N° 777

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 mars 2018

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales
non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (n° 675)

 

 

 

PAR M. Raphaël GAUVAIN

Député

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 675, 775 et 777.

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction........................................................... 5

I. une transposition fidèle et complète de la directive

A. L’urgence à légiférer

B. Une directive laissant peu de marges de manœuvre

C. Les exceptions au secret des affaires prévues par la directive

II. Un régime de protection efficace

A. La définition du secret des affaires

B. L’engagement de la responsabilité civile en cas d’atteinte au secret des affaires

C. Un aménagement des règles procédurales pour préserver le secret des affaires

DISCUSSION GÉNÉRALE

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 151-1 à L. 153-2 [nouveaux] du code de commerce) Transposition de la directive européenne sur le secret des affaires

Article 1er bis (nouveau) (section 2 du chapitre III du titre VIII du livre IV du code de commerce) Coordination au sein du code de commerce

Après l’article 1er bis

Article 1er ter (nouveau) (livres VI et VII du code de justice administrative) Coordination au sein du code de justice administrative

Article 2 Application outre-mer

Après l’article 2

Intitulé de la proposition de loi

PERSONNES ENTENDUES ou consultÉes PAR LE RAPPORTEUR

ANNEXE 1 - Eléments de droit comparé sur le droit applicable aux secrets d’affaires

ANNEXE 2 - DIRECTIVE (UE) 2016/943 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites

 


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Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 19 février 2018 par votre rapporteur, le président du groupe La République en Marche et l’ensemble des députés qui en sont membres ou apparentés.

Elle répond à un enjeu de responsabilité : transposer, avant la date limite du 9 juin 2018, des dispositions européennes sur le secret des affaires qui nécessitent une adaptation de notre droit positif.

Elle a bénéficié de l’expertise des services du ministère de la Justice, qui ont été associés à sa rédaction, et du Conseil d’État qui en a été saisi par le Président de l’Assemblée nationale.

Elle a fait l’objet, enfin, d’une concertation approfondie : eu égard à l’importance et à la complexité du sujet le Rapporteur a jugé nécessaire de recevoir pas moins de quatre-vingt-dix spécialistes à l’occasion d’une dizaine de tables rondes et d’auditions.

Il faut souligner que plusieurs initiatives ont, par le passé, échoué à introduire dans notre ordre juridique une définition du secret des affaires face à l’extrême sensibilité du sujet, ainsi que la difficulté d’arbitrer entre la nécessité de protéger nos entreprises et l’inquiétude des journalistes et des lanceurs d’alertes sur ces questions. L’Assemblée nationale avait ainsi adopté, en janvier 2012, en première lecture, une proposition de loi de M. Bernard Carayon ([1]) visant à sanctionner la violation du secret des affaires en créant une infraction pénale, mais celle-ci ne fut jamais inscrite à l’ordre du jour du Sénat. La commission spéciale en charge de l’examen du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques avait voté, en janvier 2015, un amendement ayant pour but la « création de la notion juridique de secret des affaires », mais celui-ci fut finalement supprimé en séance ([2]).

 

Pour que cette nouvelle tentative soit un succès, les auteurs de la présente proposition de loi ont fait le choix d’une transposition fidèle de la directive, privilégiant une reprise a minima de ses dispositions et opérant une transposition « haute » sur un nombre volontairement limité de points.

 

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I.   une transposition fidèle et complète de la directive

L’objet de la présente proposition de loi est de transposer la directive du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites ([3]).

A.   L’urgence à légiférer

Comme le prévoit l’article 19 de la directive, les États membres doivent mettre en vigueur, au plus tard le 9 juin 2018, l’ensemble des dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour s’y conformer.

Le recours à une proposition de loi permet d’autant plus de satisfaire à cette exigence sans pour autant écarter l’expertise du Conseil d’État : celui-ci a été saisi, pour la première fois depuis le début de la XVème législature s’agissant d’une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale, conformément à la faculté ouverte par le dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution et par l’article 4 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

B.   Une directive laissant peu de marges de manœuvre

Comme le relève le Conseil d’État dans son avis ([4]), la directive comporte de nombreuses dispositions précises et inconditionnelles. En effet, si son article 1er permet aux États membres de prévoir une protection plus étendue que celle qu’elle requiert, c’est sous réserve du respect des articles 3 (obtention, utilisation et divulgation licites de secrets d’affaires), 5 (dérogations), 6 (obligation générale), 7, paragraphe 1 (proportionnalité), 8 (délai de prescription), 9, paragraphe 1, deuxième alinéa (cessation du caractère confidentiel des secrets d’affaires au cours des procédures judiciaires), 9, paragraphes 3 et 4 (caractère proportionné des mesures prises au cours des procédures judiciaires et protection des données à caractère personnel), 10, paragraphe 2 (constitution de garanties), 11 et 13 (conditions d’application, mesures de sauvegarde et mesures de substitution) et 15, paragraphe 3 (caractère proportionné de la publication des décisions judiciaires).


La proposition de loi n’use pas des rares marges de manœuvre ouvertes par la directive, à l’exception notable des dispositions introduites à l’article L. 152-3 et intéressant les actions en réparation civile, dont le champ excède celui prévu par l’article 14 de celle-ci, et de l’extension votée par la Commission à l’ensemble des juridictions des mesures de protection du secret des affaires, qui n’était pas requise par l’article 9 (« transposition haute »). En particulier, un choix très clair a été fait consistant à ne pas introduire de mécanisme de protection pénale du secret des affaires.

Sur d’autres points, l’état actuel du droit français est pour partie déjà conforme à la directive. Certains articles de celle-ci n’ont donc pas à faire l’objet d’une transposition expresse : tel est le cas des articles 6, paragraphe 2 (mesures justes et équitables, effectives et dissuasives, délais raisonnables), 7, paragraphe 1 (proportionnalité) et 2 (abus de procédure), 8 (délai de prescription), ou 9, paragraphes 3 et 4 (respect du droit à un recours effectif, respect de la directive 95/46/CE sur la protection des données à caractère personnel).

C.   Les exceptions au secret des affaires prévues par la directive

L’article 5 de la directive énumère un certain nombre de personnes ou de professions entrant dans le champ des dérogations à la protection du secret des affaires, au nombre desquelles les journalistes et les lanceurs d’alerte. Il garantit à ces personnes de ne pas pouvoir faire l’objet des mesures, procédures et réparations prévues en cas d’atteintes illicites au secret des affaires.

La proposition de loi reprend les exceptions au secret des affaires prévues par la directive, en se référant aux finalités suivantes : « exercer le droit à la liberté d'expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse », « dans le cadre de l'exercice du droit à l'information et la consultation des salariés », « pour révéler de bonne foi une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale dans le but de protéger l'intérêt public général » et « pour la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union ou le droit national, et notamment pour la protection de l'ordre public, de la sécurité publique et de la santé publique ». Elle se veut plus précise que la directive, dans la mesure où ces exceptions sont une question sensible.

II.   Un régime de protection efficace

Les nouvelles dispositions introduites par l’article premier de la présente proposition de loi dans le code de commerce sont divisées en trois chapitres. L’article 2 règle les modalités d’application de ces dispositions en outre-mer.

La commission des Lois y a ajouté, à l’initiative de son rapporteur, deux articles 1er bis et 1er ter de coordination.

A.   La définition du secret des affaires

Le chapitre Ier définit le secret des affaires à partir des trois critères prévus par la directive du 8 juin 2016 (section 1 – article L. 151-1 du code de commerce) et fixe les conditions dans lesquelles la protection est accordée en distinguant les détenteurs légitimes (section 2 – article L. 151-2), les atteintes illicites susceptibles d’engager la responsabilité civile de leur auteur (section 3 – articles L. 151-3 à L. 151-5) et les dérogations nécessaires pour garantir le respect des droits fondamentaux (section 4 – article L. 151-6).

B.   L’engagement de la responsabilité civile en cas d’atteinte au secret des affaires

Le chapitre II (sections 1 à 3 – articles L. 152-1 à L. 152-5) prévoit les mesures pouvant être adoptées par les juridictions dans le cadre d’une action ayant pour objet la prévention, la cessation ou la réparation d’une atteinte au secret des affaires. Sont énoncées la nature et les conditions de mise en œuvre des mesures qui peuvent être prononcées par la juridiction saisie au fond de l’action.

La Commission, suivant la préconisation de son rapporteur, a déplacé l’article L. 152-4 de la section 2 vers la section 1 de ce chapitre ; il a été renuméroté L. 152-2-1.

C.   Un aménagement des règles procédurales pour préserver le secret des affaires

Le chapitre III (articles L. 153-1 à L. 153-2) précise les règles procédurales permettant de garantir la confidentialité au cours des actions en prévention, en cessation ou réparation d’une atteinte au secret des affaires.

 

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   DISCUSSION GÉNÉRALE

  Lors de sa première réunion du mercredi 21 mars 2018, la Commission examine la proposition de loi portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (n° 675) (M. Raphaël Gauvain, rapporteur).

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Le texte qui nous est soumis est inédit à plus d'un titre.

Tout d’abord, son élaboration est le fruit d’une large coécriture : l'initiative en revient au groupe majoritaire, avec le soutien des services de la Chancellerie ; ce travail s'est poursuivi la semaine dernière au Conseil d'État, qui a ainsi examiné – dans des délais particulièrement brefs – sa première proposition de loi issue de notre assemblée depuis le début de la législature.

Ce texte assure la transposition d'une directive européenne, qui ne sera donc pas le fait d’un projet de loi – c’est un fait inédit, à ma connaissance. Il faut dire qu'il y a urgence à adapter notre droit : la directive du 8 juin 2016 sur le secret des affaires ne laisse aux États membres que jusqu'au 9 juin prochain pour réaliser la transposition nécessaire.

Il faut également souligner que cette proposition de loi intervient après cinq tentatives infructueuses, en 2004, 2009, 2012, 2014 et 2015, pour donner au secret des affaires une définition en droit français. Nous allons combler un vide juridique, cette notion n’étant pas définie en droit positif. Sa protection relève, pour l'essentiel, de l'application jurisprudentielle des règles de droit commun de la responsabilité civile. À l’inverse, de nombreux pays qui sont nos concurrents économiques, en particulier les États-Unis, disposent depuis longtemps d'un arsenal législatif performant dans ce domaine.

La proposition de loi entend remédier à cette situation en dotant notre pays d'un cadre juridique clair, précis et efficace pour assurer la protection de nos entreprises contre l'espionnage économique, le pillage industriel et la concurrence déloyale. C'est une nécessité.

Sur le fond, la proposition de loi procède à une transposition fidèle. Elle reste au plus près de la directive et écarte, lorsque c'est possible, les adaptations inutiles.

Nous avons notamment préféré que les mécanismes de protection et d'indemnisation du secret des affaires ne soient mis en œuvre que par la voie civile. L'idée d'une infraction pénale spécifique pour violation du secret des affaires, qui est sans doute à l'origine de l'échec des précédentes tentatives législatives, a ainsi été délibérément écartée.

À la suite des auditions de spécialistes de ces questions et, surtout, de l'avis du Conseil d'État, rendu la semaine dernière, j'ai déposé plusieurs amendements afin d’améliorer encore la rédaction de la proposition de loi et de lever quelques imprécisions. Avant que le débat ne s’engage, je souhaite attirer l’attention sur deux points en particulier.

Tout d'abord, je vous propose d'étendre à l'ensemble du contentieux civil et administratif les mesures spéciales qui peuvent être ordonnées par le juge afin de protéger le secret des affaires et ainsi d’aménager les règles procédurales et le principe du contradictoire. Ce sont des mécanismes qui existent déjà dans certaines matières, notamment devant l'Autorité de la concurrence. Cette solution présente l'avantage d'harmoniser les procédures applicables, quels que soient l’objet et le juge, ce qui va dans le sens d'une protection plus effective du secret des affaires. C’est une demande unanime des entreprises, des avocats, des magistrats de l'ordre judiciaire et du Conseil d'État.

Je vous propose aussi de créer un dispositif spécial, et assez inédit, pour lutter efficacement contre les procédures abusives dans le cadre du nouveau régime de protection du secret des affaires. Il s'agit de répondre aux craintes exprimées par les journalistes et les lanceurs d'alerte à propos des procédures dites « bâillons ». Ces stratégies judiciaires sont élaborées dans le seul but de déstabiliser l’adversaire en multipliant les procédures et en demandant des dommages et intérêts généralement très importants. J’ai déposé un amendement créant un régime autonome d'amende civile, avec un plafond majoré, en cas de procédures abusives ou de demandes de dommages et intérêts disproportionnés. En sanctionnant une demande manifestement non fondée ou une procédure engagée abusivement ou de mauvaise foi, nous répondrons à l’objectif, fixé par la directive, d’une protection plus effective des défendeurs. Ce sera un outil supplémentaire entre les mains du juge, qui restera maître de son utilisation au cas par cas, comme il est – et a toujours été – maître de l'articulation entre la liberté d'information et le secret des affaires.

Protéger nos entreprises tout en préservant la liberté d'informer : tel est l'office du juge. La directive et la proposition de loi n'y changent rien. Les équilibres sont respectés. Les journalistes, les lanceurs d'alerte et les représentants des salariés pourront continuer à faire leur travail, et c'est toujours le juge qui se prononcera, lors d’une procédure judiciaire, sur les dérogations dont ils pourront bénéficier en cas de révélation d’un secret des affaires.

Mme Christine Hennion, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Dans une économie de l'innovation en pleine transition numérique, la valeur ajoutée d'une entreprise, c'est-à-dire sa capacité à être compétitive et à créer de la richesse, dépend de plus en plus de ses actifs immatériels : les travaux collaboratifs des salariés, les savoir-faire et les procédés d'organisation innovants, mais aussi les données numériques, les programmes et les bases de données. Dans un même mouvement de dématérialisation de l'économie, les capacités techniques permettant de porter des atteintes illicites à des informations ayant une valeur économique dans les entreprises se sont considérablement accrues. En forçant un peu le trait, on peut dire que l'espionnage industriel ne consiste plus à s'introduire physiquement dans une usine pour voler un prototype, mais à pénétrer à distance dans des systèmes d'information afin de copier un algorithme. Selon la direction générale des entreprises, plus de 1 000 actes hostiles significatifs sont recensés chaque année à l'encontre des acteurs économiques. En réalité, la situation est probablement encore plus dégradée, car certaines intrusions parviennent à demeurer inaperçues.

Dans ce contexte, le cadre juridique actuel n'est plus suffisant pour protéger efficacement les informations sensibles des entreprises. La propriété industrielle – le droit des brevets et des marques – et le droit d'auteur – pour les logiciels d'entreprise – n’offrent que des réponses imparfaites aux nouvelles exigences de protection. La commission des Affaires économiques souhaite que les entreprises puissent avoir recours aux instruments du droit pour se défendre contre les actes malveillants. La sécurité juridique est une composante essentielle d’un bon écosystème de l'innovation, et il ne faut pas oublier que certains de nos concurrents se servent du droit comme arme d'intelligence économique. Notre commission est ainsi très impliquée dans les travaux de la commission d'enquête sur les décisions de l'État en matière de politique industrielle – je pense en particulier à la procédure de discovery, qui force nos entreprises à divulguer un nombre considérable d'informations sensibles aux juridictions américaines dans le cadre de litiges parfois très indirects.

La législation européenne sur le secret des affaires, entrée en vigueur en 2016 et que nous transposons aujourd’hui, est d'autant plus cruciale que les États ne sont pas uniquement des arbitres dans la course mondiale à l'innovation et aux parts de marché : ils interviennent directement ou indirectement, de manière offensive et défensive, en faveur des intérêts économiques de leurs entreprises. Le retard pris par l'Union européenne par rapport aux États-Unis ou à la Chine, qui considèrent l'influence économique comme un axe essentiel de leur politique extérieure, s’estompe partiellement grâce à cette directive européenne. Sa transposition dans notre droit interne est donc particulièrement attendue par les acteurs économiques.

Notre société de l'innovation est également une société de l'information. La transparence politique et économique est devenue un standard démocratique qui irrigue l'ensemble de la société civile et du monde économique. Les « affaires », qui correspondent à des actes illégaux ou commis dans l'intérêt de quelques-uns au détriment de l'intérêt général, sont de moins en moins tolérées par l'opinion publique. L'irruption de la société civile dans le milieu économique, pour en dénoncer les excès, par le biais de l'alerte éthique ou du journalisme d'investigation, contribue au renouvellement de l'effort démocratique dans notre pays et doit donc être protégée au même titre que le secret des affaires.

La commission des Affaires économiques s'est saisie pour avis des questions relevant de l'intelligence économique, qui entrent directement dans son champ de compétences. Nous avons examiné le texte hier, pendant plusieurs heures, et je présenterai tout à l’heure les trois amendements adoptés à cette occasion. La Commission que je représente partage très largement les choix de transposition qui ont été faits dans le cadre de cette proposition de loi : c’est une transposition qui correspond à une véritable ambition en matière de protection du secret des affaires. Dans le même temps, la proposition de loi ne fait aucune concession sur le terrain de la défense des droits et des libertés fondamentales.

Enfin, je voudrais insister sur la coopération entre les États membres de l’Union européenne : c’est un point de vigilance au sujet duquel nous avons adopté un amendement. Selon le considérant 33 de la directive, « afin de faciliter l'application uniforme des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive, il convient de prévoir des systèmes de coopération et des échanges d'informations entre les États membres, d'une part, et entre ceux-ci et la Commission, d'autre part, notamment en mettant en place un réseau de correspondants désignés par les États membres ». Ce n’est pas prévu dans la proposition de loi alors que c’est un point fondamental. L’Union européenne doit créer un réseau intégré et harmonisé dans le domaine de l’intelligence économique afin de protéger ses intérêts et ceux de ses entreprises. Je propose qu’un correspondant national soit en charge de ce réseau d'intelligence économique, d’abord au plan national puis en lien avec ses homologues européens. Il pourrait s'agir du commissaire à l'information stratégique et la sécurité économiques (CISSE), qui a été créé par décret en 2016. Nous pourrons en débattre, mais un fondement législatif me paraît indispensable pour souligner le caractère impérieux d’une telle coordination européenne.

M. Didier Paris. Les explications données par notre rapporteur et par la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques me paraissent tout à fait complètes. Nous devons transposer dès cette année une directive qui nous permettra de résoudre un problème de définition du secret des affaires dans notre droit. Il faut par ailleurs concilier la protection – nécessaire – du secret des affaires et celle due à des personnes qui peuvent s’exprimer légitimement, notamment les journalistes, les lanceurs d’alerte et certains salariés. Au nom du groupe La République en Marche, je tiens à souligner que ce texte nous permet de trouver un équilibre très clair et conforme à la réglementation européenne. J’ajoute qu’il n’y aura pas de surtransposition, hormis sur certains points que nous pourrons examiner en détail tout à l’heure.

M. Philippe Dunoyer. Nous connaissons bien les risques auxquels on s’expose dans ce type d’exercice : la surtransposition ou au contraire la sous-transposition. La proposition de loi évite ces deux écueils.

Au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, je voudrais d’abord saluer le travail du rapporteur, qui a présenté d’une manière très précise les enjeux de ce texte important. Il faut également souligner que le Conseil d’État s’est prononcé, dans un avis, sur cette proposition de transposition de la directive du 8 juin 2016, qui est nécessaire pour assurer la protection des savoir-faire et des informations commerciales contre leur obtention, leur utilisation et leur divulgation illicites.

Cette directive permet d’établir un niveau suffisant, proportionné et comparable de réparation au sein de l’Union européenne en cas d’atteinte au secret des affaires. Les connaissances ou les données concernées sont certes couvertes par le droit de la propriété intellectuelle mais elles doivent aussi demeurer confidentielles, car elles sont la base des capacités de recherche et de développement des entreprises. Il faut souhaiter qu’une définition du secret des affaires trouve enfin sa place dans notre droit grâce à cette proposition de loi, après plusieurs échecs au cours des dernières années.

Le texte prévoit un certain nombre de dérogations sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir tout à l’heure. Elles sont nécessaires afin de garantir plusieurs droits fondamentaux : la liberté d’expression et d’information, le droit à l’information et à la consultation des travailleurs, les droits des lanceurs d’alerte et, plus généralement, la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national.

J’ai déposé un amendement visant à attirer l’attention sur la nécessité de prendre toute la mesure du principe de spécialité législative, auquel ce texte fait déjà écho dans certains cas. Je songe en particulier à la Nouvelle-Calédonie, mais cela vaut aussi pour la Polynésie française et d’autres territoires. Les rapports entre le droit national et les droits locaux n’étant pas toujours très clairement établis, nous devons nous assurer que les protections instaurées par la proposition de loi bénéficient également à ces territoires.

Mme Marietta Karamanli. Nous examinons un texte important, qui a une double dimension, à la fois éthique et juridique. Afin d’aboutir à un texte positif, nous devons trouver un équilibre dans la transposition de la directive du 8 juin 2016, notamment grâce aux marges de manœuvre qui nous sont laissées.

Au nom du groupe Nouvelle Gauche, je tiens à saluer le travail réalisé au niveau européen pour se doter des outils nécessaires. La lutte contre l’espionnage industriel est indispensable : près de 20 % des entreprises ont déjà fait l’objet d’une tentative d’appropriation illicite de secrets d’affaires. À la différence de ses principaux concurrents, la Chine, les États-Unis ou le Japon, l’Union européenne ne disposait pourtant pas d’un cadre législatif spécifique et uniforme dans l’ensemble du marché intérieur. Il fallait donc avancer, en assurant un équilibre entre deux intérêts légitimes : celui des entreprises, qui veulent protéger certaines informations, et celui de l’opinion publique, qui a le droit d’être informée de certaines pratiques contestables – la vente de médicaments inutiles, l’existence de tarifications discriminatoires ou encore les pratiques d’optimisation fiscale. Le compromis qui a été trouvé, grâce à un important enrichissement du texte par le Parlement européen, est satisfaisant à cet égard, et il devra être correctement respecté dans notre transposition en droit français. Quelques améliorations sont en outre possibles, et j’espère que nous pourrons compter sur la volonté du rapporteur d’y travailler avec l’ensemble des parlementaires.

Ce texte pose néanmoins plusieurs questions. D’abord, il revient aux premiers détenteurs d’une information de démontrer qu’elle remplit les conditions nécessaires pour être protégée au titre du secret des affaires, notamment la valeur liée à son caractère secret. Il faut également trouver une conciliation entre, d’une part, le secret des affaires, d’autre part, la liberté de la presse et les alertes citoyennes. À la différence des dispositions introduites dans notre droit par la loi « Sapin II » de 2016, qui protège les lanceurs d’alerte en cas de dénonciation d’une menace grave pour l’intérêt général, il n’est ici question que d’une protection en cas de dénonciation d’actes répréhensibles ou illégaux. Il conviendra d’étendre la protection des lanceurs d’alerte en s’assurant que les actes légaux mais présentant une menace grave pour l’intérêt général sont aussi visés.

Par ailleurs, nous proposons de lutter contre les procédures « bâillons », c’est-à-dire les actions en diffamation abusivement engagées par des entreprises ou des particuliers contre des chercheurs ou enseignants-chercheurs dans le cadre de leurs activités professionnelles : nous devons aussi les protéger. L’amendement que nous avons déposé s’inspire directement des recommandations formulées par la « Commission Mazeaud » en avril 2017.

Nous demandons aussi que la loi protège les associations dans le cadre de leurs activités d’intérêt général. De plus en plus d’entreprises ont en effet recours à des procédures « abusives » contre des associations ou des ONG dont les missions sont alors entravées, quand ce n’est pas leur existence même qui est menacée par les conséquences de ces procédures judiciaires.

Si nous parvenons à nous entendre politiquement sur ces questions qui relèvent de l’éthique, tout en protégeant les intérêts des entreprises, auxquels nous sommes également favorables, nous aboutirons à un accord sur cette proposition de loi. J’espère que le rapporteur sera attentif et ouvert à nos amendements.

Mme Marie-France Lorho. Je suis satisfaite que nous examinions ce texte, sur lequel je souhaite formuler deux remarques préalables.

Tout d’abord, il est étrange que notre droit, notamment la jurisprudence, ait pu utiliser la notion de secret des affaires sans jamais en donner une définition, comme l’a souligné le Conseil d’État. Cela doit conduire le législateur à s’interroger sur la manière dont il écrit la loi.

Ma deuxième réflexion, sans doute plus polémique, concerne le droit fondamental à l’information. Nous savons tous que le marché des médias est largement oligopolistique en France. Il ne brille pas par la concurrence entre les propriétaires de journaux et de chaînes de télévision, et je n’évoque même pas la question explosive des aides à la presse… Les conditions d’exercice du droit à l’information ne peuvent qu’être brouillées : un journaliste travaillant dans un organe contraint par des contrats publicitaires, des actionnaires intéressés et des aides d’État voit son rapport au secret des affaires largement biaisé.

Le champ s’élargit avec ce texte, puisque nous avons à transposer une directive européenne. Selon l’exposé des motifs du projet de loi, elle « invite également les États membres à veiller à ce que la mise en place du dispositif de protection du secret des affaires ne modifie pas le cadre juridique permettant de protéger l’exercice du droit à la liberté d’expression et de communication, les droits des salariés à l’information, à la consultation et à la participation, ainsi que les lanceurs d’alertes et plus largement toute personne qui révèle une information visant à la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national ».

Le monde des affaires se caractérise par une compétition mondialisée et par des échanges très intenses entre les pays de l’Union européenne. En prétendant adopter un texte unificateur au niveau européen, je crains que nous ne fassions preuve d’idéalisme : tous les États membres ne prévoient pas les mêmes dispositions en ce qui concerne la liberté d’expression. Je voudrais donc demander à notre rapporteur s’il a exclusivement envisagé ce texte sous l’angle de la transposition d’une directive européenne et s’il pense que nos voisins en feront la même application que nous, ce qui produirait des effets identiques sur les différents marchés où se joue le secret d’affaires.

M. François Ruffin. J’interviens au nom du groupe de la France insoumise.

Le rapporteur a évoqué une « coécriture » : elle a été large, en effet, entre les lobbys et la Commission européenne ! Toute la correspondance entre la direction générale du marché intérieur et les lobbys a été analysée par l’ONG Corporate Europe Observatory : on voit très bien que l’idée vient de la Trade Secrets and Innovation Coalition (TSIC) et que ce lobby est ensuite intervenu à toutes les étapes de la construction du texte. Quand la Commission décidait d’organiser une table ronde, par exemple, elle envoyait un mail au TSIC et à BusinessEurope pour leur demander de peupler la réunion et de choisir les journalistes invités.

Un certain nombre d’entreprises françaises appartiennent au TSIC – Air Liquide, Alstom, Michelin ou Safran – mais aussi des acteurs américains, tels que Dupont de Nemours, General Electric, Intel, ou suisses, comme Nestlé, je le précise car on nous dit qu’il s’agit de protéger nos entreprises : en réalité, ce sont surtout les multinationales qui bénéficieront de ce texte. Le CEFIC, ou European Chemical Industry Council, qui est le lobby de la chimie au niveau européen, est également membre du TSIC – c’est une espèce de poupée gigogne. Dupont de Nemours, pour sa part, intervient non seulement dans le cadre du TSIC mais aussi directement auprès de la direction générale du marché intérieur. Toute cette bande a recruté comme lobbyiste Joseph Huggard, ancien salarié d’Exxon et de Glaxo SmithKline, qui se vante d’avoir trente années d’expérience au service des substances les plus controversées. Le CEFIC a pour but, affiché, de faire en sorte que les essais cliniques et les données toxicologiques ne soient pas rendus publics, et il se bat contre la possibilité de révéler l’identité des additifs, les émissions de substances chimiques ou les rejets de fumée.

Il faut aussi regarder le palmarès de Dupont de Nemours. Dupont de Nemours, c’est la firme qui a lancé l’essence au plomb dans les années 1920. Nous savons que le plomb est une substance nocive depuis l’Antiquité, depuis trois millénaires. Dès 1921, Pierre du Pont, le patron de Dupont de Nemours est tout à fait conscient de la toxicité de l’essence au plomb. Il écrit lui-même en privé que le plomb tétraéthyle (PTE) est « un liquide très toxique s’il entre en contact la peau, donnant lieu à un empoisonnement par le plomb presque immédiatement. » Mais les dirigeants de cette entreprise vont tout mettre en œuvre – achat de scientifiques, utilisation de lobbies – pour cacher la toxicité du plomb pendant des décennies.

Ce sont des récidivistes : ils ont fait la même chose ensuite avec le fluor, substance qu’ils ont inventée en 1946 et qui est encore commercialisée. En 1981, ils disposaient d’une étude très précise montrant la toxicité du fluor et ils l’ont cachée. Passons sur leurs agissements à Hawaï.

Quand de telles personnes morales – ou plutôt immorales, amorales – demandent l’adoption d’une directive sur le secret des affaires, quel est leur souhait ? Veulent-ils pouvoir continuer à cacher des études qui démontrent la nocivité de leurs produits ? On comprend l’inquiétude des personnes et des organisations qui ont signé la tribune parue depuis hier dans plusieurs médias. Parmi les signataires, on trouve des organisations non gouvernementales (ONG) comme Anticor, Sherpa ou Greenpeace. On y trouve aussi la Société des journalistes des Échos, la Société des rédacteurs du Monde, la Société des journalistes de TV5 Monde, la Société des journalistes et du personnel de Libération, la Société des journalistes de Premières Lignes.

Quelle est leur principale inquiétude ? « Les soi-disant garanties proposées par le Gouvernement français ne couvrent pas tous les domaines de la société civile et notamment le travail des associations environnementales », écrivent-ils. Quand on voit qui a été à la manœuvre pour obtenir cette directive européenne, on peut comprendre leur inquiétude.

En tant que député, délégué des gens, je pose la question : devons-nous lutter pour que les multinationales ouvrent leurs portes, leurs registres et leurs ordinateurs ou, à l'inverse, devons-nous leur offrir un instrument de plus pour qu'elles restent dans l'ombre, pour que demeure l'opacité et pour que soient punis les hommes qui viennent apporter quelques lumières sur leurs pratiques ?

Il faut voir dans quel contexte débarque cette directive. On constate l’existence de procédures-bâillons ; le journaliste Denis Robert a subi plus de cent procès ; Vincent Bolloré poursuit des journaux devant le tribunal de commerce et non plus seulement en correctionnelle pour des délits de presse ; Conforama vient de faire condamner Challenges par un tribunal de commerce. Avec ce texte, on ouvre un axe supplémentaire pour permettre aux multinationales de venir taper les lanceurs d'alerte et éventuellement les médias.

Il est des cas où, pour l'Europe, nous devons désobéir à Bruxelles. Nous pouvons refuser cette directive, ce sera notre premier acte de défense. Surtout, il nous est permis de l’adapter, de la modifier et non d’en faire, comme ici, essentiellement un copier-coller. Nous pouvons la modifier de deux manières : en réduisant la portée du secret des affaires à la fabrication et aux savoir-faire ; en accordant, selon le principe du donnant-donnant, de nouveaux droits aux ONG et aux journalistes.

Sur le premier point, il faut savoir que, dans un premier temps, l'idée de la Commission européenne était de limiter cette définition du secret des affaires à la fabrication mais le texte a évolué sous la pression des lobbies. Eh bien, revenons à l'idée initiale de la Commission européenne.

Sur le deuxième point, nous proposons des amendements visant à accorder des contreparties aux lanceurs d’alerte et aux journalistes. Les multinationales veulent cacher essentiellement leurs secrets de fabrication ? Soit, concédons-leur cela mais accordons aussi de nouveaux droits aux ONG, aux journalistes et aux lanceurs d’alerte afin de leur permettre d'accéder à certaines données.

M. Arnaud Viala. Ce texte vise à transposer une directive européenne afin de renforcer la confidentialité des informations et des savoir-faire des entreprises non couverts par la propriété intellectuelle, au sein du marché intérieur de l'Union européenne. Il s'agit, en d'autres termes, de protéger l'avantage concurrentiel constituant le capital intellectuel d’une entreprise, dans une économie largement ouverte et exposée aux prédateurs.

Dans un même temps, la directive européenne doit assurer un juste équilibre afin de respecter la liberté d'expression et de communication, les droits des salariés à l'information et ceux des lanceurs d'alerte lorsqu'ils défendent un intérêt légitime reconnu par le droit national ou européen.

La proposition de loi va donc réduire les distorsions constatées entre la directive et le droit national, et proposer au niveau européen une définition harmonisée du secret des affaires. Ce mécanisme de protection des informations ayant une valeur commerciale s'est imposé. Sans remettre en cause le droit à l'information et les lanceurs d'alerte, l'autorisation d'accès à ces informations sensibles ou confidentielles doit rester exceptionnelle et ne doit être accordée que de manière expresse et limitative. Il s'agit aussi d'un enjeu de souveraineté : la protection des entreprises nationales vis-à-vis de leurs concurrents internationaux.

Le texte actuel, si l'on en juge par le nombre d'amendements qui seront examinés par la suite, semble encore perfectible. De l’avis des membres du groupe Les Républicains, il doit aussi éviter le risque de surtransposition. Se pose également la question, que vous avez soulevée, monsieur le rapporteur, d'une réelle politique économique européenne que nous appelons de nos vœux.

M. Stéphane Peu. Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je ferai d’abord des remarques sur la forme. Il est rare et même inédit qu'une directive européenne soit transposée par le biais d’une proposition de loi et non pas d’un projet de loi. La différence n’est pas mineure puisque le recours à une proposition de loi permet, comme c’est le cas ici, de se passer d’étude d'impact.

À l'absence d'étude d'impact s’ajoute une procédure accélérée qui va nous faire légiférer en huit jours et ne laissera donc guère de place au débat, donc à la transparence, alors que le sujet le mériterait.

L'absence d'étude d'impact montre que le texte est extrêmement bancal, au point que le rapporteur a lui-même déposé quelque trente-cinq amendements. La méthode retenue ne témoigne pas vraiment d’une recherche de débats apaisés, sereins et construits à la faveur de cette proposition de loi. Je signale au passage que, il y a quinze jours, dans le cadre de notre journée réservée, nous avions déposé cinq propositions de loi sur des thématiques consensuelles et qu'à chaque fois, on nous a reproché de ne pas avoir d'étude d'impact…

J’en viens au fond. Selon nous, cette proposition de loi est brutale, injuste et injustifiée. Elle est fidèle à une directive européenne qui, comme l’a rappelé François Ruffin, a été élaborée à la suite d'un intense travail de lobbying effectué par de grandes multinationales.

Contrairement à ce que disent certains, ce n’est pas une proposition de loi au service des petites et moyennes entreprises : ce texte transpose – voire surtranspose – une directive, au service des multinationales. Il érige l'opacité des affaires en principe et la transparence en exception. Il met le droit des affaires à un niveau supérieur à celui des droits fondamentaux, notamment du droit à l'information, dans le droit français.

Ce n’est pas par hasard – et cela devrait intéresser notre assemblée – que la directive et cette proposition de loi voient se dresser contre elles des journalistes d'investigation de médias très différents, des lanceurs d'alerte, nombre d'associations, d'ONG et de syndicats : la définition extrêmement large du secret des affaires retenue dans ce texte est une arme de dissuasion contre la liberté d'informer.

Or, notre pays doit beaucoup aux lanceurs d'alerte, à la transparence et à l'investigation. Il n'y aurait pas eu l'affaire du Mediator sans les lanceurs d'alerte dont on peut mesurer le caractère salutaire. Après le vote de ce texte, des affaires comme celles du Mediator ou du Bisphénol A pourront-elles émerger ? Je n'en suis pas certain. Le week-end dernier, un grand journal américain a révélé, grâce à un lanceur d’alerte, que 50 millions de titulaires américains de compte Facebook avaient été utilisés à leur insu pour fabriquer des profils pour la campagne électorale de Donald Trump. Après le vote de cette loi, de telles investigations seraient-elles encore possibles ?

À l'inverse, une société a fait tristement parler d'elle ces derniers temps : Lactalis, qui avait érigé le secret des affaires en principe absolu. Il n’y avait pas société plus mystérieuse et plus secrète. Ne peut-on pas regretter qu'aucun salarié n’ait pu alerter sur la non-conformité des procédures de cette entreprise, avant la survenue des dégâts sanitaires ?

Rappelons qu’une pétition contre cette directive européenne, lancée par Élise Lucet, a rassemblé 500 000 signatures. Elle insiste sur les dangers qu’elle fait peser sur les lanceurs d'alerte et sur la transparence de l'information.

Nous allons déposer des amendements mais, en l'état, notre groupe s'opposera de manière assez déterminée à cette proposition de loi.

M. Philippe Latombe. À la suite de mon collègue Peu, j’indique que les membres du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés considèrent qu’une proposition de loi n’est pas le véhicule le plus adapté à la transposition d’une directive. Nous aurions aussi aimé être moins contraints par le temps. La directive devant être transposée avant le 9 juin prochain, nous nous retrouvons dans une procédure accélérée. Je ne jette pas la pierre à la majorité et au Gouvernement actuels ; la responsabilité incombe aux élus de la précédente législature qui avaient un an et demi pour effectuer cette transposition mais qui ne l’ont pas fait. Il y a des torts de chaque côté. Nous devons maintenant aller vite et nous sommes mis devant le fait accompli. Dont acte, mais il vaudrait mieux que cela ne se reproduise plus.

Autre remarque de forme : je salue le travail du rapporteur qui a demandé au Conseil d'État de se positionner préalablement sur le texte, et je remercie le Conseil d'État d'avoir bouleversé un peu son agenda pour que nous puissions avoir son avis avant de débattre.

Sur le fond, nous sommes globalement en accord avec ce texte qui permet de ne pas trop surtransposer et nous le soutiendrons. Nous avons cependant déposé quelques amendements inspirés par l'avis du Conseil d'État.

Au cours de la discussion, nous souhaiterions aborder deux sujets. En premier lieu, nous aimerions revenir sur la manière dont s’articule le présent texte avec la loi Sapin 2, en ce qui concerne les lanceurs d’alerte. Nous allons déposer un amendement à ce sujet car nous trouvons qu’il n’est pas simple d’avoir deux définitions qui s’imbriquent. En second lieu, nous voudrions discuter de l’indemnisation forfaitaire, nouveauté qui fait aussi l’objet d’un amendement de notre groupe.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Je ferai deux observations sur les interventions.

Sur la forme, il s’agit effectivement d’une proposition de loi car, comme vous l'avez souligné, la directive doit être transposée avant le 9 juin prochain. Cela étant, le secret des affaires a suscité de nombreux débats, que ce soit en France où plusieurs textes ont été déposés sur ce thème depuis 2010 ou au niveau européen, la directive ayant évolué au cours du temps avant d’être adoptée par le Parlement européen avec 76 % de voix. Le débat a donc eu lieu.

Vous avez soulevé le problème des lanceurs d'alerte. J’espère que nous parviendrons à trouver un consensus sur ce point. Notre volonté est de cumuler les régimes de protection des lanceurs d’alerte, celui de la loi Sapin 2 et celui du présent texte. Nous pourrons en discuter plus en détail lors de l’examen des amendements.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous en venons à l'examen des articles.

 

 


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   EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(
art. L. 151-1 à L. 153-2 [nouveaux] du code de commerce)
Transposition de la directive européenne sur le secret des affaires

Résumé du dispositif et effets principaux :

La transposition en droit français de la directive 2016/943/UE du 8 juin 2016 sur le secret des affaires ([5]) impose des modifications de niveau législatif. À cette fin, l’article 1er de la proposition de loi insère dans le code de commerce plusieurs dispositions nouvelles :

– il définit le secret des affaires et fixe les conditions dans lesquelles la protection du secret est accordée ;

– il prévoit les mesures pouvant être adoptées par les juridictions dans le cadre d’une action ayant pour objet la prévention, la cessation ou la réparation d’une atteinte au secret des affaires ;

– et il assure, dans le cours des procédures judiciaires, la protection du caractère confidentiel du secret des affaires.

Modifications adoptées par la commission des Lois :

La Commission a adopté 43 amendements à cet article, pour la plupart de nature rédactionnelle et proposés par le rapporteur. En particulier :

– elle a adopté un amendement du rapporteur pour protéger plus efficacement les journalistes et les lanceurs d'alerte (« procédures-bâillon »), créant un régime autonome d'amende civile, avec un plafond majoré, que la juridiction pourra prononcer en cas de procédures abusives ou de demande de dommages-intérêts disproportionnés ;

– elle a étendu les mesures de protection du secret des affaires au cours des procédures juridictionnelles à l'ensemble des juridictions civiles, commerciales ou administratives.

I.   le droit existant

Les entreprises recèlent deux types d'informations confidentielles : des informations ou des secrets d'ordre technique ; des informations ou des secrets d'ordre commercial, économique ou financier.

Les informations techniques se décomposent en savoir-faire technique, au sens du droit de la propriété, qui inclut les secrets de fabrique, et en données techniques (le contenu des dossiers d'autorisation de mise sur le marché, par exemple) ; ces dernières peuvent d'ailleurs se trouver protégées par des régimes juridiques spécifiques.

Le second type de secrets comprend les fichiers de clients et de fournisseurs, les méthodes et les stratégies commerciales, les informations sur les coûts et les prix, ainsi que les projets de développement, les sinistres, les études de marché, etc.

Seules certaines de ces informations confidentielles sont protégées au titre des secrets d’affaires.

A.   La définition du secret des affaires en droit international

La directive n° 2016/943/UE du 8 juin 2016 sur le secret des affaires s’inspire de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), qui constitue une annexe du traité de Marrakech, signé le 15 avril 1994, instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Cet accord a créé une catégorie de droits dérogatoires échappant à la libre circulation des marchandises, des personnes et des capitaux : parmi ces droits, sont nommément visés les renseignements économiques non divulgués, autrement dit les secrets des affaires. Il a été ratifié par l’ensemble des États de l’Union européenne, sans toutefois emporter une mise en œuvre uniforme.

Son article 39, alinéa 2, prévoit trois conditions cumulatives conditionnant la protection des informations confidentielles : « Les personnes physiques et morales auront la possibilité d'empêcher que des renseignements licitement sous leur contrôle ne soient divulgués à des tiers ou acquis ou utilisés par eux sans leur consentement et d'une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes, sous réserve que ces renseignements :

a) soient secrets en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de leurs éléments, ils ne sont pas généralement connus de personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre de renseignements en question ou ne leur sont pas aisément accessibles ;

b) aient une valeur commerciale parce qu'ils sont secrets ;

et c) aient fait l'objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrets ».

Certains États se sont dotés de législations spécifiques ([6]). Aux États-Unis en particulier, les secrets des affaires font l’objet d’une protection forte assurée par deux textes : l’Uniform Trade Secrets Act (UTSA) de 1979 ([7]), modifié en 1985, et l’Economic Espionage Act (EEA). L’UTSA, d’une part, donne une définition légale des secrets des affaires et prévoit les mesures civiles applicables en cas d’appropriation illicite. Ces dernières incluent notamment des dispositifs d’injonction, de réparation et de protection de la confidentialité du secret en cours de procédure. L’EEA, d’autre part, est un acte fédéral, qui sanctionne, en tant que délit, le vol et l’utilisation frauduleuse de secrets des affaires, qu’il prend le soin de définir. Ce texte formule un principe de protection des secrets des affaires au cours de l’instance pénale.

Au sein de l'Union, une dizaine d’États membres (Suède, Italie, Portugal, Bulgarie, République tchèque, Grèce, Pologne, Slovaquie, Hongrie, Lituanie) disposent d'une législation spécifique sur la protection des secrets d'affaires, incluant parfois une définition de ceux-ci ([8]). Lorsqu'aucune définition formelle n'est prévue, la notion est circonscrite par la jurisprudence : tel est le cas en Autriche, en Belgique, à Chypre, au Danemark, en Estonie, en Finlande, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Irlande, en Lettonie, au Luxembourg, à Malte, en Roumanie, en Espagne, au Royaume-Uni et en France.

B.   La qualification de ce secret en droit français

La notion de « secret d'affaires » ou de « secret des affaires » ([9]) n’est pas définie en droit français. Les modalités de gestion de la confidentialité dans le monde de l’entreprise sont éparpillées entre de nombreux textes législatifs et réglementaires dans des domaines aussi variés que le droit du travail, le droit de la concurrence ou le droit de la propriété intellectuelle ([10]).

En matière administrative, la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) est souvent conduite à autoriser la communication de documents contenant des informations intéressant la concurrence : demande d’agrément ou d’autorisation, dans des domaines aussi variés que les autorisations de mise sur le marché, ou en matière d’urbanisme commercial.

Pour apprécier les exceptions au principe de communicabilité, la CADA décline la notion de secret en matière commerciale et industrielle en trois dimensions : le secret des procédés, le secret des informations économiques et financières et le secret des stratégies financières.

La protection effective de secrets des affaires relève, à l’heure actuelle, de l’application jurisprudentielle des règles de droit commun de la responsabilité civile. Les entreprises peuvent demander réparation des préjudices résultant de l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’informations relevant du secret des affaires :

– dans le cadre de la responsabilité délictuelle, en application des articles 1240 et 1241 du code civil ;

– dans celui de la responsabilité contractuelle, en application de l’article 1231-1 : l’atteinte à un secret des affaires peut être sanctionnée lorsqu’elle intervient en violation d’une clause de confidentialité, d’une clause de non concurrence ou d’un devoir plus général de loyauté.

Par ailleurs, au stade précontractuel, il est prévu par l’article 1112-1 du code civil que « celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun ».

Au niveau européen, avant même l’adoption de la directive du 8 juin 2016, l'Union avait développé une jurisprudence sur le secret des affaires dans le cadre du droit des marchés publics et des procédures en droit de la concurrence, notamment sur le fondement du règlement n° 1/2003 du 16 décembre 2002 ([11]) .

Dans un arrêt Akzo Chemie BV du 24 juin 1986 ([12]) , la Cour de justice a précisé que les autorités communautaires se devaient de protéger les secrets d'affaires des entreprises, que le Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE) a défini dans une décision Postbank du 18 septembre 1996 ([13]) : « les secrets d'affaires sont des informations dont non seulement la divulgation au public mais également la transmission à un sujet de droit différent de celui qui a fourni l'information peut gravement léser les intérêts de celui-ci ». Cette définition a été précisée dans la décision Hynix Semiconductor du 22 février 2005 ([14]) : sont secrètes les informations « chiffrées ou techniques » relatives notamment à « la position commerciale et à la position concurrentielle de la partie demanderesse ou du tiers qu'elles concernent » et que « dans la mesure où de telles informations sont spécifiques, précises et récentes, elles sont par nature des secrets d'affaires ».

II.   La transposition opérée

A.   Un champ large de protection

1.   La nature du secret d'affaires

Pas plus que le savoir-faire ou, d'une manière générale, les secrets techniques, les secrets des affaires ne sont des droits de propriété intellectuelle, en France comme dans la plupart des États membres. La directive du 8 juin 2016 prend bien soin de le préciser, dans son considérant n° 16 : « Dans l'intérêt de l'innovation et en vue de favoriser la concurrence, les dispositions de la présente directive ne devraient créer aucun droit exclusif sur les savoir-faire ou informations protégés en tant que secrets d'affaires. La découverte indépendante des mêmes savoir-faire ou informations devrait donc rester possible. L'ingénierie inverse d'un produit obtenu de façon licite devrait être considérée comme un moyen licite d'obtenir des informations, sauf dispositions contractuelles contraires. La liberté de conclure de tels accords contractuels peut toutefois être limitée par la loi. »

La définition du « secret d’affaires » retenue par le 1) de l’article 2 de la directive correspond à celle établie à l'article 39, alinéa 2, de l'accord sur les ADPIC. Les trois caractéristiques cumulatives permettant de bénéficier de ce régime de protection sont reprises dans le nouvel article L. 151-1 du code de commerce, inséré par les alinéas 8 à 11 du présent article.

La commission des Lois a adopté plusieurs amendements à cette définition : outre des modifications rédactionnelles ou visant à reprendre les termes exacts de la directive, elle a précisé que la valeur commerciale, que revêtait une information protégée au titre du secret des affaires, pouvait être « effective ou potentielle », suivant la proposition du Conseil d’État ([15]), reprise par son rapporteur, la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques et le groupe MODEM.

2.   Le titulaire d’un secret d'affaires

Selon le paragraphe 2 de l’article 2 de la directive, est détenteur de secret d'affaires « toute personne physique ou morale qui a licitement le contrôle d'un secret d'affaires ». L'élément essentiel de cette définition réside dans le caractère licite du contrôle sur le secret, qui figure également à l'article 39, alinéa 2, de l'accord sur les ADPIC. Il permet donc une défense du secret des affaires non seulement par son détenteur initial, mais aussi par toutes les personnes contractuelles autorisées (comme dans le cadre d'une communication de savoir-faire par exemple) ([16]).

La notion de détenteur légitime est transposée à l’article L. 151-2 du code de commerce, inséré par les alinéas 14 à 18. Toutefois, contrairement au texte de la directive, on ne retrouve pas dans cette définition du détenteur légitime le fait que celui-ci a le contrôle de l’information.

Alors que le droit commun de la responsabilité civile définit uniquement les comportements illicites, les trois premiers alinéas de ce nouvel article énumèrent les moyens licites permettant l’obtention d’un secret d’affaires, à savoir :

– une découverte ou une création indépendante (a du paragraphe 1 de l’article 3 de la directive) ;

– l’observation, l’étude, le démontage ou le test  reverse engineering ») d’un produit ou d’un objet qui a été mis à la disposition du public ou qui est de façon licite en possession de la personne qui obtient l’information (partie du b du paragraphe 1 de l’article 3 de la directive) ;

– ou encore l’expérience et les compétences acquises de manière honnête dans le cadre de l’exercice normal de son activité professionnelle (reformulation partielle du d du 1 de l’article 3 de la directive).

Relevant que l’article 3 ne mentionne pas expressément cette dernière hypothèse, la commission des Lois a adopté un amendement de son rapporteur pour supprimer l’alinéa 17 (3° de l’article L. 151-2) de la proposition de loi.

L’alinéa 18 précise un point supplémentaire qui ne figurait pas dans la directive. Le b du 1 de l’article 3 exclut en effet des cas licites les personnes liées par une obligation de limiter l’obtention d’un secret d’affaires mais il ne traite pas expressément le cas d’une personne liée par une interdiction contractuelle.

De manière plus surprenante, cet alinéa qualifie expressément de détenteurs légitimes les personnes qui peuvent se prévaloir de l’une des dérogations prévues à l’article L. 151-6 du code de commerce (journalistes, lanceurs d’alerte…), alors que l’article 5 de la directive se borne à imposer le rejet de toute demande d'application des mesures, procédures et réparations prévues en cas violation du secret des affaires.

La commission des Lois a suivi les préconisations du Conseil d’État et a supprimé ces dispositions, à l’initiative de son rapporteur et du groupe MODEM.

B.   des modalités de protection classiques

1.   La définition des atteintes à un secret d’affaire

À l'instar de l'Uniform Trade Secret Act américain, la directive du 8 juin 2016 dresse la liste des actes qui constituent des atteintes illicites aux secrets d'affaires, ce qui donne le droit au détenteur de solliciter l'application des mesures de réparation, et de celles considérées comme licites. Le critère essentiel pour que ces actes soient considérés comme illicites est l'absence de consentement du détenteur du secret d'affaires. C'est ainsi que l'article 4 de la directive vise « l'obtention » d'un secret d'affaires, quel que soit son support, qui peut résulter d'un accès non autorisé à l'information confidentielle, d'un vol, d'un acte de corruption, d'un abus de confiance, de la violation d'un accord de confidentialité ou de « tout autre comportement qui, eu égard aux circonstances, est considéré comme contraire aux usages commerciaux honnêtes ».

En droit interne, les conditions posées pour avoir le droit d’agir en justice sont fixées à l’article 122 du code de procédure civile. La victime d’un préjudice qui agit en dommages et intérêts possède un intérêt à agir en justice pour obtenir réparation ([17]). La législation actuelle est donc conforme aux dispositions du 1 de l’article 4 de la directive qui prévoient que « les États membres veillent à ce que les détenteurs de secrets d'affaires aient le droit de demander l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive afin d'empêcher, ou d'obtenir réparation pour l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite de leurs secrets d'affaires ».

Le droit positif ne comporte, en revanche, pas de définition légale de la faute civile en matière d’obtention, d’utilisation ou de divulgation illicite d’un secret d’affaires, fait générateur de responsabilité. L’article L. 151-3 du code de commerce, introduit par les alinéas 21 à 24 du présent article, y remédie en transposant les dispositions du 2 de l’article 4 de la directive. L’obtention du secret des affaires est ainsi illicite lorsqu’elle intervient sans le consentement de son détenteur légitime et en violation d’une ou plusieurs des mesures prises pour en conserver le caractère secret limitativement énumérées. Il en est de même de :

– l’utilisation ou de la divulgation du secret des affaires lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime, conformément au premier alinéa du nouvel article L. 151-4, introduit par les alinéas 25 à 26 (paragraphe 3 de l’article 4 de la directive) ;

– et de la production, l’offre ou la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou le stockage à ces fins de tout produit résultant de l’atteinte au secret des affaires, en application du second alinéa du même article L. 151-4 (paragraphe 5 de l’article 4 de la directive).

Sont également illicites les cas de recel, c’est-à-dire « l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret des affaires lorsque, au moment de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation du secret des affaires, une personne savait ou aurait dû savoir que ledit secret des affaires avait été obtenu d'une autre personne qui l’utilisait ou le divulguait de façon illicite », aux termes de l’article L. 151-5, introduit par l’alinéa 27 (paragraphe 4 de l’article 4 de la directive).

Relevant toutefois que la directive utilisait l’expression « aurait dû savoir », plutôt que « ne pouvait ignorer », la commission des Lois a adopté deux amendements de son rapporteur afin de reprendre ces termes exacts aux alinéas 26 et 27. Elle a également procédé à plusieurs modifications rédactionnelles.

2.   Les dérogations à la protection du secret des affaires

Lors de sa discussion au Parlement européen, ont été introduites dans la directive plusieurs dispositions limitant l’effet de la protection du secret des affaires, aux articles premier (paragraphes 2 et 3) et 5.

L’article 5, en particulier, prévoit les cas de dérogation à la protection du secret des affaires, nécessaires pour garantir :

– la liberté d'expression et d'information ;

– le droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise, tous deux établis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

– les droits des lanceurs d’alerte ;

– et la « protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union ou le droit national ».

Le nouvel article L. 151-6 du code de commerce, inséré par les alinéas 30 à 37, regroupe les dérogations. Transposant l’article 1er de la directive, son I précise que le secret des affaires n’est pas protégé lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l’Union ou le droit national. Il garantit la possibilité pour les autorités publiques – en particulier, les autorités administratives indépendantes – de recueillir, divulguer ou utiliser des informations dans l’exercice de leurs fonctions.

Suivant l’avis du Conseil d'État, la commission des Lois a adopté deux amendements identiques de son rapporteur et du groupe MODEM afin d’expliciter l'exception au secret des affaires dont bénéficient ces autorités. Elle a, par ailleurs, apporté plusieurs modifications rédactionnelles à ces alinéas.

Sont ensuite énoncés les cas de dérogation prévus par l’article 5 de la directive, permettant de protéger :

– l’exercice du droit à la liberté d’expression et de communication et, en particulier, le respect de la liberté de la presse ;

– la révélation de bonne foi d’une faute, d’un acte répréhensible ou d’une activité illégale dans le but de protéger l’intérêt public général, correspondant au champ de protection des lanceurs d’alerte dans la directive, « y compris » lors de l’exercice du droit d’alerte tel que défini, en droit interne, par l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « loi Sapin II ») ([18]) ;

– la révélation d’une information pour la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union ou le droit national ; il peut s’agir, par exemple, d’un motif d’intérêt général tel que l’ordre public, la sécurité publique ou encore la santé publique.

La directive ne comporte aucune illustration de ce que peut recouvrer l’intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union ou le droit national. Pour aider le juge à interpréter ces dispositions, l’alinéa 34 fournit plusieurs illustrations qui figurent aux articles 45, 52 et 65 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). À l’initiative des groupes de la France insoumise, de la Gauche démocrate et Républicaine, de la Nouvelle Gauche et du MODEM, suivant l’avis favorable de son rapporteur, la commission des Lois a ajouté un exemple supplémentaire avec l’environnement (articles 191 et suivants du TFUE).

Le II de l’article L. 151-6 ajoute deux autres dérogations relatives à la situation des salariés ou des représentants du personnel qui, dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation des travailleurs prévu tant par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que par le droit interne, peuvent avoir connaissance d’informations relevant du secret des affaires. Si l’information est obtenue par des salariés, utilisée ou divulguée par leurs représentants « dans le cadre de l’exercice légitime (…) de leurs fonctions », ceux-ci ne pourront pas être sanctionnés en application des dispositions prévues par la présente proposition de loi.

Afin de protéger plus efficacement les journalistes et les lanceurs d'alerte, et plus généralement l’ensemble des personnes dont la responsabilité civile pourrait être engagée sur le terrain d’une atteinte au secret des affaires, la commission des Lois a adopté un amendement de son rapporteur créant un régime autonome d'amende civile, avec un plafond majoré, que la juridiction pourra prononcer en cas de procédures abusives ou de demande de dommages-intérêts disproportionnés. L'amende pourrait atteindre 20 % des dommages et intérêts demandés, et 60 000 euros en l'absence de dommages et intérêts. Ces dispositions ont été introduites dans un nouvel article L. 152-6.

3.   Le caractère confidentiel des secrets d'affaires au cours des procédures judiciaires

Le paragraphe 2 de l’article 9 de la directive impose aux États membres de prévoir des mécanismes permettant aux autorités judiciaires de protéger le caractère confidentiel des secrets d'affaires divulgués devant une juridiction aux fins de la procédure.

Parmi les mesures possibles doivent figurer :

– la restriction de l'accès à tout ou partie des pièces soumises par les parties ou par des tiers ;

– la restriction de l'accès aux audiences et rapports d'audience ;

– la possibilité d'obliger les parties ou des tiers à rédiger des versions non confidentielles des documents qui contiennent des secrets d'affaires ;

– et la rédaction de versions non confidentielles des décisions judiciaires.

Ces mesures devront être appliquées de manière proportionnée, de façon à ne pas nuire au droit des parties à un procès équitable.

Ces dispositions ont été intégralement transposées à l’article L. 153-1 du code de commerce (alinéas 72 à 75). Il n’existe, en effet, pas d’équivalent en droit interne : lorsqu'un litige concerne une information secrète, celle-ci doit être intégralement communiquée à l'adversaire et les secrets d'affaires ne font pas partie des exceptions justifiant que les audiences se tiennent en chambre du conseil, ce qui est de nature à dissuader les entreprises d'agir en justice pour obtenir réparation.

Dans la proposition de loi initiale, ces dispositions n’étaient applicables qu’ « à l’occasion d’une action relative à la prévention, à la cessation ou à la réparation d’une atteinte à un secret des affaires » (alinéa 72). Suivant la suggestion de son rapporteur, la commission des Lois a décidé d’étendre ces mesures de protection devant l'ensemble des juridictions civiles, commerciales ou – par renvoi – administratives : les auditions conduites avaient, en effet, démontré que les instances fondées exclusivement sur une atteinte au secret des affaires étaient assez rares, et qu’il fallait englober celles dans lesquelles cette question était soulevée de manière incidente.

En complément, le nouvel article L. 153-2 (alinéas 76 à 80) étend l’obligation de confidentialité pesant sur les avocats et autres auxiliaires de justice ainsi que les membres du personnel judiciaire et les magistrats administratifs afin de couvrir exactement les termes du paragraphe 1 de l’article 9 de la directive.

4.   La prescription des actions relatives à une atteinte au secret des affaires

Le paragraphe 2 de l’article 8 fixe à six ans la durée maximale du délai de prescription « applicable aux demandes sur le fond et aux actions ayant pour objet l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive ».

Le droit positif est déjà conforme à la directive : en matière civile, les actions personnelles et les actions mobilières se prescrivent selon le délai de droit commun de cinq ans (article 2224 du code civil) ; en matière commerciale, l'article L. 110-4 du code de commerce prévoit une prescription de cinq ans ; en matière administrative, l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 pose le principe de la prescription quadriennale des créances détenues sur l'administration. Il n’y a donc pas matière à transposition.

5.   Les mesures provisoires et conservatoires

L'article 10 de la directive prévoit l'interdiction de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires, l'interdiction de fabriquer, d'offrir, de mettre sur le marché ou d'utiliser des produits en infraction (ou d'importer ou de stocker de tels produits à ces fins), ainsi que des mesures conservatoires. Ces mesures sont, entre autres, la destruction par le contrevenant de toutes les informations qu'il détient en rapport avec le secret d'affaires obtenu, utilisé ou divulgué de façon illicite, ou leur remise au détenteur initial de ce secret.

Ces dispositions n’appellent a priori pas de mesures législatives de transposition puisqu’en droit commun une victime peut agir devant le juge des référés ([19]) pour obtenir le prononcé de toutes mesures provisoires ou conservatoires utiles. Cette possibilité d’action est prévue aux articles 808 et 809 du code de procédure civile (devant le président du tribunal de grande instance), 848 et 849 (devant le juge du tribunal d’instance), 872 et 873 (devant le président du tribunal de commerce). Ces articles autorisent un éventail très large de mesures : le président peut en effet prescrire « les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ». Il peut également faire droit à toute demande de constitution de garanties par celui à qui l’on reproche une utilisation illicite d’un secret des affaires (première phrase du 2 de l’article 10 de la directive), compte tenu du caractère très général des dispositions du code de procédure civile. Si le litige relève de la compétence de l'ordre administratif, le juge peut ordonner en référé différentes mesures.

En revanche, puisque la procédure civile contentieuse relève du décret, des dispositions réglementaires de transposition pourront préciser les mesures spécifiques susceptibles d’être ordonnées, soit par le juge des référés, soit par le juge de la mise en état, lorsqu’il est saisi dans le cadre d’une procédure ayant pour objet une atteinte illicite ou alléguée à un secret des affaires. S’agissant de la seconde phrase du 2 de l’article 10 de la directive, qui prévoit que « la divulgation d'un secret d'affaires en échange de la constitution de garanties n'est pas autorisée », il conviendra de prévoir cette limitation du pouvoir du juge par une mesure réglementaire ad hoc.

L'article 11 de la directive établit des mesures de sauvegarde pour garantir le caractère équitable et proportionné des dispositions prévues à l'article 10. Le droit positif est déjà conforme s’agissant des paragraphes 1 (possibilité pour le juge d’exiger du demandeur qu'il fournisse tout élément de preuve), 2 (prise en considération des circonstances particulières de l'espèce) et 5 de cet article (indemnisation du préjudice subi par le défendeur ou par un tiers du fait des conséquences des mesures provisoires ou conservatoires ordonnées en référé). Sur les paragraphes 3 (modalités de révocation de la mesure ordonnée) et 4 (possibilité de subordonner le prononcé des mesures à la constitution de garanties), une transposition est nécessaire et relèvera du décret d’application.

Dans un souci de lisibilité du droit, sur la proposition de son rapporteur, la commission des Lois a inséré un nouveau paragraphe V à l’article L. 152-2 du code de commerce, créé par les alinéas 43 à 50 de la présente proposition de loi, afin de renvoyer expressément à un décret d’application pour la transposition des articles 10 et 11 de la directive. Ces dispositions dissiperont tout doute quant à la capacité du juge de prendre des mesures provisoires et conservatoires pour prévenir une atteinte imminente et faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires.

L’article 12 prévoit l'interdiction de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires, l'interdiction de fabriquer, d'offrir, de mettre sur le marché ou d'utiliser des produits en infraction (ou d'importer ou de stocker de tels produits à ces fins), ainsi que des mesures correctives. Ces mesures sont, entre autres, la destruction par le contrevenant de toutes les informations qu'il détient en rapport avec le secret d'affaires obtenu, utilisé ou divulgué de façon illicite, ou leur remise au détenteur initial de ce secret.

Il n’existe pas, dans le droit positif de la responsabilité civile, de disposition spécifique permettant au juge de faire injonction à une partie de mettre fin à une situation illicite. La jurisprudence prononce cependant de telles injonctions sur demande de la partie lésée soit à titre de réparation, en sus des dommages et intérêts, soit à titre principal. En matière administrative, en revanche, des injonctions peuvent être prononcées par les juridictions (articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 911-4 du code de justice administrative). La transposition expresse de l’article 12 en matière civile, au nouvel article L. 152-2 du code de commerce, apparaît dès lors nécessaire pour les mesures au fond.

L'article 13 de la directive établit des mesures de sauvegarde pour garantir le caractère équitable et proportionné des mesures prévues à l'article 12. Le droit positif est, pour partie, compatible avec ces dispositions : il correspond à l’office du juge saisi d’un litige, défini aux articles 7, 8, 10, 12 et 13 du code de procédure civile. Néanmoins, certaines dispositions de la directive ont dû être expressément transposées au III (limitation de durée) et IV (modalités de révocation) de l’article L. 152-2, ainsi qu’à l’article L. 152-4 (compensation financière à la partie lésée), tous introduits dans le code de commerce par la présente proposition de loi. Par cohérence, la commission des Lois a décidé, sur la proposition de son rapporteur, de rapprocher ces différentes dispositions et de déplacer l'article L. 152-4 vers la section 1 du chapitre II relatif aux mesures préventives.

6.   La sanction et la réparation des atteintes à un secret d'affaires

L'octroi de dommages-intérêts au détenteur du secret d'affaires pour le préjudice subi en raison de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicites de son secret est prévu à l'article 14 de la directive, qui prescrit que soient pris en considération tous les facteurs pertinents, y compris les bénéfices injustement réalisés par le défendeur.

Les principes de la responsabilité civile et de la responsabilité sans faute de l’administration garantissent la réparation intégrale du préjudice sans perte, ni profit ([20]). Toutefois, la prise en compte des conséquences économiques négatives de l’atteinte au secret des affaires, du préjudice moral causé et des bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte (paragraphe 2 de l’article 14 de la directive) nécessite l’introduction d’un nouvel article L. 152-3 du code de commerce, aux alinéas 53 à 62 du présent article. Ces dispositions sont proches de celles introduites à l’article L. 481-3 par l’article 3 de l’ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles ([21]) ; afin d’assurer un parallélisme entre les deux dispositifs, la commission des Lois a veillé, sur la proposition de son rapporteur, à ce que soit également pris en compte la perte de chance (alinéa 54).

Toutefois, ces mesures ne visent qu'à réparer le préjudice subi par la victime et non à sanctionner le responsable ; afin de lever toute ambiguïté, la Commission a adopté un amendement de son rapporteur afin d’exclure la possibilité de dommages et intérêts punitifs (alinéa 53).

La possibilité de calculer les dommages-intérêts sur la base des redevances hypothétiques est également offerte, sur le modèle de ce qui est prévu en cas d'infraction aux droits de propriété intellectuelle (alinéa 57).

L'article 15 permet aux autorités judiciaires compétentes d'adopter, à la demande du requérant, des mesures de publicité, y compris la publication de la décision au fond, à condition que le secret d'affaires ne soit pas divulgué et que le caractère proportionné de la mesure ait été vérifié. Cette disposition est spécifique : il convient de la transposer avec un nouvel article L. 152-5 (alinéas 65 à 69) afin d’encadrer les mesures de publication des décisions de justice lorsqu’un secret des affaires est en jeu. Le paragraphe 3 de cet article 15 prévoit une liste limitative de critères très circonstanciés sur la base desquels la juridiction décide d’ordonner les mesures de publicité de la décision. Il faut relever que, en droit positif, le juge est souverain dans l’appréciation du caractère proportionné d’une demande ; dès lors, la nécessité d’une transposition expresse de ces dispositions, pour partie réglementaires, n’est pas démontrée. C’est pourquoi, la Commission, sur la suggestion de son rapporteur, a supprimé les alinéas 66 et 67 de la proposition de loi afin de respecter l’office du juge.

L’article 16 de la directive prévoit que les juridictions puissent sanctionner toute personne qui ne respecte pas, ou refuse de respecter, une mesure adoptée en vertu des articles 9, 10 et 12 ; ces sanctions incluent la possibilité d'imposer des astreintes en cas de non-respect d'une mesure. Ces dispositions n’appellent pas de transposition dans la mesure où le mécanisme de l’astreinte est prévu de manière générale par les articles L. 131-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution et par les articles L. 911-3 et L. 911-5 du code de la justice administrative.

Enfin, l’article 17 impose un mécanisme d’échange d’informations et la désignation de correspondants nationaux pour la mise en œuvre de la directive. Ces dispositions n’appellent pas de mesures législatives.

*

*  *

La Commission examine les amendements identiques CL22 de M. François Ruffin et CL54 de M. Stéphane Peu.

M. François Ruffin. En cohérence avec les propos que j’ai tenus précédemment, nous proposons de supprimer cet article.

Revenons sur le contexte qui ne m’a pas semblé être bien pris en compte, hier, lors de l’examen du texte par la commission des Affaires économiques. Il n’y en a que pour le business, dans cette proposition ! Quelles sont les contreparties ? Pour notre part, nous proposons une sorte de donnant-donnant : si nous protégeons le secret des affaires, nous devons accorder une protection plus forte aux lanceurs d'alerte. Nous demandons la suspension de cette directive, en attendant une directive très claire sur les lanceurs d’alerte au niveau européen.

Nous disposons d'une marge de manœuvre dont je ne suis pas sûr qu’elle soit complètement prise en compte. Pourquoi n’avons-nous pas d'étude d'impact ? Lors des débats en commission des Affaires économiques, la rapporteure pour avis a justifié cette absence par le fait que des études d’impact avaient été réalisées au niveau européen. Vous auriez pu reprendre l’argument, monsieur le rapporteur. Or, les études lancées par la Commission européenne reconnaissent toutes que le texte sur le secret des affaires risque de limiter le droit à l'information, avant de conclure que les intérêts supérieurs des affaires méritent bien quelques entorses aux droits fondamentaux. Voilà le choix que nous avons à faire. Devons-nous placer le secret des affaires au-dessus des droits fondamentaux ?

M. Stéphane Peu. Pour défendre notre amendement de suppression, je ne vais pas répéter ce que j'ai dit dans mon propos liminaire. Cela étant, je signale au rapporteur que notre droit actuel protège déjà les brevets ou la confidentialité de l'information des entreprises. Nous ne voyons pas ce que la transposition de cette directive va apporter de plus en la matière. En revanche, nous comprenons l'inquiétude légitime qu’elle suscite parmi les ONG, les journalistes et les lanceurs d'alerte qui redoutent une limitation de leur capacité à agir.

Il se trouve que ce texte vient en débat dans notre assemblée au moment où un ancien Président de la République est mis en examen à la suite de révélations faites par la presse. Cet épisode intervient après d’autres révélations sur les montages fiscaux du groupe Kering, ancien groupe Pinault-Printemps-Redoute (PPR) et sur les agissements du groupe Lafarge avec les terroristes de Daesh en Syrie. Ces informations n’auraient pas été divulguées sans les lanceurs d'alerte et sans la presse.

Notre amendement de suppression vise donc à protéger des personnes qui jouent un rôle salutaire pour la démocratie et l'intérêt général : les lanceurs d'alerte et les journalistes d'investigation.

M. Alain Tourret. L’ancien Président de la République n’est pas mis en examen !

M. Stéphane Peu. En effet, il est en garde à vue…

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. Nous sommes obligés de transposer la directive avant le 9 juin prochain pour respecter la parole de la France et ne pas nous exposer à des sanctions financières.

Mme Danièle Obono. Ce texte doit nous donner l’occasion d'exercer des droits qui ont un impact en France mais aussi en Europe, à quelques mois des élections européennes. Comme l'ont dit nos collègues Peu et Ruffin, nous pouvons utiliser les marges de manœuvre dont nous disposons au niveau européen pour transposer de manière à mettre en adéquation la protection des secrets de fabrication des entreprises – ce qui est un souci tout à fait légitime – avec nos valeurs fondamentales et la protection des libertés.

Nous avons la possibilité de montrer à nos concitoyens que nous ne nous contentons pas de photocopier les directives de Bruxelles sans en débattre. À la faveur de cet exercice, nous devons montrer que tout n’est pas toujours de la faute de Bruxelles, que nous ne sommes pas soumis à des intérêts connus et dénoncés grâce au travail de lanceurs d'alerte, à ces lobbies ayant pignon sur rue et qui font prévaloir l'intérêt des multinationales.

L’argument qui consiste à dire que nous devons transposer la directive telle quelle est fallacieux et alimente le discrédit dont souffre l'Union européenne. Nous aurions tous intérêt à montrer que nous sommes conscients de nos responsabilités.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Il existe, effectivement, des marges de manœuvre – transposition basse ou haute – dont nous pourrons discuter lors de la présentation de vos autres amendements. Celui-ci vise à supprimer l'article 1er, c'est-à-dire à empêcher toute transposition. Or, je le répète, cette transposition doit avoir lieu avant le 9 juin prochain.

Mme Christine Hennion, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. En écoutant cette discussion, on pourrait croire que ce texte va priver les lanceurs d’alerte de toute possibilité d'intervenir et entraîner la fin du journalisme d'investigation. M. Peu vient de nous citer l’exemple de Facebook, une affaire qui s’est déroulée aux États-Unis où un texte, équivalent à celui qui nous est proposé, est en vigueur depuis plus de vingt ans. Apparemment, il n’empêche pas le journalisme d'investigation. Je ne pense donc pas que le fait de protéger les entreprises mette un frein à ce droit d'expression fondamental que nous souhaitons tous garder de manière équilibrée.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement CL8 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. On nous dit qu’auparavant nous avions un problème de définition du secret des affaires. Pour moi, ce problème demeure. Cette définition est un enjeu de lutte.

Comme je l’ai déjà indiqué, l'Union européenne avait au départ une définition relativement restreinte du secret des affaires. Dans sa première ébauche, il était destiné à protéger les innovations et les produits, et à la lutter contre la contrefaçon. Ainsi cerné, il était tout à fait acceptable, mais les lobbies sont alors montés au créneau. Selon le cabinet d’avocats Baker McKenzie, « le secret des affaires apparaît comme l'outil parfait pour la protection de la propriété intellectuelle parce qu'il n'existe pas de limitation générale pour les sujets concernés. » C’est bien tout le problème. Nous voulons une définition plus précise de ces sujets concernés.

À cet égard, les signataires de la tribune écrivent : « En effet, la définition des secrets d'affaires est si vaste que n'importe quelle information interne à une entreprise peut désormais être classée dans cette catégorie. L’infraction au secret des affaires aurait lieu dès lors que ces informations seraient obtenues ou diffusées et leur divulgation serait passible de sanctions pénales. Les dérogations instituées par le texte sont trop faibles pour garantir l’exercice des libertés fondamentales. Des scandales comme celui du Mediator ou du Bisphénol A, ou des affaires comme les Panama Papers ou LuxLeaks pourraient ne plus être portés à la connaissance des citoyens. »

Pour répondre à Mme Hennion et à M. Peu, je dirais que je ne suis pas aussi pessimiste que les auteurs de cette tribune. Je ne pense pas que le secret des affaires va suffire à faire taire quelque chose qui existe en l'homme : le désir de vérité et de justice. Mais de quel côté se place-t-on ? Offre-t-on davantage de moyens à ceux qui sont habités par ce désir de vérité et de justice ? Offre-t-on un instrument de pression supplémentaire à ceux qui veulent les faire taire ?

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Dans le cadre de la transposition de la directive, la définition du secret des affaires est d’harmonisation minimale, ce qui veut dire qu’on ne peut pas la modifier. Je répète que cette directive a été adoptée par le Parlement européen avec près de 80 % des voix, et à la suite de nombreuses consultations. Lors des auditions, les syndicats et même les journalistes ont reconnu que la définition avait évolué au cours de discussions assez larges qui avaient permis d’arriver à ce pourcentage.

L'un des objectifs de la directive est de protéger nos entreprises au niveau européen. L’intérêt est donc d’adopter la même définition du secret des affaires et les mêmes procédures d’application en France, en Italie ou en Espagne. C’est tout l'enjeu du projet européen. Je suis donc défavorable à cette définition resserrée du secret des affaires.

M. François Ruffin. Ce mode de définition est tautologique : est secret des affaires ce que les entreprises considèrent comme étant le secret des affaires. Laissons les entreprises réécrire Le Petit Robert et nous serons tranquilles !

La Commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Monsieur Ruffin, vous n’êtes pas membre de notre Commission, je vous remercie de ne pas prendre part aux votes.

M. François Ruffin. Pardon ! J’observe toutefois que cela ne change pas grand-chose au résultat des scrutins… (Sourires.)

M. Pacôme Rupin. Ça n’est pas la question : la démocratie veut que l’on applique le règlement !

La Commission examine l’amendement CL50 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Nous proposons de reprendre les termes de la directive et de remplacer le mot « traitant » par les mots « s’occupant de ».

L’article 2 de la directive définit la notion de secret des affaires et se réfère à des informations qui sont « secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre d’informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles. »

Monsieur le rapporteur, je pense qu’il y a un problème de traduction. Dans Le Petit Robert ou dans d’autres dictionnaires, les verbes « traiter » et « s’occuper de » ne signifient pas tout à fait la même chose. Je compte sur votre bon sens.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Votre remarque est pertinente. Avis favorable.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL63 du rapporteur.

Elle examine ensuite les amendements identiques CL64 du rapporteur, CL103 de la rapporteure pour avis et CL59 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Nous souhaitons revenir au texte de la directive et insérer les mots « effective ou potentielle » après le mot « commerciale », à l’alinéa 10. En effet, le secret des affaires peut concerner des informations commerciales potentielles.

M. François Ruffin. Nous nous opposons à cette modification. Cet amendement va encore élargir une notion déjà beaucoup trop vaste. Pour notre part, nous voulons plutôt resserrer la définition du secret des affaires sur les domaines essentiels de l'entreprise.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Cette définition a été suggérée par le Conseil d'État et elle colle mieux à la définition de la directive, notamment à son considérant qui contenait ces termes « effective ou potentielle ».

Quelle est la conséquence pratique de cette définition de la valeur commerciale ? Prenons une start-up qui développe un véritable savoir-faire qui n’est pas encore sur le marché. Ce savoir-faire n'aura qu’une valeur commerciale potentielle. Le texte initial était donc moins protecteur que ne le voulait la directive.

Mme Christine Hennion, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à couvrir aussi tous les nouveaux modèles d'affaires qui peuvent se développer dans une société numérique. Dans le cas d'une imprimante 3D, tout est fait par un logiciel mais vous vendez des produits. Il faut aussi protéger les start-up qui ont des secrets à protéger mais qui ne vendront rien avant plusieurs années.

La Commission adopte les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement CL41 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris. Nous proposons de reprendre le texte exact de la directive. Au-delà de l'aspect formel, il s’agit de viser une condition particulière.

En France, des entreprises sont délégataires de service public ou chargées de concessions de service public. À ce titre, elles sont tenues par la récente loi de 2016 de donner des indications aux collectivités territoriales ou aux autorités publiques concédantes. Dans certains cas, ces indications peuvent concerner le secret des affaires.

Nous voulons faire en sorte que cette transmission obligatoire de la part de l'entreprise ne lui soit pas ensuite opposée dans le cadre de sa propre démarche de protection. C’est pourquoi nous proposons d’ajouter les mots « compte tenu des circonstances » après le mot « raisonnables » à l’alinéa 11.

Cet ajout permettrait de viser cette situation particulière et de protéger les entreprises lorsqu’elles ont été tenues de divulguer des éléments aux collectivités concédantes.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL36 de M. Stéphane Peu, CL51 de Mme Marietta Karamanli et CL57 de M. Philippe Latombe.

M. Stéphane Peu. Nous nous interrogeons sur la précision et la valeur du terme « raisonnable »…

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Monsieur Peu, il me semble que vous vous trompez d’amendement.

M. Stéphane Peu. Je vous prie de m’excuser. Nous souhaitons que soit spécifiquement mentionné à l’alinéa 11 le caractère confidentiel de l’information.

J’ai eu quelques responsabilités dans des secteurs d’activité où circulaient des informations confidentielles, et les entreprises ont pour cela des procédures. Si la confidentialité est expressément mentionnée, on évite les interprétations.

Mme Marietta Karamanli. Il s’agit de faire en sorte que la personne qui détient une information confidentielle ait bien connaissance de son caractère confidentiel.

M. Philippe Latombe. Je voudrais faire un parallèle avec ce qui existe en droit social pour les instances représentatives du personnel (IRP). Lorsqu’une entreprise communique aux représentants du personnel des informations stratégiques qu’elle a le devoir de leur communiquer, elle peut leur indiquer qu’elles sont confidentielles.

La culture de la confidentialité est par ailleurs une chose qui s’acquiert. Cela permet à chacun, dans une entreprise ou une administration, de faire le tri entre ce qui est vraiment confidentiel et ce qui ne l’est pas.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. En exigeant de mentionner explicitement que l’information est confidentielle, on ajoute une condition qui n’est pas prévue par la directive pour caractériser le secret des affaires. Or nous devons nous en tenir au niveau minimal de transposition de la définition du secret des affaires.

Mme Christine Hennion, rapporteure pour avis. Il est essentiel en effet que les entreprises aient des procédures de confidentialité, mais cet ajout s’applique aux procédures papier, alors que nous devons aujourd’hui envisager d’autres types de support et d’autres manières de travailler.

M. Stéphane Peu. Je pense surtout que, quand il s’agit de faire la loi, tout ce qui est précis est utile – notamment devant un tribunal –, et que tout ce qui est imprécis est, par définition, aléatoire. En matière de secret, quelles que soient les procédures – papier ou non –, nous avons les moyens de spécifier formellement le caractère confidentiel d’une information.

Mme Marietta Karamanli. Je pense, comme Stéphane Peu, qu’on ne doit pas laisser trop de marge d’interprétation au juge qui aurait à se prononcer.

Mme Danièle Obono. Nous soutenons ces amendements, et je m’étonne de la réponse du rapporteur dans la mesure où l’article 3 de la directive sur le secret des affaires indique que « l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est considérée comme licite dans la mesure où elle est requise ou autorisée par le droit de l’Union ou le droit national », ce qui nous donne précisément les marges de manœuvre pour intervenir sur la définition du secret des affaires.

Par ailleurs, qu’il s’agisse d’un document papier ou d’un document numérique, on peut indiquer son caractère confidentiel. Cette proposition n’a donc rien de passéiste. Au contraire, il est de notre responsabilité d’être très précis et d’encadrer de manière plus claire et plus forte le droit que nous mettons en œuvre.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. L’article 1er de la directive spécifie bien que la définition du secret des affaires ne peut faire l’objet d’une surtransposition.

Quant aux procédures de confidentialité, les entreprises vont naturellement mettre en place des bonnes pratiques pour appliquer la directive et protéger leurs informations dans le respect du droit. Il est donc évident qu’elles établiront des dispositifs permettant d’identifier les documents confidentiels, puisque c’est la condition pour bénéficier de la protection du secret des affaires.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l’amendement CL9 de M. François Ruffin.

M. Frnçois Ruffin. L’idée générale de cet amendement de repli est que ça va mieux en le disant. En d’autres termes, nous proposons de mentionner explicitement les données ne pouvant être couvertes par le secret des affaires, compte tenu de leur importance au regard de l’intérêt général, à savoir l’impact environnemental et sanitaire de l’activité de l’entreprise et de ses sous-traitants, les conditions de travail des salariés, les relations avec les sous-traitants et les filiales, ainsi que toutes les informations ayant trait aux différents montages fiscaux. La mention explicite de ces éléments dans la loi apportera des garanties aux ONG, aux lanceurs d’alerte et aux journalistes.

Quand le biologiste américain Jonas Edward Salk a découvert le vaccin contre la polio, il a annoncé qu’il ne ferait pas breveter sa découverte mais qu’il la mettrait à la disposition du monde entier, pour le bienfait de l’humanité. On voit comme les temps ont changé, puisque aujourd’hui, non seulement les découvertes scientifiques de ce type sont immédiatement brevetées mais les multinationales s’empressent également de breveter ce qu’elles n’ont pas inventé, à savoir le vivant, qui existe depuis des milliards d’années.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. Vous modifiez totalement la définition du secret des affaires.

Mme Danièle Obono. Le rapporteur nous oppose une nouvelle fois l’impossibilité de revenir sur la définition du secret des affaires. Mais, si on se réfère à l’article 34 de la Constitution, qui, dans le but de protéger les libertés fondamentales, indique ce qui relève ou non de la loi, c’est pourtant une prérogative du Parlement. Quant à l’article 3 de la directive, même si cette dernière pose certaines limites, il nous laisse quelques marges de manœuvre pour transposer la définition du secret dans notre droit national. L’argument du rapporteur ne tient donc ni du point de vue politique ni du point de vue juridique.

Invoquer systématiquement la rigidité des directives européennes pour justifier la paralysie des parlementaires et leur déresponsabilisation, alors que nous sommes censés faire la loi, va à l’encontre d’une Europe qui protège ses citoyens plutôt que la finance. Nous sommes en train de nous tirer une balle dans le pied !

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Je vous renvoie aux articles 54 et 55 de la Constitution sur le respect par la France de ses engagements internationaux, et notamment le respect des directives. Encore une fois, la directive a été adoptée au niveau européen, et votée au Parlement par l’essentiel des députés français.

Peut-être n’avons-nous pas le même projet européen, mais c’est en ayant la même définition du secret des affaires et des moyens mis en œuvre pour le défendre en Allemagne, en France, en Italie et dans les autres États membres que nous pourrons défendre nos entreprises, notamment contre la concurrence déloyale ou le pillage industriel.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL65 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL4 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Je vais retirer cet amendement compte tenu des réponses qu’a apportées le rapporteur. Il a raison : les entreprises ne manqueront pas de mettre en place des procédures d’alerte et de sécurité.

L’amendement CL4 est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL99 du rapporteur et l’amendement CL60 de M. Philippe Latombe.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. L’article 3 de la directive, qui énumère les cas de détention licite, ne mentionne pas le cas où le secret des affaires est obtenu par « l’expérience et les compétences acquises de manière honnête dans le cadre de l’exercice normal de son activité professionnelle », ainsi que le mentionne l’alinéa 17. La remarque nous en a été faite par les magistrats que nous avons auditionnés, mais également par le Conseil d’État. Nous proposons donc de supprimer l’alinéa 17, pour rester dans le cadre d’une transposition minimale.

M. Philippe Latombe. Nous proposons pour notre part de modifier cet alinéa pour y introduire la référence à un « comportement loyal ». Comme vous le disiez en effet, la directive ne prévoit pas, parmi les cas d’obtention licite d’un secret des affaires, l’expérience et les compétences acquises de manière honnête dans le cadre de l’exercice normal de son activité professionnelle. La notion de « comportement loyal », souvent utilisée en droit français, permettrait de couvrir le champ de ce qui est proposé par la directive.

La Commission adopte l’amendement CL99.

En conséquence, l’amendement CL60 tombe.

La Commission examine ensuite les amendements identiques CL67 du rapporteur et CL61 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Conformément à l’esprit de la directive, les lanceurs d’alerte et les journalistes entrent dans le champ des dérogations applicables à la protection du secret des affaires. Ces personnes sont protégées, mais elles ne deviennent pas pour autant des détenteurs légitimes du secret des affaires, au sens de la directive. Le présent amendement vise donc, conformément à la préconisation du Conseil d’État, à supprimer cette mention dans la loi.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. C’est en effet une recommandation du Conseil d’État, parce que le fait que des journalistes ou des lanceurs d’alerte publient des informations confidentielles ne les rend pas, au sens de la directive, détenteurs légitimes de ces informations, dont ils pourraient, si c’était le cas, faire éventuellement un usage commercial.

La Commission adopte les amendements.

Elle en vient à l’amendement CL3 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. L’objectif de cet amendement est de préciser les sanctions encourues par les personnes qui enfreindraient le secret des affaires d’une entreprise. Il spécifie par ailleurs des exceptions raisonnables à son application, en tenant compte des obligations auxquelles les entreprises doivent aujourd’hui déférer : les publicités instituées par les lois et les règlements, les demandes d’information émanant de l’autorité judiciaire agissant dans le cadre de poursuites pénales ainsi que de toute autorité juridictionnelle, ou encore les cas de signalements ou d’informations relatifs à des faits susceptibles de constituer des infractions ou des manquements transmis aux autorités compétentes.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. Vous optez pour une transposition dite « haute » en établissant une infraction pénale pour violation du secret des affaires. Nous n’avons pas choisi de créer cette infraction spécifique pour plusieurs raisons, notamment parce que toutes les tentatives qui ont eu lieu en France depuis 2010 de mettre en place une protection du secret des affaires, sont passées par la voie pénale et la création d’une infraction spécifique, ce qui a suscité de très larges débats. Lors de l’examen d’un précédent texte de loi, le Conseil d’État avait d’ailleurs formulé une mise en garde sur l’utilité et le bien-fondé au regard du principe de légalité de cette infraction pénale.

J’ajoute qu’en cas d’atteinte au secret des affaires, le procureur a à sa disposition les infractions d’ordre général – le vol, l’abus de confiance ou le recel – pour pouvoir poursuivre.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL32 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Vous m’avez repris tout à l’heure, madame la présidente, mais mon amendement portait sur l’alinéa 11 qui comporte bien la notion de mesures de protection « raisonnables » que nous souhaitions modifier. Vous faisant aveuglément confiance, j’ai cru que j’étais dans l’erreur et que vous aviez raison…

L’amendement CL32 complète la rédaction du texte pour le rendre plus explicite et, de notre point de vue, plus fidèle à l’esprit de la directive et aux besoins des acteurs économiques, en précisant que l’obtention du secret des affaires est illicite lorsqu’elle est opérée « dans un but de concurrence illégitime permettant aux bénéficiaires des informations de tirer un profit de manière indue d’investissements financiers, réalisés par un autre, portant ainsi une atteinte aux intérêts de l’entreprise victime ». Cette précision, soutenue par un collectif d’ONG, d’associations et d’organisations syndicales, garantit qu’il ne sera pas porté atteinte à la capacité d’agir des journalistes, des lanceurs d’alerte ou des syndicats.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment. En ajoutant cette précision, vous restreignez considérablement la définition même du secret des affaires.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL68, CL69 et CL70 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement CL104 de la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques.

Mme Christine Hennion, rapporteure pour avis. La directive précise que les « biens dont le dessin ou modèle, les caractéristiques, le fonctionnement, le procédé de production ou la commercialisation bénéficient de manière significative de secrets d’affaires obtenus, utilisés ou divulgués de façon illicite » sont en infraction. La proposition de loi transpose cette disposition en se référant à « tout produit résultant de l’atteinte au secret des affaires », car la suppression du caractère significatif de l’atteinte au secret des affaires, constitue une surtransposition qu’il convient d’éviter.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Je vais vous demander de retirer cet amendement pour que nous en rediscutions. Le Conseil d’État n’a pas signalé de surtransposition sur ce point, mais nous verrons avec les services de la Chancellerie s’il est pertinent de le redéposer en séance publique.

L’amendement CL104 est retiré.

La Commission examine l’amendement CL71 du rapporteur.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Il modifie la rédaction du texte, suite à une observation du Conseil d’État, là encore pour mieux coller à la définition donnée par la directive.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL49 de Mme Marietta Karamanli et CL35 de M. Stéphane Peu.

Mme Marietta Karamanli. L’alinéa 26 peut, selon nous, poser des problèmes d’interprétation. Nous proposons donc d’inverser la charge de la preuve et d’écrire qu’il appartient au détenteur légitime du secret d’apporter la preuve de sa violation. Il me semble important en effet de se référer au principe de la bonne foi.

Je sais que nous ne pouvons pas modifier la définition du secret des affaires, mais nous sommes ici dans la section 3, qui traite de l’obtention, de l’utilisation et de la divulgation illicites du secret des affaires.

M. Stéphane Peu. Notre amendement propose également d’inverser la charge de la preuve dans les cas de divulgation illicite d’un secret. Cela rééquilibrerait ce texte dans un sens plus favorable à ces personnes qui prennent des risques pour divulguer certaines informations. Accorder une protection aux plus faibles et aux plus exposés est plus conforme à l’idée de la justice que nous nous faisons que de protéger les plus forts.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. Ces amendements sont satisfaits, dans la mesure où, devant une instance judiciaire, c’est toujours à la personne demanderesse de démontrer que sa requête est légitime. Dans le cas d’une entreprise détentrice légitime d’un secret, ce sera à elle de démontrer que la personne qui s’en est emparé savait, ou ne pouvait ignorer, qu’il s’agissait d’un secret.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte successivement l’amendement de cohérence CL72 et l’amendement rédactionnel CL73 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL2 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. L’objectif est de répondre à l’application imparfaite de la loi dite « de blocage », qui n’est pas suffisamment prise en compte par les autorités étrangères, notamment parce qu’elle n’est pas suffisamment appliquée par les pouvoirs publics ; elle constitue par ailleurs une source de complication majeure pour les entreprises françaises.

Seules les informations vraiment confidentielles seraient ainsi protégées, ce qui permettra de réaffirmer, de manière crédible, l’importance du dispositif vis-à-vis des autorités étrangères et de mieux répondre aux inquiétudes des entreprises françaises qui, aujourd’hui, ne peuvent, en théorie, rien transmettre aux autorités étrangères sans passer par les conventions et traités internationaux mais qui, en pratique, sont généralement amenées à transmettre directement de nombreuses informations, faute d’effectivité de la loi du 26 juillet 1968.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. La problématique de la loi de blocage s’inscrit hors du champ de la directive. La directive concerne uniquement le secret des affaires, qui est ce qu’on appelle un secret de basse intensité, dans la mesure où, si une autorité judiciaire ou administrative demande à l’entreprise de lui communiquer des documents confidentiels, celle-ci ne peut en aucun cas lui opposer le secret des affaires.

Or, votre amendement défend le principe inverse. S’il répond aux difficultés que peuvent rencontrer les entreprises françaises – les multinationales mais aussi beaucoup de PME – face à des demandes émanant d’autorités judiciaires étrangères, notamment américaines dans le cadre des procédures de discovery, il renvoie au débat qui devrait avoir lieu dans les mois ou les années à venir sur la réforme de la loi de blocage.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL74 du rapporteur.

Elle examine ensuite les amendements identiques CL75 du rapporteur et CL62 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Il s’agit, conformément à l’avis du Conseil d’État, de préciser la rédaction de l’alinéa 30.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Le Conseil d’État recommande en effet de clarifier le fait que le secret des affaires est un secret de basse intensité, et que, face à des demandes émanant d’autorités judiciaires ou administratives, l’entreprise ne pourra en aucun cas refuser de communiquer des documents en se protégeant derrière lui.

La Commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL76 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL27 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. En matière de protection, nous devrions déjà faire appliquer les dispositions votées récemment ; ainsi, les dispositions concernant les lanceurs d’alerte datent seulement de juin 2016.

Si, comme le propose le texte, nous affaiblissons la portée du secret des affaires, au nom de la liberté d’expression et de communication, en y englobant la liberté de la presse, les entreprises risquent de se retrouver dans la situation de ne pas pouvoir attaquer les enquêtes biaisées publiées par des journaux appartenant à des propriétaires concurrents. Vu ce que sont les détenteurs des médias en France, c’est une possibilité que nous ne devrions pas prendre à la légère.

La protection du journalisme d’investigation est, selon moi, déjà garantie par les alinéas 33 et 34. J’y ajouterai simplement la notion de droit à l’information, même si je reconnais qu’elle est juridiquement peu précise. Toutefois, il existe un arrêté du 22 décembre 1981 selon lequel « l’information est un élément de connaissances susceptible d’être représenté à l’aide de conventions pour être conservé, traité ou communiqué ». La mention du droit à l’information couvrirait donc les ambitions de cet alinéa, tout en prévenant des travers regrettables.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. Votre amendement restreint la protection accordée aux journalistes. Cela n’est pas utile et irait à l’encontre des objectifs de la directive sur ce point.

La Commission examine l’amendement CL48 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Cet amendement s’appuie directement sur le texte de la directive, qui précise explicitement qu’elle ne « porte pas atteinte à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information établi dans la Charte, y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias ». Il me semble donc important, pour la clarté de la proposition de loi, de reprendre le libellé de la directive en faisant référence, à l’alinéa 32, non pas au droit à la liberté d’expression et de communication, mais au droit à la liberté d’expression et d’information tel qu’il est défini dans le membre de phrase que j’ai cité.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Le Conseil constitutionnel utilise plus couramment l’expression « liberté d’expression et de communication ». Nous pouvons cependant envisager, d’ici à la séance, d’apporter la précision que vous demandez ; en attendant, je vous propose de retirer l’amendement.

L’amendement CL48 est retiré.

La Commission en vient aux amendements identiques CL5 de Mme Marie-France Lorho et CL55 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. Pour être tout à fait claire, nous ne sommes pas les auteurs de cet amendement mais nous le défendons pour le compte de Transparency International, car nous avons estimé que la définition du droit d’alerte qui figure dans la loi Sapin II, à laquelle l’alinéa 33 renvoie tout en l’insérant dans une catégorie plus large, est en fait beaucoup plus protectrice pour l’entreprise comme pour le lanceur d’alerte et, surtout, plus claire, car elle fait l’économie de la traduction de notions anglo-saxonnes. Nous disposons en effet de nos propres concepts qui, à notre sens, ont été fidèlement restitués par la définition de la loi Sapin II, tout à la fois claire et précise.

« Révéler de bonne foi une faute, un acte répréhensible » : c’est là une formulation assez floue qui ne correspond ni à notre ordonnancement, ni à notre architecture. Certes, le Conseil d’État est favorable à cette définition mais nous n’avons pas été convaincus. Nous maintenons donc cet amendement dans un souci de clarté mais aussi de meilleure application et de non-surtransposition de la directive.

Mme Marie-France Lorho. L’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique est ainsi rédigé : « Un lanceur l’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale prise sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ». Je pense que cette définition se suffit à elle-même et que le début de l’alinéa 33 est superflu compte tenu des dispositions figurant dans cette loi adoptée il y a à peine deux ans.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. Je suis surpris par la position et par l’argumentation de Transparency International. En effet, cet amendement aurait pour effet de réduire le champ de la protection des lanceurs d’alerte. La définition du lanceur d’alerte qui figure dans la directive et celle qui figure dans la loi Sapin II, adoptée plus tard, n’ont pas les mêmes champs d’application. La directive prévoit notamment la protection des personnes morales, contrairement à la loi Sapin II. Votre amendement reviendrait donc à exclure les personnes morales du champ de la protection des lanceurs d’alerte. C’est pourquoi j’y suis défavorable, suivant en cela l’avis du Conseil d’État.

M. François Ruffin. La définition donnée dans la loi Sapin II semble non seulement couvrir les crimes et autres activités illégales, mais aussi ce qui relève de l’intérêt général ; la définition figurant dans cette proposition de loi, en revanche, ne vise que les actes illégaux. Il se peut cependant qu’un lanceur d’alerte révèle des faits légaux mais pas moraux. L’une des pistes d’entrée dans le débat que nous avons sur cet amendement ne consisterait-elle pas à se demander s’il faut réduire le champ de cette définition à la question de la légalité ou s’il faut l’étendre à celle de l’intérêt général, comme c’est le cas de la définition lue par Mme Lorho, contrairement au texte qui nous est proposé ?

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. L’objectif est que le champ de la protection des lanceurs d’alerte soit le plus large possible et qu’il englobe les deux définitions, celle qui figure dans la directive européenne et celle que donne la loi Sapin II, y compris les instruments de protection dont elle est assortie. Nous visons la protection maximale.

La Commission rejette les amendements identiques CL5 et CL55.

Puis elle examine l’amendement CL29 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Par cet amendement, nous proposons de supprimer la formule « de bonne foi » afin de redéfinir l’équilibre de la proposition de loi en matière de protection des lanceurs d’alerte. En effet, la formulation du texte est telle qu’en réalité, cette bonne foi n’est jamais présumée. Dans un rapport de 2015, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression écrivait ceci : « La motivation du lanceur d’alerte au moment où il divulgue des informations ne devrait pas être prise en considération pour déterminer s’il a droit à une protection ». Nous proposons donc de supprimer « de bonne foi » pour mieux protéger les lanceurs d’alerte en présumant que leur initiative concourt à l’intérêt général – qui, en l’occurrence, a principalement trait à la santé, à la fiscalité et à l’environnement. Ces sujets sont assez importants pour présumer la bonne foi plutôt qu’imposer au lanceur d’alerte de la prouver.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. La notion de « bonne foi », employée dans la directive, est transposée dans le présent texte, étant entendu, encore une fois, que l’objectif est de cumuler la définition donnée dans la directive – y compris la notion de bonne foi – et celle qui figure dans la loi Sapin II.

M. François Ruffin. Cette discussion est intéressante. Il me semble que la motivation initiale du lanceur d’alerte ne devrait pas entrer en ligne de compte. À l’origine des débats sur la directive, les lobbies ont soulevé la question de l’espionnage en évoquant trois cas de manière récurrente : l’un chez Michelin, l’autre chez Alstom et le troisième chez Dupont de Nemours. S’il s’agit d’actes d’espionnage, ils doivent donc profiter à un concurrent. Dès lors, la question que nous devrions nous poser est la suivante : quand est-ce que les informations prises à une entreprise industrielle bénéficient à l’un de ses concurrents ? La mauvaise foi de l’informateur ou ses motivations financières apparaissent alors immédiatement. Dans ces conditions, nous ne devrions pas nous interroger sur les intentions d’un lanceur d’alerte dès lors qu’elles ne profitent pas directement à un concurrent.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL30 du même auteur.

M. Stéphane Peu. Je ne désespère pas que nous puissions au moins nous mettre d’accord sur des questions de vocabulaire. Cet amendement vise à remplacer le mot « acte » par le mot « comportement ». En droit, un acte désigne tout fait de l’homme. S’il peut être répréhensible d’agir de telle ou telle manière, le fait de ne rien faire peut l’être tout autant et nuire à l’intérêt général par un comportement passif en laissant faire un préjudice. La proposition très raisonnable que nous vous faisons permet donc une formulation plus générale.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment. J’ajoute que cette proposition de loi ne vise en rien à rouvrir le débat sur la loi Sapin II concernant la définition du lanceur d’alerte ; plusieurs amendements sont déposés en ce sens. La loi Sapin II n’est entrée en vigueur qu’en janvier avec la publication des décrets d’application et elle donnera lieu à une étude d’impact. Peut-être des propositions seront-elles formulées dans ce cadre mais, à ce stade, la présente proposition ne doit pas être l’occasion de rouvrir un débat qui, à l’époque, avait déjà mobilisé l’Assemblée pendant de longues semaines.

La Commission rejette l’amendement CL30.

Elle passe à l’amendement CL43 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Cet amendement important et susceptible de résoudre plusieurs des questions qui viennent d’être soulevées vise à reprendre dans le présent texte l’un des éléments essentiels de la loi Sapin II, à savoir la protection des lanceurs d’alerte pour dénonciation de « toute menace grave pour l’intérêt général ». Cette précision donnera davantage de sécurité tout en effaçant toute distinction entre la protection des personnes morales et celle des personnes physiques, les unes et les autres pouvant ainsi dénoncer des actes légaux dans la mesure où ils représentent une menace pour l’intérêt général. Elle permettra en outre de clore les débats qui viennent d’être soulevés – et au fil desquels j’ai cru sentir, monsieur le rapporteur, que vous partagiez certaines des inquiétudes exprimées.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable : vous rouvrez le débat sur la définition du lanceur d’alerte figurant dans la loi Sapin II.

Mme Marietta Karamanli. Non !

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Si, selon ce que je comprends.

M. François Ruffin. Ayant attentivement écouté le texte lu par Mme Lorho tout à l’heure, j’ai le sentiment qu’il ne s’agit ici que de reproduire ce que précise la loi Sapin II. Autrement dit, en transposant la directive européenne, nous apporterions en plus les mêmes garanties qui existent déjà en droit pour rappeler que la protection des lanceurs d’alerte ne se limite pas au champ de la légalité mais englobe aussi celui, plus vaste, des menaces pour l’intérêt général.

Mme Marietta Karamanli. Gardons-nous de toute interprétation : en ajoutant dans le texte cette précision qui figure déjà dans la loi Sapin II, nous ne modifions pas la définition du lanceur d’alerte mais étendons le droit d’alerte aux personnes physiques et morales.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. De fait, vous modifiez la loi Sapin II.

Mme Marietta Karamanli. Non, nous en intégrons un élément au présent texte, qui ne la reprend pas dans son entièreté ; voilà ce qui pose problème. C’est vous qui voulez modifier la loi Sapin II !

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Nous pourrons en reparler mais je maintiens mon argument : votre amendement modifie de facto la loi Sapin II, comme vous l’avez d’ailleurs reconnu.

Mme Marietta Karamanli. Non !

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Je persiste : votre amendement modifie non seulement la définition mais aussi les modalités d’application du mécanisme applicable aux lanceurs d’alerte.

Mme Marietta Karamanli. Je vous le dis en toute bonne foi, monsieur le rapporteur…

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Moi aussi !

M. Stéphane Peu. En bonne foi présumée…

Mme Marietta Karamanli. Cette précision ne modifie pas la loi Sapin II que nous avons adoptée, mais elle permet de mettre la proposition de loi en conformité avec elle.

M. François Ruffin. C’est parce que ce sujet est important que nous achoppons. Doit-il exister une tension entre la transposition de la directive et l’application de la loi Sapin II ? On nous répond que non. Nous préférerions cependant que toutes les garanties apportées par la loi Sapin II soient mentionnées dans la proposition de loi transposant la directive, non seulement pour éviter toute tension entre les deux textes mais aussi pour protéger les lanceurs d’alerte. Imaginons en effet que l’un d’entre eux soit poursuivi et que son avocat – c’est justement votre profession, monsieur le rapporteur, vous pouvez donc vous figurer la situation – ne soit pas spécialiste de la question : s’il lit le texte de référence au titre duquel son client est poursuivi, il pourra d’autant mieux le protéger qu’il y constatera immédiatement qu’un lanceur d’alerte est protégé s’il révèle non seulement des crimes et autres actes répréhensibles et illégaux, mais aussi des risques susceptibles de porter atteinte à l’intérêt général.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Encore une fois, l’objectif est de reprendre la définition figurant dans la loi Sapin II et en aucun cas de transposer la directive en restreignant les garanties déjà prévues par ladite loi. L’avis du Conseil d’État est formulé en ce sens et nous avons reçu des avocats spécialisés : tous s’accordent sur le fait que le libellé actuel de l’alinéa 33 englobe tout à la fois la définition du lanceur d’alerte donnée par la directive et toutes les garanties apportées par la loi Sapin II. Je le répète : l’objectif est de couvrir le lanceur d’alerte avec l’une et l’autre définition. Il n’est aucunement question de rouvrir le débat déjà tenu lors de l’examen de la loi Sapin II.

La Commission rejette l’amendement CL43.

Elle examine l’amendement CL31 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 33 par une formule ne cantonnant pas la mesure aux seules activités illégales afin d’y ajouter des activités légales pouvant présenter de graves problèmes en termes de moralité publique. Prenons un exemple dans l’actualité, celui de la dénonciation d’activités d’optimisation fiscale agressive qui peuvent être légales mais qui n’en posent pas moins un problème pour l’intérêt général, comme le ministre de l’économie l’a reconnu encore récemment.

Rappelons qu’Antoine Deltour, le lanceur d’alerte à l’origine de l’affaire Luxleaks, n’aurait pas, sans cette protection, dénoncé des faits d’optimisation fiscale qui n’étaient pas illégaux. Chacun a d’ailleurs fini par reconnaître son courage et par convenir que l’intérêt général était largement mis en cause.

Nous proposons donc par cet amendement d’insérer dans le périmètre de l’alinéa les activités légales et illégales, car des révélations salutaires concernant des activités légales contraires à l’intérêt général ont permis de faire évoluer la loi.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Je me suis déjà assez exprimé à ce sujet ; avis défavorable. Vous rouvrez le débat sur la définition du lanceur d’alerte.

M. François Ruffin. La définition du lanceur d’alerte est précisément celle-là : il peut être amené à dénoncer des actes illégaux mais aussi des actes légaux qui portent atteinte à l’intérêt général. Votre rejet de cet amendement et surtout du précédent donne lieu à un débat absurde : vous prétendez que cette définition figure déjà dans le texte mais refusez d’y préciser explicitement qu’un lanceur d’alerte peut révéler des documents jugés confidentiels non seulement sur le terrain de l’illégalité mais aussi sur celui de la moralité et de l’intérêt général – des notions certes plus floues que la loi, mais telle est la modeste avancée que nous avons obtenue. Songez que ceux qui révèlent de telles informations comme Antoine Deltour, par exemple, se retrouvent licenciés, isolés et soumis à un certain nombre de procédures. Il faut donc leur garantir la protection au titre de l’intérêt général même pour des actes légaux. Vous en convenez mais cela ne figure nulle part dans le texte : nous avons un problème !

La Commission rejette l’amendement CL31.

Elle passe à l’amendement CL52 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Cet amendement vise à concilier l’objet et les effets attachés au secret des affaires et ceux de la loi sur le devoir de vigilance. Nous proposons donc de compléter l’alinéa 33 en insérant les mots « une menace pour les droits humains et les libertés fondamentales ». Comme je le disais tout à l’heure, le sens de l’éthique est nécessaire, ainsi que le partage d’une volonté politique – les éléments juridiques suivront. En l’occurrence, cette recherche éthique doit être résolument affichée dans la loi.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

M. François Ruffin. Je cite l’alinéa 33 dont il s’agit ici : « la révélation de bonne foi d’une faute, d’un acte répréhensible ou d’une activité illégale dans le but de protéger l’intérêt public général ». Ce membre de phrase comprend-il selon vous la mention explicite que des faits légaux mais portant atteinte à l’intérêt général peuvent être couverts par cette dérogation ? On aura beau lire cet alinéa dans tous les sens, le fait est qu’ils ne le sont pas. Vous prétendez être d’accord mais persistez à refuser d’intégrer la notion d’atteinte à l’intérêt général s’agissant d’actes légaux. Je préférerais que vous nous disiez en toute franchise que seuls les actes illégaux commis par les entreprises peuvent selon vous être couverts par les entreprises ; nous mettrons alors fin à ce dialogue de sourds où vous prétendez vouloir intégrer les actes légaux sans le faire. Parlez-nous franchement !

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Le débat doit avancer. Nous pourrons poursuivre cette discussion et je ne désespère pas de vous convaincre, monsieur le député.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques CL26 de M. Paul Molac et CL46 de Mme Marietta Karamanli.

M. Paul Molac. Dans ses considérants et dérogations, la directive prévoit la complémentarité entre le droit de l’Union et le droit national. Or, l’emploi à l’alinéa 33 de la locution « y compris » peut créer une ambiguïté préjudiciable à la lisibilité et à l’intelligibilité de la loi relative aux lanceurs d’alerte. En effet, il peut en être fait l’interprétation selon laquelle elle crée un sous-ensemble correspondant à une définition importée du droit anglo-saxon mais contraire à notre droit. Les deux définitions sont issues de philosophies et d’architectures différentes du droit de l’alerte. La définition anglo-saxonne semble fixer un champ plus restreint tout en l’encadrant par un test d’intérêt général ; la définition française telle qu’elle est établie dans la loi Sapin II semble avoir un champ plus large couvrant les menaces ou préjudices graves pour l’intérêt général, mais elle est encadrée par trois critères : la bonne foi, le désintérêt et la connaissance personnelle.

Enfin, cette définition fait partie de l’architecture générale des équilibres du droit d’alerte tel qu’il est prévu dans la loi Sapin II. Nous craignons donc que le texte, dans sa rédaction actuelle, n’ampute la définition du lanceur d’alerte. Quel est votre point de vue, monsieur le rapporteur ?

Mme Marietta Karamanli. Cet amendement revient sur un débat que nous avons déjà eu. Le diable se cache parfois dans les détails mais, en l’occurrence, le remplacement de la formule « y compris » par « ou », loin d’être un détail, donne la possibilité de cumuler – comme vous l’avez souhaité, monsieur le rapporteur – la loi Sapin II et la bonne foi. Vous avez une nouvelle occasion de le faire, après l’avoir refusé plusieurs fois lors des amendements précédents. Nous comptons sur votre éclairage pour adopter cette modification.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. En effet, nous avons déjà eu ce débat. En l’espèce, il s’agit d’un problème de légistique, mais nous avons la volonté de cumuler les deux régimes, c’est-à-dire la définition donnée par la directive et la loi Sapin II et, surtout, les procédures d’alerte qui en découlent. La locution « y compris » permet ce cumul.

Mme Marietta Karamanli. Au-delà des contrôles que vous avez évoqués, monsieur le rapporteur, un important travail de dialogue, de confrontation des points de vue et d’analyse juridique a été mené entre le Conseil d’État, le Parlement et les acteurs de la négociation européenne pour, in fine, parvenir au droit d’alerte. Il me semble vraiment malheureux de ne pas l’intégrer dans cette proposition de loi. Je maintiens donc l’amendement CL46 : donnons-nous les moyens de discuter en termes politiques, car c’est bien un échange politique, et non pas seulement juridique, que nous demandons. Nous savons élaborer des règles mais, à les édicter sans les appuyer sur une éthique et sans respecter les textes précédemment négociés, contrôlés et adoptés, nous sapons la confiance que la population éprouve à l’égard de notre action.

M. François Ruffin. Pour faire preuve de la même exigence de transparence que Mme Vichnievsky plus tôt, je précise que cette modeste modification est demandée par un grand nombre d’ONG qui ont appelé notre attention sur ce détail rédactionnel. Puisque vous recourez à un argument d’autorité, monsieur le rapporteur, j’ajoute que les ONG ont elles aussi accompli un travail considérable avec des juristes pour s’interroger précisément sur ce « ou ». Sans doute convient-il d’en faire une analyse linguistique qui exigerait les services de M. Villani pour démontrer que l’expression « y compris » laisse entendre que l’exercice du droit d’alerte, plus large aujourd’hui puisqu’il englobe non seulement les actes illégaux mais aussi les risques pesant sur l’intérêt général –je souhaite pour ma part que la question de l’intérêt général soit intégrée au sein du texte transposant la directive, à l’égal de la loi Sapin II et non en la surtransposant dans ce texte –, ne serait valable que s’il répond à la première condition, à savoir qu’il concerne une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale. D’une part, le fait que vous n’inscriviez pas les questions d’intérêt général dans le texte crée une ambiguïté mais, de surcroît, il semble n’être possible d’exercer le droit d’alerte que s’il répond à la première condition susmentionnée.

M. Paul Molac. Si je vous ai bien compris, monsieur le rapporteur, la définition des lanceurs d’alerte telle qu’elle figure dans la loi Sapin II n’est pas minimisée ; c’est un fait que vous avez apparemment vérifié auprès de tout le monde. Je vous fais donc confiance et retire l’amendement CL26.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Nous débattons ici de l’alternative entre « y compris » et « ou », mais la question se posera surtout devant le juge qui, de son côté, devra interpréter la loi. Il pourra se poser cette question et, pour que son interprétation lui permette de déterminer s’il y a bien cumul entre la définition européenne et celle de la loi Sapin II, il pourra prendre connaissance de nos travaux qui donnent lieu à des comptes rendus. Les échanges que nous avons eus résoudront toute ambiguïté concernant l’expression « y compris », qui inquiète certaines ONG comme Transparency International. Tout doute sera donc levé. Encore une fois, nous souhaitons cumuler les deux régimes.

L’amendement CL26 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CL46.

Elle examine l’amendement CL6 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Le service du bien commun est déjà présent dans l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Il se trouve que, dans la présente transposition de la directive européenne, il manque un cas spécifique de dérogation à la protection du secret des affaires : le service de l’intérêt national. Dans le contexte actuel de guerre économique, il faut défendre ceux de nos compatriotes qui se mettraient au service de la France ou d’entreprises françaises. Aussi, j’y insiste, la protection du secret des affaires doit pouvoir faire l’objet d’une dérogation quand sa suspension est l’occasion d’un profit pour l’économie nationale.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable : vous ajoutez une condition qui n’est pas prévue par la directive qui, là encore, est de transposition stricte.

M. François Ruffin. Je reviens sur l’intervention du rapporteur à propos de l’amendement précédent car elle me paraît inquiétante. Il nous dit qu’on verra bien ce que décideront les juges concernant ce « y compris » et ce « ou » et en conclut qu’ainsi tout doute sera levé. C’est-à-dire qu’on laisse la jurisprudence, donc les magistrats, dissiper ce doute et non le législateur ici et maintenant. C’est grave car les lanceurs d’alerte, ou même des journalistes, quand ils se trouvent isolés, ont l’impression d’affronter avec peu de moyens juridiques des mastodontes qui, eux, sont surarmés en la matière. Là, ce que vous proposez, c’est d’ajouter une incertitude juridique.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous demande de ne pas rouvrir des discussions une fois que le vote sur un amendement est intervenu.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL16 de M. François Ruffin.

Mme Danièle Obono. À l’alinéa 34, après la première occurrence du mot : « publique », le présent amendement vise à insérer les mots : « , des droits et libertés fondamentales ». Nous souhaitons ainsi préciser les différents intérêts publics légitimes pour lesquels la dérogation au droit des affaires est possible, cela afin que le texte soit plus précis et donc plus protecteur pour les lanceurs d’alerte. En effet, la proposition de loi est particulièrement floue, la notion d’ordre public pouvant dire tout et n’importe quoi. Si le présent texte permet aux multinationales de jouer de l’incertitude juridique pour rendre les procédures judiciaires si effrayantes qu’elles conduisent les lanceuses et lanceurs d’alerte à l’autocensure, non seulement nous n’aurons pas fait notre travail mais nous n’aurons servi ni l’intérêt général ni des droits et libertés fondamentaux. Bref, l’amendement ne change pas la définition des lanceuses et lanceurs d’alerte, mais précise le droit comme notre responsabilité nous y oblige.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. Contrairement à ce qui vient d’être dit, le principe de la protection générale est posé à l’alinéa 34. Les exemples qui suivent le mot « notamment » ont vocation à guider le juge, à lui fournir une illustration. Nous n’allons pas dresser un inventaire à la Prévert de tous les éléments que nous pourrions donner au juge. Nous allons bientôt examiner un amendement auquel je serai favorable et qui vise à ajouter à ces illustrations la protection de l’environnement.

Mme Danièle Obono. Vous venez d’affirmer, monsieur le rapporteur, que le mot « notamment » était suivi d’illustrations, donc illustrons !

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. C’est déjà le cas !

Mme Danièle Obono. Eh bien, nous, nous souhaitons apporter une illustration qui n’est tout de même pas anodine puisqu’il s’agit de la protection des droits et des libertés fondamentaux. Nous entendons ainsi faciliter le travail des magistrats. De longues énumérations sont parfois nécessaires dans les textes de loi. Il n’est pas cohérent d’être favorable à l’ajout de la protection de l’environnement et pas à celui que nous proposons, d’autant que quand les lanceurs d’alerte subissent le rouleau compresseur des multinationales. il est de notre responsabilité, je le répète, de faciliter le travail des tribunaux.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement CL13 de M. François Ruffin et les amendements identiques CL34 de M. Stéphane Peu, CL47 de Mme Marietta Karamanli et CL56 de M. Philippe Latombe.

Mme Danièle Obono. Le rapporteur vient de déclarer qu’il était favorable à l’ajout, à l’alinéa 34, de la défense de l’environnement, objet, précisément, de l’amendement CL13. C’est positif et nous espérons qu’il sera, de même, favorable à nos autres propositions. Il nous paraît important, je le répète, de préciser les principes permettant de protéger les lanceuses et lanceurs d’alerte et, parmi ces principes, figure la protection de l’environnement. L’article 1er de la charte de l’environnement – qui a valeur constitutionnelle – précise que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Si la protection de l’environnement avait fait partie des intérêts publics légitimes pour lesquels la dérogation au droit des affaires est possible, le lanceur d’alerte Karim Ben Ali, employé d’un sous-traitant d’ArcelorMittal, groupe qu’il a courageusement dénoncé pour le déversement de matériaux toxiques dans la nature, n’aurait pas été inquiété.

M. Philippe Latombe. Nous souhaitons en effet ajouter l’environnement, à l’alinéa 34, après les mots « et de la santé publique ». C’est la notion qui nous paraît la plus importante à préciser.

M. Stéphane Peu. La protection de l’environnement fait désormais partie du bloc de constitutionnalité. Aussi, souhaitons-nous l’ajouter à la protection de l’ordre public et à la santé publique.

Mme Marietta Karamanli. Il s’agit en effet de rappeler la valeur constitutionnelle de la charte de l’environnement.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Ainsi que je l’ai indiqué, je suis favorable aux amendements identiques et je suggère à M. Ruffin de modifier l’amendement CL13 afin de le rendre lui aussi identique aux trois autres.

M. François Ruffin. Nous sommes d’accord pour modifier l’amendement CL13 en ce sens.

La Commission adopte, à l’unanimité, les amendements identiques CL13 ainsi modifié, CL34, CL47 et CL56.

Elle en vient à l’amendement CL14 de M. François Ruffin.

Mme Danièle Obono. Sur cette lancée, j’imagine que la Commission adoptera le présent amendement qui vise à préciser que parmi les différents intérêts publics légitimes pour lesquels la dérogation au droit des affaires est possible, figure la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Là encore il s’agit de dissiper le flou du texte. Surtout, comme l’a fait tout à l’heure notre collègue Stéphane Peu, rappelons le rôle de l’évasion et de la fraude fiscales dans les affaires dénoncées par des journalistes et par des lanceurs d’alerte. Nous savons que le Gouvernement est en train de rédiger un projet de loi et nous avons ici l’occasion de l’aider en permettant de protéger les lanceuses et les lanceurs d’alerte et les journalistes qui font un travail d’intérêt public.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Je me suis déjà exprimé sur la question : avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL15 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. Dans la continuité des précédents amendements, parmi les domaines qu’il nous paraît important d’exclure du secret des affaires, afin que l’on puisse lancer des alertes d’intérêt général, figurent le financement du terrorisme et la commission de crimes et de délits. Je n’ose imaginer que qui que ce soit s’oppose au fait de protéger les gens qui informeraient sur le financement du terrorisme ou la commission de crimes ou de délits. Je pense au cas Lafarge à propos duquel nous sommes souvent intervenus : si la disposition que nous proposons avait été en vigueur, la sortie de cette affaire en aurait peut-être été facilitée. Les lanceurs d’alerte fournissent de nombreux renseignements et il serait dommage qu’ils ne puissent pas avoir toute latitude de remplir cette mission d’intérêt général de première importance.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable : je me suis déjà exprimé à ce sujet.

M. François Ruffin. Je ne comprends pas pourquoi, monsieur le rapporteur, vous n’acceptez pas l’ajout d’autres domaines que celui de l’environnement. Il me semble que nous sommes tous d’accord, ici, pour penser que le financement du terrorisme doit faire partie des dérogations au secret des affaires. Il peut également y avoir un accord entre nous sur la fraude fiscale, l’évasion fiscale, l’optimisation fiscale, mais aussi sur la protection des droits fondamentaux… Je ne comprends pas, je le répète, pourquoi nous ne pouvons pas mentionner explicitement ces dérogations afin qu’elles puissent servir de point d’appui aux personnes qui pourraient craindre d’être poursuivies au nom du respect du secret des affaires.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Je vous ai déjà répondu : nous voulons éviter un inventaire à la Prévert.

M. François Ruffin. Il ne s’agit que de cinq éléments, pas d’un inventaire à la Prévert !

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Des choix ont été faits et, encore une fois, le mot « notamment » implique que les éléments qui le suivent ne sont qu’une illustration. Nous aurions d’ailleurs pu, en rédigeant le texte, nous en tenir au principe.

M. Ugo Bernalicis. En effet, monsieur le rapporteur, si vous aviez été cohérent, vous vous seriez arrêté avant le mot « notamment » ou, tout au moins, vous auriez défendu un amendement le supprimant et supprimant donc également les « illustrations » qui le suivent. Or vous venez d’être favorable à ce que nous ajoutions la santé publique et l’environnement qui seraient tous deux des exemples importants – et non le terrorisme, l’évasion fiscale… J’ai pour ma part plutôt tendance à raisonner « toutes choses étant égales par ailleurs » et, j’y insiste, je ne comprends pas pourquoi ce qui nous semble à tous évident ne peut pas figurer dans le texte – ou bien cela cache quelque chose et ce serait malheureux.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL17 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Il s’agit ici d’inverser la charge de la preuve : au lieu que ce soit au lanceur d’alerte de faire la preuve de sa bonne foi et de bien répondre à un certain nombre de critères, ce doit être au plaignant de démontrer que le lanceur d’alerte est de mauvaise foi et que son but serait de servir la concurrence. Je rappelle que le risque d’espionnage des entreprises est mentionné dans les rapports et par tous les lobbies. Ce devrait donc être le cœur du sujet. Et on voit très bien comment, derrière ce risque d’espionnage des entreprises, ce sont des individus qui risquent de se retrouver dans le viseur et d’être poursuivis au nom du respect du secret des affaires.

Sur la lutte contre l’espionnage industriel, de même que sur le respect des droits fondamentaux, il y a un accord au sein de l’Assemblée. Et nous sommes, donc, tout à fait d’accord pour lutter contre l’espionnage industriel, à charge pour le plaignant de démontrer que le lanceur d’alerte est de mauvaise foi.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Je me suis déjà exprimé à propos de la charge de la preuve mais, encore une fois, la question se posera uniquement lorsque les parties se retrouveront devant le juge. Il reviendra dès lors à l’entreprise de démontrer que son secret des affaires a été violé et la charge de la preuve reposera donc bien évidemment sur l’entreprise et absolument pas, contrairement à ce que vous dites, sur le lanceur d’alerte ou sur le journaliste. Ce dernier aura juste à montrer qu’il se situe dans le cadre de l’exercice de son métier : à partir du moment où il avance cet argument, il devra le démontrer.

Néanmoins, il faut examiner ce qu’on appelle le fardeau de la preuve et je ne vois pas en quoi le journaliste ou le lanceur d’alerte qui aura à alléguer qu’il se situait dans le cadre de son devoir d’alerte ou dans le cadre de l’exercice de son métier aurait quelque difficulté à le démontrer.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Si c’est évident, pourquoi ne pas l’introduire dans le texte ?

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Non, ce n’est pas évident, c’est pourquoi je suis contre cet amendement.

M. Ugo Bernalicis. Vous venez de déclarer que le texte tel qu’il est rédigé prévoit qu’il reviendra bien à l’entreprise de prouver que le lanceur d’alerte ou le journaliste n’a pas agi dans le cadre de son devoir d’alerte ou dans celui de l’exercice de son métier. Nous préférons, pour notre part, nous en assurer et prévoir le statut le plus protecteur possible pour les lanceurs d’alerte qui seraient isolés face aux multinationales. Nous avons tout de même de nombreux exemples qui montrent qu’il n’est pas si facile de se défendre, en tant qu’individu, contre des bataillons d’avocats de grandes multinationales.

Il me semble que, dans le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, nous avons inversé la charge de démontrer qui est de bonne foi et qui de mauvaise foi entre l’administration et l’administré. Et nous serions incapables de le faire, ici, pour ce qui vous paraît évident ? Eh bien, moi aussi je plaide pour l’évidence et pour qu’elle soit inscrite noir sur blanc dans ce texte de façon qu’on puisse défendre ceux qui nous rendent un service d’intérêt général.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques CL37 de M. Stéphane Peu et CL53 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. La rédaction même de plusieurs éléments de la directive est à reprendre dans le texte sur le fond comme sur la forme.

Sur le fond, la Constitution prévoit le droit pour les travailleurs de participer, par l’intermédiaire de leurs délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. L’utilisation et la divulgation d’informations aux salariés font partie intégrante des conditions permettant à ceux-ci de déterminer collectivement leurs conditions de travail, sachant que, par ailleurs, les élus sont toujours tenus, envers eux, à une obligation de discrétion telle que prévue par les dispositions du code du travail.

Sur la forme, je rappelle que les termes : « , l’utilisation et la divulgation », que je souhaite insérer après le mot : « obtention », figurent dans la directive. Or, si le texte prévoit bien que le code de commerce dispose, au I de l’article L 151-6, que « le secret des affaires n’est pas protégé lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l’Union ou le droit national », au II du même article, il n’est plus question que de l’obtention.

Il me paraît donc souhaitable de corriger cet oubli.

M. Stéphane Peu. Mme Karamanli vient d’exposer l’essentiel des arguments. J’observe simplement que la proposition de loi est restrictive par rapport à la directive en ne mentionnant que l’obtention d’information et non leur utilisation et leur divulgation. Le texte est de surcroît contraire au code du travail qui fixe le cadre et la responsabilité des représentants du personnel en ce qui concerne les informations dont ils sont censés disposer au sein des organismes de représentation. Soit il s’agit, en effet, d’un oubli – corrigeons-le –, soit il s’agit d’une restriction que nous n’approuvons pas.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. Je vous renvoie à l’article 3 de la directive qui vise bien les cas d’obtention licite du secret des affaires et non les cas d’utilisation et de divulgation licites. Or, cet article fait partie des dispositions qui doivent impérativement être transposées.

La Commission rejette ces amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL77 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL38 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. À l’alinéa 40, nous souhaitons substituer au mot : « engage », les mots : « peut engager ». Plus que simplement rédactionnel, l’amendement porte sur le fond puisque nous considérons qu’il faut laisser à l’appréciation du juge la responsabilité civile de l’auteur de l’atteinte au secret des affaires.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. Le juge, quand il sera saisi, devra trancher la question de savoir s’il y a eu faute ou non et se demandera s’il engage ou non la responsabilité civile.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL18 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. Nous proposons qu’une ou plusieurs associations reconnues d’utilité publique, un ou plusieurs syndicats, au nom de l’intérêt général, puisse se substituer aux lanceurs d’alerte. Nous avons pu en effet constater dans de nombreux cas que quand c’est un individu qui est en première ligne face à des grandes entreprises, il peut être mis en difficulté ; l’idée est donc que sa démarche puisse être reprise par des associations reconnues d’utilité publique ou par des syndicats. Nous ne souhaitons pas étendre cette disposition à d’autres types d’organismes car ceux retenus ici sont des personnes morales capables de défendre l’intérêt général et d’apporter leur soutien à l’individu livré à lui-même.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. L’amendement est satisfait. L’entreprise va chercher à attaquer le lanceur d’alerte ou le journaliste sur la base de la responsabilité civile ; elle considère qu’une faute a été commise et elle lui demande des dommages et intérêts, à savoir une dette de responsabilité civile. Aujourd’hui, une association ou une autre personne peut venir au soutien du journaliste ou du lanceur d’alerte pour couvrir les condamnations éventuelles prononcées par le tribunal et même payer ses frais d’avocat…

M. Ugo Bernalicis. Certes, la pratique que vous décrivez a déjà cours et tant mieux ; mais il s’agit ici de se substituer au lanceur d’alerte ou au journaliste et de prendre à sa charge l’intégralité de la responsabilité : il s’agit de passer de l’individu au collectif.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Encore une fois, il s’agit d’une dette de responsabilité civile qui peut être transférée à une autre personne morale voire à une compagnie d’assurances pour aider le journaliste ou le lanceur d’alerte.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL33 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Il est question, encore une fois, de renverser la charge de la preuve et de faire en sorte que la partie poursuivante fasse la preuve que les faits dénoncés sont réels. Nous souhaitons ainsi renforcer les garanties pour tous ceux qui divulguent un secret sans en tirer aucun bénéfice économique.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Nous avons déjà débattu de cette question : avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite, successivement, les amendements rédactionnels CL79, CL80 et CL81 du rapporteur, puis ses amendements de coordination CL102 et CL82.

Elle en vient à l’amendement CL84 du rapporteur.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. La directive, pour déterminer les dommages et intérêts, fait référence aux bénéfices réalisés par l’auteur. On pourrait croire à la mise en place de dommages et intérêts punitifs : l’indemnisation de la partie gagnante au procès ne serait pas fondée sur le préjudice subi mais sur l’ampleur de la faute commise, ce qui serait un basculement complet de notre droit et pourrait poser un problème de constitutionnalité : les dommages et intérêts punitifs, très développés aux États-Unis, sont rejetés en France. Aussi le Conseil d’État a-t-il suggéré d’apporter la précision que prévoit le présent amendement. Quand le juge va déterminer l’indemnisation de la victime, il prendra en compte, pour calculer le dommage réel, un certain nombre d’éléments et notamment les bénéfices réalisés par la personne qui a violé le secret des affaires.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL86 du rapporteur.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Cet amendement propose d’inclure la perte de chance parmi les critères d’évaluation du préjudice subi.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL85 et CL87 du rapporteur.

Elle examine l’amendement CL88 du rapporteur.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 66 et 67. Le Conseil d’État et certains magistrats auditionnés ont considéré que les précisions qu’ils apportent sur la publicité de la décision alourdissaient inutilement le texte et remettaient en cause l’office du juge.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL89 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL 90 du rapporteur.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Cet amendement vise à répondre aux préoccupations des journalistes et des lanceurs d’alerte au sujet des procédures judiciaires que lancent les entreprises à leur encontre pour les intimider en réclamant des dommages et intérêts totalement disproportionnés, allant jusqu’à plusieurs millions d’euros.

Aujourd’hui, le juge est assez démuni face à ce type de stratégie. Le seul instrument dont il dispose est l’amende civile mais celle-ci reste modeste, même si son montant maximal a été porté de 3 000 à 10 000 euros l’année dernière.

Nous proposons de créer un régime autonome d’amende civile. Son montant, dissuasif, pourra aller jusqu’à 60 000 euros en l’absence de demande de dommages et intérêts et atteindre 20 % du montant des sommes réclamées au titre des dommages et intérêts.

Le juge pourra décider d’appliquer cette amende sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure-bâillon.

M. François Ruffin. Ce n’est pas tous les jours que j’ai l’occasion de féliciter un rapporteur de la majorité, alors je tiens à dire à M. Gauvain que sa proposition est positive et dénote une certaine imagination.

Il serait souhaitable qu’elle soit étendue à d’autres juridictions, notamment les tribunaux de commerce. Nous savons que M. Bolloré aime contourner les droits de la presse en prenant appui sur le code du commerce.

Vous ouvrez une voie qui n’est pas inintéressante.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je mets aux voix cet amendement qui a reçu un avis favorable de M. François Ruffin… (Sourires.).

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL91 du rapporteur.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Cet amendement répond à une demande formulée par plusieurs des personnes que nous avons auditionnées, qu’il s’agisse de représentants d’entreprises, de membres du Conseil d’État, de magistrats ou d’avocats. Il vise à étendre les mesures de protection du secret des affaires à l’ensemble des juridictions, civiles, administratives ou commerciales, possibilité que la directive offre aux États membres dans le cadre de la transposition.

M. François Ruffin. Je dois dire que je ne comprends pas sur quoi porte cette extension.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Quand une action est engagée par une entreprise contre un particulier pour essayer de protéger le secret des affaires, des mesures de protection des pièces concernées peuvent être décidées.

Dans les autres instances, non fondées exclusivement sur l’atteinte au secret des affaires, le principe du contradictoire prévaut : toutes les pièces dont il est fait état doivent être communiquées à la partie adverse. La jurisprudence du Conseil d’État, depuis l’arrêt Moon Sun Myung, a réaffirmé qu’il n’était pas possible de porter atteinte à ce principe. Aucune partie ne peut demander qu’une pièce soit protégée au nom du secret des affaires. C’est le tout ou rien : si elle veut faire état d’une pièce pour assurer sa défense, elle doit la communiquer ; si elle préfère la garder secrète, elle ne pourra l’utiliser.

Avec cet amendement, le juge aura la possibilité d’aménager le principe du contradictoire dans toutes les juridictions civiles, administratives ou commerciales mettant en cause le secret des affaires.

M. François Ruffin. C’est bien ce que je craignais. Il me paraît dangereux de remettre en cause le caractère contradictoire au détour d’un amendement, d’autant que toutes les juridictions seraient concernées. Cette disposition tient du bricolage. Nous ne disposons même pas d’étude d’impact.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Des mesures similaires existent déjà dans notre droit pour les affaires relevant de l’Autorité de la concurrence. Le juge peut autoriser une des parties à ne communiquer que partiellement une pièce.

Cette modification constituera, de l’avis de nombreuses personnes auditionnées, une avancée majeure.

Mme Cécile Untermaier. Cet amendement touche tout de même aux principes fondamentaux de la justice, notamment de la justice administrative. Or aucune garantie ne vient encadrer la liberté laissée au juge d’apprécier le caractère secret des pièces concernées. Il faut marquer le caractère exceptionnel de ce dispositif.

Nous nous opposons à toute surtransposition. Cette disposition, même si j’en comprends le fondement, ne me paraît pas avoir sa place ici.

M. Didier Paris. La modification proposée par le rapporteur ne vise en aucune façon à priver le juge de sa liberté dans le choix de protéger ou non une pièce au nom du secret des affaires. La suite du texte le dit clairement.

En outre, il faut avoir à l’esprit que la vie des affaires est ainsi faite qu’une partie peut se servir d’un procès pour obtenir communication d’éléments dont elle n’aurait pas eu connaissance autrement.

La disposition proposée me paraît donc saine.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL92, CL93, CL94, CL95 et CL96 du rapporteur.

Elle examine l’amendement CL39 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. La durée actuelle du délai de prescription, fixée à six ans, nous paraît favoriser les droits de la partie la plus forte et la plus armée dans ce genre de contentieux. Nous proposons donc de la réduire à douze mois, ce qui semblera familier à la majorité actuelle puisqu’il s’agit du délai de prescription retenu par les ordonnances de la « loi Travail » en matière de contentieux de licenciement.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. Il ne semble pas opportun de soulever la question de la réduction du délai de prescription.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL40 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement vise à introduire un dispositif permettant d’offrir des garanties à celles et à ceux qui feraient l’objet de procédures abusives, sous un nouveau chapitre intitulé « Abus de procédure ». Nous nous fondons sur le paragraphe 2 de l’article 7 et le paragraphe 5 de l’article 11 de la directive européenne.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. Nous avons répondu à ces préoccupations dans un précédent amendement.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement CL98 du rapporteur est retiré.

La Commission adopte l’article 1er modifié.

Article 1er bis (nouveau)
(section 2 du chapitre III du titre VIII du livre IV du code de commerce)
Coordination au sein du code de commerce

Résumé du dispositif et effets principaux :

Inséré dans la proposition de loi à l’initiative du rapporteur, cet article de coordination supprime les dispositions du code de commerce relatives à la protection des pièces couvertes par le secret des affaires dans les actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles compte tenu de la mise en œuvre de mesures de protection du secret des affaires dans toute procédure civile ou commerciale (articles L. 153-1 et L. 153-2 du code de commerce).

*

*     *

La Commission adopte l’amendement de coordination CL101 du rapporteur. L’article 1er bis est ainsi rédigé.

Après l’article 1er bis

La Commission examine l’amendement CL105 de Mme Christine Hennion, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques.

Mme Christine Hennion, rapporteure pour avis. La directive insiste sur la nécessaire coordination entre les États membres afin d’harmoniser la protection du secret des affaires à l’échelle de l’Union européenne. Cet amendement propose que le Commissaire à l’information stratégique et à la sécurité économique (CISSE) assure cette coopération pour notre pays.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement pour que nous puissions en rediscuter.

L’amendement CL105 est retiré.

Article 1er ter (nouveau)
(livres VI et VII du code de justice administrative)
Coordination au sein du code de justice administrative

Résumé du dispositif et effets principaux :

Adopté par la Commission à l’initiative de son rapporteur, cet article de coordination insère au sein du code de la justice administrative, d’une part, un article permettant de déroger au principe de la contradiction et, d’autre part, des dispositions renvoyant au code de commerce pour le régime juridique des actions tendant à prévenir, faire cesser ou réparer une atteinte au secret des affaires.

*

*   *

La Commission adopte l’amendement de coordination CL100 du rapporteur. L’article 1er ter est ainsi rédigé.

 

 

Article 2
Application outre-mer

Résumé du dispositif et effets principaux :

L’article 2 rend applicables à Wallis-et-Futuna les dispositions de la proposition de loi. En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, autres collectivités régies par le principe de spécialité législative ([22]), le droit commercial relève de compétences propres ; il n’apparaît donc pas nécessaire de prévoir de mesures d’extension.

Modifications adoptées par la commission des Lois :

La commission des Lois a adopté, sur l’avis favorable du rapporteur, un amendement de M. Philippe Dunoyer proposant d’étendre spécifiquement à la Nouvelle-Calédonie les dispositions du nouvel article L. 151-6 relatif aux dérogations à la protection du secret des affaires.

S’il a indiqué son ouverture à examiner les modalités d'adaptation de la présente proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, et éventuellement aussi en Polynésie française, le rapporteur a souligné que les statuts régissant ces collectivités étaient complexes, et s’est réservé la possibilité de revenir sur la rédaction de cet article en séance.

*

*   *

La Commission est saisie de l’amendement CL28 de M. Philippe Dunoyer.

M. Philippe Dunoyer. Cet amendement a été motivé par l’une des auditions à laquelle j’ai assisté. Depuis quelques années, le législateur a le réflexe de ne pas étendre certaines mesures à la Nouvelle-Calédonie, du fait du principe de spécialité législative. C’est le cas pour le droit commercial qui a fait l’objet d’un transfert. Nous avons pu le constater avec les alinéas 33 et 34 de l’article 1er.

Toutefois, les mesures de protection des lanceurs d’alerte et de préservation des libertés fondamentales que sont le droit à l’information ou la défense de l’intérêt général n’ont rien de commercial par nature. Elles doivent pouvoir s’appliquer aussi bien en métropole qu’outre-mer.

Notre amendement propose donc d’étendre à la Nouvelle-Calédonie le nouvel article relatif aux dérogations à la protection du secret des affaires. Cela viendrait combler un vide juridique.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis favorable. Nous nous réservons la possibilité de proposer d’ici à la séance d’autres précisions, notamment pour ce qui concerne la Polynésie française.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La Commission rejette l’amendement CL45 de Mme Marietta Karamanli.

Elle examine ensuite l’amendement CL44 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Cécile Untermaier. Il me semble nécessaire de répondre aux inquiétudes légitimes que suscitent les procédures-bâillons, en particulier chez les chercheurs et les enseignants-chercheurs.

Cet amendement reprend une partie des recommandations faites par la « commission Mazeaud » à Thierry Mandon, alors secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dès lors que leur bonne foi est reconnue par le juge, les chercheurs et enseignants-chercheurs ne peuvent faire l’objet, de la part d’entreprises qui se sentiraient menacées, d’actions pour délit de diffamation, d’injure ou d’outrage du fait de leurs propos ou de leurs écrits.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable à cette modification de la loi du 29 juillet 1881. Nous pourrons introduire des amendements à la proposition de loi relative à la lutte contre les fausses informations.

Mme Cécile Untermaier. Je retire cet amendement que nous retravaillerons en vue de l’examen du texte dans l’hémicycle.

L’amendement CL44 est retiré.

La Commission examine l’amendement CL11 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. L’amendement vise à modifier la loi du 9 décembre 2016 afin d’étendre la définition des lanceurs d’alerte aux personnes morales. Il nous paraît primordial que les organisations non gouvernementales ou les syndicats puissent être considérés comme des lanceurs d’alerte à part entière. Il est dommage de faire reposer uniquement sur les individus ces démarches d’intérêt général alors qu’elles pourraient dès l’origine être de nature collective.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Nous avons déjà eu un long débat à ce sujet. Nous ne souhaitons pas revenir sur la loi « Sapin II ».

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL10 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement propose à nouveau de modifier la loi du 9 décembre 2016. Au premier alinéa de l’article 6, nous souhaitons remplacer les mots : « de manière désintéressée » par : « sans but lucratif ». L’intérêt n’a pas seulement un aspect économique : tout lanceur d’alerte peut avoir un intérêt à agir pour d’autres raisons. Nous préférons clarifier les choses pour éviter le risque que des interprétations tarabiscotées ne viennent disqualifier leurs actions.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL12 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement vise à autoriser le Défenseur des droits à expérimenter pour une durée de trois ans un numéro vert pour les lanceurs d’alerte. Nous souhaitons mettre en œuvre tout ce qui est possible et imaginable pour renforcer la protection des lanceurs d’alerte.

J’imagine que vous m’opposerez encore une fois que vous ne voulez pas modifier la loi « Sapin II ». Mais à quoi sert d’examiner un texte de loi si ce n’est pas pour aller au fond des choses ? Pourquoi continuer à transposer des directives, petit bout par petit bout ? Mieux vaudrait s’emparer pleinement du sujet, quitte à modifier des lois antérieures si elles comportent des lacunes.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL20 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. Il est proposé de donner aux journalistes titulaires d’une carte de presse le droit d’accéder aux locaux et aux sites des entreprises et de s’entretenir librement avec les salariés et les personnes présentes sur place sans que ce droit n’entrave le fonctionnement de l’entreprise. Il s’agit de renforcer les moyens d’investigation des journalistes, donc leur capacité à alerter l’opinion publique sur des manquements à notre droit et à l’intérêt général.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Avis défavorable. Une telle disposition n’entre évidemment pas dans le champ de la proposition de loi.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL7 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. Il est proposé d’insérer après l’article 2 l’article suivant : « La présente loi entre en vigueur lorsque l’harmonisation sociale et fiscale européenne aura été effectivement réalisée ».

La transposition de cette directive se heurte au dumping fiscal et social au sein de l’Union européenne. Pour protéger de manière cohérente le secret des affaires, il faudrait d’abord mettre en œuvre une convergence sociale et fiscale.

À cette proposition politique, j’espère recevoir une réponse politique, monsieur le rapporteur.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. La réponse est simple : la directive doit être transposée avant le 9 juin prochain. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Cela n’empêche nullement de conditionner l’entrée en vigueur de la loi de transposition. J’aurais aimé avoir une réponse sur le fond.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL23 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. Nous pensons qu’à tout pouvoir doit s’opposer un contre-pouvoir. Nous légiférons sur le secret des affaires sans avoir harmonisé le statut des lanceurs d’alerte à l’échelle de l’Union européenne. Pourtant les actions des lanceurs d’alerte peuvent dépasser les frontières nationales. Pensons aux révélations faites par les Français Antoine Deltour et Raphaël Halet qui ont donné lieu à l’affaire « LuxLeaks ».

Nous considérons qu’il faut conditionner l’entrée en vigueur de la loi à l’adoption par l’Union européenne d’une directive consacrant un statut socle harmonisé des lanceurs d’alerte.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Intitulé de la proposition de loi

La Commission adopte l’amendement de précision CL97 du rapporteur, modifiant ainsi l’intitulé de la proposition de loi.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*   *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (n° 675) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


—  1  —

 

   PERSONNES ENTENDUES ou consultÉes PAR LE RAPPORTEUR

 

—  Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure ;

—  Mme Séverine Larere, rapporteure ;

—  Mme Céline Buywid, stagiaire à la section de l’Intérieur.

—  M. Colas Morillon, chargé de mission adjoint ;

—  Mme Zoé Mallinger, adjointe au chef de secteur.

—  Mme Pascale Compagnie, sous-directrice des droits économiques ;

—  M. Michael Tchilinguirian ;

—  Mme Aurélie Baudon ;

—  Mme Stéphanie Robin-Raschel ;

—  M. Hervé Cozic ;

—  M. Damien Pons, chef du bureau du droit processuel et du droit social.

—  Mme Constance Lacheze, cheffe de bureau, direction générale des entreprises ;

—  M. Philippe Lorec, chef de département, direction générale des entreprises ;

—  Mme Claire Viellard, direction générale des entreprises ;

—  Mme Gersende Soler, direction des affaires juridiques ;

—  Mme Anne Cousin, direction des affaires juridiques.

—  Mme Jeanne Mallet, chargée de l’accès aux archives, service interministériel des archives de France ;

—  Mme Cléome Baudet, adjointe au chef du bureau du régime juridique de la presse, Direction générale des médias et des industries culturelles ;

—  Mme Nathalie Finck, adjointe au bureau de la législation, secrétariat général.

 


Table ronde Juridictions

—  Mme Carole Champalaume, conseillère à la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de Cassation ;

—  Mme Caroline Henry, avocate générale ;

—  Mme Marie-Liesse Guinamant, avocate générale référendaire à la chambre commerciale.

—  M. David Peyron, premier président de chambre ;

—  Mme Valérie Michel-Amsellem, présidente de chambre ;

—  Mme Catherine Champrenault, procureure générale de Paris.

—  M. François Ancel, premier vice-président adjoint ;

—  M. Yves Bardoc, procureur de la République adjoint.

—  M. Jean Messinesi, président.

 

Table ronde Avocats

—  M. Xavier Autain, président de la commission « Communication institutionnelle » ;

—  M. Thomas Charat, président de la commission « Droit et entreprise » ;

—  M. Jacques-Édouard Briand, directeur des affaires législatives et réglementaires ;

—  Mme Laurence Dupuis, juriste.

—  M. Didier Lecomte, vice-président de la Conférence des bâtonniers ;

—  M. Emmanuel Daoud, membre du Conseil de l’Ordre de Paris.

 

 


Table ronde Universitaires

—  M. Pierre Berlioz, Professeur à l’Université Paris Descartes, directeur de l’école de formation des barreaux de la Cour d’appel de Paris ;

—  M. Luc Desaunettes, chercheur au CEIPI, spécialiste des questions juridiques liées aux secrets d’affaires ;

—  M. Jean-Christophe Galloux, Professeur de droit à l’Université Paris 2 (Panthéon-Assas), président de l’Institut de Recherche en Propriété Intellectuelle (IRPI) ;

—  Mme Florence G’Sell, Professeur de droit privé à l’Université de Lorraine ;

—  M. Jean Lapousterle, Professeur à l’Université Paris-Sud, Université Paris-Saclay, co-directeur du Centre d’Études et de Recherche en Droit de l’Immatériel.

Table ronde Entreprises

—  Mme Joëlle Simon, directrice des affaires juridiques ;

—  M. Jules Guillaud, chargé de mission à la direction des affaires publiques.

—  M. Gérard Orsini, chef de file de la commission fiscale ;

—  M. Lionel Vignaud, responsable des affaires économiques ;

—  Mme Sabrina Benmouhoub, chargée de mission affaires publiques.

—  Mme Stéphanie Robert, directrice ;

—  Mme Emmanuelle Flament-Mascaret, directrice des affaires commerciales et propriété intellectuelle.

—  M. Didier Kling, vice-président.

—  M. Didier Kling, président ;

—  Mme Anne Outin-Adam, directrice des politiques juridiques et économiques ;

—  Mme Catherine Druez-Marie, experte propriété intellectuelle.

—  M. Hervé Delannoy, président d’honneur ;

—  M. Marc Mossé, vice-président.

—  M. François Brunet, président.

—  M. Xavier Hubert, directeur éthique, compliance et privacy ;

—  Mme Mercedes Fauvel Bantos, déléguée aux relations avec le Parlement.

 

Table ronde Éditeurs de Presse

—  M. Laurent Bérard-Quélin, président ;

—  Mme Catherine Chagniot, directrice générale ;

—  M. Boris Bizic, directeur juridique.

—  M. Emmanuel Parody, secrétaire général, associé et directeur des rédactions Mind ;

—  M. Amélien Delahaie, juriste.

—  Mme Pascale Marie, directrice.

—  M. Bruno Hocquart de Turtot, directeur général.

—  M. Denis Bouchez, directeur ;

—  M. Samir Ouachtati, responsable des affaires juridiques et sociales.

—  Mme Maud Grillard, directrice ;

—  Mme Haude d’Harcourt, conseillère relations avec les pouvoirs publics ;

—  M. Jean-Luc Evin, président de la commission de l’information.

—  M. Jean Christophe Boulanger, président ;

—  Mme Karen Autret, directrice.

 


Table ronde Propriété intellectuelle

—  M. David Saussinan, directeur des affaires publiques.

—  Mme Guylène Kiesel Le Cosquer, présidente ;

—  M. Patrice Vidon, vice-président.

—  M. Pierre Gendraud, président du groupe de travail secret des affaires.

—  Mme Cécile Foucher-Laville, membre de la commission propriété intellectuelle, juriste propriété intellectuelle du groupe Orange.

—  M. Matthieu Dhenne, membre du bureau, avocat ;

—  Mme Gabrielle Pierre-Lenfant, secrétaire.

—  Mme Anne-Cécile Truchot-Bothner, membre du Conseil d’administration ;

—  M. Emmanuel Cougé, membre du Conseil d’administration.

 

Table ronde Syndicats

—  M. Pierre-Yves Chanu, conseiller fédéral, pôle activités économiques ;

—  Mme Anaïs Ferrer, conseillère confédérale, pôle droits et libertés.

—  Mme Andrée Thomas, secrétaire confédérale en charge de l’Europe et l’international.

—  M. Joseph Thouvenel, vice-président confédéral.

—  Mme Franca Salis Madinier, secrétaire nationale.

—  M. Christophe Lefèvre, secrétaire national à l’Europe/International.

 

Table ronde Journalistes

—  M. Vincent Lanier, premier secrétaire.

—  M. Laurent Calixte, vice-président CGC journalistes ;

—  M. Patrick Lepesant.

—  M. Tristan Malle, secrétaire général.  

—  M. Paul Coppin, responsable du service juridique ;

—  Mme Laura Joly, assistante.

—  M. Emmanuel Charrier, président de la commission juridique ;

—  M. Yves Leon, membre de la commission informatique.

 

—  M. Édouard Perrin, journaliste, président du collectif « Informer n’est pas un délit ».

 

 


—  1  —

ANNEXE 1 - Eléments de droit comparé sur le droit applicable aux secrets d’affaires

 

Source : La protection des secrets des affaires dans l’Union européenne, rapport de M. Jérôme Frantz à la CCI Paris-Île-de-France, septembre 2014.


 

 

 

 


—  1  —

ANNEXE 2 - DIRECTIVE (UE) 2016/943 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites

 (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 114,

vu la proposition de la Commission européenne,

après transmission du projet d'acte législatif aux parlements nationaux,

vu l'avis du Comité économique et social européen (1),

statuant conformément à la procédure législative ordinaire (2),

considérant ce qui suit:

(1)

Les entreprises comme les organismes de recherche non commerciaux investissent dans l'obtention, le développement et l'utilisation de savoir-faire et d'informations qui constituent la monnaie de l'économie de la connaissance et qui confèrent un avantage concurrentiel. Ces investissements dans la production et l'utilisation de capital intellectuel sont des facteurs déterminants de leur compétitivité et de leurs performances liées à l'innovation sur le marché, et donc de leur retour sur investissement, ce qui constitue la motivation sous-jacente de la recherche et du développement dans les entreprises. Les entreprises ont recours à différents moyens pour s'approprier les résultats de leurs activités liées à l'innovation lorsque l'application du principe d'ouverture ne permet pas d'exploiter pleinement leurs investissements dans la recherche et l'innovation. L'utilisation des droits de propriété intellectuelle, tels que les brevets, les dessins et modèles et le droit d'auteur, constituent l'un de ces moyens. Un autre moyen de s'approprier les résultats de l'innovation consiste à protéger l'accès aux connaissances qui ont une valeur pour l'entité et qui sont peu connues, et à exploiter ces connaissances. Ces savoir-faire et ces informations commerciales de valeur, qui ne sont pas divulgués et que l'on entend garder confidentiels, sont appelés «secrets d'affaires».

 

(2)

Les entreprises, quelle que soit leur taille, accordent au moins autant de valeur aux secrets d'affaires qu'aux brevets et aux autres formes de droits de propriété intellectuelle. Elles utilisent la confidentialité comme un outil de compétitivité et de gestion de l'innovation dans la recherche dans les entreprises, et en ce qui concerne une large gamme d'informations, qui va des connaissances technologiques aux données commerciales telles que les informations relatives aux clients et aux fournisseurs, les plans d'affaires et les études et stratégies de marché. Les petites et moyennes entreprises (PME) accordent une importance encore plus grande aux secrets d'affaires et en sont encore plus tributaires. En protégeant ainsi ces divers savoir-faire et informations commerciales, que ce soit en complément ou en remplacement des droits de propriété intellectuelle, les secrets d'affaires permettent aux créateurs et aux innovateurs de tirer profit de leur création ou de leur innovation et sont dès lors particulièrement importants pour la compétitivité des entreprises ainsi que pour la recherche et le développement et pour les performances liées à l'innovation.

 

(3)

L'innovation ouverte est un catalyseur de nouvelles idées répondant aux besoins des consommateurs et aux défis de société, et permet à ces idées d'atteindre le marché. Une telle innovation constitue un levier important pour la création de nouvelles connaissances et est à la base de l'émergence de modèles d'entreprise nouveaux et innovants fondés sur l'utilisation de connaissances élaborées en commun. La recherche collaborative, y compris la coopération transfrontalière, est particulièrement importante pour accroître l'importance de la recherche et du développement au sein du marché intérieur. Il convient de considérer la diffusion des connaissances et des informations comme un élément essentiel pour créer des opportunités de développement dynamiques, positives et équitables pour les entreprises, en particulier les PME. Dans un marché intérieur où les obstacles à la collaboration transfrontalière sont réduits au minimum et où la coopération n'est pas entravée, la création intellectuelle et l'innovation devraient favoriser l'investissement dans les procédés, services et produits innovants. Un tel environnement propice à la création intellectuelle et à l'innovation et dans lequel la mobilité de la main-d'œuvre n'est pas entravée est également important pour la croissance de l'emploi et pour l'amélioration de la compétitivité de l'économie de l'Union. Les secrets d'affaires jouent un rôle important pour ce qui est de la protection des échanges de connaissances entre les entreprises, y compris, en particulier, les PME, et les organismes de recherche, aussi bien à l'intérieur qu'au-delà des frontières du marché intérieur, dans le contexte de la recherche et du développement, et de l'innovation. Or, les secrets d'affaires sont l'une des formes de protection de la création intellectuelle et des savoir-faire innovants les plus couramment utilisées par les entreprises, et, en même temps, ils sont les moins protégés par le cadre juridique existant de l'Union contre l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite par d'autres parties.

 

(4)

Les entreprises innovantes sont de plus en plus exposées à des pratiques malhonnêtes, trouvant leur origine à l'intérieur ou en dehors de l'Union, qui visent l'appropriation illicite de secrets d'affaires, tels que le vol, la copie non autorisée, l'espionnage économique ou le non-respect d'exigences de confidentialité. Les évolutions récentes, telles que la mondialisation, le recours croissant à la sous-traitance, l'allongement des chaînes de distribution et l'usage accru des technologies de l'information et de la communication, contribuent à la hausse des risques liés à ces pratiques. L'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires compromet la possibilité légitime pour les détenteurs de ce secret d'affaires de bénéficier des avantages liés au statut de précurseur tirés de leur travail lié à l'innovation. En l'absence de moyens juridiques effectifs et comparables de protection des secrets d'affaires dans toute l'Union, les incitations à s'engager dans des activités transfrontalières liées à l'innovation dans le marché intérieur sont compromises, et les secrets d'affaires ne peuvent atteindre leur plein potentiel en tant que vecteurs de croissance économique et d'emplois. L'innovation et la créativité sont ainsi découragées et les investissements diminuent, ce qui affecte le bon fonctionnement du marché intérieur et porte atteinte à son potentiel en tant que moteur de croissance.

 

(5)

Les efforts entrepris au niveau international dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce pour remédier à ce problème ont débouché sur la conclusion de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après dénommé «accord sur les ADPIC»). L'accord sur les ADPIC contient, entre autres, des dispositions relatives à la protection des secrets d'affaires contre leur obtention, leur utilisation ou leur divulgation illicite par des tiers, qui constituent des normes internationales communes. Tous les États membres ainsi que l'Union elle-même sont liés par cet accord, qui a été approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil (3).

 

(6)

Nonobstant l'accord sur les ADPIC, il existe d'importantes différences entre les législations des États membres en ce qui concerne la protection des secrets d'affaires contre leur obtention, leur utilisation ou leur divulgation illicite par des tiers. Par exemple, certains États membres n'ont pas adopté de définition nationale du secret d'affaires ou de l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires; dès lors, la connaissance de la portée de la protection n'est pas aisément accessible, et cette portée varie d'un État membre à l'autre. En outre, il n'existe pas de cohérence sur le plan des réparations disponibles en droit civil face à une obtention, une utilisation ou une divulgation illicite de secrets d'affaires, la possibilité d'ordonner la cessation ou l'abstention à l'encontre de tiers qui ne sont pas des concurrents du détenteur légitime de secrets d'affaires n'existant pas dans certains États membres. Des divergences existent aussi entre États membres en ce qui concerne le traitement de la situation d'un tiers qui a obtenu le secret d'affaires de bonne foi, mais qui apprend par la suite, lors de son utilisation, que cette obtention a été rendue possible par une obtention illicite par une autre partie.

 

(7)

Les règles nationales diffèrent également en ce qui concerne le droit, pour les détenteurs légitimes de secrets d'affaires, de demander la destruction de biens produits par des tiers qui utilisent ces secrets d'affaires de façon illicite, ou la restitution ou la destruction de tous documents, fichiers ou matériaux qui contiennent le secret obtenu ou utilisé de façon illicite, ou en constituent la matérialisation. Par ailleurs, les règles nationales applicables au calcul des dommages et intérêts ne tiennent pas toujours compte de la nature immatérielle des secrets d'affaires, ce qui rend difficile la détermination des bénéfices réellement perdus ou de l'enrichissement sans cause du contrevenant lorsqu’aucune valeur de marché ne peut être établie pour les informations en question. Seuls quelques États membres permettent l'application de règles abstraites pour le calcul des dommages et intérêts, sur la base des redevances ou droits qui auraient pu raisonnablement être exigés si une licence pour l'utilisation du secret d'affaires avait existé. En outre, de nombreuses règles nationales n'assurent pas une protection appropriée du caractère confidentiel d'un secret d'affaires lorsque son détenteur exerce une action en justice pour cause d'obtention, d'utilisation ou de divulgation illicite alléguée du secret d'affaires par un tiers, réduisant ainsi l'attractivité des mesures et réparations existantes et affaiblissant la protection offerte.

 

(8)

Les différences existant entre États membres en matière de protection juridique des secrets d'affaires impliquent que ceux-ci ne bénéficient pas d'un niveau de protection équivalent dans toute l'Union, ce qui entraîne une fragmentation du marché intérieur dans ce domaine et affaiblit l'effet dissuasif global des règles pertinentes. Le marché intérieur est affecté dans la mesure où ces différences réduisent les incitations pour les entreprises à entreprendre des activités économiques transfrontalières liées à l'innovation, y compris la coopération en matière de recherche ou de production avec des partenaires, la sous-traitance ou les investissements dans d'autres États membres, qui dépendent de l'utilisation d'informations bénéficiant d'une protection en tant que secrets d'affaires. La recherche et le développement transfrontaliers en réseau, ainsi que les activités liées à l'innovation, y compris les activités de production qui y sont liées et les échanges transfrontaliers qui en découlent, sont rendus moins attractifs et plus difficiles au sein de l'Union, ce qui entraîne aussi des inefficiences liées à l'innovation dans l'ensemble de l'Union.

 

(9)

En outre, les risques sont plus élevés pour les entreprises dans les États membres ayant des niveaux de protection comparativement plus faibles, car il est plus facile d'y voler des secrets d'affaires ou de les y obtenir autrement de façon illicite. Cela entraîne une répartition inefficiente, au sein du marché intérieur, des capitaux à destination des activités innovantes qui sont de nature à renforcer la croissance, étant donné le surcoût que représentent les mesures de protection visant à compenser l'insuffisance de la protection juridique dans certains États membres. Cela favorise aussi l'activité de concurrents déloyaux qui, après avoir obtenu des secrets d'affaires de façon illicite, pourraient diffuser dans le marché intérieur les biens résultant de cette obtention. Les différences de régime juridique favorisent aussi l'importation dans l'Union de biens issus de pays tiers dont la conception, la production ou la commercialisation reposent sur des secrets d'affaires volés ou obtenus autrement de façon illicite, via des points d'entrée où la protection est plus faible. Globalement, ces différences constituent une entrave au bon fonctionnement du marché intérieur.

 

(10)

Il convient de mettre en place, au niveau de l'Union, des règles pour rapprocher les droits des États membres de façon à garantir qu'il y ait des possibilités de réparation au civil suffisantes et cohérentes dans le marché intérieur en cas d'obtention, d'utilisation ou de divulgation illicite d'un secret d'affaires. Ces règles devraient être sans préjudice de la possibilité pour les États membres de prévoir une protection plus étendue contre l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite de secrets d'affaires, pour autant que les mesures de sauvegarde explicitement prévues par la présente directive pour protéger les intérêts d'autres parties soient respectées.

 

(11)

La présente directive ne devrait pas porter atteinte à l'application des règles de l'Union ou des règles nationales qui imposent la divulgation d'informations, y compris de secrets d'affaires, au public ou aux autorités publiques. Elle ne devrait pas non plus porter atteinte à l'application de règles qui permettent aux autorités publiques de recueillir des informations dans l'exercice de leurs fonctions, ou de règles qui permettent ou imposent toute divulgation ultérieure par ces autorités publiques d'informations pertinentes pour le public. Ces règles comprennent, en particulier, des règles relatives à la divulgation par les institutions et organes de l'Union ou par les autorités publiques nationales d'informations commerciales qu'ils détiennent en vertu du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil (4), du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil (5) et de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil (6) ou en vertu d'autres règles concernant l'accès du public aux documents ou les obligations de transparence des autorités publiques nationales.

 

(12)

La présente directive ne devrait pas porter atteinte au droit des partenaires sociaux de conclure des conventions collectives, lorsqu'elles sont prévues par le droit du travail, en ce qui concerne toute obligation de ne pas divulguer un secret d'affaires ou d'en limiter l'utilisation et les conséquences d'un manquement à une telle obligation par la partie qui y est soumise. Cela devrait être à la condition qu'une telle convention collective ne restreigne pas les exceptions prévues dans la présente directive, lorsqu'une demande ayant pour objet l'application de mesures, procédures ou réparations prévues par la présente directive pour cause d'obtention, d'utilisation ou de divulgation alléguée d'un secret d'affaires doit être rejetée.

 

(13)

La présente directive ne devrait pas être considérée comme restreignant la liberté d'établissement, la libre circulation ou la mobilité des travailleurs prévues par le droit de l'Union. Elle n'est pas non plus destinée à porter atteinte à la possibilité de conclure des accords de non-concurrence entre employeurs et travailleurs conformément au droit applicable.

 

(14)

Il importe d'établir une définition homogène du secret d'affaires sans imposer de restrictions quant à l'objet à protéger contre l'appropriation illicite. Cette définition devrait dès lors être élaborée de façon à couvrir les savoir-faire, les informations commerciales et les informations technologiques lorsqu'il existe à la fois un intérêt légitime à les garder confidentiels et une attente légitime de protection de cette confidentialité. Par ailleurs, ces savoir-faire ou informations devraient avoir une valeur commerciale, effective ou potentielle. Ces savoir-faire ou informations devraient être considérés comme ayant une valeur commerciale, par exemple lorsque leur obtention, utilisation ou divulgation illicite est susceptible de porter atteinte aux intérêts de la personne qui en a le contrôle de façon licite en ce qu'elle nuit au potentiel scientifique et technique de cette personne, à ses intérêts économiques ou financiers, à ses positions stratégiques ou à sa capacité concurrentielle. La définition du secret d'affaires exclut les informations courantes et l'expérience et les compétences obtenues par des travailleurs dans l'exercice normal de leurs fonctions et elle exclut également les informations qui sont généralement connues de personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'informations en question, ou qui leur sont aisément accessibles.

 

(15)

Il est également important de définir les circonstances dans lesquelles la protection légale du secret d'affaires se justifie. Pour cette raison, il est nécessaire de déterminer quels comportements et pratiques doivent être réputés constituer une obtention, une utilisation ou une divulgation illicite d'un secret d'affaires.

 

(16)

Dans l'intérêt de l'innovation et en vue de favoriser la concurrence, les dispositions de la présente directive ne devraient créer aucun droit exclusif sur les savoir-faire ou informations protégés en tant que secrets d'affaires. La découverte indépendante des mêmes savoir-faire ou informations devrait donc rester possible. L'ingénierie inverse d'un produit obtenu de façon licite devrait être considérée comme un moyen licite d'obtenir des informations, sauf dispositions contractuelles contraires. La liberté de conclure de tels accords contractuels peut toutefois être limitée par la loi.

 

(17)

Dans certains secteurs d'activité, où les créateurs et les innovateurs ne peuvent bénéficier de droits exclusifs et où l'innovation repose traditionnellement sur des secrets d'affaires, il est aujourd'hui aisé d'appliquer l'ingénierie inverse aux produits une fois qu'ils sont sur le marché. Dans de tels cas, ces créateurs et ces innovateurs peuvent être victimes de pratiques telles que la copie parasitaire ou les imitations serviles qui exploitent de manière parasitaire leur renommée et leurs efforts d'innovation. Certaines législations nationales qui traitent de la concurrence déloyale abordent ces pratiques. Bien que la présente directive ne vise pas à réformer ou à harmoniser le droit relatif à la concurrence déloyale en général, il serait approprié que la Commission examine attentivement la nécessité d'une action de l'Union dans ce domaine.

 

(18)

En outre, l'obtention, l'utilisation ou la divulgation de secrets d'affaires, lorsqu'elle est imposée ou autorisée par la loi, devrait être considérée comme licite aux fins de la présente directive. Cela concerne notamment l'obtention et la divulgation de secrets d'affaires dans le cadre de l'exercice des droits des représentants des travailleurs à l'information, à la consultation et à la participation conformément au droit de l'Union, aux droits nationaux et aux pratiques nationales, et dans le cadre de la défense collective des intérêts des travailleurs et employeurs, y compris la codétermination, ainsi que l'obtention ou la divulgation d'un secret d'affaires dans le cadre de contrôles légaux des comptes effectués conformément au droit de l'Union ou au droit national. Cependant, le fait de considérer comme licite l'obtention d'un secret d'affaires dans ce cadre devrait être sans préjudice de toute obligation de confidentialité concernant le secret d'affaires ou de toute restriction quant à son utilisation que le droit de l'Union ou le droit national impose à la personne qui reçoit ou obtient les informations. En particulier, la présente directive ne devrait pas libérer les autorités publiques des obligations de confidentialité auxquelles elles sont soumises à l'égard des informations transmises par les détenteurs de secrets d'affaires, que ces obligations soient définies dans le droit de l'Union ou le droit national. Ces obligations de confidentialité comprennent, entre autres, les obligations en ce qui concerne les informations transmises aux pouvoirs adjudicateurs dans le cadre de la passation de marchés, fixées, par exemple, dans la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil (7), dans la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil (8) et dans la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil (9).

 

(19)

Bien que la présente directive prévoie des mesures et des réparations pouvant consister à prévenir la divulgation d'informations afin de protéger le caractère confidentiel des secrets d'affaires, il est essentiel que l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information, qui englobe la liberté et le pluralisme des médias, comme le prévoit l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après dénommée «Charte»), ne soit pas restreint, notamment en ce qui concerne le journalisme d'investigation et la protection des sources des journalistes.

 

(20)

Les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive ne devraient pas entraver les activités des lanceurs d'alertes. La protection des secrets d'affaires ne devrait dès lors pas s'étendre aux cas où la divulgation d'un secret d'affaires sert l'intérêt public dans la mesure où elle permet de révéler une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale directement pertinents. Cela ne devrait pas être compris comme empêchant les autorités judiciaires compétentes d'autoriser une dérogation à l'application de mesures, procédures et réparations lorsque le défendeur avait toutes les raisons de croire, de bonne foi, que son comportement satisfaisait aux critères appropriés énoncés dans la présente directive.

 

(21)

Conformément au principe de proportionnalité, les mesures, procédures et réparations prévues pour protéger les secrets d'affaires devraient être ajustées à l'objectif visant à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur de la recherche et de l'innovation, en particulier en ayant un effet dissuasif à l'égard de l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites d'un secret d'affaires. Un tel ajustement des mesures, procédures et réparations ne devrait pas mettre en péril ou affaiblir les droits et libertés fondamentaux ou l'intérêt public, tels que la sécurité publique, la protection des consommateurs, la santé publique et la protection de l'environnement, et ne devrait pas porter préjudice à la mobilité des travailleurs. À cet égard, les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive visent à garantir la prise en compte par les autorités judiciaires compétentes de facteurs tels que la valeur du secret d'affaires, la gravité du comportement ayant débouché sur l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite du secret d'affaires, et les incidences de ce comportement. Il convient également de veiller à ce que les autorités judiciaires compétentes soient dotées du pouvoir souverain de peser les intérêts des parties à la procédure judiciaire ainsi que les intérêts des tiers, dont, le cas échéant, les consommateurs.

 

(22)

Le bon fonctionnement du marché intérieur serait compromis si les mesures, procédures et réparations prévues étaient utilisées à des fins illégitimes incompatibles avec les objectifs de la présente directive. Il importe dès lors que les autorités judiciaires aient le pouvoir d'adopter des mesures appropriées à l'encontre des demandeurs qui se comportent de manière abusive ou agissent de mauvaise foi en présentant des demandes manifestement non fondées, dans le but, par exemple, de retarder ou de restreindre de façon déloyale l'accès du défendeur au marché ou d'intimider ou de harceler celui-ci autrement.

 

(23)

Dans l'intérêt de la sécurité juridique, et considérant que l'on attend des détenteurs légitimes de secrets d'affaires qu'ils exercent un devoir de diligence en ce qui concerne la protection du caractère confidentiel de leurs secrets d'affaires de valeur et le contrôle de leur utilisation, il convient de soumettre les demandes sur le fond ou la possibilité d'engager une action pour la protection de secrets d'affaires à un délai limité. Le droit national devrait également préciser, d'une manière claire et non ambiguë, le moment à partir duquel ce délai commence à courir et les circonstances dans lesquelles il est interrompu ou suspendu.

 

(24)

La perspective qu'un secret d'affaires perde son caractère confidentiel pendant une procédure judiciaire décourage souvent les détenteurs légitimes de secrets d'affaires d'engager des procédures judiciaires pour défendre leurs secrets d'affaires, ce qui nuit à l'efficacité des mesures, procédures et réparations prévues. Pour cette raison, il est nécessaire d'établir, sous réserve de mesures de sauvegarde appropriées garantissant le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, des règles spécifiques visant à protéger le caractère confidentiel du secret d'affaires faisant l'objet du litige pendant les procédures judiciaires intentées pour sa protection. Cette protection devrait perdurer après la fin des procédures judiciaires et aussi longtemps que les informations constituant le secret d'affaires ne sont pas dans le domaine public.

 

(25)

Parmi ces règles devraient figurer, au minimum, la possibilité de restreindre le cercle des personnes habilitées à avoir accès aux éléments de preuve ou aux audiences, en gardant à l'esprit que toutes ces personnes devraient être soumises aux obligations de confidentialité énoncées dans la présente directive, et la possibilité de publier uniquement les éléments non confidentiels des décisions de justice. Dans ce cadre, étant donné que l'évaluation de la nature des informations faisant l'objet d'un litige est une des principales finalités des procédures judiciaires, il est particulièrement important de veiller à assurer à la fois la protection effective du caractère confidentiel des secrets d'affaires et le respect du droit des parties à ces procédures de bénéficier d'un recours effectif et d'accéder à un tribunal impartial. Ce cercle restreint de personnes devrait dès lors comprendre au moins une personne physique pour chaque partie, ainsi que l'avocat de chaque partie et, le cas échéant, d'autres représentants disposant des qualifications appropriées conformément au droit national pour défendre, représenter ou servir les intérêts d'une partie dans les procédures judiciaires couvertes par la présente directive; toutes ces personnes devraient avoir pleinement accès à ces éléments de preuve ou ces audiences. Dans le cas où une des parties est une personne morale, celle-ci devrait pouvoir proposer la ou les personnes physiques devant faire partie de ce cercle de personnes de manière à garantir la bonne représentation de cette personne morale, sous réserve d'un contrôle judiciaire approprié afin d'éviter qu'il ne soit porté atteinte à l'objectif visant à restreindre l'accès aux éléments de preuve et aux audiences. Ces mesures de sauvegarde ne devraient pas s'entendre comme une obligation faite aux parties d'être représentées par un avocat ou un autre représentant au cours des procédures judiciaires lorsque cette représentation n'est pas requise par le droit national. Elles ne devraient pas non plus s'entendre comme une limitation de la faculté des juridictions de décider, conformément aux règles et pratiques applicables de l'État membre concerné, si et dans quelle mesure il convient que le personnel judiciaire concerné ait également pleinement accès aux éléments de preuve et aux audiences dans l'exercice de ses fonctions.

 

(26)

L'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires par un tiers pourrait avoir des conséquences désastreuses pour le détenteur légitime du secret d'affaires, car, dès que le secret d'affaires est divulgué au public, il est impossible pour ce détenteur de revenir à la situation qui prévalait avant la perte du secret d'affaires. En conséquence, il est essentiel de prévoir des mesures provisoires rapides, efficaces et accessibles pour qu'il soit immédiatement mis fin à l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires, y compris lorsque celui-ci est utilisé pour la prestation de services. Il est essentiel que ces mesures soient disponibles sans attendre une décision sur le fond, tout en respectant les droits de la défense et le principe de proportionnalité et en ayant égard aux caractéristiques de l'affaire. Dans certains cas, il devrait être possible de permettre au contrevenant supposé, sous réserve de la constitution d'une ou plusieurs garanties, de continuer à utiliser le secret d'affaires, notamment lorsqu'il n'y a guère de risque que ce secret entre dans le domaine public. Il devrait également être possible d'exiger des garanties d'un niveau suffisant pour couvrir les frais et dommages subis par le défendeur en raison d'une demande injustifiée, surtout dans les cas où tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au détenteur légitime de secrets d'affaires.

 

(27)

Pour la même raison, il importe également de prévoir des mesures définitives empêchant l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires, y compris lorsque celui-ci est utilisé pour la prestation de services. Pour que ces mesures soient efficaces et proportionnées, leur durée, lorsque les circonstances requièrent une limitation dans le temps, devrait être suffisante pour éliminer tout avantage commercial que le tiers pourrait avoir tiré de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires. En tout état de cause, aucune mesure de ce type ne devrait être exécutoire si les informations couvertes au départ par le secret d'affaires sont dans le domaine public pour des raisons qui ne dépendent pas du défendeur.

 

(28)

Il est possible qu'un secret d'affaires puisse être utilisé de façon illicite pour concevoir, produire ou commercialiser des biens, ou des composants de biens, susceptibles d'être diffusés sur le marché intérieur, portant ainsi atteinte aux intérêts commerciaux du détenteur du secret d'affaires et au fonctionnement du marché intérieur. Dans ces cas, et lorsque le secret d'affaires en question a une incidence significative sur la qualité, la valeur ou le prix des biens résultant de cette utilisation illicite ou sur la réduction du coût, la facilitation ou l'accélération de leurs procédés de production ou de commercialisation, il est important de doter les autorités judiciaires du pouvoir d'ordonner des mesures efficaces et appropriées pour que ces biens ne soient pas mis sur le marché ou en soient retirés. Considérant la nature mondiale du commerce, il est en outre nécessaire que, parmi ces mesures, figure l'interdiction d'importer de tels biens dans l'Union ou de les y stocker aux fins de les offrir ou de les mettre sur le marché. Eu égard au principe de proportionnalité, les mesures correctives ne devraient pas forcément impliquer la destruction des biens s'il existe d'autres alternatives acceptables, comme supprimer le caractère infractionnel du bien ou l'écarter des circuits commerciaux, par exemple en le donnant à des organisations caritatives.

 

(29)

Il est possible qu'une personne ait obtenu un secret d'affaires de bonne foi et prenne conscience seulement par la suite, y compris à la suite d'une notification qui lui est faite par le détenteur initial du secret d'affaires, que la connaissance qu'elle a de ce secret d'affaires provient de sources recourant à l'utilisation ou à la divulgation illicite dudit secret d'affaires. Afin d'éviter que, dans de telles circonstances, les mesures correctives ou les injonctions prévues ne causent un préjudice disproportionné à cette personne, les États membres devraient prévoir, à titre de mesure alternative, la possibilité, si l'affaire s'y prête, qu'une compensation financière soit versée à la partie lésée. Cette indemnisation ne devrait, toutefois, pas dépasser le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si cette personne avait obtenu l'autorisation d'utiliser ledit secret d'affaires pour la période pendant laquelle l'utilisation du secret d'affaires aurait pu être empêchée par le détenteur initial du secret d'affaires. Néanmoins, lorsque l'utilisation illicite du secret d'affaires constitue une violation de la loi autre que celle qui est prévue dans la présente directive ou est susceptible de porter préjudice aux consommateurs, cette utilisation illicite devrait être interdite.

 

(30)

Afin d'éviter qu'une personne qui obtient, utilise ou divulgue un secret d'affaires de façon illicite, en connaissance de cause ou en ayant des motifs raisonnables de connaître la situation, ne puisse tirer parti d'un tel comportement, et pour veiller à ce que le détenteur du secret d'affaires lésé soit remis, dans la mesure du possible, dans la situation qui aurait été la sienne si ce comportement n'avait pas eu lieu, il est nécessaire de prévoir une indemnisation adéquate du préjudice subi à la suite du comportement illicite. Pour fixer le montant des dommages et intérêts à octroyer au détenteur du secret d'affaires lésé, il y a lieu de prendre en considération tous les aspects appropriés, tels que le manque à gagner subi par le détenteur du secret d'affaires ou les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, le cas échéant, tout préjudice moral causé au détenteur du secret d'affaires. Dans les cas où, par exemple, étant donné la nature immatérielle des secrets d'affaires, il serait difficile de déterminer le montant du préjudice réellement subi, le montant des dommages et intérêts pourrait, à titre de mesure alternative, également être calculé à partir d'éléments tels que les redevances ou les droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser ledit secret d'affaires. Le but de cette méthode alternative n'est pas d'introduire une obligation de prévoir des dommages et intérêts punitifs, mais de permettre une indemnisation fondée sur une base objective tout en tenant compte des frais encourus par le détenteur du secret d'affaires, tels que les frais d'identification et de recherche. La présente directive ne devrait pas empêcher les États membres de prévoir dans leur droit national des dispositions limitant la responsabilité des travailleurs pour les dommages causés lorsqu'ils n'ont pas agi intentionnellement.

 

(31)

À titre de dissuasion complémentaire à l'égard de futurs contrevenants, et pour contribuer à la prise de conscience du public au sens large, il est utile d'assurer la publicité des décisions rendues dans les affaires d'obtention, d'utilisation ou de divulgation illicite de secrets d'affaires, y compris, le cas échéant, par une publicité de grande ampleur, pour autant que cette publication n'entraîne pas la divulgation du secret d'affaires ou ne porte pas atteinte de manière disproportionnée à la vie privée et à la réputation d'une personne physique.

 

(32)

L'efficacité des mesures, des procédures et des réparations dont peuvent bénéficier les détenteurs de secrets d'affaires pourrait être affaiblie en cas de non-respect des décisions adoptées en la matière par les autorités judiciaires compétentes. C'est pourquoi il est nécessaire de veiller à ce que ces autorités disposent de pouvoirs de sanction appropriés.

 

(33)

Afin de faciliter l'application uniforme des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive, il convient de prévoir des systèmes de coopération et des échanges d'informations entre les États membres, d'une part, et entre ceux-ci et la Commission, d'autre part, notamment en mettant en place un réseau de correspondants désignés par les États membres. En outre, afin d'évaluer si ces mesures permettent d'atteindre l'objectif visé, la Commission, assistée le cas échéant par l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle, devrait examiner l'application de la présente directive et l'efficacité des mesures prises au niveau national.

 

(34)

La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus notamment par la Charte, en particulier le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à la protection des données à caractère personnel, la liberté d'expression et d'information, la liberté professionnelle et le droit de travailler, la liberté d'entreprise, le droit de propriété, le droit à une bonne administration, et en particulier l'accès aux dossiers, tout en respectant le secret des affaires, le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial et les droits de la défense.

 

(35)

Il importe que soient respectés le droit au respect de la vie privée et familiale et le droit à la protection des données à caractère personnel de toute personne dont les données à caractère personnel peuvent être traitées par le détenteur d'un secret d'affaires lorsqu'il prend des mesures visant à protéger un secret d'affaires, ou de toute personne concernée par une procédure judiciaire relative à l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite de secrets d'affaires relevant de la présente directive, et dont les données à caractère personnel font l'objet d'un traitement. La directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil (10) régit le traitement des données à caractère personnel effectué dans les États membres dans le cadre de la présente directive et sous le contrôle des autorités compétentes des États membres, en particulier les autorités indépendantes publiques désignées par les États membres. Par conséquent, la présente directive ne devrait pas avoir d'incidence sur les droits et obligations fixés par la directive 95/46/CE, notamment le droit de la personne concernée d'accéder aux données à caractère personnel la concernant qui font l'objet d'un traitement et le droit d'obtenir la rectification, l'effacement ou le verrouillage de ces données lorsqu'elles sont incomplètes ou inexactes et, le cas échéant, l'obligation de traiter des données sensibles conformément à l'article 8, paragraphe 5, de la directive 95/46/CE.

 

(36)

Étant donné que l'objectif de la présente directive, à savoir parvenir à un bon fonctionnement du marché intérieur en établissant un niveau suffisant et comparable de réparation dans tout le marché intérieur en cas d'obtention, d'utilisation ou de divulgation illicite d'un secret d'affaires, ne peut pas être atteint de manière suffisante par les États membres mais peut, en raison de ses dimensions et de ses effets, l'être mieux au niveau de l'Union, celle-ci peut prendre des mesures conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité sur l'Union européenne. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, la présente directive n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

 

(37)

La présente directive ne vise pas à établir des règles harmonisées en matière de coopération judiciaire, de compétence judiciaire, de reconnaissance et d'exécution des décisions de justice en matière civile et commerciale, ni à traiter du droit applicable. D'autres instruments de l'Union qui régissent ces matières sur un plan général devraient, en principe, rester également applicables au domaine couvert par la présente directive.

 

(38)

La présente directive ne devrait pas avoir d'incidence sur l'application des règles du droit de la concurrence, notamment les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive ne devraient pas être utilisées pour restreindre indument la concurrence d'une manière qui soit contraire au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

 

(39)

La présente directive ne devrait pas avoir d'incidence sur l'application de toute autre législation pertinente dans d'autres domaines, y compris les droits de propriété intellectuelle et le droit des contrats. Cependant, en cas de chevauchement entre le champ d'application de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil (11) et le champ d'application de la présente directive, cette dernière prévaut en tant que lex specialis.

 

(40)

Le Contrôleur européen de la protection des données a été consulté conformément à l'article 28, paragraphe 2, du règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil (12) et a rendu son avis le 12 mars 2014,

ONT ADOPTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:

CHAPITRE I

Objet et champ d'application

Article premier

Objet et champ d'application

1.   La présente directive établit des règles protégeant les secrets d'affaires contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.

Les États membres peuvent, dans le respect des dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, prévoir une protection des secrets d'affaires contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites plus étendue que celle qui est requise par la présente directive, sous réserve du respect des articles 3, 5 et 6, de l'article 7, paragraphe 1, de l'article 8, de l'article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l'article 9, paragraphes 3 et 4, de l'article 10, paragraphe 2, des articles 11 et 13 et de l'article 15, paragraphe 3.

2.   La présente directive ne porte pas atteinte à:

a)

l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information établi dans la Charte, y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias;

 

b)

l'application de règles de l'Union ou de règles nationales exigeant des détenteurs de secrets d'affaires qu'ils révèlent, pour des motifs d'intérêt public, des informations, y compris des secrets d'affaires, au public ou aux autorités administratives ou judiciaires pour l'exercice des fonctions de ces autorités;

 

c)

l'application de règles de l'Union ou de règles nationales obligeant ou autorisant les institutions et organes de l'Union ou les autorités publiques nationales à divulguer des informations communiquées par des entreprises que ces institutions, organes ou autorités détiennent en vertu des obligations et prérogatives établies par le droit de l'Union ou le droit national et conformément à celles-ci;

 

d)

l'autonomie des partenaires sociaux et leur droit de conclure des conventions collectives, conformément au droit de l'Union et aux droits nationaux et pratiques nationales.

3.   Rien dans la présente directive ne peut être interprété comme permettant de restreindre la mobilité des travailleurs. En particulier, en ce qui concerne l'exercice de cette mobilité, la présente directive ne permet aucunement:

a)

de limiter l'utilisation par les travailleurs d'informations qui ne constituent pas un secret d'affaires tel qu'il est défini à l'article 2, point 1);

 

b)

de limiter l'utilisation par les travailleurs de l'expérience et des compétences acquises de manière honnête dans l'exercice normal de leurs fonctions;

 

c)

d'imposer aux travailleurs dans leur contrat de travail des restrictions supplémentaires autres que celles imposées conformément au droit de l'Union ou au droit national.

Article 2

Définitions

Aux fins de la présente directive, on entend par:

1)

«secret d'affaires», des informations qui répondent à toutes les conditions suivantes:

a)

elles sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles,

 

b)

elles ont une valeur commerciale parce qu'elles sont secrètes,

 

c)

elles ont fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes;

 

2)

«détenteur de secrets d'affaires», toute personne physique ou morale qui a le contrôle d'un secret d'affaires de façon licite;

 

3)

«contrevenant», toute personne physique ou morale qui a obtenu, utilisé ou divulgué un secret d'affaires de façon illicite;

 

4)

«biens en infraction», des biens dont le dessin ou modèle, les caractéristiques, le fonctionnement, le procédé de production ou la commercialisation bénéficient de manière significative de secrets d'affaires obtenus, utilisés ou divulgués de façon illicite.

CHAPITRE II

Obtention, utilisation et divulgation de secrets d'affaires

Article 3

Obtention, utilisation et divulgation licites de secrets d'affaires

1.   L'obtention d'un secret d'affaires est considérée comme licite lorsque le secret d'affaires est obtenu par l'un ou l'autre des moyens suivants:

a)

une découverte ou une création indépendante;

 

b)

l'observation, l'étude, le démontage ou le test d'un produit ou d'un objet qui a été mis à la disposition du public ou qui est de façon licite en possession de la personne qui obtient l'information et qui n'est pas liée par une obligation juridiquement valide de limiter l'obtention du secret d'affaires;

 

c)

l'exercice du droit des travailleurs ou des représentants des travailleurs à l'information et à la consultation, conformément au droit de l'Union et aux droits nationaux et pratiques nationales;

 

d)

toute autre pratique qui, eu égard aux circonstances, est conforme aux usages honnêtes en matière commerciale.

2.   L'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires est considérée comme licite dans la mesure où elle est requise ou autorisée par le droit de l'Union ou le droit national.

Article 4

Obtention, utilisation et divulgation illicites de secrets d'affaires

1.   Les États membres veillent à ce que les détenteurs de secrets d'affaires aient le droit de demander l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive afin d'empêcher, ou d'obtenir réparation pour, l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite de leurs secrets d'affaires.

2.   L'obtention d'un secret d'affaires sans le consentement du détenteur du secret d'affaires est considérée comme illicite lorsqu'elle est réalisée par le biais:

a)

d'un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier électronique ou d'une appropriation ou copie non autorisée de ces éléments, que le détenteur du secret d'affaires contrôle de façon licite et qui contiennent ledit secret d'affaires ou dont ledit secret d'affaires peut être déduit;

 

b)

de tout autre comportement qui, eu égard aux circonstances, est considéré comme contraire aux usages honnêtes en matière commerciale.

3.   L'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires est considérée comme illicite lorsqu'elle est réalisée, sans le consentement du détenteur du secret d'affaires, par une personne dont il est constaté qu'elle répond à l'une ou l'autre des conditions suivantes:

a)

elle a obtenu le secret d'affaires de façon illicite;

 

b)

elle agit en violation d'un accord de confidentialité ou de toute autre obligation de ne pas divulguer le secret d'affaires;

 

c)

elle agit en violation d'une obligation contractuelle ou de toute autre obligation de limiter l'utilisation du secret d'affaires.

4.   L'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires est aussi considérée comme illicite lorsque, au moment de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires, une personne savait ou, eu égard aux circonstances, aurait dû savoir que ledit secret d'affaires avait été obtenu directement ou indirectement d'une autre personne qui l'utilisait ou le divulguait de façon illicite au sens du paragraphe 3.

5.   La production, l'offre ou la mise sur le marché, ou l'importation, l'exportation ou le stockage à ces fins de biens en infraction sont aussi considérés comme une utilisation illicite d'un secret d'affaires lorsque la personne qui exerce ces activités savait ou, eu égard aux circonstances, aurait dû savoir que le secret d'affaires était utilisé de façon illicite au sens du paragraphe 3.

Article 5

Dérogations

Les États membres veillent à ce qu'une demande ayant pour objet l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive soit rejetée lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation alléguée du secret d'affaires a eu lieu dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes:

a)

pour exercer le droit à la liberté d'expression et d'information établi dans la Charte, y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias;

 

b)

pour révéler une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale, à condition que le défendeur ait agi dans le but de protéger l'intérêt public général;

 

c)

la divulgation par des travailleurs à leurs représentants dans le cadre de l'exercice légitime par ces représentants de leur fonction conformément au droit de l'Union ou au droit national, pour autant que cette divulgation ait été nécessaire à cet exercice;

 

d)

aux fins de la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union ou le droit national.

CHAPITRE III

Mesures, procédures et réparations

Section 1

Dispositions générales

Article 6

Obligation générale

1.   Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour qu'une réparation au civil soit possible en cas d'obtention, d'utilisation et de divulgation illicites de secrets d'affaires.

2.   Les mesures, procédures et réparations visées au paragraphe 1:

a)

doivent être justes et équitables;

 

b)

ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner des retards injustifiés; et

 

c)

doivent être effectives et dissuasives.

Article 7

Proportionnalité et abus de procédure

1.   Les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive sont appliquées d'une manière qui:

a)

est proportionnée;

 

b)

évite la création d'obstacles au commerce légitime dans le marché intérieur; et

 

c)

prévoit des mesures de sauvegarde contre leur usage abusif.

2.   Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande du défendeur, appliquer les mesures appropriées prévues par le droit national lorsqu'une demande concernant l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires est manifestement non fondée et qu'il est constaté que le demandeur a engagé la procédure judiciaire abusivement ou de mauvaise foi. Ces mesures peuvent consister notamment, le cas échéant, à allouer des dommages et intérêts au défendeur, à imposer des sanctions au demandeur ou à ordonner la diffusion d'informations relatives à une décision conformément à l'article 15.

Les États membres peuvent prévoir que les mesures visées au premier alinéa font l'objet d'une procédure judiciaire distincte.

Article 8

Délai de prescription

1.   Les États membres fixent, conformément au présent article, des règles relatives aux délais de prescription applicables aux demandes sur le fond et aux actions ayant pour objet l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive.

Les règles visées au premier alinéa déterminent le moment à partir duquel le délai de prescription commence à courir, la durée de ce délai et les circonstances dans lesquelles ce délai est interrompu ou suspendu.

2.   La durée du délai de prescription n'excède pas six ans.

Article 9

Protection du caractère confidentiel des secrets d'affaires au cours des procédures judiciaires

1.   Les États membres veillent à ce que les parties, leurs avocats ou autres représentants, le personnel judiciaire, les témoins, les experts et toute autre personne participant à une procédure judiciaire relative à l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires, ou ayant accès à des documents faisant partie d'une telle procédure, ne soient pas autorisés à utiliser ou divulguer un secret d'affaires ou un secret d'affaires allégué que les autorités judiciaires compétentes ont, en réponse à la demande dûment motivée d'une partie intéressée, qualifié de confidentiel et dont ils ont eu connaissance en raison de cette participation ou de cet accès. À cet égard, les États membres peuvent aussi permettre aux autorités judiciaires compétentes d'agir d'office.

L'obligation visée au premier alinéa perdure après la fin de la procédure judiciaire. Toutefois, elle cesse d'exister dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes:

a)

il est constaté, dans une décision définitive, que le secret d'affaires allégué ne remplit pas les conditions prévues à l'article 2, point 1); ou

 

b)

les informations en cause sont devenues, au fil du temps, généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement de ce genre d'informations, ou sont devenues aisément accessibles à ces personnes.

2.   Les États membres veillent également à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande dûment motivée d'une partie, prendre les mesures particulières nécessaires pour protéger le caractère confidentiel de tout secret d'affaires ou secret d'affaires allégué utilisé ou mentionné au cours d'une procédure judiciaire relative à l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires. Les États membres peuvent aussi permettre aux autorités judiciaires compétentes de prendre de telles mesures d'office.

Les mesures visées au premier alinéa incluent au moins la possibilité:

a)

de restreindre à un nombre limité de personnes l'accès à tout ou partie d'un document contenant des secrets d'affaires ou des secrets d'affaires allégués produit par les parties ou par des tiers;

 

b)

de restreindre à un nombre limité de personnes l'accès aux audiences, lorsque des secrets d'affaires ou des secrets d'affaires allégués sont susceptibles d'y être divulgués, ainsi qu'aux procès-verbaux ou notes d'audience;

 

c)

de mettre à la disposition de toute personne autre que celles faisant partie du nombre limité de personnes visées aux points a) et b) une version non confidentielle de toute décision judiciaire dans laquelle les passages contenant des secrets d'affaires ont été supprimés ou biffés.

Le nombre de personnes visées au deuxième alinéa, points a) et b), n'est pas supérieur à ce qui est nécessaire pour garantir aux parties à la procédure judiciaire le respect de leur droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial et il comprend, au moins, une personne physique pour chaque partie et l'avocat de chaque partie ou d'autres représentants de ces parties à la procédure judiciaire.

3.   Lorsqu'elles se prononcent sur les mesures visées au paragraphe 2 et évaluent leur caractère proportionné, les autorités judiciaires compétentes prennent en considération la nécessité de garantir le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, les intérêts légitimes des parties et, le cas échéant, des tiers, ainsi que tout dommage que l'octroi ou le refus de ces mesures pourrait causer à l'une ou l'autre des parties et, le cas échéant, à des tiers.

4.   Tout traitement de données à caractère personnel en vertu du paragraphe 1, 2 ou 3 est effectué conformément à la directive 95/46/CE.

Section 2

Mesures provisoires et conservatoires

Article 10

Mesures provisoires et conservatoires

1.   Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande du détenteur de secrets d'affaires, ordonner une ou plusieurs des mesures provisoires et conservatoires suivantes à l'encontre du contrevenant supposé:

a)

la cessation ou, selon le cas, l'interdiction de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires à titre provisoire;

 

b)

l'interdiction de produire, d'offrir, de mettre sur le marché ou d'utiliser des biens en infraction, ou d'importer, d'exporter ou de stocker des biens en infraction à ces fins;

 

c)

la saisie ou la remise des biens soupçonnés d'être en infraction, y compris de produits importés, de façon à empêcher leur entrée ou leur circulation sur le marché.

2.   Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires puissent, en lieu et place des mesures visées au paragraphe 1, subordonner la poursuite de l'utilisation illicite alléguée d'un secret d'affaires à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation du détenteur de secrets d'affaires. La divulgation d'un secret d'affaires en échange de la constitution de garanties n'est pas autorisée.

Article 11

Conditions d'application et mesures de sauvegarde

1.   En ce qui concerne les mesures visées à l'article 10, les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes soient habilitées à exiger du demandeur qu'il fournisse tout élément de preuve qui puisse être raisonnablement considérée comme étant accessible afin d'acquérir avec un degré de certitude suffisant la conviction que:

a)

un secret d'affaires existe;

 

b)

le demandeur est le détenteur du secret d'affaires; et

 

c)

le secret d'affaires a été obtenu, est utilisé ou est divulgué de façon illicite, ou une obtention, une utilisation ou une divulgation illicite de ce secret d'affaires est imminente.

2.   Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes, lorsqu'elles décident s'il est fait droit à la demande ou si celle-ci est rejetée et qu'elles évaluent son caractère proportionné, aient l'obligation de prendre en considération les circonstances particulières de l'espèce, y compris, s'il y a lieu:

a)

la valeur ou d'autres caractéristiques du secret d'affaires;

 

b)

les mesures prises pour protéger le secret d'affaires;

 

c)

le comportement du défendeur lors de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires;

 

d)

l'incidence de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires;

 

e)

les intérêts légitimes des parties et l'incidence que l'octroi ou le refus de ces mesures pourrait avoir sur les parties;

 

f)

les intérêts légitimes des tiers;

 

g)

l'intérêt public; et

 

h)

la sauvegarde des droits fondamentaux.

3.   Les États membres veillent à ce que les mesures visées à l'article 10 soient révoquées ou cessent autrement de produire leurs effets, à la demande du défendeur, si:

a)

le demandeur n'engage pas de procédure judiciaire conduisant à une décision au fond devant l'autorité judiciaire compétente dans un délai raisonnable déterminé par l'autorité judiciaire ordonnant les mesures lorsque le droit de l'État membre le permet ou, en l'absence d'une telle détermination, dans un délai ne dépassant pas 20 jours ouvrables ou 31 jours civils, le délai le plus long étant retenu; ou

 

b)

les informations en question ne répondent plus aux conditions de l'article 2, point 1), pour des raisons qui ne dépendent pas du défendeur.

4.   Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent subordonner les mesures visées à l'article 10 à la constitution, par le demandeur, d'une caution adéquate ou d'une garantie équivalente destinée à assurer l'indemnisation de tout préjudice éventuel subi par le défendeur et, le cas échéant, par toute autre personne touchée par les mesures.

5.   Lorsque les mesures visées à l'article 10 sont révoquées sur la base du paragraphe 3, point a), du présent article, lorsqu'elles cessent d'être applicables en raison de toute action ou omission du demandeur, ou lorsqu'il est constaté ultérieurement qu'il n'y a pas eu obtention, utilisation ou divulgation illicite du secret d'affaires ou menace de tels comportements, les autorités judiciaires compétentes ont le pouvoir d'ordonner au demandeur, à la demande du défendeur ou d'un tiers lésé, d'accorder au défendeur ou au tiers lésé une indemnisation appropriée en réparation de tout préjudice causé par ces mesures.

Les États membres peuvent prévoir que la demande d'indemnisation visée au premier alinéa fait l'objet d'une procédure judiciaire distincte.

Section 3

Mesures résultant d'une décision judiciaire quant au fond

Article 12

Injonctions et mesures correctives

1.   Les États membres veillent à ce que, lorsqu'une décision judiciaire rendue au fond constate qu'il y a eu obtention, utilisation ou divulgation illicite d'un secret d'affaires, les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande du demandeur, ordonner à l'encontre du contrevenant l'une ou plusieurs mesures suivantes:

a)

la cessation ou, selon le cas, l'interdiction de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires;

 

b)

l'interdiction de produire, d'offrir, de mettre sur le marché ou d'utiliser des produits en infraction, ou d'importer, d'exporter ou de stocker des produits en infraction à ces fins;

 

c)

l'adoption de mesures correctives appropriées en ce qui concerne les biens en infraction;

 

d)

la destruction de tout ou partie de tout document, objet, matériau, substance ou fichier électronique qui contient ou matérialise le secret d'affaires ou, selon le cas, la remise au demandeur de tout ou partie de ces documents, objets, matériaux, substances ou fichiers électroniques.

2.   Les mesures correctives visées au paragraphe 1, point c), comprennent:

a)

le rappel des biens en infraction se trouvant sur le marché;

 

b)

la suppression du caractère infractionnel du bien en infraction;

 

c)

la destruction des biens en infraction ou, selon le cas, leur retrait du marché, à condition que ce retrait ne nuise pas à la protection du secret d'affaires en question.

3.   Les États membres peuvent prévoir que, lorsqu'elles ordonnent de retirer du marché des biens en infraction, les autorités judiciaires compétentes peuvent, à la demande du détenteur de secrets d'affaires, ordonner que ces biens soient remis audit détenteur ou à des organisations caritatives.

4.   Les autorités judiciaires compétentes ordonnent que les mesures visées au paragraphe 1, points c) et d), soient mises en œuvre aux frais du contrevenant, à moins que des raisons particulières ne s'y opposent. Ces mesures sont sans préjudice des éventuels dommages et intérêts dus au détenteur de secrets d'affaires en raison de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires.

Article 13

Conditions d'application, mesures de sauvegarde et mesures de substitution

1.   Les États membres veillent à ce que, lorsqu'elles examinent une demande ayant pour objet l'adoption des injonctions et mesures correctives prévues à l'article 12 et qu'elles évaluent leur caractère proportionné, les autorités judiciaires compétentes soient tenues de prendre en considération les circonstances particulières de l'espèce, y compris, s'il y a lieu:

a)

la valeur ou d'autres caractéristiques du secret d'affaires;

 

b)

les mesures prises pour protéger le secret d'affaires;

 

c)

le comportement du contrevenant lors de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires;

 

d)

l'incidence de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires;

 

e)

les intérêts légitimes des parties et l'incidence que l'octroi ou le refus de ces mesures pourrait avoir sur les parties;

 

f)

les intérêts légitimes des tiers;

 

g)

l'intérêt public; et

 

h)

la sauvegarde des droits fondamentaux.

Lorsque les autorités judiciaires compétentes limitent la durée des mesures visées à l'article 12, paragraphe 1, points a) et b), cette durée est suffisante pour éliminer tout avantage commercial ou économique que le contrevenant aurait pu tirer de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires.

2.   Les États membres veillent à ce que les mesures visées à l'article 12, paragraphe 1, points a) et b), soient révoquées ou cessent autrement de produire leurs effets, à la demande du défendeur si les informations en question ne répondent plus aux conditions de l'article 2, point 1), pour des raisons qui ne dépendent pas directement ou indirectement du défendeur.

3.   Les États membres prévoient que, à la demande de la personne passible des mesures prévues à l'article 12, les autorités judiciaires compétentes peuvent ordonner le versement d'une compensation financière à la partie lésée en lieu et place de l'application desdites mesures si l'ensemble des conditions suivantes sont remplies:

a)

la personne concernée au moment de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires ne savait pas ni, eu égard aux circonstances, n'aurait dû savoir que le secret d'affaires avait été obtenu d'une autre personne qui l'utilisait ou le divulguait de façon illicite;

 

b)

l'exécution des mesures en question causerait à cette personne un dommage disproportionné; et

 

c)

le versement d'une compensation financière à la partie lésée paraît raisonnablement satisfaisant.

Lorsqu'une compensation financière est ordonnée en lieu et place des mesures visées à l'article 12, paragraphe 1, points a) et b), cette compensation financière ne dépasse pas le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si la personne concernée avait demandé l'autorisation d'utiliser ledit secret d'affaires pour la période pendant laquelle l'utilisation du secret d'affaires aurait pu être interdite.

Article 14

Dommages et intérêts

1.   Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes, à la demande de la partie lésée, ordonnent à un contrevenant qui savait ou aurait dû savoir qu'il se livrait à une obtention, une utilisation ou une divulgation illicite d'un secret d'affaires de verser au détenteur de secrets d'affaires des dommages et intérêts qui sont fonction du préjudice que celui-ci a réellement subi du fait de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires.

Les États membres peuvent limiter la responsabilité des travailleurs envers leur employeur pour les dommages causés du fait de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicite d'un secret d'affaires de l'employeur, lorsque lesdits travailleurs n'ont pas agi intentionnellement.

2.   Lorsqu'elles fixent le montant des dommages et intérêts visés au paragraphe 1, les autorités judiciaires compétentes prennent en considération tous les facteurs appropriés tels que les conséquences économiques négatives, y compris le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans les cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, tel que le préjudice moral causé au détenteur de secrets d'affaires du fait de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires.

Alternativement, les autorités judiciaires compétentes peuvent, dans les cas appropriés, fixer un montant forfaitaire de dommages et intérêts, sur la base d'éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser le secret d'affaires en question.

Article 15

Publication des décisions judiciaires

1.   Les États membres veillent à ce que, dans le cadre de procédures judiciaires engagées en raison de l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires, les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner, à la demande du demandeur et aux frais du contrevenant, des mesures appropriées pour la diffusion de l'information concernant la décision, y compris sa publication intégrale ou partielle.

2.   Toute mesure visée au paragraphe 1 du présent article protège le caractère confidentiel des secrets d'affaires comme le prévoit l'article 9.

3.   Lorsqu'elles décident d'ordonner ou non une mesure visée au paragraphe 1 et qu'elles évaluent son caractère proportionné, les autorités judiciaires compétentes prennent en considération, le cas échéant, la valeur du secret d'affaires, le comportement du contrevenant lors de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires, l'incidence de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires et la probabilité que le contrevenant continue à utiliser ou divulguer de façon illicite le secret d'affaires.

Les autorités judiciaires compétentes prennent également en considération le fait que les informations relatives au contrevenant seraient ou non de nature à permettre l'identification d'une personne morale et, dans l'affirmative, le fait que la publication de ces informations serait ou non justifiée, notamment au regard du préjudice éventuel que cette mesure pourrait causer à la vie privée et la réputation du contrevenant.

CHAPITRE IV

Sanctions, rapports et dispositions finales

Article 16

Sanctions en cas de non-respect de la présente directive

Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent imposer des sanctions à toute personne qui ne respecte pas, ou refuse de respecter, une mesure adoptée en vertu des articles 9, 10 et 12.

Les sanctions prévues incluent la possibilité d'imposer des astreintes en cas de non-respect d'une mesure adoptée en vertu des articles 10 et 12.

Les sanctions prévues sont effectives, proportionnées et dissuasives.

Article 17

Échange d'informations et correspondants

Afin de promouvoir la coopération, y compris l'échange d'informations, entre les États membres et entre ceux-ci et la Commission, chaque État membre désigne un ou plusieurs correspondants nationaux chargés de toutes les questions relatives à la mise en œuvre des mesures prévues par la présente directive. Il communique les coordonnées du ou des correspondants nationaux aux autres États membres et à la Commission.

Article 18

Rapports

1.   Au plus tard le 9 juin 2021, l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle, dans le cadre des activités de l'Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle, rédige un rapport initial sur les tendances en matière de contentieux relatif à l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite de secrets d'affaires en application de la présente directive.

2.   Au plus tard le 9 juin 2022, la Commission rédige un rapport intermédiaire sur l'application de la présente directive et le présente au Parlement européen et au Conseil. Ce rapport tient dûment compte du rapport visé au paragraphe 1.

Ce rapport intermédiaire examine notamment les effets que l'application de la présente directive peut avoir sur la recherche et l'innovation, la mobilité des travailleurs et l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information.

3.   Au plus tard le 9 juin 2026, la Commission réalise une évaluation de l'impact de la présente directive et présente un rapport au Parlement européen et au Conseil.

Article 19

Transposition

1.   Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 9 juin 2018. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

2.   Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.

Article 20

Entrée en vigueur

La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.

Article 21

Destinataires

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à Strasbourg, le 8 juin 2016.

Par le Parlement européen

Le président

M. SCHULZ

Par le Conseil

Le président

A.G. KOENDERS


(1)  JO C 226 du 16.7.2014, p. 48.

(2)  Position du Parlement européen du 14 avril 2016 (non encore parue au Journal officiel) et décision du Conseil du 27 mai 2016.

(3)  Décision 94/800/CE du Conseil du 22 décembre 1994 relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l'Uruguay (1986-1994) (JO L 336 du 23.12.1994, p. 1).

(4)  Règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145 du 31.5.2001, p. 43).

(5)  Règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 concernant l'application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (JO L 264 du 25.9.2006, p. 13).

(6)  Directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil (JO L 41 du 14.2.2003, p. 26).

(7)  Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession (JO L 94 du 28.3.2014, p. 1).

(8)  Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 65).

(9)  Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 243).

(10)  Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281 du 23.11.1995, p. 31).

(11)  Directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO L 157 du 30.4.2004, p. 45).

(12)  Règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO L 8 du 12.1.2001, p. 1).


 

 

 


([1]) Cette proposition de loi avait été précédée de deux autres textes du même auteur, et de même objet, n° 1611 en mai 2004 et n° 1754 en juin 2009.

([2]) Cet amendement reprenait les dispositions de la proposition de loi n° 2139 enregistrée le 16 juillet 2014.

([3]) Directive 2016/943/UE du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites. Son objet est d’établir un niveau suffisant, proportionné et comparable de réparation dans tout le marché intérieur en cas d’appropriation illicite. Voir le texte de la directive en annexe 2 au présent rapport.

([4])  Avis du Conseil d’État n° 394422 du 15 mars 2018 sur la proposition de loi portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.

([5]) Directive 2016/943/UE du 8 juin 2016 précitée sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées.

([6]) Une présentation plus détaillée figure en annexe au présent rapport.

([7]) L'article 1.4 de l'Uniform Trade Secrets Act dispose : « Trade secret » means information, including a formula, pattern, compilation, program, device, method, technique, or process, that :

(i) derives independent economic value, actual or potential, from not being generally known to, and not being readily ascertainable by proper means by, other persons who can obtain economic value from its disclosure or use, and

(ii) is the subject of efforts that are reasonable under the circumstances to maintain its secrecy. »

([8]) La loi suédoise sur les secrets d'affaires, les codes de la propriété intellectuelle italiens et portugais ainsi que les législations applicables à la concurrence déloyale de la Bulgarie, de la République Tchèque, de la Grèce, de la Pologne et de la Slovaquie ; en Hongrie et en Lituanie, la définition légale est prévue dans leur code civil respectif ; en Slovénie enfin, une définition figure dans la loi relative aux sociétés.

([9]) La directive du 8 juin 2016 utilise l’expression « secret d’affaires » tandis que la jurisprudence française recourait à celle de « secret des affaires ». La présente proposition de loi retient cette seconde dénomination, mais lui donne une définition strictement identique à celle du « secret d’affaires » retenue par la directive.

([10]) Notamment à l'article L. 621-1 du code de la propriété intellectuelle qui reprend l'article L. 1227-1 du code du travail :

 « Le fait pour un directeur ou un salarié de révéler ou de tenter de révéler un secret de fabrication est puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 euros.

« La juridiction peut également prononcer, à titre de peine complémentaire, pour une durée de cinq ans au plus, l'interdiction des droits civiques, civils et de famille prévue par l'article 131-26 du code pénal. »

([11]) Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité.

([12]) CJCE, 5e ch., 3 juillet 1991, aff. C-62/86 ; AKZO Chemie BV c. Commission des Communautés européennes.

([13]) TPICE, 18 septembre 1996 Postbank/Commission, Rec. CJCE 1996, II, p. 921.

([14]) TPICE (ord.), prés. 4ème ch., 22 février 2005, Hynix Semiconductor c/ Conseil, aff. T-383/03.

([15])  Avis du Conseil d’État n° 394422 du 15 mars 2018 sur la proposition de loi portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.

([16])  L'hypothèse de détenteurs multiples n'est, en revanche, pas évoquée à la différence de l'Uniform Act américain (« Multiple parties may hold rights to the same trade secret, as they may all individually derive value from it »).

([17]) Dans le cas d’une obtention illicite d’un secret détenu par l’administration suite à un vol, le juge judiciaire sera compétent : « en l'absence d’une disposition législative spéciale, il n'appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur la responsabilité qu'une personne privée peut avoir encourue à l’égard d'une collectivité administrative » (CE, Sect., 30/10/1964, Commune d'Ussel, Rec. CE, p. 501).

([18]) L’objet de la divulgation est plus restrictif en droit interne que dans la directive : la révélation doit concerner un crime ou délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général. Renvoyer à la définition du lanceur d’alerte prévue par la loi du 9 décembre 2016 n’aurait pas permis de transposer entièrement la directive car la mesure prévue au b de l’article 5 s’applique plus largement à toute personne qui révèle « une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale » dans un but d’intérêt général.

([19])  Il est aussi possible d’agir par voie de requête lorsque les circonstances exigent que les mesures soient prises non contradictoirement en application de l’article 493 du code de procédure civile.

([20]) Cass. civ 2ème, 28 mai 2009, civ 3ème, 4 novembre 2010.

([21]) Ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles.

([22]) Dans ces collectivités, les lois et règlements ne sont pas applicables de plein droit mais seulement si cette application est prévue par une mention expresse. Elles exercent des compétences propres dans des matières qui peuvent relever du domaine de la loi.

([23])  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

([24]) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

([25]) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.