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N° 682

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 février 2018.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi pour une reconnaissance sociale des aidants,

 

 

 

Par M. Pierre DHARÉVILLE,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  589.

 

 


–  1  –

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

I. Les proches aidants fournissent un travail gratuit et indispensable d’accompagnement des personnes en situation de dépendance ou de handicap

1. Les proches aidants, un rôle incontournable auprès des personnes dépendantes

2. Les difficultés rencontrées par les proches aidants

3. L’absence de véritable statut juridique des proches aidants

II. Les proches aidants doivent se voir reconnaître un véritable statut juridique et des droits effectifs

1. Indemniser le congé de proche aidant

2. Étendre la durée du congé de proche aidant et assouplir ses modalités de recours

3. Faire converger les droits de l’ensemble des proches aidants en matière de retraite

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

II. EXAMEN des articles

Article 1er Indemnisation du congé de proche aidant

Après l’article 1er

Article 2 Possibilité de prendre un congé de proche aidant par personne aidée

Article 3 Faciliter le recours au congé de proche aidant à temps partiel ou son fractionnement

Après l’article 3

Article 4 Étendre le dispositif de majoration des droits à la retraite prévu pour les proches aidants de personnes en situation de handicap aux proches aidants de personnes âgées dépendantes

Après l’article 4

Article 5 Gage

annexe : Liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 


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   Introduction

La présente proposition de loi pour une reconnaissance sociale des aidants est le fruit des travaux menés par le rapporteur dans le cadre de la mission flash sur les aidants familiaux, qui a fait l’objet d’une communication devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le mardi 23 janvier 2018.

Ces travaux ont permis de mettre l’accent sur le travail considérable et remarquable qu’effectuent au quotidien les plus de 8 millions de proches aidants. Ces derniers apportent une aide régulière et fréquente, dans un cadre non professionnel, à une personne en situation de handicap ou une personne âgée dépendante.

Le soutien à l’autonomie repose ainsi largement sur les épaules des personnes aidantes, qui fournissent un travail gratuit et informel venant au mieux en complément, au pire en palliatif, d’une réponse publique qui n’est pas à la hauteur.

C’est en effet aux pouvoirs publics qu’il incombe au premier chef de répondre aux enjeux de la perte d’autonomie dans notre pays. Comme le souligne le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) dans un rapport du 1er décembre 2017 relatif à la prise en charge des aides à l’autonomie et son incidence sur la qualité de vie des personnes âgées et de leurs proches aidants, « le premier droit des aidants est que le plan d’aide de leur proche soit d’un bon niveau et qu’un service public de bonne qualité le mette en œuvre ».

En l’absence d’une  prise en charge suffisante par la Nation des personnes dépendantes, l’aide aux aidants est aujourd’hui nécessaire. Or, la reconnaissance des proches aidants est insuffisante et ne donne lieu qu’à des droits symboliques. Si la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a consacré la définition des aidants au niveau législatif et a transformé le congé de soutien familial en congé de proche aidant, ces avancées restent largement imparfaites.

La présente proposition de loi ambitionne donc de jeter les bases d’un statut pour les proches aidants, à travers différentes mesures visant à leur accorder des droits effectifs et une reconnaissance sociale.

I.   Les proches aidants fournissent un travail gratuit et indispensable d’accompagnement des personnes en situation de dépendance ou de handicap

1.   Les proches aidants, un rôle incontournable auprès des personnes dépendantes

Les proches aidants représentent une réalité encore trop méconnue, mais pourtant indispensable au sein de notre société. Selon les données recueillies dans l’enquête Handicap-Santé menée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), ils étaient 8,3 millions en 2008, dont 57 % de femmes.

En dix ans, cette réalité a nécessairement augmenté, même si les études font défaut pour le dire avec précision. En effet, le vieillissement de la population se poursuit : la part des personnes âgées de soixante ans ou plus pourrait atteindre un tiers de la population française en 2060, alors qu’elle était de 22 % en 2007. Dans ce contexte, la prise en charge et le soutien des personnes dépendantes sont largement assumés par leurs proches. Ainsi, parmi les personnes âgées de soixante ans ou plus vivant à domicile, l’enquête de la DREES révèle que huit sur dix sont aidées par leur entourage et que six sur dix le sont pour des tâches de la vie quotidienne.

Pour autant, les personnes âgées confrontées à la perte d’autonomie ne sont pas les seules à avoir besoin d’aide. C’est également le cas de nombreuses personnes en situation de handicap, enfants et adultes. C’est aussi le cas de personnes en situation d’invalidité temporaire ou en lutte contre une grave maladie.

La réalité du rôle que jouent les proches aidants, pour massive qu’elle soit, est pour l’essentiel invisible. Beaucoup de femmes et d’hommes sont des personnes aidantes sans le savoir, sans s’en rendre compte, ou sans l’admettre. C’est souvent progressivement qu’ils assument cette fonction, en y consacrant de plus en plus de temps, d’énergie, de préoccupation, en venant à accomplir des tâches qui ne relèvent plus simplement de la relation naturelle avec un proche.

2.   Les difficultés rencontrées par les proches aidants

Que les proches aidants soient des membres de la famille de l’aidé, des voisins ou des amis, ils ont tous en commun d’endosser des rôles qui vont bien au‑delà de la relation naturelle avec un proche. Faute de moyens financiers ou par sens du devoir, ces personnes ne délèguent pas l’accompagnement de leurs proches à des professionnels de l’aide.

Les situations sont variées : l’aide peut être apportée chaque mois, chaque semaine ou chaque jour. Certains aidants apportent une aide à la vie quotidienne ; les autres privilégient une aide financière et matérielle ou un soutien moral. Parfois sans s’en rendre compte ou sans se l’avouer, l’aidant accomplit tour à tour les tâches d’un aide-soignant, d’un auxiliaire de vie, d’une aide à domicile. Tout cela gratuitement. Mais ce don gracieux à un triple coût financier, moral, et physique.

En effet, dévoués à leur proche qu’ils voient souffrir et décliner, les aidants ont tendance à oublier leur propre état. Ainsi, si le maintien à domicile est souvent vécu positivement par l’aidant comme le résultat d’un choix de vie, il est néanmoins source de difficultés, les aidants se sentant isolés et peu soutenus. En plus de la fatigue occasionnée par les nombreux déplacements et l’attention portée au proche, cet accompagnement représente une charge mentale lourde.

Ainsi, une étude de la DREES de mars 2012 intitulée « Aider un proche âgé à domicile : la charge ressentie » ([1]) met en avant les difficultés que rencontrent les proches aidants au quotidien.

La charge qu’ils ressentent peut être définie selon deux dimensions : une dimension objective et une dimension subjective. La charge objective correspond à l’ensemble des tâches effectuées par le proche aidant : elle est liée à la nature de l’aide et à son volume horaire. La charge subjective se concentre quant à elle sur le ressenti de l’aidant : elle comprend les conséquences perçues de l’aide sur les activités et la vie de l’aidant (loisirs, vie familiale...), sur sa qualité de vie et sa santé, ainsi que sur ses relations avec l’aidé.

L’étude précitée menée auprès des aidants met en avant les principales difficultés auxquelles ces derniers sont confrontés : tensions dans les relations avec la personne aidée ou avec leur famille, manque de temps pour soi ou pour les proches, sacrifices faits, poids financier, isolement, dégradation de la santé ou encore absence de reconnaissance témoignée par la personne aidée.

Les conséquences de l’aide apportée par les proches aidants sur leur santé d’une part, et sur leur carrière professionnelle d’autre part, paraissent particulièrement préoccupantes.

Ainsi, il apparaît tout d’abord que parmi les aidants ressentant une charge lourde, neuf sur dix se disent fatigués moralement et huit sur dix éprouvent une fatigue physique. Près de 40 % d’entre eux se sentent dépressifs, 56 % déclarent que le fait d’aider leur proche affecte leur santé, et 18 % déclarent avoir renoncé à des soins au cours des douze derniers mois alors qu’ils en ressentaient le besoin. La santé de la personne aidée devient ainsi la préoccupation principale des proches aidants, qui relèguent parfois au second plan leur propre santé.

Les difficultés rencontrées par les aidants tiennent en outre à la difficile conciliation entre vie professionnelle, vie d’aidant et vie familiale. Ainsi, l’enquête de la DREES montre que l’activité professionnelle ajoute à l’intensité de la charge ressentie. Toutefois, le plus souvent, les aidants tiennent à protéger leur vie professionnelle, qui représente à la fois une source de revenus et de répit : travailler permet de quitter son statut d’aidant pour la journée, de préserver son identité et son indépendance.

Pour autant, en l’absence de soutien extérieur, la vie professionnelle des aidants doit trop souvent s’ajuster à leur rôle d’aidant. 33 % des aidants en emploi qui ressentent une charge importante ont dû aménager leur vie professionnelle (horaires, lieu, nature du travail...). Aussi, si les aidants abandonnent rarement leur emploi, ils doivent tout de même parfois renoncer à certaines évolutions professionnelles. Enfin, les aidants en emploi se rendent disponibles pour leur activité d’aide : 39 % des aidants qui ressentent une charge importante et 20 % des autres aidants ont déjà pris des congés pour apporter de l’aide à leur proche.

Le rôle de proche aidant représente donc un véritable coût pour les personnes qui l’exercent, dès lors qu’elles lui sacrifient non seulement leur temps libre et leur vie familiale et amicale, mais aussi, bien souvent, leur santé et leur carrière professionnelle.

Pendant que ces personnes extraordinaires soutiennent nos concitoyens en situation de handicap ou en perte d’autonomie, qui les soutient ?

3.   L’absence de véritable statut juridique des proches aidants

La loi  2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a permis une meilleure reconnaissance des proches aidants, bien que certaines mesures se révèlent insuffisantes ou difficiles à mettre en œuvre.

Le premier apport de la loi précitée tient à la définition, au niveau législatif, du proche aidant de la personne âgée. Ainsi, aux termes de l’article L. 113-1-3 du code de l’action sociale et des familles, « est considéré comme proche aidant d’une personne âgée son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, un parent ou un allié, définis comme aidants familiaux, ou une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle des liens étroits et stables, qui lui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne ». Cette définition a permis de ne pas limiter le rôle d’aidant au sein du strict cadre familial, pour considérer l’intensité de l’aide apportée. Les aidants sont par ailleurs distingués des professionnels.

Cette définition nouvelle s’est accompagnée d’une volonté d’étendre l’accès à deux dispositifs, grâce à la réforme du congé de soutien familial d’une part et à la création d’un droit au répit d’autre part.

Le congé de proche aidant a ainsi remplacé le congé de soutien familial. Désormais ouvert à une personne qui entretient avec la personne âgée concernée « des liens étroits et stables » ([2]), y compris si celle-ci est prise en charge dans un établissement, ce congé peut, avec l’accord de l’employeur, compléter une activité à temps partiel et être fractionné.

La loi a par ailleurs consacré le droit au répit pour le proche aidant en prévoyant la possibilité pour celui-ci de financer son remplacement par une personne rémunérée par l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) de la personne âgée dépendante concernée ([3]). Concrètement, le besoin de répit de l’aidant est évalué par l’équipe médico-sociale lors de la demande d’obtention ou de révision de l’APA, en fonction de référentiels, en même temps qu’elle apprécie la situation de la personne âgée concernée. L’allocation prévue par le plan d’aide peut être alors majorée jusqu’à 500 euros par an.

La première limite de ce dispositif tient à ses modalités de financement : ce ne devrait pas être à la personne aidée de financer le répit de l’aidant. Le rapport d’évaluation de la mise en œuvre de la loi pour son volet domicile, établi conjointement par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et par l’inspection générale de l’administration (IGA) et rendu public en septembre 2017, juge en outre que les critères d’accessibilité au droit au répit sont trop restrictifs, ce qui explique le très faible recours à ce dispositif.

La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement a également permis la prise en charge de la personne âgée lors de l’hospitalisation du proche aidant, là encore avec une participation financière de la personne aidée et des critères d’accessibilité jugés trop restrictifs.

Le droit en vigueur n’apporte donc que des réponses partielles à la situation des proches aidants. Le congé de proche aidant, en l’absence d’indemnisation, comme le droit au répit, dont les critères d’accès sont particulièrement restrictifs, sont très peu utilisés par ceux qui en auraient besoin.

II.   Les proches aidants doivent se voir reconnaître un véritable statut juridique et des droits effectifs

Des diagnostics largement convergents montrent qu’il est nécessaire de mettre en place un véritable statut du proche aidant, qui lui confère un certain nombre de droits, plus complets et mieux identifiés.

1.   Indemniser le congé de proche aidant

L’absence d’indemnisation du congé de proche aidant est un obstacle souvent rédhibitoire à la mobilisation de ce congé.

Elle entraîne une perte de revenu non seulement pendant le congé lui-même, mais également au-delà, en raison de ses répercussions ultérieures, les aidants étant souvent contraints de renoncer à des évolutions de carrière, ce qui donne lieu à des pertes financières tangibles, quand bien même ils poursuivent leur activité professionnelle.

Indemniser le congé de proche aidant, comme le propose l’article 1er de la présente proposition de loi, permettrait donc d’atténuer les conséquences inévitablement néfastes de l’aide apportée à leur proche sur le cours de leur carrière professionnelle.

L’Union européenne s’est d’ailleurs saisie de ce sujet crucial à travers la proposition de directive européenne sur la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale des parents et aidants, présentée en avril 2017 par la Commission européenne. Cette proposition prévoit que les salariés aidants puissent bénéficier d’un droit à congé d’un minimum de cinq jours par an pour les soins dispensés aux parents dépendants ou malades, indemnisés au moins au niveau d’un congé maladie. Si cette proposition ne semble pas pertinente, notamment en raison de la durée bien trop courte du congé proposé, au regard de la situation des personnes dépendantes, elle a le mérite d’inciter les pays de l’Union européenne à s’investir dès aujourd’hui sur la question des proches aidants.

Concernant le coût du dispositif, souvent évoqué pour repousser l’idée d’une indemnisation du congé de proche aidant, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) dans son rapport précité, note que les charges financières résultant d’une indemnisation seraient en partie « compensées » pour les proches aidants de personnes en situation de handicap dans la mesure où une grande partie des bénéficiaires potentiels du congé de proche aidant peuvent déjà disposer d’une indemnisation. C’est notamment le cas des proches aidants rémunérés via la partie « aide individuelle » de la prestation de compensation du handicap (PCH), qui ne serait pas cumulable avec une indemnisation du congé de proche aidant.

Les charges financières dépendraient pour les proches aidants d’une personne en perte d’autonomie des effectifs potentiels et du taux de recours au congé rénové. Le HCFEA avait ainsi estimé en 2015 à près de 30 000 les allocataires potentiels ([4]). La dépense effective dépendrait du taux de recours, de la quotité du congé (temps plein ou temps partiel) et de sa durée.

Toutefois, à titre de comparaison, le coût d’une indemnisation du congé de proche aidant – si l’on prend comme référence une indemnisation au niveau de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP), soit 43,14 euros par jour pour les personnes vivant en couple –, paraît relativement faible au regard du service et de l’aide que le proche apporte à la personne aidée. Ce coût serait même d’ailleurs moins élevé que celui d’une prise en charge de la personne aidée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Le coût d’un placement en EHPAD se décompose de la manière suivante :

– L’assurance maladie prend en charge le forfait soins. En 2016, la dotation de soins était de 36 euros par jour et par place en moyenne, auxquels il faut ajouter les soins « de ville » des résidents.

– Ensuite, le tarif dépendance médian, pris en charge par le conseil départemental, varie de 5,51 euros par jour pour une personne âgée faiblement dépendante (GIR 5-6) à 20,42 euros par jour pour une personne âgée fortement dépendante (GIR 1-2), c’est‑à‑dire pour la grande majorité des personnes hébergées en EHPAD, et pour celles dont le niveau de dépendance justifie le plus le recours au congé de proche aidant.

– Enfin, le tarif hébergement, et donc le reste à charge moyen, hors aide sociale à l’hébergement (ASH) s’élève à 1 758 euros par mois.

Surtout, une indemnisation permettrait de rediriger vers les proches aidants une partie des économies réalisées en matière de dépenses publiques que permet l’aide bénévole qu’ils apportent à leurs proches. En effet, si la valorisation monétaire de l’aide ainsi apportée est délicate, certains économistes estiment que le travail des proches aidants peut représenter entre 12 et 16 milliards d’euros, soit de 0,6 à 0,8 % du produit intérieur brut ([5]).

2.   Étendre la durée du congé de proche aidant et assouplir ses modalités de recours

Le congé de proche aidant peut être pris pour une durée de trois mois renouvelable, dans la limite d’un an sur l’ensemble de la carrière du salarié, sauf dispositions conventionnelles plus favorables.

Cette durée est insuffisante, les aidants s’occupant de leur proche pendant une durée en moyenne bien supérieure. En outre, la législation actuelle ne permet pas à un parent qui prend un congé d’un an pour s’occuper de son enfant en situation de handicap de bénéficier d’un congé le jour où il devra venir en aide à l’un de ses parents en situation de dépendance. Elle ne permet pas non plus à un proche aidant de s’occuper de son parent âgé dépendant, s’il a déjà utilisé son congé pour venir en aide à l’autre parent. Le droit en vigueur ne permet donc pas d’apporter des réponses à toutes ces situations où le proche aidant a besoin de temps.

Aussi, puisque certains salariés peuvent être amenés à aider plusieurs de leurs proches sur l’ensemble de leur carrière professionnelle, une mesure de bon sens consisterait, a minima, à fixer la durée maximale du congé de proche aidant à un an par personne aidée. C’est l’objet de l’article 2 de la présente proposition de loi.

Par ailleurs, les modalités de recours au congé de proche aidant manquent de souplesse, dans la mesure où un accord de l’employeur est nécessaire pour pouvoir transformer ce congé en période d’activité à temps partiel ou pour y recourir de façon fractionnée.

Pourtant, la possibilité de transformer le congé de proche aidant en période d’activité à temps partiel ou de le fractionner présente de nombreux intérêts pour le salarié.

En effet, alors que le maintien en activité correspond à une aspiration forte des proches aidants, le recours au temps partiel leur permettrait de disposer de temps pour s’occuper de leur proche, sans pour autant s’enfermer dans leur statut d’aidant. Ensuite, le fractionnement du congé de proche aidant permet de répondre à de nombreuses difficultés que rencontrent les proches aidants dans leur vie quotidienne, notamment lorsqu’ils doivent accompagner la personne aidée à un rendezvous médical ou, de manière plus générale, bénéficier d’une journée pour accompagner la personne aidée dans des situations relativement fréquentes, mais qui ne sont pas nécessairement prévisibles et n’interviennent pas à un rythme régulier.

Aussi, afin de favoriser ces deux modalités de recours au congé de proche aidant, l’article 3 de la présente proposition de loi vise à mettre fin à la nécessité, pour le salarié, d’obtenir un accord de l’employeur.

3.   Faire converger les droits de l’ensemble des proches aidants en matière de retraite

La situation au regard de la retraite doit être revue afin de faire converger les droits de tous les aidants. Depuis la loi  2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, complétée par la loi  2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, les aidants de personnes en situation de handicap bénéficient d’une majoration de leur durée d’assurance vieillesse, à hauteur d’un trimestre par période de prise en charge de trente mois, dans la limite de huit trimestres. En revanche, les proches aidants de personnes âgées dépendantes ne bénéficient pas d’une telle majoration.

Cette différence de traitement entre les aidants de personnes en situation de handicap et les aidants de personnes âgées dépendantes est peu compréhensible et il est difficile de lui trouver un fondement objectif.

C’est pourquoi l’article 4 de la présente proposition de loi prévoit d’étendre le dispositif de majoration de la durée d’assurance vieillesse dont bénéficient aujourd’hui les aidants familiaux de personnes en situation de handicap aux aidants familiaux de personnes âgées dépendantes.

Cette mesure s’inscrit dans la lignée de la proposition de loi de notre collègue Paul Christophe, déposée le 27 septembre 2017 mais non inscrite à l’ordre du jour, et signée à la fois par des membres des groupes La République en marche (LREM), Mouvement démocrate (MODEM), UDI-Agir-Les indépendants, Les Républicains, La France insoumise et Gauche démocrate et républicaine (GDR).

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission examine, sur le rapport de M. Pierre Dharréville, la proposition de loi pour une reconnaissance sociale des aidants (n° 589) au cours de sa séance du mercredi 21 février 2018.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Notre ordre du jour appelle l’examen de la première des deux propositions de loi déposées par le groupe de la Gauche démocrate et Républicaine, et inscrites à l’ordre du jour réservé à ce groupe, le 8 mars prochain.

M. Pierre Dharréville, rapporteur. La proposition de loi pour une reconnaissance sociale des aidants que je vous présente aujourd’hui s’inscrit dans la continuité des travaux que j’ai menés en décembre et en janvier dernier avec certains d’entre vous, dans le cadre de la mission flash sur les aidants familiaux, dont j’étais le rapporteur et qui m’a convaincu de l’urgence de passer aux actes.

J’ai eu l’occasion de présenter, le 23 janvier dernier, une communication devant la commission des affaires sociales, sur laquelle je ne vais pas revenir dans le détail. Vous le savez, il existe en France au bas mot huit millions de proches aidants, qui apportent une aide régulière, dans un cadre non professionnel, à une personne en situation de handicap ou à une personne âgée en perte d’autonomie. Ces femmes et ces hommes fournissent un travail gratuit et informel considérable en l’absence d’une réponse publique qui n’est pas à la hauteur : c’est parce que la prise en charge par la nation des personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie est insuffisante que l’aide aux aidants est aujourd’hui nécessaire.

Les personnes aidantes endossent des rôles qui vont bien au-delà de la relation naturelle avec un proche. Parfois, sans s’en rendre compte, elles accomplissent tour à tour les tâches d’un aide-soignant, d’un auxiliaire de vie, d’un aide à domicile, d’un coordinateur de soins. Leur dévouement n’est pas sans conséquences sur leur santé, mais également sur leur vie familiale, leur vie amicale, et leur vie professionnelle.

Il y aurait beaucoup à faire pour aider les aidants, mais j’ai choisi d’insister plus particulièrement, dans cette proposition de loi, sur la difficile conciliation entre vie professionnelle, vie d’aidant et vie personnelle.

En effet, près d’un tiers des personnes aidantes en emploi ont dû aménager leur vie professionnelle. Si elles n’abandonnent pas leur travail, elles doivent bien souvent renoncer aux évolutions de carrière auxquelles elles pouvaient prétendre. Le rôle d’aidant représente ainsi un véritable coût pour les personnes qui l’exercent, victimes d’une forme d’inégalité que nous ne pouvons accepter.

Certes, la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a consacré la définition des proches aidants et a transformé le congé de soutien familial en congé de proche aidant, mais cela ne donne lieu qu’à des droits trop symboliques. La proposition de loi que je vous présente aujourd’hui ambitionne donc de jeter les bases d’un statut pour les proches aidants, à travers différentes mesures visant à leur accorder des droits effectifs et une reconnaissance sociale.

Elle reprend certaines des propositions que je vous avais présentées le 23 janvier dernier lors de ma communication et qui m’avaient semblé faire l’objet d’un certain consensus. Si ces propositions peuvent apparaître trop limitées au regard des enjeux, elles constitueraient néanmoins une amélioration sensible pour beaucoup de personnes aidantes comme aidées.

La première mesure consiste à indemniser le congé de proche aidant. Tout le monde en convient, l’absence d’indemnisation, qui entraîne une perte de revenu non seulement pendant le congé lui-même mais également au-delà, en raison de ses répercussions ultérieures sur la vie professionnelle, est un obstacle souvent rédhibitoire à sa mobilisation. Indemniser ce congé, comme le propose l’article 1er de la proposition de loi, permettrait donc d’atténuer cet effet et d’offrir une juste reconnaissance du travail d’aidant, effectué gratuitement.

Le coût de ce dispositif, constitue souvent l’unique argument pour repousser l’idée d’une indemnisation du congé de proche aidant. Une évaluation de l’impact financier de l’article 1er a été demandée à la Direction de la sécurité sociale. Dans l’attente de cette évaluation précise, j’ai repris les hypothèses du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, qui estime à trente mille le nombre de bénéficiaires potentiels du congé de proche aidant indemnisé. En prenant des hypothèses réalistes et une indemnisation au niveau de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP), j’arrive à un coût d’environ 250 millions d’euros par an.

À titre de comparaison, et pour remettre les choses en perspective, le coût pour les finances publiques serait treize fois inférieur à celui de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui coûtera, selon le Gouvernement, 3,2 milliards d’euros par an. Surtout, ce coût paraît en réalité faible au regard de l’assistance que le proche apporte à la personne aidée et du service qu’il rend à la société : il est même moins élevé que celui d’une prise en charge de la personne aidée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), sans compter le coût financier induit pour l’assurance maladie lorsque l’aidant met sa santé en jeu. Je m’insurge donc contre cet argument du coût pour une mesure, qui est une revendication forte des associations d’aidants et qui, en réalité, se solderait par un gain pour la société.

J’en viens à la deuxième avancée que comporte la proposition de loi.

Aujourd’hui, le congé de proche aidant peut être pris pour une durée de trois mois renouvelable, dans la limite d’un an sur l’ensemble de la carrière du salarié.

Cette durée est insuffisante, les aidants s’occupant de leur proche pendant une durée en moyenne bien supérieure. Ainsi certains salariés peuvent être amenés à aider plusieurs de leurs proches sur l’ensemble de leur carrière professionnelle. Une mesure de bon sens consisterait donc à fixer la durée maximale du congé de proche aidant à un an par personne aidée a minima.

Par ailleurs, les modalités de recours au congé de proche aidant manquent de souplesse, dans la mesure où un accord de l’employeur est nécessaire pour pouvoir transformer ce congé en période d’activité à temps partiel ou pour y recourir de façon fractionnée. Ce fractionnement résoudrait pourtant de nombreuses difficultés que rencontrent les proches aidants dans leur vie quotidienne, en leur permettant notamment de mieux adapter leur emploi du temps aux besoins de la personne aidée sans renoncer à leur activité et sans s’enfermer dans leur statut d’aidant. C’est chez eux une aspiration forte. J’ajoute qu’assister ponctuellement une personne avant qu’elle ait besoin d’une aide à temps plein est aussi une bonne façon de renforcer son autonomie.

C’est pourquoi, afin de favoriser ces deux modalités de recours au congé de proche aidant, l’article 3 de la proposition de loi vise à mettre fin à la nécessité, pour le salarié, d’obtenir un accord de l’employeur pour utiliser son congé à temps partiel ou pour le fractionner, tout en maintenant le délai légal d’information devant permettre à l’entreprise de s’organiser. Puisque la société compte sur cet engagement, il faut établir un droit pour la personne aidante.

Enfin, les travaux que j’ai menés dans le cadre de la mission flash m’ont permis de mettre en évidence des différences de droits entre les proches aidant une personne en situation de handicap d’une part, et les proches aidant une personne âgée dépendante d’autre part. Si les situations diffèrent, certains dispositifs gagneraient néanmoins à être étendus à tous. Ainsi, les aidants de personnes handicapées bénéficient d’une majoration de leur durée d’assurance vieillesse, à hauteur d’un trimestre par période de prise en charge de trente mois, dans la limite de huit trimestres, alors que les proches aidant une personne âgée dépendante ne bénéficient pas d’une telle majoration. L’article 4 de la proposition de loi prévoit donc de leur ouvrir ce droit.

C’est une mesure de justice indispensable, en particulier pour les femmes, dont on sait que les retraites sont amoindries par des carrières fractionnées. C’est par ailleurs une mesure consensuelle, qui s’inscrit dans la lignée de la proposition de loi de notre collègue Paul Christophe, déposée le 27 septembre 2017, et signée conjointement par des membres de la quasi-totalité des groupes parlementaires. Je ne doute donc pas que cette mesure fera aujourd’hui l’objet du même consensus.

Vous le voyez, ne figurent dans cette proposition de loi qu’une partie des nombreuses propositions que j’avais présentées il y a quelques semaines, lors de ma communication sur la mission flash. Dans un souci d’efficacité et afin que mes travaux puissent se traduire par des avancées concrètes pour les personnes aidantes, j’ai choisi ces quelques mesures simples, demandées avec force par les personnes que j’ai auditionnées. Aussi limitées soient-elles, elles ont une réelle portée et permettent d’envoyer aux personnes aidantes le signal que notre reconnaissance sociale leur est acquise.

C’est le rôle du Parlement que d’écrire la loi. Nous sommes face à une situation critique, qui appelle une action rapide. Nous pouvons agir. C’est ce que je vous propose aujourd’hui : sans attendre, faisons-le ensemble.

Mme Caroline Janvier. Je tiens tout d’abord à saluer la qualité du travail de monsieur Dharréville, qui attire l’attention sur une question qui est l’une de nos priorités et que nous avons à cœur de défendre.

Malheureusement, cette proposition de loi pose des problèmes qui ne permettent pas au groupe La République en Marche de l’adopter, au premier rang desquels la question du financement. En effet, l’évaluation que vous proposez mériterait à mon sens d’être approfondie pour que nous disposions de données plus précises sur le coût de l’indemnisation des congés pris par les aidants. Vous proposez de financer ces congés sur la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), ce qui pose la question des cotisations.

En ce qui concerne la majoration des trimestres pour les cotisations d’assurance vieillesse, nous avons le projet de réformer l’ensemble du système de retraite, dossier qui a été confié à Jean-Paul Delevoye. Il nous semble donc prématuré de ne traiter que de cette question-là, plutôt que de l’envisager dans le cadre d’un examen général de la problématique des carrières hachurées.

Je rappelle enfin que le Gouvernement a confié à Dominique Gillot une mission sur l’insertion dans le travail des travailleurs handicapés et de leurs aidants. La remise de son rapport est prévue pour le printemps, et c’est ce calendrier que nous préférons retenir, quitte à reprendre alors certaines de vos propositions. Pour toutes ces raisons, il nous paraît prématuré de voter ce texte aujourd’hui.

M. Alain Ramadier. La présente proposition de loi s’inscrit dans le cadre d’un renforcement du droit des aidants, d’autant plus nécessaire que leur nombre croît d’année en année et nécessite à ce titre notre attention et une adaptation constante de notre législation. Cette proposition de loi s’attache plus particulièrement à renforcer deux dispositifs essentiels à la prise en compte des besoins de l’aidant : le congé du proche aidant pour les aidants actifs et la majoration de durée d’assurance vieillesse pour les aidants inactifs.

Pour ce qui est du congé, le salarié aidant peut aujourd’hui en disposer, mais sans être rémunéré. Cette proposition de loi remédie à cette situation, c’est une bonne chose. Quant à la majoration de retraite pour les aidants inactifs, il s’agit, là aussi, d’un dispositif allant dans le bon sens.

Mais à combien se chiffrerait le coût de l’extension de la majoration de retraite pour les aidants inactifs ? Rien ne l’indique dans ce texte. Nous ne disposons d’aucune donnée chiffrée sur le public cible d’une telle mesure, qui pourtant nécessiterait de connaître a minima le nombre d’aidants inactifs et non retraités. De même, nous ne savons pas ce que représenterait le coût de la rémunération de l’aidant pendant son congé. Comment engager nos finances publiques, sans chiffrer le coût pour la société des mesures que vous proposez ?

Comme le mentionne l’étude de l’Association française des aidants, les aidants sont de tout âge et n’ont pas de profil type. On aurait donc aimé qu’une nouvelle loi sur les aidants permette d’avancer sur ce terrain, afin d’élaborer une politique publique, d’autant plus efficace dans le temps qu’elle sera financée. Cela dit, nous reconnaissons volontiers qu’il est aujourd’hui très difficile d’établir de telles données, l’opacité des dispositifs visant à soutenir les aidants, très disparates d’un département à l’autre, nuisant à la capacité même des aidants à s’en saisir, et donc à nous donner une image précise de l’ampleur de leurs besoins.

Si ce texte va globalement dans le bon sens, il convient donc de mieux en documenter les enjeux, d’en approfondir l’aspect financier et de l’ouvrir vers le soutien aux initiatives privées élaborées pour accompagner les salariés aidants.

Nous sommes enfin très dubitatifs à propos de l’article 3, sur lequel je défendrai divers amendements. Je voterai ceux qui contribueront à consolider cette bonne initiative législative.

Mme Nathalie Elimas. Emmanuel Macron a annoncé plusieurs mesures afin d’accompagner les aidants dans leur engagement auprès de leur proche. Il s’agit notamment de leur permettre de mieux se former ou d’être accompagnés, de faciliter leurs démarches administratives ou encore de favoriser la création d’hébergements temporaires et d’encourager le baluchonnage. Dans la droite ligne de ces engagements, la ministre de la santé a annoncé des mesures fortes pour les aidants, en particulier la valorisation de leurs droits à la retraite, le suivi spécifique de leur santé ainsi que le renforcement des dispositifs de répit. Ces derniers mois, notre commission s’est également fortement mobilisée pour les aidants, et une proposition de loi du groupe de l’Union des démocrates et indépendants a été adoptée permettant le don de RTT entre collègues.

Nous avons par ailleurs salué les travaux de notre collègue Pierre Dharréville, dans le cadre de la mission flash. Nous sommes déterminés à apporter aux aidants le soutien qu’ils méritent, car il s’agit d’un défi majeur pour notre pays. Toutefois, les mesures proposées par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, notamment sur le congé du proche aidant, ne nous paraissent pas, à ce stade, aller dans la bonne direction.

Je souhaite enfin revenir sur un aspect méconnu mais particulièrement poignant sur lequel nous devrions à mon sens nous mobiliser sans tarder : il s’agit des enfants aidants familiaux. Parce qu’ils sont mineurs, ces enfants, parfois très jeunes, ne figurent dans aucunes statistiques. Pourtant ils aident leurs familles à la maison, confrontés à la maladie d’un parent ou au handicap d’un frère ou d’une sœur ; ils seraient environ cinq cent mille en France, pour la plupart en échec scolaire. Nous souhaitons que puisse être créé un statut du jeune aidant, afin de les faire sortir de l’anonymat et de leur apporter tout le soutien dont ils ont besoin.

M. Paul Christophe. Après la loi sur le don de jours de repos non pris en faveur des aidants familiaux que j’ai eu l’honneur de vous présenter en décembre, notre commission examine de nouveau un texte en faveur des proches aidants. C’est un signal positif supplémentaire envoyé à tous les aidants, que le groupe UDI, Agir et Indépendants soutiendra.

Notre système de protection sociale s’appuie de plus en plus sur l’implication des proches aidants, ce qui n’est pas sans conséquences pour ces quelque huit millions de Français qui aident quotidiennement un de leurs proches.

Être aidant aujourd’hui conduit en effet à des choix, des aménagements, voire des renoncements dans sa vie privée et professionnelle : les aidants consacrent ainsi moins de temps à leur famille, moins de temps à leur travail et moins de temps à leur repos, négligeant souvent leur propre santé lorsque l’effort devient trop lourd.

Le droit au répit des aidants est donc plus que nécessaire. Si le congé de proche aidant a le mérite d’exister, l’absence de rémunération freine ceux qui voudraient en bénéficier, et certains y renoncent en effet, pour ne pas se placer dans une situation de précarité financière. Afin de remédier à cette situation, l’article 1er de la proposition de loi suggère d’indemniser ce congé. Cette rémunération me semble d’autant plus justifiée que l’absence d’engagement des aidants coûterait bien plus cher à la société. Nous lui sommes donc favorables, à une petite réserve près cependant : l’absence d’évaluation préalable de l’impact financier de cette mesure pour les organismes de sécurité sociale.

Le texte propose également de fixer la durée maximale du congé de proche aidant à un an par personne aidée. Là encore, nous n’avons aucune objection à cette proposition, puisqu’une même personne peut être amenée à s’occuper d’un proche à différents moments de sa vie. Le format actuel du congé, limité à un an sur toute une carrière est donc sous-dimensionné, et nous pourrions même envisager d’aller plus loin que la proposition de loi.

En quittant leur emploi pour s’occuper d’un proche, outre la perte de revenus, les aidants craignent également de perdre leurs droits à la retraite. Le texte ouvre donc, dans son article 4, un droit à la retraite pour les aidants. Il octroie ainsi un trimestre de retraite par période de trente mois dans la limite de huit trimestres, sur le modèle déjà existant pour les personnes ayant à charge une personne adulte handicapée. Étant à l’origine de cette proposition, je ne peux qu’y souscrire.

Je souhaiterais conclure mon propos en félicitant notre collègue Pierre Dharréville pour son travail, qui permet de jeter les quelques bases d’un statut pour les proches aidants. Afin d’aller plus loin dans cette aide aux aidants, notre groupe vous proposera plusieurs amendements.

Mme Caroline Fiat. Les aidants familiaux fournissent une aide essentielle à nos personnes âgées dépendantes ou en situation de handicap. Or ce travail de l’ombre, que ne valorise pas la société, peut parfois devenir particulièrement pesant. Les défaillances graves de notre système social font pourtant peser sur les épaules d’une large partie de la population la prise en charge de nos aînés et des personnes handicapées. Pour que le souci d’autrui soit reconnu à sa juste valeur, nous nous devons d’aménager une juste place aux huit millions de personnes aidantes.

Cette proposition de loi, que nous soutiendrons, propose tout d’abord d’indemniser le congé de proche aidant, institué par la loi du 28 décembre 2015. Elle propose également d’adapter la quantité de congés auxquels ont droit les aidants en fonction du nombre de personnes aidées. L’article 3 exonère également le proche aidant de l’aval de son employeur pour bénéficier du dispositif à temps partiel ou de manière fractionnée, ce à quoi nous sommes favorables. Enfin, l’article 4 étend le dispositif de majoration de la durée d’assurance vieillesse dont bénéficient aujourd’hui les aidants familiaux de personnes en situation de handicap aux aidants familiaux de personnes âgées dépendantes. En effet, il n’y a pas de raison pour que le dispositif actuel, ouvert aux proches aidants des personnes en situation de handicap, ne le soit pas également aux aidants de personnes âgées dépendantes.

La proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine est donc une proposition humaniste et de bon sens. Nous la soutiendrons évidemment.

M. Boris Vallaud. Le 23 janvier dernier, notre commission des affaires sociales a salué à l’unanimité la qualité des travaux et des propositions de la mission conduite par notre collègue Pierre Dharréville. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’en est ni plus ni moins que la traduction effective.

Les proches aidants apportent une aide régulière et fréquente à des personnes âgées dépendantes ou en situation de handicap – enfants ou adultes –, en accomplissant pour eux, dans un cadre non professionnel, tout ou partie des actes ou activités de la vie quotidienne. Ce sont le plus souvent des femmes, une conjointe plutôt qu’un conjoint, une fille plutôt qu’un fils, une mère plutôt qu’un père.

Les répercussions de l’accompagnement d’un proche sont lourdes. Elles peuvent se traduire par de la souffrance et un sentiment de culpabilité. Les aidants sacrifient en effet non seulement leur temps libre, leur vie familiale et sociale, mais également, bien souvent, leur carrière professionnelle et leur santé.

Lorsqu’il s’agit d’aider un proche en perte d’autonomie, on a souvent affaire à un aidant de la génération pivot, entre cinquante et soixante ans, qui doit, dans le même temps, prendre soin d’un parent, gérer la fin de sa carrière professionnelle et assumer parfois des enfants encore à charge.

Comme l’a souligné très justement notre rapporteur, le travail gratuit informel vient au mieux en complément, au pire en palliatif, d’une réponse publique déficiente, la perte d’autonomie étant encore mal prise en charge par la solidarité nationale. Les aidants ont donc besoin de temps pour aider leurs proches mais également de ressources, notamment quand la charge de l’aide les conduit à se retirer du marché du travail ou à diminuer leur activité professionnelle. Ils réclament également une protection sociale et un accompagnement.

Les trois premiers articles de cette proposition de loi, qui proposent l’indemnisation du congé, l’extension de sa durée et la possibilité d’y avoir recours à temps partiel ou de manière fractionnée, sans que l’accord de l’employeur soit nécessaire, constituent à cet égard de réelles avancées. L’article 4, qui reprend la proposition de loi de Paul Christophe, est également un progrès.

Le groupe Nouvelle Gauche ne se contentera pas de saluer la qualité du travail fourni par notre rapporteur et l’intérêt des pistes ouvertes en reportant la résolution du problème à plus tard ; nous soutiendrons sans réserve cette proposition de loi, qui améliore la situation des aidants.

Mme Charlotte Lecocq. Je tiens à remercier Pierre Dharréville d’avoir déposé cette proposition de loi, qui nous permet d’ouvrir une nouvelle fois le débat sur la question des aidants familiaux. Nous avons déjà abordé cette question à diverses reprises, lors de la mission flash de Monique Iborra relative aux EHPAD ou au moment de l’examen du rapport d’application de la loi d’adaptation de la société au vieillissement produit par Agnès Firmin Le Bodo et moi‑même. Nous avons évoqué la proposition de loi de Paul Christophe, ainsi que la mission flash conduite par le rapporteur, qui nous a permis de dessiner un spectre de solutions.

J’ai pour ma part rencontré de nombreux représentants d’associations d’aidants : ils attendent de notre part des réponses à leurs questions.

Au-delà des proches aidant les personnes en situation de handicap, la problématique des aidants est d’autant plus cruciale que, face au vieillissement et à l’allongement de la durée de vie, le nombre de proches aidant des personnes âgées en situation de dépendance est voué à se multiplier et mérite donc toute notre attention.

Je considère à cet égard que l’indemnisation du congé de proche aidant est une bonne mesure. Si se pose la question de son financement, il me semble que cette dernière ne peut être dissociée de celle des coûts qu’elle permettrait d’éviter par ailleurs.

M. Gilles Lurton. Monsieur le rapporteur, avec cette proposition de loi, vous donnez une traduction concrète aux conclusions de la mission flash que vous avez conduite et que vous nous avez présentée le 23 janvier dernier.

Sur le fond, je ne peux que souscrire à votre proposition, qui vise à rémunérer l’aidant ayant besoin d’un congé professionnel pour s’occuper d’un proche dépendant et qui prévoit par ailleurs la majoration de la durée d’assurance vieillesse pour les aidants inactifs.

J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ces deux propositions à l’occasion de la présentation des conclusions de votre mission, et l’angle d’attaque que vous avez choisi me paraît effectivement être le bon.

Le travail des aidants doit être reconnu. J’ajoute – et vous l’avez rappelé – qu’il contribue à faire faire des économies à notre pays, car je suis convaincu que, si les personnes dépendantes n’étaient pas suivies par leurs proches aidants, elles nous coûteraient beaucoup plus cher.

Cependant, malgré vos explications, je pense que nous devons nous pencher sur le financement de la mesure que vous nous proposez. Je pense par ailleurs, comme beaucoup de mes collègues, que nous devons aborder le sujet de la dépendance de façon globale. Nous avons des décisions fortes à prendre pour assumer le coût que cela représente, un coût qui ne va faire qu’augmenter dans les années à venir, et c’est dans ce cadre que doit être appréhendée la situation des aidants.

Je ne suis en revanche pas convaincu que le financement par la CNSA que vous nous proposez soit une bonne piste, et je doute que la CNSA, elle-même financée par l’ONDAM médico-social, puisse faire face à cette dépense supplémentaire. J’aurais souhaité connaître votre point de vue sur ce sujet.

Enfin, au risque de paraître incongru, j’aimerais savoir comment on détermine qui jouera le rôle d’aidant au sein d’une famille. Peut-on imaginer que, dans une même famille, il y ait plusieurs aidants pour s’occuper d’une même personne, chacun pouvant demander à bénéficier du congé de proche aidant ?

Mme Monique Iborra. Le thème des aidants est évidemment très important ; d’ailleurs un certain nombre de dispositions ont déjà été prises, notamment dans la loi sur l’adaptation de la société au vieillissement. Les missions parlementaires et les propositions de loi se succèdent, et ces débats ne sont pas inutiles : ils montrent l’importance du sujet.

Néanmoins, ce thème devrait s’inscrire au sein d’un projet beaucoup plus ambitieux, dans le cadre d’une véritable politique du grand âge qui fait défaut en France, à la différence d’autres pays européens. Jusqu’à présent, nous avons choisi de dissocier les différentes interventions, les différents acteurs, entraînant une vision très parcellaire de cette politique du grand âge, qui nous concerne cependant tous et qui est à la fois sociétale, sociale et financière. Elle mérite un véritable débat dans notre pays, sur les choix politiques y afférents et une véritable remise à plat. C’est ce que j’essaierai de vous proposer le 14 mars, lors de la présentation du rapport d’information de la mission parlementaire sur les EHPAD.

Mme Josiane Corneloup. Alors que la loi sur l'extension du don de jours de repos aux aidants vient d'être promulguée, nous voici amenés à examiner un nouveau dispositif en leur faveur.

Un tiers de la population française aura plus de 60 ans en 2060, et cette simple donnée démographique justifie que nous anticipions la bonne prise en charge des personnes concernées. Le maintien à domicile est un souhait de plus en plus prononcé, et dans les cas où c'est encore possible, le recours à l'aidant familial constitue une solution économique privilégiée qu'il nous faut accompagner, supprimant plusieurs écueils que nous avions évoqués lors de la mission flash sur les aidants : l'absence de statuts et de formations adaptées ; le manque de souplesse pour les aidants actifs ; l'inexistence de modules de soutien psychologique. Ce sont autant de points qui affectent les aidants, tant sur le plan moral que physique.

Nous avions aussi abordé le problème de la rétribution des aidants, c’est l'objet du présent texte tendant à créer une allocation journalière pour indemniser le congé de proche aidant. Tout le monde s'accorde sur cette nécessité, et nous avons tous à cœur de soutenir ces personnes qui consacrent leur vie à leurs proches dans des conditions souvent très difficiles.

Cependant, les bémols que nous avons émis il y a à peine plus d'un mois demeurent. Quel est le chiffrage d'une telle mesure ? À ce jour, nous ne disposons d'aucune donnée pour estimer le taux de recours à ce congé, et nous sommes donc dans l'incapacité d'établir un scénario prévisionnel tenant compte de l'effet d'entraînement occasionné par la mise en œuvre de ce dispositif. Il en est de même quant à la majoration de droits à la retraite pour les aidants inactifs.

De plus, l'article 3 introduit un conflit qui met en danger le consensus qui semble être le nôtre sur ces questions, en marquant une inutile méfiance envers les employeurs, auxquels la possibilité de participer au processus d'extension du domaine du congé serait retirée. Nous sommes d'accord sur l'essentiel, il me semblerait opportun de prendre le temps d'évaluer l'impact de ces mesures sur les comptes sociaux afin de légiférer efficacement.

Mme Jeanine Dubié. Je voudrais m'associer aux félicitations qui ont été adressées à notre rapporteur. Le travail de fond qu’il a réalisé dans le cadre de la mission flash se traduit de façon légitime dans cette proposition de loi, intéressante à plusieurs titres.

D'abord, elle met l'accent sur la situation des aidants familiaux. La loi sur l'adaptation de la société au vieillissement a commencé à mettre en évidence le besoin d'accompagnement des aidants familiaux, en créant l’aide au répit. Le rapport de notre collègue Dharréville va encore un peu plus loin. Il est vrai que de plus en plus de personnes sont concernées, et que le vieillissement de la population va accentuer ce phénomène.

Je voulais interroger notre rapporteur sur la création de cette indemnisation du congé. Aujourd'hui, le proche aidant peut, dans certains cas, être employé par la personne aidée bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH). Avez-vous examiné les possibilités d’étendre cette faculté pour les proches, dans le cadre de l’usage de l’APA, les conditions actuelles étant plus restrictives que dans le cadre de la PCH ?

Ensuite, si j'approuve la majoration concernant la retraite, je m'interroge sur la formation. Être aidant, c’est avoir une relation affective avec la personne. Faut-il professionnaliser cette relation affective ? S’il faut accompagner les aidants, je doute qu’il faille les professionnaliser.

M. Bernard Perrut. Nous avons déjà évoqué le rôle des aidants à plusieurs reprises, ces huit millions de personnes, peut-être même plus, qui apportent leur soutien à des personnes en situation de handicap ou à des personnes âgées dépendantes. Dans la moitié des cas, les aidants s'occupent de leurs parents ou de leurs beaux-parents. Le grand défi du vieillissement amène donc à nous interroger sur les évolutions dans les années à venir.

Cet accompagnement est essentiel, rien ne peut le remplacer, parce qu'il fait appel à la solidarité familiale, à l'affection que l'on peut porter à un proche. Ici même, plusieurs textes successifs ont permis de reconnaître le rôle essentiel de ces personnes qui se donnent, au détriment de leur vie personnelle, de leur vie familiale, de leur carrière. Je pense notamment aux femmes, très nombreuses à s'impliquer auprès de leurs parents, de leurs beaux-parents, voire de leurs proches, il est important de le souligner.

Le congé de proche aidant existe, il faut donc le renforcer car il est limité dans le temps et ne bénéficie pas de rémunération. Mais aucune donnée chiffrée ne nous permet aujourd'hui d'avoir cette vision vers l'avenir. Il est par conséquent difficile de prendre une décision sans connaître les moyens dont nous aurons besoin. Il en va de même pour la majoration des droits à l’assurance vieillesse.

Ce texte devrait prendre place dans une réforme beaucoup plus générale, afin de ne pas nous retrouver régulièrement sur des projets ayant les mêmes buts, les mêmes thèmes. Il devra également être complété par des mesures sur le répit et le soutien aux aidants. Aujourd'hui, sept aidants sur dix n'ont pas le soutien d'un intervenant professionnel, donc pas de soutien venant de l'extérieur. Ce doit être une priorité pour nous tous.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Cette proposition de loi concernant la reconnaissance sociale des aidants comporte des dispositions intéressantes, telles que la rémunération du congé de proche aidant, la majoration de la durée d'assurance-vieillesse, ou le fractionnement de congés de proche aidant.

Je souhaite que de telles dispositions puissent être étudiées et intégrées si possible dans nos futurs projets de loi de financement de la sécurité sociale. Pour l'heure, il nous manque une étude d’impact pour prendre en compte ces mesures.

Nous allons par ailleurs étudier tout à l'heure une proposition de loi sur la précarité professionnelle des femmes. Je souhaite que le développement de mesures en faveur des aidants fasse également l'objet d'une étude d'impact sur le parcours professionnel des femmes, qui sont le plus souvent sollicitées. La reconnaissance sociale de proches aidants ne devrait pas correspondre à une situation subie, et nous devrons veiller à ce que de telles mesures ne se développent pas au détriment des aides professionnelles.

M. le rapporteur. Beaucoup de sujets ont été soulevés, je vais donner mon point de vue sur un certain nombre d'entre eux, et nous aurons l’occasion de préciser un certain nombre de choses lors de la discussion des articles.

Un premier argument dénonce le caractère prématuré de cette proposition. La situation des personnes aidantes dans notre société fait l’objet depuis longtemps d’enquêtes, de propositions et de débats : il est temps de passer aux actes. Même si des choses ont été faites en 2015, avec la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, nous voyons bien que ce n’était qu’un début. Nous devons agir rapidement car nous arrivons à une situation de crise. Nous pouvons le constater dans nos territoires, en rencontrant les personnes concernées.

Je pense également que nous devons donner toute leur place aux initiatives parlementaires. Nous ne pouvons nous contenter d’attendre que le Gouvernement ait reçu les rapports qu’il a commandés et qu’il décide de mettre à l’ordre du jour tel ou tel projet. Il est de notre responsabilité, en tant qu’Assemblée nationale, de formuler un certain nombre de propositions et de nous saisir de cette initiative : elle nous revient. À défaut, le problème institutionnel serait très important. Mais comment ne pas s’interroger alors que le nombre de propositions de loi qui passe la rampe est infinitésimal au regard du travail que nous effectuons ? Nous devons nous émanciper de cette logique pour arriver à produire un texte, à partir de notre travail. Cette proposition ne tombe pas du ciel, elle est le résultat du travail de la commission : les groupes ont retenu ce sujet qui leur semblait important ; il a fait l’objet d’une décision du bureau de la commission ; et ensuite d’une mission flash, dont l’objet était de déboucher sur des résultats concrets, pas simplement sur une communication évanescente. Nous devons prendre nos responsabilités, et nous en avons ici l’occasion.

Le financement est naturellement un sujet important. Je veux d’abord rappeler que le dépôt d’une proposition de loi ne s’accompagne pas d’une étude d’impact, c’est la règle. Nous avons néanmoins demandé un certain nombre de chiffrages, comme je l’ai indiqué en introduction. J’espère que nous en disposerons dans les jours qui viennent pour délibérer plus convenablement dans quinze jours, le 8 mars.

Cela étant, je vous ai également proposé un chiffrage, qui doit être utilisé certes avec précaution, mais qui s’appuie sur les données du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) : 30 000 personnes seraient potentiellement bénéficiaires du congé de proche aidant. Sur cette base, notre chiffrage établit le coût de cette mesure à 250 millions. C’est un élément d’appréciation. On ne peut donc pas tout à fait dire qu’il n’existe pas de chiffrage. Ensuite, chacun peut considérer cette évaluation de manière plus ou moins positive.

Au départ, j’avais prévu d’indiquer un montant de l’indemnisation au sein de l’article. Mais je ne l’ai finalement pas fait, précisément pour donner une marge de manœuvre au Gouvernement et tenir compte de la question du financement. La fixation du montant est donc renvoyée à un décret, ce qui permettra une montée en charge progressive du dispositif. Prenez-le en compte lorsque vous vous positionnerez sur ce texte. Cela permettra d’évaluer la réalité du recours au dispositif.

De manière plus générale, estimons-nous indispensable de prendre des mesures en la matière ? En vous écoutant, j’ai la faiblesse de penser que c’est le cas. Nous savons qu'un certain nombre de personnes dans notre société souffrent du fait que ces dispositions n'existent pas. Alors jusqu'à quand allons-nous renvoyer cette décision ?

Le dispositif que je propose permet d'acter ce principe aujourd’hui, et d'appuyer sur le bouton de sa mise en œuvre, tout en donnant une marge de manœuvre suffisante au Gouvernement pour mettre en place une montée en charge progressive. En outre, nous pourrons décider de la manière dont nous financerons la mesure dans le cadre par exemple du PLFSS. Il ne faut donc pas renoncer à agir car nous ne savons pas comment faire. Il faut raisonner de façon inverse : Pensons-nous que c'est nécessaire, indispensable ? Oui ? Alors décidons-le, et ensuite nous affecterons les moyens requis. Ces moyens existent, il faut faire le choix d'aller les chercher.

Je termine avec plusieurs éléments qui ont été soulevés dans vos interventions.

La notion d’aidant existe dans la loi, monsieur Lurton, c’est donc une base sérieuse pour déterminer qui pourra bénéficier de ce dispositif. En tout état de cause l’application dans le détail sera renvoyée à un décret. Cette question, fort légitime, devra en effet être prise en compte.

Sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), cette caisse a précisément été créée pour faire face à ce besoin des aidants. Il me semble donc naturel de se tourner vers elle pour assurer le financement de l’indemnisation du congé de proche aidant. Et puisqu’elle n’est pas outillée pour mettre en œuvre la mesure, il est fait appel aux services de la sécurité sociale.

S’agissant de la mesure qui propose d’ouvrir un droit pour les aidants, alors qu’il est aujourd’hui soumis à l’autorisation des employeurs, ce n’est pas une mesure de méfiance. La logique est la suivante : puisque la société compte sur ces personnes, elle leur doit donc de créer les conditions minimales pour effectuer ce travail dans les meilleures conditions. Le droit ouvert est d’abord celui, pour les personnes aidées, de se faire aider par quelqu’un qui dispose des moyens suffisants pour le faire. Il faut donc renverser l’ordre des choses : c’est à la société et non pas à l’employeur de décider si la mesure est nécessaire. Et tel est le cas puisqu’il y a là un enjeu majeur. Je tenais à apporter cette précision afin que cette disposition ne soit pas mal interprétée.

Par ailleurs, il y a bien sûr d’autres mesures à prendre – Boris Vallaud l’a rappelé. Dans le rapport, j’avais souligné que nous avions besoin de trois choses : du temps, des ressources et de l’accompagnement. Dans les trois domaines, il y a beaucoup plus à faire, et nous pourrions discuter de mesures supplémentaires – sans doute le ferons-nous aujourd’hui.

Pour conclure, je soulignerai le risque d’explosion des coûts liés à la dépendance dans les prochaines années si rien n’est fait rapidement. Selon les estimations, ils passeraient de 23 milliards à 46 milliards d’euros en 2060. Il y a donc urgence à commencer à prendre des dispositions. C’est ce que je vous invite à faire aujourd'hui, dans le cadre d’une initiative parlementaire, ce qui est encore plus positif.

 

 

 

 

 

 


–  1  –

II.   EXAMEN des articles

Article 1er
Indemnisation du congé de proche aidant

Cet article vise à indemniser le congé de proche aidant.

I.   Le droit en vigueur

La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a transformé le congé de soutien familial en « congé de proche aidant ».

1.   Objet et bénéficiaires du congé de proche aidant

Le salarié ayant au moins un an d’ancienneté ([6]) dans l’entreprise peut prendre un congé de proche aidant lorsque l’un de ses proches présente un handicap ou une perte d’autonomie d’une particulière gravité, conformément aux articles L. 3142-16 et D. 3142-7 du code du travail.

La transformation du congé de soutien familial en congé de proche aidant par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement a permis d’étendre le bénéfice de ce congé à toute personne considérée comme un proche aidant au sens de l’article L. 113-1-3 du code de l’action sociale et des familles, alors qu’il était auparavant réservé aux seuls membres de la famille ([7]) de la personne aidée. Est ainsi considérée comme proche aidant la personne qui réside avec la personne aidée ou qui entretient avec elle « des liens étroits et stables » et qui lui vient en aide « de manière régulière et fréquente à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne ». En outre, l’aidant d’une personne âgée ou d’une personne en situation de handicap placée en établissement ou chez un tiers autre que le salarié peut également bénéficier d’un congé de proche aidant, alors que cette faculté lui était auparavant refusée.

En application de l’article L. 3142-26 du code du travail, la durée du congé ne peut dépasser la durée maximale fixée par voie conventionnelle ou, à défaut, la durée fixée par les dispositions supplétives de la loi à trois mois renouvelable, sans pouvoir excéder un an sur l’ensemble de la carrière du salarié (articles L. 3142-19 et L. 3142-27 du même code) – voir le commentaire de l’article 2.

Par ailleurs, avec l’accord de l’employeur, le congé de proche aidant peut être transformé en période d’activité à temps partiel ou être fractionné (article L. 3142-20)  voir le commentaire de l’article 3.

2.   L’absence d’indemnisation du congé

Le congé de proche aidant ne fait l’objet d’aucune indemnisation, ce qui constitue le principal frein au recours à ce dispositif.

Conformément à l’article L. 3142-18 du code du travail, le salarié bénéficiant de ce congé ne peut exercer aucune autre activité professionnelle pendant la durée du congé. Il peut toutefois être employé par la personne aidée dans deux situations :

– lorsque la personne aidée est bénéficiaire de l’allocation personnalisée d'autonomie (APA), celle-ci peut employer un ou plusieurs membres de sa famille, à l’exception de son conjoint ou de son concubin ou de la personne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité (article L. 232-7 du code de l’action sociale et des familles) ;

– lorsque la personne aidée choisit de rémunérer ou de dédommager le proche aidant avec la partie « aides humaines » de la prestation de compensation du handicap (PCH), dans les conditions prévues à l’article L. 245-12 du code de l’action sociale et des familles.

Cette absence d’indemnisation du congé de proche aidant est d’autant plus regrettable que la loi permet déjà une indemnisation des proches aidants, mais dans des situations plus limitées :

– Le congé de solidarité familiale, défini aux articles L. 3142-6 à L. 3142‑15 du code du travail, tout d’abord, permet à un salarié de suspendre son contrat de travail pour s’occuper d’un proche lorsque ce dernier souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable. Les bénéficiaires du congé de solidarité familiale perçoivent l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (AJAP), conformément à l’article L. 168-1 du code de la sécurité sociale. Le nombre maximal d’allocations journalières susceptibles d’être versées est fixé à 21 en cas d’arrêt complet et à 42 lorsque le demandeur réduit son activité professionnelle (dans ce cas, le montant de l’allocation est réduit de moitié). Le montant de l’allocation s’élève à 55,37 euros par jour.

 Le congé de présence parentale, défini aux articles L. 1225-62 à L. 122565 du code du travail, ensuite, est attribué au parent ayant à charge un enfant atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants. Les bénéficiaires de ce congé perçoivent une allocation journalière de présence parentale (AJPP, article L. 544-1 du code de la sécurité sociale). Le montant de cette allocation, qui peut être versée pour une période de trois ans maximum, s’élève à 43,14 euros par jour pour les personnes vivant en couple et à 51,25 euros par jour pour les personnes vivant seules, dans la limite de 22 jours par mois.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article vise à indemniser le congé de proche aidant.

À cet effet, il crée un nouveau chapitre VIII bis au sein du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, intitulé « Indemnisation du congé de proche aidant » et composé de trois nouveaux articles.

L’article L. 168-8 nouveau du code de la sécurité sociale dispose que les bénéficiaires du congé de proche aidant perçoivent une allocation journalière pendant toute la durée du congé, le montant de cette allocation étant défini par décret.

Si le montant de l’indemnisation ne figure pas dans la loi, le niveau d’indemnisation le plus couramment évoqué, repris notamment dans les propositions formulées par le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge dans un rapport relatif à la prise en charge des aides à l’autonomie et son incidence sur la qualité de vie des personnes âgées et de leurs proches aidants, rendu public le 1er décembre 2017, est celui de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP), soit 43,14 euros par jour pour les personnes vivant en couple et 51,25 euros par jour pour les personnes vivant seules, dans la limite de 22 jours par mois.

L’article L. 168-9 nouveau du code de la sécurité sociale précise quant à lui que le congé de proche aidant ne fait pas l’objet d’une indemnisation lorsque le proche aidant est déjà rémunéré par la personne aidée. Ainsi, l’indemnisation ne serait pas versée dans les deux situations suivantes :

– lorsque le proche aidant est employé par la personne aidée, qui lui reverse une partie de l’APA qu’elle perçoit, dans les conditions prévues à l’article L. 232-7 du code de l’action sociale et des familles ;

– lorsque le proche aidant est rémunéré ou dédommagé avec la partie « aides humaines » de la PCH, conformément à l’article L. 245-12 du même code.

Enfin, l’article L. 168-10 nouveau du code de la sécurité sociale prévoit que la nouvelle allocation créée est financée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), dans la mesure où celle-ci est déjà chargée du financement de l’aide à l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Il est néanmoins précisé que l’allocation serait servie par le régime d’assurance maladie dont relève le bénéficiaire du congé de proche aidant, comme c’est déjà le cas pour l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (AJAP).

Le mécanisme de financement pourrait être similaire à celui mis en place entre la CNSA et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) en ce qui concerne l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), prévu à l’article L. 381-1 du code de la sécurité sociale. Le financement de l’indemnisation du congé de proche aidant pourrait ainsi être assuré par une cotisation à la charge exclusive de l’assurance maladie, la CNSA lui remboursant les cotisations qu’elle aurait acquittées au titre des bénéficiaires du congé de proche aidant.

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La commission est saisie de l’amendement AS13 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Il s’agit de supprimer l’article 1er, qui vise à instaurer une indemnité pour le congé de proche aidant. Or le financement de cette mesure pose problème.

Monsieur Dharréville, nous sommes d’accord sur le fond : il est en effet nécessaire de mettre en œuvre une politique publique ambitieuse et volontariste en faveur des proches aidants – nul ne le conteste. Mais vous proposez de faire financer votre mesure par l’État-providence, après avoir appelé notre attention sur les coûts de la prise en charge de la dépendance. Or nous savons bien que l’État-providence ne peut plus financer seul la prise en charge de la dépendance. Nous proposons donc la suppression de cet article.

M. le rapporteur. Sans être trop polémique, je ne pense pas quant à moi qu’il faille mettre fin à la solidarité nationale. Il est nécessaire que l’État assume certaines missions. Je rappelle que la collectivité supporte déjà de nombreux coûts : selon les chiffres dont je dispose, un hébergement en EHPAD s’élève ainsi à 36 euros par jour en moyenne pour l’assurance-maladie et 20,42 euros par jour en moyenne pour un conseil départemental pour une personne âgée dépendante en GIR 1 ou en GIR 2. Au total, c’est une somme plus importante que la rémunération indicative que j’ai formulée dans les attendus de ma proposition de loi. En l’occurrence, il y aura un gain plutôt qu’un coût. En tout état de cause, je le répète : si nous pensons que c’est nécessaire, prenons la décision, et nous aurons ensuite quelques mois pour voir comment la mettre en œuvre.

Mes chers collègues, on a les priorités qu’on se choisit. Dans la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances, des choix ont été faits – je n’y reviendrai pas. Mais nous sommes ce matin face à une urgence à laquelle il faut répondre. Nous avons précisément la possibilité de le faire si nous décidons que c’est une priorité.

Enfin, je ne sais pas si nous aurons des chiffrages beaucoup plus éloquents en suivant votre proposition. Je ne suis pas certain que nous n’aurons pas le même problème à terme. Aujourd’hui, en tout cas, nous avons la possibilité d’envoyer un message : soit celui que nous retardons encore le moment d’établir de nouveaux droits ; soit celui que nous commençons à prendre sérieusement en considération, et de manière collective, la situation des proches aidants. Je vous propose la deuxième option.

M. Boris Vallaud. J’abonde dans le sens du rapporteur, et je souhaite aussi que les éléments financiers qui ont été sollicités viennent éclairer la représentation nationale, car il est très difficile, pour un groupe d’opposition, de travailler convenablement. Sauf à faire de la figuration, mais peut-être est-ce au fond l’objet des missions flash que l’on veut bien nous confier.

Il a été dit que la solidarité nationale ne pourrait pas tout assumer. En effet, cela dépend des priorités que l’on se donne. Je ne crois pas que la solution que nous devons formuler soit de promouvoir une société de débrouillards dans laquelle chacun devrait s’occuper de ses affaires comme il peut, et dans laquelle la charité viendrait remplacer la solidarité. Nous nous opposerons à la suppression de cet article.

Mme Charlotte Lecocq. Je comprends l’appel de Mme Firmin Le Bodo à la vigilance sur le coût que représenterait cette mesure, il y a effectivement un flou, mais je pense que nous devons aussi intégrer dans notre réflexion le coût de l’absence de mise en œuvre de cette mesure. Quel serait le coût de prise en charge des personnes en institution ? Y aurait-il des coûts cachés ? Par exemple des personnes en arrêt de travail pour gérer les situations auxquelles elles sont confrontées ? Il faut regarder les choses de façon lucide, et je plaide pour que nous ayons des simulations financières qui nous aideraient à prendre des décisions éclairées.

Mme Caroline Fiat. Pour appuyer les propos du rapporteur, j’ai l’impression que nous n’aurons jamais autant parlé des personnes âgées et des aidants familiaux, ce qui est une très bonne chose. Des rapports sont en cours d’élaboration, ils vont être déposés, tout le monde a travaillé sur le sujet, des tonnes d’auditions ont eu lieu. Bref, nous avons les informations et il y a une urgence – je pense que si demain, l’un d’entre vous devait prendre en charge une personne dépendante, il aimerait avoir les moyens financiers de le faire correctement. Pourquoi faudrait-il toujours attendre au prétexte d’aller chercher une information manquante ? Nous avons 98 % des informations nécessaires pour légiférer sur ce texte. S’il vous en manque 2 %, je vous rappelle que le groupe de La France Insoumise réclame souvent ces 2 % d’informations manquantes, et les obtient rarement.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Je remercie le rapporteur pour son initiative qui ouvre le débat sur un sujet qui nous concerne tous, à titre sociétal, mais qui peut également nous affecter un jour à titre personnel, si cela n’a pas déjà été le cas.

Il me semble cependant que l'on doit positionner plus largement le débat à l'échelle de notre système de soins, et ne pas le limiter à la seule question du grand âge, même si celle-ci est particulièrement d'actualité. Être aidant, ce n'est pas un métier, cela vous tombe dessus, du jour au lendemain, à la suite de l’accident d'un proche, ou dans la chronicité d'une pathologie handicapante. Il faut donc prévoir un accompagnement technique et psychologique pour celui qui se retrouve subitement dans la situation de devoir aider, la plupart du temps, un proche.

Il faudrait replacer la question dans le cadre de l'organisation hospitalière, de l’hospitalisation à domicile, par exemple. Nous avons tous connu des gens qui ne savaient pas comment s’organiser autour d’un proche, notamment pour accompagner la fin de vie. Il faut appréhender l’ensemble du problème au sein du système de santé.

Je me fais aussi l’écho de toutes les interventions réclamant une meilleure évaluation. Le gain en matière d’occupation des lits dans les établissements de santé, pourrait par exemple contribuer au financement de la démarche.

Mme Éricka Bareigts. Les propos du rapporteur me semblent avoir été caricaturés. Il nous a donné quelques éléments d’appréciation et il a précisé que, d’ici au 8 mars, il en fournira d’autres qui compléteront cette évaluation. En outre, le PLFSS donnera une occasion d’y revenir.

Par ailleurs, les choses se font déjà aujourd’hui : les familles prennent en charge les personnes âgées et les personnes handicapées. L’approche très partielle faite de l’évaluation consiste à demander combien cela va coûter au budget de l’État, sans poser la question de savoir combien gagne l’État quand toutes ces familles prennent en charge ces personnes âgées et ces personnes handicapées. Dieu sait que les économies induites sur les places en établissements sont bénéfiques au budget de l’État !

Il s’agit aujourd’hui de mettre en œuvre une mesure reconnaissant le travail fait par les familles. Les rendez-vous d’évaluation compléteront le travail largement engagé par le rapporteur.

Mme la présidente. Je rappelle que notre discussion porte sur les amendements et que les orateurs sont censés donner la position de leur groupe sur chacun d’entre eux.

M. Brahim Hammouche. Nous sommes favorables aux mesures qui donnent accès à un répit pour les aidants, qu’il s’agisse de la création d’hébergements temporaires ou du développement du baluchonnage. Dans cette perspective, l’indemnisation du congé de proche aidant mérite toute l’attention du groupe MODEM.

Mais dans la mesure où nous manquons de données concernant le taux de recours au congé de proche aidant, il ne nous semble pas insensé d’attendre que le ministère nous fournisse des estimations plus solides. Le binôme exécutif-législatif doit fonctionner en bonne intelligence. Méfions-nous de ne pas attiser l’antiparlementarisme en nous critiquant les uns les autres !

M. Stéphane Viry. Le groupe Les Républicains ne partage pas l’analyse de Mme Firmin Le Bodo. Nous ne pouvons cautionner l’idée consistant à écarter par principe l’indemnisation du congé de proche aidant. Nous souhaitons voter l’article 1er, étant précisé que nous prendrons attache avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) pour des éléments de chiffrage, éléments dont nous attendons du rapporteur qu’il estime la supportabilité.

M. Laurent Pietraszewski. Le groupe REM ne votera pas en faveur de cet amendement de suppression. S’il est important d’envisager un accompagnement financier pour les aidants, nous ne sommes pas en mesure de mettre en place cette indemnisation car nous manquons d’informations.

M. Paul Christophe. Permettez-moi d’ajouter au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants qu’il ne s’agit pas de parler de professionnalisation de l’aidant, mais d’apporter une contribution qui permette d’exercer cette fonction ô combien noble. Nous n’entendons pas nous opposer à une rétribution, mais affiner, avec une étude appropriée, l’impact global d’une telle proposition.

M. le rapporteur. Bien sûr, il faut différencier les aidants professionnels des proches aidants. Je précise donc que le dispositif n’a pas pour ambition de professionnaliser les proches aidants.

J’ai omis de revenir sur le sujet important des enfants mis en situation d’aidants, dont Nathalie Elimas a évoqué la situation. Il me semble que nos propositions, notamment l’indemnisation du congé, peuvent, par ricochet, permettre de réduire le nombre de ces enfants contraints d’aider des proches parce que les adultes de leur famille n’ont pas la possibilité de dégager le temps nécessaire.

Il me semble délicat, pour Bercy ou toute autre administration, d’évaluer, au-delà de ce qu’a réalisé le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), le taux de recours au congé, en l’absence de dispositif existant. La demande, en tout état de cause, a été faite et les chiffrages pourront nous aider à préciser les conditions de la mise en œuvre de cette proposition.

Enfin, lorsque le HCFEA a demandé aux associations du secteur si elles préféraient que le congé de proche aidant soit indemnisé ou que sa durée soit allongée – un choix cornélien –, elles ont unanimement répondu que l’indemnisation était nécessaire. Je pense qu’il faut prendre en compte cette réponse.

La commission rejette l’amendement.

La commission rejette l’article 1er.

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*     *

Après l’article 1er

La commission examine l’amendement AS1 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Compte tenu de la perte de revenus entraînée par l’interruption de l’activité professionnelle de l’aidant, le législateur a prévu que celui-ci puisse bénéficier d’une compensation financière, sous certaines conditions.

S’il peut être rémunéré via la prestation de compensation du handicap (PCH), en devenant le salarié de la personne aidée, il ne peut en revanche être rémunéré via l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), si l’aidé est son conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS.

Cet amendement vise à supprimer ce critère injuste de lien de parenté et à mettre fin à une inégalité de traitement.

M. le rapporteur. Nous avions identifié ce problème. Je suis d’autant plus favorable à cet amendement que l’article 1er n’a pas été adopté.

Mme Caroline Janvier. Le principe posé par les textes relatifs à la PCH est de ne pas salarier le conjoint. Par dérogation, le conjoint peut être salarié si la personne aidée nécessite une aide totale et une présence constante ou quasi constante. Lorsque la personne aidée est dépendante, salarier le conjoint peut renforcer l’isolement du couple et conduire à une sur-sollicitation du conjoint, au risque d’un épuisement physique ou psychologique. Le groupe REM n’est pas favorable à cet amendement.

Mme Jeanine Dubié. Il est possible, en effet, d’étendre le dispositif de la rémunération du conjoint grâce à un financement au titre de l’APA. Je rappelle que l’allocation prévue par le texte est financée par la CNSA, qui contribue aussi au financement de l’APA. Cet amendement va donc dans le bon sens, d’autant que l’article 1er n’a pas été adopté. Je le voterai.

M. le rapporteur. J’avoue ne pas comprendre l’argument de l’isolement. Nous parlons de l’APA, donc de personnes âgées, en perte d’autonomie. J’ai à l’esprit le cas d’un homme de 84 ans qui aide son épouse. Je ne vois pas en quoi cette possibilité, qui existe déjà pour la PCH, l’isolerait davantage. Elle ne pourra que faciliter la vie de nombreux aidants !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’examen de l’amendement AS14 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Contrairement à ce qu’ont dit Mme Bareigts et M. Viry, nous ne rejetons pas l’indemnisation du congé de proche aidant. Au contraire, nous estimons qu’il s’agirait d’une juste reconnaissance du travail des aidants familiaux. Néanmoins, nous persistons à penser qu’il n’est pas raisonnable de proposer un tel dispositif sans l’avoir chiffré. Cet amendement vise donc à proposer une étude d’impact, évaluant à la fois le coût d’une telle indemnisation et les économies que le maintien des personnes à domicile pourrait entraîner.

M. le rapporteur. Je ne suis pas opposé aux études d’impact, mais j’aurais le sentiment, en soutenant cet amendement, de scier la branche sur laquelle je suis assis, dans la mesure où je vous propose d’acter dès aujourd’hui le principe du financement de ce dispositif. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

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Article 2
Possibilité de prendre un congé de proche aidant par personne aidée

Cet article vise à porter la durée maximale du congé de proche aidant, renouvellements compris, d’un an à un an au total par personne aidée.

I.   Le droit en vigueur

Aux termes de l’article L. 3142-19 du code du travail, le congé de proche aidant « ne peut excéder, renouvellement compris, la durée d’un an pour l’ensemble de la carrière » du salarié.

Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut toutefois déterminer une durée de congé supérieure, conformément à l’article L. 3142-26 du même code.

À défaut de convention ou d’accord, l’article L. 3142-27 du même code prévoit que la durée maximale du congé est de trois mois, renouvelable dans la limite mentionnée à l’article L. 3142-19 précité, soit un an.

Cette limite, qui est d’ordre public, s’impose tant aux salariés qu’aux employeurs et explique, conformément à l’article D. 3142-8 du code du travail, que le salarié ait l’obligation de fournir une déclaration sur l’honneur selon laquelle il n’a jamais bénéficié de ce congé ou en a bénéficié mais pendant une durée inférieure à la durée totale. Dans ce cas, la durée du congé du salarié ne pourra pas dépasser la durée restante pour atteindre une année en additionnant les précédents congés.

Cette disposition peut surprendre dans la mesure où un salarié pourra être confronté à plusieurs reprises à la nécessité de prendre un congé de proche aidant : par exemple, les parents âgés dont l’état de santé se dégrade successivement ou le salarié qui a un enfant en situation de handicap et plus tard un parent âgé en perte d’autonomie.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article modifie l’article L. 3142-19 du code du travail afin de porter la durée maximale du congé de proche aidant, renouvellements compris, à un an par personne aidée.

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La commission est saisie de l’amendement AS2 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Dans la continuité des auditions que j’ai menées dans le cadre du texte sur le don de congés, je propose de répondre à une demande ancienne des associations et de porter à trois ans la durée du congé de proche aidant.

M. le rapporteur. Il s’agit de faire face à une nécessité pour les personnes qui auraient recours à ce congé. Des associations de familles de personnes handicapées m’ont fait remarquer que la durée du congé leur semblait très insuffisante.

Dans l’absolu, je suis plutôt favorable à ce que l’on porte la durée du congé à trois ans, mais je crains que cela ne renforce les préventions qui ont été émises sur le coût de l’indemnisation du congé.

Toutefois, dans la mesure où l’article 1er n’a pas été adopté, j’émets un avis favorable à cet amendement. Je me réserve le droit de revoir cette position si, en séance, l’article 1er venait à être adopté.

Mme Caroline Janvier. Le groupe REM estime que cet amendement est en contradiction avec les besoins des aidants qui souhaitent, pour beaucoup, un maintien dans l’emploi. La situation d’aidant ne peut se substituer à une carrière.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS9 de M. Jean-Carles Grelier.

M. Jean-Carles Grelier. Cet amendement vise à apporter une précision pour éviter tout détournement du dispositif. Une personne qui se positionnerait comme l’aidant de plusieurs personnes ne pourrait cumuler à l’infini le congé proposé.

M. le rapporteur. La rédaction, peu précise, ne m’a pas aidé à saisir l’objet de cet amendement. Maintenant que je comprends mieux l’idée, je me demande si un tel amendement n’est pas superflu.

La commission rejette l’amendement.

La commission rejette l’article 2.

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Article 3
Faciliter le recours au congé de proche aidant à temps partiel ou son fractionnement

Cet article vise à offrir plus de souplesse au proche aidant dans la mise en œuvre de son congé.

I.   Le droit en vigueur

Depuis la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, l’article L. 3142-20 du code du travail prévoit que le salarié peut, avec l’accord de son employeur, transformer le congé de proche aidant en période d’activité à temps partiel ou le fractionner – ce qui n’était pas possible auparavant avec le congé de soutien familial.

Cette possibilité pour le salarié de prendre son congé à temps partiel ou de le fractionner est conditionnée à un accord de l’employeur.

Par ailleurs, en cas de fractionnement du congé, la durée minimale de chaque période de congé est d’une journée, en application de l’article D. 3142-9 du même code.

Les délais de demande du salarié et de réponse de l’employeur sur le fractionnement du congé ou sa transformation en période d’activité à temps partiel sont déterminés par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche, conformément à l’article L. 3142-26 du code du travail. En l’absence de convention ou d’accord, le salarié doit informer son employeur dans les mêmes délais que pour une demande de congé à plein temps, à savoir un mois avant le début du congé pour une première demande (article D. 3142-11 du même code), et quinze jours avant pour un renouvellement de l’activité à temps partiel ou du fractionnement du congé (article D. 3142-12 du même code).

Par ailleurs, en cas de fractionnement du congé, le salarié doit avertir son employeur au moins quarante-huit heures avant la date à laquelle il entend prendre chaque période de congé, conformément à l’article L. 3142-20 précité.

Enfin, ce même article prévoit que la transformation du congé de proche aidant en période d’activité à temps partiel ou son fractionnement est accordée « sans délai » en cas de dégradation soudaine de l’état de santé de la personne aidée, de situation de crise nécessitant une action urgente du proche aidant ou de cessation brutale de l’hébergement en établissement dont bénéficiait la personne aidée. Dans ces hypothèses, le salarié devra fournir un certificat médical d’un médecin attestant de la situation ou une attestation du directeur de l’établissement dans lequel était hébergée la personne aidée article (article D. 3142-7). Sous réserve que le salarié fournisse immédiatement le justificatif exigé, il semble donc qu’il puisse alors quitter l’entreprise du jour au lendemain, puisque le décret précise que le congé peut débuter « sans délai ».

II.   Le dispositif proposé

La possibilité de recourir au congé de transformer le proche aidant en période d’activité à temps partiel ou de le fractionner présente de nombreux intérêts pour le salarié.

Le recours au temps partiel permet tout d’abord de donner du temps au proche aidant pour lui permettre d’apporter une aide à la personne en situation de dépendance, sans pour autant renoncer à toute activité professionnelle. Le maintien en activité correspond d’ailleurs à une aspiration forte des proches aidants. Par ailleurs, en l’absence d’indemnisation du congé de proche aidant, le recours au temps partiel permet de limiter la perte de revenus pour le salarié concerné.

Ensuite, le fractionnement du congé de proche aidant permet de répondre à de nombreuses difficultés que rencontrent les proches aidants dans leur vie quotidienne : à titre d’exemple, un parent peut avoir besoin d’accompagner son enfant en situation de handicap à un rendez-vous médical, il peut avoir à prendre en charge un proche en situation de dépendance qui a fait une chute et doit être examiné par un professionnel de santé, etc. Le fractionnement du congé lui permet d’accompagner la personne aidée dans des situations malheureusement fréquentes, mais qui ne sont pas nécessairement prévisibles et n’interviennent pas à un rythme régulier.

Aussi, afin de favoriser ces deux modalités de recours au congé de proche aidant, le présent article propose de mettre à fin à la nécessité, pour que le salarié puisse y recourir, d’obtenir un accord de l’employeur. À cet effet, il modifie l’article L. 3142-20 du code du travail afin de ne plus conditionner la possibilité de recourir au congé à temps partiel ou de le fractionner à cet accord. La possibilité de transformer le congé de proche aidant en période d’activité à temps partiel ou de la fractionner serait ainsi de droit.

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La commission est saisie de trois amendements de suppression de l’article, AS5 de M. Gilles Lurton, AS10 de M. Jean-Carles Grelier et AS12 de Mme Josiane Corneloup.

M. Alain Ramadier. Loin de créer une emprise injustifiée de l’employeur sur le salarié, l’article L. 3142-20 du code du travail a pour but d’organiser un cadre clair permettant au salarié d’allier son rôle d’aidant à l’exercice d’une activité professionnelle, tout en garantissant à l’employeur de conserver une visibilité sur l’organisation générale de son entreprise.

Nous regrettons la volonté à l’œuvre dans l’article 3 d’opposer les salariés proches aidants et les employeurs, alors même que l’employeur doit être partie prenante dans l’évolution du statut d’aidant.

M. Jean-Carles Grelier. Je retire l’amendement.

L’amendement AS10 est retiré.

Mme Josiane Corneloup. Ce retrait forcé des employeurs du dispositif crée une automaticité qui pourrait être perçue comme une défiance envers les employeurs. Ses fondements restent à prouver en l’absence de statistiques de refus suffisamment évocatrices.

Il faut rappeler que les employeurs ne peuvent s’opposer à la prise d’un congé de proche aidant et que leur accord est requis, dans le cas de figure qui nous intéresse, seulement en dehors de certains cas d’urgence.

Cette proposition semble aussi en contradiction avec le rôle attribué aux employeurs, en cas de demande de congé de proche aidant, puisqu’il leur revient de vérifier certaines conditions, comme les déclarations sur l’honneur et les éventuels bénéfices de congé chez un employeur précédent.

L’assouplissement des fractionnements ou la transformation de congés en temps partiel doivent se faire en bonne intelligence. Dans cette optique, il conviendrait de privilégier les chartes de bonnes conduites en entreprise et l’implication responsable des employeurs, plutôt que des obligations qui risqueraient de créer des tensions inutiles sur ce sujet fédérateur.

M. le rapporteur. Je veux préciser que cette disposition n’est pas sortie de l’esprit naturellement anti-libéral qui est le mien… En quoi la décision d’un salarié de prendre un congé de proche aidant, qui n’est pas soumise à l’accord de l’employeur, serait moins déstabilisante pour l’entreprise que la décision de le prendre à temps partiel ? Du reste, ces arguments concernent d’abord le recours au congé de proche aidant, et pas tant le fait de le prendre à temps partiel.

Par ailleurs, les délais pour bénéficier du congé de proche aidant à temps partiel ou de son fractionnement sont les mêmes que pour bénéficier du congé de proche aidant dans sa forme classique.

Ensuite, le recours au temps partiel permet de donner du temps au proche aidant pour lui permettre d’apporter une aide à la personne en situation de dépendance ou de handicap, sans qu’il doive renoncer à toute activité professionnelle – l’un des objectifs que nous poursuivons.

Le fractionnement du congé, quant à lui, permet aux personnes aidantes d’accompagner la personne aidée dans des situations qui ne sont pas forcément prévisibles et n’interviennent pas à un rythme régulier.

Pour information, cet article s’inspire de plusieurs rapports du HCFEA, qui proposent notamment de rendre opposable la possibilité de prendre un congé à temps partiel, donc de créer un droit. La rédaction de ce texte a été guidée par la prise en compte des besoins, pas tant de l’entreprise ou de l’aidant, que de la personne aidée.

Mme Caroline Janvier. Certes, le temps partiel, dans certains cas, peut être à l’avantage à la fois de l’entreprise et de l’employé. Cela est moins vrai pour le temps fractionné, dans la mesure où il est plus compliqué pour l’employeur de réorganiser le travail lorsqu’il est mis devant le fait accompli.

Au-delà, il nous semble compliqué de voter en faveur de cet article, dans la mesure où nous avons, via les ordonnances modifiant le code du travail, adopté une nouvelle approche de ces questions et replacé le dialogue social au cœur de l’organisation du travail.

Bien que d’accord sur le fond et sur le principe, il nous paraîtrait contradictoire d’imposer aux partenaires sociaux la prise en compte de la situation des aidants avant même d’avoir établi une concertation. Le groupe REM votera contre cet article.

M. le rapporteur. Je reconnais volontiers que nous avons une approche différente : nous en avons déjà parlé lors de l’examen du projet de loi relatif aux ordonnances. Mais le sujet ne mérite-t-il pas que la puissance publique affirme quelque chose de plus fort, compte tenu du travail qu’elle exige des aidants ?

La commission rejette les amendements.

 

La commission rejette l’article 3.

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Après l’article 3

La commission examine l’amendement AS7 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Cet amendement vise à pérenniser la mise en œuvre du baluchonnage en France, que le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance entend simplement expérimenter. Le baluchonnage a fait ses preuves partout où il a été expérimenté et évalué.

Il convient d’encourager sans plus attendre le développement de cette activité pour soulager les aidants, dont le nombre croît chaque année, d’autant plus que les disparités géographiques de prise en compte nuisent à l’accompagnement des proches aidants.

M. le rapporteur. Le cadre d’une proposition de loi ne permet pas d’aborder toutes les questions, et celle du baluchonnage mérite un autre débat que celui que nous avons aujourd’hui.

Ensuite, je ne suis pas certain que ce sujet fasse l’objet d’un large consensus. Pour ma part, je rejette la possibilité de déroger de manière aussi importante au droit du travail – il s’agirait, avec le relayage, de travailler six jours d’affilée.

J’ai tendance à penser que l’on peut répondre autrement au besoin de répit. Nous avons notamment besoin d’un grand plan de formation des aidants professionnels pour leur permettre de s’adapter à ces situations de relayage. Un certain nombre d’associations m’ont fait part des possibilités existantes.

Par ailleurs, le financement de ce dispositif pose question. Le rapport de Joëlle Huillier établit trois niveaux de coûts, pour seulement 24 heures de baluchonnage : 619 euros en mode d’exercice prestataire ; 312 euros en mode d’exercice mandataire ; 110 euros en mode d’exercice volontariat civique.

Il paraîtrait surprenant que l’on vote une telle disposition après avoir rejetée celle que je vous proposais.

M. Alain Ramadier. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

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Article 4
Étendre le dispositif de majoration des droits à la retraite prévu pour les proches aidants de personnes en situation de handicap aux proches aidants de personnes âgées dépendantes

Cet article prévoit d’étendre le dispositif de majoration de la durée d’assurance vieillesse dont bénéficient aujourd’hui les aidants familiaux de personnes en situation de handicap aux aidants familiaux de personnes âgées dépendantes.

I.   Le droit en vigueur

Les articles L. 351-4-1 et L. 351-4-2 du code de la sécurité sociale permettent aux proches aidants de personnes en situation de handicap de bénéficier d’une majoration de la durée d’assurance pour la détermination de leur droit à pension, sous certaines conditions. Cette majoration est cumulable avec toutes les autres majorations prévues par le code de la sécurité sociale.

Dans un premier temps, la loi  2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a mis en place un dispositif de majoration de la durée d’assurance de retraites pour les parents d’enfants en situation de handicap.

Ainsi, l’article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les assurés sociaux bénéficiant de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ou, en lieu et place de cette allocation, de la prestation de compensation du handicap (PCH) – c’est-à-dire les parents d’enfant en situation de handicap – bénéficient d’une majoration de leur durée d’assurance d’un trimestre par période d’éducation de trente mois, dans la limite de huit trimestres.

La loi  2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a étendu le bénéfice de ce dispositif aux aidants familiaux assurant une prise en charge permanente d’un adulte en situation de handicap, sous certaines conditions.

L’article L. 351-4-2 du code de la sécurité sociale prévoit ainsi que l’assuré social assumant, au foyer familial, la prise en charge permanente d’un adulte en situation de handicap qui est son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité ou son ascendant, descendant ou collatéral ou l’ascendant, descendant ou collatéral d’un des membres du couple bénéficie d’une majoration de durée d’assurance d’un trimestre par période de trente mois, dans la limite de huit trimestres.

L’article D. 351-1-7 du même code fixe à 80 % le taux d’incapacité de la personne prise en charge à partir duquel cette majoration peut être obtenue, même si les conditions ont été assouplies par la Caisse nationale d’assurance vieillesse par voie de circulaire (les conditions pour obtenir une retraite anticipée suffisent).

Le code de la sécurité sociale ne prévoit pas de dispositif équivalent pour les assurés sociaux assumant la prise en charge permanente d’une personne âgée dépendante, sans qu’il existe de justification à cette différence de traitement.

II.   Le dispositif proposé

Il est proposé d’étendre le bénéfice de la majoration de la durée d’assurance dont bénéficient les aidants familiaux de personnes en situation de handicap aux aidants familiaux de personnes âgées dépendantes.

À cet effet, le présent article créé dans le code de la sécurité sociale un article L. 351-4-3 nouveau qui prévoit que les assurés sociaux assumant, au foyer familial, la prise en charge permanente d’une personne atteinte d’une perte d’autonomie d’une particulière gravité bénéficient d’une majoration de durée d’assurance d’un trimestre par période de trente mois, dans la limite de huit trimestres.

Ce nouveau dispositif reprend les mêmes critères que le droit existant en ce qui concerne les aidants de personnes en situation de handicap : le lien de parenté requis pour en bénéficier et la durée de la majoration sont identiques.

Enfin, il est prévu de renvoyer à un décret les critères d’appréciation de la particulière gravité de la perte d’autonomie de la personne prise en charge.

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La commission rejette l’article.

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Après l’article 4

La commission est saisie de deux amendements identiques, AS4 de M. Paul Christophe et AS6 de M. Alain Ramadier.

M. Paul Christophe. Depuis plusieurs années, au sein des grandes entreprises notamment, des initiatives sont mises en place en faveur des salariés aidants. On constate cependant que la dynamique enclenchée est peu ou prou freinée par la question du financement et qu’elle reste cantonnée aux grandes entreprises.

Cet amendement vise à inciter et soutenir les entreprises, indépendamment de leur taille, à développer des dispositifs d’accompagnement de leurs salariés aidants par une déduction fiscale des dépenses engagées à ce titre.

M. Alain Ramadier. L’amendement AS6 est défendu.

M. le rapporteur. Je répondrai avec beaucoup de considération, chers collègues, à ce qui est tout de même une provocation ! Si nous devons dépenser de l’argent en faveur des dispositifs liés à la perte d’autonomie et aux situations de handicap, il faut le cibler directement vers les personnes aidantes. Vous proposez de financer ce dispositif par un crédit d’impôt aux entreprises. J’ai tendance à considérer que l’on a beaucoup utilisé ce mode de financement dans le passé récent, avec des résultats discutables pour ce qui est des objectifs poursuivis, mais je n’entrerai pas dans ce débat.

Je préfère que l’on se penche sur la création de droits sociaux, dont l’effectivité sera davantage vérifiable.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement AS3 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Cet amendement vise à améliorer la réponse aux aidants souhaitant conserver leur activité professionnelle.

Dans l’intérêt du salarié comme dans celui de l’entreprise, il est préférable de privilégier une flexibilité des horaires de travail. Le code du travail prévoit la possibilité d’aménager les horaires de travail pour les aidants s’occupant de personnes en situation de handicap, ce qui est encore trop restrictif. Mon amendement vise donc à étendre cette disposition aux aidants s’occupant également de personnes en perte d’autonomie.

M. le rapporteur. Je suis favorable à cette disposition qui n’engendre pas de coût pour la collectivité.

La commission rejette l’amendement.

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Article 5
Gage

L’article 5 est l’article de gage, qui vise à assurer la recevabilité financière de la proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution.

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La commission rejette l’article 5.

M. le rapporteur. Vous comprendrez que, après l’exercice auquel nous venons de nous livrer, et même si j’ai entendu les félicitations qui m’ont été sincèrement adressées par les uns et les autres, et leur préoccupation que je ne mets pas en cause pour agir en faveur des aidants, j’ai un sentiment de colère que j’exprimerai ici avec retenue car il me semble que nous pouvons encore nous reprendre, si je puis dire. Nous avons en effet encore la possibilité de nourrir un certain nombre de discussions et d’adopter des dispositions en séance publique. Aussi, je laisse pour l’instant ma colère au vestiaire, et j’ouvre la porte à des discussions que j’espère constructives.

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L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 

 

 


–  1  –

annexe :
Liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés
à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d'article

1

Code de la sécurité sociale

Création d'un chapitre VIII bis

au titre VI du livre Ier

2

Code du travail

L3142-19

3

Code du travail

L3142-20

4

Code de la sécurité sociale

L351-4-3 [nouveau]

 

 


([1]) Études et résultats, n° 799, mars 2012.

([2]) Art. L. 3142-22 du code du travail.

([3]) Art. L. 232-3-2 du code de l’action sociale et des familles.  

([4]) 290 000 allocataires de l’APA en GIR 1 et 2 ; 47 % de ces allocataires ont un aidant en activité ; pour 10 % l’aidant n’est pas un proche éligible au congé ; chacun de ces aidants n’ouvre droit qu’à un an de congé maximum.

([5]) Bérengère Davin, Alain Paraponaris et Christel Protière, « Pas de prix mais un coût ? Évaluation contingente de l’aide informelle apportée aux personnes âgées en perte d’autonomie », Économie et Statistique, pp. 51-69, 2015.

([6]) Avant la loi « travail » du 8 août 2016, la durée d’ancienneté requise était de deux ans.

([7]) C’est-à-dire le conjoint, le concubin, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, l’ascendant, le descendant, l’enfant dont il assume la charge au sens de l’article L. 512-1 du code de la sécurité sociale, le collatéral jusqu’au quatrième degré ou ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu’au quatrième degré de son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité.