   La procédure d’agrément obligatoire, corollaire de l’opposabilité des conventions

Depuis 1975, les accords d’entreprise et avenants aux conventions collectives dans le secteur social et médico-social privé à but non lucratif doivent faire l’objet d’un agrément, en raison de l’impact potentiel de ces accords sur les finances publiques.

Cet agrément est délivré par le ministre compétent, dans la plupart des cas après avis de la commission nationale d’agrément (CNA), au sein de laquelle sont représentés l’ensemble des financeurs du secteur ([360]).

Une fois agréés, ces conventions ou accords s’imposent aux autorités compétentes en matière de tarification : l’autorité tarifaire doit donc obligatoirement tenir compte, dans les tarifs qu’elle retient pour un établissement, des augmentations de la masse salariale entraînées par la mise en œuvre d’une convention agréée ou d’un avenant à cette convention.

2.   Le dispositif proposé

La généralisation des CPOM, couplée à la définition d’une nouvelle tarification, a renversé la logique de financement des établissements et services médico-sociaux : ce n’est plus le niveau de dépenses qui induit le niveau de ressources mais le niveau d’activité. Le maintien d’un principe d’opposabilité des conventions collectives entre donc directement en contradiction avec cette nouvelle logique et avec la définition de perspectives pluriannuelles de financement au sein des CPOM.

Le modifie en conséquence l’article L. 314-6 du code de l’action sociale et des familles.

Le a) du 4° étend à tous les établissements signataires d’un CPOM obligatoire la suppression de l’opposabilité des conventions collectives, suppression déjà applicable aux EHPAD depuis la LFSS pour 2009 ([361]). Le b) du 4° supprime également la procédure d’agrément pour les conventions et accords locaux pour les mêmes établissements.

La suppression de cet agrément ne concerne que les conventions d’entreprise ou d’établissement applicables exclusivement au personnel de ces établissements et services, et ne concerne donc pas les accords nationaux.

*

La commission examine l’amendement AS297 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. Les contrats pluriannuels d’objectif et de moyens (CPOM) s’inscrivent dans une logique d’austérité, cette logique comptable dont tous les professionnels de santé vous diront qu’elle tue leur travail et en détruit le sens, en particulier dans les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il est plus que temps de se libérer de ce carcan budgétaire. Or, cet article franchit une étape supplémentaire en permettant à ces contrats de déroger aux conventions collectives des salariés des EHPAD. On sait que la majorité n’a pas pour priorité d’améliorer les conditions de travail des travailleurs de ce pays, mais tout de même ! Nous avons auditionné les syndicats des EHPAD, et le constat est largement partagé. Dans le contexte actuel, les conditions de travail sont rudes, dangereuses pour la santé et psychologiquement éreintantes. L’opposabilité des conventions collectives doit donc à tout prix être maintenue pour que le droit du travail soit sanctuarisé, au moins là où se trouvent les soignants qui supportent les insuffisances de votre politique dans le secteur médico-social.

Par respect pour le travail de ces salariés et l’énergie qu’ils déploient pour accueillir nos anciens, nous vous demandons de supprimer cet article.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. À cette occasion, je pourrais vous parler de ce qu’il est courant d’appeler désormais la « CPOMisation », néologisme que je trouve assez affreux mais qui signifie simplement que des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens vont être signés dans les établissements médico-sociaux. Ces contrats remplaceront les conventions tripartites négociées sur une base qui n’était pas toujours transparente. Les accords collectifs nationaux seront toujours agréés et donc pris en compte dans la construction de l’ONDAM médico-social. Nous avons ainsi prévu certaines garanties. Il faut toujours rester vigilant quant aux moyens globaux alloués aux établissements médico-sociaux. Ce qui est en cause, c’est le niveau des moyens alloués et non pas le CPOM qui n’est qu’un outil de répartition de ces moyens au sein d’un établissement médico-social. Bref, oui à la « CPOMisation », mais non à la précarisation.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS77 de M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. L’article 50 prévoit de mettre fin à l’opposabilité des conventions collectives dans le cadre de la négociation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens. Pour autant, le décret budgétaire n° 2016-1815 du 21 décembre 2016 permet la reprise des excédents des CPOM obligatoires « handicap », ce qui induit de facto l’effet inverse.

Aussi, cet amendement vise à garantir, dans le cadre d’un dialogue de gestion rénové avec les financeurs, la libre affectation des résultats des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens relevant de l’article L. 313-122 du code de l’action sociale et des familles (CASF), à la suite de leur généralisation par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

En l’état actuel du droit, le CPOM est l’outil le plus adapté pour mener les évolutions nécessaires de l’offre médico-sociale, contrairement à ce qu’a affirmé Mme Fiat. Les chantiers actuels de réforme de la tarification formalisent un besoin, partagé par tous, de souplesse et de simplification. Il est nécessaire de garantir au gestionnaire, dans le cadre d’un dialogue de gestion, une libre affectation des résultats. C’est à cette condition que les gestionnaires pourront répondre avec plus de réactivité et plus de souplesse aux besoins, non ou mal couverts, qu’ils constatent sur le terrain.

M. le rapporteur général. Votre amendement, tel qu’il est rédigé, est satisfait par un décret en vigueur.

M. Gilles Lurton. En êtes-vous sûr ?

M. le rapporteur général. Oui. Il s’agit très précisément de l’article R. 314-43 du code de l’action sociale et des familles, qui dispose que le CPOM prévoit les modalités d’affectation de ces résultats en lien avec ses objectifs.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Lurton ?

M. Gilles Lurton. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission aborde l’amendement AS161 de M. Pierre Dharréville.

M. Alain Bruneel. Dans le même esprit que l’amendement défendu par Mme Fiat, nous souhaitons revenir sur la suppression, prévue à l’article 50, de l’opposabilité des conventions collectives aux établissements du secteur médico‑social, suppression qui avait déjà été opérée pour les EHPAD dans la LFSS pour 2009.

M. le rapporteur général. La suppression de l’opposabilité des conventions n'est que la conséquence de la fin de la procédure d’agrément de ces conventions. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai indiquées à Mme Fiat tout à l’heure, j’émets un avis défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle étudie les amendements identiques AS350 de M. Francis Vercamer et AS351 de M. Joël Aviragnet.

M. Francis Vercamer. Les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens encouragent la responsabilisation des organismes gestionnaires dans le cadre d’une tarification à la ressource et portent sur une période de gestion de cinq ans. Cette démarche leur permet d’appréhender leurs projets et investissements à moyen terme.

L’objectif de cet amendement est de leur reconnaître parallèlement une latitude de gestion leur permettant la constitution de provisions pour charges via l’affectation de leurs excédents d’exploitation éventuels. Il s’agit de les aider à assumer les responsabilités de gestion qui leur sont confiées et de leur éviter de se retrouver durablement en difficulté. Ils pourront ainsi faire face aux dépenses plus lourdes auxquelles ils pourraient être exposés en cours d’exécution du CPOM.

M. Joël Aviragnet. Je voudrais faire une observation. Quand ce type d’établissement est en déficit, ce déficit est reporté deux années plus tard, en année « n + 2 ». Par contre, lorsqu’il y a un excédent, il peut être repris par les autorités. Il serait important que les excédents de ces établissements puissent « remonter en haut de bilan », comme on dit, à titre de provisions. Je rappelle qu’il existe trois types de réserves : les réserves pour investissements, les réserves pour éventuels déficits à venir et les réserves permettant de couvrir des situations ou événements exceptionnels.

M. le rapporteur général. C’est un vrai sujet.

Vous souhaitez, monsieur Vercamer, que soit consacré le principe de libre affectation des résultats des établissements et services médico-sociaux signataires d’un CPOM obligatoire. Quelle est la situation actuelle ? Dans le cadre de la procédure de tarification, l’autorité de tarification reçoit également le compte administratif de l’établissement médico-social, c’est-à-dire le budget réalisé. Si elle constate un résultat déficitaire, elle le reprend, c’est-à-dire qu’elle majore le financement de l’année d’après pour compenser le déficit de l’année précédente. Elle peut d’ailleurs faire l’inverse si le résultat est excédentaire. Même lorsque le résultat n’est pas « repris », l’établissement n’est pas libre d’affecter le résultat excédentaire comme il le veut : c’est l’autorité de tarification qui décide. Elle peut notamment l’affecter à une réserve d’investissement ou à une réserve de trésorerie.

Sur le fond, je suis donc plutôt d’accord avec vous : il serait cohérent que les établissements ayant signé un CPOM obligatoire, qui les responsabilise et instaure une vision pluriannuelle, puissent au moins affecter leurs résultats comme ils le souhaitent. C’est d’ailleurs déjà possible dans les EHPAD.

Mais, dans la forme, votre amendement pose un double problème. D’abord, il ne vise que les établissements privés non lucratifs ; pourquoi ces établissements seraient-ils les seuls concernés ? Ensuite, pour les EHPAD, cette liberté d’affectation des résultats est déjà prévue à l’article R. 314-43 du code de l’action sociale et des familles. Introduire au niveau législatif une disposition spécifique aux autres établissements rendrait le système illisible, alors qu’il suffirait d’étendre à tous les établissements la disposition qui existe déjà au niveau réglementaire. Par ailleurs, je ne suis pas sûr que les règles comptables de ces établissements aient leur place dans la loi.

Je suis donc défavorable à votre amendement. Je vous propose de le retirer et de discuter de sa réécriture en vue de le réexaminer en séance publique

M. Francis Vercamer. Si l’amendement vise les établissements privés non lucratifs, c’est tout simplement parce que j’ai fait un rapport sur l’économie sociale et solidaire en 2010 et que cette proposition y figurait.

La commission rejette les amendements AS350 et AS351.

Puis elle adopte l’article 50 sans modification.

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*     *

Article 51
Transfert des missions de lAgence nationale de lévaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) à la Haute Autorité de santé (HAS)

Cet article prévoit la fusion de l’ANESM – agence chargée d’accompagner les établissements et services sociaux et médico-sociaux dans l’évaluation de leurs activités et de la qualité des prestations qu’ils délivrent – avec la HAS.

I.   Un rapprochement déjà engagé entre deux agences aux missions comparables

L’ANESM a été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 ([362]) afin de mieux accompagner les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) dans la mise en œuvre de l’évaluation interne et externe de leurs activités et de la qualité des prestations qu’ils délivrent, rendue obligatoire par la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale.

L’ANESM, constituée sous forme de groupement d’intérêt général (GIP), est notamment chargée :

-         de valider ou, en cas de carence, d’élaborer des procédures, des références et des recommandations de bonnes pratiques professionnelles devant permettre de réaliser ces évaluations. Cette tâche absorbe actuellement l’essentiel de ses forces ;

-         d’habiliter les organismes extérieurs chargés de procéder à l’évaluation externe des ESSMS (1 314 organismes habilités au 31 décembre 2015).

Ces missions sont comparables avec une partie des missions aujourd’hui exercées par la HAS dans le secteur sanitaire, puisque celle-ci est notamment en charge de l’amélioration de la qualité et de la certification des établissements de santé.

Dans son rapport de 2011 sur LÉtat et ses agences, l’Inspection générale des finances soulignait l’importance des problématiques communes entre les deux agences puisque, « sur les six recommandations produites ou engagées en 2010 par lANESM, la HAS a participé, à des niveaux dimplication divers, à quatre dentre elles », et considérait que si, en pratique, ces agences développent des approches complémentaires, la proximité de leurs missions conduit également à des « dispersions defforts » et à « une grande complexité du paysage institutionnel ».

Au cours des dernières années, l’ANESM et la HAS se sont progressivement rapprochées :

– par la conclusion d’un accord-cadre dès 2010, prévoyant les modalités de la collaboration entre les deux agences, et notamment la définition d’un programme d’actions communes ;

– depuis 2015, la HAS assure pour l’ANESM la gestion de la paie, la passation des marchés publics et la comptabilité de l’ordonnateur ;

 depuis 2016, la HAS accueille lANESM dans ses locaux à titre gracieux.

Le transfert des missions de l’ANESM au sein de la HAS constitue le prolongement logique de ce rapprochement.

Mme Agnès Buzyn, alors présidente de la HAS, lors de son audition par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale le 27 janvier 2016, avait ainsi souligné que « les deux institutions partagent déjà lagence comptable et demain elles partageront des fonctions de support. Lintégration de lANESM au sein de la HAS peut aboutir à condition dadapter des dispositions législatives du code de la sécurité sociale et du code de laction sociale et des familles. »

La convention constitutive du GIP ANESM, qui expirait initialement le 20 avril 2017, a été prorogée pour une durée d’un an seulement. Parallèlement, une mission a été confiée à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le dispositif d’évaluation interne et externe des ESSMS. Les conclusions de celle‑ci, si elles ne traitent pas explicitement la question de l’avenir de l’ANESM, tendent à montrer, selon l’étude d’impact annexée au présent article, que « cette agence na pas atteint la taille critique pour exercer ses missions et que sa gouvernance est complexe ».

II.   la fusion de l’aNESM au sein de la HAS

Le présent article transfère l’intégralité des missions de l’ANESM à l’HAS, permettant ainsi de rationaliser le paysage des agences dans ce secteur.

Le I du présent article prévoit que tous les biens, droits et obligations de l’ANESM seront transférés à la HAS à titre gratuit, sans donner lieu à perception d’impôts, droits ou taxes.

Il prévoit des dispositions protectrices pour la trentaine d’agents que compte l’ANESM, qui seront également transférés de plein droit à la HAS :

– pour les salariés de droit privé (29 % des agents au 31 décembre 2015), le transfert s’effectuera aux conditions prévues à l’article L. 1224-3 du code du travail. Sauf conditions générales d’emploi contraires, la HAS devra donc proposer aux salariés de droit privé de l’ANESM un contrat de droit public reprenant les clauses substantielles de leur contrat, et les services accomplis au sein de l’agence seront assimilés à ceux accomplis au sein de la HAS ;

– les contractuels de droit public conserveront le bénéfice des stipulations de leur contrat.

Le II modifie les articles L. 14-10-5 et L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles relatif à l’évaluation interne et externe des ESSMS :

– en supprimant les alinéas détaillant les modalités d’organisation et de financement de l’ANESM (1° du II et c) du 2° du II) ;

– en remplaçant les références à l’ANESM par des références à la HAS (a), b), d) du 2° du II, 3°) ;

– en ajoutant un alinéa à l’article L. 312-8 donnant pour mission à une commission de la HAS d’établir et de diffuser les procédures, références et recommandations de bonnes pratiques professionnelles relatives aux ESSMS (e) du 2° du I).

Le c) du 2° du II supprime également le huitième alinéa de l’article L. 312-8, relatif aux conditions de prise en compte de la certification dans le cadre de l’évaluation externe par l’ANESM, cette disposition étant devenue obsolète.

Le présent article modifie également l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, relatif aux missions de la HAS :

– en ajoutant l’accompagnement de l’évaluation des ESSMS tel que prévu par l’article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles au nombre de ses missions (1° du III) ;

– en créant une nouvelle commission spécialisée (également mentionnée au sein de l’article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles), reprenant les anciennes missions de l’ANESM, en son sein (2° du III).

Le IV prévoit que l’intégration de l’ANESM au sein de la HAS sera effective le 1er avril 2018, le GIP ANESM expirant au 20 avril 2018.

Si le transfert des missions de l’ANESM au sein de la HAS générera des économies d’échelles toutes administrations publiques confondues, elle a toutefois un coût pour l’assurance maladie.

En effet, alors que l’ANESM est financée par une dotation de l’État (à hauteur de 1,20 M€) et par la CNSA (1,60 M€), la HAS est principalement financée par une dotation des régimes obligatoires d’assurance maladie. Cette dotation devra donc couvrir les nouvelles missions dévolues à la HAS. Un transfert annuel de recettes de l’État et de la CNSA vers l’ONDAM est prévu pour compenser cette charge nouvelle, d’un montant s’élevant respectivement à 0,90 M€ et 1,60 M€.

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La commission examine l’amendement AS163 de M. Pierre Dharréville.

M. Alain Bruneel. L’article 51 prévoit d’intégrer l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) au sein de la Haute Autorité de santé (HAS). Son exposé des motifs ne précise pas quelles seront les conséquences du transfert pour les personnels de l’ANESM. En outre, une part des missions assurées par l’ANESM risque de disparaître. La situation des EHPAD montre, à l’inverse, la nécessité de conserver cette instance.

En conséquence, nous demandons la suppression de l’article.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. L’ANESM compte trente salariés qui seront transférés à la HAS. Toutes les garanties sont inscrites au premier alinéa de l’article 51. Les deux agences partageant déjà les mêmes locaux, la fusion n’aura donc pas de conséquence pour les salariés en termes de mobilité géographique. Les contractuels de droit public conserveront le bénéfice des stipulations de leur contrat, et un contrat de droit public sera offert aux contractuels de droit privé.

Monsieur Bruneel, vous pouvez donc être rassuré sur les conditions dans lesquelles cette fusion s’opère et, si vous l’acceptez, retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS256 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. L’article 51 vise à rationaliser le pilotage des politiques publiques via l’intégration de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux au sein de la Haute autorité de santé.

Une question de forme se pose, car cette décision a été prise de façon unilatérale sans associer toutes les parties prenantes. Cette méthode est regrettable et forcément vecteur d’inquiétude chez les acteurs du social et du médico-social.

Sur le fond, il est crucial que la Haute autorité de santé dont le champ de compétence est déjà vaste puisse pleinement intégrer les spécificités de ce nouveau secteur, d’autant qu’il est particulièrement étendu : structures de protection de l’enfance, des personnes âgées ou en situation de handicap, services d’aide et d’accompagnement à domicile, ou d’accueil des migrants… Il me semble donc utile d’apporter des précisions et des modifications à la gouvernance même de la HAS. La représentation et l’intégration des acteurs du social et du médico-social en son sein, dans le cadre d’une nouvelle architecture statutaire, me paraissent indispensables.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Votre souhait d’intégrer des représentants du monde médico-social au sein de la HAS vous honore, mais cette précision relève du niveau règlementaire.

En revanche, un membre de la HAS est désigné par le président de l’Assemblée nationale. Il ne tient qu’à vous de lui faire partager votre préoccupation.

Par ailleurs, la loi prévoit déjà que les membres du collège sont choisis en raison de leur expertise et de leur expérience dans les domaines de compétence de la Haute Autorité de santé ; sa composition va donc nécessairement évoluer.

La commission rejette l’amendement.

Puis, elle adopte l’article 51 sans modification.

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Après l’article 51

La commission examine l’amendement AS257 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Cet amendement vise à obtenir un rapport d’évaluation sur les conséquences de la fusion de l’ANESM et de la Haute Autorité de santé. Ce rapport est utile non seulement dans l’intérêt des personnes transférées, qu’elles soient statutaires ou en contrat à durée indéterminée – celles-là ne doivent pas servir de variable d’ajustement budgétaire –, mais aussi pour apprécier la continuité de l’énergie déployée dans les établissements et services du champ social et médico-social afin d’assurer l’amélioration de la qualité des pratiques aux côtés des personnes accueillies et accompagnées. Au regard des bouleversements engendrés et du contexte de concertation des plus limitées, ce rapport a donc sa pertinence.

M. le rapporteur général. Encore une demande de rapport ! « Dans un délai de six mois à compter de la promulgation » du projet de loi, l’ANESM et la HAS n’auront fusionné que depuis environ cinquante jours. Il faudrait donc que la rédaction du rapport que vous appelez de vos vœux sur les conséquences de la fusion commence aux premiers jours de celle-ci, ce qui n’a pas grand sens. Je vous suggère de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

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Article 52
Dotation de lassurance-maladie au FMESSP, à lONIAM, et de la CNSA aux ARS

Cet article porte approbation des dotations annuelles de la branche assurance maladie au fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESSP) et à lOffice national dindemnisation des accidents médicaux (ONIAM) ainsi que celle de la caisse nationale de solidarité pour lautonomie (CNSA) pour le financement des agences régionales de santé (ARS).

● Le I prévoit une participation des régimes obligatoires d’assurance maladie au fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESSP) ([363]) à 448,87 millions d’euros. Elle est en forte hausse par rapport à la dotation 2017 qui était de 44,4 millions d’euros

● Le II prévoit une contribution de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) au financement des agences régionales de santé (ARS) de 131,7 millions d’euros, en hausse par rapport à 2017 (129,6 millions d’euros). 

La CNSA a en effet pour mission de financer de l’accompagnement de la perte d’autonomie des personnes âgées et handicapées au domicile ou en établissement, ainsi que d’appui aux acteurs sur le terrain. Outre les concours aux conseils départementaux, notamment au titre du co-financement des prestations, elle finance via le budget des ARS des actions de prises en charge et d’accompagnements en faveur des personnes âgées et handicapées ([364]).

D’après les informations obtenues auprès de la direction de la sécurité sociale, 35,8 millions d’euros financeront les groupements d’entraide mutuelle dans le cadre du plan Santé mentale et 95,9 millions des maisons pour l’intégration et l’autonomie des malades d’Alzheimer (MAIA).

● Le III prévoit une dotation des régimes obligatoires d’assurance maladie pour le financement de l’office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à hauteur de 105 millions d’euros, soit une somme en légère diminution par rapport à 2017 (107 millions d’euros).

L’ONIAM assure au titre de la solidarité nationale l’indemnisation des préjudices liés, d’une part, aux accidents médicaux non fautifs et à différentes contaminations (VIH, VHC, VHB, HTLV) sur financement de la branche maladie du régime général et, d’autre part, des mesures sanitaires d’urgence, des vaccinations obligatoires, du benfluorex et des médicaments dérivés du valproate de sodium ([365]) sur financement de l’État. La part qui relève de l’assurance maladie est estimée à 136,82 millions d’euros ([366]).

Compte tenu du montant de la contribution pour 2018 (– 2 millions d’euros), de la très forte hausse de dotation de l’État (+ 69,7 millions d’euros) et de la hausse des ressources propres et autres produits, d’une part, et de la forte hausse des charges (+67,8 millions d’euros) liées notamment à la montée en charge de l’indemnisation des victimes du valproate de sodium (Depakine), d’autre part, le résultat 2018 devrait être à nouveau déficitaire de 2,7 millions d’euros, couverts par les excédents cumulés notamment entre 2012 et 2015.

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La commission adopte l’article 52 sans modification.

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Chapitre V
Dispositions relatives aux dépenses de la branche maladie

Article 53
Objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès

Cet article porte approbation des objectifs de dépenses de la branche maladie pour l’année 2018, tels qu’ils ressortent des dispositions du projet de loi, et notamment des dispositions du titre IV de la quatrième partie.

● Depuis la réforme de la protection maladie universelle (PUMA), le régime général finance la totalité des prestations en nature pour l’ensemble des régimes obligatoires, excluant ainsi un champ de prestations en espèces spécifiques. Aussi, les deux périmètres sont structurellement très proches en termes de tendance financière.

Ainsi, les objectifs de dépense de la branche maladie sont fixés pour 2018 par cet article à 211,7 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, et 210,6 milliards d’euros pour le régime général, en hausse par rapport à 2017 (respectivement 207,3 milliards et 206 milliards) .

● Ils sont en recul d’environ 4,5 milliards par rapport aux tendanciels (respectivement 215,3 et 214 milliards d’euros) tels qu’ils résultent du rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale du 28 septembre dernier.

Le champ des dépenses de la branche maladie dépasse celui de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) puisqu’il prend en compte d’autres prestations (médico-sociales, pensions d’invalidité, indemnités journalières maternité) pour un montant de 12,5 milliards d’euros, ainsi que les charges de gestion de la caisse nationale (6,7 milliards d’euros).

Toutefois, dès lors que l’ONDAM représente 95 % des dépenses de la branche, il constitue l’outil principal du pilotage de la dépense en matière d’assurance maladie. On pourra donc utilement se référer au commentaire de l’article 54 qui décrit les économies réalisées dans ce champ en 2018.  

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La commission adopte l’article 53 sans modification.

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Article 54
ONDAM et sous-ONDAM

Cet article porte approbation de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour l’année 2018, tel qu’il résulterait de l’adoption des dispositions du projet de loi, notamment les dispositions du titre IV de la quatrième partie.

L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ainsi que les sous-objectifs pour 2018 sont fixés selon les modalités retracées dans le tableau suivant, à comparer avec les prévisions rectifiées pour 2017 à l’article 6 du projet de loi.

(en milliards d’euros)

 

ONDAM 2017 rectifié

ONDAM 2018

Dépenses de soins de ville

86,8

88,9

Dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l’activité

79,0

80,7

Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées

9,0

9,3

Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées

10,9

11,2

Dépenses relatives au Fonds d’intervention régional

3,3

3,4

Autres prises en charge

1,6

1,8

Total

190,7

195,2

 Cet objectif de 195,2 milliards ([367]) correspond à une évolution de + 2,3 % en 2018, laquelle implique, compte tenu de lévolution tendancielle des dépenses (+ 4,5 %) ([368]), un effort de réduction des dépenses important (environ 4,5 milliards deuros).

À l’inverse, il est plus élevé que celui qui était prévu par le PLFSS 2017 (+ 2,1 %), illustrant ainsi la volonté du Gouvernement et de la majorité de donner des moyens en vue de réaliser des réformes structurelles dans un cadre moins contraint (400 millions d’euros de dépenses supplémentaires par rapport à la trajectoire fixée par le précédent gouvernement).

● L’augmentation sera plus forte pour les soins de ville (+ 2,4 %) et le médico-social (+ 2,4 %) que pour les établissements de santé (+ 2,2 %) ([369]), afin de tenir compte des dynamiques inhérentes à chacun des sous-objectifs ([370]) :

– ainsi, en l’absence de mesures nouvelles, le taux d’évolution des soins de ville serait de + 5,1 % correspondant à un taux de croissance spontanée de + 4,2 % et aux effets de mesures déjà engagées tenant notamment à l’application de la convention médicale 2016-2021 et aux conséquences prévisibles des négociations en cours sous forme de provisions.

– s’agissant des dépenses des établissements de santé, elles augmenteraient hors mesures nouvelles 2018 de 4,0 % en raison de plusieurs facteurs comme la convention médicale précitée ([371]), la montée en charge des nouvelles classes thérapeutiques innovantes, la hausse du financement du FMESPP.

Impact des mesures nouvelles sur l’ondam 2018 (*)

niveau de dépenses tendanciel (en milliards)

199,3

Mesures nouvelles ([372])

Effet sur les comptes

Mesures de maîtrise des dépenses de gestion courante (COG)

– 0,2

Lutte contre la fraude aux prestations

– 0,1

Économies ONDAM

– 4,1

Structuration de l’offre de soins (parcours de soins efficients, performance interne des établissements)

– 1,5

Pertinence des produits de santé (médicaments, bio-similaires, tarifs, prescriptions, remises)

– 1,5

Pertinence et qualité des actes (maîtrise médicalisée et actions de pertinence/d’adaptions tarifaires)

– 0,3

Pertinence et efficience des prescriptions d’arrêt de travail

– 0,2

Actualisation du forfait journalier hospitalier

– 0,2

Gestion dynamique du panier de soins

– 0,2

Baisse des cotisations des professionnels de santé

– 0,1

OBJECTIF DE DÉPENSES 2018

195,2

(*) Les chiffres étant issus des annexes du projet de loi et en l’absence de précisions de la part du Gouvernement, les éventuels écarts qui  ne s’expliquent pas par des règles d’arrondi sont de la responsabilité de ce dernier.

Annexe VII du projet de loi

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La commission examine, en discussion commune, les amendements AS134 de M. Jean-Pierre Door, AS258 de Mme Caroline Fiat et AS347 de M. Joël Aviragnet.

M. Bernard Perrut. L’amendement AS134 vise à rééquilibrer les efforts demandés à la médecine de ville et aux établissements de santé publics, privés non lucratifs et privés de statut commercial.

La nouvelle convention médicale conclue en 2016 se traduit par des augmentations importantes des charges. Cette évolution est cohérente avec l’indispensable virage ambulatoire annoncé, mais il reste à s’assurer que ces dépenses nouvelles auront des effets réels, réorganisateurs, limitant véritablement les hospitalisations évitables, et ne se cantonnant pas à de simples mais très coûteux effets en revenus additionnels.

De ce point de vue, il manque encore un dispositif prudentiel sur la médecine de ville, à la hauteur de la sur-exécution de l’ONDAM 2016, de celle très probable de l’ONDAM 2017, et des forts risques de dépassements en 2018.

Pour autant, il n’y a pas lieu que les efforts qui ne sont pas demandés à la médecine de ville soient consentis en totalité par les établissements de santé publics, privés non lucratifs et privés de statut commercial. Ces établissements se verraient ainsi privés complètement d’une possibilité de percevoir une part des crédits mis en réserve en début d’année, avec un débasage pérenne de l’ONDAM 2018 qui se traduirait par des tarifs sévèrement négatifs, au titre tout d’abord de la sur-exécution de 2017, qui ne pourra être effacée par une réserve prudentielle ayant disparu, ensuite au titre d’un taux d’évolution 2018 réel qui sera donc de 1,89 %, au regard de la base votée 2017, et qui se traduirait mécaniquement par un rabotage des tarifs et budgets de l’ordre de 2 % au minimum dans certains champs.

Mme Caroline Fiat. Dans le contexte de difficultés extrêmes du secteur hospitalier, il nous semble juste et pragmatique de lui attribuer davantage de moyens.

Nous ne sommes pas là pour faire pleurer dans les chaumières, mais pour rappeler ce que nos concitoyens, patients comme soignants, nous racontent tous les jours. On nous parle de personnels à bout de souffle, de patients installés dans des couloirs, de services d’urgence débordés… Tous ces dysfonctionnements méritent un correctif très rapide et déterminé.

Prenant acte de l’engorgement de l’hôpital, vous misez tout sur le virage ambulatoire, sorte de solution miracle qui consiste trop souvent à renvoyer les gens plus vite chez eux après une intervention, mettant parfois en péril leur sécurité. Celle évolution consiste aussi à diriger les patients vers les soins de ville, ce qui serait acceptable si ce choix s’accompagnait d’une politique volontariste de lutte contre les dépassements d’honoraires, mais rien ne semble prévu en la matière.

Le virage ambulatoire ne peut donc pas être l’unique réponse aux impératifs de santé de notre temps, s’il se fait au détriment du système hospitalier, qui reste un plus grand vecteur d’égalité que la médecine libérale. Le dépassement d’honoraires est moins répandu à l’hôpital, même si quelques praticiens s’y adonnent. La répartition des hôpitaux sur le territoire est plus équilibrée que celui de la médecine libérale qui dessine les fameux déserts médicaux.

Puisque les contraintes des lois de financement de la sécurité sociale ne donnent aucune possibilité d’augmenter l’objectif global de dépenses de l’assurance maladie, c’est avec regret mais détermination que nous vous proposons de prendre un peu aux soins de ville pour donner aux hôpitaux.

M. Joël Aviragnet. L’amendement AS347 vise à rapprocher les dépenses de soins de ville des dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l’activité.

Le Gouvernement proposait d’augmenter de 800 millions d’euros l’écart entre les dépenses de soins de ville et les dépenses des établissements de santé ; nous proposons de rapprocher ces dépenses sans modifier le total des dépenses de l’ONDAM. Cette mesure permettrait d’éviter d’augmenter l’écart déjà existant entre les dépenses de santé relatives à la médecine de ville et les dépenses de santé relatives à l’hôpital.

M. le rapporteur général. Monsieur Perrut, je lis dans l’exposé des motifs de l’amendement AS164 qu’« il manque encore un dispositif prudentiel sur la médecine de ville » – autrement dit une enveloppe fermée de soins de ville au-delà de laquelle les médecins de ville seraient tenus de rembourser le dépassement. C’était le dispositif proposé par M. Juppé en 1995. Je pense que ce n’est pas ce que vous vouliez dire mais c’est ce qui est écrit dans votre exposé sommaire, et je donnerai un avis défavorable à cet amendement.

Avis également défavorable à l’amendement AS258, car il ne faut pas opposer l’ONDAM de ville et l’ONDAM hospitalier, mais tenir compte s’agissant notamment du premier, des nouvelles conventions médicales, du prix des traitements innovants et de l’accroissement de la demande. Comme vous, madame Fiat, j’aime l’hôpital ; nous en avons besoin et nous pouvons en être fiers. C’est un service qui fonctionne dans toutes les situations, quotidiennement comme lors de drames tels que les attentats. Il nous faut porter une attention particulière à l’hôpital qui, il ne faut pas le nier, a été soumis à de nombreuses réformes et auquel on a demandé beaucoup d’efforts de restructuration et d’amélioration de l’efficience et de l’organisation. À la lecture de chaque rapport de la Cour des comptes, je dis : « Attention ! L’hôpital est puissamment moderne, mobile, capable de se transformer. » Nous porterons donc, ensemble, une attention toute particulière à la santé financière des établissements de santé.

Enfin, je suggère le retrait de l’amendement AS347 dont l’adoption aurait pour effet d’augmenter de 1,2 milliard d’euros et de diminuer de 1,9 milliard d’euros l’ONDAM de ville, ce qui entraînerait, involontairement je suppose, la réduction de 700 millions d’euros de l’ONDAM.

M. Joël Aviragnet. Ce n’était pas notre objectif. Je retire l’amendement.

L’amendement AS347 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements AS134 et AS258.

Puis elle adopte l’article 54 sans modification.

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titre v
dispositions relatives aux organismes concourant au financement des régimes obligatoires

Article 55
Prévisions des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires (FSV)

Cet article porte approbation des prévisions de charges du fonds de solidarité vieillesse pour 2018.

La prévision des charges du fonds de solidarité vieillesse (FSV) ([373]), seul organisme concourant au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale, est fixée pour 2018 à 19,3 milliards, soit 0,4 milliard de moins qu’en 2017, notamment grâce au plafonnement de la prise en charge du minimum contributif par le fonds de solidarité vieillesse fixé à 1,7 milliard d’euros en 2018.

Cette prévision est supérieure de 200 millions d’euros au tendanciel prévu par la Commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport du 28 septembre dernier (19,1 milliards d’euros), en raison de la mise en place en 2018 de la première partie de l’augmentation de l’ASPA prévue à l’article 28 du présent texte ([374]).

niveau de dépenses tendanciel (en milliards)

19,1

Mesures nouvelles 

Effet sur les comptes

Revalorisation du minimum vieillesse

+ 0,1*

OBJECTIF DE DEPENSES 2018

19,3*

* sous réserve des règles d’arrondi

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La commission adopte l’article 55 sans modification.

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Titre VI
Dispositions communes aux différentes branches

Article 56
Mise en place dune convention dobjectifs et de gestion (COG)

Cet article prévoit la conclusion d’une convention d’objectifs et de gestion (COG) entre l’État et la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), l’un des rares régimes obligatoires d’assurance vieillesse à ne pas être lié à l’État par un dispositif conventionnel de ce type, permettant de définir de manière pluriannuelle des moyens et des objectifs, et d’en mesurer la réalisation.

I.   le droit existant

● La CNBF est un régime spécial de sécurité sociale assurant ses ayants droit contre les risques vieillesse et invalidité-décès. Les ressources de la CNBF sont constituées pour l’essentiel des cotisations sociales versées par les avocats et par le droit de plaidoirie, recouvré auprès des clients et reversé à la Caisse ; logiquement, ses charges sont pour l’essentiel les pensions de retraite versées aux assurés. En 2018, le solde ([375]) de la CNBF devrait être excédentaire de 48 millions d’euros, le montant de ses ressources (321 millions d’euros) excédant celui de ses charges (274 millions). Le conseil d’administration de la CNBF est composé de 38 avocats en fonction ou en retraite, représentant les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, les avocats au barreau de Paris et les avocats aux autres barreaux de France.

 En létat du droit, aucune COG ne lie la CNBF à lÉtat. Instituées par lordonnance n° 96-344 du 24 avril 1996 portant mesures relatives à lorganisation de la sécurité sociale, les COG sont conclues entre lÉtat et les caisses nationales des principaux régimes de sécurité sociale, dans un objectif de modernisation et damélioration de la performance de la sécurité sociale. Il sagit dun document contractuel qui formalise la délégation de gestion du service public de la sécurité sociale aux organismes gestionnaires. Les COG sont signées, en général pour une durée de quatre ans, par le président et le directeur de la caisse concernée ainsi que par les ministres de tutelle.


Chaque année, lannexe n° 2 au projet de loi de financement de la sécurité sociale présente lensemble des COG, en application du 2° du III de larticle L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale ([376]). La CNBF fait partie des quelques régimes spéciaux ([377]) ne figurant jusqualors pas dans cette annexe.

● L’étude d’impact annexée au présent article relève que l’absence de COG entre l’État et la CNBF « ne favorise pas lélaboration dune feuille de route partagée permettant la détermination conjointe des objectifs de la caisse ni linscription de celle-ci dans le cadre de la démarche defficience partagée par lensemble des organismes chargés de la gestion dun régime de sécurité sociale ».

II.   le droit proposÉ

● Cet article prévoit d’insérer un nouvel article L. 723-2-1 dans le code de la sécurité sociale, complétant la sous-section 1 (« Organisation administrative – Caisse nationale des barreaux français ») de la section 1 (« Organisation administrative et financière ») du chapitre III (« Régime des avocats (assurance vieillesse et invalidité-décès) ») du titre II (« Régimes divers de non-salariés et assimilés ») du livre VII (« Régimes divers – Dispositions diverses »).

Sous réserve de quelques spécificités, la rédaction de cet article s’inspire largement de celle des autres articles du code relatifs aux COG du régime général (article L. 227-1) ou au régime social des indépendants (article L. 611-7). Ainsi, il est classiquement prévu que la COG signée par l’autorité compétente de l’État et la CNBF comporte les engagements réciproques des signataires, dans le respect des lois de financement de la sécurité sociale, et pour une période minimale de quatre ans.

La COG déterminera les objectifs pluriannuels de gestion, les moyens de fonctionnement de la Caisse et les actions mises en œuvre, par les deux parties signataires, pour atteindre les objectifs.

L’article dresse une liste, non exhaustive du fait de l’emploi de l’adverbe « notamment », du contenu de la COG, classique là aussi : objectifs en matière de gestion du risque, de service des prestations et de recouvrement des créances ; objectifs d’amélioration de la qualité de service aux usagers ; objectifs de l’action sociale ([378]) ; règles de calcul et d’évolution des budgets de gestion et d’action sociale, indicateurs quantitatifs et qualitatifs associés le cas échéant à la définition des objectifs, conditions de conclusion des avenants, processus d’évaluation contradictoire des résultats obtenus.

● L’étude d’impact esquisse certains des objectifs qui pourraient être définis dans la COG : réduction du délai de liquidation des pensions, amélioration de l’information et de la communication auprès des affiliés, notamment. La même source évoque les économies de gestion qui pourraient découler de la future COG, soit 400 000 euros par an sur quatre ans, avec une double hypothèse de réduction de 15 % des dépenses de fonctionnement sur la durée de la COG, et d’une baisse annuelle des effectifs de 2,5 % ([379]).

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La commission adopte l’article 56 sans modification.

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Article 57
Renforcement des dispositifs de lutte contre la fraude

Cet article vise à mieux adapter les sanctions contre la fraude aux prestations sociales, notamment en matière d’assurance maladie.

1.   La fraude, persistante, aux prestations sociales est sanctionnée à divers titres

a.   La fraude fait déjà l’objet d’un important arsenal répressif

● Les organismes de sécurité sociale ainsi que les agents de contrôle compétents doivent procéder au contrôle du bénéfice des prestations sociales, c’est-à-dire toute obtention de ces dernières – qualifiées alors d’« indus » – par des moyens illégaux ([380]) (article L. 114-9 du code de la sécurité sociale). Cette identification est favorisée, entre autres ([381]), par le droit de communication des agents de contrôle ou des organismes qui peuvent ainsi obtenir de tiers (banques ([382]), fournisseurs d’énergie, opérateurs de téléphonie) toutes les informations nécessaires pour contrôler « la sincérité et lexactitude des déclarations souscrites et lauthenticité des pièces produites » (art. L. 114-19).

Les « indus » sont recouvrables par les organismes de sécurité sociale comme l’ensemble des autres créances nées de la législation sociale tandis que l’illégalité est passible :

– de sanctions pénales notamment en cas de fraude aux prestations sociales (délit générique prévu à l’article L. 114-13 du code de la sécurité sociale) de fausse déclaration (article 441-6 du code pénal) ou d’escroquerie (article L. 313-2 du même code) ; l’organisme doit alors comme tout justiciable saisir le ministère public à partir des éléments qu’il a en sa possession ;

– de sanctions administratives prononcées par ces mêmes organismes en vertu des prérogatives de puissance publique qui leur sont confiées par voie légale ou réglementaire ; il s’agit le plus souvent d’amendes ou de pénalités, mais la loi prévoit également des avertissements, l’ensemble de ces sanctions étant susceptibles de recours devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale (TASS).

● Au sein de la branche maladie, des ordres professionnels exercent également un rôle important dès lors qu’ils ont la compétence du contentieux du contrôle technique, à savoir celui des « fautes, abus, fraudes et tout fait intéressant lexercice de la profession » (art. L. 145-1 du code de la sécurité sociale) dans les prestations servies à des assurés sociaux pour les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens. Il s’agit d’un contentieux disciplinaire autonome qui n’exclut pas d’autres poursuites disciplinaires devant la juridiction ordinale de droit commun ou devant le juge pénal.

Le contentieux technique relève ainsi de sections des assurances sociales de chaque ordre de première instance puis d’appel, le cas échéant, lesquelles peuvent être saisies par les services compétents de l’État, les organismes de sécurité sociale, les syndicats de professionnels de santé ainsi que les conseils départementaux des ordres intéressés (article R. 145-18 du code de la sécurité sociale).

Les sections peuvent prononcer des avertissements, des blâmes, des interdictions temporaires ou permanentes d’exercer mais aussi condamner les professionnels à rembourser à l’assuré ou aux organismes de sécurité sociale les abus d’honoraires ou les abus de prix sur des produits (médicaments, fournitures, analyses) (art. L. 145-2 du code de la sécurité sociale). Il n’est en revanche pas possible de soumettre le professionnel à un remboursement lorsque celui-ci méconnaît les obligations issues de l’article L. 162-1-7 relatif aux classifications communes des actes médicaux ou les conditions particulières de prescription, d’utilisation ou de réalisation de l’acte.

Ces sanctions, qui peuvent être contestées devant la juridiction administrative, sont soumises au principe du non bis in idem dès lors qu’elles auraient pour effet de sanctionner les mêmes faits à des sanctions de même nature (notamment s’agissant des remboursements).

b.   Le dispositif de sanctions gagnerait à étendre les sanctions les plus efficaces aux branches dans lesquelles elles n’existent pas et à renforcer certains quantums  

● Le code de la sécurité sociale distingue en matière de sanctions les fraudes aux prestations famille et vieillesse (L. 114-17), d’une part, et maladie et accidents du travail/maladies professionnelles d’autre part (L. 114-17-1). Cette distinction est justifiée par des interlocuteurs différents en fonction des branches.

Les pénalités prévues aux deux articles sont similaires (au maximum, deux fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale, doublé en cas de récidive), sans être identiques, puisque la branche maladie a un dispositif spécifique de plafonnement à hauteur de 50 % des sommes concernées. Cette situation ne tient pas nécessairement compte de la réalité de la fraude dans chaque branche.

À l’inverse, les branches famille et vieillesse sont privées des dispositifs d’avertissement qui se révèlent très utiles dans la mesure où ils évitent de procéder à une sanction pécuniaire dès le premier manquement tout en ouvrant la voie à une sanction renforcée en cas de récidive, les avertissements étant des sanctions à part entière. De même, l’interdiction de remises de dette en cas de manœuvres frauduleuses ou de fausses déclarations n’est possible qu’au niveau de la branche famille. Aucune de ces deux distinctions ne saurait se justifier par une différence de nature entre les fraudes concernées, d’autant que des difficultés récurrentes sont repérées dans la branche maladie.

● D’autres mécanismes de sanction en matière de lutte contre la fraude aux prestations demeurent perfectibles à d’autres niveaux :

– les sanctions en matière d’assurance maladie ne font pas suffisamment de distinction entre une fraude simple, laquelle peut consister simplement à omettre un élément, et les cas les plus graves, inspirés de qualifications pénales, à savoir les manœuvres frauduleuses ([383]) ou fausses déclarations ([384]) ;

– les sanctions prévues en cas de refus d’obtempérer au droit de communication des organismes de sécurité sociale prévu à l’article L. 114-19 du code de la sécurité sociale sont inopérantes lorsque le nombre de noms concernés est inconnu, en raison d’un mécanisme de proportionnalité inadapté à ces situations.

2.   Le présent article ajuste plusieurs dispositifs en vue d’une meilleure adéquation avec la gravité du manquement

Le modifie le premier alinéa de l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale en vue d’étendre la possibilité de prononcer des avertissements aux organismes de sécurité sociale compétents aux branches famille et vieillesse. Il s’agit d’une faculté qui était déjà ouverte dans la branche maladie de mettre en garde l’assuré par courrier dans les cas les moins graves.

Le a) du 2° procède à un double rehaussement du plafonnement des sanctions pécuniaires prévues à l’article L. 114-17-1 relatif aux pénalités prononcées par les directeurs de caisses de l’assurance maladie :

– lorsque la somme qui a fait l’objet de la fraude est déterminable, le plafond augmentera de 50 % à 70 % de celle-ci ;

– lorsque cette somme n’est pas déterminable, le plafond forfaitaire sera doublé par rapport à l’état du droit, soit quatre fois le plafond annuel de la sécurité sociale.

Le b) du 2° crée un « plancher » en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration correspondant au montant des sommes obtenues illégalement, majoré d’une pénalité dont le montant ne pourra dépasser la limite de quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale.

Le c) du 2° supprime les deux hypothèses dans lesquelles le directeur de caisse ne pouvait pas notifier un avertissement à l’intéressé, à savoir :

– l’obtention ou la tentative d’obtention illégale de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ou des déductions sociales ou fiscales liées à la souscription d’un contrat auprès d’un organisme de protection sociale complémentaire tel qu’ils sont prévus à l’article L. 863-2 du code de la sécurité sociale (aide à la complémentaire santé) ;

– l’obtention ou la tentative d’obtention de l’aide médicale d’État (AME).

La gravité, réelle au demeurant, de ces deux hypothèses, dès lors qu’elle est parfaitement comparable aux autres situations frauduleuses visées par le II de l’article L. 114-17-1 ne peut justifier à elle seule l’impossibilité de prononcer des avertissements dans ces matières.

Le d) du 2° crée la possibilité pour ce même directeur de notifier un avertissement après avoir saisi la commission des pénalités. Le directeur de la caisse doit en effet pouvoir apprécier la gravité d’emblée mais aussi après la saisine de la commission. L’appréciation de celle-ci peut en effet appeler une réponse sous la forme d’un avertissement.

Le modifie l’article L. 114-19 relatif au droit de communication que peuvent exercer les organismes de sécurité sociale ou les agents de contrôle.

Le a) du 3° apporte trois précisions rédactionnelles au huitième alinéa.

Le b) du 3° crée une pénalité forfaitaire de 5 000 euros par demande en cas d’obstacle au droit de communication lorsque celui-ci porte sur des personnes non identifiées, lesquels sont alors ipso facto indénombrables pour l’organisme et ne peuvent se voir correctement appliquer la sanction proportionnelle au nombre de personnes concernées. Il s’agit ainsi de revenir sur un véritable manque de l’arsenal actuel.

Le permet aux juridictions ordinales de condamner le professionnel de santé qui méconnaîtrait les conditions de prescription édictées dans les conditions de l’article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale de condamner le professionnel de santé concerné au reversement des sommes perçues auprès des organismes de sécurité sociale, et singulièrement de l’assurance-maladie.

Cette mesure répond à deux enjeux juridiques :

– la CNAMTS constate des difficultés très importantes liées, non pas à des abus d’honoraires qui peuvent déjà faire l’objet d’une condamnation pour reversement, mais à des abus d’actes ([385]), consistant à ne pas respecter la classification commune des actes médicaux (CCAM) ou les conditions particulières de prescription, d’utilisation ou de réalisation de l’acte ; il peut s’agir par exemple de la prescription d’un nombre d’actes supérieur à ce qui est admis sur le plan scientifique.

– en vertu du principe non bis in idem, les sanctions administratives par la caisse et la juridiction ordinale ne sont pas compatibles pour les mêmes faits ; il s’agit donc de donner aux juridictions ordinales l’ensemble des moyens en termes de sanction afin de rendre le contentieux technique le plus efficace possible et de limiter les risques contentieux.

Le a) du 5° apporte une précision rédactionnelle.

Le b) du 5° interdit aux organismes de la branche maladie de procéder à des remises en cas de précarité du débiteur sur des créances résultant d’une manœuvre frauduleuse ou de fausses déclarations. Cette disposition lèvera toute ambiguïté sur ce sujet, les services de la direction de la sécurité sociale ayant indiqué que certaines caisses accordaient des remises à des personnes dont le comportement avait été intentionnellement frauduleux.

Le rapporteur général salue l’équilibre de cet article qui promeut un arsenal de sanctions toujours plus complet pour faire face à des situations très différentes : la répression pécuniaire pourra être plus grave pour les comportements les plus inacceptables, souvent commis par des professionnels ou des entreprises, et plus modérées dans les cas les plus bénins, notamment à travers les avertissements. S’agissant de ces derniers, la présente mesure s’inscrit opportunément dans la perspective de sanctions mieux adaptées à la gravité du manquement commis. Cette réflexion, nourrie par le dernier rapport remis par le Défenseur des Droits ([386]), devra être poursuivie dans le cadre des initiatives du Gouvernement sur le droit à l’erreur et à l’occasion des prochains projets de loi de financement.

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La commission est saisie des amendements identiques AS164 de M. Pierre Dharréville et AS259 de Mme Caroline Fiat.

M. Alain Bruneel. L’article 57 prévoit d’accentuer la lutte contre la fraude aux prestations sociales versées aux assurés par les différentes branches de la sécurité sociale – famille, vieillesse et assurance maladie. Selon les chiffres de la délégation nationale de lutte contre la fraude pour 2015, cette fraude ne représente que 3 % – soit 672 millions d’euros – de la fraude détectée, la fraude fiscale en représentant 95 %, soit 21,2 milliards d’euros. Parallèlement, selon un rapport de la Cour des comptes de 2013, la fraude patronale aux cotisations sociales représenterait 20 milliards d’euros chaque année.

La disposition risque de stigmatiser une fois de plus les bénéficiaires des prestations sociales sans avoir d’effet significatif sur les finances publiques. Le rapport du Défenseur des droits, paru le 7 septembre 2017, le confirme en mettant en lumière les carences dans la définition de la fraude et les abus de cette lutte – suspension d’une prestation avant le jugement, ciblage des suspects… –, au mépris des droits des usagers. Pour ces raisons, nous proposons par l’amendement AS164 la suppression de l’article.

Mme Caroline Fiat. La fraude aux prestations sociales est pleinement répréhensible et doit être sanctionnée, mais l’application des sanctions doit rester conforme aux règles élémentaires de la justice : l’égalité et le contradictoire. Or, dans la lutte à la fraude aux prestations sociales, les organismes de sécurité sociale outrepassent ces normes, selon le rapport très documenté du Défenseur des droits. On y apprend que l’erreur est systématiquement assimilée à une fraude et que les organismes ont des objectifs chiffrés de détection des fraudes qui les poussent à une interprétation pour le moins extensive d’une fraude qui ne concerne que 0,3 % des usagers. On lit aussi dans ce rapport que « les larges pouvoirs accordés aux organismes chargés d’une mission de protection sociale ont entraîné des dérives dans les procédures de contrôle, de qualification et de sanction de la fraude. Leurs effets peuvent être dramatiques et sont susceptibles de porter atteinte au principe d’égalité devant les services publics, à celui de dignité de la personne ou encore au principe du contradictoire ».

L’article va renforcer ces dérives. Alors que les allocataires des minima sociaux sont largement stigmatisés, vous en ajoutez une couche en augmentant les pénalités pour dissuader ceux qui tenteraient de faire de fausses déclarations. Mais pensez-vous vraiment que celui qui a touché un trop perçu d’allocation « adulte handicapé » ou de RSA se sentira libre de partir deux ans en vacances, comme l’a dit le porte-parole du Gouvernement ? On est à rebours des propositions du Défenseur des droits, qui recommande une plus grande souplesse dans l’échelonnement du remboursement des sommes dues, des chartes d’information et de la prévention. Autant d’éléments dont il n’est pas question dans l’article car l’objectif cyniquement avoué est bien de renflouer les finances sociales par la détection de la fraude. Encore une fois, la lutte contre la fraude aux prestations est justifiée, mais elle sera d’autant plus ferme qu’elle sera juste. Un tel acharnement ressemble davantage à une justice de classe teintée de mépris qu’à la prévention et au contrôle qu’un service public de progrès devrait mener.

M. le rapporteur général. Nous ne sommes pas, madame Fiat, dans un monde où il y aurait « les gentils contre les méchants ». La lutte contre la fraude aux cotisations a fait l’objet d’un arsenal de dispositions continuellement renforcé au cours des dernières années. S’agissant de l’article 57, il ne s’agit pas d’alourdir aveuglément les sanctions : les quantums de certaines peines pécuniaires augmentent pour lutter contre la fraude d’entreprises et de professionnels que les sanctions actuelles ne dissuadent pas, et l’on cherche surtout à permettre à toutes les branches de la sécurité sociale de lancer des avertissements aux assurés plutôt que de prendre des sanctions financièrement disproportionnées.

Il me semble que, de manière inhabituelle, vous y allez un peu fort. Je me suis entretenu avec le Défenseur des droits hier à l’Élysée, à l’occasion de la présentation par le Président de la République du plan de lutte contre la pauvreté. Il dit que ce n’est pas parce qu’il y a une erreur dans la perception ou dans la déclaration en matière de prestations d’assurance maladie qu’il y a forcément fraude, et il invite à réfléchir sur l’intentionnalité de la fraude plutôt que de partir du principe que toute erreur serait systématiquement frauduleuse. Il faut être capable de faire la distinction. C’est pourquoi j’ai prévu d’interroger la ministre des affaires sociales pour savoir comment elle entend mieux définir la notion de fraude dans le code de la sécurité sociale. Nous pouvons donc avancer, peut-être même ensemble, dans cette direction. Avis défavorable aux deux amendements.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement AS227 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Caroline Fiat. Selon le Défenseur des droits, la fraude aux prestations sociales coûte environ 670 millions d’euros par an ; c’est beaucoup. Quant à la fraude aux cotisations réalisée par les entreprises, elle fait perdre environ 500 millions d’euros à la sécurité sociale, mais je ne vois pas qu’un article lui soit consacré. Enfin, la fraude fiscale, qui concerne financement social et finances de l’État, s’élève à 21 milliards d’euros. Alors que les fraudeurs aux prestations sont pourchassés par les organismes dans des conditions souvent arbitraires, les fraudeurs fiscaux qui nous coûtent trente fois plus cher ont toujours le verrou de Bercy au mieux, le tribunal au pire. La justice expéditive des pauvres que vous comptez aggraver contraste fortement avec celle que vous réservez aux riches exilés fiscaux. Quand existent de telles distorsions, comment faire ?

La meilleure lutte contre la fraude et les petits larcins consiste d’abord à établir une société globalement juste ; elle n’exclut ni la compassion, ni la prise en considération de la situation économique des fraudeurs réels ou présumés. En quoi cela sert-il la société française que la remise de dettes de gens ruinés soit désormais interdite dans toutes les branches de la sécurité sociale ? Quel est le véritable usage de cet article, sinon de contenter un électorat qui aime traiter le pauvre de « feignant », l’allocataire du RSA de « profiteur » et le bénéficiaire des allocations familiales de « magouilleur » ? Pourquoi ne pas déployer un maillage d’information et de sensibilisation des usagers en misant sur leur bonne foi plutôt que de chercher à tout prix la faute ? C’est ce que propose l’amendement.

Je conclurai en soulignant la courtoisie et la bienséance dont nous avons fait preuve au long de ces trois jours de débat sur le projet de PLFSS ; cela n’a pas toujours été le cas pour d’autres.

M. le rapporteur général. Je vous rejoins sur un point, madame Fiat : il y a effectivement fraude et fraude, et une tendance à stigmatiser les fraudeurs aux prestations sociales en oubliant l’ampleur des autres fraudes quotidiennes. Faire repeindre les murs de son salon par un ouvrier non déclaré a des conséquences cumulées, à l’échelle nationale, bien supérieures à la fraude commise par ceux qui bénéficieraient d’une couverture sociale particulière dont ils ne devraient pas relever. J’appelle donc l’attention de tous sur l’ampleur de certaines fraudes et sur la trop forte tentation de stigmatisation. Je vous l’ai dit, les dispositifs de lutte contre la fraude aux prestations sociales me semblent équilibrés et ce projet de loi ne les rend pas extravagants.

D’autre part, proposer, comme vous le faites dans l’amendement, de supprimer les alinéas 8 et 9 de l’article L. 114-19 du code de la sécurité sociale reviendrait à supprimer les sanctions administratives plafonnées prononcées par les organismes de sécurité sociale dans le cas de refus de communication des documents et informations nécessaires par les établissements bancaires et les plateformes numériques. Cela ne correspond pas à ce que vous avez expliqué. Je vous propose donc de retirer l’amendement, auquel je donnerai, sinon, un avis défavorable.

Mme Caroline Fiat. L’amendement est maintenu.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 57 sans modification.

La commission adopte enfin l’ensemble du projet de loi modifié.

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*     *


—  1  —

   annexes :

Liste des personnes auditionnées
par le rapporteur général

(par ordre chronologique)

 

     Les entreprises du médicament (LEEM) – M. Patrick Errard, président, M. Philippe Lamoureux, directeur général, M. Éric Baseilhac, directeur des affaires économiques, internationales et publiques, et Mme Annaïk Lesbats, chargée de mission affaires publiques

     Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) M. YannGaël Amghar, directeur, M. Alain Gubian, directeur financier, directeur des statistiques, des études et des prévisions, Mme Marie-France Munier, responsable des affaires publiques et relations institutionnelles, et M. Denis Le Bayon, directeur de la réglementation, du recouvrement et du contrôle

     Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) – M. Pascal Cormery, président, M. Michel Brault, directeur général, et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

     Syndicat national de lindustrie des technologies médicales (SNITEM) –M. Éric Le Roy, directeur général, et M. François-Régis Moulines, directeur affaires gouvernementales et communication

     Table ronde « employeurs » :

 Association française des entreprises privées (AFEP) – Mme Stéphanie Robert, directrice, et Mme Julie Leroy, directrice des affaires sociales

 Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) – M. Florian Faure, directeur des affaires sociales et de la formation, M. Philippe Chognard, responsable du pôle conditions de travail, Mme Sabrina Benmouhoub, chargée de mission affaires publiques et organisation

 Mouvement des entreprises de France (MEDEF) (*) – M. Michel Guilbaud, directeur général, Mme Delphine Benda, directrice de la protection sociale, Mme Marine Binckli, chargée de mission à la direction des affaires publiques

     M. Dominique Giorgi, inspecteur général des affaires sociales, président de la mission de pilotage de la réforme du régime social des indépendants, et M. Jérôme Thomas, inspecteur des finances

     Caisse nationale du Régime social des indépendants (RSI) – M. Louis Grassi, président, M. Stéphane Seiller, directeur général, Mme Stéphanie Deschaume, directrice du cabinet de la direction générale, M. Olivier Maillebuau, chargé des relations parlementaires

     Table ronde « organisations syndicales RSI » :

 Confédération française de lencadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Loïc Crétois, délégué syndical RSI, représentant syndical national au RSI

 Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Thierry Mazure, secrétaire national protection sociale travail emploi, en charge du secteur RSI

 Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Claude Laroche, président du syndicat national des agents et cadres des organismes sociaux

 Confédération générale du travail (CGT) – Mme Christine Verstraete, secrétaire fédérale

 Confédération générale du travail – Force ouvrière (CGT-FO)M. JeanPhilippe Hublot, membre du collectif national FO-RSI

     Caisse nationale dassurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS)  M. Gérard Rivière, président du conseil d’administration, et M. Renaud Villard, directeur général

     Table ronde « vaccination » :

 Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) –– Dr Dominique Martin, directeur général, Dr Caroline Semaille, directrice des vaccins, des médicaments anti-infectieux, en hépato-gastroentérologie, en dermatologie, de thérapie génique et des maladies métaboliques rares (INFHEP) et Dr Isabelle Parent, cheffe de pôle Vaccins, Antibiotiques, Antifongiques, Antiparasitaires (ATBVAC)

 Santé publique France  Pr François Bourdillon, directeur général, et Dr Daniel Lévy-Bruhl, responsable de l’unité infections respiratoires

 France assos santé – Mme Marie-Annick Cavallini-Lambert, administratrice

 Association dentraide aux malades de myofasciite à macrophages (E3M)  M. Didier Lambert, président, Mme Suzette Fernandes, viceprésidente, et Mme Camille Lambert, chargée de mission

 Ligue nationale pour la liberté des vaccinations  (LNPLV) – M. Jean Lazzarotto, secrétaire général, M. Gérard Delepine, conseiller santé, et M. Serge Rader, conseiller médicaments

 Pr Romain Ghirardi, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et chef du service d’histologie-embryologie de l’hôpital Henri Mondor de Créteil

 Pr Jean-Daniel Lelièvre, chef du département d’immunologie clinique et maladies infectieuses de l’hôpital Henri Mondor de Créteil et de l’équipe 16 de l’INSERM U955

 Pr Frédéric Tangy, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), chef de l’unité de génomique virale et vaccination à l’Institut Pasteur

     Conseil dadministration de la Caisse damortissement de la dette sociale (CADES) – M. Jean-Louis Rey, président, et Mme Geneviève Gauthey, responsable budget et communication, inspecteur des finances publiques

     Table ronde « syndicats » :

 Confédération générale du travail (CGT) – Mme Mireille Carrot, membre de la direction confédérale, et M. Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral, pôle activités économiques,

 Confédération française démocratique du travail (CFDT)  M. Philippe Le Clézio, secrétaire confédéral

 Force ouvrière (FO) – Mme Jocelyne Marmande, secrétaire confédérale, M. Guillaume Commenge, assistant confédéral

 Confédération française de lencadrement (CFE) et de la Confédération générale des cadres (CGC) – M. Jean-François Gomez, délégué national et Mme Anne Bernard, cheffe du service protection sociale

     Caisse Nationale de Solidarité pour lAutonomie (CNSA) – Mme Anne Burstin, directrice générale, M. Sylvain Turgis, directeur de la direction des ressources, et M. Simon Kieffer, directeur de la direction des établissements et services médico-sociaux

     Fonds de solidarité vieillesse (FSV) – M. Frédéric Favié, directeur adjoint

     Caisse nationale dassurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – M. Nicolas Revel, directeur général, et Mme Véronika Levendof, responsable du département juridique

     Comité de suivi des retraites (CSR) – Mme Yannick Moreau, présidente, et Mme Delphine Rouilleault, auditrice à la Cour des comptes et rapporteure auprès du CSR

     Table ronde « médecins syndicats » :

 Syndicat des médecins libéraux (SML) – Dr Philippe Vermesch, président, Dr Sophie Bauer, secrétaire générale, M. Lionel Tenette, directeur de cabinet

 Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF) – M. Jean-Paul Ortiz, président, M. Luc Duquesnel, président des généralistes-CSMF, et M. Patrick Gasser, président de l’UMESPE‑CSMF

 Le Bloc – Union AAL (Syndicat des Anesthésiologistes Libéraux) – SYNGOF (Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France) – UCDF (Union des chirurgiens de France) – Dr Jérôme Vert, coprésident du Bloc, et président de lAAL représentant les anesthésistes, Dr Didier Legeais, représentant le Dr Philippe Cuq co-président du Bloc et président de lUCDF, représentant les chirurgiens, Dr Jean Marty, représentant le Dr Bertrand de Rochambeau, co-président du Bloc et président du SYNGOF, représentant les gynécologues-obstétriciens

 Syndicat des médecins généralistes (MG France) – M. Jacques Battistoni, premier vice-président, et M. Jean-Christophe Calmes, viceprésident

 Fédération des Médecins de France (FMF) – M. Jean-Paul Hamon, président, et Dr Claude Bronner, vice-président

     Comité économique des produits de santé (CEPS) – M. Maurice-Pierre Planel, président, et M. Jean-Patrick Sales, vice-président

     Table ronde « fédérations hospitalières » :

 Fédération des établissements hospitaliers et dassistance privés à but non lucratif (FEHAP) – M. Antoine Dubout, président, et M. Antoine Perrin, directeur général

 Fédération hospitalière de France (FHF)  M. Cédric Arcos, délégué général par intérim, Mme Michèle Deschamps, adjointe au pôle finances, et Mme Diane Chaumeil, chargée d’études économique pôle finances

 Fédération de lhospitalisation privée (FHP) – M. Lamine Gharbi, président, M. Michel Ballereau, délégué général, Mme Béatrice Noëllec, directrice des relations institutionnelles

     Table ronde « tabac » :

 Santé publique France – Pr François Bourdillon, directeur général, M. Mili Spahic, directeur de cabinet, et M. Olivier Smadja, chargé de mission tabac

 Caisse nationale dassurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – M. Said Oumeddour, responsable du département de la prévention et de la promotion de la santé, au sein de la direction déléguée à la gestion et à lorganisation des soins, et Mme Véronika Levendof, responsable du département juridique

 Confédération des buralistes (*) – M. Jean-Luc Renaud, secrétaire général, M. Michel Guiffès, trésorier, et M. Jean-Paul Vaslin, directeur général

 Imperial Tobacco – Mme Clémence Rouquette, responsable lutte contre les trafics, et M. Adrien Julian, responsable des affaires publiques

 Japan Tobacco International France – M. Benoit Bas, directeur des relations extérieures et de la communication, et Mme Charlotte du Closel, responsable des affaires réglementaires

 Philip Morris France – M. Julien Anfruns, directeur des affaires publiques et de la communication, et M. Geoffroy Sigrist, responsable des affaires fiscales au sein du département des affaires publiques et de la communication

 British American Tobacco (*) – M. Éric Sensi-Minautier, directeur affaires publiques, juridiques et de la communication, et M. Cyril Lalo, responsable des relations institutionnelles

     Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) – M. Daniel Lenoir, directeur général, M. Frédéric Marinacce, directeur des prestations, M. Bernard Tapie, directeur des études et statistiques, et Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires

     Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) (*) – Mutualité française – M. Thierry Beaudet, président, M. Albert Lautman, directeur général, et M. Alexandre Tortel, responsable du pôle influence nationale

     Ministère des Solidarités et de la santé – Direction générale de la santé (DGS) – Mme Magali Guegan, sous-directrice adjointe santé des populations et préventions des maladies chroniques, et M. François Bruneaux, adjoint à la sous-directrice de la politique des produits de santé

     Ministère des Solidarités et de la santé – Direction générale de loffre de soins (DGOS) – Mme Cécile Courrèges, directrice générale, Mme Marie-Anne Jacquet, sous-directrice du pilotage de la performance des acteurs de l’offre de soins, et Mme Sandrine Billet sous-directrice par intérim de la régulation de l’offre de soins

     Commission des accidents du travail de la Caisse nationale dassurance maladie des travailleurs salariés (CAT-CNAMTS) – Mme Nathalie Buet, présidente, et Mme Marine Jeantet, directrice des risques professionnels

     Union nationale des associations familiales (UNAF) – Mme Marie-Andrée Blanc, présidente, Mme Guillemette Leneveu, directrice générale, Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

     Ministère des Solidarités et de la santé – Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – M. Jean-Philippe Vinquant, directeur général, Mme Dominique Renard, adjointe à la sous-direction de l’autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées , M. Jean-François Lhoste, adjoint à la sous-direction de l’autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées, M. Olivier Bachellerry, adjoint à la sous-directrice des affaires financières et de la modernisation, M. Boris Minot, chef de bureau gouvernance du secteur social et médico-social

     Ministère des Solidarités et de la santé – Direction de la sécurité sociale – Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice de la sécurité sociale, Mme Marie Daude, cheffe de service, M. Morgan Delaye, sous-directeur et M. Thomas Wanecq, sous-directeur

     Table ronde « prévention des risques liés à la surconsommation de sucre » :

 Agence nationale de sécurité sanitaire de lalimentation, de lenvironnement et du travail (ANSES) – Mme Alima Marie, directrice de cabinet, directrice de la communication et des relations institutionnelles, Pr Irène Margaritis, cheffe de l’unité évaluation des risques nutritionnels

 Pr Serge Hercberg, professeur des universités, praticien hospitalier à l’Université Paris 13 – Hôpital Avicenne, directeur de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN)

 Syndicat national des producteurs de sucre (SNFS) – M. Bruno Hot, président, M. Philippe Reiser, directeur des affaires scientifiques du Centre d’études et de documentation du sucre (CEDUS)

 Association nationale des industries alimentaires (ANIA) (*) Mme Catherine Chapalain, directeur général, et M. Alexis Degouy, directeur des affaires publiques

 Alliance 7 – Mme Catherine Petitjean, présidente, présidente-directrice générale de l’entreprise dijonnaise de Pain d’Épices Mulot & Petitjean, et Mme Florence Pradier, directrice générale

 Syndicat national du chocolat – M. Patrick Poirrier, président et président‑directeur général du Groupe CEMOI, et M. Matthieu Pasquio, directeur adjoint du pôle communication et affaires publiques

 Syndicat national des boissons rafraîchissantesMme Agathe Cury, directrice générale

     Fédération française de lassurance (FFA) (*) – M. Bernard Spitz, président, Mme Véronique Cazals, directrice santé, M. Pierre François, président du comité santé, M. Mathieu Gatineau, directeur de cabinet, et M. Jean-Paul Laborde, directeur des affaires parlementaires

     Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) – M. Jean-Paul Lacam, délégué général du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP), Mme Evelyne Guillet, directeur santé et modernisation des déclarations sociales) et M. Hervé Naerhuysen, directeur général de PRO-BTP

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sengageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de lAssemblée nationale.

 


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Contributions DES GROUPES POLITIQUES AU RAPPORT
(article 86 alinéa 3 du règlement)

 

 

 

 

 

 

 

 

CONTRIBUTION DU GROUPE MODEM AU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SECURITE SOCIALE POUR 2018

Les grands équilibres de notre système de santé sont aujourdhui fragilisés par de profondes mutations, qui soulèvent des questions essentielles.

Notre système de santé doit ainsi relever de multiples défis, et ce dans un contexte budgétaire contraint, qu’il s’agisse de réduire les difficultés et les inégalités d’accès aux soins, de faire face à l’effet conjugué du vieillissement de la population, de l’évolution des modes de prise en charge, de la hausse du niveau d’exigence de nos concitoyens et de la forte prévalence des maladies chroniques, mais aussi d’anticiper l’émergence de risques nouveaux. 

La santé des Français est pour le Groupe Modem une exigence majeure, et c’est pourquoi nous défendons plusieurs priorités : la lutte contre les déserts médicaux, la lutte contre les obstacles financiers à l’accès aux soins, un meilleur système de prévention, afin d’influer sur des facteurs de décès évitables, ainsi qu’une montée en gamme de linnovation en santé, notamment à travers le déploiement de la télémédecine.

Dans la droite ligne de la stratégie nationale de santé présentée par la ministre des Solidarités et de la Santé le 18 septembre 2017, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 met en œuvre une politique ambitieuse pour rendre notre système de santé plus juste, plus solidaire et plus innovant. 

Les députés du Groupe Modem soutiennent sans réserve ces orientations, et souhaitent également formuler des propositions sur plusieurs sujets.

1. Les maladies rares

Elles concernent au total 5 % de la population française et 99 % des maladies rares n’ont pas de traitement curatif. La prise en charge de ces malades est très particulière avec une dimension médico-sociale importante.

Alors que deux plan « maladies rares » ont déjà été mis en œuvre, le lancement dun troisième plan, qui sintéresserait aux patients et à leur entourage en sattachant à faciliter/renforcer le lien entre le sanitaire et le médico-social, nous paraît nécessaire. Pour cela, des référents parcours pourraient être mis à la disposition des familles.

Toutefois, dans une logique de décloisonnement, un plan plus large pourrait à la fois répondre à ce besoin, lutter contre l’errance diagnostique et accélérer le développement de traitements pour un plus grand nombre de maladies.

2. Le Handicap

Concernant la reconnaissance du Handicap, il nous apparaît qu’il existe actuellement une inégalité de traitement des personnes handicapées selon les territoires, intimement liée à l’absence d’homogénéité des cotations MDPH.

Dans une logique d’harmonisation des parcours, un outil d’envergure nationale permettrait de simplifier les évaluations et den diminuer la variabilité mais aussi daméliorer les délais et qualités des prises en charge par une montée en compétences des professionnels impliqués et un travail en réseau fluidifié.

3. Le déploiement de la télémédecine

Le groupe Modem est conscient de l’importance de raisonner en projets de santé pour un territoire avec une responsabilité territoriale dans une logique de coordination autour du patient. Ces projets de santé doivent se nourrir dinnovations thérapeutiques et médicales mais aussi dinnovations technologiques et organisationnelles.

C’est pourquoi nous soutenons la volonté du gouvernement de développer la télémédecine, volonté que traduit le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

La télémédecine fait partie du « bouquet de solutions » pour répondre aux défis auxquels est confrontée loffre de soins et notamment à lurgence dans les territoires sous médicalisés.

En effet, la télémédecine est un vecteur important d’amélioration de l’accès aux soins, en particulier dans les zones fragiles. Elle permet de réduire l’espace-temps nécessaire à la prise en charge et de pallier le manque de spécialistes. Elle constitue aussi un facteur d’amélioration de l’efficience de l’organisation et de la prise en charge des soins par l’assurance maladie.

Elle doit reposer sur un projet médical répondant à des priorités et aux besoins de la population d’un territoire et des professionnels de santé et s’intégrer ainsi au sein d’un parcours de soins. Notre groupe souhaite quaucun frein réglementaire ne vienne sopposer au déploiement de la télémédecine (à ce sujet nous resterons vigilants à la condition de vidéotransmission pour la téléconsultation qui ne devra pas constituer un blocage inutile). Les partenaires doivent pouvoir avoir le champ libre pour mettre en place leurs projets.

Par ailleurs, si la télémédecine ne se substitue pas aux pratiques médicales actuelles, elle doit être considérée comme un acte parmi d’autres et ne pas être traitée « à part ». Dans une logique de gestion de territoire, linitiative des projets de télémédecine ne doit pas être réservée aux seules structures hospitalières mais à tous les établissements sanitaires et médico-sociaux. L’absence de fléchage par le statut ou par le financement est la garantie de n’écarter aucun acteur et de faciliter ainsi le développement de la télémédecine.

4. La protection des retraites modestes

Afin de redonner du pouvoir d’achat aux actifs, le gouvernement a décidé de baisser leurs cotisations sociales, en contrepartie d’une hausse de la CSG de 1,7 point, dès le 1er janvier 2018. 

Si les députés du groupe Modem soutiennent la philosophie de cette réforme, ils tiennent cependant à ce qu’une attention particulière soit portée à la situation des retraités modestes. 

En effet, environ 8 millions de retraités (60 %) seraient touchés par cette hausse de la CSG, c’est à dire les retraités touchant une retraite de plus de 1 394 euros mensuelle. 

Le Groupe Modem souhaite relever le seuil à partir duquel les retraités seront exonérés de la hausse de la CSG, afin que 50 % des retraités ne soient pas pénalisés, soit environ 1,7 million de retraités supplémentaires. Dans le contexte budgétaire contraint que connait notre pays, il est proposé de n’appliquer cette mesure que pour l’année 2018, dans l’attente de la montée en charge de la baisse de la taxe d’habitation.

En outre, nous proposons dans la même logique de rehausser le nombre de retraités bénéficiant du taux réduit de 3,8 %. Ces retraités ne seraient donc pas touchés par la hausse de la CSG.

Enfin, le groupe Modem souhaite sassurer que les retraités qui sont actuellement exonérés de taxe dhabitation ne seront pas soumis à laugmentation de la CSG. En effet, ces derniers ne bénéficieraient pas du gain de pouvoir d’achat lié à la suppression de la taxe d’habitation, prévu par le gouvernement pour compenser la hausse de la CSG. Ils subiraient au contraire une perte nette de pouvoir d’achat.

5. La rénovation de la fiscalité sur les produits agroalimentaires

Nos propositions visant à protéger le pouvoir d’achat des retraités modestes seraient compensées pour les finances publiques par un relèvement de la taxe sur les boissons sucrées, tout en la rendant progressive selon la quantité de sucre contenue dans ces boissons. Cette mesure poursuit également un objectif de santé publique.

En parallèle, nous proposons de supprimer le droit sur les eaux et boissons non alcoolisées afin dencourager la substitution par leau.

Enfin, nous proposons la suppression de la taxe sur les farines, tout en compensant cette ressource pour la MSA. Cette mesure permet à la fois de supprimer une taxe dont les coûts de gestion et de recouvrement sont parmi les plus élevés de la fiscalité française (jusqu’à 20 %) et de redynamiser des centres-villes en allégeant la fiscalité portant sur des commerces typiques des centres-villes, nos boulangeries/pâtisserie.

6. La protection du pouvoir d’achat des agriculteurs

Suite à la crise de 2015, le monde agricole avait obtenu une baisse de cotisations de 7 points, soit un plafonnement à 3,04 %. C’était une mesure nécessaire pour réduire les charges des exploitants et mettre à niveau notre agriculture avec celle de nos voisins européens, alors même que les charges de nos principaux compétiteurs demeurent moindres que les nôtres. 

Or, le PLFSS pour 2018 propose une harmonisation du régime des cotisations maladie pour l’ensemble des travailleurs indépendants, agricoles et non agricoles. 

La conséquence sera la suivante : dès 2018, les exploitants seront soumis à un nouveau barème de cotisation progressif, avec un taux variant de 1,5 % à 6,5 %, remplaçant l’ancien taux unique de 3,04 %. Ce nouveau système, s’il va faire quelques gagnants, va également faire un nombre important de perdants, et alourdir le coût du travail pour certaines exploitations agricoles.

Dans l’état actuel de la réforme de la CSG, 40% des agriculteurs seraient perdants, et connaitraient ainsi une hausse de leurs cotisations. Les agriculteurs seraient donc les seuls actifs pour qui la hausse de la CSG ne serait pas intégralement compensée !

Pour ces derniers, nous souhaitons conserver donc l’avantage de la baisse des charges acquis en 2016, par un plafonnement du taux de cotisations des agriculteurs à 3,04 %, afin de préserver le pouvoir dachat des agriculteurs mais également la compétitivité de notre secteur agricole. 

7. La défense de la politique familiale

Les députés du groupe Modem sont profondément attachés à la famille et à la politique familiale, et en particulier à son caractère universel, qui a fait consensus dans notre pays pendant plus de 50 ans.

L’universalité de la politique familiale signifie qu’elle doit s’adresser à tous les Français, sans aucune distinction d’origine, sans aucune distinction sociale. Elle repose par conséquent sur l’idée que chaque enfant est une chance et une richesse pour la France, pour son avenir, pour notre avenir, et ce quelles que soient les ressources dont disposent ses parents.

Or, ce consensus a été mis à mal sous le précédent quinquennat, à travers notamment la modulation des allocations familiales en fonction des ressources, ainsi que les deux baisses du quotient familial. 

La ministre des Solidarités et de la Santé a présenté des priorités fortes en matière de politique familiale, que nous saluons. Nous soutenons la volonté du gouvernement de redonner à France une politique familiale forte et puissante. 

Pour cela, il est à nos yeux essentiel de réparer la faute qu’a commise François Hollande en confondant politique sociale et politique familiale. Cela passe notamment par un rétablissement du quotient familial, la suppression de la modulation des allocations familiales, et par la réaffirmation du caractère universel de notre politique familial.  

Nous souhaitons également supprimer lalignement des conditions de ressources et des montants de lallocation de base de la PAJE et du complément familial, qui représenterait une perte de 15 euros mensuels pour les naissances déclarées à partir du 1er avril 2018. Cette mesure conduirait également à une baisse de 10 % des bénéficiaires de l’allocation de base de la PAJE. Actuellement, 20 % des familles les plus aisées sont exclues du dispositif. Au final, un tiers des familles n’en bénéficierait plus. Afin de préserver la politique familiale, nous souhaitons donc que cette mesure ne soit pas mise en place.

Enfin, les députés du groupe Modem défendront une mesure de justice pour les familles modestes et les classes moyennes: le versement de la prime de naissance au plus tard deux mois avant la naissance de lenfant. En effet, le versement de cette prime est actuellement effectué après la naissance de l’enfant, ce qui représente une difficulté importante pour de nombreuses familles, étant donné les frais devant être engagés avant une naissance.

8. L’extension de la couverture vaccinale

Les députés Modem soutiennent la nécessaire extension de la couverture vaccinale, afin de garantir non seulement le maintien de l’éradication de pathologies dangereuses pour la population mais également de lutter contre le retour de certaines maladies, comme la méningite.

Notre groupe souligne toutefois que des pistes de rationalisation des coûts restent à exploiter, comme labrogation de la tenue du fichier vaccinale par les communes. En effet, en pratique, les communes ne disposent pas des moyens humains et matériels suffisants pour tenir à jour un tel fichier. De plus, la mise en place de la carte vitale à partir de 1998, actualisée en mai 2007 par sa seconde version, a rendu obsolète la tenue de ce fichier, en permettant une gestion automatisée des prestations de soins.

Enfin, les Agences régionales de Santé et Santé Publique France ont pour missions notamment de collecter et d’analyser les données de santé, provenant de l’assurance maladie, des établissements médico-sociaux ou des autres ministères, notamment éducation nationale, justifiant la suppression du registre de vaccinations tenu par les communes.

9. L’amélioration de la prévention

Le gouvernement a introduit la prévention et la promotion de la santé au cœur de son projet, orientation que le Groupe Modem soutient sans réserve. En effet, la lutte contre le surpoids et lobésité constitue un enjeu majeur de santé publique.

Toutefois, nous regrettons qu’une ligne budgétaire spécifiquement dédiée à la politique de prévention n’ait pas été identifiée dans le PLFSS pour 2018. Nous saluons l’engagement pris par la Ministre des Solidarités et de la Santé de mettre en place une telle mesure dans le cadre du prochain PLFSS.

L’article 35 va permettre de grands changements en promouvant l’innovation en matière de santé : des expérimentations dérogatoires vont permettre d’optimiser la qualité des prises en charge sanitaire, sociale et médico-sociale.

A ce titre, nous nous félicitons que le rapporteur général ait repris notre proposition, qui prévoit que « des expérimentations pourront être menées pour améliorer la prise en charge et le suivi d’enfants chez lesquels a été décelé un surpoids ».

Pour contribuer à cette ambition, le groupe Modem propose de réaffecter la taxe sur les boissons édulcorées au financement de la promotion et de la prévention de la santé. Cela permettra des expérimentations nouvelles en faveur de la lutte contre le surpoids et lobésité.

 


—  1  —

Liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés
à l’occasion de l’examen du projet de loi

 

Projet de loi

Dispositions modifiées

 

Article

Codes et lois

Numéro darticle

1

 

 

2

 

 

3

loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017

57

3

loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2018

100

4

code de la sécurité sociale

L. 241-3

4

code de la sécurité sociale

Section 4 du chapitre V du titre IV du livre II

4

code de la sécurité sociale

L. 651-2-1

4

code de la sécurité sociale

L. 651-3

4

code de la sécurité sociale

L. 651-5

4

code de la sécurité sociale

L. 651-5-3

4

code général des impôts

39

4

loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016

112

5

 

 

6

 

 

7

code de la sécurité sociale

L. 131-9

7

code de la sécurité sociale

L. 136-7-1

7

code de la sécurité sociale

L. 136-8

7

code de la sécurité sociale

L. 162-14-1

7

code de la sécurité sociale

L. 172-3

7

code de la sécurité sociale

L. 241-2

7

code de la sécurité sociale

L. 242-11

7

code de la sécurité sociale

L. 313-1

7

code de la sécurité sociale

L. 381-30-4

7

code de la sécurité sociale

L. 382-22

7

code de la sécurité sociale

L. 613-1 [nouveau]

7

code de la sécurité sociale

L. 621-3 [nouveau]

7

code rural et de la pêche maritime

L. 731-25

7

code rural et de la pêche maritime

L. 731-35

7

code rural et de la pêche maritime

L. 741-9

8

code de la sécurité sociale

L. 241-2-1 [nouveau]

8

code de la sécurité sociale

L. 241-13

8

code de la sécurité sociale

L. 243-6-1

8

code de la sécurité sociale

L. 243-6-2

8

code de la sécurité sociale

L. 243-6-3

8

code de la sécurité sociale

L. 243-6-6 [nouveau]

8

code de la sécurité sociale

L. 243-6-7 [nouveau]

8

code de la sécurité sociale

L. 243-6-6 / L. 243-6-8 [nouveau]

8

code de la sécurité sociale

L. 243-7

8

code rural et de la pêche maritime

L. 741-1

9

code de la sécurité sociale

Section VI du chapitre premier du titre III du livre premier

9

code de la sécurité sociale

L. 161-1-1 / L. 131-6-4 [nouveau]

9

code du travail

L. 5141-1

10

code de la sécurité sociale

L. 311-3

10

code de la sécurité sociale

L. 133-5-6

10

code de la sécurité sociale

L. 133-5-7

10

code de la sécurité sociale

L. 133-5-8

10

code de la sécurité sociale

L. 133-5-10

10

code du travail

L. 1271-2

11

code de la sécurité sociale

L. 200-1

11

code de la sécurité sociale

L. 200-2

11

code de la sécurité sociale

L. 200-3

11

code de la sécurité sociale

L. 211-1

11

code de la sécurité sociale

L. 213-1

11

code de la sécurité sociale

L. 215-1

11

code de la sécurité sociale

L. 221-1

11

code de la sécurité sociale

L. 221-3-1

11

code de la sécurité sociale

L. 222-1

11

code de la sécurité sociale

L. 223-1

11

code de la sécurité sociale

L. 225-1-1

11

code de la sécurité sociale

L. 227-1

11

code de la sécurité sociale

L. 233-1 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 613-1 / L. 611-1 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 612-1

11

code de la sécurité sociale

L. 612-2

11

code de la sécurité sociale

L. 612-3

11

code de la sécurité sociale

L. 612-4

11

code de la sécurité sociale

L. 612-5

11

code de la sécurité sociale

L. 612-6

11

code de la sécurité sociale

L. 133-5-2 / L. 613-2 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 133-6-7 / L. 613-3 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 133-6-7-1 / L. 613-4 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 133-6-7-2 / L. 613-5 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 131-6-3/ L. 613-9 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 652-7 / L. 615-1 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 637-1 / L. 615-2 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 637-2 / L. 615-3 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 652-4 / L. 615-4 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 615-5 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 621-1 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 621-2 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 622-1

11

code de la sécurité sociale

L. 613-20 / L. 622-2 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 613-8 / L. 622-3 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 613-19 / L. 623-1 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 613-19-1  / L. 623-2 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 613-19-2 / L. 623-3 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 613-19-3 / L. 623-4 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 613-21

11

code de la sécurité sociale

L. 631-1 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 635-5  / L. 632-1 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 632-3 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 635-6 / L. 632-4 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 633-10 / L. 633-1 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 633-11

11

code de la sécurité sociale

L. 634-2

11

code de la sécurité sociale

L. 634-3-1

11

code de la sécurité sociale

L. 634-6

11

code de la sécurité sociale

L. 635-1

11

code de la sécurité sociale

L. 635-4

11

code de la sécurité sociale

L. 635-4-1 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 640-1

11

code de la sécurité sociale

L. 641-1

11

code de la sécurité sociale

L. 652-6 / L. 641-8 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 642-6 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 133-6-10 / L. 643-10 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 622-8 / L. 671-1 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 681-1 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 160-17

11

code de la sécurité sociale

L. 611-20

11

code de la sécurité sociale

L. 161-8

11

code de la sécurité sociale

L. 161-18

11

code de la sécurité sociale

L. 162-14-1

11

code de la sécurité sociale

L. 613-4 / L. 171-2-1 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 171-3

11

code de la sécurité sociale

L. 622-1 / L. 171-6-1 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 171-7

11

code de la sécurité sociale

L. 172-2

11

code de la sécurité sociale

L. 111-11

11

code de la sécurité sociale

L. 114-16-3

11

code de la sécurité sociale

L. 114-23

11

code de la sécurité sociale

L. 114-24

11

code de la sécurité sociale

L. 115-9

11

code de la sécurité sociale

L. 123-1

11

code de la sécurité sociale

L. 123-2-1

11

code de la sécurité sociale

L. 133-1-4 / L. 133-4-11 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 134-1

11

code de la sécurité sociale

L. 134-3

11

code de la sécurité sociale

L. 134-4

11

code de la sécurité sociale

L. 135-2

11

code de la sécurité sociale

L. 135-6

11

code de la sécurité sociale

L. 136-3

11

code de la sécurité sociale

L. 173-2

11

code de la sécurité sociale

L. 182-2-2

11

code de la sécurité sociale

L. 182-2-4

11

code de la sécurité sociale

L. 182-2-6

11

code de la sécurité sociale

L. 241-2

11

code de la sécurité sociale

L. 243-6-3

11

code de la sécurité sociale

L. 311-3

11

code de la sécurité sociale

L. 351-15

11

code de la sécurité sociale

L. 722-1

11

code de la sécurité sociale

L. 722-1-1

11

code de la sécurité sociale

L 612-3 / L. 722-4 [nouveau]

11

code de la sécurité sociale

L. 722-5

11

code de la sécurité sociale

L. 722-6

11

code de la sécurité sociale

L. 722-9

11

code de la sécurité sociale

L. 742-6

11

code de la sécurité sociale

L. 742-7

11

code de la sécurité sociale

L. 752-4

11

code de la sécurité sociale

L. 752-6

11

code de la sécurité sociale

L. 752-9

11

code de la sécurité sociale

L. 756-5

11

code de la sécurité sociale

L. 766-2

11

code de la sécurité sociale

Section 2 du Chapitre III du Titre III du Livre Ier

11

code de la sécurité sociale

L. 133-1-1 à L. 133-1-3

11

code de la sécurité sociale

L. 133-1-5

11

code de la sécurité sociale

L. 133-1-6

11

code de la sécurité sociale

Sections 2 biset 2 quater du Chapitre III bis du Titre III du Livre Ier

11

code de la sécurité sociale

L. 133-6-9

11

code de la sécurité sociale

L. 133-6-11

11

code de la sécurité sociale

L. 173-3

11

code de la sécurité sociale

Section 5 du Chapitre II du Titre IV du Livre II

11

code de la sécurité sociale

L. 611-2 à L. 611-20

11

code de la sécurité sociale

L. 612-9 à L. 612-13

11

code de la sécurité sociale

L. 613-2

11

code de la sécurité sociale

L. 613-9

11

code de la sécurité sociale

L. 613-12 à L. 613-14

11

code de la sécurité sociale

L. 613-23

11

code de la sécurité sociale

Section 4 du Chapitre III du Titre Ier du Livre VI

11

code de la sécurité sociale

L. 614-1

11

code de la sécurité sociale

L. 621-4

11

code de la sécurité sociale

L. 622-2

11

code de la sécurité sociale

L. 622-6

11

code de la sécurité sociale

L. 623-1

11

code de la sécurité sociale

L. 623-2

11

code de la sécurité sociale

L. 633-9

11

code de la sécurité sociale

L. 633-11-1

11

code de la sécurité sociale

L. 634-1

11

code de la sécurité sociale

L. 634-5

11

code de la sécurité sociale

Chapitre VII du Titre III du Livre VI

11

code de la sécurité sociale

L. 642-2-1

11

code de la sécurité sociale

L. 642-2-2

11

code de la sécurité sociale

L. 651-12

11

code de la sécurité sociale

L. 651-13

11

code de la sécurité sociale

L. 722-2

11

code de la sécurité sociale

L. 722-3

11

code de la sécurité sociale

L. 722-4

11

code de la sécurité sociale

L. 722-5-1

11

code de la sécurité sociale

L. 722-7

11

loi n°2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017

50

12

code général des impôts

575 A

12

code général des impôts

575 E bis

13

code général des impôts

1010

14

code de la sécurité sociale

L. 138-10

14

code de la sécurité sociale

L. 138-11

14

code de la sécurité sociale

L. 138-15

15

 

 

16

code de la sécurité sociale

L. 382-1

16

code de la sécurité sociale

L. 382-22

16

code de la sécurité sociale

L. 382-3-1 [nouveau]

16

code de la sécurité sociale

L. 382-4

16

code de la sécurité sociale

L. 382-5

16

code de la sécurité sociale

L. 382-6

16

code de la sécurité sociale

L.382-9

16

code de la sécurité sociale

L.382-14

16

code du travail

L. 6331-67

16

code du travail

L. 6331-68

17

code de la sécurité sociale

L. 224-5

17

code de la sécurité sociale

L. 225-1-1

18

code de la sécurité sociale

L. 131-8

18

code de la sécurité sociale

L. 134-6 [nouveau]

18

code de la sécurité sociale

L. 135-3

18

code de la sécurité sociale

L. 862-2

18

code de la sécurité sociale

L. 862-4

18

code de l’action sociale et des familles

L. 14-10-5

18

code rural et de la pêche maritime

L. 731-3

18

code rural et de la pêche maritime

L. 732-58

18

code général des impôts

1600-0-S

18

code général des impôts

1647

18

loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique

20

19

 

 

20

 

 

21

 

 

22

 

 

23

 

 

24

 

 

25

code de la sécurité sociale

L. 531-5

25

code de la sécurité sociale

L. 531-6

25

ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales

11

26

code de la sécurité sociale

L. 531-2

26

code de la sécurité sociale

L. 531-3

26

loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014

74

27

 

 

28

 

 

29

code de la sécurité sociale

L. 161-23-1

29

code de la sécurité sociale

L. 816-2

29

ordonnance n°2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sociale et sanitaire à Mayotte

29

30

 

 

31

code de la sécurité sociale

L. 461-1

31

code de la sécurité sociale

L. 461-5

32

 

 

33

 

 

34

code de la santé publique

L. 3111-1

34

code de la santé publique

L. 3111-2

34

code de la santé publique

L. 3111-3

34

code de la santé publique

L. 3111-4-1 / L. 3111-3 [nouveau]

34

code de la santé publique

L. 3111-9

34

code de la santé publique

L. 3116-1

34

code de la santé publique

L. 3116-2 à L. 3116-4

34

code de la santé publique

L. 3821-1

34

code de la santé publique

L. 3821-2

34

code de la santé publique

L. 3821-3

34

code de la santé publique

L. 3826-1

35

code de la sécurité sociale

L. 162-31-1

35

code de la sécurité sociale

L. 221-1

35

code de la santé publique

L. 1433-1

35

loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014

43

36

code de la sécurité sociale

L. 162-14-1

36

code de la santé publique

L. 6316-1

36

loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014

36

37

code la sécurité sociale

L. 162-1-7

37

code la sécurité sociale

L. 162-1-7-4 [nouveau]

37

code de la sécurité sociale

L. 162-1-8

37

code de la santé publique

L. 4011-2

37

code de la santé publique

L. 4011-2-1

37

code de la santé publique

L. 4011-2-3

38

code de la sécurité sociale

L. 162-16-5

38

code de la sécurité sociale

L. 162-16-6

38

code de la sécurité sociale

L. 162-22-7-2

38

code de la sécurité sociale

L. 162-17-2-2

39

code de la sécurité sociale

L. 162-30-4

40

code de la sécurité sociale

L. 161-37

40

code de la sécurité sociale

L. 161-38

40

code de la sécurité sociale

L. 162-17-9 [nouveau]

40

code de la sécurité sociale

L.162-19-1 [nouveau]

40

code de la santé publique

L. 5122-15-1 [nouveau]

40

code de la santé publique

L. 5213-1

40

code de la santé publique

L. 5213-2

40

code de la santé publique

L. 5213-3

40

code de la santé publique

L. 5213-4

40

code de la santé publique

L. 5223-1

40

code de la santé publique

L. 5223-2

40

code de la santé publique

L. 5223-3

40

code de la santé publique

L. 5223-4

40

code de la santé publique

L. 5223-5

40

code de la santé publique

L. 6143-7

41

code de la sécurité sociale

L. 162-17-3-1 [nouveau]

41

code de la sécurité sociale

L. 162-17-5

41

code de la sécurité sociale

L. 165-2-1 [nouveau]

41

code de la sécurité sociale

L. 165-3-3

41

code de la sécurité sociale

L. 165-4

41

code de la sécurité sociale

L. 165-7

42

code de la sécurité sociale

L. 162-4

42

code de la sécurité sociale

L. 315-2

42

code de la sécurité sociale

L. 315-3 [nouveau]

43

code de la sécurité sociale

L. 162-1-17

44

 

 

45

 

 

46

code de la sécurité sociale

L. 162-22-9-2

47

loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017

Art. 80

48

code de la sécurité sociale

L. 162-23-15

48

code de la sécurité sociale

L. 162-23-16 [nouveau]

48

loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016

78

49

code de la santé publique

L. 135-9-1 [nouveau]

49

code de la santé publique

L. 1432-5

49

code de la santé publique

L. 1435-9

49

code de la santé publique

L. 1435-10

50

code de l’action sociale et des familles

L. 313-1

50

code de l’action sociale et des familles

L. 313-12

50

code de l’action sociale et des familles

L.313-12-2

50

code de l’action sociale et des familles

L. 314-6

51

code de l’action sociale et des familles

L. 14-10-5

51

code de l’action sociale et des familles

L. 312-8

51

code de l’action sociale et des familles

L.313-12-2

51

code de la sécurité sociale

L. 161-37

51

code de la sécurité sociale

L. 161-41

52

code de la sécurité sociale

L. 723-2-1 [nouveau]

53

code de la sécurité sociale

L. 114-17

54

code de la sécurité sociale

L. 114-17-1

55

code de la sécurité sociale

L. 114-19

56

code de la sécurité sociale

L. 145-2

57

code de la sécurité sociale

L. 256-4

 


—  1  —

liste des liens vidéo relatifs
à l’examen du projet de loi

 

– Mercredi 11 octobre 2017 à 16 heures 30 : audition de Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, et de M. Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, et discussion générale

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4976873_59de28f9e65c0.commission-des-affaires-sociales--mme-agnes-buzyn-et-m-gerald-darmanin-ministres-11-octobre-2017

– Mardi 17 octobre 2017 à 17 heures (articles 1 à 9) :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4997681_59e6188c03673.commission-des-affaires-sociales--plfss-pour-2018--17-octobre-2017

 

– Mardi 17 octobre 2017 à 21 heures 30 (articles 10 à 24) :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4999900_59e658a03122d.commission-des-affaires-sociales--plfss-pour-2018--17-octobre-2017

 

– Mercredi 18 octobre 2017 à 9 heures 30 articles (25 à 35) :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5002710_59e70104c6af9.commission-des-affaires-sociales--plfss-pour-2018-articles-25-a-35-18-octobre-2017

 

– Mercredi 18 octobre 2017 à 16 heures 15 (articles 35 à 57) :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5007489_59e75fa00e512.commission-des-affaires-sociales--plfss-pour-2018-articles-35-a-57-18-octobre-2017

 


([1]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4935990_59d3a3f9df34e.commission-des-affaires-sociales--m-alain-fischer-professeur-d-immunologie--3-octobre-2017.

([2]) Dont la rédaction est pour l’essentiel issue de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS), comme du reste l’ensemble des dispositions organiques définissant le cadre des LFSS.

([3]) Document triennal de présentation des régimes obligatoires de base.

([4])  Les régimes spéciaux sont des régimes de sécurité sociale antérieurs à 1945 dans des branches d’activité et entreprises visées par un décret en Conseil d’État.

([5]) Il existe ainsi 22 régimes d’assurance vieillesse, 11 régimes d’assurance maladie, 12 régimes d’AT-MP, à l’exclusion des régimes fermés (un régime maladie, trois régimes vieillesse et un régime invalidité et AT-MP).

([6]) Le FSV n’est pas présent dans le 2° de l’article mais intégré dans le sous-total depuis la LFSS 2017, ce qui contribue à la lisibilité des soldes. Il est encore présenté séparément dans le 3° du présent article comme seul organisme concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

([7]) Y compris le FSV dont le solde s’est amélioré de 300 M d’euros. L’excédent de la branche AT-MP connaît une très légère hausse, invisible dans la présentation du tableau, de 750 millions d’euros à 762 millions d’euros, malgré une diminution de ses recettes.

([8]) Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales  

([9]) Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales  

([10]) Caisse nationale des barreaux français  

([11]) Le principe de la PUMA a été voté dans la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et mis en œuvre dans l’article 20 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

([12]) Le mécanisme de compensation fonctionne sur la base d’une moyenne nationale. Les régimes ayant un ratio plus favorable que la moyenne opèrent un transfert financier vers les régimes ayant un ratio moins favorable.  

([13]) Dans le mécanisme de l’intégration financière, les régimes maintiennent des règles distinctes mais agrègent leur solde avec celui du régime général. Le régime est alors toujours en équilibre pour la branche intégré puisqu’il reporte tout excédent ou tout déficit sur le solde du régime général.  

([14]) Branche maladie et vieillesse du régime des salariés agricole, branche maladie des militaires et des non‑salariés agricoles, régimes maladie et vieillesse des cultes et régime maladie et accidents du travail  des marins.

([15]) Depuis la LFSS 2017, les tableaux d’équilibre intègrent le fonds de solidarité vieillesse, améliorant la lecture des soldes, dès lors que le fonds de solidarité vieillesse prend en charge

([16]) Chiffres absents de la LFSS initiale.  

([17])  Le MICO est le plancher en deçà duquel la pension d’un assuré ayant cotisé la durée légale et dépassé l’âge de la retraite à taux plein ne peut pas descendre. Un débat existe depuis sa création sur la nature contributive ou non de ce mécanisme différentiel. La LFSS pour 2017 a transféré son financement à terme aux branches vieillesse assurantielles.

([18]) Article 87 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015

([19]) À 40 millions d’euros près, soit 0,02 % de l’ONDAM.

([20]) La progression de l’ONDAM avait toujours été supérieur à 2 % jusqu’alors.  

([21]) Les dépenses afférentes aux établissements et services sociaux ont augmenté de 2 %, le Fonds d’intervention régional de 1 %, et les autres prises en charge de 4,6 %.  

([22]) Rapport précité pp 92–96.  

([23]) La CNSA finance l’objectif global de dépense(OGD) du secteur médico-social avec des ressources propres. On distingue généralement le financement des établissements qui relèvent de l’ONDAM et le financement de prestations et d’actions en faveur des personnes âgées et handicapées qui relève de la CNSA.

([24]) Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011

([25])  Loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000

([26]) Le FRR continue jusqu’à son extinction à gérer de manière active son portefeuille de sorte que ses actifs diminuent moins vite que les transferts annuels à la CADES.  

([27]) Créé à l’article 20 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

([28]) Elle a historiquement été affectataire d’une fraction du prélèvement social sur les revenus du capital entre 2011 et 2016.

([29]) La CADES bénéficie depuis sa création du soutien de l’Agence France Trésor, lequel s’est vu renforcer par un décret n° 2017-869 du 9 mai 2017.

([30]) 4,2 milliards d’euros issus des déficits de la branche vieillesse et du FSV en 2015, 18,9 milliards d’euros issus des déficits 2013 et 2014 de la CNAMTS et de la CNAF et 1,2 milliard d’euros issu du déficit de la CNAMTS en 2015.  

([31]) Bien que la publication du rapport de la Cour soit antérieure à la présentation du PLFSS, ces tableaux communiqués par la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) sont les mêmes que ceux qui ont été présentés à la représentation nationale.

([32]) Cette annulation a conduit à une diminution des taux concernés.  

([33]) Pour plus d’informations sur la question de la certification, qui dépasse le cadre du présent commentaire, on se reportera utilement au rapport de la Cour des comptes (Certification des comptes du régime général de sécurité sociale – Exercice 2016, juin 2017 https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-06/20170607-rapport-certification-securite-sociale.pdf ), ainsi qu’à l’annexe 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, « Objectifs et moyens des organismes de sécurité sociale », pages 41 et 42:). On rappellera que les comptes des régimes autres que le régime général, ainsi que ceux du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) sont quant à eux certifiés par des commissaires aux comptes.

([34]) Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

([35]) Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES).

([36]) Fonds de réserve pour les retraites.

([37])  Certains régimes ne sont en effet pas retracés en raison de leur faible importance financière (régimes représentant moins de 200 millions d’euros et ne recourant pas à l’emprunt)

([38]) Page 153 :https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-09/20170920-rapport-securite-sociale-2017_1.pdf

([39])  Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017

([40]) Ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention 

([41]) Manutention manuelle des charges, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques.  

([42]) Il avait également pour mission de financer les dispositifs d’accompagnement des personnels d’établissements de santé dans le cadre de restructuration avant 2012. Cette mission a été transférée au fonds d’intervention régional (FIR).  

([43]) Sa gestion est confiée à la caisse des Dépôts et Consignations.  

([44]) Loi n° 70-13 du 3 janvier 1970 portant création dune contribution sociale de solidarité au profit de certains régimes de protection sociale des travailleurs non-salariés.

([45]) L’article 4 du projet de loi ne modifiant pas le champ, l’assiette ou les modalités de recouvrement de la C3S, le commentaire d’article se limitera à ses principales caractéristiques.

([46]) Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à lassurance maladie.

([47]) Sont éligibles à ce plafonnement les entreprises de commerce international et intracommunautaire qui réalisent plus de la moitié de leurs achats ou de leurs ventes hors taxes hors de France, les entreprises de négoce en gros de combustibles et de commerce de détail des carburants et les entreprises ayant pour activité le négoce en gros et en l’état des produits du sol et de l’élevage, engrais et produits connexes, réalisant plus de la moitié de leurs achats ou ventes hors taxes avec les producteurs et coopératives agricoles.

([48]) Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

([49]) Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

([50]) Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017

([51]) http://www.securite-sociale.fr/IMG/pdf/ccss-septembre2017_tome1.pdf

([52]) On pourra se référer utilement au commentaire de cet article qui expose les justifications de cette suppression.  

([53]) Idem.  

([54]) Idem

([55]) Le FSV a ainsi perdu à la suite de la LFSS pour 2017 un certain nombre de produits comme une fraction de prélèvement social, de la contribution sur les avantages de retraite et préretraite ou de la fraction de taxe sur les salaires qui lui était affectée.

([56]) Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

([57]) Dont la rédaction est pour l’essentiel issue de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS), comme du reste l’ensemble des dispositions organiques définissant le cadre des LFSS.

([58])  Ce montant était particulièrement prudent dans la mesure où il était supérieur au minimum prévu par le II de l’article 12 de la loi n° 2014-1653 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, fixé à 0,3 % de l’ONDAM prévu (soit 572 millions d’euros).

([59])  Avis du comité d’alerte n° 2017-3 du 10 octobre 2017.

([60]) Qui supporte également les charges afférentes aux risques maternité, invalidité et décès.  

([61]) Destinées au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, à l’exclusion des régimes complémentaires notamment.  

([62]) Pour les besoins du commentaire de cet article, qui ne modifie pas l’assiette des cotisations sociales, il n’est pas nécessaire d’entrer dans un détail complexe.  

([63]) Des articles L. 741-10 et D. 741-35 du code rural et de la pêche maritime vers les articles L. 241-2 et D. 241-3 du code de la sécurité sociale.

([64]) Créé par la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994, relative à la sécurité sociale, dite « loi Veil ».

([65]) Pour plus de détails, on se reportera utilement au commentaire de cet article, infra.  

([66]) https://www.unedic.org/sites/default/files/regulations/TXT-RG-1496160239784.pdf

([67]) Soit près de 156 912 euros, le PASS s’élevant à 39 228 euros pour 2017.

([68]) Étant précisé que le rythme de recouvrement des contributions d’assurance chômage est le même que celui des cotisations de sécurité sociale du régime général (article R. 5422-7 du code du travail), c’est-à-dire mensuel dans la généralité des cas.  

([69]) Déduction faite, classiquement, des frais de recouvrement engagés par l’ACOSS.

([70]) De l’année N-2 pour une imposition en N. 

([71]) Soit 1 018 euros pour un retraité de moins de 65 ans vivant seul et percevant exclusivement sa pension, et 1 236 euros pour un retraité dans la même situation mais âgé de plus de 65 ans (cf. infra pour des explications sur les modalités de calcul de ces montants).

([72]) Soit 1 330 euros pour les moins de 65 ans et 1 440 euros pour les plus de 65 ans.

([73]) Cf. infra pour plus de détails.  

([74]) Il faut préciser, comme le rappelle d’ailleurs l’étude d’impact, que cette augmentation de CSG se fait dans un cadre général d’allègement de la fiscalité sur les revenus du capital. En effet, l’article 11 du projet de loi de finances (PLF) pour 2018 ouvre aux titulaires de certains de ces revenus, pour l’établissement de leur impôt sur le revenu (IR), une option en faveur d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux global de 12,8 %, possiblement plus avantageux que la soumission de ces revenus au barème progressif de l’IR, dont le taux de la dernière tranche est de 45 %. Additionné au taux global des prélèvements sociaux, porté de 15,5 à 17,2 % du fait de l’augmentation du taux de la CSG (cf. infra), le PFU permettra donc de limiter à 30 % la fiscalité, d’État et sociale, sur les revenus du capital concernés. Pour plus de précisions, on se reportera utilement au commentaire de cet article par notre collègue Joël Giraud, rapporteur général de la Commission des finances : rapport n° 273, tome II, 12 octobre 2017, pages 361 à 428 (http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0273-tII.pdf).

([75]) Le produit brut des jeux (PBJ) constitue en quelque sorte le chiffre d’affaires des casinos, puisqu’il est égal au montant des mises des joueurs soustraction faite des gains qui leur sont reversés.

([76]) Produits respectivement affectés par les IV bis et V :

         la CSG sur les revenus du capital est affectée au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour la part correspondant à un taux de 7,6 % et à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) pour le solde (part correspondant à un taux de 0,6 %) ;

         la CSG sur les jeux de casino est affectée à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) pour 82 % et à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour 18 %.

([77]) Cette rédaction, résultant de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016 (article 24 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015) a pour objet de tenir compte de la réalité démographique des régimes affectataires.

([78]) L’intégration financière signifie qu’un régime compense le déficit de l’autre  ce qui revient en pratique à verser une dotation d’équilibre, les affiliés restant cependant gérés par des organismes distincts. La quasi-totalité des régimes sont aujourd’hui intégrés.

([79]) Soit plus de 43 000 euros.

([80]) Soit environ 55 000 euros.  

([81]) L’article 11 du projet de loi procède à une refonte du livre VI, relatif aux non-salariés, dans le cadre de la suppression du Régime social des indépendants (RSI) ; cette refonte implique une nouvelle numérotation de l’actuel article L. 613-1, qui devient L. 611-1. Pour plus de précisions, on se reportera utilement au commentaire de cet article, infra.

([82]) Dispositif assez profondément remanié par l’article 9, au commentaire duquel on se reportera donc utilement.

([83]) Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016.  

([84]) Mentionnées à l’article L. 612-4 du code de la sécurité sociale.  

([85]) Article D. 612-5 du code de la sécurité sociale.

([86]) Le taux de 6,5 % est fixé par l’article D. 612-4.

([87]) Pour les besoins de ce commentaire, il n’est pas nécessaire de détailler ces assiettes.  

([88]) Le b) étant de portée rédactionnelle.

([89]) Le décret n° 2016-392 du 31 mars 2016 relatif à la cotisation d’assurance maladie et maternité des travailleurs indépendants agricoles a modifié l’article D. 731-91 du code rural et de la pêche maritime, en réduisant de 10,04 à 3,04 % le taux de cette cotisation.

([90]) Mission de service public assurée par des praticiens conventionnés, organisée par l’agence régionale de santé.  

([91]) Qui procède en outre à une série de coordinations rédactionnelles dont le détail peut être épargné au lecteur.  

([92]) Soit un montant mensuel de cotisation de 206 euros environ, pour un SMIC à 1 480 euros environ.

([93]) La conversion entre le salaire brut et le salaire net étant obtenue par la réduction de 22 % du salaire brut, soit le niveau global des prélèvements sociaux mis, dans la généralité des cas, à la charge du salarié.  

([94]) Articles 127 à 135 de la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990.  

([95]) Article 42 de la loi n° 93-859 du 22 juin 1993.  

([96]) Article 2 de la loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993.  

([97]) Respectivement par l’article 94 de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 de finances pour 1997 et par l’article 80 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998.

([98]) La déductibilité a également concerné la CSG sur les revenus du capital, qui n’étaient pourtant pas assujettis aux cotisations sociales.

([99]) Article 37 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004.  

([100]) Article 9 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012.

([101]) État, collectivités territoriales, hôpitaux, établissements publics, mais aussi les entreprises majoritairement contrôlées par l’État, les établissements publics industriels et commerciaux et les sociétés d’économie mixte des collectivités territoriales, les organismes consulaires…

([102]) Régie par les articles L. 5423-24 à L. 5423-32 du code du travail.  

([103]) Article R. 5423-52 du code du travail.  

([104]) Article 143 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.  

([105]) Les URSSAF y auraient procédé si la CES n’avait pas été supprimée.

([106]) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/03-fonds-solidarite-RPA2016-Tome-1.pdf, page 88.

([107]) Dont le rapporteur général a sollicité sans l’obtenir à ce stade l’actualisation par le Gouvernement.

([108]) Pour les mêmes raisons, les retraités ne sont pas assujettis à la cotisation d’assurance vieillesse.  

([109]) Pour les retraités résidant en France.  

([110]) Soit 3,44 % de (25 180 – 5 456).  

([111]) Pour plus de détails, on se reportera utilement au commentaire de cet article par le rapporteur général de la Commission des finances : rapport précité, pages 75 à 146 (http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0273-tII.pdf).  

([112]) Coût moyen = 3 milliards d’euros en 2018, 6,5 milliards en 2019 et 10 milliards en 2020 ; nombre de bénéficiaires = 17 millions de foyers.  

([113]) Article 9 de la loi n° 2003-47.  

([114]) Obligation posée par l’article L. 5422-13 du code du travail.  

([115]) https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/s1259

([116]) Employeurs mentionnés au 3° de l’article L. 5424-1 du code du travail.  

([117]) Qui en principe n’est cumulable avec aucun autre dispositif d’allègement.

([118]) Article 12 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010.  

([119]) L’annualisation a conduit à la mise en place d’un mécanisme de régularisation en fin d’année : la réduction reste en effet calculée, et les cotisations dues, chaque mois ou chaque trimestre (comme c’est la règle usuelle en matière de cotisations sociales) ; en revanche, le calcul annuel qui intervient en fin d’année peut donner lieu à une moindre réduction sur l’année qui doit donc, le cas échéant, faire l’objet d’une régularisation.

([120]) Concrètement, la rémunération d’un salarié percevant 2,4 SMIC dont 0,1 au titre d’heures supplémentaires entre dans l’assiette pour sa totalité, et pas seulement pour 2,3 SMIC. Pour plus d’informations, on se reportera utilement au Bulletin officiel des finances publiques définissant l’assiette du CICE, identique à celle de l’allègement général : http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/8431-PGP.html?identifiant=BOI-BIC-RICI-10-150-20-20170301, § 30.

([121]) Ainsi, pour un salarié employé à 80 % de la durée légale du travail, le plafond au-delà duquel le salaire ne sera pas éligible à la réduction est égal à 80 % du plafond calculé pour un salarié à temps complet.

([122]) Loi n° 2014-892 du 8 août 2014.  

([123]) Destinées à financer la couverture des quatre risques des régimes obligatoires.  

([124]) Risque et cotisations afférentes désignés par commodité comme « maladie » dans la suite de ce commentaire.

([125]) 39 228 euros en 2017.  

([126]) Définie à l’article L. 242-1.

([127]) Cette formulation habile permet de tenir compte des évolutions de taux, intervenant par voie réglementaire, sans avoir à modifier la loi ; antérieurement à la LFRSS 2014, la valeur maximale du coefficient était fixée dans la loi.

([128]) Loi n° 2012‑1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

([129]) Article 88 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016.

([130]) Le III du présent article rend cette réduction applicable aux salaires agricoles : l’article L. 741-1 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit les modalités de fixation des taux des cotisations agricoles, est modifié pour renvoyer au nouvel article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale.

([131]) En l’état du droit, le 1° du II de l’article L. 241-2 mentionne également la cotisation maladie supportée par les salariés, mais celle-ci est supprimée à compter du 1er janvier 2018 par l’article 7 du présent projet de loi (cf. commentaire supra) : seules les cotisations patronales sont donc visées ici.

([132]) L’article procède par ailleurs à une légère modification rédactionnelle, visant « les contributions mentionnées à larticle L. 834-1 » et non plus « la contribution ».

([133]) L’assiette et le taux étant définis à l’article 49 du règlement annexé à la dernière convention dite « UNÉDIC » (Union nationale pour lemploi dans lindustrie et le commerce), du nom de l’association gestionnaire du régime d’assurance chômage pour le compte des partenaires sociaux (employeurs et salariés), signataires de la convention : https://www.unedic.org/sites/default/files/regulations/TXT-RG-1496160239784.pdf

([134]) Selon la même logique que celle décrite supra pour la réduction forfaitaire de 1,8 point de la cotisation famille.

([135]) Il n’est pas fait état ici du versement transport, auxquelles toutes les entreprises ne sont pas assujetties, en fonction de leur implantation géographique. De plus, les taux varient en fonction de la zone concernée.  

([136]) Les entreprises non assujetties à la TVA s’acquittent de la taxe sur les salaires, au taux de 4,25 % au niveau du SMIC, mais il ne s’agit pas du cas général.  

([137]) 0,44 % en Alsace-Moselle.  

([138]) Arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.

([139]) Soit 1,8 SMIC – 0,54 SMIC (30 % de 1,8).  

([140]) Par renvoi à l’article L. 922-4 du code de la sécurité sociale, visant les fédérations d’institutions de retraite complémentaire.  

([141]) Mentionnées à l’article L. 213-1 du code de la sécurité sociale.  

([142]) Mentionnées à l’article L. 752-4 du code de la sécurité sociale.

([143]) Le a) du du I faisant en conséquence précéder le texte actuel de cet article d’un I.

([144]) Ou CGSS (précision valable pour la suite des développements).  

([145]) Cette possibilité est également – et logiquement – ouverte à un cotisant appartenant à un groupe au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce (un groupe étant constitué dès lors qu’une société en détient exclusivement ou conjointement d’autres). 

([146]) Le a) du 4° du I faisant en conséquence précéder le texte actuel de cet article d’un I.

([147]) Pour plus de précisions sur cette procédure, on se reportera utilement au site Internet des URSSAF, sur lequel s’appuient les développements qui suivent : https://www.urssaf.fr/portail/home/utile-et-pratique/le-rescrit-social/le-rescrit-social-cotisant.html

([148]) Dans sa nouvelle rédaction, donc, car il existe déjà dans le code un article L. 243-6-6, renuméroté L. 243‑6-8 par le du I.  

([149]) Qui, d’après l’étude d’impact, devrait logiquement être le groupement d’intérêt économique AGIRC-ARRCO, créé en 2002 pour regrouper les services et moyens des deux fédérations.

([150]) En application de l’article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale.

([151]) L’essentiel des cotisations chômage étant recouvrées pour le compte de l’UNÉDIC par les URSSAF.  

([152]) Somme arrondie (par l’étude d’impact) des 21,6 milliards de la réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation maladie et des 3,3 milliards du renforcement de l’allègement général.  

([153]) Revue de dépenses sur les exonérations et exemptions de charges spécifiques : http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/RD2015_exonerations_charges_sociales.pdf

([154]) Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.  

([155]) Arrondi correspondant au chiffre de l’étude d’impact.  

([156]) Loi n° 79-10 du 3 janvier 1979 portant diverses mesures en faveur des salariés privés demploi qui créent une entreprise.

([157]) Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

([158]) Le régime micro-fiscal permet aux travailleurs indépendants non-agricoles dont le chiffre d’affaires ou les recettes n’excèdent pas certaines limites de bénéficier de modalités dérogatoires d’imposition des revenus tirés de leur activité, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou non commerciaux (BNC). L’imposition forfaitaire, en particulier, portant sur le chiffre d’affaires plutôt que sur le résultat net, peut s’avérer avantageuse et constitue une facilité administrative.

([159]) Rapport d’information de MM. Jean-Charles Taugourdeau et Fabrice Verdier, au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, sur l’évaluation des dispositifs publics d’aide à la création d’entreprise, déposé à l’Assemblée nationale le 28 février 2013, et accessible à cette adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i0763.asp.

([160]) L’exercice d’un contrôle effectif est défini aux 12° et 13° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale pour le régime général et aux 8° et 9° de l’article L. 311-3 du code rural et de la pêche maritime pour le régime des salariés agricoles. Il recouvre notamment les fonctions de président du conseil d’administration, de directeur général et de directeur général délégué des sociétés anonymes.

([161]) Pour l’analyse de ce dispositif, le rapporteur général renvoie aux travaux de son homologue de la Commission des finances, accessible à cette adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/15/rapports/r0273-tII.asp.

([162]) On distingue le titre emploi qui permet de déclarer les emplois précités du titre spécial de paiement lequel permet de rémunérer le salarié mais aussi des prestations de services liés aux mêmes thématiques (services en ligne du CESU, centres de loisirs, centres aérés, taxi pour le déplacement de personnes âgées).

([163]) Cette simplicité d’utilisation se traduit également par la souplesse avec laquelle il est possible de rectifier d’éventuelles erreurs déclaratives sur les sites internet des dispositifs dans de larges délais.

([164]) Articles L. 1273-3 et suivants du code du travail

([165]) Article L. 1272-4 du code du travail

([166])  Articles L. 1271-1 et suivants du code du travail

 

([168]) Elles sont précisées aux articles L. 133-5-7 et L. 133-5-8.

([169]) ou aux Caisses générales de sécurité sociale (CGSS) en Outre-mer

([170]) Inspection générale des affaires sociales, Bilan de la convention d’objectifs et de gestion 2007-2011 signée entre lEtat et le Régime Social des Indépendants (RSI) et recommandations pour la future convention, octobre 2011

([171]) Décret n° 2013-597 du 8 juillet 2013 modifiant les modalités de fonctionnement de l’interlocuteur social unique et d’organisation du régime social des indépendants

([172])  Rapport à M. le Premier ministre sur le fonctionnement du RSI dans sa relation avec les usagers, Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier, 21 septembre 2015.

([173]) INSEE, Emploi et revenu des indépendants 2015

[174] Et aux CGSS en Outre-mer

([175]) Et aux CGSS en Outre-mer

([176]) Rapport au Premier ministre sur le fonctionnement du RSI dans son fonctionnement avec les usagers, remis le 21 septembre 2015

([177]) et aux CGSS en Outre-mer

([178]) et aux CGSS en Outre-mer.

([179]) Décision n° 2016-742 DC du 22 décembre 2016 : censure de l’article 50 de la LFSS pour 2017 au motif qu’en renvoyant la détermination de catégories de personnes affiliées à une organisation de prévoyance et d’assurance vieillesse, sans définir les critères de cette détermination, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence.

([180]) Selon les informations transmises au rapporteur général par le Comité national contre le tabagisme (CNCT).

([181])  M. Pierre Kopp, « Le coût social des drogues en France », note pour l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, septembre 2015, accessible à l’adresse suivante : https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/eisxpkv9.pdf.

([182]) Décret n° 2016-1671 du 5 décembre 2016 portant création dun fonds de lutte contre le tabac.

([183]) Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

([184]) Ce taux résulte d’un calcul complexe, dit « en dedans ». Pour les besoins de ce commentaire, il n’est pas nécessaire d’en dire davantage.

([185]) Arrêté du 19 décembre 2016 portant modification de larrêté du 26 décembre 2007 modifié, fixant le taux de remise à allouer aux débitants de tabac pour la vente au détail des tabacs manufacturés.

([186]) Directive 2003/117/CE du Conseil du 5 décembre 2003 modifiant les directives 92/79/CEE et 92/80/CEE en vue dautoriser la République française à proroger lapplication dun taux daccise réduit sur les produits du tabac mis à la consommation en Corse.

([187]) Directive 2011/64/UE du Conseil du 21 juin 2011 concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés.

([188]) Étude d’impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, p. 148.

([189]) Arrêté du 22 septembre 2017 portant mise en œuvre de la majoration des minima de perception, prévue par larticle 575 du code général des impôts.

([190]) Étude d’impact du PLFSS pour 2018, p. 149.

([191]) Étude d’impact du PLFSS pour 2018, p. 152.

([192]) Étude d’impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, p. 149.

([193]) Étude d’impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, p. 149.

([194]) Étude d’impact du projet de loi, p. 151.

([195]) Directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules. Ces véhicules sont ceux retenus par le code général des impôts pour la définition des véhicules de tourisme.

([196]) Pour plus de précisions sur ce régime de déclaration, on pourra utilement se référer à l’analyse – encore pertinente – effectuée par M. Gérard Bapt, dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r4151-tI.pdf, p. 152.

([197]) Sauf pour les sociétés soumises à un régime simplifié de TVA, qui déclareront sur la base d’un imprimé.

([198]) Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

([199]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([200]) Arrêté du 21 avril 2000 relatif à la détermination de la consommation conventionnelle de carburant et des émissions de dioxyde de carbone des véhicules automobiles.

([201]) Consultable à l’adresse suivante : http://carlabelling.ademe.fr/

([202]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([203]) Décret n° 2017-24 du 11 janvier 2017 pris pour lapplication des articles L. 224-7 du code de lenvironnement et L. 318-1 du code de la route définissant les critères caractérisant les véhicules à faibles et très faibles niveaux démissions de moins de 3,5 tonnes.

([204]) Rapport d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale, présenté par Mmes Sophie Rohfritsch et Delphine Batho le 12 octobre 2016, accessible à cette adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4109.asp.

([205])  Cf. B du I de l’article 30 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement pour la sécurité sociale pour l’année 2017.

([206]) Loi n° 64-1338 du 26 décembre 1964 sur l’assurance maladie, maternité et décès des artistes peintres, sculpteurs et graveurs

([207]) Les organismes de sécurité sociale et le juge, le cas échéant, ne sont toutefois pas tenus par l’avis de la commission.  

([208]) L’article L. 382-3 du même code pose le principe de l’ « assujettissement » sur l’ensemble de leurs revenus d’activités, dans les mêmes conditions que les salaires, dès lors qu’ils sont fiscalement assimilables à ces derniers.

([209]) Le seuil pour passer de l’assujettissement à l’affiliation est de 8 703 euros pour 2016, soit 900 fois la valeur horaire du SMIC (art. R. 382-1 du code de la sécurité sociale). La Protection universelle maladie (PUMA) est évidemment ouverte aux assujettis.

([210]) Rapport d’activité pour l’année 2016 de l’AGESSA.  

([211]) Circulaire interministérielle  N° DSS/5B/3A/2016/308 du  24  novembre  2016  relative  à l’extension et à l’adaptation de la procédure de la régularisation de cotisations prescrites d’assurance vieillesse aux artistes auteurs

([212]) Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015

([213]) Majorations fixées par voie réglementaire dans la limite de 0,2 % (art. L. 133-5-5)

([214]) Ce mécanisme reposait sur le principe que les commissions professionnelles pouvaient considérés qu’en dépit de faibles revenus, l’artiste auteur concerné devait être traité comme un professionnel pouvant être affilié au régime. 

([215]) Cf. supra le commentaire de cet article.

([216]) Les fonctionnaires subiront l’augmentation de CSG mais ne sont pas assujettis aux cotisations supprimées ; pour plus de détails, cf. supra le commentaire de l’article 7.

([217]) Article 20 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

([218]) Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016.  

([219]) Cf. supra le commentaire de cet article.

([220]) On se reportera utilement au commentaire de cet article par notre collègue Joël Giraud, rapporteur général de la Commission des finances : rapport n° 273, tome II, 12 octobre 2017, pages 734 à 748 (http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0273-tII.pdf)

([221]) Après arrondi permettant d’obtenir le même montant que celui figurant dans le tableau d’équilibre financier (cf. infra).  

([222]) Chiffrées à 600 millions par l’étude d’impact mais à 700 millions dans le tableau d’équilibre financier, qui retrace dans l’annexe 9 l’ensemble des mouvements décrits ici : « Impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 sur les comptes et les besoins de trésorerie ». 

([223]) Arrondis à 300 millions afin d’obtenir le même montant que celui figurant dans le tableau d’équilibre financier.  

([224]) Arrondis à 11,2 milliards pour la même raison.  

([225]) Arrondis à 200 millions.  

([226]) Arrondi. Coût essentiellement au titre de la réduction de cotisation famille des indépendants (1,6 milliard), et après prise en compte d’un « effet retour » dans les modalités de calcul du complément de mode de garde, qui aboutissent à ce qu’une partie des charges sociales soient assumées par la branche famille : le coût de cette prise en charge sera réduit du fait de la suppression des cotisations maladie et chômage (140 millions d’euros), mais augmenté du fait de la hausse de CSG (90 millions d’euros). 

([227]) Cf. supra le commentaire de l’article 13.  

([228]) Net des frais d’assiette et de recouvrement.  

([229]) Dénommée par commodité « branche maladie ».  

([230]) Taux actuellement applicable, mais à une partie seulement des opérations de recouvrement, comme cela vient d’être expliqué.  

([231]) Loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.

([232]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016.

([233]) Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, mentionné à l’article L. 862-1 du code de la sécurité sociale.

([234]) Telles que définies à l’article L. 861-3.  

([235]) Article 190 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010.  

([236]) La CSA, affectée également à la CNSA, est en fait composée de deux contributions additionnelles au prélèvement social sur les revenus du capital (article L. 245-14 du code de la sécurité sociale), l’une assise sur les revenus du patrimoine et l’autre sur les produits de placement, au taux de 0,3 %.

([237]) Le 1,5 point manquant est affecté à la section IV.  

([238]) Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015.  

([239]) Pour plus d’informations, on se reportera utilement au rapport de notre ancien collègue Philip Cordery sur le volet médico-social du PLFSS 2017 : rapport n° 4151, tome III, XIVème législature, 19 octobre 2016 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r4151-tIII.pdf

([240]) Soit environ 100 millions d’euros par application d’une règle de trois : si 98,5 % du produit de la CASA ≈ 755 millions d’euros, alors 13,2 % (6,6 % + 6,6 %) ≈ 100 millions.

([241]) Loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013.

([242]) Prévues à l’article L. 732-58 du code rural et de la pêche maritime.

([243]) Dont le régime est fixé par l’article 1618 septies du code général des impôts.

([244]) Article 34 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016.  

([245]) Par renvoi au b) de l’article 1001 du code général des impôts.  

([246]) Elle-même prévue par le 5° du III de larticle L.O. 111-4 : « Présentation des mesures dexonérations de cotisations et contributions et de leur compensation » (http://www.securite-sociale.fr/IMG/pdf/annexe_5-2.pdf).

([247]) Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale  

([248]) Cette évaluation est conduite conjointement par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’inspection générale des finances (IGF).  

([249]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl0234.asp  

([250]) En 2018, ce ratio sera inférieur à 10%.    

([251]) Notamment de la suppression de la baisse de cotisation maladie des exploitants agricoles.

([252]) Ces mesures sont évidemment compensées par une hausse de la CSG et la suppression du CICE.  

([253]) Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([254]) S’agissant des conséquences de ces mesures nouvelles sur les relations État-Sécurité sociale, on pourra utilement se référer à l’article 18.  

([255])  Les hypothèses 2018, à savoir 1,7 % de croissance, 3,1 % d’augmentation de la masse salariale et 1,1 % d’inflation, ont été jugées « prudentes » par le Haut conseil dans son avis du 24 septembre dernier. http://www.hcfp.fr/Avis-et-publication/Actualites/Avis-n-HCFP-2017-4-relatif-aux-projets-de-lois-de-finances-et-de-financement-de-la-securite-sociale-pour-l-annee-2018

([256]) Cf. les articles 7 et 18 du projet de loi.  

([257]) Pour des raisons de présentation, ne figurent pas dans le tableau des mesures dont l’effet est inférieur à 100 millions d’euros, ainsi que les transferts entre organismes de sécurité sociale qui font l’objet du commentaire de l’article 7.

([258]) Taxe sur les véhicules de société

([259]) Pour plus de détails, on pourra utilement se référer au commentaire de l’article 7  

([260]) Ses fonctions sont rappelées dans le commentaire de l’article 1er du projet de loi. De même, ses recettes sont reproduites depuis le PLFSS 2017 dans les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de sécurité sociale (article 20) et du régime général (article 21).

([261]) Idem

([262]) Idem

([263]) II de l’article. 42 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015.

([264]) Pour le PLF 2018 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl0235.asp

([265]) Pour 2017-2020 : http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/22398.pdf

([266]) Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a été déposé à l’Assemblée nationale le 27 septembre 2017.

([267]) Pour2017 :https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-09/20170920-rapport-securite-sociale-2017_1.pdf

([268]) Pour septembre 2017 : http://www.securite-sociale.fr/IMG/pdf/ccss-septembre2017_tome1.pdf

([269]) Pour 2018 : http://www.hcfp.fr/Avis-et-publication/Avis/Avis-n-N-3-relatif-aux-projets-de-lois-de-finances-et-de-financement-de-la-securite-sociale-pour-l-annee-2018

([270])  Le taux de revalorisation de la BMAF a été fixé à 0,6 % au 1er avril 2014. Il a été nul en 2015 et a été fixé à 0,1 % au 1er avril 2016 et à 0,3 % au 1er avril 2017.

([271]) Ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse.

([272]) Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

([273]) Décret n° 2014-1215 du 20 octobre 2014 portant revalorisation de lallocation de solidarité aux personnes âgées.

([274]) Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant lavenir et la justice du système de retraites.

([275]) Ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.

([276]) Décret n° 2016-756 du 7 juin 2016 relatif à l’amélioration de la reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles et du fonctionnement des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP)

([277]) Annexe 10, p. 263.  

([278]) On pourra utilement se référer au commentaire de l’article 3.  

([279])  Il devrait demeurer une participation de 200 000 euros du régime AT-MP des salariés agricoles, correspondant au volume de ses assurés dans l’ensemble des bénéficiaires de la FCAATA.  

([280]) Cet article ayant une valeur législative ordinaire, il ne saurait être regardé comme étendant le domaine obligatoire des lois de financement qui peuvent y déroger, comme toute loi postérieure.  

([281]) http://www.securite-sociale.fr/IMG/pdf/rapport_sous-declarato_atmp_10_07.pdf

([282]) Ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention

([283]) Annexe 10, p. 263.

([284]) Ces nouveaux bénéficiaires sont les personnes atteintes de maladie professionnelle, ayant un taux d’incapacité permanente situé entre 10 et 19% et qui ont été exposées pendant moins de 17 ans au facteur de risque concerné.  

([285]) On pourra utilement se référer au commentaire de l’article 31 qui précise les modalités de cette mesure.  

([286]) Article 6 de la loi du 15 février 1902 relative à la protection de la santé publique  

([287]) Loi du 25 juin 1938 tendant à rendre obligatoire la vaccination antidiphtérique

([288]) Loi du 24 novembre 1940 instituant l’obligation de la vaccination antitétanique associée à la vaccination antidiphtérique

([289]) Le code prévoit cependant un transfert au pouvoir réglementaire en cas de guerre, de calamité publique, d’épidémie ou de menace d’épidémie (art. L. 3111-8).

([290])  CE, 12 décembre 1953, Union nationale des associations familiales ; CE, 29 juillet 1994, Courty ; CE, 15 novembre 1996, Association Liberté, Information, Santé.

([291]) http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/calendrier_vaccinations_2017.pdf.

([292])  Cons. const. 20 mars 2015, n° 2015-458 QPC, Épx L.

([293])  Mme Sandrine Hurel, rapport sur la politique vaccinale, janvier 2016.

([294]) Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

 

([295]) DREES, L’état de santé de la population en France, rapport 2017.

([296]) Le ministre détermine par voie d’arrêté la liste des vaccins pris en charge conformément à l’article L. 321‑1 du code de la santé publique.

([297]) Article L. 3111-9 du code de la santé publique.

([298]) CE, 8 février 2017, M. B. n°397151.

([299])  Décret n°2007-1111 du 17 juillet 2007 relatif à l’obligation vaccinale par le vaccin antituberculeux BCG.

([300]) L’article R. 3111-17 du code de la santé publique fixe un délai de trois mois.

([301]) Avis du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, « Innovations et système de santé » 13 juillet 2016.3 : http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/avis_hcaam.pdf . .

([302])  Organisés par l’association EGIOS, on compte également parmi ces lauréats : le programme « Élan solidaire » qui permet à des patients diabétiques de devenir acteurs de leur santé ; un centre bucco-dentaire dédié aux personnes très dépendantes (CH de Janzé) ; le programme E-dent de télémédecine à destination de patients ayant difficilement accès au dentiste (CHU de Montpellier) ; le dispositif Out patient clinic, qui vise à limiter les durées des séjours hospitaliers (centre de lutte contre le cancer Léon-Bérard de Lyon), le guichet unique de Rillieux-la-Pape qui centralise l’ensemble des demandes d’aide matérielle ou humaine nécessaire à un usager ; le Pôle santé Paris 13 qui produit des outils pour aider les professionnels de l’arrondissement à mieux faire face aux défis sanitaires actuels.

([303])  Décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013 : « si, sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution, le Parlement peut autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d’égalité devant la loi, il doit en définir de façon suffisamment précise l’objet et les conditions ».

([304]) Dans le cadre des dispositions de l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 puis du règlement arbitral applicable aux structures de santé pluri-professionnelles de proximité.

([305]) Médicaments, dispositifs médicaux à usage individuel, tissus et cellules issus du corps humain quel qu’en soit le degré de transformation et de leurs dérivés, produits de santé autres que les médicaments visés à l’article L. 162-17.

([306])  Rétribution forfaitaire de 40 euros par année civile et par patient, dans la limite de 100 patients par an.

([307])  Arrêté du 28 avril 2016 portant cahier des charges des expérimentations relatives à la prise en charge par téléconsultation ou téléexpertise mises en œuvre sur le fondement de l’article 36 de la loi n° 2013-1203 de financement de la sécurité sociale pour 2014.

([308])  Décret n° 2015-1263 du 9 octobre 2015 autorisant la création de traitements de données à caractère personnel pour la mise en œuvre des actes de télémédecine issus des expérimentations fondées sur l’article 36 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014.

([309])  Arrêté du 10 juillet 2017 fixant le financement forfaitaire mentionné au II de l’article 36 de la loi
n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014.

([310])  Arrêté du 6 décembre 2016 portant cahiers des charges des expérimentations relatives à la prise en charge par télésurveillance mises en œuvre sur le fondement de l’article 36 de la loi n° 2013-1203 de financement de la sécurité sociale pour 2014 et arrêté du 25 avril 2017 portant cahier des charges des expérimentations relatives à la prise en charge par télésurveillance du diabète mises en œuvre sur le fondement de l’article 36 de la loi n° 2013-1203 de financement de la sécurité sociale pour 2014.

([311])  Inscription préalable sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) au terme d’un processus d’évaluation médico-économique, médicale et tarifaire.

([312]) Commission de hiérarchisation des actes et des prestations.

([313])  La CCAM  concerne majoritairement les actes réalisés par des médecins dans les établissements hospitaliers.

([314])  La NGAP s’applique aux actes cliniques médicaux, aux actes des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux.

([315])  La NABM s’applique pour les actes effectués par les biologistes.

([316])  Selon la direction de la sécurité sociale, il s’agit « par exemple des avis donnés par la HAS lors de linscription dans la nomenclature des majorations ou consultations complexes ou très complexes prévues par la convention médicale de 2016 ».

([317]) Arrêté du 27 avril 2009 fixant la marge applicable aux médicaments inscrits sur la liste prévue à larticle L. 5126-4 du code de la santé publique lorsquils sont vendus au public par les pharmacies à usage intérieur.  

([318]) Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015.  

([319]) Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

([320]) Décret n° 2017-584 du 20 avril 2017 fixant les modalités dapplication du contrat damélioration de la qualité et de lefficience des soins.  

([321]) Décret n° 2014-1359 du 14 novembre 2014 relatif à l’obligation de certification des logiciels d’aide à la prescription médicale et des logiciels d’aide à la dispensation prévue à l’article L. 161-38 du code de la sécurité sociale.

([322]) Décret n° 2017-1258 du 9 août 2017 relatif à l’obligation de certification des logiciels d’aide à la dispensation par les pharmacies à usage intérieur prévue à l’article L. 161-38 du code de la sécurité sociale.

([323]) Décret n° 2014-1359 du 14 novembre 2014 relatif à l’obligation de certification des logiciels d’aide à la prescription médicale et des logiciels d’aide à la dispensation.

([324]) CJUE, n° C-329/16, Conclusions de l’avocat général de la Cour, 28 juin 2017.

([325]) Comité économique des produits de santé

([326]) Article 43 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.

([327]) Article R. 165-3 du code de la sécurité sociale.

([328])  Le terme de visée thérapeutique est un terme qui permet de viser des dispositifs médicaux remplissant des fonctions semblables.

([329]) Décision du 24 juin 2014 de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie relative à la procédure d’accord préalable des prestations de l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale en application des dispositions de l’article L. 315-2 du code de la sécurité sociale.

([330]) op. cité.

([331]) op cité.

([332]) Le report de la réduction des dépassements par le plafonnement n’emporte pas d’effet sur les dépenses de l’assurance maladie obligatoire, les dépassements étant à la charge du patient et, le cas échéant, de son organisme complémentaire.

([333]) Le principe de la tarification des soins dentaires est l’application de la tarification prévue par la liste des actes et prestations établie par l’article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale (cf. commentaire de l’article 37). Par dérogation, les tarifs d’honoraires des soins prothétiques et orthodontiques peuvent faire l’objet d’une entente directe avec le patient sous réserve de l’établissement d’un devis et de la mention expresse « ED » sur la feuille de soins et de traitements bucco-dentaires à la suite de l’indication du montant des honoraires perçus. L’assurance maladie ne prend pas en charge le montant des honoraires supplémentaires.

([334])  Loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004.

([335]) Article 62 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.

([336]) Article 54 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.  

([337]) Article 54 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.  

([338])  Article 59 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

([339])  Article 45 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014.

([340]) Loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014.  

([341])  Extrait de létude dimpact annexée au PLFSS pour 2014 : « certains pays qui financent leurs établissements via une tarification à lactivité ont mis en place des mécanismes de régulation prix-volume individualisés, dans lesquels les séjours ne sont plus payés quen partie lorsque le plafond dactivité négocié en début de période est dépassé, ou lorsque certains segments de lactivité dépassent un seuil. Cest notamment le cas, en tout ou partie, de lAllemagne, des États-Unis, de lEspagne, de lItalie, des Pays-Bas et de la Suède. LAngleterre a également utilisé le modèle suivant en ce qui concerne la régulation de lactivité de soins des services durgences : le plein tarif est payé pour un volume dactivité égal à celui de lannée passée plus 3 % maximum. Une fois ce volume dactivité dépassé, les tarifs sont amputés de 50 %. ».

([342]) Arrêté du 3 avril 2017 fixant pour l’année 2017 les paramètres d’application du mécanisme de dégressivité tarifaire prévus par l’article R. 162-42-1-4 du code de la sécurité sociale.

([343]) Décret n° 2014-1701 du 30 décembre 2014 relatif à la dégressivité tarifaire applicable aux établissements de santé prévue à l’article L. 162-22-9-2 du code de la sécurité sociale 

([344]) Arrêté du 11 août 2015 fixant le montant minimum en deçà duquel les sommes dues au titre de la dégressivité tarifaire ne sont pas récupérées.  

([345]) Selon les informations transmises au rapporteur général, le ciblage des activités a été réalisé par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) sur la base de plusieurs critères : les activités choisies devaient être suffisamment fréquentes, avec un poids financier important ; ces activités devaient présenter une évolution dynamique sur les trois dernières années ; la sélection a porté sur les activités dont la dispersion des taux de recours par territoire de santé était grande (dispersion mesurée par le coefficient de variation, après analyse des taux de recours standardisés par âge et sexe par territoire de santé).  

([346])  Circulaire N°DGOS/R2/DSS/1A/CNAMTS/2013/262 du 27 juin 2013.

([347])  Évolution moyenne de 4,6% par an entre 2006 et 2014, sensiblement supérieure à celle de l’ONDAM

([348])  Revue de dépenses relatives aux transports sanitaires, IGAS, avril 2016.

([349])  Les LFSS pour 2008 puis pour 2013 avaient prévu d’expérimenter une délégation d’enveloppe  aux  établissements de santé. Aucune de ces expérimentations n’a été mise en œuvre.

([350])  Mission sur l’évolution du mode de financement des établissements de santé, rapport d’étape.

([351]) Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

([352]) Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

([353]) Arrêté du 5 mai 2017 fixant pour l’année 2017 les éléments tarifaires mentionnés aux 1° à 3° du I de l’article L. 162-23-4 du code de la sécurité sociale et aux 2° et 4° du E du III de l’article 78 modifié de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

([354]) Décret n° 2017-500 du 6 avril 2017 relatif à la réforme du financement des établissements de soins de suite et de réadaptation.

([355]) Loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

([356]) Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015.

([357]) A titre d’exemple, pour 2017, les ressources du fonds sont constituées d’une dotation de l’assurance maladie à hauteur de 3 285 millions d’euros, d’une dotation de la CNSA à hauteur de 127 millions d’euros, et d’une dotation exceptionnelle de 2,874 millions d’euros en provenance du Fonds National de Prévention d’Éducation et d’Information Sanitaires.

([358])  Seuls ces deux dispositifs ont des financements protégés, en totalité ou en partie, par la loi et sont donc non fongibles. Les crédits portant sur les autres dispositifs similaires sont déjà fongibles au sein du FIR.

([359]) À l’exception des structures mettant en œuvre les mesures éducatives ordonnées par l’autorité judiciaire, qui ne sont pas soumises aux mêmes règles d’autorisation.

([360]) Selon l’étude d’impact annexée au présent article, en 2016, 544 accords ou conventions ont été instruits pour agrément, dont 329 ont été présentés à la CNA. Un quart des accords locaux présentés en CNA ont fait l’objet d’un refus d’agrément, pour absence de respect des dispositions du code du travail ou parce que leur application n’aurait pas été soutenable sur le plan financier.

([361]) Article 63 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.

([362]) Loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.

([363]) Les missions du FMESPP sont sommairement présentées dans le commentaire de l’article 3 du projet de loi ainsi que dans son annexe 8.

([364]) Cette contribution s’impute sur la section I de ses comptes, relative au financement des établissements ou services sociaux et médico-sociaux.  

([365]) Cette prise en charge résulte de l’article 150 de la loi de finances pour 2017.  

([366]) Annexe 10, p. 413.  

([367]) Conforme aux dispositions du II de l’article 9 du projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2018-2020.  

([368]) Ce chiffre est issu du rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale du 28 septembre 2017.  Il inclut l’ensemble des mesures prises antérieurement à cette date, ainsi les dispositions conventionnelles de revalorisations tarifaires des médecins de ville.

([369]) Cette augmentation prend en compte celle annoncée du forfait journalier hospitalier de deux euros.

([370]) Les éléments quantitatifs et qualitatifs sont issus de l’annexe 7 du projet de loi.  

([371]) Les dispositions de la convention pour les actes et consultations externes réalisées par les personnels des établissements de santé.  

([372]) On trouvera à l’annexe 7 p. 14 la ventilation de ces mesures nouvelles afin de pouvoir la comparer avec le plan ONDAM 2015-2017.

([373]) Les fonctions du fonds de solidarité vieillesse sont rappelées notamment dans le commentaire de l’article 1er.  

([374]) On pourra utilement se référer au commentaire de cet article pour la description de la mesure et de ses effets financiers.  

([375]) Arrondi.  

([376]) Prévoyant une annexe « présentant, pour les années à venir, les objectifs pluriannuels de gestion et les moyens de fonctionnement dont les organismes des régimes obligatoires de base disposent pour les atteindre, tels quils sont déterminés conjointement entre lÉtat et les organismes nationaux des régimes obligatoires de base et indiquant, pour le dernier exercice clos, les résultats atteints au regard des moyens de fonctionnement effectivement utilisés ».

([377]) En réponse à une question du rapporteur général, le Gouvernement a indiqué que les régimes sans COG sont ceux dont le faible nombre d’affiliés ne justifie pas la mise en place d’un tel outil.  

([378]) Qui figure au rang des missions de la CNBF, comme de la généralité des organismes de sécurité sociale.  

([379]) Pour un budget de gestion administrative de 9 millions d’euros par an aujourd’hui.  

([380]) Les fraudes en matière sociale sont définies à l’article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale.  

([381]) On peut aussi citer l’obligation de communication entre organismes de sécurité sociale, État, services de congés payés et Pôle Emploi prévu à l’article L. 114-12 ou encore le répertoire national commun des régimes obligatoires de sécurité sociale prévu à l’article L. 114-12-1.

([382]) Le secret bancaire n’est donc pas opposable à l’administration fiscale.

([383]) Le terme de « manœuvres frauduleuses » est très ancien en droit pénal, et renvoie dans la définition qu’en donne l’article L. 313-1 du code pénal à la réalisation d’un fait positif par son auteur, déterminant dans la remise de l’indu, dans le but de tromper une personne.

([384])  La fausse déclaration, en l’absence de définition spécifique dans le code de la sécurité sociale, renvoie à la catégorie pénale de « faux », lequel consiste à fournir une déclaration mensongère en vue d’obtenir un avantage indu (voir par exemple l’article 441-6 du code pénal).

([385]) Pour le fonctionnement de la classification des actes tels qu’il ressort de l’article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, on pourra utilement se reporter au commentaire de l’article 37. 

([386]) Défenseur des droits, Rapport sur la lutte contre la fraude aux prestations sociales, 7 septembre 2017. Ce rapport propose notamment de prendre davantage en compte l’intention frauduleuse dans les sanctions administratives prononcées.