N° 640

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 février 2018

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la viabilité des routes nationales 20, 320 et 22 entre Tarascon-sur-Ariège et la frontière franco-andorrane,

PAR M. Maurice LEROY,

Député

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ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 509.

 


 

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. la contribution de l’andorre au financement d’un projet d’envergure

A. Le projet d’ensemble : la modernisation de la RN 20 au franchissement des pyrénées

B. L’objet de l’accord : améliorer la viabilité, notamment hivernale, de trois segments de route nationale aux abords de l’Andorre

C. La prise en compte des impératifs environnementaux

II. Un texte opportun

A. Les dispositions de l’accord

B. Une approbation justifée

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE :

TEXTE DE LA COMMISSION des affaires étrangères


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   introduction

Mesdames, Messieurs,

L’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la viabilité des routes nationales 20, 320 et 22 entre Tarascon-sur-Ariège et la frontière franco-andorrane, ne porte que sur des infrastructures entièrement situées sur le territoire français.

Ce cas de figure est peu habituel pour un accord international. Il s’explique par le fait que l’Andorre a accepté de cofinancer, à parité, à concurrence de 21 millions d’euros, certains aménagements facilitant, notamment en hiver, l’accès à son territoire à partir de la France. L’engagement de l’Andorre est donc de 10,5 millions d’euros.

Il faut rappeler la spécificité de la Principauté, qui entretient avec ses deux voisins un lien unique : le Président de la République est aussi chef de l’État, en tant que coprince, aux côtés de l’Évêque d’Urgell.

La formule, plus légère, d’un simple fonds de concours n’a pas été envisageable, car les travaux et ouvrages prévus par l’accord s’inscrivent dans le cadre plus vaste d’un projet d’ensemble, de l’ordre de 157,9 millions d’euros, qui fait l’objet d’un protocole entre l’État français et les collectivités territoriales concernées, et il n’est pas juridiquement possible de faire adhérer un pays étranger à un tel protocole.

Cet accord franco-andorran ne soulève aucune difficulté :

– son dispositif est simple ;

– son objectif clair : améliorer et sécuriser le franchissement des Pyrénées sur la section de l’axe européen E 9 (RN 20) qui relie Toulouse à Barcelone, en particulier en aménageant plusieurs couloirs d’avalanche ; la commission « mobilité 21 » a souligné le caractère prioritaire de la modernisation de cet axe dans sa partie montagneuse ;

– les impératifs environnementaux sont pris en compte dans l’étude d’impact annexée au projet de loi. C’est essentiel, car plusieurs sites dont l’aménagement est envisagé font l’objet de mesures de protection spéciale : dans la partie la plus au sud du projet, les accès à l’Andorre via les RN22 et RN320 sont classés en zone Natura 2000,  à la fois pour les habitats (site d'intérêt communautaire « Capcir, Carlit et Camcardos ») et pour les oiseaux (zone de protection spéciale) ;


– la partie andorrane a déjà ratifié l’accord, l’été dernier.

Son approbation par la France, par la voie parlementaire puisque les finances de l’État sont engagées, peut donc intervenir.


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I.   la contribution de l’andorre au financement d’un projet d’envergure

A.   Le projet d’ensemble : la modernisation de la RN 20 au franchissement des pyrénées

Dès la création des routes nationales, sous l’Empire, la radiale allant de Paris à Toulouse et, au-delà de la frontière, à Barcelone, a été jugée essentielle. Son tracé a facilité le désenclavement de l’Andorre. 

La traversée des Pyrénées a été fortement améliorée par l’ouverture en 1994 du tunnel de Puymorens.

Elle reste difficile en amont de l’entrée du tunnel, en remontant la vallée de l’Ariège après Tarascon-sur-Ariège vers Ax-les-Thermes et au-delà.

Le préjudice est double. Nos relations avec le nord de l’Espagne en pâtissent. L’ouest du département des Pyrénées orientales reste enclavé.

Instituée pour fixer les priorités du schéma national d’infrastructure des transports, la commission « mobilité 21 » a retenu la nécessité de moderniser la RN 20 et, également, la RN 116.

C’est un projet de grande envergure. À l’échéance de 2030, il représente une enveloppe de 230 millions d’euros pour la seule RN 20.

C’est dans cette perspective que, le 12 décembre 2016, lors de l’inauguration de la déviation d’Ax-les-Thermes, le Premier ministre, qui était alors M. Bernard Cazeneuve, a annoncé souhaiter la conclusion à brève échéance d’un protocole d’itinéraire entre l’État et les collectivités territoriales, pour la RN 20, entre Tarascon et Puymorens. Celle-ci est intervenue le 22 mars 2017.

Il s’agit d’améliorer la voirie, essentiellement grâce à la déviation de Tarascon-sur-Ariège, ainsi qu’à des aménagements routiers destinés à fluidifier le trafic.

Au total, l’enveloppe totale prévue pour les mesures prévues par le protocole est d’environ 136,9 millions d’euros.

À long terme, l’objectif est la mise en deux fois deux voies de la totalité de l’itinéraire au-delà de Tarascon, mais sa réalisation se heurte à des problèmes de financement comme tout aménagement d’envergure en zone de montagne. Plusieurs centaines de millions d’euros seraient nécessaires.

 

B.   L’objet de l’accord : améliorer la viabilité, notamment hivernale, de trois segments de route nationale aux abords de l’Andorre

En parallèle au protocole d’itinéraire entre l’État et les collectivités territoriales, et afin d’assurer la participation de l’Andorre, a été conclu ce même 22 mars 2017, l’accord dont il a demandé à l’Assemblée nationale d’autoriser l’approbation.

Les négociations ont pu se dénouer en quelques semaines, car les premières réunions entre la direction interdépartementale des routes du Sud-Ouest (DIRSO), chargée des routes nationales concernées, et les services compétents andorrans étaient intervenues dès mars 2015, en vue de réduire les risques naturels et d’atténuer leurs conséquences sur la viabilité de l’accès à la Principauté.

L’accord porte précisément sur trois segments de route nationale à proximité de la principauté : la RN 20, mais aussi RN 320 et la RN 22, selon la carte ci-après :

 

 

 

 

 


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Source : projet de loi n° 509


 


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La longueur cumulée de la voirie concernée est de l’ordre de 75 kilomètres.

L’accord vise à éliminer des risques naturels qui menacent l’accès à l’Andorre et notamment le risque d’avalanche en période hivernale, selon deux phases :

– les études préalables ;

– la réalisation des travaux.

La priorité concerne le couloir d’avalanche H2 situé sur la commune de l’Hospitalet-près-l’Andorre.

Ces travaux sont nécessaires. Une trentaine de couloirs d’avalanche sont identifiés. Ils ont donné lieu en trente ans à dix avalanches atteignant la route, dont quatre affectant un véhicule.

Les chutes de roche et glissements de terrain sont plus fréquents, à raison  de vingt-cinq environ par an. Cela entraîne des interventions coûteuses. Une quarantaine de sites exigeant des aménagements préventifs spéciaux (grillages, filets et écrans) ont été recensés. Les études sont cependant toujours en cours, car les lignes de fractures n’ont pas toutes été identifiées. Des relevés par la technique du laser à haute définition (LIDAR) sont intervenus jusque très récemment.

L’accord prévoit une enveloppe de 21 millions, au maximum, en cofinancement à parité entre les deux pays. Ceux-ci ne font l’objet d’aucun cofinancement de la part des collectivités territoriales. L’enveloppe totale prévue par l’accord et le protocole d’itinéraire s’établit ainsi à 157,9 millions d’euros.

L’échéancier de la contribution andorrane est précisément prévu. Six versements, selon la procédure du fonds de concours, interviendront, à raison de 0,5 million d’euros la première année (2018) et de cinq versements de 2 millions d’euros pour les cinq années suivantes.

La durée de réalisation des travaux, de six ans, a ainsi conduit à prévoir la participation française dans le cadre de deux contrats de plan État-Région Occitanie 2015-2020 (ce qui n’est pas en l’état prévu, mais reste envisageable) et 2021-2026.

L’accord mentionne également la faculté de faire appel aux financements européens dans le cadre du programme POCTEFA 2014-2020 (acronyme qui désigne le programme Interreg V-A Espagne-France-Andorre), programme européen de coopération transfrontalière créé afin de promouvoir le développement durable des territoires frontaliers des trois pays.

C.   La prise en compte des impératifs environnementaux

La partie des segments routiers concernés la plus proche de l’Andorre, à savoir les RN22 et RN320, est classée en zone Natura 2000 à la fois au titre des habitats (site d'intérêt communautaire « Capcir, Carlit et Camcardos ») et des oiseaux (zone de protection spéciale).

Les caractéristiques des équipements de protection qui seront mis en place n’étant pas encore précisément connues, leur impact environnemental ne peut encore être évalué.

Il est donc impératif, comme le mentionne l’exposé des motifs du projet de loi, que des études détaillées soient réalisées afin de réduire ou compenser les éventuels dommages à l’environnement et que, si c’est indispensable, le déplacement de quelques spécimens d’espèces protégées intervienne avec toutes les précautions nécessaires.


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II.   Un texte opportun

A.   Les dispositions de l’accord

L’accord franco-andorran concernant l’amélioration de la viabilité des routes nationales RN 20, RN 320 et RN 22 est des plus classiques.

Les deux premiers articles concernent l’objet de l’accord (article 1er) et le périmètre des travaux d’aménagement (article 2), points qui font l’objet des développements qui précèdent.

L’article 3 précise la propriété et la maîtrise d’ouvrage de ces travaux : les ouvrages seront propriété de l’État français et affectés, selon le cas, à la direction interdépartementale des routes nationales du Sud-Ouest (DIR Sud-Ouest) ou au service de restauration des terrains en montage (RTM) de l’Office national des forêts (ONF) ; la DIR assurera la maîtrise d’ouvrage, par délégation du ministère du ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer.

Après l’article 4, qui indique les modalités financières, déjà mentionnées, l’article 5 précise que les règles françaises, et par conséquent européennes, en matière de marchés publics sont applicables aux travaux prévus, et que les entreprises andorranes auront accès aux procédures de sélection des attributaires de la même manière que les entreprises établies dans l’Union européenne.

S’agissant de la gouvernance, l’article 6 prévoit deux structures paritaires où les décisions se prennent par consensus : un comité paritaire de pilotage stratégique ; un comité paritaire technique pour préparer les décisions du comité stratégique et suivre leur mise en œuvre.

Sur le règlement des différends, l’article 7 engage à les résoudre par voie diplomatique.

Enfin, les articles 8 (modification de l’accord par accord entre les deux pays) et 9 (entrée en vigueur et durée de l’accord) n’appellent pas d’observation.

Il suffit de rappeler que l’accord est conclu pour une durée de six ans, ce qui correspond au calendrier prévisionnel des travaux, et qu’un préavis de 6 mois est prévu en cas de dénonciation.

B.   Une approbation justifée

L’approbation de l’accord entre la France et l’Andorre peut intervenir sans réserve.

D’abord, deux engagements bilatéraux ont déjà été conclus avec la Principauté sur l’amélioration et la sécurisation du réseau routier permettant l’accès à son territoire : l’un en 2001 pour les aspects environnementaux de la construction et l’exploitation d’un viaduc ; l’autre en 2004 pour faciliter la coordination administrative en cas de perturbation sur le réseau.

Ensuite, cette contribution de l’Andorre à un projet d’intérêt commun est tout à fait justifiée.

Elle représente un effort substantiel pour la principauté. La somme de 10,5 millions d’euros représente un sixième de l’avant-dernier budget annuel d’investissement de l’État, celui-de 2016, qui s’est établi à 68 millions d’euros.

Elle intervient dans le contexte d’un resserrement des relations bilatérales et d’un développement de la coopération dans de nombreux domaines, non seulement l’enseignement et la sécurité civile, mais aussi ceux particulièrement sensibles de la fiscalité, ainsi que des douanes et de la police.

L’Andorre a ainsi signé avec la France en 2013 une convention en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales en matière d’impôts sur le revenu.

L’Andorre est très intéressée par l’accord, et l’a déjà ratifié.

Enfin, l’intérêt pour la France de réaliser des investissements ainsi cofinancés est patent. Il est d’éviter les coûts de remise en état de la voirie, laquelle intervient actuellement après chaque incident, sans même avoir à évoquer la fin des préjudices économiques imputables aux perturbations de trafic, et qui ne sont actuellement pas mesurés.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 7 février 2018.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Sébastien Nadot. En tant que député du Lauragais, qui est voisin, je témoigne de l’intérêt du projet et il est très appréciable de pouvoir en parler ici.

M. Alain David. En Gironde, la route de l’Andorre est surnommée la « route de la soif » pour son accès aux alcools et tabacs détaxés… Sur le fond, ce très bon travail est à mettre au crédit des deux coprinces  qui sont à la tête de la principauté.

M. Christian Hutin. Je remercie Maurice Leroy dont l’intervention vient de remettre les choses en place, un peu comme celle d’un anti-héros… Sous votre impulsion, Madame la Présidente, cette commission des affaires étrangères vit et elle l’exprime aussi jusque dans la place qu’elle donne aux débats publics. Il n’est cependant pas nécessaire d’avoir de tels débats en séance publique sur tous les sujets. Certains thèmes exigent de tels échanges, comme par exemple le protocole à la convention avec l’Algérie sur la sécurité sociale, sur lequel un très beau débat a permis de régler des problèmes essentiels. Mais, lorsque l’on voit certaines demandes, par exemple sur l’accord avec Israël, qui sera suivi d’un accord similaire avec les Etats-Unis, avec probablement un même débat, on peut craindre de courir le risque d’une dévalorisation de la valeur du débat public en démultipliant les inscriptions à l’ordre du jour en séance plénière. Cela pourrait poser problème et atténuer, Madame la Présidente, ce que vous essayez d’insuffler dans cette commission. Ce serait un tort de penser que l’on vit et fait moins si l’on ne va pas en séance.

La présidente Marielle de Sarnez. Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Député, pour cette parole de raison que j’approuve. Il appartient en effet à chaque groupe d’apprécier la pertinence de ses demandes et c’est en étant juste, que l’on permettra au débat de s’organiser de manière pertinente.

M. Meyer Habib. Je remercie le rapporteur pour sa présentation, remarquable, et M. Hutin pour son intervention. L’absence en réunion de commission de ceux qui demandent des débats en séance publique peut être perçue comme désinvolte, si ce n’est comme une injure, vis-à-vis de notre commission, et aussi de votre présidence, Madame la Présidente. 

M. Maurice Leroy, rapporteur. Il ne me reste qu’à vous remercier de vos mots bienveillants.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi.


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   ANNEXE :

   TEXTE DE LA COMMISSION des affaires étrangères

 

 

 

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la viabilité des routes nationales 20, 320 et 22 entre Tarascon-sur-Ariège et la frontière franco-andorrane, signé à Paris le 22 mars 2017 et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 509)