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N° 902

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

  QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 avril 2018.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE LOI pour léquilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (n° 627)

PAR M. Jean-Baptiste MOREAU

Député

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 Voir les numéros : 627 et 838.


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  SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. Assurer les conditions économiques de la transition agricole

A. Les enjeux

1. Une chaîne alimentaire sous pression

a. Une grande distribution concentrée

b. Un maillon intermédiaire puissant

2. En bout de chaîne, linsécurité économique des producteurs

a. Une forte volatilité des prix des produits agricoles

b. Une faible organisation des producteurs

c. La faiblesse des prix et des revenus : des producteurs qui sont la variable dajustement du reste de la filière

3. Des pratiques commerciales destructrices de valeur

a. Des pratiques commerciales déloyales

b. Des biens alimentaires dévalorisés

4. Vers un tournant européen dans larticulation entre concurrence et spécificités agricoles

a. Une conciliation subtilement initiée dès les débuts de la politique agricole commune

b. Une conciliation repensée par les travaux du groupe de travail sur les marchés agricoles

c. Une conciliation assouplie par la Cour de Justice de lUnion européenne dans larrêt dit « endives »

d. Un assouplissement renforcé par ladoption du règlement dit « Omnibus »

B. Un projet de loi pour rétablir léquilibre

1. Une contractualisation rénovée au service des producteurs

2. Des pratiques commerciales encadrées pour recréer de la valeur

II. Vers une agriculture au service de lHomme et de son environnement

A. Les enjeux

1. Améliorer loffre des produits proposés dans la restauration collective publique

2. La lutte contre le gaspillage alimentaire : de léthique alimentaire à la promotion dun modèle alimentaire plus respectueux de lenvironnement

3. Le bien-être animal, objet dune attention sociétale croissante

4. La réduction de lutilisation des produits phytosanitaires, un vecteur clé de protection de la santé humaine et de lenvironnement

B. Un projet de loi qui répond aux attentes sociétales

1. Améliorer la qualité de loffre alimentaire dans la restauration collective publique et dans la politique daide alimentaire

2. Améliorer la lutte contre le gaspillage alimentaire

3. Renforcer le rôle des associations dans la protection du bien-être animal

4. Réduire lutilisation des produits phytopharmaceutiques, ou la promotion dun nouveau modèle agricole

examen en commission

I. discussion générale

II. EXAMEN des articles

Titre IER Dispositions tendant À lamÉlioration de léquilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire

Avant l’article 1er

Article 1er (articles L. 631-24, L. 631-24-1, L. 631-24-2, L. 631-24-3 [nouveau], L. 631-24-4 [nouveau], L. 631245 [nouveau], L. 665-2, L. 932-5, L. 952-5 et L. 953-3 du code rural et de la pêche maritime) Rénovation des contrats de vente de produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation

Après larticle 1er

Article 2 (article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime) Sanctions des manquements aux obligations contractuelles

Article 3 (article L. 631-26 du code rural et de la pêche maritime) Constatation des infractions

Article 4 (articles L. 631-27, L. 631-28 et L. 631-29 du code rural et de la pêche maritime) Renforcement de la médiation agricole

Après larticle 4

Article 5 (article L. 632-2-1 du code rural et de la pêche maritime) Rôle des organisations interprofessionnelles agricoles

Article 5 bis (article L. 553-5 du code rural et de la pêche maritime) Échanges dinformations stratégiques des organisations de producteurs

Article 5 ter (article L. 632-1 du code rural et de la pêche maritime) Représentation des organisations de producteurs au sein des organisations interprofessionnelles agricoles

Article 5 quater (article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime) Rôle de lObservatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires dans la définition des indicateurs de coûts de production par filière

Article 5 quinquies (article L. 611-2 du code de commerce) Sanction du défaut de publication des comptes

Article 6 (article L. 441-8 du code de commerce) Assouplissement de la possibilité de renégociation des prix dans les contrats supérieurs à 3 mois

Article 7 (article L. 694-4 du code rural et de la pêche maritime et L. 954-3-5 du code de commerce) Application de la contractualisation à Saint-Pierre-et-Miquelon

Après larticle 7

Article 8 Habilitation du Gouvernement à rénover, par ordonnances, la coopération agricole

Article 8 bis (article L. 523-7 du code rural et de la pêche maritime) Affectation des subventions publiques au compte de résultat des coopératives agricoles

Après larticle 8

Article 9 Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance et pour deux ans sur leur relèvement du seuil de revente à perte et sur lencadrement des promotions

Après larticle 9

Article 10 Habilitation du Gouvernement à clarifier et à adapter, par ordonnance, le code de commerce

Après larticle 10

Article 10 bis (article L. 420-5 du code de commerce) Régime dérogatoire au dispositif de prix abusivement bas en outre-mer

Article 10 ter (articles L. 441-7 et L. 441-7-1 du code de commerce) Sortie des produits agricoles et alimentaires de la convention unique

Article 10 quater (articles L. 132-4 et L. 132-11 du code de la consommation) Publication des sanctions contre les pratiques commerciales déloyales

Article 10 quinquies Promotion de lagriculture de groupe

Article 10 sexies Rapport du Gouvernement sur lagriculture de montagne

Article 10 septies Rapport du Gouvernement sur les contournements de la présente loi

TITRE II MESURES EN FAVEUR dune alimentation saine, de qualité et durable et respectueuse du bien-être animal

Chapitre Ier Accès à une alimentation saine

Avant larticle 11

Article 11 (articles L. 230-5-1, L. 230-5-2, L. 230-5-3 et L.230-5-4 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime) Amélioration de la qualité des produits servis en restauration publique

Article 11 bis (article L. 112-19 du code de la consommation) Dispositions « fait maison » étendues à la restauration collective

Article 11 ter (article L. 541-10-5 du code de lenvironnement) Expérimentation relative à linterdiction de certains contenants alimentaires

Article 11 quater (article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime) Information des convives de restauration collective sur la qualité alimentaire et nutritionnelle des produits servis

Article 11 quinquies Rapport au Parlement sur lextension de larticle 11 du projet de loi aux opérateurs de restauration collective privée

Article 11 sexies (article L. 654-23 du code rural et de la pêche maritime) Interdiction de certaines dénominations commerciales associées aux produits dorigine animale

Article 11 septies (article L. 111-1 du code de la consommation) Transparence des informations relatives aux produits vendus en ligne

Article 11 octies (article L. 641-19 du code rural et de la pêche maritime) Dérogation à la mention « produit de la ferme » pour les fromages affinés hors de lexploitation

Article 11 nonies (article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises) Encadrement du recours à la dénomination « équitable » des produits

Article 11 decies (article L. 412-4 du code de la consommation) Origine du miel

Article 11 undecies (article L. 1 du code rural et de la pêche maritime) Divers objectifs de la politique agricole

Article 11 duodecies (article L. 611-6 du code rural et de la pêche maritime) Certification des démarches agroécologiques

Article 11 terdecies (articles L. 640-2 et L. 641-19-2 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Nouvelle mention valorisante : la « haute valeur nutritionnelle »

Article 11 quaterdecies Rapport au Parlement sur la déforestation importée

Article 11 quindecies  (articles L. 201-7 et L. 237-2 du code rural et de la pêche maritime) Renforcement des contrôles sanitaires relatifs aux denrées alimentaires

Article 11 sexdecies  Interdiction du dioxyde de titane à compter du 1er juin 2020

Article 11 septdecies  (article L. 230-3 du code rural et de la pêche maritime) Observatoire de lalimentation

Article 11 octodecies  (article L. 255-102-1 du code de commerce) Renforcement des obligations de certaines entreprises en matière de responsabilité sociétale

Article 11 novodecies  (titre III du livre II du code rural et de la pêche maritime) Intitulé d’un titre du code rural et de la pêche maritime

Article 11 vicies  (article L. 642-9 du code rural et de la pêche maritime) Représentation environnementale au sein de lInstitut national de lorigine et de la qualité

Article 11 unvicies  (article 3 de la loi n°2014-733 du 7 juillet 2014 dorientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale) Dimension agroalimentaire de la politique de développement

Article 11 duovicies  Rapport au Parlement sur les projets alimentaires territoriaux

Article 12 (article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime, article L.266-1 [nouveau] du code de laction sociale et des familles et article L. 541-15-5 du code de lenvironnement) Lutte contre la précarité alimentaire

Article 12 bis (article L. 541-15-6 du code de lenvironnement) Qualité du don alimentaire

Article 12 ter (article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime) Lutte contre le gaspillage alimentaire et la précarité alimentaire dans les projets alimentaires territoriaux

Article 12 quater (article L. 3231-1 du code de la santé publique) Lutte contre la précarité alimentaire dans le programme national relatif à la nutrition et à la santé

Article 12 quinquies Rapport au Parlement sur la gestion du gaspillage alimentaire

Chapitre II Respect du bien-être animal

Avant larticle 13

Article 13 (article L. 2-13 du code de procédure pénale et article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime) Bien-être animal

Article 13 bis Rapport portant sur les conséquences des plans de filière en matière de bienêtre animal

Article 13 ter (articles L. 654-3-1 et L. 654-3-2 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime) Diverses mesures de protection du bien-être animal dans les abattoirs

Article 13 quater (article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime) Sensibilisation au bien-être animal dans lenseignement agricole

Article 13 quinquies Expérimentation autorisant des dérogations pour la mise en place dabattoirs mobiles

Chapitre III Renforcement des exigences pour une alimentation durable

Avant larticle 14

Article 14 (articles L. 253-5-1 et L. 253-5-2 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime) Pratiques commerciales prohibées en matière de vente de produits phytopharmaceutiques (PPP)

Article 14 bis (articles L.522-5-2, L. 522-5-3, L. 522-18 et L. 533-19 [nouveaux] du code de lenvironnement) Extension aux produits biocides dune partie de la réglementation applicable aux produits phytopharmaceutiques

Article 14 ter (article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime) Autorisation de plantes comestibles comme substances naturelles à usage biostimulant

Article 14 quater (article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime) Encadrement de la publicité pour les produits phytopharmaceutiques

Article 14 quinquies (article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime) Promotion des solutions de biocontrôle dans le plan Ecophyto

Article 14 sexies Expérimentation sur lusage de drones dépandage dans certaines conditions dexploitation

Article 14 septies (article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) Champ dinterdiction des néonicotinoïdes

Article 14 octies (article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime) Formation à la sobriété dans lusage des produits phytopharmaceutiques

Article 14 nonies (articles L. 510-1 et L. 514-7 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Promotion de la réduction de lutilisation des produits phytopharmaceutiques par les chambres dagriculture

Article 14 decies (article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime) Préservation de la biodiversité et des sols dans lenseignement agricole

Article 14 undecies (article L. 5141-16 du code de la santé publique) Publicité des vaccins vétérinaires

Article 15 Habilitation à légiférer par ordonnances relatives à la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques, dextension des pouvoirs confiés à certains agents publics et de lutte contre le gaspillage alimentaire

Article 15 bis (article L. 312-17-3 du code de léducation) Éducation à la lutte contre le gaspillage alimentaire

titre ii bis Mesures de simplification dans le domaine agricole

Article 16 A (article L. 314-20 du code de lénergie) Valorisation des projets collectifs de production délectricité

Article 16 B (article L. 541-4-1 du code de lenvironnement) Exclusion des sous-produits animaux et des produits dérivés de la réglementation relative aux déchets

titre iii Dispositions transitoires et finales

Article 16 Entrée en vigueur et dispositions transitoires

Article 17 Coordination

Article 18 Rapport du comité de rénovation des normes sur la sur-transposition des normes européennes en matière agricole

Liste des personnes auditionnées


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   Introduction

Dans son discours de clôture des États généraux de l’alimentation (EGA) prononcé le 21 décembre 2017, le Premier ministre, M. Édouard Philippe, a affirmé que les discussions menées s’étaient attachées à répondre à trois défis : « faire en sorte que chacun puisse vivre dignement et sereinement du fruit de son travail. (…) rétablir la confiance. (…) répondre aux nouvelles attentes des consommateurs ». Présenté en conseil des ministres le 31 janvier 2018, le projet de loi relatif à l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et à une alimentation saine et durable constitue la traduction législative de ces trois défis.

L’agriculture française est globalement, toutes filières confondues, en crise structurelle depuis des années. Face à une production atomisée, l’industrie agroalimentaire et la grande distribution ne cessent de se concentrer. Le rapprochement annoncé du Groupe Casino et de Auchan Retail pour créer une super centrale d’achat de produits alimentaires et non alimentaires au niveau européen illustre bien cette tendance.

La politique agricole commune avait été au départ pensée comme une aide compensatoire afin de mettre à disposition des consommateurs des produits de qualité à des prix raisonnables sur le marché mais possiblement trop bas pour les producteurs. Aujourd’hui, ces primes ne permettent plus de compenser les faibles revenus des agriculteurs et ceux-ci vendent régulièrement à perte.

Partant de ce constat, le Président de la République a défendu au cours de la campagne présidentielle la mise en place d’États généraux de l’alimentation (EGA). Lancés le 20 juillet 2017, ils ont eu l’immense mérite, de l’aveu de tous les participants, de remettre autour d’une même table des personnes qui ne se parlaient plus. Au mois d’octobre, le Président a donné les premières grandes mesures qui découleraient de ces EGA. Il a surtout responsabilisé les filières en leur demandant de mettre en place des plans de filières qui s’adaptent aux nouvelles attentes sociétales et donnent des perspectives de développement pour une meilleure valorisation de l’ensemble des producteurs.

La situation actuelle se caractérise par une répartition déséquilibrée de la valeur des produits agricoles. La volatilité des revenus des producteurs, conjuguée à un phénomène de forte atomisation de l’offre, participe de la fragilité économique des agriculteurs. À cet égard, l’action du législateur doit permettre de construire un équilibre innovant entre les intérêts des différents acteurs, qu’ils soient producteurs, maillons intermédiaires ou distributeurs, à l’aune d’une meilleure équité dans le partage de la valeur. Marquées par une forte préoccupation pour la juste rémunération des producteurs, les attentes des consommateurs sont également au cœur du renouvellement du pacte agricole et de la construction d’une démocratie alimentaire viable. Les demandes des consommateurs se sont accrues eu égard à la qualité des produits mis sur le marché, érigeant ainsi au rang de priorité le bien-être animal, la réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et l’amélioration de l’offre en produits durables et de qualité au sein de la restauration collective publique. L’idée selon laquelle les produits agricoles ne sont assimilables à aucun autre bien commercialisé préside à la réflexion sur les conditions d’une agriculture durable au XXIe siècle. Ainsi, la refondation du modèle agricole et alimentaire est l’un des vecteurs privilégiés du renouvellement de la dialectique entre économie et agriculture, et plus largement encore entre économie et environnement.

L’économie générale du présent projet de loi procède directement des travaux menés au cours des différents ateliers des EGA. Transformer positivement la dynamique et l’esprit des EGA, telle est la préoccupation de votre rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale qui a activement participé à la réflexion de ces derniers mois. Votre rapporteur a souhaité rencontrer l’ensemble des acteurs concernés par ce projet en organisant plus de quarante auditions à l’Assemblée nationale, mais également en ayant de nombreux échanges lors du salon international de l’agriculture.

Le projet de loi présenté s’articule autour d’un double objet économique et écologique dont la mise en œuvre présuppose une recomposition de la notion de compétitivité en matière agroalimentaire. Dans un avis rendu en mars 2018, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a proposé de redéfinir la compétitivité agricole et alimentaire de la France comme étant « la capacité des filières agricoles et agroalimentaires à proposer une alimentation saine et de qualité, répondant aux besoins et attentes des consommateurs, des citoyens, et plus largement de la société, notamment en matière de santé, de préservation et de renouvellement des ressources naturelles, à des prix socialement acceptables et dont la valeur produite permet une rémunération équitable du travail » ([1]).

En ce sens, le titre Ier du projet de loi s’attache à rééquilibrer les relations commerciales au moyen d’un renforcement de la place et du rôle des producteurs dans la négociation du prix de leurs produits agricoles. L’objectif assigné à cette mesure réside dans la suppression de la dissymétrie qui caractérise les rapports au sein de la chaîne de production alimentaire entre un amont atomisé et un aval concentré.

Alors que l’application du droit de la concurrence au secteur agricole est, depuis les années 60 et les premières règles d’organisation commune des marchés agricoles au niveau européen, source de préoccupations pour les opérateurs économiques du secteur, votre rapporteur se réjouit que les opportunités ouvertes par l’adoption du règlement dit « Omnibus », le 13 décembre 2017, aient été traduites dans ce projet de loi : cette « mini-réforme de la PAC » ([2]) constitue un tournant dans l’organisation économique du secteur en facilitant la contractualisation et l’incitation au regroupement des producteurs. Néanmoins, la sensibilité du sujet l’a conduit à interroger la Commission européenne et les négociateurs du texte afin de s’assurer de la compatibilité du projet de loi avec la législation européenne, tout en souhaitant saisir pleinement les possibilités nouvelles introduites par ce cadre européen. Votre rapporteur présentera des amendements en ce sens.

Votre rapporteur est également conscient qu’il s’agit du premier projet de loi de cette nature au sein de l’Union européenne depuis l’entrée en vigueur du règlement « Omnibus », le 1er janvier 2018. Gageons qu’il sera le premier d’un mouvement général de réformes dans les autres pays européens, soumis aux mêmes dysfonctionnements dans la chaîne alimentaire.

Ces mesures de structuration de l’offre et de renforcement du pouvoir de marché des producteurs doivent être couplées à un encadrement accru des industriels et des distributeurs dans une logique de contrôle de l’équilibre contractuel dévoyé par des pratiques commerciales aussi innovantes qu’iniques : c’est le sens des modifications apportées au code de commerce, dont la technicité appelle à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances.

Le modèle coopératif doit, lui aussi, évoluer dans le sens d’une meilleure prise en compte des intérêts des coopérateurs. C’est le sens de la demande d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance.

Enfin, votre rapporteur souhaite alerter les filières agricoles, en particulier les organisations professionnelles agricoles : la loi ne pourra pas tout, la confiance ne se décrète pas et c’est au monde agricole qu’il revient de saisir les opportunités de cette réforme et de s’organiser pour prendre en main collectivement et en bonne intelligence leur destin, dans le respect des engagements des plans de filière exigés par le Président de la République lors de son discours prononcé à Rungis le 11 octobre 2017 et dans un esprit de responsabilité.

Le législateur ouvre la voie à une transformation du modèle d’organisation du secteur agricole et, par-delà, à l’émergence d’une agriculture au service de l’homme et de son environnement.

Le titre II du projet de loi (articles 11 à 15) pose les conditions d’une politique publique de l’alimentation ambitieuse, qui s’inscrit en parfaite cohérence avec les nécessités afférentes au respect de l’environnement et de la santé humaine. Il ouvre la voie à la construction d’une véritable éthique de l’alimentation.

L’offre de produits durables et de qualité au sein des services de restauration collective des personnes publiques est renforcée par le projet de loi, qui impose une nouvelle obligation. En effet, les repas proposés dans ces établissements devront comporter une part, « significative » de produits issus de l’agriculture biologique ou présentant des caractéristiques équivalentes, ou de produits acquis en prenant en compte le coût de leur cycle de vie. Ainsi, le présent projet de loi s’attache à associer les acteurs publics à la construction d’une offre alimentaire respectueuse du vivant. L’examen en commission a permis de conforter cette orientation.

Le renforcement de la protection du vivant se traduit également dans les dispositions tendant à une meilleure prise en compte du bien-être animal. Le présent projet de loi étend aux associations de protection des animaux régulièrement déclarées la possibilité de se constituer partie civile à un procès. Cette valorisation du rôle des associations s’accompagne de la création d’un nouveau délit visant à réprimer les mauvais traitements envers les animaux commis dans les transports et dans les abattoirs.

Cette attention portée au respect du vivant pris dans son ensemble se prolonge à travers l’habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures tendant à réduire drastiquement l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. La séparation des activités de conseil et de vente de ces produits constitue la pierre angulaire du dispositif prévu par le législateur et s’inscrit en cohérence avec les exigences issues du droit de l’Union européenne en ce domaine. Par ailleurs, la poursuite de l’action de lutte contre le gaspillage alimentaire s’inscrit dans une double démarche de renforcement du respect du produit alimentaire et de partage des denrées alimentaires entre tous les citoyens. En ce sens, elle participe pleinement à l’amélioration de l’accès à l’alimentation, objectif que le législateur s’attache à atteindre dans le présent projet de loi.

Le projet de loi, fidèle à la volonté politique des États généraux de l’alimentation, poursuit ainsi l’ambition de satisfaire, aux deux extrémités de la chaîne alimentaire, le producteur et le consommateur.

 


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I.   Assurer les conditions économiques de la transition agricole

A.   Les enjeux

1.   Une chaîne alimentaire sous pression

Le projet de loi tend à assurer les conditions économiques de la transition attendue par le monde agricole à la suite des États généraux de l’alimentation. La fragilité de la situation économique et financière des exploitants constitue la préoccupation première du législateur. Cette situation s’explique par la structure même du secteur agricole et alimentaire caractérisé par une faible organisation des agriculteurs et par une forte concentration des distributeurs et, dans une moindre mesure, des industriels.

La nécessité de résoudre ce déséquilibre structurel est mise en tension avec le souhait des agriculteurs de vivre de la commercialisation de leur production à des prix justes. En ce sens, ils ont pu exprimer au cours des auditions menées par votre rapporteur les regrets qu’ils ressentent à l’égard de leur dépendance aux aides nationales et européennes.

a.   Une grande distribution concentrée

Le fonctionnement du secteur agro-alimentaire français se distingue de celui des autres États-membres de l’Union européenne par l’ampleur du phénomène dit de « guerre des prix », qui sévit depuis plusieurs années et qui orientent le comportement des acteurs de la grande distribution, par ailleurs soucieux de conserver leurs marges. La portée de ce phénomène est renouvelée par la recomposition des modalités d’achat des produits alimentaires par les consommateurs. En effet, le développement de l’économie numérique, notamment les achats en ligne et les plateformes d’achat, auxquelles s’ajoutera bientôt Amazon, concourt à diversifier l’offre alimentaire. Ainsi, l’un des principaux défis auquel le secteur de la grande distribution fait face réside dans la réduction de l’affluence des consommateurs dans les grandes surfaces de vente. La concentration de la grande distribution conduit à évoquer l’importance des centrales d’achat des produits alimentaires, elles-mêmes sujettes à une forte concentration. En ce sens, selon un rapport de janvier 2016 publié par Kantar Worldpanel ([3]), les quatre premières centrales d’achat françaises concentrent 92.2 % des ventes en valeur et 88.5 % des ventes en volume de produits de grande consommation. Toutefois, ce phénomène de concentration de la distribution trouve maintenant une dimension internationale avec le regroupement de centrales d’achat au niveau européen : celles-ci accentuent leur concentration, accroissent la concurrence entre fournisseurs européens et permettent parfois aux distributeurs de s’affranchir de la législation française, y compris lorsque le producteur et le consommateur se trouvent en France.

Le développement récent mais rapide de ces centrales d’achat européennes qui achètent des produits français pour les distribuer en France en faisant fi de la législation nationale, invite le législateur à s’interroger sur leur encadrement, dans le respect des règles de l’Union européenne relatives à la liberté d’établissement et de circulation des marchandises.

b.   Un maillon intermédiaire puissant

L’industrie de transformation agroalimentaire recouvre une grande diversité de formes économiques, au sein desquelles coexistent les très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que les géants du secteur.

L’industrie agroalimentaire occupe une position de leader dans le paysage industriel français et représente 180 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2017 ([4]). Si les industriels s’approvisionnent également à l’étranger, il n’en demeure pas moins que l’industrie agroalimentaire participe à l’équilibre de la balance commerciale française. La France est le quatrième exportateur mondial de produits alimentaires depuis 2008. L’industrie agroalimentaire est exposée aux pressions économiques venant de l’amont et de l’aval de la filière. Ce secteur subit les conséquences tirées de la volatilité des prix des matières agricoles et de la guerre des prix menée par les acteurs de la grande distribution. En effet, le poids de la matière première représente une part substantielle dans le chiffre d’affaires des industries alimentaires – près de 55 % en 2017. La hausse du prix des matières premières s’élève à 12 % en 2017 selon les calculs réalisés par l’Association nationale de l’industrie agroalimentaire (ANIA), sur la base des données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Parallèlement, les prix des produits de grande consommation alimentaire ont connu une baisse continue de près de 4 points entre 2014 et 2017. Les tensions auxquelles le secteur agroalimentaire est confronté se traduisent par une forte diminution du taux de marge des industriels, qui, toujours selon l’ANIA, a baissé de 6 points entre 2007 et 2017, contrairement au secteur manufacturier.

L’enjeu majeur du projet de loi repose dès lors sur la construction de mécanismes juridiques et économiques tendant à permettre une répartition plus équitable de la valeur à tous les niveaux de la chaîne alimentaire.

2.   En bout de chaîne, l’insécurité économique des producteurs

a.   Une forte volatilité des prix des produits agricoles

L’évolution des prix des produits agricoles est marquée par une forte volatilité, dont les conséquences se répercutent sur les revenus des producteurs. Une telle volatilité résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs.

En premier lieu, eu égard à la longueur du cycle de production, l’offre agricole est relativement inélastique à court terme, ce qui se traduit par l’incapacité des agriculteurs à réagir immédiatement aux signaux du marché considéré.

En second lieu, les produits agricoles et alimentaires sont majoritairement périssables, rendant ainsi difficile de les stocker à moyen terme.

En troisième lieu, la dépendance des productions agricoles aux conditions climatiques fait obstacle à l’anticipation quantitative et qualitative des récoltes.

Enfin, il faut relever que la demande en produits alimentaires est relativement inélastique à leur prix, ce qui ne permet pas au marché de s’autoréguler.

b.   Une faible organisation des producteurs

La précarité économique et financière des producteurs résulte en partie de leur faible organisation autour de structures communes de production et de commercialisation.

Selon les données mentionnées dans son plan de filière, le secteur porcin se caractérise par son bon niveau d’organisation. En effet, 35 organisations de producteurs (OP) rassemblent 93 % de la production nationale, sachant que les cinq premières OP représentent déjà 60 % de la production porcine française ([5]). Tout au contraire, la filière bovine est particulièrement illustrative de l’atomisation organisationnelle : elle est très faiblement structurée autour d’OP ou d’associations d’organisations de producteurs (AOP), en témoigne le fait que moins de 2 % des transactions sont réalisées par voie contractuelle ([6]).

Comme la filière porcine, la filière bovine se caractérise par la multitude d’échelons intermédiaires entre le producteur et le distributeur : négociants en bestiaux, coopérative, abatteur, transformateur. La conclusion d’accords verbaux lors de marchés aux bestiaux continue d’occuper une place prépondérante dans le fonctionnement de la filière bovine.

Afin de limiter progressivement cette atomisation sectorielle, le plan de la filière bovine fixe l’objectif en vertu duquel 30 % des transactions devront s’effectuer par voie contractuelle d’ici cinq ans.

La filière des fruits et légumes frais se distingue quant à elle par sa forte organisation en OP et en AOP depuis une vingtaine d’années. Comme indiqué dans son plan de filière, la forme coopérative représente près de 75 % des organisations de producteurs ([7]).

Ainsi, le projet de loi vise précisément à développer la création d’organisations de producteurs dans les secteurs les plus atomisés afin de renforcer leur capacité à défendre leurs intérêts au cours des négociations avec les autres maillons de la chaîne.

c.   La faiblesse des prix et des revenus : des producteurs qui sont la variable d’ajustement du reste de la filière

Ce déficit organisationnel explique partiellement l’insuffisance des revenus des producteurs, de sorte que ces derniers apparaissent comme étant la variable d’ajustement du reste de la filière. En ce sens, le projet de loi encourage fortement le déploiement du recours au contrat au sein de chaque filière. Il est à noter que les plans des différentes filières s’attachent, en effet, à augmenter substantiellement le recours à la contractualisation. Par exemple, le plan de la filière veau mentionne qu’il convient « d’œuvrer au déploiement exhaustif du contrat, avec pour objectifs 60 % de contrats signés fin 2018, et 100 % fin 2020 » ([8]). De plus, il importe de relever que 80 % des volumes de transactions entre les éleveurs ovins et leur premier acheteur font déjà l’objet d’un contrat. Enfin, le plan de la filière laitière invite également à développer la mise en œuvre de la contractualisation puisque 22 % des producteurs ne sont pas encore adhérents d’une OP ([9]).

Si le contrat est vecteur de sécurité juridique, il ne permet pas cependant de remédier au déséquilibre inhérent à la relation économique entre les producteurs et les autres acteurs. C’est pourquoi le projet de loi se concentre aussi sur les mesures permettant de mettre fin aux pratiques commerciales déloyales.

3.   Des pratiques commerciales destructrices de valeur

a.   Des pratiques commerciales déloyales

Les pratiques commerciales déloyales qui ont cours dans le secteur agroalimentaire participent directement à la destruction de la valeur des produits. Les auditions menées par votre rapporteur ont montré que ces pratiques sont la traduction même du rapport de forces qui préside au fonctionnement de ce secteur.

Afin d’assurer leur compétitivité et l’accroissement de leurs parts de marché, les acteurs de la grande distribution ont pour objectif premier d’afficher les prix les plus bas possibles au consommateur. Cet objectif donne lieu à l’exercice de pressions sur les autres acteurs de la chaîne de valeur. Par exemple, la menace des distributeurs de déréférencer les produits, conduit les maillons intermédiaires à céder ces produits à un prix inférieur à leur valeur réelle. En ce sens, le cadre des négociations commerciales annuelles est le lieu privilégié d’exercice de pressions psychologiques, ce qui conduit à s’interroger sur les perspectives de réforme des conditions de négociation. Dans son avis précité ([10]), le CESE remarque que l’organisation des négociations commerciales, dans le cadre prévu par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME), est « structurellement déséquilibrée du fait de la concentration et donc de la puissance des distributeurs, les quatre centrales d’achat constituant désormais environ 90 % des ventes en magasins, avec qui seuls les grands groupes internationaux de l’agroalimentaire peuvent rivaliser. Il n’en est pas de même pour les PME et les agriculteurs ». Dès lors, le CESE préconise de repenser la temporalité des négociations.

Votre rapporteur insiste, quant à lui, pour que les contrôles des nouvelles dispositions relatives à la contractualisation et à l’encadrement des pratiques commerciales soient effectifs.

Il est à noter que la Commission européenne devrait présenter en avril 2018, en lien avec la refonte de la législation européenne sur les consommateurs, des propositions législatives tendant à harmoniser la lutte contre les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

Plus largement, l’ambition du législateur français rejoint parfaitement celle formulée par M. Phil Hogan, commissaire européen à l’agriculture et au développement rural, dans son discours sur l’évolution de la politique agricole commune prononcée le 22 juin 2017 ([11]). Il affirmait en effet que « la politique agricole commune (PAC) doit renforcer sa capacité à accroître la résilience économique des agriculteurs. Les agriculteurs sont des entrepreneurs, et ils doivent obtenir un juste prix pour leurs produits. En effet, sans agriculteur, pas de produits ! Nous devons soutenir des revenus agricoles viables, accroître la compétitivité du secteur, promouvoir un plus grand recours aux outils de gestion des risques et améliorer la position des agriculteurs dans la chaîne alimentaire ».

En ce sens, la Commission européenne a proposé, le 12 avril 2018, une directive sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations contractuelles au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire ([12]). Ce texte « vise fondamentalement l’équité –  donner la parole à ceux qui ne l’ont pas –, pour aider ceux qui, sans qu’ils n’y soient pour rien, subissent une position de négociation faible. Cette initiative sur l’interdiction des pratiques commerciales déloyales a pour but de renforcer la position des producteurs et des petites et moyennes entreprises dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Il s’agit aussi de garantir une application stricte et efficace des règles. » ([13]). Il ressort de ces propos que l’Union européenne s’engage dans un processus législatif mis au service d’une finalité commune à celle du législateur français : un rééquilibrage équitable des rapports de force entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Une autorité nationale sera chargée de garantir l’effectivité des avancées mises en place au profit des producteurs. Ainsi, la France et l’Union européenne agissent de concert pour remédier au phénomène de dévalorisation des biens alimentaires.

b.   Des biens alimentaires dévalorisés

Il résulte de ce déséquilibre de la chaîne de valeur une dévalorisation des biens alimentaires. Concrètement, elle se traduit par une perte de repères pour le consommateur et par une dévalorisation du travail des producteurs.

Les pratiques commerciales des acteurs de la grande distribution reposent sur un système de péréquation des marges. Plus précisément, ils diminuent leurs marges de prix sur les produits d’appel et les augmentent sur les produits agricoles frais. Cette logique de péréquation apparaît comme l’un des instruments commerciaux favorisant la compétitivité des distributeurs au détriment des maillons intermédiaires et des producteurs. Un tel système masque au consommateur la valeur réelle des produits frais, nuisant ainsi à la reconnaissance du travail des producteurs par la société.

L’évaluation de ce phénomène de péréquation par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) est rendue difficile eu égard à la présentation des comptes des distributeurs. En effet, ces derniers attribuent aux rayons de lourdes charges de personnel et d’immobilier afin de dissimuler l’étendue des marges qu’ils réalisent.

4.   Vers un tournant européen dans l’articulation entre concurrence et spécificités agricoles

La délimitation des possibilités d’intervention du législateur français dans le secteur agricole et alimentaire se définit en étroite corrélation avec le droit et la politique adoptés par l’Union européenne en la matière. En ce sens, le projet de loi s’inscrit pleinement dans la volonté de conciliation entre agriculture et concurrence telle qu’elle caractérise l’action européenne depuis ses débuts.

a.   Une conciliation subtilement initiée dès les débuts de la politique agricole commune

La construction d’un marché commun articulé autour du principe de concurrence, ainsi que la mise en place d’une politique agricole commune (PAC), sont au cœur du projet européen. Dès ses débuts, la PAC a été marquée par la nécessité de penser la complémentarité entre le respect des principes de la liberté d’entreprendre, la prohibition des ententes et de l’abus de position dominante, d’une part, et la protection de la spécificité des productions agricoles, d’autre part. L’insuffisante prise en compte de cette spécificité étant souvent décriée. MM. Jean-Christophe Bureau et Louis-Pascal Mahé, économistes, relèvent à cet égard que « la politique de concurrence peut entrer en conflit avec les mesures destinées à consolider la part de valeur ajoutée qui revient au secteur agricole [...]. Les autorités en charge des questions de concurrence se montrent généralement plus strictes à l’égard de ces ententes composées de producteurs, nombreux et dispersés qu’à l’égard des firmes dominantes quasi monopolistiques dont les marques ont acquis un fort pouvoir de marché. Une raison possible est qu’il est plus difficile de démontrer que les marges sont excessives à cause du pouvoir oligopolistique que de prouver une collusion sur les prix » ([14]). Cette acception restrictive a été partiellement corrigée par le règlement n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles ([15]) (OCM) et, plus récemment, par l’adoption du règlement dit « Omnibus » ([16]), qui ouvrent la voie à une application assouplie du droit de la concurrence dans le secteur agricole.

b.   Une conciliation repensée par les travaux du groupe de travail sur les marchés agricoles

La définition de l’articulation entre concurrence et agriculture a été renouvelée par le rapport du groupe de travail sur les marchés agricoles (GTMA) ([17]), mis en place par la Commission européenne afin d’améliorer le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement alimentaire au sein de l’Union européenne. Les producteurs agissent dans l’incertitude sur ce que leur permet le droit de la concurrence, ils hésitent ainsi à se regrouper pour peser dans les négociations commerciales. Ce contexte doit conduire à clarifier les règles de la concurrence. Plus précisément, trois leviers d’action sont identifiés, à savoir :

– l’accroissement de la transparence du marché afin de renforcer la concurrence effective tout au long de la chaîne d’approvisionnement ;

– la lutte contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises de l’aval de la filière alimentaire ;

– l’amélioration de la qualité des relations entre producteurs et leurs acheteurs passe par la contractualisation écrite.

Le rapport du groupe de travail met surtout l’accent sur la nécessité de renforcer la contractualisation, de prendre en compte l’interdépendance des acteurs de la chaîne et de favoriser la construction de relations commerciales profitables à chacune des parties. Il recommande également d’identifier, de partager et de promouvoir les bonnes pratiques, ainsi que d’élaborer des clauses types communes. Par ailleurs, le rapport recommande à la Commission européenne d’établir, par voie de négociation collective, des clauses contractuelles relatives au partage de la valeur. Enfin, le travail du groupe de travail souligne la possibilité de mettre en place un système de communication obligatoire des prix pour remédier à l’opacité des marchés.

c.   Une conciliation assouplie par la Cour de Justice de l’Union européenne dans l’arrêt dit « endives »

Le travail impulsé par le groupe de travail sur les marchés agricoles trouve un prolongement direct dans la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE).

Par une décision du 6 mars 2012 ([18]), l’Autorité de la concurrence française a été amenée à se prononcer sur des pratiques opérées dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives. Sur le fondement d’une lecture stricte de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), elle a qualifié lesdites pratiques d’entente complexe et continue ayant consisté en une concertation sur le prix des endives ([19]). Elle a donc sanctionné 11 OP et 7 AOP au versement d’une amende de 3,9 millions d’euros.

L’interprétation rigoureuse consacrée par l’Autorité a été contrecarrée par un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 15 mai 2014 puis, par son arrêt du 8 décembre 2015, la Cour de cassation a saisi la CJUE d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation des règlements OCM. Dans son arrêt de principe du 14 novembre 2017 ([20]), la CJUE reconnaît que les pratiques des OP et des AOP, nécessaires pour atteindre un ou plusieurs des objectifs qui leur sont confiés, échappent à l’interdiction des ententes prévue à l’article 101, paragraphe 1, du TFUE. La Cour applique le principe de proportionnalité : les pratiques concernées ne doivent pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour atteindre le ou les objectifs assignés à l’OP ou à l’AOP en cause. Elle admet alors les pratiques suivantes :

– une coordination entre producteurs agricoles d’une même OP ou d’une même AOP concernant les volumes de produits agricoles mis sur le marché, afin de remplir l’objectif de régularisation des prix à la production (qui a pour objet d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole) ;

– une concentration de l’offre, afin de renforcer la position des producteurs face à une demande sans cesse plus concentrée.

Cette décision illustre parfaitement le rôle du juge européen dans la rénovation de la régulation du secteur agricole.

d.   Un assouplissement renforcé par l’adoption du règlement dit « Omnibus »

L’attitude constructive de la CJUE s’est trouvée renforcée par l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2018, du règlement du 13 décembre 2017 dit « Omnibus ».

Ce règlement reprend diverses mesures de réexamen du cadre financier pluriannuel (CFP), qui permettent une adaptation à mi-parcours de la PAC en modifiant ses quatre règlements constitutifs.

D’après les termes des représentants de la direction générale de l’agriculture de la Commission européenne, rencontrés par votre rapporteur, ce règlement constitue « une mini-réforme PAC ». Il procède en effet à une extension des prérogatives des OP et renforce les exemptions au droit de la concurrence en matière agricole.

Il ouvre la possibilité aux agriculteurs, y compris les associations d’agriculteurs, et à leurs premiers acheteurs de « convenir de clauses de répartition de la valeur, portant notamment sur les gains et les pertes enregistrés sur le marché, afin de déterminer comment doit être répartie entre eux toute évolution des prix pertinents du marché des produits concernés ».

De plus, la possibilité de négocier collectivement les modalités de partage de la valeur dans les contrats est étendue à d’autres secteurs que celui du sucre.

Enfin, il consacre le droit individuel des producteurs à un contrat écrit.

Il est une opportunité pour le législateur français d’élaborer une action publique agricole en étroite convergence avec les attentes de l’Union européenne.

Le projet de loi est présenté à la commission des affaires économiques dans un contexte de redéfinition des moyens et des objectifs assignés à la PAC. Les incertitudes budgétaires et la perspective inédite du Brexit remettent en cause les équilibres structurels de la PAC. Ces incertitudes ne doivent pas faire obstacle à la réussite de l’objectif du législateur français, à savoir le rétablissement de l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire.

B.   Un projet de loi pour rétablir l’équilibre

1.   Une contractualisation rénovée au service des producteurs

Le titre Ier du projet de loi repose sur deux axes d’action principaux, à savoir la rénovation de la contractualisation, couplée à l’incitation au groupement des producteurs et à l’organisation économique de la filière par le rôle dévolu aux interprofessions, et l’encadrement des pratiques commerciales déloyales.

L’article 1er, en modifiant l’article L. 631‑24 du code rural et de la pêche maritime, procède à une inversion du principe qui régit la contractualisation entre les producteurs et les autres maillons de la chaîne alimentaire. Désormais, la proposition de contrat écrit devra émaner du producteur. Dans la même logique, ce sont les coûts pertinents de production agricole, leur évolution ainsi que les prix de marché qui détermineront les modalités de détermination du prix qui sera payé au producteur.

L’article 1er prévoit également que, dans le cas où un acheteur de produits agricoles revend les produits qu’il aura acquis auprès d’un producteur, le contrat de revente – « en cascade » – devra faire référence aux indicateurs figurant dans le contrat initial d’achat conclu avec le producteur. Dès lors, ce dispositif tend à ce que l’ensemble des maillons de la chaîne alimentaire soient tenus de respecter les indicateurs établis initialement dans la proposition de contrat écrit par le producteur.

L’effectivité du dispositif consacré à l’article 1er repose sur la possibilité de prononcer des sanctions administratives lorsque les producteurs ou les acheteurs commettent des manquements à leurs obligations contractuelles respectives (articles 2 et 3).

Cette revalorisation de la place du producteur dans la formation du contrat repose également sur un renforcement du rôle des interprofessions, conformément aux ambitions du CESE, qui, dans son avis précité, « appelle l’ensemble des parties prenantes des filières à prendre conscience du caractère lié de leurs intérêts. Le manque de cohésion, les stratégies individualistes et la concurrence exacerbée sont collectivement désastreuses car non viables dans la durée ».

Le Gouvernement souhaite donner aux producteurs engagés dans une coopérative les mêmes règles que celles applicables aux relations contractuelles prévues à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime. L’article 8 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures pour adapter les dispositions du code rural et de la pêche maritime relatives aux relations entre les sociétés coopératives agricoles et leurs associés coopérateurs, notamment pour définir les conditions de départ des associés coopérateurs, améliorer leur information, renforcer la transparence dans la redistribution des gains des coopératives à leurs associés coopérateurs et prévoir les modalités de contrôle et des sanctions permettant d’assurer l’application effective des règles applicables.

2.   Des pratiques commerciales encadrées pour recréer de la valeur

Pour être pleinement efficace, la revalorisation de la situation économique des producteurs doit s’accompagner de la mise en œuvre de mécanismes concourant à revaloriser les produits eux-mêmes. À cet égard, lors de l’atelier 9 des EGA ([21]) s’est imposé l’objectif visant à « tenir un discours de vérité aux consommateurs, aujourd’hui peu au fait des réalités et contraintes de la production alimentaire, et mettre un terme aux opérations de promotion permanente (ventes par lots) qui faussent leur perception du juste prix et incitent à la surconsommation et au gaspillage ». Les dispositions du projet de loi en faveur de l’encadrement des pratiques commerciales devraient participer à la pleine réalisation de cet objectif.

L’article 4 s’inscrit dans une logique visant à renforcer la place et le rôle du médiateur dans l’équilibre des relations contractuelles. Plus précisément, la consultation du médiateur des relations commerciales agricoles constitue un préalable nécessaire à la saisine d’un juge. De plus, l’article 6 procède à l’extension du champ d’application des clauses de renégociation des contrats en cours afin d’adapter l’équilibre contractuel aux évolutions des indicateurs de prix des produits. Ce dispositif constitue l’un des instruments clés de la revalorisation des produits agricoles et alimentaires, tout comme l’article 9 qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte.

Ces deux mesures emblématiques mettent en lumière la volonté du Gouvernement de circonscrire les pratiques commerciales des acteurs de la grande distribution et de l’industrie dans le but qu’ils fournissent des prix justes au consommateur, et par ailleurs rémunérateurs des producteurs. L’article 10 du projet de loi procède de cette même logique en habilitant le Gouvernement à adopter des mesures tendant notamment à étendre le champ de l’action en responsabilité – prévu à l’article L. 442-9 du code de commerce – à la pratique de prix abusivement bas.

Toute la réflexion actuelle sur les mutations de l’organisation du secteur agricole suppose d’intégrer les nouvelles attentes sociétales liées au caractère sain et durable de l’alimentation. Le projet de loi fait écho à de deux ambitions intrinsèquement liées, à savoir revaloriser la situation du producteur et celle du consommateur. Dès lors, si l’agriculture revêt par essence une dimension économique, elle doit aussi être pensée en cohérence avec les besoins de l’homme et les nécessités propres à son environnement.

 


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II.   Vers une agriculture au service de l’Homme et de son environnement

A.   Les enjeux

1.   Améliorer l’offre des produits proposés dans la restauration collective publique

La rénovation des rapports entre l’homme et l’agriculture concourt à s’interroger sur les leviers d’action d’une transition alimentaire. L’atelier 9 ([22]) des EGA a formulé des pistes d’action afin de favoriser l’adoption par tous d’une alimentation favorable à la santé.

À cet effet, l’atelier a proposé de mettre en place un plan tendant à améliorer l’offre alimentaire dans les restaurants collectifs, qui pourrait jouer le rôle d’ « effet de levier » allant dans le sens de l’amélioration de la qualité de l’approvisionnement alimentaire. Cela se traduirait concrètement par l’attribution d’une place accrue aux produits issus de filières de qualité, qui sont les produits issus de l’agriculture biologique (ci-après, « produits bio ») et les produits bénéficiant de signes de qualité, de mentions valorisantes, comme le label rouge ou la haute qualité environnementale, sans omettre de privilégier un approvisionnement de proximité, par souci de valoriser les filières agricoles françaises et de limiter l’impact de la distribution de denrées alimentaires sur la planète.

D’ici 2022, il serait ainsi souhaitable d’atteindre un objectif de 50 % de produits bio ou locaux dans les restaurants collectifs, en adaptant le code des marchés publics pour permettre aux filières locales et de qualité d’accéder aux marchés par la révision des référentiels de qualité. Certes, « manger local » n’est pas systématiquement synonyme de « manger sain ». Mais les projets alimentaires territoriaux et la structuration des circuits courts demeurent des pistes pertinentes pour « concilier la juste rémunération du paysan et le juste prix pour le consommateur, la qualité nutritionnelle et le lien social, le sens et le goût », pour reprendre les propos issus de la synthèse de l’atelier 9 des EGA.

L’enjeu de l’alimentation offerte aux plus jeunes dans le cadre scolaire est également important, d’où la concentration des propositions sur la restauration collective publique. Les cantines scolaires participent de l’éducation alimentaire des enfants et des jeunes, de la reconnaissance des aliments, de leurs qualités nutritionnelles et de leur saisonnalité. Aussi est-il opportun de considérer que les personnes publiques doivent montrer l’exemple et s’engager dans une véritable démarche de revalorisation des produits alimentaires et de protection de la santé des usagers. Cette promotion auprès des usagers d’un autre modèle agricole permettrait, par exemple, de démontrer que l’agriculture biologique est, aujourd’hui, accessible au plus grand nombre. À cet égard, l’actualisation de l’offre de repas collectifs s’inscrit dans une perspective de renforcement de la démocratie alimentaire, tout comme la lutte contre le gaspillage alimentaire.

2.   La lutte contre le gaspillage alimentaire : de l’éthique alimentaire à la promotion d’un modèle alimentaire plus respectueux de l’environnement

La lutte contre le gaspillage alimentaire s’inscrit pleinement dans un double objectif de mise en valeur des produits et de responsabilisation des acteurs afin d’œuvrer pour une répartition plus optimale des biens produits. L’atelier 10 des EGA ([23]) s’est concentré sur la lutte contre le gaspillage alimentaire, proposant les pistes d’action suivantes :

– organiser et soutenir la lutte contre le gaspillage alimentaire au sein même des territoires ;

– anticiper pour ne pas gaspiller dans la restauration collective, en diffusant le recours aux outils prédictifs permettant d’anticiper les besoins ;

– accroître la responsabilité des organisations, des collectivités et des entreprises en la matière ;

– réduire le gaspillage alimentaire comme objectif de politique européenne, y compris dans les objectifs de la PAC.

La lutte contre le gaspillage alimentaire a déjà fait l’objet de la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, qui a notamment renforcé les obligations de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) sur le sujet. Cette loi a également permis de structurer le don alimentaire de produits invendus par la grande distribution vers les associations caritatives – la lutte contre le gaspillage alimentaire étant un des vecteurs permettant de mettre en œuvre l’aide alimentaire. Le présent projet de loi s’inscrit dans la continuité de cette loi, et agit sur les mêmes leviers pour accroître encore l’effort collectif contre toutes les sources de gaspillage alimentaire.

Plus largement, la lutte contre le gaspillage alimentaire doit conduire à apprécier les effets des attitudes alimentaires des personnes sur l’environnement et sur la soutenabilité de notre modèle de consommation : cette responsabilité-là va du producteur jusqu’au consommateur final. Aussi, cette lutte a entièrement sa place dans un projet de loi, qui vise à améliorer notre modèle alimentaire, en amont comme en aval.

3.   Le bien-être animal, objet d’une attention sociétale croissante

La refondation des rapports entre l’homme et son environnement prend une part importante des mutations de l’action publique en ce début de XXIe siècle : les efforts en matière d’écologie, de soutenabilité de nos modèles de production, de promotion de la biodiversité connaissent également une déclinaison en matière de respect du bien-être animal.

Les réflexions relatives au statut de l’animal nous interrogent également sur la façon dont nous traitons les animaux qui sont destinés à la consommation humaine, pendant leur élevage, durant leur transport et à toutes les étapes de leur abattage. À cet égard, le présent projet de loi s’approprie avec justesse les préoccupations sociétales pour un bien-être animal, notion qui ne peut être restreinte à nos seuls animaux de compagnie.

Sous l’influence d’actions « coup de poing » de plusieurs associations de défense des droits des animaux, la médiatisation de mauvais traitements infligés aux animaux dans les abattoirs a conduit le législateur à s’interroger sur le cadre juridique et sanitaire en vigueur. Si les règles sanitaires sont efficaces, le cadre des sanctions qui peuvent être prises à l’encontre des responsables de mauvais traitements, pendant le transport ou pendant l’abattage, doit, lui, être renforcé, tout comme les procédures de contrôle qui doivent permettre de prévenir ces situations.

4.   La réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, un vecteur clé de protection de la santé humaine et de l’environnement

Le renforcement des outils de protection du bien-être animal s’inscrit plus largement dans l’accroissement de la préservation de la santé humaine et environnementale. En ce sens, le présent projet de loi s’attache à concrétiser l’une des priorités affichées par le Gouvernement depuis plusieurs années, à savoir la réduction substantielle de l’utilisation de produits phytosanitaires.

Le développement des techniques issues de l’agroforesterie, de l’agriculture biologique ou de la recherche génétique doit permettre, sur le moyen et long terme, la mise en place d’un nouveau paradigme de production agricole, à la fois performant économique et sans incidence sur la santé et sur l’environnement. À court terme toutefois, il faut créer des mécanismes plus coercitifs, et manier à la fois la carotte (les certificats d’économie de produits phytosanitaires) et le bâton (l’interdiction du cumul des activités de vente et de conseil), pour engager cette transition vers moins d’utilisation de produits phytosanitaires.

En ce sens, le rapport remis par plusieurs inspections générales, le 31 janvier 2018 ([24]), mentionne qu’avec 75 287 tonnes de produits phytopharmaceutiques vendus en 2014, la France se situe au 8e rang européen de consommation par hectare, et rappelle que, « selon les modes de contamination, ce sont les professionnels de l’agriculture, la population des riverains ou, plus largement, l’ensemble des consommateurs qui sont potentiellement exposés aux dangers que peuvent présenter les pesticides ». Dès lors, ce rapport invite la France à proposer une évolution de la réglementation européenne et l’élaboration d’un cadre d’action clair concernant les substances les plus nocives.

De façon concomitante avec la préparation du présent projet de loi, l’Assemblée nationale s’est également saisie de cette question : une mission d’information commune, présidée par Mme Elisabeth Toutut-Picard et dont les rapporteurs étaient MM. Didier Martin et Gérard Menuel, a rendu le 5 avril dernier le rapport n° 852 sur l’utilisation des produits phytosanitaires ([25]), dont les conclusions convergent avec les dispositions du présent projet de loi.

B.   Un projet de loi qui répond aux attentes sociétales

1.   Améliorer la qualité de l’offre alimentaire dans la restauration collective publique et dans la politique d’aide alimentaire

La volonté du législateur de responsabiliser les restaurants collectifs publics dans la composition des repas se traduit par la création d’une nouvelle obligation prévue à l’article 11 du projet de loi. Cet article renforce la portée des dispositions du code rural et de la pêche maritime relatives à la qualité des repas proposés dans les services de restauration relevant des personnes publiques, en prévoyant que les produits acquis dans ce cadre devront comporter, à l’échéance du 1er janvier 2022, une part significative de produits issus de l’agriculture biologique, ou bénéficiant d’autres signes de qualité ou mentions valorisantes ou présentant des caractéristiques équivalentes, ou acquis en prenant en compte le coût du cycle de vie du produit – notion qui sera davantage explicitée dans le commentaire détaillé de cet article, ci-après.

L’objectif fixé par l’exposé des motifs du projet de loi est d’atteindre un taux de 50 % de produits acquis remplissant l’une de ces conditions à l’horizon 2022, dont au moins 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. Cette mesure nouvelle est complémentaire de celle qui est déjà prévue par l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime, et qui tend à améliorer la qualité nutritionnelle des repas proposés dans les services de restauration scolaire et universitaire et ceux des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires.

À ces dispositions relatives à l’amélioration de l’offre alimentaire dans les restaurants collectifs publics s’ajoute le renforcement du dispositif concernant l’aide alimentaire. En effet, l’article 12 du projet de loi procède au transfert des dispositions législatives relatives à l’aide alimentaire du code rural et de la pêche maritime vers le code de l’action sociale et des familles, en l’insérant dans un cadre d’accompagnement social renforcé – l’aide alimentaire s’inscrit alors dans une politique plus inclusive de lutte contre la précarité alimentaire.

2.   Améliorer la lutte contre le gaspillage alimentaire

L’article 15 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre, par ordonnances, diverses dispositions pour lutter contre le gaspillage alimentaire. La réalisation d’un diagnostic préalable à la démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire, prévue à l’article L. 541-15-3 du code de l’environnement, sera imposée aux acteurs de la restauration collective, publique comme privée. L’obligation de signer une convention entre les personnes morales habilitées à recevoir l’aide alimentaire sera étendue à certains opérateurs de l’agroalimentaire. Enfin, le Gouvernement pourra également imposer à certains opérateurs de rendre publics leurs engagements en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

3.   Renforcer le rôle des associations dans la protection du bien-être animal

L’article 13 comporte plusieurs dispositions tendant à une meilleure prise en compte du bien-être animal. Il s’agit d’abord d’étendre le droit, pour les associations de défense des droits des animaux, de se constituer partie civile dans les procès portant sur des infractions de maltraitance animale prévues par le code rural et de la pêche maritime.

Ensuite, cet article érige en délit le fait, pour les personnes qui exploitent des établissements de transport d’animaux vivants ou des abattoirs, d’exercer ou laisser exercer des mauvais traitements envers les animaux concernés.

Enfin, il renforce la sévérité des sanctions encourues en cas de mauvais traitements sur les animaux, en les portant à un an d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende, soit un doublement par rapport au droit existant.

4.   Réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, ou la promotion d’un nouveau modèle agricole

L’article 14 a pour but d’éviter toute incitation commerciale pouvant conduire à l’utilisation inappropriée de produits phytopharmaceutiques. Le Président de la République souhaite engager un mouvement de réduction de la « dépendance de notre agriculture aux intrants chimiques qui polluent nos sols, nos cours et nos nappes », pour reprendre les propos qu’il a tenus à Rungis le 11 octobre 2017.

À cet effet, les remises, rabais et ristournes (« 3R ») seront interdits dans les contrats de vente de ces produits – y compris les contrats de produits associés aux produits phytopharmaceutiques (PPP) –, et tout manquement à ces dispositions sera passible d’amendes administratives. Toutefois l’interdiction ne s’appliquera pas aux produits de biocontrôle ou aux substances de base, produits moins nocifs pour la santé et pour l’environnement dont des exemples sont fournis au commentaire détaillé de cet article, ci-dessous.

Dans un second temps, l’article 15 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures de lutte contre une utilisation disproportionnée des PPP : modifier le cadre législatif applicable aux produits phytopharmaceutiques afin de séparer l’activité de conseil et l’activité de vente de ces produits ; réformer le régime des certificats d’économies de produits phytopharmaceutiques, actuellement expérimental, afin d’en renforcer l’efficacité ; augmenter les pouvoirs d’enquête des agents habilités par le code rural et de la pêche maritime, comme les agents vétérinaires, lors d’opérations de recherche et de constatation d’infractions en matière d’alimentation, de santé publique vétérinaire et de protection des végétaux.

 


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   examen en commission

I.   discussion générale

Au cours de sa séance du mercredi 11 avril 2018, la commission a procédé à la discussion générale sur le projet de loi pour léquilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (n° 627) (M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur).

M. le président Roland Lescure. Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, mes chers collègues, avant de commencer cette discussion générale, je voudrais prendre un peu de recul et rappeler l’importance de cette loi pour tous les Français. C’était une des pierres angulaires du programme pour lequel ils se sont prononcés il y a un an : « Des agriculteurs fiers qui vivent de leur travail et des Français fiers de leur agriculture ».

Cela, dans un contexte catastrophique pour les agriculteurs français, à la fois économiquement avec un modèle productiviste à bout de souffle, mais surtout une situation sociale alarmante avec environ un agriculteur sur deux qui a perçu un revenu net inférieur à 350 euros par mois en 2016, c’est-à-dire à peu près un tiers du seuil de pauvreté en France. L’agriculture fait face aux enjeux de globalisation – climat, numérique et renouvellement des populations – et aux enjeux nationaux – répartition de la valeur, nouvelles attentes des consommateurs, enjeux de santé publique.

Dans ce contexte, le Gouvernement a décidé de mettre en place une méthode novatrice et de prendre le temps de mettre autour de la table et d’associer toutes les parties prenantes en organisant, de juillet à décembre 2017, les États généraux de l’alimentation (EGA). Monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter de ce processus que vous avez lancé, pensé et organisé tout au long du second semestre.

En parallèle, le Président de la République a demandé à chacune des filières de travailler sur un « plan de filière » car tout ne passera pas par la loi. Les EGA ont permis le dialogue ; les plans doivent permettre à chaque filière de tracer leur feuille de route. C’est aussi un appel à la responsabilisation, à l’engagement de chacun des acteurs des filières.

Ces EGA ont permis au Gouvernement de tracer sa propre feuille de route structurée autour de trois axes stratégiques annoncés par le Premier ministre, M. Édouard Philippe, en décembre : assurer la souveraineté alimentaire de la France ; promouvoir des choix alimentaires favorables pour la santé et respectueux de l’environnement ; réduire les inégalités d’accès à une alimentation durable et de qualité. Ce projet de loi est le premier outil pour mettre en œuvre cette feuille de route.

C’est fort de ce diagnostic et de la nécessité d’associer l’ensemble des parties prenantes que j’ai souhaité dès juillet que notre commission s’investisse tout particulièrement sur les sujets agricoles et alimentaires, afin de contribuer pleinement aux EGA, de poser le diagnostic et de proposer des solutions.

Nous vous avons reçu en juillet et en septembre, Monsieur le ministre. Nous avons ensuite organisé trois temps forts sur l’agriculture et l’alimentation : en septembre, en décembre et en janvier – un certain nombre d’entre vous ont longuement évoqué ces sujets dans cette salle avec l’ensemble des acteurs de la filière. Ces travaux ont permis un investissement fort des députés de la commission des affaires économiques. Nous vous avons d’ailleurs remis nos propositions.

L’agriculture est alimentation et l’alimentation est agriculture : la réalité lie inexorablement les deux ! La commission a pu le constater lors de sa visite au marché de Rungis et au salon de l’agriculture.

En sus de ces travaux, nous avons examiné la proposition de loi de M. Arnaud Viala, du groupe Les Républicains. Et nous continuons d’être très investis sur le sujet agricole et alimentaire. Nous avons ainsi lancé une mission d’information sur le foncier agricole ou encore une commission d’enquête sur l’affaire Lactalis.

Ce projet de loi est l’aboutissement des EGA et des travaux du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, ainsi que du ministère de la transition écologique et solidaire, du ministère de l’économie et des finances ou encore du ministère des solidarités et de la santé.

Alors, qu’est-ce que cette loi va changer ? Notre rapporteur, M. Jean‑Baptiste Moreau, reviendra en détail sur le projet de loi. Je tiens à le remercier chaleureusement pour son investissement sans faille depuis le début de la législature sur tous ces sujets, pour sa présence tout au long des auditions et activités de la commission, et pour son travail particulièrement important sur ce projet de loi, avec l’audition individuelle d’une cinquantaine d’acteurs concernés.

Je voudrais simplement insister sur quelques avancées clés. Sur le fond, ce texte vise à rétablir l’équilibre des relations commerciales afin de permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail, de transformer leur modèle de production pour une transition vers une agriculture durable. Le projet est ainsi fondamentalement équilibré entre les besoins de l’amont et l’aval, les deux maillons de la chaîne se rejoignent. À long terme, tous ces intérêts convergent.

Sur la forme, le texte appelle à la confiance et à la responsabilisation de tous les acteurs. Nous n’avons pas vocation à tout détailler dans la loi puisque, comme je l’ai dit auparavant, tous les acteurs sont amenés à s’engager.

Je lance un appel clair : j’appelle chacun des acteurs à adopter un comportement vertueux – et l’État sera vigilant. J’espère qu’il en aura les moyens ; nous en discuterons à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.

Je rencontrais hier M. Emmanuel Faber, le président directeur général de Danone qui a été le premier à proposer, alors que rien ne l’y obligeait, une contractualisation écrite aux producteurs laitiers il y a huit ans, ou même à lancer, il y a deux ans, des contrats pluriannuels dans le lait, intégrant notamment les coûts de production. C’est d’ailleurs là que ce texte rejoint le projet de loi relatif au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), qui visera à favoriser l’exercice, par les entreprises, de leur responsabilité sociale.

Passons désormais à quelques rappels de procédure et de méthode. La commission des affaires économiques est saisie au fond sur l’intégralité du projet de loi.

Comme c’est l’usage, l’examen débute aujourd’hui par une discussion générale, étape importante qui permet au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de présenter les dispositions du texte et à chaque groupe politique et chaque député de s’exprimer sur le projet. Cet échange est d’autant plus important que la semaine prochaine sera chargée.

Soyez-en d’avance avertis : la discipline sera de fer. Je souhaite que le débat ait lieu, mais aussi qu’il se déroule dans des conditions d’efficacité.

Nous entendrons donc M. Stéphane Travert pendant vingt minutes, puis le rapporteur au fond désigné par commission, M. Jean-Baptiste Moreau, pendant dix minutes, et enfin pendant quatre minutes la rapporteure pour avis, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui a été saisie pour avis sur le titre II du projet de loi. Les orateurs des groupes auront chacun la parole pour quatre minutes et tout député pourra ensuite intervenir avec des questions d’une durée de deux minutes.

 Je rappelle que l’examen des articles et des amendements commencera mardi prochain 17 avril. Le délai de dépôts des amendements expire vendredi 13 avril à 17 heures.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous en parlions depuis le 20 juillet 2017, jour de lancement des EGA. Et nous y sommes !

Après avoir échangé avec vous, dans cette commission des affaires économiques comme dans l’hémicycle à plusieurs reprises – ce fut le cas par exemple lors de la proposition de loi de votre collègue Arnaud Viala –  nous sommes réunis pour mettre en œuvre, non pas de simples ajustements techniques, mais pour opérer un changement de paradigme. C’est attendu à la fois par le monde agricole et par les consommateurs, bref par l’ensemble de nos concitoyens.

Nous partageons tous le même constat, la situation n’a que trop duré. Les agriculteurs subissent de plein fouet une guerre des prix et ne dégagent pas, ou plus, les marges de manœuvre qui sont indispensables tant à la rémunération de leur travail ou de leur capital, qu’à la montée en gamme des productions alimentaires.

Cette guerre des prix se nourrit du déséquilibre de l’offre et de la demande, de l’absence d’organisation de la production, de la concentration toujours plus forte du secteur de la distribution. Elle se nourrit parfois aussi de la défiance des consommateurs et des injonctions contradictoires qu’ils envoient aux producteurs. Je ne crois pas que l’on puisse avoir des productions toujours plus saines, plus élaborées, plus durables, en ayant des prix toujours plus bas et des promotions toujours plus attrayantes. Cette perte de valeur a été préjudiciable à tous.

Entre 2000 et 2016, le prix du lait payé au producteur est passé de 30 à 32 centimes par litre. Soit deux centimes de plus par litre en seize ans. Pas deux centimes par an, mais bien deux centimes par litre en seize ans, alors que l’inflation durant la même période a été de plus de 27 % et que l’accroissement du produit intérieur brut (PIB) a été sur la même période de 45 %.

Ce qui vaut pour le lait vaut aussi pour de nombreuses autres productions agricoles, en viande bovine, en porc, en volaille, en productions végétales...

Sans nier le fait qu’il y ait eu des parenthèses plus favorables sur certaines productions, le sujet auquel il nous faut apporter des réponses est bien celui de la répartition et de la relance de la création de la valeur pour lutter contre la vente à des prix anormalement bas.

Ce projet de loi nous propose donc de conjuguer deux paris : le pari de l’intelligence collective et le pari de la morale et du respect de la parole donnée.

L’intelligence collective s’est pleinement exprimée pendant les cinq mois de concertation des EGA. Je salue d’ailleurs ici la présence de présidents d’ateliers et de participants aux ateliers, membres de cette commission. Je salue aussi ceux qui parmi vous ont organisé des tables rondes sur leurs territoires. J’ai pris connaissance des travaux que vous nous avez remis. Ils nous ont été bien utiles pour constituer la base du projet de loi.

Du 20 juillet au 21 décembre 2017, cette concertation nationale et territoriale a constitué un temps inédit de réflexion partagée et de construction collective de solutions concrètes autour de trois axes stratégiques : assurer la souveraineté alimentaire de la France ; promouvoir des choix alimentaires favorables pour la santé et respectueux de l’environnement ; réduire les inégalités d’accès à une alimentation de qualité et durable. Bref, favoriser le progrès social, le progrès économique et le progrès environnemental.

Ce projet de loi, c’est ensuite le respect de la parole donnée. C’est un outil destiné à favoriser l’action et l’initiative des acteurs de terrain, les agriculteurs, ceux qui font notre alimentation, préservent notre capital individuel, la santé, et notre capital collectif : notre environnement. C’est le sens de l’engagement du Président de la République. Redonner de la valeur à la production agricole, c’est redonner de la fierté à ceux qui se lèvent tôt chaque matin, c’est respecter ceux qui façonnent notre alimentation et qui font vivre les territoires ruraux. Redonner de la valeur, c’est aussi redonner des marges d’action à ceux qui sont en première ligne dans la lutte contre le changement climatique : les agriculteurs.

Ma priorité, c’est bien de redonner aux agriculteurs le juste prix de leur production et la visibilité indispensable à tout entrepreneur pour penser le temps long et ainsi produire une alimentation de qualité dans le respect de règles sociales, environnementales et sanitaires qui seront renforcées.

Premiers maillons de la chaîne de production alimentaire, les agriculteurs doivent se regrouper pour servir des transformateurs innovants qui valoriseront les matières premières sur le marché intérieur comme à l’international. Comment voulons-nous y parvenir ? En renforçant les organisations de producteurs pour permettre aux agriculteurs de peser collectivement et en leur permettant, ensemble, de définir le prix de vente de leurs produits.

Sachez que plus de la moitié des éleveurs livrant à une entreprise privée n’adhèrent pas, aujourd’hui, à une organisation de producteurs (OP) ou à une coopérative laitière. C’est vrai aussi pour le secteur de la viande et des fruits et légumes, qui comptent chacun plus de 250 OP parmi les 600 qui sont recensées en France.

Le projet de loi est donc le premier outil de mise en œuvre de la feuille de route issue des EGA. Inversion de la construction du prix, encadrement des promotions, seuil de revente à perte fixé à 10 %, lutte contre les prix abusivement bas, sanctions, produits locaux ou sous signes de qualité dans la restauration collective, renforcement des organisations de producteurs et des interprofessions, travail sur le statut de la coopération, autant de dispositifs qui visent à redonner du poids à chaque maillon de la chaîne.

Si chacun des acteurs prend demain ses responsabilités, cette loi sera efficace et opérationnelle. Elle ne laissera pas la place aux interprétations en ce qui concerne la répartition de la valeur créée ! C’est sur ces bases que je vous soumets ce projet loi. Il s’agit bien sûr d’un outil et il n’est pas le seul, loin de là.

Parallèlement, nous menons une réflexion, à vos côtés, sur le foncier. Nous travaillons également sur le sujet de la fiscalité agricole et il y aura des mesures concrètes dans le prochain projet de loi de finances. Nous donnons aussi le cap sur la réduction de l’usage des produits phytosanitaires avec une nouvelle feuille de route ou encore sur la méthanisation.

Je suis convaincu – et je crois que vous l’êtes aussi dans cette commission – que le premier des défis qui attend nos modèles agricoles, c’est bien de recréer des marges financières pour offrir à la fois de la visibilité pour investir et transformer durablement nos modèles.

Pour y arriver, il y a deux titres dans ce projet de loi. Le premier est dédié à la juste rémunération des agriculteurs et à une meilleure répartition de la valeur ; le second est consacré au renforcement de la qualité sanitaire, environnementale et nutritionnelle des produits.

Pour y parvenir, le projet de loi propose plusieurs dispositions dans le champ économique pour inverser le processus de construction du prix payé aux agriculteurs en s’appuyant désormais sur les coûts de production des producteurs. Le contrat et le prix associé seront proposés par celui qui vend. Les producteurs seront invités à se regrouper pour peser ensemble : pour faciliter la réouverture des négociations commerciales en cas d’évolution des coûts de production ; pour lutter contre les prix abusivement bas ; pour faciliter et renforcer la médiation agricole et le rôle des interprofessions,

Ce projet de loi propose aussi de relever le seuil de revente à perte. Et, quoi qu’en dise un grand distributeur en prenant à témoin les consommateurs à coup de pages de publicité très onéreuses dans la presse quotidienne, « le Gouvernement ne marche pas sur la tête », « il ne sert pas des intérêts cachés », « il ne l’oblige pas non plus à vendre plus cher ». Et puisque ce distributeur, je le cite encore, « aimerait comprendre », je vais lui expliquer : la hausse du seuil de revente à perte et la fin des promotions excessives va induire pour lui, dans un premier temps, une hausse de marge et de chiffre d’affaires. Eh bien, il n’y a aucune fatalité à ce que ces hausses se traduisent par une augmentation globale des prix pour le consommateur. Il n’y a aucune fatalité à ce qu’il conserve cette nouvelle marge. Il peut faire d’autres choix.

Il peut faire, tout simplement, le choix de respecter les engagements qu’il a pris, en signant le 14 novembre dernier, une charte d’engagement avec toutes les organisations professionnelles agricoles, avec les représentants de l’agroalimentaire et avec ses principaux concurrents. Chaque distributeur va devoir faire des arbitrages sur l’utilisation de cette marge et de ce chiffre d’affaires supplémentaires. Et s’il respecte ses engagements, il reverra ses marges à la baisse sur d’autres produits, tout en augmentant le prix payé à ses fournisseurs, notamment les producteurs et les petites et moyennes entreprises (PME) de l’agroalimentaire.

Ce rééquilibrage des marges pourra se répartir sur un nombre si important de produits qu’au final, le distributeur qui voudra jouer le jeu, celui qui restera dans l’état d’esprit des EGA, pourra à la fois contribuer à la meilleure rémunération des agriculteurs et préserver le porte-monnaie des consommateurs.

Parallèlement, le titre II du projet, qui est à mes yeux aussi important que le précédent, vient soutenir la première jambe du texte, à savoir la finalité de la production agricole, l’alimentation de tous. Plus qu’un besoin élémentaire – les EGA l’ont souligné – la consommation de denrées alimentaires est un acte auquel nos concitoyens accordent un sens plus profond, une attention renforcée, presque politique dans le sens noble du terme.

Comment notre alimentation contribue-t-elle à nous maintenir en bonne santé ? Comment participe-t-elle à la protection de notre environnement ? Comment développer une alimentation à la fois sûre, saine, durable et, j’insiste sur ce point, accessible à tous ?

Cette préoccupation s’est particulièrement bien exprimée lors de l’examen du titre II en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et je veux ici remercier Mme la rapporteure Laurence Maillart‑Méhaignerie pour sa mobilisation et son implication tout au long des EGA comme dans ce travail parlementaire.

Le projet de loi traduit la volonté du Gouvernement de porter une politique alimentaire favorisant des choix qui préservent le capital-santé de chacun et le capital environnement de tous.

En matière de commercialisation de produits phytosanitaires, le projet de loi propose de séparer les activités de vente et de conseil et de sécuriser le dispositif des « certificats d’économies des produits phytopharmaceutiques » par voie d’ordonnance. Par ailleurs, le texte qui vous est soumis propose d’interdire Les rabais, ristournes et remises lors de la vente de ces produits, par ses articles 14 et 15. Pourquoi ? Pour continuer à réduire le recours aux produits phytosanitaires.

En matière de sécurité sanitaire, les pouvoirs d’enquête et de contrôle des agents chargés de la protection de la santé, de la protection animale et de la sécurité sanitaire des aliments sont renforcés. Pourquoi ? Pour accroître l’efficience des contrôles de l’État.

En matière de sanctions dans le domaine du bien-être animal, il vous est proposé d’étendre le délit de maltraitance animale ainsi que les peines en cas de délit constaté lors de contrôles officiels : celles-ci seront doublées.

Enfin, le Gouvernement veut faire de la politique de l’alimentation un moteur de réduction des inégalités sociales. Nous le savons tous, l’accès à une alimentation variée et de qualité est encore aujourd’hui très corrélé à l’appartenance à une catégorie sociale : les chiffres de l’obésité et du diabète en témoignent. Pour tenter de réduire ces inégalités sociales, il vous est proposé à l’article 11 de faire de la restauration collective un levier d’amélioration de la qualité de l’alimentation pour tous dès le plus jeune âge. Comment ? La restauration collective publique représente plus de la moitié des 7,3 milliards de repas hors foyer servis en France chaque année. Aussi, le projet de loi propose que la restauration collective publique s’approvisionne avec au moins 50 % de produits issus de l’agriculture biologique, produits locaux ou sous signes de qualité à compter du 1er janvier 2022.

Enfin, ce projet de loi propose de lutter contre la précarité alimentaire et de limiter les conséquences environnementales du gaspillage. Les articles 12 et 15 du projet de loi ont donc pour objectif de réduire ce gaspillage alimentaire dans la restauration collective par la mise en place d’un diagnostic obligatoire et d’étendre à la restauration collective et à l’industrie agroalimentaire le don alimentaire.

Voilà, dépeint rapidement à grands traits, le panorama global du projet de loi sur l’agriculture et l’alimentation qui vous est soumis – et le cadre dans lequel il s’insère.

Je ne vais pas plus loin. Vous en avez déjà pris connaissance. Vu le nombre d’amendements déjà déposés, j’imagine que vous l’avez déjà tous lu en long, en large et en travers (Sourires). Je serai bien entendu à l’écoute de toutes les propositions d’amendements et de toutes les positions que vous formulerez pour améliorer le projet initial du Gouvernement. Il s’agit ici de nous inscrire collectivement et résolument dans une trajectoire qui respectera tant les hommes, du producteur au consommateur, que l’environnement dans lequel ils évoluent.

Il est temps pour moi de céder la parole à votre rapporteur M. Jean‑Baptiste Moreau, que je veux sincèrement et chaleureusement remercier pour son dense travail d’audition ici à Paris mais aussi sur le terrain, qu’il connaît particulièrement bien ! Je veux aussi saluer l’ensemble des députés qui se sont mobilisés pour organiser, dans leur circonscription, des ateliers des EGA. Cela a contribué à construire un projet collectif et commun au service de la ferme France, au service de nos agriculteurs et au service de nos consommateurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. C’est un honneur aujourd’hui de prendre la parole en qualité de rapporteur au fond du projet de loi relatif à l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et à une alimentation saine et durable.

Ce texte fait suite aux États généraux de l’agriculture et de l’alimentation qui ont été un engagement central du programme agricole du président de la République. Ces EGA se sont déroulés du 20 juillet jusqu’au mois de décembre 2017. Pendant quatre mois, ils ont eu l’immense mérite de remettre autour d’une même table des personnes qui ne se parlaient plus.

Ce texte constitue la traduction législative des trois défis évoqués par le Premier ministre, M. Édouard Philippe, dans son discours de clôture des EGA le 21 décembre 2017 et inscrits dans la feuille de route de la politique alimentaire du Gouvernement.

Ces trois défis sont : tout d’abord, faire en sorte que chacun puisse vivre dignement et sereinement du fruit de son travail ; ensuite, rétablir la confiance entre les distributeurs et les producteurs ; enfin, répondre aux nouvelles attentes des consommateurs.

Le premier défi, c’est faire en sorte que chacun puisse vivre dignement de son travail. Face à une production atomisée, l’industrie agro-alimentaire et la grande distribution ne cessent de se concentrer, nous en avons encore eu l’exemple la semaine dernière avec l’annonce du rapprochement des groupes Casino, Auchan et Système U. À cela s’ajoute une forte volatilité de la valeur des produits agricoles et par conséquent des revenus des producteurs.

À cet égard, l’action du législateur – notre mission, mes chers collègues –, c’est de permettre de construire un équilibre innovant, de la fourche à la fourchette, entre les intérêts des différents acteurs, qu’ils soient producteurs, maillons intermédiaires ou distributeurs, à l’aune d’une meilleure équité dans le partage de la valeur.

La politique agricole commune a été pensée au départ comme une aide compensatoire pour les producteurs afin de mettre à la disposition des consommateurs des produits de qualité à des prix raisonnables. Mais ces primes ne permettent plus de compenser et les agriculteurs vendent constamment à perte.

Le deuxième défi, c’est rétablir la confiance. Rétablir la confiance entre les différents acteurs de la chaine car aujourd’hui, l’agriculture française est en crise : cette crise structurelle touche toutes les filières depuis plusieurs années. Nous devons tous avoir à l’esprit que la loi ne pourra pas tout, la confiance ne se décrète pas et c’est au monde agricole qu’il revient de saisir les opportunités de cette réforme et de s’organiser pour prendre en main collectivement et en bonne intelligence son destin. Ce que nous devons faire, c’est lui donner les outils nécessaires pour cela.

Le troisième défi, c’est répondre aux nouvelles attentes des consommateurs. Aujourd’hui, les consommateurs demandent que les producteurs soient mieux rémunérés. Leurs demandes se sont aussi accrues pour des produits de meilleure qualité, dont le mode de production respecte le bien-être animal et préserve l’environnement. Ainsi la refondation de notre modèle agricole et alimentaire apparaît comme un des vecteurs privilégiés de la transition écologique.

Lors de son discours prononcé à Rungis le 11 octobre 2017, le Président de la République a donné les premières grandes mesures qui découleraient de ces EGA. Il a souhaité responsabiliser les filières en leur demandant de bâtir des plans de filières adaptés aux nouvelles attentes sociétales.

Transformer l’essai, traduire la dynamique des EGA dans la loi, c’est l’objectif du présent projet de loi et cela a été au cœur des travaux que nous avons menés depuis neuf mois.

D’abord pendant les EGA, au sein même de notre commission des affaires économiques, nous avons organisé deux cycles d’auditions avec plus de trente-cinq acteurs de tous les secteurs du monde agro-alimentaire. Nous sommes allés sur le marché de Rungis à la rencontre des producteurs qui négocient chaque matin leurs viandes, leurs poissons ou leurs fruits et légumes. Puis nous nous sommes rendus sur le salon de l’agriculture pour rencontrer les interprofessions. Je tenais particulièrement à saluer notre travail, à tous. Des députés se sont saisis de l’opportunité d’aller sur le terrain de nos agriculteurs pour prendre la mesure de la situation. Je tenais à souligner ici cette démarche collective.

Dans le cadre de mon travail de rapporteur, nous avons organisé à l’Assemblée nationale plus de 50 auditions et nous en avons délocalisé une partie sur le salon international de l’agriculture où, pendant 6 jours, nous avons tenu 21 rendez-vous de travail. Nous avons écouté tous les acteurs, toutes les positions.

Ingénieur agronome de formation et agriculteur, j’ai fait le choix de continuer à travailler sur mon exploitation agricole mais c’est bien au titre d’élu de la Nation que j’ai mené tout mon travail de rapporteur de ce projet loi et que je m’adresse à vous aujourd’hui.

 Je sais combien c’est important de reconnecter avec la réalité. Il était donc fondamental d’aller parler, en direct avec tous les acteurs concernés pour reconnecter les politiques agricoles et alimentaires avec le terrain.

Rattacher ce projet de loi à la base, c’est une chose, mais mon rôle de rapporteur, c’est aussi prendre de la hauteur et rattacher ce texte au cadre européen. Nous nous sommes donc rendu à Bruxelles pour interroger la Commission européenne et les négociateurs du texte afin de nous assurer de la compatibilité du projet de loi avec la législation européenne. Il est essentiel de saisir pleinement les possibilités nouvelles introduites par l’adoption du règlement « Omnibus » le 13 décembre 2017. Je tiens à saluer ici le travail du député européen Michel Dantin. En effet, ce texte constitue un tournant dans l’organisation économique du secteur et dans l’adaptation du droit de la concurrence. Ce projet de loi sera ainsi le premier texte au sein de l’Union européenne qui se base directement sur ces nouvelles dispositions et il sera, je l’espère, le premier d’un mouvement général de réformes dans les autres pays européens.

Aujourd’hui, ce sont nous, les législateurs, qui avons entre nos mains le pouvoir d’ouvrir la voie à une transformation globale du modèle d’organisation du secteur agricole et, par-delà, à l’émergence d’une agriculture au service de l’homme et de son environnement.

Le projet de loi du Gouvernement est ainsi marqué par la volonté politique issue des États généraux de l’agriculture et de l’alimentation de satisfaire les attentes des deux extrémités de la chaîne alimentaire : le producteur et le consommateur.

Le titre Ier du projet de loi s’attache à rééquilibrer les relations commerciales au moyen d’un renforcement de la place et du rôle des producteurs dans la négociation du prix de leurs produits agricoles. Pour être réellement efficaces, ces mesures de structuration de l’offre et de renforcement du pouvoir de négociation des producteurs doivent être couplées à un encadrement accru des relations contractuelles entre les industriels et des distributeurs. Ce sera le sens des modifications apportées au code de commerce dont la technicité appelle à accepter la demande d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances.

Nous ne pourrons pas arriver à rééquilibrer les relations commerciales sans le renforcement du rôle du médiateur. C’est pourquoi ce texte vise à faciliter le recours à la médiation en cas de litige entre les parties. Je proposerai dans ce sens des amendements qui prévoient d’étendre ses compétences comme l’introduction d’un dispositif de « name and shame ».

Favoriser la conclusion d’un accord-cadre en évitant que la partie la plus puissante soit en mesure d’imposer des clauses abusives et permettre à tous de faire valoir ses droits dans les négociations commerciales, tel est notre objectif.

Le titre II du projet de loi ouvre la voie à la construction d’une véritable éthique de l’alimentation. Cette éthique passe par la poursuite de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Elle passe aussi par l’introduction d’une nouvelle obligation pour les services de restauration collective publique concernant la composition des repas proposés par leurs établissements.

Ceux-ci devront ainsi comporter une part significative de produits sous signes officiels de qualité, comme l’agriculture biologique, mais ils devront aussi tenir compte de la proximité de la production. Le présent projet de loi s’attache donc à associer les acteurs publics à la construction d’une offre alimentaire respectueuse du vivant.

Renforcer la protection du vivant, cela se traduit également par une meilleure prise en compte du bien-être animal. Le projet de loi étend ainsi aux associations de protection des animaux la possibilité de se constituer partie civile à un procès pour des délits relevant du code rural et de la pêche maritime. Cette valorisation du rôle des associations s’accompagne de la création d’un nouveau délit visant à réprimer les mauvais traitements envers les animaux commis dans les transports et dans les abattoirs.

Renforcer la protection du vivant, cela passe aussi par une réduction drastique de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. La séparation des activités de conseil et de vente de ces produits constitue la pierre angulaire de ce dispositif et s’inscrit en cohérence avec le droit européen dans ce domaine.

Ce projet de loi est fidèle à l’esprit de la majorité parce que c’est un projet pragmatique pour réconcilier les différents maillons de la filière tout en protégeant les plus faibles, qui sont les producteurs. C’est aussi un projet de loi pragmatique car il vise à réconcilier les pratiques agricoles et le respect de l’environnement.

Les Français sont fiers de leurs agriculteurs ; la qualité de notre production et de notre alimentation est enviée dans de nombreux pays. Transformons l’essai en inscrivant dans la loi des mesures concrètes pour améliorer la qualité de notre alimentation afin qu’elle soit encore davantage respectueuse du travail des agriculteurs et de l’environnement.

Ce projet de loi est un projet collectif, directement issu des États généraux de l’agriculture et de l’alimentation, et qui engage tous les maillons de la chaîne alimentaire.

C’est un pacte de confiance fondé sur une responsabilité partagée, de la fourche à la fourchette, avec des agriculteurs qui se regroupent en organisations de producteurs pour peser face à la grande distribution, des consommateurs qui deviennent des « consom’acteurs » et traduisent leurs attentes dans leur acte d’achat et des enseignes de la grande distribution qui s’engagent à mieux rémunérer les agriculteurs.

Ce pacte de confiance, c’est à nous, législateurs, de le construire. Les attentes sont grandes parmi les acteurs du monde agricole et agroalimentaire. C’est notre responsabilité de députés et de citoyens de ne pas les décevoir.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de laménagement du territoire. Monsieur le ministre, chers collègues, chargée de rendre un avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le titre II de ce projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, je tiens tout d’abord à redire ici la qualité du travail accompli et de la concertation menée dans le cadre des États généraux de l’alimentation. L’objectif de cette consultation était de renouer le dialogue entre tous les acteurs du secteur agricole et de la chaîne alimentaire, de dégager un consensus et des positions communes, ainsi que de faire émerger des solutions aux problèmes récurrents de l’agriculture. Ces objectifs ont, semble-t-il, été atteints, grâce à l’impressionnante mobilisation des acteurs et à la qualité de leur participation.

La situation des agriculteurs français n’a cessé de se dégrader ces dernières années : entre 2000 et 2016, le nombre d’exploitations a diminué de 35 %, les petites et moyennes structures étant les plus touchées. Cette situation expose le modèle agricole français à de grandes fragilités et à une perte de compétitivité dans certaines filières, et elle menace à terme la pérennité du monde agricole.

Un tel constat appelle des réponses fortes. L’avenir de notre agriculture et du monde paysan en dépend. Cette transformation, les Français en perçoivent la nécessité et l’attendent. Ils ont exprimé à de nombreuses reprises leur attachement au monde agricole et leur désir d’une alimentation saine et durable, pour laquelle ils sont disposés à payer le juste prix aux producteurs. Ils sont conscients que la pérennité de notre agriculture ne sera assurée que par la mobilisation de tous.

Les travaux de notre commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie pour avis, ont été très riches et M. le ministre y a pris part – il convient de s’en féliciter. Nous avons adopté près d’une centaine d’amendements, redéposés devant votre commission saisie au fond, de nature à enrichir le texte. Je ne reviendrai à ce stade que sur les principaux aspects de nos travaux.

Tout d’abord, la qualité des repas servis dans la restauration collective publique doit progresser, conformément aux engagements du Président de la République. Nous avons adopté en commission du développement durable un amendement de réécriture de l’article 11 afin de fixer dans la loi les taux précis de 20 % de produits bio et de 30 % de produits de qualité dans la composition des repas. Les produits de qualité sont mieux définis, la place de l’analyse en termes de coût du cycle de vie des produits a été revue ; il devrait en effet s’agir d’une démarche complémentaire et progressive. L’achat de produits de saison serait fixé comme une priorité. L’achat de produits issus du commerce équitable serait renforcé. Une obligation d’information des usagers serait applicable dès 2020 et c’est un aspect important du dispositif. Le Gouvernement a proposé d’étendre les obligations de l’article 11 aux gestionnaires publics et privés de crèches, établissements scolaires et établissements sociaux. J’ajoute que la dotation globale de fonctionnement devrait, me semble-t-il, pouvoir être modulée, M. le ministre, afin de prendre en compte les efforts réalisés par les collectivités territoriales sur ces questions.

La commission du développement durable, dont je défendrai devant vous les amendements, vous proposera de nombreuses améliorations, telles que : l’interdiction des contenants en plastique dans la restauration collective, le renforcement de l’éducation à l’alimentation, l’étiquetage très précis de la provenance du miel, l’extension du champ de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), l’insertion dans le code rural et de la pêche maritime de l’objectif de 15 % de surface agricole utile consacrés au bio – nous saluons d’ailleurs l’annonce par le Gouvernement d’un montant de 1,1 milliard d’euros pour le bio au cours de la période 2018-2022 –, la possibilité pour les régions de jouer un rôle de chef de file en matière de projets alimentaires territoriaux, l’amélioration de la prise en compte de la politique de lutte contre le gaspillage alimentaire ou encore le renforcement des obligations des détenteurs de denrées alimentaires en matière de transmission des résultats des contrôles sanitaires.

Quant à l’article 13 et au bien-être animal, je présenterai aussi des amendements – adoptés, je le souligne, en accord avec l’interprofession – qui visent à renforcer les obligations des abattoirs et à renouer le lien de confiance avec les citoyens : cadre renforcé pour les lanceurs d’alerte, désignation systématique d’un référent protection animale, obligation de signer et publier un protocole sanitaire. Conformément aux engagements pris par le Président de la République, nous avons souhaité fixer une date au-delà de laquelle il ne sera plus possible de vendre des œufs provenant d’élevages de poules en cage.

L’article 14 et le I de l’article 15 comportent des mesures importantes visant à réduire le recours aux produits phytopharmaceutiques en agriculture.

La commission a adopté un amendement qui permet de consolider l’interdiction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes. Cette interdiction avait été édictée par la Représentation nationale en 2016 dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Par ailleurs, considérant qu’il convient, pour atteindre les objectifs fixés par le plan Ecophyto 2, de réduire le plus possible les incitations à utiliser les produits phytopharmaceutiques, la commission a adopté une série d’amendements allant en ce sens.

Telles sont, M. le président, M. le ministre, mes chers collègues, les principales dispositions que je souhaitais vous présenter.

M. le président Roland Lescure. Chers collègues, vous avez la parole.

Mme Monique Limon. Je voudrais tout d’abord remercier notre rapporteur pour le travail de qualité qu’il a mené depuis le début du mois de février, avec de nombreuses auditions à l’Assemblée nationale et au salon de l’agriculture, M. le ministre, pour son écoute et son dialogue avec les parlementaires depuis la présentation du texte en conseil des ministres et, enfin, mes collègues de la majorité pour leur implication, leurs réflexions sur ce texte et les nombreux échanges qu’ils ont eus sur le terrain.

Nous abordons aujourd’hui un débat stratégique pour l’avenir de notre pays, le débat sur l’avenir de notre agriculture et la qualité de notre alimentation. C’est l’un des plus attendus depuis le début de cette législature, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, comme M. le ministre, M. le rapporteur et Mme la rapporteure pour avis l’ont rappelé, il est le fruit d’un vrai travail de concertation entre l’ensemble des acteurs, menée au cours des quatre mois de travaux des États généraux de l’alimentation. Ces quatorze ateliers nationaux et leurs déclinaisons territoriales, salués par tous, ont permis de remettre l’ensemble des acteurs autour de la table et ont suscité de fortes attentes chez les agriculteurs et les consommateurs. Nous devons y répondre et être à la hauteur. Ce débat est également attendu parce que l’agriculture est un poumon de notre économie et représente des milliers de salariés et d’exploitants. C’est un débat attendu, enfin, car l’agriculture occupe une place toute particulière dans notre patrimoine et dans notre culture. La France est un pays agricole depuis toujours, riche de ses paysages et de son climat. L’agriculture joue ainsi un rôle d’équilibre dans les territoires ruraux et pour le maintien de notre biodiversité. Il est donc tout à fait concevable que ce débat passionne la Représentation nationale, comme en témoignent les nombreux amendements déjà déposés.

Depuis plus d’une décennie, nous sommes des acteurs impuissants des crises conjoncturelles et structurelles que connaissent les différentes filières, nous assistons à des drames et voyons s’installer une désespérance morale au sein de la profession. Je crois que nous sommes aujourd’hui à un tournant : soit nous laissons perdurer ces situations chaque jour plus dégradées qui menacent la survie de notre agriculture, soit nous décidons de remettre à plat les relations commerciales et de permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail.

Pour le groupe La République en Marche, ce projet de loi ambitieux doit permettre d’inverser la tendance et de relever, vous l’avez dit, trois défis majeurs. Tout d’abord, il s’agit de faire en sorte que chacun puisse vivre dignement et sereinement du fruit de son travail avec un cadre de relations commerciales renouvelé en vue d’une juste répartition de la valeur. Cela passe notamment par l’inversion de la construction du prix, la responsabilisation des interprofessions dans la définition des indicateurs, le renforcement de la médiation ou encore la hausse du seuil de revente à perte. Le second défi est de rétablir, d’abord, la confiance et le dialogue entre les acteurs du monde agricole, mais également la confiance des consommateurs qui, confrontés à plusieurs crises sanitaires, demandent plus de transparence et de traçabilité des produits. Cela doit notamment passer par le renforcement des contrôles. Enfin, il s’agit de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs, notamment dans l’accès à des aliments sains, locaux et durables. C’est le sens du titre II de ce projet de loi avec des objectifs de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques, la prise en compte renforcée du bien-être animal ou encore l’objectif d’une alimentation saine et de qualité dans la restauration collective publique d’ici à 2022.

Les députés du groupe La République en Marche soutiennent bien évidemment, ce projet de loi. Ils défendront dès la semaine prochaine plusieurs amendements afin de l’enrichir, qui auront notamment trait au renforcement du rôle du médiateur et à l’application effective de l’inversion de la construction du prix, mais également à la formation, à l’encadrement des promotions, à l’évaluation et à la simplification.

Nous devons aujourd’hui construire une stratégie concrète pour l’ensemble du monde agricole dans notre pays, au niveau national, avec ce projet de loi et les travaux engagés sur plusieurs autres sujets – la méthanisation, le foncier agricole ou l’ensemble des dispositifs fiscaux –, mais également au niveau européen, dans le cadre des discussions qui s’engagent sur la réforme de la politique agricole commune (PAC). Ce débat s’annonce passionnant et je nous souhaite à tous des échanges constructifs qui permettent au monde agricole de relever la tête et de disposer d’outils pour une meilleure redistribution de la valeur et des relations commerciales enfin équilibrées.

M. Jérôme Nury. Monsieur le ministre, chers Collègues, le texte que nous commençons à examiner est clairement l’aboutissement des États généraux de l’alimentation. Cet exercice de concertation visant notamment à répondre à la terrible crise agricole qui frappe nos campagnes a été, il faut le dire, un moment positif, salué par toutes les branches, aussi bien agricole que de transformation et de distribution. Tous s’entendent sur l’état de souffrance de l’agriculture. Les EGA ont donné des pistes d’action en faveur de ce renouveau. Ils ont également suscité des attentes considérables dans la profession agricole, qu’il ne faut pas décevoir.

Le premier regret que nous pouvons avoir est que l’examen du texte a été reporté de plusieurs semaines. Ce retard est regrettable et préjudiciable au monde agricole. Il est d’autant plus incompréhensible que cet examen a été repoussé au profit de celui du texte sur la SNCF, certes également majeur pour la communication du Gouvernement mais qui n’avait pas le degré d’urgence que la crise agricole commande. Ce décalage n’est pas sans inquiéter une profession qui, au vu du calendrier parlementaire, peut craindre que le texte ne s’applique pas aux négociations commerciales pour 2019.

Sur le fond, trois points retiennent mon attention.

En ce qui concerne tout d’abord la contractualisation, les articles 1er à 8 du projet de loi, reprenant les propositions des ateliers 5 et 7 des EGA, apportent un certain nombre de réponses intéressantes en faveur de l’équilibre des relations commerciales. Leurs dispositions encadrent les contrats et inversent la construction du prix pour qu’elle parte du producteur vers le transformateur et vers le consommateur. Toutefois, il paraît nécessaire d’aller plus loin dans la protection du secteur agricole, d’abord en faisant preuve de mansuétude et de pragmatisme, et donc en se gardant de toute sanction exagérée vis-à-vis des producteurs. Nous devons aussi veiller à ce que la contractualisation soit juste à l’égard du producteur en obligeant à plus de transparence de la part de l’acheteur, mais aussi en s’appuyant sur des indicateurs publics de référence encadrant les relations commerciales.

Deuxième point, le projet s’inscrit dans la lutte contre la déflation des prix. Il prévoit, à juste titre, un contrôle des promotions, l’interdiction des prix abusivement bas et l’encadrement du seuil de revente à perte. En cela, le texte va logiquement vers cette reconstruction des prix tant attendue. Des propositions et des précisions pourraient toutefois être utiles afin de mieux encadrer en volume et en valeur les opérations promotionnelles concernant non seulement l’alimentation humaine mais aussi l’alimentation animale, et concernant également les marques distributeurs.

Troisième point, à ces efforts pour l’équilibre des relations commerciales, s’ajoute, exprimée par le titre II, la volonté d’une alimentation saine, de qualité et durable accessible pour tous, également reprise des EGA. Les membres du groupe Les Républicains partagent ces objectifs mais sont réservés quant à la pertinence de la contrainte ; nous préférons à cette notion celle d’incitation. S’agissant de la restauration collective, les objectifs affichés sont ambitieux. Toutefois, il serait souhaitable d’encourager les collectivités à s’engager dans la voie du bio et du local, des circuits courts et de la qualité plutôt que de recourir à la contrainte. S’agissant des produits phytopharmaceutiques, nous soutenons cette volonté de réduire leur consommation, et les mesures proposées sont positives. Toutefois, nous devons être vigilants. L’interdiction des promotions risque de conduire à un renchérissement des coûts des exploitants qui, on le sait, ne pourront, pour un certain nombre de pratiques, se passer de ces produits dans l’immédiat. C’est pourquoi nous pourrions, dans le respect de l’esprit du texte, envisager une mesure transitoire de bon sens, afin de ne pas augmenter les charges des agriculteurs. D’autre part, si le cumul des activités de vente et de conseil est interdit, il est important de bien distinguer l’activité de conseil sur le produit vendu, qui vise à informer sur l’utilisation, les précautions ou les dosages, et l’activité de conseil stratégique qui vise à la vente du produit. Des précisions seraient souhaitables, et le texte mériterait d’être clarifié.

Après l’adoption d’un certain nombre des 415 amendements examinés par la commission du développement durable, il semble que le texte ait perdu de ses objectifs premiers. Nous encourageons un retour à l’esprit des travaux des EGA. Il est nécessaire de ramener de l’équilibre et du pragmatisme. Nous sommes donc prêts à proposer un certain nombre d’amendements visant à améliorer le projet de loi sans le détourner de son objectif principal : permettre aux agriculteurs de mieux vivre de leur métier, avec une reconstruction du prix et un partage plus équilibré de la valeur.

M. le président Roland Lescure. Cher collègue, le texte n’a encore rien perdu ni rien gagné. C’est nous, commission saisie au fond, qui déciderons d’intégrer ou non les amendements de la commission du développement durable au texte, la semaine prochaine.

M. Nicolas Turquois. Monsieur le président, Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur, nous entamons aujourd’hui la discussion sur le projet de loi destiné à rééquilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. Et il est important pour les acteurs concernés, cher collègue Jérôme Nury, que ce projet soit enfin « sur les rails ». Il est le résultat d’un long travail de réflexion et de concertation engagé durant les États généraux de l’alimentation, qui ont réuni toutes les parties prenantes : agriculteurs, consommateurs, distributeurs, transformateurs. Ces EGA ont suscité un espoir important parmi nos agriculteurs ; il importe de ne pas décevoir leurs attentes. C’est pourquoi nous accueillons favorablement la volonté du Gouvernement de reprendre l’une des dispositions phares des EGA, visant à renverser la logique de construction des prix. C’est l’un des leviers d’une meilleure répartition de la valeur.

Cependant, le groupe MoDem et apparentés souhaite que nous retrouvions à l’issue de la discussion du projet de loi l’esprit et la lettre de l’ensemble des conclusions des EGA, c’est-à-dire que nous élargissions le spectre de ce texte tant attendu. Nous souhaitons qu’au terme de nos débats soit adoptée une loi incitative réellement efficiente et non une loi punitive et inapplicable, car il y va de l’avenir de notre agriculture, une agriculture à laquelle nous tenons et dont nous souhaitons vanter les mérites et les atouts. La France reste en effet la première puissance agricole de l’Union européenne avec 27 millions d’hectares de surface agricole, soit près de la moitié de la superficie du territoire. L’agriculture française bénéficie ainsi de nombreux atouts, avec une qualité reconnue à l’international et un rang prééminent dans certaines productions. Cependant, année après année, nous voyons nos parts de marché reculer, tant sur le marché domestique qu’à l’étranger.

C’est la raison pour laquelle nous avons volontairement déposé peu d’amendements. Nous voulons à tout prix éviter l’écueil facile de la surtransposition et de l’ajout de contraintes pour nos agriculteurs. Une certaine déréglementation nous semble même nécessaire. L’excès de normes est coûteux pour l’agriculture. À cet égard, l’adoption de plusieurs amendements en commission du développement durable nourrit nos craintes : nombre de dispositions votées fixent à nos collectivités et nos agriculteurs des objectifs difficiles à atteindre, sans qu’un accompagnement soit prévu ni qu’une alternative soit proposée, et ce à des échéances très rapprochées.

Au groupe MoDem et apparentés, nous n’entendons pas accabler encore un peu plus nos exploitants avec un train de normes supplémentaires. Nous entendons les accompagner dans l’évolution de leur métier. Nous défendons dans cette optique une logique de simplification, absolument nécessaire pour aider notre agriculture. Par exemple, nous proposerons des amendements visant à remédier à une surtransposition du paquet « hygiène » relatif à l’abattage, afin de favoriser l’abattage mobile, solution qui s’inscrit pleinement dans la logique des circuits courts mais qui permet aussi de réduire le temps de transport et limiter les sources de stress et de souffrance de l’animal. Nous proposerons aussi de rationaliser les différentes instances dédiées à l’alimentation dans un objectif de lisibilité et d’efficacité.

En ce qui concerne le titre Ier nous souhaitons en premier lieu nous assurer que cette nouvelle contractualisation sera effectivement respectée et réellement mise en œuvre. Nous voulons ensuite nous assurer de l’efficacité de nos organisations de producteurs, notamment des coopératives dans lesquelles il importe d’associer plus fortement les associés-coopérateurs.

Enfin, nous comprenons l’exigence de réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Nous souhaitons toutefois que cette réduction s’accompagne d’une plus grande formation de nos agriculteurs et surtout d’un soutien de la recherche pour développer des solutions alternatives. Les innovations technologiques peuvent en effet permettent d’atteindre des résultats plus efficaces en termes d’exploitation, sans effets négatifs sur l’environnement. Nous appellerons de nos vœux une expertise d’ampleur pour adapter notre outil législatif et réglementaire sur ces questions d’innovation.

M. Thierry Benoit. Je suis heureux, Monsieur le ministre, chers collègues, de vous retrouver pour parler, au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, d’agriculture.

Rappelons en préambule quelle préoccupation doit être notre ligne directrice : le revenu agricole, le revenu des agriculteurs. C’est ce souci qui a présidé à l’organisation de ces États généraux de l’alimentation. Je veux aussi rappeler que nous avons les meilleurs agriculteurs du monde. Ce sont de grands professionnels, des gens honnêtes qui, depuis cinquante ans, ont répondu à toutes les attentes de la France et de l’Union européenne. Ils ont produit de la quantité, ils ont produit de la qualité, ils ont répondu aux attentes de sécurité sanitaire, aux attentes de sécurité alimentaire, aux attentes environnementales. Ils ont tout fait.

Et, aujourd’hui, nous examinons ce texte, dont le titre Ier est consacré aux relations commerciales. Mon groupe pense qu’il faudrait plutôt parler de « moralisation » que d’amélioration des relations commerciales. Depuis cinquante ans, notre pays, sous quelque gouvernement que ce soit, laisse la part belle à la grande distribution, qui s’est même structurée en centrales d’achat. À quatre, elles se partagent l’essentiel du marché ! C’est pourquoi, en 2016, avec MM. Charles de Courson et Philippe Vigier, nous avions déposé un amendement que nous remettons sur la table et dont nous voulons débattre de nouveau, visant à dissoudre l’oligopole représenté par les quatre grandes centrales d’achat – à « dynamiter », pour le dire trivialement, ce cartel qui fait du mal aux agriculteurs français. Il faut le dire, en commission et dans l’hémicycle. Il faut rouvrir ce débat et parvenir à des résultats concrets.

Nous souhaitons aussi, consécutivement à la volonté de contractualisation, réaffirmer le rôle des organisations de producteurs et des associations d’organisations de producteurs, notamment dans le cadre des négociations, des discussions. Nous voulons qu’elles aient un rôle élargi, avec une dimension commerciale puisqu’on parle de prix et de partage de richesse et de valeur ajoutée. Naturellement, il faut renforcer le rôle de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, et il faut que son président, M. Philippe Chalmin, arrête de nous répéter que nos agriculteurs doivent être plus compétitifs. Ils travaillent dix, douze, quinze heures par jour ! Faut-il donc qu’ils travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? Et, naturellement, nos débats doivent avoir une dimension européenne.

En ce qui concerne le titre II, l’alimentation et la qualité de l’alimentation, je veux le dire tout de go : si l’ensemble des Européens et si l’humanité disposaient de produits agricoles et de denrées alimentaires de la qualité des productions de nos agriculteurs, ce serait extraordinaire ! Des pistes d’amélioration sont certainement possibles, mais, ayant très attentivement suivi les débats de la commission du développement durable, je mets en garde quant aux charges que l’on peut faire peser sur l’agriculture, sur les agriculteurs ; attention à la compétitivité, à la concurrence, notamment avec nos amis européens, et donc au revenu agricole. On peut se faire plaisir, avec des déclarations d’intention, mais il faudra, au cours du débat, nous préciser ce qui relève d’orientations, ce qui est normatif et ce qui relèvera du pouvoir réglementaire. Quand on parle de 15 % de surface agricole utile consacrée au bio, est-ce une déclaration d’intention, une disposition normative ou du réglementaire ? Autre exemple, si l’on sépare vraiment vente de produits phytopharmaceutiques et conseil, cela ira à l’encontre des distributeurs de proximité, qui n’auront pas les moyens d’avoir des services techniques, des services de conseil et des services commerciaux.

Dernier sujet, le groupe UDI, Agir et Indépendants proposera un titre III, « Mesures de simplification ». Soyons des acteurs de la simplification !

M. Dominique Potier. Monsieur le ministre, chers collègues, dans un combat au long cours, il est bon d’avoir de la mémoire. C’est la majorité précédente, à qui l’on prête beaucoup de défauts, qui a installé la transition agro-écologique. Et, la semaine dernière, à Rome, M. Stéphane Le Foll a été salué, lors d’une session de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Food and Agriculture Organization of the United Nations, FAO), pour le travail pionnier engagé à l’époque par la France – qui n’est certes pas terminé. Je me souviens que nous avons réorienté la politique agricole commune. Je me souviens qu’il n’y a jamais eu autant d’initiatives contre le gaspillage alimentaire, pour les fonds alimentaires territoriaux, pour la formation en matière de produits alimentaires. Je me souviens de la loi Sapin II, avec les limites désormais levées par le règlement dit « Omnibus », que nous allons utiliser. Je me souviens que beaucoup de ce qui a été débattu lors des EGA était déjà en germe au cours de la précédente législature. Même si nous n’avons pas su le porter au plus haut, je voudrais que l’on se souvienne que ce combat s’inscrit dans un héritage. Nous avons su inscrire des ruptures, et je me réjouis qu’elles suscitent aujourd’hui l’assentiment.

Je voudrais saluer les États généraux de l’alimentation, cette intuition de M. Nicolas Hulot, reprise par le Président de la République. C’était bienvenu, et nous nous y sommes pleinement investis, notamment M. Guillaume Garot, moi et d’autres. Je salue le travail des coordinateurs. Tout ce travail a été d’une qualité extraordinaire. Mettre les Français autour d’une table pour échanger, pour faire de la prospective, c’est un très bel exercice et nous sommes au rendez-vous d’une des premières étapes. Je suis bien conscient, Monsieur le ministre, que tout ne sera pas dans la loi, qu’il y a du réglementaire, qu’il y a du budgétaire, qu’il y a la PAC, qu’il y a la vie, tout simplement, qui ne passe ni par la loi, ni par le règlement, ni par le budget. Tout de même, il y a un décalage entre les aspirations, les attentes considérables exprimées lors de ces États généraux de l’alimentation et le projet de loi qui nous est présenté. Nous pouvons avec pragmatisme, avec réalisme, puisqu’il s’agit non pas d’un projet de loi de programmation, ni d’un projet de loi d’orientation, mais d’un projet de loi sur deux objets précis, tenter de l’améliorer, de le compléter avec quelques innovations.

En tout cas, ce sera la démarche des députés du groupe Nouvelle Gauche, très investis sur tous ces sujets, à toutes les phases des travaux de la commission et ailleurs. Nous voulons améliorer le dispositif que vous proposez et l’enrichir autant que possible, notamment en ce qui concerne les prix.

Nous détaillerons cela au moment de l’examen d’amendements sur des sujets précis, mais je veux formuler cette mise en garde : ne nous berçons pas d’illusions et, surtout, ne créons pas d’illusions sur le terrain. Les grands déterminants macroéconomiques sont inchangés : nous n’avons pas eu le courage, vous n’avez pas le courage aujourd’hui de réformer la loi de modernisation de l’économie de 2008 qui a instauré ces rapports léonins entre les opérateurs. L’hyper-concentration s’est encore accentuée la semaine dernière avec le rapprochement de trois centrales d’achat dans notre pays, tandis que l’offre est extraordinairement fragmentée. Nous devons réduire ce phénomène. Il faut des mesures antitrust, des appellations d’origine protégées (AOP) plus puissantes, mais le rapport déséquilibré subsiste, et il y a un désordre qui tient notamment au peu d’harmonisation européenne. À la suite des quotas laitiers, chaque centime de prix perdu en raison d’une vaine concurrence intra-européenne a fait perdre 240 millions d’euros de valeur ajoutée à nos filières laitières. Et puis il y a ces traités internationaux de libre échange qui viennent fragiliser nos propres économies et nos écosystèmes écologiques.

À l’intérieur d’un écosystème qui est donc défavorable, nous allons tenter d’améliorer le texte en exploitant les marges offertes par le règlement « Omnibus ». Nous chercherons à innover, avec des propositions sur les AOP, les accords tripartites, l’agriculture de groupe, la haute valeur environnementale. Nous espérons que, positifs et constructifs, nous serons entendus.

Quant à l’éthique de l’alimentation, combat historique à gauche, nous nous réjouissons tout d’abord que des amendements significatifs soient présentés par la commission du développement durable. Nous espérons qu’ils pourront être adoptés. Je pense à la réorientation de l’aide publique au développement, aux amendements courageux défendus par ma collègue Delphine Batho, en faveur d’une réciprocité en matière de produits phytosanitaires – ce qui n’est pas bon pour nous ne doit pas être exporté, c’est là un principe moral qui me semble intangible. Nous devons aller plus loin, comme M. Guillaume Garot en a exprimé le souhait, sur l’information et l’éducation des consommateurs. Le sujet des phytosanitaires me tient particulièrement à cœur, j’y ai consacré quelque temps au cours de la précédente législature, nous défendrons des propositions sur le biocontrôle. Nous mettrons en garde sur le problème très précis de la séparation de la vente et du conseil, nous évoquerons le maintien des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), nous prônerons une gouvernance plus moderne. Et si notre principal souci doit être la justice, alors il faut rendre justice aux victimes de la phytopharmacie. Ne différons pas ce débat, il faut des mesures dans le cadre de cette loi. Quant au foncier, il ne faut pas seulement une loi d’orientation, il faut aussi des mesures d’urgence.

M. François Ruffin. Je fais partie des bons élèves de notre commission, puisque j’ai participé aux différentes tables rondes organisées dans le cadre des États généraux de l’alimentation et à plusieurs ateliers qui rassemblaient syndicats, professionnels et associations. Selon M. Olivier Allain, le coordinateur, plus de 30 000 heures de discussion ont été consacrées à ce projet de loi, ce dont nous nous félicitons tous. Toutefois, j’ai le sentiment – et il est sans doute partagé – que cette montagne de discussions accouche d’une souris législative, puisque le texte qui nous est présenté comporte des mesures techniques qui auraient pu être prises en coordination par différents ministères. Il n’était peut-être pas besoin de mobiliser l’ensemble de la société française pour parvenir à un tel résultat...

Lors de son audition, le directeur de la Fédération nationale bovine, M. Bruno Dufayet, nous avait dit qu’il suivrait le cap que nous fixerions, quel qu’il soit. Que nous choisissions le modèle de compétition néo-zélandais ou, au contraire, une agriculture familiale pour tous, soucieuse du développement durable et produisant une alimentation saine, il s’adapterait. Or, il n’y a pas de cap dans ce projet de loi ! Cette absence de cap est néanmoins un progrès, selon moi. En effet, à l’automne dernier, j’avais déploré l’hyper-présence des mots « compétition » et « compétitivité » aussi bien dans les propos du ministre que dans ceux de notre président ou dans ceux de notre collègue Arnaud Viala lorsqu’il nous a présenté sa proposition de loi pour une agriculture compétitive. Or, aujourd’hui, j’observe que ces mots sont absents du projet de loi. On a donc renoncé à ce cap-là, mais on ne sait pas quel autre cap on lui substitue.

En ce qui concerne le titre Ier, consacré à la construction du prix, je me rappelle que, lors de son audition, M. Serge Papin nous avait indiqué que la loi devait être ambitieuse mais qu’elle n’était pas partie pour l’être. Si nous voulons sauver l’agriculture française, déclarait-il, l’amener vers du plus qualitatif, il faudrait des prix minimums garantis au moins pour une période transitoire de deux ans. De fait, la question des prix plancher est cruciale. Je ne sais pas si nous pourrons sortir l’agriculture française de ses grands tourments – disparition de la moitié des exploitations en vingt ans, revenu mensuel inférieur à 356 euros par mois pour la moitié des agriculteurs, et je ne parle pas des suicides à répétition dans la profession – à l’aide du « truc » hyper-complexe qu’on nous présente et dont on se demande s’il va vraiment aboutir à quelque chose en matière de construction des prix. Pourtant, on se dit que c’est ce que nous sommes condamnés à faire car, si nous annoncions franchement que nous voulons des prix plancher pour le lait, la viande ou les céréales, Bruxelles nous opposerait les règles de la concurrence. Nous nous heurtons à cet obstacle et, pour ma part, je serais plutôt favorable à ce que nous le fassions sauter. Car, oui, pour le bien-être des agriculteurs, pour maintenir leurs exploitations, il faut des prix plancher !

Quant au titre II, il est vide, ou presque. Je me rappelle Mme Dominique Voynet nous expliquant que M. le ministre, après avoir opiné du chef pendant son discours aux États généraux de l’alimentation et donné ainsi le sentiment de partager entièrement ses préoccupations, n’avait même pas abordé le sujet dans son discours de clôture. C’est la même chose pour le projet de loi : il y a très peu de chose sur la transition vers un modèle plus environnemental, sur la question du bien-être animal ou sur celle de la nutrition.

Bien entendu, le groupe La France insoumise défendra des amendements mais, dans l’ensemble, le projet de loi risque d’être une occasion manquée, et même doublement manquée. Tout d’abord, les agriculteurs traversent une période de doute, ils ne savent pas dans quelle direction aller, et nous ne leur en indiquons pas une. Ensuite, alors que l’industrie agroalimentaire et la grande distribution étaient d’accord pour faire un certain nombre de concessions, nous ne les avons pas validées dans les faits.

Enfin, des mesures de régulation sont nécessaires, qu’il s’agisse des quotas, des prix plancher ou de la réciprocité dans les accords internationaux, mais elles se heurtent, bien entendu, à la doxa libérale du Gouvernement. De fait, il y a une contradiction flagrante entre la volonté de réguler un peu ce secteur et le fait de négocier des accords comme le CETA avec le Canada ou l’accord avec le Mercosur.

M. Sébastien Jumel. Notre pays perd, depuis 2010, 30 000 exploitations par an, 50 % des paysans ont un revenu inférieur à 400 euros par mois et les défaillances d’entreprises ont augmenté de 10 % en 2017. Une pauvreté qu’on pensait révolue gagne ainsi du terrain dans nos campagnes et continue à abîmer la ruralité. J’ai pu moi-même constater, dans ma circonscription du pays de Bray, où prédomine l’élevage laitier, la détresse, la colère des paysans, qui se transforme parfois en désespoir et conduit au pire. À leurs difficultés économiques s’ajoute le sentiment d’être abandonnés par la puissance publique, qui n’est pas en mesure, par exemple, de garantir le versement en temps et en heure des aides dues – je pense notamment aux mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC). J’ai entendu dire : « C’est la loi de la dernière chance », celle qui permettrait d’atteindre un niveau de prix permettant une vie digne et mettant un terme à la spirale de destruction de la valeur. En effet, les États généraux de l’alimentation ont fait naître un espoir, et je crois que nous devons explorer cette voie au cours de nos travaux.

Il y a un paradoxe de notre agriculture : elle nourrit, nous fait vivre, mais les produits agricoles bruts ne représentent que 10 % de la valeur finale des denrées alimentaires vendues en grande surface. De fait, la question des prix des produits est centrale. Il nous faudra donc veiller à ce que la loi, qui doit protéger, réguler, la prenne en compte. Nous devrons également mettre un coup d’arrêt à la logique de destruction de la valeur : les paysans, qui n’ont pas la maîtrise des prix, doivent percevoir la part de la valeur finale des produits alimentaires qui leur revient et celle-ci ne doit pas se réduire comme peau de chagrin. Il nous faudra inverser la logique de construction des prix en renforçant les prérogatives de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ainsi que celles des médiateurs, voire en réduisant les délais de négociation.

Après une série de textes clivants, le dernier en date étant le projet de loi de réforme ferroviaire, le Gouvernement a, je crois, Monsieur le ministre, la possibilité de parvenir à un consensus, à condition que vous fassiez preuve de pragmatisme et que vous entendiez nos arguments. Nous serons attentifs à la portée réelle des dispositions du texte. Le choix des ordonnances continue de susciter des interrogations, d’autant que les délais ne le justifient plus. Concrètement, pour que ce texte produise des effets, il va falloir le muscler
– c’est-à-dire, d’une certaine manière, le rendre moins libéral – en renforçant le rôle de la puissance publique, pour qu’il soit opérant sur les indicateurs de prix et sur les moyens de contrôle, et pour dynamiter les accords contre nature des grandes surfaces qui étouffent les agriculteurs.

Enfin, il y a le texte, mais il y a aussi le contexte. Il faudra, au cours du débat, voire dans les actes, nous rassurer : la portée du projet de loi ne doit pas être amoindrie par la concurrence intracommunautaire, souvent déloyale, qui ne régule pas correctement la PAC, par le risque réel d’affaiblissement de celle-ci – nous ne savons pas, pour l’instant, si le combat que vous menez a une chance d’aboutir ou non – et par les traités de libre-échange. À ce propos, l’autre jour, lors d’une réception organisée par le groupe d’amitié France-Canada, l’ambassadrice nous a proposé de trinquer au CETA. Je ne trinquerai pas au CETA, pas plus qu’à l’accord avec le Mercosur ! Je comprends que le Canadien que vous êtes, Monsieur le président, n’apprécie pas ce propos.

M. le président Roland Lescure. Non, le Canadien souhaiterait que vous respectiez votre temps de parole…

M. Sébastien Jumel. Je conclus. La question des retraites agricoles, autre élément du contexte à la suite de l’examen de la proposition de loi au Sénat, reste en travers du gosier du président André Chassaigne. Voilà quelques-unes des questions que nous évoquerons lors de l’examen des nombreux amendements que nous défendrons.

M. le président Roland Lescure. Pour les francophones, je précise que CETA se traduit par AECG (Accord économique et commercial global).

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous remercie pour vos riches interventions, qui témoignent de l’intérêt que vous portez à la construction de ce projet de loi et de votre volonté de le rendre plus robuste encore. Cependant, je ne peux pas laisser dire que celui-ci est d’inspiration libérale : une telle affirmation ne peut qu’étonner ceux qui me connaissent. On ne peut pas dire non plus qu’il ne comporte que de simples mesures techniques, car il marque un véritable changement de paradigme, qu’il s’agisse de l’inversion de la construction du prix ou de la transformation de nos modèles agricoles pour les rendre plus compétitifs. Je ne considère pas, pour ma part, que la compétitivité soit un gros mot. Comme toutes les entreprises, une exploitation agricole doit être compétitive pour pouvoir innover, investir et voir ainsi l’avenir en plus grand, embaucher, créer de l’emploi, bref : faire vivre les territoires.

J’aborde le débat avec l’ensemble des groupes dans un état d’esprit très constructif. Nos discussions vont porter sur l’agriculture et l’alimentation. Or, chacun, ici, mange au moins trois fois par jour et a ainsi la possibilité de servir l’agriculture française par ses choix. Ce texte traduit des choix ; il est pragmatique et tiendra compte des trajectoires nécessaires pour faire évoluer notre agriculture. Les débats qui se sont déroulés au sein de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire étaient intéressants – je le sais pour y avoir participé. Nous continuerons, en commission des affaires économiques, puis en séance publique, de discuter de notre vision de l’agriculture. Mais tout est une question de trajectoire : comment accompagne-t-on notre agriculture pour qu’elle ne soit pas impuissante face à la concurrence et qu’elle ne se trouve pas empêchée d’investir ou de faire des progrès à cause d’une sur-transposition ou de verrous inutiles. Car l’ensemble des organisations syndicales le disent : l’agriculture n’a plus besoin de verrous. Nous devons donc déverrouiller nos modèles agricoles pour que nos agriculteurs, demain, puissent créer des produits de meilleure qualité, soigner le capital santé des individus et notre environnement.

Ne nous trompons pas de débat. Je partage les propos de M. Thierry Benoit : ce texte vise d’abord et avant tout à rétablir l’équilibre des relations commerciales. Le terme de moralisation me convient, à cet égard, car la course aux prix les plus bas a abouti à des productions qui ne correspondaient pas aux besoins des consommateurs et ne contribuaient pas à une alimentation saine, sûre et durable. Je souhaite donc que, sur la question du revenu agricole comme sur celle de la répartition et de la qualité alimentaire, nous ne lâchions rien et que nous soyons exigeants afin que ce texte ait une réelle portée et que, comme le disent les agriculteurs, chez moi, en Normandie, le revenu revienne dans la cour de la ferme.

Certes, l’examen du texte a été retardé, mais je veux rassurer M. Jérôme Nury : le calendrier n’a pas été modifié au Sénat et nous serons prêts pour les futures négociations commerciales. Le texte sera voté en temps et en heure pour que les interprofessions et les agriculteurs puissent l’utiliser dans le cadre des discussions sur la question du revenu.

Je salue le pragmatisme du groupe MoDem. Vous l’avez dit, Monsieur Nicolas Turquois, vous avez déposé peu d’amendements, mais ils sont de qualité. Je suis plutôt favorable à l’ouverture d’un débat sur ce que vous appelez le cartel de la grande distribution. Nous devons en effet trouver les moyens qui permettront, demain, aux agriculteurs de se défendre face à la concentration de ce secteur. La question s’inscrit dans le cadre de la moralisation des relations commerciales. Nous serons vigilants.

Certains amendements portent sur les sanctions, la transparence, les indicateurs de prix. Beaucoup souhaitent, ai-je cru comprendre, que ceux-ci soient publics. Mais l’ensemble des acteurs doivent prendre leurs responsabilités ; nous ne sommes pas dans une économie administrée. Les indicateurs de prix doivent donc être travaillés par les interprofessions et les filières, aidées en cela par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, dont nous devons renforcer les moyens et les compétences, et par le médiateur des relations agricoles, dont il faut renforcer également le pouvoir de saisine et qui doit travailler au service des agriculteurs et favoriser des relations commerciales modernisées et plus vertueuses. Ces indicateurs de prix doivent être déterminés par celles et ceux qui font l’agriculture. L’État, ici, ne peut en aucun cas se substituer aux acteurs privés. S’il fixait les prix du pain, du lait, du kilo de carottes, comme il a pu le faire il y a bien longtemps,…

M. Daniel Fasquelle. Et ce fut un échec.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. … nous suivrions un modèle de société non seulement qui ne fonctionne pas mais que nous ne voulons pas adopter. Je comprends bien qu’un tel système permettrait, en cas de difficultés, de désigner l’État, ou les gouvernements successifs, comme les responsables. Mais nous ne servirons pas de bouc émissaire. Il faudra donc faire preuve de pragmatisme et chacun devra prendre ses responsabilités. L’État est là pour garantir le bon fonctionnement du dispositif et mettre des outils à la disposition des acteurs ; tel est l’objet du projet de loi.

Par ailleurs, nous devrons nous pencher sur la question de l’alimentation animale, dont la filière compte de nombreuses entreprises. Quant aux marques de distributeurs (MDD), il s’agit de contrats de service. Il est donc compliqué d’inclure cela dans la contractualisation, mais il faudra étudier la manière dont nous pouvons faire évoluer les choses. La discussion est ouverte.

M. Dominique Potier a évoqué, à juste titre, un combat au long cours. Nous ne remettons pas en cause, et il le sait très bien, ce qui a été fait sous le dernier quinquennat, notamment en matière d’agro-écologie. Mon prédécesseur et moi étions à la FAO (Food and agriculture organization) la semaine dernière. J’y ai défendu l’ambition de la France dans ce domaine et dans celui du développement durable, et nous y avons tenu, ensemble, un discours fort qui montre que la France est en première ligne sur ces sujets. Nous devons nous inscrire dans la continuité de ce qui a été fait par les majorités précédentes pour continuer à améliorer ce qui fait la richesse de l’agriculture française.

S’agissant du foncier, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, des mesures d’urgence doivent être prises et cette question doit faire l’objet de travaux ; une mission y est d’ailleurs consacrée. Mais je n’ai pas voulu faire une loi qui embrasse large. Le texte respecte une feuille de route qui comporte un projet de loi, composé de deux titres, et prévoit une réflexion sur la fiscalité – que nous sommes en train de mener avec M. Bruno Le Maire –, sur le foncier et – nous le ferons en temps et en heure – sur l’enseignement agricole, qui représente la moitié des effectifs du ministère de l’agriculture. Nous travaillons également avec les acteurs de la forêt, car la France est aussi une grande nation forestière.

En ce qui concerne le versement des aides, puisque la question a été abordée par M. Sébastien Jumel, je précise que 97 % des aides MAEC de 2015 ont été versées ; les 3 % restants correspondent à des dossiers qui présentent des difficultés techniques, liées à des documents manquants ou à des contrôles encore en cours. Pour l’année 2016, les versements commenceront à partir du mois prochain. Nous avons un peu de retard, mais nous souhaitons qu’ils soient achevés à la fin de l’année, dans le respect du calendrier que nous nous sommes fixé le 21 juin dernier.

S’agissant de la PAC, nous défendons une ambition forte. Nous voulons une PAC plus simple, plus lisible pour les producteurs et pour l’ensemble de nos concitoyens, une PAC qui maintienne des filets de sécurité et qui nous permette de mobiliser plus facilement la réserve d’intervention destinée à faire face aux aléas climatiques ou sanitaires.

Par ailleurs, je ne reviens pas sur le CETA : le Gouvernement a présenté un plan d’action qui comprend un certain nombre de contrôles. Quant à l’accord avec le Mercosur, les négociations sont au point mort et nous ne savons pas, à cette date, quand elles reprendront. Je sais qu’elles suscitent l’inquiétude, notamment de la filière bovine, mais cela n’empêche pas les filières de travailler et de prendre toute leur place sur le marché français. Je rappelle que 70 % de la viande consommée dans la restauration collective est importée. Nous devons travailler à l’échelle européenne afin de renforcer les contrôles aux frontières et d’éviter que de la viande en provenance d’autres continents n’arrive ensuite dans notre pays sous le label « UE » et ne soit utilisée dans l’industrie de la viande transformée. Nous devons également faire un effort de pédagogie auprès des consommateurs, pour qu’ils choisissent les productions des filières françaises. Encore une fois, nous mangeons trois fois par jour ; ce sont autant d’occasions de soutenir notre agriculture. En choisissant les filières françaises, on préservera les emplois des entreprises agro-alimentaires et le revenu des agriculteurs. La ferme France s’en portera mieux et regagnera la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre.

M. Michel Delpon. Tout d’abord, je veux, bien entendu, saluer le travail accompli depuis neuf mois. Durant toute ma vie professionnelle, j’ai été pris entre le marteau et l’enclume, c’est-à-dire entre les producteurs-coopérateurs et les centrales d’achat, et, je tiens à le souligner, à ma connaissance, jamais un tel travail n’avait été effectué.

Le titre Ier du projet de loi permettra de redonner de la valeur ajoutée aux paysans et de leur rendre leur fierté, de renforcer la confiance des consommateurs et de recréer du lien dans les filières – ce que j’appelle le « mix EGAlim » – pour débloquer un peu le millefeuille agricole : syndicats, chambres d’agriculture… Il fixera, je l’espère, un cap à l’agriculture française et restaurera la fonction des interprofessions, notamment par le jeu des indicateurs. Je souhaite que l’ensemble de ces dispositions permettent de relancer notre agriculture et de moraliser les relations commerciales, notamment en recréant de la valeur ajoutée pour les producteurs.

Mais je me suis surtout passionné pour le titre II, car j’ai fait partie de la mission d’information sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques – la réduction des pesticides, pour être clair. À ce sujet, il me paraît nécessaire que le projet de loi prévoie un accompagnement supplémentaire, mais nous en discuterons lors de l’examen des amendements. Nous avons une carte à jouer avec la transition écologique, énergétique et numérique. Les nouvelles générations arrivent, tout est en train de changer. Il faudra les accompagner.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le ministre, vous l’avez dit dans votre conclusion, nous devons jouer sur de nombreux paramètres pour que, demain, la ferme France retrouve la place qu’elle a perdue.

Pour améliorer le revenu de nos agriculteurs, il faut également faire feu de tout bois. À ce propos, je souhaiterais vous poser une question, qui n’est pas directement liée au projet de loi mais qui est essentielle puisqu’elle concerne l’évolution du budget de la politique agricole commune. En effet, tous les efforts que nous pourrons faire dans le cadre de ce projet de loi seront ruinés si, demain, le budget de la PAC diminue de 5 %, 10 %, 15 % ou 20 %, car le revenu de nos agriculteurs sera réduit d’autant. J’aimerais que vous m’apportiez une réponse précise sur ce point.

Au sujet de l’inversion de la construction des prix, ne nous emballons pas : il y a un certain temps déjà que le législateur a imposé que le socle de la négociation commerciale soit les conditions générales de vente. Il s’agissait bien, en empêchant les grandes surfaces d’imposer leurs conditions générales d’achat, de favoriser la construction du prix par le producteur ou le fournisseur. Quant au seuil de revente à perte, la loi Galland l’avait rehaussé déjà, puis on a fait machine arrière. Enfin, la contractualisation était au cœur du projet de loi de M. Bruno Le Maire, lorsqu’il était ministre de M. Nicolas Sarkozy – avant, donc, qu’il passe du côté obscur de la Force (Sourires).

Ce qui est nouveau, en revanche, c’est l’évolution du droit de la concurrence, mais vous n’y êtes pour rien. Par chance, l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire du cartel des endives et le règlement « Omnibus » permettent d’espérer que les agriculteurs pourront se regrouper afin de peser dans les négociations avec les grandes surfaces. J’en viens donc à ma question, qui est simple : cette évolution permettra-t-elle réellement aux agriculteurs de s’organiser, dans tous les cas de figure, pour peser dans ces négociations ?

M. Max Mathiasin. Monsieur le ministre, l’agriculture, avez-vous dit, fait vivre les territoires. Hélas ! je me vois dans l’obligation d’évoquer dans mon intervention – à laquelle j’associe mon collègue Serge Letchimy – des territoires de la République qui se meurent. Je veux parler, bien entendu, des outre-mer, en particulier de la Martinique et de la Guadeloupe, victimes de ce fléau qu’est le chlordécone. Un tiers de leur terroir agricole est en effet contaminé par ce produit qui, bien qu’il ait été interdit en métropole dans les années 1980, après l’avoir été aux États-Unis, a été utilisé chez nous durant cette décennie, notamment dans les bananeraies. Il nous faut donc prendre des mesures en matière de traçabilité, afin de protéger les consommateurs.

En ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques, je voudrais que nous puissions adapter au climat tropical la définition de leurs conditions d’utilisation au moment de leur autorisation de mise sur le marché et que l’on nous permette d’utiliser des produits déjà homologués dans d’autres pays soumis aux mêmes conditions climatiques que nous.

Faut-il que j’évoque la situation des éleveurs ? Les produits de dégagement arrivent chez nous à des prix défiant toute concurrence – 10 euros les 10 kg de poulet, par exemple –, si bien que nos éleveurs des filières bovine, caprine, aviaire ou porcine ne peuvent pas suivre. Je souhaite, Monsieur le ministre, que l’examen du projet de loi soit l’occasion de mener une véritable réflexion sur ces questions.

Mme Delphine Batho. L’intérêt du débat en commission n’est pas tant de faires toute la discussion générale sur le projet de loi que d’interroger le Gouvernement sur ses intentions. Je voudrais donc savoir si le Gouvernement serait disposé à reprendre dans, ce texte, la proposition de loi, adoptée à l’unanimité au Sénat, portant création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des produits phytopharmaceutiques. Cela concerne d’ailleurs notamment les victimes du chlordécone. Nous portons cette proposition de loi mais beaucoup de groupes y sont favorables. Députée des Deux-Sèvres où 1 000 éleveurs perdent le bénéfice de l’indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), je sais l’urgence des problèmes de revenu mais les États généraux de l’alimentation avaient aussi l’ambition de renouer le lien entre la politique agricole et la politique de l’alimentation, à un moment où les attentes des citoyens en matière de qualité de l’alimentation évoluent.

M. Dino Cinieri. Les agriculteurs doivent faire face à diverses menaces : la concurrence de nouvelles puissances agricoles, la volatilité des prix et des cours, l’effondrement des revenus qui frappe toutes les exploitations, toutes les filières et toutes les familles d’agriculteurs depuis de trop nombreuses années, sans parler des conséquences de l’embargo russe qui s’éternise sans réelle justification et dont le coût est estimé à plus de 8 milliards d’euros. Nos agriculteurs, toutes filières confondues, attendent qu’on les aide à renforcer leur compétitivité et qu’on leur permette de lutter à armes égales face à leurs concurrents européens. L’annonce – bien timide –, au cours de l’été 2017, d’un plan de relance du stockage de l’eau l’hiver pour mieux l’utiliser l’été n’a pas convaincu. De même, la circulaire du Premier ministre annonçant, à la fin du mois de juillet 2017, la suppression ou la simplification de deux normes pour toute nouvelle norme créée laisse les agriculteurs dubitatifs. D’autres annonces contradictoires relèvent du cafouillage gouvernemental – on se souvient de la polémique sur le glyphosate.

Il y a quelques mois, la majorité a rejeté l’excellente proposition de loi de notre collègue Arnaud Viala, texte qui était pourtant l’aboutissement d’un important travail apportant des réponses aux préoccupations des agriculteurs sur les plans commercial, économique, fiscal et administratif. Nous espérons que les débats que nous aurons la semaine prochaine permettront à certains d’ouvrir les yeux. Je sais pouvoir compter sur vous, Monsieur le ministre.

Un mot, enfin, sur la situation des anciens exploitants agricoles. Je regrette que le champ du texte que nous examinons ne soit pas plus large car les exploitants méritent notre soutien. Après la guerre, les agriculteurs ont dû assurer l’autosuffisance alimentaire de notre pays en proposant des produits de qualité tracés à des prix de plus en plus compétitifs pour préserver le pouvoir d’achat de leurs concitoyens. Pour cela, il leur a fallu moderniser et développer leurs exploitations pour être toujours plus compétitifs au bénéfice du consommateur, ce avec de faibles moyens d’accompagnement – sans parler des efforts de mise aux normes environnementales qui ont été accomplis. Dans ces conditions, il était difficile, voire impossible, aux exploitants de dégager un revenu suffisant pour s’assurer une retraite décente d’autant plus que leurs conjoints ont participé aux travaux de la ferme sans revenus ni statut, pour la plupart d’entre eux. Alors que la proposition de loi visant à porter les retraites agricoles à 80 % du SMIC et votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale  devait être adoptée le mercredi 7 mars 2018 au Sénat, le Gouvernement a utilisé le vote bloqué pour reporter cette décision à 2020 sous prétexte d’attendre la grande réforme des retraites promise lors de la campagne électorale.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je voudrais d’abord saluer l’implication de M. Michel Delpon dans tout le travail qui a été mené sur le titre II. Je sais à quel point il souhaite aussi travailler sur la réduction de l’usage des produits phytosanitaires dans le secteur viticole. Il va falloir avancer dans ce que l’on appelle « l’agriculture de précision » et aider les producteurs de vin à faire du désherbage mécanique sur les pentes et  coteaux au lieu d’utiliser ces produits phytosanitaires. Nous menons aussi une concertation sur les produits phytosanitaires avec les ministères de l’enseignement supérieur et de la recherche, de la transition écologique et solidaire, des solidarités et de la santé. Nous attendons les conclusions de cette concertation pour présenter dans les semaines à venir un plan Phyto. Nous proposerons de nouvelles mesures pour tenir les objectifs de la France et faire en sorte qu’elle puisse jouer un rôle en ce domaine sur le plan européen.

Je veux rassurer M. Daniel Fasquelle concernant le budget de la PAC. Il va certes falloir financer certaines politiques nouvelles, comme la défense et la politique migratoire, et, du fait du Brexit, se passer de la part du budget européen qui était financée jusqu’ici par le Royaume-Uni. Cependant, la France soutient, à chaque réunion du conseil, l’idée d’une PAC dotée d’un budget très ambitieux. Je me déplace pour rencontrer l’ensemble de mes partenaires européens et m’en faire des alliés –  travail qui commence à payer. Nous travaillons aussi de concert avec le commissaire européen à l’agriculture M. Phil Hogan. Lors des dernières propositions législatives, alors que la PAC n’était pas parmi les premières priorités de la Commission européenne, nous avons réussi à l’y faire remonter. Nous le devons notamment au travail qu’a mené le Président de la République en lien direct avec M. Jean-Claude Juncker. Je compte sur l’ensemble des parlementaires pour nous aider à affirmer notre position car la PAC est une politique historique dont nous avons besoin pour soutenir notre agriculture.

La contractualisation a certes pu se solder par des échecs – on l’a vu dans le secteur des fruits et légumes – et n’est effectivement pas quelque chose de nouveau en soi. Ce qui est nouveau, c’est l’instauration de dispositifs visant à inciter nos producteurs – aujourd’hui seuls face à des transformateurs contre lesquels ils ne peuvent rien – à se regrouper. Il faut inverser la logique. Nous examinerons l’ensemble des solutions possibles permettant la création d’organisations de producteurs. Nous avons partout sur nos territoires des exemples concrets d’organisations de ce type qui réussissent à dégager du revenu et à s’engager sur des volumes annuels de production. Il faut que qu’elles essaiment.

C’est sur le plan européen, lorsque nous négocierons la PAC, qu’il faudra aborder les questions de droit de la concurrence et de droit commercial pour pouvoir accompagner notre agriculture avec cohérence et pour que tous les agriculteurs européens soient dotés des mêmes outils et des mêmes chances face à la mondialisation.

Monsieur Max Mathiasin, il y a forcément un volet outre-mer dans les EGA. Lorsque je me suis rendu en Guadeloupe, j’ai évoqué la nécessité, pour créer un marché d’intérêt régional, de structurer l’offre, de la densifier et de la massifier pour éviter les effets d’éviction engendrés par certains produits importés sur votre territoire à des prix très bas, empêchant vos producteurs de vivre de leur travail et de fournir les marchés de proximité.

Nous avons entamé un cycle de réunions avec Mmes Annick Girardin et Agnès Buzyn sur la question du chlordécone. Des contrôles sont aujourd’hui effectués. Je retiens la proposition, que vous m’avez faite dernièrement, de faire des expérimentations sur certains territoires en vue de valoriser des productions agricoles. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) procède à une étude sur l’exposition de la population au chlordécone. Il faut renforcer le contrôle des circuits de commercialisation non officiels pour protéger l’ensemble des consommateurs des Caraïbes. La réunion prévue la semaine prochaine devrait nous permettre de continuer à avancer sur ce sujet.

Je vous rassure : il y aura un volet outre-mer dans cette loi, comme dans toutes les. Le Président de la République a été très clair : chaque projet de loi doit comporter un volet outre-mer car l’outre-mer, c’est la République.

Il faudra effectivement débattre de la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, Madame Delphine Batho. Une proposition de loi est actuellement en cours d’examen à l’échelon interministériel sur le fonds Phyto. La position du Gouvernement sur le sujet sera rendue publique à la fin de la semaine. Ma collègue de la santé a évoqué le fait que le lien de cause à effet était compliqué à établir en matière de dommages causés par les produits phytopharmaceutiques mais cela n’empêcher pas la discussion. La feuille de route sur les produits phytopharmaceutiques sera soumise à concertation prochainement et sera finalisée dans le cadre d’une réunion qui aura lieu à la fin du mois d’avril. On ne peut rester sans rien faire sur ces questions importantes mais il faut que les décisions que nous prendrons dans les semaines à venir soient efficaces.

Monsieur Dino Cinieri, vous savez bien que la proposition de loi de M. Arnaud Viala a été rejetée du fait de la présentation ce projet de loi consécutif aux États généraux de l’alimentation. Depuis, nous avons retravaillé avec M. Arnaud Viala et nos discussions ont été fructueuses. En séance publique déjà, je lui avais dit que s’il proposait des mesures intéressantes, nous saurions les reprendre dans le cadre de ce texte – comme nous le ferons pour l’ensemble des propositions intéressantes, même celles de la Nouvelle Gauche, Monsieur Dominique Potier. Je ne fais pas d’exclusivité : je suis dans un état d’esprit constructif. L’agriculture n’est ni de droite, ni de gauche : elle est en marche ! (Sourires.)

Enfin, j’ai eu l’occasion de dire au début de mon propos que le champ du texte est celui du revenu de l’agriculture et de la qualité alimentaire. Cependant, nous souhaitons aussi prendre des mesures, dans le cadre de la feuille de route présentée par le Premier ministre le 21 décembre, dans les champs de la fiscalité, du foncier, de la formation et de l’éducation et de la politique forestière. Nous avons également défini un plan d’action sur la bioéconomie, un plan bio et un plan sur le bien-être animal. Ce projet de loi n’embrasse pas un aussi large éventail de sujets que la loi d’avenir pour l’agriculture qui englobait tous les pans du secteur : nous avons choisi de travailler selon un rythme différent et de revenir plus souvent devant vous pour vous présenter des textes de loi. L’ambition que nous portons se traduira aussi sous forme de dispositions réglementaires – car tout ne relève pas du domaine législatif. Nous travaillerons également sur le statut du conjoint des agriculteurs et sur les retraites. La proposition de loi de M. André Chassaigne a fait l’objet d’un vote bloqué au Sénat car nous avons décidé de rouvrir le dossier des retraites des indépendants, catégorie dont les agriculteurs font partie.
M. Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire chargé de ces questions, travaille avec les représentants des organisations syndicales agricoles pour faire en sorte que le niveau des retraites agricoles soit plus digne qu’il ne l’est aujourd’hui.

M. Grégory Besson-Moreau. Je me réjouis de ce projet de loi qui ouvre la voie à tant de bonnes propositions visant à favoriser le regroupement de nos agriculteurs, à renforcer les interprofessions, à renforcer également la contractualisation, à définir une nouvelle feuille de route sur les produits phytopharmaceutiques et à permettre le relèvement du seuil de revente à perte (SRP). Le coût de revient du Nutella a baissé de 40 % quand le coût de revient d’un kilo de citrons bio a augmenté de 250 % : la hausse du SRP est donc une bonne chose. Celle-ci va de pair avec la charte d’engagement signée par la grande distribution. Cette dernière arbitrera, régularisera et baissera ses prix sur ses produits et contribuera ainsi à mieux rémunérer l’industrie agroalimentaire et les agriculteurs. Le soi-disant bien-pensant Michel‑Édouard Leclerc disait : « La loi, je m’assois dessus quand elle est faite contre moi ». Ce texte est bien trop pragmatique et trop puissant pour que cela soit possible et la chute, pour certains acteurs de la grande distribution, sera très dure. Monsieur le ministre, pourriez‑vous me rassurer sur le SRP ? Comment la grande distribution
pourra-t-elle garantir une bonne redistribution de cette marge ?

Mme Laure de La Raudière. À mon tour, je voudrais saluer la méthode, le travail et les objectifs des États généraux de l’alimentation et de ce projet de loi. Je reste cependant un peu comme Saint-Thomas : j’attends de voir. Je suis dubitative quant à la capacité d’un texte de loi à moraliser les relations commerciales entre agriculteurs producteurs, industriels et distributeurs – tout en espérant vivement qu’il  y parviendra.

Je voudrais vous interroger sur les mesures relatives aux produits phytosanitaires. Nous avons instauré un objectif de réduction de 50 % de ces produits en dix ans, objectif que nous avons réaffirmé dans la loi d’avenir de 2014 qui prévoit une réduction de 25 % d’ici à 2020 par rapport à 2008 et une réduction de 50 % à l’horizon 2025 car il y a une profonde mutation des systèmes de production. En 2014, nous avons aussi introduit des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques. Ce dispositif, extrêmement récent, que la profession a accepté, n’a pas encore été évalué. Pourquoi surréglementer sur le sujet à l’article 15 ?

D’autre part, l’article 14 prévoit d’interdire les remises. Ne faudrait-il pas être plus subtil et autoriser les remises sur les produits qui sont meilleurs que leurs prédécesseurs ? Pour améliorer les pratiques agricoles et les rendre plus conformes à nos objectifs, il faut laisser un peu de souplesse dans la fixation de ces remises.

M. Richard Ramos. Je voudrais insister, alors que nous entrons dans la discussion du projet de loi, sur le rôle des parlementaires. Dans cette commission, nous avons beaucoup travaillé, beaucoup auditionné. Au sortir des États généraux de l’alimentation, nous devrons continuer à être présents, c’est pourquoi je défends l’idée qu’un ou deux parlementaires de chaque groupe puissent siéger au sein du Conseil national de l’alimentation (CNA).

D’autre part, on ne peut pas laisser M. Michel-Édouard Leclerc dire qu’il est le défenseur du pouvoir d’achat. Le consommateur est victime des évolutions de l’alimentation. Les prix bas ont engendré en effet une inégalité de traitement dans le domaine alimentaire. Quand on parle d’alimentation saine, sûre et durable, il faut qu’elle le soit pour tous, y compris pour les familles les plus humbles. Quand M. Michel-Édouard Leclerc pratique la politique prix bas, il gagne 2,5 milliards d’euros de parts de marché supplémentaires : il ne défend pas le pouvoir d’achat. Défendre le pouvoir d’achat, c’est offrir à tous la même qualité. La grande distribution ne fera évoluer ses pratiques que si tous les acteurs qui en font partie agissent en même temps. On doit empêcher le « mouton noir » qu’est M. Michel-Édouard Leclerc de tirer les autres distributeurs vers le bas sans quoi nous n’arriverons pas à sortir de cette logique infernale !

M. Rémi Delatte. Monsieur le ministre, vous nous avez tellement demandés d’attendre ! Vous nous avez tellement expliqué, notamment lors de la discussion de la proposition de loi de M. Arnaud Viala qu’il fallait éviter d’entraver la marche des États généraux de l’alimentation. Que nous allions voir ce que nous allions voir …Nous y sommes mais hélas, aujourd’hui, nous ne voyons pas grand-chose. Or ce texte, comme le disait le président de la commission en ouvrant notre réunion, est censé être, face à la situation sociale alarmante des agriculteurs, la pierre angulaire de votre action. À cet égard, nous sommes déçus et les campagnes le sont aussi. Il n’y a rien en effet sur la compétitivité des exploitations agricoles ; rien pour faciliter la transmission, la reprise d’installation ; rien sur la transformation et la diversification ; rien sur tant d’autres sujets à examiner et que nous abordions, nous, dans le texte de M. Arnaud Viala.

Les articles du projet de loi sur les produits phytopharmaceutiques ont été écrits avant la publication du rapport de la mission d’information. J’espère que nous ferons, là aussi, preuve de souplesse et que nous pourrons faire évoluer le texte, cette mission ayant été très inspirée et très lucide dans ses conclusions.

La situation de nos paysans est partout en France très difficile. Elle n’est pas moins grave, moins urgente ni moins dangereuse qu’en juillet dernier. Nous avons tous à cœur d’être constructifs. Il nous faut travailler au succès d’un texte qui, je l’espère, sera enrichi, consensuel et, surtout, utile à nos agriculteurs.

M. Jacques Cattin. Les nouvelles dispositions concernant l’entente sur les prix prévoient-elles que les concertations entre producteurs pour fixer des prix d’objectifs ne seront pas sanctionnées par la DGCCRF ?

Il est prévu de favoriser le regroupement des producteurs, parallèlement aux coopératives, pour leur permettre d’être plus compétitifs et réactifs, notamment sur les marchés à l’export. Les structures individuelles, bien structurées, très souvent familiales, conserveront-elles leur place dans le cadre d’une concurrence saine et loyale ? Elles sont souvent un élément d’attractivité du territoire, notamment dans la viticulture. Concentrer la commercialisation sur quelques très grosses structures n’est pas la solution.

On parle de démarche environnementale innovante, d’un meilleur environnement de travail permettant de préserver la santé du personnel intervenant dans la protection des cultures. Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur, que penseriez-vous d’une expérimentation encadrée qui consisterait à traiter par drone les vignobles en forte pente – plus de 30 % de déclivité –, dans des régions comme l’Alsace et la vallée du Rhône, et sur des surfaces très restreintes – 100 hectares en Alsace ? Ce traitement serait assuré par des opérateurs uniques en région. Pour rassurer M. le ministre d’État Nicolas Hulot, cette expérimentation serait limitée aux productions en bio ou faisant l’objet d’une démarche environnementale. Monsieur le ministre, plusieurs accidents de travail et deux décès ces dernières années dans ma circonscription ont été causés par la chute de tracteurs lors d’un traitement classique. Il faut réagir ! L’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture – IRSTEA – a développé un appareil techniquement très fiable. Sans doute les experts que j’ai rencontrés avec le préfet du Haut‑Rhin pourront-ils vous rassurer ? Et pour la boutade, l’aviation civile peut être tranquille, puisque Fessenheim va fermer !

M. Fabien Di Filippo. Il faut le souligner, beaucoup de pays nous envient la qualité de nos produits. L’espoir, chez les agriculteurs, était grand lorsque les États généraux de l’alimentation ont débuté et que ce texte a pris forme. La simplification des normes et la réduction des contraintes promettaient d’améliorer leur compétitivité et leurs revenus, qui dépendent aussi des charges supportées.

Or certaines des orientations de ce projet de loi nous inquiètent beaucoup : pourcentage minimal d’approvisionnement en produits bio pour la restauration collective quand il vaudrait mieux privilégier les produits régionaux et locaux ; limitation de la durée de transport des animaux ; interdiction de l’élevage en batterie des poules pondeuses et des lapins d’ici à 2022 ; interdiction du glyphosate d’ici à trois ans, un cas de sur-transposition puisque la Commission a prévu un délai de cinq ans ; modification du collège des chambres d’agriculture.

Quel est l’intérêt de rééquilibrer les relations commerciales si, derrière, on assomme les agriculteurs et on ampute leur compétitivité avec de nouvelles charges, de nouveaux coûts, de nouvelles contraintes, de nouvelles normes ?

Pour connaître très bien le sujet, je pense qu’il est impossible de garantir que le relèvement du seuil de revente à perte, parallèlement à l’évolution des prix, ira remplir les poches des agriculteurs. Cette mesure est mauvaise car elle réduira le pouvoir d’achat des agriculteurs – qui vont aussi faire leurs courses au supermarché – et parce que ce sont les intermédiaires, en bout de chaîne, qui récupéreront les marges ainsi dégagées.

M. Serge Letchimy. Monsieur le ministre, vous avez parlé d’un problème de structuration de l’offre en outre-mer et d’une importation massive de produits agricoles. Je suis d’accord pour travailler avec vous sur le bio ou sur la performance économique. Mais savez-vous que les traités commerciaux signés avec des pays comme le Canada – qui, à 6 000 kilomètres de chez nous, viennent concurrencer directement les productions locales – contiennent des clauses de sauvegarde ? Seriez-vous prêt à les appliquer pour protéger les productions locales, comme cela a été fait pour la banane et le rhum ?

Savez-vous que la clause de sauvegarde, au titre de l’article 95 du traité CE (devenu l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), n’a jamais été utilisée pour protéger le marché intérieur ? Je vous pose très directement la question : ne faut-il pas combiner la structuration de la production locale – laquelle ne fournit que 20 % de la consommation locale – et l’activation de la clause de sauvegarde sur dix ans ? Cela me semble indispensable et fondamental. Cette protection pourrait porter sur les productions pour lesquelles les aides européennes ne sont pas automatiquement allouées – un scandale –, comme l’igname, les productions maraîchères et fruitières. L’application de ces clauses de sauvegarde permettrait une éclosion de la production locale.

M. Charles de Courson. Le problème central de l’agriculture française est un problème de revenu. Or il n’y a que deux façons de redresser le revenu : baisser les charges et augmenter les prix.

Cette vieille idée de la contractualisation nous a été servie à plusieurs reprises ; elle était au cœur de la loi de modernisation agricole défendue par M. Bruno Le Maire en 2010, que j’ai refusé de voter. Je suis en effet convaincu que si une politique de décartellisation de la grande distribution n’est pas menée en parallèle, le rééquilibrage ne peut pas fonctionner. Si vous vous attaquez au système, en estimant que l’on ne peut laisser quatre centrales d’achat gérer 80 % de la distribution de produits alimentaires, il peut y avoir une chance que l’expérience prévue au titre Ier réussisse. Sinon, vous échouerez.

Le titre II – je passerai sur les inénarrables amendements de la commission du développement durable – n’engendre que des coûts nouveaux ! Ainsi, l’étude d’impact prévoit que le passage à 50 % de la part réservée aux produits bio ou locaux dans la restauration collective augmentera le coût du repas de 30 à 40 centimes. Un rapide calcul montre que la mesure coûtera entre 900 millions et 1,2 milliard d’euros ! Qui va payer ? Par ailleurs, les mesures concernant les produits phytosanitaires sont inapplicables, voire surréalistes – comme celle qui consiste à séparer l’acte de vente de l’acte de conseil – et seront immédiatement contournées par un approvisionnement à l’étranger.

M. Benoit Potterie. De nombreux agriculteurs craignent que le texte n’oblige pas les producteurs et les acheteurs à trouver un accord dans le cadre du recours aux clauses de renégociation. L’avis du médiateur des relations commerciales agricoles, auquel il sera possible de recourir en cas de désaccord, n’a en effet aucune force exécutoire. Pensez-vous que la création d’une chambre arbitrale des relations commerciales agricoles, à même de trancher les litiges, serait une solution pour garantir un prix décent aux producteurs ? Cela est‑il envisageable ? À défaut, quel dispositif peut être mis en place ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. S’agissant du relèvement à 10 % du seuil de revente à perte, je rappelle que nous ne parlons pas de prix, mais de marges. Vous savez comment cela se passe : sur les produits d’appel, les marges sont écrasées ; parallèlement, des taux de marge beaucoup plus importants sont appliqués sur des produits agricoles achetés à très bas prix. Il revient donc aux distributeurs de rééquilibrer leurs marges. Ceux qui refuseront de le faire seront désignés comme n’ayant d’yeux que pour leurs profits, concourant ainsi à la destruction de la valeur au détriment des consommateurs. Nous en appelons à leur responsabilité. M. Jean-Baptiste Moreau a évoqué le name and shame, un dispositif sur lequel nous pourrons nous appuyer pour mettre en avant les centrales de distribution vertueuses, qui travaillent au service de l’agriculture, des consommateurs et du pouvoir d’achat de l’ensemble des Français.

Monsieur Charles de Courson, je suis prêt à explorer les pistes pour lutter contre la concentration des plateformes et à faire des propositions. Mais c’est une démarche que nous ne pouvons entreprendre qu’au niveau européen. La France a besoin d’alliés, car certaines centrales de distribution sont logées dans des pays voisins.

Vous avez parlé du surcoût qu’entraînerait une part de 50 % de produits bio dans la restauration collective, mais il faut savoir que la lutte contre le gaspillage alimentaire pourrait engendrer une économie de 27 centimes par repas. Le choix d’une alimentation sûre, saine et durable est un choix politique clair.

Mme Laure de La Raudière m’a interrogé sur la réduction des produits phytosanitaires. J’ai expliqué comment les quatre ministères se sont engagés sur cette question, parallèlement aux réflexions menées au Parlement. Avec les certificats d’économie des produits phytopharmaceutiques – CEPP –, nous avons les moyens de diffuser des bonnes pratiques pour la transition écologique. Le Gouvernement souhaite pérenniser le dispositif et l’ouvrir aux territoires d’outre‑mer, ce qui nous semble indispensable.

M. Richard Ramos a demandé que des parlementaires puissent siéger au CNA. C’est une question d’ordre réglementaire, mais dont nous pouvons discuter avec le président du conseil, Guillaume Garot. Nous confierons prochainement au CNA un travail de réflexion sur l’étiquetage. Il faudrait travailler sur la représentation du CNA sur le territoire national et voir comment le conseil peut évoluer en un véritable « parlement » de l’alimentation.

Monsieur Jacques Cattin, les ententes sont interdites entre deux producteurs, deux transformateurs ou deux distributeurs. La contractualisation, elle, se fait entre un producteur, un transformateur et un distributeur : les trois ont intérêt à se parler pour nouer des relations commerciales. Avec ce projet de loi, nous souhaitons provoquer un effet cascade. Les informations tirées de la première base de négociation doivent servir à la deuxième base, afin que les prix ne dérapent pas et que leur niveau soit suffisant pour permettre à chacun d’en tirer un revenu satisfaisant.

Monsieur Rémi Delatte, je regrette que vous ne trouviez rien qui vous satisfasse dans ce projet de loi. Je vous invite à relire le texte ; vous verrez que certains dispositifs correspondent aux attentes des agriculteurs. Pour construire ce texte, nous nous sommes inspirés des éléments qui ont fait consensus lors des États généraux de l’alimentation, des conclusions des ateliers auxquels ont participé des agriculteurs, des parlementaires, des représentants de la société économique ou encore des ONG. C’est un projet de loi qui donne plutôt satisfaction. Certes, il peut y avoir des regrets çà et là, la volonté de muscler le texte sur telle ou telle partie. Pour autant, l’architecture globale convient aux agriculteurs. Il nous reste à leur faire la démonstration que le dispositif que nous envisageons fonctionne. Cela, nous ne pourrons le faire qu’une fois le texte voté
– je compte sur vous sur ce point.

La discussion est ouverte. Vous avez évoqué la proposition de loi de M. Arnaud Viala, sur laquelle je me suis exprimé ; vous regrettez que le champ de la loi ne soit pas suffisamment étendu, j’ai expliqué tout à l’heure quelle était la temporalité que nous avions choisie. Vous aurez l’occasion, lors de cette législature, de parler des autres sujets qui vous intéressent. La vie du ministère de l’agriculture ne s’arrêtera pas avec la promulgation de la loi. Il nous reste encore à œuvrer en faveur des agriculteurs.

M. Fabien Di Filippo m’a interrogé sur les chambres d’agriculture. Les élections se tiendront en janvier 2019 ; il me semble logique de ne pas changer les règles sept mois avant. Cela ne nous empêche pas de mener une réflexion, notamment avec les organisations agricoles.

Monsieur Serge Letchimy, je connais l’existence de ces clauses de sauvegarde. Vous avez rappelé l’action que nous avons menée sur la banane et le rhum. Nous avons monté, avec l’Espagne et le Portugal, un comité mixte « banane », le secteur étant stratégique pour les régions ultra-périphériques – RUP. Nous avons fait également la promotion de la banane équitable et durable française. Ce sont les petits producteurs qui peuvent participer à la structuration d’une offre alimentaire complémentaire sur les territoires d’outre-mer.

Je ne souhaite escamoter aucun débat. Il faut aborder chaque question avec la force qui est la nôtre, notre envie de contribuer à faire progresser l’agriculture et les modèles agricoles français. Je souhaite que nous évitions les postures et le dogmatisme car, nous en sommes tous conscients, l’agriculture appelle des solutions pragmatiques. Je vous remercie de votre attention et reste à votre disposition pour vous apporter les meilleures réponses possibles.

M. le président Roland Lescure. Cela tombe bien, car nous allons nous voir beaucoup dans les jours qui viennent, Monsieur le ministre !

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je veux remercier le ministre et mes collaborateurs pour la qualité du travail effectué. Les nombreuses interventions, cet après‑midi, ont montré qu’il s’agit d’un sujet qui passionne, quel que soit le groupe. Comme l’a dit M. Sébastien Jumel, je suis sûr qu’il est possible d’œuvrer ensemble sur ce texte, sans trop de clivages. La détresse des agriculteurs exige que nous nous efforcions de travailler de façon concertée et intelligente.

En réponse à M. François Ruffin, je veux dire que les quotas, l’intervention, les mécanismes de régulation des marchés, tout cela a existé. Et si l’agriculture française en est là, c’est aussi à cause de ces mécanismes qui n’ont rien résolu, voire ont aggravé les difficultés économiques.

Pour rassurer M. Fabien Di Filippo, un titre consacré à la simplification sera rajouté. Nous accueillerons volontiers les propositions qui pourront être faites, dans le respect, évidemment, des lois existantes. Il convient d’éviter les propos caricaturaux et les postures ; cela ne résoudra pas les problèmes du secteur agricole et agroalimentaire. Enfin, je souhaite répondre à MM. Charles de Courson et Thierry Benoit que nous ne pouvons être que favorables à la décartellisation.


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II.   EXAMEN des articles

M. le président Roland Lescure. Après un intense travail de préparation au sein des États généraux de l’alimentation, après avoir procédé à trois auditions du ministre de l’agriculture et de l’alimentation, après plusieurs cycles d’auditions et de tables rondes organisées par notre commission et après des déplacements à Rungis et au salon de l’agriculture, nous débutons aujourd’hui l’examen des articles du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.

Le grand intérêt que vous portez à la question trouve une traduction concrète dans le nombre d’amendements que vous avez déposés : 2 094 au total !

Après examen par les services de l’administration, que je tiens à féliciter chaleureusement pour le travail de forcenés qu’ils ont accompli de manière exemplaire depuis quelques jours, 262 de ces amendements ont été déclarés irrecevables pour divers motifs : irrecevabilité financière, non-respect du domaine de la loi, injonction au Gouvernement ou encore extension du champ des habilitations à légiférer par ordonnance. Le premier signataire de chacun de ces amendements irrecevable en a été informé par courriel.

Il nous reste, malgré tout, 1 832 amendements à examiner. Pour notre commission des affaires économiques, c’est un chiffre record, surtout si l’on rapporte le nombre d’amendements au nombre d’articles du projet de loi : dix-sept seulement.

À titre indicatif, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, en 2013, avait donné lieu à 1 640 amendements en commission, mais pour 39 articles ; la loi ALUR, avec ses 84 articles, n’avait suscité que 1 060 amendements ; la loi Macron, avec 1 860 amendements, comportait à peu près le même nombre d’amendements, mais pour un texte qui comptait 106 articles, soit presque sept fois plus que le texte que nous avons à examiner !

Loin de moi l’idée de remettre en cause le droit d’amendement mais, en tant que président de la commission, il m’appartient de veiller à l’efficacité du travail parlementaire et, en application de l’article 41 de notre Règlement, d’organiser les travaux de la commission.

Si chaque auteur d’amendement consacre une minute seulement à sa présentation, cela nous occupera déjà durant trente heures environ, sur les trente-huit heures dont nous disposons d’ici à vendredi. Vous conviendrez donc qu’il va falloir faire preuve de discipline.

Par ailleurs, le projet qui nous est soumis comporte principalement deux titres, l’un sur les relations commerciales, l’autre sur la qualité de l’alimentation. Il s’agit d’un travail équilibré, et je souhaiterais que cet équilibre se retrouve dans nos débats, que nous ne passions donc pas un temps exagéré sur les premiers articles, pour finir dans la précipitation ceux du titre II. L’article 1er concentre, à lui seul, 320 amendements. Je ne voudrais pas qu’il retienne notre attention au-delà du raisonnable.

J’ai donc pris plusieurs décisions que je souhaite porter dès à présent à votre connaissance pour que nul n’ignore les règles fixées :

En premier lieu, les séances de jeudi 19 avril, qui figuraient comme éventuelles dans la convocation, ont été ouvertes, de même que celles du vendredi 20. Je n’exclus pas de siéger samedi et dimanche, si cela s’avère nécessaire. M. le ministre m’a fait connaître sa disponibilité pour ces dates et je l’en remercie.

En deuxième lieu, je débuterai nos réunions à l’heure précise et tant pis pour les amendements qui ne pourraient être défendus.

En troisième lieu, je serai très strict sur les durées d’intervention : une minute maximum pour présenter un amendement ou pour le discuter, et je couperai la parole.

Pour ce qui concerne ensuite les amendements identiques – et il y a de nombreux sujets sur lesquels les auteurs d’amendements ont manifestement eu la même source d’inspiration… – un seul orateur par groupe ayant déposé l’un de ces amendements identiques interviendra ; les autres auteurs d’amendements identiques ne pourront prendre la parole que s’ils ont des arguments supplémentaires à faire valoir par rapport aux précédents orateurs.

Enfin, dans la discussion suivant l’intervention de l’auteur, après l’avis du rapporteur – et de la rapporteure pour avis, sur le titre II – et, s’il le juge nécessaire, du Gouvernement, je n’autoriserai qu’un orateur en faveur de l’amendement et un orateur contre. Bien entendu, cette règle sera mise en œuvre en veillant à respecter l’équilibre entre les groupes et, sur les questions de fond, j’accorderai plus de souplesse pour laisser place au débat. Mais vous conviendrez avec moi que tous les amendements déposés n’ont pas la même importance.

Je note également que, lors de la discussion générale, M. Stéphane Travert a annoncé l’intention du Gouvernement de déposer plusieurs autres textes sur les questions agricoles au cours de la législature, en particulier sur le foncier agricole et sur les questions forestières. Tous les sujets n’ont donc pas vocation à être réglés par le texte qui nous est soumis maintenant.

Je compte donc sur vous pour que la commission des affaires économiques examine ce projet de loi sérieusement et efficacement. C’est ce qu’attendent les citoyens. C’est ce qu’attendent les agriculteurs.

Titre IER
Dispositions tendant À l’amÉlioration de l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire

Avant l’article 1er

La commission est saisie de lamendement CE1339 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. Avant de débattre en détail de la meilleure manière d’assurer un revenu décent aux paysans tout en respectant le droit européen, il nous semble indispensable d’avoir une discussion sur les positions de la France concernant la politique européenne sur les questions agricoles, et notamment la politique agricole commune.

En effet, une grande partie de l’avenir des paysans se joue au niveau de l’Union européenne, par exemple pour ce qui concerne le libre-échange – c’est l’Union européenne qui négocie les accords de libre-échange avec le Canada ou le Mercosur –, la régulation des marchés agricoles – c’est au niveau de l’Union européenne que se décide la fin des quotas laitiers –, ou encore la question des aides de la PAC ou celle des pesticides.

Il serait incompréhensible de parler pendant des heures de l’avenir des paysans sans discuter une minute de ce qui serait souhaitable pour la PAC après 2020. Comment en faire une politique favorable à une agriculture écologique et paysanne et non à une agriculture vouée au gigantisme et à l’agrobusiness ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’entends vos préoccupations au sujet de l’Europe et de la politique agricole commune, mais l’objet de ce texte et de faire en sorte que les exploitations puissent être rentables et que, pour cela, elles puissent s’autonomiser autant que faire se peut.

La politique agricole commune ne rentre donc pas dans le cadre de nos travaux, puisqu’elle se discute au niveau européen. Cela ne nous empêche pas d’avoir des contacts réguliers avec les députés européens. J’ai notamment, eu plusieurs échanges avec Michel Dantin sur la transposition par ce projet de loi de plusieurs des avancées du règlement « Omnibus ». Pour le reste une décision franco-française ne serait pas pertinente. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le Gouvernement a déjà eu l’occasion d’exposer devant les parlementaires la position française sur la PAC, et j’y reviendrai avec plaisir. Pour l’heure j’émets un avis défavorable.

M. Sébastien Jumel. Il y a le texte et il y a le contexte. Nous sortons d’une séance dans l’hémicycle où le Premier ministre canadien nous a expliqué combien le CETA pouvait être bénéfique pour la France. Or nous savons tous à quel point le CETA et l’accord avec le Mercosur risquent de percuter de plein fouet les équilibres déjà fragiles de notre agriculture et de son modèle social.

Cet amendement vise donc à prendre en compte ces menaces, au moment où nous élaborons un projet de loi qui suscite beaucoup d’attentes, beaucoup d’espoirs, mais qui peut aussi susciter beaucoup de désillusions si nous ne sommes pas au rendez-vous. C’est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement et tous ceux qui pourront faire en sorte que le libre‑échange n’asphyxie pas notre agriculture.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie des deux amendements identiques CE1341 de Mme Bénédicte Taurine et CE1649 de M. Sébastien Jumel. 

Mme Bénédicte Taurine. Cet amendement est le fruit d’une réflexion ancienne et d’une actualité récente qui a vu la réaction de défiance quasi unanime des paysans à un accord commercial avec le Mercosur. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’actuel ministre de la transition écologique et solidaire était signataire d’une tribune publiée dans Libération en 2016 qui demandait la reconnaissance d’une « exception agri-culturelle dans les échanges internationaux ».

L’agriculture sert trop souvent de monnaie d’échange dans les négociations des accords commerciaux, au détriment des paysans européens, et la nourriture ne peut être considérée comme une marchandise comme les autres.

Nous estimons donc qu’il est nécessaire et urgent de reconnaître une exception agri‑culturelle dans les échanges internationaux.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends et je conçois l’exception, agri-culturelle. Le problème, c’est qu’elle s’appliquerait dans les deux sens, à l’importation comme à l’exportation. Or aujourd’hui, notamment dans le cadre du CETA, nous ne pouvons que nous féliciter de la forte augmentation de nos exportations de produits laitiers et de lait vers le Canada. Il faut donc appréhender ces accords internationaux dans leur globalité et pas uniquement par le petit bout de la lorgnette. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cette notion d’exception agri-culturelle qui vise à exclure l’agriculture du champ du commerce n’est pas conforme à nos engagements internationaux. Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle examine lamendement CE1342 de M. Loïc Prudhomme.

Mme Bénédicte Taurine. L’amendement propose que le Gouvernement réalise un rapport annuel sur les conséquences des récents accords commerciaux internationaux sur le secteur agricole européen et français. Ce rapport présenterait notamment l’intérêt d’offrir un bilan des pratiques actuelles, ce qui est nécessaire si l’on veut engager une véritable transition écologique de l’agriculture et respecter le principe de souveraineté alimentaire.

M. Sébastien Jumel. L’agriculture n’est pas une marchandise comme les autres. Elle est constitutive de l’identité de notre pays et elle permet de nourrir notre population. Au même titre que la culture, consubstantielle à notre identité, l’agriculture ne doit pas être sacrifiée sur l’autel du libre-échange. C’est le sens de cette demande de rapport. Je rappelle que le Parlement va être appelé à se prononcer sur seulement 8 % des éléments du CETA, ce traité élaboré en catimini. Or le CETA pour la filière bovine, et demain l’accord avec le Mercosur pour le lait, mettront un terme à l’exception agri-culturelle française.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La filière bovine est une filière fragile, mais il existe dans les règlements européens des clauses de sauvegarde visant à préserver ces filières, qui peuvent être mises en difficulté par des accords internationaux. Pour l’heure, en ce qui concerne le CETA, moins de 1 % des quotas d’exportation de viande bovine vers l’Europe ont été utilisés par les éleveurs canadiens et, comme je le disais, nos exportations de lait et de produits laitiers ont augmenté de 8 %.

Nous auditionnerons régulièrement le ministre en commission, et nous pouvons par ailleurs l’interroger chaque semaine lors des questions au Gouvernement. Je ne juge donc pas nécessaire d’avoir un rapport supplémentaire. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Article 1er
(articles L. 631-24, L. 631-24-1, L. 631-24-2, L. 631-24-3 [nouveau], L. 631-24-4 [nouveau], L. 631245 [nouveau], L. 665-2, L. 932-5, L. 952-5 et L. 953-3 du code rural et de la pêche maritime)
Rénovation des contrats de vente de produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation

1.   L’état du droit

Les agriculteurs vendent leur production par différents moyens : l’accord verbal, le marché spot ou le contrat écrit. L’identité de l’autre partie, de l’acheteur, ne prédétermine pas la forme de l’engagement. Il peut s’agir d’industriels, de tiers intermédiaires, de coopératives, de grossistes, de distributeurs ou encore de particuliers à travers la vente directe.

Le pouvoir de négociation des agriculteurs est variable selon les filières, les segments de marché sur lesquels ils interviennent et les modes de vente choisis.

La contractualisation, prévue à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime et rendue obligatoire dans certains secteurs en application d’un accord interprofessionnel étendu ou d’un décret, permet de formaliser les engagements des producteurs et de leurs premiers acheteurs. C’est la nature des clauses obligatoires qui détermine la force du contrat dans sa capacité à garantir au producteur un pouvoir de négociation face à l’aval de la filière.

a.   Les contrats individuels

Le système des contrats agricoles avait été préconisé pour le secteur laitier par l’Autorité de la concurrence dans un avis du 2 octobre 2009 ([26]) dans la perspective de la suppression des quotas laitiers intervenue le 1er avril 2015.

La loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de lagriculture et de la pêche (LMAP) a encadré les relations commerciales entre les agriculteurs et les acheteurs de produits agricoles destinés à la revente (grossistes, distributeurs) ou à la transformation (industriels, abatteurs). Elle a créé l’article L. 631-24 précité, qui prévoit la formalisation de contrats écrits ainsi que la nécessité de clauses minimales de ces contrats. La loi  20141170 du 13 octobre 2014 davenir pour lagriculture, lalimentation et la forêt, lordonnance n° 20151248 du 7 octobre 2015 portant adaptation du code rural et de la pêche maritime au droit de lUnion européenne et la loi n° 20161691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ont complété le dispositif contractuel dans le sens d’un meilleur équilibre entre cocontractants.

La conclusion d’un contrat ou la proposition de contrat par l’acheteur au producteur peut être rendue obligatoire par l’extension d’un accord interprofessionnel ou, à défaut, par un décret en Conseil d’État. Les contrats ont ainsi été rendus obligatoires par deux décrets du 30 décembre 2010 pour les fruits et légumes frais et pour le lait de vache et par un arrêté du 15 février 2011 étendant l’accord interprofessionnel signé dans le secteur de la viande ovine pour les agneaux de moins de 12 mois.

Le dispositif relatif à la contractualisation est réputé satisfait par les coopératives agricoles dès lors qu’elles ont remis à leurs associés coopérateurs un exemplaire des statuts ou du règlement intérieur intégrant les clauses contractuelles prévues par la loi.

b.   Les clauses obligatoires

Les contrats ainsi rendus obligatoires doivent prévoir des clauses minimales : une durée, un volume de produit à livrer, ses caractéristiques, ses modalités de collecte ou de livraison, les prix ou les modalités de détermination du prix, les modalités de paiement, les règles applicables en cas de force majeure et les modalités de révision et de résiliation du contrat.

La durée minimale des contrats est fixée par le décret en Conseil d’État ou par l’accord interprofessionnel rendant la contractualisation obligatoire mais sans que cette durée ne puisse excéder cinq ans, le producteur pouvant renoncer par écrit à cette durée minimale.

La conclusion d’un contrat écrit est précédée d’une proposition écrite de l’acheteur au producteur mais la loi d’avenir permet au pouvoir exécutif et aux organisations interprofessionnelles de rendre obligatoire soit la conclusion de contrats de vente écrits – comme cela était déjà le cas –, soit la proposition de contrats écrits par les acheteurs aux producteurs.

c.   Les formules de calcul du prix

La relation contractuelle émane de l’acheteur. La démarche descendante de l’aval de la filière vers l’amont concerne également les prix qui, depuis la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique précitée, résultent de l’application de formules de calcul qui font référence à un ou plusieurs indices publics de coûts de production en agriculture et à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires. Toute structure leur conférant un caractère public peut contribuer à la définition de ces indices, qui peuvent être régionaux, nationaux ou européens, afin de tenir compte de la diversité des types de production et des marchés.

La formule de prix peut être affectée par l’application de l’article L. 441-8 du code de commerce, qui prévoit, depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, l’insertion d’une clause de renégociation des contrats supérieurs à trois mois en cas de fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires.

Autre apport de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique précitée : les contrats font également référence à un ou plusieurs indices publics du prix de vente des principaux produits fabriqués par l’acheteur. Ce que l’on nomme communément le « mix-produit », communiqué par l’acheteur, doit permettre de reconnecter le prix payé au producteur au prix de marché du produit valorisé fabriqué par l’acheteur.

Ces formules de prix mêlant plusieurs indicateurs et entre les mains des acheteurs ne permettent pas au producteur d’avoir une idée précise du montant qui lui sera versé mensuellement.

d.   Du contrat-cadre à l’accord-cadre

Pour le cas où le contrat a été rendu obligatoire et qu’une organisation de producteurs ou une association d’organisation de producteurs est habilitée à négocier pour ses membres, la loi du 13 octobre 2014 davenir pour lagriculture, lalimentation et la forêt précitée avait prévu que le contrat individuel soit subordonné à la proposition d’un contrat-cadre écrit remis par l’acheteur à l’organisation de producteurs concernée. Ce contrat-cadre devait comporter les mêmes clauses que les contrats individuels. L’organisation de producteurs devait alors recevoir de la part de l’acheteur les informations en matière de volumes de livraison, de qualité et de prix, permettant de suivre l’exécution du contrat-cadre. Ces dispositions étaient cependant restées lettre morte dans la mesure où aucun décret n’était intervenu pour imposer ces contrats‑cadres. Ce mécanisme n’avait donc été mis en œuvre que sur une base volontaire, dans le secteur du lait, avec certains industriels et certaines organisations de producteurs.

Dans les secteurs où la contractualisation a été rendue obligatoire, la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique précitée a souhaité renforcer le rôle des organisations de producteurs et des associations d’organisations de producteurs en instaurant une obligation de négociation préalable entre ces derniers et chaque acheteur. La négociation est formalisée par la conclusion dun accord-cadre. Cet accord-cadre est un préalable à la conclusion de contrats individuels entre l’acheteur et chaque producteur.

Cet accord-cadre doit comporter l’ensemble des clauses mentionnées actuellement au quatrième alinéa de l’article L. 631-24 précité et préciser, en outre, les éléments suivants :

– la quantité totale et la qualité à livrer par les producteurs membres de l’organisation ou les producteurs représentés par l’association ainsi que la répartition de cette quantité entre les producteurs ;

– les modalités de cession des contrats et de répartition des quantités à livrer entre les producteurs membres de l’organisation ou les producteurs représentés par l’association, sauf en ce qui concerne les contrats laitiers dont la cession est interdite ;

– les règles organisant les relations entre l’acheteur et l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs ;

– les modalités de la négociation annuelle sur les volumes et le prix ou les modalités de détermination du prix entre l’acheteur et l’organisation de producteurs ou l’association.

Enfin, les acheteurs ont l’obligation de transmettre aux OP et AOP concernées le détail des négociations individuelles menées avec leurs membres, notamment les indices et données utilisées dans la détermination du prix d’achat aux producteurs.

e.   Une organisation économique des producteurs insuffisante

i.   La contractualisation

La contractualisation a été rendue obligatoire dans plusieurs secteurs :

– le lait de vache par le décret n° 2010-1753 du 30 décembre 2010 pris pour l’application de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime dans le secteur laitier et codifié aux articles R. 631‑7 à R. 631‑10 du même code ;

– les fruits et légumes par le décret n° 2010-1754 du 30 décembre 2010 pris pour l’application de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime dans le secteur des fruits et légumes, modifié par le décret n° 2011-1108 du 15 septembre 2011 et codifié aux articles R. 631-11 à R.631-14 dudit code. À ce jour, quasiment aucun contrat n’a été conclu, alors que la démarche contractuelle, volontaire, est à la base du succès de la filière des fruits et légumes transformés. La loi est néanmoins respectée puisque les acheteurs ont proposé des contrats aux producteurs. Il s’agit de produits frais fragiles et fortement dépendants des aléas climatiques pour lesquels la contractualisation doit prendre une forme particulière. Le guide de la contractualisation dans le secteur des fruits se base ainsi sur des volumes mais pas sur des prix. Néanmoins, l’interprofession s’est fixée l’objectif d’atteindre 50 % de volumes contractualisés en 2023. Pour les légumes il existe une charte volontaire visant, pour les producteurs qui y adhèrent, 30 % des volumes contractualisés ;

– le lait de chèvre par un accord interprofessionnel signé le 17 mai 2016 et étendu par l’arrêté du 14 juin 2017 relatif à l’extension de l’accord interprofessionnel conclu dans le cadre de l’Association nationale interprofessionnelle caprine (ANICAP) et portant sur la contractualisation dans le secteur du lait de chèvre ;

– les ovins de moins de 12 mois par un accord interprofessionnel du 25 novembre 2015 étendu par l’arrêté du 19 février 2016 portant extension de l’accord interprofessionnel conclu le 25 novembre 2015, dans le cadre de l’Association nationale interprofessionnelle bétail et viande (INTERBEV), relatif à la contractualisation et à la majoration de l’aide aux ovins ;

– le chanvre : un accord interprofessionnel a été conclu le 5 septembre 2017 et étendu par l’arrêté du 29 décembre 2017 portant extension de l’accord interprofessionnel Interchanvre applicable aux campagnes 2017-2018, 2018-2019 et 2019-2020 ;

– la betterave-sucre, qui dispose d’un dispositif propre, en application de l’article 125 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune de marché (OCM) qui permet de répartir la valeur entre maillons de la filière malgré une forte volatilité. L’interprofession a mis en place des contrats types qui définissent ce que doit contenir un contrat entre le planteur et le fabricant de sucre. Le prix ne couvre pas nécessairement le coût de production en cas de cours mondial bas mais la répartition de la valeur entre maillons en tient compte : au sein de chaque entreprise une commission de répartition de la valeur décide d’une grille de répartition de la valeur en fonction d’indicateurs de prix du marché.

La contractualisation a prospéré dans des secteurs où elle n’a pourtant pas été rendue obligatoire. Il en est ainsi dans les secteurs :

– de la volaille de chair, ce qui permet aux producteurs d’être relativement déconnectés des coûts des matières premières mais sans que la filière puisse se prémunir d’éventuelles baisses de volume ;

– des semences : il existe depuis longtemps des contrats entre les multiplicateurs de semences et les établissements semenciers. Selon l’interprofession des semences et plants, des conventions types par espèce sont définies ;

– des pommes de terre, sur certains segments (100 % pour le marché de la fécule, 60 % pour le marché frais intérieur, par exemple) ;

Plusieurs secteurs doivent progresser dans la voie de la contractualisation. Il en est ainsi :

– du secteur viande bovine pour lequel le contrat est peu utilisé. La Fédération nationale bovine a néanmoins déclaré vouloir en faire un outil permettant de reconnecter les prix aux coûts de production ;

– du secteur porcin, où de nombreux contrats se passent encore verbalement. C’est essentiellement les cours du marché de Plérin (22) qui servent de référence au prix. Cette filière se caractérise également par la multitude d’intermédiaires entre le producteur et le distributeur : négociants en bestiaux, abatteurs, y compris parfois distincts des transformateurs.

Plusieurs filières excluent totalement de recourir aux contrats, c’est particulièrement le cas du secteur céréalier, très dépendant des cours mondiaux.

Reconnues par le règlement OCM du 17 décembre 2013 précité, les organisations de producteurs (qui peuvent elles-mêmes s’organiser en associations d’organisations de producteurs) regroupent des producteurs pour « concentrer l’offre, améliorer la commercialisation, la planification et l’adaptation de la production à la demande, optimiser les coûts de production et stabiliser les prix à la production, réaliser des recherches, promouvoir les meilleures pratiques et fournir une aide technique, assurer la gestion des sous‑produits et des instruments de gestion du risque dont disposent leurs membres, contribuant ainsi au renforcement de la position qu’occupent les producteurs dans la chaîne alimentaire » ([27]).

ii.   Les organisations de producteurs

On distingue les organisations de producteurs avec transfert de la propriété de la production à lorganisation (il s’agit, pour 85 % de ces organisations de producteurs, de coopératives de production) des organisations de producteurs sans transfert de propriété où les organisations disposent dun simple mandat de commercialisation des productions.

Les OP avec transfert de propriété sont assimilées à des entreprises, elles peuvent donc, de fait, négocier la commercialisation de la totalité des volumes produits, sans risque de sanction pour entente. Depuis l’entrée en vigueur de l’OCM de 2013, les OP sans transfert de propriété dans les secteurs du lait cru, de la viande bovine, de l’huile d’olive et de certaines grandes cultures étaient habilitées à négocier collectivement les contrats de livraison des productions au nom et pour le compte de leurs membres, par dérogation explicite au droit de la concurrence. Cette faculté de négociation a été étendue à l’ensemble des filières agricoles depuis le 1er janvier 2018 et l’entrée en vigueur du règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017 dit « Omnibus » ([28]).

Il existe 651 organisations de producteurs (OP) reconnues, essentiellement dans le secteur bovins viande (107 OP, représentant 48 % de la production), dans le secteur des fruits et légumes (226 OP et 29 AOP, représentant 50 % de la production) et dans le secteur du lait de vache (60 OP et 4 AOP représentant 25 % de la production). Mais ces OP demeurent de taille modeste, aucune n’atteint, par exemple, le volume de lait cru maximal pouvant faire l’objet d’une négociation collective au regard de la production de l’Union européenne (3,5 % de la production) ou de la production nationale (33 % de la production).

2.   Le projet de loi

Cet article 1er réécrit entièrement l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime en le subdivisant, pour plus de lisibilité, en quatre articles numérotés L. 631-24, L. 631-24-1, L. 631-24-2 et L. 631-24-3 (alinéas 3 à 41).

Le dispositif relatif à la contractualisation y est rénové. Tout contrat écrit quel que soit le type de produit agricole, devra se conformer aux nouvelles modalités de contractualisation prévues à l’article 1er (A) sauf certains contrats et relations aujourd’hui déjà exclus (B). Pour autant, la contractualisation écrite ne sera pas rendue obligatoire dans tous les secteurs (C). La relation contractuelle qui lie les premiers maillons de la chaîne agro-alimentaire sera renversée en donnant aux producteurs et à leurs OP et AOP la responsabilité de proposer les contrats. Dans les mêmes conditions que pour un producteur individuel, une OP ou une AOP non commerciale (c’est-à-dire sans transfert de la propriété des produits) proposera à l’acheteur un accord-cadre qui, une fois conclu, devra être respecté par le contrat individuel du producteur (D). Les coûts de production des producteurs deviendront la base de la construction du prix (E).

a.   Le champ de la contractualisation : tout contrat écrit devra respecter les dispositions de l’article L. 631-24

On retrouve aux alinéas 4 à 28 (nouvel article L. 631-24) nombre de dispositions existantes mais aujourd’hui applicables aux seuls produits destinés à la revente ou à la transformation pour lesquels la proposition ou la conclusion de contrats de vente écrits a été rendue obligatoire par accord interprofessionnel ou par décret en Conseil d’État.

L’alinéa 4 rend l’article L. 631-24 applicable aux contrats de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français dès lors quils sont conclus sous forme écrite. Il en sera ainsi des contrats écrits de produits français comme de produits importés livrés en France. Aujourd’hui, cet article L. 631-24 n’est applicable que dans les secteurs soumis à contractualisation obligatoire.

L’alinéa 5 précise que le contrat de vente s’entend des contrats relatifs aux produits agricoles cédés à leur premier acheteur et destinés à la revente ou à la transformation en vue de la revente. Les produits agricoles concernés sont ceux figurant à l’annexe I au règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles.

b.   Les contrats exclus du champ d’application des articles L. 631-24 à L. 631-24-2

L’alinéa 39 prévoit que seront exclues du champ d’application des articles L. 631-24, L.631-24-1 et L. 631-24-2 les relations entre les sociétés coopératives agricoles mentionnées à l’article L. 521-1 et leurs associés-coopérateurs, comme c’est aujourd’hui le cas, dès lors que ces coopératives remettent à leurs associés coopérateurs un exemplaire des statuts ou du règlement intérieur ou que les règles ou décisions prévues par ces statuts ou en découlant intègrent les clauses contractuelles de l’article L. 631-24 en vigueur.

Ce même alinéa 39 étend ce régime d’exemption aux relations entre les organisations de producteurs et associations dorganisations de producteurs bénéficiant d’un transfert de propriété des produits qu’elles commercialisent et leurs producteurs membres.

Ces deux exclusions seront valables sous réserve, pour les coopératives ou les organisations de producteurs ou leurs associations, que leurs statuts, leur règlement intérieur ou des règles ou décisions prévues par ces statuts ou en découlant comportent des dispositions produisant des effets similaires à ceux des clauses définies aux articles L. 631-24 à L. 631-24-2. Un exemplaire de ces documents devra être remis aux associés-coopérateurs ou aux producteurs membres de l’organisation de producteurs ou de l’association d’organisations de producteurs en cause.

Seront également exclus les contrats passés avec les entreprises sucrières par les producteurs de betterave ou de canne à sucre, le contenu de ces contrats étant entièrement régi par l’article 125 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune de marché (OCM) (alinéa 41).

c.   La contractualisation écrite peut toujours être rendue obligatoire

i.   Le principe de la contractualisation écrite obligatoire pour certaines productions n’est pas modifié

L’article L. 631-24-2 (alinéas 29 à 37) maintient la possibilité de rendre obligatoire la conclusion des contrats de vente et des accords-cadres mentionnés à l’article L. 631-24 (alinéa 29). Les produits et catégories de produits concernés sont précisés par extension d’un accord interprofessionnel, en application de l’article L. 632-3 ou, en l’absence d’accord étendu, par un décret en Conseil d’État (alinéa 29). Dans le cas où un accord est adopté et étendu après la publication d’un tel décret, l’application de celui-ci sera suspendue pendant la durée de l’accord (alinéa 31).

Le II de l’article L. 631-24-2 (alinéa 32 à 35) reprend, sous une forme rédactionnelle différente, les conditions de la contractualisation obligatoire aujourd’hui en vigueur en ce qui concerne la durée minimale du contrat de vente, qui ne peut excéder cinq ans, sauf renonciation expresse écrite du producteur. Cette durée peut être augmentée, dans la limite de deux ans, si le contrat porte sur un produit dont le producteur a engagé la production depuis moins de cinq ans. Par ailleurs, ces contrats ne peuvent être résiliés par l’acheteur avant le terme de la période minimale, sauf en cas d’inexécution par le producteur ou cas de force majeure. Ils fixent le préavis applicable au cas où le contrat ne serait pas renouvelé. Lorsqu’un acheteur a donné son accord à la cession, par le producteur, d’un contrat à un autre producteur engagé dans la production depuis moins de cinq ans, la durée restant à courir du contrat cédé, si elle est inférieure à la durée minimale fixée, est prolongée pour atteindre cette durée. Est considéré comme un producteur ayant engagé une production depuis moins de cinq ans l’exploitant qui s’est installé ou a démarré une nouvelle production au cours de cette période, ainsi qu’une société agricole intégrant un nouvel associé répondant aux conditions fixées au présent alinéa et détenant au moins 10 % de son capital social.

Un décret en Conseil d’État précise les produits considérés comme relevant de la même production. Le décret ou l’accord interprofessionnel en question fixe le délai de mise en conformité des contrats en cours à la date de son intervention conclus avec un producteur ayant engagé la production depuis moins de cinq ans (alinéa 36).

L’alinéa 37 reproduit le droit en vigueur qui prévoit que les dispositions relatives à la durée minimale du contrat ne sont applicables ni aux produits soumis à accises, ni aux raisins, moûts et vins dont ils résultent.

ii.   Même s’ils concernent des produits soumis à contractualisation obligatoire, certains contrats en sont exclus

Comme le prévoit l’article L. 631-24 dans sa version en vigueur, la contractualisation obligatoire ne s’appliquera pas aux ventes directes au consommateur, aux cessions réalisées au bénéfice des organisations caritatives pour la préparation de repas destinés aux personnes défavorisées, aux cessions à prix ferme de produits agricoles sur les carreaux affectés aux producteurs situés au sein des marchés d’intérêt national définis à l’article L. 761-1 du code de commerce (tel que le M.I.N de Rungis) ou sur d’autres marchés physiques de gros de produits agricoles (alinéa 30).

La fin de l’alinéa 30 tire les conclusions de l’adoption du règlement du 13 décembre 2017 dit « Omnibus » précité : le décret ou l’accord interprofessionnel en question définissent le seuil de chiffre d’affaires en deçà duquel les entreprises ne seront pas concernées par la contractualisation obligatoire.

iii.   Dans les secteurs soumis à contractualisation obligatoire : des producteurs à l’initiative de la proposition contractuelle

Alors qu’aujourd’hui c’est l’acheteur qui a l’obligation de proposer le contrat au producteur, l’alinéa 5 prévoit de renverser l’initiative de la relation contractuelle en prévoyant que le contrat sera précédé d’une proposition écrite du producteur agricole et non plus de l’acheteur.

La fin de l’alinéa 5 limite cette nouvelle obligation aux cas où la contractualisation est obligatoire en renvoyant, pour les autres cas, à la réserve des dispositions du paragraphe 1 bis des articles 148 et 168 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles. Ces paragraphes, introduits par le règlement (UE) n° 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017 dit « Omnibus » précité, prévoient qu’un producteur, une organisation de producteurs ou une association d’organisations de producteurs peut exiger que la livraison de ses produits à un transformateur ou à un distributeur fasse l’objet d’un contrat écrit entre les parties et/ou d’une offre écrite de contrat par les premiers acheteurs. Autre restriction prévue à ces paragraphes, si le premier acheteur est une micro, petite ou moyenne entreprise au sens de la recommandation 2003/361/CE, le contrat ou l’offre de contrat n’est pas obligatoire, sauf si un contrat type est établi par une organisation interprofessionnelle.

d.   La généralisation des accords-cadres écrits

L’alinéa 6 prévoit lobligation, pour les OP ou leurs AOP de conclure un accord-cadre écrit dont les stipulations devront être respectées par les contrats individuels, y compris dans les secteurs non soumis à contractualisation obligatoire. Le droit en vigueur prévoit seulement que la conclusion des contrats individuels des producteurs membres d’une OP ou AOP est subordonnée à une négociation préalable entre lOP ou lAOP et lacheteur formalisée par un accord-cadre écrit. Aucune sanction n’était, en outre, prévue. Il faut noter que l’article 2 du projet de loi prévoit de sanctionner l’absence d’accord-cadre mais uniquement dans les secteurs soumis à contractualisation obligatoire.

La même logique d’obligation renversée sera applicable à l’OP ou à l’AOP mandatée pour négocier la commercialisation des produits du producteur sans qu’il y ait transfert de propriété : elle sera auteure dune proposition daccord-cadre écrit préalable à la conclusion de l’accord-cadre.

e.   Le contenu des contrats et des accords-cadres et la rénovation de la construction du prix

Sous réserve de modifications rédactionnelles, les alinéas 7 à 14 prévoient que les clauses contractuelles aujourd’hui applicables aux contrats et accords‑cadres sont reconduites. Il s’agit des clauses relatives au prix ou aux critères et modalités de détermination et de révision du prix (1°) – la référence à la « révision » du prix étant nouvelle –, aux volumes et aux caractéristiques des produits qui peuvent ou doivent être livrés (2°), aux modalités de collecte ou de livraison des produits (3°), aux modalités de paiement (4°), à la durée du contrat (5°) et aux règles applicables en cas de force majeure.

Autre nouveauté, l’alinéa 14 (7°) prévoit une clause relative aux délais de préavis et indemnité éventuellement applicables dans les différents cas de résiliation du contrat, notamment dans lhypothèse où la résiliation est motivée par une modification du mode de production. Cette clause, plus précise, se substituera à celle relative aux modalités de révision et de résiliation du contrat ou au préavis de rupture aujourd’hui en vigueur.

L’alinéa 15 prévoit que les critères et modalités de détermination du prix devront prendre en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture ou à lévolution de ces coûts qui se substituent à la simple « référence » à des indices publics de coûts de production.

Les critères et modalités de détermination du prix devront également prendre en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés sur lesquels opère l’acheteur.

Pour les produits pour lesquels ces critères sont pertinents, les critères et modalités de détermination du prix prendront en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à la traçabilité, ou au respect d’un cahier des charges.

Par respect pour la liberté contractuelle, le choix des indicateurs sera laissé aux parties au contrat qui pourront utiliser tous les indicateurs disponibles ou ceux spécialement construits par elles. Il n’est plus question que ces indices soient définis par toute structure leur conférant un caractère public mais l’article 5 du projet de loi renvoie aux interprofessions le soin délaborer et de diffuser ces indicateurs. Elles pourront formuler des recommandations sur la manière dont les parties pourront prendre en compte ces indicateurs pour la détermination, la révision et la renégociation des prix.

L’alinéa 16 maintient l’application facultative de la clause de révision des prix mentionnée à l’article L. 441-8 du code de commerce, par ailleurs modifié par l’article 6 du projet de loi.

En plus des clauses obligatoires communes aux contrats, les propositions d’accords-cadres et les accords-cadres conclus devront préciser d’autres clauses. Sous réserve de modifications rédactionnelles, ces clauses sont inchangées par rapport au droit en vigueur à savoir la quantité totale et la qualité à livrer par les producteurs membres de l’organisation ou les producteurs représentés par l’association (alinéa 18, 1°), la répartition des quantités à livrer entre les producteurs membres de l’organisation ou les producteurs représentés par l’association et les modalités de cession des contrats (alinéa 19, 2°), les modalités de gestion des écarts entre le volume ou la quantité à livrer et le volume ou la quantité effectivement livré par les producteurs membres de l’organisation ou les producteurs représentés par l’association (alinéa 20, 3°) et les règles organisant les relations entre l’acheteur et l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs, notamment les modalités de la négociation périodique sur les volumes et le prix ou les modalités de détermination du prix entre l’acheteur et l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs (alinéa 21, 4°).

Demeure l’obligation, pour l’acheteur, de transmettre chaque mois à l’OP ou à l’AOP avec laquelle un accord-cadre aura été conclu, les éléments figurant sur les factures individuelles des producteurs membres ayant donné un mandat de facturation à l’acheteur et les critères et modalités de détermination du prix d’achat aux producteurs. Les modalités de transmission de ces informations seront précisées dans un document écrit (alinéa 22).

Le IV (alinéas 23 à 25), reprend, à quelques modifications rédactionnelles près, les dispositions en vigueur relatives au mandat de facturation qui peut être délégué à un tiers ou à l’acheteur, sous réserve qu’il fasse l’objet d’un mandat écrit distinct du contrat. Ce mandat est renouvelé chaque année par tacite reconduction. Le producteur peut le révoquer à tout moment, sous réserve d’un préavis d’un mois.

Le V (alinéa 26) prévoit que le contrat écrit ou l’accord-cadre écrit sera renouvelable par tacite reconduction pour une période équivalente à celle pour laquelle il aura été conclu, sauf stipulations contraires. Il fixera le préavis applicable au cas où il ne serait pas renouvelé.

f.   Des contrats en cascade

Vers laval de la filière, lorsque l’acheteur revendra des produits agricoles ou des produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles qu’il aura lui-même acquis auprès d’un producteur, le contrat de vente fera référence aux indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture ou à l’évolution de ces coûts ainsi qu’aux indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés sur lesquels opère l’acheteur et figurant dans le contrat d’achat conclu pour l’acquisition de ces produits (alinéa 27).

Alors que les clauses contractuelles prévues à l’article L. 631-24 ne sont pas applicables aux relations entre un associé coopérateur et sa coopérative ou entre un producteur et son OP ou AOP bénéficiant d’un transfert de propriété des productions, l’alinéa 40 prévoit que les coopératives, les OP et les AOP devront, comme les acheteurs revendant les produits acquis, faire référence, dans le contrat de vente, aux indicateurs utilisés pour la rémunération des producteurs de ces produits.

En sens inverse, vers lamont de la filière, alors que disparaît l’obligation de mentionner dans le contrat passé avec le producteur une référence à un ou plusieurs indices publics du prix de vente des principaux produits fabriqués par l’acheteur dont l’évolution devait être communiquée sur une base mensuelle par l’acheteur à l’OP ou à l’AOP signataire de l’accord-cadre, est introduite l’obligation, pour l’acheteur, de communiquer à lautre partie, selon la fréquence convenue entre elles, lévolution des indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur les marchés sur lesquels il opère (alinéa 28).

Les alinéas 42 à 44 procèdent à des coordinations au sein du code rural et de la pêche maritime.

3.   La position de votre rapporteur

En améliorant la lisibilité de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, cet article 1er rénove la contractualisation applicable à la première commercialisation des produits agricoles livrés sur le territoire français. Il rend plus lisible un dispositif certes enrichi au gré des modifications législatives mais complexifié, tant dans sa lecture que dans son application.

Car, si depuis la création de la contractualisation obligatoire dans certains secteurs, plusieurs mécanismes ont été adoptés afin de favoriser le regroupement en OP ou en AOP et surtout de rééquilibrer le rapport de forces entre les deux parties au contrat, la contractualisation a été antérieure à l’incitation à se regrouper, ce qui a retardé les effets bénéfiques du système.

Cet article renforce le pouvoir des producteurs qui seront, dans les secteurs soumis à contractualisation obligatoire, à l’origine de la proposition contractuelle à leur acheteur. En outre, la prise en compte de leurs coûts de production deviendra la base de la négociation, y compris dans les contrats « en cascade » qui découleront de la première mise en marché des produits agricoles. La transparence sur les indicateurs de coûts de production et sur les indicateurs de marché sur lesquels opère l’acheteur contribuera à valoriser l’acte de production et sa meilleure rétribution.

La contractualisation rénovée détaille les clauses contractuelles obligatoires afin de rendre le contrat plus protecteur des producteurs. Leur responsabilité sera plus grande puisqu’ils seront à l’origine de la proposition contractuelle mais, de ce fait, ils auront tout intérêt à se regrouper non seulement pour peser dans les négociations commerciales mais aussi techniquement, pour être accompagnés voire déléguer leurs nouvelles tâches. Dans les faits, ils passeront par leurs organisations de producteurs pour rédiger leur proposition de contrat d’autant plus qu’ils auront la charge de proposer le contrat. L’organisation collective est la clé de voûte de ce dispositif.

La contractualisation est rendue attractive sans passer par la contrainte pour les secteurs qui n’y sont pas prêts. Pour cette raison, il n’est pas question de généraliser la contractualisation écrite par la loi : le pouvoir réglementaire et les interprofessions resteront libres de l’étendre à certains secteurs.

La liberté contractuelle se heurte à un rapport déséquilibré entre les parties cocontractantes, au détriment des producteurs. Pour cette raison, l’outil contractuel doit être complété par d’autres instruments de régulation et d’organisation pour permettre aux producteurs de peser face aux opérateurs de l’aval de la filière afin qu’ils ne subissent pas, de la part de ces derniers, des clauses léonines. Les producteurs sont incités à se regrouper en OP et en AOP afin de pouvoir bénéficier d’accords-cadres protecteurs. L’acheteur ne pourra pas déroger à l’accord-cadre écrit conclu par l’OP ou l’AOP en cas de mandat de commercialisation sans transfert de propriété donné par le producteur.

Le dispositif devrait accélérer la structuration des filières autour d’organisations de producteurs renforcées qui seront elles-mêmes accompagnées par des interprofessions maîtresses de leur destin puisqu’elles proposeront des contrats-types ainsi que des indicateurs de coûts de production et de marché, rôle qu’elles utilisent déjà souvent. En témoignent les plans de filières des interprofessions, présentés à la fin de l’année 2017 au moment de la clôture des États généraux de l’alimentation : la filière laitière incite les producteurs à adhérer à une OP, les filières bovine et porcine partagent le même objectif d’atteindre 30 % des volumes produits contractualisés à échéance de 5 ans.

Cet article utilise les possibilités offertes par le règlement du 13 décembre 2017 dit « Omnibus ». Pour autant, votre rapporteur s’est interrogé sur la compatibilité de cet article avec le droit de la concurrence européen. Il s’est rendu à Bruxelles le 7 mars 2018 et s’est entretenu avec la direction générale de la concurrence et la direction générale de l’agriculture de la Commission européenne. La France est le premier pays européen à légiférer depuis l’entrée en vigueur du règlement dit « Omnibus ». Ce règlement est d’application directe dans le droit français mais le projet de loi complète le dispositif et tire les conséquences en matière contractuelle et de regroupement des producteurs des évolutions acceptées par la Commission européenne dans le secteur agricole. Sous réserve de quelques modifications rédactionnelles, que nous pouvons qualifier de prudentes, votre rapporteur a eu le sentiment que le projet de loi s’inscrivait parfaitement dans le sens de l’histoire des relations complexes entre droit de la concurrence et production agricole.

En outre, l’Autorité de la concurrence a été saisie par le ministre chargé de l’économie, le 1er février dernier, afin de préciser les modalités de mise en œuvre des dispositions prévues sur la gestion collective des volumes et des prix par les organisations de producteurs et sur la diffusion, par les interprofessions, des indicateurs.

4.   La position de votre commission

La commission a précisé la rédaction de cet article 1er par l’adoption de 31 amendements.

8 amendements rédactionnels ont été adoptés à l’initiative du rapporteur, de Mme Martine Leguille-Ballois et de M. Arnaud Viala. À l’initiative de M. Mattei et de plusieurs de ses collègues, la commission a adopté un amendement précisant que le contrat pourra être conclu sous forme écrite physique ou électronique, ce qui devrait faciliter le développement de la contractualisation.

À l’initiative du rapporteur, un amendement a précisé le champ d’application des articles L. 631-24, L. 631-24-1, L. 631-24-2 et L. 631-24-3. Conformément à la formulation de l’article L. 631-24 en vigueur, ces nouveaux articles ne s’appliqueront pas aux ventes directes au consommateur, aux cessions réalisées au bénéfice des organisations caritatives pour la préparation de repas destinés aux personnes défavorisées, aux cessions à prix ferme de produits agricoles sur les carreaux affectés aux producteurs situés au sein des marchés d’intérêt national définis à l’article L. 761-1 du code de commerce ou sur d’autres marchés physiques de gros de produits agricoles. Le décret en Conseil d’État ou l’accord interprofessionnel étendu prévus à l’article L. 631-24-1 définissent le seuil de chiffre d’affaires en dessous duquel les entreprises ne sont pas soumises à la contractualisation écrite obligatoire. En réponse anticipée à un amendement de M. Julien Dive visant à exclure les collectivités territoriales de ces dispositifs, le rapporteur a précisé que celle-ci devaient y être soumises mais que, concernant leurs petits approvisionnements, elles restaient libres ne pas passer par un contrat écrit.

Plusieurs autres amendements adoptés à l’initiative de députés du groupe Les Républicains et du groupe Nouvelle gauche ont permis, d’une part, de préciser la rédaction de l’article 1er et notamment les conditions d’articulation entre le contrat individuel et l’accord-cadre et, d’autre part, de renforcer l’importance de la proposition formulée afin que celle-ci constitue le socle unique de la négociation commerciale.

Un autre amendement proposé par Mme Martine Leguille-Balloy et satisfaisant les propositions de rédaction de plusieurs autres députés a été adopté. Il permet de rendre la fixation du prix dans le contrat ou l’accord-cadre plus transparente en précisant que celui-ci est déterminé ou déterminable selon des critères clairs et compréhensibles. Dans la même idée, deux autres amendements de M. Julien Dive et de plusieurs de ses collègues ont précisé les clauses contractuelles minimales obligatoires.

La commission a adopté un amendement présenté par Mme Monique Limon et l’ensemble des membres du groupe La République en Marche qui permet, alors que les clauses contractuelles prévoient toujours des délais de préavis et des indemnités éventuellement applicables en cas de résiliation du contrat, d’en exclure les cas de conversion à l’agriculture biologique.

À l’initiative du rapporteur, de M. Thierry Benoit, de M. Sébastien Jumel et de Mme Sandrine Le Feur et plusieurs de leurs collègues, les critères et modalités de détermination du prix ont été précisés. Un amendement de M  Prud’homme et de plusieurs de ses collègues du groupe La France insoumise précise, comme le droit en vigueur, que les indicateurs utilisés reflètent la diversité des conditions et des systèmes de production.

Votre rapporteur a fait adopter un amendement qui prévoit que les contrats et accords-cadres pourront, comme pour la clause de renégociation prévue à l’article L. 441-8 du code de commerce, comporter la clause prévue à l’article 172 bis du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles introduite par le règlement dit « Omnibus ». Cette clause prévoit que « sans préjudice de toute clause spécifique de répartition de la valeur dans le secteur du sucre, les agriculteurs, y compris les associations d’agriculteurs, et leurs premiers acheteurs peuvent convenir de clauses de répartition de la valeur, portant notamment sur les gains et les pertes enregistrés sur le marché, afin de déterminer comment doit être répartie entre eux toute évolution des prix pertinents du marché des produits concernés ou d’autres marchés de matières premières ». Il s’agit d’une avancée importante du règlement dit « Omnibus » dont les opérateurs doivent se saisir.

Un amendement adopté à l’initiative de M. Turquois et de plusieurs de ses collègues donne à l’interprofession le rôle de définir la périodicité de la négociation des volumes de l’accord-cadre.

Plusieurs députés se sont montrés préoccupés par les modalités de transmission des indicateurs de prix entre l’accord-cadre négocié par l’organisation de producteurs (OP) ou l’association d’organisations de producteurs (AOP) et ceux retenus dans le contrat individuel de l’adhérent à cette OP ou AOP. 8 amendements identiques de députés membres des groupes Les Républicains, UDI-AGIR et indépendants, la Nouvelle Gauche et la République en Marche ont été adoptés en ce sens.

Plusieurs autres amendements ont clarifié les modalités de la contractualisation :

– stricte séparation entre mandat de commercialisation et mandat de facturation pour les OP et AOP (amendement adopté à l’initiative de M. Thierry Benoit et de plusieurs de ses collègues) ;

– contractualisation conclue pour une durée de trois ans (amendement adopté par M. Richard Ramos et de plusieurs de ses collègues) ;

– préavis de non-renouvellement du contrat ou de l’accord-cadre de trois mois minimum lorsqu’il émane de l’acheteur (amendement adopté à l’initiative de M. Maquet et de plusieurs de ses collègues) ;

– obligation de réaliser un bilan avant échéance du contrat (amendement adopté à l’initiative de Mme Frédérique Tuffnell).

La commission a considérablement élargi la prise en compte des indicateurs des coûts de production comme des prix de marché dans les contrats « en cascade » lors de la revente des produits agricoles et alimentaires. Votre rapporteur, ainsi que M. Emmanuel Maquet et de plusieurs de ses collègues et M. Jean-Claude Leclabard ont proposé à la commission, qui l’a accepté, de ne pas faire simplement « référence » à ces indicateurs mais de rendre obligatoire leur « prise en compte » pour les autres contrats de revente, y compris pour les contrats liant les coopératives et leurs acheteurs. Un amendement adopté à l’initiative de M. Julien Dive et de plusieurs de ses collègues précise que les parties au contrat déterminent entre elles la fréquence avec laquelle l’acheteur communique à son fournisseur lesdits indicateurs.

Un amendement identique à tous les groupes à l’exception du groupe La France Insoumise étend cette prise en compte à l’ensemble des contrats de revente des produits en aval de la filière jusqu’au distributeur.

Dans le même esprit, la commission a adopté un amendement du Gouvernement qui prévoit, lorsque le prix est déterminé entre le producteur et son premier acheteur (et pas seulement « déterminable »), que ce sont ces indicateurs de prix – et non les  indicateurs relatifs aux coûts de production et aux  prix de marché – qui sont pris en compte dans les contrats de revente des produits en aval de la filière.

La commission a adopté l’article 1er ainsi modifié.

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*     *

La commission examine en discussion commune les amendements CE257, CE256 et CE262 de M. Xavier Breton, et lamendement CE818 de M. Yves Daniel. 

M. Xavier Breton. L’amendement CE257 instaure un rendez-vous annuel de l’ensemble des acteurs des filières agricoles, destiné à définir des stratégies communes. Il s’agit d’éviter les guerres de prix, destructrices pour les filières agricoles. Ce rendez-vous annuel permettrait aux représentants des différents maillons de la filière de se rencontrer pour mettre en œuvre ces stratégies de filières fondées sur des mécanismes de formation des prix plus coopératifs et moins conflictuels.

L’amendement CE256 vise à trouver une solution au problème de la cession à titre onéreux des contrats laitiers. D’une part, il protège le nouvel installé en rendant obligatoire la proposition de contrat par l’acheteur à des conditions identiques à celle du prédécesseur. D’autre part, il permet de supprimer la possibilité de « marchandiser » le contrat. Cette deuxième disposition est calquée sur les dispositions similaires prévues dans le code rural et de la pêche maritime pour les baux ruraux, qui excluent les pas-de-porte.

L’amendement CE262 vise à permettre la création d’organisations de producteurs (OP) et d’associations d’organisations de producteurs (AOP), ce qui est rendu difficile aujourd’hui par une réglementation qui entend empêcher les entraves à la concurrence. Or la contractualisation est l’un des outils qui permet de lutter le plus efficacement contre la volatilité des prix. Pour être pleinement viable, cette contractualisation doit donc se faire sur toute la chaîne de valeur, et elle doit pouvoir s’opérer au travers des organisations et des associations de producteurs, à la fois sur les prix et les volumes, et garantir ainsi un revenu aux exploitants.

M. Yves Daniel. Notre amendement vise à créer un seuil de vente à perte afin de garantir une rémunération décente aux producteurs. Il s’agit de créer un véritable revenu paysan, qui intègre dans la détermination du prix, une rémunération du producteur à hauteur de deux SMIC.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

L’amendement CE257 propose d’instaurer une négociation annuelle sur les modalités de détermination des prix. Or, j’attire votre attention sur le fait qu’au titre de la prohibition des ententes anticoncurrentielles – article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne  – il n’est pas possible pour des opérateurs économiques de fixer des prix. En revanche, je vous renvoie à l’article L. 631-27-1 du code rural et de la pêche maritime, issu de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2, qui prévoit une conférence publique de filières, réunie annuellement.

L’amendement CE256 substitue à l’article 1er un dispositif de modification de l’article relatif à la contractualisation, pour interdire notamment la cession marchande des contrats. Or la cession marchande des contrats a été interdite par la loi Sapin 2. Par ailleurs, l’article 1er apporte des innovations importantes pour les producteurs et leurs organisations de producteurs en inversant la proposition de contrat et en liant les contrats individuels aux accords-cadres négociés collectivement.

Pour ce qui concerne l’amendement CE252, c’est plutôt la rédaction actuelle de l’article 1er qui doit permettre aux OP et aux AOP de se développer, d’autant plus depuis l’adoption du règlement « Omnibus », entré en application le 1er janvier 2018, ce dont ne tient pas compte votre amendement.

Enfin, l’amendement CE818 « écrase » la rédaction de l’article 1er, à laquelle nous tenons, comme les participants des États généraux de l’alimentation (EGA), ainsi qu’en témoigne l’absence d’amendement de suppression de cet article.

Sur le fond, la loi ne peut fixer un revenu minimum garanti pour les producteurs, dès lors que ce sont des entrepreneurs indépendants. Il me semble en revanche, que le volume des aides versées au titre de la PAC agit depuis des années comme un filet de sécurité pour les producteurs exposés à la volatilité des cours.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. En ce qui concerne l’amendement CE257, la négociation des produits agricoles est souvent mensuelle, saisonnière ou liée à la campagne de production. Il n’est donc pas possible de faire coïncider les deux calendriers.

Par ailleurs, l’amendement CE256 ne tient pas compte des dispositions figurant déjà dans le projet de loi, ni même des dispositions intégrées dans la loi Sapin 2 et qui interdisent pour sept ans la cession onéreuse des contrats dans le secteur laitier.

De la même manière, le renforcement des capacités de négociation collective par les OP est crucial, et c’est l’objet même de l’article 1er.

 Cet article 1er, vous souhaitez le supprimer, Monsieur Yves Daniel, puisque vous voulez créer dans le code de commerce un seuil de revente à perte. Nous aurons à débattre du seuil de revente à perte à l’article 9, article d’habilitation qui est suffisamment précis sur la future ordonnance.

J’émets donc un avis défavorable sur les amendements de M. Xavier Breton et demande le retrait de l’amendement de M. Yves Daniel.

M. Yves Daniel. Monsieur le rapporteur, vous entendre dire que la PAC est le moyen d’assurer le revenu des agriculteurs me pose un vrai problème.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’ai parlé de filet de sécurité, c’est différent.

M. Yves Daniel. Il faut regarder la réalité en face. Ni la contractualisation, ni le renforcement des organisations de producteurs ne protégeront le revenu des agriculteurs des aléas du marché. Je ne souhaite donc pas retirer mon amendement.

La commission rejette successivement les amendements CE257, CE256, CE262 et CE818.

Puis elle examine lamendement CE1350 de M. Loïc Prudhomme.

Mme Bénédicte Taurine. Nous proposons de rendre obligatoire la contractualisation écrite de la vente de l’ensemble des produits agricoles distribués sur le territoire français, sachant que, dans la rédaction actuelle, les dispositions de l’article 1er ne s’appliqueraient pas par exemple à la filière bovine, où les contrats ne couvrent que 2 % de la production.

Aujourd’hui, la contractualisation écrite n’est obligatoire que dans certaines filières comme celle du lait. Or, si elle ne permet pas d’inverser le rapport de forces, elle constitue néanmoins un moyen de rééquilibrage. Des dérogations seront possibles sur décision du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, notamment pour les petits volumes et les circuits courts, mais il nous semble important de généraliser la contractualisation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable.

Si vous souhaitez rendre la contractualisation obligatoire par décret, votre amendement est sans objet.

Par ailleurs, ce que vous proposez en matière de distribution des produits ne changera rien au problème des centrales d’achat européennes.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La contractualisation est un bon outil, et il convient que les opérateurs puissent s’en saisir. Mais la rendre obligatoire n’a pas de sens. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1809 de M. Jean-Paul Mattei, CE1810 de M. Richard Ramos et CE2080 du rapporteur.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement vise à dispenser les petits flux de producteurs des règles fixées par l’article 1er, qui feraient peser une contrainte administrative trop forte sur leur activité. Il est donc proposé que les ventes de produits agricoles inférieures à 10 000 euros ou qui représenteraient moins de 10 % de l’activité principale du producteur soient exonérées des mesures de contractualisation mises en place par le présent article.

M. Richard Ramos. Nous proposons le même amendement en fixant le plafond à 50 000 euros de chiffre d’affaires.

Je signale qu’une marque comme « C’est qui le patron ? ! » n’aurait en effet pas pu voir le jour si la grande distribution ne lui avait pas permis, au départ, de travailler sans contrat.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le projet de loi a transposé à l’alinéa 30 et au nouvel article L. 631-24-2 les dispositions de l’article L. 631-24 en vigueur, sans tenir compte de l’extension de l’application de l’article L. 631-24 à tous les contrats, dès lors qu’ils sont conclus sous forme écrite.

En ce qui concerne la taille des entreprises concernées, l’alinéa 5 renvoie à la réserve du paragraphe 1 bis des articles 148 et 168 du règlement européen portant organisation commune des marchés des produits agricoles, qui précise que « si le premier acheteur est une micro, petite ou moyenne entreprise au sens de la recommandation 2003/361/CE, le contrat et/ou l’offre de contrat n’est pas obligatoire, sans préjudice de la possibilité pour les parties d’avoir recours à un contrat type établi par une organisation interprofessionnelle ».

Je souhaite donc le retrait des deux autres amendements au profit du CE2080.

Lamendement CE1809 est retiré.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’instauration de seuils comme ceux que vous proposez n’est pas pertinente, s’agissant notamment des petits volumes, qui ne font généralement pas l’objet de contrats.

En outre, un producteur avec une production diversifiée ne pourra jamais entrer dans le cadre du dispositif des ventes si chacune de ses productions représente moins de 10 % de son activité.

J’étais donc défavorable à l’amendement CE1809 et j’émets un avis de sagesse pour l’amendement du rapporteur.

La commission rejette lamendement CE1810, puis elle adopte lamendement CE2080.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE1352 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. Nous proposons de remplacer l’expression « livrés sur le territoire français » par « distribués sur le territoire français », de façon que la loi s’applique aussi aux produits alimentaires qui seraient livrés à l’étranger avant d’être vendus en France. Nous pensons notamment au groupe Leclerc, dont la centrale d’achat Eurelec Trading est basée à Bruxelles. Nous voulons éviter que cela lui permette de contourner la loi française comme semble le craindre la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui a perquisitionné le siège du groupe à la fin du mois de février dernier.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je partage votre constat au sujet des risques que représentent les centrales d’achat européennes, mais les produits y sont négociés sans transiter physiquement par la Belgique, dans le cas que vous mentionnez. Votre amendement ne changerait donc rien à la situation. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La précision que vous proposez n’a pas sa place ici, dès lors que l’article 1er encadre les cessions par le producteur, lequel ne peut que livrer et non distribuer ses produits. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lamendement 1301 de M. Gérard Menuel.

M. Gérard Menuel. Il s’agit d’ajouter, à l’alinéa 4 qu’un décret pris Conseil d’État fixe la liste des produits concernés par les dispositions de l’article 1er et la durée pendant laquelle elles s’appliquent, afin de garantir la bonne organisation contractuelle et un rapport de forces commercial équilibré. En effet, dans certaines filières, notamment celle où plusieurs étapes de transformation sont nécessaires, la contractualisation, lorsqu’elle tient compte de l’exposition aux cours mondiaux et des échanges transfrontaliers importants, est jugée très satisfaisante.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’objet de l’article 1er est de sécuriser tous les contrats écrits ; c’est un des apports du projet de loi, en plus de l’inversion de la contractualisation. En revanche, le Gouvernement a fait le choix de ne pas rendre la contractualisation obligatoire dans tous les secteurs. Cette position est équilibrée et permettra de sécuriser les producteurs afin qu’une nouvelle culture du contrat se développe dans les filières, ce qui contribuera à la responsabiliser. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cet amendement remet en cause les conclusions des EGA, et notamment les grands principes qui sont établis à l’article 1er de ce projet de loi, à savoir le renversement de la contractualisation, la prise en compte des indicateurs des coûts de production et la négociation d’un accord-cadre par l’OP. Ces principes doivent s’appliquer à toutes les filières, dès lors que les parties s’engagent sur un contrat écrit. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE1811 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Conformément aux articles 1365 et 1366 du code civil, cet amendement vise à préciser que le contrat de vente prévu à l’article 1er peut être conclu sous forme écrite physique ou électronique.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. C’est une précision nécessaire. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE846 de M. Fabrice Brun, CE869 de M. Dino Cinieri et CE1016 de M. Jacques Cattin.

M. Fabrice Brun. Cet amendement vise à préserver les filières comme le vin, qui disposent d’une expérience et d’une pratique reconnue en matière de contrat interprofessionnel écrit. Notre crainte est en effet que la loi rende caduques toutes les formes de contrat interprofessionnels préexistants, qui sont adoptés à l’unanimité des filières concernées.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à préserver les avancées du projet de loi tout en les adaptant aux filières qui disposent d’une expérience et d’une pratique reconnue en matière de contrat interprofessionnel écrit et qui, par ailleurs, du fait de leur structure économique, ne seraient pas en mesure de pouvoir utiliser les dispositions de la nouvelle loi.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. L’objet de l’article 1er est de prévoir des clauses minimales obligatoires dans les contrats et accords-cadres agricoles qui lient les producteurs et les premiers metteurs en marché. J’ai conscience, a fortiori après avoir entendu les interprofessions, et notamment le Comité national des interprofessions des vins à appellation d’origine et à indication géographique (CNIV) au salon de l’agriculture, que chaque filière est soucieuse de préserver sa spécificité, mais le projet du Gouvernement permet précisément de trouver un équilibre entre clauses obligatoires et respect des spécificités des filières, en renvoyant un grand nombre de dispositions aux accords interprofessionnels étendus.

Il faut d’ailleurs noter, si cela peut vous rassurer, que les accords qui respecteront la loi et qui iraient plus loin que celle-ci demeureront applicables.

Le Président de la République a mis les filières face à leurs responsabilités, la loi leur donne les moyens d’y parvenir, avec un souci commun de préservation des producteurs.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’entends votre préoccupation, mais cet amendement va trop loin. Il est de utile prévoir la possibilité de préciser les dispositions prévues, ainsi que le propose l’amendement CE84 que nous examinerons plus tard. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

La commission examine lamendement CE1992 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement prévoit que la conclusion d’un contrat de vente relatif à la cession au premier acheteur de produits agricoles est précédée d’une proposition du producteur agricole, y compris dans les secteurs où la contractualisation écrite n’a pas été rendue obligatoire par extension d’un accord interprofessionnel, en application de l’article L. 632‑3, ou, en l’absence d’accord étendu, par un décret en Conseil d’État.

Il s’agit d’étendre l’inversion de la proposition contractuelle en faveur du producteur à tous les contrats, y compris aux contrats non écrits.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’objectif poursuivi par le projet de loi est de donner la main aux producteurs dans le cadre du processus contractuel et non pas d’aller plus loin que le règlement « Omnibus ». Je demande donc le retrait de cet amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CE77 de M. Dino Cinieri, CE560 de M. Daniel Fasquelle, CE1196 de M. Arnaud Viala, CE1722 de M. Dominique Potier et CE1879 de M. Thierry Benoit.

M. Dino Cinieri. L’amendement CE77 précise que tout contrat écrit conclu entre un producteur membre d’une OP sans transfert de propriété et un acheteur doit être précédé de la conclusion d’un accord-cadre écrit liant l’organisation de producteurs et l’acheteur. En effet, la loi ne doit pas laisser la possibilité à un acheteur de contourner cette négociation collective en engageant une relation bilatérale avec un producteur qui aurait donné mandat à son organisation pour négocier la commercialisation de sa production.

M. Arnaud Viala. L’amendement CE1196 est en cohérence avec un autre amendement que nous avons déposé plus loin, qui concerne les sanctions. Il s’agit d’abord de prévoir que le producteur seul ne peut contourner l’accord-cadre et de demander ensuite qu’en cas de non-respect de l’accord, la sanction ne pèse pas sur le seul producteur.

M. Thierry Benoit. Il y a une petite dizaine d’années, Bruno Le Maire annonçait la mise en place de la contractualisation, d’où a découlé la nécessité de structurer les organisations de producteurs. Par l’amendement CE1879, nous voulons renforcer le rôle des organisations de producteurs et des associations d’organisations de producteurs dans les négociations. Les acheteurs devront négocier avec les OP et les AOP au lieu d’avoir des discussions de comptoir avec les producteurs pris individuellement. Voilà qui encouragera les agriculteurs à se rassembler au sein d’organisations de producteurs.

M. Dominique Potier. À travers la loi Sapin, nous avons consolidé la construction des OP et des AOP en reprenant les lois précédentes. Nous avons rééquilibré les rapports de forces entre les acheteurs et les vendeurs. Tout ce travail sera peine perdue si vous n’acceptez pas d’intégrer ces dispositions dans le texte. Pour éviter la balkanisation de la négociation, il faut empêcher toute possibilité de contourner les accords-cadres. Ces amendements sont en cohérence avec le rapport au dessein qui est le vôtre, monsieur le ministre.

M. Jérôme Nury. Mes amendements CE560 et CE202, qui viendra plus tard, reposent sur le même principe : éviter le contournement des accords-cadres. Il faut éviter que les éleveurs négocient par derrière quand ils ont signé un engagement avec leur organisation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends votre préoccupation : il est important d’éviter le contournement de l’accord-cadre par des contrats individuels. Cela dit, l’alinéa 6 de l’article 1er me semble satisfaire votre volonté puisqu’il prévoit que les contrats individuels des producteurs « sont subordonnés au respect des stipulations de l’accord‑cadre ». Les contrats individuels passés pour les volumes de produits concernés par la commercialisation via l’organisation de producteurs ne pourront déroger à cet accord-cadre. Les contrats qui dérogeront aux accords-cadres seront sanctionnés, en application du 2° de l’article L.631-25 proposé à l’article 2, pour lequel je vous proposerai de relever encore le niveau des sanctions.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je comprends l’objectif de ces amendements : limiter le risque de contournement par l’acheteur de la négociation collective, autrement dit, les possibilités qu’il aurait d’engager une relation bilatérale avec un producteur ayant donné un mandat à son organisation. Toutefois, si nous voulons donner plus de pouvoirs aux OP, il faut qu’elles soient en mesure de rappeler à leurs membres qu’ils ont liés juridiquement par un mandat. C’est cela qui donne du poids aux négociations qu’elles engagent avec les acheteurs.

En outre, la conclusion d’un accord-cadre pourra devenir obligatoire dans les secteurs où la contractualisation sera rendue obligatoire par décret, notamment pour le lait, ou par accord interprofessionnel.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Sébastien Jumel. Monsieur le ministre, je pense que vous êtes plein de bonnes intentions et profondément sincère quand vous dites vouloir améliorer la situation des agriculteurs. La seule question qui se pose est de savoir si nous souhaitons nous doter d’une loi qui protège ou si nous préférons laisser la main invisible du marché faire son œuvre ? C’est le cœur de nos débats. Nous pensons qu’il est nécessaire que la loi apporte des précisions pour favoriser les OP, ce qui est notre but commun. La main invisible du marché n’a pas toujours le rôle régulateur que l’on souhaiterait et les relations interpersonnelles ne sont pas toujours mues par de bonnes intentions.

Mme Monique Limon. Le groupe La République en Marche considère qu’il faut protéger les producteurs et les accompagner pour qu’ils se regroupent afin d’avoir plus de poids dans les négociations commerciales. Nous pourrons préciser dans la suite du texte comment mieux les inciter à s’organiser en OP. Cette évolution a été pensée avec les filières et les interprofessions. Il ne s’agit pas de prendre leur place. Nous misons plutôt sur leur sens des responsabilités. L’article 1er est suffisamment précis sur ce point.

La commission rejette ces amendements.

Elle en vient à lamendement CE1304 de Mme Martine Leguille-Balloy.

Mme Graziella Melchior. À l’alinéa 6, la conclusion d’un contrat écrit par le producteur est mentionnée avant que référence soit faite aux accords-cadres que doivent proposer les organisations de producteurs. Il nous semble nécessaire de clarifier la logique rédactionnelle : citer d’abord les accords-cadres et leurs rédacteurs puis les contrats s’y référant.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cette modification rédactionnelle a son intérêt mais nous sommes défavorables à cet amendement car il risque de faire tomber des amendements de fond portant sur l’alinéa 6.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis pour les mêmes raisons.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE202 de M. Jérôme Nury.

M. Jérôme Nury. Cet amendement se situe dans la droite ligne des amendements identiques que nous venons d’examiner. Il vise à renforcer les OP sans laisser la possibilité aux discussions bilatérales entre producteurs et acheteurs de se développer.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Même avis que précédemment : cet amendement est déjà satisfait. J’y suis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CE1993 du rapporteur.

Elle en vient à lamendement CE450 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Cet amendement a pour objectif d’informer le producteur de la possibilité de donner mandat à une organisation de producteurs ou à une association d’organisations de producteurs. Il permet de favoriser l’engagement des indépendants non affiliés à un organisme.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement me paraît inutile. Les producteurs connaissent déjà cette possibilité. La communication se fera tout naturellement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il appartient aux producteurs de se prendre en main et de décider si oui ou non ils souhaitent adhérer à une organisation de producteurs. Ce n’est pas à l’acheteur de les en informer. Les producteurs savent où trouver des informations. Cela n’empêche pas que des opérations de communication par l’État et par les fédérations professionnelles agricoles soient menées pour promouvoir le système des OP. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine en discussion commune lamendement CE1303 de Mme Martine Leguille-Balloy, les amendements identiques CE78 de M. Dino Cinieri, CE561 de M. Daniel Fasquelle, et CE1723 de M. Dominique Potier, et lamendement CE10 de M. Emmanuel Maquet.

Mme Sandrine Le Feur. L’amendement CE1303 vise à renforcer le pouvoir du producteur dans la négociation et à rendre effective l’inversion de la construction du prix. Le formalisme ainsi imposé garantit que la proposition faite par le producteur ne sera pas systématiquement détournée.

M. Dino Cinieri. L’objectif de l’amendement CE78 est de faire le parallèle avec les conditions générales de vente que tout fournisseur doit proposer à son acheteur et qui sont le point de départ de la négociation, en opposition avec les conditions d’achat fixées par le client. L’intérêt est de faire le lien avec les sanctions prévues à l’article L. 442-6 du code de commerce.

M. Dominique Potier. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’ai déjà beaucoup de doutes sur le fait que les dispositions de ce projet de loi, que nous soutenons a priori, seront efficaces dans un marché ouvert, compte tenu des clauses léonines que pratique la grande distribution et de la concentration des industriels. Je vous invite donc à donner un avis favorable aux amendements qui, comme ceux-ci, visent à renforcer la position des producteurs dans la négociation sur un plan technique.

M. Emmanuel Maquet. L’objectif de mon amendement CE10 est de renforcer le rapport de forces : ce n’est plus l’acheteur qui impose ses conditions d’achat mais le producteur qui pose ses conditions de vente via l’accord-cadre. Il s’agit de se rapprocher de ce qui existe dans le code de commerce, avec le concept de conditions générales de vente.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je tiens à rassurer M. Potier : d’autres amendements permettront de renforcer l’effectivité des mesures proposées dans le projet de loi.

Je demande le retrait de l’amendement CE1303 et de l’amendement CE10 pour des raisons rédactionnelles et suis favorable aux amendements CE78 et CE1723.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Demande de retrait pour le CE 1303, avis favorable aux CE78 et CE1723 et défavorable au CE10.

La commission rejette lamendement CE1303.

Puis adopte les amendements CE78, CE561 et CE1723.

Lamendement CE10 est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE792 de M. Jean-Claude Bouchet.

M. Jean-Claude Bouchet. Cet amendement a pour but de préserver les spécificités des coopératives : le contrat étant déjà écrit entre le membre de la coopérative et la coopérative, il ne nous semble pas nécessaire de leur appliquer les dispositions liées à la contractualisation rénovée.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les dispositions de l’alinéa 6 concernent bien les organisations de producteurs ou associations d’organisations de producteurs auxquelles les producteurs ont donné mandat pour négocier la commercialisation de leurs produits. Ces dispositions ne prennent pas en compte le transfert de propriété des produits et donc pas les coopératives. L’alinéa 39 explicite les modalités de l’exemption.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1305 de Mme Martine Leguille-Balloy.

Mme Sandrine Le Feur. Cet amendement vise à clarifier le caractère obligatoire des clauses contractuelles énoncées au II de l’article L. 631-24.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite en discussion commune lamendement CE1306 de Mme Martine Leguille-Balloy, les amendements identiques CE16 de M. Jérôme Nury, CE79 de M. Dino Cinieri, CE794 de M. Jean-Claude Bouchet et CE1724 de M. Dominique Potier.

Mme Sandrine Le Feur. L’amendement CE1306 vise à rendre plus transparente la fixation du prix. La condition des « critères clairs et compréhensibles » permet de pallier l’asymétrie d’information dans le fonctionnement économique des filières. Cela facilitera la compréhension que les producteurs ont des prix, lesquels leur sont parfois imposés.

M. Jérôme Nury. L’amendement CE16 a pour objet de renforcer la rédaction portant sur la clause de prix. Le prix devrait être, a minima, déterminable par le producteur pendant toute la durée du contrat. Nous proposons de ne plus autoriser la mention dans les contrats de formules de calcul qui empêchent le producteur de connaître le prix auquel il sera payé en cours de contrat. Il est impensable que les producteurs puissent s’accorder sur un prix qu’ils ne connaissent pas à l’avance, même si l’urgence les pousse parfois à accepter de telles clauses.

M. Dino Cinieri. Précisons que les notions de « prix déterminé » et de « prix déterminable » renvoient à une jurisprudence constante en matière de détermination du prix dans le droit de la vente.

M. Jean-Claude Bouchet. Il faut en effet faciliter la connaissance des prix par les producteurs.

M. Dominique Potier. Je soutiens cette logique.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis favorable à l’ensemble de ces amendements sur le fond mais puisqu’ils sont en discussion commune, il faut faire des choix. Pour des raisons rédactionnelles, je retiendrai l’amendement CE1306.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis pour les mêmes raisons.

Les amendements CE16, CE79, CE794 et CE1724 sont retirés.

La commission adopte lamendement CE1306.

En conséquence, les amendements CE1867 de M. Thierry Benoit, CE255 de M. Xavier Breton, CE689 de M. Marc Le Fur et CE1561 de M. Denis Masséglia tombent.

La commission en vient à lamendement CE498 de M. Thibault Bazin.

Mme Valérie Beauvais. La situation des agriculteurs est préoccupante. Celle des éleveurs, soumis à une forte concurrence mondiale importante, l’est plus encore : En 2017, le nombre de faillites de fermes de bovins a atteint 300, selon le cabinet Altares, soit une augmentation de 19 % sur un an et de 69 % sur quatre ans.

La mise en place d’un prix de vente minimum pour les produits issus de l’élevage permettrait de rééquilibrer aussi bien la valeur sur l’ensemble de la chaîne que le pouvoir de négociation entre chaque acteur. Surtout, cela contribuerait à mettre un terme aux prix abusivement bas pratiqués par certaines enseignes et de sécuriser l’activité des éleveurs tout en leur donnant une visibilité sur l’avenir.

M. Thierry Benoit. Monsieur le président, j’aimerais vous alerter sur le déroulement de nos travaux : nous n’allons pas pouvoir tenir jusqu’à dimanche. À l’heure où l’on refuse de mettre les lapins et les poules en cage, on confine les députés dans de petites salles ! (Rires.)

En outre, la tablette qui m’a été fournie se déconnecte toutes les deux minutes, ce qui rend difficile le suivi des amendements.

J’aimerais que nous puissions travailler dans des conditions acceptables avec du matériel qui fonctionne et un rythme qui nous permette d’anticiper la présentation de nos amendements pour pouvoir appeler l’attention du rapporteur et du ministre sur tel ou tel point.

M. le président Roland Lescure. Mon objectif pendant nos six jours de débats en commission n’est pas d’être stakhanoviste. J’entends trouver un équilibre en donnant plus de temps aux débats de fond et en passant plus rapidement sur d’autres amendements qui n’en appellent pas. Je vais essayer d’être efficace. Si vous considérez que je vais trop vite, levez la main pour me le signaler et je ralentirai.

Mme Delphine Batho. Monsieur le président, nous sommes nombreux et nous pourrions peut-être débattre en salle Lamartine jeudi et vendredi.

M. Fabrice Brun. Puisque nous évoquons les prix abusivement bas, je tiens à dire combien je suis choqué par les poursuites engagées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à l’encontre des responsables du syndicat général des Côtes-du-Rhône. Comment peut-on leur reprocher d’avoir défendu un seuil minimal de prix en dessous duquel les vignerons ne pourraient pas vendre, compte tenu des coûts de production. Leur seule faute est d’avoir tenu un discours de valorisation de leur produit. Avouez que cela fait un peu désordre au sortir des États généraux de l’alimentation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je m’exprime en tant que rapporteur mais je précise qu’en tant qu’éleveur de bovins à viande, je connais les problématiques économiques propres à cette filière. Il n’est pas possible de fixer un prix de vente minimum en vertu de la prohibition des ententes. Si les producteurs s’engagent dans cette voie, ils s’exposeraient à des risques d’amendes, et des amendes très élevées. L’exemple cité par notre collègue le montre bien.

En outre, le projet de loi n’a pas vocation à prévoir des clauses différenciées en fonction des secteurs, même s’il y en a de plus fragiles que d’autres.

Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je comprends votre volonté de protéger notre secteur agricole mais j’ai le regret de vous dire que nous ne nous situons pas dans le cadre d’une économie administrée. La fixation de prix minimum est une atteinte au droit à la concurrence. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

M. Sébastien Jumel. Monsieur le président, le projet de loi qui nous est soumis est moins clivant que celui qui porte sur le pacte ferroviaire. Dans nos circonscriptions, de nombreux agriculteurs nous observent. Ils attendent beaucoup de nos débats. Ne confondons pas vitesse et précipitation. Je tiens non pas à marcher ou à courir mais à me poser pour réfléchir aux amendements présentés pour savoir s’ils sont bons pour les agriculteurs de nos territoires.

M. le président Roland Lescure. Disons-le une dernière fois : mon objectif est l’efficacité et non pas la précipitation. Je comprends que certains d’entre vous se sentent parfois frustrés. Si c’est le cas, chers collègues, je vous invite à lever la main et je ralentirai. Notre objectif commun est d’aller à l’essentiel. Je serai à votre écoute mais essayons tous ensemble d’avancer de manière à examiner l’ensemble du texte cette semaine.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE761 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. Cet amendement vise à préciser, dans la rédaction des clauses des contrats ou accords-cadres, la nature des caractéristiques des produits concernés comme le poids, la coloration ou encore le mûrissement. C’est une garantie à la fois pour le producteur et pour l’acheteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je tiens à saluer la qualité des amendements de M. Dive, qui apportent une vision différente sur ce texte. La qualité des produits est un enjeu. Les détails en sont fixés à l’alinéa 15 dans leur impact sur le prix payé au producteur. Je suis favorable à cet amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je m’en remets à la sagesse de votre commission. L’amendement précise la nature des caractéristiques évoquées à l’alinéa 9 mais dans des termes – « techniques et qualitatives » – qui ne sont pas définis dans d’autres textes. Cela dit, sur le principe, il va dans le bon sens.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1866 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Cet amendement vise à offrir un balisage auquel les producteurs pourront se référer pour fixer leurs conditions tarifaires. Il consiste à inscrire des clauses précisant les modalités de livraison qui s’appuieraient sur la réglementation des incoterms – international commercial terms – édictée par la chambre internationale de commerce dans sa dernière réglementation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les producteurs peuvent s’appuyer ou non sur ces conditions tarifaires internationales ; il n’est pas nécessaire de les rendre obligatoires dans les clauses minimales des contrats de toutes les productions.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il n’est pas pertinent de trop figer la rédaction des contrats en imposant une codification spécifique. Les contrats sont suffisamment complexes comme cela. Nous reviendrons d’ailleurs sur les contrats types. Il faut que les modalités de rédaction soient laissées au libre choix des parties.

Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1337 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. Le calibrage des fruits et légumes a été imposé, à l’origine, par une réglementation européenne visant à faciliter la transparence des échanges commerciaux entre les États membres. Force est de constater que ces normes sont bien souvent utilisées de manière abusive et qu’elles génèrent aujourd’hui beaucoup de gaspillage alimentaire. Les produits jugés « non conformes » sont en effet mis de côté par les producteurs puis jetés.

Cet amendement, issu du travail de la fédération France Nature Environnement (FNE), propose de mettre fin aux exigences abusives de calibrage présentes dans les contrats de vente des produits agricoles.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il convient de renvoyer aux interprofessions la responsabilité de prendre des mesures destinées à éviter les excès dans les normes de calibrage, qui les pénalisent en premier lieu. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. On peut partager la volonté d’interdire des clauses contractuelles abusives mais il est difficile d’interdire aux parties contractantes d’aller au-delà de la réglementation relative aux contraintes de production. Il faut éviter de limiter les stratégies de différenciation et de montée en gamme.

Je vous propose de débattre de ces sujets quand nous aborderons le titre II consacré au gaspillage alimentaire.

La commission rejette cet amendement.

La commission examine lamendement CE1922 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Il convient de tenir compte de la saisonnalité, à laquelle sont liés les rythmes et les volumes de production.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il faut laisser une marge de manœuvre aux interprofessions et aux organisations de producteurs en fonction des productions. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous cherchons à donner de l’air aux producteurs, aux transformateurs, aux interprofessions et aux organisations de producteurs. N’en rajoutons pas ! Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE762 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. Cet amendement de précision vise à intégrer la notion de délai de paiement dans la rédaction des clauses.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel CE1994 du rapporteur.

Elle examine lamendement CE1394 de Mme Célia de Lavergne, faisant lobjet dun sous-amendement CE2079 du rapporteur.

Mme Célia de Lavergne. Compte tenu des risques accrus d’aléas climatiques, il convient d’ajouter une clause relative à la calamité agricole consécutive à un aléa climatique ou sanitaire, qui ne relève pas des cas de force majeure.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La calamité agricole est comprise dans les cas de force majeure, mais il convient de le préciser par ce sous-amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement afin que nous travaillions à une nouvelle rédaction d’ici à la séance.

Lamendement CE1394 est retiré et le sous-amendement tombe.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE80 de M. Dino Cinieri, CE795 de M. Jean-Claude Bouchet et CE1880 de M. Thierry Benoit ainsi que lamendement CE1307 de Mme Martine Leguille-Balloy.

M. Dino Cinieri. Dans la pratique, les indemnités sont imposées par l’acheteur afin de prévenir les cas où les producteurs souhaitent changer de mode de production, pour passer en agriculture biologique par exemple ; elles ne doivent donc pas être prévues par la loi. Il convient au contraire d’encadrer les dérives liées à ces clauses défavorables aux producteurs, plutôt que d’imposer le principe par la loi.

M. Jean-Claude Bouchet. Il faudrait tout au moins tempérer ces sanctions !

M. Thierry Benoit. L’amendement est défendu.

Mme Sandrine Le Feur. Cet amendement vise à encadrer les abus liés à ce type de clauses et à éviter que le producteur ne soit dissuadé d’évoluer vers d’autres modes de production, notamment vers l’agriculture biologique.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable à l’amendement CE1307. Je demande le retrait des autres amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous invite à retirer l’ensemble des amendements afin de trouver, avec mes équipes si vous le souhaitez, une rédaction cohérente et coordonnée.

Les amendements sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1426 de Mme Monique Limon et CE1616 de M. Sébastien Jumel. 

Mme Monique Limon. L’amendement propose que la rupture du contrat, dans le cas d’une conversion en agriculture biologique, n’entraîne pas le versement d’indemnités par le producteur.

M. Sébastien Jumel. La production biologique doit augmenter pour répondre aux enjeux environnementaux et à la demande des consommateurs. Cet amendement, sage et peu révolutionnaire, vise à supprimer le versement d’indemnités de résiliation, qui peut constituer un frein supplémentaire à la conversion. 

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable à l’amendement CE1426. Je demande à M. Jumel de bien vouloir s’y rallier et de retirer le sien.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La sortie du contrat doit être facilitée, mais il ne convient pas de prévoir une absence totale et systématique d’indemnité. Par ailleurs, le cas visé par la rédaction est trop réducteur, tous les types de changement de production devant être pris en compte. Je demande le retrait de ces amendements en faveur de l’amendement CE80, qui sera sous-amendé.

M. Sébastien Jumel. Je retire mon amendement et voterai en faveur de l’amendement CE1426, mais j’espère que d’autres amendements déposés par mon groupe auront votre bienveillance, monsieur le ministre.

Lamendement CE1616 est retiré.

La commission adopte lamendement CE1426.

La commission examine lamendement CE1345 de Mme Bénédicte Taurine.

M. François Ruffin. Le Président de la République a expliqué que les prix devaient être construits à partir des coûts de production. La rédaction actuelle est plus que floue puisqu’il est prévu que « Les critères et modalités de détermination du prix mentionnés au 1° prennent en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture ou à l’évolution de ces coûts, un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires… ». Pour plus de précision, nous demandons que ces indicateurs soient déterminés par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires – OFPM –, dans chacun des secteurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il nous semble préférable de laisser la responsabilité aux interprofessions de choisir les indicateurs, déjà calculés par les offices techniques ou par l’OFPM. Un amendement portant article additionnel après l’article 5 vise à conférer un rôle plus important à l’Observatoire en cas de défaut des interprofessions.

Votre amendement fait référence à une « rémunération décente ». Le revenu des agriculteurs, à hauteur de 1,5 SMIC par unité de main-d’œuvre, est déjà intégré dans les indicateurs de coût de production.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ainsi que l’a rappelé le Conseil d’État dans son avis, le règlement OCM exige que les indicateurs soient laissés à la libre appréciation des parties. Le projet de loi vise à rééquilibrer le rapport de forces en encadrant davantage le contrat, mais en respectant aussi la liberté contractuelle, un principe constitutionnel. Il ne faut pas limiter le champ des possibles.

Par ailleurs, l’OFPM verra son action renforcée en matière de mise à disposition d’indicateurs et de recommandations sur l’établissement de ces indicateurs. Ce n’est pas son rôle, et il n’en a pas les moyens, que de définir les indicateurs pour tous les contrats.

M. Sébastien Jumel. Pendant que Serge Papin acceptait de se rendre au congrès de la FNSEA pour dialoguer sur un plus juste partage de la valeur ajoutée, Édouard Leclerc sortait un catalogue de 112 pages, proposant douze jours de promotions à moins 40 %, du gigot d’agneau origine France à 7,49 euros le kilo…

Dans le même temps, le président de l’OFPM expliquait que le « juste prix » était une escroquerie intellectuelle : « le juste prix, je ne sais pas ce que c’est. » Pour être au rendez-vous, la loi doit renforcer les prérogatives de l’OFPM et fixer des indicateurs fiables.

M. François Ruffin. La première partie du projet de loi est ambiguë : on veut de la régulation, mais sans régulateurs. On peut avoir confiance dans les acteurs, mais cette confiance peut être limitée.

La commission rejette lamendement.

La commission examine, en discussion commune, lamendement CE499 de M. Thibault Bazin et les amendements identiques CE564 de M. Daniel Fasquelle, CE962 de M. Rémy Rebeyrotte et CE1197 de M. Arnaud Viala ainsi que les amendements identiques CE81 de M. Dino Cinieri, CE796 de M. Jean-Claude Bouchet et CE1881 de M. Thierry Benoit.

M. Fabrice Brun. L’amendement CE499 vise à mieux encadrer le choix des indicateurs, qui doivent être publics et indiscutables. L’OFPM n’est plus mentionné comme organisme source des indices ; pourtant, doté de moyens adaptés, il pourrait être le meilleur garant de la justesse des indicateurs. Il convient, en outre, que les indicateurs soient publics afin qu’un acheteur n’impose pas aux producteurs un indicateur qu’il a construit lui-même.

M. Jérôme Nury. L’amendement CE564 procède de la même idée : avoir une référence objective, publique, complémentaire des indicateurs des interprofessions, afin de mieux encadrer les prix.

M. Arnaud Viala. Si l’indicateur reste occulte, la négociation risque d’être tronquée.

M. Rémy Rebeyrotte. L’amendement CE962 est défendu.

M. Dino Cinieri. Il convient de mieux encadrer le choix des indicateurs, qui doivent être publics et indiscutables.

M. Thierry Benoit. Lorsque les indicateurs sont connus de tous, aucun des cocontractants ne peut mettre en avant un autre indicateur ou être tenté de s’en écarter.

M. Jean-Claude Bouchet. Les indicateurs doivent être précis et indiscutables. Il faut à tout prix en améliorer l’impartialité.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Contraindre les opérateurs à utiliser des indicateurs nécessairement publics est contraire au principe de liberté contractuelle. Mais votre intention peut être satisfaite par un amendement à l’article 5, qui prévoit que les indicateurs des interprofessions sont rendus publics, et par un amendement portant article additionnel après l’article 5, qui vise à permettre à l’OFPM de pallier les défaillances des interprofessions.

L’idée est de laisser les opérateurs choisir des indicateurs, pas nécessairement publics, pertinents et consensuels – les interprofessions fonctionnant uniquement sur le mode du consensus. Un autre amendement visera à exclure les indicateurs spécialement construits par les différentes parties. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Exiger que l’ensemble des indicateurs soient publics limite le champ des possibles et la liberté des parties à contractualiser, un principe rappelé par le Conseil d’État. Par ailleurs, il faut tirer les leçons de l’application de la loi Sapin 2, puisque l’on sait la difficulté de disposer d’indicateurs publics qui soient adaptés à toutes les situations. Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel. J’entends bien que le secret des négociations puisse être compromis par le caractère systématiquement public des modes de construction des prix, mais il faudra bien désigner une personne de droit public, neutre, capable de dire si un producteur s’est fait rouler dans la farine. Faute de quoi, ce sera toujours le gros qui mangera le petit. La liberté de commercer est contraire aux objectifs que les États généraux se sont fixé. Je me demande si nous arriverons à objectiver et à trouver un médiateur pour les éléments de construction des prix.

M. François Ruffin. Nous voterons en faveur de tout élément pouvant renforcer la transparence dans le choix des indicateurs. Vient un moment où le relèvement des prix entre en contradiction avec la liberté de contractualiser, une liberté qui s’exerce bien souvent au détriment du producteur.

M. Jérôme Nury. J’entends l’argument du Gouvernement sur le respect de la liberté contractuelle, mais il s’agit bien d’indications, non d’obligations. L’État doit être un acteur transparent, garant de l’objectivité des prix. Il est important qu’il s’engage sur ces notions de prix, qui sont seulement des indicateurs.

M. Arnaud Viala. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous préciser la nature de votre amendement à l’article 5 ? S’il vise bien à rendre obligatoire le fait de rendre public l’indicateur, je retire l’amendement CE1197.

M. Nicolas Turquois. Compte tenu de la diversité des productions, j’estime qu’il faut faire confiance aux interprofessions.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je veux rappeler à MM. Jumel et Ruffin que l’un des objets du texte est de renforcer le rôle du médiateur, auquel il revient de vérifier la compatibilité des contrats et des accords signés avec les indicateurs proposés par les organisations interprofessionnelles.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le projet de loi est souple sur la définition des indicateurs de coût de production : il peut s’agit d’un indicateur de marge, mais aussi d’un indice d’évolution. Il est nécessaire de s’appuyer sur deux types d’indicateurs, les coûts de production et les valorisations des marchés.

Le projet de loi prévoit que les acheteurs devront transmettre aux producteurs ou à l’organisation de producteurs l’évolution des indicateurs de prix constatée sur les marchés sur lesquels ils opèrent, sous peine de sanction. Laissons faire les organisations interprofessionnelles et les filières, les mieux à même de déterminer les coûts. Nous avons eu un débat sur la fixation de prix minimum ; nous ne sommes pas dans une économie administrée et l’État agit pour donner un cadre et des garanties.

La commission rejette lamendement CE499.

Les amendements CE564, CE962 et CE1197 sont retirés.

La commission rejette les amendements CE81, CE796 et CE1881.

La commission est saisie de lamendement CE1146 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Les coûts de production doivent être l’un des critères les plus importants de la détermination du prix. Ils doivent constituer un prix plancher.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Définir un prix plancher est tentant mais serait une pratique absolument contraire au droit de la concurrence national et européen, en particulier à l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui interdit les pratiques d’entente.

Les producteurs d’endives en ont fait les frais en 2012 en écopant d’une amende de 3,9 millions d’euros, décidée par l’Autorité de la concurrence. Si des assouplissements ont été autorisés depuis, à aucun moment l’autorité publique ou les interprofessions ne peuvent définir un prix plancher.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

M. François Ruffin. Tout est fait pour qu’il y ait un prix plancher mais, par peur de se faire sanctionner par Bruxelles, vous ne voulez pas que ce soit affiché dans le projet de loi ; la doxa européenne domine ! J’espère que ce bricolage juridique sera favorable aux agriculteurs.

M. Sébastien Jumel. Si les traités européens ou internationaux constituent un frein à notre capacité à protéger les agriculteurs, le désespoir et la désillusion n’en seront que plus grands. Si, dans la détermination des prix, on considère comme des obstacles au commerce les principes tirés de la COP21, les règles sanitaires ou les règles sociales qui sont le socle de notre modèle républicain, nous aurons quelques soucis. Nous avons raison de continuer à nous opposer au CETA et au Mercosur !

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le prix plancher n’est pas seulement contraire au droit européen. Il deviendrait en fait le prix plafond et désavantagerait le producteur. Nous aurions alors un prix fixe, et une économie administrée – qui n’a pas vraiment réussi à l’agriculture chaque fois qu’elle a été mise en œuvre.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Effectivement, le prix plancher devient souvent le prix plafond. Laissons aux organisations professionnelles et interprofessionnelles des marges de manœuvre pour définir les prix en deçà desquels la vente est à perte, et la liberté de définir des prix justes, qui permettent de répartir les marges de façon équitable.

La commission rejette lamendement.

La commission est saisie de lamendement CE70 de M. Sébastien Leclerc.

M. Sébastien Leclerc. Cet amendement prévoit une utilisation différenciée des critères : ceux ayant trait aux coûts de production doivent être prépondérants par rapport aux indicateurs relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à la traçabilité ou au respect d’un cahier des charges.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les autres indicateurs peuvent être tout aussi utiles. Ils ne faut pas les rendre secondaires, au risque de dévaloriser des productions cherchant à monter en gamme ou à suivre un cahier des charges précis.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Permettre une utilisation différenciée des critères aurait pour effet de renvoyer la prise en compte de la démarche qualité à un niveau secondaire, alors que les filières qualité peuvent ainsi déterminer un niveau de prix supérieur. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1953 de M. Charles de Courson, CE1132 de M. Thierry Benoit, CE630 de M. Fabrice Brun, CE2003 de M. Thierry Benoit, et les amendements identiques CE72 de M. Dino Cinieri, CE600 de M. Fabrice Brun, CE1210 de M. Rémy Rebeyrotte et CE1869 de M. Thierry Benoit, ainsi que les amendements CE203 de M. Jérôme Nury, CE420 de Mme Véronique Louwagie, CE1550 de
M. Jean-Claude Leclabart et CE763 de M. Julien Dive.

M. Charles de Courson. En permettant aux parties de choisir tout indicateur pertinent, les pouvoirs publics espèrent s’extraire de la difficulté que constitue l’absence d’indices publics dans un certain nombre de secteurs. Ils renvoient ainsi aux parties la responsabilité de choisir l’indice auxquelles elles se réfèrent. Or cette méthode a un effet pervers, qui consiste à imposer aux coopératives la transparence à l’égard de leurs clients sur la construction de leurs prix amont. Tel est l’objet de la « cascade » qui rend inapproprié le choix d’un indice construit par les parties, ayant vocation à rester confidentiel. Seul un indice public, suffisamment neutre, permettrait de ne pas encourir ce reproche.

M. Thierry Benoit. Nous proposons de revenir à l’esprit de la loi Sapin 2, qui prévoyait le recours à des indices publics, solides et définis par l’OFMP. J’ai le sentiment qu’avec la référence aux indicateurs, nous faisons machine arrière. Il faut aller au-delà du simple message de la compétitivité.

M. Fabrice Brun. Avec cet amendement, nous sommes au cœur des enjeux des États généraux de l’alimentation qui ont révélé la nécessité de construire un indicateur public totalement neutre. À défaut, vous renvoyez aux parties la responsabilité de choisir un indicateur auquel elles vont se référer, ce qui produit un effet pervers : imposer aux acteurs qui se situent en amont, comme les coopératives, une transparence totale de la construction de leur prix qui devrait rester confidentiel. Seul un indice public peut être suffisamment neutre pour ne pas encourir ce reproche.

M. Thierry Benoit. Mon amendement CE2003 est défendu, monsieur le président, pour vous est agréable ainsi qu’à monsieur le ministre, à monsieur le rapporteur et à mes chers collègues de la commission.

M. Dino Cinieri. La rédaction actuelle de l’alinéa 15 de l’article 1er ne répond pas à l’objectif d’inversion de la mécanique de construction des prix alimentaires pour construire ces prix sur la base des coûts de production des éleveurs. Avec cet amendement CE72, nous proposons donc que ces indicateurs publics soient définis uniquement par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou par les interprofessions.

M. Rémy Rebeyrotte. Mon amendement est identique et propose aussi que ces indicateurs soient définis uniquement par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou par les interprofessions.

M. Thierry Benoit. Mon amendement CE1869 propose de rester dans l’esprit des États généraux de l’alimentation dont les premières conclusions avaient été révélées par le Président de la République le 11 octobre à Rungis. On parlait alors de l’inversion de la mécanique de construction des prix mais, finalement, ce sont les opérateurs qui fixent les indicateurs. Pour notre part, nous proposons, une fois de plus, que ces indicateurs soient définis par l’Observatoire de la formation des prix et des marges, et que l’on s’y tienne.

M. Fabrice Brun. Cet amendement CE600 se situe dans le prolongement de celui que j’ai précédemment défendu. Nous proposons des indicateurs publics de coûts de production non discutables. C’est la raison pour laquelle ils doivent être définis uniquement par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou par les interprofessions. Identifié lors des États généraux de l’alimentation, l’enjeu est d’inverser la mécanique de construction des prix alimentaires. Cet amendement propose donc de sécuriser ce mécanisme pour les agriculteurs et les éleveurs.

M. Sébastien Leclerc. Mon argumentation est la même.

M. Jérôme Nury. Mon amendement CE203 s’inscrit dans la même philosophie que les amendements identiques précédents. Décider que les conditions du contrat seront prévues par des indicateurs, sans déterminer ces indicateurs ou les organismes qui sont chargés de les établir, revient à les nier. Il s’agit d’utiliser des indicateurs publics qui sont fournis par l’Observatoire de la formation des prix et des marges et par les organisations interprofessionnelles.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement CE420 est dans le même esprit que ceux qui viennent d’être présentés. Ce projet de loi conduit à encadrer les relations commerciales entre les différents acteurs commerciaux et agricoles, et plus encore à intervenir sur les prix dont les indicateurs sont le critère essentiel. Dans un souci de transparence, ces indicateurs doivent être publics. Nous proposons donc que ces indicateurs soient ceux de l’Observatoire de la formation des prix et des marges et par les interprofessions. L’aspect public est très important et il faut faire en sorte qu’un acheteur n’impose pas un indicateur qu’il aurait construit lui-même avec des producteurs.

M. Jean-Claude Leclabart. Compte tenu des explications données par le rapporteur sur les amendements à venir, je retire mon abonnement CE1550.

M. Julien Dive. Je considère que mon amendement CE753 est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je vais éviter de répéter mon argumentation précédente. L’Observatoire de la formation des prix et des marges n’est pas le seul organisme à pouvoir déterminer les indicateurs de coûts de production. D’autres structures étatiques comme les instituts techniques – l’institut de l’élevage ou autres – ont développé des logiciels comme Couprod, qui sont notamment utilisés par les chambres d’agriculture. Lors du congrès des Jeunes Agriculteurs de mon département, j’ai assisté récemment à une présentation d’indicateurs qui recensaient tous les coûts de production sur ce territoire.

Nous avons souhaité responsabiliser les interprofessions et les laisser faire le tri dans les indicateurs qui seront utilisés. Après l’article 5, je vais présenter deux amendements qui visent à ce que les interprofessions rendent les indicateurs publics, une fois qu’elles auront choisi ceux qu’elles veulent utiliser. L’OFPM pourra éventuellement pallier une défaillance des interprofessions. L’idée est malgré tout que les interprofessions décident elles-mêmes.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. À l’alinéa 15 du texte, il est bien noté que les parties peuvent utiliser tous les indicateurs disponibles. C’est aux parties de choisir les indicateurs avec lesquels elles vont travailler pour fixer le prix le plus rémunérateur possible.

Faut-il rendre publics les indicateurs ? L’acheteur et le producteur doivent être au courant de ces indicateurs de prix pour pouvoir négocier entre eux. S’ils souhaitent les rendre publics par la suite, ça les regarde. C’est une manière d’éclairer les consommateurs et l’interprofession sur leur volonté.

Les pouvoirs et l’action de l’Observatoire de la formation des prix et des marges seront renforcés par la mise à disposition de ces indicateurs. Ce renforcement ne nécessite pas de modifications législatives. Il se fera par décret. Pour assurer une plus grande transparence et responsabiliser les acteurs, les contrats de revente des produits alimentaires devront faire référence aux indicateurs qui seront prévus dans le contrat entre le producteur et l’acheteur. Ce transfert en cascade des indicateurs vers l’aval est une manière d’en avoir connaissance. Nous renvoyons à l’article 5 pour éclairer et donner plus de poids aux indicateurs qui seront fournis par les interprofessions.

M. Sébastien Jumel. C’est compliqué. Si les acteurs de la politique agricole étaient suffisamment en position de force pour réguler, il n’y aurait pas eu les États généraux de l’alimentation, il n’y aurait pas besoin d’une loi et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pourtant, même des députés libéraux, qui sont de droite et a priori d’accord pour laisser faire le marché, demandent une loi qui protège et des indicateurs précis. Quand un homme de droite demande cela, je me dis qu’il parle en connaissance de cause, qu’il doit connaître l’incapacité du marché à protéger les plus faibles. En l’occurrence, j’ai plutôt tendance à vouloir le suivre. Pour le coup, il faut une loi qui régule et des indicateurs fiabilisés.

M. Thierry Benoit. Autant de liberté que possible, autant de régulation que nécessaire !

M. Sébastien Jumel. Voilà ! L’État providence, d’une certaine manière.

M. François Ruffin. Je vais abonder dans le sens de mon collègue Sébastien Jumel. On ne doit pas accorder une confiance sans limite aux interprofessions. Si nous légiférons, c’est précisément pour encadrer davantage ce qui se passe sur le terrain des prix. Nous craignons que les effets du texte soient quasiment nuls. Il ne faudrait pas aboutir à une usine à gaz, sans avoir une idée des prix. L’agriculteur resterait dominé sur le marché.

Dans le domaine agricole, on assiste à des alliances, à une remise en cause du marché, des accords internationaux et du libéralisme. Dans le domaine de l’industrie ou des services, on n’observe pas la même chose. Si un désir de régulation se manifeste de la droite jusqu’à notre gauche, je le prends. Il est nécessaire de réguler et de réagir à la division par deux en vingt ans du nombre d’exploitations agricoles.

M. Rémy Rebeyrotte. Compte tenu des précisions que vous avez apportées sur l’article 5 et des modifications qui seront apportées par le rapporteur, je retire l’amendement CE1210.

Mme Célia de Lavergne. Pendant les États généraux de l’alimentation, on a demandé à l’ensemble des professionnels de faire des propositions. Ils ont choisi le cadre des interprofessions pour définir des indicateurs ensemble. Rappelons aussi que, dans le cadre des interprofessions, les décisions se prennent à l’unanimité.

Que se passera-t-il si cela ne fonctionne pas ? En tant que parlementaires, il est normal que nous souhaitions réguler. Au sein du groupe La République en Marche, nous pensons qu’il ne faut pas fixer un prix plancher et un prix plafond identiques pour tout le monde. Nous voulons mettre en place des mécanismes de régulation par le biais de la publication des indicateurs. En cas de non-accord dans l’interprofession, les amendements précédemment évoqués donneraient la possibilité de recourir à l’Observatoire de la fixation des prix et des marges.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Comme l’a dit Mme de Lavergne, le but est de responsabiliser les interprofessions et les différents acteurs, en leur offrant un cadre juridique qui permette de rééquilibrer les rapports de force. Ce sera plus explicite dans la suite du texte.

Les amendements CE1210 et CE1550 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements CE1953, CE1132, CE630, CE2003, CE72, CE600, CE1869, CE203, CE420 et CE763.

Puis elle en vient à lamendement 1556 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Toujours dans le cadre de l’alinéa 15, je proposais de mentionner le mode de production utilisé parmi les indicateurs retenus, étant entendu que les coûts diffèrent fortement selon le type d’agriculture – conventionnelle, raisonnée ou biologique. Parmi les indicateurs retenus, ne figurent pas non plus les caractéristiques techniques de l’exploitation du producteur concerné, alors même que celles-ci ne sont pas sans effet sur les coûts. Mon amendement vise à intégrer ces données.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les coûts diffèrent fortement en fonction des types d’agriculture – conventionnelle, raisonnée ou biologique – mais il va de soi que ce sont des pratiques labellisées ou valorisées et donc différemment rémunérées. Le Conseil d’État a souhaité ajouter la notion de coût « pertinent » afin de s’assurer de la prise en compte de la diversité des coûts de production. Ce que vous proposez est déjà prévu par la loi. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cette précision peut avoir une portée pédagogique mais elle n’est pas utile dès lors que le projet de loi qualifie d’ores et déjà les coûts de production à prendre en compte de « pertinents ». Comme vous le verrez, l’amendement CE1346 aborde le sujet d’une manière beaucoup plus large que le vôtre. C’est pourquoi je demande le retrait de votre amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1308 de Mme Martine LeguilleBalloy.

Mme Graziella Melchior. Cet amendement propose d’utiliser des indicateurs publics pour une raison supplémentaire à celles qui ont déjà été évoquées : se mettre en conformité avec le droit communautaire. L’utilisation d’indicateurs mis au point par des acteurs privés risque d’être considérée comme une entente sur les prix ou au moins comme un premier pas dans cette direction.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je ne conteste pas que ces organismes puissent définir des indicateurs intéressants mais, comme j’ai eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises, il n’est pas possible de limiter les opérateurs dans le choix de leurs indicateurs. Il revient aux opérateurs de choisir les indicateurs et les organismes auprès desquels ils souhaitent prendre conseil. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il est bien prévu que ces organismes – l’Observatoire de formation des prix et des marges et FranceAgriMer – se mobilisent pour produire des indicateurs qui seront mis à la disposition des acteurs économiques. Je souhaite le retrait de votre amendement, madame Melchior.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CE1864 de M. Thierry Benoit et CE1995 du rapporteur.

M. Thierry Benoit. L’alinéa 15 précise que les critères et modalités de détermination du prix mentionnés au 1° prennent en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture ou à l’évolution de ces coûts. Avec cet amendement, nous proposons de prendre en compte les coûts pertinents de production en agriculture et l’évolution de ces coûts.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les grands esprits finissant toujours par se rencontrer, monsieur Benoît, j’ai déposé exactement le même amendement que le vôtre. J’émets donc un avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cette proposition ne correspond pas à l’équilibre des États généraux de l’alimentation qui visaient à laisser la possibilité, notamment en fonction du produit concerné, de prendre en compte un indicateur de niveau de coûts de production, par exemple le lait, ou un indice de l’évolution de ceux-ci, par exemple sur les céréales. Imposer deux indicateurs ajoute une contrainte supplémentaire. Je demande le retrait de ces amendements.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, il me paraît naturel et pertinent de prendre en compte à la fois un coût de production et son évolution car les productions agricoles sont soumises à de nombreux aléas liés notamment au climat et à la réglementation.

M. Nicolas Turquois. Précision lexicale : le « ou » mathématique n’empêche pas le « et », il prévoit les deux possibilités.

M. Grégory Besson-Moreau. Pour ma part, je suis d’accord avec Thierry Benoît et avec le rapporteur. Lors de la négociation d’un contrat avec la grande distribution, on peut utiliser l’indicateur de coûts. Cependant, le texte doit aussi prévoir la possibilité de faire évoluer ses revenus en fonction de l’évolution de l’indicateur de coûts de revient. Nous devons utiliser cet indicateur de coûts tout au long de l’année et travailler sur l’écart de cet indicateur de coûts pour faire évoluer le revenu de nos agriculteurs.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je maintiens ma demande de retrait pour que nous puissions retravailler sur ce sujet. On s’en reparle, comme on dit chez moi.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je préfère maintenir mon amendement, quitte à le retravailler s’il n’était pas adopté. Il est important de tenir compte à la fois du coût et de son évolution pour éviter d’éventuels effets pervers.

La commission adopte ces amendements.

Puis elle passe à lamendement CE1348 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Nous proposons de supprimer les mots « un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés sur lesquels opère l’acheteur. »

Alors que l’objectif est de tenir compte des coûts de production, on nous ajoute des indices concernant les prix de vente. Il faut savoir ce que l’on vise. Si l’on vise les prix de production, il faut juste s’en tenir aux coûts afférents et ne pas y mélanger les prix de vente.

Nous sommes d’autant plus inquiets qu’il est question de prix de vente sur « le » ou « les » marchés. On peut alors tenir compte des prix de vente sur le marché français ou sur les marchés internationaux, c’est-à-dire en des lieux où la concurrence se fait au détriment des salaires, de l’environnement et des rentrées fiscales. Si l’objectif est de réguler, il faut tenir compte des coûts de production et non pas des prix de vente. C’est un choix important.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’idée de cet indicateur est a contrario de favoriser la bonne rémunération de produits à forte valeur ajoutée où qui bénéficieraient d’une meilleure valorisation sur les marchés. Le prix de vente du Roquefort, par exemple, a des conséquences sur le prix du lait payé aux producteurs car c’est un produit cher sur les marchés notamment à l’exportation. Le seul indicateur de coût de production risque de tirer les prix payés vers le bas et non vers le haut. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Lors des États généraux de l’alimentation, les filières sont parvenues à un consensus sur le fait qu’il fallait prendre en compte à la fois les coûts de production et les valorisations du marché, afin d’éviter toute déconnexion. Votre proposition nuirait à la compétitivité des exploitations et des agriculteurs. Je suis défavorable à cet amendement.

M. François Ruffin. Vous dites deux choses différentes, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre.

M. le rapporteur nous explique que certains marchés sont mieux valorisés et qu’il faut en tenir compte. À ce moment-là, précisez qu’il faut prendre le mieux disant en termes de coûts de production ou de prix de vente, pour retenir la solution la plus favorable à l’agriculteur. Dans le texte, rien n’indique que la mesure va tirer vers le haut. Pour ma part, je le répète, je crains que ce ne soit l’inverse.

C’est d’ailleurs ce qui est sous-entendu dans vos explications, monsieur le ministre, sur la nécessité de ne pas se déconnecter du marché, voire des marchés internationaux, et de s’inscrire dans la compétitivité. Dans ces conditions, il n’y a pas de régulation et les coûts peuvent continuer à être tirés vers le bas au détriment des salaires, de l’environnement et des rentrées fiscales.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ne vous méprenez pas sur le terme de compétitivité. Une exploitation compétitive c’est une exploitation viable économiquement, c’est-à-dire que, quelle que soit sa taille, elle tire des revenus corrects d’une production qu’elle vend de la meilleure manière possible sur le meilleur des marchés. Pour certains produits, le prix de vente est une donnée essentielle et nous devons conserver cette double prise en compte : les coûts de production et ce que pèse un produit sur le marché.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE94 de M. Sébastien Leclerc.

M. Sébastien Leclerc. Renversant la logique du projet de loi qui retient les indicateurs relatifs au prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés sur lesquels opère l’acheteur, nous proposons des indicateurs relatifs aux prix constatés dans le département où est situé le producteur. Cet amendement permettrait de mieux refléter la réalité du coût production, alors que le texte du projet de loi propose de se baser sur la concurrence du marché.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La production française n’est pas seulement commercialisée à travers des circuits de proximité. Dès lors, votre amendement ne reflétera pas la réalité des marchés de distribution des produits. En outre, il risquerait de créer des distorsions entre les départements, ce qui n’est pas souhaitable : les acheteurs seraient en position de faire la course au moins cher. Défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CE1996 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement les amendements identiques CE1617 de M. Sébastien Jumel et CE1943 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Sébastien Jumel. Dans sa sagesse, la commission a adopté des amendements qui ont permis de remplacer un « ou » par un « et ». Avec cet amendement, je vous propose de supprimer les mots « le cas échéant ». Nous constatons une évolution sociétale : les consommateurs veulent connaître l’origine des produits grâce à la traçabilité. Ma fille Elsa, qui a huit ans, aime bien savoir d’où viennent les produits qu’elle mange, elle se préoccupe de leur qualité. Il faut permettre aux consommateurs de savoir d’où viennent les produits qu’ils mangent, et pas seulement le cas échéant.

M. le président Roland Lescure. Vous saluerez votre fille de notre part. Elle a fait son entrée à l’Assemblée nationale. C’est une dynastie qui commence…

M. Sébastien Jumel. Non, je la préserve de cela, mais je suis content de la citer ici.

Mme Sandrine Le Feur. La rémunération de la qualité et de la traçabilité est l’une des clés de réussite de la montée en gamme souhaitée par tous et notamment par le président Emmanuel Macron lors de son discours à Rungis le 11 octobre 2017.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Au passage, je salue ma fille Faustine, cinq ans. (Sourires.)

Je suis favorable à ces amendements que je trouve tout à fait raisonnables.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Moi, j’ai deux garçons. (Sourires.)

Je suis également favorable aux amendements.

La commission adopte ces amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement CE1564 de Mme Frédérique Lardet, CE1100 de M. André Chassaigne et les amendements identiques CE1610 de M. Sébastien Jumel et CE1944 de Mme Sandrine Le Feur ainsi que lamendement CE127 de M. Sébastien Leclerc.

Mme Frédérique Lardet. Mon amendement prévoit qu’un décret en Conseil d’État soit pris dans les six mois suivant la promulgation de la loi afin de préciser la liste des organismes qui seront chargés de publier les indicateurs éligibles.

M. Sébastien Jumel. C’est un amendement du président Chassaigne dont vous savez à quel point il est engagé sur les questions agricoles depuis longtemps et respecté dans ce milieu-là.

Toute l’opportunité de la définition de contrats de vente de produits agricoles permettant un meilleur partage de la valeur ajoutée au service des producteurs repose sur la prise en compte réelle des coûts de production pour chaque filière de production et par type de produits.

En prévoyant que les parties puissent s’appuyer sur « tous indicateurs disponibles ou spécialement construits par elles », le présent texte ne fixe aucun cadre précis à la valeur des indicateurs pris en compte dans la définition des contrats, laissant ainsi la possibilité aux acheteurs – industriels, grandes et moyennes surfaces – de définir elles-mêmes les indicateurs retenus.

Les auteurs de cet amendement souhaitent que la définition des indicateurs pris en compte dans le cadre du renforcement du cadre contractuel soit assurée et revue annuellement, respectivement par l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et par l’Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer (ODEADOM), les seuls établissements actuellement capables de définir de tels indicateurs.

M. Alain Bruneel. L’amendement CE1610 a pour objectif d’éviter qu’une multitude d’indicateurs ne soit utilisée sans aucun cadrage ni réelle visibilité sur ce qui se fait dans les contrats. Les parties doivent s’appuyer en priorité sur les indicateurs publics, notamment de l’Observatoire de la formation des prix et des marges, de FranceAgriMer, des instituts techniques et des interprofessions.

Mme Sandrine Le Feur. Les producteurs ont vraiment besoin d’un appui et nous devons renforcer les mécanismes présents dans le texte. Il est nécessaire que les indicateurs soient émis notamment par l’OFPM et par FranceAgriMer.

M. Sébastien Leclerc. Notre amendement vise à donner une place centrale à l’Observatoire de la formation des prix et des marges puisque les indicateurs à prendre en compte devront en émaner alors que le projet de loi prévoit que les parties peuvent utiliser tous les indicateurs disponibles ou spécialement construits par elles.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Comme je l’ai dit précédemment, nous voulons laisser les interprofessions libres de choisir les organismes et les indicateurs qui leur semblent les plus pertinents. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’émets un avis défavorable aux amendements CE1564, CE1100 et CE127. D’un point de vue pratique, il n’appartient ni à l’Observatoire de la formation des prix et des marges ni à l’ODEADOM de définir des indicateurs pour tous les contrats. Ce n’est pas leur rôle et ils n’en ont pas les capacités.

En revanche, je suis favorable aux amendements CE1610 et CE1944, à condition d’en améliorer la rédaction par le biais d’un sous-amendement. Je demande donc leur retrait pour qu’ils soient retravaillés avant la séance.

Les amendements identiques CE1610 et CE1944 sont retirés.

Les amendements CE1564, CE1100, CE1610, CE1944, CE127 sont rejetés.

La commission rejette successivement les amendements CE1564, CE1100 et CE127.

Puis elle examine lamendement CE1997 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Afin que les nouvelles modalités de prise en compte des indicateurs de coûts de production et de ceux relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires soient effectives, il convient de ne pas permettre aux parties d’utiliser leurs propres indicateurs à la place de ceux choisis par les interprofessions. Je propose donc de supprimer la mention : « ou spécialement construits par elles ».

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. C’est le Conseil d’État qui avait proposé d’apporter cette indication « ou spécialement construits par elles ». Les OP, les producteurs doivent pouvoir établir, en lien avec les centres de gestion ou les chambres d’agriculture, des indicateurs de coûts de production qui sont adaptées à leur situation. Même si le renvoi à « tout indicateur disponible », sans plus de précision, ne semble pas porter à conséquence, il peut présenter un risque d’insécurité juridique. D’où la mention préconisée par le Conseil d’État. Je demande le retrait de cet amendement.

Lamendement est retiré.

Puis elle en vient à lamendement CE11 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. Le présent amendement vise à une plus grande transparence et, à cette fin, à ce que les indicateurs construits par les parties ne puissent pas demeurer confidentiels et soient librement accessibles et vérifiables par tous.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je défendrai un amendement, je l’ai dit, afin que les interprofessions rendent publics l’ensemble de leurs indicateurs. En revanche, les indicateurs utilisés dans les contrats entrent dans le cadre du secret entre les deux contractants. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1448 de Mme Monique Limon et les amendements identiques CE295 de M. Vincent Rolland, CE327 de M. Jean-Yves Bony, CE409 de Mme Véronique Louwagie, CE1223 de Mme Graziella Melchior, CE1314 de M. Pierre Morel-À-LHuissier, et CE1812 de M. Nicolas Turquois ainsi que les amendements CE1725 de M. Dominique Potier, CE1634 de M. Sébastien Jumel, CE1145 de Mme Emmanuelle Ménard, CE500 de M. Thibault Bazin et CE1609 de M. Sébastien Jumel.

Mme Célia de Lavergne. Au cas où une interprofession n’est pas parvenue à s’accorder à l’unanimité sur des indicateurs, l’amendement CE1448 prévoit qu’à défaut l’OFPM puisse définir, selon des modalités fixées par décret, des indicateurs à utiliser. Les acteurs sont très soucieux que nous respections l’esprit de responsabilité des États généraux de l’alimentation.

M. Vincent Rolland. Les parties pourront désormais utiliser tout indicateur disponible ou spécialement construits par elles. Toutefois, cette mesure est insuffisante pour garantir la construction de coûts de production objectifs et la possibilité pour le vendeur ou son mandant de proposer des indicateurs qui aient une chance d’être retenus.

Cette situation de faiblesse structurelle pouvant nuire à la relation contractuelle et à la sincérité concurrentielle, il convient de préciser le dispositif afin d’assurer la sincérité et l’objectivité, notamment dans la détermination des coûts de production, par un avis extérieur et avisé.

C’est pourquoi l’amendement CE295 prévoit, pour les indicateurs autres que publics ou définis par les interprofessions, une procédure de validation préalable de tout autre type d’indicateur retenu.

M. Jean-Yves Bony. L’amendement CE327 prévoit, pour les indicateurs autres que publics ou définis par les interprofessions, une procédure de validation préalable de tout type d’indicateur retenu. C’est pourquoi ces autres indicateurs feront l’objet d’un avis rendu par l’OFPM puis d’une décision de l’autorité administrative ainsi éclairée sur la possibilité d’utilisation de cet indicateur potentiel.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CE409 est un amendement de repli par rapport au CE699, tous deux d’inscrivant dans la même logique de transparence.

Mme Graziella Melchior. L’amendement CE1223 est défendu.

M. André Villiers. Je n’ai pas le goût de la paraphrase et notre collègue Bony a déjà exposé tel quel ce que j’aurais dit.

M. Nicolas Turquois. Je crains qu’il y ait des trous dans la raquette pour la construction d’un certain nombre de contrats dès lors que l’interprofession aurait des faiblesses. Aussi les indicateurs utilisés doivent-ils pouvoir être rendus publics ou validés par une autorité. D’où l’intérêt de l’amendement CE1812.

M. Dominique Potier. Depuis une heure, nous débattons de transparence et d’équilibre commercial. Les députés du groupe Nouvelle Gauche considèrent la transparence des indicateurs comme une sorte d’hygiène dans la négociation commerciale. Les amendements que nous avons défendus ont été rejetés et aussi nous trouvons-nous dans une situation encore très déséquilibrée. Je rappelle que quelque 90 % des achats sont réalisés par quatre centrales – cela avant les concentrations futures… Un tiers des acheteurs réalisent 80 % du marché en matière de transformation des produits agro-alimentaires et il est illusoire de penser que, pour les interprofessions, les indicateurs des collectivités locales vont s’imposer. Il s’agit donc simplement de faire confiance aux professions, aux interprofessions, aux territoires pour s’organiser et fixer leurs indicateurs mais aussi de prévoir au moins cette sorte de corde de rappel que constituent les indicateurs fournis par l’OFPM. Si nous suivons la logique du rapporteur et du ministre, l’amendement CE1725 doit être voté parce qu’il fait confiance à l’autonomisation territoriale et entrepreneuriale et, en même temps, il garantit le minimum vital à nos producteurs.

M. Sébastien Jumel. J’ai écouté le ministre avec une bienveillante attention – c’est suffisamment rare, vis-à-vis d’un ministre en général, pour que je le souligne. J’entends qu’on ne puisse pas rendre publics tous les indicateurs. Du coup, l’amendement CE1634 vise à faire en sorte que quand ils ne sont pas publics, les indicateurs utilisés par les parties doivent préalablement être approuvés par une autorité administrative après avis de l’OFPM. Ce faisant, on respecte la confidentialité du business en même temps qu’on garantit que la loi préserve et protège. La disposition que nous proposons est pragmatique, prend en compte l’opinion du ministre et du rapporteur. C’est quasiment un amendement social-démocrate et j’ai presque honte de le défendre (Sourires), mais je pense qu’il va dans le bon sens.

Mme Emmanuelle Ménard. Dans le même esprit, je propose une disposition un peu différente, à savoir de compléter l’alinéa 15 par la phrase suivante : « Les parties doivent utiliser les indicateurs fournis par l’Observatoire de la formation des prix et des marges défini à l’article L. 682-1. »

En effet, les critères et les modalités de détermination du prix doivent pouvoir s’appuyer sur des indicateurs stables et objectifs. Il y va des revenus des agriculteurs. C’est la raison pour laquelle il faut faire appel à un organisme comme l’OFPM. Ce choix n’est pas anodin et le recours à cet observatoire ne crée pas une exclusivité ; le contrat peut faire mention d’autres indicateurs mais cet observatoire doit être mentionné dans la loi. Il est un gage d’objectivité pour les agriculteurs.

M. Fabrice Brun. L’amendement CE500 est défendu.

M. Alain Bruneel. L’amendement CE1609 est un amendement de repli qui a pour objet d’éviter que l’acheteur en position de force n’impose un indicateur, source de déséquilibre dans la fixation d’un prix juste payé au producteur. Il permet au minimum de cadrer les formules de détermination du prix dans les contrats. Cela encourage le recours aux indicateurs issus des instances publiques et aux indicateurs interprofessionnels. Dans les contrats, le prix doit être déterminé ou déterminable par une formule claire et accessible. En ayant accès à l’ensemble des données et aux indicateurs construits entre les parties, nous devons pouvoir connaître de façon transparente les modalités de fixation du prix.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement CE1448, il n’est pas possible de contraindre les acheteurs à utiliser les indicateurs de l’OFPM approuvés par l’autorité administrative. Les parties au contrat sont libres de leur choix. L’adoption de cet amendement contreviendrait au respect de la liberté des cocontractants.

Nous sommes attachés à la mission des interprofessions. Il faut faire attention aux mauvais signaux du législateur à l’égard des professionnels.

C’est pourquoi nous prévoyons un amendement à l’article 5 pour que ces indicateurs soient publics et un système de garantie d’intervention par l’OFPM en cas d’absence d’accord interprofessionnel. La pression sera forte pour que les interprofessions s’emparent de cette mission, qu’elles remplissent déjà, comme le montrent les plans de filières.

Pour ce qui est des autres amendements, l’argumentation est similaire : il n’est pas possible de prévoir l’approbation des indicateurs par une autorité administrative ; les parties, je le répète, doivent avoir la liberté de choisir les indicateurs pertinents parmi ceux disponibles, en particulier ceux diffusés par les interprofessions. Il s’agit d’une compétence à laquelle nous tenons.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Une autorité administrative, quelle qu’elle soit, ne peut pas intervenir sur les éléments du contrat et les éléments relatifs aux prix. C’est le cadre communautaire qui interdit toute intervention de l’État sur les prix. Cela n’empêche pas l’OFPM d’émettre des recommandations sur la pertinence des indicateurs. Je l’ai déjà souligné : un renforcement des missions de l’Observatoire, par voie réglementaire, est bien en cours. Enfin, la définition du prix abusivement bas, qui fait l’objet de l’amendement de repli, et le lien entre cette définition et les indicateurs de coûts de production contenus dans le contrat, seront traités par ordonnance. Les amendements en discussion ici n’ont par conséquent pas d’objet et j’y suis donc défavorable.

M. Nicolas Turquois. Qu’adviendra-t-il en cas d’absence d’accord interprofessionnel ou en cas de production peu ou pas couverte par une interprofession ? Que va-t-il se passer si l’on ne propose pas, alors, des indicateurs de coûts de production publics ?

M. Sébastien Jumel. Dans notre modèle républicain, la liberté contractuelle est consacrée, constitutionnalisée même. Cela n’a toutefois jamais empêché le législateur de considérer que la liberté contractuelle, lorsqu’elle se heurtait à l’intérêt public, à l’intérêt général, devait être encadrée par la loi. Il ne s’agit donc pas, à travers ces amendements, de proposer une économie administrée – j’ai bien compris que ce n’était pas dans l’air du temps et j’ai même compris que c’était le contraire qui était en train d’arriver –, mais d’au moins de se doter des outils qui permettent d’approcher au plus près ce qu’est l’intérêt public et, en l’occurrence, l’intérêt des agriculteurs.

M. Grégory Besson-Moreau. Je suis tout à fait d’accord avec le rapporteur et avec le ministre : le vote de l’un de ces amendements créerait une disparité entre les interprofessions, les unes disposant de leur propre indicateur, les autres décidant de ne pas en avoir… De surcroît, si l’OFPM donnait de meilleurs indicateurs que les leurs, j’aurais peur que les interprofessions se mettent à ne plus s’en servir, à ne plus en créer. Enfin, dans le cadre des EGA, nous avons tous pris conscience que les interprofessions voulaient être responsables. Eh bien, qu’elles le soient !

Mme Célia de Lavergne. Compte tenu de la discussion et des arguments du rapporteur et du ministre, les députés du groupe La République en Marche souhaitent examiner les dispositifs qui seront amendés par la commission concernant les indicateurs publics, les prix abusivement bas, et vérifier qu’en matière de régulation globale des contrats, nous nous y retrouvions. En attendant la séance publique, nous retirons donc l’amendement CE1448.

M. Dominique Potier. Nous maintenons le nôtre, en revanche : les multinationales dont il est question ont non seulement la capacité de louer des ressources sur la planète et dans nos territoires mais elles ont également la faculté quasi exclusive de fixer des normes. Aussi, concernant les coûts de production, la production environnementale de nos produits, la norme publique, qu’il faut faire valoir, nous apparaît comme un instrument de liberté. J’ai entendu l’argument qui vient d’être donné selon lequel les interprofessions n’ont qu’à être responsables, mais, dans le monde réel, la libre entreprise suppose une transparence minimale des coûts ; or les consommateurs veulent savoir ce qu’ils achètent et veulent participer à la création des produits et de leur valeur. Nous devons absolument trouver des moyens de parvenir à cet objectif.

Lamendement CE1448 est retiré.

Puis la commission rejette les amendements identiques CE295, CE327, CE409, CE1223, CE1314 et CE1812 ; enfin elle rejette successivement les amendements CE1725, CE1634, CE1145, CE500 et CE1609.

Elle examine ensuite lamendement CE573 de Mme Jennifer de Temmerman.

M. Paul Molac. L’amendement CE573 est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il n’est absolument pas possible de définir un prix plancher sans exposer les producteurs à de lourdes sanctions de l’Autorité de la concurrence. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1613 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Dans le même esprit que les amendements précédents, celui-ci vise à renforcer la transparence dans le mode de fixation des prix.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je partage tout à fait votre préoccupation de donner une certaine visibilité aux producteurs mais la plupart des contrats agricoles conviennent d’une formule de calcul de prix compliquée. Je vous propose de retravailler votre amendement en retenant la formule : « claire et accessible ».

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

M. Sébastien Jumel. Je suis preneur de l’expertise des services de l’Assemblée et de celle des services du ministre pour retravailler l’amendement pour peu qu’on en garde l’esprit.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1942 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Cet amendement vise à encadrer la détermination des indicateurs pour fixer le plus objectivement et de manière juste les prix entre les parties. Nous souhaitons encourager la mise en place des indicateurs issus à la fois d’instances publiques reconnues et d’interprofessions.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Même argumentation que précédemment : les parties ne peuvent pas fixer des prix et l’OFPM n’a pas vocation à valider ces derniers. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. De même : demande de retrait.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques CE1612 de M. Sébastien Jumel et CE1941 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Sébastien Jumel. On entend que l’OFPM ne peut pas fixer de manière absolue, définitive, l’ensemble des indicateurs, à moins de nuire au business… Mais peut-on au moins permettre à l’OFPM d’établir un mode de formation du coût de production moyen pour chaque filière, ce qui serait déjà une avancée non négligeable ? C’est le sens de l’amendement CE1612.

Mme Sandrine Le Feur. L’amendement CE1941 vise également à renforcer l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole, l’OFPM devant avoir un rôle neutre. Nous souhaitons par conséquent réaffirmer le rôle de l’OFPM dans sa mission d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la détermination des prix avec des indicateurs, objectifs, transparents et pertinents.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je rappelle le rôle de l’OFPM tel que défini par l’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime : « Il étudie les coûts de production au stade de la production agricole, les coûts de transformation et les coûts de distribution dans l’ensemble de la chaîne de commercialisation des produits agricoles. Il examine la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation des produits agricoles ».

Il ne lui revient donc pas de fixer les indicateurs des coûts de production. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La proposition de redéfinir les missions de l’OFPM dans l’article relatif à la contractualisation alors qu’elles sont déjà décrites dans un article dédié au code rural et de la pêche maritime, paraît inutile. Il est ici question de toute la filière alimentaire et non pas seulement de la production, ce qui est important pour apprécier la valeur ajoutée. Je suis donc défavorable à ces amendements identiques.

M. Thierry Benoit. J’appelle l’attention du ministre sur le fait que Mme Le Feur et M. Jumel souhaitent précisément renforcer le rôle de l’OFPM. Si, au cours de la présente discussion, nous ne parvenons pas à « consacrer » l’OFPM, nous aurons échoué. C’est pourquoi je soutiens pour ma part ces amendements.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite lamendement CE1349 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Parmi la multitude d’indicateurs proposée, pour que les producteurs et les acheteurs s’y retrouvent et sachent sur lesquels se fonder en priorité, nous proposons de préciser que ceux portant sur les coûts de production prévalent.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il pourrait être pénalisant, pour les productions à forte valeur ajoutée qui ont des prix de marché plus élevés, de tenir compte en priorité des coûts de production. Pensez notamment aux filières bénéficiant d’un signe officiel d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO). Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CL1908 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Une fois que l’OFPM sera renforcé, nous proposons d’insérer un alinéa, après l’alinéa 15, visant à permettre l’estimation du coût effectif de production en agriculture tel qu’évalué, précisément, par l’OFPM.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. De fait ces indicateurs pourront être pris en compte par les parties sans qu’elles y soient contraintes et sans qu’il soit besoin de le mentionner dans la loi. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable pour les mêmes raisons : il faut laisser aux interprofessions la liberté de choisir leurs propres indicateurs.

Lamendement est rejeté.

La commission examine ensuite lamendement CE1347 de Mme Mathilde Panot.

Mme Bénédicte Taurine. Nous souhaitons réaffirmer l’objectif de ces indicateurs. Il nous paraît donc important de préciser que leur prise en compte vise à garantir un revenu décent aux paysans, ce qui implique un prix de vente supérieur aux coûts de production auxquels s’ajoute la rémunération du producteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le calcul des prix de production prend bien évidemment en compte le salaire de l’agriculteur à hauteur de 1,5 SMIC. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1346 de M. Loïc Prudhomme.

Mme Bénédicte Taurine. Nous proposons que les indicateurs prévus « reflètent la diversité des conditions et des systèmes de production ». Un prix moyen par produit ne permet pas de prendre en compte la diversité des produits et des modes de production. On ne peut pas se fonder sur le même indicateur pour déterminer le coût de production et donc le prix de produits bio ou issus de l’agriculture conventionnelle. De même que les coûts de production ne sont pas identiques entre les grandes et les petites exploitations.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’avis du Conseil d’État sur cet alinéa a conduit le Gouvernement à préciser qu’il doit s’agir d’indicateurs « pertinents ». L’objet de cette insertion est de prévoir que ces indicateurs ne soient pas uniques ni le simple reflet d’une moyenne nationale qui ne tiendrait pas compte de la diversité des modes de production. Je suis néanmoins d’accord pour que l’on ajoute l’alinéa que vous proposez, donc avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La rédaction issue de la loi Sapin 2 n’a pas été conservée dans le projet de loi parce qu’elle était insuffisamment normative et difficile à contrôler ; elle a une portée pédagogique concernant les indicateurs de coûts de production. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte lamendement.

Elle finit par examiner lamendement CE405 de M. Grégory BessonMoreau.

M. Grégory Besson-Moreau. Nous vivons dans un pays dont le prix des produits alimentaires n’est pas administré mais nous sommes en droit de faire évoluer les prix négociés dans le cadre des contrats annuels en fonction des paramètres extérieurs. Vivre dignement de sa production est le but de ce projet de loi mais il n’est pas prévu de moyens obligeant les acteurs de la grande distribution à faire évoluer les prix en fonction des coûts de revient en cours d’année. Il ne s’agit pas ici d’intervenir dans la contractualisation des prix avec la grande distribution mais d’obliger à faire évoluer les prix d’achat en fonction de l’évolution de l’indicateur et donc de garantir un prix juste pour les transformateurs et pour nos agriculteurs, tout en conservant l’aspect de concurrence et de compétitivité que recherche la grande distribution. Un prix juste, ce n’est pas uniquement, une seule fois par an, lors de la négociation de son contrat avec la grande distribution, c’est aussi faire évoluer ses revenus en fonction de l’indicateur de coûts de revient prévu par le texte. Le présent amendement permet donc un prix juste pour le consommateur et un prix juste, toute l’année, pour les agriculteurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends tout à fait l’intérêt d’une certaine flexibilité dans l’évolution des prix. On sait bien, en effet, que la sclérose du prix est notamment responsable du fait que le prix au producteur ne fait que diminuer sans jamais monter. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je demande pour ma part le retrait de l’amendement afin qu’il soit retravaillé en vue de l’examen du texte en séance.

M. Grégory Besson-Moreau. J’espère que nous aurons l’occasion de passer beaucoup de temps pour le retravailler… En attendant je le retire.

Lamendement est retiré.

M. le président Roland Lescure. Nous avons examiné 157 amendements, soit 8 % du total.

La commission examine, en discussion commune, lamendement CE691 de
M. Marc Le Fur et lamendement CE1343 de Mme Mathilde Panot.

M. Marc Le Fur. Mon amendement CE691 vise à provoquer une réunion annuelle obligatoire entre les différents acteurs de la filière agricole, destinée à définir des stratégies communes. Il s’agira d’y associer les producteurs, les transformateurs et les distributeurs.

Mme Bénédicte Taurine. Notre amendement CE1343 cherche à proposer une solution efficace aux questions de partage de la valeur ajoutée et de garantie du revenu des paysans en instaurant des prix planchers d’achat aux producteurs pour chaque production agricole, et tenant compte notamment de l’évolution des coûts de production, du système de production et des revenus agricoles sur chaque bassin de production. Ces prix planchers seront fixés par l’État, à partir des indicateurs réalisés par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) et à l’issue de négociations interprofessionnelles annuelles.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je ne suis pas certain de saisir le sens exact de l’amendement CE691. S’agit-il d’une négociation de l’ensemble de la filière ? Une négociation collective amènerait à s’exposer au risque d’une sanction pour entente au sein de la filière : souvenez-vous de l’enquête de la Commission européenne sur les tables rondes organisées par le ministre de l’agriculture en 2015…

Les contrats tripartites sont tentants ; du reste, la négociation avec les distributeurs prévue au code de commerce peut être pluriannuelle. La négociation sur les modalités de détermination du prix contraindrait les industriels à rendre transparentes leurs marges, sans réel pouvoir de négociation.

Il faut à tout prix favoriser les contrats pluriannuels afin de donner de la visibilité aux producteurs. L’accord interprofessionnel ou le décret prévoient ainsi une durée minimale aux contrats, sans qu’elle ne puisse excéder cinq ans.

Par ailleurs, vous savez à quel point les négociations annuelles avec les distributeurs sont difficiles : mieux vaudrait, à la limite, les rendre elles aussi pluriannuelles.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

Pour ce qui est de l’amendement CE1343, je vous renvoie à l’article L. 631-27-1 du code rural et de la pêche maritime, introduit par la loi Sapin 2, lequel dispose que, pour chacune des filières agricoles, une conférence publique de filière est réunie chaque année avant le 31 décembre sous l’égide de FranceAgriMer. Elle réunit notamment les représentants des producteurs, des organisations de producteurs, des entreprises et des coopératives de transformation industrielle des produits concernés, de la distribution et de la restauration hors domicile. La conférence publique de filière examine la situation et les perspectives d’évolution des marchés agricoles et agroalimentaires concernés au cours de l’année à venir. Elle propose, au regard de ces perspectives, une estimation des coûts de production en agriculture et de leur évolution pour l’année à venir, en tenant compte de la diversité des bassins et des systèmes de production. Au moment où cette disposition a été discutée, il était bien clair que la conférence ne devait pas se prononcer sur les prix, au risque de sanctionner les opérateurs pour entente illicite. Je suis donc également défavorable à cet amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Dans les négociations entre industriels et distributeurs, et producteurs et industriels, la détermination du prix repose sur la transparence des informations. Or la négociation des produits agricoles est saisonnière : elle peut être mensuelle, bisannuelle, trimestrielle ; elle est liée en tout cas aux campagnes de production. Il n’est pas possible de faire coïncider les deux calendriers. Je suis donc défavorable à l’amendement CE691.

Pour ce qui est de votre amendement CE1343, Madame Taurine, le code rural et de la pêche maritime prévoit déjà la création des conférences publiques de filière pour faire le point sur les avancées des négociations collectives. Une négociation interprofessionnelle sur les prix et la fixation de prix plancher par le ministère de l’agriculture, comme vous le proposez, ne serait pas conforme au droit de la concurrence.

Si le renforcement du rôle des interprofessions est un objectif partagé par le Gouvernement, comme le prévoient d’ailleurs plusieurs dispositions du projet de loi, il n’est pas possible d’obliger par la loi ces organisations de droit privé à organiser des actions précises. Là aussi, j’émets un avis défavorable.

M. Dominique Potier. Monsieur le ministre, vous évoquez une conférence annuelle de la profession, une sorte de grand-messe où tout le monde peut se parler. C’était un amendement que nous avions défendu à l’époque et que le ministre avait accepté. Mais quelle est l’effectivité, pour reprendre un terme présidentiel, de cette mesure ? Les conférences se sont-elles réunies en 2016, en 2017 ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il y a eu les États généraux de l’alimentation… Ce n’est pas mal, tout de même !

M. Dominique Potier. La seule réunion qu’a eue l’interprofession, c’est l’impulsion donnée à Rungis par le Président de la République. À cette exception près, il n’y a eu aucune réponse effective. La constitution de grandes associations d’organisations de producteurs (AOP) figurait également dans la loi Sapin 2 ; or cela ne s’est pas fait non plus. J’appelle donc l’attention de mes collègues : il ne suffit pas de proclamer des choses ici pour qu’elles se concrétisent sur le terrain. En l’occurrence, et je n’en accuse pas forcément l’État, force est d’admettre que toutes les parties prenantes ne se sont pas mobilisées pour les mettre en œuvre.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle est saisie de lamendement CE2033 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je précise que cet amendement a été rédigé en collaboration – une fois n’est pas coutume – avec un parlementaire européen, M. Michel Dantin. Il vise à retranscrire dans le droit français, même s’il aurait peut-être pu s’appliquer directement, l’article 172 bis du règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles introduit par l’adoption du règlement dit « Omnibus » qui prévoit que « sans préjudice de toute clause spécifique de répartition de la valeur dans le secteur du sucre, les agriculteurs, y compris les associations d’agriculteurs, et leurs premiers acheteurs, peuvent convenir de clauses de répartition de la valeur, portant notamment sur les gains et les pertes enregistrés sur le marché, afin de déterminer comment doit être répartie entre eux toute évolution des prix pertinents du marché et des produits concernés ou d’autres marchés de matières premières ».

Les missions des interprofessions ont également été étendues à l’établissement de clauses types de répartition de la valeur au sens de l’article 172 bis, portant notamment sur les gains et les pertes enregistrés sur le marché, afin de déterminer comment doit être répartie entre elles toute évolution des prix pertinents du marché des produits concernés ou d’autres marchés de matières premières.

Le règlement européen est d’application directe, mais l’application de cet article demeure une faculté pour les producteurs ainsi que pour les interprofessions.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Favorable.

M. Sébastien Jumel. Nous voterons cet amendement, en souhaitant qu’il puisse peut-être faire jurisprudence. Lorsque des mesures sont plus protectrices au plan européen qu’au plan national – mais c’est rare –, on nous oppose leur applicabilité directe pour refuser leur transposition en droit français. Je note que cette fois-ci, dans sa grande sagesse, le rapporteur nous explique qu’une garantie vaut mieux qu’une promesse, qu’un tien vaut mieux que deux tu l’auras. J’en prends acte et je propose que cela fasse jurisprudence dans cette commission…

M. Antoine Herth. Monsieur le rapporteur, cet amendement ne concerne-t-il que le secteur du sucre ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Justement non : il concerne tous les secteurs, à l’exception du secteur du sucre qui bénéficie déjà d’une dérogation à l’organisation commune des marchés (OCM). Nous souhaitons appliquer la même clause de répartition de la valeur que celle qui existe déjà au sein de la filière sucre.

La commission adopte lamendement.

Puis elle étudie lamendement CE1940 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Le présent amendement vise à l’amélioration de l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole, en faisant la promotion d’un effort de transparence et de pédagogie à destination de toutes les parties au contrat.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’objet de la rédaction de l’alinéa 15, nous en avons discuté tout à l’heure, est bien de faire en sorte que la transparence dans la détermination du prix payé ne se limite plus à une simple référence aux indicateurs, qui doivent réellement être pris en compte. Il est bien prévu que le contrat mentionne noir sur blanc les « critères et modalités de détermination et de révision du prix ». Votre amendement est déjà satisfait ; je vous suggère de le retirer. À défaut, j’émets un avis défavorable.

Mme Sandrine Le Feur. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1911 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Le code de commerce prévoit que les conditions générales de vente (CGV) doivent être adressées avant le 30 novembre. Afin de rendre les relations commerciales plus équilibrées, il serait préférable de permettre une première phase de négociations entre producteurs et industriels précédant l’envoi des conditions générales de vente aux distributeurs. Cette phase de discussion entre les producteurs et les industriels devrait être achevée avant le 30 novembre afin que puisse s’engager une deuxième phase au cours de laquelle les industriels se tourneraient vers les autres acteurs et leur présenteraient les conditions générales de vente ; mais les négociations entre producteurs et industriels devront avoir eu lieu en amont.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends bien votre souci de régler les contrats en amont avant les négociations commerciales et l’envoi des CGV… Mais je maintiens qu’il faut à tout prix favoriser les contrats pluriannuels afin de donner de la visibilité aux producteurs. L’accord interprofessionnel ou le décret prévoient d’ailleurs une durée minimale aux contrats, sans qu’elle ne puisse excéder cinq ans.

Je vous présenterai après l’article 10 des amendements encore plus révolutionnaires, pour reprendre un terme qu’affectionne M. Ruffin, ou plus disruptifs par rapport aux négociations commerciales.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, les négociations agricoles sont par nature saisonnières : elles peuvent être mensuelles, trimestrielles, etc. ou liées à des campagnes de production. Je comprends bien quel est l’objet de votre amendement : être prêt avant les négociations commerciales, mais il est compliqué de fixer à une date précise l’arrêt des discussions pour l’ensemble des productions.

M. Dominique Potier. Vous avez indiqué que l’article 1er favorisait les contrats pluriannuels, on pourrait même dire qu’il favorise les grandes associations d’organisations de producteurs. Mais concrètement, quel avantage est conféré aux contrats pluriannuels et aux grandes AOP, seuls outils capables de créer un nouveau rapport de forces dans les négociations commerciales ?

Vous annoncez des propositions révolutionnaires. Cela nous éclairerait si vous jouiez tout de suite cartes sur table : cela nous éviterait d’avoir à insister sur des propositions plus archaïques et plus fragmentaires et nous pourrions aller plus vite. Nous sommes dans un état d’esprit qui permet d’accueillir vos propositions avec bienveillance et attention.

M. Thierry Benoit. Effectivement, mon amendement va dans le sens souhaité par les États généraux de l’alimentation par le ministre de l’agriculture et le Président de la République : inverser la construction du prix par l’instauration de négociations préalables à l’édiction des conditions générales de vente entre les producteurs et les industriels.

Monsieur le rapporteur, vous envisagez de présenter des amendements après l’article 10. Le groupe UDI, Agir et Indépendants est prêt à mettre en suspens le présent amendement si vous m’assurez que nous reviendrons, après l’article 10, à une phase préalable de négociations entre les organisations de producteurs (OP) et les industriels, avant publication des conditions générales de vente.

M. Marc Le Fur. Les réponses du rapporteur et du ministre sont contradictoires : le ministre soutient, non sans raison, que la négociation du prix agricole doit être liée à la réalité, à la saison, à la production, à la moisson, etc., tandis que le rapporteur est plutôt dans une logique pluriannuelle.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ce n’est pas incompatible !

M. Marc Le Fur. Ce n’est peut-être pas incompatible, mais cela mérite un minimum d’explications.

Cet amendement, comme les précédents qui viennent d’être rejetés, vise à créer un rendez-vous obligé, préalable aux grandes négociations commerciales qui se poursuivront, j’imagine, en janvier et février. Vos réponses, prises une à une, ont chacune leur cohérence, mais elles sont très contradictoires. Et en tout état de cause, ce n’est pas la logique des États généraux de l’alimentation.

M. Sébastien Jumel. Je peux admettre que les parlementaires soient moins experts sur ce sujet que le ministre ou le rapporteur. Cela dit, nos amendements visent à appeler l’attention sur le fait que lorsque des négociations sont engagées, le facteur temps joue contre le plus faible. Vous le savez, dans le rapport de forces qu’établissent les acheteurs à l’égard des producteurs, surtout quand on produit des denrées périssables, la problématique du temps, y compris quand on peut s’approvisionner à l’étranger, est un élément d’affaiblissement, voire d’affaissement des prix. Je ne prétends pas que le présent amendement règle définitivement la question, mais en inscrivant dans la loi des rendez-vous obligatoires, rythmés…

M. le président Roland Lescure. Merci !

M. Sébastien Jumel. Monsieur le président, vous aviez dit qu’on pouvait avoir un peu plus de temps sur des sujets importants. J’ai dépassé de trois secondes mon temps de parole : ce n’est pas la mort !

M. le président Roland Lescure. Mais si l’on multiplie trois secondes par le nombre d’interventions, faites le calcul !

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je ne vais pas faire durer le suspens plus longtemps !

Après l’article 10, je propose de retirer des négociations commerciales annuelles tout ou partie des produits agricoles et agroalimentaires, notamment tout ce qui concerne les viandes hachées, la charcuterie, etc., autrement dit les produits sur lesquels les pressions sont assez fortes et qui affectent directement les producteurs. Je précise que ce rendez-vous annuel n’existe d’ailleurs nulle part ailleurs en Europe. Au demeurant, monsieur Le Fur, le contrat pluriannuel n’exclut pas de prendre en compte la saisonnalité. Et il peut y avoir des clauses de revoyure. Je considère donc que les arguments du ministre et les miens ne sont pas du tout contradictoires.

M. le président Roland Lescure. Monsieur Benoit, les précisions du rapporteur répondent-elles à votre question ?

M. Thierry Benoit. Je maintiens mon amendement, car il est nécessaire qu’il y ait une discussion entre l’amont et l’aval, c’est-à-dire entre les OP et les industriels, préalablement aux négociations commerciales et à la publication des conditions générales de vente.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement CE1614 de
M. Sébastien Jumel, lamendement CE1939 de Mme Sandrine Le Feur et lamendement CE1615 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Monsieur le président, je précise que lorsque je prends la parole je n’ai pas le chronomètre dans mon champ de vision. Je peux donc être difficilement à la seconde près !

M. le président Roland Lescure. Monsieur Jumel, je veux juste que tout le monde respecte la même discipline. Si vous interveniez tantôt cinquante‑cinq secondes, tantôt une minute cinq, ça ne poserait pas de problème. Mais c’est systématiquement une minute cinq ! Vous n’avez peut-être pas de chronomètre devant vous, mais vous avez un chronomètre interne !

M. Sébastien Jumel. Mon débit de parole n’est peut-être pas celui d’un homme pressé !

M. le président Roland Lescure. Je vous demande de penser aux autres et au bien commun, et je demande à chacun de limiter son temps de parole à une minute.

M. Sébastien Jumel. Vous mesurez que je suis dans une logique constructive et non de blocage. Cela dit, nous connaissons des méthodes pour mettre le bazar…

M. le président Roland Lescure. Là-dessus, je vous fais confiance !

M. Sébastien Jumel. Je vous propose de préserver l’état d’esprit dans lequel nous sommes. Il ne faut pas exagérer : je n’ai dépassé mon temps de parole que de trois secondes !

M. le président Roland Lescure. Trois secondes multipliées par mille, cela fait 3 000 secondes !

M. Sébastien Jumel. Trois mille secondes, ce n’est pas la mort !

L’amendement CE1614 vise à prendre en compte les éléments constructifs du débat pour préserver la confidentialité des négociations et ne pas renforcer exagérément les compétences de l’Observatoire de la formation des prix et des marges.

Nous proposons que, une fois les négociations achevées, les contrats soient transmis dans un délai d’un mois à l’Observatoire, pour vérifier non pas l’opportunité de ces contrats, mais leur conformité avec la loi. Ce serait une sorte de contrôle de tutelle des négociations en cours pour s’assurer de la préservation de l’intérêt général.

J’ai défendu mon amendement en quarante-deux secondes, monsieur le président !

M. le président Roland Lescure. Je vous en félicite !

Mme Sandrine Le Feur. L’amendement CE1939 vise à réaffirmer le rôle de l’Observatoire dans sa mission d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la détermination des prix avec des indicateurs objectifs, transparents et pertinents, adaptés à chaque filière agricole et à leurs spécificités, en particulier lors de la révision des prix.

M. Alain Bruneel. L’amendement CE1615 vise à rendre plus transparent le marché des contrats. Il convient ainsi d’avoir une instance publique qui ait en sa possession les contrats. Le rapport de forces est tel que les producteurs ne dénonceront pas forcément la pression dont ils sont victimes : les indicateurs utilisés pour la détermination des prix doivent être objectifs, transparents et pertinents. Cela pourra aussi servir pour que les pouvoirs publics aient à disposition immédiate le contrat visé lors de la saisie du médiateur ou de procédure de caractérisation d’un prix abusivement bas.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Monsieur Jumel, votre amendement CE1614 serait d’application compliquée compte tenu des moyens de l’OFPM et de ses missions de simple observation et de transparence sur les prix et les marges : en aucun cas on ne saurait en faire un tiers partie prenante des contrats ; au vu du nombre de contrats que cela pourrait représenter, il faudrait multiplier par je ne sais combien les moyens de l’OFPM. Le médiateur, une fois que nous aurons adopté les dispositions prévues à l’article 2, aura les moyens d’agir ; les parties pourront lui transmettre les contrats en cas de litige.

Madame Le Feur, La clause mentionnée à l’article L. 4418 du code de commerce n’est pas une clause de révision, mais bien une clause de renégociation sans révision automatique du prix. Par ailleurs, le projet de loi prévoit, à l’alinéa 7 de l’article 6, l’intervention du médiateur des relations commerciales agricoles dans un délai d’un mois « sans que les stipulations du contrat puissent s’y opposer ». Je ne suis donc pas favorable à votre amendement CD1939.

Enfin, s’agissant de l’amendement CE1615, le volume des contrats serait disproportionné au regard du nombre de cas de négligence. Il est plus efficace pour les parties de saisir l’administration, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou les agents du ministère, qui seront habilités à les contrôler et, en cas de litige, le médiateur dont c’est précisément la mission. Avis défavorable également.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis que le rapporteur sur les trois amendements.

M. Sébastien Jumel. Monsieur le rapporteur, je crois que vous n’avez pas lu précisément l’amendement CE1615 qui vise à transmettre à la DGCCRF lesdits contrats pour qu’elle en mesure la légalité. Je ne comprends donc pas votre réponse.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Les articles 2 et 3 prévoient un réaménagement des sanctions de la méconnaissance des dispositions relatives aux contrats de vente des produits agricoles et de leurs modalités d’application.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle étudie lamendement CE1309 de Mme Martine Leguille-Balloy.

Mme Graziella Melchior. Cet amendement vise à faire préciser, dès la rédaction des accords-cadres et des contrats, les modes de résolution des litiges. Il s’agit de ne pas prendre le risque de rajouter un litige à un litige qui pourrait survenir.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’article 4 du projet de loi traite spécifiquement de la résolution des litiges, en particulier en modifiant l’article L. 631-28 que vous citez. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cet amendement est contre-productif parce qu’il semble inciter au recours à d’autres médiations que la médiation des relations commerciales agricoles, que le projet de loi prévoit justement de renforcer. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient ensuite à lamendement CE1310 de Mme Martine LeguilleBalloy.

Mme Graziella Melchior. Cet amendement est proposé dans un souci de clarification puisque les précisions que vise cet alinéa doivent être obligatoirement ajoutées aux dispositions des alinéas 8 à 16.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CE1998 du rapporteur.

Elle en vient à lamendement CE1194 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. À force de lire et de relire ce texte de loi, j’ai fini par débusquer une faute d’orthographe à l’alinéa 20… D’où cet amendement rédactionnel.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Favorable !

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Quelle attention ! Favorable.

M. le président Roland Lescure. Merci surtout à M. Dive de s’être associé à cet amendement révolutionnaire ! (Sourires)

La commission adopte lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement CE1437 de
M. Jean-Claude Leclabart, les amendements identiques CE501 de M. Thibault Bazin et CE837 de M. Marc Le Fur, et lamendement CE1813 de M. Nicolas Turquois.

M. Jean-Claude Leclabart. L’amendement CE1437 va dans le sens de plusieurs de ceux que viennent de défendre mes collègues. Mais comme le rapporteur vient de nous annoncer qu’il allait présenter des amendements révolutionnaires, je le retire…

Lamendement est retiré.

M. Fabrice Brun. Le texte évoque une négociation « périodique », mais le terme nous semble trop vague. Compte tenu de la nature des produits en jeu, il convient de tenir compte du cycle de production. Tel est l’objet de l’amendement CE501.

M. Marc Le Fur. Mon amendement CE837 devrait recevoir l’accord du ministre puisque c’est un peu le raisonnement qu’il a tenu tout à l’heure : il faut tenir compte de la saisonnalité, du cycle de production, etc.

M. Nicolas Turquois. Nous restons par notre amendement CE1813 fidèles à notre logique qui vise à faire confiance aux acteurs et donc à l’interprofession. Comme le législateur ne pourra pas prévoir toutes les situations possibles, nous proposons de laisser aux interprofessions le soin de définir la saisonnalité, la périodicité qui leur semble la plus adaptée. Le législateur ne peut prévoir toutes les situations possibles.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis tout à fait d’accord avec l’argument que vient de développer M. Turquois. Je suis donc favorable à son amendement CE1813 et je propose le retrait des amendements identiques CE501 et CE837.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis favorable à l’amendement CE1813 qui reprend l’ensemble de ce que nous voulons faire et qui satisfait ainsi les amendements identiques.

M. Fabrice Brun. Je maintiens l’amendement CE501.

M. Marc Le Fur. Comment cette périodicité va-t-elle s’articuler avec des marchés
– par exemple la viande bovine, la viande porcine – qui peuvent être très occasionnels, sur des périodes de quelques jours ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. S’agissant de la viande bovine, secteur que je connais plutôt bien, l’essentiel, à l’exception de la viande hachée, est négocié à la semaine. Les contrats seront signés sur une ou plusieurs années, mais les négociations sur les prix se feront à la semaine. Cela ne pose donc pas de problème particulier. C’est pour cela que nous préférons qu’elle soit assurée par l’interprofession.

Les contraintes liées à la saisonnalité et à l’écoulement des produits ne sont pas les mêmes pour les fruits et légumes et la viande porcine par exemple. L’amendement de M. Turquois est le plus intéressant, car il tient compte des spécificités de chaque interprofession et de chaque production, qui peuvent faire varier les besoins : dans certaines productions, il n’y a pas de question de saisonnalité.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle adopte lamendement CE1813.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE17 de M. Jérôme Nury, CE82 de M. Dino Cinieri, CE702 de Mme Véronique Louwagie, CE882 de M. Antoine Herth, CE1092 de M. Marc Le Fur, CE1661 de M. Pierre
Morel-À-LHuissier, CE1726
de M. Dominique Potier et CE1883 de M. Thierry Benoit.

M. Jérôme Nury. Notre amendement CE17 a pour objet de parfaire la construction du prix en marche avant, par une négociation du prix payé aux producteurs en amont des négociations commerciales avec la grande distribution. Pour ce faire, nous prévoyons un mécanisme de transmission en cascade des indicateurs de coût de production. Il paraît pertinent de prévoir dans l’accord-cadre des modalités de transparence entre l’OP ou l’AOP et l’acheteur pour construire une chaîne d’information qui sera suivie et qui va jusqu’au producteur final.

M. Dino Cinieri. Notre amendement CE82 entend prévoir dans l’accord-cadre les modalités de transparence entre l’OP ou l’AOP et l’acheteur, afin que ce dernier présente le lien qu’il établit entre le prix payé au producteur et les indicateurs transmis à son client.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement CE702 est identique. La transparence est très importante, et c’est un objectif que les uns et les autres ont développé. Pour aller vers cette transparence, il est important de pouvoir obtenir un certain nombre d’éléments sur l’ensemble de la construction du prix en marche avant.

M. Dominique Potier. C’est la cascade de d’indice des valeurs qui est en jeu ici. Notre amendement CE1726 propose que l’accord-cadre prévoie également les modalités de transparence entre l’OP ou l’AOP et l’acheteur.

M. Thierry Benoit. Mon amendement CE1883 est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Puisqu’on parle de marche avant, je ne peux être que favorable à ces amendements…

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Si l’on veut assurer une plus grande transparence et responsabiliser l’ensemble des acteurs, les contrats de revente des produits agricoles ou alimentaires doivent faire référence aux indicateurs prévus dans les contrats entre le producteur et l’acheteur : c’est ce qu’on appelle le transfert en cascade des indicateurs vers l’aval. Cette mesure ne vaut que pour la première cascade, puisqu’une habilitation est prévue pour introduire une référence tout au long de la filière.

Certains amendements prévoient également une remontée d’information au producteur dans la façon dont sont pris en compte par l’acheteur les indicateurs dans les contrats aval. J’y vois plutôt des propositions positives en ce qu’elles participent à l’amélioration de la transparence.

Je partage pleinement l’objectif visé par ces amendements. Il est intéressant que l’acheteur puisse présenter à l’OP le lien qu’il établit dans son contrat aval avec les indicateurs qui ont été transmis dans le cadre du dispositif de cascade. Toutefois, la rédaction des amendements ne convient pas parce qu’elle vise le lien entre le prix payé au producteur et les indicateurs. Or ce lien n’est pas un lien de cascade : il renvoie au contrat amont initial qui est proposé par l’OP. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.

M. Marc Le Fur. Les éleveurs nous répètent souvent qu’il faut tenir compte dans leur prix de vente du prix de certains intrants, aliment et autres. Cette dimension très concrète doit être intégrée : si l’on n’a pas la possibilité de faire état du prix des intrants à la charge de l’éleveur pour qu’ils soient répercutés sur le prix de vente du produit, je ne vois pas trop l’intérêt de la transparence… C’est un des objectifs de ces amendements qui ont été unanimement défendus, me semble-t-il.

M. Antoine Herth. La position du ministre me surprend et je me retrouve davantage sur la ligne du rapporteur. Dans le domaine de la pêche, par exemple, le prix du carburant est repris en pied de page et répercuté sur l’ensemble de la chaîne, jusqu’à la distribution du poisson. Dans le même esprit, nous souhaitons, et c’était l’un des éléments forts des États généraux de l’alimentation, que les coûts de production agricole puissent être pris en compte jusqu’à la fin de la chaîne de la distribution. Tel est l’objet de ces amendements dont je me réjouis qu’ils soient soutenus par le rapporteur.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Lorsqu’un producteur produit lui-même ses matières premières, son alimentation du bétail, etc., les bases ne sont pas tout à fait les mêmes que dans le domaine de la pêche. Le dispositif n’a rien à voir avec celui qui avait été mis en place pour les pêcheurs à la suite de la crise de 2010, provoquée par une hausse phénoménale du gazole.

La commission adopte les amendements identiques.

Puis elle étudie lamendement CE1814 de M. Nicolas Turquois.

M. Nicolas Turquois. Dans une relation déséquilibrée entre l’acheteur et le vendeur, la difficulté pour le vendeur tient dans l’estimation du prix de vente réel par unité de production – au kilo de blé, au litre de lait, etc. Pour tenir compte par exemple des frais de promotion qui sont imposés par l’acheteur, nous souhaiterions que le contrat mentionne le prix net de l’ensemble des frais affectés au contrat de vente, afin que cet élément d’information soit visible, facilement accessible et compréhensible.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement propose de prévoir le prix affecté par les frais facturés au producteur. Une telle clause est déjà prévue par le code du commerce. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émets un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je demande le retrait de cet amendement.

L’article 1er encadre les contrats de produits agricoles entre le producteur et le premier acheteur. Ces contrats concernent généralement aussi le maillon intermédiaire de la transformation : il y a rarement des frais de publicité à ce niveau-là. Il est compliqué de généraliser une telle clause à cet endroit du texte.

M. Nicolas Turquois. Je trouve dommage qu’il n’y ait pas cet effort de transparence. Par le jeu des marges arrière et des coûts indus, le prix communiqué n’est pas nécessairement celui qui est réellement payé aux agriculteurs. Cela a provoqué beaucoup de frustration ces dernières années, notamment en ce qui concerne le lait.

M. Marc Le Fur. On ajoute souvent au prix de base – et c’est le cas s’agissant du lait – un certain nombre d’indices divers liés à la qualité du lait, etc. En la matière, la transparence doit être la plus totale. L’éleveur est toujours payé plus que le prix de base, mais avec des différences sensibles d’une exploitation à l’autre. Je ne sais pas si la formule utilisée dans l’amendement est bonne, mais je vous rappelle que ce sujet est souvent évoqué et qu’une attente s’est créée à l’occasion des États généraux de l’alimentation.

M. Sébastien Jumel. Cette problématique des producteurs de lait se pose très souvent dans le pays de Bray avec Danone et Lactalis. Cet amendement est tout à fait pertinent et de bons sens : il prévoit que le prix fixé aille bien dans la poche du producteur et il prévoit de sortir des marges arrière qui ne sont jamais que des outils de falsification du prix réel. Vous devriez vous y rallier.

M. Paul Molac. Je ne suis pas certain que l’on parle de la même chose. Il peut y avoir plusieurs prix du lait : le prix A qui est sur le marché national, le prix B sur le marché international. À cela s’ajoutent des indices de qualité qui font augmenter le prix. Dans le cas présent, nous parlons des frais affectés au contrat de vente, y compris la publicité. Pour le coup, cela concerne le transformateur.

M. Nicolas Turquois. Je veux faire écho à une discussion qui a eu lieu ici même il y a quelque temps sur le taux effectif global que l’administration et les équipes de M. Gérald Darmanin voulaient supprimer. C’est un indicateur, certes imparfait et complexe, mais il donne aux entreprises, aux PME et aux TPE un élément de comparaison assez simple et facile d’accès.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je maintiens ma demande de retrait de l’amendement et je veux bien que l’on y retravaille.

Lorsque je suis producteur et que je vends du lait ou de la viande à un transformateur, je n’ai pas de frais de promotion ou de publicité parce que quelque part je suis captif du transformateur ou de l’abattoir situés à quelques kilomètres. Ces frais n’entrent pas dans le calcul de cette négociation, d’autant qu’il n’y a aucun risque de marge arrière sur les contrats d’amont. La situation est différente quand il s’agit de la deuxième ou de la troisième transformation puisqu’il faut ajouter les contrats publicitaires ou les promotions effectuées par les entreprises. Autrement dit, cette disposition n’a pas sa place à cet endroit et dans la première négociation.

M. Nicolas Turquois. Je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1311 de Mme Martine Leguille-Balloy.

Mme Sandrine Le Feur. Cet amendement vise à prendre en compte l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 14 novembre 2017, dit « arrêt endives », qui ouvre la voie à une inapplicabilité des règles de concurrence pour les organisations de producteurs et associations d’organisations de producteurs dans le cadre de l’exercice de leurs missions. Celui-ci doit se faire selon des critères de nécessité et de proportionnalité. Il convient dès lors de s’assurer que la fixation du prix prévu par le contrat-cadre est limitée à la production commercialisée par le biais de l’OP ou de l’AOP.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement me paraît satisfait, dans la mesure où l’alinéa 6 précise bien qu’il s’agit des « volumes en cause ».

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La précision apportée par cet amendement peut paraître utile, mais il induit en réalité une confusion dès lors qu’il mentionne un contrat-cadre plutôt qu’un accord-cadre, et qu’il évoque les produits commercialisés par l’OP, alors que celle-ci peut n’être investie que d’un mandat de négociation avec un transformateur et un distributeur – auquel cas, ce n’est pas elle qui commercialise, mais bien les producteurs, à travers des contrats types, qui lui ont confié mandat à cet effet.

Je vous invite par conséquent à retirer cet amendement.

Lamendement CE1311 est retiré.

La commission examine lamendement CE1312 de Mme Martine LeguilleBalloy.

Mme Sandrine Le Feur. Cet amendement a pour but de mettre le projet de loi en conformité avec le droit de la concurrence et le critère de nécessité qu’il impose. Transmettre des éléments des factures des producteurs à l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs pourrait en effet être considéré comme une entente si l’acheteur n’a pas a minima l’accord exprès du producteur concerné.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement me paraît inutile puisque l’alinéa 22 prévoit une simple transmission d’information visant à vérifier que le contrat respecte bien l’accord-cadre. J’y suis donc défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Lamendement CE1312 est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE2005 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement vise à ce que le mandat de facturation soit délégué par défaut à l’organisation de producteurs. Si les producteurs membres d’une organisation de producteurs ou d’une association d’organisations de producteurs peuvent déjà leur déléguer le mandat de facturation de leurs produits, il convient d’en faire le droit commun ; dans les autres cas, cette facturation peut être déléguée à un tiers ou à l’acheteur, comme le prévoit le droit en vigueur. Cet amendement répond à une demande forte de la part des organisations de producteurs de pouvoir gérer elles-mêmes la facturation, notamment dans le secteur laitier, afin que ce ne soit pas l’industriel qui fasse la facturation, mais bien l’OP.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cet amendement visant les OP qui commercialisent les produits me semble intéressant. Je vous invite néanmoins à le retirer afin que nous puissions retravailler ensemble sa formulation d’ici à la séance publique.

Lamendement CE1312 est retiré.

La commission examine lamendement CE1923 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. L’alinéa 23 dispose que, dans le cas où l’établissement de la facturation par le producteur est délégué à un tiers ou à l’acheteur, il fait l’objet d’un mandat écrit distinct du contrat. Par notre amendement CE1312, nous proposons de préciser que ce mandat écrit ne peut être lié au contrat, afin de bien distinguer l’affacturation et le contrat. Le but est de redonner de la souveraineté aux agriculteurs, maintenus pieds et poings liés depuis trente ou quarante ans.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis favorable à cet amendement qui me paraît effectivement aller dans le bon sens.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1815 de M. Richard Ramos.

M. Richard Ramos. L’amendement CE1815 vise à passer de la contractualisation annuelle à une contractualisation sur trois ans, éventuellement assortie de clauses de révision, afin de donner de la lisibilité et un peu de pérennité à nos agriculteurs dans un contexte de forte variation des prix : sinon, à chaque fois que l’on revient devant la grande distribution pour renégocier, on repasse devant la machine à calottes !

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement, même si je trouve un peu dommage de figer la contractualisation sur une durée de trois ans.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ce point a fait l’objet de discussions lors des États généraux de l’alimentation, sans toutefois qu’un consensus se dégage entre les différents acteurs concernés. En fonction du produit ou du marché, il peut y avoir intérêt à ce que la durée de contractualisation soit plus ou moins longue ; c’est pourquoi j’émets un avis de sagesse.

M. Antoine Herth. J’ai quelques doutes sur le fait qu’il faille retenir une durée de contractualisation de trois ans. Dans le domaine laitier, par exemple, j’avais cru comprendre que la France était le seul pays européen à avoir des contrats pluriannuels : devons-nous généraliser cette exception ? Je n’en suis pas sûr, même si je reconnais la nécessité de garantir une meilleure visibilité aux agriculteurs.

M. Marc Le Fur. Lorsqu’ils se comparent aux producteurs d’autres pays européens – aux Allemands, par exemple –, les laitiers français constatent souvent que le prix du lait repart plus vite chez eux que chez nous. Je comprends l’intérêt du contrat pluriannuel pour stabiliser les prix, mais si cela ne sert qu’à stabiliser au bas niveau, il y a un problème ! Nous devons faire attention, car le système mis en œuvre par les interprofessions en matière laitière est actuellement contesté : on lui reproche de ne servir qu’à figer des situations médiocres, et à interdire que les reprises s’effectuent rapidement – étant précisé que les baisses, elles aussi, sont peut-être plus rapides dans les autres pays européens.

M. Richard Ramos. Ce que vous dites est juste, mais les clauses de révision permettront, en cas de hausse du prix, de jouer en faveur des agriculteurs tout en assurant une certaine lisibilité aux agriculteurs. Il y a toujours danger à revenir à la négociation face à la grande distribution.

M. Paul Molac. L’amendement de M. Ramos part d’un bon sentiment. Quand les prix sont à la baisse, les grandes et moyennes surfaces ne se font pas prier pour revenir à la table de négociations. À l’inverse, quand les prix augmentent, les agriculteurs ont le plus grand mal à leur faire accepter l’ouverture de discussions.

M. Grégory Besson-Moreau. M. le ministre a demandé le retrait de plusieurs amendements en s’engageant à mettre au point une solution avant la séance publique au sujet de la renégociation des prix en fonction de la variation des indicateurs de coût. Pour ma part, je suis favorable à cet amendement. Si, comme l’a dit M. Le Fur, il est aujourd’hui difficile de sortir des coopératives laitières ou de l’interprofession du lait, l’amendement CE1815 concerne bien les rapports entre les producteurs et la grande distribution – et non entre les producteurs et un transformateur comme Lactalis, par exemple.

M. Jean-Louis Bricout. Vous parlez de l’évolution des coûts de production, mais il me semble que le vrai sujet est plutôt celui des variations des cours des marchés, qui peuvent connaître des fluctuations saisonnières très rapides et donc nécessiter des négociations plus serrées.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Sur le lait, on a des contrats de cinq ans ; sur les céréales, des contrats d’un an seulement. L’idée ici est d’obtenir des prix plus stables grâce à la contractualisation, tout en ménageant de clauses de renégociation. M. Marc Le Fur nous met en garde contre le syndrome de la pompe à essence : on a toujours l’impression que les distributeurs répercutent toujours beaucoup plus rapidement les hausses que les baisses du pétrole… Le travail qu’auront à mener les interprofessions à travers les indicateurs, les négociations et dans les contrats types, en fonction des productions, devra préserver une certaine souplesse dans les durées des contrats et dans les calendriers de négociation afin de leur laisser plus de marges de manœuvre.

M. Sébastien Jumel. J’ai cru comprendre, lors de discussions que j’ai eues avec les producteurs de lait, que s’il y a une durée contractuelle, il n’existe pas de quotas d’achat : le nombre de litres achetés par celui qui signe le contrat n’est pas garanti – ce qui, en fin de compte, préserve peu le producteur.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. C’est justement l’objectif poursuivi par les organisations de producteurs. Sur un bassin laitier déterminé, une OP peut trouver un accord sur un volume annuel de production : une part de la production peut être réservée à une marque, par exemple, et une autre part à une utilisation différente. Lorsqu’un producteur est tout seul face au distributeur ou aux transformateurs, c’est une situation compliquée. En revanche, quand une OP regroupe une centaine de producteurs, on a une idée du volume garanti annuel qu’elle peut livrer à l’entreprise, ce qui lui permet à la fois de définir le coût de revient et de déterminer les marges de manœuvre dont elle dispose. À mon sens, cela fait aussi partie de la base de négociations.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CE2006 du rapporteur.

Elle examine lamendement CE13 de M. Emmanuel Maquet.

M. Sébastien Leclerc. Afin de laisser le temps aux producteurs, en cas de non‑renouvellement de l’accord, de trouver de nouveaux acheteurs, l’amendement CE13 vise à fixer un préavis minimal de trois mois.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Sagesse.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1652 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. L’amendement CE1652 vise à ce que les parties contractantes réalisent un bilan au moins trois mois avant l’échéance du contrat écrit ou de l’accord-cadre écrit pour en évaluer la bonne exécution. En l’inscrivant dans la loi, nous leur permettrions d’en faire une phase de discussion supplémentaire, au-delà des clauses de révision déjà prévues, et de faire revenir les cocontractants à la table des négociations.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le dispositif proposé me paraît un peu fastidieux, mais je m’en remets à la sagesse de notre commission.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis favorable à cet amendement.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement CE1926 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Les agriculteurs sont confrontés à différentes problématiques en termes de revenus, de sécurité, d’aléa, mais aussi de souveraineté.

Mon amendement CE1926 vise justement à permettre aux producteurs de lait d’être propriétaires de leurs tanks de stockage, ce qui implique que le lait contenu dans ces tanks soit la propriété de l’éleveur. Ainsi, le jour où il se fâche avec l’industriel, il peut décider d’aller voir ailleurs, et le lait dans le tank reste sa propriété. Il me paraît important de rendre ainsi aux éleveurs une part de leur souveraineté. Alors que si l’industriel est propriétaire du tank, c’est comme si le lait était déjà parti chez lui…

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Si je suis tout à fait d’accord sur le fond, le dispositif proposé me paraît relever du domaine réglementaire, voire du niveau interprofessionnel.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Effectivement, une telle disposition ne me paraît pas devoir être inscrite dans la loi. Par ailleurs, je ne suis pas certain qu’elle permette d’atteindre l’objectif déclaré, car les outils de stockage peuvent être soit achetés par les producteurs de lait, soit mis à disposition par le transformateur dans le cadre d’une convention – mais si un producteur fournit une laiterie tout en conservant une part de son lait pour le transformer à la ferme, les choses deviennent compliquées… À mon sens, il vaut mieux indiquer, dans le contrat entre le producteur et le transformateur, qui est le propriétaire effectif des outils de stockage – éventuellement en mettant en œuvre un dispositif de location-achat –, ce qui permet plus de souplesse. Il est bon de pouvoir le préciser clairement, mais plutôt dans le contrat que dans la loi.

M. Thierry Benoit. Je vais retirer cet amendement, mais j’insiste sur l’importance de la question qu’il soulève, et je souhaite que M. le rapporteur et M. le ministre s’engagent à ce qu’on y réfléchisse afin d’apporter une réponse sur le plan réglementaire au cas de l’éleveur qui vend une partie de sa production à un industriel mais en garde une partie pour la transformer.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous allons y réfléchir.

Lamendement CE1926 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE568 de M. Daniel Fasquelle, CE703 de Mme Véronique Louwagie et CE883 de M. Antoine Herth, ainsi que les amendements identiques CE61 de M. Vincent Descoeur et CE473 de M. Daniel Fasquelle, les amendements identiques CE83 de M. Dino Cinieri et CE1884 de M. Thierry Benoit, les amendements identiques CE156 de M. Grégory Besson-Moreau, CE286 de M. Jean-Yves Bony, CE296 de M. Vincent Rolland, CE410 de Mme Véronique Louwagie, CE549 de M. Daniel Fasquelle, CE759 de Mme Émilie Bonnivard, CE1318 de M. Pierre Morel-À-LHuissier, CE1327 de M. Emmanuel Maquet, CE1635 de M. Sébastien Jumel, CE1696 de M. Paul Molac, CE1727 de M. Dominique Potier, et CE1817 de M. Nicolas Turquois, lamendement CE1816 de M. Nicolas Turquois, lamendement CE1313 de Mme Martine Leguille-Balloy, et les amendements identiques CE2004 du rapporteur, CE14 de M. Emmanuel Maquet, et CE1069 de M. Jean-Claude Leclabart.

M. Daniel Fasquelle. L’amendement CE568 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CE703 vise à apporter des précisions au texte afin de le rendre plus conforme à l’esprit des États généraux de l’alimentation. La construction du prix nécessite de répercuter dans tous les contrats de la chaîne l’ensemble des indicateurs utilisés dans les contrats passés entre les producteurs et leurs premiers acheteurs. Il faut donc que la rédaction du texte soit très précise afin que chaque contrat de la chaîne d’approvisionnement alimentaire soit concerné et que le prix soit construit en fonction de l’ensemble de ces indicateurs. Les indicateurs doivent avoir un véritable impact dans la construction du prix : à défaut, les résultats obtenus ne seront pas à la hauteur des espérances.

M. Antoine Herth. Mon amendement CE883, identique, est défendu. Peut-être devrions-nous passer directement à l’examen de l’amendement CE2004 du rapporteur ?

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CE61 est défendu.

M. Daniel Fasquelle. L’amendement CE473 l’est également.

M. Dino Cinieri. L’amendement CE83 vise à rendre le texte plus précis en proposant que les indicateurs soient pris en compte dans chaque contrat de la chaîne d’approvisionnement alimentaire pour la construction du prix.

M. Thierry Benoit. L’amendement CE1884 est défendu.

M. Grégory Besson-Moreau. L’amendement CE156 est défendu. J’attends avec impatience que nous examinions l’amendement CE2004 du rapporteur.

M. Jean-Yves Bony. Mon amendement CE286, identique, permet de préciser que les indicateurs circuleront en toute transparence d’un bout à l’autre de la chaîne des contrats.

M. Vincent Rolland. L’amendement CE296, identique, est défendu. Comme tout le monde, j’attends que nous en arrivions à l’amendement du rapporteur.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CE410, identique, est défendu.

M. Daniel Fasquelle. L’amendement CE549 également.

Mme Émilie Bonnivard. Mon amendement CE759 est identique. L’exigence de transparence affirmée lors des EGA doit s’appliquer d’un bout à l’autre de la chaîne des contrats.

M. Sébastien Jumel. Si l’amendement du rapporteur est adopté, mon amendement CE1635 va-t-il tomber ?

M. le président Roland Lescure. Vous le saurez quand M. le rapporteur s’exprimera sur son amendement.

M. Nicolas Turquois. L’amendement CE1817 vise à supprimer, à l’alinéa 27, les mots « qu’il a lui-même acquis auprès d’un producteur ».

Mme Graziella Melchior. L’amendement CE1313 a pour objet de rendre plus effective la mention des indicateurs en vue de faire remonter la valeur à l’amont. L’utilisation de l’expression « prendre en compte » est en effet plus impérative que « faire référence » dès lors que l’objectif est bien que les indicateurs utilisés lors de l’achat du produit au producteur aient un impact sur le calcul du prix de vente au second acheteur.

M. le président Roland Lescure. Je considère que les amendements CE1327, CE1696, CE1727, CE1816, CE14 et CE1069 sont défendus.

Nous en venons donc à l’examen, tant attendu, de l’amendement CE2004 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les contrats dits « en cascade », qui concernent la revente des produits agricoles et alimentaires, ne doivent pas simplement faire référence aux indicateurs définis à l’article L. 631-24 : ils doivent en tenir compte, comme auront eu à le faire les premiers acheteurs de ces produits.

Si l’on souhaite que la valeur soit répartie de façon équilibrée entre les différents maillons de la chaîne alimentaire et que les coûts de production comme les prix de marché soient effectivement corrélés, il convient de prévoir une stricte prise en compte des indicateurs communs aux filières, tout au long de la commercialisation des produits.

Je suis également favorable aux amendements CE156 et identiques, qui sont complémentaires de mon amendement CE2004.

Enfin, je suis défavorable à l’amendement CE1313.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis favorable à l’amendement CE2004 du rapporteur et à la série d’amendements identiques, ainsi qu’à l’amendement CE156 et à la série d’amendements identiques.

L’amendement CE1816 de M. Turquois me paraît également bien fondé. Cependant, j’invite son auteur à le retirer au profit de l’amendement CE2004.

Enfin, je suis défavorable à tous les autres amendements.

Lamendement CE1816 est retiré.

La commission rejette les amendements CE568, CE703 et CE883, les amendements CE61 et CE473, puis les amendements CE83 et CE1884.

Elle adopte les amendements CE156, CE286, CE296, CE410, CE549, CE759, CE1318, CE1327, CE1635, CE1696, CE1727, et CE1817.

Puis elle rejette lamendement CE1313.

Enfin, elle adopte les amendements CE2004, CE14 et CE1069.

Elle est saisie de lamendement CE2085 du Gouvernement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La règle prévue dans le projet de loi est la suivante : les critères et modalités de détermination du prix figurant dans le contrat doivent prendre en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur les marchés sur lesquels opère l’acheteur.

Ainsi, en cas de prix déterminé, la présence d’indicateurs au sein du contrat d’achat conclu pour l’acquisition de ces produits n’est pas systématique. Or, conformément à l’esprit des EGA, la dynamique de transfert en « cascade » des indicateurs dans les contrats des autres maillons de la chaîne alimentaire a vocation à s’appliquer indifféremment à tous les types de contrats, que le prix soit déterminable ou déterminé. Il convient donc de prévoir ce cas spécifique.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Si le prix est déterminé avec le premier acheteur, il faut qu’il soit pris en compte dans les contrats en cascade : revenir aux indicateurs de coûts de production n’est pas suffisamment significatif. Je suis donc favorable à cet amendement.

La commission adopte lamendement.

Elle examine les amendements identiques CE62 de M. Vincent Descoeur, CE474 de M. Daniel Fasquelle et CE760 de M. Antoine Herth.

M. Vincent Descoeur. La notion de « contractualisation en cascade » visant à construire le prix « en marche avant », issue des États généraux de l’alimentation, est basée sur une nécessaire implication de l’ensemble des maillons de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Cela doit se traduire par une répercussion dans tous les contrats passés entre opérateurs de la chaîne d’approvisionnement des indicateurs de coûts de production et de prix utilisés dans les contrats entre les producteurs et leurs premiers acheteurs.

Or, la rédaction actuelle est trop imprécise pour garantir une construction effective du prix en fonction de ces indicateurs. La loi ne doit pas laisser la possibilité aux opérateurs de l’aval de « faire référence » à des indicateurs utilisés par ailleurs, mais doit imposer la prise en compte obligatoire des indicateurs précis utilisés dans le contrat passé entre le premier acheteur et son fournisseur. Enfin, l’obligation de communiquer l’évolution des indicateurs doit être prévue sur une base mensuelle, en adéquation avec la réglementation actuelle : c’est ce que prévoit mon amendement CE62.

M. Antoine Herth. L’amendement CE760 est identique. La disposition proposée me paraît constituer une contribution utile au changement culturel auquel nous assistons actuellement sur les marchés, qui veut que le producteur soit constamment informé de l’évolution des prix des produits qu’il a vendus.

M. Daniel Fasquelle. L’amendement CE474 est identique. Je me range aux excellents arguments de mes collègues.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends l’objet de cet amendement, mais je me demande si cette disposition n’est pas de nature à porter atteinte au secret des affaires. S’il faut plus de transparence, une transparence totale à chaque étape des négociations de prix me semble délicate à mettre en œuvre. Je suis donc plutôt défavorable à ces amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le rythme de transmission de la communication de l’évolution des indicateurs par l’acheteur peut varier en fonction des filières, et il ne me paraît pas opportun de figer les choses dans ce domaine. L’objet de l’amendement est de remédier à la dissymétrie de l’information et de faire en sorte que l’amont dispose d’informations lui permettant d’établir la proposition de contrat – ou sa révision, ou sa renégociation. Les termes employés peuvent s’écarter de ceux de l’alinéa 15 ; c’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

La commission rejette les amendements CE62, CE474 et CE760.

Elle examine lamendement CE2009 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Amendement de précision.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Favorable.

La commission adopte lamendement.

En conséquence, les amendements CE1559, CE1989, CE1990, CE917 et CE2010 tombent.

La commission est saisie de lamendement CE764 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. Cet amendement vise à améliorer l’information et le dialogue entre les parties, en inscrivant dans le contrat ou l’accord-cadre la fréquence à laquelle elles se communiquent l’évolution des indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement, qui apporte une précision utile.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement CE1195 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Cet amendement a pour objet de renforcer une disposition dont nous avons déjà discuté dans le cadre de l’examen de plusieurs autres textes, visant à ce que l’aval fasse état de ses chiffres et surtout de ses profits, de façon à ce que le prix puisse être fixé en tenant compte de ces éléments.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis très étonné qu’une telle proposition puisse venir de M. Viala : pour moi, elle va clairement à l’encontre du secret des affaires : obliger l’acheteur à indiquer au vendeur les profits qu’il réalise, c’est aller beaucoup trop loin, me semble-t-il…

M. Arnaud Viala. Le droit français comporte actuellement une faiblesse, qui permet à plusieurs grands groupes d’échapper à l’obligation de publier leurs résultats.

M. le président Roland Lescure. Nous en avons déjà abondamment parlé.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous examinerons prochainement d’autres amendements portant sur cette question, qui me paraissent plus satisfaisants que l’amendement CE1195 – auquel je suis donc défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cet amendement est effectivement contraire au secret des affaires. L’objectif des EGA est d’améliorer la répartition de la valeur. Le Gouvernement renforce les missions de l’Observatoire de la formation des prix et des marges, et cela vise aussi à ce que les indicateurs liés aux coûts de production ou aux prix du marché soient pris en compte dans la fixation du prix ainsi que dans les contrats venant à la suite dans la chaîne de commercialisation. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Lamendement CE1195 est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CE84 de M. Dino Cinieri, CE502 de M. Thibault Bazin, CE631 de M. Daniel Fasquelle, CE704 de Mme Véronique Louwagie, CE886 de M. Antoine Herth, CE1663 de M. Pierre Morel-À-LHuissier et CE1876 de M. Thierry Benoit.

M. Dino Cinieri. Le texte doit être plus précis, afin d’éviter les écueils de la loi de 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Tel est l’objet de l’amendement CE84.

M. Antoine Herth. L’amendement CE886 vise à étendre un accord interprofessionnel. J’aimerais connaître l’avis de M. le ministre sur ce point.

M. le président Roland Lescure. Je considère que les amendements CE631, CE704 et CE186 sont défendus.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le droit actuel permet déjà aux interprofessions d’adopter un accord interprofessionnel étendu sur les sujets contractuels, dans la limite du code rural et de la pêche maritime et du second règlement européen sur l’Organisation commune des marchés (OCM) du 11 décembre 2013. Je ne pense pas qu’il soit utile de le repréciser.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette les amendements CE84, CE502, CE631, CE704, CE886, CE1663 et CE1876.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE63 de M. Vincent Descoeur, CE475 de M. Daniel Fasquelle, CE621 de M. Fabrice Brun, CE770 de M. Antoine Herth, CE1818 de M. Nicolas Turquois et CE1868 de M. Thierry Benoit, ainsi que lamendement CE1728 de M. Dominique Potier.

M. Sébastien Leclerc. La filière bovine française n’est pas soumise à contractualisation obligatoire. L’amendement CE63 vise à encourager le Gouvernement ainsi que l’interprofession à rendre obligatoire à très court terme la conclusion de contrats de vente et d’accords-cadres écrits mentionnés à l’article L. 631-24 spécifiquement pour les viandes bovines commercialisées sous signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) – en donnant évidemment la priorité aux viandes bovines commercialisées sous SIQO.

M. Antoine Herth. Comme cela nous a été dit à plusieurs reprises, l’un des axes de la stratégie actuelle de la filière bovine consiste à tirer la production vers le haut de gamme afin de se mettre à l’abri de la pression concurrentielle des produits ordinaires, avec pour objectif d’aboutir à ce que 80 % de la production allaitante bénéficie d’un signe de qualité ou d’un signe valorisant. L’amendement CE770 vise à accompagner cette évolution.

M. Nicolas Turquois. Monsieur le président, je suis un peu étonné de retrouver notre amendement CE1818 sous la forme de cet amendement identique, car l’amendement que nous avions déposé ne visait pas exclusivement les viandes bovines.

M. Daniel Fasquelle. J’ai déposé un amendement identique CE475. Il me paraît constituer un signal fort à la filière bovine, qui a particulièrement besoin d’être soutenue.

M. Fabrice Brun. L’amendement CE621 est défendu.

M. Dominique Potier. L’amendement CE1728 reprend la même idée, mais en l’étendant à la filière des fruits et légumes.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. En tant qu’ancien vice-président d’un label rouge national, je ne vais pas vous dire que je suis contre une évolution vers une démarche de qualité. Cependant, le Président de la République a indiqué faire confiance aux filières pour prendre leur destin en main. L’esprit de ce texte est de donner le cap de la contractualisation, tout en laissant chaque interprofession faire son choix plutôt que de la rendre obligatoire. Aujourd’hui, moins de 2 % de la production bovine est contractualisée au sein de la filière des bovins à viande ; afin de limiter progressivement l’atomisation sectorielle qui la caractérise, l’interprofession de la filière viande bovine se fixe pour objectif de parvenir à 30 % de transactions par voie contractuelle d’ici à cinq ans, ce qui me paraît suffisamment ambitieux. Elle n’a pas fait le choix de la contractualisation obligatoire, ce qui, dans le cadre du marché actuel, serait très prématuré au vu de son niveau d’organisation. Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Comme vous le savez, la filière bovine s’est engagée dans un plan de transformation, elle a pris des engagements forts lors des EGA ainsi que dans le cadre du plan de filière qu’elle a mis en place au mois de décembre dernier. Le rôle de l’État et du Gouvernement est d’accompagner la filière afin qu’elle puisse atteindre l’ensemble de ses objectifs, en particulier celui consistant à défendre une filière de qualité, répondant aux attentes des consommateurs et sortant de la mauvaise image de la viande que peuvent parfois donner des produits importés, dont les standards ne correspondent pas à nos marchés.

Cela dit, le niveau de contractualisation dans la filière bovine est extrêmement faible. C’est l’un des axes de structuration de la filière que nous avons besoin de muscler et de développer, comme le prévoit le plan de filière. Si la loi prévoit de rendre obligatoire la contractualisation, le choix du produit ou des filières ne relève que du niveau réglementaire et des accords interprofessionnels : c’est à l’interprofession de prendre la décision, en accord avec son plan de filière.

C’est pourquoi, si je comprends l’idée qui sous-tend ces amendements, j’y suis défavorable.

M. Nicolas Turquois. Monsieur le président, je vous confirme qu’en son état actuel, notre amendement CE1818 ne correspond pas à celui que nous avions déposé. Il portait sur l’ensemble des viandes et non pas spécifiquement sur la viande bovine ; je proteste contre le fait qu’il ait été modifié sans notre accord.

M. le président Roland Lescure. Nous vérifierons s’il y a effectivement eu une erreur.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Pour ce qui est de l’amendement CE1728 de M. Potier, qui concerne également les fruits et légumes, notre position est la même : nous estimons préférable de laisser l’interprofession prendre la décision des choix de produits, en accord avec le plan de filière existant – et qui, de l’avis général, est très satisfaisant.

M. Dominique Potier. Sur ces sujets, nous n’avons pas de certitudes ; nous cherchons ensemble. Quand M. le rapporteur nous dit que la filière bovine n’est pas prête à passer à la contractualisation obligatoire, mais que c’est souhaitable, je me dis que nous pourrions imaginer un amendement prévoyant un objectif de contractualisation, par exemple à l’horizon 2030. À défaut de fixer un horizon légal, nous risquons de rester très longtemps dans l’attente et dans la fragmentation, ce qui est contraire aux intérêts des producteurs.

Par ailleurs, je regrette que nous n’ayons pas mobilisé en France le deuxième pilier de la PAC – ce qui, j’en conviens, ne saurait vous être reproché – pour aider la construction des filières et des OP. Peut-on l’envisager, dans une logique de construction du prix plus équitable ?

M. Antoine Herth. Après avoir entendu la réponse de M. le ministre, je retire mon amendement CE770.

M. Thierry Benoit. Je retire également mon amendement CE1868.

Les amendements CE770 et CE1868 sont retirés.

La commission rejette les amendements CE63, CE475, CE621, CE1818 et CE1728.

M. le président Roland Lescure. Je vous indique que l’amendement CE765 est tombé.

La commission est saisie de lamendement CE1587 de Mme Martine Leguille-Balloy.

Mme Sandrine Le Feur. Cet amendement est proposé dans un souci de sécurité juridique du producteur afin de ne pas faire prévaloir un accord interprofessionnel sur un décret si le premier est moins protecteur que le second.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il n’y a pas de raison de faire davantage confiance au pouvoir réglementaire qu’aux accords interprofessionnels. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

La commission examine, en discussion commune, lamendement CE204 de M. Jérôme Nury, les amendements identiques CE85 de M. Dino Cinieri, CE578 de M. Daniel Fasquelle, CE705 de Mme Véronique Louwagie, CE887 de M. Antoine Herth, lamendement CE1729 de M. Dominique Potier et les amendements identiques CE1666 de M. Pierre Morel-À-LHuissier et CE1877 de M. Thierry Benoit.

M. Jérôme Nury. L’amendement CE204 vise à bannir des clauses de calcul du prix incompréhensibles dans les contrats. Si on veut un retour à l’équilibre des relations entre les acteurs, il faut que chacun soit en mesure de comprendre et de prévoir l’évolution des contrats au moment de sa signature, mais également au moment de l’exécution. L’objectif est de créer une obligation d’information renforcée pour l’acheteur à l’égard des producteurs. Il doit communiquer, de manière lisible et compréhensible, le prix ou les critères de détermination du prix qui sera payé au producteur.

M. Dino Cinieri. Afin de renforcer la transparence et la protection de la partie la plus faible dans la relation commerciale, mon amendement CE85 vise à créer une obligation d’information renforcée sur la tête de l’acheteur à l’égard des producteurs, à l’image de ce qui se pratique en droit de la consommation entre un consommateur et un vendeur professionnel. Cette obligation d’information renforcée porte sur le prix qui, lorsqu’il est seulement déterminable dans le contrat, devrait être lisible et compréhensible pour le producteur, l’organisation de producteurs (OP) ou l’association d’OP, afin de savoir quel prix sera payé la marchandise, objet du contrat.

M. Daniel Fasquelle. L’amendement de mon collègue Jérôme Nury étant plus précis et plus complet, je retire mon amendement CE578 au profit du sien.

M. Antoine Herth. Je fais de même avec mon amendement CE887.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis plutôt favorable à l’amendement de M. Nury, mais il me semble devoir être retravaillé avec les services du ministre dans la perspective de la séance publique.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’allais le proposer. La proposition de M. Nury est juridiquement robuste : dans le secteur laitier, les contrats sont souvent constitués d’une formule de prix déterminable qui ne permet pas au producteur de connaître avec précision le prix auquel il sera payé in fine. La question demeure de savoir s’il faut prévoir cette exigence pour tous les secteurs soumis à la contractualisation obligatoire ou si, a contrario, on donne la possibilité au décret ou à l’accord interprofessionnel qui rend la contractualisation obligatoire de prévoir cette exigence.

C’est pourquoi je demande le retrait de l’amendement pour que nous puissions lui donner une base juridique solide avant de l’examiner à nouveau en séance publique.

M. Dino Cinieri. Vu les propos du ministre, je retire également mon amendement CE85 au profit de celui de notre collègue Jérôme Nury.

Mme Véronique Louwagie. Je fais de même avec mon amendement CE705.

M. Dominique Potier. Mon amendement CE1729 est défendu.

M. André Villiers. Afin de renforcer la transparence et la protection de la partie la plus faible dans la relation commerciale, l’amendement CE766 propose de créer une obligation d’information renforcée sur la tête de l’acheteur à l’égard des producteurs à l’image de ce qui se pratique en droit de la consommation entre un consommateur et un vendeur professionnel. Cette obligation d’information renforcée porte sur le prix qui, lorsqu’il est seulement déterminable dans le contrat, devra être lisible et compréhensible pour le producteur, l’OP ou l’association d’OP, afin de savoir quel prix sera payé la marchandise, objet du contrat.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement procède du même esprit ; tout comme les précédents, ils méritent d’être retravaillés avec les services du ministre dans la perspective de la séance publique.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Retravaillons en effet tous ces amendements en bloc dans la perspective d’un nouvel examen en séance publique. La proposition n’en sera que plus solide.

M. le président Roland Lescure. Monsieur Turquois, votre reproche à propos de votre amendement CE1818 était fondé : un adjectif avait été rajouté par erreur. Veuillez nous en excuser.

Les amendements CE204, CE85, CE578, CE705, CE887, CE1729, CE1666 et CE1877 sont retirés.

La commission examine ensuite lamendement CE1338 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. La contractualisation sur une longue durée apporte de la sécurité aux producteurs et nous sommes favorables à son développement. En revanche, en convertissant son activité à l’agriculture biologique, le producteur change la nature de sa production et les coûts induits en sont modifiés. Compte tenu de l’enjeu considérable que représente la transition écologique à engager et de la forte demande de produits issus de l’agriculture biologique, la contractualisation longue ne soit pas être un frein pour un producteur désireux de convertir sa ferme à l’agriculture biologique. C’est pourquoi nous proposons cet amendement qui permet au producteur de rompre son contrat, en respectant un préavis d’un mois, pour se convertir à l’agriculture biologique.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’amendement est satisfait par l’amendement que nous avons adopté tout à l’heure et qui prévoit que le passage au bio ne puisse pas donner lieu à une pénalité dans le cadre du contrat. Je demande de retrait.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Mme Bénédicte Taurine. Je ne retire pas mon amendement.

M. Marc Le Fur. Mais l’amendement adopté tout à l’heure ne faisait-il pas référence qu’au bio ? Le passage à l’herbager devrait pourtant, par exemple, pouvoir bénéficier des mêmes garanties.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’amendement adopté tout à l’heure couvrait aussi cette possibilité.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite CE1819 de M. Richard Ramos.

M. Richard Ramos. Cet amendement vise à permettre aux producteurs de lait de revendre librement jusqu’à 20 % de leur production à un ou des acheteurs autres que celui ou ceux avec lesquels ils ont un contrat. Cette revente libre sera sans contrepartie financière avec l’acheteur avec lesquels les producteurs de lait ont un accord. Il ne pourra être imposé aux producteurs laitiers l’achat d’une deuxième cuve de stockage de lait, lorsqu’ils sont propriétaires de la première cuve.

En fait, il s’agit de permettre aux producteurs de lait intégrés dans les grosses chaînes de production industrielle d’extraire 20 % de leur production pour commencer à alimenter des filières courtes, à faire du fromage ou à se regrouper avec d’autres producteurs de lait, de façon à casser la pression monopolistique exercée par certaines entreprises qui parfois, ne déposent même pas leurs comptes…

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces mesures relèvent davantage du niveau réglementaire, voire du niveau des clauses contractuelles de l’interprofession, plus que de la loi. À défaut de retrait, je devrais émettre un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable. Les éleveurs laitiers associés aux coopérateurs sont tenus d’apporter à la coopérative tout le lait produit, à l’exception du lait commercialisé en vente directe ou du lait réservé à l’autoconsommation. Quant aux autres producteurs, ils ont d’ores et déjà la capacité d’avoir plusieurs acheteurs, avec qui ils doivent passer des contrats écrits. Cette demande est donc superfétatoire.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, lamendement CE633 de M. Fabrice Brun, les amendements identiques CE503 de M. Thibault Bazin et CE735 de M. Vincent Descoeur et lamendement CE974 de M. Antoine Herth.

M. Fabrice Brun. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi dispense les coopératives de signer un contrat particulier dès lors que le pacte coopératif aura des effets similaires. Or la notion d’« effets similaires » imposerait de faire figurer tous les éléments mentionnés à l’article L. 631‑24 dans le pacte coopératif. Modifier cette règle reviendrait à mettre en cause le système coopératif : contrairement à une relation commerciale, par sa double qualité, de détenteur de parts sociales et d’apporteur, le coopérateur est véritablement acteur de sa coopérative. Le partage de la valeur est statutaire et ne résulte pas d’une négociation commerciale. En aucun cas, la coopérative, qui s’inscrit dans le prolongement de l’activité de ses membres, ne saurait être considérée comme le premier acheteur dans la relation avec ses associés.

Plus que la similarité, c’est donc l’équivalence dans la sécurisation des coopérateurs qui doit être recherchée.

Mme Valérie Beauvais. L’amendement CE503 est défendu.

M. Charles de Courson. Ce long amendement CE974 vise à bien préciser que l’article 1er s’applique dans des conditions très particulières aux relations entre les coopérateurs et leur coopérative, bien que l’étude d’impact indique clairement que, dans l’esprit du Gouvernement, les coopératives agricoles sont hors du champ d’application de la contractualisation rénovée.

Dans le droit actuel, le projet de loi dispense les coopératives de signer un projet de loi particulier, dès lors que le pacte coopératif aura des effets similaires. Mais la notion d’« effets similaires » imposerait de faire figurer tous les éléments mentionnés dans l’article L. 631‑24 dans le pacte coopératif. Si le pacte coopératif devait avoir des effets similaires à la contractualisation rénovée, il serait fondamentalement remis en cause, sur la construction du prix et sur la procédure de renégociation.

Cet amendement a donc pour objet d’adapter les dispositions contenues dans l’article 1er à la spécificité des relations entre les coopérateurs et leur coopérative.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CE735 est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. En tant qu’ancien président de coopérative bovine et ovine, je puis vous dire qu’il y a besoin de transparence accrue entre les adhérents et leur coopérative. Dans ce texte, l’effet miroir ne me semble pas poser de problème vis-à-vis du statut coopératif, si ce n’est à cause de la façon dont certaines coopératives gèrent aujourd’hui leurs relations avec leurs adhérents. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le projet de loi prévoit une meilleure répartition de la valeur ajoutée au profit des producteurs, qu’ils adhèrent ou non à une coopérative. Il est important que les dispositions nouvelles s’appliquent en effet miroir aux adhérents des coopératives comme aux autres producteurs.

Sur la forme, l’amendement ne me semble pas recevable, parce qu’il ne supprime pas l’alinéa 39 qu’il voudrait remplacer. Sur le fond, la suppression n’est pas justifiée, car l’amendement limite l’équivalence à certaines clauses précisément énumérées. Rappelons, sur ce point, que la construction du prix en coopérative n’est pas impactée par le projet de loi. Il vise seulement les effets similaires à ceux produits par les clauses.

Il n’est pas prévu que l’associé coopérateur propose lui-même le contrat. Cette disposition nouvelle ne constitue pas, à proprement parler, une clause de contrat. Avis défavorable.

M. Paul Molac. Dans de nombreuses coopératives, les producteurs se plaignent du manque de transparence, ce qui les conduit parfois à tout imaginer. Les relations sont souvent tendues entre les administrateurs et les adhérents.

La commission rejette successivement les amendements CE633, CE503, CE735 et CE972.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CE2008 du rapporteur.

Puis elle examine les amendements identiques CE706 de Mme Véronique Louwagie, CE724 de M. Grégory Besson-Moreau, CE873 de M. Thibault Bazin, CE1012 de M. Antoine Herth et CE1419 de M. Jean-Claude Leclabart.

Mme Véronique Louwagie. Pour le secteur du sucre, il convient de traiter les sociétés d’intérêt collectif agricole (SICA) comme les coopératives agricoles. Elles partagent en effet avec elles le même objectif. Ces structures sont bâties sur la même philosophie. Tel est le but de l’amendement CE706.

M. Grégory Besson-Moreau. Mon amendement CE724 est identique. Je suis d’accord avec notre collègue.

Mme Valérie Beauvais. Je suis d’accord moi aussi avec notre collègue. Rappelons que ces SICA déshydratent ou commercialisent de la pulpe de betteraves : à ce titre, elles devraient être traitées de la même manière que les coopératives agricoles ordinaires. D’où notre amendement CE873.

M. Antoine Herth. L’amendement CE1012 est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. On pourrait, à la limite, assimiler des SICA à des coopératives dans le cas de transfert de propriété, mais ce n’est pas le cas dans la plupart des SICA sucrières.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’équivalence de traitement entre une SICA et une coopérative ne peut en effet se justifier que si la SICA a mis en place un transfert de propriété des produits de ses adhérents et qu’elle est reconnue comme OP : l’exemption est donc déjà prévue dans le projet de loi. Deux conditions sont nécessaires pour un rapprochement avec le contrat d’apport coopératif ; nous y reviendrons tout à l’heure.

Il n’est pas possible de pratiquer, sans justification évidente, une discrimination positive au profit du secteur du sucre. Nous devons donc conserver, dans le plein respect de l’esprit de la loi, une approche totalement transversale. Je suis donc défavorable à cette série d’amendements.

M. Marc Le Fur. Je suis plutôt favorable à ces amendements. Mais pourquoi ne concernent-ils que les SICA du secteur sucrier, et non l’ensemble d’entre elles ?

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine lamendement CE978 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Cet amendement a trait au même domaine. Il est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE635 de M. Fabrice Brun et CE1954 de M. Charles de Courson.

M. Fabrice Brun. Le deuxième alinéa du II du texte proposé pour l’article L. 631‑24‑3 prévoit que les coopératives, comme les organisations de producteurs, révèlent « en cascade » les indicateurs auxquels elles se réfèrent pour faire évoluer le prix des apports auprès de leurs coopérateurs.

L’étude d’impact relève que cette référence aux indicateurs pertinents à l’amont faite dans les contrats avals conduira à responsabiliser l’aval. Cette affirmation est très largement incantatoire : outre le fait que cette information relève du secret des affaires entre la coopérative et ses coopérateurs, le fait de la dévoiler aux clients de la coopérative place cette dernière dans une situation de vulnérabilité vis-à-vis de ses clients, notamment de la grande distribution qui ne manquera pas de profiter la connaissance accrue qu’elle tirera de la construction du prix du produit pour s’immiscer dans la politique de rémunération des coopératives. C’est pourquoi notre amendement CE635 propose de supprimer, au début de l’alinéa 40, les mots : « la coopérative ».

M. Charles de Courson. Mon amendement CE1954 a le même objet, mais j’ajouterai un argument supplémentaire : la mention des indicateurs en cascade obère la capacité des coopératives à faire jouer pleinement le système de redistribution, par exemple en allouant des ristournes coopératives complétant, en fin d’exercice, le prix des apports.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il y a clairement un besoin de transparence accrue au sein des coopératives. Le contrat en cascade peut très bien s’appliquer dans le cadre actuel des relations entre la coopérative et ses adhérents, d’une part, et la coopérative et ses acheteurs, d’autre part. Je ne vois donc pas d’obstacle à appliquer le contrat en cascade et la transparence au niveau des coopératives. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous avoue que je ne saisis pas… Nous avons besoin de responsabiliser les filières et tous les niveaux de production : c’est la raison pour laquelle nous prévoyons que les producteurs connaissent tous les indicateurs utilisés dans tous les contrats en amont, de manière à obtenir une meilleure répartition de la valeur ajoutée. Tous les opérateurs sont concernés : il n’y a pas de raison que le contrat en cascade ne s’applique pas aux relations entre les coopératives et leurs acheteurs ; et rien ne s’y oppose dans le statut actuel. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Mais comment traitez-vous les ristournes coopératives au regard du texte actuel ? Elles sont par nature calculées en fin d’exercice, et délibérées en assemblée générale de coopérative. Et sur ce point, il n’y a aucun problème de transparence, puisque la décision est prise devant l’ensemble des coopérateurs et par eux.

M. Marc Le Fur. Les propos du rapporteur et du ministre m’inquiètent un peu. À les entendre, les entreprises coopératives doivent être traitées comme des entreprises capitalistes banales, auxquelles on applique les mêmes règles qu’aux autres. Certes, je suis le premier à dire que les coopératives doivent évoluer et gagner en transparence. Il n’empêche qu’elles restent singulières et nous sommes bien content de les avoir : dans certains secteurs, comme celui de la collecte laitière, elles jouent un rôle déterminant.

Par ailleurs, comme l’a dit notre collègue de Courson, le prix payé au coopérateur ne se réduit pas seulement à la « paye de lait » ; il inclut aussi la ristourne de fin d’année, qui peut être parfois importante. Comment faire pour éviter d’abîmer cette singularité positive ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Si tous les agriculteurs étaient regroupés dans des coopératives qui s’entendraient entre elles pour faire face aux distributeurs en position de force, nous aurions résolu beaucoup des problèmes de l’agriculture française… Mais pour l’heure, force est de constater qu’une grande partie des agriculteurs ne sont pas adhérents à des coopératives. Le problème de l’attractivité des coopératives est donc posé.

Ce souci n’est pas lié au statut de la coopérative, qui est bon, puisqu’il repose sur le partage de la valeur et la mutualisation au stade de la mise sur le marché – en tant qu’ancien président de structure, je le connais bien. Ce sont les déviances observées et le manque de transparence, qui posent problème. Certes, dans les petites coopératives locales de 800 ou 1 000 éleveurs, la transparence est totale ; mais quand vous assistez l’assemblée générale (AG) de certains grands groupes coopératifs, si vous parvenez à retrouver un compte de résultat et à savoir où passent les dividendes, vous êtes vraiment très fort, monsieur de Courson… Mais je n’en doute pas.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je ne mets pas en cause le rôle que jouent les coopératives : elles permettent de procéder à des opérations de dégagement et de régulation ; bien souvent, elles ont repris des éleveurs en difficulté. C’est pourquoi nous sommes tous très attachés au statut de la coopération et aux valeurs dont il est porteur.

La loi inclut un article d’habilitation qui permettra de traiter le statut des coopératives pour aboutir à une plus grande transparence. En tant que parlementaires, nous avons tous assisté à des AG de coopératives : de l’une à l’autre, force est de reconnaître que les choses sont parfois très différentes…

L’effet cascade, qui doit s’appliquer aussi aux coopératives, ne s’applique pas aux prix, mais aux indicateurs. Et nous en avons besoin pour pouvoir déterminer les meilleures conditions de marché.

M. Charles de Courson. Vous ne m’avez pas répondu sur le traitement des ristournes coopératives décidées en assemblée générale.

Par ailleurs, les plus grandes coopératives sont loin d’être les moins transparentes : on peut vous trouver autant d’exemples que de contre-exemples… Le département où je suis élu compte une des plus grandes coopératives françaises : je peux vous assurer qu’elle est autrement mieux contrôlée que certaines petites structures. Ce n’est donc pas une question de taille. D’ailleurs, sans très grandes coopératives, comment rétablirait-on le rapport de forces par rapport à l’agroalimentaire et surtout à la grande distribution ? Ne dénigrons donc pas les grandes coopératives.

M. Grégory Besson-Moreau. Nos coopératives sont en effet nécessaires pour nos territoires, mais elles se doivent d’être toutes transparentes. Nous ne saurions les mettre à part. Nous ne pouvons demander aux industriels de donner des comptes, et même des indications sur leurs marges, sans exiger des coopératives qu’elles fassent de même. Aujourd’hui, nous devons contrôler l’effet cascade de A à Z, en passant par la case C, la case « coopératives ». Je ne vois pas pourquoi elles devraient sortir du radar.

M. Dominique Potier. Nous avons déjà traité ce sujet dans la loi d’avenir pour l’agriculture et dans la loi Sapin 2. Nous n’avons aucun intérêt à banaliser le système coopératif français, qui est un grand sujet de fierté, une des forces de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Il faut être exigeant avec lui. Dans la loi, nous avons ainsi réintroduit des clauses de transparence, notamment sur la question des filiales. Des améliorations sont donc encore possibles. Mais ne faisons pas le jeu de la puissance privée en banalisant les coopératives. Quand on parle de prix déterminable, rien n’est plus déterminable que les règles de ristournes attribuées une fois constatée la réussite de l’effort collectif.

Il faut donc poursuivre le schéma qui associe OP et coopératives dans des accords innovants, mais surtout ne pas banaliser les coopératives : ce serait une erreur fondamentale au regard des enjeux de l’économie sociale et responsable que nous voulons dans notre pays.

M. Richard Ramos. L’esprit coopératif, nous l’avons tous : c’était une voix, un homme. Le problème, c’est que pour survivre, il faut être gros ; et en devenant très grosses, certaines coopératives ont perdu l’idée des relations avec les producteurs. Sur le terrain, les producteurs de viande et de lait sont perdus ; ils ne se retrouvent pas dans la philosophie de la coopérative. Les coopératives doivent donc concilier cette double exigence, et le législateur doit l’accompagner : être suffisamment grosses pour être compétitives sur les marchés internationaux ; mais également travailler à retrouver le chemin des cours de ferme, car les coopératives l’ont un peu perdu.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, je viens comme vous de l’Ouest. Je connais sans doute les mêmes coopératives que vous. Elles sont de bons exemples.

Il doit y avoir une symétrie de regard et d’exigence envers les acteurs industriels privés et les coopératives. Il doit y avoir le même regard, le même soutien et le même encouragement : nous avons de grands industriels de l’agroalimentaire, numéros un européens et mondiaux, et nous avons des coopératives qui s’organisent, car la mondialisation des échanges s’impose à tous, aux acteurs privés comme aux coopératives ; et les assemblées de section permettent de faire remonter l’information jusqu’au sommet. Je participe ainsi prochainement à Caen à l’assemblée générale d’une coopérative, à tous égards exemplaire.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je n’ai certes pas voulu stigmatiser les grosses coopératives. J’ai seulement dit que certaines grosses structures avaient perdu l’état d’esprit du statut coopératif, ce qui me semble problématique : c’est ce qui fait fuir les adhérents. Je me garderai de citer des noms, mais pour avoir participé à nombre de congrès et de réunions de Coop de France, je peux vous assurer que certaines coopératives ont perdu de vue depuis longtemps ce qu’est leur vocation. Vous ne sauriez trouver plus grand défenseur que moi du statut des coopératives et du statut de l’économie sociale et solidaire. Mais il faut que certaines coopératives se remettent en ligne par rapport à leur statut et leur mission d’origine.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je partage cette analyse. Nous défendons en effet un modèle de coopérative fondé sur des valeurs et de la redistribution. Leur travail a souvent valeur d’exemple. Mais je ne comprends pas en quoi la remise ou de la redistribution de ristournes poserait à vos yeux problème : cela sort du champ, c’est complémentaire.

M. Charles de Courson. Pour le coopérateur, le prix réel sera la somme du prix qui figurera dans l’accord, auquel s’ajouteront les ristournes, parfois très importantes.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Mais l’information en cascade ne vaut que pour les indicateurs.

M. Charles de Courson. Mais ce n’est pas dans les indicateurs, puisque ce sont des ristournes.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite lamendement CE2034 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement tire les conséquences de ce que nous avons adopté précédemment en substituant, à l’alinéa 40, aux mots « fait référence aux », les mots : « prend en compte les ».

Les contrats dits en cascade, qui concernent la revente des produits agricoles et alimentaires, ne doivent pas simplement « faire référence » aux indicateurs définis à l’article L. 631‑24, mais bien en tenir compte, comme auront eu à le faire les premiers acheteurs de ces produits.

Si l’on souhaite que la valeur entre maillons de la chaîne alimentaire soit répartie de façon équilibrée et que les coûts de production comme les prix de marché soient effectivement corrélés, il convient de prévoir une stricte prise en compte des indicateurs communs aux filières tout au long de la commercialisation des produits.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis favorable, car les mots « prendre en compte » me semblent plus forts que les mots « faire référence à ».

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE955 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. Cet amendement tend à insérer un alinéa après l’alinéa 40, en tenant compte des indicateurs utilisés pour la rémunération du producteur dans l’ensemble de la filière des produits d’alimentation pour animaux familiers. Il s’agit d’écarter les effets de reports éventuels qui peuvent impacter la filière des pet foods, alors qu’elle contribue de manière positive à notre balance commerciale.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement est déjà satisfait, car les produits agricoles incluent les produits pour les animaux familiers.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis. Tout l’article 1er s’applique à l’alimentation humaine et à l’alimentation animale. Il s’applique donc bien aux pet foods.

M. Julien Dive. Si vous me le garantissez, je retire mon amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite lamendement CE1599 de Mme Graziella Melchior.

Mme Graziella Melchior. Cet amendement vise à exclure des dispositions des articles L. 631‑24, L. 631‑24-1 et L. 631-24-2 les contrats conclus dans certains cas de figure et pour lesquels les obligations prévues dans ce projet de loi ne semblent pas pertinentes du fait de l’objet ou des spécificités de ces contrats. Je pense notamment aux ventes directes au consommateur ou aux cessions réalisées au bénéfice des organisations caritatives.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. À mon sens, cet amendement est devenu sans objet à la suite de l’adoption de mon amendement à l’alinéa 4. À défaut de retrait, je devrais donc émettre un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite lamendement CE954 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. L’alinéa 41 exclut la production de betteraves du nouveau dispositif de construction des prix. Mon département de l’Aisne est le premier producteur de betteraves de France. Il compte de grandes coopératives, telles que Tereos et Crystal Union. Or ces deux coopérateurs sont exclus de la contractualisation. Le but est surtout de protéger le producteur : s’il a pu passer un contrat avec les coopératives pour les campagnes 2017-2018 et 2018-2019, autrement dit depuis la disparition des quotas betteraviers, il n’y a pas de contractualisation avec les industries privées. On ne sait d’ailleurs à quoi l’avenir ressemblera à l’issue de ces deux campagnes où le prix aura été artificiellement maintenu à 25 euros la tonne. C’est la raison pour laquelle je propose de supprimer cet alinéa.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. À la suite de la disparition des quotas betteraviers en octobre 2017, le secteur du sucre s’est réorganisé pour faire face notamment à la concurrence de l’Allemagne et de la Pologne. J’ai d’ailleurs récemment rencontré les représentants de Tereos.

Au niveau de l’interprofession, une commission de répartition de la valeur a été mise en place de manière volontaire, en application de l’acte délégué de la Commission européenne. Les accords interprofessionnels qui en ont résulté sont considérés comme mieux disant. Autrement dit, il existe déjà des accords interprofessionnels dérogatoires à l’organisation commune de marché (OCM) et actés par la Commission européenne. Supprimer l’exemption dont bénéficie le secteur du sucre dans le projet de loi contraindrait toute la filière à remettre à plat les accords interprofessionnels qu’elle a déjà conclus et qui semblent, dixit Tereos, plutôt bien fonctionner pour l’ensemble des acteurs du secteur, sans garantie que les nouveaux soient aussi rémunérateurs pour les producteurs. Mon avis est donc plutôt défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ce que vient de dire le rapporteur est tout à fait clair : il convient d’attendre le retour d’expérience de cette première mise en œuvre, au moins jusqu’en 2020. La filière devra ensuite veiller à organiser cette contractualisation. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Bricout. Je soutiens moi aussi les betteraviers et le territoire de l’Aisne. Historiquement, les relations commerciales dans le secteur betteravier sont très différentes de ce qu’elles sont dans le secteur laitier : elles sont tout à fait apaisées et même gagnant-gagnant.

Après cinquante ans d’existence, les quotas de betteraves ont été supprimés en octobre 2017. La filière se réorganise autour du principe du partage de la valeur, autour d’un prix minimum de 25 euros la tonne, et même de quelques revenus complémentaires en fin de campagne. Les sucriers craignent toutefois une déstabilisation des relations commerciales plutôt bonnes, au moins pendant les deux prochaines années. Il ne me paraît pas utile de supprimer cet alinéa.

M. Julien Dive. Sur le principe, mon amendement n’a pas d’incidence sur les coopératives en tant que telles, puisqu’elles ont déjà pris des engagements avec les producteurs de betteraves, en garantissant un prix à 25 euros la tonne, alors que le prix du marché avoisine plutôt les 20 euros la tonne.

Toutes les industries acheteuses n’ont cependant pas passé d’accords – ce n’est pas le cas de Crystal Union, par exemple. Certes, un accord a été passé pour les deux prochaines années. Mais qu’en sera-t-il par la suite ? Je ne vois pas en quoi le fait de contractualiser perturberait le système existant dans la filière betteravière.

Je vais toutefois retirer mon amendement pour mieux le retravailler en vue de la séance publique. Mais je resterai vigilant sur ce point.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques CE86 de M. Dino Cinieri, CE504 de M. Thibault Bazin, CE579 de M. Daniel Fasquelle et CE885 de Mme Valérie Beauvais.

M. Dino Cinieri. L’exclusion des betteraviers et canniers du bénéfice des nouvelles dispositions relatives aux contrats de vente de produits agricoles, au motif que seul le droit communautaire s’appliquerait, n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne. Rien ne justifie cette exclusion, que mon amendement CE86 propose donc de supprimer. Il convient de traiter les sociétés d’intérêt collectif agricole (SICA) dans le secteur du sucre comme les coopératives agricoles.

M. Daniel Fasquelle. L’amendement CE579 est défendu.

Mme Valérie Beauvais. Nous proposons que, dans le secteur du sucre, les sociétés d’intérêt collectif agricole mentionnées à l’article L. 531-1 du code rural et de la pêche maritime bénéficient des dispositions prévues par le premier alinéa du II pour les sociétés coopératives mentionnées à l’article L. 521-1. Nos amendements CE 504 et CE885 sont des amendements de cohérence : les SICA, qui ont le statut de société coopérative selon l’article L. 5311 du code rural et de la pêche maritime, doivent être traitées comme les coopératives agricoles.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Même avis que précédemment. Du fait des négociations dérogatoires à l’OCM qui ont déjà été menées, nous n’allons pas revenir sur ces accords interprofessionnels.

Je répète par ailleurs que les SICA sucrières ne peuvent être considérées comme des coopératives que s’il y a un réel transfert de propriété. Dans le cas contraire, ce n’est pas possible. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette les amendements.

La commission examine, en discussion commune, lamendement CE1011 de M. Antoine Herth, les amendements identiques CE1420 de M. Jean-Claude Leclabart et CE1667 de M. Pierre Morel-À-LHuissier, et les amendements identiques CE707 de Mme Véronique Louwagie et CE874 de M. Thibault Bazin.

M. Antoine Herth. L’amendement CE1011 concerne toujours le secteur sucrier mais il diffère des précédents en ce qu’il n’exclut pas le cadre européen mais crée un deuxième niveau complémentaire de réglementation nationale : en effet, il serait prudent de garder les deux fers au feu étant donné l’évolution actuelle du secteur sucrier, qui s’enfonce dans une baisse du prix du sucre, ce qui augure de discussions sans doute assez tendues. Certaines entreprises m’indiquent que ce prix est fixé à 18 euros par tonne, tandis que d’autres coopératives pratiquent encore un prix de l’ordre de 21 ou 22 euros la tonne. En clair, de très fortes tensions se font jour.

Je précise que mon amendement renvoie spécifiquement aux dispositions mentionnées au I de l’article, contrairement aux amendements précédents qui faisaient référence au II.

M. Jean-Claude Leclabart. Mon amendement CE1420 participe du même esprit que celui de mon collègue. Le règlement européen relatif à l’organisation commune des marchés (OCM) contient des mesures spécifiques portant sur les conditions d’achat des betteraves. Toutefois, en matière de contrats de vente de betteraves, le droit national s’est toujours appliqué sous réserve des règlements européens. Il suffit donc de rappeler que le droit national s’applique sous réserve du respect des dispositions du règlement OCM. Cela permettra à la filière de la betterave sucrière de bénéficier des avancées de la loi pour continuer de renforcer sa contractualisation tout en évitant tout risque d’incompatibilité avec le droit européen.

M. André Villiers. L’amendement CE1667 est défendu pour les mêmes motifs que le précédent.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CE707 vise lui aussi à remédier à un risque d’incompatibilité avec le droit européen. Il est important de sécuriser et de préciser la réglementation pour éviter toute difficulté.

Mme Valérie Beauvais. L’amendement CE874, identique au précédent, est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Outre les arguments que j’ai déjà exposés, je précise que j’ai rencontré des représentants de la Commission européenne à Bruxelles et j’en retiens que nous avons tout intérêt à rester raisonnables. L’accord n’a été conclu qu’en 2016 ; attendons d’en constater et mesurer les effets avant d’adopter une démarche nouvelle reposant sur des accords interprofessionnels dont il n’est pas certain qu’ils soient plus favorables aux producteurs. Évaluons d’abord les accords adoptés en 2016. Il est encore tôt pour le faire, mais nous verrons d’ici à 2020 s’ils sont ou non profitables aux producteurs ; il sera encore temps de modifier les règles du jeu.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je le confirme : outre l’accord sur le sucre, le règlement OCM tient compte de toutes les clauses de négociation. L’accord sur les prix court jusqu’en 2020 ; certes, c’est une date assez proche qu’il faut préparer dès maintenant, mais mieux vaut attendre d’avoir un an, voire un an et demi de recul pour déterminer s’il faut modifier telle ou telle règle européenne. L’organisation commune des marchés devra être discutée dans le cadre de la prochaine politique agricole commune – comme c’est aussi le cas de l’OCM viticole, les producteurs concernés s’assurant bien qu’ils ne sont pas oubliés et que nous faisons le boulot derrière eux. Donnons-nous le temps d’examiner le fonctionnement des accords passés et leur traitement dans le cadre de l’OCM.

M. Charles de Courson. Le Conseil d’État avait été saisi par le Gouvernement d’une version du projet de loi dans laquelle la disposition prévue à l’alinéa 41 n’existait pas, puisqu’elle a précisément été rajoutée à la suite de l’avis du Conseil d’État que nous connaissons tous. Il est très simple : « Le Conseil d’État estime que les contrats de vente de betteraves et de canne à sucre aux entreprises sucrières doivent être expressément soustraits du champ d’application des nouvelles dispositions, le contenu de ces contrats étant entièrement régi par l’article 125 et l’annexe X du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles ». Tel est l’argumentaire du Conseil. Le débat ne consiste donc pas à déterminer si l’article 1er est compatible ou non avec l’accord appelé à courir jusqu’en 2020, mais s’il faut intégrer la filière sucrière à l’article 1er pour préparer la renégociation en 2020, car nous ignorons ce qui se passera à cette date, et même s’il existera un règlement applicable au sucre.

Je rappelle la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne dans un arrêt pris en application de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « Si l’organisation commune des marchés prévoit des règles générales relatives à la vente et l’achat des betteraves, il en ressort cependant clairement que les accords et contrats visés continuent, sous réserve du respect desdites règles générales, d’être régis par le droit national des contrats sous lequel ils sont conclus ». Il est donc prudent d’adopter notre amendement, contrairement à l’argumentaire exposé, car il ne mange pas de pain tout en préparant l’avenir.

M. Jean-Louis Bricout. Les relations qui existent dans cette filière sont apaisées et gagnant-gagnant. Il est urgent d’attendre ; il sera encore temps de s’adapter en 2020.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Tout à fait, d’autant plus que selon moi, la Commission européenne s’opposera à cette modification concernant les betteraviers, qui risque de déstabiliser l’ensemble du projet de loi.

M. Charles de Courson. Pas du tout !

La commission rejette successivement lamendement CE1011, les amendements CE1420 et CE1667 et les amendements CE707 et CE874.

Puis elle examine lamendement CE2007 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement de coordination consiste en une modification du code de commerce.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je demande au rapporteur de le retirer, car ce travail d’harmonisation du droit sera conduit par ordonnance. Il n’est donc pas nécessaire de procéder à cette modification isolée.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1344 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. Un coefficient multiplicateur encadre le rapport entre le prix de vente au consommateur et le prix d’achat au producteur pour limiter les marges des intermédiaires et pour assurer un meilleur partage de la valeur ajoutée – l’un des objectifs des États généraux de l’alimentation. Nous proposons de rendre l’usage de ce coefficient systématique sur les fruits et légumes périssables et sur les produits alimentaires peu transformés. Selon l’étude conduite en août 2017 par UFC-Que Choisir sur les surmarges, 46 % du surcoût des produits bio proviennent en réalité des surmarges réalisées par les grandes surfaces, l’écart de marge atteignant même 145 % pour les tomates et 163 % pour les pommes. Le coefficient multiplicateur permettrait d’éviter ces dérives.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ce dispositif existe déjà pour les fruits et légumes périssables mais il n’a jamais été utilisé, preuve qu’il n’est peut-être pas si important de l’adopter. L’idée me paraît bonne, à ceci près qu’elle suppose l’existence d’un État hyperinterventionniste, ce qui est difficilement concevable dans l’économie actuelle et en l’état du droit européen. En outre, un tel mécanisme est très complexe et ses effets collatéraux difficiles à anticiper : il n’existe pas un seul prix mais une multitude de prix – le lait en est l’exemple le plus marquant. Quant à la viande, c’est l’ensemble de la carcasse qui est acheté, et non de simples morceaux. Enfin, en faisant peser une contrainte sur les acteurs d’une même filière, il pourrait terriblement compliquer le dialogue qu’ils entretiennent entre eux. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement CE1344.

Puis elle adopte larticle 1er, modifié.

Après l’article 1er

La commission examine lamendement CE1102 de M. André Chassaigne.

M. Sébastien Jumel. Cet amendement identitaire, en quelque sorte, vise à étendre le mécanisme du coefficient multiplicateur, qui a été partiellement réintroduit par l’article 23 de la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux. Instauré à la Libération, ce coefficient était alors destiné à protéger les paysans et les consommateurs contre les pratiques abusives des intermédiaires, notamment en matière de marges, afin de satisfaire aux besoins des Français.

Le principe de cet outil est simple, même si j’entends bien qu’il heurte l’approche plus libérale qui est désormais de règle en économie : l’État fixe un coefficient, sous la forme d’un taux à ne pas dépasser, entre le prix d’achat au fournisseur et le prix de vente au consommateur. Ce taux s’applique à toute la chaîne des différents intermédiaires. Par ce simple mécanisme, les prix à la production sont protégés dans la mesure où une augmentation des marges des intermédiaires entraîne obligatoirement une augmentation du prix d’achat au fournisseur. Tel est l’objet de cet amendement auquel M. Chassaigne et moi‑même tenons beaucoup.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Étant donné la complexité de l’organisation des filières et leurs besoins d’exportation, ce coefficient multiplicateur, encore une fois, ne me semble plus guère adapté à l’économie agricole telle qu’elle fonctionne aujourd’hui.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le coefficient multiplicateur qui encadre les marges réalisées sur les fruits et les légumes n’a jamais été appliqué en raison de ses faiblesses et de ses effets collatéraux : il favorise notamment la substitution de produits français par des produits importés. Il n’est pas de nature à garantir l’augmentation des volumes mis en marché ni le relèvement mécanique des prix de production. Son activation requiert donc la plus grande vigilance, y compris pour ce qui concerne sa compatibilité européenne. Dès lors, je ne vois pas comment l’étendre à d’autres secteurs à partir de l’exemple du secteur des fruits et légumes. Je comprends la philosophie qui inspire cette proposition et qui me convient mais qui, dans la pratique, ne fonctionne pas. Avis défavorable.

M. Richard Ramos. La mise en œuvre de cette mesure est certes compliquée mais comme le disait Mme Taurine, les marges posent problème. Un produit traditionnel acheté 1 euro sera vendu 2 euros si le coefficient est de deux ; avec le même coefficient, un produit bio acheté 2 euros sera vendu 4 euros – alors que le salaire de la caissière n’aura pas augmenté et que l’éclairage du produit n’aura pas changé. Il faudrait donc trouver un système, malgré la difficulté de l’exercice, qui empêche des produits bio, par exemple, de subir une augmentation telle que certains consommateurs seront incapables de les acheter.

M. Paul Molac. Sous la précédente législature, M. Le Foll avait souhaité maintenir le prix du porc : la mesure n’avait pas duré plus de trois mois, car elle favorisait tout simplement les importations, en particulier d’Espagne, les produits français étant beaucoup plus chers. Cette méthode n’a hélas pas permis de régler le problème.

M. Dominique Potier. Un dernier mot sur l’ancien monde : lorsque notre ami Chassaigne a déposé cette proposition de loi, Stéphane Le Foll, citant
M. Emmanuel Macron, avait dit : « Cette proposition, c’est Cuba sans le soleil ! »

M. Thierry Benoit. Souvenirs, souvenirs !

M. le président Roland Lescure. La température de la salle est peut-être cubaine ce soir mais cette loi, elle, ne le sera sans doute pas…

La commission rejette lamendement CE1102.

Elle passe à lamendement CE1907 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Lorsque la contractualisation a été lancée il y a une dizaine d’années, nous avons laissé les agriculteurs, un peu livrés à eux-mêmes, s’organiser en organisations de producteurs ou associations d’organisations de producteurs. Cet amendement vise à permettre aux OP et AOP de gérer le marché des contrats laitiers et, par conséquent, de l’organiser. Nous proposons qu’elles soient responsables de la distribution des contrats en fonction de la demande des producteurs. Le but est d’encourager les agriculteurs à se fédérer en OP et en AOP, mais aussi de « muscler » les AOP dans leur rôle en matière de relations commerciales.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends l’esprit de cet amendement mais il faut s’interroger sur son articulation juridique avec l’article L. 631-24-1 du code rural et de la pêche maritime, introduit par la loi Sapin 2, relatif à l’interdiction de la cession marchande des contrats laitiers, qui est d’ordre public. Votre objectif est de maintenir cette interdiction pour les cessions à titre onéreux entre éleveurs, mais de les autoriser entre producteurs d’une même OP ou AOP. L’alinéa 19 de l’article 1er le permet, puisqu’il prévoit que la proposition d’accord-cadre – y compris les OP et les AOP – doit préciser la répartition des quantités à livrer entre les producteurs membres de l’organisation ou les producteurs représentés par l’association et les modalités de cession des contrats. Avis défavorable : votre amendement est déjà satisfait.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis ; le dispositif est déjà prévu à l’article 1er du projet de loi, qui modifie l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.

M. Thierry Benoit. Si la loi en vigueur interdit la vente à titre onéreux de volumes de gré à gré, c’est-à-dire de producteur à producteur, en pratique, cependant, cela se fait encore.

C’est à mon sens aux OP et aux AOP qu’il faut confier ce rôle. Aujourd’hui, la partie implique plusieurs joueurs : le cédant, l’AOP, l’industriel et le prenant – c’est-à-dire celui qui a besoin de volume, souvent un jeune qui s’installe. C’est là que les OP et les AOP doivent intervenir, mais leur rôle en la matière n’est pas encore établi. Je comprends les références juridiques qui me sont opposées, et M. le rapporteur et M. le ministre sont mieux placés que moi pour régler le problème ; mais j’ouvre le débat et je vous alerte.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le 2° du III de l’article L. 631-24 tel qu’il a été adopté à l’article 1er prévoit parmi les clauses obligatoires que la proposition d’accord-cadre écrit et l’accord-cadre conclu mentionnés au premier alinéa du II précisent « la répartition des quantités à livrer entre les producteurs membres de l’organisation ou les producteurs représentés par l’association et les modalités de cession des contrats ». Votre amendement est donc satisfait.

M. Thierry Benoit. Je retire mon amendement, mais je souhaite que l’on se penche sur la question des OP et des AOP, de leur souveraineté et de la reconnaissance de leur rôle.

Lamendement CE1801 est retiré.

La commission examine lamendement CE1801 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Cet amendement, comme les deux qui suivent, est le fruit d’une réflexion du groupe Nouvelle Gauche à laquelle nous tenons particulièrement car nous nous sommes employés à diversifier nos sources d’inspiration. Peut-être les trois propositions qu’ils contiennent sembleront-elles un peu originales.

L’amendement CE1801, en premier lieu, tend à établir une stratégie nationale visant à couvrir le territoire d’ici à 2025 – mais j’accepterai volontiers de sous-amender jusqu’à 2030, par exemple, car là n’est pas le problème – d’un nombre pertinent d’AOP par rapport à la structure du marché. Je suis convaincu, en effet, qu’à structure de marché équivalente, rien de ce que nous sommes en train d’inventer ne produira d’effets significatifs si nous n’y veillons pas. Il nous semblerait judicieux que se constituent de grandes AOP, à la hauteur du marché français et du marché européen. Nous disposons pour ce faire de plusieurs leviers : un levier réglementaire permettant d’agir sur la taille des OP et des AOP telles qu’elles sont reconnues, mais aussi un levier incitatif reposant sur les aides de la PAC.

Nous ne vous demandons pas une réponse immédiate, mais simplement de fixer une échéance – à l’échelle de la décennie, pourquoi pas, notre amendement étant sûrement perfectible – afin de nous donner les moyens, après l’avoir tant dit sans jamais le faire, de couvrir le territoire en AOP.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. À titre personnel, je suis tout à fait favorable à cet amendement sur le fond, même si j’ai quelques doutes sur sa rédaction. Il va en effet falloir instaurer des mesures incitatives, notamment dans le cadre de la future PAC, pour encourager les producteurs à se regrouper en organisations, comme cela a par exemple été fait avec succès dans le secteur du mouton – puisque le bénéfice de la prime à la brebis est conditionné à l’appartenance à une OP. C’est une solution majeure pour mailler le territoire d’OP et d’AOP.

Si je suis pleinement en accord avec la philosophie globale de l’amendement, je pense qu’il faudra en travailler la rédaction ; de plus, il n’est pas certain que sa place soit dans ce projet de loi.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous sommes au cœur de la feuille de route des États généraux de l’alimentation. Oui, nous devons assurer cette montée en gamme, et nous y parviendrons avec les AOP et les AOC, car elle constitue une garantie de création de valeur et permettra de répondre aux besoins des consommateurs. Sur le plan philosophique, monsieur le député, votre proposition est tout à fait bien venue et j’en partage l’objectif.

En revanche, je ne suis pas certain qu’il soit utile d’inscrire cette stratégie dans la loi. Nous pourrons néanmoins l’intégrer à la feuille de route des États généraux et, comme nous l’avons fait dans le secteur bio avec l’objectif d’y affecter 15 % de la surface agricole utile d’ici à 2022 et dans d’autres domaines depuis le 21 décembre, fixer des objectifs relatifs au maillage des AOP et des AOC à partir d’une connaissance fine du territoire. Sans doute n’est‑il pas nécessaire de passer par la loi pour y parvenir, mais nous devons utiliser les outils dont nous disposons si nous voulons favoriser l’émergence d’ateliers de production et permettre le regroupement en associations de producteurs pour assurer la montée en gamme de produits particuliers autour d’une appellation d’origine. Sur ces sujets, nous sommes en mesure de travailler dans un certain nombre de territoires. Rien n’est figé ; nous pouvons encore envisager comment procéder d’ici à la séance, étant précisé que nous entendons le message politique que vous adressez, monsieur le député. Voyons comment y répondre autrement que par la loi.

M. Dominique Potier. Dans le secteur du lait, 45 % de la production ne relève pas de coopératives, et 78 à 80 OP n’ont pas la taille adéquate. Or les experts s’accordent à reconnaître qu’il faudrait quatre ou cinq AOP. Combien de temps allons-nous attendre ? Si cet objectif ne s’inscrit pas dans une stratégie nationale offrant les moyens réglementaires et incitatifs que j’ai évoqués et qui pourront être mobilisés le moment venu, parce qu’ils auront été établis dans la loi, alors nous ne serons jamais au rendez-vous.

Je ne supporte plus l’idée que tous les jours, des paysans se lèvent pour traire leurs vaches et perdent de l’argent en raison de la distorsion complète, de la déformation même, qui affecte la fabrication du prix, tout simplement parce qu’il y a d’un côté des géants, et de l’autre une offre totalement fragmentée. La loi sert aussi à affirmer et à prendre date. En l’espèce, nous pouvons décaler l’échéance à 2030 s’il le faut, mais nous devons emprunter cette voie. Nous pouvons adopter cette mesure aujourd’hui et, le cas échéant, y revenir en séance, en bonne intelligence et dans le cadre d’un dialogue avec votre cabinet et votre administration, monsieur le ministre.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’entends votre argumentation qu’étayent plusieurs exemples, il est vrai : en Île-de-France, par exemple, nous avons deux AOP fromagères – Brie de Meaux et Brie de Melun – mais pas assez d’entreprises de production et de transformation pour répondre à la demande des consommateurs…

Évitons de voter un amendement à moitié. Je propose que nous tirions parti de l’intervalle qui nous sépare du débat en séance publique pour en discuter ensemble posément ; ma porte est grande ouverte. Examinons ensemble comment aboutir à cette interprétation autrement que par la loi ou, s’il faut passer par la loi, comment y parvenir.

M. Thierry Benoit. Une ouverture est faite !

M. Dominique Potier. J’accepte de retirer l’amendement mais nous voulons avoir avec vous l’initiative de ce rendez-vous, qui doit passer par une stratégie nationale.

M. Paul Molac. Une grande entreprise laitière bien connue, et qui peine à communiquer ses résultats, travaille avec dix-sept OP en France. Comment voulez-vous que des organisations aussi dispersées puissent avoir un poids quelconque en termes de négociation ? Au moins faudrait-il qu’une bonne partie d’entre elles se regroupent pour espérer peser ne serait-ce qu’un peu. M. Potier soulève une question importante : c’est à la puissance publique qu’il appartient d’encourager le regroupement des OP afin qu’elles puissent exercer leur influence.

Mme Célia de Lavergne. Sur le fond, nous convenons tous du fait que cet amendement traduit la nécessité de travailler collectivement pour définir dans une stratégie ou un document la manière dont les OP pourront se rassembler afin de peser sur la contractualisation dont nous débattons ce soir. Cela étant, la loi est-elle le véhicule adapté ? Le groupe La République en Marche ne le pense pas à ce stade mais nous sommes très sensibles, monsieur Potier, à votre proposition de travailler avec le ministre sur la possibilité d’intégrer cette disposition dans la feuille de route du Gouvernement et d’y travailler ensemble.

M. Dominique Potier. Encore une fois, je retire l’amendement, non pour le fondre, mais pour le défendre.

Lamendement CE1801 est retiré.

La commission examine à lamendement CE1758 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Deuxième idée, sinon neuve, en tout cas innovante : la conclusion d’accords non seulement pluriannuels mais aussi tripartites. Depuis le début de notre discussion, nous ne faisons référence qu’aux accords entre producteurs et transformateurs ou aux accords entre transformateurs et distributeurs. L’idée d’accords tripartites avait été évoquée sous la forme d’un rapport prévu par la loi Sapin 2. Ne peut-on pas aller plus loin que ce rapport qu’au demeurant, le Gouvernement – je ne vous en fais pas le reproche, monsieur le ministre – n’a jamais produit ? La crise est là ; il faut agir. Ne peut‑on pas expérimenter la labellisation publique d’accords tripartites pluriannuels ? Cela ne coûterait rien d’autre que de la volonté et de l’énergie. Nous avons esquissé ce dessein aux États généraux de l’alimentation : constituer des filières positives qui reconnaissent le travail du producteur et du transformateur ainsi que la part du distributeur, et qui sont reconnues par le consommateur en tant que telles. Voilà typiquement quelque chose que nous pouvons faire ensemble et, puisque j’ai retiré l’amendement précédent, je suis convaincu que vous accepterez celui-ci !

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les conventions tripartites existent déjà. Une célèbre marque de distribution allemande, par exemple, a conclu des contrats tripartites dans le nord de la France, avec un grand succès. Des doubles conventions bipartites ont même été conclues dans le secteur de la restauration rapide. Autrement dit, la chose est possible ; tout dépend de la volonté des acteurs concernés de s’asseoir autour d’une table et de signer des contrats tripartites qui souvent, en effet, garantissent une meilleure plus-value pour le producteur. J’émets donc un avis plutôt défavorable à l’amendement car il est déjà satisfait, selon moi, mais je laisse le ministre vous répondre sur la question de la labellisation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis comme le rapporteur mû par l’optimisme de la volonté et la détermination à bâtir cette loi dans de bonnes conditions. Il existe des exemples de partenariats réussis, et nous devons promouvoir toutes ces démarches en les sécurisant sur le plan juridique. L’Autorité de la concurrence a d’ailleurs été saisie de cette question. D’autre part, la loi ne doit pas devancer l’analyse qu’il convient de faire des lettres d’engagements tripartites qui ont été signées, ni proposer une explication inutile par rapport à l’analyse de l’Autorité.

Dans ces conditions, les démarches existantes suffisent à assurer leur propre publicité et la communication doit se faire au cas par cas ; il n’y aurait aucun sens à la réunir sous un label commun. Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel. Il y a une sorte d’hypocrisie – qui n’est ni celle du rapporteur, ni celle du ministre ; elle est collective – à ne pas vouloir reconnaître devant l’opinion publique que notre volonté de rééquilibrer la valeur du produit en faveur du producteur aura inévitablement des effets sur le prix pour le consommateur, notamment sur la part qu’il consacre à l’alimentation. Nous avons du mal à assumer cette hypocrisie, et pour cause. La responsabilisation des acteurs par un étiquetage ou une labellisation permettant d’identifier les produits qui respectent les conditions de rémunération des producteurs est une étape souhaitable. Je connais de nombreuses personnes, à l’abri de graves difficultés économiques, il est vrai, qui pourraient accepter de payer un peu plus dès lors que l’environnement est respecté, la traçabilité assurée et le producteur justement rémunéré.

M. Dominique Potier. Je tiens à exprimer ma déception. Nous essayons de fabriquer des idées qui, loin d’être sorties d’un chapeau, ont été pensées avec des économistes et des personnes croisées lors des États généraux de l’alimentation. L’atelier que j’ai eu l’honneur de présider a duré trente-trois heures. L’idée que je vous propose est l’une de celles qui ont suscité le plus grand enthousiasme parmi les parties prenantes – ONG environnementales, associations de consommateurs, producteurs dans toute leur diversité, coopératives, etc.

Vous m’opposez l’existence de contrats tripartites. Je suis aussi paysan et au-delà du métier, je suis enraciné dans un pays. Or je n’ai jamais entendu parler de ces contrats chez moi, et j’ignore combien sont ceux dans cette salle qui en connaissent l’existence. En ce qui me concerne, je n’en ai pas connaissance. En clair, ce n’est pas une démarche prépondérante dans le pays – car, autrement, cela se saurait. Nous ne vous demandons pas de transformer des règles commerciales mais d’expérimenter un moteur de changement, c’est-à-dire la possibilité d’instaurer une labellisation publique d’un mécanisme innovant susceptible d’entraîner la société vers ce changement. Les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de l’Union européenne et autres nous empêchent par ailleurs d’inventer l’inédit ; laissons au moins à la société la possibilité de tirer parti de sa capacité d’innovation grâce aux contrats tripartites pluriannuels.

M. Richard Ramos. Gardons-nous de faire croire à nos concitoyens, comme le disait M. Jumel, que les États généraux de l’alimentation auraient in fine pour but de réduire leur pouvoir d’achat en raison de l’augmentation des prix des produits. C’est une crainte, et M. Michel-Édouard Leclerc s’est largement répandu sur le sujet. Il existe deux catégories d’alimentation dont l’une, plus sucrée, plus salée et plus grasse, est réservée aux pauvres, la courbe de l’obésité correspondant à celle de la pauvreté. Au contraire, l’objectif des États généraux de l’alimentation visait à prôner une alimentation saine, durable et pour tous.

Mme Célia de Lavergne. Avant toute chose, je remercie M. Potier de porter à la connaissance de tous certaines des idées qui ont germé lors des États généraux de l’alimentation : c’est tout à votre honneur. J’entends l’argument du rapporteur et du ministre sur l’intérêt que présentent les conventions tripartites qui existent en certains endroits. Pourriez-vous préciser, monsieur le ministre, dans quelle mesure cette bonne idée est reprise dans la feuille de route de l’alimentation ?

Votre amendement, monsieur Potier, repose sur une idée pertinente, mais il convient d’affiner sa rédaction concernant la labellisation ; après la réponse du ministre, nous proposerons donc de le retravailler.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il existe déjà un mécanisme bipartite avec une partie liée. Cela étant, je ne vois guère le rapport qu’établissait à l’instant M. Ramos entre les contrats tripartites et la qualité de l’alimentation. Nous partageons le même objectif ; mais, en l’espèce, la mesure existe déjà.

J’entends, monsieur Potier, que nombreux sont ceux qui ont réfléchi et consacré du temps à ces sujets, mais ce n’est pas parce que l’on émet un avis défavorable que l’on ne respecte pas le travail des autres. Vous nous reprochez de rejeter une proposition longuement mûrie : je n’ignore pas qu’elle est le fruit d’un long travail, mais il nous appartient de donner un avis sur un amendement. Comme le suggérait Mme de Lavergne, regardons comment nous pouvons avancer ; encore une fois, ma porte est grande ouverte. Reste que nous avons déjà un mécanisme qui se suffit à lui-même et qui peut être expérimenté partout sur le territoire. De surcroît, tout ne peut pas figurer dans la loi.

M. Sébastien Jumel. Laisser croire que je fais la promotion d’une alimentation réservée aux pauvres face à une alimentation réservée aux bobos, serait faire insulte au combat que je mène au quotidien. Je dis simplement ceci : prétendre que la vente de produits à des prix extrêmement, voire abusivement, bas permet de rémunérer les producteurs et de préserver l’agriculture française, c’est leurrer les gens. C’est précisément cette spirale qui a tué l’agriculture. Le but de l’examen de ce texte consiste à déterminer qui réalise des marges et des bénéfices dans l’ensemble de la filière et, en partie, à définir des éléments de responsabilisation des consommateurs étant donné l’impérieuse nécessité de rémunérer les producteurs des produits achetés.

M. le président Roland Lescure. C’est bien ainsi que nous avions compris vos propos.

Lamendement CE1758 est rejeté.

La commission passe à lamendement CE1792 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Cet amendement est une variante de celui précédemment examiné : nous avons travaillé avec les moyens du bord. Je précise, monsieur le ministre, que je ne mélange pas le travail que vous m’avez confié dans le cadre des États généraux et celui que j’accomplis aujourd’hui au nom du groupe Nouvelle Gauche, conduit en parallèle et qui s’inspire des États généraux : l’un et l’autre ne peuvent être confondus.

Nous avons simplement relu les conclusions des États généraux, comme beaucoup d’autres l’ont fait, car nous y croyons, et nous les avons approfondies avec des économistes, dont beaucoup nous disent que ces contrats tripartites, qui pourraient prendre la forme d’une convention interprofessionnelle alimentaire – c’est le sens de l’amendement CE1792 – sont réellement des idées neuves. Il faut créer des outils innovants : sans un lien établi entre le consommateur et le producteur via ces conventions tripartites, tout restera comme avant. Ne racontons pas aux agriculteurs qu’ils pourront fixer leurs prix seuls : nous vivons dans un monde ouvert et concurrentiel, au point que la concurrence est complètement disproportionnée. Encore une fois, les outils nouveaux sont donc nécessaires.

Cet amendement est conforme au précédent et, sous réserve de votre avis, j’accepte de le retirer à condition qu’en séance publique, nous esquissions à partir de ces deux derniers amendements une proposition susceptible d’être entendue. Saisissons cette chance. Cela ne coûte rien : donnons aux acteurs économiques les outils de reconnaissance d’une nouvelle manière de travailler.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il va de soi que toutes ces idées sont intéressantes et doivent être creusées ; il ne faut certainement pas les rejeter d’un revers de la main. Cela étant, elles relèvent davantage d’une trajectoire politique fixée dans la feuille de route que du strict cadre législatif. À l’évidence, nous sommes favorables au regroupement des producteurs en organisations et, pour ce faire, il faudra instaurer des mesures d’incitation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je partage votre objectif, monsieur Potier, mais je regrette que cette proposition soit formulée au moyen d’un amendement dont nous n’avons pas préalablement débattu, car cela nous aurait permis de l’expertiser avec plus de précision – ce que je reste prêt à faire. Je ne suis pas certain, néanmoins, que cette mesure relève de la loi. Quoi qu’il en soit, il s’agit sans doute d’une idée à défendre dans le cadre de la feuille de route des États généraux, puisqu’elle en émane. Examinons-la.

M. Dominique Potier. Je retire cet amendement en acceptant le principe d’un rendez-vous pour le retravailler, mais je vous le dis clairement : la question du label public n’est pas hors champ. Tous les labels actuels sont privés : comme vous, je me suis rendu au salon de l’agriculture où foisonnent les initiatives, ici équitables, ici de nature, ici de santé. La question qui se pose est la suivante : allons-nous laisser la grande distribution et les grands industriels choisir leur label privé et l’imposer dans le champ commercial ou sommes-nous capables de dire publiquement ce qui est équitable et ce qui est sain ? Je défends ici, au nom de mon idéal politique que je crois très largement partagé, l’idée que c’est à la puissance publique qu’il appartient de déterminer la labellisation de ce qui est équitable et sain pour la population.

Lamendement CE1792 est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1921 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Nous sommes convaincus que les organisations de producteurs et leurs associations doivent être reconnues. C’est pourquoi cet amendement vise à créer une fédération nationale des organisations de producteurs. Je m’explique : les OP peinent aujourd’hui à trouver leur place aux côtés de l’interprofession. J’en veux pour preuve le cas du secteur laitier : face au Centre national interprofessionnel de l’élevage laitier (CNIEL), les organisations de producteurs sont à la peine. Songez aux conditions dans lesquelles les agriculteurs créent des OP et des AOP : celles-ci sont dépourvues de moyens de fonctionnement, d’ingénierie et d’assistance juridique, si ce n’est quelques quart‑temps ou mi-temps – du bricolage, en somme.

Par cet amendement, nous proposons d’instituer un financement via la contribution volontaire obligatoire existante qui finance actuellement 75 % du budget national du CNIEL.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le règlement européen OCM de 2013 prévoit déjà la possibilité de créer des associations d’organisations de producteurs. Il est tout à la fois possible et souhaitable de les inciter à se structurer à l’échelle régionale voire nationale, mais il me paraît hasardeux d’en faire une obligation légale. De surcroît, les OP doivent étendre leurs missions au-delà du simple regroupement des producteurs. Comme l’ont montré les amendements que j’ai déposés concernant la facturation, il faut aller beaucoup plus loin, mais tout ne doit pas forcément reposer sur des cotisations volontaires obligatoires : vient un moment où les OP doivent se muer peu à peu en organisations à des fins commerciales, car c’est le seul moyen de structurer la filière. C’est par la mobilisation de tous les producteurs plus que par la loi que nous y parviendrons.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis : ce n’est pas à la loi qu’il appartient d’imposer la création de fédérations d’OP. De plus, il faut encore travailler à la question du financement correspondant. Laissons donc les organisations de producteurs prendre leur destin en main et assumer cette responsabilité.

M. Thierry Benoit. Je retire mon amendement mais je suis convaincu, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, qu’il est de notre responsabilité d’aider les producteurs et les éleveurs à s’organiser. Voici une dizaine d’années, la France a mal préparé la fin des quotas laitiers ; nous avons agité le hochet de la contractualisation en tentant de rassurer les éleveurs. En fait, la contractualisation se sera réduite pour eux à « 3615 Tu te démerdes » et maintenant à « www.tu_te_débrouilles »… (Sourires.) Les éleveurs se sont retrouvés tout seuls ! J’appelle donc votre attention sur ce problème qui perdure.

Lamendement CE1921 est retiré.

Article 2
(article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime)
Sanctions des manquements aux obligations contractuelles

1.   L’état du droit

L’article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime a été créé en même temps que l’article L. 631-24 du même code par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Alors que l’obligation de proposer un contrat écrit pèse sur les producteurs, l’article L. 631-25 la rend effective en prévoyant de sanctionner ceux d’entre eux qui méconnaîtraient les dispositions de l’article L. 631-24. Cet article ne concerne que les produits pour lesquels la contractualisation a été rendue obligatoire.

La loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche précitée a prévu trois situations pouvant être à lorigine dune sanction de lacheteur :

– lorsqu’il ne remet pas au vendeur (le producteur) une proposition de contrat écrit ;

– lorsqu’il n’inclut pas dans sa proposition de contrat les clauses obligatoires prévues à l’article L. 631-24 ;

–  lorsqu’il rédige les clauses du contrat en méconnaissance des dispositions de ce même article L. 631-24.

Pour les produits soumis à accises, cet article ajoute également à la sanction du fait de ne pas exécuter le contrat conformément aux clauses obligatoires de l’article L. 631-24, celles relatives aux délais de paiement tels que définis au 4° de l’article L. 443-1 du code de commerce.

En outre, la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, modifiée par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, a ajouté la sanction du fait de ne pas transmettre à lorganisation de producteurs ou à lassociation dorganisations de producteurs avec laquelle un accord-cadre a été conclu les informations figurant sur les factures individuelles des producteurs membres ayant donné mandat de facturation à lacheteur et les indices et données utilisés dans les modalités de détermination du prix dachat aux producteurs.

Enfin, la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique précitée a également ajouté la sanction du fait de remettre au producteur une proposition de contrat non conforme à laccord-cadre prévu à larticle L. 63124. Il est en revanche à noter que cette même loi n’a pas prévu la sanction des organisations de producteurs ou associations d’organisations de producteurs qui ne concluraient pas d’accord-cadre.

Ce dispositif est adapté aux dispositions spécifiques prévues pour les coopératives en vertu desquelles celles-ci ne remettent pas à leurs associés coopérateurs de proposition de contrat mais un exemplaire des statuts ou du règlement intérieur intégrant les clauses contractuelles prévues par l’article L. 631‑24 précité.

La sanction prévue à l’article 2 du projet de loi est une amende administrative de 75 000 euros maximum par an et par producteur ou par intermédiaire lorsque la livraison des produits agricoles est effectuée par un ou plusieurs opérateurs. Cette amende peut être doublée en cas de réitération du manquement à ces obligations dans un délai de deux ans.

Le montant de l’amende est proportionné à la gravité des faits, notamment au nombre et au volume des ventes réalisées en infraction. Il est prévu, en outre, une sanction complémentaire d’affichage, l’autorité administrative ayant compétence pour ordonner la publication de la décision ou d’un extrait de celle-ci.

2.   Le projet de loi

Jusqu’à présent, le législateur n’avait jamais prévu la sanction d’un producteur refusant de signer le contrat proposé par son acheteur, ni même la sanction d’une organisation de producteurs ou d’une association d’organisations de producteurs pour l’absence de signature d’un accord-cadre écrit. Seul lacheteur pouvait ainsi être sanctionné en cas de violation des dispositions de larticle L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.

L’article 2 adapte les sanctions applicables à la méconnaissance de l’article L. 631-24 au nouveau dispositif contractuel proposé par l’article 1er, à savoir :

– l’inversion de la responsabilité de la proposition d’un contrat, qui passe de l’acheteur au producteur ;

– en dehors des produits pour lesquels la contractualisation a été rendue obligatoire, l’obligation, pour tout contrat ou contrat-cadre proposé, d’être conforme aux dispositions qui l’encadre ;

– la transmission, par l’acheteur, d’informations relatives aux indicateurs de prix de marché ou aux prix des contrats de ventes passés sur le fondement d’un accord-cadre.

Plusieurs nouveaux manquements sont ainsi susceptibles de sanctions.

a.   Pour tous les contrats et accords-cadres écrits, même en l’absence de contractualisation obligatoire (1° à 3°)

Toutes les parties au contrat écrit (producteurs, organisations de producteurs, associations d’organisations de producteurs ou acheteurs) devront respecter les clauses de l’article L. 631-24 et respecter les modalités de facturation prévues par cet article (alinéa 3, ).

Par ailleurs, l’acheteur ou le producteur concluant le contrat devra respecter les stipulations de l’accord-cadre applicable dès lors qu’il aura été conclu (alinéa 4, ).

Dans le cas d’un accord-cadre, l’acheteur devra transmettre à l’OP ou à l’AOP, mensuellement, tous les éléments figurant sur les factures individuelles des producteurs membres ayant donné mandat de facturation à l’acheteur et les critères et modalités de détermination du prix d’achat aux producteurs (alinéa 5, ).

Dans les contrats qui lient un acheteur pour la revente des produits agricoles, celui-ci devra faire référence aux indicateurs constatés et pris en compte dans les critères et modalités de détermination du prix payé au producteur. L’absence de communication sur l’évolution des indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur les marchés sur lesquels l’acheteur opère sera également passible de sanctions (alinéa 5, ).

b.   Pour les contrats et accords-cadres écrits rendus obligatoires (4°)

L’organisation de producteurs (OP) ou l’association d’organisations (AOP) de producteurs reconnue agissant comme mandataire de ses membres pour la commercialisation de leurs produits aura l’obligation de proposer un accord‑cadre écrit au premier acheteur (alinéa 7, a), de même que le producteur ne devra pas faire échec à la conclusion d’un contrat écrit en ne proposant pas de contrat à son acheteur (alinéa 8, b). L’acheteur restera passible de sanctions s’il achète des produits agricoles sans avoir conclu de contrat écrit ou de contrat-cadre écrit ou, conformément au droit en vigueur, s’il ne respecte pas les modalités obligatoires de la contractualisation (alinéa 9, c).

En devenant responsable de la proposition du contrat écrit, l’acheteur deviendra passible de sanctions, tout comme les OP ou les AOP dans le cas des accords-cadres. Les responsabilités seront partagées entre les différentes parties aux contrats : producteurs, OP ou AOP et acheteurs, dans l’idée de rendre incontournable la contractualisation.

L’absence d’accord-cadre dans les secteurs où la contractualisation n’est pas obligatoire ne sera toujours pas sanctionnée. Dans ces secteurs, l’accord-cadre demeurera une faculté.

L’alinéa 10 reformule des éléments qui figurent à l’article L. 631-25 en vigueur sur la proportionnalité de l’amende et son doublement en cas de réitération du manquement ainsi que sur la possibilité, pour l’autorité administrative, d’ordonner la publication de la sanction.

L’alinéa 11 prévoit que l’action de l’administration pour la sanction des manquements en cause se prescrira dans les trois ans à compter du jour où le manquement aura été commis, si, dans ce délai, aucun acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction de ce manquement n’a été fait.

La rédaction de l’article L. 631-25 proposée par l’article 2 du présent projet de loi supprime la sanction, pour les coopératives, de ne pas remettre à l’associé coopérateur un exemplaire des statuts ou du règlement intérieur dans les conditions prévues à l’article L. 631-24.

3.   La position de votre rapporteur

Cet article tire les conséquences, en termes de sanctions, des nouvelles obligations des parties prévues à l’article 1er.

En créant le II de l’article L. 631-24-3, l’article 1er exclut explicitement, comme le fait aujourd’hui l’article L. 631-24, les coopératives agricoles dans leurs relations avec leurs associés-coopérateurs mais il prévoit également d’exclure les organisations de producteurs ou associations d’organisations de producteurs bénéficiant d’un transfert de propriété des produits qu’elles commercialisent.

Il n’est plus fait mention de l’application des mêmes sanctions pour les coopératives agricoles de même que cet article 2 ne prévoit aucune sanction pour les organisations de producteurs commerciales alors même que l’alinéa de l’article 1er qui les exclut du dispositif a gagné en détails par rapport à sa version en vigueur.

En ce qui concerne la relation des organisations de producteurs et des associations d’organisations de producteurs et des coopératives avec leurs acheteurs, rien n’est prévu pour sanctionner le deuxième alinéa de l’article L. 631‑24-3.

Votre rapporteur considère néanmoins que si la sanction peut être potentiellement lourde pour un producteur, son OP ou une AOP – maximum 75 000 € – elle reste dérisoire pour l’acheteur. Pour cette raison, il réfléchit à rendre la sanction administrative proportionnelle au chiffre d’affaires des ventes réalisées en méconnaissance de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.

À ce jour, aucune sanction n’a été prononcée sur le fondement de l’article L. 631-24 ! Il est impératif que les sanctions prévues à l’article 2 soient appliquées. Le Gouvernement semble déterminé pour rendre le dispositif effectif puisque les sanctions sont adaptées précisément à la rédaction de l’article 1er. Par ailleurs, l’article 3 prévoit une modification du dispositif relatif aux agents habilités à constater les manquements, ce qui laisse présager un suivi de l’application du projet de loi.

4.   La position de votre commission

Outre deux amendements rédactionnels, la commission a adopté plusieurs amendements identiques déposés par des membres des groupes Les Républicains La France insoumise, La République en Marche, UDI-AGIR et indépendants et Nouvelle Gauche. Ces amendements ajoutent un motif de sanction en cas de manquement à l’obligation, pour l’acheteur, de proposer une offre écrite de contrat au producteur qui en fait la demande. L’acheteur s’exposerait également à une sanction si cette proposition méconnaissait les clauses prévues à l’article L. 631‑24 ou le dispositif relatif à la délégation de facturation prévue au IV de ce même article L. 631-24.

Ce nouveau cas de sanction tire les conséquences de l’adoption du paragraphe 1 bis des articles 148 et 168 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles précité introduit par le règlement dit « Omnibus » également précité et applicable depuis le 1er janvier 2018.

À l’initiative de M. Ramos et de plusieurs de ses collègues du groupe MoDEM, la commission a adopté un amendement introduisant la sanction du fait, pour un acheteur, d’imposer des clauses de retard de livraison supérieures à 2% de la valeur des produits livrés. Ces pénalités sont disproportionnées, d’autant plus si elles consistent en réalité à compenser la faiblesse d’un prix fixé contractuellement. 

La commission a adopté l’article 2 ainsi modifié.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE87 de M. Dino Cinieri, CE580 de M. Daniel Fasquelle et CE1669 de M. Pierre Morel-À-LHuissier, et les amendements identiques CE1588 de Mme Martine Leguille-Balloy et CE1730 de M. Dominique Potier.

M. Dino Cinieri. Le ministre de l’économie peut être amené à assigner en justice les entreprises qui ont des pratiques commerciales illicites. Mon amendement CE87 vise à rappeler que tout contrat déséquilibré peut être sanctionné.

M. André Villiers. Comme vient de le dire M. Cinieri, le ministre de l’économie peut être amené à assigner en justice les entreprises qui ont des pratiques commerciales illicites. À ce titre, les enseignes de la grande distribution sont régulièrement visées.

Nous proposons de rappeler par l’amendement CE1669 que les entreprises qui sont en relation directe avec les producteurs agricoles peuvent aussi être assignées par le ministre de l’économie. Tout contrat déséquilibré peut donc être sanctionné. Or, à ce jour, il n’existe pas de jurisprudence en la matière dans les relations entre producteurs agricoles et leurs acheteurs.

Mme Graziella Melchior. L’amendement CE1588 vise à garantir que les sanctions spécifiques prévues à l’article 2 ne sont pas exclusives des dispositions du code de commerce sur les pratiques restrictives de concurrence et n’interdisent pas à un des cocontractants de former une action sur le fondement de l’article L. 442-6 de ce code.

M. Dominique Potier. L’amendement CE1730 est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits par la loi existante. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette successivement ces amendements.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CE2012 du rapporteur.

Elle examine ensuite, en discussion commune, lamendement CE1821 de M. Bruno Millienne, les amendements identiques CE575 de Mme Jennifer de Temmerman et CE1650 de M. Sébastien Jumel, lamendement CE1651 de M. Sébastien Jumel, lamendement CE1470 de Mme Monique Limon et lamendement CE2013 du rapporteur.

M. Philippe Bolo. Le plafonnement à 75 000 euros de l’amende n’est pas du tout dissuasif pour l’acheteur. En effet, il faut bien comprendre que les mauvaises pratiques génèrent du chiffre d’affaires par la fréquentation des magasins et correspondent in fine à une sorte de produit d’appel. Il convient donc de considérer la mauvaise pratique au-delà de la simple marge non réalisée sur le produit du fait d’une ristourne et de prendre en compte l’ensemble des produits qui ont été vendus par ailleurs auprès des acheteurs.

Nous proposons donc de maximiser cette sanction en l’appliquant autant de fois qu’il y a de producteurs concernés par la mauvaise pratique : c’est ainsi que procède une direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) lorsqu’elle applique le droit du travail auprès d’un employeur où le montant de l’amende est appliqué autant de fois qu’il y a de travailleurs concernés.

M. Paul Molac. Effectivement, une amende de 75 000 euros n’a rien de dissuasif pour une grande entreprise. C’est pourquoi nous proposons, à travers l’amendement CE575, que l’amende corresponde à un pourcentage du chiffre d’affaires pour tenir compte de la taille de l’entreprise.

M. Sébastien Jumel. L’amendement CE1650 vise à prendre en compte la réalité du chiffre d’affaires pour rendre dissuasive la sanction. Cette mesure nous semble pragmatique et opérante. Ce n’est ni Cuba, ni le soleil : c’est tout simplement réaliste…

L’amendement CE1651 prévoit que le montant de l’amende est égal à 5 % du chiffre d’affaires, dans les limites d’un plafond fixé par décret, ce qui permettra au ministre de l’adapter en fonction de la réalité du secteur concerné.

Mme Monique Limon. L’article 2 du projet de loi introduit des sanctions en cas de non-respect des dispositions prévues à l’article 1er. Il est ainsi prévu une amende administrative, dont le montant ne peut être supérieur à 75 000 euros. Si ce montant est négligeable pour un grand groupe industriel ou un distributeur, il peut paraître particulièrement dommageable pour un producteur.

Notre amendement CE1470 propose que les sanctions soient définies en fonction du chiffre d’affaires annuel, ce qui permettra une réponse proportionnée en cas de non-respect des dispositions de l’article 1er.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’amendement CE2013 va dans le même sens que les amendements précédents. Il s’agit de passer d’un montant fixe de sanction à un pourcentage du chiffre d’affaires, ce qui a pour effet de l’atténuer considérablement pour le producteur et de l’augmenter de façon significative pour l’industriel ou le distributeur. Je propose de fixer le montant de l’amende à 2 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des manquements lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les manquements en cause ont été mis en œuvre. L’amende administrative doit être suffisamment significative pour rendre effectives les dispositions prévues à l’article 1er du projet de loi.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’entends bien que l’on puisse considérer qu’une amende de 75 000 euros représente une somme importante pour une PME de quinze ou vingt salariés qui fait de la transformation, et a contrario qu’elle ne soit pas assez dissuasive pour un grand groupe industriel européen ou mondial.

Le montant de 75 000 euros inscrit dans le projet de loi est un montant plafond qui permet l’application de sanctions proportionnées en fonction de la taille des acteurs économiques. Fixer le montant de l’amende par rapport au chiffre d’affaires paraîtrait en effet beaucoup plus dissuasif, mais le fixer par décret est inconstitutionnel.

Je propose au rapporteur et à tous ceux qui le souhaitent de travailler à une formulation beaucoup plus adaptée, de manière à bien cibler le niveau des sanctions et à tenir compte de la taille des entreprises et des marchés couverts. Mais ce niveau de sanction doit effectivement être proportionné au modèle économique concerné.

Je demande donc le retrait de tous ces amendements. Nous souhaitons inscrire dans la loi des sanctions car elles sont attendues par la profession.

M. Dino Cinieri. Dans une vie antérieure, il m’est arrivé de connaître des entreprises qui n’avaient qu’un client, un seul fournisseur, qui avaient beaucoup investi et qui se retrouvaient du jour au lendemain confrontées à des problèmes avec un acheteur. Dans une telle situation de dépendance économique, un plafonnement à 75 000 euros peut être plus juste qu’un montant calculé sur le chiffre d’affaires.

M. Philippe Bolo. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir trouvé que l’idée était bonne. Je retire donc l’amendement CE1821 et je suis prêt à travailler à une nouvelle rédaction.

M. Paul Molac. Je retire également l’amendement CE575.

M. Sébastien Jumel. J’ai assez peu d’expérience en tant que député, mais j’ai tendance à faire confiance à M. le ministre quand il dit vouloir retravailler ces amendements. Cela dit, si on veut préserver une forme de collégialité consensuelle autour de ce projet de loi ayant vocation à irriguer l’ensemble de nos territoires, il serait intéressant que la pluralité se reflète dans notre capacité à amender. Si la majorité recycle tous les amendements que nous déposons, j’ai quelques doutes sur ce point… Mais je retire tout de même mes amendements CE1650 et CE1651.

Mme Monique Limon. Nous prenons acte du fait que M. le ministre estime que notre proposition est bien fondée, et retirons notre amendement pour le retravailler.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je retire également l’amendement CE2013.

Les amendements CE1821, CE575, CE1650, CE1651, CE1470 et CE2013 sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE123 de M. Sébastien Leclerc, CE1355 de Mme Mathilde Panot et CE1282 de M. Arnaud Viala.

M. Sébastien Leclerc. Le projet de loi envisage de sanctionner de façon indifférenciée producteurs et acheteurs qui ne se soumettraient pas à l’obligation de passer par un contrat pour toute transaction. Considérant l’état actuel des relations commerciales et le déséquilibre flagrant que l’on constate entre des acheteurs très organisés et des producteurs éparpillés, il ne nous paraît pas opportun d’envisager des sanctions pour les producteurs en cas d’absence de contrat. L’amendement CE123 vise donc à la suppression des sanctions envers les producteurs, pour ne les envisager que pour les acheteurs.

Mme Bénédicte Taurine. L’amendement CE1355 va dans le même sens.

M. Arnaud Viala. Nous abordons ici une question située au cœur de l’orientation générale du texte, consistant à favoriser les organisations de producteurs et plaçant bien souvent les producteurs individuels dans l’obligation de se conformer à l’accord-cadre conclu par l’OP. Si on sanctionne le producteur, on place la sanction à un degré différent de celui de l’OP, qui est acteur de l’accord-cadre et en connaît donc tous les contours – alors que le producteur, lui, peut simplement se voir reprocher de méconnaître la loi mais encourt pour cela une sanction extrêmement lourde. Je propose donc, à chacun des alinéas où le producteur se trouve visé par une sanction, de le supprimer de la liste des personnes concernées. Tel est le but de mon amendement CE1282.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Globalement, la loi doit être la même pour tout le monde et, dès lors que l’on accroît les responsabilités des producteurs et de leurs OP, celles-ci doivent s’accompagner de sanctions afin qu’il n’y ait pas deux poids, deux mesures pour un même manquement par rapport aux acheteurs – il y va de la crédibilité du dispositif. C’est pourquoi il serait intéressant de prévoir une sanction établie sur un pourcentage du chiffre d’affaires.

En revanche, je pense que le Gouvernement pourra nous rassurer sur le fait que les sanctions prévues à l’alinéa précédent ne sont que des plafonds. Nul doute que l’administration aura des circulaires d’application de cet article les encourageant à sanctionner les pratiques de la partie la mieux placée dans le rapport de forces économique.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Dès lors que nous souhaitons, au moyen de ce projet de loi, faire en sorte que les producteurs vivent dignement de leur travail, il n’y aurait aucun sens à agiter la matraque et à leur en donner un coup qui pourrait être fatal – en d’autres termes, il ne s’agit pas de vouloir sanctionner les producteurs. Cependant, la loi s’applique à tous, et nous voulons les inciter à utiliser les outils mis à leur disposition, notamment ceux liés aux OP, afin de rééquilibrer le rapport de forces et de leur permettre de se doter des capacités professionnelles qui feront d’eux de véritables acteurs économiques. Ajoutons que la sanction n’intervient ici qu’à l’issue d’un délai de mise en conformité qui sera lui aussi proportionné à la gravité des faits.

Enfin, comment peut-on envisager qu’un producteur puisse être mis en cause demain pour non-respect d’un contrat ? C’est généralement lui qui propose un contrat à son acheteur, qui va l’accepter ou non. Comment peut-on décider que la responsabilité du non-respect lui incombe si l’acheteur ne souhaite pas contractualiser avec lui ?

En tout état de cause, le principe d’équité nous commande de veiller à ce que toute obligation soit assortie d’une sanction ; c’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements – mais j’insiste bien sur le fait que le producteur est protégé par tous les dispositifs que j’ai décrits précédemment.

La commission rejette successivement les amendements CE123, CE1355 et CE1282.

Elle est saisie de lamendement CE1198 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. L’amendement CE1198 procède des mêmes arguments que les précédents. Cependant, monsieur le ministre, j’aimerais vous demander un éclaircissement : vous estimez qu’un producteur ne peut être mis en situation de ne pas se conformer à un accord-cadre ; je crois justement que si, et c’est bien la raison pour laquelle je trouve la rédaction de cet article doublement dangereuse pour le producteur. Non seulement il peut être mis en situation de ne pas respecter un accord-cadre – on doit pouvoir en trouver des exemples précis – mais, en l’état actuel du texte, il peut être sanctionné pour méconnaissance des dispositions précises de l’accord-cadre… Il n’est même pas nécessaire qu’il commette une faute intentionnelle. Vous conviendrez que c’est sévère !

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends vos inquiétudes, mais je ne vois pas d’exemple concret où une telle situation pourrait se produire au sujet d’un accord‑cadre, qui se négocie principalement au niveau des OP. Et je ne vois pas comment un adhérent d’une OP pourrait ne pas respecter l’accord-cadre.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le projet de loi mentionne les clauses obligatoires et le producteur respecte forcément le contrat, puisque c’est lui ou l’OP qui le propose. Il ne peut donc pas se trouver en faute.

M. Arnaud Viala. Mais si !

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. En tout cas, je ne vois pas comment. Dès qu’on propose un contrat prévoyant un prix, un volume, des délais et des conditions de facturation, comment le producteur pourrait-il se trouver mis en cause sur le non-respect du contrat ?

J’ajoute que certaines clauses permettent au producteur de s’exonérer de sa responsabilité dans l’inexécution du contrat lorsque survient un événement revêtant un caractère de force majeure, ou du moins indépendant de sa volonté – un problème sanitaire dans l’élevage, par exemple –, qui l’empêche de livrer ses produits à l’usine de transformation. En dehors de ces cas de figure, je ne vois pas pourquoi un producteur ne serait pas tenu d’honorer le contrat qu’il a lui-même proposé, ni pourquoi des sanctions ne seraient pas prévues à l’appui de cette obligation.

M. Nicolas Turquois. Je ne suis pas aussi confiant que vous, monsieur le ministre. Je partage plutôt l’avis de M. Viala. Nous sommes tous attachés à une forme d’agriculture individuelle de petite taille. Mais le manque de professionnalisme peut conduire, par méconnaissance, à conclure un contrat un peu trop simpliste au risque de tomber sous le coup de l’article 2. Aucun élément d’intention n’est en effet requis. Le simple producteur de fromage de chèvre n’a pas toujours le même niveau d’expertise que son cocontractant.

M. Arnaud Viala. Je suis prêt à retirer l’amendement. Mais ne pouvons-nous, avant de passer au vote, essayer de réfléchir à la formulation de ces trois alinéas d’ici à la séance publique ? Elle doit, selon moi, pouvoir être améliorée si nous ne voulons pas exposer les producteurs à un péril de sanctions, au risque d’être conduits à la revoir six mois après son entrée en vigueur de ce texte, pour remédier à des situations alarmantes de gens pris la main dans le sac alors qu’ils n’avaient aucune intention de nuire.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le problème est que nous ne pouvons exclure certains acteurs du champ des sanctions. La loi est la même pour tous. C’est la règle.

Cela étant, sur le principe, il y a certes un besoin d’accompagner les producteurs, car ce sont eux qui définissent les contrats types. Mais je ne vois pas comment ils pourraient se retrouver sanctionnés pour non-respect du contrat. Le contrôle comporte par ailleurs un aspect pédagogique ; il incite au respect des termes de la négociation et du contrat.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1591 de Mme Martine LeguilleBalloy.

Mme Sandrine Le Feur. Toujours dans le souci de renforcer le producteur dans la négociation, cet amendement introduit une sanction dans le cas où l’obligation de faire précéder le contrat de vente de produits agricoles par une proposition du producteur n’est pas remplie.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cette sanction est déjà prévue par la sanction de l’article L. 631-24, puisque le producteur peut exiger un contrat écrit, en application du projet de loi comme de l’article de l’OCM que vous citez. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques CE19 de M. Jérôme Nury, CE73 de M. Dino Cinieri, CE601 de M. Fabrice Brun, CE1351 de Mme Mathilde Panot, CE1593 de Mme Martine Leguille-Balloy, CE1732 de M. Dominique Potier et CE1870 de M. Thierry Benoit.

M. Jérôme Nury. Le règlement « Omnibus » prévoit qu’un producteur peut demander à son acheteur une offre écrite de contrat, comme le rappelle l’article 1er du projet de loi, dans les secteurs qui ne sont pas soumis à contractualisation obligatoire. Cette mesure permet le recours à la contractualisation, alors même qu’elle n’était pas prévue par les textes.

Il s’agit donc d’une protection du producteur et par le producteur, puisqu’il décide lui-même de l’enclencher. C’est une mesure importante. Il convient de prévoir des sanctions pour les cas où l’acheteur ne satisferait pas à cette demande. En cela, nous répondons aussi aux exigences de l’Union européenne. Par la même occasion, nous donnons du pouvoir aux producteurs. Tel est l’objet de l’amendement CE19.

M. Dino Cinieri. L’amendement CE73 vise à préciser les sanctions pour les acheteurs qui refusent de s’engager dans une relation contractuelle.

M. Fabrice Brun. L’article 2, dans sa forme actuelle, peut être logiquement perçu par les acheteurs comme une incitation à ne pas proposer de contrat – ce qui, vous en conviendrez, l’objectif de ce texte. D’où l’ajout proposé par mon amendement CE601.

M. le président Roland Lescure. Les amendements CE1351, CE1593, CE1732 et CE1870 sont défendus.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable. La nouveauté du règlement « Omnibus » est de prévoir que le producteur a le droit d’exiger un contrat écrit de son acheteur. Il est donc bien, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles propres à éliminer des doublons, de prévoir cette disposition et de l’assortir de sanctions.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis favorable à ces amendements qui réparent un oubli, puisqu’ils visent à sanctionner la non‑réponse à la demande de contrat du producteur, ce qui n’avait pas été prévu par le règlement « Omnibus ».

La commission adopte les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE89 de M. Dino Cinieri, CE1672 de M. Pierre Morel-À-LHuissier, CE1733 de M. Dominique Potier et CE1885 de M. Thierry Benoit.

M. Dino Cinieri. Un producteur individuel, même dans un secteur soumis à la contractualisation obligatoire, n’est pas forcément en capacité d’émettre une offre de contrat écrite. Les contrôleurs doivent, dans ces cas-là, faire preuve de pédagogie plutôt que de sanctionner. D’où l’ajout proposé par l’amendement CE89.

M. le président Roland Lescure. Les amendements CE1672, CE1733 et CE1885 sont également défendus.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je pense que cette nouvelle série d’amendements est satisfaite par la série d’amendements que nous venons d’adopter au sujet de la sanction en cas d’absence de réponse de l’acheteur. À défaut de retrait, j’émettrai donc un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La proposition de contrat doit être le point de départ de la négociation, qui fait l’objet de plusieurs échanges entre l’acheteur et le producteur. On ne peut exiger de finaliser tous les échanges ; le code de commerce ne le prévoit pas non plus. Il n’est pas possible de sanctionner ici l’absence de formalisation. J’émets donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

La commission rejette les amendements.

La commission examine, en discussion commune les amendements CE1734 de M. Dominique Potier et CE 1353 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Dominique Potier. La plupart de nos amendements visent à consolider des dispositifs qui restent fragiles. C’est le cas de celui-ci. Lorsqu’un accord-cadre a été conclu et qu’un acteur y déroge en achetant en dehors de ce contrat, une sanction doit être prononcée. Nous avons considéré, lors de notre dernière séance, que les forfaits n’étaient pas pertinents. Nous proposons donc de retenir l’idée d’une amende équivalant au maximum à 2 % du chiffre d’affaires, ainsi que cela a été imposé à une grande multinationale du lait.

Par ailleurs, monsieur le ministre, la sanction prononcée pour non-publication des comptes à l’encontre de cette entreprise laitière n’a jamais été mise en œuvre pour des questions de procédure administrative et judiciaire. Peut-on avoir la garantie, si nous adoptons cet amendement qu’elle sera enfin appliquée ?

M. François Ruffin. Les amendes doivent être fonction de la taille de l’établissement. Il ne faut donc pas les plafonner à 75 000 euros, mais les calculer en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise qui enfreint les règles.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces amendements se rapprochent de celui que j’avais proposé hier et qui allait dans le même sens. Comme l’a suggéré le ministre, il serait souhaitable de les retravailler pour la séance.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’ai en effet dit hier soir que nous souhaitions retravailler cette question des amendes, y compris pour ce qui concerne la non-publication des comptes. Les sanctions doivent être adaptées à la situation concrète des entreprises, et nous devons donc les préciser avec l’aide de nos services juridiques. Mais ces sanctions doivent être mises en place, nous y tenons.

M. Dominique Potier. En ce qui concerne la non-publication des comptes dans l’affaire que j’ai citée, si les sanctions n’ont jamais été appliquées, c’est que le tribunal de Laval avait renvoyé l’affaire devant le tribunal de Rennes, qui n’a jamais statué. J’accepte donc de retirer mon amendement, mais j’aimerais qu’on m’explique comment faire pour que les tribunaux ne se repassent pas la patate chaude.

M. François Ruffin. Je veux bien retirer le mien également, mais je n’ai pas compris comment vous entendez procéder sur cette question.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous allons retravailler ces amendements avec le rapporteur et nos services pour proposer une nouvelle rédaction.

Je voulais également vous préciser qu’en cas de non-publication des comptes, l’entreprise peut être soumise à des astreintes : le président du tribunal de commerce a ainsi adressé à la société Lactalis – puisque c’est d’elle qu’il s’agit – une injonction de dépôt des comptes, et elle a donc procédé, depuis le début de l’année, à des dépôts partiels. Nous devons continuer à faire pression pour que l’intégralité des comptes soient déposés. C’est le sens des demandes que j’ai personnellement faites à plusieurs reprises au PDG de cette entreprise, et la loi devrait nous aider à obtenir l’ensemble de ces documents.

Les amendements CE1734 et CE1353 sont retirés.

Les amendements CE1075 et CE1077 de M. Jean-Claude Leclabart sont également retirés.

La commission adopte lamendement rédactionnel CE2014 du rapporteur.

Puis elle examine les amendements identiques CE90 de M. Dino Cinieri, CE205 de M. Jérôme Nury, CE505 de M. Thibault Bazin, CE890 de M. Antoine Herth, CE1199 de M. Arnaud Viala, CE1670 de M. Pierre Morel-À-LHuissier et CE1886 de M. Thierry Benoit.

M. Dino Cinieri. Un producteur individuel, même dans un secteur soumis à la contractualisation obligatoire, n’est pas forcément capable d’émettre une offre de contrat écrite. Les contrôleurs doivent dans ces cas-là faire preuve de pédagogie plutôt que de sanctionner.

M. Thierry Benoit. 75 000 euros pour un producteur, ça fait quand même une sacrée poignée, surtout lorsqu’il s’agit de gars qui sont quasiment à la rue. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer l’alinéa 8.

M. Arnaud Viala. Cet alinéa sanctionnant un producteur qui n’aurait pas proposé de contrat à l’acheteur de ses produits me paraît bien trop sévère pour un producteur individuel.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous devons en effet retravailler la rédaction de cet alinéa, notamment à cause du plafond de 75 000 euros applicable à la sanction.

M. Arnaud Viala. Jusqu’à présent nous avons fait preuve d’ouverture, mais il me semble que cet alinéa fait courir un trop gros risque à nos producteurs.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’objectif n’est pas de sanctionner les producteurs, mais de les inciter à se saisir des outils qu’on va mettre à leur disposition pour rééquilibrer les rapports de force. Je pense notamment aux organisations de producteurs (OP), qui doivent se doter de toutes les capacités professionnelles pour devenir de véritables acteurs économiques.

En ce qui concerne la sanction qu’encourt le producteur, elle est limitée au seul cas où il ferait échec à la conclusion du contrat écrit en ne proposant pas de contrat à l’acheteur dans les secteurs qui sont soumis à la contractualisation. Mais nous demandons à ce que ce soit l’acheteur qui propose le contrat, et le contrôleur devra apporter la preuve qu’il y a une faute caractérisée du producteur parce que, en ne faisant pas de proposition, il empêcherait la signature du contrat.

Dans la mesure où notre but est d’inverser le processus de contractualisation en faisant en sorte que ce soit le producteur qui propose le contrat, il apparaît difficile que l’on puisse ensuite opposer aux producteurs le fait qu’ils n’aient pas proposé de contrat et aient ainsi fait échec à la négociation. C’est cela, le sens de cet alinéa et, dans l’hypothèse d’un contrôle, le risque me paraît limité pour le producteur.

M. François Ruffin. Les agriculteurs que j’ai rencontrés estiment que leur demander de rédiger eux-mêmes un contrat alourdit encore les procédures auxquelles ils sont soumis, a fortiori s’ils doivent être sanctionnés lorsqu’ils ne sont pas capables de le faire. Vous dites néanmoins que c’est l’acheteur qui pourrait proposer le contrat, donc tout ceci ne me paraît pas très clair.

Mme Monique Limon. Je pense vraiment qu’il faut retravailler cette question des sanctions, car cette loi n’est pas faite pour sanctionner les producteurs mais pour les soutenir, les responsabiliser et leur redonner du pouvoir d’achat.

M. Arnaud Viala. Monsieur le ministre, je ne doute pas de vos intentions, mais nous sommes suffisamment nombreux à nous interroger sur la rédaction de cet alinéa et à vouloir éviter les contentieux laissés à la seule appréciation du juge pour qu’on prenne le temps de reconsidérer cet alinéa d’ici la séance publique.

M. Thierry Benoit. Vous partez du postulat que ce sont les producteurs qui formulent et proposent le contrat. C’est possible, mais il ne faut pas oublier qu’en marge des OP, il y a également des producteurs – ce sont d’ailleurs eux, en l’occurrence, qui sont visés par la sanction. En tout état de cause, la sanction en l’état est beaucoup trop élevée, et nous devons absolument trouver une solution pour protéger les agriculteurs.

M. Sébastien Jumel. Un consensus se dégage autour de l’idée qu’il faut retravailler cet alinéa dans l’intérêt des agriculteurs. Par ailleurs, autant nous avions estimé, au moment de la loi travail, qu’il ne fallait pas dessaisir le juge de son imperium, c’est-à-dire de sa capacité à établir le préjudice, en souhaitant qu’il soit facile aux salariés de se tourner vers lui, autant la culture du monde agricole nous fait craindre que les agriculteurs soient très rares à oser un recours, par peur de perdre définitivement leur client, tandis que l’on aura permis à ces gros clients de se retourner plus systématiquement contre les agriculteurs, avec le soutien de leurs services juridiques.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. N’étant pas quelqu’un d’obtus, je suis absolument d’accord pour que cet alinéa soit retravaillé, mais je tiens à préciser que notre intention n’est pas de sanctionner le producteur mais de le protéger et de garantir ses revenus. Cela étant, je rappelle, d’une part, que la loi s’applique à tout le monde et qu’on ne peut en exclure une catégorie de personnes et, d’autre part que, dans la mesure où c’est le producteur qui initie le contrat, soit à travers une OP, soit de sa propre initiative, il est difficile de démontrer ensuite qu’il n’a pas souhaité contractualiser avec un acheteur et qu’il est donc responsable. Le risque est donc vraiment minime.

M. Thierry Benoit. Compte tenu des propos du ministre, je vais retirer mon amendement, puisque je comprends que l’objet de la loi est de protéger tous les agriculteurs, y compris les agriculteurs insoumis.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de lamendement CE1283 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Il s’agit d’un amendement de repli.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1925 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. L’objectif de cet amendement est de mieux faire respecter la réglementation en vigueur sur l’indépendance des contrats et des mandats, notamment les mandats de facturation, puisque nous nous sommes accordés hier sur le fait de les distinguer.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. On constate sur le terrain de nombreuses dérives dans les clauses contractuelles insérées mais, s’il convient de mettre l’accent sur cette problématique de la facturation, l’alinéa 3 de cet article indique que les clauses de facturation sont couvertes par les sanctions prévues. Votre amendement aura au moins eu le mérite d’alerter le ministre sur ce manquement

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il est en effet précisé à l’alinéa 3 qu’est passible de sanctions tout « contrat écrit ou accord-cadre écrit ne comportant pas toutes les clauses mentionnées à l’article L. 631-24 ou comprenant une délégation de facturation en méconnaissance du IV de cet article ».

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lexamen de lamendement CE1354 de
M. Loïc Prudhomme.

M. François Ruffin. Sachant que le revenu des agriculteurs est très insuffisant puisque la moitié d’entre eux gagnent moins de 350 euros par mois, nous souhaitons insérer dans le texte un alinéa précisant qu’est passible de sanction le fait d’acheter un produit en dessous de son coût de production. On sait que c’est actuellement ce qui se passe pour le lait, dont le prix d’achat au producteur ne couvre que les deux tiers de ses coûts de production, mais c’est également vrai pour le porc ou les céréales.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’interdiction de la vente à perte est un vaste sujet, qui pose des problèmes spécifiques pour les produits agricoles et alimentaires, lesquels sont, par nature, périssables. Dans certaines filières, comme les fruits et légumes, il y a des périodes où, pour dégager des excédents, on doit vendre à perte. Si l’idée de votre amendement est tentante, il vaut mieux s’en tenir à des indicateurs de coût de production. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Sur le fond, je partage votre point de vue, monsieur Ruffin, puisque l’objet même de la loi est de faire en sorte qu’on puisse tirer un revenu de son travail.

Le texte traite d’ailleurs de la question des prix abusivement bas mais également de la revente à perte. Cependant, inscrire dans la loi l’interdiction de la revente à perte, comme vous le souhaitez, est contraire au droit communautaire, car cela revient à fixer un prix plancher, qui peut d’ailleurs parfois devenir un prix plafond. Il est donc préférable de laisser les organisations interprofessionnelles fixer elles-mêmes un prix suffisamment rémunérateur à partir de leurs indicateurs. Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel. Je pense que, symboliquement, inscrire dans la loi que vendre à perte est non seulement illégal mais immoral a du sens.

On pourrait fort bien sous-amender l’amendement de François Ruffin pour prévoir les exceptions que vous avez évoquées, les cas notamment où les producteurs ont besoin de procéder à des dégagements pour des questions de saisonnalité, par exemple.

Par ailleurs, pourquoi ne pas réfléchir à un fonds de garantie pour compenser le dégagement de ces produits périssables ? Ce fonds pourrait être alimenté par des ponctions sur les marges de ceux qui se font du beurre sur le dos des agriculteurs. Cela aurait le mérite d’établir une fois pour toutes que tout travail mérite salaire et que toute production agricole mérite juste rétribution.

M. François Ruffin. J’entends qu’il puisse y avoir des exceptions à la règle, mais c’est la règle qui importe, et la loi doit être là pour poser la règle.

Je tiens à maintenir mon amendement car, si nous sommes d’accord avec l’esprit de la loi, notre inquiétude concerne l’efficacité de mesures qui ont parfois l’air de relever du bricolage, tout simplement parce qu’on ne veut pas se confronter au droit communautaire.

M. Grégory Besson-Moreau. Je ne suis pas d’accord avec M. Ruffin. Je pense que ce projet de loi n’a rien de « vaporeux » et que, si la loi fait la règle, pour autant elle doit faire de bonnes règles. Quant à l’amendement qu’il défend, je ferai d’abord observer que ce n’est pas à l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) de créer des indicateurs mais aux interprofessions. D’autre part, en créant des prix planchers, on veut que tout le monde gagne la même chose, et nous sommes dans un pays communiste, mais nous choisissons de vivre dans un pays où on laisse les gens gagner de l’argent et vendre leurs produits au prix qu’ils souhaitent. Cet amendement est d’autant plus mauvais que le prix plancher deviendra un prix plafond.

M. Sébastien Jumel. L’état d’esprit dans lequel notre commission a travaillé hier devrait inviter nos collègues à éviter la caricature. Ce qui nous anime en effet, c’est l’esprit de la loi, c’est-à-dire interdire la vente de produits en dessous des coûts de production. Cela étant, je pourrais aussi vous soumettre notre point de vue, selon lequel le libéralisme effréné a conduit à une forme d’égalitarisme reposant sur un nivellement par le bas, si bas qu’on est en train d’assassiner l’agriculture. Si vous souhaitez placer le débat sur ce terrain-là, je n’y vois pas d’objection, vous viendrez dans les fermes avec nous pour en discuter.

M. François Ruffin. Il faut accepter que nous ayons avec vous des désaccords de fond, notamment sur la question de savoir si c’est l’OFPM ou les interprofessions qui doivent fournir les indicateurs. Ce n’est pas parce que nos propositions n’ont pas été retenues que nous ne continuerons pas à les défendre.

 Ensuite, je m’efforce d’être sinon conciliant du moins constructif, malgré nos désaccords. Si, en réponse, on nous renvoie à l’Union soviétique au seul motif que nous  cherchons à introduire de la régulation dans l’économie agricole, régulation qui, il n’y a pas si longtemps encore, était largement prédominante au travers notamment du système des quotas, qui a bien aidé nos agriculteurs, nous allons changer de ton, et je ne crois pas que ce sera dans l’intérêt des agriculteurs à qui on cherche à offrir un  meilleur avenir.

Mme Célia de Lavergne. Vous dites être favorable à l’esprit de la loi et, d’une certaine manière, nous sommes favorables à l’esprit de votre amendement dont nous comprenons la portée qui est d’éviter la revente à perte. En revanche, nous ne sommes pas là pour inscrire dans la loi des symboles mais des règles et des principes de régulation les plus justes possible. Hier, nous avons eu un long débat sur les indicateurs et leur processus de fixation. Nous avons suivi la ligne pour laquelle ont opté les professionnels lors des États généraux de l’agriculture. Ce qu’ils demandent n’est certainement pas la fixation d’un prix plancher, qui serait également un prix plafond.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je tiens à réaffirmer l’esprit d’ouverture et de dialogue avec lequel j’ai abordé nos débats, ce qui n’exclut pas que nous ayons des désaccords et que nous les argumentions, sans tomber dans la caricature.

L’alinéa supplémentaire que vous proposez, monsieur Ruffin, trouverait toute sa place dans l’exposé des motifs du projet de loi, parce qu’il exprime l’un de nos objectifs, à savoir  préserver les revenus agricoles. Il est malvenu en revanche dans le texte même de la loi, d’une part parce qu’une loi, pour être efficace, ne doit pas être trop bavarde et, d’autre part, parce qu’il est contraire au droit communautaire qui s’impose à nous.

Par ailleurs, je tiens à vous signaler que, lundi dernier, le conseil européen des ministres de l’agriculture et de la pêche a commencé à travailler sur une directive relative à la concurrence, qui rejoint vos préoccupations. La question que vous posez ici se pose en effet chez nombre de nos partenaires, qui commencent à considérer, eux aussi, que leurs agriculteurs ont été trop longtemps maltraités du fait d’un système de prix trop bas. J’espère que tous ces efforts produiront leurs résultats.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement CE1822 de M. Richard Ramos.

M. Richard Ramos. Cet amendement a pour objectif d’empêcher les acheteurs, notamment la grande distribution, de pénaliser, de façon disproportionnée, les retards de livraison. Aujourd’hui en effet, pour compenser la mise en place de la contractualisation des prix, la grande distribution tend à abuser des pénalités de retard. Nous souhaitons donc interdire que ces pénalités soient supérieures à 2 % de la valeur des produits livrés.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La sanction du déséquilibre significatif est applicable aux contrats rénovés de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime. La notion de déséquilibre significatif est transversale et capte toutes les pratiques qui pourraient conduire à un déséquilibre excessif entre les parties au contrat, mais je ne suis pas hostile à l’idée d’ajouter ce motif de sanction dans la loi. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je n’ai pas connaissance de clauses particulières concernant la pénalisation des retards dans les contrats, mais nous savons tous que ce sont des pratiques courantes. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Sébastien Jumel. Oui, c’est un très bon amendement, et je regrette de ne pas l’avoir moi-même déposé. Il faut savoir qu’il y a parmi les acheteurs de véritables « tueurs », qui achètent des produits agricoles comme ils achèteraient des vis et des clous, et qui n’ont qu’un seul « challenge », pour reprendre un terme de la novlangue, consistant à acheter au plus bas coût possible. Ils sont prêts pour cela à utiliser tous les moyens, y compris la pénalisation des retards de livraison.

M. Jean-Claude Leclabart. Un retard de livraison peut certes être imputé aux producteurs mais, à mon sens, il est plus de la responsabilité du transporteur. Cet amendement est donc intéressant mais il ne résout pas tout.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1356 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Il s’agit en un sens d’un amendement de repli. Tout à l’heure nous demandions qu’un producteur qui ne fournirait pas de contrat ou de proposition de contrat conforme ne soit pas sanctionné ; nous proposons ici qu’en cas de contentieux, la charge de la preuve repose sur l’acheteur et que le producteur soit réputé de bonne foi.

Il s’agit toujours de favoriser le producteur, notamment en cas de contentieux, car les moyens juridiques que peut opposer un producteur à ceux d’un acheteur de l’agroalimentaire ou de la grande distribution sont sans proportion.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis d’accord sur le principe de cet amendement mais, d’un point de vue juridique, il est difficile d’affirmer que le producteur est forcément de bonne foi, ce qui sous-entendrait que l’acheteur ne l’est pas forcément. Sur la forme, je suis donc obligé d’émettre un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’alinéa 9 dont il s’agit ici concerne exclusivement l’acheteur. Il est donc difficile d’y insérer cette disposition qui concerne également le producteur. Avis défavorable.

M. François Ruffin. Dans ce cas, ne pourrait-on pas préciser que, en cas de procédure judiciaire, la charge de la preuve repose sur l’acheteur ? Cela ferait tomber à la fois l’objection du rapporteur et celle du ministre : d’une part, on ne parlerait plus que de l’acheteur et, d’autre part, il n’y est plus question de la bonne foi du producteur. Cela me paraît acceptable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Non, parce que la charge de la preuve incombe aux deux parties.

M. Sébastien Jumel. Je ne suis pas un juriste aussi averti que le ministre, mais je pourrai citer plein d’exemples dans lesquels le législateur a prévu la présomption de bonne foi et l’inversion de la charge de la preuve, notamment dans les cas où l’une des deux parties est subordonnée à l’autre. Cela existe en droit commercial, en droit civil mais également en droit pénal.

Mme Monique Limon. Nous sommes tous là pour faire en sorte que la loi protège les producteurs, mais je ne pense pas que cette loi doive instaurer de tels déséquilibres entre acheteurs et producteurs. Mieux vaut nous centrer sur les moyens d’offrir aux producteurs les outils leur permettant de développer leurs relations commerciales dans les conditions les plus favorables possibles.

M. Thierry Benoit. Moi, je suis tenté de voter cet amendement, moyennant les modifications proposées par monsieur Ruffin. Parce que le producteur est tout seul ; hors des OP, qui se mettent progressivement en place, il n’a pas de service juridique pour le soutenir, à la différence de l’acheteur, qui peut, lui, compter sur une armada de conseillers et d’experts – tant mieux pour lui. Mais nos producteurs et nos éleveurs sont de plus en plus livrés à eux‑mêmes.

M. le président Roland Lescure. Monsieur Ruffin, retirez-vous votre amendement ?

M. François Ruffin. Oui, si le ministre nous assure que l’on peut retravailler la question et en rediscuter, je peux le retirer jusqu’à la séance.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous devons creuser la question de la charge de la preuve qui incomberait à l’acheteur, car c’est juridiquement autre chose que la présomption de bonne foi.

Lamendement CE1356 est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1933 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Nous souhaitons insérer la phrase suivante : « En cas de manquement de l’acheteur, le montant de l’amende est appliqué autant de fois qu’il y a de producteurs impactés ». Une amende de 75 000 euros n’a pas le même sens suivant que l’organisation regroupe 5 000 producteurs ou bien seulement dix.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé une amende proportionnelle au chiffre d’affaires. Plus les entreprises traitent avec des producteurs différents, plus elles seraient pénalisées. Nous reviendrons en séance sur la possibilité de substituer à l’amende fixe une amende proportionnelle au chiffre d’affaires.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Proposer une amende proportionnelle à la taille de l’opérateur économique fait sens, mais porterait atteinte au principe de proportionnalité de la sanction. Il ne serait en effet pas possible de déterminer le montant maximal de la sanction encourue. L’alinéa 10 prévoit déjà que la sanction sera proportionnée « au nombre et au volume des ventes réalisées en infraction ». Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, madame la députée.

Mme Sandrine Le Feur. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous me préciser si vous avez déposé un amendement allant dans le même sens que le mien ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il va être retravaillé.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1731 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Afin de sanctionner le comportement d’un acheteur abusant de sa position dominante dans les négociations avec les producteurs agricoles, il convient de rappeler que le ministre chargé de l’économie doit l’assigner en justice, comme il le fait régulièrement à l’encontre des entreprises de la grande distribution qui ont des pratiques commerciales abusives.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement aurait davantage sa place à l’article 10, qui autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour redéfinir la notion de déséquilibres significatifs.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous retirons l’amendement pour le déposer en séance à l’article indiqué par M. le rapporteur.

Lamendement est retiré

La commission adopte larticle 2 modifié.

Article 3
(article L. 631-26 du code rural et de la pêche maritime)
Constatation des infractions

1.   L’état du droit

L’article L. 631-26 du code rural et de la pêche maritime, créée en même temps que l’article L. 631-24 par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche précitée, donne pour mission aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), aux agents du ministère de l’agriculture et de la pêche, aux administrateurs, officiers du corps technique et administratif des affaires maritimes, aux fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l’autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer et aux agents des douanes de rechercher et de sanctionner les manquements aux obligations contractuelles prévues à l’article L. 631-24 et sanctionnées par l’article L. 631-25.

L’article L. 631-26 décrit la procédure applicable :

– les agents constatent l’infraction par procès-verbal dans les conditions fixées par les articles L. 450-2 et L. 450-3 du code de commerce ;

– il est notifié à la personne physique ou morale concernée le double du procès-verbal accompagné de toutes les pièces utiles et mentionnant le montant de l’amende administrative encourue.

La personne concernée dispose d’un délai d’un mois pour présenter ses observations écrites ou orales avant que le procès-verbal ne soit transmis à l’autorité administrative compétente, qui peut alors infliger l’amende prévue à l’article L. 631-25

Un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux, devant le juge administratif, est possible dans un délai de deux mois à compter de la notification de la sanction.

2.   Le projet de loi

L’alinéa 2 renvoie au pouvoir réglementaire – par décret en Conseil d’État – la fixation de la liste des agents habilités à constater les infractions aux règles applicables à la contractualisation. Ces agents ne seront plus expressément désignés par cet article du code rural et de la pêche maritime.

Il ressort de l’étude d’impact que l’intention du Gouvernement est d’ajouter les agents de l’établissement français des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) à cette liste. Le Conseil d’État a précisé que la définition de cette liste ne relevait pas du domaine législatif, d’où le renvoi à un décret en Conseil d’État.

L’alinéa 4 complète cet article pour rendre le dispositif plus efficace : il prévoit la possibilité, pour les agents constatant le manquement, d’enjoindre à l’auteur du manquement de se mettre en conformité avec ses obligations en lui impartissant un délai raisonnable. À défaut de mise en conformité, la procédure suivra son cours comme ce qui est aujourd’hui prévu.

3.   La position de votre rapporteur

Le « délai raisonnable » prévu à l’alinéa 4 pourrait être précisé – un mois – pour plus d’efficacité.

L’intention du Gouvernement d’ajouter les agents de FranceAgriMer à la liste des agents chargés de constater les manquements interroge sur l’articulation entre agents des deux services.

Selon la présentation du programme 149 de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales de la loi de finances pour 2018, FranceAgriMer a aujourd’hui pour missions :

« – de mettre en œuvre une plus grande cohérence dans l’orientation et le soutien aux filières ;

« – de devenir pour les professionnels un lieu de concertation et d’arbitrage et d’assurer le fonctionnement de divers observatoires (formation des prix et des marges, biomasse, abattoirs) ;

« – de renforcer le suivi économique des filières ;

« – de mettre en œuvre diverses mesures dans le cadre de la gestion des crises ;

« – de mettre en œuvre diverses mesures communautaires (programmes opérationnels, distillation, restitutions, restructurations). »

Pour 2018, FranceAgriMer dispose de 1 068 équivalents temps plein travaillé. Ses missions sont aujourd’hui larges mais l’établissement dispose d’une connaissance fine des marchés et des filières agricoles. Ils effectuent déjà des missions de contrôles, notamment sur le respect des critères de reconnaissance des organisations de producteurs. Ces agents disposent également d’une connaissance spécifique des industries de transformation qui contractualisent avec les producteurs.

Compte tenu de l’absence d’effectivité du travail de contrôle des agents de la DGCCRF, la désignation de ces agents est de nature à rassurer la Représentation nationale sur l’intention du Gouvernement à rendre effectif le dispositif prévu à l’article 1er du projet de loi.

La future discussion budgétaire devra néanmoins donner les moyens à ces agents de s’assurer d’assurer ces nouvelles missions.

4.   La position de votre commission

La commission a adopté l’article 3 modifié de deux amendements rédactionnels de votre rapporteur.

*

*     *

La commission examine lamendement CE1357 de Mme Bénédicte Taurine.

M. François Ruffin. Il s’agit d’ajouter les agents de l’Établissement français des produits de l’agriculture et de la mer, dit FranceAgriMer, à la liste des agents habilités à constater les manquements mentionnés à l’article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il ressort de l’étude d’impact que l’intention du Gouvernement est d’ajouter les agents de FranceAgriMer à cette liste. Le Conseil d’État a précisé que la définition de cette liste ne relevait pas du domaine législatif, d’où le renvoi à un décret en Conseil d’État.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous confirme que les agents de FranceAgriMer pourront procéder à des contrôles et que cet ajout ne relève pas du domaine législatif mais du domaine règlementaire.

Lamendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE2015 et CE2016 du rapporteur.

Elle en vient à lamendement CE2017 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement fixe à un mois le délai imparti par l’administration à l’auteur des manquements pour se mettre en conformité avec l’article L. 631-25.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement. La flexibilité est certes nécessaire mais l’appréciation du délai doit être laissée à l’autorité compétente.

M. Nicolas Turquois. Ne pourrait-on laisser à l’interprofession le soin de fixer ce délai, compte tenu des cycles de production et des variations de prix ? On sait que l’évolution est plus lente pour la production laitière que pour les fruits et légumes, par exemple.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il ne me paraît pas pertinent de laisser aux interprofessions le soin de fixer des délais en matière de sanctions administratives.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Effectivement, les interprofessions ne peuvent pas de jouer de rôle en ce domaine.

M. Nicolas Turquois. Ne pas fixer de délai risque d’allonger les délais, j’en suis persuadé.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le délai est généralement de quinze jours et l’étendre à un mois permettrait à notre sens de laisser le temps aux entreprises de se mettre en conformité. Je retire mon amendement.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 3 modifié.

Article 4
(articles L. 631-27, L. 631-28 et L. 631-29 du code rural et de la pêche maritime)
Renforcement de la médiation agricole

1.   L’état du droit

a.   Un médiateur « tantôt conciliateur tantôt expert auprès des pouvoirs publics » ([29])

La loi de modernisation de l’agriculture de 2010 a créé un médiateur pour les contrats de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime. Mais c’est la loi n° 2014-1170 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt qui a défini, à l’article L. 631-27, les compétences du médiateur, depuis lors appelé médiateur des relations commerciales agricoles.

Il a compétence pour régler les litiges relatifs à la conclusion ou à l’exécution de tout type de contrats de vente ou de livraison de produits agricoles ou alimentaires destinés à la revente ou à la transformation.

En application de l’article L. 631-28, et sauf si le contrat en dispose autrement ou en cas de recours à l’arbitrage, tout litige entre professionnels relatif à l’exécution d’un contrat ayant pour objet la vente de produits agricoles ou alimentaires – y compris lors de l’exécution d’un accord-cadre prévu à l’article L. 631-24 – doit faire l’objet d’une procédure de médiation préalablement à toute saisine du juge.

La médiation s’impose dans les mêmes conditions en ce qui concerne la clause de renégociation du prix en cas de fluctuation des matières premières agricoles, prévue à l’article L. 441-8 du code de commerce.

La médiation des relations agricoles ne s’applique pas au lien coopératif, qui dispose de son propre médiateur, le médiateur de la coopération agricole, nommé par le Haut Conseil de la coopération agricole. Cela s’explique par le fait que le lien coopératif est particulier : les producteurs coopérateurs sont propriétaires de leur coopérative et les difficultés nées de cette relation révèlent le plus souvent un problème de gouvernance qui dépasse la simple tension commerciale.

Les compétences du médiateur des relations commerciales agricoles dépassent le règlement amiable des litiges strictement contractuels :

– il peut toujours émettre des recommandations sur l’évolution de la réglementation relative aux relations contractuelles ;

– à la demande d’une organisation interprofessionnelle ou d’une organisation professionnelle ou syndicale, il peut émettre des avis sur toute question transversale relative aux relations contractuelles ;

– sur demande des ministres chargés de l’économie et de l’agriculture il peut émettre des recommandations sur le partage équitable de la valeur ajoutée ;

– il peut saisir la commission d’examen des pratiques commerciales.

C’est ainsi qu’il a été amené à se prononcer sur les relations contractuelles dans les filières du lait de vache et du lait de chèvre, dans la filière porcine ou encore dans la filière de l’ail.

Il a remis, à la demande du ministre de l’agriculture, un rapport sur les filières bovines et porcines, au plus fort de la crise des filières d’élevage, en juillet 2015.

Il accompagne également les filières dans l’application de l’article L. 631‑24 précité et de l’article L. 441-8 après chaque évolution législative.

b.   La montée en puissance d’un tiers impartial et indépendant

Le médiateur est saisi individuellement, collectivement (par une organisation de producteurs, par exemple) ou par les interprofessions. Il fixe lui-même la durée de sa mission.

Il ne peut s’autosaisir. Les parties peuvent choisir un arbitre ou un médiateur. On constate d’ailleurs, depuis 2015, le développement de médiateurs internes aux enseignes et aux centrales d’achat de distribution. Il s’agit d’un mécanisme ni obligatoire, ni contraignant pour les parties au contrat mais ces médiateurs exercent le même rôle que le médiateur des relations commerciales agricoles : la recherche d’une « solution amiable aux litiges commerciaux survenus à l’occasion de la fourniture d’un produit alimentaire aux enseignes ». 7 médiateurs internes aux enseignes de distribution ont ainsi été mis en place depuis trois ans. Sur les 60 litiges relatifs aux relations entre fournisseurs et distributeurs, 45 ont été traitées par les médiateurs internes, qui exercent leur médiation sous le contrôle du médiateur des relations commerciales agricoles.

Depuis 2010, le médiateur a traité plus de 1 500 situations, dont 1 200 dans le seul secteur du lait de vache, soumis à contractualisation obligatoire. La majeure partie des dossiers concernait la conclusion des accords-cadres par les organisations de producteurs : l’élaboration de la formule de prix, la révision ou la renégociation de ce prix.

Le taux de réussite de la médiation collective atteint 30 % des dossiers. Le taux de réussite des saisines individuelles, plus rares, atteint 95 %.

Le succès relatif de la médiation tient à ce qu’elle n’impose rien aux parties mais celles-ci ont tout intérêt à travailler à la recherche de solutions amiables aux conflits. Aucune des parties ne souhaite que leurs relations commerciales s’interrompent brutalement ni que le juge soit saisi. Il est en effet flagrant que les parties évitent de saisir le juge de droit commun pour régler leurs différends : le coût et la durée de la procédure dissuadent les parties d’y avoir recours.

2.   Le projet de loi

Le projet de loi prévoit de renforcer la médiation afin de la rendre plus efficiente.

a.   Des pouvoirs accrus

La modification de l’article L. 631-27 (alinéas 1 à 6) qui définit le rôle du médiateur lui donne des outils pour rendre la médiation plus efficace.

Ainsi l’alinéa 3 permettra au médiateur de demander communication aux parties de tout élément nécessaire à la médiation.

L’alinéa 5 lui permettra de recommander la suppression ou la modification des projets de contrat et d’accord-cadre ou de ceux déjà conclus lorsqu’il estimera qu’ils présentent un caractère abusif ou manifestement déséquilibré. La médiation se fera en amont de la conclusion des contrats ou accords-cadres, au moment des négociations commerciales, par exemple.

L’alinéa 6 lui permettra d’émettre, de sa propre initiative, des avis sur toute question transversale relative aux relations contractuelles.

b.   Un délai d’action limité à un mois

Le nouvel article L. 631-28 proposé (alinéas 7 à 9) ciblera explicitement la mission du médiateur sur les contrats et accords-cadres de l’article L. 631-24. Seront dès lors exclus de son champ de compétence les litiges liés à d’autres contrats agricoles.

L’alinéa 9 accroît l’effectivité du dispositif de médiation en limitant son action à un délai d’un mois : il ne fixera plus lui-même la durée de sa mission et cette durée ne pourra plus être renouvelée ni écourtée d’office ou à la demande de l’une des parties.

Avec la rédaction proposée, disparaît du périmètre de l’article l’intervention de la médiation en cas de litige sur l’application de l’article L. 441-8 du code de commerce, par ailleurs modifié à l’article 6 du projet de loi. Cet article 6 prévoit que si la renégociation n’aboutit pas, et sauf recours à l’arbitrage, le recours à la médiation est obligatoire, les stipulations du contrat ne pouvant s’y opposer.

3.   La position de votre rapporteur

La médiation institutionnelle est un instrument de crise, un dispositif qui, pour être efficace, doit demeurer exceptionnel. Le médiateur n’a évidemment pas vocation à concilier l’ensemble des professionnels entre lesquels naissent des difficultés pour la fixation d’un prix rémunérateur. Pour autant, il doit pouvoir agir rapidement et disposer de moyens d’actions efficaces. Nombre d’opérateurs économiques demandent un dispositif qui « frappe vite et fort », parfois en contradiction avec l’esprit de la médiation.

Le médiateur disposait, depuis le décret relatif à sa nomination en 2015, de deux médiateurs délégués. Un troisième médiateur délégué a été nommé en 2017. Le renforcement de cette équipe est révélateur du recours important des parties à la médiation. L’extension de ses pouvoirs, prévue par ce projet de loi, devrait s’accompagner, d’après l’étude d’impact, de moyens humains : deux agents supplémentaires lui seront affectés.

La loi a donné au médiateur des relations commerciales agricoles un rôle de régulateur des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire.

Les nouvelles dispositions introduites par le projet de loi y contribueront également en permettant au médiateur de se prononcer sur le caractère abusif ou manifestement déséquilibré de clauses dans les contrats et les accords-cadres.

Mais l’intervention du médiateur est ainsi limitée à un simple constat, qui pourra ne pas être suivi d’effet pour la partie subissant ces abus.

Votre rapporteur souhaite consolider l’action du médiateur afin de dissuader les parties de se diriger vers un échec. La « médiation doit être rapide et efficiente. Le non-respect [du] cadre contractuel doit être sanctionné de façon dissuasive. », comme le concluait l’atelier 5 des EGA.

Un amendement en ce sens permettra au médiateur, de sa seule initiative, de rendre publiques ses conclusions et ses recommandations au terme d’une médiation, sans enfreindre l’obligation de confidentialité attachée à toute médiation par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

L’issue d’une médiation peut avoir valeur d’exemple pour l’ensemble des opérateurs placés dans une situation comparable : pour montrer que la solution dégagée est susceptible d’être reproduite ou, au contraire, pour souligner une situation de blocage imputable à l’une ou l’autre ou aux deux parties (pratique connue sous le nom de name and shame).

4.   La position de votre commission

Il est ressorti du débat général sur cet article que l’action du médiateur des relations commerciales agricoles sera centrale dans la réussite du dispositif adopté à l’article 1er.

La commission, suivant le souhait de votre rapporteur, a adopté un amendement mettant en place un dispositif de name and shame. Le médiateur pourra ainsi décider de rendre publiques ses conclusions et ses recommandations au terme d’une médiation, après en avoir informé au préalable les parties.

Cinq amendements identiques présentés par des députés membres du groupe Les Républicains et du groupe UDI-AGIR et indépendants et prévoyant la possibilité, pour le médiateur, de prolonger sa mission d’un mois sous réserve de l’accord préalable de chaque partie ont été adoptés.

La commission a également adopté deux amendements rédactionnels de M. Arnaud Viala et de votre rapporteur.

La commission a adopté l’article 4 ainsi modifié.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE647 de M. Fabrice Brun et CE1956 de M. Charles de Courson, ainsi que lamendement CE987 de M. Antoine Herth.

M. Fabrice Brun. Notre amendement vise à clarifier le champ de compétence du médiateur des relations commerciales agricoles afin qu’il ne puisse pas s’immiscer dans la relation entre un agriculteur-coopérateur et sa coopérative. Nous voulons ainsi voir respectée la spécificité des coopératives dont les adhérents ont la double qualité de détenteurs et d’apporteurs de parts sociales. Cela permettrait de mettre fin aux imprécisions du texte actuel.

M. Antoine Herth. Il nous semble, en effet, important de préciser que le médiateur n’a pas vocation à intervenir dans les relations commerciales liant un agriculteur-coopérateur et sa coopérative

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le champ de compétence visé ne concerne pas seulement les coopératives. De nombreux litiges ont trait à la livraison des produits et de multiples acteurs seraient affectés par la suppression que vous proposez. Avis défavorable. Vous savez qu’il n’est pas du tout dans mon intention de limiter l’action du médiateur, bien au contraire.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’objectif d’une meilleure articulation avec le travail du médiateur de la coopération est partagé. Il est nécessaire de renforcer son efficacité comme cela a été fait pour le médiateur des relations commerciales agricoles. Ce sujet sera traité dans l’ordonnance relative à la coopération.

Nous considérons que cet amendement ne permet pas véritablement de prendre en considération les spécificités des coopératives dans le cadre de la médiation et de résoudre les difficultés de visibilité et de moyens auxquelles le médiateur de la coopération est confronté. Avis défavorable.

M. Antoine Herth. J’aimerais savoir si l’avis du rapporteur porte aussi sur mon amendement, dont la rédaction est différente des deux amendements qui le précèdent. Il ne fait pas mention de la livraison, notamment.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Mon argumentation portait principalement sur les deux premiers amendements, en effet. Nous ne sommes pas là pour réduire le rôle du médiateur mais pour le renforcer. Exclure les coopératives ne me paraît pas judicieux : le médiateur des relations commerciales interviendra différemment du médiateur de la coopération. Je suis donc également défavorable à votre amendement.

La commission rejette successivement les amendements identiques CE647 et CE1956, puis lamendement CE987.

Elle adopte lamendement rédactionnel CE1200 de M. Arnaud Viala.

Elle est saisie de lamendement CE1502 de Mme Monique Limon.

Mme Monique Limon. De l’aveu de nombre d’entre nous, l’un des points indispensables du titre Ier du projet de loi réside dans le rôle que nous voulons donner au médiateur. L’article 4 permet de renforcer considérablement ses compétences, ses moyens d’action ainsi que la durée de la médiation. Néanmoins, nous considérons qu’il faut aller plus loin.

Le présent amendement propose donc que le médiateur puisse intervenir s’il estime qu’un contrat ou un accord-cadre ne se conforme pas aux prescriptions de l’article L. 631-24 modifié par le présent projet de loi.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1497 de Mme Monique Limon.

Mme Monique Limon. Toujours dans la volonté de renforcer les pouvoirs du médiateur des relations commerciales agricoles, nous proposons qu’il puisse formuler des propositions pour modifier les projets de contrat ou d’accord-cadre lorsque cela lui semble nécessaire.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’alinéa 5 prévoit déjà que le « médiateur recommande la suppression ou la modification des projets de contrats ou d’accords-cadres ». Je ne vois pas clairement ce qu’apporte votre amendement qui répète ce qui est déjà inscrit dans le projet de loi. Sagesse.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Pour ma part, je suis favorable à votre amendement, madame Limon. Je vous propose toutefois de retravailler sa rédaction d’ici à la séance.

Lamendement est retiré.

Elle en vient à lamendement CE1273 de Mme Jacqueline Dubois.

Mme Jacqueline Dubois. Si le principe de confidentialité de la médiation reste la règle, les recommandations émises par le médiateur à l’issue du processus de médiation doivent pouvoir être invoquées dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale par l’une ou l’autre des parties.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement au profit d’un de mes amendements qui va plus loin en prévoyant que le médiateur puisse saisir le juge en référé.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE2018 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement prévoit de donner au médiateur la possibilité, à sa seule initiative, de rendre publiques ses conclusions et ses recommandations au terme d’une médiation, sans enfreindre l’obligation de confidentialité attachée à toute médiation par la loi du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

L’issue d’une médiation peut avoir valeur d’exemple pour l’ensemble des opérateurs placés dans une situation comparable, que la solution dégagée soit susceptible d’être reproduite ou au contraire qu’il importe de souligner une situation de blocage imputable à l’une ou l’autre ou aux deux parties. C’est la pratique connue sous le nom de name and shame.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Permettre la pratique du name and shame pourrait conduire certains opérateurs à renoncer de recourir à la médiation, ce qui irait à l’encontre des objectifs que nous visons. Pour renforcer le rôle du médiateur, le projet de loi l’autorise à s’auto‑saisir : il peut donner un avis sur les clauses présentant un caractère abusif tout en respectant la confidentialité de la médiation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’ai bien précisé que cette faculté que nous proposons d’offrir au médiateur ne devait pas enfreindre la confidentialité de la médiation. Il s’agit d’une mesure emblématique attendue par les producteurs qui appellent de leurs vœux un rééquilibrage des rapports de forces entre producteurs, organisations de producteurs et grande distribution. Je tiens à cet amendement qui est de nature à les rassurer.

M. Grégory Besson-Moreau. Dans la discussion générale, monsieur le ministre, vous aviez évoqué le recours à la pratique du name and shame. Pourquoi refuser l’amendement du rapporteur ? Dans quels cas, l’envisagez-vous ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il nous paraît utile de rendre publiques les conclusions et les recommandations du médiateur lorsqu’il intervient dans un dossier particulier.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement CE2019 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La loi a donné au médiateur des relations commerciales agricoles un rôle de régulateur. Les nouvelles dispositions introduites par le projet de loi y contribuent en lui permettant de se prononcer sur le caractère abusif ou manifestement déséquilibré des clauses des contrats et des accords-cadres. Notons toutefois que l’intervention du médiateur se limite alors à un constat qui pourra ne pas être suivi d’effets pour la partie pénalisée par ces abus.

Pour aller vers des relations commerciales agricoles plus équilibrées, comme le veut le projet de loi, nous proposons de donner au médiateur la possibilité de saisir le juge pour ordonner la suppression de ces clauses abusives ou déséquilibrées. Nous savons bien que l’industriel ne sera pas enclin à saisir la juridiction par crainte d’être déréférencé et de perdre un client vital pour lui.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je comprends l’idée qui sous-tend cet amendement et d’autres allant dans le même sens. Il me paraît toutefois important de continuer le travail commun que nous avons engagé sur les pouvoirs et les missions du médiateur il y a quelques mois déjà. Je vous propose de retirer votre amendement, monsieur le rapporteur.

M. Sébastien Jumel. Que de travail d’ici à la séance publique ! Mais je ne doute pas de l’énergie combative du ministre et de son équipe. Il faudra quand même faire le point pour savoir si tout le travail que nous nous sommes engagés à faire sera prêt pour la séance.

J’ai une question : combien de personnes y a-t-il dans l’équipe du médiateur ? On me dit qu’il y en a seulement trois. Si nous voulons rendre concret l’élargissement de ses missions, ne devrait-on pas renforcer dans la loi de finances les moyens humains dont il dispose ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Actuellement, il y a cinq personnes. Et l’extension des compétences pose en effet la question des moyens.

Je suis prêt à retirer à mon amendement. Plutôt que de saisir le juge, le médiateur pourrait saisir le ministre ou le procureur.

Lamendement est retiré.

M. le président Roland Lescure. Le rythme de l’examen des amendements a un peu diminué : de cinquante par heure, nous sommes passés à quarante. Il nous faudrait accélérer un peu.

La commission est saisie des amendements identiques CE91 de M. Dino Cinieri, CE891 de M. Antoine Herth, CE1674 de M. Pierre Morel-À-LHuissier et CE1887 de M. Thierry Benoit.

M. Dino Cinieri. Cet amendement prévoit que le médiateur des relations commerciales agricoles confie la résolution de certains litiges aux différents médiateurs intervenant dans les relations commerciales de produits agricoles et alimentaires.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Depuis 2015, on constate que des médiateurs internes aux enseignes et aux centrales d’achat de distribution se sont développés. À travers un mécanisme qui n’est ni obligatoire, ni contraignant pour les parties au contrat, ces médiateurs exercent le même rôle que le médiateur des relations commerciales agricoles : ils recherchent une « solution amiable aux litiges commerciaux survenus à l’occasion de la fourniture d’un produit alimentaire aux enseignes ». Sept médiateurs internes aux enseignes de la distribution ont ainsi été mis en place depuis trois ans. Sur les soixante litiges relatifs aux relations entre fournisseurs et distributeurs, quarante-cinq ont été traités par ces médiateurs internes qui exercent leur médiation sous le contrôle du médiateur des relations commerciales agricoles.

Quant à la médiation pour la coopération agricole, elle fait l’objet du 3° de l’article 8 du projet de loi, qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Nous avons demandé des informations supplémentaires au Gouvernement : il s’agirait de prévoir, dans le respect du droit coopératif, une meilleure articulation avec le médiateur des relations commerciales agricoles en renvoyant vers lui les litiges relatifs aux éléments du contrat d’apport passé entre un associé-coopérateur et sa coopérative, en particulier ceux qui portent sur les prix et les volumes.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous n’avons pas à légiférer pour mettre en place des médiateurs dans les entreprises. Leur déploiement est en cours, sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles.

Nous partageons votre objectif d’améliorer l’articulation avec le médiateur de la coopération agricole. Il sera pris en compte dans l’article cité par le rapporteur.

Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel. Monsieur le ministre, vous savez que nous ne manquons jamais une occasion de rappeler que le recours aux ordonnances est une manière de priver le Parlement de ses prérogatives. Nous sommes attachés à ce que le Parlement dans la plénitude de ses compétences et fort de sa sagesse puisse apporter des précisions au moment où il examine les projets de loi.

Lors de l’examen du projet de loi sur le pacte ferroviaire, la ministre, à notre corps défendant, a fait rentrer dans le dur de la loi – car une loi peut être dure – des dispositions qui, selon nous, n’allaient pas dans le bon sens. Nous vous demandons de faire rentrer ces dispositions, qui, elles, vont dans le bon sens, dans le dur de la loi.

M. Thierry Benoit. J’estime qu’il serait bon que ce soient nous, parlementaires, qui inscrivions dans la loi le fait que le médiateur des relations commerciales agricoles puisse confier la résolution de certains litiges aux médiateurs internes aux entreprises ou au médiateur de la coopération. Ce serait un signe de la part du Gouvernement.

Nous sommes un certain nombre, de toutes tendances politiques, à avoir travaillé à ces sujets sous l’ancienne législature. Je pense à Dominique Potier, à Guillaume Garot, à Antoine Herth, à Dino Cinieri. C’est en connaissance de cause que nous avons déposé ces amendements. Nous apprécierions, monsieur le ministre, que vous vous en remettiez à la sagesse de la commission.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE2024 du rapporteur et les amendements identiques CE99 de M. Dino Cinieri, CE283 de M. Jacques Cattin, CE321 de M. Jean-Yves Bony, CE506 de M. Thibault Bazin, CE584 de M. Daniel Fasquelle, CE893 de M. Antoine Herth, CE1321 de M. Pierre Morel-À-LHuissier, CE1645 de M. Sébastien Jumel, CE1740 de M. Dominique Potier et CE1889 de M. Thierry Benoit, ainsi que lamendement CE1072 de M. Arnaud Viala.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La concentration de l’offre de produits agricoles au stade de la production représente un préalable indispensable pour aller vers un meilleur équilibre du rapport des forces économiques en faveur des producteurs au sein des filières agroalimentaires. Pour réaliser cette concentration, la reconnaissance des organisations de producteurs et la conclusion d’accords-cadres avec les acheteurs pour la vente des produits de leurs membres constituent des étapes indispensables. Cet amendement vise à étendre la compétence du médiateur au niveau des accords-cadres.

M. Dino Cinieri. Il est proposé de donner un pouvoir supplémentaire au médiateur des relations commerciales agricoles en lui permettant de saisir le juge en référé pour que celui-ci traite les dossiers sur la base des conclusions et recommandations que le médiateur aura formulées, en respectant le principe de confidentialité du saisissant

M. Sébastien Jumel. La majorité En Marche aime à parler de rapidité, d’efficacité, de réactivité. Nos amendements permettraient que le médiateur saisisse rapidement le juge des référés afin qu’il contraigne les parties à suivre ses recommandations. C’est donc presque un amendement de La République en Marche, mes chers collègues.

M. Guillaume Garot. Lors des États généraux de l’alimentation, la proposition de créer une commission arbitrale a été formulée mais n’a pas été retenue. Nos amendements vont dans le même sens. Le médiateur saisirait le juge des référés en lui fournissant un dossier sur la base duquel le magistrat contraindrait les parties à trouver un accord.

M. Antoine Herth. J’aimerais insister sur cette phrase de notre amendement : « Le juge des référés peut imposer aux parties de mettre en œuvre les recommandations du médiateur. ». Cela est très important pour donner plus de force à médiation et lui permettre de s’imposer comme une réalité dans les relations commerciales.

M. Arnaud Viala. L’objet de l’amendement CE1072 est le même que celui des amendements qui viennent d’être défendus. Il vise à organiser une voie de recours en référé lorsque la médiation en matière d’accord-cadre ou de clauses de renégociation n’a pas abouti.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous nous sommes engagés à retravailler d’ici à la séance à mon amendement précédent, qui prévoyait la possibilité pour le médiateur de saisir le juge des référés. Je demanderai donc le retrait des amendements, à défaut j’émettrai un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je demanderai à M  le rapporteur de retirer son amendement CE2024 afin que nous puissions le retravailler. Nous sommes conscients que les accords-cadres peuvent être plus complexes mais si la médiation échoue au bout du délai de trois mois, cela renforcerait les nombreuses critiques sur son inefficacité qui ont été formulées pendant les États généraux de l’alimentation. La réduction des délais a été l’une des conclusions auxquels ils ont abouti, rappelons-le.

Quant aux autres amendements, j’y suis défavorable.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’accepte de retirer mon amendement CE2024 pour que nous puissions trouver un accord sur le délai de la médiation.

Lamendement CE2024 est retiré.

La commission rejette les amendements identiques, puis lamendement CE1072.

Elle en vient à lamendement CE2020 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement met en cohérence le nouveau dispositif avec les missions actuelles du médiateur. Il prévoit, en application du deuxième alinéa de l’article L. 631-27 du code rural et de la pêche maritime, qu’il est saisi de tout litige relatif à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat.

Les clauses obligatoires du contrat écrit entre le producteur agricole et son premier acheteur sont d’ordre public. L’importance accordée par la loi au contrat pour réguler les relations entre les producteurs et les acheteurs justifie que le médiateur puisse également intervenir pour aider les parties à s’accorder. Il en va en particulier de l’intérêt de la partie au contrat la plus faible économiquement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cet amendement soulève la question suivante : comment saisir un juge quand il n’y a pas de contrat ? Du fait de la liberté contractuelle, il n’est pas possible d’imposer aux deux parties de contractualiser. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.

Lamendement est retiré.

Elle est saisie de lamendement CE2021 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La nouvelle rédaction de l’article L. 631-28 retenue par le projet de loi maintient la possibilité pour les cocontractants d’écarter le recours à la médiation en cas de litige. Cette exclusion apparaît contradictoire avec la volonté manifestée lors des États généraux de l’alimentation de renforcer le recours et le rôle du médiateur dans les relations entre les différents acteurs des filières agroalimentaires.

Les relations commerciales dans le secteur de la vente des produits agricoles ou alimentaires se caractérisent par l’existence de rapports de force économiques déséquilibrés entre les parties. La partie la plus puissante se trouve en position d’imposer à son partenaire d’écarter le recours à la médiation en cas de litige. Cela revient à priver ce dernier de la possibilité de faire appel au médiateur des relations commerciales agricoles, en ne lui laissant qu’une alternative : saisir le juge ou renoncer à faire valoir ses droits.

Le maintien de cette exclusion contractuelle apparaît contraire à l’objectif du projet de loi d’accroître l’efficacité du recours à la médiation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Faire du médiateur des relations commerciales agricoles le seul dispositif de médiation avant la saisine du juge vient heurter le principe de la liberté contractuelle. Cela remet en cause les mécanismes de conciliation propres à certains types contrats, comme celui des céréales. Je souhaite le retrait de cet amendement.

M. Fabien Di Filippo. Je vais essayer de jouer les médiateurs entre la majorité et le Gouvernement car j’estime qu’il y a de bons arguments des deux côtés. Pourquoi ne pas prévoir que si aucune médiation n’est prévue par le contrat, ce soit automatiquement celle du médiateur des relations commerciales agricoles qui s’impose ? Ne serait-ce pas de nature à réconcilier vos points de vue ?

M. Sébastien Jumel. L’avenir du groupe Les Républicains a de quoi susciter des inquiétudes… Après avoir proposé une synthèse entre la droite et la droite pendant le débat sur la loi ferroviaire, le voici qui nous propose une nouvelle synthèse entre la droite et la droite.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Monsieur Di Filippo, je ne vous connaissais pas ce talent de médiateur. (Sourires.) Je vais retirer mon amendement pour le retravailler avec le Gouvernement.

Lamendement est retiré.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement CE1081 de M. Jean-Claude Leclabart.

Elle examine en discussion commune les amendements CE1633 de M. Sébastien Jumel et CE1358 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Sébastien Jumel. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 8 par les phrases suivantes : « En cas d’échec de la médiation, un arbitrage public des relations commerciales agricoles est prévu. Le litige arrive automatiquement dans une commission d’arbitrage des relations commerciales agricoles. Cette commission est créée par les pouvoirs publics selon un modèle défini par décret. Pour rendre sa sentence, cette commission s’appuie sur l’objectif de rémunération de chaque maillon, notamment des producteurs, ainsi que sur les indicateurs publics de l’Observatoire de la formation des prix et des marges, de FranceAgriMer et le cas échéant sur ceux des interprofessions ». La commission comprendrait un magistrat et serait composée, à parité, de représentants de chaque partie concernée par le litige.

M. François Ruffin. En cas d’échec de la médiation, il importe de prévoir qu’un arbitrage est rendu par une commission comprenant un magistrat, ce qui permet de faire planer la menace d’une sanction. Notre objectif n’est pas de judiciariser les litiges mais de favoriser le producteur, compte tenu du déséquilibre initial des rapports de forces.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le Gouvernement a étudié l’une des propositions du groupe de travail n° 7 des États généraux de l’alimentation, présidé par M. Guy Canivet, qui consistait à prévoir la saisine d’une commission d’arbitrage en cas d’échec de la procédure de médiation prévue par le code rural et de la pêche maritime.

Il est résulté de l’approfondissement de cette option que cette commission d’arbitrage aurait constitué une nouvelle juridiction étatique spécialisée de l’ordre judiciaire. La commission aurait été compétente en lieu et place des juridictions de droit commun, pour connaître des litiges persistant à l’issue de la médiation sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles.

Dans son principe, cette option s’écartait de l’orientation générale du chantier de simplification de l’organisation judiciaire et de la procédure civile, en cours d’étude par le Gouvernement. Elle a pour ce motif été écartée, d’autant que le nombre relativement faible des contentieux portés devant les juridictions civiles ne justifiait pas la création d’une nouvelle juridiction spécialisée.

Pour ces raisons, j’ai proposé une alternative : le recours à la pratique du name and shame, que nous avons adopté ; la saisine du juge en référé, dont nous allons retravailler les modalités d’ici à la séance.

Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je partage votre volonté de rendre la médiation effective. Mais il ne nous semble pas possible d’instaurer un mécanisme qui contraindrait une juridiction indépendance en lui indiquant ce qu’elle doit prendre en compte. L’arbitre est souverain dans le choix de ses éléments d’appréciation.

En outre, nous avons écarté la possibilité de créer une nouvelle juridiction. La précédente expérience de commission arbitrale nous a laissé à tous des souvenirs amers. Nous travaillons avec la justice pour accélérer la procédure des référés en maintenant l’anonymat des plaignants.

M. Dominique Potier. J’apporte mon soutien à ces amendements, ayant moi-même déposé un amendement allant dans le même sens mais qui n’a pas jugé recevable pour des raisons techniques et légistiques.

M. Thierry Benoit. Nous nous sommes heurtés aux mêmes difficultés que M. Potier. Et j’aimerais qu’on nous explique pourquoi notre amendement a subi le couperet de l’article 40 de la Constitution alors qu’il était recevable ? C’est une faute grave qui devrait être sanctionnée dans les meilleurs délais (Sourires.)

M. Sébastien Jumel. J’invite le Gouvernement à avoir une approche cohérente : la ministre du travail a bien fait en sorte d’enfermer le juge prud’homal, en fixant dans la loi le cadre, les motifs et même les montants d’un litige contentieux… Cet amendement, pas si stupide que ça, fait de même en proposant la mise en place d’une commission d’arbitrage départementale, avec des magistrats plus spécialisés dans le contentieux agricole.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE1618 de M. Sébastien Jumel et CE1823 de M. Bruno Millienne, ainsi que lamendement CE1936 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Sébastien Jumel. Cet amendement vise à éviter tout chantage à la collecte ou au déréférencement sur les producteurs, qui donnerait une force colossale de négociation aux acheteurs industriels. L’inversion de la construction des prix comporte en effet des risques, notamment pour la production laitière. La crainte de ne plus être collecté engendre une faiblesse de position pour le producteur ou pour l’organisation de producteurs vis-à-vis de l’acheteur. Les industriels pourraient s’appuyer sur cet état de dépendance économique de fait, pour faire accepter aux producteurs des conditions très inférieures à leurs besoins.

Mme Sandrine Le Feur. Il s’agit de permettre de poursuivre la collecte des denrées périssables en cas de litige.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Tant qu’il n’est pas réformé ou rompu, un contrat lie les parties, sans quoi les cocontractants – livreur et livré – s’exposent à des sanctions. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis : la médiation n’a pas pour objet de suspendre l’exécution d’un contrat. Il faudrait prévoir la clause dans le contrat, et non amender l’article L. 621-38 du code rural.

M. Sébastien Jumel. Je comprends mal : le rapporteur affirme que le contrat continue de s’appliquer en cas d’échec des négociations, tandis que le ministre nous explique que, pour que le contrat continue de s’appliquer, il faut qu’une clause le prévoie. Nous proposons que les clauses antérieures au contrat continuent de s’appliquer : il s’agit de faire pression sur l’acheteur, qui vise souvent à remettre en cause les éléments auxquels il a consenti dans le contrat précédent.

M. François Ruffin. Dans un reportage de l’émission Cash Investigation, un agriculteur a expliqué la manière dont Lactalis fixait les prix et contraignait les producteurs à faire des investissements ; il s’est fait aussitôt virer par Lactalis. Il existe bien une dépendance et il faut trouver le moyen d’aider les producteurs à sortir de la tenaille, tout en conservant leur bonne santé mentale et financière.

La commission rejette les amendements identiques CE1618 et CE1823.

M. Nicolas Turquois. L’exemple de Lactalis a été largement médiatisé, mais, pour bien connaître les coopératives, je peux vous dire que la menace de ne pas renouveler le contrat est souvent utilisée. Le chantage à la collecte existe. On ne peut pas dire que le contrat continu dépende des productions.

Il s’agit là d’un enjeu majeur, et passer de façon aussi cavalière au vote de ces amendements, monsieur le président, me dérange.

La commission rejette lamendement CE1936.

Puis elle se penche sur lamendement CE1325 de Mme Stéphanie Kerbarh.

Mme Stéphanie Kerbarh. Cet amendement est cohérent avec les dispositions du code de procédure civile qui cadrent la médiation. Il est techniquement impossible de faire aboutir une médiation en un mois.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il est nécessaire d’enserrer la médiation dans un délai d’un mois, pour qu’elle soit plus rapide et efficace. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il est important d’encadrer la durée de la médiation et, le cas échéant, de la prolonger d’un mois avec l’accord des parties. Je vous demande de retirer cet amendement, à défaut de quoi j’y serai défavorable.

Mme Stéphanie Kerbarh. Je maintiens l’amendement : pourquoi réinventer une règle, alors que le code de procédure civile cadre déjà la durée de la médiation et que la procédure fonctionne ?

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel CE2022 du rapporteur.

Elle examine les amendements identiques CE1503 de Mme Monique Limon, CE1739 de M. Dominique Potier et CE1888 de M. Thierry Benoit.

Mme Monique Limon. Mon amendement vise à permettre le renouvellement de la période de médiation pour un mois, sous réserve de l’accord préalable des parties, afin de trouver une solution au litige.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous souhaitons que la durée de la médiation soit d’un mois, renouvelable une fois à la demande des parties. En revanche, pour les médiations conflictuelles, le médiateur devra donner un avis le plus rapidement possible.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je demande le retrait de ces amendements en faveur de mon amendement CE2023 qui vient ensuite, dont la rédaction me semble préférable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis. Le renouvellement de la durée de médiation, sous réserve de l’accord de parties, peut être utile pour trouver une solution.

M. Richard Ramos. Ce sont tous d’excellents amendements.

M. Thierry Benoit. Pouvez-vous expliquer en quoi ils sont différents des amendements qui suivent ? Je constate, avec le délai que m’impose l’usage de la tablette, que nos amendements sont, peu ou prou, tous les mêmes. Depuis hier, les amendements défilent sans que nous ayons connaissance des amendements suivants, ce qui brouille notre compréhension.

Sur les amendements relatifs au chantage à la collecte, je voulais voter en faveur de l’amendement de Mme Le Feur et contre les amendements de MM. Jumel et Millienne ; j’ai suivi la majorité, qui a rejeté l’ensemble des amendements. Je pense que cela tient à l’absence de liasses et à l’usage imposé des tablettes.

M. le président Roland Lescure. Je ferai le bilan de l’organisation matérielle de nos travaux une fois l’examen du texte achevé, en intégrant vos critiques, et le soumettrai au Bureau de l’Assemblée.

Sur la forme, ces amendements sont différents ce qui explique pourquoi les services ont jugé bon de ne pas les soumettre à une discussion commune.

Mme Célia de Lavergne. Il est toujours difficile d’examiner 2 000 amendements, que ce soit au moyen de liasses ou de tablettes. Je trouve que nous nous en sortons très bien, d’autant que nous avons travaillé en amont sur ces amendements.

Il est vrai que les deux séries d’amendements sont semblables ; nous sommes en train de débattre sur un point qui fait pourtant consensus. Il serait bon que nous avancions, monsieur le président, et que nous passions au vote.

M. Sébastien Jumel. M. Benoit n’a pas compris le vote sur les amendements relatifs au chantage à la collecte, et moi pas davantage, qui pensais me prononcer en faveur de mon amendement. Je propose donc que nous procédions une nouvelle fois à ce vote.

M. le président Roland Lescure. Je n’ai pas beaucoup de pouvoir dans cette commission, mais lorsque je propose un vote et que je procède à un recomptage, l’examen du texte doit se poursuivre, monsieur Jumel. Déposez une réclamation si vous le souhaitez, mais laissez-moi faire mon travail ! Ainsi, l’ensemble des commissaires pourront faire le leur.

Je propose d’élargir notre discussion aux amendements identiques CE124, CE206, CE715, CE892, CE982 et, ainsi qu’aux amendements CE1071 et CE2023.

M. Dino Cinieri. Mon amendement CE124 tend à allonger d’un mois la durée de médiation quand les parties le demandent.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je m’y rallie et retire l’amendement CE2023.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Lamendement CE1503 est retiré.

La commission rejette les amendements CE1739 et CE1888.

Lamendement CE2023 du rapporteur est retiré.

La commission adopte les amendements identiques CE124 de M. Dino Cinieri, CE206 de M. Jérôme Nury, CE715 de Mme Véronique Louwagie, CE892 de M. Antoine Herth et CE982 de M. Rémy Rebeyrotte.

En conséquence, lamendement CE1071de M. Arnaud Viala tombe.

La commission adopte larticle 4 modifié.

M. Dominique Potier. Nous devons tous faire un effort. Si nous voulons avoir le temps de débattre, nous devons être concis sur les questions qui ont déjà été tranchées !

Après l’article 4

La commission examine lamendement CE1626 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Cet amendement vise à confier une mission d’arbitrage à la commission d’examen des pratiques commerciales. L’objectif est que son pouvoir de dissuasion devienne plus important que son pouvoir d’arbitrage. Les relations commerciales agricoles s’apaiseront d’elles-mêmes, grâce à l’instauration d’une culture de négociation, permettant le respect de l’autonomie et de la rémunération de chaque partie. Cette commission travaille déjà sur ces sujets et inclut, de surcroît, des parlementaires. Cet amendement répond parfaitement à l’esprit de la loi.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous avons voté pour que le name and shame puisse être pratiqué par le médiateur des relations commerciales. Votre amendement tend à créer une nouvelle juridiction, ce qui n’est pas forcément utile, et les missions que vous proposez de lui confier peuvent être celles du médiateur. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1627 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. La décision de la commission d’examen des pratiques commerciales s’applique aux deux parties sans délai et fixe le montant du préjudice subi.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement.

Puis elle étudie lamendement CE1624 de M. Sébastien Jumel.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les organisations syndicales agricoles sont déjà représentées dans divers organismes.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le pluralisme syndical est assuré, puisque les différentes organisations sont présentes dans les chambres d’agriculture et assimilées.

La commission rejette lamendement.

Article 5
(article L. 632-2-1 du code rural et de la pêche maritime)
Rôle des organisations interprofessionnelles agricoles

1.   L’état du droit

a.   De l’amont à l’aval, la représentation de l’ensemble des opérateurs d’une filière

Les organisations interprofessionnelles agricoles (interprofessions) jouent un rôle déterminant dans l’organisation des marchés agricoles et alimentaires. Elles regroupent les organisations professionnelles les plus représentatives de la production agricole et, selon les produits ou groupes de produits, de la transformation, de la commercialisation et de la distribution.

On distingue les interprofessions dites « courtes », qui regroupent producteurs et premiers acheteurs, et les interprofessions dites « longues », qui incluent l’ensemble des intermédiaires d’une filière agricole et peuvent aller jusqu’aux représentants de la distribution finale aux consommateurs des produits transformés.

Le statut juridique de ces personnes morales de droit privé (en général constituées sous la forme d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association) a été créé par la loi n° 74-639 du 12 juillet 1974 relative à l’organisation interprofessionnelle laitière et la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation interprofessionnelle agricole.

La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt adapte le droit national au cadre juridique défini par le règlement européen n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles (OCM). Il instaure une présomption de représentativité des syndicats de producteurs ayant atteint 70 % des voix aux élections professionnelles, obligeant ainsi les interprofessions à organiser en leur sein le pluralisme syndical et instaurant un mécanisme d’opposition à l’extension des accords interprofessionnels.

Le site du ministère chargé de l’agriculture recense 68 interprofessions, dont une vingtaine pour les seuls secteurs des vins et spiritueux (une interprofession nationale et 24 interprofessions régionales correspondant aux divers bassins de production). La France représente à elle seule près de la moitié des interprofessions reconnues au niveau de l’Union européenne.

b.   Les objectifs des interprofessions

Régies par le chapitre II du titre III du livre VI du code rural et de la pêche maritime, les interprofessions ont vu leurs missions s’élargir au fil des évolutions législatives et en conformité avec le droit européen.

Conformément au point c) du paragraphe 1 de l’article 157 de l’OCM, les interprofessions des produits agricoles peuvent être reconnues si elles poursuivent, notamment, un ou plusieurs objectifs visant à ([30]) :

– améliorer la connaissance et la transparence de la production et du marché, y compris en publiant des données statistiques agrégées relatives aux coûts de production, aux prix, accompagnées le cas échéant d’indicateurs de prix, aux volumes et à la durée des contrats précédemment conclus ;

– prévoir le potentiel de production et consigner les prix publics de marché ;

– élaborer des contrats types compatibles avec la réglementation européenne ;

– exploiter le potentiel des produits ;

– fournir des informations et réaliser des recherches nécessaires à l’innovation, à la rationalisation, à l’amélioration et à l’orientation de la production et le cas échéant de la transformation et de la commercialisation vers des produits plus adaptés aux besoins des marchés et aux goûts et aspirations des consommateurs.

Ces objectifs ont été complétés par le règlement du 13 décembre 2017 dit « Omnibus », qui prévoit la possibilité : d’ « établir des clauses types de répartition de la valeur au sens de l’article 172 bis, portant notamment sur les gains et les pertes enregistrés sur le marché, afin de déterminer comment doit être répartie entre elles toute évolution des prix pertinents du marché des produits concernés ou d’autres marchés de matières premières » et « de mettre en œuvre des mesures visant à prévenir et gérer les risques pour la santé animale, les risques phytosanitaires et les risques environnementaux ».

c.   Des missions potentiellement stratégiques pour les filières…

Les interprofessions sont spécifiques à une filière et, en cela, elles doivent être le lieu de construction de stratégies entre l’amont et l’aval de la chaîne d’approvisionnement. C’est ainsi que l’alinéa 132 de l’OCM prévoit que « les organisations interprofessionnelles peuvent jouer un rôle important en permettant le dialogue entre acteurs de la chaîne d’approvisionnement et en agissant en faveur de la promotion des bonnes pratiques et de la transparence du marché ».

L’article L. 632-2-1 du code rural et de la pêche maritime définit les compétences des interprofessions en matière économique : elles peuvent être consultées sur les orientations et les mesures des politiques de filières les concernant. Leur mission est de conclure des accords entre leurs membres afin qu’ils puissent être étendus par les pouvoirs publics et rendus ainsi opposables à tous les acteurs de la filière concernée.

C’est sous ce régime qu’elles peuvent définir des contrats types qui incluent des clauses types relatives :

– aux calendriers de livraison ;

– aux durées de contrat ;

– au principe de prix plancher ;

– aux modalités de révision des conditions de vente en situation de fortes variations des cours des matières premières agricoles ;

– à des mesures de régulation des volumes dans le but d’adapter l’offre à la demande.

Elles peuvent également prévoir les modalités de suivi des contrats exécutés en application des contrats types.

Elles peuvent également, en application de larticle L. 441-8 du code de commerce, établir des indices publics qui peuvent être utilisés par les parties, ainsi que les modalités de leur utilisation permettant de caractériser le déclenchement de la renégociation du prix afin de prendre en compte les fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires, à la hausse comme à la baisse.

Les interprofessions peuvent également établir des guides de bonnes pratiques contractuelles ou imposer à leurs membres l’étiquetage de l’indication du pays d’origine des produits agricoles, alimentaires ou produits de la mer, bruts ou transformés. Il s’agit là de démarches volontaires : ces dispositions ne s’appliquent qu’aux signataires de ces accords, qui ne peuvent être étendus à tous les acteurs d’une filière.

Afin d’améliorer la connaissance des marchés, les organisations interprofessionnelles peuvent élaborer et diffuser des indices de tendance des marchés concernés, ainsi que tout élément de nature à éclairer la situation de la filière. Historiquement, cette possibilité a d’abord été reconnue à la seule interprofession laitière. Par cette possibilité, les interprofessions contribuent à la transparence des marchés, ce qui donne de la visibilité aux producteurs comme aux acheteurs.

d.   … mais insuffisamment exploitées

La représentativité des interprofessions n’est pas uniforme : 80 % de celles-ci sont dites « courtes » et ne représentent pas l’aval de la chaîne alimentaire. C’est souvent le maillon de la distribution qui n’est pas représenté. Il est également arrivé que de fortes dissensions poussent certains maillons à quitter l’interprofession, tel qu’ont pu le faire – un temps – des transformateurs de la filière porcine.

Cette hétérogénéité dans la représentation est le reflet du manque de coordination et de stratégie de certaines filières. Les interprofessions se saisissent insuffisamment des missions qu’elles peuvent exercer en application du droit européen et français.

Le rapport n° 16054 du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux de mars 2017 sur « Les interprofessions », montre que celles-ci ne se saisissent pas suffisamment des missions qu’elles pourraient exercer, en particulier en matière de contractualisation. Certaines interprofessions « sont en difficulté pour inscrire leur action dans une véritable vision stratégique collective :

– dans le secteur laitier, le CNIEL éprouve des difficultés à s’adapter au nouveau contexte (suppression de « l’accord » sur le prix du lait qui avait initialement fondé le dialogue « interprofessionnel », suppression des quotas laitiers, contractualisation obligatoire) et est dans l’incapacité de construire une stratégie collective globale pour la filière associant tous les maillons et prenant en compte tous les types de production ;

– dans le secteur des viandes, l’analyse identifie bien les tendances d’une consommation à la baisse et d’une interrogation croissante sur les enjeux sociétaux, toutes deux particulièrement significatives sur le marché intérieur, mais les interprofessions n’ont pas été en mesure de construire une stratégie permettant d’améliorer collectivement la réponse au niveau de la filière :

● à Interbev, du fait de la complexité du produit viande bovine, au regard de laquelle les divergences de stratégie, tant des organisations professionnelles que des entreprises, font obstacle à l’élaboration d’une stratégie collective ;

● à Inaporc, en raison d’une divergence, jusqu’à présent frontale et persistante, entre les représentants de l’amont agricole, qui n’admettent pas que l’évolution défavorable de leur production nécessite une remise en cause de leur stratégie, et le secteur de la charcuterie-salaison, qui transforme les trois quarts du produit en vue de la consommation finale sur le marché intérieur.

2.   Le projet de loi

L’article 5 du projet de loi précise les missions des interprofessions agricoles en prévoyant qu’elles ont la possibilité de définir des modèles de rédaction des clauses contractuelles prévues à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime et à l’article L. 441-8 du code de commerce, d’élaborer et de diffuser les indicateurs pouvant être pris en compte dans ces clauses et de formuler des recommandations sur leur prise en compte pour la détermination, la révision et la renégociation des prix.

a.   Élaborer les clauses contractuelles types

En modifiant l’article L. 631-24 précité, l’article 1er fixe le principe selon lequel toute proposition de contrat ou d’accord-cadre et tout contrat ou accord-cadre conclu, lorsqu’il le sera par écrit, devra comporter des clauses obligatoires définies aux II et III de cet article L. 631‑24..

L’alinéa 2 substitue aux clauses types relatives aux « modalités de détermination des prix, aux calendriers de livraison, aux durées de contrat, au principe de prix plancher, aux modalités de révision des conditions de vente en situation de fortes variations des cours des matières premières agricoles » prévues à l’article L. 632-2-1, la possibilité, pour les organisations interprofessionnelles, d’y intégrer des modèles de rédaction des clauses énumérées aux II et III de l’article L. 631-24 du même code. Ces modèles pourront concerner, pour la rédaction des contrats et accords-cadres : le prix ou les critères et modalités de détermination et de révision du prix, les volumes et les caractéristiques des produits qui peuvent ou doivent être livrés, les modalités de collecte ou de livraison des produits, les modalités de paiement, la durée du contrat, les règles applicables en cas de force majeure, les délais de préavis et indemnité éventuellement applicables dans les différents cas de résiliation du contrat. En outre, pour la rédaction des accords-cadres, les modèles pourront concerner la quantité totale et la qualité à livrer, la répartition des quantités à livrer, les modalités de gestion des écarts de volume livrés, les règles organisant les relations entre l’acheteur et l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs.

Par ailleurs, ces modèles de rédaction pourront concerner la clause prévue à l’article L. 441-8 du code de commerce, citée au dernier alinéa du II de l’article L. 631-24 modifié. Il s’agit de la clause de renégociation des contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois portant sur la vente de produits agricoles et alimentaires en cas de fluctuation des produits agricoles et alimentaires ou des coûts de l’énergie, selon la rédaction issue de l’article 6 du projet de loi.

L’article L. 632-2-1 mentionnait déjà cet article L. 441-8 du code de commerce en précisant qu’il était applicable aux contrats-types. Une telle rédaction ne permettait pas de savoir clairement comment les interprofessions pouvaient être impliquées dans la prise en compte des indicateurs déclenchant la renégociation.

Les interprofessions proposeront des modèles de rédaction qui ne lieront pas les parties au contrat de l’article L. 631-24 mais qui pourront servir de guide pour l’ensemble d’une filière. L’inversion de la responsabilité de proposer le contrat et l’accord-cadre donnée aux producteurs et à leurs organisations s’accompagnera ainsi d’un appui technique des interprofessions, dans la continuité de leurs missions actuelles de soutien aux filières et d’établissement de guides de bonnes pratiques contractuelles.

b.   Définir des indicateurs

L’alinéa 3 confie aux interprofessions le soin d’élaborer et de diffuser les indicateurs mentionnés à l’avant‑dernier alinéa du II de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime c’est-à-dire les indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et les indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur les marchés et, le cas échéant, des indicateurs relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à la traçabilité ou au respect d’un cahier des charges des produits.

Cet alinéa précise que les interprofessions pourront formuler des recommandations sur la manière dont les parties pourront prendre en compte ces indicateurs pour la détermination, la révision et la renégociation des prix, dans le respect de la liberté contractuelle des parties.

Les interprofessions ont déjà une fine connaissance de ces indicateurs, en lien avec l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et les instituts techniques agricoles. Elles sont les mieux placées et les plus légitimes – compte tenu de leur composition et de leur mode de fonctionnement – pour élaborer et diffuser ces indicateurs qui constitueront le socle des propositions contractuelles.

3.   La position de votre rapporteur

Cet article s’inscrit dans la volonté du Gouvernement d’instaurer un dialogue rénové dans les filières alors que les interprofessions sont à l’origine de la contractualisation obligatoire dans nombre de secteurs.

Il est conforme au compte rendu de l’atelier 6 des États généraux de l’alimentation qui relève que « les interprofessions [...] sont les structures les mieux placées pour répondre aux trois premières problématiques listées : elles sont par nature spécifiques à une filière, et donc les mieux à même d’apporter des solutions adaptées à la situation de chaque filière.

« Elles sont également, par leur nature même, un lieu de co-construction de stratégies entre l’amont et l’aval.

« Elles peuvent se doter de missions permettant l’identification de la demande et des besoins, la réflexion sur les indicateurs pertinents pour évaluer les coûts de production, les prix de marché ou la performance environnementale, ou encore travailler sur des cahiers des charges " socle " qui pourraient servir dans l’élaboration de " contrats de progrès" entre les opérateurs économiques, et contribuer ainsi à la promotion d’un modèle agricole français.

« Dans ce contexte, il est important qu’elles se dotent de ces missions stratégiques, et que leur composition reflète elle aussi la diversité des maillons et des acteurs économiques de la filière ».

Il est impératif que les interprofessions exploitent pleinement les opportunités d’actions offertes par le droit européen. Ce projet de loi leur donne un rôle pivot dans le rétablissement de l’équilibre au sein de la chaîne alimentaire.

Les organisations interprofessionnelles fonctionnent sur la base du consensus et l’ajout de nouvelles missions aux interprofessions nécessitera une véritable « mobilisation générale » des filières.

Le Président de la République a demandé aux interprofessions de présenter des plans de filière. Elles ont assumé leur responsabilité en présentant leurs plans de filière à la fin de l’année 2017, ce qui laisse espérer que les interprofessions sont prêtes à s’engager définitivement dans cette voie :

– la filière porcine (Inaporc) a proposé « le lancement d’une étude économique visant à mieux appréhender les mécanismes de détermination des prix aux différents stades de la filière porcine française ». Il est proposé de mettre en place des indicateurs nationaux permettant de suivre l’application des contrats dans la durée, [les] modalités des contrats, et l’équilibre carcasse ».

– la filière du lait de vache (le CNIEL) a proposé d’intégrer les acteurs du commerce et de la distribution au sein de l’interprofession. Un réseau des organisations de producteurs sera créé par l’interprofession. « Concrètement, l’interprofession construira avec les opérateurs économiques un tableau de bord mensuel, complet et actualisé. Ce tableau de bord servira de références communes basées sur des indicateurs de valorisation de l’ensemble des marchés laitiers. Les acteurs économiques – des producteurs aux distributeurs – s’engagent à les utiliser. Les acteurs économiques s’engagent à définir sous forme de guides de bonnes pratiques contractuelles et/ou commerciales les modalités de négociation basées sur la transparence et conformes à l’esprit de filière que ce plan propose de consolider ». L’objectif est de mettre « à la disposition des acteurs un tableau de bord prenant en compte davantage d’indicateurs pour plus de transparence et de réactivité :

– une méthode commune de calcul des coûts de production :

– des indicateurs de valorisation des produits de grande consommation France (pour chaque segment et par catégorie) ;

– des indicateurs de valorisation export (produits de grande consommation et ingrédients).

Pour cela, la filière s’appuiera notamment sur des indicateurs publics. L’ensemble de ces indicateurs pourra également être décliné en indicateurs régionaux et en indicateurs de segmentation. Le CNIEL conduira des analyses/études sur les évolutions des marchés et les tendances de consommation ».

L’article 210 dispose que l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), relatif aux règles de concurrence ne s’applique pas, sous certaines conditions, aux accords d’organisations interprofessionnelles reconnues. Les interprofessions doivent néanmoins respecter la prohibition des ententes sur les prix, qui s’imposent à tous les acteurs économiques ([31]). La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l’Autorité de la concurrence sont, en France, là pour y veiller.

L’article 210 ouvre la possibilité aux interprofessions de notifier leurs accords à la Commission européenne pour obtenir, dans un délai de deux mois, clarification de leur situation, même si la Commission peut toujours revenir sur son avis si elle constate une irrégularité. Malheureusement, seuls trois notifications ont été transmises à la Commission depuis l’entrée en vigueur de cet article, dont deux en France. La procédure est trop lourde pour que les interprofessions l’utilisent.

4.   La position de votre commission

Outre un amendement rédactionnel de votre rapporteur, la commission a consolidé les missions des interprofessions en leur confiant celle d’améliorer la transparence des marchés (à l’initiative de Mme Jacqueline Dubois et de plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche), en précisant que les indicateurs fournis seront systématiquement rendus publics (à l’initiative de votre rapporteur).

Prenant, encore une fois, acte de l’adoption de l’article 172 bis du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles précité introduit par le règlement dit « Omnibus » également précité, la commission a adopté un amendement de Mme Monique Limon et de l’ensemble des membres du groupe La République en Marche, sous-amendé par votre rapporteur, prévoyant la possibilité, pour les interprofession, de rédiger des clauses de partage de la valeur ajoutée au sein des filières.

La commission a adopté l’article 5 ainsi modifié.

*

*     *

La commission est saisie, en discussion commue, des amendements CE870 de M. Dino Cinieri et CE655 de M. Frédéric Descrozaille.

M. Dino Cinieri. Il s’agit d’inclure dans le dispositif interprofessionnel préexistant les indicateurs de coûts de production.

M. Frédéric Descrozaille. Le projet de loi vise à supprimer les deux dernières phrases de l’article L. 632-2-1 du code rural et de la pêche maritime ; il est pourtant important que la loi prévoie que les organisations interprofessionnelles peuvent conclure des clauses types qui aident les acteurs dans le respect de leurs obligations contractuelles. M. le ministre peut-il nous donner les motifs de cette suppression ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Le cumul des rédactions entraînerait la confusion et la superposition des clauses. Il est en outre impératif de supprimer la référence au principe de prix plancher, qui peut être aussi un prix plafond.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis. Le maintien de la possibilité, pour une interprofession, d’établir un prix plancher n’est pas compatible avec le droit de la concurrence. Par ailleurs, l’action des interprofessions est prévue par l’organisation commune de marché et nous ne pouvons aller au-delà du champ défini ; l’article 5 met simplement l’accent sur leur rôle en matière de contractualisation.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle est saisie de lamendement CE1689 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Il s’agit de garantir la possibilité pour les organisations interprofessionnelles de conclure des clauses types relatives et de clarifier le contenu de celles-ci.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Si le système actuel fonctionnait, nous ne serions pas en train de légiférer ! Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Pour les mêmes raisons qu’à l’amendement précédent, avis défavorable.

La commission  rejette lamendement.

Elle adopte lamendement rédactionnel CE1999 du rapporteur.

Elle aborde les amendements identiques CE849 de M. Fabrice Brun, CE1027 de M. Jacques Cattin et CE1037 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Fabrice Brun. Il est proposé d’inclure dans le dispositif interprofessionnel préexistant les indicateurs de coûts de production. Cet amendement sécurise par ailleurs le fait que les contrats interprofessionnels peuvent proposer des clauses types relatives aux clauses de réserve de propriété, qui assurent au vendeur le paiement du prix de la marchandise, particulièrement utilisées dans le secteur viticole.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces amendements visent une nouvelle fois à rétablir le droit existant, alors que le système fonctionnait mal au niveau des interprofessions.  Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette les amendements.

Elle examine lamendement CE1278 de Mme Jacqueline Dubois.

Mme Jacqueline Dubois. Il s’agit d’encourager le principe de transparence pour les indices de tendance des marchés élaborés et diffusés par les organisations interprofessionnelles, ainsi que pour les indicateurs prévus à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’amendement est certes redondant, mais je suis favorable à tout ce qui vise à améliorer la transparence.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Peut-être pourriez-vous le retirer afin de travailler à nouveau sa rédaction, madame la députée ?

Mme Jacqueline Dubois. Je le maintiens.

La commission adopte lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE2000 du rapporteur, CE207 de M. Jérôme Nury, les amendements identiques CE58 de M. Vincent Descoeur, CE74 de M. Dino Cinieri, CE602 de M. Fabrice Brun, CE894 de M. Antoine Herth, CE985 de M. Rémy Rebeyrotte, CE1681 de M. Pierre Morel-À-lHuissier, CE1742 de M. Dominique Potier et CE1890 de M. Thierry Benoit, ainsi que les amendements identiques CE805 de M. JeanPierre Vigier, CE1212 de M. Rémy Rebeyrotte et CE1871 de M. Thierry Benoit.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Afin d’améliorer la connaissance des marchés, les organisations interprofessionnelles peuvent élaborer et diffuser des indices de tendance des marchés concernés, ainsi que tout élément de nature à éclairer la situation de la filière.

L’alinéa 3 prévoit que les interprofessions peuvent élaborer et diffuser les indicateurs mentionnés à l’avant dernier alinéa du II de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime. Ces indicateurs seront ainsi rendus publics et librement accessibles par les parties contractantes.

M. le président Roland Lescure. Si cet amendement venait à être adopté, les amendements suivants tomberaient.

M. Jérôme Nury. L’amendement CE207 vise à donner une valeur contraignante aux indicateurs fournis par les interprofessions. Il fait de ces informations des indicateurs publics obligatoires et indiscutables. Dès lors que l’interprofession détermine un indicateur par accord interprofessionnel et que cet accord est étendu, l’indicateur interprofessionnel devient un indicateur public de référence et doit être utilisé par tous les acteurs concernés.

M. Jean-Yves Bony. L’amendement CE58 vise à compléter l’alinéa 3 par la phrase suivante : « Les indicateurs validés par accord interprofessionnel étendu ont valeur d’indicateurs publics de référence. »

M. Antoine Herth. Ces amendements prévoient que les indicateurs sont systématiquement rendus publics. Cette publicité est-elle facultative dans votre amendement, monsieur le rapporteur ?

M. Guillaume Garot. Nous avons déposé l’amendement CE1742 dans le même esprit, répondant ainsi à l’attente de la profession. S’il est adopté, nous irons plus vite dans la recherche de solutions permettant de mieux rémunérer les producteurs.

M. Jean-Pierre Vigier. L’amendement CE805 introduit une variante. Dès lors que l’interprofession définit un indicateur par accord interprofessionnel et que cet accord est étendu, cet indicateur doit devenir une référence publique incontournable et indiscutable pour les opérateurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Pour répondre à M. Herth, l’amendement CE2000 prévoit bien que les indicateurs déterminés par l’interprofession sont systématiquement rendus publics. Je demande le retrait de l’ensemble des amendements, au bénéfice du mien.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La disposition du projet de loi sur laquelle portent ces amendements repose sur la capacité des interprofessions à diffuser des indices de tendance. L’amendement CE2000 précise que, dans le cadre de cette diffusion, les indicateurs sont « ainsi » rendus publics. Je suis favorable à cet amendement, qui vient à la fois clarifier la portée des indicateurs définis par accord interprofessionnel et les rendre publics, conformément aux attentes de la profession. Je demande le retrait des autres amendements.

M. Arnaud Viala. Monsieur le rapporteur, l’amendement CE2000 est-il bien celui en faveur duquel nous avons retiré nos amendements à l’article 1er hier soir ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Oui, c’est l’amendement dont nous avons parlé hier.

La commission adopte lamendement CE2000.

En conséquence, les amendements CE207, CE58, CE74, CE602, CE894, CE985, CE1681, CE1742, CE1890, CE805, CE1212 et CE1871 tombent.

La commission examine lamendement CE1275 de Mme Jacqueline Dubois.

Mme Jacqueline Dubois. Certains agriculteurs s’inquiètent de la faculté laissée aux organisations professionnelles de formuler des recommandations sur les indicateurs servant à la détermination des prix. Je propose de supprimer, à l’alinéa 3, les mots : « Elles peuvent formuler des recommandations sur la manière de les prendre en compte pour la détermination, la révision et la renégociation des prix ». Cette disposition comporte un risque d’être interprétée comme une entrave à la concurrence et à la liberté contractuelle.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Pour vous rassurer, madame Dubois, je peux vous dire que j’ai consulté la Commission européenne sur le sujet. Elle n’a émis aucune réserve sur ce dispositif qui est l’un des piliers de la loi. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis pour les mêmes raisons.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1201 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Cet amendement vise à donner plus de force aux recommandations émises par les filières dans le processus de fixation des prix. La formulation de l’alinéa 3 – « Elles peuvent formuler des recommandations… » – est trop faible.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement est dans l’esprit des missions des interprofessions mais leurs indicateurs sont non contraignants, il ne s’agit pas de préconisations qui lient les parties, conformément à ce que la DG Agri de la Commission européenne nous a stipulé pour respecter le droit communautaire.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’objectif est bien que les interprofessions se saisissent de cette mission pour diffuser les indicateurs. Le règlement sur les organisations communes de marché (OCM) ne permet pas à l’État d’imposer une mission à une organisation interprofessionnelle. Ces organisations doivent décider librement de leurs missions dans le respect du droit européen. Conformément au droit de la concurrence, leurs recommandations doivent avoir un caractère facultatif. Avis défavorable.

M. Arnaud Viala. Dans la formulation de mon amendement – « La détermination, la révision et la renégociation des prix se font en fonction de préconisations fixées par les filières » –, je ne pense pas que la notion de contrainte soit explicite. Il y a une subtilité, ce qui n’empêche pas de donner plus de force à la mesure.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement CE1619 de M. Sébastien Jumel et les amendements identiques CE118 de M. Sébastien Leclerc et CE1935 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Sébastien Jumel. Comme l’a indiqué le rapporteur, le texte vise à légitimer l’intervention des interprofessions dans la conclusion des contrats. Dans cette optique, nous proposons de remplacer « peuvent formuler » par « formulent ».

M. Vincent Rolland. Les organisations interprofessionnelles agricoles sont appelées à jouer un rôle central dans le processus renouvelé d’établissement du prix de vente des produits agricoles. Afin que ce rôle soit tenu dans toutes les filières et pour toutes les productions, le présent amendement propose de rendre obligatoire – et non facultatif – l’avis de l’organisation interprofessionnelle dans le processus de fixation du prix. C’est un amendement qui va encore un peu plus loin que celui de M. Jumel.

Mme Sandrine Le Feur. Les arguments qui viennent d’être exprimés valent pour mon amendement.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Lidée est tentante, mais nous sommes contraints par le règlement OCM et son article 157 qui régit les organisations interprofessionnelles. Cet article indique que les interprofessions « poursuivent un but précis prenant en compte les intérêts de leurs membres et ceux des consommateurs, qui peut inclure, notamment, l’un des objectifs suivants… » Suit le détail des clauses. Nous ne pouvons malheureusement pas rendre les indicateurs obligatoires. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette successivement lamendement CE1619 et les amendements identiques CE118 et CE1935.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE1743 de M. Dominique Potier, CE1620 de M. Sébastien Jumel, CE1504 de Mme Monique Limon, qui  fait lobjet du sous-amendement CE2078 du rapporteur, et CE1359 de M. Loïc Prudhomme.

M. Dominique Potier. Nous restons dans l’esprit des accords tripartites dont nous avons discuté hier, et sur lesquels nous avons convenu de retravailler avec le ministre dans l’optique de la séance. Il s’agit de prévoir des clauses de partage de la valeur ajoutée s’adossant aux accords interprofessionnels. C’est désormais possible dans le cadre du règlement « Omnibus ».

M. Sébastien Jumel. Le règlement « Omnibus » ouvre la possibilité aux interprofessions de construire un partage de la valeur ajoutée. Ce système a déjà fait ses preuves dans des modes de régulation et de gouvernance comme celui du comité interprofessionnel du gruyère et du comté (CIGC). Une filière durable est une filière qui réussit à rémunérer correctement chaque de ses maillon.

L’amendement tend à compléter l’alinéa 3 par la phrase suivante : « Elles doivent aussi rédiger des clauses de partage de la valeur ajoutée, afin de répartir au mieux la valeur dans la filière. »

Mme Monique Limon. Pour manifester notre volonté de responsabiliser les interprofessions, nous proposons qu’elles puissent se saisir, à l’intérieur des filières, de la question du partage de la valeur ajoutée. Nous voulons qu’elles puissent rédiger des clauses de partage pour une juste répartition entre les différents acteurs de la filière.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement CE1504, sous réserve que soit adopté mon sous-amendement ajoutant une référence nécessaire au règlement (UE) n° 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017 dit « Omnibus ». Je demande le retrait des autres amendements, car les mesures proposées ne peuvent avoir un caractère obligatoire, compte tenu du droit européen.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Les amendements CE1743, CE1620 et CE1359 sont retirés.

La commission adopte le sous-amendement CE2078.

Elle adopte lamendement CE1504 amendé.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE1679 de Mme Célia de Lavergne et CE1147 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Célia de Lavergne. Cet amendement vise à prévoir le cas où les interprofessions, dans lesquelles le vote se fait à l’unanimité, n’arrivent pas à s’entendre sur les indicateurs de coûts. Nous proposons donc que, à défaut d’accord entre les parties, les indicateurs utilisés soient ceux définis par l’autorité administrative, selon des modalités fixées par décret, après avis de l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM).

Mme Emmanuelle Ménard. Je propose de compléter l’alinéa 3 par la phrase suivante : « Les indicateurs de l’Observatoire de la formation des prix et des marges doivent être mentionnés ». Comme je l’ai précisé hier, le recours à cet observatoire ne crée pas d’exclusivité. Le contrat peut faire mention d’autres indicateurs, mais l’Observatoire doit être mentionné dans la loi car il est un gage d’objectivité pour les producteurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’ai déposé l’amendement CE2002 donnant à l’OFPM la responsabilité de définir des indicateurs en cas de défaut de l’interprofession. Cet amendement modifiant directement l’article sur les missions de l’Observatoire, il est donc placé après l’article 5. Je vous propose de retirer votre amendement au profit du mien. Sinon, j’émettrais un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie des amendements identiques CE654 de M. Frédéric Descrozaille et CE787 de M. Marc Le Fur.

M. Frédéric Descrozaille. Cet amendement précise ce qu’ont le droit de faire les interprofessions, compte tenu des dernières avancées juridiques au niveau communautaire : l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), relatif au dossier dit du « cartel des endives ». L’amendement reprend rigoureusement les termes de l’article 157 du règlement portant OCM, pour qu’il ne soit pas présumé de l’évolution positive du droit européen Il précise et sécurise les actions interprofessionnelles, en rappelant les termes de l’article 157, la CJUE ayant fondé son arrêt sur la notion d’effet utile. Lorsqu’il n’y a pas de transfert de propriété et de concentration, les dispositifs d’échange d’informations stratégiques – prix et volumes prévisionnels – doivent permettre aux opérateurs de mieux protéger leurs prix et leur pouvoir économique que s’ils n’y recourent pas. Il s’agit de préciser ces dispositifs en droit, sinon il y a fort à parier que les organisations interprofessionnelles ne les utiliseront pas, craignant de tomber sous le coup de l’article 210.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement soulève plusieurs questions et difficultés, notamment celle du périmètre des informations stratégiques qui pourraient être échangées. Vous savez que c’est un sujet très sensible, lourd d’interprétations et de jurisprudences.

Vous prévoyez d’insérer la possibilité, pour l’interprofession, de fournir des analyses prévisionnelles, mais le droit européen est formel : les indicateurs et indices dont nous parlons dans ce projet de loi ne peuvent en aucun cas concerner l’avenir. Les interprofessions ne peuvent que constater ces indicateurs et en rendre compte. La détermination d’indicateurs pour le futur pourrait être qualifiée d’entente.

Le sujet est trop sensible, en particulier compte tenu des responsabilités données aux interprofessions par ce texte.

L’action des interprofessions doit s’inscrire dans le respect du droit de la concurrence. Sur ce point, la réponse de l’Autorité de la concurrence, qui a été saisie sur les possibilités d’actions offertes aux acteurs du secteur agricole pour structurer les filières, accompagnée du guide qui sera élaboré par les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur les possibilités d’action des interprofessions au regard du droit de la concurrence, permettra à chaque opérateur de savoir ce qu’il est permis de faire.

Je demande le retrait de ces amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’action des interprofessions doit s’inscrire dans le respect du droit de la concurrence. Sur ce point, la réponse de l’Autorité de la concurrence, qui a été saisie sur ce que peuvent faire les acteurs du secteur agricole pour structurer les filières, permettra à chaque opérateur de savoir ce qu’il convient de faire pour la bonne marche de sa structure. Je demande le retrait de ces amendements, sinon j’émettrais un avis défavorable.

M. Frédéric Descrozaille. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre.

L’article 157 du règlement « Omnibus » dispose que les organisations interprofessionnelles peuvent améliorer les connaissances et la transparence « en réalisant des analyses sur les perspectives d’évolution du marché au niveau régional, national ou international ». La dimension d’indicateurs publiés qui permettent d’avoir des perspectives est donc bien inscrite dans l’esprit du droit communautaire.

Vous parlez du respect de la concurrence. L’arrêt de la Cour de justice a fondé toute son approche sur le principe que les objectifs de la politique agricole commune (PAC) prévalent sur l’application du droit de la concurrence au secteur agricole. Les juristes de l’Autorité de la concurrence et de la DGCCRF ne l’ont jamais compris.

Je considère que le législateur doit prendre ses responsabilités et rigoureusement appliquer ce que la Cour de justice a rappelé avec l’arrêt sur le cartel des endives.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’ai interrogé la DG Agri de la Commission européenne, qui penche en faveur d’évolutions fortes et qui a notamment soutenu les avancées contenues dans le règlement « Omnibus », mais qui m’a clairement indiqué que ce type d’amendement ne pouvait pas passer.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’autorité européenne de la concurrence doit donner son avis sur le sujet au mois de mai.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient aux amendements identiques CE1160 de M. Max Mathiasin et CE1492 de Mme Éricka Bareigts.

M. Max Mathiasin. Cet amendement vise à affirmer la nécessité de la  restructuration des filières essentielles dans les outre-mer. J’en ai déjà longuement discuté avec M. le ministre : cette restructuration a permis de maintenir des revenus pour les producteurs et de soutenir la production. Dans les territoires exigus, qui n’ont pas la possibilité de faire des économies d’échelle, la production doit être organisée. Pour ce faire, il faut réaffirmer ce soutien, notamment face à une concurrence que j’ai déjà eu l’occasion de décrire à M. le ministre.

M. Dominique Potier. Nous défendons cet amendement avec vigueur et conviction. Il faut inscrire dans la loi la spécificité ultramarine que vous avez très bien rappelée, cher collègue. On nous répondra que les outre-mer sont couverts par le texte, mais il nous semble extrêmement important de tenir compte de contraintes territoriales évidentes et d’une concurrence exacerbée avec les territoires proches. Il convient d’insister sur le caractère structurant et protecteur de la loi française pour nos outre-mer.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’entends bien vos arguments. Les dispositions de l’article 5 du projet de loi et, plus généralement, celles du titre III du code rural et de la pêche maritime, relatives aux contrats et accords interprofessionnels portant sur des produits agricoles et alimentaires, sont de portée générale. Elles s’appliquent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique et à La Réunion. Néanmoins, je comprends le contexte très spécifique des outre-mer. Je vais m’en remettre à la sagesse de votre commission, et laisser le ministre s’exprimer et continuer à discuter avec vous pour la prise en compte des spécificités de l’outre-mer.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ces amendements insistent sur la structuration des filières outre-mer. Or les filières n’ont pas d’existence juridique. Je n’ignore pas que nous avons besoin de structurer, de densifier et de massifier l’offre dans les outre-mer. Tout un travail est engagé dans ce but.

La question du revenu des agriculteurs concerne aussi nos territoires d’outre-mer où toutes les dispositions de ce texte s’appliquent. Quant aux dispositions du code rural et de la pêche maritime, relatives aux accords interprofessionnels sur l’agriculture et l’alimentation, elles sont de portée générale. Elles s’appliquent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique et à La Réunion.

Pour ces raisons, je demande le retrait de ces amendements.

M. Sébastien Jumel. Les collègues ultramarins de mon groupe m’en voudraient si je ne soutenais pas, avec force et conviction, la volonté de prendre en compte la spécificité des outre-mer. Si la désespérance est grande dans les fermes de métropole, elle l’est encore davantage dans ces territoires. Contrairement à ce qui a été dit ce matin, je crois à la force symbolique de la loi. Un sujet peut emporter l’adhésion quand il devient une priorité. C’est ce qui fait la République.

Mme Delphine Batho. Il subsiste une inquiétude quant aux intentions réelles du Gouvernement concernant l’application aux outre-mer des dispositions de ce texte en matière de prix et d’organisations de producteurs. Cet amendement en annonce d’autres sur d’autres articles du texte. Il faudrait donc que tout soit clair et carré. Il ne doit y avoir aucun doute sur le caractère applicable et déclinable aux outre-mer des mesures qui découlent de la logique des États généraux de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’entends cette préoccupation qui est mienne chaque jour.

Au cours des États généraux de l’alimentation (EGA), les débats ont porté sur le revenu agricole, sur les qualités sanitaires et nutritionnelles des aliments. Dans le même temps, se sont tenues les Assises des outre-mer, qui vont apporter certaines réponses attendues par les territoires ultramarins, où l’agriculture doit être structurée et densifiée. Comme nous avons pu en débattre en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, il est nécessaire que la part des importations et des exportations diminue en outre‑mer, et que les pratiques alimentaires et agronomiques y évoluent.

Les enseignements des États généraux de l’alimentation et les dispositions du présent texte répondent aux préoccupations des outre-mer. Nous n’avons pas prévu de mesures spécifiques car nous considérons que les outre-mer sont la République. La loi de la République s’applique à tous les territoires français.

Mme Delphine Batho. J’aime bien que les choses soient claires. Considérez que notre amendement est inutile parce que l’article 5 s’applique aux outre-mer ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Oui.

Mme Delphine Batho. Dans ce cas, je le retire.

M. Max Mathiasin. Compte tenu de l’argumentation du ministre, je retire mon amendement. Je fais confiance aux Assises des outre-mer et j’espère aussi que vous viendrez en Guadeloupe à la fin de l’année.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Quand j’y suis allé en octobre dernier, je vous avais promis d’y revenir au bout d’un an pour mesurer les changements et les effets des dispositifs adoptés.

Les amendements sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE92 de M. Dino Cinieri, CE884 de Mme Valérie Beauvais et CE964 de M. Rémy Rebeyrotte, les amendements CE1014 de M. Antoine Herth, CE1135 de M. Thierry Benoit, CE766 de M. Julien Dive et CE208 de M. Jérôme Nury.

M. Dino Cinieri. Il s’agit de permettre à chaque organisation professionnelle de proposer au moins un indicateur adapté à sa filière et une recommandation sur la manière de le prendre en compte dans les critères et modalités de fixation, de révision et de renégociation du prix.

Mme Valérie Beauvais. Les dispositions du présent texte sur la faculté des acteurs des filières agricoles à s’accorder sur des indicateurs risquent de ne pas être utilisées ou de connaître de grandes difficultés d’application. Cette tâche doit donc incomber aux interprofessions qui sont habituées à gérer et à concilier les intérêts d’une filière. Les interprofessions pourraient déterminer un ou plusieurs indicateurs qui concourraient à la détermination du prix. Il ne s’agit pas d’imposer une obligation de résultat à des instances qui ont le sens du consensus. Il s’agit plutôt d’une obligation de moyens renforcés. En l’espèce, la négociation doit primer sur l’obligation.

Je vous invite donc à adopter mon amendement qui reconnaît et renforce le rôle des interprofessions.

M. Antoine Herth. Mon amendement est quasi identique au précédent, à la différence près que j’ai enlevé une phrase qui me paraissait d’une très faible portée législative et qui aurait davantage sa place dans un décret d’application.

M. Julien Dive. L’idée est d’avoir des indicateurs les plus objectifs possible pour étalonner le prix lors des négociations, en tenant compte des types de filières. Pour compléter le dispositif, je propose d’inscrire dans la loi le procédé par lequel un à plusieurs indicateurs interprofessionnels seront créées afin de déterminer chaque prix le plus justement possible pour les producteurs. On renforce ainsi le rôle des interprofessions.

M. Vincent Rolland. À côté de l’Observatoire de la formation des prix et des marges et des interprofessions, les groupements professionnels doivent également être en mesure de donner des indicateurs utiles à la détermination des conditions de contrat. Ces organisations professionnelles sont les plus à même de répondre aux besoins spécifiques des filières et professions en cause. Elles bénéficient de la plus grande proximité avec les secteurs agricoles. Leur expertise permettra une adaptation des critères fournis par l’OFPM et les interprofessions aux différentes filières.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Comme je l’ai précédemment indiqué, le règlement OCM ne nous permet pas de rendre les indicateurs obligatoires. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Les amendements étaient bien « vendus » mais, sur le fond, l’obligation de moyens faite aux membres des interprofessions s’inscrit dans l’équilibre du texte. D’un point de vue juridique, on ne peut pas accepter ces amendements : le fonctionnement d’une interprofession relève d’une initiative privée ; cette disposition est incompatible avec l’article 157 du règlement « Omnibus ». Avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte larticle 5 modifié.

Article 5 bis
(article L. 553-5 du code rural et de la pêche maritime)
Échanges dinformations stratégiques des organisations de producteurs

Cet article résulte de cinq amendements identiques de députés des groupes La République en Marche et Les Républicains et tient compte des enseignements de l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire dite « des endiviers », qui a rappelé le principe de primauté des objectifs de la politique agricole commune sur ceux de la concurrence et l’effet utile à donner aux dispositions sur les organisations de producteurs et leurs associations ([32]) (voir supra).

En effet, la Cour a jugé qu’une organisation de producteurs (OP) ou une association d’organisations de producteurs (AOP) doit nécessairement pouvoir procéder à des échanges d’informations stratégiques afin de remplir les objectifs qui lui sont confiés par l’organisation commune des marchés, notamment celui d’assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, ainsi que de régulariser les prix à la production.

Cet article rappelle la possibilité pour ces organisations de procéder à des échanges d’informations stratégiques et précise la forme concrète que peuvent prendre ces échanges : données statistiques agrégées, indicateurs ou analyses prévisionnelles portant notamment sur les coûts de production, les prix ou les volumes.

*

*     *

La commission examine les amendements identiques CE657 de M. Frédéric Descrozaille, CE786 de M. Marc Le Fur, CE1693 de M. Dino Cinieri et CE1981 de M. JeanClaude Leclabart.

M. Frédéric Descrozaille. Les arguments sont les mêmes que pour les amendements relatifs aux organisations interprofessionnelles mais le cas est plus simple car nous sommes dans l’horizontalité et non pas dans la verticalité entre acheteurs et fournisseurs. Il s’agit, encore une fois, de tenir compte de l’évolution du droit au niveau européen. Je considère que l’interprétation restrictive a priori de l’article 157 du règlement « Omnibus » ne fait pas honneur à la volonté de libérer les acteurs et de leur donner les moyens de s’organiser pour être plus forts économiquement. Il s’agit de reprendre les termes juridiques de l’article 157 et de traduire très strictement l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne relatif au « cartel des endives ».

M. Fabrice Brun. Le présent amendement vise à tenir compte des enseignements de l’arrêt rendu par la Cour de justice dans l’affaire dite des endiviers, qui a rappelé le principe de primauté des objectifs de la politique agricole commune (PAC) sur ceux de la concurrence. Il rappelle la possibilité pour les organisations de producteurs de procéder à des échanges d’informations stratégiques et il précise la forme concrète que peuvent prendre ces échanges : données statistiques agrégées, indicateurs ou analyses prévisionnelles portant notamment sur les coûts de production, les prix ou les volumes.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La dernière phrase de l’alinéa 15 satisfait en partie la demande. Il va de soi que les accords seront issus d’échanges d’informations. Cependant, nous sommes bien dans le cadre de l’arrêt « endives » qui concerne les organisations de producteurs. Je m’en remets à la sagesse de la commission sur cet amendement, qui me paraît plus compatible que les précédents.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

M. Frédéric Descrozaille. Je remercie M. le ministre et M. le rapporteur. Je maintiens l’amendement pour sécuriser les actions des acteurs qui ont besoin de ces précisions.

La commission adopte les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE1671 de Mme Célia de Lavergne et CE1101 de M. André Chassaigne.

Mme Célia de Lavergne. Une charte des États généraux de l’alimentation a été signée le 14 novembre dernier. À cette occasion, tous les acteurs se sont réunis autour d’une table et ils se sont engagés à répartir la valeur sur toute la chaîne. Cet amendement propose que les mêmes acteurs économiques se réunissent tous les trois ans – un délai raisonnable – pour conclure une nouvelle charte d’engagement.

M. Sébastien Jumel. Les États généraux ont suscité enthousiasme, adhésion et esprit de partage. Pour que la pâte ne retombe pas, nous proposons d’inscrire dans la loi la nécessité pour les organisations interprofessionnelles d’organiser une conférence annuelle. Elle donnera l’occasion de faire le point sur l’évolution des coûts de production et des revenus agricoles pour chaque bassin et type de production, en associant toutes les parties prenantes.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Vous souhaitez pérenniser la charte mais elle n’a pas été appliquée. Nous le regrettons tous.

En revanche, je vous renvoie à l’article L  631-27-1 du code rural et de la pêche maritime, issu de la loi dite « Sapin 2 », qui prévoit une réunion annuelle de la conférence publique de filière. Cette conférence pourrait se substituer à la charte. Je demande le retrait des amendements ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis. Il a fallu du temps pour élaborer la charte avec les différents partenaires. Elle a été signée le 14 novembre dernier par des acteurs économiques représentant 17 % du PIB français. Chacun a été appelé à avoir des pratiques commerciales éthiques et responsables. Une telle charte reposant sur l’engagement volontaire des acteurs, il est difficile de l’inscrire dans la loi. Outre les clauses de revoyure régulières, il existe un comité national de suivi des négociations, un comité de suivi des plans de filières et un comité de suivi de la feuille de route des États généraux de l’alimentation. Tous ces outils peuvent être utilisés pour continuer à travailler sur les relations commerciales et maintenir l’esprit de la charte. Je comprends votre demande mais elle ne relève pas du domaine de la loi.

Mme Célia de Lavergne. Monsieur le ministre, vous indiquez que le Gouvernement a pris des dispositions pour que perdure l’esprit des États généraux de l’alimentation et pour que les acteurs concernés réitèrent leurs engagements dans le cadre des différents organes que vous avez cités. Je vais donc retirer mon amendement.

M. Sébastien Jumel. Je n’ai pas obtenu de réponse concernant mon amendement. D’après ce que je comprends, cette charte c’est un peu comme celle qui a été adoptée en 1964 par l’Organisation de libération de la. Palestine (OLP) : à peine conclue, elle est devenue caduque et de nombreux acteurs se sont assis dessus avec allégresse. Il ne me semble donc pas superfétatoire d’inscrire l’objectif de préserver cette collégialité dans le présent texte qui devrait faire consensus si nous y mettons tous du nôtre.

M. Thierry Benoit. Le contenu de l’amendement CE1101 va bien au-delà d’une charte, qui est en quelque sorte une déclaration d’intention. L’amendement est clair et précis et demande de la souveraineté supplémentaire pour les organisations interprofessionnelles qui « organisent chaque année, pour chaque production agricole, une conférence de filière rassemblant les producteurs, les transformateurs et les distributeurs, y compris les organisations non-membres des organisations interprofessionnelles ». Il est fait référence à l’évolution des coûts de production et des revenus agricoles. Cette conférence peut même déterminer des indices publics de prix des produits agricoles. À mon avis, votre réponse est hors sujet.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ma réponse concernait l’amendement CE1671 mais, pour les deux amendements, je renvoie à la loi existante. L’article L. 631-27-1 du code rural et de la pêche maritime, issu de la loi « Sapin 2 », prévoit une réunion annuelle de la conférence publique de filière. « Elle réunit notamment les représentants des producteurs, des organisations de producteurs, des entreprises et des coopératives de transformation industrielle des produits concernés, de la distribution et de la restauration hors domicile. La conférence publique de filière examine la situation et les perspectives d’évolution des marchés agricoles et agroalimentaires concernés au cours de l’année à venir. Elle propose, au regard de ces perspectives, une estimation des coûts de production en agriculture et de leur évolution pour l’année à venir, en tenant compte de la diversité des bassins et des systèmes de production ».

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Dans le courant du mois de juin, nous allons à nouveau convoquer les EGA en séance plénière, en particulier pour évoquer les négociations commerciales après le vote de la loi. Nous ferons un bilan des dispositifs mis en place depuis le 21 décembre dernier – qu’il s’agisse de la feuille de route sur le bio, de la feuille de route sur la bio-économie, de la feuille de route sur la méthanisation, de la charte d’excellence sur le bien-être animal… Et, à partir du mois d’octobre, les uns et les autres ne devront plus se contenter de respecter les valeurs morales d’une charte mais respecter la loi qui s’impose à tous.

M. Richard Ramos. Vous savez, monsieur le ministre, que les parlementaires ont participé aux ateliers alors qu’ils sont absents de l’élaboration des feuilles de route et de leur suivi. Ils doivent donc retrouver leur rôle et, au-delà des ateliers, pouvoir siéger. Je suis favorable à ce que l’ensemble des groupes parlementaires soient présents au Conseil national de l’alimentation.

M. Sébastien Jumel. Je compte sur vous pour veiller à l’application de la loi concernant les conférences annuelles. Vous annoncez, et c’est un rendez-vous important, une nouvelle étape des EGA au mois de juin. Nous évoquerons sans doute tous les sujets que vous avez mentionnés mais nous aborderons aussi la politique agricole commune (PAC), les traités avec le Mercosur, les premiers effets du CETA… Je retire mon amendement mais pas sans rester vigilant.

M. le président Roland Lescure. Merci pour votre vigilance et pour votre flexibilité.

Les amendements sont retirés.

Article 5 ter
(article L. 632-1 du code rural et de la pêche maritime)
Représentation des organisations de producteurs au sein des organisations interprofessionnelles agricoles

L’objet de cet article, qui résulte de l’adoption d’un amendement du rapporteur sous-amendé par le Gouvernement et quasiment identique à un amendement de M. Dominique Potier et de plusieurs de ses collègues, est de permettre la représentation au sein des interprofessions des organisations de producteurs et des associations d’organisations de producteurs les plus représentatives.

À côté des interprofessions, les organisations de producteurs constituent en effet des acteurs essentiels de l’amélioration du fonctionnement des filières, en favorisant la création de valeur et son partage. À cet égard, le rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de mars 2017 sur les interprofessions ([33]) recommande, dans les filières où des organisations de producteurs existent, de permettre à ces dernières de jouer pleinement leur rôle au sein de l’interprofession.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1756 de M. Dominique Potier et CE2035 du rapporteur, qui fait lobjet du sous-amendement CE2102 du Gouvernement.

M. Dominique Potier. Les députés du groupe Nouvelle Gauche sont attachés au renforcement des associations d’organisations de producteurs (AOP). Nous avons évoqué l’idée, hier, qu’elles soient inscrites dans une stratégie nationale quitte à mobiliser le deuxième pilier de la PAC. Le présent amendement, dans cette perspective, prévoit simplement qu’elles soient intégrées aux organisations interprofessionnelles, ce qui, paradoxalement, n’est pas le cas. Je suis persuadé qu’il s’agit d’un oubli. Il s’agit donc de préciser que les OP et les AOP sont au cœur des négociations et de ce nouveau cadre dont nous espérons qu’il sera propice au rééquilibrage des négociations commerciales.

Je suis étonné que l’amendement du rapporteur, allant dans le même sens que le nôtre, le concurrence alors qu’il aurait pu le sous-amender.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je partage votre objectif, monsieur Potier, et j’ai le droit d’amender le texte…

M. Thibault Bazin. Pour encore combien de temps ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’amendement CE2035 vise à permettre la représentation, au sein des interprofessions, des organisations de producteurs et des associations d’organisations de producteurs les plus représentatives.

À côté des interprofessions, les organisations de producteurs constituent des acteurs essentiels de l’amélioration du fonctionnement des filières, en favorisant la création de valeur et en contribuant à son partage. À cet égard, le rapport de mars 2017 du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur les interprofessions recommande aux filières où des organisations de producteurs existent, de jouer pleinement leur rôle au sein de l’interprofession.

J’ai déposé cet amendement sans avoir pris connaissance des autres.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il convient de renforcer la représentation des organisations de producteurs au sein des interprofessions sans porter atteinte à la liberté d’association dont disposent les interprofessions.

L’ajout des mots « y compris » vise à conserver la disposition actuelle qui prévoit que toute interprofession est constituée du maillon amont de la production agricole et d’un maillon aval. Le sous-amendement CE2102 vise donc à compléter le dispositif.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement CE1756 au profit de l’amendement 2035 sous-amendé par le Gouvernement.

M. Dominique Potier. Il n’y a pas l’ombre d’un doute, monsieur le rapporteur, sur le fait que nous vous reconnaissons le droit d’amendement. La question, et il m’est arrivé d’être à votre place, est de savoir quel usage le rapporteur fait de ce droit : ne vaut-il pas mieux sous-amender un amendement dont on partage l’esprit plutôt que de présenter un amendement concurrent ? Je maintiens mon amendement car ce n’est pas la première fois que cela arrive.

M. Antoine Herth. Je propose à M. Potier de voter l’amendement du rapporteur et ainsi tout le monde sera satisfait.

Mme Célia de Lavergne. On devrait se réjouir de ce qu’une bonne idée soit défendue par plusieurs députés. Je ne pense pas qu’on puisse ici parler de concurrence, d’autant que ces amendements en discussion commune sont consensuels et que nous allons en voter un. Il vaut donc mieux que nous travaillions ensemble. Si vous souhaitez discuter avec le rapporteur ou avec nous, monsieur Potier, nous ne vous ferons aucune difficulté.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je le répète : je n’ai pas examiné les amendements des groupes avant de rédiger et de déposer les miens – j’avais déjà suffisamment de travail…

M. le président Roland Lescure. C’est un peu notre « cuisine ». Les amendements adoptés seront intégrés dans le texte adopté par la commission qui sera examiné en séance.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Et chacun peut s’en réjouir.

Lamendement CE1756 est retiré.

La commission adopte le sous-amendement CE2102, puis lamendement CE2035 sous-amendé.

Elle examine ensuite lamendement CE1386 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Nous proposons que les représentants de l’agriculture biologique disposent d’au moins un siège au conseil d’administration de l’interprofession dont ils sont membres. Ainsi leurs intérêts seront-ils pris en compte et l’interprofession dans son ensemble s’orientera-t-elle vers un modèle de production, de transformation et de distribution écologique.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La représentation des professionnels au sein des interprofessions est strictement encadrée par l’OCM. L’essentiel est que les producteurs représentent « une part significative de la production ». Nous venons d’adopter un amendement qui rend possible la représentation des OP et AOP dans les interprofessions. Si celles-ci représentent des producteurs bio et qu’ils sont suffisamment nombreux, alors ils seront également représentés.

Par ailleurs, les interprofessions fonctionnent par collèges : production, transformation, distribution. Tel que rédigé, votre amendement est inopérant, donc avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Conformément à l’OCM, les interprofessions se constituent librement et fixent leurs modalités de fonctionnement. Imposer la présence d’un ou plusieurs représentants d’un mode de production au conseil d’administration constitue une intervention dans les règles de fonctionnement desdites interprofessions. Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lexamen, en discussion commune, de lamendement CE1596 de Mme Martine Leguille-Balloy et des amendements identiques CE126 de M. Dino Cinieri, CE895 de M. Antoine Herth, CE986 de M. Rémy Rebeyrotte, CE1684 de M. Pierre Morel-À-LHuissier et CE1891 de M. Thierry Benoit.

Mme Graziella Melchior. L’amendement CE1596 vise à permettre à l’ensemble des acteurs concernés par les accords interprofessionnels de saisir l’instance de conciliation prévue à l’article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime en cas de litige afférent à cet accord. En effet, en l’état, cette possibilité n’est accordée qu’aux organisations professionnelles.

M. Dino Cinieri. L’amendement CE126 vise à prévoir qu’une partie à un contrat peut saisir une instance de conciliation des litiges indépendamment des organisations professionnelles, actuellement les seules à pouvoir saisir la commission des litiges.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il n’est pas nécessaire d’étendre la saisine de l’organe de résolution des litiges des interprofessions aux représentants des acteurs économiques. Laissons les membres des interprofessions défendre leurs intérêts.

Les amendements identiques proposent que les opérateurs économiques puissent directement saisir l’instance de conciliation des interprofessions, en plus des organisations professionnelles membres. En somme, alors que la Fédération nationale des industries laitières (FNIL) peut saisir la conciliation, l’amendement propose que ce soit également une possibilité pour Lactalis. Cela risque de mettre les organisations professionnelles en difficulté. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette successivement lamendement CE1596, puis les amendements identiques CE126, CE895, CE986, CE1684 et CE1891.

Elle en vient à lexamen des amendements identiques CE153 de M. Grégory Besson-Moreau, CE616 de M. Fabrice Brun, CE871 de M. Dino Cinieri, CE1039 de M. Rémy Rebeyrotte, CE1268 de M. Jacques Cattin et CE1948 de M. Charles de Courson.

M. Grégory Besson-Moreau. L’article L. 443-1 du code de commerce prévoit que les délais sont plafonnés à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. Cet article permet aussi de déroger à ces délais par accord interprofessionnel. Ainsi, des délais de paiement plus courts ou plus longs peuvent être négociés au sein de chaque interprofession. Le recours à ce régime dérogatoire, en viticulture, est largement pratiqué pour convenir de délais de paiement plus longs.

En cas de non-respect des délais de paiement interprofessionnels, une amende administrative de 75 000 euros est prévue pour les personnes physiques, et de 2 millions d’euros pour les personnes morales. Le montant peut être doublé en cas de récidive au cours des deux années suivantes.

Il est important que soit précisé dans la loi ce qu’est un délai de paiement non manifestement abusif.

Aussi l’amendement CE153 propose-t-il que les délais de paiement interprofessionnels soient présumés non abusifs, s’ils sont adoptés à l’unanimité des deux familles professionnelles, mais aussi que le caractère manifestement abusif des délais de paiement soit apprécié par l’administration au regard d’éléments pertinents.

M. Fabrice Brun. J’ajoute que les critères d’appréciation de l’administration sont les suivants : existence éventuelle d’un écart manifeste par rapport aux bonnes pratiques et usages commerciaux, contraire à la bonne foi et à un usage loyal ; spécificités du secteur et du produit concerné ; le cas échéant, présence de circonstances locales particulières ; enfin toute autre raison objective justifiant la dérogation.

M. Jacques Cattin. Nous proposons que l’appréciation par l’administration du caractère abusif du délai de paiement repose sur des éléments pertinents, cela vient d’être mentionné.

On parle de deux, mais ce sont souvent trois familles professionnelles, dans la viticulture, qui signent ce type d’accords – ainsi en Alsace avec des vignerons indépendants qui vendent, le négoce qui achète, et la coopération, bien que cette dernière ne soit pas soumise à des délais de paiement vis-à-vis de ses sociétaires. Deuxième élément pertinent : que les délais de paiement tiennent compte des filières et des produits. Je reviens, pour vous donner un exemple, à la filière viticole : il y a les vins à rotation rapide, qu’on achète, qu’on peut mettre en bouteilles le lendemain et vendre le surlendemain, et il y a les vins à rotation lente dont le cahier des charges impose une mise sur le marché après douze à dix-huit mois, comme les crémants, produits dans huit régions en France. Les mesures dont nous discutons visent à garantir, d’un côté, un revenu correct à nos agriculteurs et, de l’autre, un paiement dans le respect des contrats entre acheteurs et vendeurs. Or – je termine, monsieur le président – dans le secteur de la viticulture, nous devons faire face à une fiscalité des stocks déjà très contraignante – et je crois même que le Président de la République l’a reconnu – et des accords de bonne intelligence et de bon sens existent entre tous les opérateurs, et je considère que les mauvais élèves… (Brouhaha.)

M. le président Roland Lescure. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Cattin.

M. Jacques Cattin. J’ai déposé une dizaine d’amendements et je m’exprime sur un seul, excusez-moi ! (Sourires.)

M. Rémy Rebeyrotte. Je souhaite également introduire plus de souplesse dans les accords interprofessionnels.

M. le président Roland Lescure. Merci pour votre concision, cher collègue ! (Sourires.)

M. Dino Cinieri. L’amendement CE871 prévoit, lui aussi, la possibilité de déroger aux délais de paiement en question par accord interprofessionnel ; ainsi ces délais seront-ils plus courts ou plus longs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces amendements identiques portent sur les dérogations actuellement permises aux délais de paiement – déroger aux quarante-cinq ou soixante jours prévus par le code de commerce, s’il y a un accord interprofessionnel étendu.

Les amendements inversent la charge de la preuve que la dérogation des délais de paiement est justifiée, avec le risque de renforcer le déséquilibre des relations commerciales amont-aval.

Un projet de directive visant à interdire des pratiques commerciales déloyales a été présenté jeudi dernier par le commissaire européen Phil Hogan. Bruxelles souhaite que les délais de paiement aux producteurs allant au-delà de trente jours ouvrés après la livraison des produits périssables, ou la réception de la facture, soient définitivement interdits.

Nous en saurons plus d’ici à l’examen du texte en séance et, quoi qu’il arrive, la directive devra être transposée en droit français. Donc avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Bravo à M. Cattin pour son beau plaidoyer viticole, mais mon argumentation ne serait pas meilleure que celle du rapporteur.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE653 de M. Frédéric Descrozaille et CE1692 de M. Dino Cinieri.

M. Frédéric Descrozaille. À l’alinéa 7 de l’article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime, nous souhaitons substituer aux mots : « les mesures », les mots : « les actions communes ». Pendant dix ans, le caractère privé du financement des organisations interprofessionnelles, organismes de droit et d’initiative privés et financés par des cotisations obligatoires – mais privés, a été instruit. L’État prend des mesures mais une organisation interprofessionnelle, elle, mène des actions. Le mot « mesures » renvoie, en droit européen, aux mesures d’effet équivalent. Il est donc préférable, j’y insiste, de le remplacer par les mots « actions communes ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre demande est satisfaite par la formulation actuelle. Les accords étendus peuvent d’ores et déjà porter sur toute action visant un intérêt commun. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient aux amendements identiques CE30 de M. Frédéric Descrozaille et CE1682 de M. Dino Cinieri.

M. Frédéric Descrozaille. Il paraît judicieux de soustraire les organisations interprofessionnelles au contrôle de la Cour des comptes qui peuvent déboucher – et débouchent du reste régulièrement – sur des jugements en opportunité puisque portant sur des dispositifs d’État. Il s’agirait donc d’appliquer aux interprofessions le contrôle de conformité, de légalité de ce qu’elles sont et de ce qu’elles font, et non pas le contrôle d’une autorité d’État sur l’opportunité de leurs actions – ce qui a déjà été rappelé ici à de maintes reprises.

M. Dino Cinieri. L’amendement CE1682 a pour objet de mettre fin au contrôle des organisations interprofessionnelles par la Cour des comptes afin de sécuriser le régime juridique applicable aux actions interprofessionnelles. Il ne remet bien entendu nullement en cause les contrôles de légalité.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La dérogation que vous proposez devrait plutôt être inscrite dans le code des juridictions financières. Sur le fond, le contrôle de la Cour des comptes sécurise tout de même, juridiquement, les interprofessions et je ne suis pas sûr qu’il soit très opportun, par conséquent, de le supprimer. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

M. Frédéric Descrozaille. Je ne comprends pas votre argument, monsieur le rapporteur : je pense au contraire que ce contrôle constitue une insécurité juridique. Le contrôle de la Cour des comptes laisse penser qu’une partie de notre appareil d’État considère que les organisations interprofessionnelles sont quasiment de droit public, ce qui a été la position des administrations centrales concernées pendant les dix années où cela a été instruit, malgré le mémorandum français. Il est donc politiquement important d’envoyer un signal à nos administrations pour leur signifier que ce sont des outils de droit privé qui n’ont pas à être soumis au contrôle de la Cour des comptes.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous pouvons en débattre sur le fond, certes, mais je précise seulement qu’une telle dérogation devrait plutôt figurer dans le code des juridictions financières.

La commission rejette les amendements.

Puis elle étudie les amendements identiques CE659 de M. Frédéric Descrozaille et CE784 de M. Marc Le Fur.

M. Frédéric Descrozaille. Il s’agit d’insister, dans le respect du droit de l’Union européenne, sur le fait que les cotisations volontaires obligatoires peuvent financer les actions de promotion des produits faisant mention de leur origine. Je ne vous le cache pas, je souhaite que le débat en séance publique soit l’occasion pour le ministre de s’engager à clarifier la situation au niveau communautaire puisque les cotisations volontaires étendues sont considérées comme des aides d’État s’agissant de la communication sur la réglementation jointe à l’origine des produits. Il nous apparaît de haute importance que la France puisse faire de sa propre réglementation un argument de vente des produits d’origine française, ce que réclament les consommateurs.

M. Fabrice Brun. Il faut impérativement que les cotisations puissent financer les actions de promotion faisant mention de l’origine des produits – c’est du bon sens paysan – et une clarification juridique est nécessaire au niveau européen.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le droit européen interdit le financement, via des fonds publics, des actions de promotion faisant mention de l’origine des produits, sauf via les signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) – dont les indications géographiques protégées (IGP) – parce qu’ils sont reconnus officiellement. L’utilisation des contributions volontaires obligatoires (CVO) est risquée du fait du doute toujours persistant sur leur nature, même si la loi française précise bien que ce sont des crédits de nature privée. L’utilisation des CVO est encadrée par le droit européen qui, je pense, limite les possibilités pour la promotion. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

M. Frédéric Descrozaille. L’amendement précise bien : « dans le respect du droit de l’Union européenne ». Nous ne prenons donc aucun risque et il n’y a pas de doute sur la nature des CVO.

La commission rejette les amendements.

Article 5 quater
(article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime)
Rôle de lObservatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires dans la définition des indicateurs de coûts de production par filière

L’article 5 prévoit la possibilité, pour les interprofessions, d’élaborer et de diffuser les indicateurs mentionnés à l’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 631-24.

Cet article 5 quater résulte de deux amendements : l’un de Mme Monique Limon et des membres du groupe La République en Marche, l’autre de votre rapporteur. Il renforce les dispositions de l’article 1er tendant à promouvoir un équilibre au sein des relations commerciales dans le secteur agricole, en particulier lors de la détermination des prix entre les parties. À cet effet, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) apparait comme une structure objective permettant d’encadrer au mieux les indicateurs des prix et ainsi assurer des prix « justes » pour les producteurs.

Il s’agit donc, par cet article (), de réaffirmer le rôle de l’Observatoire dans sa mission d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la détermination des prix avec des indicateurs, objectifs, transparents et pertinents, adaptés à chaque filière agricole et à leurs spécificités.

Cet article () donne également à l’OFPM le rôle d’élaboration et de diffusion des indicateurs que les parties pourront prendre en compte dans les contrats de mise en marché des produits agricoles si les interprofessions font défaut dans l’accomplissement de cette mission.

Alors que l’Observatoire étudie déjà les coûts de production au stade de la production agricole, les coûts de transformation et les coûts de distribution dans l’ensemble de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et qu’il examine la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation de ces produits, cette nouvelle mission s’inscrit pleinement dans le prolongement de ses activités actuelles. L’OFPM dispose déjà de toutes les données nécessaires à l’accomplissement de cette mission.

*

*     *

La commission aborde ensuite lamendement CE1450 de Mme Monique Limon.

Mme Monique Limon. Cet amendement vise à renforcer les dispositions de l’article 1er tendant à promouvoir un équilibre au sein des relations commerciales dans le secteur agricole, en particulier lors de la détermination des prix entre les parties. À cet effet, l’OFPM apparaît comme une structure neutre et objective, permettant d’encadrer au mieux les indicateurs des prix et ainsi d’assurer des prix justes pour les producteurs.

Il s’agit donc, par l’ajout proposé, de réaffirmer le rôle de l’Observatoire dans sa mission d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la détermination des prix avec des indicateurs objectifs, transparents et pertinents, adaptés à chaque filière agricole et à leurs spécificités.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Dans les faits, l’amendement établit un rapport par filière mais l’ajout ici proposé paraît utile. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement CE2002 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’article 5 prévoit la possibilité, pour les interprofessions, d’élaborer et de diffuser les indicateurs mentionnés à l’avant dernier alinéa du II de l’article L. 631-24. Si les interprofessions font défaut, les parties contractantes pourraient être bien en peine pour trouver des indicateurs disponibles. Pour cette raison, il convient de donner à l’Observatoire de la formation des prix et des marges le rôle d’élaboration et de diffusion des indicateurs que les parties pourront prendre en compte dans les contrats de mise en marché des produits agricoles.

Alors que l’Observatoire étudie déjà les coûts de production, les coûts de transformation et les coûts de distribution dans l’ensemble de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et alors qu’il examine la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation des produits agricoles, cette nouvelle mission s’inscrit pleinement dans le prolongement de ses activités actuelles. L’OFPM dispose déjà de toutes les données nécessaires à l’accomplissement de cette mission.

Il ne faut pas lancer de mauvais signaux aux interprofessions : il s’agit, en quelque sorte, d’un dispositif de recours.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je comprends ce qui a motivé la rédaction de cet amendement, et j’adhère au fait que les producteurs disposent d’indicateurs pour proposer des contrats. Reste tout de même le risque que les interprofessions ne se saisissent pas de cette mission et reportent la responsabilité sur l’État en limitant de fait la liberté contractuelle s’il n’y a que des indicateurs publics. Je m’en remets à la sagesse de la commission et propose que nous continuions de travailler ensemble sur ce dossier.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CE93 de M. Dino Cinieri, CE210 de M. Jérôme Nury, CE701 de Mme Véronique Louwagie, CE881 de M. Antoine Herth et CE965 de M. Rémy Rebeyrotte, ainsi que les amendements CE1882 de M. Thierry Benoit et CE12 de M. Emmanuel Maquet.

M. Dino Cinieri. Nous proposons de confier à l’OFPM la mission d’élaborer des indicateurs publics de coût de production et de prix du marché, cela parallèlement au travail des interprofessions.

Mme Jacqueline Maquet. L’amendement CE12 est légèrement différent, puisqu’il vise à confier à l’OFPM la mission d’élaborer des indicateurs relatifs aux coûts de production en agriculture et aux prix des produits agricoles, cela non pas à la demande du comité de pilotage mais à la demande d’une des parties au contrat.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Mon amendement CE2002, que nous venons d’adopter, satisfait, à mon avis, une partie de ceux en discussion, sur lesquels j’émettrai donc un avis défavorable s’ils ne sont pas retirés.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Lamendement CE965 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements identiques CE93, CE210, CE701 et CE881, puis les amendements CE1882 et CE12.

Elle en vient à lamendement CE1276 de Mme Jacqueline Dubois.

Mme Jacqueline Dubois. Je souhaite que nous renforcions les missions de l’OFPM pour conforter son rôle d’outil au service des filières, en modifiant ainsi l’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime : « Après l’alinéa 4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : Il peut être saisi d’abus ou d’anormalités, réels ou supposés, dans la formation des prix et des marges des produits agricoles et alimentaires. »

L’objectif est de permettre une saisine de l’institution par un tiers ou une organisation en cas de constatation ou de suspicion d’abus ou d’anormalités dans la formation des prix et des marges des produits agricoles et alimentaires.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Vous confondez le rôle de l’OFPM et la responsabilité du médiateur et celle de la justice. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’Observatoire fait un travail considérable pour analyser la formation des prix et des marges dans les filières, travail nécessaire pour bien éclairer les questions de répartition de valeur ajoutée. Les EGA, dans leurs conclusions, ont mis en avant la nécessité de renforcer les pouvoirs de l’OFPM. Il y sera procédé par décret. En outre, l’Observatoire n’a pas vocation à être saisi par les acteurs économiques, ses travaux étant coordonnés par son comité de pilotage. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

Lamendement est retiré.

Article 5 quinquies
(article L. 611-2 du code de commerce)
Sanction du défaut de publication des comptes

La publicité des comptes revêt une importance particulière dans le secteur agricole et agro-alimentaire en raison d’une répartition très inégale de la valeur ajoutée entre les maillons de la chaîne alimentaire. Cette question a été au cœur des discussions des États généraux de l’alimentation.

Certains acteurs de ce secteur continuent de manquer à leurs obligations, en raison notamment de sanctions particulièrement faibles : l’article R. 247‑3 du code de commerce précise que toute infraction à l’obligation de déposer ses comptes peut être sanctionnée d’une amende de 1 500 euros, qui peut être portée à 3 000 euros en cas de récidive.

Afin de mettre un terme à la non-communication récurrente de leurs comptes annuels par plusieurs sociétés, un dispositif de sanction aggravée a été inséré à l’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime par l’article 105 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin 2 »). Il a été prévu que lorsque les dirigeants d’une société commerciale transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires n’ont pas procédé au dépôt des comptes dans les conditions et délais prévus au code de commerce, le président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires peut saisir le président du tribunal de commerce afin que ce dernier adresse à la société une injonction de le faire à bref délai sous astreinte. Le montant de cette astreinte ne peut excéder 2 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France par la société au titre de cette activité, par jour de retard à compter de la date fixée par l’injonction.

Il apparaît toutefois que ce dispositif n’est pas suffisant pour obliger les sociétés concernées à publier leurs comptes. C’est pourquoi l’amendement créant le présent article supprime l’intervention du président de l’Observatoire (suppression figurant désormais au 3° de l’article 5 quater) et confie directement au président du tribunal de commerce la mission d’adresser à ces sociétés des injonctions sous astreinte. Ce dispositif ne s’appliquerait toutefois qu’en cas de manquement répété aux obligations relatives au dépôt des comptes, afin de laisser aux intéressés un « droit à l’erreur » en la matière.

Cet article résulte d’un amendement de M. Richard Ramos et de plusieurs de ses collègues membres de divers groupes parlementaires. Un sous-amendement de Mme Célia de Lavergne a étendu le dispositif aux entreprises exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail de produits de grande consommation, ou intervenant dans le secteur de la grande distribution comme centrale de référencement ou d’achat d’entreprises de commerce de détail.

Ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des membres de la commission.

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*     *

La commission examine, en discussion commune, lamendement CE738 de M. Richard Ramos, qui fait lobjet du sous-amendement CE2082 de Mme Célia de Lavergne, ainsi que les amendements identiques CE1514 de Mme Monique Limon et CE1655 de Mme Anne-Laurence Petel.

M. Richard Ramos. L’amendement CE738 a été signé par des députés de l’ensemble des groupes. Il vise à faire en sorte que les entreprises, qui sont pourtant des personnes morales, respectent leurs obligations en matière de dépôt de leurs comptes. Nous souhaitons, en cas de manquement de leur part, qu’elles soient plus sévèrement sanctionnées qu’elles ne le sont actuellement. Sont concernés les groupes qui ne se sont pas montrés particulièrement vertueux par le passé.

Mme Célia de Lavergne. Par le sous-amendement CE2082, je souhaite ajouter les entreprises du secteur de la grande distribution à la liste des entreprises visées par le renforcement des sanctions en cas de non-publication de leurs comptes. La formulation proposée, pour désigner la grande distribution, est celle de la loi Macron de 2015.

M. Thibault Bazin. Ce ne peut donc être qu’un très bon sous‑amendement…

Mme Anne-Laurence Petel. Notre amendement vise, lui aussi, à alourdir les sanctions pour les sociétés transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires qui manqueraient à leurs obligations de dépôt de leurs comptes. Des sociétés comme Bigard ou Lactalis, par exemple, ne déposent pas leurs comptes, malgré les sanctions prévues par la loi « Sapin 2 ». Nous proposons donc de porter de 2 % à 4 % du chiffre d’affaires journalier moyen le montant maximum de l’astreinte prononcée.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends la philosophie de ces amendements, mais il serait bienvenu que le ministre fasse un point sur le nombre de sanctions et nous dise si le dispositif est opérant. Je suis favorable à l’amendement de M. Ramos, tel que sous-amendé par Mme de Lavergne, donc défavorable aux deux amendements identiques.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous rappellerai ultérieurement le montant des sanctions en vigueur. Je partage pleinement l’objectif de rendre effective l’obligation de dépôt des comptes qui participe à la transparence. C’est ce que nous demandons aux propriétaires ou aux dirigeants des grands groupes, des multinationales qui ne s’y plient pas. Le sous‑amendement de Mme de Lavergne, qui étend cette obligation à la grande distribution, me paraît relever du bon sens. Je suis donc favorable à l’amendement de M. Ramos, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

Les amendements CE1514 et CE1655 sont retirés.

La commission adopte le sous-amendement CE2082 puis lamendement CE738 sous-amendé.

Elle en vient ensuite aux amendements identiques CE258 de M. Xavier Breton et CE692 de M. Marc Le Fur.

M. Thibault Bazin. L’amendement CE258 relève du principe du name and shame, qui consiste à désigner publiquement les mauvais élèves dans l’application de la loi. Il impose ainsi aux établissements qui ne respectent pas l’obligation de réponse aux enquêtes relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires d’afficher eux-mêmes leur volonté de ne pas participer à la dynamique attendue pour assurer une juste rémunération de nos producteurs.

M. Fabrice Brun. Nous souhaitons en effet que les établissements qui ne respectent pas l’obligation de réponse aux enquêtes relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires, soient dans l’obligation d’afficher leur manquement, de manière que le public puisse en prendre connaissance en toute transparence.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le dispositif proposé me semble difficilement applicable. La publication des comptes des grandes entreprises de l’agroalimentaire est un sujet important mais, lors de son audition, le président de l’OFPM a mis en évidence quelques entreprises qui refusaient de fournir leurs comptes. Je ne suis pas certains, d’un point de vue juridique, j’y insiste, qu’on ait le droit de soumettre ces groupes à la pratique du name and shame. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ces amendements identiques posent un problème d’application en regard des procédures de contentieux prévues par la loi de 1951 pour les entreprises qui ne répondent pas aux enquêtes de statistiques obligatoires. En ne s’appliquant qu’à une seule catégorie d’enquêtes de la statistique publique, celles utilisées par l’Observatoire, ces amendements remettent en cause l’égalité de traitement entre les entreprises puisque celles soumises aux autres enquêtes statistiques obligatoires ne sont, pour leur part, pas soumises au principe du name and shame.

La commission rejette les amendements.

Elle examine, pour finir, les amendements identiques CE259 de M. Xavier Breton et CE693 de M. Marc Le Fur.

M. Thibault Bazin. L’amendement CE259 vise à dissuader les acteurs économiques de ne pas collaborer, de ne pas transmettre leurs données aux services statistiques. Nous proposons de publier la liste des contrevenants – disposition qui pourrait se révéler d’une application beaucoup plus facile que celle proposée dans le précédent amendement – car la sanction financière ne suffit pas. Il s’agit d’assurer l’efficience de la collaboration de chaque maillon de la chaîne au travail de l’Observatoire.

M. Fabrice Brun. L’amendement CE693 vise lui aussi à assurer la collaboration des acteurs économique dans la transmission des données aux services statistiques, et transférées à l’OFPM.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous avons déjà durci les sanctions en adoptant à l’instant l’amendement de M. Ramos ; aussi ne suis-je pas certain qu’il soit nécessaire de publier la liste de ceux qui refusent de fournir leurs résultats à l’OFPM. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

La commission rejette ces amendements.

M. le président Roland Lescure. Ce matin, nous avons examiné 219 amendements, à une vitesse moyenne de 62 amendements par heure. Depuis hier, 612 amendements ont été examinés sur un total de 1 838 ; il nous reste donc deux tiers du chemin à parcourir…

Article 6
(article L. 441-8 du code de commerce)
Assouplissement de la possibilité de renégociation des prix dans les contrats supérieurs à 3 mois

1.   L’état du droit

La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a créé un article L. 441-8 du code de commerce qui prévoit que, pour tout contrat de plus de trois mois portant sur la vente de produits agricoles et alimentaires identifiés par décret, une clause de renégociation du prix permet de prendre en compte les fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires, à la hausse comme à la baisse.

Cette clause de renégociation est également applicable aux produits destinés à être vendus sous marque de distributeur (MDD) ainsi qu’aux contrats régis par les articles L. 631-24 et L. 632-2-1 du code rural et de la pêche maritime : contrats conclus entre producteurs et acheteurs de produits agricoles lors de la première mise en marché, contrats types définis par les organisations interprofessionnelles et contrats conclus en application de ces contrats types.

Cet article a répondu à la nécessité de prévoir les modalités de renégociation des prix au regard de la volatilité des cours affectant les matières premières agricoles ou alimentaires. Il s’agit d’une clause de « rencontre » des co‑contractants (dite clause de « revoyure ») et non d’une clause d’indexation.

La clause doit préciser les conditions de déclenchement de la renégociation, faire référence à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires et indiquer le délai dans lequel la renégociation doit avoir lieu, ce délai ne pouvant être supérieur à deux mois. Ces indices peuvent être proposés par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) et par les interprofessions. Ces accords ne doivent pas se prononcer sur les prix finaux. Par ailleurs, les parties demeurent libres d’en tenir compte.

Est passible d’une amende administrative d’un montant maximal de 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale :

– l’absence de clause ou une clause de renégociation non conforme à la réglementation ;

– le non-respect du délai maximal de deux mois dans lequel la renégociation doit avoir lieu ;

– l’atteinte, en cours de renégociation, aux secrets de fabrication ou au secret des affaires ;

– le défaut d’établissement de compte rendu.

Ces montants sont doublés en cas de réitération du manquement dans les deux ans.

Sauf recours à l’arbitrage, le recours à la médiation préalablement à toute saisine du juge est obligatoire en cas de litige lié à la renégociation du prix, en application de l’article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime. Le médiateur est choisi par les parties au contrat. Le médiateur des relations commerciales agricoles peut être saisi d’un tel litige.

2.   Le projet de loi

L’article 6 du projet de loi élargit le champ d’application de la clause de renégociation des contrats et prévoit de renforcer son effectivité.

L’alinéa 2 élargit le champ d’application de la clause aux produits agricoles et alimentaires en mentionnant ceux figurant sur une liste prévue par décret en lieu et place de la liste des produits figurant sur la liste prévue au deuxième alinéa de l’article L. 442-9 – qui concerne le prix de première cession abusivement bas – qui peut être complétée par décret.

L’alinéa 4 prévoit également que la clause, qui reste définie par les parties, ne fera plus seulement « référence » à des indices des prix des produits agricoles ou alimentaires mais elle prendra notamment en compte un ou plusieurs indicateurs des prix des produits agricoles ou alimentaires ou des coûts de l’énergie, le cas échéant définis par accords interprofessionnels. Le droit actuel permettait aux interprofessions et à l’OFPM de proposer ces indices publics et les modalités de leur utilisation permettant de caractériser le déclenchement de la négociation. Ce rôle des interprofessions et de l’OFPM disparaît de l’article 6 mais les interprofessions conserveront ce rôle en application de l’article 5 du projet de loi qui modifie l’article L. 632-2-1 du code rural et de la pêche maritime. C’est ainsi que les interprofessions pourront élaborer et diffuser des modèles de rédaction de la clause de renégociation et formuler des recommandations sur la manière de prendre en compte les indicateurs des II et III de l’article L. 631-24 du même code pour la renégociation des prix.

Les « produits agricoles et alimentaires » correspondent à une assiette plus large que la référence aux « matières agricoles », par ailleurs difficile à apprécier. L’emploi du mot « produit » permet une harmonisation avec les termes employés dans la réglementation européenne.

L’assiette des coûts pris en compte est en outre élargie par l’inclusion des coûts de l’énergie qui sont, comme les produits agricoles, fortement volatils.

L’alinéa 5 prévoit de réduire le délai de renégociation à un mois au lieu de deux mois.

L’alinéa 7 prévoit d’insérer un alinéa à l’article L. 441-8 imposant aux parties, sauf recours à l’arbitrage, d’avoir recours à la médiation en application de l’article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime, sans que les stipulations du contrat puissent s’y opposer. Le médiateur aura par ailleurs l’obligation de se prononcer dans un délai d’un mois, en application de l’article 4 du projet de loi.

3.   La position de votre rapporteur

Alors que l’article L. 441-8 existe depuis plusieurs années, les professionnels ont fait valoir qu’il était insuffisamment appliqué. Déjà, lors du débat parlementaire sur la loi  2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, étaient apparues les difficultés de mise en œuvre de cet article.

L’article 108 de cette loi a d’ailleurs prévu la remise au Parlement, par le Gouvernement et ce avant le 9 décembre 2017, d’un rapport sur l’évaluation de l’article L. 441-8 du code de commerce et la formulation de recommandations visant à le faire appliquer. Votre rapporteur regrette qu’à ce jour ce rapport n’ait pas été publié.

L’article L.441-8 a pour finalité de répondre à la spécificité des productions agricoles, qui se caractérisent par une forte fluctuation des cours imputables pour l’essentiel aux aléas naturels ou climatiques.

Mais cet article n’est pas appliqué de façon à le rendre effectif, comme en témoigne l’importante sollicitation du médiateur sur les difficultés des parties à s’entendre sur le contenu de cette clause, notamment :

– trouver des indices pertinents permettant la mise en œuvre de la clause ;

– définir les seuils de déclenchement de la clause ;

– y compris apprécier la notion de « matières premières agricoles » jugée trop limitative.

Il semble également que les parties soient réticentes à faire jouer ce mécanisme, notamment en cas de variation des cours.

La charge de la preuve revient systématiquement aux producteurs qui disposent de peu d’outils pour faire valoir que « le prix de leur production est significativement affecté par des fluctuations des prix des matières premières agricoles ». L’obligation faite aux contrats de préciser les modalités et critères de détermination du prix, et notamment des indicateurs de coûts de production et leur évolution, permettra d’intégrer à la formule de prix des éléments qui feront quasi automatiquement varier le prix. Ceci permettra aux producteurs d’attester beaucoup plus facilement que le prix de leur production a été affecté ; le déclenchement de la clause de renégociation sera ainsi grandement facilité ainsi que la négociation qui s’en suivra.

4.   La position de votre commission

À l’initiative de votre rapporteur, la commission a adopté un amendement rédactionnel mais également un dispositif rappelant aux cocontractants qu’outre la clause de renégociation, ils peuvent prévoir une clause de répartition de la valeur en application de l’article 172 bis du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles précités introduit par le règlement dit « Omnibus » également précité. Ces deux clauses sont compatibles mais bien distinctes.

Deux amendements identiques présentés par M. Vincent Descoeur et M. Daniel Fasquelle ont été adoptés par la commission. Ils permettent de maintenir la référence aux matières premières agricoles tout en ajoutant la référence aux produits agricoles et alimentaires et, le cas échéant, aux coûts de l’énergie.

Par cohérence avec les dispositions adoptées à l’article 1er, la commission a inséré – à l’initiative de votre rapporteur – la référence aux indicateurs mentionnés à l’article L. 631-24-1 et à un ou plusieurs indicateurs des prix des produits agricoles ou alimentaires constatés sur les marchés sur lesquels opère le vendeur. En effet, un suivi identique des coûts des produits agricoles bruts s’impose aux premiers stades de commercialisation des produits agricoles ou alimentaires. En revanche, la procédure de renégociation du prix contractuel de vente d’un produit prévue par l’article L. 441-8 du code de commerce en cas de fluctuations des cours des matières premières agricoles s’appuyait sur des indicateurs des prix des produits agricoles ou alimentaires, qui n’étaient pas spécifiés. Pour assurer la cohérence de ce dispositif de renégociation avec l’objectif des EGA ainsi que sa pertinence économique tout au long de la filière, des indicateurs identiques doivent être partagés aux différents stades de la commercialisation d’un produit, dès lors que ces indicateurs ont été utilisés pour l’achat des produits agricoles concernés à leur producteur.

Également par cohérence avec les amendements adoptés aux articles précédents,  la commission a adopté un amendement de Mme Sandrine Le Feur et de plusieurs de ses collègues précisant que l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires pourra définir les indicateurs ainsi précisés.

La commission a adopté l’article 6 ainsi modifié.

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*     *

La commission examine lamendement CE2041 de M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Mon amendement vise à transposer les avancées réalisées dans le cadre de l’article 172 bis du règlement dit « Omnibus » du 17 décembre 2013. Par cohérence avec les amendements précédemment adoptés à ce propos, il est prévu que « sans préjudice de toute clause spécifique de répartition de la valeur dans le secteur du sucre, les agriculteurs, y compris les associations d’agriculteurs, et leurs premiers acheteurs peuvent convenir de clauses de répartition de la valeur ».

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’émets un avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE992 de M. Antoine Herth et CE1958 de M. Charles de Courson, ainsi que lamendement CE1360 de Mme Mathilde Panot.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La clause de renégociation, que ces amendements visent à élargir aux produits à tarif annuel, est conçue comme une mesure exceptionnelle que les parties doivent pouvoir activer facilement dans le respect des clauses contractuelles. Il faut se mettre à la place des opérateurs : on ne va pas renégocier un tarif selon l’évolution d’un coût de transport ou d’une taxe. Par conséquent, avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis. Je souhaite m’en tenir au compromis issu des États généraux de l’alimentation (EGA). Cette mesure risque de perdre son effectivité si l’on charge trop la barque.

La commission rejette les amendements CE992 et CE1958, puis lamendement CE1360.

Elle adopte lamendement rédactionnel CE2025 du rapporteur.

Elle examine les amendements identiques CE64 de M. Vincent Descoeur et CE479 de M. Daniel Fasquelle.

M. Vincent Descoeur. S’agissant toujours de la clause de renégociation, je vous propose de maintenir la référence aux coûts de production et à ceux des matières premières, que le projet de loi semble remettre en cause.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’émets un avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ces amendements garantissent la prise en compte des coûts de l’énergie, sans affaiblir l’élargissement aux produits agricoles et alimentaires qui a été considéré comme nécessaire dans le cadre des ÉGA. C’est un ajustement rédactionnel qui me paraît pertinent : je donne aussi un avis favorable.

Lamendement CE2036 du rapporteur est retiré.

La commission adopte les amendements CE64 et CE479.

En conséquence, les amendements identiques CE128 de M. Dino Cinieri, CE558 de M. Daniel Fasquelle, CE634 de M. Thibault Bazin, CE720 de Mme Véronique Louwagie, CE896 de M. Antoine Herth, CE933 de M. Nicolas Forissier, CE988 de M. Rémy Rebeyrotte, CE1065 de M. Martial Saddier, CE1554 de M. Denis Masséglia, CE1685 de M. Pierre Morel-À-LHuissier et CE1892 de M. Thierry Benoit, ainsi que les amendements identiques CE406 de M. Vincent Descoeur, CE421 de Mme Véronique Louwagie, CE664 de M. Fabrice Brun, CE1001 de M. Antoine Herth, CE1055 de M. Nicolas Forissier, CE1108 de M. André Chassaigne, CE1270 de M. Pierre Morel-À-LHuissier et CE1959 de M. Charles de Courson tombent.

La commission est saisie de lamendement CE1109 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je ne comprends pas que l’on refuse absolument de faire référence à des indices publics pour la fixation des prix – c’est ce qui a été dit hier. Cela conduit en particulier à exclure les travaux menés dans le cadre de l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM). Nous refusons un tel recul.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je crois qu’il y a un malentendu. Il n’est pas question de refuser les indices publics, bien au contraire. Nous avons adopté un amendement qui permet, en cas de défaut au niveau des interprofessions, de faire appel aux indices de l’OFPM. En revanche, nous n’avons pas voulu les rendre obligatoires : c’est aux interprofessions de choisir les indices.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il faut laisser les parties négocier librement. Il y a une structure qui permet d’avoir des indicateurs publics, à savoir l’OFPM. FranceAgriMer peut travailler avec les interprofessions et les filières pour établir des indicateurs de marché et de coûts de production en vue de définir les prix les plus rémunérateurs. Ce qui a été dit hier est qu’il faut laisser les personnes de droit privé négocier entre elles. Ce sont les interprofessions et les filières qui doivent choisir les indicateurs. L’État est là pour garantir le cadre juridique, pas pour fixer les indicateurs de prix. Sinon, on se retournera toujours vers l’État si le résultat de la négociation n’est pas considéré comme satisfaisant, ce qui déresponsabilisera les filières. Nous souhaitons que les professionnels prennent la main sur ce sujet. Nous ne sommes pas dans une économie administrée : ce n’est pas à nous de fixer le prix du litre de lait ou de la baguette de pain. Nous laissons les interprofessions et les filières déterminer les indicateurs, avec l’aide de l’OFPM et FranceAgriMer – les compétences de l’OFPM sont d’ailleurs renforcées par le projet de loi.

M. André Chassaigne. Avec vous, on n’est pas dans une économie administrée, mais dans une économie de bisounours (Sourires.). Il est évident que cela ne marchera pas s’il n’y a pas suffisamment d’encadrement. Toutes les tentatives qui ont été faites jusqu’à présent pour mettre les acteurs autour d’une table, en pensant qu’ils parviendraient à s’entendre dans le cadre des filières, selon les marges observées et en réalisant des efforts de part et d’autre, n’ont produit des résultats que pendant quelques mois : c’est finalement le rapport de forces qui l’emporte. La main heureuse du marché ne réglera pas tous les problèmes. Il faut donc que la puissance publique mette de l’ordre quand c’est nécessaire. Sinon, ce projet de loi sera un échec complet.

M. François Ruffin. La France insoumise et les communistes n’ont pas cessé de souligner ce que M. Chassaigne vient de dire avec davantage de fraîcheur que nous, puisqu’il arrive tout juste dans ce débat, et avec l’autorité que lui confère son expérience. Nous craignons que tout cela se transforme en usine à gaz. En réponse au ministre, je rappelle que le monde agricole a longtemps été régulé sans être administré pour autant : nous ne proposons pas d’aller vers une économie soviétique.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ce n’est pas mon vocabulaire…

M. François Ruffin. Les prix planchers pourraient constituer une solution, mais vous les écartez à cause de Bruxelles, et vous refusez même de dire que l’on utilisera des indicateurs publics.

M. Nicolas Turquois. Je suis très favorable à des discussions par filières, mais nous nous interrogeons tous sur la pertinence des actions menées. Quelle sera votre politique en ce qui concerne les filières, monsieur le ministre ? Il y a des secteurs professionnels et géographiques – il a été question de la Guadeloupe et des Antilles ce matin – qui sont mal couverts. Certains acteurs vont s’asseoir sur les discussions par filières si la puissance publique ne leur force pas la main.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le Président de la République a demandé des plans de filières. Le délai était court – un mois et demi – mais nous en avons reçu 35 en novembre dernier. Afin de valider leur traduction dans les faits, nous allons organiser des comités de suivi. L’État rappellera aux filières leurs engagements sociétaux et économiques, notamment en ce qui concerne les types de marché à conquérir et l’amélioration de la productivité, des conditions de travail et des revenus des exploitants. Si l’État est garant du suivi de la feuille de route, ce sont les filières qui ont fixé elles‑mêmes les objectifs. Il aurait quand même été curieux que l’État imposât des obligations que la plupart des filières n’aurait pas nécessairement pu tenir.

Les filières ont réalisé un double travail. D’abord, elles se sont reconstituées. La filière porcine, par exemple, n’était pas vraiment homogène : il y avait l’amont et d’autres interprofessions, de manière séparée. Nous avons fait en sorte qu’il y ait des filières plus longues, comprenant l’amont, l’aval et la transformation. La Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs, transformateurs de viande (FICT) a ainsi rejoint l’interprofession porcine, et la filière a pris des engagements relatifs à l’accroissement de la production de porc biologique, au bien-être animal et à certains marchés. Doit-on, par exemple, se condamner à ne produire du porc que dans l’Ouest de la France alors que l’on pourrait créer des ateliers de transformation dans le Puy-de-Dôme ou dans d’autres départements ?

On essaie de réaliser une montée en gamme, et le Gouvernement sera là pour rappeler les engagements, pour vérifier si les objectifs sont tenus et pour valider avec les filières un certain nombre de points, notamment en ce qui concerne les indicateurs. On peut utiliser des indicateurs publics, mais nous voulons que les filières puissent choisir les éléments sur lesquels elles veulent travailler. La finalité du projet de loi est d’améliorer les revenus des agriculteurs, qui sont parties prenantes au processus : ils vont se regrouper en organisation de producteurs (OP). L’idée est de pousser un peu certains acteurs, au sein des filières, à prendre leurs responsabilités. Chacun doit le faire. C’est le cas de l’État grâce à ce projet de loi qui donnera des outils. Il reviendra ensuite aux OP et aux filières de les utiliser, car elles sont les mieux placées pour savoir ce qui est bon pour elles. Je l’ai dit, nous ne voulons pas les déresponsabiliser.

M. André Chassaigne. Je suis sensible à vos propos. Si la loi prévoit que des conférences annuelles ont lieu par filière, comme il en a été question hier
– mais je ne sais pas si cette disposition a été adoptée –, cela permettra un regroupement à tous les niveaux. N’oublions pas que plusieurs interprofessions existent dans certains cas et, surtout, qu’il y a des rapports de force : la réalité économique n’est pas que « tout le monde il est bon, tout le monde il est gentil ». La grande distribution va, en particulier, peser beaucoup. C’est pourquoi la parole publique doit être plus forte qu’aujourd’hui. Outre les conférences de filière, qui constitueraient un premier pas en matière d’orientation des prix, nous avons besoin de mécanismes figurant dans la loi. Sinon, nous ne réglerons pas le problème.

Mme Célia de Lavergne. Sans vouloir faner la fraîcheur avec laquelle le président Chassaigne intervient dans cette discussion (Sourires.), je rappelle que nous avons eu un long débat hier sur l’utilité de rendre les indicateurs publics : cela correspond à une demande et à un vrai changement de mentalité. Les filières ont enfin décidé de s’organiser ensemble pour sortir de la crise que nous connaissons depuis des années. Nous sommes pour une régulation publique, mais pas pour une sur-intervention qui consisterait à imposer des indicateurs publics, des prix planchers et toute une série d’autres dispositifs qui n’auront pas d’autre effet que d’enfermer l’agriculture dans un système qui ne fonctionne pas. Nous proposons une régulation dans laquelle les indicateurs sont rendus publics, avec des mécanismes d’appui aux filières et de suivi, au travers de rendez-vous annuels.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je précise qu’un de mes amendements visait à rendre publics les indicateurs choisis par les interprofessions. Par ailleurs, j’en suis d’accord, un encadrement législatif est nécessaire. Nous avons ainsi accru les missions du médiateur des relations commerciales agricoles afin de lui permettre d’intervenir directement dans le rapport de forces, et je crois que nous allons continuer à travailler ce point en séance. Nous aurons aussi l’occasion d’examiner, à la faveur des articles suivants, des éléments relatifs à l’encadrement du travail de la grande distribution dont l’objet est d’essayer de mettre fin à la guerre des prix, en particulier pour les produits alimentaires.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, lamendement CE2112 du Gouvernement, et les amendements identiques CE130 de M. Dino Cinieri, lequel fait lobjet du sous-amendement CE2083 du rapporteur, CE507 de M. Thibault Bazin, CE639 de M. Daniel Fasquelle, CE721 de Mme Véronique Louwagie, CE989 de M. Rémy Rebeyrotte, CE1015 de M. Antoine Herth, CE1555 de M. Denis Masséglia et CE17017 de M. Pierre Morel-À-LHuissier.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous propose une rédaction plus précise que celle des amendements identiques : c’est la clause de renégociation qui pose les conditions dans lesquelles elle est déclenchée, éventuellement selon des seuils, et non les indicateurs des prix des produits agricoles ou alimentaires qui doivent être assortis de seuils de déclenchement.

M. Dino Cinieri. Je vois que mon amendement a retenu l’attention du ministre et qu’il est sous-amendé par le rapporteur. Je considère que les indicateurs utilisés et les seuils de déclenchement de la clause de renégociation doivent être proposés par l’OFPM et/ou les interprofessions.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Supprimer « notamment » à l’alinéa 4 de l’article 6, comme le fait l’amendement de M. Cinieri, empêcherait de prendre en compte d’autres éléments de renégociation, ce qui n’est pas souhaitable. D’où mon sous-amendement, que j’ai déposé avant que nous ayons connaissance de l’amendement du Gouvernement, auquel je me rallie.

M. Thibault Bazin. L’amendement du Gouvernement et le sous-amendement du rapporteur visent à supprimer la suppression de « notamment » (Sourires.), ce qui est justifié : il ne faut pas exclure d’autres éléments de renégociation qui pourraient être légitimes afin de rémunérer les producteurs au juste prix. L’augmentation des coûts de l’énergie, du fait de la hausse déjà observée – mais aussi à venir – du prix des carburants, que la majorité a décidée, et de l’abandon du nucléaire, peut à elle seule justifier des renégociations. Or, nous connaissons un échec indéniable à l’heure actuelle : les indicateurs et les seuils de déclenchement sont déconnectés de la réalité. On doit s’assurer qu’ils seront bien pertinents demain.

La commission adopte lamendement CE2112 du Gouvernement.

En conséquence, les amendements CE130, CE507, CE639, CE721, CE989, CE1015, CE1555 et CE17017, ainsi que le sous-amendement CE2083 tombent.

Puis la commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE65 de M. Vincent Descoeur et CE481 de M. Daniel Fasquelle ainsi que lamendement CE1568 de Mme Mathilde Panot.

M. Vincent Descoeur. Nous proposons de modifier l’alinéa 4 en précisant que « les indicateurs publics de coûts de production et de prix des produits agricoles ou alimentaires assortis de seuils de déclenchement pertinents sont définis par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou par accord interprofessionnel ».

M. François Ruffin. L’amendement CE1568 nous a été proposé par la Fédération nationale bovine – je préfère le dire en toute transparence. Il vise à réintégrer dans le texte la référence au coût des matières premières agricoles : en cas d’augmentation, une renégociation pourra s’engager.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. On ne peut pas prévoir que l’OFPM approuve les indicateurs, comme le proposent les amendements CE65 et CE481. Nous avons adopté, à mon initiative, un amendement aux termes duquel l’Observatoire peut éventuellement faire des propositions si l’interprofession fait défaut : les parties doivent avoir la liberté de choisir les indicateurs pertinents parmi ceux qui existent, en particulier ceux diffusés par les interprofessions. C’est un point important pour la responsabilisation des acteurs des filières. Il y aura une forte pression pour que les interprofessions agissent, comme c’est déjà le cas – les plans de filières en témoignent.

En ce qui concerne l’amendement présenté par M. Ruffin, je rappelle que la renégociation tend à répartir équitablement entre les parties l’accroissement ou la réduction des coûts de production résultant des fluctuations, en vertu de l’article L. 441-8 du code de commerce, notamment en tenant compte de l’impact sur l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement.

J’émets donc un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis du même avis. Ces amendements suppriment une partie de l’alinéa qu’il est important de conserver : la clause de renégociation « prend notamment en compte un ou plusieurs indicateurs des prix des produits agricoles ou alimentaires ».

La commission rejette les amendements CE65 et CE481, puis lamendement CE1568.

Elle est saisie de lamendement CE2026 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement vise à harmoniser les indicateurs.

Les EGA ont fait ressortir la nécessité de construire, à chacune des étapes des filières, les prix de vente des produits transformés en tenant compte des coûts des productions agricoles, afin que les producteurs aient un revenu décent.

Le II du nouvel article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, tel qu’il est prévu par le projet de loi, dispose à cette fin que le contrat de vente des produits agricoles au premier acheteur doit notamment prendre en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires. L’article L. 631-24-1 nouveau impose, par ailleurs, au premier acheteur de faire référence aux mêmes indicateurs dans le contrat de vente des produits transformés qui incorporent les produits agricoles précédemment achetés. Un suivi identique des coûts des produits agricoles bruts s’impose ainsi aux deux premiers stades de la commercialisation.

En revanche, la procédure de renégociation du prix contractuel de vente qui est prévue par l’article L. 441-8 du code de commerce, en cas de fluctuation des cours des matières premières agricoles, s’appuie sur des indicateurs des prix des produits agricoles ou alimentaires qui ne sont pas spécifiés. Pour assurer la cohérence du dispositif de renégociation avec l’objectif des EGA et garantir la cohérence économique tout au long des filières, il faut utiliser des indicateurs identiques aux différents stades de la commercialisation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cette précision me paraît nécessaire : avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1937 de Mme Sandrine Le Feur et CE1575 de Mme Mathilde Panot.

Mme Sandrine Le Feur. En vue de renforcer le rôle de l’OFPM, je vous propose de l’intégrer au sein des acteurs définissant les indicateurs de prix. J’entends les arguments développés par le rapporteur et le ministre, mais je pense que cette évolution conduirait à une structure plus neutre.

M. François Ruffin. Notre amendement va dans le même sens. On doit s’appuyer sur des indicateurs publics définis par l’OFPM pour le déclenchement de la renégociation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’émets un avis favorable à l’amendement CE1937 et défavorable au CE1575 pour les raisons que j’ai indiquées lorsque nous avons examiné l’article 1er : l’Observatoire n’a pas à valider les indicateurs, les interprofessions pouvant choisir ceux qu’elles souhaitent utiliser.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’émets le même avis en ce qui concerne l’amendement de Mme Le Feur, sous réserve que l’on remplace « et » par « ou ». La réécriture de l’article L. 441-8 du code de commerce a conduit à ne plus faire référence qu’à des indicateurs de prix définis par les interprofessions. L’inclusion de l’OFPM permettra d’apporter des informations bienvenues.

Mme Sandrine Le Feur. J’accepte de rectifier l’amendement en ce sens.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’y reste naturellement favorable.

La commission adopte lamendement CE1937 ainsi rectifié.

En conséquence, lamendement CE1575 na plus dobjet.

La commission en vient ensuite à lamendement CE1824 de M. Richard Ramos.

M. Richard Ramos. Je propose de remplacer le mot « renégociation » par « révision ». Une renégociation implique en effet de revoir l’ensemble du contrat. Avec la référence à une révision, en revanche, seuls les éléments nouveaux seront pris en compte. À chaque fois que l’on renégocie avec la grande distribution, on ouvre la boîte à claques…

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Prenons garde aux effets pervers. Votre amendement conduirait à une indexation automatique : la révision jouera à la hausse comme à la baisse. Il ne faudrait pas que les industriels perdent toute marge de négociation sur la variation des cours. Je donne donc un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Les EGA ont souligné les risques d’une clause de révision automatique en raison de la volatilité des prix. C’est pourquoi nous avons fait le choix de reprendre la clause de renégociation actuelle, en la définissant mieux. Je vous invite à retirer votre amendement.

M. Richard Ramos. Je le maintiens : c’est toujours la grande distribution qui l’emportera en cas de renégociation.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE1938 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Il vise, en premier lieu, à renforcer le rôle de l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) en tant que véritable acteur institutionnel permettant d’encadrer au mieux les renégociations, en second lieu, à réduire de deux à un mois le délai de renégociation afin de faciliter cette dernière.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. La deuxième partie de votre amendement sur le délai de renégociation réduit à un mois est satisfaite par l’alinéa 5 de l’article.

Concernant l’évaluation par l’OFPM, je pense qu’il est préférable et plus logique de donner du pouvoir au médiateur des relations commerciales agricoles. C’est davantage son activité et il s’agit d’une autorité impartiale qui a la confiance des deux parties.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine les amendements identiques CE734 de M. Vincent Descoeur, CE1003 de M. Antoine Herth, et CE1961 de M. Charles de Courson.

M. Vincent Descoeur. L’article L. 441-8 du code de commerce en vigueur ne prévoit aucune disposition visant à tirer les conséquences d’un échec de la renégociation du prix convenu. Cela peut être préjudiciable aux vendeurs exposés à la poursuite de relations commerciales déséquilibrées.

Il est donc proposé d’insérer dans cet article du code l’alinéa suivant : « En cas d’échec de la renégociation, chacune des parties pourra, de bonne foi, mettre fin au contrat dans les meilleures dispositions ».

M. Antoine Herth. C’est un amendement « divorce à l’amiable ». Lorsque l’on met en place des dispositions visant à créer des contrats, il est utile de prévoir comment on pourra en sortir.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Défavorable. Vous voulez prévoir que chacune des parties pourra mettre un terme au contrat, de bonne foi, en cas d’échec de la renégociation. Ne pensez-vous pas que cela induira que la partie la plus faible en fera les frais ? Les cas de déréférencement sont suffisamment décriés et nombreux, en plus d’être sources d’incertitudes économiques, pour ne pas les rendre légaux.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable. Aujourd’hui, le code de commerce ne s’oppose pas à ce que les parties mettent fin au contrat à l’amiable en cas d’échec. Rien ne dit qu’avec cet amendement nous n’introduirions pas des tensions fortes dans l’équilibre des rapports de forces – le rapporteur vient de parler des déréférencements dont on fait beaucoup état actuellement.

Il est important que le recours au médiateur puisse avoir lieu en cas d’échec de la de la renégociation.

M. André Chassaigne. Nous allons retomber dans des travers – monsieur le ministre voudra bien m’excuser (Sourires.) – anciens. Je me souviens de ce qui se passait avec les marges arrière : les producteurs qui ne voulaient pas entrer dans ce système étaient éjectés, et ils se retrouvaient, après de très nombreuses négociations, complètement démunis, avec des produits qui leur restaient sur les bras. Nous devons être très attentifs à ce qu’il n’y ait pas d’effets pervers.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie des amendements identiques CE665 de M. Fabrice Brun, CE1002 de M. Antoine Herth, et CE1960 de M. Charles de Courson.

M. Vincent Descoeur. L’amendement CE665 vise à supprimer les alinéas 6 et 7 de l’article 6. Les parties doivent pouvoir recourir à une procédure de médiation si elles le souhaitent, mais le choix d’un médiateur en particulier ne doit leur être imposé en aucune façon.

M. Antoine Herth. L’existence d’une voie de recours devrait rassurer M. André Chassaigne.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Nous souhaitons, au contraire, renforcer le pouvoir du médiateur des relations commerciales, ce que nous avons fait avec le name and shame.

Le médiateur doit pouvoir s’intéresser au cas des coopératives en tenant compte évidemment des cas spécifiques et des particularités du statut coopératif. Il est important qu’une autorité administrative neutre soit capable d’intervenir partout, et dans l’ensemble du périmètre des négociations commerciales.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable. Le projet de loi a pour objectif de pacifier les relations commerciales et d’introduire une procédure de médiation préalable à toute action en justice, grâce à l’action du médiateur des relations commerciales agricoles.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient aux amendements identiques CE132 de M. Dino Cinieri, CE643 de M. Daniel Fasquelle, CE990 de M. Rémy Rebeyrotte, et CE1137 de M. Thierry Benoit.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à créer une commission arbitrale dont le rôle serait de régler les litiges afférents à l’application de la clause de renégociation.

M. Jérôme Nury. Le renvoi à une commission arbitrale permettrait de régler rapidement les litiges liés à la clause de renégociation, d’autant que cette dernière fait souvent l’objet de contournement. Il paraît pertinent qu’une commission indépendante joue ce rôle d’arbitre.

M. Thierry Benoit. La commission arbitrale avait été évoquée lors des EGA.

M. André Chassaigne. On en a pas mal parlé aussi s’agissant de Bernard Tapie ! (Sourires.)

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Créer une commission arbitrale reviendrait à mettre en place une nouvelle juridiction. Nous préférons nous en remettre au médiateur des relations commerciales qui est le mieux placé pour juger de la pertinence ou du non-respect des clauses contractuelles qu’il connaît bien.

Je ne suis pas sûr que la création d’une commission arbitrale simplifiera les procédures ou qu’elle accélérera le traitement des dossiers, bien au contraire.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable. Nous ne voulons pas créer une nouvelle juridiction. En revanche, le Gouvernement s’engage à améliorer les dispositions judiciaires applicables. Nous y travaillons actuellement avec la Chancellerie.

J’ajoute que, M. André Chassaigne, l’a rappelé, nous avons déjà vu ce que donnaient les commissions d’arbitrage : cela n’a pas laissé un grand souvenir à la République !

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie de lamendement CE508 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il s’agit de prévoir le recours à l’arbitrage de l’État afin de régler les litiges afférents à l’application de la clause de renégociation par le biais de l’Observatoire de la formation des prix et des marges.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Défavorable. Je l’ai déjà dit, nous préférons confier un rôle accru au médiateur des relations commerciales agricoles qui reste totalement compétent s’agissant de cette clause

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine les amendements identiques CE684 de M. Marc Le Fur et CE1946 de M. Charles de Courson.

M. Antoine Herth. On pourrait parler de « l’amendement kouign‑amann ». Il prévoit une révision automatique à la hausse du prix de certains produits finis composés à plus de 50 % d’un produit agricole ou alimentaire lorsque le cours de ce produit agricole a subi une augmentation supérieure à un seuil.

Ces derniers mois, lorsque le prix du beurre a fortement augmenté, les fabricants de produits agroalimentaires contenant une grande part de beurre ont dû demander aux distributeurs d’augmenter le prix final du produit. Cet amendement permet d’encadrer ce type de situation qui a des effets détestables en ce moment.

M. le président Roland Lescure. Pour information, les meilleurs croissants de Montréal, se trouvent dans une boulangerie qui s’appelle Le Kouign‑amann – ils font aussi de très bons Kouign-amann.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends l’esprit de ces amendements, mais j’y suis défavorable. La mesure proposée, en ne prévoyant qu’une révision automatique à la hausse du prix d’un produit, sans possibilité de le revoir automatiquement à la baisse en cas de diminution ultérieure du coût de ces mêmes matières premières, est susceptible de créer un déséquilibre dans les relations commerciales. Ce mécanisme aurait, en outre, un effet inflationniste assez fort. Enfin, avec cet amendement, je ne vois pas comment la valeur récupérée par les industriels redescendra aux producteurs.

A priori, je suis plutôt défavorable à ces amendements. Il est difficile de ne parler que de hausse des tarifs, et jamais de baisse.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. D’un point de vue économique, on uniformiserait de façon très rigide le comportement des opérateurs qui seraient privés de toute liberté pour moduler la répercussion des hausses. Cette automaticité pourrait créer des situations de rente et des spirales inflationnistes préjudiciables au pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Cette automaticité est également contestable d’un point de vue juridique. Elle porte atteinte à la liberté contractuelle, et il ne semble pas justifié de priver totalement les parties d’une certaine latitude dans la fixation du prix.

Je suggère le retrait de ces amendements.

M. André Chassaigne. En plus complexe, vous nous proposez de mettre en place l’équivalent du coefficient multiplicateur déjà prévu par la loi, pour les fruits et légumes. En cas de crise, un coefficient est fixé qui permet d’articuler les prix à la consommation et à la production. J’avais proposé de le transposer à la viande et au lait : cela aurait été plus simple que les dispositions de vos amendements, mais le mien a été rejeté.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte larticle 6 modifié.

Article 7
(article L. 694-4 du code rural et de la pêche maritime et L. 954-3-5 du code de commerce)
Application de la contractualisation à Saint-Pierre-et-Miquelon

1.   L’état du droit

L’ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 codifiant les dispositions relatives à l’outre‑mer du code rural et de la pêche maritime a créé l’article L. 694‑4 du code rural et de la pêche maritime. Cet article adapte l’article L. 631‑24 du même code pour le rendre applicable à la collectivité d’outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Pour ce territoire, la contractualisation peut être rendue obligatoire par arrêté des ministres chargés de l’agriculture, de la consommation et de l’outre-mer, et non par accord interprofessionnel ou décret en Conseil d’État comme le prévoit l’article L. 631-24 précité.

En l’absence de cette forme d’organisation, les dispositions de l’article L. 631-24 concernant les organisations de producteurs et les associations d’organisations de producteurs n’y sont pas applicables.

2.   Le projet de loi

Le I (alinéas 1 à 8) de cet article modifie l’article L. 694-4 du même code, applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon.

L’article 1er du projet de loi modifie l’article L. 631-24 précité. Il crée notamment un article L. 631-24-2 relatif à la manière dont la contractualisation et la conclusion d’accords-cadres peuvent être rendues obligatoires : soit par extension d’un accord interprofessionnel en application de l’article L. 632-3 soit, en l’absence d’accord étendu, par un décret en Conseil d’État. Cet article reprend les dispositions contenues à l’article L. 631-24 en vigueur.

Par coordination, afin de maintenir l’adaptation prévoyant l’intervention d’un arrêté des ministres chargés de l’agriculture, de la consommation et de l’outre-mer, l’article L. 694-4 du même code est modifié. Les modifications apportées par le projet de loi aux articles L. 631-24, L. 631-24-1 et L. 631-24-3 deviennent applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Par ailleurs, le II (alinéa 9) modifie l’article L. 954-3-5 du code de commerce applicable dans les îles Wallis et Futuna en tirant les conséquences de la modification de l’article L. 441-8 du code de commerce prévue à l’article 6 du projet de loi.

3.   La position de votre rapporteur

Les activités agricoles sont rares dans l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon où seuls sont recensés quelques cultures maraîchères sous serre et de plein air et quelques élevages de diverses espèces.

Les nouvelles modalités de contractualisation et les dispositions relatives aux organisations de producteurs, aux associations d’organisations de producteurs et aux coopératives ne seront applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon que si un arrêté des ministres chargés de l’agriculture, de la consommation et de l’outre-mer est pris en ce sens.

Cette application n’est, à ce jour, pas possible puisqu’il n’existe ni organisation de producteurs, ni coopérative sur ce territoire. Il convient en revanche de prévoir cette possibilité si de telles structures venaient à être créées.

4.   La position de votre commission

La commission a adopté cet article 7 sans modification.

Après l’article 7

La commission examine lamendement CE688 de M. Marc Le Fur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement propose un exercice de transparence pour la grande distribution, mais un tel dispositif serait lourd et coûteux au regard du faible nombre de demandes que l’on pourrait attendre de la part des consommateurs. En outre, il ne garantirait aucunement la revalorisation des prix payés aux producteurs. Enfin, la limite la plus importante concerne l’atteinte portée au secret des affaires pour les différents intermédiaires qui verraient leurs marges révélées, ce qui induirait probablement une plus forte mise en concurrence des opérateurs, et à une déflation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Article 8
Habilitation du Gouvernement à rénover, par ordonnances, la coopération agricole

1.   L’état du droit

Les coopératives agricoles et leurs unions, basées sur la solidarité des producteurs pour assurer leurs approvisionnements, la transformation et la mise en marché de leurs produits, forment une catégorie spéciale de sociétés distinctes à la fois des sociétés civiles et des sociétés commerciales.

Le statut coopératif est issu de la loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.

En application de l’article L. 521-1 du code rural et de la pêche maritime, les coopératives ont pour objet « l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité ».

a.   Un statut atypique

La gouvernance des coopératives est assurée, le plus souvent, par un conseil d’administration. Mais la différence avec les autres sociétés réside dans le fait que chaque associé est placé sur un même pied d’égalité qui découle du principe « un homme égal une voix », indépendamment du volume de participation de chaque associé au capital de la coopérative.

À travers le contrat de coopération, tout adhérent à la coopérative dispose d’un double statut :

– associé, en étant détenteur de parts sociales ;

– coopérateur c’est-à-dire utilisateur de ses services en livrant sa production à la coopérative ou en s’approvisionnant en intrants auprès d’elle. Il est lié par l’une ou l’autre de ces deux activités.

La coopérative entretient une « relation » (article L. 521-1-1 du même code) particulière avec ses adhérents, celle-ci est exclusive. L’associé est quant à lui protégé par deux éléments :

– l’apport total de sa production à la coopérative lui permet d’avoir une assurance de débouchés ; les coopératives assurent le prolongement de l’activité de leurs membres, pour lesquels elles agissent comme mandataires ;

– la coopérative lui verse un acompte à la livraison du produit et, en fin d’année, une ristourne calculée à partir des résultats de la coopérative. L’acompte et la ristourne forment la rémunération du producteur.

La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a amélioré la transparence dans la relation entre le coopérateur et sa coopérative. Afin d’informer les coopérateurs sur le contenu de leurs engagements, l’article L. 521-3 du code rural et de la pêche maritime impose aux coopératives l’obligation de mettre à disposition de chaque associé coopérateur un document récapitulant son engagement sur sa durée, le capital souscrit, les quantités et caractéristiques des produits à livrer, les modalités de détermination et de paiement des prix. Membre de la coopérative, le coopérateur doit pouvoir disposer d’une information suffisante sur le lien qu’il entretient avec elle. Ses engagements doivent être parfaitement formalisés et transparents.

Afin d’assurer la stabilité de la relation, la durée de l’engagement est comprise entre trois et quatre ans. Le coopérateur peut se retirer de la coopérative au terme de la période d’engagement avec notification trois mois à l’avance, sauf cas de force majeure, exclusion ou démission du coopérateur pour motif valable. Les jeunes agriculteurs bénéficient d’une souplesse dans leur engagement vis‑à‑vis de la coopérative : le nouveau coopérateur peut bénéficier d’une période probatoire d’un an maximum, autant de temps au cours duquel la coopérative pourra valoriser son projet auprès de lui. Pendant cette durée, les associés coopérateurs le sont pleinement et, à l’issue de celle-ci, les deux parties ont la faculté de mettre fin à l’engagement.

La loi d’avenir a prévu d’organiser le partage des risques économiques et des excédents annuels entre les associés et la coopérative.

La clause de revoyure prévue à l’article L. 441-8 du code de commerce est applicable aux coopératives sur le prix de collecte des produits. La clause-miroir prévoit que l’organe chargé de l’administration délibère sur une éventuelle modification des modalités de détermination du prix des apports de ces produits lorsque les critères relatifs aux fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires affectant significativement le coût de production de ces produits sont remplis (article L. 521-3-1 du code rural et de la pêche maritime).

C’est également à cet organe que revient le choix de proposer une répartition des excédents annuels disponibles, répartis entre associés sous forme de ristournes, proportionnellement à leur activité.

Le partage des risques et des excédents, comme en matière de contractualisation, n’est pas automatique, les associés coopérateurs aspirent à y être associés, comme parties prenantes des décisions. Le lien coopératif n’empêche pas les coopératives d’être compétitives – elles doivent l’être – mais à trop vouloir agir comme des sociétés commerciales, l’esprit coopératif s’altère et les intérêts de la coopérative peuvent s’éloigner de celui de leurs adhérents.

b.   Une relation coopérateur-coopérative distendue

Les associés coopérateurs considèrent qu’ils sont de moins en moins informés sur les orientations stratégiques prises par l’organe d’administration et sur les engagements qu’ils ont souscrits avec la coopérative. La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée a entendu renforcer ce lien, en facilitant notamment l’information des adhérents dans les coopératives agricoles.

La même loi a instauré, au cinquième alinéa de l’article L. 528-1, un médiateur de la coopération agricole. Nommé par le Haut Conseil de la coopération agricole (HCCA), il peut être saisi de tout litige entre un associé et la coopérative à laquelle il adhère, entre coopératives agricoles, ou entre une coopérative et l’union à laquelle elle adhère. La médiation est une démarche opérationnelle à l’initiative de l’associé, du groupement ou du HCCA. Elle n’intervient qu’après épuisement des recours internes à la coopérative.

Il tient compte des avis et recommandations du médiateur des relations commerciales agricoles. Il rend compte annuellement au HCCA. En trois ans, le médiateur a été très peu sollicité.

La loi d’orientation du 5 janvier 2006 a transformé le Conseil supérieur d’orientation de la coopération agricole en Haut Conseil de la coopération agricole (HCCA). Le HCCA veille à la bonne application des principes coopératifs et fait notamment respecter la compétence territoriale des coopératives, qui se livrent parfois à une forte concurrence.

En application de l’article L. 528-1, cet établissement public a pour missions principales de :

– délivrer, modifier ou retirer les agréments des coopératives agricoles, au nom de l’État ;

– élaborer, approuver, publier les normes de la révision coopérative et contrôler leur mise en œuvre ;

– nommer un médiateur de la coopération agricole ;

– étudier, proposer, et veiller sur l’évolution économique et financière du secteur coopératif.

Les coopératives agricoles et leurs unions doivent adhérer au HCCA et contribuent à son financement par le paiement d’une cotisation obligatoire.

2.   Le projet de loi

Cet article prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relevant du domaine de la loi. L’habilitation autorise le Gouvernement à prendre, dans un délai de trois mois suivant la publication de la loi, toute mesure tendant à modifier le code rural et de la pêche maritime.

Le 1° (alinéa 2) prévoit d’adapter les dispositions de la section 1 du chapitre Ier  et de la section 1 du chapitre IV du titre II du livre V relatives aux relations entre les sociétés coopératives agricoles et leurs associés coopérateurs, notamment pour définir les conditions de départ des associés coopérateurs, améliorer leur information et renforcer la transparence dans la redistribution des gains des coopératives à leurs associés coopérateurs. Il prévoit également des modalités de contrôle et des sanctions permettant d’assurer l’application effective de ces dispositions.

Selon les informations transmises par le Gouvernement au rapporteur, il s’agira de redonner aux coopératives agricoles un rôle exemplaire en matière de contractualisation.

L’objectif sera de faciliter et de préciser les conditions de départ d’un associé, notamment dans le cas où le producteur change de mode de production alors que la coopérative ne peut pas valoriser les produits selon ce nouveau mode de production. Sur ce point, annoncé par le Président de la République dans son discours de Rungis, il s’agit de mieux encadrer les conditions de départ d’un associé, aujourd’hui uniquement statutaires, et de faciliter l’accès à la médiation. Celle-ci pourrait constater dans un tel cas le caractère perfectible ou non de la transparence de la coopérative en question en matière de rémunération de ses associés-coopérateurs et proposer des pénalités de sortie appropriées.

Il pourrait également être instauré un mécanisme de contrôle régulier et de sanction avec un suivi régulier et un contrôle de ces éléments via l’intervention du commissaire aux comptes, sur le modèle du dispositif mis en place par la loi de modernisation de l’économie en matière de délais de paiement ([34]). En matière de sanctions, une sanction administrative intermédiaire pourrait être instaurée, de façon à aller au-delà des sanctions existantes, non proportionnées et de fait peu mises en œuvres (retrait d’agrément, sanctions fiscales).

Il est également prévu de favoriser l’information de l’associé coopérateur par l’amélioration de l’information transmise en assemblée générale concernant la fixation du prix et la répartition du résultat, notamment les mises en réserves et la transparence sur les filiales. Le retour d’information concernant les décisions prises en conseil d’administration, notamment sur les évolutions des modalités de fixation du prix des apports (sans modifier le pouvoir de décision du conseil d’administration) sera amélioré. Le Gouvernement souhaite également « redonner envie » aux associés-coopérateurs de s’engager dans leur coopérative. Cela pourrait passer par une refonte plus complète du règlement intérieur des coopératives en un pacte coopératif, reprenant les engagements partagés de l’associé-coopérateur et de sa coopérative.

Le 2° (alinéa 3) prévoit de centrer les missions du HCCA sur la mise en œuvre du droit coopératif et le contrôle de son respect et d’adapter les règles relatives à sa gouvernance et à sa composition.

D’après les éléments transmis par le Gouvernement au rapporteur, il s’agira de recentrer l’action du HCCA sur ses missions essentielles que sont la délivrance et le retrait de l’agrément coopératif aux sociétés coopératives agricoles et à leurs unions et la définition des principes et l’élaboration, l’approbation et la publication des normes de la définition, ainsi que le suivi et le contrôle de sa mise en œuvre. Ces normes sont, d’une part insuffisamment connues et promues au sein du secteur coopératif, et, d’autre part, gagneraient à être renforcées. Il en va par exemple ainsi des suites qui pourraient être données par le HCCA en cas de constatation de non-conformités au sein d’une coopérative lors de la révision. En effet, sauf cas grave, il est généralement considéré que la prise en main par l’organe d’administration de la coopérative, tout comme le caractère quinquennal de la révision, suffisent à assurer une remise en conformité de la coopérative, sans qu’un suivi précis soit effectué quant au calendrier de cette remise en conformité.

Les missions actuelles du HCCA en matière économique, en raison d’une expertise limitée, ne devraient plus relever de sa compétence mais plutôt de Coop de France ou de l’établissement FranceAgriMer.

Il s’agira également de donner au HCCA un réel rôle moteur quant à l’animation de la gouvernance des coopératives et du contrôle du bon respect par celles-ci des règles qui encadrent le statut coopératif. Il participera ainsi également à la meilleure connaissance et au renforcement de la confiance des associés coopérateurs en la solidité de l’engagement coopératif. À cette fin, il pourrait être envisagé d’élargir la composition du HCCA et d’installer une instance de concertation avec les parties prenantes.

Le 3° (alinéa 4) prévoit de modifier les conditions de nomination et d’intervention du médiateur de la coopération agricole pour assurer son indépendance et sa bonne coordination avec le médiateur des relations commerciales agricoles.

Là encore, selon le complément d’information transmis au rapporteur par le Gouvernement, il s’agira de renforcer l’efficacité du médiateur de la coopération agricole comme cela est prévu pour le médiateur des relations commerciales agricoles en ce qui concerne la durée de la médiation et le renforcement des moyens du médiateur. De plus, renforcer l’indépendance, l’impartialité, la discrétion et la réactivité du médiateur de la coopération permettra sa montée en puissance, notamment pour résoudre des litiges entre un associé coopérateur et sa coopérative. À cette fin, le médiateur devrait être nommé par le ministre en charge de l’agriculture et non plus par le HCCA.

Il s’agit également de prévoir une meilleure articulation avec le médiateur des relations commerciales agricoles en renvoyant les litiges relatifs aux éléments du contrat d’apport passé entre un associé-coopérateur et sa coopérative, portant en particulier sur les prix et les volumes, au médiateur des relations commerciales agricoles, dans le respect du droit coopératif (cela signifie une analyse croisée des deux médiateurs pour s’assurer que les effets miroirs de la contractualisation et le droit coopératif sont respectés), de manière à assurer une cohérence d’ensemble sur ces questions.

Le 4° (alinéa 5) prévoit d’apporter au titre II du livre V les modifications éventuellement nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet.

Le II (alinéa 6) dispose que le projet de loi de ratification de chacune de ces ordonnances est déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de celles-ci.

3.   La position de votre rapporteur

Le texte ne sera pleinement efficace que si les producteurs s’organisent en organisations de producteurs ou en coopératives. Or, on constate aujourd’hui que dans certaines filières l’adhésion des producteurs à des organisations de producteurs et plus spécifiquement à des coopératives est très minoritaire.

On assiste clairement à un rejet de ce type d’organisation de la part d’une partie des producteurs. Le statut sui generis de la coopérative agricole n’est jamais contesté, mais nombre de coopérateurs se plaignent de l’insuffisance du lien de coopération avec la structure dont ils sont membres. Les producteurs ne se sentent pas pleinement acteurs au sein des coopératives alors que le statut d’associé coopérateur acteur de la coopérative en constitue l’essence même. Le coopérateur juge ce statut trop sclérosé et trop bloqué.

Il convient donc de rénover la coopération, de la rendre plus attrayante car c’est elle qui est en mesure de rééquilibrer les rapports de force au sein des filières. Sa gouvernance doit être rénovée afin qu’il soit possible de quitter la coopérative en cas de désaccord avec sa gouvernance, sans préjudice financier rédhibitoire.

Les coopératives doivent bien entendu reposer sur des engagements fermes de leurs adhérents pour être en mesure de contractualiser avec les transformateurs et les distributeurs. Mais leur attrait doit passer par une autre voie que celle de la contrainte.

Les petites coopératives sont parfaitement conscientes de tout cela. Le problème est plus aigu au niveau de certaines grandes coopératives qui deviennent parfois des multinationales au sein desquelles la coopérative n’est plus au service d’une meilleure valorisation de la production de ses adhérents. Au contraire, c’est l’adhérent qui, malheureusement, est au service de la coopérative.

Il est donc légitime d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur ce sujet afin de lui laisser le temps de négocier – avec les coopératives – la rénovation de leur modèle.

4.   La position de votre commission

La commission a adopté cinq amendements rédactionnels ou précisant le champ de l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances.

La commission a adopté l’article 8 ainsi modifié.

*

*     *

La commission est saisie de lamendement CE1571 de M. Éric Girardin.

M. Éric Girardin. Il vise à supprimer l’article 8.

Le modèle coopératif est efficace et s’inscrit tout à fait dans la philosophie des États généraux de l’alimentation qui vise à responsabiliser les producteurs, à les inciter à s’organiser et à mieux partager la valeur. C’est un système juste et équilibré. Il y a sans doute des endroits où il ne fonctionne pas bien, mais les exceptions ne peuvent pas remettre en cause le modèle général.

Il a permis à bon nombre d’acteurs des filières agricoles et viticoles de poursuivre leur activité et d’en vivre dignement. La coopérative permet de mutualiser les moyens, de transformer et de valoriser les matières premières agricoles. Il permet aussi de susciter une dynamique de vente, tout cela au service des associés coopérateurs.

Le lien entre l’associé coopérateur et la coopérative n’est en aucun cas commercial. Il n’y a pas de vente entre la coopérative et l’associé coopérateur. Cette relation comporte trois dimensions : l’associé coopérateur apporte sa matière première, sa production, il détient des parts du capital social, et il participe à la gouvernance, c’est-à-dire aussi au partage de la valeur et à la détermination du mode de rémunération, donc de distribution du résultat.

Faciliter le départ des associés ne se justifie pas car cela entraînerait de facto un risque de déstabilisation du modèle économique de la coopérative par absence de lisibilité et de sécurité en termes de ressources d’exploitation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. En tant qu’ancien président de coopérative, loin de moi l’idée de détruire le modèle coopératif. Au contraire, je souhaite lui rendre sa pureté originelle qui est souvent dévoyée par un certain nombre de coopératives, petites ou grosses – M. Charles de Courson ne pourrait pas dire que je stigmatise les grosses coopératives.

Certaines ont perdu depuis longtemps de vue l’intérêt du statut coopératif, et l’article 8 vise bien à lui redonner de l’attrait.

Preuve en est qu’aujourd’hui tous les agriculteurs n’adhèrent pas à des coopératives. Elles sont rejetées par le milieu agricole du fait des dérives qui ont été cautionnées par ce modèle.

Je le répète, nous ne voulons pas le détruire le modèle coopératif. L’article 8 qui habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance permettra au ministère de négocier notamment avec Coop de France que je connais bien – j’ai rencontré son président et son directeur à de nombreuses reprises au cours des mois précédents.

Je comprends bien leur inquiétude, et, pour les rassurer, je peux dire que ce texte ne vise pas la destruction du modèle coopératif mais, bien au contraire, son renforcement ainsi que sa rénovation qui est aujourd’hui plus que nécessaire.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous l’avons dit hier soir, le système coopératif, ce sont des valeurs, c’est le maillage du territoire, c’est de l’emploi, c’est de l’économie… Il y a de très belles entreprises dans nos territoires, et il ne s’agit ni de bousculer, ni de remettre en cause l’esprit coopératif ou les valeurs de la coopération.

Au contraire, nous avons choisi de travailler par ordonnance afin de disposer du temps nécessaire pour discuter, pour dialoguer avec la coopération, ce que nous avons commencé à faire.

Les EGA ont souligné qu’il était indispensable que le producteur dispose de l’information la plus claire possible sur les prix de cession de ses produits. Dans ce cadre, il est légitime que l’associé coopérateur obtienne des éléments transparents quant à la formation du prix, comme le producteur qui livre pour une entreprise privée dans un cadre non coopératif. Le système coopératif repose sur une détermination du prix en fin de campagne : dans un premier temps, les coopératives versent des avances, dans un second temps, en fin d’année ou en fin de campagne, elles reversent des surplus, des ristournes, des remises. Elles ne peuvent s’approvisionner en dehors de leurs membres.

Nous voulons voir comment assurer une plus grande transparence des documents qui encadrent la vie des coopératives – le règlement intérieur, le rapport aux associés, le document unique récapitulatif. Ce travail sera mené dans le cadre de la préparation de l’ordonnance.

Je vous invite en conséquence à retirer votre amendement de suppression de l’article 8 afin que nous puissions travailler utilement pour le secteur coopératif.

Lamendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques CE20 de M. Jérôme Nury, CE510 de M. Thibault Bazin, CE1208 de M. Rémy Rebeyrotte, et CE1957 de M. Charles de Courson.

M. Jérôme Nury. L’article 8, qui a pour objet d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de réformer les coopératives agricoles, nous inquiète. Il prévoit en effet de laisser le champ libre au Gouvernement afin qu’il légifère sur les relations entre les sociétés coopératives agricoles et leurs associés coopérateurs, en particulier sur les conditions de départ des associés coopérateurs.

Le modèle coopératif agricole fonctionne très bien dans notre pays. Si certains ajustements sont nécessaires, il faut laisser à chaque société coopérative le soin d’améliorer l’information de ses associés coopérateurs et de renforcer la transparence dans la distribution des gains.

Le système coopératif fonctionne sur la base du volontariat et de la confiance : un associé producteur doit rester en mesure de quitter une coopérative s’il estime qu’elle ne le respecte pas suffisamment.

Par ailleurs, cet alinéa vise directement les grandes sociétés coopératives, et de telles dispositions risquent de rendre plus difficile la création de petites coopératives agricoles à l’échelle locale.

Il convient de supprimer un alinéa qui nous ramène à l’économie dirigée.

M. Thibault Bazin. L’article 8 inquiète à juste titre les coopératives. Cet amendement prévoit la suppression de l’habilitation à légiférer par ordonnance sur ce sujet, les États généraux de l’alimentation n’ayant pas mis en évidence de critiques fondamentales du système coopératif.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer en versant au débat, devant la Représentation nationale, ce que vous prévoyez d’écrire dans l’ordonnance ? Les 2 500 coopératives agricoles sont, pour 93 % d’entre elles, des TPE-PME ancrées dans les territoires, et 74 % des sièges sociaux se trouvent en milieu rural. Ni « OPéAbles », ni délocalisables, elles contribuent au combat pour l’emploi en milieu rural avec 165 000 salariés.

Elles sont souvent le dernier acteur économique des zones rurales les plus en difficulté. Rappelons par exemple, que dans les zones de montagnes difficiles d’accès, les coopératives laitières assurent 70 % de la collecte totale.

Le modèle coopératif est essentiel pour la ruralité et pour le maintien des petites structures de notre territoire. La coopération est le prolongement de l’exploitation : elle négocie pour l’ensemble des adhérents et permet la collecte de la production dans les territoires à faible densité.

La coopérative empêche les OPA, assure la stabilité dans la durée. Il faut s’assurer de préserver cet outil.

M. Rémy Rebeyrotte. Mon amendement est identique et mes arguments sont les mêmes s’agissant en particulier des coopératives viticoles. Imaginez les conséquences d’une remise en cause des coopératives viticoles : nous serions à sec ! (Sourires.)

M. Thierry Benoit. L’inquiétude est à la fois du côté des membres de coopératives et du côté des parlementaires. L’article 8 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi tendant à modifier le code rural et de la pêche maritime afin de faire évoluer les dispositions relatives à la coopération agricole.

Je me souviens de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAAF). Elle comportait un volet complet sur la coopération. Je me tourne vers les collègues présents dans cette salle qui étaient alors à la manœuvre : M. Antoine Herth, M. Dominique Potier, M. Guillaume Garot, M. André Chassaigne… et vous, monsieur le ministre.

M. le président Roland Lescure. Si nous dérangeons les anciens, nous pouvons partir ! (Sourires.)

M. Thierry Benoit. Pourtant alors que les dispositions de la loi de 2014 ne sont pas encore toutes appliquées, le Parlement sera demain totalement écarté des discussions.

Globalement, les coopératives fonctionnent, qu’elles soient petites ou grandes. Nous devons avoir en France des coopératives de niveau national, mais aussi d’envergure européenne et internationale. C’est à cela que travaille aujourd’hui une bonne partie des coopératives françaises.

M. Martial Saddier. M. le ministre connaît bien les zones de montagne. Permettez‑moi de citer le cas des Savoie en associant ma collègue Mme Émilie Bonnivard. Quasiment tout le système, qui est économiquement viable, est fondé sur le système coopératif. Il s’articule entre le déficit des handicaps de montagne et les signes de qualité qui depuis quarante ans permettent à cette agriculture de montagne de tirer les marrons du feu. J’appelle votre attention, puisque le Parlement sera dessaisi : surtout, ne cassez pas quelque chose qui marche, en particulier dans les zones de montagne !

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. J’entends bien, et je comprends les inquiétudes. Les coopératives sont essentielles dans la vie de nos territoires, mais ce n’est pas la contrainte ou la menace d’une forte contribution qui doit dissuader un adhérent de quitter sa coopérative, mais bien l’efficacité d’une coopérative qui doit l’inciter à en rester membre, et inciter les autres agriculteurs à la rejoindre.

Il est d’ores et déjà possible de quitter les coopératives bovines et ovines sans aucune pénalité, et, à ce que je sache, elles n’ont pas disparu. Il faut en finir avec le mythe selon lequel la modification du rapport avec l’adhérent ferait disparaître les coopératives.

Elles se maintiennent grâce à leur travail et à leur efficacité. Même si ce n’est pas toujours très facile, les petites coopératives survivent aussi, et ce n’est pas la menace d’un chèque à signer en cas de départ qui fera rester un producteur – cela ne risque pas d’en attirer d’autres non plus.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je veux rassurer l’ensemble des parlementaires attachés à la coopération agricole, et leur dire qu’elle n’est pas en danger.

Cependant, on ne peut pas s’interdire de regarder si on peut améliorer le dispositif. Nous reprenons ce que les États généraux de l’alimentation ont porté. Leurs conclusions ne nous permettent pas aujourd’hui d’exclure les coopératives de notre champ d’investigation.

Nous savons parfaitement que le modèle coopératif est très présent : il représente 86 milliards de chiffre d’affaires. Je connais son poids dans notre pays. Je viens d’un territoire où se trouvent de très grosses coopératives, et je sais ce qu’elles pèsent en termes d’aménagement du territoire et en termes d’emplois et de revenus pour les producteurs – parce que certaines d’entre elles paient très bien leurs producteurs.

Que voulons-nous faire ? Nous voulons améliorer les relations entre les associés coopérateurs et leur coopérative. Cela concerne aussi bien la rémunération ou la transparence que les conditions de départ.

S’il est constaté que des associés coopérateurs manquent d’informations sur les relations économiques qu’ils ont nouées avec la société dont ils sont membres, il faut que l’on puisse trouver des mécanismes pour qu’ils soient informés.

La LAAAF, portée par M. Stéphane Le Foll, avait effectivement introduit un certain nombre de mécanismes relatifs, par exemple, à la transparence, mais ils ne sont que partiellement mis en œuvre. Il faut donc aller plus loin et accompagner ces dispositifs.

Nous voulons aussi renforcer l’action du médiateur de la coopération agricole, parce qu’on a besoin de gens totalement impartiaux lorsque survient un différend entre un coopérateur et les dirigeants de sa coopérative. Nous avons besoin que l’articulation entre le médiateur de la coopération et le médiateur des relations commerciales agricoles soit beaucoup plus claire qu’elle l’est aujourd’hui.

Nous souhaitons également recentrer les missions du Haut Conseil de la coopération agricole et renforcer sa gouvernance, notamment en matière de pluralité. Sa composition actuelle ne représente pas suffisamment la diversité du monde agricole, et elle reste limitée à l’expertise, alors que l’on peut attendre du Haut Conseil qu’il donne un avis plus fort sur les grandes questions économiques relatives à la coopération. La voix du Haut Conseil est aujourd’hui trop faible, et il souffre d’une faiblesse de ses moyens.

C’est tout cela que nous voulons mettre dans l’ordonnance. Nous vous fournirons évidemment des éléments d’information lors de sa rédaction, car elle n’est pas prête – vous seriez fondés, si c’était le cas, à demander que son texte soit intégré dans la loi. Nous devons rencontrer à nouveau des interlocuteurs, notamment les représentants de la coopération, que le rapporteur a déjà vus, pour discuter et essayer de trouver avec eux – car cela ne se fera pas sans eux, et je ne le ferai pas contre eux – les moyens qui nous permettront d’avancer et de faire en sorte que les conclusions des États généraux soient bien respectées s’agissant de la coopération, tout en prenant en compte ce que nous voulons faire.

M. André Chassaigne. Je suis élu dans une circonscription où se trouve l’une des plus importantes coopératives de France, la coopérative Limagrain et où d’autres coopératives sont nées sous l’impulsion de Michel Debatisse, comme Sodiaal. Je crois donc que je parle des coopératives en les connaissant.

Très franchement, je ne vois pas bien dans la rédaction de cet alinéa, ce qui peut gêner les coopératives au comportement vertueux qui ont de la bouteille. En revanche, il peut, sans aucun doute, permettre de remettre sur les rails des coopératives qui ont pu se laisser aller et oublier certaines valeurs éthiques.

Le seul point qui me gêne, ce sont les ordonnances car user de ce moyen pourrait laisser penser que les évolutions des coopératives pourraient se faire sans aller au fond des choses avec les députés, et qu’elles pourraient être imposées au mouvement des coopératives. Or, je pense que leur imposer une solution serait extrêmement négatif. Il faut donc que le Gouvernement prenne des engagements très fermes. Lui donnons-nous un blanc-seing, ou nous fournira-t-il des éléments quant au contenu des ordonnances ? Y aura-t-il vraiment une discussion et une négociation avec les coopératives, ou vous contenterez-vous de les informer de vos décisions ?

M. Thibault Bazin. Tout le monde est d’accord pour améliorer le dispositif, ce qui pose problème, c’est la méthode des ordonnances, qui fait craindre une remise en cause du modèle coopératif.

Vos propos tendent à nous rassurer, mais, en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas nous contenter de paroles, il faut que nous disposions d’informations. Ne pourrait-on en obtenir, d’ici à l’examen du projet en séance publique – il vous reste plus d’un mois –, ne pas passer par les ordonnances, et discuter vraiment de ce que vous prévoyez afin de vérifier que vous protégerez bien les producteurs isolés ? Le modèle que vous allez choisir ne doit pas être seulement pour les gros, il doit être adapté aux territoires à faible densité.

M. Arnaud Viala. Il y a d’abord le sujet des petites coopératives – monsieur Chassaigne, n’oubliez qu’il n’y en a pas que des grosses. Or, l’alinéa que nous voulons supprimer nous semble particulièrement inquiétant pour les plus petites.

Il y a aussi, Monsieur le ministre, votre volonté de légiférer par ordonnance, qui nourrit la suspicion. Comme vient de le dire M. Bazin, je ne vois pas ce qui empêche de faire suffisamment avancer les choses, d’ici à la séance publique, pour tout simplement inscrire une disposition explicite dans le texte.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous procédons aussi par ordonnance parce que c’était une demande forte de la profession lors des États généraux de l’alimentation. Le 11 octobre, à Rungis, certains représentants des professions m’avaient dit : « Nous, on souhaite entendre le mot “ordonnance”, parce que ça doit aller vite ! »

M. Arnaud Viala. Ce n’était pas sur ce sujet, vous le savez très bien !

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. C’était aussi sur autre chose, certes.

Il reste que nous avons souhaité avancer sur la coopération. Je vous l’ai dit, je ne ferai rien contre la coopération, et je ne ferai rien qui ne soit pas partagé avec la coopération. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi la voie du dialogue. Nous avons neuf mois pour rédiger l’ordonnance, ce qui nous laisse du temps. Vous serez bien évidemment associés aux réflexions, et je suis prêt à revenir devant vous quand il le faudra, le moment venu, pour vous donner un peu le cadre des ordonnances, avant d’en discuter avec la coopération.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Coop de France a lancé une vaste consultation publique qui doit prendre fin au mois de juin prochain. Elle doit se dérouler dans de bonnes conditions et nous en utiliserons les résultats. Le délai de neuf mois que j’évoquais commencera dès que le Parlement aura adopté l’article.

La commission rejette les amendements.

Elle examine lamendement CE1569 de M. Éric Girardin.

M. Éric Girardin. Il a trait aux conditions de départ des associés coopérateurs.

Dans tout modèle économique, qu’il s’agisse des coopératives ou des entreprises, lorsque les entreprises ont réalisé des investissements lourds, comme c’est aujourd’hui le cas dans les coopératives, car souvent elles grossissent et renouvellent leur appareil de production, si on fragilise le potentiel de ressource en facilitant le départ des coopérateurs, tous les plans d’investissement risquent d’être remis en cause.

Je partage les propos du rapporteur, mais j’insiste sur cette réalité.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’ai déjà répondu à cette préoccupation que je comprends. Mais les conditions de départ des associés coopérateurs ne sont pas inscrites dans le statut coopératif. Des sommes parfois considérables sont exigées, qui dissuadent le départ, ce qui n’est pas de bonne pratique, l’adhérent doit être motivé par son adhésion à la coopérative et s’insérer dans sa vie.

On ne peut pas forcer les volontés, l’engagement coopératif doit être total, jusqu’au conseil d’administration, jusqu’à la gestion de sa coopérative. C’est la contrainte qui détruit le modèle coopératif depuis des années : des adhérents considèrent déjà la coopérative comme un client, car elle se comporte à leur égard comme s’ils étaient des acteurs du secteur privé.

Pour ces raisons je demande le retrait de cet amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La démonstration est claire, et je demande le retrait.

Il ne s’agit pas de remettre en cause les fondamentaux du système coopératif ni la double qualité d’associé et de coopérateur, mais de préciser les conditions de départ afin de garantir une meilleure rémunération pour tous. Cela vaut particulièrement dans le cas où le producteur change de mode de production : le départ ne doit pas être bloquant, mais anticipé avec la coopérative de façon à ce que celle-ci ne soit pas fragilisée par une perte d’apport en matières premières.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE1827 de M. Nicolas Turquois.

M. Nicolas Turquois. Plutôt que de définir les conditions de retrait, cet amendement propose de les simplifier.

Mon grand-père a été membre d’une coopérative de la taille de son canton, mon père a bâti une coopérative départementale. Terrena, la coopérative à laquelle j’appartiens, couvre 20 % de la France. Le lien direct que nous avions avec les présidents et les responsables s’est perdu. Certains agriculteurs ont investi des capitaux importants en parts sociales, et font une mauvaise publicité à ceux qui n’y sont pas au motif qu’ils rencontrent des difficultés pour se retirer de la coopérative.

Il faut donc faciliter l’entrée comme le retrait, et redonner du sens à la coopérative dont le mode de fonctionnement doit évoluer, car il est calqué sur une structure qui était de type cantonal il y a encore 40 ans.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Pourquoi pas  ? Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je partage le souhait de faciliter le départ des associés coopérateurs lorsqu’il est justifié, et que cela ne met pas la coopérative en difficulté. Mon avis est donc favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle étudie ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CE138 de M. Dino Cinieri, CE591 de M. Daniel Fasquelle, CE900 de M. Antoine Herth, CE994 de M. Rémy Rebeyrotte, CE1826 de M. Bruno Millienne, ainsi que lamendement CE1746 de M. Dominique Potier.

M. Dino Cinieri. L’objet de cet amendement est de garantir que l’ordonnance traitant des règles de transparence dans les sociétés coopératives prévoie de traiter la question du prix et des modalités de sa détermination pour un associé coopérateur.

M. Jérôme Nury. Je partage l’excellente argumentation de notre collègue.

M. Antoine Herth. La feuille de route de l’ordonnance ne va pas dans le sens de ce que nous dit le rapporteur, à savoir que le coopérateur doit être partie prenante dans le fonctionnement de la coopérative.

Je propose que le coopérateur participe à l’élaboration du prix auquel il sera rémunéré. Or, l’ordonnance ne prévoit que la répartition des gains, ce que n’importe quelle SA ou SARL peut faire. La coopérative devient un corps étranger, alors qu’elle doit être le prolongement de l’exploitation agricole qui lui transfère certaines compétences : valoriser les produits, les transformer, les vendre.

M. Dominique Potier. Puisque nous sommes dans un contexte d’ordonnances, nous souhaitons donner leur cap. Le groupe Nouvelle Gauche a déjà indiqué qu’il souhaitait le maintien de la spécificité des coopératives, à la différence de ceux qui veulent la banaliser. Mais à ce souhait doit correspondre une exigence d’éthique dans les pratiques.

Cet amendement précise que dans l’élaboration de la rémunération d’associés coopérateurs, des progrès démocratiques s’imposent.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si la livraison totale ou partielle des volumes par un coopérateur, pratique qui avait connu un certain dévoiement il y a deux décennies environ, procède d’une réglementation européenne ou d’une réglementation française. Existerait-il un moyen de revenir sur ce qui constitue l’abandon d’un principe coopératif fondateur ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces diverses précisions sont utiles, même si j’ai une totale confiance dans la façon dont le Gouvernement rédigera les ordonnances, c’est pourquoi je donne un avis favorable à l’amendement CE1746 de M. Potier.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis favorable à ces amendements, particulièrement à celui de Dominique Potier, car il correspond parfaitement à l’esprit du projet de loi ainsi qu’à l’habilitation prévue.

Si la gouvernance des coopératives joue pleinement son rôle, le conseil d’administration doit refléter les attentes des associés coopérateurs, et les informer régulièrement des décisions prises. Certaines coopératives le font déjà.

À M. Potier j’indique que les règles d’apport total ne concernent que le lait, et ces règles européennes, le cas échéant, sont intégrées dans les statuts des coopératives.

M. Nicolas Turquois. Dans les coopératives, une règle d’apport total concerne aussi les céréales.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La règle de l’apport total s’applique bien dans les coopératives, ce n’est que dans les organisations de producteurs qu’il peut ne pas y avoir d’apport total.

Les amendements identiques CE138, CE591, CE900, CE994 et CE1826 sont rejetés.

Lamendement CE1746 est adopté.

La commission est saisie de lamendement CE1507 de Mme Monique Limon.

Mme Monique Limon. Nous avons tous été sollicités par les représentants des coopératives. Afin de rassurer l’ensemble des acteurs, il serait bon que l’ordonnance veille à ne pas remettre en cause leur équilibre économique, car elles jouent un rôle indispensable au sein du monde agricole.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Sagesse.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE1988 et CE1987 du rapporteur.

Elle adopte larticle 8 modifié.

Article 8 bis
(article L. 523-7 du code rural et de la pêche maritime)
Affectation des subventions publiques au compte de résultat des coopératives agricoles

L’article L. 523-7 du code rural et de la pêche maritime dispose que les sociétés coopératives agricoles intègrent directement leurs fonds propres en compte de réserve indisponible sans transiter par le compte de résultat dans l’objectif de les aider à consolider leurs fonds propres. Cette disposition est actuellement devenue un frein à la performance économique de ces coopératives.

Par ailleurs, les autres familles de coopératives usent déjà de la possibilité de compenser leurs charges d’investissement par le produit de la subvention publique. L’objectif étant de réduire le coût des services rendus à leurs adhérents et d’avoir un impact direct sur leurs charges d’exploitation.

Cet article ne prévoit pas de modifier totalement les modalités d’affectation des subventions publiques mais d’aboutir à un équilibre permettant de maintenir des ressources durables dans les sociétés coopératives agricoles (50 % de la subvention maintenus en réserve indisponible) et permettre une mobilisation des aides publiques (50 % au plus en compte de résultat).

Adopté à l’initiative du rapporteur général du Budget, cet amendement satisfait une série d’amendements identiques qui prévoyaient un dispositif identique pour les coopératives d’utilisation du matériel agricole.

*

*     *

Après l’article 8

La commission est saisie des amendements identiques CE637 de M. Fabrice Brun, CE981 de M. Antoine Herth, CE1219 de M. Rémy Rebeyrotte et CE1955 de M. Charles de Courson.

M. Fabrice Brun. Cet amendement a pour objet d’éviter le double emploi que ne manquerait pas de créer la « clause miroir » de l’article L. 521-3-1 du code rural et de la pêche maritime avec les nouvelles dispositions de l’article L. 631-24 du même code pour la révision du prix dans les relations entre la coopérative agricole et les associés coopérateurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces amendements veulent exclure les coopératives de l’application de la clause de renégociation de l’article L. 441-8 du code de commerce, ce qui n’a pas lieu d’être. Ces structures sont certes atypiques, mais elles négocient comme toutes les entreprises à armes égales – ou plutôt inégales – avec la distribution et ces négociations aval ont des conséquences sur la rémunération de leurs associés coopérateurs.

Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1323 de M. Joël Giraud et CE211 de M. Jérôme Nury, ainsi que les amendements identiques CE511 de M. Thibault Bazin, CE737 de M. Vincent Descoeur, CE741 de M. Antoine Herth, CE793 de M. Marc Le Fur, CE823 de M. Yves Daniel, CE1115 de Mme Élisabeth Toutut-Picard, CE1125 de M. Rémy Rebeyrotte et CE1753 de M. Dominique Potier.

M. le président Roland Lescure. Nous accueillons avec plaisir le rapporteur général de la commission des finances.

M. Joël Giraud. Merci de me recevoir dans votre commission, monsieur le président.

En application de dispositions du code rural et de la pêche maritime, les subventions publiques dont bénéficient les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) sont uniquement affectées en compte de réserve indisponible. Cet amendement propose d’en modifier les modalités d’affectation comptable.

En effet, ce dispositif avait été créé afin d’aider les fonds propres, mais il est devenu un frein à la performance économique de certaines coopératives, d’autant plus que cette modalité n’existe pas dans le reste de l’économie sociale et solidaire, et que les autres coopératives non agricoles ne « bénéficient » pas de la même restriction.

Je propose donc un système équilibré, qui maintient 50 % dans la réserve indisponible, afin que les fonds propres ne soient pas affectés, mais qui permet aux coopératives agricoles d’affecter au maximum 50 % de la subvention publique au compte de résultat.

M. Jérôme Nury. Dans le même esprit, il est proposé de modifier l’affectation des subventions publiques éventuellement perçues par les CUMA, qu’elles proviennent des conseils départementaux ou régionaux.

Ces subventions rejoignent les fonds propres en compte de réserve indisponible sans transiter par le compte de résultat. Les charges liées à l’investissement en matériel réalisé par les CUMA seront compensées par le produit de la subvention publique, affecté en compte de résultat, comme il est permis pour les autres familles de coopératives non agricoles. Par cette modalité de gestion, les CUMA pourront réduire le coût des services rendus à leurs adhérents agriculteurs et avoir un impact direct sur leurs charges d’exploitation.

M. Thibault Bazin. Cette mesure répond aux conclusions des États généraux de l’alimentation qui avaient relevé la nécessité de donner la priorité aux investissements collectifs et à la nécessaire transparence des coopératives dans la redistribution de leurs gains aux producteurs.

M. Antoine Herth. En déposant cet amendement, je me suis demandé si vous n’alliez pas considérer, monsieur le ministre, qu’il était hors sujet car une réflexion sur la fiscalité agricole est en cours et nous proposer d’y revenir à l’automne. Merci de nous éclairer.

M. Michel Delpon. Dans le même esprit, je propose de permettre l’affectation des subventions au compte de résultat, dans la limite de 50 %.

M. Dominique Potier. Une école de pensée, à laquelle nos collègues des Républicains s’attachent, recherche en permanence la compétitivité par la baisse des coûts en ciblant constamment les charges sociales, qui en fait sont un réinvestissement dans la profession agricole et dans la société.

Pour ma part, j’aime l’idée qu’on développe le contrôle des structures agricoles, qui est un élément de compétitivité pour les terres, j’aime l’idée du partage du matériel, j’aime l’idée de l’agriculture de groupe, en général. Il me semble donc bon de mettre les coopératives agricoles au même niveau que le reste de l’économie sociale et solidaire, au lieu de continuer à les infantiliser par les règles comptables en vigueur. Faisons donc confiance aux CUMA en tant que gestionnaires habiles et pertinents.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je n’aurai pas l’outrecuidance de m’opposer au rapporteur général de la commission des finances (Sourires.) et je donnerai donc un avis favorable à l’amendement CE1323, ce qui aura pour effet de faire tomber tous les autres.

Les coopératives agricoles présentent beaucoup de spécificités par rapport aux autres entreprises. Elles ont notamment l’obligation d’intégrer les subventions publiques qu’elles reçoivent en compte de réserve indisponible, sans transiter par le compte de résultat. L’intention de cette règle est de consolider les fonds propres des coopératives agricoles.

L’idée est de faire en sorte que les coopératives puissent porter une partie de leurs subventions reçues au sein du compte de résultat et non plus en intégralité au compte de réserve indisponible. En clair, de rendre disponibles ces subventions pour une consommation quelconque, investissement, acquisitions etc. afin, in fine, de faire baisser le prix des prestations pour les agriculteurs adhérents, notamment les CUMA.

Dans la mesure où cette disposition n’a pas d’impact budgétaire, elle n’a pas nécessairement à être présentée dans le cadre du projet de loi de finances.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je pourrais taquiner M. Herth en lui répondant que le débat devrait effectivement être renvoyé au projet de loi de finances, d’autant plus que nous avons engagé une concertation sur la fiscalité agricole avec les représentants des organisations syndicales ainsi que onze sénateurs et onze députés. Mais il nous faudrait alors passer sous les fourches caudines du rapporteur général du budget. Puisqu’il nous fait l’amitié de venir parmi nous, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Fabien Di Filippo. La Nouvelle Gauche, qui n’est pas si nouvelle dans son argumentation, nous reproche de vouloir favoriser la compétitivité des agriculteurs. Mais il faut bien avoir conscience que ce n’est pas par la contractualisation et les prix qu’on réglera le problème de nos exploitations agricoles. Elles croulent sous les charges, les normes et les règles comptables, qui sont parfois paralysantes, obèrent leurs moyens et, in fine, les empêchent d’investir davantage et de disposer de plus de moyens via les CUMA.

Nous évoquons ici des idées très importantes, que nous sommes fiers de porter.

M. Arnaud Viala. Nous ne sommes pas dans une posture idéologique de recherche de compétitivité à tout prix. Nos propositions, de bon sens et pragmatiques, partent du constat de la baisse des subventions publiques attribuées aux CUMA, la modification des compétences des collectivités ayant eu un impact considérable sur le montant que perçoivent les coopératives.

Qui plus est, faute d’un dispositif adapté pour réaliser leurs investissements, les CUMA sont conduites à rechercher, avec les collectivités, des montages juridiques qui sont très éloignés de la clarté que nous appelons de nos vœux.

M. Nicolas Turquois. Qu’est-ce qui justifiait que les subventions publiques soient placées en réserve ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il s’agissait à l’époque de consolider les fonds propres des coopératives. Aujourd’hui cela n’est plus nécessaire, ce sont les investissements qu’il faut encourager.

La commission adopte lamendement CE1323.

En conséquence, les amendements CE211, CE511, CE737, CE741, CE793, CE823, CE1115, CE1125 et CE1753 tombent.

Article 9
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance et pour deux ans sur leur relèvement du seuil de revente à perte et sur lencadrement des promotions

1.   L’état du droit

a.   Le seuil de revente à perte

La revente à perte, définie par l’article L. 442-2 du code de commerce comme « le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif », a été introduite par la loi n° 63-628 du 2 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963. L’objectif était de protéger la capacité concurrentielle des petits commerçants face aux pratiques commerciales des grandes surfaces émergentes : des prix particulièrement bas sur certains produits pour attirer la clientèle. Les petits commerçants n’ayant pas les moyens de pratiquer des prix aussi bas, cette pratique créait une distorsion de concurrence.

La notion de prix d’achat effectif a évolué pour tenir compte de la créativité des enseignes de distribution dans leurs relations aux fournisseurs. C’est ainsi que la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales, dite « loi Galland », la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, puis la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs ont modifié le calcul du seuil de la revente à perte.

Le prix d’achat effectif est aujourd’hui défini comme : le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat minoré des avantages financiers consentis par le vendeur qui correspondent à des services de coopération commerciale facturés aux fournisseurs et conduisant à des réductions de prix hors facture (appelées « marges arrières »). Le calcul du seuil de revente à perte majore ce prix des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques et des frais de transport.

La revente à perte est une pratique restrictive de concurrence qui ne s’applique dans le commerce qu’aux produits revendus « en l’état », c’est-à-dire non transformés.

La pratique de la revente à perte est sanctionnée d’une amende pénale de 75 000 euros pour les personnes physiques et de 375 000 euros pour les personnes morales.

Concernant les denrées alimentaires, en application de l’article L. 442-4 du code de commerce, cette interdiction ne s’applique pas aux produits alimentaires commercialisés dans un magasin d’une surface de vente de moins de 300 mètres carrés (5°) et aux produits périssables à partir du moment où ils sont menacés d’altération rapide et à condition que l’offre de prix réduit ne fasse l’objet d’une quelconque publicité ou annonce à l’extérieur du point de vente (6°).

b.   L’encadrement des promotions

En dehors de la législation applicable aux pratiques commerciales trompeuses et à la revente à perte, le code de commerce ne prévoit pas d’encadrement général des promotions qui peuvent être définies comme une réduction de prix temporaire octroyée par le distributeur au consommateur.

En application du 6° de l’article L. 442-4 du code de commerce, l’interdiction de la revente à perte ne s’applique pas aux produits périssables à partir du moment où ils sont menacés d’altération rapide. Cependant, lorsque l’ampleur ou la fréquence des promotions sur ces produits alimentaires périssables sont susceptibles de désorganiser les marchés, l’article L. 441-2 du même code permet, pour les produits concernés, qu’un arrêté interministériel ou un arrêté préfectoral fixe la périodicité et la durée de ces opérations. Cet article a notamment été appliqué dans le secteur de la viande porcine par l’arrêté du 10 juin 2015 relatif à l’encadrement des opérations promotionnelles pour la vente de viande porcine fraîche, qui prévoyait qu’en dehors des mois de janvier et de septembre (périodes historiques des promotions sur la viande fraîche de porc), il n’était pas possible de mettre à la vente des produits dont le prix serait inférieur de 50 % par rapport au prix moyen pratiqué hors promotion pour des produits similaires au cours du mois précédant l’opération.

Notons que la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique précitée a, pour la première fois, limité à 30 % en valeur du barème des prix unitaires, frais de gestion compris, les avantages promotionnels consentis par les fournisseurs aux consommateurs (avantages conférés par des cartes de fidélité, des bons de réduction sur les tickets de caisse etc.), sur ses produits mais par le biais de contrats de mandat confiés aux distributeurs. Cette limitation concerne le lait, les produits laitiers, les fruits, les légumes destinés à être vendus en l’état frais au consommateur (à l’exception des pommes de terre de conservation), les viandes fraîches, congelées ou surgelées de volailles et de lapins, les œufs et les miels. Aucune sanction n’est prévue.

Cette limitation des nouveaux instruments promotionnels, les « NIP », ne concerne pas les offres promotionnelles proposées par les distributeurs.

2.   Le projet de loi

Cet article prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois suivant la publication de la loi, des mesures relevant du domaine de la loi au sein du code de commerce pour relever le prix d’achat effectif défini à l’article L. 442-2 du code de commerce d’un coefficient égal à 1,1, soit 10 %, pour les denrées alimentaires revendues en l’état au consommateur (1°, alinéa 2).

Selon les comptes rendus des ateliers des États généraux de l’alimentation, ce taux de 10 % de relèvement du seuil de revente correspond aux coûts logistiques des distributeurs, actuellement non pris en compte dans le calcul du seuil de la revente à perte. Il s’agit des frais d’acheminement des produits de l’entrepôt de stockage au magasin, de mise en rayon dans les magasins et d’élimination des produits.

Cet article autorise également le Gouvernement à prendre, par ordonnance, les mesures nécessaires, au sein du code de commerce, pour encadrer, en valeur et en volume, les opérations promotionnelles portant sur la vente au consommateur de denrées alimentaires et définir des sanctions (2°, alinéa 3).

Cet article prévoit que les mesures législatives seront prises pour une durée de deux ans (alinéa 1).

3.   La position de votre rapporteur

La revente à perte et les promotions à répétition sont incompatibles avec l’instauration d’une concurrence saine et loyale et elles sont en général sans avantage réel pour les consommateurs dès lors que la perte supposée sur certains articles est le plus souvent compensée par le bénéfice réalisé sur d’autres.

Cet article 9 du projet de loi s’inscrit dans un ensemble de mesures destinées à revaloriser les productions agricoles et alimentaires en évitant d’en faire des produits d’appel et les variables d’ajustement des prix de la distribution. L’idée est de bâtir la relation commerciale sur les coûts de production des agriculteurs et de retrouver ce coût dans la chaîne de contrats qui en résultent « en cascade », en application du code rural et de la pêche maritime comme du code de commerce.

L’objectif de l’augmentation du seuil de revente à perte est de contrer la spirale déflationniste sur les produits agricoles et alimentaires et d’annuler la perte de valeur qui leur est associée. La logique des enseignes de la distribution est de systématiquement aligner les prix payés à leurs fournisseurs à la baisse.

Les grandes marques de produits alimentaires sont utilisées comme produits d’appel. Les distributeurs compensent les pertes réalisées sur les produits alimentaires de grande consommation par des gains réalisés sur les produits agricoles de type produits frais.

La vente à perte et les promotions dégradent l’image des produits alimentaires au mépris du respect du travail des producteurs à l’heure où consommateurs comme producteurs partagent un même souci de « juste prix ».

Votre rapporteur reconnaît qu’il ne dispose d’aucune garantie sur le fait que la marge dégagée sera reversée aux producteurs. Mais au vu des déclarations des distributeurs qui se veulent vertueux, aucune raison d’en douter ! Pour cette raison, le dispositif est proposé à titre expérimental pour une durée de deux ans. Ces dispositions ne seront codifiées qui si leur efficience, à l’issue de ce délai, est démontrée.

L’effet inflationniste du relèvement du seuil de revente à perte prête également à débats. L’étude d’impact du projet de loi affirme que la hausse moyenne des prix des produits alimentaires serait comprise entre 0,7 % et 2 %. L’association UFC-Que choisir, entendue par votre rapporteur, traduit ce coût à hauteur de chaque ménage et à l’issue des deux années de l’expérimentation : elle l’estime à 177 euros. Cette estimation de l’impact inflationniste de la mesure est basée sur des hypothèses contestables : un marché des produits alimentaires vendus en grandes surfaces alimentaires de 124,424 milliards d’euros en 2016 (d’après l’INSEE), un chiffre d’affaires promotionnel représentant environ 20 % de ce total soit près de 25 milliards d’euros et une hypothèse extrême : une marge zéro sur ce chiffre d’affaires promotionnel, soit une inflation maximale de 10 % sur ces volumes consécutive à la majoration sur seuil de revente à perte soit 2,5 milliards d’euros par an.

Quant aux annonces de M. Michel-Édouard Leclerc, également entendu par votre rapporteur, elles sous‑entendent que le gain de marge des distributeurs ne sera peut-être pas redistribué aux agriculteurs ([35])  français.

Votre rapporteur table davantage sur une inflation extrêmement modérée.

Pour ce qui est des promotions, leur faible encadrement normatif dans le domaine alimentaire a conduit à leur forte augmentation dans le secteur de la grande distribution. Ces promotions concernaient 20 % des produits en 2016 et correspondent souvent à la gratuité d’un produit pour un produit acheté.

Interrogé par votre rapporteur, le Gouvernement a indiqué envisager de limiter à 34 % du prix d’achat effectif les avantages promotionnels accordés.

Le plan de la filière porcine fait état du souhait de la profession « qu’un groupe de travail soit constitué pour élaborer un projet d’accord interprofessionnel visant à encadrer les promotions sur la viande fraîche de porc ». Même chose pour la filière bovine qui annonce un objectif d’encadrement des promotions : « la filière se donne pour objectif de proposer avant la fin de l’année 2018 une mécanique d’encadrement des promotions à travers un accord interprofessionnel qui sera soumis à extension auprès de l’État ».

Les interprofessions reconnaissent que ce travail devra être partagé en amont avec les autres filières animales afin de ne pas générer de concurrence entre produits par effet de substitution. La loi devrait satisfaire cette ambition.

4.   La position de votre commission

Alors que plusieurs députés ont émis le souhait d’abaisser le délai de publication de l’ordonnance de six à trois mois, la commission a adopté l’amendement présenté par votre rapporteur qui réduit ce délai à quatre mois afin de respecter l’équilibre entre l’urgence des mesures législatives prévues à cet article et le temps nécessaire au Gouvernement pour rédiger cette ordonnance attendue mais technique.

En ce qui concerne le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions, deux amendements de M. Richard Ramos et de plusieurs de ses collègues (ainsi qu’un amendement identique de M. Julien Dive) et des sous-amendements de votre rapporteur ont précisé le champ de l’ordonnance afin que les mesures à prendre s’appliquent également aux denrées alimentaires pour animaux de compagnie. Cette précision a répondu à une préoccupation commune à plusieurs députés.

La commission a adopté un amendement présenté par M. Sébastien Leclerc et plusieurs de ses collègues précisant que les sanctions envisagées pour le respect du dispositif d’encadrement des promotions seront des sanctions administratives. Il conviendra d’ailleurs de préciser, en séance publique, la nature des sanctions prévues à l’article 10.

Enfin et à l’initiative de votre rapporteur, la commission a réparé un oubli du Gouvernement qui n’avait pas prévu  le dépôt d’un projet de loi de ratification de l’ordonnance. En application du deuxième alinéa de l’article 38 de la Constitution les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si un projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation.

La commission a adopté l’article 9 ainsi modifié.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune lamendement CE2107 du rapporteur et les amendements identiques, CE101 de M. Dino Cinieri, CE158 de M. Grégory Besson-Moreau, CE297 de M. Vincent Rolland, CE302 de M. Jean-Yves Bony, CE399 de M. Vincent Descoeur, CE775 de Mme Émilie Bonnivard, CE901 de M. Antoine Herth, CE997 de M. Rémy Rebeyrotte, CE1509 de Mme Monique Limon, CE1637 de M. Sébastien Jumel, CE1697 de M. Paul Molac, CE1748 de M. Dominique Potier, CE1830 de M. Nicolas Turquois et CE1920 de M. Thierry Benoit.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement CE2107 vise à porter le délai de publication de l’ordonnance de six à quatre mois.

Il est en effet urgent d’adopter ces mesures d’encadrement des promotions et de relèvement du seuil de revente à perte (SRP). Le délai proposé permet de respecter l’équilibre entre cette urgence et le temps nécessaire au Gouvernement pour rédiger cette ordonnance attendue, mais technique, qui doit être entrée en vigueur avant les négociations commerciales, qui débuteront au mois d’octobre.

M. Dino Cinieri. L’amendement CE101 vise à réduire le délai de publication de l’ordonnance relative au seuil de revente à perte et aux opérations promotionnelles de six à trois mois.

M. Grégory Besson-Moreau. Je me félicite que, tous bancs confondus, nos collègues souhaitent aller plus vite et plébiscitent les ordonnances !

M. Vincent Rolland. Le contenu des ordonnances étant assez finement précisé par l’article 9, notre souhait de ramener le délai de sa publication à trois mois s’explique de lui‑même.

M. Jean-Yves Bony. Cet amendement est défendu, je tiens à saluer au passage la subtilité du rapporteur !

M. Antoine Herth. Je souhaite demander au ministre si la « jurisprudence ferroviaire » s’appliquera aussi à notre texte : des éléments de la négociation pourront-ils être introduits au fil de la discussion ?

Mme Monique Limon. L’examen de ce projet de loi a malheureusement été repoussé de plusieurs semaines, alors qu’il est indispensable que ses dispositions entrent en vigueur avant le début des prochaines négociations commerciales.

Aussi cet amendement vise-t-il à ce que l’ordonnance soit prise dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi au lieu des six mois initialement prévus.

M. le président M. Roland Lescure. Monsieur le rapporteur, quel est votre avis sur les amendements identiques ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis évidemment favorable à mon amendement qui reporte le délai à quatre mois, qui ferait tomber tous les autres. (Sourires.)

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Nous comprenons le souci d’aller vite afin que ces dispositions s’appliquent aux négociations qui commenceront à la fin de l’année. Mais le Gouvernement a besoin de temps pour mener les consultations nécessaires et saisir pour avis l’Autorité de la concurrence.

C’est dans cet esprit que nous nous rallions à la proposition de compromis du rapporteur.

La commission adopte lamendement CE2107.

En conséquence, les amendements identiques CE101, CE158, CE297, CE302, CE399, CE775, CE1637, CE1748, CE1830 et CE1920 tombent.

La commission en vient à lamendement CE767 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. Puisque le Gouvernement vient de faire un effort en réduisant le délai de prise des ordonnances, je propose que les mesures figurant dans cet article soient appliquées au bout d’un an au lieu de deux, soit en 2020 au lieu de 2021.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Laissons le temps au dispositif de prospérer, mais n’oublions pas d’en évaluer les effets ; un an me paraît un peu juste. C’est pourquoi mon avis est défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Nous avons absolument besoin d’un cycle annuel complet, c’est pourquoi les deux années d’expérimentation sont nécessaires.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE136 de M. Sébastien Leclerc.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement propose de porter à 20 % la capacité de relèvement de ce prix de vente à perte, il me semble qu’un taux de 10 % est suffisant. Il correspond aux coûts logistiques des distributeurs, actuellement non pris en compte dans le calcul du seuil de la revente à perte. Il s’agit des frais d’acheminement des produits de l’entrepôt de stockage au magasin, de mise en rayon dans les magasins et d’élimination des produits. Avis défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle se saisit de lamendement CE1833 de M. Bruno Millienne.

M. Bruno Millienne. Les dispositifs du seuil de revente à perte et d’encadrement des promotions ne concernent que les denrées alimentaires revendues en l’état.

Nous pensons qu’il convient d’aller plus loin afin d’étendre ces mécanismes aux produits issus de l’élevage, sauf en cas d’opposition du producteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La rédaction de l’article 9 n’exclut pas les produits de l’élevage de ces dispositifs et on voit mal quel serait l’intérêt d’en d’exclure les autres produits agricoles.

Pour que le mécanisme de péréquation de marges produise ses effets, il faut qu’il soit suffisamment large.

Les grandes marques de produits alimentaires sont utilisées comme produits d’appel. Les distributeurs compensent les pertes réalisées sur les produits alimentaires de grande consommation par des gains sur les produits agricoles frais.

La vente à perte et les promotions dégradent l’image des produits alimentaires au mépris du respect du travail des producteurs à l’heure où consommateurs comme producteurs partagent un même souci de « juste prix ».

Pour ces raisons mon avis est défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Avis défavorable ; la mesure n’est efficace que si elle couvre l’ensemble des denrées alimentaires.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1831 de M. Richard Ramos, qui fait lobjet du sous-amendement CE2113 du rapporteur.

M. Nicolas Turquois. Il est proposé aux alinéas 2 et 3 d’insérer après le mot : « alimentaires », les mots : «, y compris les denrées alimentaires pour animaux familiers, » ; c’est la pet food qui est visée.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement qui remplace « familier » par « de compagnie », conformément au code rural et de la pêche maritime.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Le Gouvernement est favorable à cet amendement tel que sous‑amendé par le rapporteur.

M. Nicolas Turquois. La notion d’animaux domestiques nous semblait pouvoir englober l’élevage, ce qui aurait posé des problèmes ; en revanche la mention des animaux de compagnie correspond bien à la définition.

La commission adopte le sous-amendement.

Elle adopte ensuite lamendement sous-amendé.

Elle se saisit de lamendement CE1783 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Les fruits et légumes sont des produits spécifiques, dont la production dépend des conditions climatiques et la vente de la demande, assez erratique, des consommateurs. Ils sont par ailleurs soumis à la concurrence massive de pays voisins ou plus lointains. C’est la raison pour laquelle, depuis toujours, la vente à perte fait partie du modèle économique de la production de fruits et légumes. On me dit que la disposition que nous proposons est satisfaite par d’autres articles du projet de loi, mais nous souhaitons prévoir clairement cette exception pour les fruits et légumes – avec accord de l’interprofession et pour une période donnée.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Mon avis est défavorable car votre demande est en effet satisfaite. En application du 6° de l’article L. 442-4 du code de commerce, l’interdiction de revente à perte ne s’applique pas aux produits périssables à partir du moment où ils sont menacés d’altération rapide. Cependant, lorsque l’ampleur ou la fréquence des promotions sur ces produits alimentaires périssables est susceptible de désorganiser les marchés, selon les termes de l’article L. 441-2 du même code un arrêté interministériel ou préfectoral fixe la périodicité et la durée de ces opérations pour les produits concernés.

Ces dispositions ont ainsi été appliquées dans le secteur de la viande porcine : l’arrêté du 10 juin 2015 relatif à l’encadrement des opérations promotionnelles pour la vente de viande porcine fraîche prévoyait qu’en dehors des mois de janvier et de septembre – périodes historiques des promotions sur la viande fraîche de porc –, il n’était pas possible de mettre à la vente des produits dont le prix serait inférieur de 50 % au prix moyen pratiqué hors promotion pour des produits similaires au cours du mois précédant l’opération.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

M. Dominique Potier. Je vois bien le scénario au mois d’août : pour un fruit ou un légume en excédent sur le marché, l’interprofession alerte le préfet ou la puissance publique qui prend donc rapidement les dispositions juridiques nécessaires. Pouvez-vous me confirmer que tout fonctionnera bien de cette façon ? Si tel est le cas, je retirerai mon amendement.

M. Martial Saddier. J’appelle votre attention sur la spécificité des fruits et légumes. Le rapporteur a pris l’exemple de la viande, mais ce n’est pas tout à fait la même chose… L’ancien directeur d’organisation de producteurs de fruits que j’ai été peut en témoigner, monsieur l’ancien président de coopérative : il y a un léger décalage entre le caractère périssable des denrées en question, qu’il faut donc rapidement vendre, et la réactivité administrative…

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lexamen, en discussion commune, des amendements CE1495 de Mme Éricka Bareigts, CE1162 de M. Max Mathiasin et CE1163 du même auteur.

Mme Delphine Batho. La première signataire de l’amendement CE1495 est notre collègue Éricka Bareigts. Nous souhaitons que le relèvement du seuil de revente à perte soit applicable en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion pour les produits venant en concurrence avec la production locale, également appelés produits de dégagement. Ces produits alimentaires sont vendus à des prix inférieurs à ceux de métropole, sont de moindre qualité et inondent les marchés en pénalisant les producteurs locaux. Il nous paraît important d’encadrer l’ordonnance, afin qu’elle prévoie bien la déclinaison en Guadeloupe, Guyane, Martinique et à La Réunion du relèvement du SRP.

M. Max Mathiasin. Nos amendements CE1162 et CE1163 poursuivent le même objectif. Nous voulons éviter l’appel d’air lié à ces produits à bas prix. L’élevage et l’agriculture ultramarins meurent à cause de ces produits de dégagement. Il ne s’agit pas d’empêcher les ménages d’acheter des aliments à moindre coût. Mais si les alinéas 2 et 3 de l’article 9 ne s’appliquaient pas aux produits venant en concurrence avec la production locale, ce serait en totale contradiction avec l’esprit et la lettre de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La notion de produit « en concurrence avec la production locale » me semble juridiquement mal définie. Il vaut mieux prévoir un dispositif uniforme pour tous les produits, y compris ceux qui sont importés. Ainsi, les importateurs qui cassent les prix seront les premiers affectés par le dispositif. Mon avis sera défavorable, sous réserve des explications des ministres.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Nous souhaitons que l’application outre-mer des mesures de l’article 9 reste régie par l’ordonnance prise en application de l’article d’habilitation et après concertation des parties prenantes. Cela nous permettra d’y voir plus clair quant à la situation spécifique de chaque territoire et de chaque denrée. Il nous semble prématuré d’indiquer dans l’habilitation que le relèvement du SRP est d’ores et déjà prévu outre-mer.

Mme Delphine Batho. Madame la ministre, je ne comprends pas votre réponse. Sur un autre article, le ministre Stéphane Travert nous a tenu un discours différent… Affirmez-vous que l’ordonnance comprendra des « mesures balai » d’adaptation de l’ensemble du projet de loi aux outre-mer ?

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Uniquement pour l’article 9.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous ai dit ce matin que ce projet de loi s’appliquera outre-mer, comme toutes les lois de la République. Mais l’article 9 est un article d’habilitation à prendre des dispositions par ordonnance. Or, vous voulez modifier le contenu de l’ordonnance pour prévoir un seuil de revente à perte pour les produits de dégagement, produits à bas coût qui ne sont pas toujours vendus à leur prix de revient par les producteurs. Nous souhaitons prendre le temps de l’expertise et pouvoir apprécier les produits qui seront concernés. En effet, les produits de dégagement ne doivent pas tous être traités de la même façon, notamment pour des raisons de saisonnalité et afin de ne pas fragiliser les producteurs. Nous l’avons dit ce matin, les dégagements permettent parfois au producteur d’engranger un revenu – même minime – et de ne pas jeter la marchandise.

M. Max Mathiasin. Le plus souvent, ces produits servent de produits d’appel ! Le petit commerce est mort outre-mer. Ces ventes à perte – de gros volumes de poulets par exemple – permettent aux supermarchés et hypermarchés d’attirer le chaland et de vendre d’autres produits…

Mme Delphine Batho. Je ne comprends pas la réponse du Gouvernement. C’est bien notre rôle d’encadrer le contenu de l’ordonnance dans l’habilitation ! Si nous sommes tous d’accord pour inclure ce sujet, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas l’écrire, d’autant plus que l’on fait référence à l’article L. 425 du code de commerce, qui mentionne explicitement les producteurs locaux ; la « production locale » est donc bien légalement reconnue.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. C’est l’expression « en concurrence avec la production locale » qui n’est pas définie.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il doit y avoir concertation sur la nature et le type de produits concernés. C’est pourquoi nous ne souhaitons pas les fixer dans l’habilitation. Ce sera prévu par l’ordonnance en fonction des besoins et après appréciation de la valeur des produits dans chaque territoire ultramarin. Étant donnée la fragilité du tissu agricole et commercial outre-mer, mais également la fragilité du pouvoir d’achat de nombreux concitoyens ultramarins, nous souhaitons travailler ce dispositif dans le cadre d’une concertation avant d’intégrer certaines dispositions.

La commission rejette successivement les trois amendements.

Elle examine ensuite en discussion commune lamendement CE1511 de Mme Monique Limon et les amendements identiques CE513 de M. Thibault Bazin et CE1086 de M. Jean-Claude Leclabart.

Mme Monique Limon. L’amendement CE1511 précise le champ de l’ordonnance concernant les opérations promotionnelles, en ajoutant les pourcentages annoncés par le Gouvernement : 34 % en valeur et 25 % en volume.

M. Thibault Bazin. La mention des promotions telle que prévue dans l’alinéa 3 est trop floue. L’amendement CE513 vise à encadrer les promotions, comme prévu par l’atelier 5 des EGA. De même, il faudrait préciser le champ d’application de ces mesures : les plafonds doivent correspondre à la valeur et au volume des produits à la sortie du magasin.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ce sont effectivement les conclusions des États généraux de l’alimentation. J’émettrai un avis de sagesse, dans l’attente de connaître les intentions du Gouvernement.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Le Gouvernement est particulièrement attaché aux conclusions des États généraux de l’alimentation s’agissant de l’encadrement des promotions – 34 % en valeur et 25 % en volume. Mais vos amendements posent un problème rédactionnel : l’insertion de ces proportions – de 34 et 25 % – dans l’habilitation risque de nous contraindre dans la rédaction ultérieure de l’ordonnance. Or, cette rédaction va être technique et nécessiter un travail approfondi. Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo. J’ai apprécié l’avis de sagesse du rapporteur, mais je ne trouve pas très sage de nous renvoyer aux ordonnances ! En effet, un coefficient – c’est-à-dire un multiplicateur entre le prix d’acquisition de la grande surface et le prix auquel elle revend – s’applique à certains types de denrées alimentaires. Il peut parfois aller jusqu’à deux.

Préciser qu’il s’agit du prix à la sortie du magasin ou se baser sur le prix d’achat peut radicalement changer les quantités sur lesquelles la promotion s’appliquera. Il s’agit donc d’une décision stratégique. Si nous transférons cette décision au Gouvernement, nous n’avons aucune garantie – sauf à ce que le ministre s’engage publiquement. Il nous faut prendre nos responsabilités et voter cet amendement.

Lamendement CE1511 est retiré.

La commission rejette les amendements CE513 et CE1086.

Elle se saisit ensuite, en discussion commune, des amendements identiques CE59 de M. Vincent Descoeur, CE75 de M. Dino Cinieri, CE1134 de M. Thierry Benoit et CE1214 de M. Rémy Rebeyrotte, des amendements identiques CE139 de M. Dino Cinieri, CE212 de M. Jérôme Nury, CE514 de M. Thibault Bazin, CE603 de M. Fabrice Brun, CE806 de M. Jean-Pierre Vigier, CE996 de M. Rémy Rebeyrotte, CE1070 de M. Martial Saddier, CE1175 de M. Antoine Herth, CE1749 de M. Dominique Potier et CE1878 de M. Thierry Benoit, ainsi que des amendements CE1832 de M. Bruno Millienne et CE1168 de M. Jérôme Nury.

M. Vincent Descoeur. Notre amendement CE59 vise à compléter l’alinéa 3 afin que le projet de loi soit plus précis sur l’encadrement en valeur et en volume des promotions, qu’elles soient financées par le distributeur ou par le fournisseur. De même, les promotions visant des produits sous marque de distributeur doivent être concernées par cet encadrement en volume et en valeur.

M. Dino Cinieri. Le projet de loi doit être plus précis à propos de l’encadrement des opérations promotionnelles. C’est l’objet de l’amendement CE75.

M. Thierry Benoit. En France, depuis cinquante ans, la grande distribution porte une responsabilité vis-à-vis du consommateur : elle a banalisé les produits agricoles, devenus des denrées alimentaires. Elle fait des promotions à tout va et toute l’année : les consommateurs ont ainsi perdu tout repère. Or, c’est un fait, une bonne partie des produits agricoles est commercialisée par les grands magasins. Mais on ne vend pas des denrées alimentaires comme on vend de l’informatique ou du textile !

L’amendement CE1134 vise à encadrer strictement en volume et en valeur les promotions.

M. Rémy Rebeyrotte. Je suis favorable à un encadrement plus important des promotions. C’est l’objet de mon amendement CE1214.

M. Dino Cinieri. Le dispositif du seuil de revente à perte ne concerne que les denrées alimentaires revendues. Ainsi, les denrées alimentaires subissant une modification du distributeur ou fabriquées par le distributeur ne sont pas concernées par cet encadrement. L’amendement CE139 élargit l’encadrement des promotions à ces cas précis.

M. Jérôme Nury. L’amendement CE212 complète l’amendement CE1168. Il précise la rédaction de l’article afin de préserver l’un des acquis des États généraux de l’alimentation : l’encadrement en valeur – 34 % de remise sur les produits – et en volume – 25 % du chiffre d’affaires – des opérations promotionnelles. Les promotions sur les produits sous marque de distributeur doivent également être concernées. Il est nécessaire de prévoir un encadrement chiffré des promotions pratiquées afin d’imposer de véritables limites aux prix abusivement bas.

M. Fabrice Brun. Même causes, mêmes effets, l’amendement CE603 traite de l’indispensable encadrement en volume et en valeur des promotions, y compris pour les marques de distributeurs. Tout le monde s’y retrouvera, le producteur comme le distributeur.

M. Dominique Potier. Jérôme Nury a tout dit !

M. Thierry Benoit. L’amendement CE1878 s’adresse toujours à la grande distribution. Elle travaille avec des industriels et finance de la recherche, du développement et de l’innovation. Je viens d’une région laitière puissante, la Bretagne, comme vous monsieur le ministre. La Manche et l’Ille-et-Vilaine sont voisins de champ, comme l’on dit chez nous !

Quand la grande distribution constate qu’un produit de marque – une crème dessert par exemple – se vend bien, que fait-elle ? Elle va voir les industriels et invente une marque de distributeur ! C’est la raison pour laquelle il faut encadrer les promotions sur ces marques. Je le dis haut et fort, et je l’écris, car je souhaite que cela fasse réagir hors de nos murs.

M. Bruno Millienne. Je suis d’accord avec mes collègues : les promotions sur les produits sous marque de distributeur doivent absolument être encadrées car le consommateur n’a pas à participer seul à cette réforme. C’est l’objet de notre amendement CE1832.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’habilitation permet d’encadrer les promotions financées par les fournisseurs et par les distributeurs, ainsi que celles sur les marques de distributeurs. Je fais confiance au Gouvernement pour que les différents champs cités, extrêmement importants, soient pris en compte dans les ordonnances. Mon avis sera défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Avis défavorable également car l’habilitation permet d’encadrer les promotions financées par les fournisseurs, par les distributeurs, ainsi que celles sur les marques de distributeurs. Les modalités de cet encadrement seront précisées par l’ordonnance sur la base d’un travail technique et d’une étroite concertation avec les parties prenantes.

M. Arnaud Viala. J’ai déposé un amendement qui a été déclaré irrecevable – je ne sais à quel titre… – sur l’encadrement de la publicité comparative concernant les denrées alimentaires. Je souhaiterais que cela soit également pris en compte dans l’ordonnance.

Quand il s’agit de lessive, la publicité comparative peut avoir des vertus, mais elle est catastrophique pour les denrées alimentaires. Un exemple : à la télévision, lorsque vous comparez le prix du jambon, vous niez la différence entre un jambon produit selon des critères qualitatifs et un jambon industriel produit en très gros volume… Ce type de publicité est excessivement trompeur et ses conséquences sont extrêmement graves pour les producteurs. Je le sais, le sujet est complexe au regard du droit de la concurrence, mais, alors que vous demandez au Parlement de vous habiliter à légiférer par ordonnance, vous ne devez pas exclure ce champ de la réflexion.

M. Thierry Benoit. À ce stade de nos travaux, les réponses de Mme la ministre ou du rapporteur sur des sujets aussi importants m’inquiètent… Les travaux des États généraux de l’alimentation ont fait naître une espérance énorme dans le pays, notamment chez les agriculteurs. Depuis hier soir, nous nous penchons sur les contrats, les sanctions, les habilitations.

J’estime que les avancées sont insuffisantes pour améliorer les revenus des agriculteurs et rééquilibrer les relations avec les industriels, mais surtout avec la grande distribution et les centrales d’achat. Peut-être l’examen des articles suivants me donnera-t-il tort… Je veux bien faire confiance au Gouvernement, à M. le ministre de l’agriculture – que je connais un peu – et à Mme la secrétaire d’État – que je ne connais pas. Mais, à ce stade, je suis inquiet, les réponses apportées sur les sujets cruciaux n’étant pas à la hauteur des enjeux.

M. Jérôme Nury. Je partage ces inquiétudes, notamment par rapport aux marques de distributeurs. Mme la secrétaire d’État a précisé que l’ordonnance « permet » de les inclure, mais n’affirme pas qu’elle va les concerner. L’engagement du Gouvernement doit être beaucoup plus ferme car la rédaction des ordonnances échappera au Parlement. Votre bonne foi ne peut suffire car nous savons bien que la grande distribution réalise ses marges sur ces marques. Vous devez plus clairement vous engager à ce sujet !

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Dans l’esprit des EGA, l’encadrement des promotions concernera bien l’ensemble des denrées alimentaires, y compris les marques de distributeurs. Je vous confirme notre intention de l’inscrire dans l’ordonnance.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine en discussion commune les amendements identiques CE1182 de M. Gilles Lurton, CE1221 de Mme Graziella Melchior et CE1638 de M. Sébastien Jumel, les amendements identiques CE2071 de M. Richard Ramos et CE2067 de M. Julien Dive, qui font lobjet du sous-amendement CE2122 de M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur, les amendements identiques CE1512 de Mme Monique Limon et CE1915 de M. Thierry Benoit.

M. Julien Dive. Notre amendement CE1182 vise à élargir l’encadrement en valeur et en volume des promotions à toutes les denrées alimentaires.

Mme Graziella Melchior. L’amendement CE1221 précise que les promotions concernent tous les aliments sans restriction, y compris les aliments pour chiens et chats.

M. André Chassaigne. Les « denrées alimentaires » sont un terme restrictif puis qu’il ne s’agit que des produits ingérés par les êtres humains. Par ailleurs, le terme de « denrées » est également restrictif, car il n’inclut pas, par exemple, les huiles végétales. Si nous souhaitons que ces dispositions s’appliquent largement, il faut remplacer « denrées alimentaires » par « denrées et produits destinés à l’alimentation humaine ou animale ». L’amendement CE1638 permet de résoudre ces deux difficultés. Je ne doute pas que je vous aurai convaincus !

M. Julien Dive. M. Chassaigne vient d’exposer partiellement l’esprit de cette modification. Pour autant, l’alimentation animale comprend à la fois l’alimentation des animaux familiers et celle des bestiaux – farines animales par exemple. Notre amendement CE2067 – qui a été sous-amendé par le rapporteur – ne vise que l’alimentation destinée aux animaux familiers. C’est un pan particulier de l’industrie agroalimentaire – la filière des pet food – qui contribue à l’équilibre de notre balance commerciale et représente 6 500 emplois directs.

M. Nicolas Turquois. Je me trouve encore à défendre l’amendement CE2071 de mon collègue Ramos. Être associé systématiquement aux animaux domestiques pourrait compromettre ma carrière politique… (Sourires.)

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis favorable aux amendements CE2071 et CE2067 sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement CE2122. Il vise à substituer à la notion d’« animal familier », qui n’est pas définie dans le code rural et de la pêche maritime, celle d’« animal de compagnie », précisée à l’article L. 214-6.

M. Éric Bothorel. L’amendement CE1512 vise à préciser l’encadrement en valeur et en volume des opérations promotionnelles pour l’ensemble des aliments, sans restrictions. Je propose d’insérer à l’alinéa 3 « y compris des produits destinés à l’alimentation animale ». Je pensais donner le nom de mon chien – Kawabunga – à cet amendement, comme cela tout le monde le connaîtra !

Suite à l’intervention de ma collègue bretonne, je me souviens que dans les Côtes d’Armor – chez moi – certains députés expliquaient il y a quelques semaines aux agriculteurs qu’ils n’auraient pas leur mot à dire sur le projet de loi, puisque tout serait modifié par ordonnance. Je n’ai pas l’impression que cette commission fait du tricot depuis hier soir ! J’ai le sentiment qu’on avance. Je ne sais pas où l’on arrivera, mais la loi se fait ici et les débats se poursuivront dans l’hémicycle.

M. le président Roland Lescure. Après la fille de M. Jumel, nous connaissons désormais le chien de M. Bothorel. Cette commission travaille en famille !

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Le Gouvernement est également favorable aux amendements CE2071 et CE2067, tels que sous-amendés par le rapporteur.

M. André Chassaigne. J’admire votre faculté à faire évoluer la sémantique ! Par définition, les denrées alimentaires ne concernent que les produits ingérés par des êtres humains. Je comprends que vous préfériez adopter les amendements venant de certains groupes politiques… Mais, sur le fond, cette modification est restrictive puisqu’elle ne concerne que les animaux de compagnie.

La commission rejette les amendements CE1182, CE1221 et CE1638.

Elle adopte le sous-amendement CE2122, puis les amendements CE2071 et CE2067 ainsi sous-amendés.

En conséquence, les amendements CE1512 et CE1915 tombent.

La commission en vient à lamendement CE141 de M. Sébastien Leclerc.

M. Vincent Rolland. Dans le souci de mieux faire respecter la réglementation, il est proposé de prévoir, pour non-respect des dispositions contenues à l’article 9, des sanctions administratives plutôt que des sanctions pénales, celle-ci étant rarement appliquées.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les articles 9 et 10 ne précisent pas si les dispositions seront sanctionnées par des sanctions administratives ou pénales. Il s’agit d’une précision nécessaire. Avis favorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Le Gouvernement prévoit en effet que les dispositions relatives à l’encadrement des promotions couvertes par l’objet des ordonnances prévues à l’article 9 du projet de loi soient assorties de sanctions administratives. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE5 de M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte. Pour contourner l’interdiction de la vente à perte, il arrive que des grandes surfaces accordent des réductions très importantes sur des achats à venir, sous condition de l’achat préalable d’un même produit. Vu l’ampleur des remises accordées, cette promotion s’apparente à une vente à perte. Il convient donc de mieux encadrer ces pratiques.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Sagesse.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. L’avis du Gouvernement est défavorable car l’habilitation n’est pas restrictive. Elle permet déjà d’encadrer l’intégralité des promotions, qu’elles soient immédiates ou différées. Par ailleurs, la faisabilité technique de l’encadrement des promotions différées n’est pas avérée.

M. Rémi Delatte. Je ne suis pas sûr que vous répondiez au problème que soulève mon amendement. J’ai l’exemple récent d’une grande surface qui, pour un achat au rayon vins et spiritueux, a proposé une réduction importante sur l’achat suivant effectué dans le même rayon. Cela s’assimile bien à de la vente à perte. Et on sait que, souvent, c’est le producteur qui pâtit de ces pratiques. Je préfère donc la sagesse de M. le rapporteur.

M. Grégory Besson-Moreau. Il ne me semble pas que le texte encadre la question des promotions différées, et il serait donc souhaitable que la ministre nous donne davantage d’explications.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Vous citez l’exemple d’une promesse de réduction sur un achat ultérieur : dans ce cas, la question qui se pose est de savoir si, techniquement, l’encadrement de la promotion doit porter sur la première vente ou sur la seconde, ce qui n’a pas encore été arrêté. C’est la raison pour laquelle l’habilitation, telle qu’elle est rédigée, n’est pas restrictive, car nous devons retravailler sur le sujet.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE408 de M. Vincent Descoeur, CE422 de Mme Véronique Louwagie et CE1272 de M. Pierre
Morel-À-LHuissier.

M. Vincent Descoeur. L’encadrement des promotions est une disposition bienvenue, mais il serait souhaitable qu’elle s’applique par produit et que des engagements chiffrés soit inscrits dans la loi.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous avons déjà abordé la question de l’encadrement des promotions, et je fais confiance au Gouvernement pour respecter l’esprit des EGA. Avis défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Nous restons très attachés à l’esprit des EGA, qui sera inscrit dans l’ordonnance, et nous sommes donc défavorable à l’amendement.

La commission rejette les amendements.

Elle examine lamendement CE2027 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il vise à inscrire dans la loi que le projet de loi de ratification sera déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance, ce qui avait été oublié dans le texte original.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Le Gouvernement est favorable à cet amendement fort utile.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte larticle 9 modifié.

Après l’article 9

La commission examine les amendements identiques CE1193 de M. Antoine Herth et CE1799 de M. Dominique Potier.

M. Antoine Herth. Cet amendement a pour objet de durcir et d’uniformiser les sanctions applicables à la vente à perte.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Les entreprises ayant commis une infraction de revente à perte encourent une amende pénale de 75 000 euros, ce qui correspond à la fourchette haute de la majorité des amendes administratives prévues par le code de commerce. Compte tenu de la gravité des faits, le Gouvernement souhaite que le dispositif soit maintenu dans la sphère pénale. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE448 de Mme Barbara Bessot Ballot et CE1964 de M. Charles de Courson

Mme Barbara Bessot Ballot. L’objectif est d’empêcher que le revenu des producteurs et fournisseurs soit amputé de frais qui relèvent de la mission du distributeur. La loi Galland et la loi Dutreil ont déjà abordé la question des marges arrière, ou rétrocessions, que la grande distribution fait peser sur ses fournisseurs.

M. Antoine Herth. Dans le même esprit, notre amendement précise la manière dont est calculé le seuil de revente à perte (SRP), puisque ces « avantage financiers » qui ont été introduits par la loi de 2005 compliquent le contrôle de ces seuils de revente à perte et empêchent de les corriger. Nous souhaitons donc supprimer cette notion d’avantages financiers consentis par le vendeur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il est vrai que les contours de cette notion sont flous, mais une telle suppression ne conduira pas à la disparition de ces pratiques. En outre, supprimer cette minoration dans le calcul du SRP conduira de fait à le relever davantage. Avis défavorable à ces deux amendements.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Même avis.

Les règles applicables avant la loi du 2 août 2005 avaient conduit à une inflation significative. Par ailleurs, les services du ministère de l’économie et des finances sont parfaitement capables de contrôler ce SRP, tel que la loi détermine son calcul.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Elle en vient à lamendement CE1104 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je propose d’étendre aux produits agricoles le principe de l’interdiction de la vente à perte.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Un tel mécanisme est excessivement complexe à appliquer aux produits agricoles, et ses effets collatéraux difficiles à anticiper. Il n’y a pas, dans ce domaine, un prix mais une multitude de prix. Avis défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. L’article L. 442-9 du code de commerce prévoit déjà une action en responsabilité en cas de prix de cession abusivement bas, dispositions que l’article 10 du présent projet de loi entend précisément élargir. Avis défavorable.

M. André Chassaigne. Je préfère les arguments que m’oppose la ministre à ceux du rapporteur…

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1207 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Il s’agit d’introduire une exception à l’interdiction de la vente à perte pour les produits saisonniers, par exemple les dindes de Noël.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Certaines productions – le porc, les fruits et légumes – ont besoin de pouvoir être dégagées à certains moments, et la rigidité introduite par cet amendement serait contreproductive dans ces filières. Avis défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Article 10
Habilitation du Gouvernement à clarifier et à adapter, par ordonnance, le code de commerce

1.   L’état du droit

L’article 10 du projet de loi habilite le Gouvernement à modifier par ordonnances le titre IV du livre IV du code de commerce, intitulé « De la transparence, des pratiques restrictives de concurrence et dautres pratiques prohibées ». Ses dispositions s’attachent à réprimer les pratiques révélatrices d’un rapport de forces déséquilibré entre les partenaires commerciaux, concourant ainsi à assurer la protection de l’ordre public économique. Plus précisément, cette partie du code de commerce comprend un chapitre préliminaire consacré à la commission d’examen des pratiques commerciales ; un chapitre 1er relatif à la transparence des relations commerciales ; un chapitre II portant sur les pratiques restrictives de concurrence, et enfin un chapitre III traitant des autres pratiques prohibées.

Le titre IV du livre IV du code de commerce a fait l’objet de nombreuses réformes successives, parmi lesquelles figurent les réformes suivantes : la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales ; la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs ; la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation ; la loi n° 2015-988 du 6 août 2015 la croissance, lactivité et légalité des chances économiques ; et récemment la loi n° 2009-1524 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Cette dernière a eu pour ambition d’encadrer les relations commerciales entre les professionnels, notamment entre les grossistes et les distributeurs qui se sont vus reconnaître la possibilité de conclure un contrat-cadre pour une période maximale de trois années.

a.   Les règles de facturation

Les règles de facturation font référence aux conditions de règlement entre partenaires commerciaux. Les conditions de règlement doivent être mentionnées dans les conditions générales de vente, comme le prévoit l’article L. 441-6 du code de commerce. Conformément au neuvième alinéa de l’article L. 441-6, « le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l’article 289 du code général des impôts, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d’émission de la facture ». Ainsi, le renvoi au code général des impôts ne vise que les hypothèses de facture périodique telles que définies par ce code.

Le plafonnement des délais de paiement a été introduit par la loi n° 2008‑776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Elle a prévu des dispositions dérogatoires aux délais de droit commun, notamment pour les denrées alimentaires, eu égard à leur caractère périssable. Plus précisément, le délai de paiement des produits périssables, tels que les plats cuisinés, les viandes et poissons congelés est de trente jours après la fin de la décade de livraison. Pour la viande fraîche, le délai est de vingt jours après la livraison.

Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation précitée, le manquement au respect des délais de paiement est susceptible d’être sanctionné par une amende. La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique précitée a renforcé les sanctions pour retard de paiement, qui peuvent atteindre 2 millions d’euros. En effet, il est à noter que l’article L. 441-6 dispose que « sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et deux millions d’euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième, onzième et dernier alinéas du I du présent article, le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa du même I, le fait de fixer un taux ou des conditions d’exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa ainsi que le fait de ne pas respecter les modalités de computation des délais de paiement convenues entre les parties conformément au neuvième alinéa dudit I ». Sont également interdites les clauses ou les pratiques qui ont pour effet de retarder abusivement le point de départ des délais de paiement.

b.   Les conditions générales de vente

Les conditions générales de vente sont régies par l’article L. 441-6 du code de commerce et comprennent les conditions de vente, le barème des prix unitaires, les réductions de prix et les conditions de règlement. Ainsi, elles revêtent une importance prééminente dans l’équilibre des relations commerciales en ce qu’elles s’attachent notamment à définir les critères et les modalités de détermination des prix.

L’établissement d’un barème de prix n’est pas obligatoire pour les produits agricoles dans la mesure où les prix sont soumis à des fluctuations de cours. Concernant les réductions de prix, les conditions générales de vente doivent faire figurer le montant et les modalités selon lesquelles un acheteur peut bénéficier de réductions de prix qui peuvent consister en des rabais, des ristournes ou des remises. La Cour de cassation affirme constamment que les rabais et les ristournes accordées à titre occasionnel et donc promotionnel font partie des informations communicables au distributeur.

De plus, il existe des conditions générales de vente catégorielles qui permettent à tout producteur, prestataire de services ou grossiste d’établir des conditions différenciées selon les catégories d’acheteur. En ce sens, un fournisseur peut établir différentes conditions en fonction de catégories d’acheteur définies selon des critères objectifs. L’instauration de ces catégories ne doit pas constituer un acte de concurrence déloyale, créer un déséquilibre significatif dans la relation entre fournisseur et distributeur ou constituer un abus de position dominante. Il est possible d’établir, au sein d’une même catégorie, des conditions particulières de vente selon que l’acheteur est un grossiste, une grande surface alimentaire ou un opérateur de vente à distance (commerce en ligne notamment).

Par ailleurs, il convient de relever que le non-respect de l’obligation de communication des conditions générales de vente à la demande de l’acheteur est une pratique restrictive de concurrence, sanctionnée par l’article L. 442-6 du code de commerce.

c.   La négociation commerciale annuelle

Les relations contractuelles entre les fournisseurs et les distributeurs ou les prestataires de services, et entre les fournisseurs et les grossistes se cristallisent au moment de la signature de la convention unique annuelle, qui résulte de la négociation commerciale annuelle.

L’article L. 441-7 du code de commerce oblige les fournisseurs à conclure avec les distributeurs une convention unique, comprenant le plan d’affaires c’est‑à‑dire :

– les conditions de l’opération de vente des produits ou des prestations de services, y compris les réductions de prix ;

– les conditions dans lesquelles le distributeur ou le grossiste s’oblige à rendre tout service propre à favoriser la commercialisation des produits vendus par le fournisseur, et qui ne relève pas des obligations d’achat et de vente ;

– les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale en précisant pour chacune l’objet, la date prévue et les modalités d’exécution, ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à ces obligations.

Cette convention doit être conclue avant le 1er mars de chaque année. Toutefois, la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique précitée ouvre la possibilité aux fournisseurs de conclure avec les distributeurs ou les grossistes un contrat‑cadre d’une durée maximale de 3 ans.

Le terme de fournisseur recouvre à la fois celui de producteur, de prestataire de services, de grossiste ou d’importateur. Une centrale d’achat est qualifiée de prestataire de services.

Toutefois, les dispositions relatives à la convention unique ne sont pas applicables aux produits agricoles mentionnés à l’article L. 441-2-1, alinéa 1, du code de commerce aux termes duquel « pour les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l’aquaculture, figurant sur une liste établie par décret, un distributeur ou prestataire de services ne peut bénéficier de remises, rabais et ristournes ou prévoir la rémunération de services rendus à l’occasion de leur revente, propres à favoriser leur commercialisation et ne relevant pas des obligations d’achat et de vente, ou de services ayant un objet distinct, que si ceux‑ci sont prévus dans un contrat écrit portant sur la vente de ces produits par le fournisseur. Ce contrat comprend notamment des clauses relatives aux engagements sur les volumes, aux modalités de détermination du prix en fonction des volumes et des qualités des produits et des services concernés et à la fixation d’un prix. Il indique les avantages tarifaires consentis par le fournisseur au distributeur au regard des engagements de ce dernier ». Conformément à l’article D. 441-2 du code de commerce, sont concernés par ces dispositions les fruits et légumes, les viandes issues de volailles et de lapin, les œufs et les miels.

En application de l’article L. 441-7-1, les relations entre fournisseurs et grossistes bénéficient d’un formalisme allégé.

Le recours nécessaire à un contrat écrit de vente par le fournisseur procède de la volonté de protéger les producteurs contre les pratiques de distributeurs visant à obtenir des rabais, remises ou ristournes sans contrepartie équitable. Néanmoins, l’objectif de ce dispositif est contourné dans les faits par les pratiques commerciales des grands distributeurs.

d.   Les pratiques commerciales restrictives de concurrence

L’article L. 442-6 établit la liste des treize pratiques qui constituent une pratique restrictive de concurrence, parmi lesquelles le fait :

– d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu (1°) ;

– de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (2°) ;

– d’obtenir ou de tenter d’obtenir un avantage préalable à la passation d’une commande (de marchandise ou de services) sans l’assortir d’un engagement écrit sur un volume d’achat ou sur un service (3°) ;

– d’obtenir ou de tenter d’obtenir des conditions manifestement abusives sur les prix et les conditions de vente sous la menace d’une rupture brutale des relations commerciales (4°) ;

– de rompre brutalement une relation commerciale établie sans préavis (5°). Initialement, cette disposition visait à lutter contre des déréférencements abusifs par les distributeurs ;

– de procéder au refus ou au retour de marchandises ou de réduire d’office du montant de la facture des pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’une date de livraison ou à la non-conformité des marchandises (8°) ;

– de régler ou facturer une commande de produits ou de prestations de services à un prix différent du prix convenu (12°)

Deux pratiques ont été ajoutées à la liste des pratiques répréhensibles par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique précitée :

– imposer une clause de révision de prix ou une clause de renégociation du prix, par référence à un ou plusieurs indices publics sans rapport direct avec les produits ou les prestations de service qui sont l’objet de la convention (7°) ;

– soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des pénalités de retard de livraison en cas de force majeure (13°).

Ces pratiques engagent la responsabilité civile de l’auteur, qu’il soit producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers.

Il n’est pas nécessaire de rechercher l’objet ou l’effet anticoncurrentiel de ces pratiques sur le marché pour qu’elles soient qualifiées de pratiques restrictives de concurrence et non de pratiques anticoncurrentielles. Il est à noter que le champ d’application de l’article L. 442-6 est très large puisqu’il vise toutes les activités de production, de distribution et de services. Dans sa décision QPC du 13 mai 2011, Société Système U Centrale nationale et autre ([36]), le Conseil constitutionnel a affirmé la constitutionnalité de l’article L. 442-6, estimant qu’« eu égard aux objectifs de préservation de l’ordre public économique qu’il s’est assignés, le législateur a opéré une conciliation entre le principe de la liberté d’entreprendre et l’intérêt général tiré de la nécessité de maintenir un équilibre dans les relations commerciales ». C’est au législateur qu’il revient de déterminer les contours de l’ordre public économique, le Conseil se bornant à contrôler la proportionnalité de la conciliation opérée par la loi. La préservation de l’équilibre des relations commerciales est une composante de cet ordre public économique.

En ce sens, les clauses relatives au prix sont susceptibles de constituer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. La notion de déséquilibre significatif revêt un intérêt majeur dans la fixation de l’équilibre des relations entre les fournisseurs et la grande distribution. Conformément à la jurisprudence, un tel déséquilibre doit être apprécié au regard du contrat pris dans sa globalité.

Dans sa décision QPC du 13 janvier 2011, Établissements Darty et Fils ([37]), le Conseil constitutionnel affirme que l’existence d’un déséquilibre significatif est susceptible de constituer une infraction sanctionnée sous la forme d’une amende civile. Plus largement, le Conseil estime que le maintien de l’ordre public dans l’équilibre des relations commerciales laisse au législateur la possibilité d’assortir la violation de certaines obligations d’une amende civile, à la condition de respecter les exigences des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789.

Dans un récent arrêt du 25 janvier 2017 ([38]), la Cour de cassation rejette le pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 1er juillet 2015 qui avait condamné la société Le Galec à restituer à 46 fournisseurs 61 millions d’euros de ristournes de fin d’année. Par cette décision, la Cour de cassation affirme, au moyen d’une interprétation constructive de l’article L. 442-6, que le déséquilibre significatif permet un contrôle judiciaire du prix. Elle procède ainsi au renforcement du contrôle des pratiques constituant un déséquilibre significatif entre fournisseurs et distributeurs. Cette interprétation jurisprudentielle restrictive, favorable à une intervention du juge dans la construction de l’équilibre contractuel, doit orienter l’action du législateur dans le projet de loi ([39]).

e.   La pratique des prix de cession « abusivement bas »

L’article L. 442-9 du code de commerce dispose qu’« engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de pratiquer ou de faire pratiquer, en situation de crise conjoncturelle telle que définie par l’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime, des prix de première cession abusivement bas ». L’appréciation du caractère abusivement bas du prix pratiqué s’effectue au regard du prix de revient du vendeur. Sont principalement visés les prix effectués par les distributeurs sur les produits fabriqués ou transformés par eux. C’est pour cette raison que ces pratiques ne sont pas couvertes par l’interdiction de la revente à perte car il n’y a pas « revente » de produits en l’état.

Cette pratique peut être sanctionnée si elle a pour objet ou pour effet d’éliminer d’un marché ou d’empêcher d’accéder à un marché une entreprise ou l’un de ses produits. De plus, elle doit revêtir un caractère permanent et étendu. La DGCCRF et l’Autorité de la concurrence constatent l’existence de ces pratiques dans les conditions fixées par l’article L. 450-1 du code de commerce.

L’application de l’article L. 442-9 est subordonnée à l’existence d’une situation de crise conjoncturelle. Conformément à l’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime, une telle situation « affectant ceux des produits figurant sur la liste prévue à l’article L. 441-2-1 du code de commerce est constituée lorsque le prix de cession de ces produits par les producteurs ou leurs groupements reconnus est anormalement bas par rapport à la moyenne des prix observés lors des périodes correspondantes des cinq dernières campagnes, à l’exclusion des deux périodes au cours desquelles les prix ont été respectivement le plus bas et le plus élevé ».

La responsabilité civile du vendeur est également engagée s’il exige de son fournisseur, en situation de forte hausse des cours de certaines matières premières agricoles, des prix de cession abusivement bas. Ce ne sont pas les prix de première cession qui sont visés mais ceux qui interviennent dans les contrats postérieurs. Cette disposition est destinée à éviter que, dans une situation d’envolée des prix des matières premières agricoles, le transformateur de ces matières premières soit empêché de répercuter cette hausse dans ses tarifs.

2.   Le projet de loi

Cet article prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois suivant la publication de la loi, des mesures relevant du domaine de la loi pour modifier le titre IV du livre IV du code de commerce (alinéa premier).

L’alinéa 2 (1°) prévoit largement de réorganiser ce titre et de clarifier ses dispositions, notamment en supprimant les dispositions devenues sans objet et en renvoyant, le cas échéant, à d’autres codes.

L’alinéa 3 (2°) prévoit de clarifier les règles de facturation, en les harmonisant avec les dispositions du code général des impôts et de modifier en conséquence les sanctions relatives aux manquements à ces règles.

L’alinéa 4 (3°) prévoit de préciser les dispositions relatives aux conditions générales de vente et mettre en cohérence les dispositions relatives aux produits agricoles et alimentaires, et plus précisément les références applicables aux critères et aux modalités de détermination des prix avec le code rural et de la pêche maritime.

L’alinéa 5 (4°) prévoit de simplifier les dispositions relatives aux conventions conclues entre les fournisseurs et les distributeurs ou les prestataires de services et entre les fournisseurs et les grossistes. Le Gouvernement demande également à préciser le régime des avenants à ces conventions.

L’alinéa 6 (5°) habilite le Gouvernement à simplifier et à préciser les définitions des pratiques visées à l’article L. 442-6 du code de commerce, notamment en ce qui concerne la rupture brutale des relations commerciales et les voies d’action en justice y afférentes.

L’alinéa 7 (6°) prévoit d’étendre le champ d’application de l’action en responsabilité telle que prévue par l’article L. 442-9 concernant la pratique des prix abusivement bas.

L’étude d’impact ne donne pas le détail du contenu des ordonnances à prévoir. Le Gouvernement n’a pas été en mesure de donner au rapporteur des informations sur les mesures qu’il envisage de prendre en dehors de mesures de clarification et de simplification « à droit constant ».

3.   La position de votre rapporteur

Le projet de loi s’attache à redéfinir la tension qui anime les rapports entre le secteur agricole et alimentaire et les règles issues du code de commerce. Le renforcement de l’équité et de l’équilibre des relations commerciales dans le secteur visé suppose de modifier les dispositions pertinentes du titre IV du livre IV du code de commerce.

Les finalités assignées à cette habilitation résident dans l’amélioration de la lisibilité des dispositions et dans le renforcement de l’efficacité de ces dernières, conformément à la volonté affichée par les conclusions du septième atelier des États généraux de l’alimentation.

Le rééquilibrage des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire suppose de remédier aux dysfonctionnements des négociations commerciales. La logique initiée par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique n’a pas été poussée à son terme. Lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, de nombreux députés ont fait part de leur volonté de réformer ce titre IV du livre IV du code de commerce.

Les modifications apportées au titre IV du livre IV doivent être conçues à l’aune de l’esprit général du projet de loi, à savoir le renforcement de la place du producteur et des OP dans la définition de l’équilibre des relations commerciales. De la sorte, les producteurs et les OP doivent apparaître comme des parties prenantes à ces relations, ce qui repose sur une meilleure prise en compte des coûts de production par les acteurs agroalimentaires.

À cet égard, il faut considérer le développement des centrales d’achat basées à l’étranger et leur capacité à négocier des produits achetés et vendus en France. Ce phénomène se caractérise par le contournement des règles de droit économique applicable en France. Dès lors, les modifications portant sur le titre IV du livre IV doivent s’attacher à dissuader les opérateurs de recourir aux services proposés par ces centrales d’achat.

Plus largement, il importe de remédier à l’inefficacité manifeste du droit des pratiques restrictives de concurrence prévues par l’article L. 442-6 du code de commerce. En ce sens, dans son rapport publié en janvier 2018 sous la codirection de M. Guy Canivet de M. Frédéric Jenny, le club des juristes a formulé des propositions tendant à réformer le droit des pratiques restrictives de concurrence. D’ailleurs, les auteurs du rapport ont pris acte des EGA, « destinés, dans le contexte d’une nouvelle crise, à répondre à un double impératif d’assurer un revenu décent aux agriculteurs tout en répartissant plus équitablement la valeur dans la chaîne de l’industrie agroalimentaire » pour mettre en doute l’efficacité des pratiques restrictives de concurrence. Néanmoins, le Club des juristes relève que « dans le cadre des États généraux de l’alimentation réunissant l’ensemble les producteurs, des transformateurs et des distributeurs du secteur, aucun de ces opérateurs n’a demandé la suppression de l’interdiction des pratiques restrictives de concurrence et en particulier de l’interdiction de la revente à perte, estimant au contraire, avec une quasi-unanimité, que ces dispositions devaient être réaménagées, notamment en s’appuyant sur un renforcement des dispositions encadrant les conventions conclues entre fournisseurs et distributeurs (L. 442-7 et suivants du code de commerce, L. 631-24 et suivants du code rural et de la pêche maritime) ». C’est souligner que l’heure est à une actualisation des dispositions du code de commerce à l’aune du renforcement de l’équité au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. La proposition de directive publiée le 12 avril 2018 par la Commission européenne devrait concourir pleinement à la réalisation de cet objectif. 

En ce sens, l’esprit général de la proposition de directive précitée réside dans l’encadrement des pratiques commerciales déloyales. Il doit être pris en compte dans la rédaction des ordonnances, en ce qu’il témoigne d’une volonté commune d’action partagée par l’Union européenne et le législateur français. Cette directive devra faire l’objet de mesures législatives et règlementaires de transposition dès lors qu’elle aura été adoptée par le Parlement européen et le Conseil.

Sont visées expressément les pratiques qui ont cours entre un distributeur doté d’un poids économique important sur le marché, et un fournisseur doté d’une moindre capacité d’influence dans les négociations. Ainsi, la proposition de directive s’attache pertinemment à rééquilibrer les rapports de forces entre des acteurs pourvus d’un pouvoir de marché significativement inégal.

À cet égard, dans le respect des règles de droit de la concurrence applicables au marché intérieur, le projet de texte européen envisage de prohiber les  pratiques  suivantes :

– les annulations de commande en dernière minute ;

– les modifications unilatérales ou rétroactives des contrats ;

– le fait d’obliger le fournisseur à rembourser les produits gaspillés.

Par ailleurs, il est prévu que les pratiques mentionnées ci-dessous ne seront admises que si elles sont définies en des termes clairs et univoques par les parties :

– le renvoi au fournisseur, par l’acheteur, des denrées alimentaires invendues ;

– le fait qu’un fournisseur doive verser une avance à l’acheteur pour obtenir ou maintenir un accord d’approvisionnement portant sur des denrées alimentaires;

– le financement, par le fournisseur, de la promotion ou de la commercialisation des produits alimentaires vendus par l’acheteur.

Il ressort clairement de ces propositions que les relations entre les professionnels du secteur agroalimentaire doivent être davantage encadrées, ce qui nécessite notamment de limiter les possibilités de pratiquer des réductions de prix. La convention unique entre fournisseur et distributeur ou prestataire de services doit dès lors être repensée à l’aune d’une meilleure prise en considération des intérêts économiques des producteurs. Il s’agit là d’un instrument privilégié de revalorisation des produits alimentaires et, en somme, de concrétisation de l’économie générale du projet de loi.

Les règles de facturation (2°) sont l’un des éléments structurants de la relation entre les fournisseurs et les distributeurs ou les prestataires de services, et entre les fournisseurs et les grossistes. Les délais de paiement des denrées alimentaires sont dérogatoires au droit commun, compte tenu de leur caractère périssable. Coexistent ainsi des délais de paiement différenciés selon que la denrée considérée est périssable ou non. Cette hétérogénéité est source de complexité juridique. Par ailleurs, le montant des amendes pourrait être augmenté afin de renforcer leur vocation dissuasive. La proposition de directive précitée prévoit l’interdiction de la pratique consistant pour un acheteur de produits périssables à payer son fournisseur au-delà d’un délai de trente jours après réception de la facture d’achat ou après réception desdits produits.  Les conditions générales de vente (3°) comprennent les éléments constitutifs de la relation commerciale, notamment les barèmes de prix unitaire et les réductions de prix. Le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement en valeur et en volume des opérations commerciales telles que prévus par l’article 9 du projet de loi concourent à renforcer les obligations pesant sur l’acheteur dans sa pratique de réduction de prix. De plus, l’article 1er du projet de loi dispose que le contrat écrit proposé par le producteur comprend nécessairement des clauses relatives au prix ou aux critères et modalités de détermination et de révision du prix, prenant en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production agricole ou à l’évolution de ces coûts. Il convient de préciser la disposition selon laquelle le barème de prix n’est pas obligatoire pour les produits eu égard aux fluctuations de cours. Enfin, les dispositions relatives aux conditions selon lesquelles un acheteur peut bénéficier de réductions de prix doivent être strictement encadrées afin de préserver la valeur des produits agricoles commercialisés.

La convention unique conclue entre le fournisseur et le distributeur (4°) établit notamment les conditions de l’opération de vente des produits, parmi lesquelles figurent les réductions de prix. Le projet de loi s’attache à renforcer la place du producteur dans la définition de l’équilibre des relations commerciales. Sera-t-il suffisant pour assurer un équilibre face à la distribution ?

Les pratiques restrictives de concurrence consacrées par l’article L. 442-6 du code de commerce (5°) font l’objet d’une jurisprudence abondante et éminemment constructive. L’appréciation jurisprudentielle développée par la Cour de cassation illustre le rôle croissant du juge judiciaire dans la définition et la préservation de l’équilibre des relations commerciales. À ce propos, l’affirmation du contrôle judiciaire du prix par la Cour de cassation dans son arrêt précité du 25 janvier 2017, Le Galec, invite à adopter des définitions rigoureuses des pratiques restrictives de concurrence. Cette rigueur se justifie par la nécessité de contrecarrer les pratiques de la grande distribution et, in fine, de concourir à une répartition juste de la valeur économique des produits tout au long de la chaîne de valeur alimentaire. Eu égard au rôle prégnant du juge dans la garantie de l’ordre public économique, il convient également de préciser les conditions dans lesquelles de telles pratiques peuvent donner lieu à la mise en œuvre d’actions en justice.

Le champ d’application de l’action en responsabilité prévue par l’article L. 442-9 du code de commerce (6°) revêt un caractère limité. En effet, l’engagement de la responsabilité du fait de la pratique de prix de cession abusivement bas est subordonné à l’existence d’une situation de crise conjoncturelle. Il en résulte que l’article L. 442-9 est rarement mis en œuvre. En ce sens, il conviendrait de supprimer la condition afférente à la situation de crise conjoncturelle.

4.   La position de votre commission

La commission a adopté l’amendement présenté par M. Vincent Descoeur et plusieurs de ses collègues réduisant le délai habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances de neuf à six mois. 

Elle a par ailleurs adopté quatre amendements du Gouvernement qui prévoient de compléter l’habilitation afin de lui permettre de simplifier les modalités de détermination des sanctions prévues au III de l’article L. 442‑6 du code de commerce. Une telle simplification est nécessaire notamment s’agissant de la règle, qui soulève des difficultés pratiques de mise en œuvre, selon laquelle le montant de ces sanctions, lorsqu’elles ne sont pas forfaitaires, doit être calculé sur la base des sommes indûment perçues ou proportionné aux avantages tirés du manquement.

La commission a adopté l’article 10 ainsi modifié.

*

*     *

La commission examine en discussion commune les amendements identiques CE516 de M. Thibault Bazin, CE604 de M. Fabrice Brun, CE807 de M. Jean-Pierre Vigier, CE902 de M. Antoine Herth, CE 1 078 de M. Martial Saddier, CE1215 de M. Rémy Rebeyrotte, CE1894 de M. Thierry Benoit et lamendement CE60 de M. Vincent Descoeur.

M. Thibault Bazin. Afin que le Gouvernement mette en place une nouvelle réglementation avant le début des négociations commerciales 2019, il vous est proposé de raccourcir de neuf à trois mois le délai d’habilitation.

M. Antoine Herth. Il y a deux manière de lutter contre des ordonnances, soit en rallongeant tellement le délai d’habilitation qu’elles ne sont jamais appliquées, soit en raccourcissant ce délai pour le porter à une date la plus proche possible du débat parlementaire…

M. Martial Saddier. Nous souhaitons que le Gouvernement puisse nous éclairer au mieux et le plus rapidement possible.

M. Rémy Rebeyrotte. Je retire mon amendement.

Lamendement CE1215 est retiré.

M. Vincent Descoeur. Nous proposons pour notre part d’abaisser ce délai à six mois.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces amendements visent à raccourcir le délai d’habilitation du Gouvernement afin que les changements législatifs entrent en vigueur avant les négociations commerciales pour l’année 2019. Je laisse le Gouvernement juge : sagesse.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Cette réduction du délai ne nous semble pas raisonnable compte tenu du caractère technique du texte et des consultations nécessaires. Nous avons conscience que le délai de neuf mois est long, et nous avons, comme vous, la volonté que ces dispositions entrent en vigueur avant le prochain cycle de négociations. Nous serions donc prêts à transiger pour un délai de six mois.

M. Thibault Bazin. Nous débattons ce texte en procédure accélérée. Le temps que nous l’examinions len séance, qu’il aille ensuite au Sénat et que la CMP se réunisse, est-on assurés que la loi pourrait être définitivement adoptée le 30 juin ? Dans ce cas, un délai de six mois peut convenir ; sinon, il faudra le raccourcir davantage.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’examen du texte par votre assemblée a été décalé à cause de la loi ferroviaire, mais l’examen au Sénat aura lieu aux dates convenues, lesquelles avaient été fixées pour que nous soyons prêts pour les négociations commerciales. Il n’y a donc pas de difficulté particulière.

M. Thibault Bazin. Nous retirons nos amendements au profit de l’amendement CE60 de M. Descoeur, qui propose un délai de six mois.

Les amendements CE516, CE604, CE807, CE902, CE 1 078 et CE1894 sont retirés.

La commission adopte lamendement CE60.

Elle examine lamendement CE449 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. On écoute rarement ceux qui ont l’expérience des négociations dans la grande distribution et qui pourraient vous parler des pratiques de voyou qui ont cours dans les box de négociations, ce que les représentants de la grande distribution ne vous raconteront jamais. À cet égard, le SRP est une spécificité française, qui n’existe pas dans les autres pays, et nous aurions d’autres moyens d’arriver au même résultat, notamment ceux que je suggérais dans l’amendement que j’ai défendu tout à l’heure.

Quant au présent amendement, il propose de sacraliser le juste prix de la matière première pour les produits agricoles, selon une pratique qui existe pour toute l’épicerie sèche.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’ai hélas, moi aussi, connu les pratiques tordues qui ont cours dans les box de négociation et la façon odieuse dont peuvent se comporter certains négociateurs, jusqu’à vous donner des envies de violence. Je suis d’accord avec vous : il faut encadrer certaines pratiques.

Le présent amendement précise le champ d’habilitation prévu à l’alinéa 4, en ajoutant que les indicateurs de prix prennent en compte les coûts pertinents de production en agriculture ou l’évolution de ces coûts. Je pense qu’il n’est pas nécessaire à ce stade de détailler le champ d’habilitation du Gouvernement quant à la précision des conditions générales de vente. En effet, il est déjà indiqué dans le dispositif que les conditions générales de vente devront prendre en compte « les références applicables aux critères et modalités de détermination des prix ». Cette rédaction recouvre déjà les coûts pertinents de production et l’évolution de ces coûts.

Je demande le retrait de cet amendement.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis favorable du rapporteur, elle adopte lamendement rédactionnel CE2087 du Gouvernement.

Elle examine ensuite lamendement CE2129 du Gouvernement.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Cet amendement vise à simplifier les modalités d’établissement des sanctions.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle examine en discussion commune, les amendements CE1513 de Mme Monique Limon, CE1133 de M. Thierry Benoit et CE1224 de Mme Graziella Melchior.

M. Éric Bothorel. La loi de modernisation de l’économie a créé la notion de déséquilibre significatif sans en définir les termes. Le présent amendement vise donc à préciser cette définition dans l’ordonnance.

M. Thierry Benoit. Mme Annick Le Loch, ancienne députée du Finistère, et moi‑même avions commis un rapport sur l’élevage, qui mettait en évidence cette notion de déséquilibre significatif, que nous proposons d’inscrire dans le texte.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il est proposé d’ajouter la référence à la notion de déséquilibre significatif à l’alinéa 6.

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de clarifier cette notion qui est protectrice de l’équilibre des relations commerciales et dont la définition actuelle permet de couvrir une diversité remarquable de situations et de donner lieu à un contrôle extensif du juge judiciaire. En ce sens, je tiens à souligner que, dans l’arrêt Galec, la Cour de cassation a affirmé que la rédaction actuelle de la notion de déséquilibre significatif ouvre au juge la possibilité de contrôler le prix. Cette jurisprudence va dans le sens d’un rééquilibrage des relations commerciales. Avis défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Avis défavorable. Dix années de construction jurisprudentielle permettent de définir efficacement, de manière souple et adaptable, la notion de déséquilibre significatif. Elle a par exemple permis d’appréhender les pratiques restrictives de concurrence dans le domaine du commerce électronique. Le Conseil constitutionnel a clairement indiqué, dans sa décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011, que la notion de déséquilibre significatif était suffisamment définie.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à lexamen des amendements identiques CE140 de M. Dino Cinieri, CE594 de M. Daniel Fasquelle, CE730 de Mme Véronique Louwagie, CE903 de M. Antoine Herth, CE998 de M. Rémy Rebeyrotte et CE1895 de M. Thierry Benoit.

M. Vincent Descoeur. Nous proposons que l’ordonnance traite également des cas où la clause de renégociation du prix est contournée à des fins de renégociation de la coopération commerciale et des services distincts.

M. Antoine Herth. Beaucoup des vendeurs que nous avons auditionnés nous ont expliqué que souvent, trois semaines après la fin de la négociation annuelle, ils recevaient des coups de fil faisant en réalité redémarrer les négociations sous tel ou tel prétexte. Nous demandons donc au Gouvernement de se pencher sur ces dérives pour mieux les encadrer.

M. Rémy Rebeyrotte. En effet, l’enjeu est de sanctionner les cas où l’une des parties souhaite utiliser cette procédure de renégociation des prix à une autre fin.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il ne paraît pas opportun de préciser le champ d’habilitation prévu à l’alinéa 6 en faisant référence aux clauses de renégociation du prix, afin de remédier aux mécanismes de contournement.

La référence aux clauses de renégociation du prix ne s’inscrit pas dans le champ de l’article L. 442-6. Dans sa rédaction actuelle, le dispositif de l’alinéa recouvre exclusivement l’ensemble des treize pratiques restrictives de concurrence prévues à l’article L. 442-6. Or, les clauses relatives à la renégociation du prix relèvent du droit des conventions conclues entre fournisseurs et distributeurs, et non des pratiques restrictives de concurrence. Les mécanismes de contournement de ces clauses doivent certes être couverts par des sanctions, mais dans le cadre du respect des conventions commerciales. Avis défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Même avis. L’article L. 442-6 s’applique à toute relation commerciale sans qu’il soit nécessaire de l’indiquer dans chaque article concerné. Il n’est pas non plus utile de définir le contournement de la clause de renégociation prévue à l’article L. 441-8 comme pratique restrictive de concurrence. En effet, si un opérateur ne respecte pas l’article L. 441-8, il est passible de la sanction prévue à cet article. Le comportement visé par les auteurs de l’amendement peut donc tout à fait être sanctionné, et la disposition proposée complexifierait inutilement le droit.

La commission rejette les amendements.

M. le président Roland Lescure. Nous avons examiné 45,6 % des amendements.

La commission examine, en discussion commune, lamendement CE483 de M. Daniel Fasquelle, ainsi que les amendements identiques CE287 de M. Jacques Cattin, CE299 de M. Vincent Rolland, CE555 de M. Daniel Fasquelle et CE747 de M. Antoine Herth, les amendements CE1468 et CE1566 de M. Pierre
Morel-À-LHuissier, lamendement CE646 de M. Daniel Fasquelle, lamendement CE1183 de M. Gilles Lurton, et les amendements identiques CE642 de M. Dino Cinieri et CE1750 de M. Dominique Potier.

M. Dino Cinieri. L’amendement CE483 a pour objectif de préciser la modification législative envisagée dans l’ordonnance en faisant clairement référence aux « prix de cession abusivement bas » et en établissant un lien direct entre la définition de ces prix abusivement bas et les coûts de production en agriculture.

M. Jacques Cattin. L’amendement CE287 vise à modifier la rédaction de l’article 10 afin de raccourcir les délais de mise en œuvre de la réforme proposée.

M. Vincent Rolland. L’amendement CE299 est défendu.

M. Daniel Fasquelle. L’amendement CE555 est défendu.

M. Thierry Benoit. L’amendement CE747 est défendu.

M. André Villiers. Les amendements CE1468 et CE1566 sont défendus.

M. Daniel Fasquelle. L’amendement CE646 est défendu.

M. Julien Dive. L’amendement CE1183 a pour objet de préciser et compléter les objectifs de l’ordonnance afin que les modifications apportées à l’article L. 442-9 du code de commerce aillent dans le sens des objectifs d’équilibre dans les relations commerciales portés par le présent texte.

M. Dino Cinieri. L’amendement CE642 a pour objectif de préciser la modification législative envisagée dans l’ordonnance en faisant clairement référence aux « prix de cession abusivement bas » et en établissant un lien direct entre la définition de ces prix abusivement bas et les coûts de production en agriculture.

M. Dominique Potier. L’amendement CE1750 vise à donner habilitation au Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de supprimer la référence à la situation de crise conjoncturelle et de préciser la définition du prix de cession abusivement bas. Sortir de l’hypocrisie et avoir des références solides, tel est le but de cet amendement.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les amendements constituant la série que nous examinons ont pour objet de préciser le champ d’habilitation du Gouvernement à élargir la responsabilité du fait d’un prix de cession abusivement bas, telle qu’elle est prévue par l’article L.442-9 du code de commerce. Ils proposent que l’appréciation du prix de cession abusivement bas prenne notamment en compte les indicateurs de coûts de production agricole.

Ces amendements présentent un caractère opportun en ce qu’ils s’inscrivent directement dans l’esprit du projet de loi, à savoir la prise en compte des indicateurs de coûts de production tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Les modifications qui seront apportées au code de commerce doivent être mises au service de l’effectivité du projet de loi. En ce sens, les notions de droit commercial telles que celle du prix de cession abusivement bas doivent s’adapter à la nécessité de rééquilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire.

J’émets donc un avis de sagesse au sujet de ces amendements.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

En effet, l’article 10 du projet de loi prévoit, en son alinéa 7, une habilitation claire, autorisant le Gouvernement à élargir à l’article L.442-9 le champ d’application de l’action en responsabilité, et il ne nous semble pas nécessaire d’entrer dans le détail.

Par ailleurs, pour ce qui est des délais, nous avons déjà statué sur le raccourcissement du délai de neuf à six mois, qui nous semble constituer une bonne solution.

M. Daniel Fasquelle. Je ne sais pas si nos collègues ont bien conscience du fait que l’article 10 a pour objet de modifier en profondeur le titre IV du livre IV du code de commerce, qui contient l’ensemble des règles, élaborées depuis vingt ans par les apports législatifs successifs, relatives à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et autres pratiques prohibées – donc, notamment, aux relations entre la grande distribution et les producteurs.

Cet article vise en fait à donner au Gouvernement une habilitation à réécrire vingt ans de législation en privant la Représentation nationale d’un débat sur un sujet essentiel, et représentant un enjeu économique majeur. Je suis évidemment opposé à ce procédé et, quand j’entends Mme la secrétaire d’État rejeter nos amendements au motif qu’ils sont trop précis, cela me paraît témoigner de la volonté de Bercy d’avoir les mains libres pour intervenir dans un domaine qui a toujours été de la compétence du Parlement.

M. Dominique Potier. Bercy et la loi de modernisation de l’économie et de la grande distribution, c’est une longue histoire française, qui s’est poursuivie sous tous les gouvernements. Après les États généraux de l’alimentation, qui avaient pour objectif de répondre à la crise majeure que connaît ce secteur, vous devez aujourd’hui permettre à la Représentation nationale de s’exprimer dans les ordonnances – c’est le minimum que vous puissiez faire, madame la secrétaire d’État.

Bien entendu, nous maintenons nos amendements.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Pour ce qui est de l’intention du Gouvernement sur les modifications qui pourraient être apportées par l’ordonnance au titre IV du livre IV du code de commerce, je précise qu’il s’agit de clarifications, et non d’une réforme en profondeur.

M. Daniel Fasquelle. Pardon d’insister, madame la secrétaire d’État, mais votre réponse ne porte que sur un alinéa de l’article 10, alors que ma remarque concerne l’ensemble de l’article. L’article 10 a une portée considérable, car son champ dépasse très largement la question des relations commerciales entre les agriculteurs et les grandes surfaces. C’est pourquoi je tiens à attirer l’attention de mes collègues sur le procédé, qui ne me plaît pas, consistant à glisser en catimini ses dispositions dans un article du projet de loi concernant en principe les EGA et les agriculteurs : ce faisant, Bercy s’apprête à réécrire par ordonnances une grande partie du droit français de la concurrence !

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’entends les inquiétudes de notre collègue Fasquelle, mais je tiens à rappeler que chaque ordonnance devra être validée par un projet de loi de ratification, ce qui permettra à la Représentation nationale d’avoir une vue parfaite sur les ordonnances, d’en débattre et éventuellement de s’opposer à leur ratification.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Avant même la ratification, le texte doit être soumis aux parties prenantes. Tant en ce qui concerne le déséquilibre significatif que le prix abusivement bas, il s’agit de clarifier le dispositif actuel afin d’aboutir à un texte plus clair, plus lisible et plus compréhensible.

La commission rejette lamendement CE483.

Elle rejette les amendements identiques CE287, CE299, CE555 et CE747.

Elle rejette successivement les amendements CE1468, CE1566, CE646 et CE1183.

Enfin, elle rejette les amendements identiques CE642 et CE1750.

Elle est saisie de lamendement CE2042 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

En conséquence, les amendements CE1169 de M. Jérôme Nury, et CE1754 et CE1755 de M. Dominique Potier tombent.

La commission examine lamendement CE2090 du Gouvernement.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Le présent amendement propose deux modifications au 5° de l’article 10, en vue de préciser qu’une seule ordonnance sera prise pour l’ensemble de cet article.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte larticle 10 modifié.

Après l’article 10

La commission examine, en discussion commune, lamendement CE1785 de M. Dominique Potier, lamendement CE1945 de M. Charles de Courson, les amendements identiques CE133 de M. Dino Cinieri, CE589 de M. Daniel Fasquelle, CE1744 de M. Dominique Potier et CE1893 de M. Thierry Benoit, ainsi que lamendement CE592 de M. Adrien Morenas.

M. Dominique Potier. L’amendement CE1785 vise à préciser la définition de l’abus de position dominante, qui constitue un point capital.

M. Thierry Benoit. L’amendement CE1945 vise à remplacer le second alinéa de l’article L. 4202 du code de commerce par deux alinéas ainsi rédigés :

« Est en outre prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, à court ou moyen terme, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en déréférencements, en des demandes de garantie compensation de marges, en pratiques discriminatoires visées au I de l’article L. 4426 ou en accords de gamme.

« Lorsque l’une au moins des parties exploite un ou plusieurs magasins de commerce de détail, la situation de dépendance économique est caractérisée, au sens de l’alinéa précédent, dès lors que le fournisseur ne dispose pas d’une solution de remplacement auxdites relations commerciales, susceptible d’être mise en œuvre dans un délai raisonnable. Cette situation est présumée dès lors que le fournisseur réalise une part de son chiffre d’affaires auprès du distributeur d’au moins 20 %. »

M. Dino Cinieri. L’amendement CE133 vise à proposer un assouplissement de la définition de la dépendance économique, afin que les fournisseurs soient protégés en cas de perte soudaine d’un client. L’objectif est de protéger la partie faible au contrat dans la relation commerciale.

M. Daniel Fasquelle. Chacun sait que, si l’état de dépendance économique est visé par le code de commerce, il y a dans les faits très peu de décisions de justice condamnant ce type de situations. L’amendement CE589 vise donc à assouplir le code de commerce afin de d’engager plus facilement des poursuites en cas d’état de dépendance économique.

M. Dominique Potier. L’amendement CE1744 est défendu.

M. Thierry Benoit. L’amendement CE1893 est défendu.

M. Adrien Morenas. L’amendement CE592 vise à mieux défendre les fournisseurs face aux distributeurs. Il prend en compte l’effet produit par la création de consortiums de grandes enseignes de la distribution, capables de faire pression sur l’ensemble des acteurs se situant en amont de la chaîne de vente et permettant que s’exerce une concurrence abusive, voire un abus de dépendance.

Si nous devions pénaliser l’aspect juridique de l’infraction, celle-ci serait difficile à caractériser. C’est pourquoi cet amendement modifie les critères d’appréciation de l’infraction en deux points : premièrement, la survie de l’entreprise comme condition d’applicabilité, deuxièmement, l’introduction d’un seuil légal de dépendance pour la grande distribution.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Figurant dans notre droit depuis l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, la notion d’abus de dépendance économique est pourtant sous-utilisée, comme l’a dit M. Fasquelle. L’article L. 420-2 du code de commerce, où cette notion est définie aujourd’hui, a en effet été interprété de manière très restrictive par la jurisprudence. Il en résulte que la plupart des recours déposés sur son fondement sont aujourd’hui écartés par l’Autorité de la concurrence, en raison de la difficulté à établir un état de dépendance économique.

Le dispositif proposé constituerait un instrument puissant de rééquilibrage et, partant, de pacification des relations entre fournisseurs et distributeurs s’il pouvait être plus largement utilisé. De fait, si bien des fournisseurs se voient aujourd’hui contraints d’accepter les conditions défavorables qui leur sont proposées par la grande distribution, c’est bien parce que ces enseignes constituent, pour eux, des débouchés vitaux.

Tout en alertant sur le danger que peuvent représenter ces amendements par rapport au seuil et à certaines PME, j’émets cependant un avis favorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Ces amendements, subtilement différents les uns des autres, posent tous des difficultés particulières. D’une part, les comportements visés pourraient déjà être sanctionnés sur le fondement de l’article L. 442-6 du code de commerce, auquel cas il n’est pas nécessaire de faire la démonstration d’un effet sur la concurrence, comme dans le cas de l’abus de dépendance économique. D’autre part, s’il est vrai que les dispositions permettant de sanctionner de tels comportements sont peu utilisées, il ne nous semble cependant pas souhaitable d’aller vers les solutions proposant un seuil de 20 %, car l’existence de ce seuil risque de se retourner contre les fournisseurs – le plus souvent des PME et des TPE –, qui pourraient se voir bloqués dans leur croissance au moment où ils se rapprochent du seuil. En raison du danger qu’ils représentent, je suis défavorable aux amendements constituant cette série.

M. Daniel Fasquelle. Je suis étonné par votre remarque, madame la secrétaire d’État, car l’abus de dépendance économique ne figure pas à l’article L. 442-6. Une piste pourrait éventuellement consister à traiter de l’abus de dépendance économique plutôt dans le cadre du titre IV, que vous voulez réformer par ordonnances, c’est-à-dire au titre des pratiques restrictives.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Ce que je voulais dire, c’est que les pratiques visées par les amendements étaient déjà couvertes par le droit, donc déjà sanctionnables.

M. Daniel Fasquelle. Je vous invite à relire l’article L. 442-6 : vous pourrez constater par vous-même que l’abus de dépendance économique, qui correspond à une situation très particulière, n’y est pas mentionné au titre des pratiques restrictives – cela a été le cas autrefois, mais ce ne l’est plus. Il y a, me semble-t-il, un vrai travail à faire avant la séance publique afin de tenter de rapprocher les points de vue et de faire en sorte que l’état de dépendance économique soit plus facilement sanctionné à l’avenir. L’un des obstacles à cette évolution est la mesure de l’effet sur la concurrence, du fait que la notion d’exploitation abusive de dépendance économique figure aujourd’hui à l’article L. 420-2 du code de commerce : l’idée consistant à déplacer le contenu de cet article me paraît constituer une piste intéressante.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Je vous propose de retirer vos amendements afin de les retravailler en vue de la séance publique.

Les amendements CE1785, CE1945, CE133, CE589, CE1744, CE1893 et CE592 sont retirés.

Article 10 bis
(article L. 420-5 du code de commerce)
Régime dérogatoire au dispositif de prix abusivement bas en outre-mer

 

Cet article, qui résulte de deux amendements identiques de M. Max Mathiasin et de Mme Ericka Bareigts et plusieurs de leurs collègues, précise le deuxième alinéa de l’article L. 420-5 du code de commerce.

Cet alinéa, introduit par la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, prévoit un régime dérogatoire dans les départements d’outre-mer afin que les produits dits « de dégagement » ne pénalisent pas de façon excessive les producteurs locaux.

Mais le quatrième alinéa de l’article L. 420-5 dispose que les dispositions précédentes ne sont pas applicables, vidant ainsi de sa substance le deuxième alinéa. Cet article permet donc de préserver le régime dérogatoire prévu pour les départements d’outre-mer.

*

*     *

La commission est saisie des amendements identiques CE1161 de M. Max Mathiasin et CE1498 de Mme Éricka Bareigts.

M. Max Mathiasin. L’amendement CE1161 vise à ne pas annihiler le deuxième alinéa de l’article L.420-5 du code de commerce.

Cet alinéa, introduit par la loi du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer, prévoit un régime dérogatoire dans les départements d’outre-mer afin que les produits dits « de dégagement » ne pénalisent pas de façon excessive les producteurs locaux. Ainsi, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et dans le département de Mayotte, lorsque des denrées alimentaires identiques ou similaires à celles qui sont produites et commercialisées localement sont proposées aux consommateurs à des prix manifestement inférieurs à ceux pratiqués dans l’Hexagone, la conclusion d’un accord entre les acteurs de l’importation, de la distribution, d’une part, et ceux de la production et de la transformation locales, d’autre part, peut être rendue obligatoire par le préfet, représentant de l’État.

Mme Delphine Batho. L’amendement CE1498 constitue une correction légistique de l’article L.420-5 du code de commerce, rendue nécessaire par le fait que le dernier alinéa n’avait pas été adapté à l’ajout de l’alinéa 2 à la suite de la loi de février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Favorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Favorable.

La commission adopte ces amendements.

Elle examine, en discussion commune, lamendement CE1138 de M. Thierry Benoit, les amendements identiques CE135 de M. Dino Cinieri, CE509 de M. Thibault Bazin, CE590 de M. Daniel Fasquelle, CE723 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que lamendement CE1745 de M. Dominique Potier.

M. Thierry Benoit. Il y a quelques années, nous avions ouvert un débat en affirmant notre volonté de mettre fin à l’oligopole formé par les centrales d’achat en France. Au début du mois d’avril, Auchan, Casino et Système U ont conclu une alliance afin de créer une force de négociation encore plus puissante, sans que personne ne puisse y trouver à redire.

En cohérence avec notre amendement sur la décartellisation, que nous allons examiner très prochainement, l’amendement CE1138 vise à prévoir que les accords entre centrales d’achat soient soumis au contrôle des concentrations. Ainsi, l’Autorité de la concurrence pourra analyser l’accord et donner un avis en amont de sa finalisation, afin de vérifier que cet accord ne risque pas de donner lieu à des pratiques allant à l’encontre des relations commerciales équilibrées que nous souhaitons, en particulier pour les producteurs, que nous souhaitons protéger.

M. Dino Cinieri. L’analyse de l’impact sur les fournisseurs doit être une priorité au même titre que l’analyse de l’impact sur le consommateur. L’amendement CE135 vise donc à prévoir que ce type d’accord doit être soumis au contrôle des concentrations.

M. Thibault Bazin. Comme vient de le dire M. Cinieri, l’analyse de l’impact sur les fournisseurs doit effectivement être une priorité au même titre que l’analyse de l’impact sur les consommateurs. Tel est le sens de notre amendement identique CE509.

M. Daniel Fasquelle. Il s’agit effectivement d’un sujet d’une extrême importance. Depuis vingt ou trente ans, nous nous efforçons en vain d’empêcher les centrales d’achat de concentrer toujours davantage leur pouvoir d’achat. Nous devons nous emparer de ce sujet avec détermination, afin d’empêcher les centrales de contourner les règles du droit de la concurrence, comme elles le font régulièrement en recourant aux services d’une armée de juristes.

Il est grand temps que nous donnions à l’Autorité de la concurrence les moyens de lutter contre ces phénomènes de concentration. Tel est l’objet de l’amendement CE590.

Mme Véronique Louwagie. L’objectif de ce projet de loi est de rééquilibrer les poids économiques et financiers des différents acteurs. Le Gouvernement s’y est employé en définissant l’ensemble des indicateurs dans les contrats mais, au-delà, il me paraît important de préserver l’équilibre des rapports en soumettant les concentrations à un contrôle : c’est l’objet de l’amendement CE723.

M. Dominique Potier. Tous les amendements de cette série poursuivent le même objectif, sur lequel je ne reviendrai pas. Je voudrais simplement interroger M. le ministre et à Mme la secrétaire d’État : avions-nous les moyens d’intervenir pour émettre des réserves et éventuellement contrer l’alliance annoncée récemment entre plusieurs acteurs de la grande distribution constituant une nouvelle étape du processus de concentration ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis tout à fait d’accord avec l’objet de ces amendements. Il faut aller plus loin dans le contrôle des concentrations, en particulier dans le secteur alimentaire, car sans cela, nous pourrons voter tous les dispositifs du monde, ils ne seront que peu de chose face à la puissance de marché des centrales d’achat.

Votre amendement ne prévoit notamment aucune condition de seuil, ce qui imposerait la notification de petits accords ne soulevant aucune préoccupation de concurrence.

Quoi qu’il en soit, j’ai un amendement à vous proposer : le CE2075, que nous examinerons prochainement. La loi Macron du 6 août 2015 a apporté un premier renforcement du contrôle des concentrations avec une obligation d’information préalable de l’Autorité de la concurrence avant leur mise en œuvre : je propose de créer le même dispositif s’appliquant a posteriori, et je vous invite donc à retirer vos amendements au profit du mien.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Pour répondre à la question portant sur l’alliance récemment conclue entre plusieurs acteurs de la grande distribution, je vous précise que les centrales sont actuellement soumises au droit des ententes anti-concurrentielles, et non à un contrôle a priori, même si la loi pour la croissance et l’activité du 6 août 2015 a apporté un premier renforcement du contrôle, avec une obligation d’information préalable de l’Autorité de la concurrence avant leur mise en œuvre.

Le Gouvernement partage le constat de la nécessité d’aller plus loin dans ce renforcement, afin de mieux réguler le phénomène de la puissance d’achat, qui peut porter atteinte à l’équilibre des relations commerciales. Il a engagé des travaux, en particulier avec l’Autorité de la concurrence, afin d’établir une disposition en ce sens, et il estime que cette question pourra être évoquée à nouveau lors de l’examen du présent projet de loi en séance publique.

La série d’amendements que nous examinons pose un certain nombre de problèmes, en particulier en ce qui concerne l’absence de conditions de seuil ou la rétroactivité. Nous suggérons donc le retrait de ces amendements au bénéfice d’un travail approfondi et rapide, visant à mettre au point une disposition qui fonctionne bien.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Sur le fond, nous soutenons la démarche des auteurs de ces amendements, car il est évident que la concentration des centrales d’achat a eu des effets très négatifs sur les revenus de nos agriculteurs, sans permettre de dégager des marges de manœuvre suffisantes pour redonner de la compétitivité aux exploitations.

Je veux vous faire part d’une information liée aux questions dont nous débattons. J’étais lundi dernier au Luxembourg afin de prendre part au conseil européen des ministres de l’agriculture, où la question des revenus agricoles a été longuement évoquée, ce qui nous a donné l’occasion de présenter à l’ensemble de nos collègues européens notre démarche dans le cadre des États généraux de l’alimentation. Le commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, a quant à lui présenté une proposition de directive européenne sur les pratiques commerciales déloyales qui affectent la chaîne d’approvisionnement alimentaire, qui a reçu un accueil très favorable de la part de tous les membres du Conseil.

Pour notre part, nous avons rappelé que la France était déjà dotée d’une législation robuste, qui se trouverait encore renforcée par le projet de loi en discussion. Le cadre réglementaire européen devrait également permettre aux États membres ne disposant pas d’une législation nationale en la matière de mieux protéger leurs agriculteurs et leurs intérêts. Cette proposition de la Commission va plutôt dans le bon sens, et nous confirme que notre démarche, avec les États généraux de l’alimentation, est juste.

Bien évidemment, nous travaillerons sur ce projet de directive, car nous ne sommes pas seuls sur le marché européen. Comme vous le savez, le regroupement des centrales se fait d’abord au niveau européen. Nous devons donc faire preuve de cohérence, notamment dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Je voulais vous donner cette information afin de vous montrer que nous agissons aussi bien au plan national que sur le volet européen –si nous sommes les seuls à bouger, notre action et ses résultats resteront limités.

M. Arnaud Viala. Je souhaitais précisément dire un mot de l’Europe. Il me paraît extrêmement important, monsieur le ministre, que, dans le cadre de l’habilitation, vous accomplissiez ce travail avec détermination car, depuis que le texte est en préparation, certaines grandes entreprises du secteur des GMS (Grandes et moyennes surfaces) ont délocalisé des centrales d’achat afin de se soustraire à la loi qui sera issue de nos travaux. Il importe donc, non seulement que la directive présentée par Phil Hogan soit adoptée, mais aussi que la France, à travers vous, pèse de tout son poids pour que le critère que nous allons adopter, et qui sera le plus strict possible, devienne la règle européenne, faute de quoi notre texte ne produira, hélas ! que très peu d’effets.

M. Daniel Fasquelle. Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous reconnaissiez que l’offre préalable d’information n’a guère fait trembler les centrales d’achat et qu’elle ne constitue donc pas la solution. Quant au droit des concentrations, ne l’écartez pas trop vite, car – je ne partage pas l’avis de
M. le rapporteur –, dans le domaine de la distribution, la concentration peut exister à l’échelle d’un petit territoire sur lequel coexistent, par exemple, deux grandes surfaces et une seule centrale d’achat. Or, ce droit peut être utilisé, et il l’a déjà été, pour éviter ce type de situations et garantir la concurrence entre grandes surfaces et entre centrales d’achat au niveau local.

Enfin, je ne suis pas certain que la proposition de directive que vous avez évoquée soit la solution, car elle aura pour objet d’harmoniser les droits nationaux, alors que le problème doit être traité au plan européen. En outre, il existe déjà une directive de 2005 relatives au même sujet, sur laquelle la Cour de justice s’est appuyée pour interdire, en Belgique, la revente à perte. Soyons vigilants.

M. Dominique Potier. Lors de l’examen du projet de loi Sapin 2, les centrales d’achat étaient au nombre de quatre et le taux de concentration de 80 %. Aujourd’hui, il atteint 90 % et on nous annonce la fusion des centrales d’achat de Casino, Auchan et Système U. Nous, nous regardons les trains passer : nous sommes les spectateurs d’un monde qui se réorganise en dépit de la puissance publique.

À ce stade, je ne suis pas convaincu – et ce n’est pas par défiance vis-à-vis de l’un ou de l’autre – qu’il existe, à Bercy, une véritable volonté d’en finir avec ce système de cartel ou de trust qui tue notre économie agricole en confisquant la valeur ajoutée. Par ailleurs, hier, soir, vous nous avez dit qu’il n’appartenait peut‑être pas à la puissance publique de constituer de grandes associations d’organisations de producteurs (AOP). Eh bien, si : il faut à la fois empêcher les monopoles et organiser la production.

M. Thierry Benoit. Je dois dire, monsieur le rapporteur, que la lecture de votre amendement CE2075 suscite mon inquiétude. En effet, qu’y lit-on, mes chers collègues ? « Dans un délai d’un an après l’entrée en vigueur de chaque accord mentionné au I, l’Autorité de la concurrence publie, à titre consultatif, un avis tendant à évaluer les effets de cet accord sur le fonctionnement concurrentiel du secteur de la distribution ». Prenons un exemple tiré de l’actualité. Auchan, Casino et Système U regroupent leurs forces. Dans un an, l’Autorité de la concurrence émettra un avis dans lequel elle estimera que tout cela n’était peut‑être pas très bien. Entre-temps, les parts de marché de ces centrales d’achat seront passées de 90 % à 92 % ou 95 %, mais on aura maintenu le même traitement : un comprimé par jour…

Le déséquilibre est dramatique ! Les centrales d’achat, qui étaient au nombre de 130 en 1970, ne sont plus, 48 ans plus tard, que quatre. Si à l’issue de notre discussion, nous n’avons pas dissous cet oligopole, nous aurons échoué, et tout ce que nous avons dit durant les États généraux de l’alimentation et au cours de nos travaux n’aura été que du pipeau. Vous et nous, monsieur le ministre, nous en porterons la responsabilité. Lorsque les agriculteurs rencontreront des difficultés liées aux cours du marché, c’est nous qu’ils viendront voir, et ils auront raison ! (« Bravo ! » sur divers bancs.)

M. Grégory Besson-Moreau. Notre pays compte 500 000 agriculteurs, 1 100 transformateurs et 4 centrales d’achat. D’un côté, on parle de décartellisation, on veut casser le système ; de l’autre, un distributeur déclare que lorsque la loi est contre lui, il s’assoit dessus. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce qui, dans ce texte, empêchera les groupements d’opérer ? Pouvez‑vous nous donner un avant-goût des propositions que vous nous avez annoncées pour la séance publique ? Dois-je rappeler qu’un certain Michel‑Édouard Leclerc a indiqué qu’il apposerait notre photo sur les packs de Coca-Cola pour expliquer aux Français pourquoi leur prix a augmenté, alors que c’est faux ?

M. Thierry Benoit. Qu’il le fasse !

M. Richard Ramos. On ne peut pas demander aux organisations professionnelles de se regrouper en très peu de temps si, à l’autre bout de la chaîne, on ne met pas fin aux cartels qui tuent notre économie et nos agriculteurs. Nous devons être solidaires. Au demeurant, nous sommes tous d’accord, quelles que soient nos tendances politiques, pour reconnaître que c’est à cause de cette concentration que nos agriculteurs ne gagnent que 350 euros par mois et que, tous les trois jours, l’un d’entre eux se suicide ! (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président Roland Lescure. Vous êtes très en forme, ce soir ! Et ce n’est que le début : nous n’avons pas encore abordé le titre II.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je souhaite préciser, à propos de mon amendement CE2075, que les avis de l’Autorité de la concurrence sont publics et comportent des recommandations qui sont suivies par le Gouvernement.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Je ne voudrais pas laisser s’installer le sentiment qu’il existe une complaisance à l’égard de ces plateformes. Le contexte juridique est complexe : le droit de la concurrence n’est pas facile à manier dans ce domaine spécifique. Nous nous efforçons donc d’élaborer, avec l’Autorité de la concurrence, un dispositif doté d’une véritable force dont nous voulons vous parler en séance publique.

M. Daniel Fasquelle. Sur un sujet aussi sensible, il serait regrettable que nous découvrions les amendements du Gouvernement au dernier moment. Dès lors qu’il existe manifestement un accord général sur la direction à suivre, je souhaiterais que nous soyons associés le plus tôt possible aux travaux que vous menez avec l’Autorité de la concurrence. Au moins pourrions-nous avoir ainsi en séance publique le débat utile que nous n’aurons pas eu en commission.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. C’est d’accord.

M. le président Roland Lescure. Que faisons-nous de ces amendements, mes chers collègues ? Je vous rappelle que le texte sera examiné en séance publique à partir du 21 mai et que nous avons donc un peu de temps pour retravailler sur ce sujet.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. On a évoqué la solidarité : soyons solidaires jusqu’au bout. Nous partageons tous le même objectif, mais le texte doit reposer sur une base juridique robuste car le Gouvernement ne souhaite pas que la disposition que vous adopterez soit censurée par le Conseil constitutionnel. Il vous est donc proposé que nous travaillions ensemble avant la séance publique, afin que vous ne découvriez pas l’amendement au moment où il viendra en discussion. Puisque nos débats se déroulent dans un bon état d’esprit et que le Gouvernement est ouvert à la discussion et souhaite coconstruire ce texte avec les parlementaires, je vous propose d’aller au bout de cette démarche. Encore une fois, nous partageons le même objectif : améliorer le revenu de nos agriculteurs.

M. le président Roland Lescure. Puis-je considérer que les amendements sont retirés ?

M. Thierry Benoit. Nous travaillerons sur les propositions du Gouvernement avec les deux ministres ; cela ne nous pose aucun problème. Mais ceux qui rendront des comptes sur le terrain, ce sont le ministre de l’agriculture et les députés. Je souhaite donc que celui-ci participe aux discussions, ainsi qu’un représentant de chaque groupe parlementaire, et que nous aboutissions à de véritables avancées. Faut-il rappeler que nous avons eu les mêmes discussions il y a quelques mois, lors de l’examen du projet de loi Sapin 2 ? Les agriculteurs nous attendent.

M. Richard Ramos. Pouvons-nous avoir confirmation qu’un représentant de chaque groupe participera à ces travaux, de façon rechercher un consensus sur un sujet aussi important ?

M. Yves Daniel. Monsieur le président, notre commission doit jouer son rôle et assumer ses responsabilités. Compte tenu des échanges que nous avons eus, il me paraît important qu’elle prenne position et que nous nous prononcions sur les amendements, sans que cela remette en cause les travaux auxquels nous allons participer et qui sont nécessaires.

M. le président Roland Lescure. Monsieur Daniel, nous voterons si les amendements sont maintenus.

M. Grégory Besson-Moreau. J’ai toute confiance en M. le ministre, qui vient de tenir un discours de vérité. Puisqu’il nous a annoncé que nous allions retravailler ensemble en vue de l’examen du texte en séance publique, il serait judicieux que les amendements en discussion soient retirés.

M. Julien Dive. Le groupe Les Républicains va retirer ses amendements, pour travailler avec le Gouvernement et un représentant de chaque autre groupe, dans l’esprit de coconstruction évoqué par le ministre.

Les amendements CE135, CE509, CE590 et CE723 sont retirés.

M. Dominique Potier. Depuis le début de l’examen du texte, nous jouons le jeu. Cette question, nous l’avons déjà traitée dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture et de la loi Sapin 2. Or, rien n’a abouti. À chaque fois, on nous a fait des promesses évanescentes : côté de la grande distribution, ça se concentre, et de l’autre, ça se dissout… La situation est trop dramatique. J’ai confiance dans la bonne volonté du Gouvernement, mais si nous votons un amendement, nous serons plus forts pour aborder la discussion qui s’annonce. Du reste, le Gouvernement dispose d’une large majorité qui lui permettra, s’il veut prendre ses responsabilités, de revenir sur cet amendement en séance publique. Pour ma part, j’estime, compte tenu des enjeux qui ont été décrits par les uns et les autres avec talent et conviction, que la commission doit s’exprimer. Cela n’empêche pas le dialogue, mais on ne peut pas renvoyer la construction d’AOP aux calendes grecques et laisser la cartellisation se constituer sous nos yeux. Il faut envoyer un signal politique.

M. Thierry Benoit. Je vais retirer l’amendement CE1138.

Lamendement CE1138 est retiré.

M. le président Roland Lescure. Ne reste donc plus en discussion que l’amendement CE1745 de M. Potier, sur lequel je vais demander l’avis du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Compte tenu de l’atmosphère qui règne ici, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Thierry Benoit. Mais pour qui nous prend-on ? Des gugusses ! Nous avons retiré nos amendements afin d’être constructifs, et le rapporteur émet un avis de sagesse sur le seul amendement qui est maintenu. Si celui-ci est adopté, à quoi sert-il que nous travaillions ensemble ? Le rapporteur ne peut pas nous demander de retirer nos amendements et s’en remettre à la sagesse de la commission sur celui de M. Potier, qui est similaire au nôtre.

M. Arnaud Viala. Si notre débat aboutit au rejet de l’amendement de M. Potier, je crains que l’effet produit ne soit contraire à celui recherché. Il souhaite que notre commission envoie un signal mais, si ce signal est négatif, nous ne serons pas dans les meilleures conditions pour préparer la discussion en séance publique.

M. Dominique Potier. Je ne comprends pas une telle panique.

M. le président Roland Lescure. Il n’y a pas de panique.

M. Dominique Potier. Dans un mois, le texte sera examiné en séance publique. Le ministre et le rapporteur le savent, nous sommes constructifs et favorables au dialogue. Nous estimons simplement que, sur ce point très important, il nous faut envoyer un signal politique, ce qui ne nous empêche pas de travailler ensemble. Et, si l’amendement que nous adoptons ne convient pas au Gouvernement, il pourra revenir dessus en séance publique. Mais donnons-nous les moyens de travailler en vérité et d’affirmer l’exigence qui est la nôtre. Ce n’est pas une position radicale, c’est une position constructive.

M. le président Roland Lescure. Je n’ai pas pour habitude de me prononcer sur ces sujets, monsieur Potier, mais il faut que vous ayez bien conscience des conséquences d’un vote sur cet amendement et de la portée du signal qui sera ainsi envoyé par la commission des affaires économiques, qui m’est chère. Il existe un certain consensus sur un sujet qui me semble important pour tous et sur lequel nous allons travailler dans les semaines qui viennent. Les autres amendements ont donc été retirés ; vous maintenez le vôtre. Je veux m’assurer que vous en avez bien tiré toutes les conséquences. Mais vous êtes évidemment libre de le maintenir.

M. Julien Dive. M. Potier estime que la commission doit envoyer un signal, et il a raison. C’est précisément ce que nous faisons : tous les groupes se disent prêts à travailler ensemble avec le Gouvernement sur un amendement important pour la filière. Évitons donc ce type de piège !

Mme Delphine Batho. Quel piège ? Je peine à suivre votre raisonnement. La proposition de travailler à la rédaction d’une disposition dans la perspective de la séance publique fait l’objet d’un consensus. En revanche, nous avons une divergence, qui n’est pas déshonorante, sur le point de savoir si, ce soir, la commission doit ou non adopter un amendement.

M. Arnaud Viala. Elle va le rejeter !

Mme Delphine Batho. Certains groupes ont pris la décision de retirer leurs amendements, et nous ne leur reprochons pas de renoncer à mener la bataille. Je respecte leur position et je leur demande de respecter la nôtre.

M. Thierry Benoit. Il faut rejeter l’amendement !

M. Nicolas Turquois. Je m’étonne de la position de nos collègues. Nous allons probablement rejeter leur amendement, de sorte que, formellement, nous donnerons le sentiment de ne pas partager cet état d’esprit.

Mme Célia de Lavergne. Monsieur Potier, vous nous dites que vous êtes constructifs, vous acceptez que nous travaillions ensemble avec le Gouvernement pour imposer les idées fortes que vous défendez. Sur le fond, nous partageons votre objectif, mais la rédaction de votre amendement ne convient pas. Pourquoi ne voulez-vous pas jouer le jeu ? Vous êtes en train de vous mettre à dos tous les autres groupes. Je ne comprends pas.

Mme Bénédicte Taurine. Il ne s’agit pas de se mettre quiconque à dos. Un groupe a maintenu son amendement. Si on l’approuve, on vote pour ; s’il doit être retravaillé avant l’examen du texte en séance publique, il suffit de le retravailler. Je ne comprends pas ces pressions.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je m’en suis remis à la sagesse de notre commission car il m’était difficile d’émettre un avis défavorable alors que nous venions de décider de travailler ensemble. Mais, pour respecter la démarche des groupes qui ont retiré leurs amendements, j’émets un avis défavorable à celui de M. Potier.

La commission rejette lamendement CE1745.

M. le président Roland Lescure. Cette question sera donc retravaillée d’ici à la séance publique avec des représentants de chaque groupe. Je remercie Mme la secrétaire d’État et M. le ministre pour leur esprit d’ouverture.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1130 et CE1950, tous deux de M. Charles de Courson.

M. Thierry Benoit. Monsieur le président, je défendrai ces deux amendements en même temps.

Les amendements précédents avaient pour objet de permettre à l’Autorité de la concurrence de se prononcer sur les procédures de regroupement et sur la concentration à laquelle elles aboutissent. Par les amendements CE1130 et CE1950, nous proposons qu’elle fixe un pourcentage maximal de parts de marché applicable aux groupements d’achats. Je m’explique. À quatre, les centrales d’achat se partagent environ 25 % à 30 % de parts de marché. Si l’Autorité de la concurrence fixait un plafond à 15 % ou à 20 %, il leur serait impossible de se regrouper impunément. Cela fait de nombreuses années que le groupe UDI défend des amendements analogues : il s’agit de dissoudre l’oligopole des centrales d’achat.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Mon argumentation est la même que pour les amendements précédents. Nous verrons les évolutions que le Gouvernement nous proposera mais, si je partage la philosophie de ces amendements, j’estime que la fixation d’un taux maximal de parts de marché risque d’être arbitraire et d’être sanctionnée par le droit européen. Avis défavorable, donc.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Nous suggérons le retrait de ces amendements, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment. La fixation d’un seuil maximal de parts de marché soulève en effet des questions difficiles. Même s’il s’agit d’un élément important, il ne peut être le seul. En matière de contrôle des concentrations, il faut analyser notamment les barrières d’accès au marché et le contre-pouvoir de la demande. Le dispositif ne peut pas être aussi simple. Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence ne peut avoir un rôle normatif en la matière.

M. Thierry Benoit. Cette fois, je maintiens les deux amendements. Je rappelle que nous sommes là au cœur du problème, plus encore qu’avec les amendements précédents, puisque nous proposons de donner à l’Autorité de la concurrence un pouvoir prescriptif. Si nous voulons que les centrales d’achat cessent, en France et en Europe, de s’agrandir constamment dans l’impunité la plus totale, il faut adopter ces amendements. Nos agriculteurs sont en train de mourir. Les centrales d’achat font la loi. Leurs représentants ne viennent pas voir les parlementaires ou les ministres : ils vont directement à l’Élysée, quel que soit le Président de la République. Ces gens se fichent de notre figure et, surtout, de celle de nos producteurs. La superficie des grandes surfaces s’agrandit un peu plus chaque mois et, pendant ce temps-là, les agriculteurs se pendent !

M. le président Roland Lescure. Je rappelle tout de même que les représentants de la grande distribution ont répondu à l’invitation que nous leur avions adressée dans le cadre des États généraux de l’alimentation, même si l’on peut regretter la manière dont certains débats se sont déroulés.

M. Thierry Benoit. C’est vrai. Vous n’êtes pas en cause, monsieur le président.

M. le président Roland Lescure. Je ne le prenais pas personnellement.

M. Daniel Fasquelle. Je soutiens les amendements de M. Benoit et je m’étonne de la réponse de Mme la secrétaire d’État. Il n’est pas exact de dire que l’Autorité de la concurrence ne peut pas intervenir pour régir les comportements ou fixer un plafond de parts de marché car, par des décisions concernant des opérations de concentration, voire simplement des abus de position dominante ou des ententes, elle impose aux entreprises des engagements qui peuvent être comportementaux ou porter sur la structure du marché. L’amendement de M. Benoit ouvre une piste tout à fait intéressante qu’il serait dommage de condamner ce soir.

Après une première épreuve douteuse, il est procédé au scrutin par assis et levé.

La commission rejette lamendement CE1130.

Puis elle rejette également lamendement CE1950.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE454 de Mme Barbara Bessot Ballot et CE2076 du rapporteur.

Mme Barbara Bessot Ballot. L’idée de répartition de la valeur entre les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement ne peut reposer sur une simple vision arithmétique. Elle occulte par ailleurs toute réflexion autour de la notion de création de valeur, qui constitue l’enjeu réel des filières.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’amendement CE454 vise à supprimer les dispositions de l’article L. 441-6 du code de commerce prévoyant que les conditions générales de vente relatives à de produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles non transformés devant faire l’objet d’un contrat écrit indiquent le prix prévisionnel moyen proposé par le vendeur au producteur de ces produits agricoles. Il convient en effet de supprimer la notion de prix prévisionnel moyen, conformément à l’esprit de l’article 1er. Mais, là encore, c’est l’objet de l’ordonnance de l’article 10. Avis défavorable, donc.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La question de l’articulation entre les prix prévisionnels de vente, issus de la loi Sapin 2, et le nouveau cadre issu des États généraux de l’alimentation a fait l’objet d’échanges approfondis et sera traitée dans le cadre de l’ordonnance prévue à l’article 10. Je demande donc à Mme Bessot Ballot de retirer l’amendement CE454 ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

La commission examine ensuite lamendement CE458 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Il s’agit de clarifier la notion de négociabilité du tarif, qui n’est pas remise en cause, mais qui doit être justifiée par des contreparties vérifiables et quantifiables afin de garantir une juste proportionnalité avec les conditions particulières de vente que constituent les réductions de prix.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement va au-delà de l’arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017, qui n’exige pas que toute réduction de prix fasse systématiquement l’objet d’une contrepartie quantifiable, vérifiable et proportionnelle de la part du distributeur. Il indique que le fait, pour ce dernier, de ne pas prévoir de contreparties aux obligations imposées aux fournisseurs peut constituer un déséquilibre significatif dès lors qu’il procède d’une soumission ou tentative de soumission de son partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif. Là encore, l’ordonnance prévue à l’article 10 devrait traiter cette question. Avis défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Même avis que le rapporteur, pour les mêmes raisons.

Lamendement est retiré.

Article 10 ter
(articles L. 441-7 et L. 441-7-1 du code de commerce)
Sortie des produits agricoles et alimentaires de la convention unique

Cet article, adopté à l’initiative de votre rapporteur, prévoit de sortir les produits agricoles et alimentaires des conventions écrites prévues aux articles L. 441-7 et L. 441-7-1 du code de commerce.

Les produits agricoles et alimentaires vendus par les distributeurs ne seront plus soumis aux négociations commerciales annuelles qui sont à l’origine de vrais psychodrames et de conséquences économiques déplorables pour l’ensemble de la chaîne alimentaire.

Le point d’exergue de ces discussions a toujours lieu au moment du salon de l’agriculture. L’esprit qui présidait à l’origine de cet article est largement contourné par les distributeurs qui mettent en place des pratiques commerciales iniques encore insuffisamment sanctionnées.

Votre rapporteur a conscience qu’il s’agit d’un dispositif audacieux sur lequel il faudra travailler d’ici l’examen du projet de loi en séance publique.

*

*     *

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE2037 et CE2039 du rapporteur ainsi que les amendements identiques CE1213 de M. Antoine Herth, CE1798 de M. Dominique Potier et CE1820 de M. Richard Ramos.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je ne suis pas certain que l’amendement CE2037, qui est quelque peu disruptif, voire révolutionnaire, emporte l’adhésion du Gouvernement. Il vise en effet à exclure les produits agricoles et alimentaires de la convention unique, c’est-à-dire des négociations commerciales annuelles, lesquelles sont à l’origine de véritables psychodrames, dont l’acmé est atteint lors du salon de l’agriculture, et ont des conséquences économiques déplorables sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. L’esprit de l’article L. 441-7 du code de commerce est largement détourné par les distributeurs, qui usent de pratiques commerciales iniques encore insuffisamment sanctionnées. J’ajoute qu’en adoptant cet amendement, nous nous alignerions sur l’ensemble des législations européennes, qui ne prévoient pas de telles négociations annuelles.

L’amendement CE2039, quant à lui, est un amendement de repli. Il propose de sortir les viandes hachées et les pâtes alimentaires  des négociations commerciales annuelles. Cela éviterait la forte pression qui s’exerce sur ces produits, qui contribue à maintenir les prix à un niveau insuffisant. Il faut savoir qu’en France, le prix moyen de la viande hachée se situe aux alentours de 2 euros par kilo alors qu’il avoisine 4 euros aux États-Unis. Comme 50 % de la viande bovine est consommée sous forme de viande hachée, cela influe sur le prix global de la carcasse. Les autres pièces bouchères ne sont pas soumises aux négociations annuelles : elles font l’objet de négociations à la semaine. Aujourd’hui, alors même que les stocks de viande hachée sont au plus bas, les grandes surfaces refusent d’augmenter le prix fixé pour l’année. Les négociations annuelles sur les pâtes alimentaires ont, elles, un effet sur le prix des céréales.

M. Antoine Herth. L’amendement CE1213 vise à consolider les conditions générales de vente. Cela permettrait aux entreprises de recréer de la valeur, en particulier de réinvestir dans l’innovation. Aujourd’hui, la richesse qu’elles créent est systématiquement pillée par l’aval.

M. Dominique Potier. C’est dans le même esprit que nous avons déposé notre amendement CE1798.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je propose aux auteurs des amendements identiques de se rallier à mes amendements CE2037 et CE2039, qui vont plus loin.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Les amendements CE2037 et CE2039 tendent en effet à supprimer une disposition pivot du cadre juridique des relations commerciales, qui est la convention unique. À notre connaissance, cette proposition n’a pas fait l’objet d’une concertation lors des États généraux de l’alimentation. Combinée avec le dispositif encadré de la clause de renégociation pour les fluctuations de prix, la convention unique vise à garantir une certaine stabilité de la relation commerciale. Comme toutes les réductions de prix doivent y être attachées, elle permet aux parties, le cas échéant aux corps de contrôle, d’appréhender cette relation dans sa globalité. La convention unique est en cohérence avec l’idée d’un équilibre global de la relation commerciale.

Dans ces conditions, ces amendements nous laissent perplexes. Nous suggérons de procéder à un complément d’expertise. Sagesse

M. Richard Ramos. Je souhaite maintenir mon amendement CE1820 qui est complémentaire de ceux du rapporteur.

M. Thibault Bazin. J’ai du mal à comprendre la position de
Mme la secrétaire d’État. Ne sommes-nous pas là pour changer le cadre des relations commerciales ? Si c’est bien le cas, pourquoi craindre de bouleverser ce qui est en place ?

M. Daniel Fasquelle. J’aimerais pointer une incohérence du Gouvernement. Notre commission a rejeté des amendements intéressants de nos collègues – je pense en particulier à celui de Mme Bessot Ballot – au motif que le titre IV allait être réécrit par des ordonnances. Et alors que nous sommes maintenant au cœur du titre IV, vous acceptez d’ouvrir un débat.

M. Antoine Herth. Ce genre de proposition me rend le rapporteur de plus en plus sympathique et que la ministre s’en remette à la sagesse de notre commission me convient parfaitement.

J’invite le rapporteur à réfléchir à la portée de son amendement CE2039. Il me paraît préférable de fixer un principe comme le fait l’amendement CE2037 – c’est le rôle premier du Parlement que de fixer des principes – plutôt que d’instaurer des exceptions. Mettre à part la viande hachée et les pâtes alimentaires ne conduirait qu’à déplacer la misère : la tension dans les négociations se porterait vers d’autres produits.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je souhaite bien évidemment que l’amendement CE2037 soit adopté car c’est le plus ambitieux. Je sais qu’il n’a pas donné lieu à une étude d’impact et qu’il fera du bruit mais nous sommes là pour changer les choses, comme le dit notre collègue.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. C’est justement parce que nous sommes là pour changer les choses qu’un sujet nouveau comme celui-ci peut être discuté. La modification demandée n’entre pas dans le champ de l’habilitation de l’article 10. Il a donc sa place parmi les amendements portant article additionnel après l’article 10.

Nous sommes ouverts aux débats mais le Gouvernement reste perplexe. Les dispositions que cet amendement veut supprimer lui semblaient plutôt protectrices pour les producteurs. Si cela n’est pas le cas, discutons-en.

La commission adopte lamendement CE2037.

En conséquence, les amendements CE2039 et les amendements identiques CE1213, CE1798 et CE1820 tombent.

La commission est saisie de lamendement CE1965 de M. Charles de Courson.

M. André Villiers. L’amendement vise à ajouter à l’article L. 441-7 du code de commerce les deux phrases suivantes : « Le plan d’affaires fait partie intégrante de la convention. Il indique le chiffre d’affaires prévisionnel fixé entre les parties d’un commun accord, et reprend les engagements réciproques, les leviers de développement, ainsi que les objectifs que les parties se sont fixés ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement vise à ajouter au code de commerce la notion de « plan d’affaires » incluant notamment le chiffre d’affaires prévisionnel, les engagements réciproques, les leviers de développement et les objectifs que les parties se sont fixés. L’article 10 du projet de loi est consacré à la modification du titre IV du livre IV du code de commerce. Le Gouvernement nous le confirmera mais je pense que les ordonnances pourront vous satisfaire.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Défavorable également.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE1909 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Mon amendement prévoit que le nom du négociateur figure dans la convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services. Les négociations commerciales s’étendent généralement sur quatre mois. Pour être concret, je citerai l’exemple d’une entreprise familiale d’Ille-et-Vilaine : en quatre mois de négociation, elle a eu deux cents rendez-vous bilatéraux pour obtenir trente-deux contrats. Cela revient à rencontrer le 1er octobre un premier négociateur, quinze jours après un autre, puis au début du mois de novembre le même qu’au début et ainsi de suite. Et on peut imaginer les échanges que cela occasionne : « Ah, mais je ne vous avais pas dit ça », « ce n’est pas ce dont nous sommes convenus l’autre jour ». Si l’on inscrit le nom du négociateur, cela le placerait devant ses responsabilités, celles de celui qui pose un acte et qui le transcrit dans un document, même s’il est intermédiaire. C’est une préconisation du rapport d’information sur l’élevage Le Loch-Benoit. (Sourires.)

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement reprend un amendement de la loi Sapin 2 adopté en commission puis supprimé en séance par le Gouvernement. Plutôt que de stigmatiser les négociateurs, mieux vaudrait réfléchir aux moyens d’empêcher que leur rémunération ne soit corrélée pour partie aux baisses tarifaires qu’ils obtiennent des fournisseurs. Je vous invite à en rediscuter d’ici à la séance publique.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Dans la mesure où les négociations sont conduites au nom et pour le compte de l’entreprise, il n’y a pas lieu d’ajouter le nom des employés chargés de la négociation commerciale dans un document contractuel.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1966 de M. Charles de Courson.

M. Thierry Benoit. Il faut le savoir, certaines centrales d’achat, lorsqu’elles négocient avec des industriels, demandent à ceux-ci une contribution pour alimenter des centrales d’achat internationales. Cet amendement vise à diriger cette contribution vers les seules centrales d’achat implantées en France.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait : depuis la loi Sapin 2, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) peut déjà contrôler les sommes perçues au titre des centrales internationales dès lors qu’elles portent sur des produits vendus en France. Par ailleurs, la modification envisagée conduirait à supprimer purement et simplement la prise en compte de la coopération commerciale dans la convention unique.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Défavorable pour les mêmes raisons.

M. Thierry Benoit. Petit rappel : lors du débat sur la loi Sapin 2, un amendement avait été adopté par des députés de tous les bancs. Je maintiens celui‑ci car je suis convaincu qu’il représente des sommes importantes pour des entreprises agricoles et agro-alimentaires de taille intermédiaire.

La commission rejette lamendement.

Elle examine en discussion commune les amendements CE1963 de M. Charles de Courson, CE456 de Mme Barbara Bessot Ballot, CE1971 et CE1972 de M. Éric Bothorel.

M. Thierry Benoit. Il convient de raccourcir la période de négociations des conventions de trois à deux mois.

Mme Barbara Bessot Ballot. Nous proposons de raccourcir cette période de trois à deux mois, tout en conservant la date du 1er décembre au plus tard pour l’envoi des conditions générales de vente. La date de clôture serait fixée au 31 janvier et non plus au 1er mars, date qui coïncide avec l’ouverture du salon international de l’agriculture, ce qui est toujours source de tensions.

M. Éric Bothorel. Il est important en effet de déplacer la date de clôture des négociations commerciales pour qu’elle ne coïncide plus avec l’ouverture du salon de l’agriculture.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les dates qui fixent la durée des négociations commerciales ont beaucoup moins d’importance depuis que nous avons retiré les produits agricoles et agro-alimentaires de la convention unique annuelle. Ce changement affecterait considérablement les secteurs autres que les produits alimentaires, nombre d’entreprises ayant besoin d’avoir de visibilité sur la clôture de leurs comptes au 31 décembre de l’année n -1. Avis défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Des fédérations professionnelles non agricoles nous ont fait part de leurs inquiétudes devant ces éventuels changements de date. Nous sommes prêts à discuter de changements possibles si une solution consensuelle peut être trouvée mais fixer une date différente dès maintenant pose problème.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de lamendement CE1910 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Cet amendement prévoit que le coût de création d’un nouveau produit vendu sous la marque du distributeur (MDD) soit à la charge totale et non plus partielle du distributeur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Lors de la discussion de la loi Sapin 2, le Gouvernement avait répondu que de telles modifications risqueraient d’officialiser une sorte de tutelle des grandes et moyennes surfaces sur les entreprises, ce qui rendrait difficile l’établir les responsabilités. Ce dispositif me semble intéressant pour les industriels qui, je pense, n’ont déjà pas beaucoup de marges de manœuvre pour les MDD. Sagesse.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Avis défavorable. Le Gouvernement ne souhaite pas un encadrement plus strict des contrats entre les industriels fabriquant les produits pour les distributeurs, les MDD, et les distributeurs. La loi prévoit déjà que les clauses des contrats doivent être équilibrées. Elles sont soumises aux dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce. Ces relations contractuelles doivent s’établir librement.

M. Thierry Benoit. J’ai noté l’avis de sagesse du rapporteur. Quant à la position du Gouvernement, je dois dire que je ne la comprends pas très bien. Les entreprises industrielles de taille intermédiaire, notamment du secteur agro‑alimentaire, ont de très faibles marges de manœuvre. À qui incombent les frais liés à la recherche, à l’innovation pour la création de nouveaux produits ? Aux industriels. Et quand un produit se vend bien, les distributeurs leur demandent de fabriquer pour eux un produit similaire.

M. Richard Ramos. Madame la ministre, je suis très inquiet que votre ministère ne veuille pas défendre les industriels de l’agro-alimentaire, qui nous permettent de faire rentrer des devises, face au cartel de la grande distribution.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE527 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement s’inspire de la proposition de loi de mon collègue Arnaud Viala, qui a malheureusement fait l’objet d’une motion de renvoi en commission en octobre dernier.

Il vise à compléter l’article L. 442-6 du code de commerce par les phrases suivantes : « Un contrat comportant la rémunération d’une entreprise à un prix inférieur au coût global de production du bien objet de la convention est présumé déséquilibré. En matière agricole, des barèmes indicatifs sont fournis par l’Observatoire de la formation des prix et des marges indiquant les coûts de production moyens par filière et par département. La rémunération du travail de l’exploitant est prise en compte ; ».

Cela permettrait de garantir un revenu aux producteurs et de prévoir une marge minimale à respecter, au-delà du coût de production.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La question du prix abusivement bas est traitée à l’article L. 442-9 du code de commerce. Les mêmes sanctions que pour l’article L. 442-6 s’appliquent. Je ne vois donc pas l’intérêt d’une telle insertion à un article portant sur les pratiques restrictives de concurrence. Avis défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Même avis pour les mêmes raisons.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1912 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Cet amendement a pour objectif de sanctionner l’absence de clause de renégociation dans les contrats prenant en compte les indicateurs de l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM).

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il n’est pas dans le rôle de l’OFPM de définir, en priorité, les indicateurs utilisés dans la clause de renégociation. Il revient avant tout aux interprofessions de les définir. Votre amendement serait inopérant. Je vous rappelle ce que prévoit l’article sur les clauses restrictives de concurrence : « Le fait : 7° D’imposer une clause de révision du prix, en application du cinquième alinéa du I de l’article L. 441-7 ou de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 441-7-1, ou une clause de renégociation du prix, en application de l’article L. 441-8, par référence à un ou plusieurs indices publics sans rapport direct avec les produits ou les prestations de services qui sont l’objet de la convention ; ».

Il faudrait réfléchir d’ici à la séance à une formulation plus adaptée à cette clause de renégociation. Mais n’oubliez pas que les pouvoirs du médiateur ont été étendus à cette clause, ce qui est une avancée notable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine les amendements identiques CE1192 de M. Antoine Herth et CE 1794 de M. Dominique Potier.

M. Antoine Herth. Madame la ministre, je veux vous donner un pouvoir, celui de sanctionner plus rapidement certains manquements par des amendes administratives car les procédures judiciaires prennent souvent beaucoup de temps, parfois n’aboutissent pas et dans la plupart des cas, le producteur se retrouve en difficulté financière voire en situation de faillite avant même que juge ne prenne sa décision.

M. Dominique Potier. Je préciserai seulement que cet amendement est issu de l’industrie agro-alimentaire et qu’il faut l’assumer comme tel. Les industriels souhaitent avoir des outils de sanction contre les pratiques commerciales abusives du cartel de la grande distribution, pour reprendre l’expression de M. Ramos.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il n’est pas souhaitable de limiter les possibilités d’amende à une seule dont le montant ne pourrait être supérieur à 5 % du chiffre d’affaires alors que les sanctions peuvent aller au-delà. J’y suis donc défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. L’amendement aurait pour effet de limiter les possibilités d’amende. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Elle est saisie des amendements identiques CE154 de M. Grégory BessonMoreau et CE617 de M. Fabrice Brun.

M. Grégory Besson-Moreau. La problématique du « cagnottage » concerne particulièrement les entreprises de grande distribution, qui tirent avantage de la mise en avant de produits d’appellation d’origine contrôlée dans le seul but de promouvoir leurs enseignes, en mettant, par exemple, en couverture d’un catalogue des vins AOC une promotion de type « deux bouteilles pour le prix d’une ».

Ce type de pratiques a deux effets néfastes pour les appellations d’origine contrôlée.

D’une part, les prix pratiqués par les enseignes de distribution entraînent une confusion dans la perception qu’ont les consommateurs du produit car cela les conduit à concentrer leur attention sur le prix pratiqué et non plus sur la valeur réelle du produit.

D’autre part, cela porte atteinte à l’image et à la notoriété propre de l’appellation d’origine concernée. L’appellation d’origine est garante d’une origine géographique ainsi que d’une qualité particulière du produit auquel elle est attachée. Parmi les conditions de reconnaissance d’une appellation d’origine, la notoriété du produit doit être au préalable dûment établie. Il en ressort que tout produit d’appellation d’origine est, par principe, notoirement connu.

L’amendement vise à interdire ce type de pratiques.

M. Fabrice Brun. Le cagnottage est une forme déguisée de vente à pertes. Cette pratique renvoie à la capacité qu’a une enseigne de gagner des marges sur un rayon pour « flinguer » un produit, il n’y a pas d’autre terme. Cela enlève toute idée de la vraie valeur et du prix juste qu’il faut payer pour un produit AOC ou pour un produit faisant l’objet d’une indication géographique protégée IGP. L’appellation d’origine contrôlée et l’indication géographique protégée doivent bénéficier d’une protection contre tout détournement. J’appelle à une large mobilisation sur tous les bancs pour mettre un terme à ces pratiques d’un autre temps.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous avons discuté des délais de paiement plus tôt dans l’examen des articles et sommes convenus qu’il fallait retravailler les amendements qui portent sur ce sujet d’ici à la séance. C’est le cas pour ces deux amendements que je vous demanderai de bien vouloir retirer.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ces amendements sont satisfaits par la réglementation actuelle concernant la dérogation aux délais de paiement pour les vins et d’autres boissons. Je vous rappelle que le Gouvernement s’est engagé à éviter de complexifier les textes en ajoutant des critères trop contraignants.

M. Grégory Besson-Moreau. Je maintiens mon amendement car je dois dire que je ne vois pas le rapport entre le cagnottage et les délais de paiement.

M. Fabrice Brun. Monsieur le rapporteur, je tiens à vous indiquer que l’équipe de France de rugby cherche un botteur et il me semble que vous pourriez vous porter candidat compte tenu de la manière dont vous avez botté en touche ! Je ne vois pas non plus le rapport avec les délais de paiement. Cette pratique commerciale fait perdre toute valeur monétaire aux AOC et aux IGP. Cela mérite un vrai débat.

M. Nicolas Turquois. Les problèmes posés par cette pratique relèvent plutôt de la réglementation des promotions.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La confusion vient du fait que l’exposé sommaire ne correspond pas au texte de vos amendements.

M. Grégory Besson-Moreau. Je vais donc retirer mon amendement pour l’ajouter à la liasse des amendements à retravailler.

M. Fabrice Brun. Pour ma part, je maintiens mon amendement.

Lamendement CE154 est retiré.

La commission rejette lamendement CE617.

Elle en vient à lamendement CE2075 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement tend à renforcer le mouvement initié par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « loi Macron ». Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 462-10 du code de commerce ne permet qu’un contrôle préventif de « tout accord entre des entreprises ou des groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail de produits de grande consommation, ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale de référencement ou d’achat d’entreprises de commerce de détail, visant à négocier de manière groupée l’achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs ».

L’objectif initial de ce dispositif était de permettre à l’Autorité de la concurrence de prévenir les effets anticoncurrentiels de ces accords. Toutefois, de tels effets ne sont pas nécessairement susceptibles d’être anticipés. Le contrôle ex ante apparaît comme étant manifestement insuffisant. Le présent amendement s’attache à instaurer un contrôle ex post de l’application des accords susvisés afin de permettre à l’Autorité de la concurrence d’analyser si ces accords créent ou non des effets anticoncurrentiels dans le fonctionnement du secteur de la distribution.

Cet amendement constitue une réponse opportune à la portée potentiellement anticoncurrentielle des accords conclus entre les acteurs de la grande distribution, centrales d’achat ou de référencement. Chargée de veiller à l’équilibre concurrentiel des marchés, l’Autorité de la concurrence est l’un des principaux garants de l’ordre public économique. Conformément aux articles L. 462-1, L. 462-3 et L.462-4, elle dispose d’une fonction consultative qui lui permet de recommander toute mesure utile au ministre de l’économie ou au ministre en charge du secteur. L’Autorité est dotée d’une expertise juridique et économique qui est telle que ses avis influencent significativement le comportement des acteurs du secteur considéré. Elle constitue ainsi un acteur majeur dont il convient de renforcer la place, au service d’un meilleur équilibre des relations contractuelles dans le secteur de la distribution et, par-delà, d’une revalorisation équitable des produits agricoles.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Ce sujet relève du groupe de travail dont nous avons évoqué la mise en place. Sagesse.

M. Daniel Fasquelle. Je suggère au rapporteur de retirer son amendement : tout à l’heure, nous avons décidé de travailler ensemble à une solution concernant le même problème. À la suite de Thierry Benoit, je souligne qu’un contrôle de l’Autorité de la concurrence intervenant un an après n’est pas à la mesure des enjeux.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ce délai d’un an permet de mesurer les effets concrets des regroupements de centrales d’achat ou de référencement. Cela dit, je retire mon amendement comme l’ont fait les autres groupes pour des amendements similaires.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1628 de M. Sébastien Jumel.

M. André Chassaigne. Cet amendement vise à instaurer une exception agricole et alimentaire dans le fonctionnement des marchés agricoles et alimentaires.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avant de se prononcer sur un tel amendement, il serait bon de prendre connaissance du rapport de l’Autorité de la concurrence commandé par le Gouvernement qui doit être publié au début du mois de mai car il porte précisément sur ce sujet.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Cet amendement vise à exempter le secteur agricole de l’application du droit de la concurrence si les pratiques relevées sur les marchés agricoles sont justifiées au regard de leur impact sur la qualité du produit agricole et le maintien dans l’emploi. Il nous semble qu’une telle disposition est inutile car elle est déjà prévue par l’article. L.420-4 du code de commerce : « Ne sont pas soumises aux dispositions des articles L-420-1 et L. 420-2 les pratiques […] dont les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d’emplois, et qu’elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. »

M. François Ruffin. Alors que M. le rapporteur nous demande d’attendre le rapport de l’Autorité de la concurrence, Mme la secrétaire d’État nous explique qu’elle est défavorable à l’amendement car le dispositif existe déjà. Notre intention est d’instituer une exception agriculturelle et de faire en sorte que l’agriculture ne soit pas, comme les autres secteurs, dans le champ de la concurrence. Et quand bien même le dispositif serait-il prévu dans un autre texte assez général, on pourrait très bien apporter cette précision ici en matière agricole.

M. Guillaume Garot. Un amendement identique a été adopté par la commission du développement durable au titre II. Nous aurons donc à nouveau ce débat.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous avons partiellement répondu au souhait de M. Ruffin en adoptant l’amendement qui exclut les produits alimentaires des négociations commerciales. Certes, cela ne va peut-être pas aussi loin qu’il le voudrait, mais c’est déjà une petite exception agriculturelle.

M. André Chassaigne. Cela veut-il dire que votre avis est favorable ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Non et je m’en suis expliqué. J’apportais simplement une information à M. Ruffin.

M. André Chassaigne. Il est bien évident que l’amendement ne se limite pas à la question de la grande distribution. Je constate même que vous êtes en deçà des décisions européennes. Il est fallacieux de dire que cette disposition va à l’encontre du droit européen de la concurrence – j’ai ici différents jugements de la Cour de justice de l’Union européenne qui le montrent. Mais en plus, le règlement « Omnibus » qui a été adopté en décembre 2017 par le Parlement européen et le Conseil décrète l’exception agricole en matière de droit de la concurrence. Si vous n’êtes pas en mesure de mettre en œuvre concrètement ce qui a déjà été adopté dans le cadre de ce règlement, on peut vraiment s’inquiéter de ce que vous recherchez in fine.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous avons précisément adopté plusieurs amendements visant à transposer le règlement « Omnibus » dans le droit français mais ce texte ne prévoit à aucun moment une exception agriculturelle au niveau européen. Je souhaiterais presque voter une mesure en ce sens mais en l’état actuel du droit, ce n’est pas possible.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE1506 de Mme Monique Limon.

Mme Célia de Lavergne. Cet amendement revient sur une disposition qui avait été votée dans la loi de modernisation de l’économie en 2008 faisant passer le seuil à partir duquel la commission départementale d’aménagement commercial examine les projets de surface commerciale de 300 à 1 000 mètres carrés. L’ensemble des enseignes de la grande distribution se livre à une guerre des prix alimentée par la possibilité pour elles de s’installer partout. Ramener ce seuil à 300 mètres carrés renforcerait la proximité de l’implantation des distributeurs et permettrait de valoriser des projets commerciaux de plus petite taille, et notamment des magasins de producteurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Sur le fond, je suis d’accord à 150 % avec cet amendement. Cependant, c’est un cavalier législatif qu’il vaudrait mieux insérer dans le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN). J’y serai alors favorable. Je suis même prêt à le cosigner.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Nous considérons également que cette disposition relève du cavalier et qu’elle a davantage sa place dans la loi ELAN. Avis défavorable.

M. François Ruffin. Prenons le risque d’abaisser le seuil dès maintenant ! Rien n’empêchera de redéposer l’amendement dans le projet de loi ELAN d’autant que la même sensibilité ne sera peut-être pas à l’œuvre. Aujourd’hui, nous nous préoccupons particulièrement des questions agricoles et du bien-être des agriculteurs, et il existe un consensus.

M. le président Roland Lescure. Ce sera la même commission qui examinera le texte ELAN. J’espère donc que la schizophrénie n’ira pas trop loin.

Madame de Lavergne, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Célia de Lavergne. Non. Je le redéposerai dans le cadre de l’examen de la loi ELAN.

Lamendement  est retiré.

La commission aborde lamendement CE1172 de Mme Célia de Lavergne.

Mme Célia de Lavergne. Il s’agit de rajouter un critère dont devra tenir compte la commission départementale d’aménagement commercial dans ses avis sur l’implantation ou non d’un projet commercial. Ce nouveau critère serait celui de la responsabilité sociale et de la distribution de produits bénéficiant d’un signe de qualité.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je crains à nouveau que ce soit un cavalier législatif mais je suis prêt à redéposer cet amendement avec vous dans le projet de loi ELAN.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Avis défavorable.

M. le président Roland Lescure. Retirez-vous votre amendement ?

Mme Célia de Lavergne. Oui.

Lamendement  est retiré.

La commission examine lamendement CE71 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à renforcer la transparence des comparateurs de prix dont les critères sont aujourd’hui encore insuffisants pour être pertinents.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La comparaison des prix est prévue par une directive 2006/114 du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative qui a été transposée, notamment à l’article L. 122-1 du code de la consommation. Les États membres ne peuvent pas avoir, en droit national, de mesures plus protectrices que ce qui est prévu par le droit européen. Avis défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Même avis.

M. François Ruffin. Cet amendement est très intéressant et permettrait de renforcer la transparence des prix. Je suis favorable à une certaine désobéissance vis-à-vis de l’Union européenne si une disposition va dans le bon sens. Je préférerais que vous m’expliquiez en quoi une mesure peut ne pas être satisfaisante au lieu de vous entendre objecter  que « cela ne va pas avec ce que souhaite Bruxelles ».

M. le président Roland Lescure. À ma connaissance, Bruxelles ne « souhaite » pas grand-chose. C’est du droit et on l’applique ou pas.

M. Dino Cinieri. Je remercie mon collègue Ruffin de son soutien mais j’accepte de retirer mon amendement.

Lamendement  est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CE667 de M. Dino Cinieri et CE1836 de M. Richard Ramos.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à renforcer la transparence des comparateurs de prix dont les critères sont aujourd’hui encore insuffisants pour être pertinents. Les prix comparés doivent être relevés à la même date et dans un même département et la publicité doit être faite sur des prix relevés dans la quinzaine la précédant afin de ne pas souffrir des variations saisonnières des cours des matières premières.

M. Richard Ramos. Il est très important que la voix de la France puisse, par le biais de notre Parlement, être entendue de temps en temps au Parlement européen.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis persuadé que
M. le ministre de l’agriculture porte la voix de la France en ce sens au Parlement européen mais dura lex sed lex. Avis défavorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Avis défavorable.

M. Daniel Fasquelle. Ce sujet mérite l’attention de la commission et du Gouvernement. Je le dis pour les comparateurs de prix visés ici mais aussi pour les comparateurs en général. J’ai suggéré au président de la commission de créer une mission d’information sur les comparateurs. Derrière ceux-ci, il y a des algorithmes qui sont utilisés de manière abusive pour tromper le consommateur.

M. le président Roland Lescure. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors d’une prochaine réunion du bureau de la commission.

M. André Chassaigne. Je ne comprends pas l’argument utilisé pour rejeter ce type d’amendements. J’espère que vous n’avez pas cité l’argument européen : le droit de la concurrence européen vise précisément à s’opposer aux cartels et à éviter les ententes qui faussent le marché. Ces amendements vont dans le sens de ce que peut souhaiter l’Europe. Il y a une espèce de fantasme autour de l’Union européenne. Dans le cadre de la mission que je mène sur l’agriculture durable dans l’Union européenne, un chercheur de l’université Panthéon-Sorbonne nous a expliqué que la perception qu’on avait de l’objectif poursuivi par l’Union européenne était complètement faussée. Je ne dis pas que tout ce que fait l’Europe est bien mais n’utilisons pas des arguments qui n’en sont pas !

M. François Ruffin. Comme je vois l’Europe à travers le prisme des arguments d’autorité du rapporteur et du Gouvernement, je ne l’aime pas. L’interprétation que propose André Chassaigne plaide davantage en faveur de l’Union européenne.

Par ailleurs, monsieur le président, vous dites que « Bruxelles ne souhaite rien » et que « Bruxelles, c’est le droit ». Eh  bien, nous faisons le droit de demain et souhaitons donner des orientations. Comme à Bruxelles !

M. le président Roland Lescure. Ce qui me gêne, c’est que Bruxelles a souvent bon dos. Bruxelles, soit dit en passant, est avant tout la capitale de la Belgique. J’imagine que chacun ici est conscient que le droit européen est élaboré par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne et que la France est présente à la table des négociations.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Qu’on se comprenne bien avec le président Chassaigne. Je ne dis pas que Bruxelles est responsable de tous nos maux. On ne parle pas ici de droit de la concurrence mais de la publicité comparative qui est bien encadrée par la directive européenne 2006/114 du 12 décembre 2006. Ce texte légifère spécifiquement sur le sujet et son application dans le droit national est le reflet de cette directive européenne. C’est un fait.

La commission rejette ces amendements.

Article 10 quater
(articles L. 132-4 et L. 132-11 du code de la consommation)
Publication des sanctions contre les pratiques commerciales déloyales

Cet article, adopté à l’initiative de M. Thierry Benoit et de plusieurs de ses collègues, rend obligatoire la publication des sanctions contre les pratiques commerciales trompeuses et agressives, conformément à la proposition n° 24 du rapport de Mme Annick Le Loch et de M. Thierry Benoit sur l’avenir des filières d’élevage ([40]).

En cas de condamnation, le tribunal devra ordonner, par tous moyens appropriés, l’affichage ou la diffusion de l’intégralité ou d’une partie de la décision ou d’un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci.

*

*     *

La commission aborde lamendement CE1865 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Cet amendement vise à rendre obligatoire la publication des sanctions contre les pratiques commerciales déloyales, trompeuses et agressives.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Avis défavorable. La situation actuelle permet déjà au juge de décider de la publication comme peine complémentaire, au même titre que d’autres peines complémentaires d’exercice d’une activité professionnelle pour une durée maximale de cinq ans, applicables quant à elles tant aux pratiques commerciales trompeuses qu’aux pratiques commerciales agressives. Par ailleurs, les peines principales encourues en cas de pratiques commerciales trompeuses et agressives ont été très nettement renforcées par la loi n° 2014-344 du
17 mars 2014 relative à la consommation. Désormais, ces pratiques sont punies d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros, amende dont le montant peut être porté de manière proportionnée aux avantages tirés du délit à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel. Pour les pratiques commerciales trompeuses, l’amende peut aussi être portée à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit. Le dispositif de sanctions existant est donc très dissuasif. L’automaticité de la publication d’une décision de condamnation pour pratique commerciale trompeuse ou agressive confèrerait à cette publication le caractère d’une peine accessoire à la peine principale. Or, en raison de leur incompatibilité avec le principe d’individualisation des peines qui s’est peu à peu constitutionnalisé, les peines accessoires ont été supprimées du code pénal en 1992 et depuis lors, de nombreux textes ou codes spéciaux dont le code de la consommation.

M. Grégory Besson-Moreau. J’entends ce que vous dites, Madame la secrétaire d’État, mais je suis en parfait accord avec M. Benoit. Lors de la discussion générale avec M. le ministre ici présent, nous avons parlé du name and shame qui fait d’ailleurs partie des engagements du Président de la République. On doit savoir qui ne respecte pas la loi. Je suis donc favorable à cet amendement que nous  devrions tous voter.

M. Thierry Benoit. Madame la secrétaire d’État, j’ai des doutes et des interrogations profondes à l’égard du ministère que vous représentez. Vous avez trouvé les arguments pour nous expliquer qu’il ne fallait pas que l’Autorité de la concurrence ait un droit de regard sur le regroupement de certaines grandes enseignes ni sur le renforcement des centrales d’achat. Ensuite, vous en avez trouvé d’autres pour vous opposer à ce que l’Autorité de la concurrence fixe une part de marché – de moins de 20 % – permettant de dissoudre l’oligopole des grandes surfaces. À présent qu’on demande que soient rendues publiques les sanctions contre les pratiques commerciales déloyales, vous trouvez encore les arguments pour protéger ces centrales. Finalement, dans notre pays, on protège les puissants et on enfonce les plus fragiles ! Cette loi ne vise-t-elle pas à rééquilibrer les relations commerciales ? Pour moi, le problème, ce n’est pas le ministre de l’agriculture : c’est Bercy ! Il faudra qu’on l’explique à nos agriculteurs : la grande distribution et les centrales d’achat sont défendues par Bercy.

M. Antoine Herth. Je voudrais juste raconter une anecdote. Un de nos anciens collègues député-maire a eu un jour le malheur de déplaire au propriétaire du supermarché local : lors de la campagne électorale suivante, celui-ci a imprimé sur tous les tickets de caisse des slogans hostiles au maire. On peut donc appliquer de temps en temps à la grande distribution les méthodes qu’elle utilise. Cet amendement va dans ce sens.

M. Vincent Descoeur. On doit afficher la volonté politique forte de lutter contre cette concentration des acheteurs, de rééquilibrer les relations commerciales et, de ce fait, de combattre les pratiques douteuses. Cela passe par la transparence vis-à-vis des consommateurs.

M. Dominique Potier. C’est de la philosophie politique : il n’y a pas de transparence sans une bonne information de nos concitoyens ; pas de vrai libéralisme sans citoyens éclairés. Dans la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, plus que les sanctions, les multinationales craignent les publications qui ont un effet très puissant.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Je suis un peu choquée car nous étions tous d’accord tout à l’heure pour travailler au renforcement du contrôle sur les centrales internationales. Comment pouvez-vous déformer à ce point mes propos ? J’ai présenté des arguments juridiques sur la proportionnalité des peines. Je vous prie de les respecter même si je conçois que vous puissiez avoir un autre avis.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1751 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Cet amendement vise à encadrer l’utilisation d’allégations portant sur le mode de production résultant d’un tri de la production agricole. Tout l’enjeu des États généraux de l’alimentation (EGA) était bien de restituer la valeur au producteur dans une chaîne de valeur équilibrée et loyale. Or, le tri des produits agricoles vise à permettre des allégations, comme le « zéro pesticide », qui ne sont pas fondées et dont la valeur ne peut être restituée au producteur. Il s’agit donc de rééquilibrer les choses.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La réalité que vous décrivez est choquante. Toutefois, l’amendement pose plusieurs problèmes d’application. D’abord, je ne comprends pas comment un accord interprofessionnel ou un arrêté préfectoral pourrait définir précisément la « création de valeur » qu’entraîne une allégation comme « zéro pesticide », indépendamment de la question de savoir si cette création de valeur va au producteur ou au distributeur. En outre, en matière d’information du consommateur, les allégations relatives à la nutrition ou à la santé des denrées alimentaires sont très encadrées par le règlement de l’Union européenne du 20 décembre 2006 : la loi n’a pas toute marge de manœuvre. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable. Les allégations peuvent être utilisées dès lors qu’elles sont conformes aux principes établis par ce règlement qui prévoit que les informations sur les denrées alimentaires n’induisent pas en erreur et sont suffisamment précises, claires et aisément compréhensibles par les consommateurs. D’où le travail qu’on a à mener après sur l’étiquetage. Dès lors que les allégations peuvent être justifiées par l’opérateur, il n’est pas possible de conditionner leur utilisation à l’établissement d’un accord interprofessionnel qui serait étendu par les pouvoirs publics.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1797 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous proposons qu’un comité, où des parlementaires auraient leur place aux côtés des services de l’État, puisse être chargé du suivi de la part du Grand plan d’investissement qui sera consacré à l’investissement agricole et agroalimentaire. Les EGA ayant été fondés sur une forte dynamique participative, nous ne voudrions pas sombrer dans une logique administrative où nous ne serions que spectateurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ce n’est pas une mauvaise idée. La Représentation nationale est en droit d’avoir des informations sur les dépenses effectuées dans le cadre du Grand plan d’investissement. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il est déjà prévu d’assurer un suivi du Grand plan d’investissement : on a installé un comité de pilotage, un conseil supérieur de l’orientation de l’agriculture et le Conseil national de l’alimentation. On aura aussi la possibilité de réunir les parlementaires pour discuter de ces sujets et évaluer les opérations menées dans ce cadre. Il n’est pas nécessaire d’empiler les commissions ni de créer un comité ad hoc. Avis défavorable.

M. Richard Ramos. J’espère que demain, les parlementaires seront présents au sein du Conseil national de l’alimentation.

M. le président Roland Lescure. Je vous rappelle que nous avons auditionné Jean Pisani-Ferry qui nous a présenté ce Grand plan d’investissement et qui s’est engagé à venir une fois par an nous rendre des comptes sur le suivi de ce plan.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’entends bien votre demande récurrente concernant le CNA, monsieur Ramos. Cela se décidera au sein du Conseil. Je m’en remets à l’immense sagesse de son président.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. À la suite des explications du ministre, j’émets un avis défavorable à l’amendement.

La commission rejette lamendement.

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Article 10 quinquies
Promotion de lagriculture de groupe

Cet article, adopté à l’initiative de M. Dominique Potier et de plusieurs de ses collègues membres du groupe Nouvelle Gauche, a pour objectif de promouvoir l’agriculture de groupe.

L’agriculture de groupe a été un moteur puissant de la révolution agricole dans l’après-guerre. Soutenue par la puissance publique, elle a permis de lutter contre la compétition stérile et d’accélérer le progrès technique et économique tout en cultivant les valeurs d’entraide et de coopération. À l’issue des EGA, cet article réaffirme le rôle de cette agriculture et invite l’État à accompagner ses missions de solidarité et d’innovation sur tous les territoires.

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La commission étudie lamendement CE1986 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous en arrivons à un amendement auquel nous tenons particulièrement. Nous avons redécouvert lors des États généraux de l’alimentation à quel point les collectifs territoriaux ont été des moteurs de l’agriculture comme sources d’intégration des nouveaux entrepreneurs, d’innovation dans l’agriculture et dans ce qu’on appelle désormais la recherche participative. Ils sont un facteur de compétitivité indéniable, notamment grâce aux économies d’échelle qu’ils permettent de faire en matériel et aux stratégies de commercialisation qu’ils suivent. Il s’agit que l’agriculture de groupe dans toutes ses formes – celle des CUMA (coopératives d’utilisation de matériel agricole), des GEDA (groupes d’étude et de développement agricole), des CIVAM (centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural) et des GI2E (groupements d’intérêt économique et environnemental) – soit reconnue à un article du code rural et de la pêche maritime définissant les objectifs de la politique agricole. Cela n’a pas été fait depuis les années 1960 où ces collectifs ont joué un rôle moteur dans le développement de l’agriculture. Nous vivons sur nos territoires une révolution agricole. Il convient, en nous appuyant sur cet article, de refonder cette agriculture de groupe sur des principes clairs afin qu’elle ne soit pas banalisée sur les plans budgétaire, réglementaire et fiscal.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis favorable. L’agriculture de groupe est importante. Il est nécessaire que les CIVAM et les CUMA puissent s’inscrire dans des démarches complémentaires à celles de toutes les structures dont les démarches sont déjà reconnues. Je viens d’un territoire, l’Ouest de la France, qui est riche de la diversité des CUMA. On sait quel est leur poids sur les territoires, en termes d’aides, d’investissement et de mutualisation. On aimerait d’ailleurs pouvoir faire en sorte que certains investissements réalisés par les CUMA puissent être subventionnés par la PAC – nous sommes en train d’y travailler.

La commission adopte lamendement.

Elle aborde lamendement CE1834 de M. Nicolas Turquois.

M. Nicolas Turquois. Nous avons été plusieurs à nous interroger, à l’article 1er, quant à l’efficacité de cette loi à garantir le revenu des agriculteurs. Il nous semble donc important de pouvoir évaluer très rapidement cette efficacité, vu la situation catastrophique de ceux-ci. Nous proposons que l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) remette régulièrement un rapport au Parlement ou vienne présenter devant cette commission une évaluation de l’application des articles 1er à 10 de ce texte.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. C’est au Parlement qu’il revient d’évaluer la loi, quitte à interroger l’OFPM. Dans un premier temps, le débat sur les projets de loi de ratification des ordonnances prévues sera l’occasion d’un bilan d’application des dispositifs des articles 8, 9 et 10. Je vous prie donc de retirer cet amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’ajoute qu’il n’est pas nécessaire d’inscrire dans la loi que l’Observatoire de la formation des prix et des marges doit venir devant votre assemblée. Il suffit que le président de votre commission décroche son téléphone, appelle le responsable de l’Observatoire et lui propose de l’auditionner.

M. le président Roland Lescure. Nous avons toujours plaisir à recevoir dans nos murs M. Chalmin, à la verve légendaire.

M. Nicolas Turquois. Je retire mon amendement.

Lamendement  est retiré.

Lamendement CE740 de M. Antoine Herth est également retiré.

Article 10 sexies
Rapport du Gouvernement sur lagriculture de montagne

Adopté à l’initiative de M. Arnaud Viala, cet article prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur la pérennisation des aides et dispositifs spécifiques à l’agriculture de montagne.

Il semble nécessaire de dresser un bilan de la situation existante dans les zones de montagne. L’article 18 de la loi n° 95‑30 du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne modifié par la récente loi n° 2016‑1088 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, prévoit que : « dans le cadre de la politique nationale de la montagne, les soutiens spécifiques à l’agriculture de montagne ont pour objectif de compenser les handicaps naturels de la montagne. Ces mesures comprennent, d’une part, une aide directe au revenu bénéficiant à tout exploitant agricole en montagne et proportionnée au handicap objectif et permanent qu’il subit et, d’autre part, l’accompagnement apporté aux constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole et aux outils de production et de transformation. Les soutiens spécifiques à l’agriculture de montagne sont mis en œuvre dans le cadre d’une approche territoriale garantissant le développement économique, reconnaissant les diverses formes d’organisation collective agricole et pastorale et assurant le maintien d’une population active sur ces territoires ».

En outre, l’article 61 de la loi de 2016 précitée prévoit une mesure favorable à la collecte de lait. Le rapport dont il est question à cet article 10 sexies permettra de faire le point sur l’ensemble de la question.

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Puis la commission est saisie de lamendement CE1073 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur l’agriculture de montagne qui a ses particularités et qui bénéficient d’aides spécifiques. La loi « Montagne » de 1985 puis la loi « Montagne 2 » de 2016 ont prévu plusieurs dispositifs. Il me semble intéressant que nous puissions être éclairés sur ceux-ci. Ce rapport pourra aussi servir au ministre pour faire reconnaître la spécificité de cette agriculture au niveau européen.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le rapporteur émet un avis favorable car c’est le Gouvernement qui va devoir travailler (Sourires) mais c’est un travail que nous acceptons avec joie car cela pourra être utile pour mieux appréhender la vie agricole de la montagne. Ce rapport sera également utile à l’ensemble des parlementaires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

La commission en vient à lexamen de lamendement CE2040 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement d’appel, en quelque sorte, fait directement écho aux propos tenus par le Président de la République à l’occasion de l’accueil des nouvelles générations en agriculture, en février 2018, lorsqu’il affirmait la nécessité de mettre en place, à l’échelle de l’Union européenne, un organisme commun chargé de la répression des fraudes aux règles du marché intérieur et des contrôles sanitaires des produits agricoles commercialisés au sein du marché intérieur. La législation européenne en matière sanitaire est rigoureuse mais les produits importés d’États tiers ne respectent pas toujours des règles aussi strictes. Le présent amendement vise à répondre à ce défi en coordonnant l’action des États membres de l’Union autour d’un organisme technique chargé de contrôler la qualité des produits importés et, ainsi, de renforcer la confiance des producteurs et la protection des consommateurs. Il est demandé au Gouvernement de conduire dans un délai d’un an une réflexion en ce sens et de formuler des propositions concrètes en vue de la création de cet organisme.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Cet amendement fait en effet écho aux déclarations du Président de la République et nous travaillons précisément à la formulation d’une proposition française que nous défendrons au niveau européen. La concertation avec le Parlement est naturellement utile, mais l’amendement tel qu’il est rédigé, prévoyant la création d’un organisme technique, nous semble prématuré ; nous en suggérons donc le retrait.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je le retire volontiers : je comprends que le délai est trop court, et nous reviendrons sur ce sujet dans les prochains mois et les prochaines années.

Lamendement est retiré.

Article 10 septies
Rapport du Gouvernement sur les contournements de la présente loi

Adopté à l’initiative de M. Jacques Cattin et de plusieurs de ses collègues membres des groupes Les Républicains, UDI-AGIR et indépendants, La République en Marche et Gauche démocrate et républicaine ayant déposé un amendement identique, cet article prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, un rapport examinant les manœuvres visant à contourner les objectifs et l’application du titre Ier de la loi, ou à contourner l’objectif de concurrence libre et non faussée au détriment du bon déroulement de la négociation commerciale et des producteurs, y compris dans l’espace intracommunautaire.

Cet article a pour objectif d’inciter les services de l’État et le Gouvernement à inventer des outils nouveaux pouvant mettre un terme à des pratiques déviantes, notamment la délocalisation de centrales d’achat des enseignes de la distribution dans d’autres pays de l’espace européen.

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La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE219 de M. Jacques Cattin, CE326 de M. Jean-Yves Bony, CE402 de M. Vincent Descoeur, C411 de Mme Véronique Louwagie, CE743 de M. Antoine Herth, CE1319 de M. Pierre Morel-À-LHuissier, CE1328 de M. Emmanuel Maquet, CE1422 de M. Michel Delpon et CE1636 de M. Sébastien Jumel, ainsi que les amendements CE1180 de M. Gilles Lurton et CE445 de M. Lionel Causse.

M. Jacques Cattin. L’amendement CE219 vise à enrayer les manœuvres qui génèrent une concurrence déloyale sur le territoire national et à partir d’autres pays européens.

M. Jean-Yves Bony. L’amendement CE326 est défendu.

M. Vincent Descoeur. Comme M. Bony, nous proposons par l’amendement CE402 qu’un rapport éclaire le Parlement sur les manœuvres visant à contourner les objectifs et l’application du titre Ier du projet de loi ou l’objectif de concurrence libre et non faussée, au détriment de la négociation et, surtout, des producteurs.

M. André Villiers. L’amendement CE1319 est défendu pour les mêmes motifs.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CE411 est défendu.

M. Antoine Herth. L’amendement CE743 également.

M. Emmanuel Maquet. Idem pour l’amendement CE1328.

M. André Chassaigne. Pour une raison qui m’échappe, notre amendement CE1636 est identique aux précédents – sans doute une erreur d’écriture… (Sourires.) C’est la preuve que la convergence est plus facile à trouver dans des amendements que sur le terrain politique ! À la lecture de cet amendement, je me suis dit qu’il ne pouvait être déposé que par des auteurs expérimentés. Depuis une quinzaine d’années – ceux du vieux monde qui sont ici s’en souviennent – nous débattons du mécanisme de contrôle à imposer à la grande distribution pour qu’in fine, les producteurs s’y retrouvent. Or, à chaque fois, les lois et décrets ont été contournés parce que dans le domaine financier, l’intelligence n’a pas de limite. Il est donc très important que nous puissions faire le point dans des délais assez rapides car malgré toute votre bonne volonté – dont je vous félicite – et tous vos efforts, monsieur le ministre, vous risquez en fin de compte de vous faire appeler « M. Sisyphe » si vous ne parvenez pas à atteindre votre objectif. Sisyphe, dans son effort, exerçait au moins ses muscles !

M. Michel Delpon. L’amendement CE1422 vise à demander un rapport au Gouvernement afin d’examiner les manœuvres de contournement des objectifs et de l’application du titre Ier par les centrales d’achat européennes. L’amendement CE2037 défendu par le rapporteur pourrait précisément s’appliquer à ces centrales.

M. Gilles Lurton. L’amendement CE1180 est défendu.

M. Lionel Causse. Le rapport proposé par ces amendements, y compris l’amendement CE445 que je défends, est nécessaire, et un délai de deux ans me semble judicieux.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Une fois n’est pas coutume, je suis totalement d’accord avec l’exposé du président Chassaigne concernant les possibilités de détournement de la loi qui existent pour les distributeurs, entre autres. D’ordinaire, c’est au Parlement qu’il appartient d’évaluer la loi et son application mais le travail des autres ne me fait pas peur ; je suis donc favorable à ces demandes de rapport.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis favorable : le Gouvernement n’ayant rien à faire le lundi soir, il sera ravi de s’attacher à la rédaction de ces rapports.

M. André Chassaigne. Je m’étonne de constater que le rapporteur et le ministre privilégient parfois un amendement – sans doute par le fruit du hasard – parmi une série d’amendements identiques : étant identiques, ils doivent tous être retenus !

M. le président Roland Lescure. Tout à l’heure, monsieur Chassaigne, votre amendement figurait dans une liste d’amendements identiques en discussion avec d’autres amendements non identiques dont l’un a été retenu ; dans le cas présent, il faut en effet choisir entre les amendements identiques et les deux autres qui sont en discussion commune.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je précise donc : avis favorable à la série d’amendements identiques.

M. Lionel Causse. Je retire l’amendement CE445.

Lamendement CE445 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques CE219, CE326, CE402, CE411, CE743, CE1319, CE1328, CE1422 et CE1636.

En conséquence, lamendement CE1180 tombe.

TITRE II
MESURES EN FAVEUR d’une alimentation saine,
de qualité et durable et respectueuse du bien-être animal

Chapitre Ier
Accès à une alimentation saine

M. le président Roland Lescure. Nous poursuivons l’examen du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation durable.

Dans un marathon, la deuxième partie est souvent un peu plus compliquée que la première… Nous avons examiné 51 % des amendements et sous-amendements déposés, à une vitesse moyenne de 68 amendements par heure. Je n’exclus pas d’ouvrir les séances de vendredi 20, en espérant qu’il ne sera pas nécessaire d’ouvrir celles de samedi 21 et dimanche 22. M. le ministre m’a fait connaître sa disponibilité pour toutes ces dates et je l’en remercie.

Je souhaite la bienvenue à nos invités et j’en profite pour rappeler les règles de fonctionnement.

Je commencerai nos réunions à l’heure précise, quand bien même des amendements ne seront pas défendus ; je serai très strict sur les durées d’intervention : vous disposerez d’une minute maximum pour présenter un amendement ou pour le discuter, et je couperai la parole.

Sur de nombreux sujets, les auteurs d’amendements ont manifestement eu la même source d’inspiration… Pour les amendements identiques, un seul orateur par groupe ayant déposé l’un de ces amendements interviendra ; les autres auteurs ne pourront prendre la parole que s’ils ont des arguments supplémentaires à faire valoir par rapport aux précédents orateurs.

Dans la discussion, après l’avis des rapporteurs au fond et pour avis, et du Gouvernement s’il le juge nécessaire, je n’autoriserai à s’exprimer qu’un orateur pour et un orateur contre. Bien entendu, ces règles seront mises œuvre en veillant à respecter l’équilibre des groupes. Sur les questions de fond, j’accorderai plus de souplesse pour laisser place au débat. Vous conviendrez avec moi que tous les amendements n’ont pas la même importance.

Enfin, c’est aujourd’hui la dernière réunion de la commission d’enquête sur la politique industrielle. Je suspendrai donc cette séance aux alentours de onze heures pour que ses membres puissent aller voter la publication du rapport de cette commission d’enquête en salle Lamartine.

Avant l’article 11

La commission examine lamendement CE166 de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de laménagement du territoire. L’amendement vise à ajouter la mention du bien-être animal à l’intitulé du titre II.

M. Yannick Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement.

M. Thierry Benoit. Qui trop embrasse mal étreint ! Je préférerais que l’on ajoute dans ce titre « et qui rémunère équitablement les producteurs ». La priorité des priorités de cette loi, issue des États généraux de l’alimentation, c’est bien le revenu agricole, c’est l’avenir de l’agriculture française ; elle doit permettre au ministre de l’agriculture de définir le modèle qu’il souhaite pour les années à venir, celui d’une agriculture qui rémunère ses producteurs.

La commission adopte lamendement.

Elle passe à lexamen de lamendement CE168 de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement, adopté en commission du développement durable suivant l’avis favorable du ministre et de sa rapporteure, vise à décliner le contenu du titre II en ordonnant les thèmes visés successivement. Le chapitre Ier s’intitulerait donc « Accès à une alimentation saine ».

Suivant lavis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte lamendement.

Article 11
(articles L. 230-5-1, L. 230-5-2, L. 230-5-3 et L.230-5-4 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime)
Amélioration de la qualité des produits servis en restauration publique

1.   L’état du droit

a.   Un long cheminement juridique

La recherche de diversification et d’amélioration de la qualité des produits proposés en restauration collective a fait l’objet de nombreuses initiatives nationales comme locales. Il s’agit de valoriser l’ancrage territorial de l’approvisionnement des cantines, de recourir davantage aux productions de l’agriculture biologique ou des produits qui bénéficient de labels ou de signes de qualité (label rouge, mention « haute qualité environnementale », produits de montagne, etc.).

Les bénéfices sont multiples : l’amélioration de la qualité nutritionnelle et gustative des repas servis, les retombées économiques positives pour les producteurs locaux, l’effet de levier de la demande issue de la restauration collective sur le secteur du bio, les externalités environnementales positives de l’approvisionnement en circuits courts.

Le principal frein à la montée en gamme des repas servis en restauration collective est, naturellement, le prix. Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, le coût dapprovisionnement des denrées représente environ la moitié du coût total dun repas en restauration collective (49 %). Selon les données de 2017 de lAgence Bio, également citées par létude dimpact, 77 % des établissements ayant introduit des produits d’origine biologique font état d’un surcoût d’approvisionnement de 18 % en moyenne (contre 24 % en 2012). Dans le secteur hospitalier, où la tension financière est importante, l’écart de prix sur les denrées issues de l’agriculture biologique par rapport à celles issue de l’agriculture conventionnelle serait actuellement de l’ordre de 25 %.

Ainsi, pour la restauration collective publique, en particulier, les marges de manœuvre financières sont très limitées. Comment concilier les objectifs de qualité des repas servis avec un prix par repas ne pouvant excéder 1,40 euro ? Il existe peu d’arguments comptables, sinon le suivant : l’amélioration de la qualité des repas doit conduire à davantage d’assiettes terminées, donc un moindre gaspillage alimentaire, ce qui devrait permettre de réduire les quantités servies, et par là, de substituer la qualité à la quantité, à tarif sensiblement égal. Selon l’étude d’impact, plus de la moitié (54 %) des établissements recensés par l’Agence Bio mettent en place des mesures visant à limiter le surcoût à travers des démarches de lutte contre le gaspillage alimentaire et la construction d’un approvisionnement plus efficient (mise en concurrence des fournisseurs, choix des produits, respect de la saisonnalité) afin d’amortir les surcoûts liés à l’amélioration de l’approvisionnement.

Dans ce contexte, jusqu’à présent, la loi a fixé plusieurs caps d’amélioration de la qualité des repas servis, sous la forme d’objectifs progressifs à atteindre, sans trajectoire contrainte.

L’article 48 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement prévoit que l’État « se donne pour objectif » de recourir, « pour l’approvisionnement de ses services de restauration collective, à des produits biologiques pour une part représentant 15 % des commandes en 2010 et 20 % en 2012 ainsi que, pour une part identique, à des produits saisonniers, des produits à faible impact environnemental eu égard à leurs conditions de production et de distribution, des produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine ou des produits issus d’exploitations engagées dans une démarche de certification environnementale ».

Toujours dans le registre programmatique, l’article 1er de la loi n° 2014‑1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt modifie l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime pour prévoir que « le programme national (…) prévoit notamment des actions à mettre en œuvre pour l’approvisionnement de la restauration collective, publique comme privée, en produits agricoles de saison ou en produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine, notamment issus de l’agriculture biologique ».

Cependant, comme l’étude d’impact le relève, « si certaines communes se sont fortement engagées dans la conversion à l’agriculture biologique, la part de produits issus de l’agriculture biologique dans l’approvisionnement de la restauration collective reste faible, de l’ordre de 2,9 % » – les données n’étant pas disponibles pour les autres produits de qualité.

Prenant note de ce constat d’échec, un dispositif plus contraignant a été proposé par l’Assemblée nationale, d’abord sous la forme d’une proposition de loi n° 3280 de Mme Brigitte Allain et plusieurs de ses collègues visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation, adoptée en première lecture le 14 janvier 2016, puis par voie d’amendement au projet de loi dit « Égalité et citoyenneté ».

Ce dispositif fixait pour l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics l’obligation, pour les services de restauration collective dont ils ont la charge, de parvenir à composer des repas comprenant 40 % de produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine ou sous mentions valorisantes ([41]), ou provenant d’approvisionnements en circuits courts ou répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité des produits ; ainsi que 20 % de produits issus de l’agriculture biologique ou de surfaces agricoles en conversion.

Tandis que l’examen de la proposition de loi n° 3280, précitée, n’a pas pu parvenir au terme de la navette parlementaire, l’article 47 septies du projet de loi « Égalité et citoyenneté » a été censuré par le Conseil constitutionnel avant la promulgation de la loi, la décision jugeant que cet article avait un lien trop indirect avec le projet de loi initial.

Toutefois, la philosophie du dispositif, en particulier sa nature contraignante, est reprise dans l’article 11 du présent projet de loi.

b.   La difficile prise en compte de la proximité dans les règles de marché public

Outre l’approvisionnement en produits issus de l’agriculture biologique ou identifiés par des signes et marques de qualité (comme label rouge, produit de la ferme ou exploitation à haute valeur environnementale), un des enjeux de l’amélioration de la qualité des repas servis en cantine porte sur la capacité des gestionnaires de s’approvisionner en « local ».

Servir des produits issus d’exploitations situées dans une zone proche permet notamment d’éviter les temps de trajet trop importants, qui nuisent à la qualité des aliments (et, parfois, s’accompagnent d’un bilan carbone important), de permettre de respecter la saisonnalité des produits consommés ou encore d’encourager le maintien d’une agriculture de proximité. Abusivement qualifié d’approvisionnement en « circuits courts » (ce terme renvoie en réalité au nombre d’intermédiaires entre la production et la consommation, et non à la distance géographique qui lie ces intermédiaires), cet approvisionnement de proximité est cependant délicat à caractériser dans un appel d’offres, en raison des règles en vigueur en matière de marchés publics – règles harmonisées au niveau européen, pour garantir la cohésion du marché unique, et traduites dans notre droit interne au niveau réglementaire.

 

 

 

Mobiliser le levier de la commande publique au service de la proximité, dans le respect du code des marchés publics : une gageure (extraits de l’étude d’impact)

« Le point 4 de l’article 42 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE dispose que : « les spécifications techniques ne font pas référence à une fabrication ou une provenance déterminée ou à un procédé particulier, qui caractérise les produits ou les services fournis par un opérateur économique spécifique, ni à une marque, à un brevet, à un type, à une origine ou à une production déterminée qui auraient pour effet de favoriser ou d’éliminer certaines entreprises ou certains produits ».

« Par conséquent, il n’est pas possible d’imposer à des pouvoirs adjudicateurs des objectifs qui les conduiraient nécessairement à définir leurs besoins en faisant référence à l’origine des produits. En revanche, le droit de la commande publique admet que les besoins soient définis en tenant compte de préoccupations environnementales et que des critères environnementaux, liés à l’objet des contrats, soient utilisés. Or la notion de coût du cycle de vie telle qu’elle est définie à l’article 63 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics permet de prendre en compte les coûts liés aux externalités environnementales liés au produit, en particulier les impacts de distance. Le I de cet article dispose que :

« Le coût du cycle de vie couvre, dans la mesure où ils sont pertinents, tout ou partie des coûts suivants du cycle de vie d’un produit, d’un service ou d’un ouvrage :

« 1° Les coûts supportés par l’acheteur ou par d’autres utilisateurs, tels que :

« a) Les coûts liés à l’acquisition ;

« b) Les coûts liés à l’utilisation comme la consommation d’énergie et d’autres ressources ;

« c) Les frais de maintenance ;

« d) Les coûts liés à la fin de vie comme les coûts de collecte et de recyclage ;

« 2° Les coûts imputés aux externalités environnementales liés au produit, au service ou à l’ouvrage pendant son cycle de vie, à condition que leur valeur monétaire puisse être déterminée et vérifiée. Ces coûts peuvent inclure le coût des émissions de gaz à effet de serre et d’autres émissions polluantes ainsi que d’autres coûts d’atténuation du changement climatique ».

La possibilité d’inclure plus largement les modes de valorisation définis à l’article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime [SIQO – signes d’identification, de qualité et d’origine des produits] n’est pas incompatible avec le droit de la commande publique, dès lors que les critères de sélection établis lors de la passation du marché visent également les dispositifs équivalents de l’Union européenne ».

Selon l’étude d’impact, la notion de coût de cycle de vie permettrait donc de contourner l’impossibilité de recourir à des critères de proximité dans les appels d’offres de marchés de restauration publique, en produisant un résultat finalement assez proche : l’analyse de cycle de vie (ACV) devrait conduire à des résultats qui favorisent les produits locaux.

Toutefois, la même étude d’impact rappelle que les établissements publics qui gèrent un service de restauration collective parviennent, même sans impulsion législative claire, à des résultats satisfaisants en la matière. Ainsi, selon l’Agence Bio, précitée, 78 % des produits bio achetés en restauration collective sont dorigine française et 59 % dorigine régionale. Plus généralement, 65 % des établissements encouragent lapprovisionnement de proximité dans leurs appels doffres, essentiellement en utilisant le critère « circuits courts » (77 %) et le critère « fraîcheur » (75 %). Cependant, pour lapprovisionnement en produits qui ne sont ni dorigine biologique, ni labellisés ou valorisés par un SIQO – dont lorigine régionale est mécanique –, limpasse juridique demeure.

2.   Le projet de loi

L’article 11 du projet de loi prévoit de renforcer les obligations applicables aux personnes morales de droit public qui ont la charge d’un service de restauration collective. Il s’agit, notamment, des services de l’État, des collectivités territoriales ou encore des établissements sociaux et médico-sociaux.

La restauration collective publique devra proposer, dans la composition des repas servis, une part « significative » de produits présentant au moins l’une les caractéristiques suivantes :

– être issus de l’agriculture biologique ;

– bénéficier d’un signe, label, appellation d’origine, indication géographique ou d’une mention valorisante comme la mention « produit de montagne », « produit fermier » ou « produit pays » ;

– satisfaire de manière équivalente aux exigences qui permettent aux produits d’accéder aux signes ou mentions précitées ;

– être acquis en tenant compte du coût du cycle de vie du produit, au sens de l’article 63 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

La mesure de ce que représente la part significative est renvoyée à un décret en Conseil d’État, qui fixera un pourcentage. Selon l’exposé des motifs de l’article, ce pourcentage pourrait être de 50 % de produits acquis satisfaisant l’un des critères mentionnés ci-dessus, dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique.

Ce décret précisera également des mesures d’application progressive jusqu’en 2022 – une étape intermédiaire est envisagée – et les modalités de suivi de la mise en œuvre du présent article.

3.   La position de votre rapporteur

Les dispositions de l’article 11 reprennent une préoccupation majeure issue des États généraux de l’alimentation, auquel votre rapporteur souscrit entièrement. Le double objectif d’amélioration de la qualité des repas servis en restauration collective publique et d’encouragement des filières agricoles de proximité que ces dispositions vont permettre d’atteindre justifie que l’État fixe des seuils ambitieux, dont le respect est obligatoire à l’horizon 2022, plutôt que des caps peu normatifs, comme c’est le cas dans le droit existant.

Lors des auditions menées par votre rapporteur, la notion de coût de cycle de vie a toutefois soulevé des interrogations. Il ne serait d’ailleurs pas excessif d’indiquer que cette mention a suscité une désapprobation générale, par son manque d’intelligibilité, voire son caractère contre-productif par rapport à l’objectif poursuivi d’encouragement des filières locales.

Une analyse de cycle de vie est une démarche complexe à mettre en œuvre ; elle permet, certes, de mesurer certaines externalités environnementales comme le temps de transport, mais n’est pas un outil de mesure de la distance qui sépare la production d’un produit de sa consommation. Elle pourrait même conduire à des résultats inverses, car le bilan carbone (qui n’est qu’une variable de cette ACV) d’une viande sud-africaine élevée en plein air, puis acheminée en bateau, peut être plus faible que celui d’une viande française locale, mais issue d’une exploitation intensive et acheminée dans un petit véhicule utilitaire.

Le Gouvernement a cherché le moyen de contourner, par une astuce juridique, le code des marchés publics pour favoriser la proximité dans les appels d’offres des marchés de la restauration collective. Toutefois, force est de constater qu’une alternative devra être trouvée pendant les débats parlementaires.

4.   La position de votre commission

À l’initiative du Gouvernement, un amendement de rédaction globale, adoptée avec l’avis favorable du rapporteur, a permis de lever certains doutes sur le dispositif, tels qu’indiqués précédemment, et de l’enrichir de plusieurs ajouts issus des débats de l’examen du projet de loi par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie pour avis de l’ensemble du titre II.

Les produits de qualité qui doivent entrer, à hauteur de 50 % (précision apportée par un sous-amendement défendu par Mme Delphine Batho, et adopté avec avis favorables du Gouvernement et du rapporteur), dans la composition des repas servis dans la restauration collective publique sont les produits issus de l’agriculture biologique (à hauteur de 20 %), les produits sous signes et mentions de qualité (voir ci-dessus), les produits prenant en compte les externalités environnementales liées au cycle de vie du produit (une précision bienvenue, selon votre rapporteur, eu égard aux doutes soulevés par la notion générale de cycle de vie), les produits écolabellisés et les produits faisant l’objet d’une certification environnementale.

En outre, l’acquisition de produits issus du commerce équitable doit être promue par les gestionnaires de services de restauration collective publique.

Un autre amendement du Gouvernement a permis d’étendre le champ d’application de l’article 11 aux personnes morales de droit privé en charge d’une mission de service public (restauration scolaire et universitaire, établissements d’accueil des enfants de moins de six ans, établissements médico-sociaux, etc.). Votre rapporteur a émis un avis favorable, et votre commission l’a adopté, tout comme un troisième amendement du Gouvernement, portant cette fois sur l’information des convives de tous les services de restauration collective, publique comme privée, sur l’origine des produits acquis.

Enfin, à l’initiative de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, ainsi que de M. Matthieu Orphelin, un amendement a été discuté pour prévoir que les gestionnaires de certains services de restauration collective publique présentent à leurs responsables un plan de diversification de protéines, afin de proposer aux convives une alimentation moins carnée. Votre rapporteur a émis un avis favorable à cet amendement sous réserve de prévoir que ce plan de diversification est proposé sur une base pluriannuelle, et non annuelle comme sur l’amendement originel. Votre commission a adopté l’amendement ainsi sous-amendé.

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*     *

La commission examine lamendement CE2091 du Gouvernement, qui fait lobjet des sous-amendements CE2123 et CE2127 de Mme Delphine Batho, CE2131 de M. Loïc Prudhomme, CE2130 de M. Thierry Benoit, CE2142 de M. Thibaud Bazin, CE2135 de M. Nicolas Turquois, CE2136 de M. Dominique Potier, CE2124 et CE2125 de M. Matthieu Orphelin, CE2132 de M. Dominique Potier, CE2111 de M. Antoine Herth, CE2134 et CE2133 de M. Dominique Potier, CE2137 et CE2138 de M. Philippe Bolo, CE2126 de Mme Delphine Batho et CE2140 de M. Dominique Potier.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’amendement CE2091 du Gouvernement propose une nouvelle rédaction de l’article 11.

En commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, nous avons eu un très long débat sur cet article et les amendements qui s’y rapportaient ; avec Mme Maillart-Méhaignerie, nous sommes convenus de réécrire l’article 11, qui vise à répondre à une demande sociétale d’évolution des produits proposés par la restauration collective.

Cet article a pour objet de soutenir la transition des modèles de production agricole vers un système plus respectueux de l’environnement, en assurant des débouchés significatifs pour les produits de qualité et les produits durables. Pour y parvenir, nous disposons de plusieurs outils. L’objectif du Gouvernement est d’atteindre 15 % des surfaces agricoles utiles en bio : 1,1 milliard d’euros ont été attribués à cette démarche ambitieuse. L’article 2 vient soutenir cette démarche globale et cohérente.

La rédaction que je vous soumets inclut de nouveaux points.

Le 1° définit en droit le « local », c’est-à-dire les produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liés aux produits pendant son cycle de vie, au sens du décret du 25 mars 2016 – suivant la rédaction du Conseil d’État.

Le 2° inclut les produits issus de l’agriculture biologique, y compris les produits en conversion.

Le 3 ° vise les produits bénéficiant d’un signe ou mention prévus à l’article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime, qui respectent les règles destinées à favoriser la qualité des produits ou la préservation de l’environnement. Il en va ainsi des produits « label rouge » ou « haute valeur environnementale – HVE ».

Le 4° intègre les produits bénéficiant de l’écolabel pêche.

Le 5° enfin vise les produits qui ont fait l’objet d’une certification environnementale ou qui satisfont de manière équivalente aux exigences définies par ces signes, mentions, écolabel ou certification. C’est une nouveauté, destinée à accompagner la montée en gamme souhaitée.

Enfin, pour répondre à une demande forte de la commission du développement durable, cet amendement prévoit que les personnes publiques concernées développent l’acquisition de produits issus du commerce équitable, ce qui répond à une demande forte de la commission du développement durable.

Mme Delphine Batho. Cet article très important doit traduire ce qu’était l’engagement sur la part de 50 % de produits bio, locaux ou en circuits courts dans la restauration collective, et notamment les cantines scolaires. Nous proposons un certain nombre de sous-amendements à l’amendement du Gouvernement, sachant que son adoption fera tomber tous les amendements que nous avons déposés à l’article 11.

Mon sous-amendement CE2123 prévoit que cette disposition s’applique à la restauration des établissements privés sous contrat : cette mesure qui figurait dans la rédaction de l’article adoptée par la commission du développement durable.

Le sous-amendement CE2127, très important, vise à préciser que la part devra être d’au moins 50 % en 2022, le seuil de 50 % étant retenu comme plancher et non comme plafond. Dans la rédaction du Gouvernement, la part des produits visés n’est pas chiffrée, elle est seulement qualifiée de « significative ».

M. Loïc Prudhomme. Les aliments parcourent parfois des milliers de kilomètres avant de se retrouver dans l’assiette du consommateur, ce qui engendre un excès de « kilomètres alimentaires » ayant un impact écologique négatif par la pollution, le bruit et la consommation de carburant.

Bien entendu, la seule notion de circuit de proximité ne garantit pas la qualité des produits alimentaires, mais les circuits longs profitent bien plus à l’agrobusiness et aux professionnels du transport qu’au consommateur final. À titre d’exemple, les ingrédients d’un yaourt industriel parcourent 9 115 kilomètres avant de se retrouver dans notre frigo…

La notion de circuit court est définie depuis avril 1999 par le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche comme un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte, à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire. D’après un avis du Conseil économique, social et environnemental, en pratique, il n’existe pas de norme officielle pour les circuits de proximité, la distance maximale pouvant varier en fonction du type de produit concerné.

Notre sous-amendement CE2131 prévoit que l’impact du transport longue distance est pris en compte dans l’établissement des niveaux d’exigence environnementale des produits.

M. Thierry Benoit. Le sous-amendement CE2130 vise à insérer à l’alinéa 4 la notion de produits « répondant à des critères de développement durable ».

M. Thibault Bazin. Nous sommes tous d’accord pour renforcer la part des produits locaux dans la restauration collective publique. Les États généraux de l’alimentation demandaient notamment que 50 % minimum des produits soient des produits locaux, issus de l’agriculture biologique ou bénéficiant d’un autre label de qualité. Or le projet de loi ne reprend pas cette exigence.

De plus, nous devons veiller à prévoir une obligation de produits bio « locaux », afin de veiller à la proximité géographique des producteurs et à éviter l’importation de produits bio étrangers ne répondant pas aux mêmes normes que les produits français.

Le sous-amendement CE2142, conforme à l’esprit des États généraux de l’alimentation, vise, au 2°, à remplacer les mots « ou issus de l’agriculture biologique » par les mots : « dont agriculture biologique et produits sous signe de qualité et d’origine », afin que les produits bio visés soient bien locaux.

M. Nicolas Turquois. Nous préférons un approvisionnement local, en circuit court ou en filière territorialisée. Je souhaite rappeler à Mme Batho que l’objectif de 50 % en 2022 est inatteignable, compte tenu des surfaces aujourd’hui en conversion. Il convient de ne pas favoriser l’importation de produits bio, mais d’intégrer d’autres moyens de production en restant cohérent avec ce qui est mis en place. Tel est l’objet du sous-amendement CE2135.

M. Dominique Potier. Je retire le sous-amendement CE2136.

Le sous-amendement CE2136 est retiré.

M. Matthieu Orphelin. Nous présenterons deux sous-amendements à l’excellent amendement gouvernemental. Le sous-amendement CE2124 vise à intégrer les produits ne contenant pas d’OGM à la liste des produits de qualité.

Le sous-amendement CE2125 vise à ajouter les produits distribués en circuits courts, impliquant un exploitant agricole ou une organisation regroupant des exploitants agricoles, ainsi que ceux qui ont été produits en minimisant les impacts environnementaux et climatiques du transport.

M. Antoine Herth. Le sous-amendement CE2111 vise à introduire les produits issus du commerce équitable.

M. Dominique Potier. Le sous-amendement CE2132 vise à corriger une erreur de référence en ce qui concerne la définition du commerce équitable.

Le sous-amendement CE2134 est défendu.

Mme Delphine Batho. L’objet du sous-amendement CE2133 est d’étendre les nouvelles règles à tous les acteurs de la restauration collective – gestionnaires privés des services de restauration scolaire et universitaire ainsi que des services de restauration des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux.

Sans doute le ministre expliquera-t-il que ce sous-amendement est satisfait par un autre amendement du Gouvernement.

M. Philippe Bolo. Il s’agit de rendre effective l’intégration de produits issus de l’agriculture biologique ou en conversion dans les repas scolaires. Le sous-amendement CE2137 substitue à cette fin la notion « d’éléments » d’un repas à celle de « valeur totale » des repas et inclut dans la rédaction les produits issus de l’approvisionnement en circuits courts.

En tant qu’ancien adjoint au maire aux affaires scolaires, j’estime qu’il est absolument nécessaire de préciser à quoi se rapporte ce pourcentage. L’expression « valeur totale » désigne-t-elle le montant d’un repas, l’ensemble des repas, ou les éléments constitutifs d’un repas ? Nous proposons que ce soient les éléments constitutifs d’un repas, afin de permettre à toutes les collectivités locales de parvenir à cet objectif.

Enfin, ajouter les produits issus de l’approvisionnement en circuits courts, c’est permettre un partage de la valeur le plus favorable aux exploitants, en réduisant la présence des intermédiaires.

Le CE2138 est un sous-amendement de repli.

Mme Delphine Batho. L’alinéa 13 de l’amendement du Gouvernement prévoit que le décret en Conseil d’État fixe la part des produits visés, au plus à 50 % et 20 % respectivement de la valeur totale. Le sous-amendement CE2126 est la suite logique du CE2127, puisqu’il vise à substituer aux mots « au plus » les mots « au moins » – toujours le même débat sur le plancher et le plafond…

M. Dominique Potier. Il nous semble important que les produits HVE visés par cet article soient certifiés, donc de niveau 3. Si telle est bien l’intention du Gouvernement, il convient de le préciser par le sous-amendement CE2140.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le rapporteur est évidemment favorable à l’amendement du Gouvernement qui traduit les débats qui ont eu lieu en commission du développement durable.

Le sous-amendement CE2123 sera satisfait par les dispositions de l’amendement CE2088 du Gouvernement, qui précise que les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire et universitaire se voient appliquer les dispositions de l’article 11. Je suggère à Mme Batho de le retirer.

Le sous-amendement CE2122 détruirait tout l’équilibre de l’amendement du Gouvernement. L’article 11 fixe une obligation d’approvisionnement déjà très contraignante. Il convient, dans les délais impartis, de réussir l’objectif d’au plus 50 %, plutôt que de fixer un objectif d’au moins 50 %, financièrement irréaliste. Avis défavorable.

Le 1° du sous-amendement CE2131 s’insère au mauvais alinéa de l’amendement. Le 2° n’est pas conforme au droit de l’Union européenne, en matière de règles de marchés publics. Avis défavorable.

Je partage les doutes de M. Benoit sur le concept de cycle de vie, mais le Gouvernement a déjà avancé par rapport à l’article initial, en précisant qu’il s’agissait uniquement des externalités environnementales, liées notamment au temps de transport. Son sous-amendement CE2130 conduirait à supprimer toute tentative d’inclure, indirectement, des règles de proximité qui peuvent être très utiles à notre agriculture nationale. Avis défavorable.

Avis défavorable sur le sous-amendement CE2142, car les produits sous signes de qualité et d’origine sont bien prévus par l’amendement du Gouvernement au 3°.

Le terme d’approvisionnement en circuits courts n’est pas conforme au droit de l’Union européenne en matière de marchés publics, car il induit une règle directe de proximité dans l’approvisionnement public. Avis défavorable sur le sous-amendement CE2135.

Monsieur Potier, l’article L. 611-6 visé par l’alinéa 8 mentionne déjà que la certification prévue par cet article est encadrée par « des conditions d’agrément des organismes chargés de la mise en œuvre » : le contrôle est donc supposé avoir lieu selon la loi et votre sous-amendement CE2136 est satisfait. Si vous souhaitez ajouter un nouvel audit de ce processus de certification, cela peut être bienvenu, mais en l’état, votre sous-amendement ne le permet pas.

Le sous-amendement CE2124 semble superflu, dans la mesure où les gestionnaires de restauration collective n’auront aucune difficulté à s’approvisionner en produits sans OGM parmi les produits visés par cet article. Avis défavorable.

L’expression « approvisionnement en circuits courts » n’est pas conforme au droit de l’Union européenne sur les marchés publics, car il induit une règle directe de proximité. Avis défavorable sur le sous-amendement CE2125.

Avis favorable aux sous-amendements CE2111 et CE2132.

Avis favorable au sous-amendement CE2134, similaire à un amendement de la commission du développement durable qui pourrait tomber suite à l’adoption de l’amendement du Gouvernement.

L’amendement CE2088 du Gouvernement, qui porte sur le même sujet que le sous‑amendement CE2133 est mieux rédigé. Avis défavorable.

Sur le sous-amendement CE2137, je ferai la même remarque au sujet de l’emploi de l’expression « approvisionnement en circuits courts » que sur le sous-amendement CE2125. Avis défavorable.

Avec le sous-amendement CE2138, monsieur Bolo, vous limitez la précision réglementaire du pourcentage des produits acquis aux seuls produits bio ou en conversion bio, ce qui n’est pas cohérent avec le reste de l’amendement. Avis défavorable.

Avis défavorable au sous-amendement CE2126, qui découle du sous‑amendement CE2127.

Les produits HVE que vous mentionnez, monsieur Potier, sont déjà couverts par le 3° qui intègre les signes ou mentions prévus par l’article L. 6402. Votre sous-amendement CE2140 a donc pour effet d’annuler tout l’intérêt du 5°. Avis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je dois souligner le travail de coconstruction mené avec le Gouvernement et remercier le ministre d’avoir intégré un certain nombre de dispositions proposées par la commission du développement durable.

M. le ministre a entendu nos objections et nos réserves sur le coût du cycle du produit, la nécessité de réintégrer les produits de la pêche et labélisés. Nous avons beaucoup discuté sur les objectifs que nous voulions afficher dans la loi, mais nous entendons aussi le risque d’inconstitutionnalité et les réserves du Conseil d’État. Si ces objectifs sont clairement affichés dans l’intention du décret, nous en sommes d’accord.

Rappelons que l’article 11 est très important puisqu’il contribue à structurer nos filières locales en captant les 7 milliards d’euros de la restauration collective. Le Gouvernement a précisé qu’il s’agissait de la valeur, et non du volume, ce qui est très important.

Enfin, je dois exprimer une réserve sur l’expression « au plus », qui semble définir un plafond, alors que certaines restaurations collectives atteignent déjà des objectifs supérieurs.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vais reprendre tous les sous-amendements, les uns après les autres.

Je vous demande de bien vouloir retirer le sous-amendement CE2123, madame Batho, dans la mesure où la mention des établissements privés sous contrat est prise en compte dans l’amendement CE2088 du Gouvernement.

Mme Delphine Batho. Si mon sous-amendement est satisfait, je le retire.

Le sous-amendement CE2123 est retiré.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous demande de retirer également le sous-amendement CE2127, qui vise à substituer aux mots « une part significative » les mots « au moins 50 % ». Le Conseil d’État a décidé de disjoindre les quantités de 50 % et 20 % : c’est la raison pour laquelle cela sera fixé par décret. De l’avis du Conseil d’État, il est impossible d’écrire les mots « au moins » dans la loi, comme nous l’avions expliqué en commission du développement durable.

Mme Delphine Batho. Votre amendement prévoit qu’en 2022, la part des produits visés doit être « significative ». Il prévoit aussi qu’un décret fixe le pourcentage « au plus à 50 % ». Si l’engagement est d’atteindre les 50 % en 2022, cela doit être inscrit dans la loi et non pas renvoyé à un décret, lequel peut fixer un pourcentage inférieur.

Par ailleurs, si la loi ne contient pas l’expression « au moins », n’importe quel élu local comprendra qu’il ne peut plus atteindre 100 % de produits, alors qu’un certain nombre de collectivités le font aujourd’hui. C’est en tout cas la lecture que l’on pourra faire de l’alinéa 13, relatif au décret.

M. Julien Dive. C’est n’importe quoi !

Mme Delphine Batho. Une façon très simple de résoudre le problème serait de sortir du débat sur le « au plus » et le « au moins », en prévoyant que la part sera de 50 % en 2022. Je veux bien rectifier mon sous-amendement CE2127 dans ce sens.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’expression « au moins » serait inconstitutionnelle. Fixer la part à 50 % est en revanche possible et votre proposition nous conviendrait. Nous devons prendre garde à ce que cela ne soit pas censuré par le Conseil constitutionnel. Nous essayons d’avancer sur ce qu’il est possible de faire en droit.

M. le président Roland Lescure. Madame Batho, pouvez-vous nous donner lecture de l’alinéa tel qu’il serait modifié par votre sous-amendement ainsi rectifié ?

Mme Delphine Batho. « Art. L. 230-5-1. - I. Au plus tard le 1er janvier 2022, les repas servis dans les restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge comprennent une part de 50 % de produits : »

Le décret apporterait les précisions nécessaires – définition, marche progressive, certification, etc. –, mais l’objectif de 50 % serait affiché dans la loi.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il serait peut-être plus consensuel, et moins engageant, d’employer les mots « équivalant à ».

M. Julien Dive. Nous sommes tous convaincus du bien-fondé d’intégrer dans la restauration collective des produits sains, issus de l’agriculture bio ou en conversion. Mais le mieux est l’ennemi du bien : prévoir un chiffre précis pourrait entraîner des contraintes d’ordre financier, notamment pour les petites collectivités qui n’ont pas toujours la possibilité d’intégrer des produits bio, plus chers, ainsi que des contraintes liées à l’approvisionnement dans certains territoires isolés.

M. Arnaud Viala. Nous discutons de la forme, alors que c’est le fond qui pose problème ! Je ne suis pas du tout favorable à ce que la loi contienne une injonction aussi forte. Cela aura des effets particulièrement pervers. Faute d’offre, certaines unités ne pourront pas s’approvisionner en produits à hauteur de 50 %. Par ailleurs, qu’on le veuille ou non, le prix du repas deviendra exorbitant et cela détournera les publics de la restauration collective, en particulier dans les petites collectivités.

M. Thibault Bazin. Là-dessus, il a raison.

M. Richard Ramos. On ne peut pas dire aux États généraux de l’alimentation que l’on va augmenter la qualité et qu’il faut monter en gamme, et dire ensuite que les gens ne sont pas prêts à payer. Il faut être cohérent !

Sur quoi portent les 50 % ? S’il s’agit du prix des repas, il me suffira de servir une fois dans l’année du caviar bio de ma Sologne et j’aurai atteint le quota ! Il s’agit bien de 50 % des éléments servis.

M. Jérôme Nury. Nous sommes tous d’accord pour dire que cette philosophie est extraordinaire, qu’il faut que nos enfants mangent des repas plus sains dans les cantines et que la restauration collective offre des produits locaux et bio. Mais ce qui est très dérangeant, c’est le côté contraignant. Qui prendra en charge le surcoût ? Le contribuable ? Ou bien les parents, qui ne manquent jamais de réagir, les élus locaux le savent bien, sitôt que le prix du repas à la cantine augmente de quelques centimes ?

Ne vaudrait-il pas mieux que l’État encourage les collectivités locales, à travers une hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) – en contrepartie d’efforts sur le bio et la proximité – ou par le biais de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) – pour mettre aux normes les cantines et permettre la préparation de repas à base de produits locaux ?

Par ailleurs, j’aimerais savoir comment ces fameux pourcentages seront calculés : est-ce à l’unité, au poids, au prix ?

M. Nicolas Turquois. Cette loi sera un franc succès lorsque nous aurons réussi à emmener l’agriculture française dans ce projet. Mais pour l’heure, pour m’être occupé d’une cantine dans une toute petite commune rurale, je sais qu’il est parfois plus facile de faire appel à un fournisseur de restauration collective, Sodexo ou équivalent. Et comme il sera compliqué de trouver 50 % de produits en local, ces entreprises de restauration trouveront du bio, mais en l’important de l’étranger.

M. Thierry Benoit. Exactement !

M. Nicolas Turquois. Sur un délai aussi court, l’objectif de 50 % est trop ambitieux : l’agriculture française est un paquebot, et on essaye de lui faire prendre un virage sur trois cents mètres. Cela va favoriser des importations massives !

Mme Célia de Lavergne. Je conçois que l’on puisse être réfractaire au changement. Mais les objectifs de 50 % et de 20 % sont issus des États généraux et nous devons accepter le fait qu’ils peuvent être atteints grâce à différentes mesures : le plan bio, les 15 % de surface agricole utile bio en 2022, l’ensemble des projets alimentaires territoriaux, les outils d’accompagnement aux collectivités. Il ne s’agit pas de laisser les collectivités se débrouiller toutes seules : nous les accompagnons et nous leur permettrons d’atteindre ces objectifs
– des amendements vont en ce sens.

Je rappelle qu’il s’agit d’un objectif sociétal. La restauration collective, c’est le lieu où se décide l’alimentation de demain de nos enfants !

M. Grégory Besson-Moreau. Le but de ce texte est d’aider nos agriculteurs. Fixer la part de produits bio, écologiques ou de circuits courts à 50 % aidera les agriculteurs. Si nous ne faisons rien, nous n’arriverons à rien. Nous devons prendre des mesures pour accompagner les territoires et les agriculteurs qui travaillent non loin de nos cantines, de nos communes. Ce sous-amendement est juste. Il sera peut-être difficile de mettre en œuvre cette mesure, mais il faut, à un moment donné, savoir se mettre un petit coup de pied là où je pense !

M. Guillaume Garot. D’abord, les 50 % sont un engagement du candidat Emmanuel Macron. Et ils s’imposent à nous puisque les électeurs ont tranché… Ensuite, ils ont vocation à bénéficier aux producteurs puisque nous soutenons ainsi une agriculture de qualité qui s’engage dans des certifications et dans des labellisations, et une agriculture produite sur nos territoires. Enfin, en termes de calcul économique, plus de qualité dans l’assiette, c’est moins de gaspillage. Et moins de gaspillage, c’est positif pour les familles.

M. François Ruffin. Le flou règne dans cet article ! On ne peut pas garder dans la loi « une part significative ». Écrire cela ou rien, c’est à peu près la même chose. Cela ne veut rien dire. On ne voit pas non plus ce que signifie « en prenant en compte le coût du cycle de vie du produit ou issu de l’agriculture biologique ou bénéficiant d’un des signes ou mentions prévus par l’article du code rural ».

Par ailleurs, je pense que l’on touche à l’une des limites du projet. On dit que la restauration collective doit être faite de cette manière-là, peut-être avec 50 % de produits issus de l’agriculture biologique, mais globalement, on ne fixe pas de cap. On ne dit pas comment on va y arriver. Et surtout, et j’y suis sensible, on ne dit pas comment on pourra aider les collectivités qui rencontreraient des difficultés.

M. Antoine Herth. Doit-on s’exprimer sur les autres sous-amendements ?

M. le président Roland Lescure. Compte tenu de l’intensité du débat qui s’est engagé sur ce sous-amendement, je préfère qu’on aille jusqu’à sa mise aux voix. Ensuite, nous passerons aux autres.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous sommes bien d’accord : l’objectif, qui correspond à l’engagement du Président de la République, est d’apporter, à l’horizon de 2022, 50 % de produits bio, sous signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) ou sous label de qualité, dans la restauration collective. Pour y parvenir, il faut s’en donner les moyens. Et l’on sait bien que nombre de communes et de collectivités se sont cassé les dents en voulant s’approvisionner localement, faute de disposer d’une offre suffisante.

Comme je l’ai expliqué à plusieurs reprises, nous pourrons nous appuyer sur la loi. Mais nous avons également à notre disposition une palette d’outils, destinés à structurer une offre plus importante en produits d’agriculture biologique ; nous avons lancé un plan bio de 1,5 milliard d’euros, pour favoriser l’émergence de l’agriculture biologique et faire en sorte que davantage d’agriculteurs puissent se convertir à ce mode de production ; nous avons travaillé sur la politique foncière et, à partir de cet automne, nous essaierons de faire en sorte qu’il y ait davantage de terres disponibles pour les agriculteurs désireux de se lancer dans le biologique ou de s’y convertir. Enfin, nous travaillons à une agriculture sous label, sous signes de qualité, pour réussir cette montée en gamme que nous appelons de nos vœux, à travers les appellations d’origine protégée (AOP) et les appellations d’origine contrôlée (AOC).

On entend beaucoup parler des importations de produits bio. Mais ne concluons par trop vite : un rapport de la COFACE, assez intéressant, montre que ces importations n’ont commencé à augmenter qu’en 2009. Il nous faut toutefois travailler sur la structuration de l’offre française, précisément à partir de ce plan dédié à l’agriculture biologique.

Pourquoi raisonner en valeur ? Parce que c’est aujourd’hui le seul moyen de savoir où on en est. Si vous ne raisonnez qu’en volume, tous les contournements sont possibles : n’oublions pas que le pain bio, par exemple, représente une part très importante des productions de l’agriculture biologique.

Le Gouvernement est favorable au sous-amendement CE2127, tel que Mme Batho a proposé de le rectifier. Notre avis sera le même sur son sous-amendement CE2026 à l’alinéa 13 : si, au lieu de remplacer « au plus » par « au moins », il se contentait de supprimer les mots « au plus » – le pourcentage en valeur serait ainsi fixé à 50 % et 20 % de la valeur totale –, je serais d’accord avec ce sous-amendement.

Si l’on ne retrouve pas dans la loi l’objectif chiffré, c’est parce que cela relève du décret. C’est le Parlement qui fait la loi, avec le Gouvernement ; et les décrets, c’est le Gouvernement qui les élabore et les publie. Nous allons répéter ce que nous avons fait lors de la loi Macron : Après le vote de ce texte, nous mettrons en place une commission de suivi de l’application de la loi, ce qui permettra au Parlement de suivre la rédaction des décrets et de vérifier qu’ils sont bien conformes à l’engagement que nous avons pris, que je prends devant vous, et qui correspond à celui du Président de la République : porter à 50 % la part de l’agriculture biologique ou sous SIQO dans la restauration collective. Cet engagement doit être tenu, et nous devons nous en donner les moyens.

Cela passe évidemment par le soutien aux collectivités : elles ne peuvent pas tout faire toutes seules. Cela passe par l’amélioration du revenu des agriculteurs, qu’il faut accompagner. Et c’est parce que les agriculteurs pourront gagner plus d’argent, qu’ils pourront innover, investir dans des ateliers de transformation, et participer à la montée en gamme des produits.

M. le président Roland Lescure. Nous en revenons à l’examen de l’amendement CE2127 rectifié de Mme Batho, qui propose désormais, à l’alinéa 3, de substituer au mot : « significative », les mots : « de 50 % ».

Après que le ministre se sera exprimé, je donnerai la parole, pour une minute, à un orateur par groupe.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le Gouvernement est favorable à l’amendement CE2127 rectifié.

M. Thierry Benoit. Depuis le départ, l’article 11 pose question. Lorsqu’il en a examiné la première mouture, le Conseil d’État a rendu un avis défavorable, au motif qu’il était d’une grande complexité : il proposait purement et simplement de le supprimer et de le remplacer par un droit plus souple, plutôt qu’un droit contraignant. À la commission du développement durable, l’article a été mis en pièces et a été réécrit ; et nous nous retrouvons maintenant avec une troisième version.

J’observe que l’orientation pour une alimentation plus saine, plus durable et plus vertueuse ne pose pas de problème ; c’est la trajectoire qu’il faut emprunter. Mais on peut s’interroger sur les conséquences que cela aura sur le prix du repas : à croire l’étude d’impact, l’augmentation sera au minimum de 40 centimes. Sans parler du problème de la connexion entre la production et la consommation. Voilà pourquoi, à ce stade, nous ne voterons pas le sous‑amendement CE2027 rectifié de Mme Batho.

M. Julien Dive. Les présidents d’exécutif, les maires qui seront amenés à prendre les commandes pour la restauration collective à partir de 2022, avec 50 % de produits alimentaires issus d’agriculture biologique ou locale ou autres, ne vont pas forcément discuter avec les agriculteurs. Ils vont se trouver face à des sociétés de restauration collective, comme Api, Newrest, Sodexo et compagnie, qui vont leur faire des propositions avec 50 % de produits alimentaires issus d’agriculture biologique. Mais rien ne vous garantira que ces sociétés de restauration collective ne s’approvisionneront pas chez un producteur russe, ukrainien, espagnol, ou ailleurs… Voilà pourquoi, en l’état, la rédaction de cet article ne me satisfait pas.

Mme Célia de Lavergne. Je voudrais revenir au sous-amendement CE2127 rectifié. Nous avons entendu au départ le ministre nous expliquer que le texte ne passerait pas au Conseil constitutionnel si l’on utilisait une autre formulation que « une part significative ». Or je constate que ce n’est plus le cas. Pour éclairer nos commissaires, pouvez-vous nous dire ce qui a changé dans la rédaction, et qui permet de lever ce risque ?

M. Nicolas Turquois. Je vous remercie, monsieur le président, de cette pause que qui nous a permis d’échanger sur le véritable enjeu de ce texte : il faut entraîner notre agriculture là-dedans. Si je reprends une métaphore cycliste, nous avons un beau col à grimper. Le Tourmalet, c’est déjà très dur, mais en discutant, peut-être pourra-t-on emmener le peloton d’agriculteurs français jusqu’en haut. Mais si nous leur montrons l’Everest, à atteindre en trois ans, jamais les agriculteurs ne croiront que l’objectif est possible. La trajectoire est la bonne, mais la pente est trop raide. Mieux vaudrait fixer des objectifs plus progressifs.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il est exact que certaines formules ne passent pas le tamis du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel. Après discussion, telle qu’elle était présentée, la proposition de Mme Batho ne convenait pas. À la suggestion du président de la commission, elle a rectifié son sous-amendement ; la rédaction, ainsi sous-amendée, dont le président vient de donner lecture peut convenir.

C’est un sujet qui avait fait l’objet d’assez nombreuses interrogations, notamment au sein du groupe La République en Marche. Aujourd’hui, nous avons un objectif à afficher et, pour reprendre la comparaison de M. Turquois, un col à franchir. Il ne s’agit pas de mettre des poids à la roue du vélo. Mais grâce aux autres politiques que nous mettons en place, à travers les différents dispositifs que nous proposons d’adopter en matière d’agriculture biologique, à travers le titre Ier qui aborde la question du revenu des agriculteurs, nous pouvons aider les producteurs à franchir plus facilement le col. Et il faudra également aider les collectivités, car tout cela ne se fera pas d’un claquement de doigts.

Il faudra aussi entraîner les entreprises privées de la restauration à faire des choix, voire à les y contraindre. Si les agriculteurs s’adressent à l’ensemble des consommateurs, ils s’adressent également aux opérateurs de la restauration privée, qui ont parfois des délégations de service public avec les collectivités. Sans oublier la société qui, on le voit bien, a envie de rechercher des produits au plus près, des produits locaux, et de venir en aide aux agriculteurs. Lorsque nous achetons des produits issus d’une agriculture locale, nous favorisons nos agriculteurs, et nous leur assurons davantage de revenus.

Un cap a été fixé. C’est un cap fort. C’est un engagement du Président de la République. Maintenant, nous avons la responsabilité de mettre au point des armes, afin que les agriculteurs et les collectivités puissent pousser dans le même sens, et que l’on puisse atteindre l’objectif.

Enfin, il n’y a pas que le bio. On parle souvent de 50 % de produits bio. Mais il ne faut pas oublier qu’il faut aussi intégrer, dans ces 50 %, outre le bio, les produits sous signes de qualité, ou sous label. Cela laisse la porte ouverte à de multiples choix. S’il n’y avait que les produits issus de l’agriculture biologique étaient les seuls concernés, ce serait compliqué : nous n’avons que 6 % de surface agricole utile (SAU) en bio sur le territoire national !

M. André Villiers. Vigne comprise !

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Absolument ! Et on ne donne plus de vin aux enfants dans les cantines, ce qui est heureux. Nous aurions les plus grandes difficultés à répondre à la demande, et c’est ce qui est arrivé à de nombreux maires ces dernières années.

En affichant 15 % de SAU sur le bio, en affichant des objectifs de montée en gamme à travers les AOP et les AOC, je pense que nous aurons les moyens de structurer une offre plus importante. Mais il faudra que nos agriculteurs, puis nos collectivités, se saisissent des outils que nous mettons en place. D’ailleurs, tous autant que vous êtes, après les choix que vous avez faits ici, je ne vous imagine pas conseiller au maire de votre commune d’aller voir si les prix ne sont pas plus bas ailleurs… Vous avez tous la volonté de favoriser les entreprises qui sont à proximité, et de défendre vos agriculteurs parce que la cohésion sociale de vos territoires en dépend.

Il s’agira d’accompagner le mouvement d’ensemble. Voilà pourquoi il me semble de bon aloi de fixer un cap. C’est un engagement que nous prenons, et que ce sous-amendement nous permettra d’affermir. Je vous propose donc de l’adopter.

La commission adopte le sous-amendement CE2127 rectifié.

M. le président Roland Lescure. Je vais demander au ministre de nous donner son avis sur les sous-amendements suivants, en commençant par les sous‑amendements CE2131 de M. Loïc Prud’homme et CE2130 de M. Thierry Benoit.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur Prud’homme, vous souhaitez que l’on prenne en compte l’impact du transport des produits en termes d’émission de gaz à effet de serre, et je vous rejoins : c’est bien pour cela que le Gouvernement a eu recours à la notion d’externalités environnementales utilisée en droit des marchés publics, dont font partie les émissions de gaz à effet de serre. Je suis donc défavorable à votre amendement CE2131, à moins que vous ne le retiriez, tout simplement parce qu’il est satisfait.

M. Loïc Prudhomme. Je le maintiens.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La notion de circuit court n’existe pas en droit, tout simplement.

M. François Ruffin. Le problème est le même que dans la première partie : le droit européen nous interdisant de fixer un prix plancher on a construit une usine à gaz de la contractualisation. Cette fois-ci, alors que tout le monde est d’accord pour privilégier les cycles courts, on nous répond que ce n’est pas possible à cause de Bruxelles et du dieu de la concurrence ! Et ne vous en déplaise, monsieur le président, je continuerai à dire « Bruxelles », on comprend ce que cela veut dire ! Tout le monde veut aller dans cette direction, mais à cause de cet interdit, et pour ne pas fâcher la DG Concurrence, on se croit obligé de recourir à des périphrases du type « le coût du cycle de vie du produit ». C’est assez absurde !

Cela me rappelle Gramsci, quand il écrivait ses Cahiers de prison : pour éviter la censure de ses geôliers fascistes, comme il n’avait pas le droit de parler de Marx, il l’appelait « le fondateur de la praxis »… À cause du droit européen, on se retrouve confronté au même type d’interdit. Je pense que c’est néfaste à la clarté de notre texte de loi.

M. le président Roland Lescure. Je vais essayer de mener les débats d’une manière aussi efficace que possible, mais comme l’agriculture bio dans la restauration collective, j’ai besoin de vous tous. Je vous demande donc de limiter vos prises de parole, afin que tout le monde puisse s’exprimer.

Mme Monique Limon. Je voulais faire remarquer que si on intègre la notion de « circuit court », qui implique un faible nombre d’intermédiaires, rien n’empêche qu’il y ait un intermédiaire à l’autre bout du monde. Or, dans cette salle, nous sommes tous convaincus qu’il faut faire travailler les producteurs locaux, nos agriculteurs.

Je voudrais également souligner que, parmi les agriculteurs, les producteurs et les élus locaux, des gens ont déjà commencé à travailler sur le bio et sur les circuits courts, parce qu’ils sont convaincus de leur bien-fondé. Et cela fonctionne.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement CE2131.

M. Thierry Benoit. Le ministre n’a pas répondu sur mon sous-amendement CE2130 !

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Sur votre sous-amendement CE2130, monsieur Thierry Benoit, mon avis sera également défavorable. La notion de produit répondant à des critères de développement durable, elle non plus, n’existe pas en droit. On fait la loi, mais on fait aussi du droit. Et l’écriture de la loi répond à certaines règles.

M. François Ruffin. Le droit, cela se modifie !

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Pas ici en tout cas ! Nous sommes donc obligés de recourir à ce que vous appelez des périphrases. La notion de coût du cycle de vie nous permet, en droit, de définir comment les différentes phases s’articulent : nous avons besoin de trouver des structurations dans la loi, qui puissent répondre au droit, sans mettre le texte en danger en nous appuyant sur des critères d’appréciation qui aboutiraient à des blocages.

La loi est ainsi faite. Ensuite, il suffit de l’expliquer ; et dans l’explication de la loi, il est toujours possible de reprendre la terminologie traditionnelle ou celle que vous préférez.

M. Thierry Benoit. On va faire venir de la viande du Mercosur, élevée en dix-huit mois, avec des OGM, des antibiotiques et des perturbateurs endocriniens. En France, un bon Charolais de pâturage demande deux ans ou trois ans d’élevage, et un salaire. C’est un cycle de vie plus long, mais beaucoup plus vertueux du point de vue du développement durable, du point de vue économique et social. C’est bien de cela dont on parle, c’est bien le sujet de mon sous-amendement.

M. Thibault Bazin. C’est un très bon amendement !

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette le sousamendement CE2130.

M. le président Roland Lescure. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler votre avis sur le sous-amendement CE2135 de M. Nicolas Turquois ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ce sous-amendement du groupe MoDem propose l’expression « issus d’approvisionnements en circuits courts ou de filières territorialisées ». Là encore, cette notion qui n’est pas définie dans le droit. On ne peut pas l’écrire ainsi dans la loi, même si l’approvisionnement en circuits courts ou issu de filières est bien l’objectif recherché.

Je suggère donc de retirer ce sous-amendement. Sinon, mon avis sera défavorable.

M. Nicolas Turquois. Je le retire.

Le sous-amendement CE2135 est retiré.

M. le président Roland Lescure. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler votre avis sur le sous-amendement CE2140 de M. Dominique Potier ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le sous‑amendement CE2140 vise à limiter la certification aux produits certifiés HVE3. Or le HVE3 correspond à la mention valorisante « haute valeur environnementale » déjà inscrite au 3° de la proposition du Gouvernement.

M. Dominique Potier. J’entends bien, monsieur le ministre, mais j’aimerais connaître votre intention. L’article L. 640-2 vise les exploitations de haute valeur environnementale. Mais il existe plusieurs niveaux : HVE1, HVE2, et HVE3. Le niveau HVE1, ce n’est pas grand-chose ; le niveau HVE2, c’est déjà une étape ; le niveau HVE3, c’est dur. Il n’est pas question de bloquer le débat, et nous sommes prêts à en reparler. Mais quel niveau entendez-vous cibler ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le HVE3, c’est la grande qualité. Mais cela concerne trop peu d’exploitants
– 800 aujourd’hui. Si on ne retenait que ce niveau, on laissera en remorque de nombreuses exploitations. En revanche, en retenant le HVE2, on n’exclut personne, on entraîne avec nous vers le haut toutes celles et ceux qui sont déjà engagés dans un certain nombre de labels.

M. Dominique Potier. Merci de nous avoir expliqué avec clarté votre intention. Si nous parvenons à coupler le HVE2 avec des éléments que nous avons définis dans la loi d’avenir, avec Stéphane Le Foll, nous pourrions parvenir à un accord.

Je retire donc mon sous-amendement.

Le sous-amendement CE2140 est retiré.

M. le président Roland Lescure. Monsieur le ministre, quel est votre avis sur les deux sous-amendements CE2124 et CE2125 de M. Matthieu Orphelin ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur Orphelin, la part de produits sans OGM en France est déjà très importante. Dans ces conditions, il sera assez facile d’atteindre l’objectif des 50 %. Mais en le limitant aux seuls produits sans OGM, on risque de nuire à l’objectif des 50 % de produits issus de l’agriculture biologique ou des circuits courts, produits labellisés ou SIQO : on pourrait très bien dire que l’on a atteint l’objectif en servant dans une cantine 50 % de produits sans OGM. D’autant qu’il est possible d’utiliser des produits sans OGM provenant d’autres pays, et qui ne favorisent donc pas l’agriculture locale.

Je vous demande donc de retirer votre amendement CE2124. Certes, utiliser des produits sans OGM est un gage de qualité, un signe de confiance pour nos consommateurs, mais le prendre en compte amoindrirait l’objectif qui est le nôtre.

Votre sous-amendement CE2125 vise les produits « distribués en circuits courts ou minimisant les impacts environnementaux et climatiques ». Encore une fois, ce sont des notions qui ne sont pas admises en droit. On ne peut donc les intégrer sous cette forme dans la loi. Mais l’important est que les objectifs que vous avez cherché à atteindre à travers votre sous-amendement soient aussi respectés.

M. Matthieu Orphelin. J’ai été convaincu par les arguments de
M. le ministre sur mon sous-amendement CE2124, et je le retire. En revanche, fort de l’expérience de ce qui s’est fait dans les Pays de la Loire pour favoriser les circuits courts de qualité, je persiste à penser que la proposition faite dans mon sous-amendement CE2125, qui implique notamment un ou plusieurs exploitants agricoles, permettrait justement de nous prémunir des « circuits courts internationaux ». Nous en rediscuterons d’ici à la séance, mais cela me semble une bonne solution. Mais j’ai apprécié toute cette discussion sur ce que coûte cette qualité, sur ce que l’on veut faire, et sur ce que l’on assume pour ce faire. Précisons que tout cela ne coûtera pas forcément plus cher au consommateur. Premièrement, le gaspillage alimentaire coûte 28 centimes, et même 70 centimes par repas et par convive si l’on intègre les coûts indirects. Deuxièmement, il faut sortir du modèle actuel, qui est mauvais pour nos agriculteurs ; je vous rappelle ce chiffre hallucinant : deux tiers de la viande consommée dans les cantines scolaires en France sont importés… On marche sur la tête ! L’amendement du Gouvernement va permettre d’aller dans le bon sens, et de respecter cette promesse d’Emmanuel Macron.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’entends bien les expériences qui sont faites dans les régions et dans les territoires. Mais j’observe aussi que dans la région des Pays de la Loire ou ailleurs, on n’écrit pas la loi. Dans un règlement destiné à être mis en place à l’intérieur d’une région, dans un département ou dans une collectivité, il est possible d’écrire les choses plus facilement. Mais lorsqu’on écrit la loi, il en va autrement. C’est plus compliqué, surtout quand la notion d’approvisionnement en circuits courts n’existe pas en droit.

M. Dominique Potier. Je retire également mon sous-amendement CE2125

Les sous-amendements CE2124 et CE2125 sont retirés.

M. le président Roland Lescure. Nous en venons au sous-amendement CE2111 de M. Antoine Herth.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je demanderai le retrait de ce sous‑amendement au profit du sous-amendement CE2132.

M. Antoine Herth. Je comprends bien le sous-amendement CE2132 de mon collègue Potier : il procède du même esprit que le mien et il respecte votre rédaction. Mais montez dans un hélicoptère, monsieur le ministre, regardez la France de très haut ; et dites‑vous que, pas loin d’ici, dans l’hémicycle, on débat sur l’immigration. Dans votre amendement, vous traitez le commerce équitable comme si c’était une question subsidiaire : vous l’avez mis à part, dans un II. Autrement dit, on est en train de mettre le commerce équitable sur l’étagère pour l’oublier. Or si le débat dans l’hémicycle doit avoir une solution, il faut aussi qu’on aide les paysans du Sud.

Pour ma part, j’aurais préféré que l’on fasse figurer le commerce équitable dans un 7° du I, parmi les 50 %, plutôt que de le mettre de côté dans un II. C’est la seule différence que je vois entre nos deux sous-amendements.

Mme Delphine Batho. Nous avions failli rédiger notre sous-amendement comme M. Herth l’a fait. Du reste, son sous-amendement est meilleur que le nôtre, qui se contente de modifier une référence juridique.

Deux questions différentes sont posées. D’abord, quelle est la référence juridique du commerce équitable ? On pourra y revenir en séance. Ensuite, le commerce équitable doit-il entrer ou pas dans les 50 % ? Nous pensons qu’il doit y entrer.

Pour ma part, je préfère que l’on choisisse des produits du commerce équitable plutôt que d’autres produits d’importation moins équitables. Voilà pourquoi je soutiens le sous-amendement CE2111.

M. François Ruffin. Je trouve excellente la remarque de notre collègue sur le lien qu’il peut y avoir entre le débat dans l’hémicycle et notre débat en commission ce matin. On aurait pu s’interroger sur les moyens de maintenir ou de promouvoir cette agriculture du Sud, en dehors de celle qui va « bénéficier » – avec beaucoup de guillemets – des traités Mercosur. De ce point de vue, le texte est assez pauvre. Je soutiendrai donc ce sous-amendement.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas, dans vos réponses, vous retrancher derrière des arguments de technique juridique, comme vous l’avez souvent fait. Le développement durable est une réalité que l’on peut retrouver dans un certain nombre de textes de loi : la Charte de l’environnement, par exemple, dispose : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable ».

Si cela figure dans la Charte de l’environnement, pourquoi pas dans ce texte ? On peut dire la même chose des circuits courts. Vous y substituez l’expression de « coût de cycle de vie du produit », qui n’a pas davantage de réalités juridiques que ce que mes collègues ou moi-même avons proposé.

Mme Célia de Lavergne. Je rappelle que nous essayons d’ores et déjà de garantir aux producteurs français une rémunération correspondant aux valeurs du commerce équitable. Je remercie par conséquent les députés qui ont amélioré la rédaction du texte qui relève de cette logique. Et je suppose que nous sommes tous d’accord pour passer au vote.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Nous avons réintroduit la notion de commerce équitable au cours des débats de la commission du développement durable. Nous y tenions beaucoup et, comme l’a précisé Célia de Lavergne, l’idée est de créer un commerce équitable à la française au bénéfice de nos agriculteurs, des filières et de la production locale. Il est donc davantage question, ici, de valeurs et du sens que l’on donne à l’achat public pour atteindre l’objectif de 50 % de produits qualité et bio dans la restauration collective. Je rappelle que l’article 11 donne la boîte à outils nécessaire aux acheteurs publics qui devront évidemment être accompagnés, notamment par les collectivités, dans le cadre d’une animation territoriale, en particulier concernant les méthodes d’allotissement.

La commission rejette le sous-amendement CE2111.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je donne un avis favorable au sous‑amendement CE2132, rédactionnel puisqu’il corrige une erreur de référence.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. À ceci près que la loi du 31 juillet 2014 n’ayant pas d’existence autonome, elle ne peut ici être visée. Ce sous-amendement n’a donc aucune utilité.

La commission adopte le sous-amendement CE2132.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le sous‑amendement CE2134, qui entend imposer à la restauration collective d’informer les usagers de la qualité des repas servis – disposition intéressante – est mal placé ; l’idée est intéressante, mais elle est reprise l’amendement gouvernemental CE2084.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette le sousamendement CE2134.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Sur le sous-amendement CE2133, je rejoins le rapporteur : nous avons prévu, à l’amendement CE2088, d’inclure les établissements privés exerçant des missions de service public.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette le sousamendement CE2133.

M. le président Roland Lescure. Quel est votre avis sur les sous‑amendements CE2137 et CE2138, monsieur le ministre ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Les seuils de 50 % et de 20 % sont bien l’objectif du Gouvernement, mais le Conseil d’État a préféré qu’ils soient prévus par décret.

M. Philippe Bolo. Il y a une vraie différence entre les sous-amendements CE2137 et CE2138. Le premier élargit l’obligation d’intégrer aux repas scolaires des produits provenant de l’agriculture biologique aux produits issus des circuits courts, tandis que le second les exclut. Lorsque vous avez donné votre avis sur le sous-amendement CE2127, vous avez parlé de laisser la porte ouverte à de multiples choix. C’est précisément l’esprit du sous‑amendement CE2138, qui propose de remplacer la notion de « valeur totale » d’un repas par celle d’« éléments » d’un repas, à savoir : entrées, viandes, légumes, laitages, fruits. Les occurrences sont ainsi multipliées afin qu’une collectivité puisse atteindre ses objectifs, non sur tout le repas ou sur le montant, mais sur l’entrée, sur la viande, sur le légume, sur le fruit, etc. Cela facilite la poursuite des objectifs tout en tenant compte des contraintes de prix, du contexte local, de la taille de la collectivité, de l’organisation de la restauration collective, qu’elle soit en régie ou en délégation de service.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’entends bien, monsieur le député, mais vous complexifiez énormément le dispositif alors que la loi doit rester claire. C’est aux opérateurs de décider de concentrer leur effort sur tel ou tel aspect du repas en fonction de l’offre dont ils peuvent bénéficier sur leur territoire. Prenons les produits laitiers : les collectivités ont peut-être la capacité de se fournir en circuits courts, locaux ou sous SIQO bien plus facilement que de se fournir intégralement en bio, par exemple.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CE2137 et CE2138.

M. le président Roland Lescure. Le sous-amendement CE2126 a été rectifié et, désormais, vise à supprimer, à l’alinéa 13, les mots : « au plus ».

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’y suis favorable.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte le sousamendement CE2126 rectifié.

M. le président Roland Lescure. Nous terminons par l’examen du sous‑amendement CE2142 de M. Bazin.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Les produits sous SIQO sont bien prévus par l’amendement du Gouvernement qui les vise au 3° : « ou bénéficiant d’autres signes ou mentions prévus par l’article L. 6402 ». Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois. Monsieur le président, je conteste vraiment l’organisation des débats et des votes : nous sautons en avant, en arrière… Tant et si bien que tout à l’heure, après que Mme Batho s’est exprimée, j’ai manqué le vote du sous-amendement de M. Herth. On confond vitesse et précipitation alors que les enjeux sont importants.

M. François Ruffin. C’est exact !

M. Nicolas Turquois. Cette façon de procéder n’est pas à l’honneur de l’agriculture française.

M. Antoine Herth et M. Thibault Bazin. Bravo !

M. Thierry Benoit. C’est le boxon !

M. le président Roland Lescure. Merci, monsieur Benoit !

M. François Ruffin. Je suis d’accord avec M. Benoit.

M. le président Roland Lescure. Merci, monsieur Ruffin, pour votre contribution à l’organisation de la discussion. (Interruptions.)

Seul le président a la parole, je vous la donnerai ensuite. J’ai bien conscience que nous avons quelque peu jonglé avec les sous-amendements dont certains ont été rectifiés à la dernière minute mais je fais de mon mieux. Je vous rappelle que le dérouleur qui apparaît sur les écrans est celui qui fait foi ; il ne correspond pas toujours à celui que vous avez sur vos tablettes parce que nous sommes amenés, j’y insiste, à rectifier des amendements ou sous‑amendements au dernier moment – c’est pour le bien de la Nation, l’efficacité des débats et la qualité du texte.

M. Thierry Benoit. Je rejoins M. Turquois. Je ne remets pas en cause vos qualités de président : vous remplissez très bien vos fonctions. Seulement, depuis le début de la discussion, on privilégie la forme sur le fond. La discussion sur le sous-amendement CE2111 a montré une convergence de vue des commissaires et en particulier de Mme Batho, de M. Potier, de Mme de Lavergne, de M. Ruffin, de M. Turquois, si bien qu’il y avait presque unanimité à deux ou trois voix près. Or, à force d’insister et de demander : « Qui est contre, qui est contre ? », l’amendement a fini par être rejeté. C’est très frustrant.

Quel texte, dans ces conditions, va-t-il être examiné en séance publique, alors que les enjeux sont si importants pour l’agriculture et les agriculteurs ? Honnêtement, je ne sais plus comment voter lorsque nous serons dans l’hémicycle. J’avais sur ce projet de loi un a priori plutôt favorable, mais quand je vois la teneur des débats et la manière dont ils se déroulent ici, je suis de plus en plus réservé.

M. le président Roland Lescure. Je note avec attention, pour reprendre une expression célèbre, que vous vous faites le ventriloque d’un certain nombre de nos collègues.

M. François Ruffin. Les débats se sont jusqu’à présent déroulés correctement et il est dans l’intérêt de tous que cela continue. Ainsi, il est inutile de dire à notre collègue Benoit qu’il fait un numéro de ventriloque – si j’étais à sa place en tout cas, je ne le prendrais pas bien. (Sourires.) Il y a une confusion dans l’organisation de l’examen des amendements, cela peut arriver – il y en a un paquet, c’est le bazar…

Hier, il y a eu un « tunnel » sur les coopératives, on n’y comprenait rien du tout et nous n’avons pas levé le bras au cours de l’examen de 200 ou 300 amendements… Nous ne cherchons pas à miner le débat, mais quand nous demandons la parole, faites au moins preuve de bienveillance !

Enfin, je reviens sur le vote de tout à l’heure : sur cette question de commerce équitable, personne n’est à l’aise, même dans la majorité. On ne peut donc passer là-dessus comme si de rien n’était et alors les débats peuvent très bien se poursuivre de manière constructive en dépit des désaccords.

Mme Monique Limon. Nos débats sont assez difficiles car les thèmes abordés sont compliqués. Nous avons certes un nombre certain d’amendements à examiner mais, pour en avoir travaillé déjà beaucoup, nous savons à peu près de quoi nous parlons. Je soutiens le président de la commission. Qu’il puisse y avoir des ratés, c’est possible, mais on ne peut le soupçonner de ne pas faire de son mieux. Quand je suis allée me coucher hier soir, j’étais, au bout de deux jours de débats, plutôt satisfaite – comme d’autres, sûrement – de la manière dont ils avaient été menés puisque chacun avait pu s’exprimer et des amendements présentés par des députés de tous bords avaient été adoptés. La troisième journée, comme dans le sport, est toujours un peu plus difficile ; j’aimerais que nous y mettions tous un peu du nôtre pour que tout se passe bien. Les agriculteurs nous attendent, les EGA ont suscité des attentes très fortes ; nous ne pouvons les décevoir.

M. Thibault Bazin. Si nous passons autant de temps à défendre ces sous‑amendements, c’est parce que l’amendement du Gouvernement, une fois adopté, va faire tomber tous les autres amendements sur lesquels nous aurions pu avoir un débat de fond.

Votre rédaction m’inquiète, Monsieur le ministre. Certes, les produits sous SIQO sont bien prévus par votre amendement, qui les vise aux 3° de l’article L. 230-5-1 que vous souhaitez insérer dans le code rural et de la pêche maritime. Souhaitons-nous empêcher l’utilisation de produits bio étrangers qui ne respectent pas les normes françaises ? Si c’est l’esprit de votre amendement, je ne suis pas sûr que la lettre le traduise bien. Nous parlons ici d’argent public ; or si c’est pour contraindre des collectivités à acheter des produits étrangers dits bio et qui ne respectent pas les normes, nous passons complètement à côté. C’est là qu’est le problème de fond : nos producteurs locaux attendent beaucoup de ce texte mais, je le répète, je ne suis pas sûr que la rédaction proposée réponde à leurs souhaits. Peut-être mon sous-amendement doit-il être revu, mais il faut vraiment retravailler la rédaction de l’amendement du Gouvernement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La rédaction de l’amendement du Gouvernement a été très retravaillée. Nous fixons des objectifs ; mais comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, tout ne doit pas figurer dans la loi, faute de quoi elle deviendrait une contrainte trop forte pour nos producteurs.

Les objectifs sont clairs : 50 % de produits acquis par les restaurants collectifs des personnes publiques devront être bio, sous SIQO, avec des labels et même suivre des démarches externalisées de montée en gamme que nous appelons de nos vœux, et qui peuvent être parfois d’origine privée, à l’initiative des entreprises. Nous avons ajouté le commerce équitable, sans nier les difficultés que peuvent connaître des peuples qui s’efforcent de développer ces gammes de produits. Nous travaillons d’ailleurs sur le développement rural avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) : je me suis déjà rendu à trois reprises à son siège, à Rome, depuis que j’ai pris mes fonctions. Le développement rural consiste à permettre à des États dits fragiles, parfois en guerre, d’aider leurs agriculteurs ou leurs producteurs à ne pas quitter le pays au motif qu’ils n’y trouvent pas les moyens d’y subsister.

Le commerce équitable participe de notre solidarité avec ces peuples. Nous devons la graver dans le marbre de la loi. Nous avons donc souhaité, après une longue discussion en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, l’ajouter au présent dispositif. Mais comme je l’ai fait observer tout à l’heure à M. Orphelin à propos des produits sans OGM, on ne peut se contenter de dire : j’ai atteint mes objectifs parce que ma restauration collective utilise 50 % de produits issus du commerce équitable. Nous avons besoin de faire travailler tout le monde, de promouvoir les démarches de qualité, les SIQO, le bio, le commerce équitable. Or votre sous-amendement, d’une certaine manière, contraint la notion de commerce équitable, en laissant entendre que l’on pourrait en imposer une certaine teneur à la restauration collective. Il faut laisser les collectivités, une fois le cadre arrêté, libres de leur choix entre les produits bio, sous SIQO, AOP, AOC, ou des démarches locales validées par les opérateurs ; c’est un gage de confiance que nous leur donnons.

Bien évidemment, monsieur Bazin, le but n’est pas d’encourager à se fournir en produits bio qui auraient fait le tour de la planète… Nous devons faire évoluer nos procédures de marchés publics, mais cela ne se codifie pas dans la loi ; c’est un travail à mener avec les collectivités, dans le cadre d’un accompagnement global que nous souhaitons mettre en place.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement CE2042.

M. le président Roland Lescure. Avant de mettre aux voix l’amendement du Gouvernement, modifié par les sous-amendements CE2127 rectifié, CE2132 et CE2126 rectifié, je vais donner la parole aux représentants des groupes, pour une explication de vote.

Mme Célia de Lavergne. Nous sommes très regardés et l’article 11 était très attendu ; il était donc tout à fait légitime que nous passions presque deux heures à en débattre. La rédaction proposée par le Gouvernement fait bien écho aux discussions qui ont eu lieu en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et répond aux exigences de la commission des affaires économiques. Les trois sous-amendements adoptés enrichissent l’amendement gouvernemental ; en l’état, les députés du groupe La République en Marche y sont évidemment favorables puisqu’il satisfait à l’ambition, pour la restauration collective, d’utiliser, d’ici à 2022, 50 % de produits de qualité dont 20 % de produits de produits bio. L’amendement offre en outre aux gestionnaires de restauration collective publique les outils, comme l’a souligné la rapporteure pour avis, permettant l’identification des produits et des filières nécessaires pour atteindre l’objectif poursuivi.

M. Arnaud Viala. Sur la forme, la manière dont le débat a été conduit, avec ces sous-amendements modifiant un amendement « chapeau » dont l’adoption en fera tomber une cinquantaine d’autres, ne nous convient pas. Le sujet abordé était bien trop important pour que nous en discutions selon une procédure qui a d’ailleurs révélé ses faiblesses et détonne avec l’ambiance générale que nous avons souhaité maintenir depuis trois jours.

Sur le fond, en l’état, les députés du groupe Les Républicains ne voteront pas l’amendement du Gouvernement dans la mesure où les contraintes que son adoption ferait peser sur les opérateurs de restauration collective et sur l’agriculture nous paraissent infiniment supérieures aux bénéfices qu’il devrait engendrer. Nous allons par conséquent prendre le temps de réfléchir à des propositions en vue de l’examen du texte en séance.

M. Nicolas Turquois. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés ne votera pas l’amendement du Gouvernement. La méthode dont ont été conduits les débats ne nous convient pas. Nous aurions aimé, symboliquement, que le commerce équitable apparaisse et, je l’ai dit, au vu des objectifs fixés par le sous-amendement de Mme Batho, la pente nous semble trop raide.

M. Thierry Benoit. Les députés du groupe UDI, Agir et Indépendants réservent leur vote pour l’examen du texte en séance car, pour l’heure, la cacophonie est totale. Le plus bel exemple en est la manière dont a été rejeté l’amendement CE2111 de M. Herth. Cela permettra en tout cas au ministre de peaufiner sa copie et de nous expliquer, dans l’hémicycle, où il compte emmener l’agriculture française : comme vient de le souligner M. Turquois, c’est bien l’enjeu. Nous souhaitons tous entraîner le contingent de nos agriculteurs vers une agriculture plus vertueuse, plus durable mais aussi plus rémunératrice, une agriculture qui préserve un modèle qui reste, qu’on le veuille ou non, une agriculture de proximité, de type familial, une agriculture soucieuse enfin de l’humain et du social. Avec une trajectoire incontournable : le revenu agricole.

M. Dominique Potier. La lutte contre le gaspillage est un des arguments de fond que nous avons évoqués. Elle permet de financer, dans de nombreuses collectivités, la montée en gamme de l’alimentation-santé. Rappelons qu’investir dans l’alimentation-santé permet à terme de réaliser une économie sur la santé publique et que cela n’a pas de prix puisque tous les enfants en bénéficient.

Les députés du groupe Nouvelle Gauche saluent l’avancée du Gouvernement en matière de réorganisation du débat, qui a su nous proposer un socle nouveau. Nous souhaitons préciser, en séance, la place du commerce équitable de la même manière que l’a suggéré Antoine Herth, mais aussi préciser l’évolution de la part du bio au fil du temps et lever les ambiguïtés qui peuvent subsister autour de la certification HVE 2 ; si c’est la norme de l’alimentation locale, nous y souscrirons, mais nous voudrions que la certification HVE 3, dans sa montée en puissance, puisse monter en puissance, à côté du bio et des SIQO.

M. Loïc Prudhomme. Les députés du groupe La France insoumise trouvent l’amendement gouvernemental insuffisant. Nous avons insisté sur la nécessité que le dispositif intègre des produits locaux ; or le ministre ne nous a répondu que sur les gaz à effet de serre…

Comme l’a souligné M. Bazin, la discussion montre l’insuffisance générale du système proposé par le ministre : insuffisance de moyens accordés à la transition vers une agriculture capable de donner du revenu aux agriculteurs grâce aux exigences qualitatives croissantes de la demande. L’un de nos collègues a parlé d’une pente raide ; je ne la trouve pas si raide que cela. Il s’agit, j’y insiste, de nous donner les moyens d’une transition vers une agriculture de qualité et pas seulement pour la restauration collective – ce qui serait voir la question par le petit bout de la lorgnette. Nous avons tous besoin, dans les écoles et ailleurs, d’une alimentation de qualité.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Sur le commerce équitable, nous partageons évidemment le point de vue d’Antoine Herth ; mais, comme l’a dit le ministre, si l’on met sur le même plan, dans l’objectif des 50 % d’acquisition de produits, les SIQO, les produits de qualité, le bio et le commerce équitable, sans établir de hiérarchie, les uns feront concurrence aux autres. Malgré cela, je partage, j’y insiste, le but de M. Herth de développer un vrai commerce équitable, y compris en France, ainsi que l’a défini Monique Limon.

J’émets un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement tel qu’il est sous‑amendé.

La commission adopte lamendement CE2091 sous-amendé.

En conséquence, larticle 11 est ainsi rédigé et tous les amendements à larticle 11 tombent.

M. le président Roland Lescure. Les amendements du Gouvernement CE2088 et CE2084 deviennent les amendements CE2088 rectifiés et CE2084 rectifié portant articles additionnels après l’article 11, et seront examinés avec les sous-amendements qui s’y rattachent. [Ces amendements ont été intégrés dans l’article 11 dans le texte adopté par la commission].

La commission examine lamendement du Gouvernement CE2088 rectifié, lequel fait lobjet des sous-amendements identiques CE2141 rectifié de M. Thibault Bazin et CE2145 rectifié M. Charles de Courson.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le présent amendement étend le champ d’application de l’article 11 aux établissements de restauration scolaire et universitaire, aux établissements d’accueil des enfants de moins de six ans, aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux qui relèvent des personnes morales de droit privé investies d’une mission de service public. Il ne doit pas y avoir de différence de traitement entre les enfants qui déjeunent dans une cantine selon qu’elle est privée ou selon qu’elle est publique.

M. Thibault Bazin. L’introduction dans les cantines scolaires d’un minimum de produits remplissant des conditions répond à l’attente de nos concitoyens et il paraît normal que les élèves des établissements d’enseignement privé associés par contrat à l’État puissent en bénéficier tout comme ceux des établissements publics. Cela étant, cette obligation a un coût et, dans les établissements publics, il est probable que celui-ci sera en très grande majorité supporté par les collectivités. Or créer une telle obligation pour les établissements privés, en en faisant supporter le surcoût par les familles, serait une réelle injustice. Si les collectivités prenaient à leur charge l’amélioration de l’alimentation des élèves de leurs écoles sans le faire pour les élèves des établissements privés associés à l’État par contrat, il y aurait une rupture d’égalité.

Le sous-amendement CE2141 rectifié propose par conséquent de lier l’obligation d’introduire un pourcentage minimum de produits bio dans les établissements d’enseignement associés à l’État par contrat à l’aide de la collectivité, qui en aura délibéré, au titre de l’article L. 533-1 du code de l’éducation. Ainsi, l’établissement d’enseignement privé sera contraint de respecter la même obligation que les établissements publics si et seulement si la collectivité territoriale compétente décide de prendre en charge le surcoût de cette obligation. Dans le cas contraire, s’il ne reçoit pas l’aide proportionnée, l’établissement discernera seul s’il est en mesure de le faire sans pénaliser les familles. Le sous-amendement recherche donc un équilibre, toujours délicat, entre le principe d’égalité de traitement entre les familles – quel que soit le choix de l’établissement, en particulier s’agissant d’une disposition au bénéfice de la qualité de la restauration des enfants –, la liberté d’enseignement garantie par les financements publics, la libre administration des collectivités locales et la maîtrise de leur budget.

M. Thierry Benoit. Le sous-amendement CE2145 rectifié est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces sous-amendements identiques sont déjà satisfaits : l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime – celui sur lequel il faut s’appuyer en l’occurrence – inclut de fait les établissements privés sous contrat en désignant « les gestionnaires privés ». Avis défavorable sur les sous-amendements et favorable à l’amendement du Gouvernement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’émets un avis défavorable aux sous-amendements puisque les établissements privés investis d’une mission de service public sont concernés par le dispositif que je propose. Je rejoins néanmoins M. Bazin sur le risque de créer une rupture d’égalité ; mais les modalités d’aide à l’enseignement privé par les collectivités, notamment les régions, ou l’État, sont prévues dans les conventions passées qui doivent pouvoir satisfaire vos exigences. Reste qu’aucun des élèves inscrits dans l’enseignement agricole privé sous contrat, par exemple, ne doit être pénalisé.

M. Guillaume Garot. Monsieur le président, pourrions-nous avoir un dérouleur papier à jour ? Nous ne pouvons travailler dans de telles conditions.

M. le président Roland Lescure. Le dérouleur papier n’est malheureusement qu’indicatif puisque le Gouvernement a déposé des amendements après son impression. Seul le dérouleur numérique fait foi. J’ai en outre annoncé avant la suspension, que les amendements du Gouvernement seraient examinés après l’article 11. Je suis désolé si vous n’avez pas eu le temps de vous y préparer, mais j’avais bien annoncé la couleur avant la suspension.

M. Thibault Bazin. Vous venez d’évoquer l’enseignement agricole, monsieur le ministre, or vous savez que la loi n’est pas appliquée en matière de financement, puisque la parité n’est pas respectée. Certes des efforts sont faits pour les maisons familiales rurales (MFR) mais ce n’est pas le sujet. La question, ici, est que l’obligation qui serait faite aux établissements privés sous contrat de prévoir la même part d’aliments bio que les établissements publics, doit être conditionnée à un accompagnement financier des collectivités. On sait bien qu’un système de ce genre est en vigueur dans plusieurs régions. Mais si les établissements ne sont pas accompagnés partout, ce sera profondément injuste. Aussi mon sous-amendement entend-il apporter cette précision, sans rien enlever rien à l’amendement du Gouvernement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Mais on touche là à la liberté d’administration des collectivités. Inscrire dans la loi que les collectivités s’engagent au prorata de ce que les établissements pourraient faire revient quelque part à leur intimer l’obligation de le faire. Or les collectivités sont libres dans la gestion de leurs deniers et dans les projets qu’elles souhaitent défendre.

M. Thibault Bazin. En tant qu’ancien élu local, je mesure à quel point il est important de laisser les collectivités libres dans leur gestion. Mon sous-amendement ne prévoit pas du tout de remettre en cause cette liberté. Elles peuvent ou non accompagner les établissements d’enseignement privé ; si elles les accompagnent, alors ceux-ci ont l’obligation de répondre, à due proportion, à la même obligation que les établissements publics. Si elles ne les accompagnent pas, c’est à l’établissement privé de définir s’il peut le faire au regard du coût qu’il impose aux familles.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je maintiens qu’il pose un problème de droit en portant atteinte à la libre administration des collectivités. Votre sous-amendement est satisfait à travers les dispositions qui existent déjà. J’y suis donc défavorable. J’ajoute que ce n’est pas à ce projet de loi de traiter des accompagnements financiers : rendez-vous dans le projet de loi de finances.

La commission rejette les sous-amendements CE2145 rectifié et CE2141 rectifié.

Puis elle adopte lamendement CE2088 rectifié.

M. Nicolas Turquois. Monsieur le ministre, la mesure que nous venons de voter concerne-t-elle les hôpitaux ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Tout à fait. Nous avons étendu le champ d’application de l’article 11 aux établissements de santé et aux établissements médico-sociaux, publics et privés, et aux établissements privés chargés de missions de service public, comme certains EHPAD.

La Commission examine lamendement CE2084 rectifié du Gouvernement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le présent amendement institue une obligation d’information une fois par an des usagers de la restauration collective publique et privée sur la part des produits mentionnés par l’article 11 du présent projet de loi dans la composition des repas, ainsi que des démarches engagées en vue de développer l’acquisition de produits issus du commerce équitable.

Cet amendement participe à la bonne information des usagers quant aux produits qui sont consommés dans la restauration collective.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement est très important puisqu’il permettra aux restaurants collectifs d’entreprise de s’engager à leur tour dans ce bel objectif de 50 %.

La commission adopte lamendement.

Puis elle étudie les amendements identiques CE172 de la commission du développement durable et CE1289 de M. Matthieu Orphelin, qui font lobjet du sousamendement CE2098 du rapporteur.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. L’amendement CE172, adopté par la commission du développement durable avec mon soutien, mais contre l’avis du Gouvernement, vise à inciter les gestionnaires d’organismes de restauration collective à présenter un plan de diversification des menus en matière de protéines végétales. Nous leur laissons la possibilité de conduire une trajectoire de progrès et de proposer un plan de diversification.

En commission, j’avais émis une réserve sur le seuil de cent couverts par jour qui me semblait très bas, à mon sens trop contraignant pour les petites cantines. Nous aurions préféré proposer un seuil plus élevé.

M. Matthieu Orphelin. Mon amendement CE1289 a le même objet. C’est une façon non conflictuelle et consensuelle d’aborder l’importante question de la diversification des protéines. Peut-être faut-il effectivement un peu de souplesse sur le seuil.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Mon sous-amendement CE2098 a également pour objet d’introduire de la souplesse. Un plan de diversification de protéines, s’il est bienvenu pour habituer les usagers de la restauration collective à une diversification, peut fonctionner efficacement sur une base de trois ou de cinq ans, comme la majorité des plans stratégiques. Sinon, il est fort à parier que ces gestionnaires présenteront, chaque année, le même plan, en changeant uniquement la date, car les choses n’évolueront pas significativement d’une année à l’autre.

Je suis favorable à l’amendement CE172, sous réserve de l’adoption de mon sous‑amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis favorable à ces amendements sous-amendés par le rapporteur.

M. Thierry Benoit. Je suis d’accord pour que l’alimentation soit diversifiée. Mais je ne comprends très bien l’objectif de cet amendement.

M. Matthieu Orphelin. L’idée est de sortir des débats stériles pour ou contre les protéines animales et les protéines végétales et d’aborder cette question de manière apaisée. On peut vouloir être amené à diversifier les protéines, à intégrer un peu plus de protéines végétales et en même temps acheter de la viande de meilleure qualité. Nous voulons que les cantines d’une taille suffisante puissent avoir cette réflexion.

Mme Monique Limon. Cette mesure n’est pas contraignante. Il s’agit seulement d’amener les gestionnaires de restauration collective à réfléchir à cette diversification. Par ailleurs, il faut réguler le seuil parce qu’on a besoin d’inciter à la diversification des protéines. Nous répondons là à un engagement sociétal. D’ailleurs, nous présenterons loin un amendement qui vient élargir encore cette réflexion à la restauration privée.

M. Arnaud Viala. Quand on demande aux gestionnaires de la restauration collective de recourir à des produits de qualité, ce que nous avons fait au cours de ces deux dernières heures, on leur donne une indication dont ils peuvent parfaitement se passer : beaucoup le faisaient déjà. S’il s’agit maintenant de leur dire qu’ils doivent proposer des menus équilibrés, c’est presque injurieux… Dans les collectivités, les menus sont élaborés avec le concours de diététiciens. Je ne vois pas ce que cette injonction qui, assumons-le, est une manière déguisée d’enjoindre la restauration collective à proposer des menus végétariens, apporte à la qualité des repas servis aux enfants.

J’ajoute que, au vu de la situation économique de la plupart des familles, le repas à la cantine est malheureusement souvent le seul repas équilibré de beaucoup d’enfants, et les gestionnaires en ont tout à fait conscience. Je trouve donc dommageable de légiférer sur ce point.

Mme Célia de Lavergne. La question ne porte pas sur l’équilibre ou non des plats. Il s’agit plutôt d’engager une réflexion collective sur une diversification entre protéines animales et végétales. Je rappelle que les protéines végétales permettent d’avoir des repas tout à fait équilibrés. L’objectif est d’amener les enfants dans un cadre plus général à découvrir différents types de protéines, à s’approprier les enjeux autour des protéines végétales et des protéines animales et leur impact au plan environnemental et sanitaire. Je pense donc que ces amendements vont tout à fait dans le sens d’une approche progressiste à conduire en collaboration et en accompagnement des différentes structures gestionnaires.

M. François Ruffin. Je suis plutôt favorable à l’évolution générale proposée par ces amendements. Reste que, à défaut d’agir sur l’ensemble de la distribution, production et consommation, on se concentre sur une tête d’épingle, qui est la restauration collective, en particulier dans les établissements scolaires, en espérant trouver le levier qui permettra de faire bouger les choses. Je crains que ce ne soit insuffisant pour influer une dynamique sur l’ensemble du modèle agricole.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. On ne peut pas préjuger les conclusions qui seraient proposées par les établissements et la restauration collective, d’autant que les cantines et les établissements scolaires sont tenus d’appliquer les dispositions de l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime, qui impose de respecter des règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu’ils servent. En tout état de cause, s’ils proposent un plan de diversification, c’est seulement dans le but d’ouvrir le débat.

M. Arnaud Viala. Madame Maillart-Méhaignerie, vous avez souligné que le seuil de cent couverts était parfaitement irréaliste. On sait bien que les personnels qui gèrent ces structures n’ont pas le temps ni les moyens de faire des rapports. C’est proprement aberrant !

Mme Delphine Batho. À ma connaissance, dans la restauration scolaire, les plans alimentaires sont définis par une circulaire de l’éducation nationale qui donne la grille que la restauration collective doit respecter. Je crois par ailleurs qu’un avis du Conseil national de l’alimentation donne le cadre général. Je ne suis pas sûre que la diversification des protéines y soit d’ores et déjà intégrée ; peut-être faudrait-il vérifier ce point.

M. Thierry Benoit. L’exposé sommaire de l’amendement CE172 précise que le gain sur les repas permettra en outre d’acheter de la viande de meilleure qualité : label rouge, agriculture biologique, etc. La même exigence est-elle posée pour la filière végétale ? Suppose-t-elle de proposer des plats végétaux vertueux, c’est-à-dire bio, sans OGM, etc., ou leur origine est-elle sans importance ?

La commission adopte le sous-amendement CE2098.

Puis elle adopte les amendements identiques sous-amendés.

Article 11 bis
(article L. 112-19 du code de la consommation)
Dispositions « fait maison » étendues à la restauration collective

Cet article, adopté avec l’avis favorable de votre rapporteur, prévoit d’étendre le dispositif « fait maison » aux restaurants collectifs. Il résulte d’une série d’amendements identiques proposés par la rapporteure de la commission du développement durable, M. Bruno Duvergé et les membres du groupe MoDem, M. Loïc Prud’homme et les membres du groupe La France insoumise, M. Vincent Rolland et plusieurs de ses collègues. Depuis 2014, la mention « fait maison » s’impose à tous les établissements de restauration commerciale, traditionnelle, de chaîne et rapide.

Votre rapporteur note qu’une disposition identique avait été adoptée par l’Assemblée nationale, début 2016, lors de l’examen en première lecture de la proposition de loi n° 3280 de Mme Brigitte Allain et plusieurs de ses collègues portant sur l’ancrage territorial de l’alimentation.

*

*     *

La commission examine lamendement CE261 de M. Xavier Breton.

M. Thibault Bazin. Depuis 2015, le règlement d’exécution a rendu obligatoire l’indication du pays d’origine pour les viandes préemballées, mais pas pour les viandes qui ne le sont pas, à l’exception des viandes bovines dont le pays d’origine est mentionné depuis la fin de 2002. L’amendement de mon collègue Xavier Breton permet de remédier à cette lacune. Neuf consommateurs sur dix demandent aujourd’hui une meilleure information sur l’origine des produits.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement va plus loin que votre exposé des motifs et vise très large : presque toutes les viandes, dans presque tous les types de restauration, sur place ou à emporter, les pizzas, les plateaux-repas des hôpitaux, etc. C’est pourquoi cette mesure relève davantage du pouvoir réglementaire, du décret ou de l’arrêté, qui sont beaucoup plus souples que la loi pour imaginer tous les cas de figure et les dérogations. Comme vous le dites, l’indication du pays d’origine est obligatoire pour le bœuf, mais dans des conditions bien précises.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Vous avez raison, monsieur Bazin : il y a une véritable attente des consommateurs, de nos concitoyens sur l’étiquetage des produits mentionnant l’origine des ingrédients qu’ils consomment.

Une expérimentation, lancée par mon prédécesseur, est en cours sur l’origine du lait, sur les produits laitiers et sur l’ingrédient viande dans les produits alimentaires. Elle fera l’objet d’une évaluation à la fin de l’année. Je suis de ceux qui veulent poursuivre dans ce sens, mais avant de prendre toute nouvelle disposition concernant l’information sur l’origine des viandes, je souhaiterais que nous puissions d’abord en tirer les enseignements. Je rappelle que certains de nos voisins européens ne sont pas favorables à l’étiquetage du lait parce qu’ils considèrent avoir perdu un certain nombre de marchés depuis l’instauration de cette expérimentation. Notre objectif, c’est de tenir bon, d’entraîner d’autres pays européens à travailler sur ces questions : la Slovénie et la République tchèque, notamment, de même que l’Italie, où l’on trouve beaucoup de produits sous indication géographique, et qui souhaite mettre en avant l’origine des ingrédients.

Attendons donc l’évaluation de l’expérimentation à la fin de l’année. Nous aurons l’occasion de prendre d’autres décisions par la suite.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Thibault Bazin. J’entends bien l’argument du rapporteur qui considère que la mesure que je propose relève du pouvoir réglementaire. Nous pourrons donc regarder ce qui se fera à ce niveau.

Monsieur le ministre, j’ai cru comprendre que la réglementation européenne nous autorisait cet étiquetage. Vous dites vouloir attendre que d’autres pays s’engagent dans cette voie. Au vu de l’attente des consommateurs, nous devrions pouvoir avancer sur ce dossier. Je retire mon amendement pour travailler à une nouvelle rédaction.

Lamendement est retiré.

La commission en vient aux amendements identiques CE198 de la commission du développement durable, CE674 de M. Vincent Rolland, CE1403 de M. Loïc Prudhomme et CE1840 de M. Bruno Duvergé.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. L’amendement CE198, adopté par la commission du développement durable, prévoit d’étendre le dispositif « fait maison » utilisé dans la restauration privée aux restaurants collectifs qui souhaitent s’engager dans cette démarche volontairement.

Le dispositif permettrait à la mention « fait maison » de s’appliquer aux entreprises, aux personnes morales de droit privé et à la restauration collective qui veulent valoriser leur production et qui transforment ou distribuent des produits alimentaires dans le cadre d’une activité de restauration commerciale ou de vente à emporter.

M. Vincent Rolland. Mon amendement CE674 a le même objet. C’est une manière d’encourager et d’inciter à la restauration artisanale plutôt qu’industrielle.

M. Loïc Prudhomme. La mention « fait maison » permet de ne pas limiter les cuisiniers à un métier de réchauffeurs de plats industriels. Étendre la mention « fait maison » à la restauration collective constitue une avancée notable et permet de redonner du sens au métier de cuisinier. D’où mon amendement CE1403.

M. Nicolas Turquois. Notre amendement CE1840 est identique. Nous sommes très favorables à la mention « fait maison », peut-être même plus qu’à tout ce qui touche à l’origine des produits : car on aura beau proposer des carottes bio ou issues des circuits courts, si elles sont mal cuisinées elles ne seront pas bonnes. Le « fait maison » est donc une notion importante. Il faudrait même encourager le Gouvernement à accompagner ces démarches de meilleure qualité gustative.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis favorable à ces amendements que l’Assemblée nationale avait d’ailleurs déjà adoptés en première lecture, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de Brigitte Allain sur les circuits courts, lors de la précédente législature.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je n’irai certes pas jusqu’à inscrire dans la loi les temps de cuisson des carottes (Sourires). Mais je suis sensible à l’argument de M. Turquois.

Ces amendements proposent une démarche volontaire. J’y suis plutôt favorable. Comme l’a dit tout à l’heure M. Prud’homme, cela encourage le travail de cuisiniers dits artisanaux plutôt qu’industriels.

La commission adopte les amendements identiques.

Puis elle est saisie de lamendement CE222 de la commission du développement durable, qui fait lobjet des sous-amendements CE2149 de M. Loïc Prudhomme, CE2114, CE2118 et CE2120 de M. Dino Cinieri.

M. le président Roland Lescure. Je précise que le sous-amendement CE2149 a été déposé tardivement, mais dans les temps, par M. Prud’homme. Je rappelle que dès lors que l’examen d’un article a débuté, nous n’acceptons plus de sous-amendement.

Mme Delphine Batho. Ce n’est pas conforme au règlement !

M. le président Roland Lescure. C’est pourtant ce qui a toujours été fait en commission des affaires économiques, que vous connaissez mieux que moi, madame Batho. Nous pourrons en discuter à la fin de cette séance, si vous le souhaitez.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement, adopté par la commission du développement durable, vise à ce qu’il soit mis fin, au plus tard le 1er janvier 2022, à l’utilisation de contenants alimentaires en matière plastique, de cuisson, de réchauffe et de service dans le cadre des services de restauration collective.

Les matières plastiques peuvent contenir des substances reconnues comme des perturbateurs endocriniens. La migration des molécules de synthèse dans l’alimentation est favorisée par la chaleur, les aliments gras ou acides. Le phénomène est aggravé en cas d’usure des plastiques.

Au-delà de l’enjeu sanitaire que présente ce principe de précaution pour les jeunes générations, celui-ci s’inscrit dans la politique de réduction des déchets engagée par les pouvoirs publics. En effet, l’utilisation de contenants en plastique à usage unique augmente la quantité de déchets générée par les services de restauration collective.

M. Loïc Prudhomme. Nous avons longuement débattu de cette question en commission du développement durable. Pour notre part, nous avions proposé un amendement qui prévoyait que la mesure entre en application en 2019. Mais on nous avait répondu que ce projet de loi étant examiné dans l’hémicycle à la mi‑mai, il paraissait difficile que la mesure puisse être appliquée dès 2019.

Comme je m’y suis engagé en commission du développement durable, et comme je l’ai dit à mes collègues de la majorité et devant les associations, je présente tout de même un sous-amendement qui prévoit que la mesure entre en application le 1er janvier 2020. Il me semble en effet qu’un délai d’un an et demi est largement suffisant, d’autant que beaucoup de cantines n’utilisent déjà pas de contenants en plastique. En tout cas, c’est une mesure essentielle qu’on ne peut balayer avec un argument de coût : il y va de la santé de nos enfants.

De plus, comme vient de l’indiquer Mme Maillart-Méhaignerie, les coûts seront diminués car les collectivités n’auront plus ces déchets à traiter. Aujourd’hui, ces coûts ne sont pas pris en compte dans les coûts globaux de la restauration avec des contenants en plastique.

M. Dino Cinieri. Le terme « plastique » englobe des réalités fondamentalement différentes, et les contenants durables en plastique, lorsqu’ils sont fabriqués spécialement pour les collectivités par des entreprises qui respectent les normes européennes en vigueur concernant le contact alimentaire, sans bisphénol A, sont extrêmement contrôlés.

Interdire les contenants alimentaires réutilisables serait problématique pour les personnels des cantines et restaurants des collectivités car la grande légèreté des contenants en plastique durable diminue considérablement le risque d’épicondylite et de syndrome du canal carpien qui est une cause de maladie professionnelle.

Une interdiction trop large poserait également des difficultés dans les crèches par exemple : les tétines sont toujours en plastique, et les biberons et gobelets incassables sont gages de sécurité pour les enfants – ce ne sont pas les mamans ici présentes qui me contrediront.

Tel est l’objet du sous-amendement CE2114.

Le sous-amendement CE2118 vise à préciser que l’interdiction concerne les ustensiles et contenants jetables.

En cuisine de collectivités, les couverts et planches en bois ont été interdits pour des raisons d’hygiène. Les alternatives en plastique durable, conformes aux normes européennes en vigueur concernant le contact alimentaire sans bisphénol A, doivent par conséquent être autorisées, contrairement aux produits jetables.

Enfin, s’agissant du sous-amendement CE2120, il ne faudrait pas faire l’amalgame entre les contenants que les particuliers peuvent acheter par exemple dans une grande surface à enseigne jaune et bleue – vous avez compris de qui je parle – et les produits fabriqués par des entreprises spécialement pour la restauration collective.

Par ailleurs, les contenants et couverts en inox ou autres ustensiles en porcelaine ou verre sont souvent importés et fabriqués dans des conditions parfois archaïques ou en dehors des règles et normes européennes.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Bien évidemment, on ne peut pas établir de comparaison entre les coûts supportés par la restauration collective et la santé des enfants ou des personnes hospitalisées.

Reste que l’amendement CE222 n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact préalable. Il faudrait étudier la faisabilité de la mesure et voir comment elle peut être appliquée réellement. C’est pourquoi je propose, à travers l’amendement CE2065 que nous étudierons dans quelques instants, une expérimentation, afin de vérifier la faisabilité de la suppression de ces contenants. Je propose donc le retrait de l’amendement CE222.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’amendement CE222 correspond à une préoccupation au regard d’éventuels risques liés par exemple à l’exposition du bisphénol A. Je rappelle que la France a déjà pris des mesures et que nous avons été le premier pays européen à nous saisir de ces questions. Nous continuons à être mobilisés sur ce dossier.

En l’état actuel des choses, le recours à une obligation législative couvrirait de manière très large et imprécise les différents matériaux plastiques : comme l’a fait remarquer M. Cinieri, il y a une grande diversité des matériaux utilisés et tous ne sont pas à mettre au même niveau. Je préfère l’amendement CE2065 que le rapporteur présentera dans quelques instants, et qui prévoit une expérimentation susceptible de répondre aux préoccupations qui ont été indiquées en commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. De toute évidence, on a besoin de parler avec les acteurs, d’échanger, d’en mesurer l’impact. Je retire donc l’amendement CE222 au bénéfice d’une expérimentation dont les contours seraient davantage connus.

Lamendement est retiré et les sous-amendements deviennent sans objet.

Article 11 ter
(article L. 541-10-5 du code de lenvironnement)
Expérimentation relative à linterdiction de certains contenants alimentaires

Votre rapporteur a proposé ce dispositif à votre commission, qui l’a adopté. Il s’agit d’une expérimentation qui vise à autoriser les collectivités territoriales qui le souhaitent à interdire l’utilisation de récipients en plastique dans les cantines dont elles ont la charge, en particulier les cantines scolaires.

Cette expérimentation pourra permettre d’évaluer l’incidence sanitaire potentielle, notamment en matière d’exposition à certains perturbateurs endocriniens qui sont suspectés de migrer des matières plastiques dans l’alimentation, du recours à des contenants en verre ou en inox. Elle permettra également de mesurer le surcoût (approvisionnement, logistique, organisation) que cette politique de substitution entraîne pour les gestionnaires de services de restauration scolaire.

La transition vers des matériaux inertes représente en effet un coût lié à l’investissement dans de nouveaux outils ou infrastructures. Ce surcoût devrait toutefois être rapidement compensé par le fait que cet investissement est durable, alors qu’à l’inverse l’utilisation de plastique implique le rachat fréquent de nouveaux produits.

*

*     *

La commission étudie lamendement CE2065 du rapporteur, qui fait lobjet des sous-amendements CE2115, CE2121 et CE2117 de M. Dino Cinieri.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. C’est l’amendement dont je viens de parler à l’instant. Nous proposons une expérimentation qui vise à autoriser les collectivités territoriales qui le souhaitent à interdire l’utilisation de récipients en plastique dans les cantines dont elles ont la charge, en particulier les cantines scolaires.

M. Dino Cinieri. Même argumentation que pour les trois sous‑amendements précédents.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Les collectivités locales doivent pouvoir mener une concertation avec les professionnels. Il leur est possible de prendre des dispositions particulières. C’est ce qui se fait à Bordeaux et à Montrouge par exemple. L’expérimentation, qui doit être menée sur la base du volontariat, doit faire l’objet d’un retour d’expérience sur les bonnes pratiques, les coûts, etc. Bref, c’est une forme d’étude d’impact qui doit être faite avant d’aller plus loin.

Nous aurons peut-être l’occasion, d’ici un ou deux ans, de revenir sur un dossier comme celui-là, mais il faut prendre le temps de faire les choses. C’est comme cela que l’on fait aussi avancer les questions agricoles. L’alimentation et tout ce qui tourne autour doivent faire l’objet de la même attention.

M. Guillaume Garot. J’aimerais y voir plus clair sur les conséquences que peuvent avoir les contenants sur la santé. Bien sûr, nous sommes tous favorables à l’expérimentation proposée. Toutefois, il serait utile d’être éclairé sur les caractéristiques, sur le plan sanitaire, d’autres types de contenants et d’emballages tels que le verre et le carton : cela nous permettrait d’avoir une vision complète des difficultés que l’on peut rencontrer.

M. Loïc Prudhomme. Nous sommes ici au comble du cynisme ! On nous parle d’expérimenter. Ce sujet aurait dû être pris en compte depuis bien longtemps…

Tout à l’heure, on nous a dit que l’interdiction des contenants alimentaires réutilisables serait problématique pour les personnels car leur poids diminue le risque de troubles musculosquelettiques (TMS). Cet argument est balayé par toutes les expériences qui ont été faites. Des municipalités sont déjà entièrement passées au sans-plastique et ont su éviter les TMS grâce à une bonne organisation des postes de travail et les salariés de la restauration collective en sont très satisfaits.

Proposer des expérimentations revient à repousser l’application de la mesure aux calendes grecques. Nous parlons d’enjeux de santé publique majeurs. Votre argumentation ne tient pas une seconde : nous avons déjà des retours d’expérience de plusieurs municipalités, on sait chiffrer ce que coûte exactement l’interdiction de contenants alimentaires en plastique dans les services de restauration collective et l’aménagement des cuisines. Finissons-en avec ce cynisme absolu que vous mettez au regard de la santé de nos enfants.

Mme Célia de Lavergne. Nous partageons tous l’objectif final : la préservation de la santé et de l’environnement. Notre inquiétude réside dans l’impact considérable que cet amendement peut avoir sans avoir étudié au préalable son incidence à la fois sur les filières d’approvisionnement en contenants alternatifs, sur l’organisation des cuisines, sur le délai nécessaire aux gestionnaires de restauration collective et aux fabricants de ces contenants pour mettre en œuvre ces dispositions, et sans avoir évalué le coût budgétaire que cela peut représenter, soit en direct, soit d’accompagnement par l’État, aux gestionnaires de restauration collective.

Compte tenu de ces enjeux, une expérimentation me semble tout à fait justifiée. Parallèlement il est important que le Gouvernement soit en mesure de nous présenter le chiffrage et les modalités de mise en œuvre de ces dispositions.

Mme Lauriane Rossi. Je souhaite faire quelques observations sur cet amendement que j’ai eu l’occasion de défendre au sein de la commission du développement durable et que celle-ci a adopté à une large majorité.

C’est un amendement majeur, tant du point de vue sanitaire qu’environnemental. J’entends effectivement l’argument sur l’absence d’étude d’impact. Mais il existe d’ores et déjà une abondante littérature scientifique, des expertises sur le sujet qui font état d’éventuels risques sanitaires sérieux que pose le réchauffage des contenants alimentaires en plastique. Les risques ont été soulignés dans des rapports rendus par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). L’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine a d’ores et déjà introduit ce principe de précaution dans son rapport. Cette littérature existe ; il nous faut en tenir compte.

Je mesure tout à fait l’impact et les enjeux économiques que cela représente, de même que les enjeux locaux pour nos collectivités, et notamment pour les plus petites. Néanmoins, ces coûts sont amortissables. Nombre de collectivités ont déjà fait le choix de revenir, soit à des matériaux existants, tels que l’inox, soit à des matériaux alternatifs.

M. François Ruffin. Je suis favorable à l’interdiction des contenants en plastique dans les cantines. Mais il faudrait regarder la poutre – en plastique – que l’on a dans l’œil en même temps que la paille jetable dans nos cantines : tous les jours, on peut voir, à l’entrée de cette salle de commission, des bouteilles en plastique par lot de cinquante ! Cette loi, il faut la voter pour les cantines, mais nous pouvons aussi prendre nous-mêmes un peu d’avance en remplaçant les bouteilles en plastique et les gobelets qui sont devant nous par des carafes d’eau. Cela permettrait d’envoyer un signal dans notre pays.

M. le président Roland Lescure. Excellente idée, monsieur Ruffin ! J’ai moi-même banni les bouteilles en plastique dans mon bureau.

M. Vincent Descoeur. La proposition du rapporteur de préférer l’expérimentation à l’interdiction, à une date butoir, des contenants en plastique dans la restauration collective, est une mesure de bon sens. Cette expérimentation ne doit pas s’affranchir de la question du financement de toutes ces transitions que l’on propose.

La commission rejette successivement les trois sous-amendements.

Puis elle adopte lamendement CE2065.

La commission examine les amendements identiques CE40 de M. JeanYves Bony et CE52 de M. Vincent Descoeur.

M. Jean-Yves Bony. Mon amendement précise que la politique nationale de l’alimentation doit prévoir des moyens pour financer la transition que nous ambitionnons de réaliser. La création d’une prime pour la conversion des cantines au bio permettrait notamment d’accompagner la formation des cuisiniers dans la restauration collective, l’achat d’équipements, tels que des légumeries, et le recours à des produits de qualité, ce qui engendre des surcoûts. Un montage associant des crédits publics et privés nous paraît donc nécessaire.

M. Vincent Descoeur. Nous rejoignons sur ce point la discussion que nous avons eue ce matin sur la manière de prendre en charge la montée en qualité au sein de la restauration collective, notamment en ce qui concerne le coût des repas servis. L’achat de produits de meilleure qualité s’accompagne immanquablement d’une hausse significative des dépenses. Il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas d’incidences trop importantes sur le prix des repas, car cela pourrait gêner un certain nombre de familles, ou in fine un transfert de charges vers les collectivités territoriales. C’est pourquoi nous proposons d’inclure la question des financements à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends très bien l’esprit de ces amendements. Contrairement à ce qui a été indiqué, néanmoins, ils n’ont pas pour objet de créer une prime pour la conversion des cantines au bio : la modification demandée ne concerne que les objectifs généraux de la politique de l’agriculture et de l’alimentation et n’aura aucun impact sur le financement des services de restauration en milieu scolaire. Ce manque d’effet normatif me conduit à émettre un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La référence à des financements de l’État que vous proposez d’introduire dans le code, à propos de la restauration collective, signifiera une charge nouvelle pour le budget de l’État. Les mesures financières n’ayant pas vocation à figurer dans ce texte, mais dans le projet de loi de finances, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis elle est saisie de lamendement CE224 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement vise à favoriser l’acquisition d’une culture générale de l’alimentation pendant l’enfance et l’adolescence. Il faut être conscient, en effet, des enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique. C’est un point important pour la commission du développement durable et pour la majorité : il n’y aura pas d’évolution des habitudes alimentaires et de la santé publique si l’école ne joue pas un rôle d’éducation des jeunes publics.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’ai déposé, après l’article 15, l’amendement CE2050 qui satisfera en grande partie votre demande. Selon moi, c’est plutôt le code de l’éducation qu’il faut modifier pour augmenter les exigences relatives à la culture générale alimentaire des jeunes générations – votre amendement porte sur un article du code rural et de la pêche maritime qui détermine les objectifs de la politique agricole. Cela dit, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis plutôt favorable à l’introduction, à cet endroit du texte, d’une référence à l’éducation et à la sensibilisation des jeunes publics à l’alimentation et à ses enjeux sociétaux. Il est normal de former les futurs consommateurs.

M. Arnaud Viala. Une fois n’est pas coutume, nous sommes très favorables à cet amendement plein de bon sens.

M. Thierry Benoit. C’est exactement ce que j’allais dire. Cet amendement de la commission durable mérite d’être adopté : l’éducation à la nutrition est déterminante pour les jeunes publics.

La commission adopte lamendement.

Puis elle examine lamendement CE1565 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Les gestionnaires publics et privés des services de restauration collective sont tenus de respecter des règles concernant la qualité nutritionnelle des repas. Nous demandons qu’ils prennent en compte les apports en protéines végétales au titre de la qualité nutritionnelle.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je vous propose de retirer cet amendement : il est déjà satisfait, dans son esprit, par un amendement de la commission du développement durable, cosigné par M. Orphelin, que nous avons adopté ce matin.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable : cet amendement est déjà satisfait.

Lamendement est retiré.

La commission est ensuite saisie de lamendement CE1248 de Mme Alexandra Valetta Ardisson.

Mme Alexandra Valetta Ardisson. Dans de nombreux pays d’Europe, une option végétarienne ou végétalienne est proposée quotidiennement dans les cantines scolaires depuis plusieurs décennies. Au Portugal, une option végétalienne doit ainsi exister chaque jour dans tous les lieux de restauration publique, y compris les écoles, depuis 2017. En France, la législation oblige à servir viande, poisson et produits laitiers selon des fréquences définies, ce qui empêche de répondre aux souhaits de certaines familles, qui voudraient voir leurs enfants bénéficier quotidiennement de repas végétariens ou végétaliens équilibrés – cela constitue donc une discrimination à leur égard. La proposition d’une option végétarienne équilibrée, qui convient à toutes les communautés religieuses et philosophiques, favoriserait l’accès à la cantine du plus grand nombre.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’article 11 impose déjà de nouvelles contraintes, assez ambitieuses, à la restauration collective publique, notamment scolaire. Par ailleurs, l’amendement de la commission du développement durable et de M. Orphelin que j’ai cité tout à l’heure répond largement à votre demande.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il faudrait aussi évaluer l’impact d’une telle mesure. Les établissements peuvent déjà proposer volontairement des menus végétariens alternatifs. N’oublions pas non plus qu’il existe un plan national de la restauration collective et des comités des usagers dans les établissements concernés – notamment des comités de la vie lycéenne (CVL). Des orientations peuvent être fixées dans ces différents cadres.

Mme Alexandra Valetta Ardisson. Je vais retirer l’amendement, mais je pense que nous devrons poursuivre la discussion sur ce sujet.

Lamendement est retiré.

Lamendement CE520 de M. Thibault Bazin est retiré.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE466 de Mme Barbara Bessot Ballot, CE170 de la commission du développement durable, faisant lobjet du sous-amendement CE2097 du rapporteur, et CE1761 de M. Guillaume Garot.

Mme Barbara Bessot Ballot. L’amendement CE466 demande que les restaurants des établissements scolaires et universitaires indiquent la provenance et la qualité nutritionnelle des plats servis. L’école et l’université doivent participer au combat pour la protection de la santé grâce une nourriture plus saine. Sans aller jusqu’à préciser le nombre de calories, il faudrait un étiquetage – on l’impose déjà aux industriels.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. L’amendement CE170 a été adopté par la commission du développement durable, avec l’avis favorable du ministre mais une réserve de ma part. Il a pour objet d’instituer des comités de représentants des usagers auprès des personnes publiques ou privées en charge des services de restauration collective scolaire et universitaire et des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans. Si j’ai émis une réserve, c’est qu’il existe déjà des comités d’usagers et qu’il faut laisser les collectivités exercer leur libre arbitre : c’est à elles qu’il revient de s’organiser en ce qui concerne les écoles.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Précisément, mon sous-amendement vise à introduire de la souplesse : il faut laisser les gestionnaires des services de restauration choisir la maille qui leur paraît préférable pour l’information et la consultation des usagers, selon la taille des établissements, le nombre de repas et les demandes des usagers. Un comité de représentants peut être pertinent, mais on peut aussi envisager d’autres solutions moins contraignantes.

Mme Delphine Batho. L’amendement CE1761 procède d’une idée différente : nous proposons des plans de progrès dont le contenu pourrait être précisé par décret. Tous les gestionnaires d’établissements de restauration collective devront adopter une stratégie afin de participer à la marche en avant progressive qui permettra d’atteindre les objectifs fixés par la loi.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement de la commission du développement durable, sous réserve de mon sous‑amendement, et j’appelle au retrait des autres amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

M. Nicolas Turquois. Je ne suis pas certain d’avoir bien saisi : allons-nous imposer la création de comités d’usagers ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. C’est l’objet de l’amendement de la commission du développement durable, mais mon sous-amendement permettra de faire preuve de souplesse : ces comités ne seront pas obligatoires.

Lamendement CE466 est retiré.

Article 11 quater
(article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime)
Information des convives de restauration collective sur la qualité alimentaire et nutritionnelle des produits servis

Cet article a pour objet d’améliorer l’information et la consultation des usagers des services de restauration collective, scolaire et universitaire et des services de restauration collective des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans sur la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis.

Un dispositif proposé par la rapporteure pour avis de la commission du développement durable visait à instaurer les moyens d’une concertation régulière et structurée des usagers, au travers d’un comité de représentants. Votre rapporteur a souhaité introduire davantage de souplesse dans ce dispositif : il convient de laisser les gestionnaires de restauration fixer la bonne maille d’information et de consultation, en fonction de la taille de l’établissement, du nombre de repas servis et du degré de demande des usagers.

L’application du dispositif adopté pourra donc prendre la forme d’un comité de représentants, si cela est pertinent, mais également d’autres formes moins contraignantes en fonction des besoins. Votre commission a adopté cet amendement ainsi sous-amendé.

*

*     *

La commission adopte successivement le sous-amendement CE2097 et lamendement CE170 sous-amendé.

Puis elle rejette lamendement CE1761.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE1690 de Mme Danielle Brulebois.

Mme Sandrine Le Feur. Nous proposons d’expérimenter pendant une durée de deux ans l’apposition d’un certain nombre de logos – « fait maison », « origine biologique », « produits surgelés », « produits à base de poudre », « produits en boîte » ou « produits industriels » – qui permettront de connaître l’origine des produits servis dans les cantines. Une quarantaine d’établissements se sont déjà lancés dans cette démarche qui ne conduit pas à des coûts supplémentaires : il suffit d’inclure de telles mentions dans les menus au moment où on les édite.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Une expérimentation me paraît inutile. Comme vous l’avez souligné, de nombreux établissement se sont engagés dans ces pratiques vertueuses, et il faut laisser de la place pour les initiatives des gestionnaires – l’article 11 leur impose déjà de nouvelles contraintes.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je demande le retrait de cette proposition : nous examinerons tout à l’heure un amendement du Gouvernement relatif à l’information des consommateurs, nous venons d’en adopter un autre relatif aux comités d’usagers, et il y a aussi l’adaptation du nutri-score à la restauration collective, qui est un des points d’aboutissement des États généraux de l’alimentation.

Mme Sandrine Le Feur. Je retire l’amendement aujourd’hui, mais j’attends de voir ce qu’il y aura dans l’amendement du Gouvernement.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1523 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prudhomme. Nous proposons de continuer à renforcer ce qui n’était à l’origine, dans les années 1990, qu’une simple « journée du goût ». Cette initiative est devenue la « semaine du goût » lorsque l’Éducation nationale s’en est saisie pour faire la promotion d’une alimentation équilibrée auprès des jeunes. L’amendement CE1523 crée une « semaine de l’alimentation saine et durable » qui constituera un pas de plus dans la démarche de progrès que nous suivons. Je vois mal comment cet amendement fort consensuel pourrait être rejeté.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends bien l’objet de l’amendement, mais il n’est pas d’ordre législatif et ne semble s’insérer nulle part. On peut envisager, tout au plus, que le ministère de l’éducation prenne un décret en ce sens. J’émets un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. M. Prud’homme a raison sur le fond : l’éducation à l’alimentation doit porter sur son caractère sain et durable, sujet auquel je suis très sensible. Je souhaite que ce soit fait tout au long de l’année scolaire dans nos écoles, avec les équipes éducatives. Nous allons y travailler avec Jean-Michel Blanquer, notamment dans les établissements d’enseignement agricole, mais ce n’est pas une question d’ordre législatif : cela relève du pouvoir réglementaire. Il faudra voir cette question avec le ministre de l’éducation, même si, je l’ai dit, un travail en commun est déjà engagé. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1291 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement vise à encourager les acteurs de la restauration collective privée à atteindre les objectifs fixés par l’article 11 : ces entreprises pourront signer un accord volontaire avec l’État, qui créera un label « restauration collective durable » permettant d’identifier, et d’une certaine façon de récompenser, ceux qui s’engagent dans une démarche de ce type.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends la logique qui vous inspire, mais la restauration collective privée est déjà libre d’aller vers des modes de restauration plus respectueux de l’environnement, plus locaux, et plus équilibrés. C’est le sens de l’histoire : cela se fera naturellement et je ne suis pas sûr que la loi ait à intervenir, car il s’agit de restauration collective privée. J’émets donc a priori un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je voudrais ajouter que nous avons étendu le champ de l’article 11 aux personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public : la restauration collective privée est largement couverte par l’amendement du Gouvernement que vous avez adopté ce matin. Je vous demande donc de retirer le vôtre.

M. Matthieu Orphelin. Le but est d’apporter une certaine reconnaissance à cette démarche, notamment dans les restaurants d’entreprise. Néanmoins, je retire mon amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite lamendement CE1531 de Mme Monique Limon.

Mme Barbara Bessot Ballot. Nous proposons d’étendre l’article 11 à la restauration collective privée, y compris les sous-traitants : dans sa rédaction actuelle, il ne concerne que les gestionnaires relevant du droit public.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je rappelle qu’un amendement du Gouvernement a étendu le champ de l’article 11 ce matin : des acteurs de droit privé exerçant des missions de service public, tels que certains établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), sont désormais visés. Le périmètre choisi par le Gouvernement a une justification : nous devons respecter la liberté d’entreprendre. Il y a certaines obligations que l’on ne peut pas imposer aux entreprises relevant du droit privé. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, je donnerai un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Mme Barbara Bessot Ballot. Il y aura de plus en plus de sous-traitants, dès lors que cela permettra de s’affranchir des obligations en vigueur. Cela dit, j’accepte de retirer l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission en vient aux amendements identiques CE238 de la commission du développement durable et CE1292 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. La commission du développement durable a adopté cet amendement malgré les réserves exprimées par le ministre et par moi-même. L’idée est d’inciter les conseils régionaux et départementaux à moduler leurs dotations aux établissements scolaires en fonction de leur engagement dans des démarches de restauration durable. Je tiens à souligner que nous ne devons pas remettre en cause le principe de la libre administration des collectivités territoriales. Certaines d’entre elles se sont déjà engagées dans de telles initiatives, parce qu’elles l’ont souhaité. En Bretagne, le dispositif Breizh Alim permet ainsi de moduler la dotation des établissements.

M. Matthieu Orphelin. Tels qu’ils sont rédigés, ces amendements sont conformes au principe de la libre administration des collectivités territoriales : nous n’imposons rien. Par ailleurs, si de telles démarches existent dans certains cas, les auditions ont montré qu’il y a aussi des différences très importantes. Nous souhaitons une mention dans la loi afin d’inciter le plus grand nombre possible de collectivités à participer, ce qu’elles pourront faire de manières très diverses.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Sur le fond, un tel mécanisme pourrait être injuste : un établissement financièrement contraint, qui ne peut négocier des engagements de restauration durable avec son prestataire de restauration collective, subirait une double peine.

En outre, faire dépendre une dotation financière des résultats en matière de restauration collective plutôt que des résultats scolaires – principale mission de l’école – n’est pas judicieux.

Enfin, ces dispositions relèvent de la pure faculté : elles n’obligent à rien. Je souhaiterais que vous retiriez ces amendements.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient à lamendement CE465 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Nous souhaitons que l’affichage favorise les menus « faits maison », mais également les bonnes pratiques alimentaires, afin d’inciter les cuisiniers à aller vers ce type de pratiques.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Mêmes arguments que précédemment : à ce stade, cette contrainte nouvelle n’est pas bienvenue.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Certaines de ces dispositions sont déjà prévues dans la feuille de route des États généraux de l’alimentation (EGA).

Par ailleurs, un amendement adopté après l’article 11 permet désormais de recourir au label « fait maison » dans les cuisines collectives.

Il faut rester mesuré et ne pas trop charger le secteur avec de nouvelles obligations, afin qu’il puisse progresser dans le cadre des perspectives fixées à l’horizon de 2022.

Je souhaite donc que vous retiriez votre amendement.

Lamendement est retiré.

Article 11 quinquies
Rapport au Parlement sur lextension de larticle 11 du projet de loi aux opérateurs de restauration collective privée

Le présent article résulte d’un amendement de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable demandant au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement portant sur l’évaluation de l’opportunité de l’extension des dispositions de l’article 11 à la restauration collective privée.

L’article 11, dans sa version adoptée par votre commission, intègre désormais dans son champ d’application les services de restauration collective des personnes privées en charge d’une mission de service public (comme certains établissements d’hébergement de personnes âgées et dépendantes). Le rapport devrait donc concerner principalement la restauration collective d’entreprise.

*

*     *

La commission examine lamendement CE237 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Conformément aux attentes des EGA, cet amendement voté par la commission du développement durable demande au Gouvernement de transmettre un rapport au Parlement sur l’opportunité d’appliquer les objectifs de l’article 11 aux opérateurs publics et privés de restauration collective du secteur privé.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis favorable à ce rapport supplémentaire pour le ministère, mais ne me le demandez pas pour lundi ! (Sourires.)

M. Sébastien Jumel. J’ai été vice-président du conseil général de Seine‑Maritime et maire d’une ville moyenne. Nous avons réalisé des efforts importants avec le soutien de l’association « Les défis ruraux » et avons développé le recours aux produits du terroir et aux produits bio dans les cantines scolaires. Cette volonté politique est désormais partagée par l’ensemble de la communauté éducative – élèves, enseignants, personnels techniques et cuisiniers. Mais, quelles que soient les collectivités, nous nous heurtons à un principe de réalité : nos moyens financiers…

Le ministre de l’agriculture serait bien inspiré de se rapprocher de son collègue chargé des finances, afin que les moyens alloués par l’État aux collectivités locales – qui se réduisent comme peau de chagrin – soient calculés en prenant en compte cet élément volontariste. Il ne faut pas pénaliser les collèges et les lycées, et il faut également soutenir financièrement les communes, au bénéfice de l’agriculture.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE240 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport d’étape sur le plan « protéines végétales 2014-2020 » qui proposerait, le cas échéant, de nouvelles mesures visant à accélérer l’atteinte de ses objectifs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Un tel rapport entre directement dans les compétences d’évaluation des politiques publiques dont dispose le Parlement. Une mission d’information serait plus efficace et je vais donc décharger le ministre d’un rapport supplémentaire…

M. le président Roland Lescure. C’est moi que vous chargez ! (Sourires.)

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Chacun se souvient que le 25 janvier dernier, dans le Puy-de-Dôme, le Président de la République a porté l’idée de renforcer ce plan relatif aux protéines végétales. Nous allons donc y travailler.

Par ailleurs, M. Jean-Paul Denanot, député européen, s’est fortement engagé sur le sujet et doit remettre un rapport avant les élections européennes de l’année prochaine. Dans ce contexte, la remise d’un rapport supplémentaire en 2019 n’est pas pertinente. Je vous propose de retirer votre amendement.

Lamendement est retiré.

La commission aborde lamendement CE1106 de M. André Chassaigne.

M. Sébastien Jumel. La loi de programmation du 3 août 2009 relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite « Grenelle I », prévoyait des objectifs légitimes en matière de commande publique de produits bio et du terroir. Or ces objectifs n’ont pas été respectés. On en fixe de nouveaux, c’est bien, mais il convient peut-être de s’interroger sur la problématique du coût. Nous proposons que tout nouvel engagement soit accompagné d’une évaluation précise des surcoûts engendrés par ces obligations et des moyens financiers supplémentaires nécessaires pour que les gestionnaires de la commande publique puissent respecter ces obligations. Notre amendement se veut pragmatique, et vise surtout à atteindre les objectifs fixés.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’évaluation pourra être incluse dans le rapport d’application de la présente loi. En outre, l’article L. 230-5-1 que vous visez n’existe pas…

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’application de la loi sera suivie de points d’étape réguliers, notamment devant le Conseil national de la restauration collective. Ce Conseil publiera des rapports de suivi. Je suis défavorable à cet amendement.

M. Sébastien Jumel. Le rapporteur me suggère de réécrire mon amendement et le ministre me demande de le retirer… Mon cœur balance.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’ai simplement indiqué que l’article auquel vous faites référence n’existe pas et que cette évaluation pourrait parfaitement être conduite dans le cadre du rapport d’application de la loi.

M. Sébastien Jumel. Je le maintiens malgré tout, comme amendement d’appel.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE904 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Thibault Bazin. Cet excellent amendement de notre collègue Mme Bonnivard concerne les marchés publics, dont nous avons déjà parlé ce matin, monsieur le ministre. Ces marchés de restauration collective comportent beaucoup de produits importés.

Or nous souhaitons promouvoir les achats locaux. Pour ce faire, notre amendement prévoit une obligation de formation des gestionnaires et gestionnaires de groupements d’achat – agents de l’État –, dans les établissements scolaires. Votre ministère pourrait contrôler la réalisation de cette obligation tous les trois ans. Enfin, notre amendement envisage la rémunération de ces gestionnaires au mérite sur ce critère.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Vous avez raison, c’est une préoccupation forte des EGA : il faut augmenter le niveau global de formation des agents de l’État gestionnaires de services de restauration collective scolaire, mais également celle des services de l’État et des collectivités. Les ateliers des EGA ont proposé la réactivation du groupe d’étude des marchés de restauration collective et nutrition (GEM RCN). Il y a quelques années, il avait produit un guide très complet concernant l’achat public de denrées alimentaires. La réactivation de ce groupe d’étude dépend des ministères concernés. Elle est de niveau réglementaire. J’entends votre appel mais vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

Lamendement est retiré.

La commission en vient ensuite à lamendement CE1806 de M. Loïc Prudhomme.

M. Loïc Prudhomme. Il s’agit d’insérer à l’article L. 121-2 du code de la consommation relatif aux pratiques commerciales trompeuses la mention de l’impact environnemental et climatique d’un bien ou d’un service.

Nous souhaitons éviter les publicités abusives, et notamment ce que l’on appelle le greenwashing : actuellement, des sodas produits industriellement mentionnent des édulcorants dont l’« origine naturelle » est plus que douteuse. Pire encore, certaines lessives mentionnent « nature » sur leur emballage. Ce type d’allégation trompe lourdement le consommateur sur l’impact environnemental des produits !

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement ne touche pas seulement les produits alimentaires : il concerne tous les biens et services couverts par le code de la consommation – par exemple, la vente de voitures ou d’autres services. En conséquence, son périmètre est trop large. De plus, il constitue un cavalier législatif. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis également défavorable.

M. Loïc Prudhomme. Je ne savais pas que le manque d’ambition était désormais un objectif pour le Gouvernement et le rapporteur ! Vous avez raison – et nous nous en félicitions –, notre amendement ne concerne pas que les produits alimentaires, tout simplement parce que le code de la consommation s’applique à tout type de consommation ! Dont acte.

La commission rejette lamendement.

Elle se saisit ensuite de lamendement CE811 de M. Fabrice Brun.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement vise à protéger le consommateur de pratiques trompeuses consistant à présenter des vins ou spiritueux produits à l’étranger comme étant français, par différents biais : étiquetage en langue française, lieux de production à consonance française, taille trompeuse des caractères. Nous souhaitons protéger les vins français d’une concurrence déloyale de vins ne répondant pas à nos normes – notamment phytosanitaires. Cet amendement judicieux permettra de lutter contre l’étiquetage trompeur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les pratiques en question ne sont pas des pratiques commerciales trompeuses, mais de la contrefaçon, ce qui est plus grave et que le droit existant sanctionne déjà.

Quant à l’alinéa 3 de l’article que vous proposez de créer, il détourne le sens de ce qu’est une pratique commerciale trompeuse : si la provenance du vin est bien indiquée sur l’étiquette, en l’état actuel du droit, on ne peut considérer qu’il y a tromperie.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’amendement vise à préciser la notion de pratique commerciale déloyale. En l’état actuel du droit, ces pratiques sont énumérées dans une directive européenne et le code de la consommation traite déjà ces cas, comme le rapporteur l’a rappelé.

Votre proposition de rendre obligatoire l’inscription du pays de provenance dans une police de caractères plus grande pour les produits étrangers serait discriminatoire, les produits français n’y étant pas soumis.

Enfin, en juillet dernier, a été mis sur pied un comité mixte franco‑espagnol concernant le vin : cela nous permet d’avancer ensemble – notamment sur l’étiquetage – afin de bien différencier les vins d’origine et d’éviter que le consommateur soit abusé.

M. Thibault Bazin. Monsieur le ministre, nous en avons déjà parlé l’été dernier. Ce phénomène est en forte croissance, notamment dans la région Languedoc-Roussillon. Certaines bouteilles sont étiquetées « Château La Pompe », ou autres appellations fantaisistes. C’est extrêmement trompeur, même si les étiquettes ne mentent pas sur l’origine – la provenance espagnole est indiquée en petits caractères. Notre filière a fait un énorme travail – deux tiers du vignoble est désormais en appellation d’origine contrôlée (AOC). Elle a vraiment besoin que les choses avancent et que vous lui apportiez des outils sérieux pour lutter contre l’étiquetage trompeur des produits viticoles. Toute la profession vous attend sur ce sujet, monsieur le ministre.

M. Sébastien Jumel. Il y a peu de temps, à l’invitation de jeunes agriculteurs, j’ai participé à une de leurs assemblées générales à Offranville, dans ma circonscription. Ils avaient fait leurs courses chez Leclerc, Auchan et d’autres enseignes de la grande distribution, et rapporté un caddie plein de produits – du jambon « de pays », de la soupe de poissons « pêchés chez nous », etc. En décryptant les étiquettes, nous avons pu constater que la tromperie était permanente : on abuse le consommateur qui, de bonne foi, a le sentiment d’acheter un produit du terroir, alors qu’il achète en réalité des produits de mauvaise qualité, ne respectant pas les normes sociales, environnementales et sanitaires. Certes, les lois existent, mais il est fondamental de savoir comment elles sont appliquées, afin de préserver le modèle agricole français.

M. Vincent Descoeur. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’ai bien entendu votre réponse. Cela peut certes s’apparenter à de la contrefaçon, mais notre collègue a proposé cet amendement car les tromperies perdurent malgré la réglementation et pénalisent nos producteurs de vin. Cela pose la question de notre capacité de contrôle, afin que le consommateur ne soit plus abusé.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Vous avez raison, monsieur Descoeur. Je ne nie pas que cela existe. Mais la filière viticole a rédigé un beau plan de filière et prend des engagements. De son côté, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) intensifie ses contrôles. Par ailleurs, nous avons mis en place ce comité mixte franco-espagnol afin d’obtenir des résultats en matière de traçabilité sur les étiquettes. Enfin, le Conseil national de l’alimentation (CNA) sera aussi amené à travailler sur l’étiquetage.

De nombreuses démarches sont donc en cours, des dispositions réglementaires ou législatives existent déjà. Veillons à les appliquer correctement et à continuer de travailler avec la filière viticole. Je discute régulièrement avec ses membres. J’ai rencontré Mme Agnès Buzyn la semaine dernière pour lancer le chantier de la prévention sur les étiquettes. Il faut nous laisser le temps de finaliser tout cela !

M. Philippe Huppé. Les amendements que j’ai déposés vont exactement dans le même sens. Une précision : le règlement européen de 2011 ne nous empêche pas de légiférer. L’étiquette frontale des vins pourrait tout à fait mentionner plus clairement les origines, qu’elles soient françaises ou étrangères. Ainsi, il n’y aurait aucune discrimination et le consommateur serait protégé, non pas d’actes frauduleux – ils sont déjà punis –, mais d’actes économiques déloyaux : un mas, un cyprès, une colline sur l’étiquette, et le consommateur pense qu’il achète du vin provençal, alors qu’il s’agit de vin de l’Union européenne ou de vin mélangé. L’origine géographique est indiquée en gris sur un fond gris, en général à l’arrière de la bouteille. Les consommateurs n’y comprennent plus rien !

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE673 de M. Marc Le Fur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement est satisfait : les articles visés relèvent des pouvoirs d’enquête ordinaires des agents de la DGCCRF. Quant aux agents des douanes, également cités par votre amendement, ils peuvent utiliser ces pouvoirs pour les infractions aux dispositions du livre IV, dont fait partie l’article L. 412‑5 du code de la consommation.

Pour ces raisons, mon avis est défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il existe des corps de contrôle habilités à rechercher et constater les infractions visées par votre amendement, qui de ce fait est sans objet.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1480 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prudhomme. Cet amendement vise à améliorer le dispositif « Alim’confiance ». Nous considérons qu’il est temps de gagner en transparence dans le domaine des contrôles de qualité et de sécurité des produits. Les informations disponibles sont beaucoup trop limitées, or l’actualité rythmée par les scandales sanitaires à répétition montre à quel point cette transparence est nécessaire.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement est trop large, car il vise en fait tous les contrôles pouvant être mis en œuvre au titre des dispositions du code de la consommation. Par ailleurs, vous prévoyez une publicité totale, aveugle, s’appliquant à tous les cas sans distinction. Or, la publicité de certains contrôles pourrait porter atteinte au secret des affaires et bénéficier sans raison aux concurrents des entreprises concernées. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous invite tous à télécharger dans vos téléphones l’application Alim’confiance du ministère de l’agriculture. Vous constaterez qu’elle fonctionne et qu’elle délivre des informations portant sur les contrôles effectués dans différents établissements. Le degré de maîtrise sanitaire de ces établissements est ainsi connu, ce qui inclut le respect de la protection animale des abattoirs. Les modalités de publication de ces informations sont définies par décret.

Pour ces raisons, mon avis est défavorable.

M. Sébastien Jumel. Nous devons rester cohérents dans nos propos au fur et à mesure que nous examinons des lois.

Nous venons de transposer dans notre droit la directive européenne sur le secret des affaires, sur laquelle notre groupe a formulé des critiques. Pour nous rassurer, les ministres nous ont toujours garanti qu’à chaque fois que l’intérêt public, l’intérêt environnemental ou des questions sanitaires seraient en jeu, le secret des affaires sauterait – comme le « verrou de Bercy » pourrait avoir à le faire un jour.

Vous venez d’affirmer qu’à l’occasion des scandales que M. Prud’homme vient d’évoquer, la divulgation d’informations contrarierait le secret des affaires.

Je m’interroge donc sur cette contradiction, qui n’est sans doute qu’apparente…

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les travaux d’une commission d’enquête constituée à l’Assemblée nationale portent sur ces sujets. Dans le cas de problèmes environnementaux, de catastrophes environnementales ou sanitaires, le secret des affaires ne s’appliquera pas, mais d’autres types de contrôles plus stratégiques pourraient être rendus publics et exploités par les entreprises concurrentes en dehors des domaines environnemental et sanitaire.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Une enquête judiciaire est en cours au sujet de l’affaire que vous mentionnez, ce qui impose une certaine discrétion au regard du secret de l’instruction.

M. Loïc Prudhomme. Mon amendement ne se limite pas au cas que vous évoquez, monsieur le ministre. Je ne fais que dire que nous avons besoin de transparence et je note que le rapporteur privilégie la transparence post-catastrophe.

Il est regrettable que les consommateurs ne puissent pas être avertis par ce canal, ce qui leur permettrait de choisir.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE353 de M. Jacques Cattin, CE1665 de Mme Sophie Mette et 1949 de M. Charles de Courson.

M. Jacques Cattin. Cet amendement vise à mettre un terme à une pratique irrespectueuse, qui utilise des produits encadrés par des cahiers des charges très contraignants existant depuis des décennies, et par une appellation d’origine, qui peut être « appellation d’origine contrôlée » (AOC) ou « appellation d’origine protégée » (AOP).

Nous avons tous dans nos circonscriptions des produits, et pas seulement des vins, fleurons de nos productions agricoles et de notre pays la France : ils méritent autant de respect que les hommes, les femmes et les exploitations qui les produisent, et ne méritent donc pas d’être galvaudés et utilisés à des fins commerciales dégradantes.

Mme Sophie Mette. Il convient de rappeler l’importance des AOC ou AOP, qui constituent pour notre pays un enjeu économique considérable.

Pour valoriser la diversité de leurs territoires et vendre leurs produits à des prix plus élevés, les agriculteurs ont misé sur les labels de qualité et d’origine. À titre d’exemple, près de 60 % des vins français bénéficient d’une AOC ou d’une AOP, mais ils ne sont pas les seuls concernés. Ces appellations emportent des coûts de production très importants au regard des critères de labellisation.

Ainsi les pratiques commerciales de prix très bas ou une remise appliquée sur une carte de fidélité, si elles répondent à la réglementation applicable aux prix, entraînent une course aux prix les plus bas, laissant dans l’esprit du consommateur l’idée que la valeur du produit est réellement celle qui est affichée lors de la promotion.

Cet amendement a pour objet de mettre fin à ces pratiques qui déprécient le produit, sa valeur et sa notoriété dans l’esprit des consommateurs. Ces pratiques vont à l’encontre de ce que le projet de loi dont nous débattons a voulu. Il ne s’agit pas d’un dispositif pénal, mais dissuasif, soumis à l’appréciation du juge afin de ne pas porter atteinte à la liberté économique.

M. Thierry Benoit. Il s’agit d’interdire l’utilisation d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique, notamment dans le cadre d’offres promotionnelles. Les distributeurs adressent des plaquettes publicitaires, et les efforts des producteurs de produit AOC ou AOP sont dévalorisés. Cet amendement tend donc à plus de clarté et de sincérité.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends la volonté d’interdire la dévalorisation des signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO). Mais interdire toute promotion sur des produits protégés par des SIQO serait excessif, car des productions comme les fruits et légumes ou la viande de porc ont besoin, à certaines périodes de l’année, d’être écoulées rapidement.

Cette mesure ne rendrait pas service aux producteurs et n’est pas adaptée à toutes les productions, même si je comprends la problématique que vous évoquez au sujet du vin.

Pour ces raisons mon avis est défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cette mesure pourrait nuire à la réputation de produits de qualité protégés par des SIQO ou des labels. Interdire toute promotion pourrait leur être préjudiciable. Nous savons tous que des promotions sur le porc arrivent au mois de janvier, moins consommé au mois de décembre, et que la filière porcine bénéficie de ces autorisations.

Je suis donc défavorable à cet amendement, tout en demeurant vigilant quant à l’impact possible sur la filière viticole.

M. Thierry Benoit. Je retire notre amendement, mais je maintiens qu’il ne faut pas qu’on puisse faire n’importe quoi, car l’image de produits et de démarches nobles est galvaudée par des prospectus qui encombrent nos boîtes aux lettres.

M. Jacques Cattin. Ne pourrait-on distinguer entre le cas du vin et celui du porc ?

Mme Sophie Mette. Je retire mon amendement, mais je souhaiterais retravailler ces problématiques, singulièrement viticoles.

Les amendements CE1665 et CE1949 sont retirés.

Lamendement CE353 est rejeté.

Article 11 sexies
(article L. 654-23 du code rural et de la pêche maritime)
Interdiction de certaines dénominations commerciales associées aux produits dorigine animale

Cet article, proposé par votre rapporteur, vise à interdire certaines pratiques commerciales trompeuses pour le consommateur, qui associent des termes comme « steak », « filet », « bacon », « saucisse », à des produits qui ne sont pas uniquement, ou pas du tout, composés de viande. Sont plus généralement concernées les dénominations faisant référence à des produits d’origine animale, notamment le lait, la crème ou le fromage.

Votre rapporteur a souhaité rappelé que la Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt du 14 juin 2017, concernant l’utilisation de termes comme « lait de soja » ou « fromage vegan », a précisé qu’un produit laitier, étant dérivé exclusivement du lait, doit en contenir les constituants. Cet article s’inscrit dans la ligne de cette nouvelle jurisprudence.

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La commission se saisit de lamendement CE2044 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’interdire certaines pratiques commerciales trompeuses pour le consommateur, qui associent des termes comme « steak », « filet », « bacon », « saucisse » à des produits qui ne sont pas uniquement, voire pas du tout, composés de viande. Les dénominations faisant référence à des produits d’origine animale, notamment le lait, la crème ou le fromage sont plus généralement concernées.

Ainsi, une préparation à base de viande et de matières végétales, comme le soja, très rentable pour celui qui fabrique le bifteck et beaucoup moins cher à la fabrication qu’un bifteck pur bœuf, est vendue à des prix qui sont parfois les mêmes. Ces produits peuvent faire l’objet d’une présentation « marketing » qui donne l’impression au consommateur qu’il consomme uniquement de la viande. De même, certains produits végétariens ou végétaliens recourent, de façon tout à fait paradoxale, au vocabulaire carné pour mettre en avant leurs produits : « goût bacon », « merguez vegan », « substitut de saucisse » Un principe d’équivalence entre une saucisse pur porc et un « substitut de saucisse » végétarien est ainsi imposé au consommateur.

Rappelons, à toutes fins utiles, que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans son arrêt du 14 juin 2017 concernant l’utilisation de termes comme « lait de soja » ou « fromage vegan », a précisé qu’un produit laitier, étant dérivé exclusivement du lait, doit en contenir les constituants. De fait, une « dénomination […] effectivement utilisée pour un produit laitier » ne devrait pas « être légalement utilisé pour désigner un produit purement végétal ».

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis très sensible aux arguments du rapporteur. Il s’agit de ne pas tromper le consommateur par des appellations susceptibles de prêter à confusion. Le Normand que je suis est surpris de constater que des produits fabriqués sans un gramme de lait peuvent être appelés camembert.

En revanche, cette réglementation ressortit au droit européen, et, ainsi que vous le soulignez, la Cour de justice de l’Union européenne s’est récemment prononcée au sujet des produits laitiers. Il me paraît nécessaire de sous-amender cet amendement afin d’exclure les produits du type « lait de coco ». Je vous propose de reprendre la rédaction en vue de la séance publique afin de définir un cadre précis.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je propose de maintenir l’amendement et de l’amender au cours du débat dans l’hémicycle.

M. Arnaud Viala. Au nom du groupe Les Républicains, je souhaite remercier le rapporteur pour cet amendement, qui pourrait être adopté dès à présent pour être complété comme le demande M. le ministre par la suite.

M. Sébastien Jumel. Nous devons, monsieur le ministre, durcir la loi, et qu’elle montre ses muscles, y compris devant les institutions européennes. Lorsque l’Union européenne n’est pas en situation de préserver nos produits d’origine, nous devons dire fermement que ce n’est pas cette Europe-là que nous voulons. C’est pourquoi cet amendement me semble de bon aloi.

Mme Anne-Laurence Petel. Serait-il possible, à l’occasion de la nouvelle rédaction de cet amendement, d’interdire à des industriels fabriquant des préparations qu’ils appellent « 100 % végétal » alors que ces produits contiennent notamment de l’œuf, d’utiliser cette appellation ?

M. le président Roland Lescure. Je me vois dans l’obligation de préciser que, selon un jury américain, le meilleur camembert du monde est fait au Québec. (Sourires.)

La commission adopte lamendement.

Article 11 septies
(article L. 111-1 du code de la consommation)
Transparence des informations relatives aux produits vendus en ligne

Cet article, issu d’un amendement de M. Eric Bothorel et plusieurs de ses collègues, a pour objet d’accroître les obligations de transparence des plateformes de vente en ligne de denrées alimentaires, en particulier en matière d’étiquetage : il s’agit d’assurer au consommateur qu’il disposera, sur la page internet consultée, de toutes les informations figurant sur l’étiquette du produit – une simple photographie du produit physique, et donc de son étiquette, ne suffira plus, certaines informations étant illisibles ou masquées.

Un sous-amendement, proposé par Mme Huguette Tiegna, a été adopté par votre commission pour exclure certains services numériques de livraison de repas par coursier. L’amendement ainsi sous-amendé a été adopté avec l’avis favorable de votre rapporteur.

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*     *

La commission se saisit ensuite de lamendement CE1676 de
M. Éric Bothorel, qui fait lobjet du sous-amendement CE2146 de Mme Huguette Tiegna.

M. Éric Bothorel. La vente de produits alimentaires par les plateformes présentes sur internet constitue déjà un sujet d’actualité, comme le montre le rapprochement de Monoprix avec Amazon et de Carrefour avec Google.

La série d’amendements que je vais présenter tend à rendre obligatoire, sur les sites de vente, les mentions devant être portées à la connaissance du consommateur.

De fait, internet constitue un nouvel espace de jeu puisque la contrainte de l’emballage ainsi que la mention de la taille du produit sont absentes. Il semble plus difficile pour un industriel ou même un distributeur de pouvoir cacher la mention du pays de fabrication d’un produit ou de sa composition.

Ce premier amendement propose donc d’obliger les opérateurs de plateforme en ligne, pour la vente de denrées alimentaires à faire figurer les informations liées au produit telles que citées au troisième alinéa de l’article L. 412‑1 du code de la consommation.

Mme Huguette Tiegna. L’intention initiale de l’amendement de M. Bothorel était de circonscrire le champ d’application des obligations d’étiquetage aux seules plateformes de vente en ligne, qui sont le prolongement des enseignes physiques de grande distribution. La mienne est d’éviter que les services numériques de livraison des repas par coursiers soient concernés.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’amendement de M. Bothorel est satisfait, car la DGCCRF a reçu du ministre des instructions très claires et elle intensifie son contrôle du commerce en ligne.

Ce domaine est harmonisé à l’échelon européen avec un règlement prévoyant l’information du consommateur ainsi qu’un certain nombre de dispositions spécifiques au e-commerce. L’article 14 prévoit que de nombreuses informations doivent être fournies aux opérateurs.

Pour ces raisons, je demande le retrait de l’amendement.

M. Éric Bothorel. Je le maintiens, car les obligations qui pèsent aujourd’hui sur les commerçants en ligne ne les obligent pas à informer le consommateur de façon suffisamment claire et explicite. L’amendement permet d’aller plus loin que l’obligation d’inscrire dans un onglet dissimulé l’ultime caractéristique d’un produit alimentaire, qui est certes portée à la connaissance du consommateur, mais à condition qu’il sache où aller la chercher…

La commission adopte le sous-amendement CE2146.

Puis elle adopte lamendement CE1676 sous-amendé.

Elle examine ensuite lamendement CE1913 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Il s’agit d’interdire la mention « transformé en France », ambiguë, souvent source de confusion, car on peut transformer en France des matières premières venues parfois de bien loin. Je reprends là une préconisation du rapport que notre ancienne collègue Annick Le Loch et moi-même avions déposé.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous pouvons être d’accord sur le fond de l’amendement et partager vos raisons, cher collègue. L’alinéa que vous proposez d’introduire à l’article L. 111-1 du code de la consommation s’y insère toutefois bien mal, car cet article concerne l’ensemble des biens de consommation, et non pas seulement les denrées alimentaires.

Par ailleurs, les notions de label et de certificat sont très précisément définies dans la loi : le label est notamment lié aux signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine. Ce ne sont pas les bons termes à utiliser.

À mon avis et même si on peut être d’accord sur le fond, en l’état, votre amendement est inapplicable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis, pour les mêmes raisons.

Lamendement est retiré.

La commission se saisit de lamendement CE331 de M. Xavier Breton.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement vise à mieux informer le consommateur de l’origine de la viande entrant dans la composition de plats préparés en créant une obligation d’étiquetage qui distinguerait la chair de viande du minerai. La même obligation s’appliquerait à la viande ou au poisson reconstitué.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’étiquetage de la viande et des produits transformés contenant de la viande est déterminé au niveau européen.

Toutefois, avec l’accord de la Commission européenne, le gouvernement précédent a pu prévoir une expérimentation prévue à l’article L. 412-5 du code de la consommation. En effet, depuis le 1er janvier 2017, l’étiquetage plus précis des viandes utilisées comme ingrédients dans les plats préparés est devenu obligatoire. Votre amendement est donc satisfait sur ce point.

Concernant les minerais de viande, le Gouvernement considère qu’il s’agit d’un produit intermédiaire constitué de muscles et de graisse, utilisé exclusivement dans les steaks ou les saucisses, et qui est composé uniquement de viande. Il ne justifie donc pas un étiquetage à part.

Je vous invite donc, cher collègue, à retirer cet amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CE260 de M. Xavier Breton.

M. Vincent Descoeur. Notre collègue Breton souhaite compléter la bonne information des consommateurs en leur permettant de demander aux distributeurs et fabricants l’origine des produits.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Depuis le 1er janvier 2017, une expérimentation a lieu rendant obligatoire la mention de l’origine des viandes et du lait dans l’étiquetage des produits transformés. L’amendement est donc satisfait.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Une expérimentation est déjà en cours sur l’étiquetage, nous en avons longuement parlé ce matin. Si je suis sensible à la préoccupation que vous-même et votre collègue Breton exprimez, je suis défavorable à cet amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE332 de M. Xavier Breton.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement porte toujours sur l’étiquetage, cette fois celui des viandes fraîches entrant dans la composition de produits transformés, ou des abats. Il s’agit d’y faire figurer un certain nombre de de précisions : type d’animal, pays de naissance, pays d’élevage, pays d’abattage.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement, cher collègue, a pour objet de compléter un article dont l’objet est une expérimentation portant uniquement sur les préparations à base de viande ou de lait comme ingrédients, et non sur la viande fraîche. C’est ce cadre que la Commission européenne a autorisé. Il faut laisser cette expérimentation se dérouler jusqu’à son terme, à la fin de l’année 2018, avant de l’évaluer. Sa généralisation sera déjà un grand pas en avant. Je suis donc défavorable à votre amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il nous faut effectivement attendre les résultats de l’expérimentation mise en place il y a déjà un peu plus d’un an et en tirer les enseignements avant de prendre toute nouvelle disposition en matière d’étiquetage. Il faut aussi veiller à la lisibilité des informations et évaluer le risque de distorsions de concurrence. Je suis sensible à la préoccupation exprimée, mais laissons l’expérimentation aller à son terme.

M. Sébastien Jumel. Cela aurait de l’allure et ce serait conforme à l’esprit de la loi si nous parvenions, avec l’expertise du ministre et de ses services, à élaborer un étiquetage qui permette de donner au consommateur qui achète un produit l’assurance que l’agriculteur est correctement rémunéré. Ce serait un symbole très fort. Je veux bien que nous veillions à la concurrence, mais quand Donald Trump ou d’autres veulent protéger des produits ou des savoir-faire, ils le font ! Nous devons pouvoir responsabiliser les consommateurs grâce à un étiquetage incitatif, qui donne au consommateur la certitude qu’il n’a pas spolié le producteur. J’aimerais, monsieur le ministre, que l’on puisse avancer sur ce sujet avant la séance – je sais que vous êtes d’accord.

Mme Monique Limon. Une expérimentation va commencer dans le département de l’Isère. Il s’agirait pour les agriculteurs et les syndicats de concevoir un label isérois. Les produits locaux qui le mériteraient seraient estampillés, y compris dans la restauration collective.

M. Dominique Potier. Il y a deux jours, nous avons évoqué des contrats tripartites et cette idée me paraît répondre à votre attente. Le consommateur peut-il être un levier du changement en reconnaissant les rapports loyaux entre transformateurs, distributeurs et producteurs ? C’est une piste sur laquelle nous allons travailler d’ici à la séance. Elle répond à l’objectif de tous ceux qui sont ici présents.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis totalement d’accord avec la proposition de Sébastien Jumel, je le lui ai dit. Il faut regarder comment avancer sur ce sujet. On peut éclairer le consommateur sur énormément de choses : les origines, la qualité d’un produit, etc. Cependant, si des marques que je ne citerai pas ont fait figurer, sur l’emballage, la part qui revient au producteur, peut-être tout le monde ne peut-il pas le faire, car cela requiert des investissements lourds. Demandons-nous comment indiquer au consommateur, par l’étiquetage ou par un autre moyen, la part qui revient aux producteurs. Ce serait une manière de le conduire à des choix éclairés. Considérez la carotte. Nous avons un excellent « label rouge » dans le département de la Manche, mais le consommateur peut également acheter des carottes en provenance de Belgique. Si vous lui indiquez quelle part du prix revient au producteur il pourra ne pas s’arrêter au seul montant du prix. Il pourra se demander s’il ne doit pas jouer un rôle pour protéger nos agriculteurs, nos emplois, nos filières, notre territoire. Il n’est pas forcément facile de traduire cela en termes juridiques, mais peut-être le Conseil national de l’alimentation (CNA), qui va travailler sur l’étiquetage, apportera-t-il une contribution utile. Regardons, en vue de l’examen du texte dans l’hémicycle, comment faire, exprimons au moins la volonté politique de le faire.

M. Nicolas Turquois. Cela ne se rapproche-t-il pas de la démarche équitable ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. C’est un peu différent. Beaucoup de paramètres sont pris en compte. Parfois, le coût du transport a pu être pris en compte, par exemple. Et, en l’occurrence, il s’agirait de nos filières nationales, et c’est à partir des coûts de production et des indicateurs de prix construits par les filières et les interprofessions que nous pourrions bâtir quelque chose – évidemment, cela peut s’approcher de la démarche du commerce équitable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE333 de M. Xavier Breton.

M. Vincent Descoeur. Il s’agit d’étendre l’obligation d’indication d’origine de la viande aux viandes réfrigérées, congelées ou surgelées, issues de tous types d’animaux de boucherie et destinées à la consommation humaine, toujours avec le souci louable de mieux informer le consommateur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement CE294 de M. Vincent Rolland et les amendements identiques CE827 de M. Yves Daniel et CE1322 de Mme Cécile Untermaier.

M. Thibault Bazin. Il s’agit de permettre au consommateur de choisir d’acheter un produit en connaissance de la part du prix qui sera reversée aux producteurs. Vous avez dit, monsieur le ministre, qu’il était important d’avancer sur ces questions d’affichage et de signalétique. En adoptant l’amendement CE294, nous permettrions au consommateur de faire un achat responsable valorisant nos producteurs locaux.

M. Yves Daniel. L’objectif de l’amendement CE827 est d’interdire toute mention « transformé en France » tout en conservant la mention « produit et transformé en France » qui permet d’informer de manière honnête le consommateur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends le souci dont procède l’amendement CE294, mais, en l’état, il présente de nombreux effets collatéraux. Seraient visés non pas uniquement les produits alimentaires mais tous les produits de consommation. En admettant même qu’on limite la réflexion aux produits alimentaires, les distributeurs ne connaissent pas le prix payé aux producteurs de certains produits transformés, car il y a des intermédiaires industriels. Pour les fruits et légumes, cela me paraît également compliqué. Je suis donc plutôt défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Faire figurer sur l’étiquetage le prix d’achat au producteur est tout simplement contraire au droit des affaires et au droit de la concurrence. Je ne puis être favorable à un tel amendement, qui serait d’ailleurs censuré par le Conseil constitutionnel.

La commission rejette successivement lamendement CE294, puis les amendements identiques CE827 et 1322.

Elle se saisit ensuite de lamendement CE835 de M. Yves Daniel.

M. Yves Daniel. Il s’agit toujours de proposer un double étiquetage qui mentionnerait et le prix payé au producteur et le prix payé par le consommateur. Je me suis réjoui, tout à l’heure, des propos tenus par M. le ministre : nous avons tous envie d’aller dans la même direction, et c’est le moyen de favoriser une prise de conscience du consommateur. Si le producteur n’est pas rémunéré correctement, évidemment, cela déséquilibre toute la chaîne. Je veux donc proposer un étiquetage double, c’est l’objet de ce premier amendement, puisqu’il y a déjà eu des expérimentations en la matière.

Quant à l’amendement CE824, qui sera examiné dans quelques instants, il viserait à permettre une expérimentation sur deux ans, pour déterminer la bonne solution.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons déjà exposées.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis également défavorable à cet amendement. Réfléchissons d’abord aux moyens de traduire juridiquement notre préoccupation. En matière d’étiquetage, il ne s’agit pas que d’obliger, il s’agit aussi de la volonté des entreprises. Avançons avec elles, avec les industriels, avec les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), avec le Conseil national de l’alimentation (CNA). Quant à la proposition d’inscrire non le prix d’achat au producteur mais la part du prix payé par le consommateur qui lui revient, je suis ouvert à la discussion. Regardons simplement comment faire en droit et dans les faits.

M. Thierry Benoit. La proposition d’une expérimentation, éventuellement sur la base du volontariat, me paraît pertinente. Je suis sûr que de grandes enseignes seraient intéressées et, en effet, le consommateur serait éclairé quant aux disparités qui peuvent exister. Prenez l’exemple du camembert, peut-être plus probant que celui des carottes : d’un camembert l’autre, les coûts sont totalement différents.

M. Dominique Potier. La part du coût du produit de base dans le prix du produit fini varie de un à cinquante. Certains produits sont effectivement transformés, hyper-transformés, etc. N’opposons pas transformateurs, producteurs et distributeurs, il s’agit bien d’avoir un accord tripartite. Cet accord tripartite pluriannuel est la véritable innovation que nous pouvons bâtir, ce serait le label du bon commerce agricole, proposé par l’amendement CE1758, qui me paraît beaucoup plus structurant sur le plan économique que ces multiples affichages qui n’ont pas forcément de pertinence – c’est comme comparer des choux et des carottes.

La commission rejette lamendement.

La commission est saisie de lamendement CE824 de M. Yves Daniel.

M. Yves Daniel. J’ai déjà présenté cet amendement de repli, qui consiste à conserver seulement l’intitulé « produit et transformé en France ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends l’idée, mais l’amendement est assez imprécis dans sa rédaction et, sur le fond, il est difficile de voir comme une pratique commerciale trompeuse le fait d’indiquer qu’un produit est « transformé en France ». S’il est vraiment transformé en France, on ne peut pas interdire de l’inscrire sur l’emballage. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Adopter une telle mesure serait prendre le risque d’un contentieux devant la Cour de justice de l’Union européenne. Un dispositif existant permet déjà de poursuivre et de sanctionner les pratiques qui sont visées par votre amendement. Je vous invite donc à le retirer. À défaut, j’y serais défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle aborde lamendement CE1316 de M. Jean-Claude Leclabart.

M. Jean-Claude Leclabart. Il s’agit de généraliser l’obligation d’affichage et la visibilité des ingrédients. L’indication doit être claire, visible et compréhensible pour tous les consommateurs. J’ai bien noté la position de
M. le ministre concernant l’étiquetage et le travail qu’il propose de faire. Néanmoins, j’appelle l’attention sur la lisibilité des textes, y compris pour les non-voyants.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement est satisfait : l’article mentionné précise que les décrets fixent « les modes de présentation ou les inscriptions de toute nature sur les marchandises elles-mêmes ». Le reste est de nature réglementaire et relève de l’appréciation du Gouvernement, dans les limites des règles européennes. Je laisserais donc le ministre répondre.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. En effet, le code de la consommation répond déjà en partie à votre demande. Vous proposez d’inscrire en lettres capitales et en braille la mention du pays d’origine et du drapeau. Il y a effectivement une action à mener dans ce domaine. Les entreprises doivent réfléchir à ce qu’elles pourraient faire, en fonction de la taille de l’étiquette et des publics visés. Les investissements peuvent être aussi assez lourds. Cela fait partie des opérations volontaires que nous souhaitons mettre en place sur l’étiquetage.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1975 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel. Je propose d’ajouter, à l’article L. 412-1 du code de la consommation, les mots « pays d’origine », « additifs alimentaires » et « allergènes » pour compléter l’information portée à la connaissance du consommateur.

Il s’agit d’accompagner les industriels et les distributeurs dans un affichage transparent du pays d’origine. Peu importe le mode de distribution, en ligne ou physique, il est courant de lire sur les denrées alimentaires d’origine animale, des mentions peu claires ne permettant pas un choix libre et éclairé du consommateur. Nous voulons que le consommateur ne puisse plus lire « Origine : UE » sur l’emballage de sa viande et qu’il dispose d’informations plus précises.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Vous proposez que figurent davantage d’informations sur la composition des produits et une indication plus précise de l’origine.

Il faut faire deux constats.

Tout d’abord, ces décrets sont pris dans un cadre européen bien précis, sur la base du règlement « INCO » que vous citez, mais avec beaucoup de réglementations sectorielles, notamment pour la viande. L’origine de la viande est très précisément encadrée par les articles 5 à 7 du règlement du 13 décembre 2013, sur l’élevage comme sur l’abattage, et les cas dans lesquels on peut voir figurer « Origine : UE » ou « Origine : hors UE » sont peu nombreux.

Ensuite, les décrets pris par le Gouvernement utilisent les marges de manœuvre laissées par l’Union européenne. En ce qui concerne les allergènes, votre amendement est satisfait par le décret du 17 avril 2015, relatif à l’information des consommateurs sur les allergènes et les denrées alimentaires non préemballées, qui rend leur indication obligatoire.

Ma conclusion est la suivante : les règlements européens sont d’application directe, donc la loi n’a pas à intervenir ; le pouvoir réglementaire, au niveau du décret, applique et met en œuvre les éventuelles dérogations que le droit européen permet.

Avis défavorable, donc.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

M. Éric Bothorel. Je retire l’amendement et je vais le confronter aux nouvelles informations qui viennent d’être portées à ma connaissance.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1977 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel. Cet amendement s’inscrit dans la droite ligne de celui que nous avons précédemment adopté. Il s’agit de rendre accessibles dans un format exportable, conforme aux exigences de l’open data, l’ensemble des données figurant sur le site internet où sont proposés ces produits alimentaires. Il n’y a pas là de surtransposition : tout ce qui était rendu obligatoire sur l’étiquetage sera mis sur internet de manière claire et visible.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Aussi intéressant soit-il, votre amendement me paraît difficilement applicable : il fait peser sur les distributeurs
– et non sur les industriels de l’agroalimentaire – une charge importante de récolte d’informations – dont ils ne disposent d’ailleurs pas toujours –, de traitement et de mise en open data.

La grande distribution commercialise des milliers de références, chacune contenant beaucoup d’informations. Le coût de votre amendement mériterait une étude d’impact car je pense qu’il serait très élevé. La solution serait peut-être le crowdsourcing qui consiste à utiliser la grande masse des consommateurs pour gérer la grande masse des informations. La plateforme Foodwatch, par exemple, réalise déjà ce travail de collecte.

Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ces dispositions sont déjà prévues par le règlement européen, qui est d’application directe. L’ajout de ces dispositions dans le code de la consommation est donc sans objet.

Je vous invite, monsieur le député, à retirer votre amendement.

M. Éric Bothorel. Dans l’état actuel des choses, je veux bien retirer mon amendement et le retravailler d’ici à la séance, mais je pense qu’il n’est pas complètement satisfait par les dispositions européennes auxquelles vous vous référez.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1103 de M. André Chassaigne.

M. Sébastien Jumel. Cet amendement du président Chassaigne, qui vous a fait partager hier son enthousiasme et sa connaissance du monde agricole, vise à vous permettre de mener une fronde à l’égard de la Commission européenne. Il propose que l’obligation d’indication d’origine pour tous les produits agricoles et alimentaires à l’état brut ou transformé, prévue par le code de la consommation, ne soit plus soumise aux arbitrages de la Commission européenne. Respectant le principe d’égalité des États, il demande qu’ils soient tous, sans discrimination, obligés d’indiquer l’origine de leurs produits.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends bien qu’il s’agit d’un amendement d’appel. Contrairement à ce que vous indiquez, votre amendement remet en cause tout un pan du droit de l’Union européenne, adopté par le Parlement européen et qui s’applique en France, et non pas seulement des arbitrages de la Commission européenne. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur Jumel, frondeur un jour, frondeur toujours ! La politique des signes de qualité et d’origine est une politique européenne qui a toute sa pertinence dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Je ne peux être que défavorable à cet amendement qui remet en cause l’approche communautaire que nous devons avoir sur cette question.

M. Sébastien Jumel. Je suis très attaché à la préservation de la PAC, qui risque d’être fragilisée dans les semaines à venir, et le ministre sait qu’il peut compter sur notre soutien, au moins sur ce plan. En revanche, je pense que si l’État français ne montre pas un peu les muscles concernant les mesures européennes qui fragilisent ses acteurs, alors le risque est grand que le peuple se retourne contre l’Europe qui l’écrase. C’est le message de cet amendement d’appel.

La commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CE1493 de Mme Danièle Hérin.

Mme Célia de Lavergne. Avec cet amendement, je vais défendre aussi l’amendement CE1664 qui est un peu similaire.

La transformation du modèle agricole français passe aussi par le comportement des consommateurs. Une enquête montre que 90 % à 97 % des consommateurs français se prononcent en faveur du marquage d’origine des produits, en particulier pour le fameux made in France.

Ces amendements visent à définir une sorte de « marque France ». L’amendement CE1493 propose que la mention « produit en France » soit attribuée aux produits dont l’origine est française à 100 % et que la mention « fabriqué en France » soit attribuée aux produits dont une part significative de la matière première transformée est d’origine française. Nos produits français fabriqués en France sont représentatifs de normes sociales, environnementales et sanitaires que nous devons mettre en valeur et dont nous devons être fiers.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Sur le fond, je suis totalement d’accord. L’étiquetage « origine France » est déjà obligatoire, cependant, pour de nombreux produits, notamment la viande. Les marges de manœuvres ne me semblent pas énormes, et elles relèvent essentiellement du décret. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cela relève en effet du décret. À la fin de l’année, nous aurons les résultats des expérimentations qui sont en cours. Nous pourrons tirer les enseignements du travail du Conseil national de l’alimentation (CNA) sur l’étiquetage. Je suis sensible à votre préoccupation et nous travaillons pour être en mesure de prendre des dispositions non législatives. Je demande le retrait de votre amendement.

Mme Célia de Lavergne. Je vais le retirer, mais je voudrais que l’on redonne toute sa place à cette notion de produit « fabriqué en France ». Européenne convaincue, je ne veux pas aller à l’encontre des avancées que permet l’Europe. Néanmoins, je pense que ce cadre doit nous permettre de valoriser un savoir-faire, des terroirs et une qualité de produits.

Mme Delphine Batho. Je ne comprends pas pourquoi nous n’avons jamais regardé l’applicabilité du label « Origine France garantie » à l’alimentation. Je m’adresse au ministre et aux collègues. Ce label commence à être connu pour de nombreux produits manufacturés. À mon sens, il serait tout à fait pertinent de nous y intéresser pour répondre à la préoccupation exprimée dans cet amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1656 et CE1657 de Mme Anne-Laurence Petel.

Mme Anne-Laurence Petel. Ces deux amendements concernent l’étiquetage. L’amendement CE1657 met l’accent sur le volontariat. Il propose, en s’appuyant sur une démarche volontaire, de mettre en place un étiquetage portant sur le mode d’élevage des animaux dont sont issus les produits – carnés, laitiers et ovoproduits – afin de prendre en compte le bien-être animal. L’amendement CE1656 propose de mener une expérimentation pour deux ans d’un étiquetage obligatoire de l’ensemble de ces mêmes produits issus de l’élevage.

Les consommateurs accordent de plus en plus d’importance, au moment d’effectuer leurs achats, aux conditions d’élevage. Nous parlons depuis un bon moment de la qualité et de l’origine des produits, l’idée de ces amendements est d’ajouter une dimension concernant les conditions d’élevage et la condition animale.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement CE1656 en raison du caractère obligatoire de l’étiquetage. En revanche, je suis favorable à l’amendement CE1657 qui prévoit une expérimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’émets un avis défavorable à ces deux amendements pour des raisons déjà invoquées : nous avons une expérimentation en cours sur l’étiquetage ; le CNA mais aussi les filières travaillent sur le sujet. Il faut faire confiance aux professionnels pour proposer des réponses aux consommateurs.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Article 11 octies
(article L. 641-19 du code rural et de la pêche maritime)
Dérogation à la mention « produit de la ferme » pour les fromages affinés hors de lexploitation

Cet article a été adopté à l’initiative de Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Laurence Vichnievsky et plusieurs de leurs collègues. Il vise à sécuriser le cadre juridique de l’affinage de fromages en dehors de la ferme, pour les fromages fermiers bénéficiant d’un signe d’origine et de qualité.

En effet, depuis l’arrêt du Conseil d’État du 17 avril 2015 (décision n° 374602), le décret n° 2007‑629 du 27 avril 2007 relatif aux fromages et spécialités fromagères ne permet plus de labelliser comme fromages fermiers les fromages affinés en dehors de l’exploitation. L’objectif de cet article est donc de combler de vide juridique en tenant compte du fait que les affineurs ont, historiquement, été à l’origine de la création de nombreuses appellations.

*

*     *

Puis la commission passe aux amendements identiques CE1597 de Mme Martine LeguilleBalloy et CE1862 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. Je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission, où je suis venue pour soutenir cet amendement qui, en réalité, concerne d’autres fromages que le mien, le saint-nectaire.

M. le président Roland Lescure. Personne ici n’a le monopole du saint‑nectaire ! (Sourires.)

Mme Laurence Vichnievsky. L’amendement vise à sécuriser le cadre juridique de l’affinage extérieur à la ferme pour les fromages fermiers bénéficiant d’un signe d’origine et de qualité, tout en assurant l’information du consommateur. En effet, depuis un arrêt du Conseil d’État relatif aux fromages et spécialités fromagères, les fromages fermiers affinés en dehors de l’exploitation ne sont plus encadrés par un étiquetage.

On pourrait penser que l’affinage doit avoir lieu chez le producteur pour que le fromage puisse prétendre à l’appellation « fermier ». Or, moins de 70 % de la production peut y prétendre. Pour nos régions et pour ces filières, il est important de faire la distinction.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Comme l’indique votre exposé sommaire, la question de l’étiquetage de l’affinage des fromages relève du décret, plus précisément du décret du 27 avril 2007, et non pas de la loi.

Sur le fond, si le Conseil d’État a annulé la disposition qui prévoyait d’utiliser la mention « produit de la ferme » pour un fromage affiné hors de l’exploitation, c’était précisément pour ne pas induire en erreur le consommateur.

Si le Gouvernement souhaite rétablir cette disposition, en la limitant aux fromages à indication géographique protégée (IGP) comme vous souhaitez le faire, il peut le faire par décret. Je laisse donc le ministre s’exprimer.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La mention « fermier » s’applique à un produit fabriqué – ou élevé, dans le cas d’un animal – et transformé à la ferme. De telles dispositions me semblent relever davantage du règlement que de la loi. Elles peuvent néanmoins faire parties de signaux que nous pouvons envoyer concernant des produits qui ont une forte identité. Sagesse.

M. Didier Martin. Avec ces fromages, nous avons un exemple typique de fabrication traditionnelle. L’affinage a toujours été confié par les producteurs à des hommes et des femmes du cru qui ont d’ailleurs façonné le pays très concrètement, en creusant des caves au sein même de la terre d’Auvergne. C’est une façon de faire assez exceptionnelle et traditionnelle, qui est complètement en phase avec l’identité d’un produit. Je suggère que nous nous retrouvions autour de cet esprit qui associe producteur et affineur, pas seulement à Saint-Nectaire…

La commission adopte les amendements.

Puis elle en vient à lamendement CE1752 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Merci de m’accueillir au sein de votre commission. Cet amendement vise les produits ultra-transformés. De nouvelles recherches ont montré que la consommation régulière de ces aliments, souvent riches en sucre mais aussi en matières grasses, que l’on appelle ultra-transformés, favorise l’apparition de maladies métaboliques chroniques comme le diabète, l’hypertension ou l’obésité, et qu’elle peut aussi avoir des effets cancérogènes.

Rappelons que 16 % des Français sont obèses et près de 50 % sont en surpoids. Quels sont ces produits ultra-transformés ? Des céréales que nos enfants mangent le matin, des barres supposées énergétiques que nous avalons après une séance de sport, des steaks ou des pavés censément énergétiques. La liste de ces produits est longue et leur présence dans notre alimentation est quotidienne.

La représentation positive de ces produits – en particulier les informations partielles et biaisées qui sont véhiculées par la publicité de l’emballage – trompe le consommateur. Il est nécessaire de corriger cette perception, afin de permettre au consommateur de faire des choix en toute connaissance de cause. C’est le but de cet amendement.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Votre amendement propose que l’expérimentation en cours sur le nutri-score intègre le niveau de transformation des produits et la question des additifs dans la définition des indicateurs. Il me semble que votre préoccupation est déjà prise en compte, car le nutri-score se concentre sur la question nutritionnelle. En outre, il ne porte que sur les produits transformés, avec une règle qui fait le partage entre nutriments et aliments à favoriser – fibres protéines, fruits et légumes – et nutriments à limiter – énergie, acides gras saturés, sucre et sel.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable également. Mes arguments sont les mêmes que ceux du rapporteur – je renvoie aussi à la commission d’enquête en cours sur l’alimentation.

La commission rejette lamendement.

Elle examine les amendements identiques CE221 de la commission du développement durable et CE1295 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. À l’issue de longs débats sur l’étiquetage, la commission du développement durable a adopté un amendement sur le sujet, aux termes duquel : « L’État peut mettre en place, à l’aide de structures et de moyens existants, une démarche expérimentale de deux ans pour un étiquetage volontaire conforme aux standards européens et français sur les animaux notamment nourris sans farines animales et élevés sans l’utilisation d’antibiotiques comme accélérateurs de croissance ».

M. le ministre et moi-même avions émis une réserve sur cet amendement sachant qu’il est interdit en Europe d’utiliser les farines animales ou de se servir d’antibiotiques comme accélérateurs de croissance. Il s’agit cependant d’un amendement d’appel montrant notre volonté de mettre en place un étiquetage qui valorise et protège les produits français tout en les rendant plus traçables.

M. Matthieu Orphelin. Il faut que nous avancions sur ces sujets : il y a trop d’inquiétudes dans l’opinion. Je connais les limites d’une démarche volontaire, mais ce dispositif constituerait une première réponse à tous ceux qui expriment des craintes.

Les conditions de production de la viande sont différentes des deux côtés de l’Atlantique. Elles ont chacune leurs spécificités. De ce côté-ci, on n’utilise pas les antibiotiques comme accélérateur de croissance, et les farines animales n’entrent pas dans l’alimentation des animaux. Je crois qu’il faut le faire valoir. Une bonne façon d’y parvenir, la seule conforme avec les règles européennes, est de lancer cette expérimentation pour une démarche volontaire. Nous devons rassurer sur ce thème.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement part d’une bonne idée : nous souhaitons globalement mieux choisir les aliments que nous consommons. Toutefois, vous proposez un étiquetage volontaire par les exploitants. Si un exploitant choisit de ne pas afficher sur son produit « élevés sans antibiotiques », les consommateurs vont d’emblée penser qu’il utilise des antibiotiques. C’est la même chose pour l’utilisation des farines animales.

Je ne suis pas sûr que cette disposition soit efficace. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable. Les interdictions relatives à l’utilisation des farines animales dans l’alimentation sont fixées dans le droit européen, il conviendrait donc que la disposition défendue par l’amendement s’insère dans le droit européen. Si ce n’était pas le cas, des produits différents pourraient être introduits sur le territoire national à partir d’un autre État membre.

L’usage des antibiotiques comme accélérateur de croissance des animaux est interdit par le droit européen depuis le 1er janvier 2006. Aucun des animaux élevés dans l’Union européenne n’a reçu d’antibiotiques à des fins de croissance. Un étiquetage « denrées issues d’animaux n’ayant pas reçu d’antibiotiques comme facteurs de croissance » ne permettrait pas aux consommateurs d’orienter leurs choix d’achat, parce que l’ensemble de la production européenne pourrait porter le même.

Un tel étiquetage sur les produits originaires de l’Union européenne aurait pour seul effet de signaler que l’interdiction formulée par le droit européen est bien respectée, ce qui n’est pas sa vocation.

Je précise aussi qu’une proposition de règlement européen, dont l’adoption rendrait sans objet l’étiquetage promu par l’amendement, est en cours de discussion.

M. Grégory Besson-Moreau. Je suis totalement d’accord avec le rapporteur – à ceci près que je ne comprends pas qu’il se contente de s’en remettre à la sagesse de la commission. On ne peut pas imaginer qu’une barquette de viande comporte toutes les étiquettes proposées par tous les amendements que nous examinons. Une barquette de viande, ce n’est pas le maillot d’un joueur de Ligue 1 : on a besoin de voir le produit ! Je ne suis pas du tout favorable à cet amendement.

On pourrait prévoir de coller un or code sur les barquettes, qui permettrait aux consommateurs qui le souhaitent vraiment d’obtenir des informations, mais, en tout cas, il faut arrêter avec toutes ces étiquettes.

M. Sébastien Jumel. Nous voyons bien l’inquiétude exprimée par les auteurs des amendements. On est de plus en plus exigeant avec nos agriculteurs. Cette exigence est légitime, et ils y répondent, contrairement aux idées reçues, avec beaucoup de volontarisme et d’esprit de responsabilité. En revanche, si on prévoit cet étiquetage, et que l’on laisse entrer des produits qui ne respectent pas les règles sanitaires et environnementales, le dispositif se déboîte.

Je dis cela au lendemain de l’intervention, devant l’Assemblée nationale, du Premier ministre canadien, et à la veille de l’application dans notre pays de l’accord économique et commercial global avec le Canada (CETA), de l’accord avec le Mercosur, et de tous ces traités ultralibéraux qui vont faire voler en éclats les mesures de protection de nos consommateurs. Je ne sais pas si nous devons faire ressembler les barquettes de viande aux maillots de footballeur, mais je suis certain que nous devons préserver nos consommateurs et surtout nos agriculteurs d’une concurrence déloyale due à des produits qui ne respectent pas les règles auxquelles ils sont soumis.

M. Matthieu Orphelin. Je ne voulais pas citer l’exemple canadien par égards pour le président de la commission (Sourires), mais puisque c’est fait, il faut dire qu’il s’agit d’un vrai sujet d’inquiétude.

Comme vous le disiez vous-même, monsieur le ministre, ce qui n’est pas autorisé en Europe l’est au Canada. Je ne porte pas de jugement de valeur, ce sont des faits : les farines animales sont utilisées, et les antibiotiques peuvent servir comme accélérateur de croissance. C’est leur réglementation, et nous n’avons rien à dire. En revanche, il faut absolument que les consommateurs puissent savoir qu’ils achètent de la viande d’animaux nourris aux farines animales ou qui ont grandi grâce à des antibiotiques utilisés comme accélérateur de croissance.

Je sais que le sujet est compliqué, mais le Gouvernement a pris des engagements dans le cadre du plan d’action relatif au CETA.

Mme Célia de Lavergne. Nous partageons tous le même objectif consistant à protéger et valoriser au mieux nos produits de qualité, suivant des standards qui nous sont propres.

Pour autant, étiqueter ces produits comme le propose l’amendement laisserait penser qu’en France il serait possible d’utiliser des antibiotiques comme accélérateur de croissance alors que nous nous battons pour expliquer aux consommateurs que ce n’est pas permis. Une telle expérimentation ne nous semble donc pas adaptée.

La commission rejette les amendements.

Article 11 nonies
(article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises)
Encadrement du recours à la dénomination « équitable » des produits

La précision apportée par cet article à la définition législative du commerce équitable, issue de deux amendements présentés par M. Nicolas Turquois et plusieurs de ses collègues et par M. Michel Delpon, permet d’indiquer que « seuls les produits conformes aux dispositions [qui encadrent le terme de commerce équitable] pourront comporter le terme “équitable” dans leur dénomination de vente ».

Il s’agit de veiller à ce que les produits alimentaires estampillés « équitables » respectent bien les mêmes engagements que ceux qui bénéficient du label « commerce équitable », afin de ne pas induire le consommateur en erreur. Votre rapporteur a émis un avis favorable à ces amendements, qui reposent sur une logique similaire à l’interdiction, pour certains produits, de recourir à la mention « bio » s’ils ne sont pas issus de l’agriculture biologique.

*

*     *

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements identiques CE1841 de M. Nicolas Turquois et CE1423 de M. Michel Delpon, ainsi que des amendements CE1974 de M. Éric Bothorel et CE209 de
M. Grégory Besson-Moreau.

M. Nicolas Turquois. Aujourd’hui, le terme « équitable », si apprécié des consommateurs, est galvaudé. Nous proposons d’en limiter l’usage aux produits qui correspondent à une définition déjà en vigueur dans notre droit.

M. Michel Delpon. Le mot « équitable » est en effet mis à toutes les sauces. Pour être précis, c’est la mention « commerce équitable » qui correspond aujourd’hui à des exigences et des critères encadrés par la loi. Nos amendements visent à ce que l’utilisation du terme « équitable » soit soumise aux mêmes exigences.

Mme Huguette Tiegna. Le commerce équitable est un dispositif permettant une contractualisation, dans la durée, à des prix rémunérateurs qui couvrent les coûts de production, assortie d’un engagement social et environnemental et d’obligations de transparence et de traçabilité.

L’utilisation du terme « équitable » peut-être trompeuse pour le consommateur en introduisant une confusion délibérée entre les produits qui relèvent réellement du commerce équitable, et ceux qui relèvent de démarches, respectables, certes, mais qui ne remplissent pas tous les critères du commerce équitable.

Comme pour les produits bio qui doivent respecter la réglementation sur l’agriculture biologique, nous souhaiterions que seuls les produits conformes à la définition du commerce équitable inscrite à l’article 94 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire puissent comporter le terme « équitable » dans leur dénomination de vente.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis globalement favorable à ces amendements, et puisqu’il me faut exprimer une préférence, je retiendrai les amendements identiques CE1841 et CE1423 et demanderai le retrait des autres.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le Gouvernement est favorable à ces amendements qui vont dans le bon sens s’agissant de la fiabilité des allégations. Je m’en remets à la sagesse de votre commission pour le choix du texte à retenir.

La commission adopte les amendements identiques CE1841 et CE1423.

En conséquence, les amendements CE1974 et CE209 tombent.

La commission en vient à lamendement CE1863 de M. Philippe Huppé.

M. Philippe Huppé. Cet amendement vise à protéger le consommateur de produits viticoles qui doit savoir d’où vient le produit qu’il consomme. Il faut mettre en place un dispositif pour éviter les manœuvres dolosives. Un petit dessin sur une étiquette peut facilement vous faire croire que vous buvez un rosé de Provence, alors que vous consommez un mélange de rosés européens. Je sais que vous travaillerez dans notre sens, monsieur le ministre, et je serai à vos côtés.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Les arguments ont déjà été développés.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable également, et je confirme ce que j’ai dit tout à l’heure. J’espère que vous n’aviez pas de doutes sur la volonté du Gouvernement, et la mienne en particulier, de protéger les consommateurs à la fois des pratiques commerciales déloyales et de la mauvaise information. Nous avons besoin de transparence et de lisibilité. Nous devons y travailler.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE1718 de M. François Ruffin.

M. Loïc Prudhomme. Nous souhaitons que l’étiquetage soit exhaustif, en tout cas plus complet qu’aujourd’hui. Il doit apporter des informations sur le nombre d’intermédiaires, le fait que les bêtes aient été nourries ou non aux organismes génétiquement modifiés (OGM), le mode d’élevage, l’origine géographique pour tous les produits animaux ou le nombre de traitements pesticides.

Cet étiquetage pourrait se fonder sur le règlement européen n° 1169/2011 qui dispose que « l’information sur les denrées alimentaires tend à un niveau élevé de protection de la santé et des intérêts des consommateurs ». Malgré ses interprétations des directives européennes à géométrie variable, M. le ministre pourra relire ce texte, et ne pas nous répondre, par exemple, que notre proposition relève d’un « accord réglementaire avec un accord psycho-moral de partenariat libérateur des énergies avec des entreprises qui pourraient éventuellement être volontaires… »

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Sur le fond, je comprends bien la préoccupation et les besoins de traçabilité et de transparence, mais ainsi rédigé, cet amendement est inapplicable : il ne s’insère nulle part, et renvoie à la fois à des dispositions européennes et nationales, législatives et réglementaires, qu’elles relèvent ou non du code rural. Il comporte même des dispositions déjà en vigueur.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. En matière de « géométrie variable », vous êtes des orfèvres ! Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE1425 de M. Michel Delpon.

M. Michel Delpon. Les denrées alimentaires destinées à la consommation humaine ainsi que les emballages destinés au contact alimentaire ayant subi un traitement par rayonnement ionisant seront identifiés comme tels par une mention claire, visible et compréhensible par le consommateur afin qu’il puisse exercer son choix.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Le sujet est important, mais, encore une fois, l’étiquetage n’est pas la solution, car il n’est ni possible – pour des raisons juridiques, sauf en cas de volontariat des producteurs –, ni opportun, étant donné la masse des informations déjà présentes sur étiquettes. Je crains aussi qu’une étiquette supplémentaire ne perturbe le consommateur.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

M. Sébastien Jumel. Avec toutes ces étiquettes, on va finir par transformer le consommateur en machine à calculer. Moi, tous les samedis, je fais le marché de Dieppe, qui concourt pour le prix du plus beau marché de France. Cela permet de mettre un visage et une humanité sur chaque produit acheté.

Si nous faisions la promotion de cette démarche, si nous permettions aux artisans bouchers et charcutiers de se réinstaller en milieu rural, on aurait fait un grand pas pour savoir ce que l’on nous sert dans nos assiettes. La disparition des commerces de proximité a aussi accéléré l’assassinat de l’agriculture française.

Je ne veux pas seulement faire la promotion de Dieppe, mais aussi celle d’un mode de consommation qui doit être rééquilibré. Le Gouvernement doit prendre sa part dans cette tâche.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je salue l’argumentation de M. Jumel avec laquelle je suis, une fois n’est pas coutume, à 100 % d’accord.

M. Didier Martin. L’irradiation des produits alimentaires a pour but de détruire les bactéries et d’éviter que ces aliments deviennent impropres à la consommation. Cette irradiation fait toujours peur à la population, parce que tout ce qui est invisible est potentiellement dangereux. Pourtant les produits irradiés dans ces conditions ne transmettent évidemment aucune radioactivité.

J’aurais peur qu’un étiquetage inquiète les consommateurs de façon injustifiée et malvenue. N’oublions pas que nous sommes nous-mêmes irradiés par le soleil : il faudrait nous faire porter des étiquettes indiquant que nous sommes des animaux ambulants irradiés.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE439 de M. Loïc Dombreval.

M. Loïc Dombreval. Aujourd’hui, l’étiquetage se focalise sur un seul indicateur, tentant d’en faire déduire, à tort, un postulat de qualité globale, extrapolé à partir de l’évaluation de ce seul critère. Il semble donc important et urgent d’élaborer un outil de suivi et de pilotage permettant un étiquetage-diagnostic des produits proposés aux consommateurs sur la base de plusieurs critères.

Si cet amendement est adopté, un rapport serait présenté au Parlement dont l’objet sera d’évaluer si l’étiquetage est réaliste et, en ce cas, s’il est généralisable, dans quels délais et à quel coût.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ce rapport est peu utile, car nous connaissons déjà nos marges de manœuvre en matière d’étiquetage. Nous les avons beaucoup déjà beaucoup évoquées ensemble.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le Gouvernement a saisi le Conseil national de l’alimentation pour définir les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation. Des travaux sont engagés dans cette instance, monsieur le député. Votre amendement me paraît donc prématuré. Je vous invite à le retirer. Nous attendons le résultat des travaux du CNA, qui ne manquera pas de nous éclairer.

M. Loïc Dombreval. J’espère donc que ce rapport arrivera vite.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE244 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Nous demandons un rapport sur la définition de la durée de vie d’un produit alimentaire et la répartition des responsabilités afférentes à cette durée de vie, afin de nous assurer que les durées sont fixées par les professionnels de l’alimentation de manière harmonisée et pertinente.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La réflexion sur l’étiquetage de la durée de vie des produits, date limite de consommation (DLC) ou date de durabilité minimale (DDM) et leur compréhension par le consommateur doit être menée. Cela pourrait être réalisé dans le cadre d’une mission de la commission du développement durable. Cela serait plus efficace. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1688 de M. Philippe Huppé et CE1982 de M. Alain Perea.

M. Philippe Huppé. Je défendrai les deux amendements à la fois. Il s’agit de l’affichage de l’origine du vin sur l’étiquette frontale de la bouteille. L’acheteur n’a en effet pas toujours le réflexe de retourner la bouteille pour apprécier l’origine du vin, lorsqu’elle est indiquée. Si l’information était donnée sur l’étiquette frontale, il verrait tout de suite d’où vient ce vin, qu’il soit français ou étranger.

Cela permettrait au consommateur de comprendre d’où vient le vin qu’il achète. Loin de toute volonté de protectionnisme, je souhaite en effet d’abord protéger le consommateur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Je laisse le ministre répondre.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La notion d’étiquette frontale n’est pas définie dans la réglementation. La disposition n’est donc pas contrôlable par les services de répression des fraudes. Comme vous le savez, sur une bouteille de vin, vous avez trois supports : l’étiquette, la contre-étiquette et la collerette. Laissons donc la filière travailler sur le sujet. Je demande le retrait de cet amendement.

M. Philippe Huppé. Je les maintiens !

La commission rejette, successivement, les deux amendements.

Elle examine ensuite lamendement CE1967 de M. Philippe Huppé.

M. Philippe Huppé. Il s’agit, cette fois, du vin vendu en pichet. Il faudrait au moins que, sur la carte du restaurant qui propose ce vin en pichet, l’origine en soit indiquée. Car on ne sait généralement pas d’où il vient. C’est seulement dans les régions du Sud qu’on vous dira, mais très rapidement, d’où il vient. Il serait donc du moins intéressant que l’origine du vin soit indiquée sur les cartes.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il me semblait que c’était déjà le cas neuf fois sur dix. Les 10 % restants doivent concerner les ventes de verres de « vin du pays » ou « vin de table », qui viennent le plus souvent de la coopérative d’à côté. Je ne suis pas sûr que la loi ait besoin d’intervenir sur ce sujet.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cela relève en effet plutôt d’une mesure réglementaire. Laissons la filière viticole travailler, mais aussi les professionnels de la restauration. Avis défavorable.

M. Thierry Benoit. Même si ce n’est pas d’ordre législatif, le sujet n’est pas mineur. Il n’est pas illogique de fournir des indications sur l’origine des boissons alcoolisées en pichet. J’attire l’attention du ministre sur ce point.

La commission rejette lamendement.

Puis elle se penche sur lamendement CE1983 de M. Alain Perea.

M. Philippe Huppé. Là encore, il s’agit de la vente du vin et de la protection du consommateur. L’amendement tend à ce que, dans les rayonnages des supermarchés, les « vins du monde » soient séparés des « vins français ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ma belle-famille étant bourguignonne et active dans la viticulture, je n’ai guère l’occasion de me rendre au supermarché pour m’y fournir en vin. Cependant, je crois que, dans la grande majorité des supermarchés, il existe déjà un rayon « vins étrangers » ou « vins du monde ». Et, lorsque ce n’est pas le cas, l’origine du vin reste indiquée sur l’étiquette.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La segmentation existe en effet déjà dans les rayons, puisqu’on y distingue déjà les
côtes-du-rhône des bordeaux ou des bourgogne. Si la question ne relève pas du domaine de la loi, nous pouvons néanmoins encourager les distributeurs que nous rencontrons à mieux identifier les vins d’origine et de provenance française.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE1808 de M. François Ruffin.

M. Loïc Prudhomme. Par cet amendement, nous proposons de rendre obligatoire l’indication de la provenance des produits issus de l’agriculture biologique. Cela fait écho à nos longues discussions de ce matin, qui ont montré qu’importer des produits bio n’avait guère de sens, puisque cela ne permettait pas d’améliorer le revenu de nos agriculteurs. Nous proposons donc d’imposer cet étiquetage spécifique dès 2019.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous avons déjà mentionné les règles générales applicables à l’étiquetage. S’agissant des produits bio, leur provenance est très souvent connue. Le règlement CE n° 234/2007 précise l’ensemble des règles à suivre sur la production, la transformation, la distribution, l’importation, le contrôle et l’étiquetage des produits issus de l’agriculture biologique. Écrit de manière si générale, votre amendement crée donc un problème de coordination avec le droit de l’Union européenne. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. En vertu de la réglementation européenne, ce que vous proposez est déjà obligatoire. Quel que soit le produit bio que vous achetez aujourd’hui, le label est affiché et l’étiquetage correspond. Plusieurs labels français existent déjà, notamment le logo « AB », qui identifient bien les produits issus de l’agriculture biologique.

M. Sébastien Jumel. Il y a cependant produits bio et produits bio. Les grands groupes, qui sont de véritables tueurs de prix, savent en jouer. Certains labels ne sont en fait pas de vrais labels, de sorte qu’une campagne nationale de communication portée par le ministre de l’agriculture serait particulièrement pertinente pour éclairer le consommateur.

M. Loïc Prudhomme. Mon amendement porte sur l’indication de l’origine géographique des produits issus de l’agriculture biologique, non sur le mode de production dont ils sont issus.

La commission rejette lamendement.

M. le président Roland Lescure. Nous avons désormais examiné près des deux tiers des amendements déposés.

Article 11 decies
(article L. 412-4 du code de la consommation)
Origine du miel

Votre rapporteur a, ici, présenté un amendement analogue à des amendements issus de tous les groupes politiques, et ayant la même préoccupation : un meilleur étiquetage de l’origine du miel, en particulier s’il est issu de mélanges en provenance de plusieurs pays.

Le droit existant, qui transpose dans un décret n° 2003-587 du
30 juin 2003 pris pour l’application de l’article L. 214-1 du code de la consommation en ce qui concerne le miel, la directive 2014/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 modifiant la directive 2001/110/CE du Conseil relative au miel, permet aujourd’hui aux producteurs de miel originaire de plusieurs États, membres ou non de l’Union européenne, d’étiqueter leur produit de façon trop vague par rapport aux attentes des consommateurs.

Le décret prévoit que, si le miel est originaire de plus d’un État membre de l’Union européenne ou de plus d’un pays tiers, l’indication de l’origine peut se limiter aux termes : « mélange de miels originaires de l’UE », « mélange de miels non originaires de l’UE » ou encore « mélange de miels originaires et non originaires de l’UE ».

Cette disposition, qui transpose exactement les termes de la directive, devrait gagner en précision, afin que l’ensemble des pays d’origine du miel produit et mélangé, soit porté à la connaissance des consommateurs.

L’article 11 decies oblige donc les producteurs de miel à indiquer l’ensemble des pays d’origine d’un produit issu d’un mélange de miels.

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*     *

La commission examine, en discussion commune, lamendement CE2045 du rapporteur, les amendements identiques CE492 de Mme Delphine Batho et CE1139 de M. Jean-Louis Bricout, les amendements identiques CE199 de la commission du développement durable et CE1098 de M. André Chassaigne, les amendements identiques CE610 de M. Fabrice Brun, CE1293 de
M. Matthieu Orphelin et CE1526 de Mme Monique Limon et lamendement CE1111 de M. Christophe Naegelen.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il y a eu pléthore d’amendements concernant le miel. Il ne s’agit pas d’en faire un de plus. Mais, avec le secrétariat de la commission, j’ai élaboré une rédaction qui permet de clarifier certains points.

Le droit existant, qui transpose, dans un décret n° 2003-587 du 30 juin 2003 pris pour l’application de l’article L. 214-1 du code de la consommation en ce qui concerne le miel, la directive 2014/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 modifiant la directive 2001/110/CE du Conseil relative au miel, permet aujourd’hui aux producteurs de miel originaire de plusieurs États, membres ou non de l’Union européenne, d’étiqueter leur produit de façon trop vague par rapport aux attentes des consommateurs.

Le décret prévoit que, si le miel est originaire de plus d’un État membre de l’Union européenne ou de plus d’un pays tiers, l’indication de l’origine peut se limiter aux termes : « mélange de miels originaires de l’UE », « mélange de miels non originaires de l’UE » ou encore « mélange de miels originaires et non originaires de l’UE ».

Cette disposition, qui transpose exactement les termes de la directive, devrait gagner en précision, afin que l’ensemble des pays d’origine du miel produit et mélangé, soit porté à la connaissance des consommateurs.

Mme Delphine Batho. Je salue le travail des collègues qui portent ces amendements allant tous dans le même sens. L’indication « mélange de miels originaires et non originaires de l’UE », permise par la directive européenne, induit en erreur les consommateurs. Il y a aussi un problème de non-conformité. Je déplore enfin des importations de miel non européen, voire des additions de sucres incorporés dans les miels, sans que soit présentée d’information sur l’origine géographique de ces produits.

M. Thierry Benoit. La production de miel en France, qui était très importante, ne cesse de diminuer. Plus elle diminue, plus les importations augmentent. Tout cela prête à confusion. Nous voulons donc une information plus claire, lisible, transparente, au profit du consommateur.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. La commission du développement durable a adopté un amendement similaire, important pour les apiculteurs et pour les consommateurs, qui vise à faire évoluer le décret de 2003.

Une étude de juin 2016 de France AgriMer relevait « une origine française déclarée très importante pour les consommateurs, à hauteur de 80 % des achats en volume, mais un décalage frappant entre la part réelle des miels français disponibles sur le marché et la perception des consommateurs qui pensent acheter essentiellement du miel français ».

M. Sébastien Jumel. Auteur d’une proposition de loi à ce sujet, le président André Chassaigne aurait certainement défendu cet amendement avec le talent qu’on lui connaît, s’il avait été présent.

La consommation annuelle de miel s’élève à 45 000 tonnes. Les apiculteurs constatent que les produits importés gagnent du terrain car les logiques de marge financière poussent les distributeurs à substituer au miel français des miels de perlimpinpin !

Les informations données sur l’origine géographique du produit doivent au contraire éclairer le consommateur, au profit de la belle filière apicole française. Ce combat aujourd’hui partagé par tous a été lancé par le président André Chassaigne, je le rappelle.

M. Vincent Descoeur. Nous avons beaucoup parlé d’étiquetage. L’amendement de notre rapporteur est cependant bienvenu, car, s’agissant du miel, l’étiquetage est défaillant. Comme l’a rappelé notre collègue, les Français croient à 80 % acheter du miel du pays, alors que ce n’est pas le cas. Il y a donc un abus de confiance du consommateur. Le nouvel étiquetage permettra de privilégier le choix du miel de France. C’est très bien ainsi.

M. Matthieu Orphelin. Notre débat marque une grande victoire politique et collective, due, comme c’est souvent le cas, au combat des ONG, telles que l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF), la Fédération française des apiculteurs, Générations Futures, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et Agir pour l’environnement. Je leur dis bravo !

M. le président Roland Lescure. Et merci aux abeilles ! (Sourires.)

Mme Monique Limon. Mon amendement va dans le même sens.

À compter de la promulgation de la présente loi, l’indication de chaque pays d’origine serait obligatoire pour tous les miels originaires de plus d’un État membre ou de plus d’un pays tiers. Les conditions d’application du nouvel article seraient précisées par décret.

En effet, je rappelle que l’obligation actuelle en cas de mélange de miels provenant de différents pays est seulement l’indication globale suivante : « mélange de miels originaires/non originaires de l’Union européenne ».

Je me rangerai à l’amendement du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je demande en effet aux auteurs des autres amendements en discussion commune de les retirer au profit de celui que j’ai préparé avec le secrétariat de la commission.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis favorable à l’amendement du rapporteur et souhaite donc également le retrait des autres.

Nous visons une meilleure information du consommateur ; c’est notre préoccupation. Nous sommes favorables à la transparence de l’étiquetage des miels.

En réunissant il y a peu l’interprofession du miel, j’ai pu évoquer ce sujet. Nous devons pouvoir avancer avec eux de manière cohérente. Je souhaite porter cette question au niveau européen pour obtenir un cadre réglementaire harmonisé et protecteur sur le sujet.

En Slovénie, le 28 mai prochain, une grande journée de l’abeille sera organisée. Un sommet sera ainsi dédié à la question. Il s’agit aussi de savoir comment repolliniser nos campagnes. Ce pays est assez en avance sur ces questions. Je mesure d’ailleurs aussi les attentes nationales.

Enfin, je voudrais en effet saluer le travail réalisé par le président André Chassaigne, qui a déposé une proposition de loi à ce propos : avec d’autres, il a montré la voie.

M. Daniel Fasquelle. J’appuie la proposition du rapporteur et du ministre. Mon suppléant est apiculteur, fort de ma connaissance de ce milieu, je puis donc vous confirmer que le mauvais étiquetage du miel nuit aux apiculteurs comme aux consommateurs. Cet amendement nous permettra d’apporter plus de précisions que n’en prévoit la directive européenne. Même si on se plaint souvent de la surtransposition, elle est justifiée dans ce cas.

M. Max Mathiasin. Il faut aussi pouvoir préciser si du sucre a été ajouté au miel. Avec cette pratique frauduleuse, on croit parfois consommer du miel alors que ce n’est pas le cas. Au niveau européen, ou au moins au niveau national, nous devons pouvoir imposer que l’indication soit donnée.

Mme Delphine Batho. Je pourrai bientôt vous offrir un pot de miel de printemps des Deux-Sèvres, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre…

M. le président Roland Lescure. Je suis jaloux ! (Sourires.)

Mme Delphine Batho. À vous aussi, monsieur le président !

Je retire mon amendement.

Comme pour la viande et le lait, nous pouvons faire bouger la réglementation européenne. Je vous encourage donc, monsieur le ministre, dans vos démarches au niveau européen.

Lamendement CE492 est retiré.

La commission adopte lamendement CE2045.

En conséquence, les amendements CE492, CE1139, CE199, CE1098, CE610, CE1293, CE1526 et CE1111 tombent.

La commission examine les amendements identiques CE1805 de M. François Ruffin, CE843 de M. Lionel Causse et CE1903 de M. Thierry Benoit.

Mme Mathilde Panot. Actuellement, le colza et le tournesol OGM génétiquement modifiés par mutagénèse ne sont pas indiqués comme étant des OGM. Savoir quels produits nous consommons est pourtant une question démocratique fondamentale.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits, car le règlement européen du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés prévoit déjà des obligations générales de traçabilité. Sont exemptés les denrées et aliments pour animaux contenant de façon fortuite moins de 0,9 % de matériel transgénique. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

M. Thierry Benoit. Je retire l’amendement.

Lamendement CE1903 est retiré.

M. Sébastien Jumel. Monsieur le ministre, vous étiez aux côtés des Dieppois lors du drame de Saipol, et je vous en remercie. Pour cette entreprise agroalimentaire, l’un des enjeux est d’empêcher l’invasion des OGM, notamment le tournesol modifié. C’est à cette condition que nous pourrons préserver notre capacité industrielle agroalimentaire, soutenir le made in France en la matière. C’est la raison pour laquelle cet amendement mérite d’être soutenu.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement vient de la société civile puisque la fédération France nature environnement – FNE –, qui travaille beaucoup sur ces sujets, nous l’a soumis et je ne pense pas qu’il soit satisfait. De tels seuils, fussent‑ils minimes, ne devraient pas exister. De plus, nous avons le droit d’être informés sur les produits que nous consommons, d’autant qu’il existe un vide juridique pour les OGM modifiés grâce à de nouvelles techniques.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. En tant qu’éleveur nourrissant ses vaches exclusivement sans OGM, je suis bien placé pour vous dire qu’il existe une traçabilité du non‑OGM.

Le seuil de 0,9 % est lié au fait que les usines qui fabriquent ces aliments utilisent aussi des produits OGM et qu’il subsiste toujours des traces. D’un point de vue purement pragmatique, il semble très compliqué de garantir l’absence de toute trace.

Mme Sandrine Le Feur. À l’abattoir, les animaux élevés en bio passent avant les animaux élevés en conventionnel. J’imagine que les usines peuvent faire en sorte qu’il n’y ait pas de résidus d’OGM dans les aliments. Cet argument ne me convainc pas. Je maintiens l’amendement.

La commission rejette les amendements CE1805 et CE843.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE494 de Mme Delphine Batho ainsi que les amendements identiques CE1902 de M. Thierry Benoit et CE1929 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Delphine Batho. L’amendement prévoit que l’étiquetage des denrées alimentaires issues d’animaux nourris avec des aliments génétiquement modifiés sera obligatoire à compter du 1er janvier 2023, ce qui laisse le temps de se préparer.

Je défends cet amendement pour des raisons éthiques. Si nous avons interdit les cultures OGM chez nous, ce n’est pas pour que notre cheptel en soit dépendant et que, par les importations, nous soutenions ce modèle de culture partout sur la planète.

Je vois cet amendement comme un facteur d’accélération du déploiement du plan protéines végétales et de la recherche d’une autonomie dans ce domaine. Des collègues ont demandé tout à l’heure un rapport au Gouvernement sur cette question ; j’avais fait voter le même amendement dans la loi de 2008. Les choses avancent cahin-caha, mais pas suffisamment. L’étiquetage est un levier.

Mme Mathilde Panot. Notre amendement poursuit le même objectif, mais selon un calendrier différent, car nous souhaitons justement accélérer les changements de pratique. Là encore, cela va dans le sens de la démocratie et de la transparence.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Même si on peut être d’accord sur le fond, cette disposition est, comme les précédentes en matière d’étiquetage, de niveau européen. On ne peut adopter de législation franco-française en la matière. Avis défavorable à l’ensemble des amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Les dispositions sont de niveau européen. Par ailleurs, nous avons besoin d’une étude d’impact sur ces sujets. Nous devons continuer à travailler avant de légiférer.

Mme Delphine Batho. Que vient-on donc de faire pour le miel, le lait et la viande dans les produits transformés ? Il faut parfois bousculer l’Europe ! Le ministre explique qu’il faut mieux étudier le sujet, mais je n’ai pas le sentiment qu’il existe un plan pour faire cesser la dépendance aux importations d’aliments OGM destinés aux animaux. Cet amendement ménageait un délai pour que les choses puissent s’organiser, je le maintiens.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il faut aussi que les professionnels, les producteurs prennent conscience de la nécessité d’aller vers ce système de production et qu’une évolution soit décidée dans les plans de filière.

Par ailleurs, les dispositions sur le miel sont issues d’une directive européenne, qui peut être surtransposée, tandis que les dispositions en matière d’étiquetage et d’OGM relèvent d’un règlement européen et sont d’application directe.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de lamendement CE1708 de M. Thierry Robert.

M. Max Mathiasin. Il convient de distinguer la pâtisserie artisanale, « faite maison » – avec des ingrédients et le savoir-faire d’un artisan pâtissier – de la pâtisserie industrielle, livrée surgelée. Il existe dans ce domaine un vide juridique, et cet amendement propose de le combler.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Certes, il existe un vide juridique, mais cet amendement pose plusieurs problèmes : il fait référence à une partie abrogée du code de la consommation – il faudrait viser les articles L. 122-7 et suivants – ; il relève davantage d’une loi sur l’artisanat ou sur la consommation et, n’ayant qu’un lien très indirect avec le texte, pourrait être considéré comme un cavalier législatif.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Un tel sujet nécessite une concertation avec les professionnels et une étude d’impact.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE33 de M. Jean-Yves Bony, CE44 de M. Vincent Descoeur et CE1918 de M. Thierry Benoit, les amendements identiques CE34 de M. Jean-Yves Bony, CE45 de M. Vincent Descoeur et CE1905 de M. Thierry Benoit, ainsi que les amendements CE1919 et CE1140 de M. Thierry Benoit.

M. Jean-Yves Bony. Inspiré des conclusions des États généraux de l’alimentation, l’amendement CE33 vise à compléter le 1° du I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime par les mots : « en privilégiant les systèmes agricoles à taille humaine et familiaux, économes en intrants, valorisant les ressources naturelles telles que l’herbe et en refusant les importations de produits alimentaires ne respectant pas strictement les mêmes normes de production que les systèmes français ».

Une telle précision est importante à l’heure de la ratification du CETA – pour Comprehensive Economic and Trade Agreement, soit Accord économique et commercial global – et des négociations sur l’accord avec le Mercosur.

M. Vincent Descoeur. L’amendement CE44 vise à définir plus précisément le modèle agricole que nous souhaitons valoriser dans nos territoires et à exprimer clairement le choix de la France de ne pas importer des produits qui ne répondraient pas aux normes que nous imposons à nos producteurs dans le domaine de la protection de l’environnement, de la santé du consommateur ou du bien-être des animaux.

M. Thierry Benoit. Dans le cadre des transactions internationales, nous souhaitons privilégier les modèles économes en intrants qui valorisent les ressources naturelles telles que l’herbe, refuser les importations de produits d’importation alimentaire qui ne respectent pas les mêmes normes puisque, chacun le sait, les agriculteurs français sont les meilleurs !

M. Jean-Yves Bony. Dans la continuité de ces amendements, l’amendement CE34 vise à compléter le 1° du I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime par les mots : « en interdisant les importations de produits ne respectant pas strictement les mêmes normes de production que celles imposées au niveau national, telle que l’interdiction des farines animales dans l’alimentation des bovins ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les auteurs de ces amendements veulent protéger l’agriculture française, notamment l’élevage, et je salue leur intention. Mais s’il existe des risques liés aux accords commerciaux, il faut les évaluer et être bien conscient que les importations qui ne satisfont pas aux règles européennes sont interdites, même dans le cadre d’un accord international.

Par ailleurs, il faudrait mieux définir le concept de « normes de production » pour lui donner une portée législative. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. À mon tour, je salue les auteurs de ces amendements qui visent à privilégier les intérêts des filières françaises.

Le Gouvernement s’efforce bien évidemment de faire respecter nos standards sanitaires et de qualité. Les produits importés doivent être conformes aux normes sanitaires définies par l’Autorité européenne de sécurité des aliments. L’importation de produits tiers doit être conditionnée aux mêmes modalités de production qu’en Europe : ce serait beaucoup plus restrictif que de se contenter de contrôles sanitaires du produit fini. Dans les négociations commerciales, la France demande systématiquement à la Commission européenne que les concessions commerciales soient conditionnées à des garanties. Aussi nous ne souhaitons pas revenir sur ce que le Président de la République appelle les lignes rouges : élevages exclusivement à l’herbe, sans activateur de croissance pour la viande bovine, respect des normes européennes de bien-être animal.

Nous entendons aussi défendre à travers la PAC un modèle agricole en permettant le ciblage des aides directes vers certains types d’exploitation – aujourd’hui le paiement redistributif sur les 52 premiers hectares. Nous souhaitons que la prochaine PAC puisse soutenir des systèmes durables et compétitifs, sur le plan économique, environnemental et social.

Le CETA est aujourd’hui applicable. La France a déposé un volet de contrôles pour s’assurer que les normes sanitaires et les normes de qualité n’iront pas en deçà de celles que nous exigeons et qu’exigent les consommateurs. Quant à l’accord avec le Mercosur, les négociations sont aujourd’hui au point mort. Et quand bien même elles reprendraient dans les prochaines semaines, l’accord n’entrerait en application qu’au terme de cinq à sept ans…

De son côté, la filière bovine française peut activer des moyens, utiliser les dispositifs que nous avons validés hier pour défendre ses exigences sur le marché français et remplir les conditions attendues par les consommateurs dans le domaine de la restauration collective. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 11 undecies
(article L. 1 du code rural et de la pêche maritime)
Divers objectifs de la politique agricole

Le présent article regroupe différentes dispositions qui modifient l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, issues de trois séries d’amendements. Votre rapporteur a émis un avis favorable à ces amendements, adoptés sans modification par votre commission.

a.   L’objectif d’affectation de 15 % de la surface agricole utile à l’agriculture biologique

Deux amendements, défendus par la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et par Mme Monique Limon et les membres du groupe La République en Marche ont visé à inscrire dans les objectifs de la politique agricole et dans ceux de la politique d’aménagement rural la perspective d’affecter, d’ici fin 2022, 15 % de la surface agricole utile de la France aux exploitations d’agriculture biologique.

Votre rapporteur a émis un avis favorable à ces amendements qui visent à faire apparaître dans la loi l’un des objectifs majeurs du futur programme gouvernemental « Ambition Bio ».

À la demande du Gouvernement, ces deux amendements ont été rectifiés pour limiter la mention des 15 % aux seuls objectifs de la politique agricole, précisés à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. Votre commission a adopté ces amendements ainsi rectifiés.

b.   Le retour de la valeur aux agriculteurs en matière de valorisation énergétique

Cette disposition résulte d’amendements présentés par Mme Monique Limon et M. Marc Fesneau et plusieurs de ses collègues. Il prévoit que l’objectif de la politique agricole de concourir à la transition énergétique, notamment par la valorisation de sous-produits agricoles et agroalimentaires, comporte également un objectif de retour de la valeur aux agriculteurs.

La production d’énergie à partir de déchets et de sous-produits de l’agriculture, dans une logique d’économie circulaire, doit, en effet, permettre aux agriculteurs de disposer de revenus complémentaires.

c.   L’indépendance alimentaire de la France

Votre rapporteur a souhaité que la politique agricole se dote d’un objectif de promotion de l’indépendance alimentaire de la France à l’international, en préservant son modèle agricole ainsi que la qualité et la sécurité de son alimentation.

La France fait aujourd’hui figure d’exception : elle est parvenue à développer un modèle agricole particulièrement compétitif, tout en préservant un patrimoine agricole et une culture alimentaire et gastronomique uniques dans le monde. Les produits agricoles français sont d’une qualité reconnue et répondent à des exigences sanitaires élevées, ce qui reflète nos choix collectifs et justifie que ces produits s’exportent aussi bien.

Dans un contexte mondialisé, la préservation de ce modèle agricole et alimentaire doit guider la politique française à l’international, tant pour renforcer l’attractivité de nos produits à l’exportation que pour protéger l’indépendance alimentaire dont elle hérite avec fierté.

d.   La culture générale de l’alimentation pendant l’enfance et l’adolescence

La rapporteure pour avis de la commission du développement durable ainsi que Mme Monique Limon et les membres du groupe La République en Marche ont porté ce nouvel objectif de favoriser l’acquisition pendant l’enfance et l’adolescence d’une culture générale de l’alimentation soulignant les enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique liés aux choix alimentaires.

L’alimentation occupe un rôle central dans le développement de la société, en se situant à la croisée d’enjeux multiples qui touchent à la santé, au développement durable, à la formation, au lien social, ou au patrimoine. Il convient de renforcer l’éducation des plus jeunes à l’alimentation ; les enfants d’aujourd’hui sont les consommateurs et les citoyens de demain.

Article 11 duodecies
(article L. 611-6 du code rural et de la pêche maritime)
Certification des démarches agroécologiques

Cet article est issu d’un amendement défendu par M. Dominique Potier et l’ensemble de ses collègues du groupe Nouvelle Gauche. Il a pour objet de préciser la définition législative de la mention « haute valeur environnementale » (HVE) pour la lier spécifiquement à la démarche agroécologique, ce qui contribue à faire de la HVE la mention valorisante de l’agroécologie.

Votre commission a adopté cet amendement, malgré un avis défavorable du Gouvernement et un avis de sagesse de votre rapporteur.

Article 11 terdecies
(articles L. 640-2 et L. 641-19-2 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Nouvelle mention valorisante : la « haute valeur nutritionnelle »

Votre rapporteur a proposé à votre commission d’adopter un amendement, dont est issu cet article, afin de reconnaître dans la loi une nouvelle mention valorisante, la « haute valeur nutritionnelle ».

En effet, les exploitations agricoles qui s’inscrivent dans une démarche durable de diversification de la nourriture animale, qui réhabilitent certaines cultures comme le lin, la luzerne ou le sainfoin, ont un impact positif sur l’environnement, sur la santé des animaux et sur la qualité des produits vendus aux consommateurs. En effet, cette diversification de la nourriture consommée par les animaux permet de gagner en densité nutritionnelle (vitamines, minéraux), et l’utilisation de soja ou de compléments alimentaires, pour compenser le recours excessif au maïs ou au blé, devient moins pertinente.

En reconnaissant une nouvelle mention valorisante mettant en avant les exploitations qui s’engagent dans la qualité nutritionnelle des intrants alimentaires pour les animaux d’élevage et permettent la montée en gamme de leur production, cet amendement encourage le développement d’un cercle vertueux bénéfique à tous.

Plusieurs amendements similaires ont été défendus par les membres de votre commission, mais n’inscrivaient pas leur dispositif dans le cadre européen qui limite le recours aux allégations de nature nutritionnelle ou de santé. Sur le fond, ces amendements ont été satisfaits par la rédaction du présent article.

*

*     *

La commission est ensuite saisie des amendements identiques CE1302 de Mme Monique Limon et CE1858 de M. Marc Fesneau.

Mme Monique Limon. Les agriculteurs doivent pouvoir valoriser, dans le cadre de l’agroéconomie et des circuits courts, la production d’énergie réalisée dans leur exploitation à partir de déchets et de coproduits de l’agriculture et disposer ainsi de revenus complémentaires. À cette fin, il convient de compléter le 12° de l’article L. 1 du Livre préliminaire du code rural, qui définit les objectifs de la politique en faveur de l’agriculture, de l’alimentation et de la pêche maritime, en ajoutant aux notions de « valorisation optimale et durable » et d’« économie circulaire » celle de « retour de la valeur ».

En effet, la méthanisation doit bénéficier aux agriculteurs qui valorisent ainsi les coproduits de l’agriculture dans une perspective d’économie circulaire. Cette technique nouvelle et la production de biométhane reposent aujourd’hui à 90 % sur les potentiels agricoles et sur la capacité des agriculteurs à lancer des projets dans ce domaine. Il convient donc de sanctuariser la boucle de valeur autour de la valorisation énergétique des déchets et des coproduits agricoles, en précisant dans le code rural que les produits de la vente de l’énergie ainsi créée doivent bénéficier en premier lieu aux exploitants et agriculteurs qui fournissent la matière première.

Par ailleurs, l’utilisation, pour les engins agricoles, du biogaz naturel produit grâce à la méthanisation sera prochainement rendue possible grâce à la modification du règlement européen relatif à la réception des véhicules agricoles et de ses actes délégués.

En résumé, nous proposons que la méthanisation soit prise en compte en tant que complément de revenus pour les agriculteurs.

M. Philippe Bolo. L’amendement CE1858 tend également à favoriser la valorisation économique d’un certain nombre de produits issus de l’agriculture, grâce notamment à la méthanisation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis favorable à ces amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis favorable. Il s’agit d’une bonne occasion, pour les agriculteurs, de diversifier leurs revenus.

Mme Delphine Batho. Je ne veux pas faire de l’archéologie législative mais, en tant qu’auteure du 120 de l’article L. 1 du code rural, je souscris bien volontiers à ces amendements, qui sont fidèles à l’esprit de cette disposition.

M. le président Roland Lescure. Ce n’est pas de l’archéologie : c’est de l’autobiographie. (Sourires.)

La commission adopte ces amendements.

Puis elle examine lamendement CE1738 de M. Dominique Potier.

M. Guillaume Garot. En 2012, choisir l’agro-écologie suscitait la controverse ; aujourd’hui, on s’aperçoit qu’elle représente le seul avenir crédible. Mais il nous faut franchir une nouvelle étape en donnant un contenu à cette notion grâce à la norme HVE (Haute valeur environnementale). Celle-ci serait, non pas une dénomination supplémentaire, mais une marque territoriale qui permettrait de valoriser des pratiques nouvelles et nécessaires si nous voulons réconcilier l’économie et l’écologie dans une démarche de développement durable.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La démarche est intéressante. Sagesse.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le souhait d’une amplification de la HVE a été exprimé pendant les États généraux de l’alimentation. En effet, les initiatives se multiplient pour que les exploitations adoptent les pratiques agro‑écologiques. La HVE est une démarche publique qui permet de fédérer et de valoriser un certain nombre d’initiatives autour d’un référentiel commun afin de les rendre beaucoup plus efficaces pour l’environnement et lisibles pour la société. Toutefois, soucieux de ne pas fermer la porte à d’autres démarches agro-écologiques, je vous propose de rectifier votre amendement en remplaçant les mots : « la mention valorisante » par les mots « l’une des mentions valorisantes ».

M. Dominique Potier. Il s’agit d’un amendement clé, qui reprend l’un des points saillants des EGA. Si nous banalisons la certification HVE, en en faisant une mention valorisante parmi d’autres, et si nous ne la relions pas à l’agro‑écologie telle qu’elle est définie dans la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014, nous manquons un rendez-vous important. C’est pourquoi votre proposition de rectification ne me convient pas, monsieur le ministre. Je vous suggère néanmoins un compromis, qui consisterait à ajouter l’adverbe : « notamment ». Le second alinéa de l’amendement serait donc ainsi rédigé : « Cette certification est notamment la mention valorisante de la démarche agro-écologique […] ».

Si nous ne favorisons pas la lisibilité de l’agro-écologie, ce sont les marques privées qui s’imposeront. Il faut donc que la puissance publique définisse une marque qui soit un repère pour les consommateurs, les producteurs et les transformateurs. Ainsi nous réconcilierions la loi d’avenir de l’agriculture et le Grenelle de l’environnement dans le cadre des États généraux de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Tout d’abord, je veux vérifier que votre proposition est acceptable au plan juridique. Ensuite, il n’est pas question de tout livrer au privé. Il s’agit d’intégrer au champ de l’agro-écologie les expérimentations menées dans les territoires et les démarches de qualité qui vont dans le bon sens. Nous voulons pouvoir emmener tout le monde. Si l’on ne retenait que la certification HVE niveau 3, par exemple, non seulement le col serait très difficile à grimper, mais on accrocherait en plus un poids au vélo, alors que si nous acceptons d’autres mentions valorisantes, nous pourrons emmener sur le porte-bagages d’autres populations, d’autres territoires. Ma proposition de rectification est conforme à votre démarche. N’enfermez pas l’agro-écologie dans une seule mention valorisante. Nous partageons le même objectif, la même ambition agro-écologique pour notre agriculture.

M. Dominique Potier. Puisque vous ne me laissez pas le choix, monsieur le ministre, j’accepte votre proposition de rectification, mais je regrette profondément que nous n’ayons pas pu en parler auparavant. Quoi qu’il en soit, nous reviendrons sur cette question en séance publique, car il faut que la puissance publique affirme ce qu’est l’agro-écologie, faute de quoi les distributeurs tromperont les consommateurs. La chaîne de valeur passe par ce type de reconnaissance. Le contrat tripartite de valeur et la HVE sont les deux dispositifs qui, au terme de 33 heures de débat, ont fait l’unanimité lors des États généraux de l’alimentation. Ils ont été retenus par au moins cinq ateliers ; ce n’est pas rien.

J’accepte donc le compromis, mais je vous donne rendez-vous lors de l’examen du texte en séance publique, pour que nous approfondissions cette question ensemble, car je sais que, sur le fond, nous partageons les mêmes valeurs.

M. Guillaume Garot. Il s’agit d’un véritable débat de fond. Il faut arrêter de penser que tous les types d’agriculture ou d’alimentation se valent. Ce n’est pas vrai ! Or, le rôle de l’État est d’indiquer la direction à suivre, en particulier en matière d’agriculture et d’alimentation. Notre proposition s’inspire des conclusions des États généraux de l’alimentation, qui ont permis de bâtir des consensus extrêmement forts, grâce à la discussion et à l’intelligence collective. On ne peut pas s’asseoir là-dessus. Il faut, au contraire, s’en inspirer pour permettre à l’ensemble de nos agricultures de se retrouver autour d’objectifs communs. La Haute valeur environnementale, qui, je le rappelle, a une dimension territoriale, est un de ces outils, mais ne la mettez pas au même niveau que les autres.

M. le président Roland Lescure. Je vais donc mettre aux voix l’amendement CE1738 ainsi rectifié : « Après la première phrase de l’article L. 611-6 du code rural et de la pêche maritime, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Cette certification est l’une des mentions valorisantes de la démarche agro-écologique telle que définie au titre II de l’article L. 1 du présent code. »

La commission adopte lamendement ainsi rectifié.

Elle examine ensuite lamendement CE1409 de Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Il s’agit d’ajouter aux objectifs, essentiellement liés au développement économique et à l’information des consommateurs, définis à l’article L. 640‑1 du code rural et de la pêche maritime, l’objectif suivant : « promouvoir les produits issus d’exploitations respectueuses de la biodiversité, du climat et de hauts standards de bien-être animal ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je ne souhaite pas que les cahiers des charges de l’ensemble des signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) et des mentions valorisantes soient modifiés pour intégrer ces différents aspects : le risque d’une déstabilisation économique est trop grand. Quant au bien-être animal, nous en discuterons à l’article 13, auquel des modifications seront apportées.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Votre objectif est louable, madame Panot, mais votre amendement n’a pas de valeur législative. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE231 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement vise à préciser que la politique conduite dans le domaine de la qualité et de l’origine des produits agricoles, forestiers ou alimentaires doit promouvoir également les produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée. À titre d’exemple, le soja OGM importé, qui peut être utilisé dans l’alimentation des animaux, est aujourd’hui la deuxième cause de déforestation importée dans le monde et la première cause de déforestation en Europe.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je ne suis pas favorable aux amendements qui modifient le cadre dans lequel s’inscrivent les agriculteurs bénéficiant de SIQO ou de mentions valorisantes. Ce cadre est opérationnel – les cahiers des charges sont définis notamment par les interprofessions –, les produits de ces agriculteurs sont reconnus et contribuent à la qualité de notre modèle alimentaire. Votre amendement, qui pourrait affecter une grande partie des élevages français produisant de la viande labellisée, présente un risque de renchérissement des produits labellisés, en raison d’une hausse des coûts de certification et d’approvisionnement, et donc de déstabilisation. De plus, on ne sait pas ce que recouvre le concept de déforestation importée. Nous examinerons ultérieurement un amendement un peu moins contraignant par lequel il sera proposé qu’un rapport définisse précisément ce concept. Avis plutôt défavorable, donc.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La France doit se doter, dans le cadre du Plan Climat lancé à l’été 2017, d’une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) ; celle-ci est en cours d’élaboration. En outre, la notion de déforestation n’est pas forcément définie dans le code rural, de sorte que votre amendement pourrait être inopérant. Je lui préfère donc celui qui sera défendu tout à l’heure par votre rapporteur et qui a pour objet de demander au Gouvernement un rapport sur ce sujet très important. Avis défavorable.

Mme Sandrine Le Feur. Cet amendement est très important pour impulser la transition agricole et favoriser l’évolution de l’alimentation des animaux : il faut développer les protéines végétales françaises. Ce sujet a, du reste, fait consensus au sein de l’atelier 11 des États généraux de l’alimentation. Il est important de le prendre en compte.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement CE2043 du rapporteur, les amendements identiques CE232 de la commission du développement durable et CE1530 de Mme Monique Limon, ainsi que les amendements CE1874 et CE1875, tous deux de M. Thierry Benoit.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les exploitations agricoles qui s’inscrivent dans une démarche durable de diversification de la nourriture animale et qui, à cette fin, réhabilitent certaines cultures, comme le lin ou la luzerne, ont un impact positif sur l’environnement, la santé des animaux et la qualité des produits vendus aux consommateurs. En effet, la diversification de la nourriture consommée par les animaux permet d’accroître sa densité nutritionnelle. En reconnaissant une nouvelle mention valorisante mettant en avant les exploitations qui s’engagent dans la qualité nutritionnelle des intrants alimentaires pour les animaux d’élevage et permettent la montée en gamme de leur production, cet amendement encourage le développement d’un cercle vertueux bénéfique à tous.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. L’amendement CE232, qui a été adopté à une large majorité par la commission du développement durable, vise à créer une nouvelle mention valorisante pour les démarches collectives présentant un intérêt nutritionnel et environnemental.

Mme Monique Limon. L’amendement CE1530, qui s’inspire des conclusions de l’atelier 9 des États généraux de l’alimentation, vise à créer une nouvelle mention valorisante pour les démarches collectives d’agriculture présentant un intérêt nutritionnel et environnemental, et à renforcer l’éducation à l’alimentation en précisant que la politique de l’agriculture et de l’alimentation favorise l’acquisition d’une culture générale de l’alimentation.

M. Thierry Benoit. Je me suis abstenu de prendre la parole dans la discussion que nous avons eue sur la Haute valeur environnementale, car je pensais à des agriculteurs de Bretagne qui se sont fédérés il y a plus d’une vingtaine d’années au sein de l’association Bleu‑Blanc-Cœur, laquelle regroupe des agriculteurs, des scientifiques, des transformateurs, des distributeurs et des consommateurs. Dans ce cadre, ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui apprennent aux consommateurs l’« agriculture à vocation santé », qui réhabilite des plantes anciennes, telles que la luzerne, le lupin et le sainfoin. Je suppose, monsieur le rapporteur, que votre amendement est plus pertinent que les miens, puisque vous avez bénéficié des conseils de l’administration. Mais je me réjouis que le ministre et vous soyez sensibles à ces questions.

Il y a dix ans, Michel Barnier était venu rendre visite à ces agriculteurs, car il avait jugé leur initiative intéressante. Celle-ci relève du même esprit que la proposition de M. Potier. C’est pourquoi M. le ministre a raison de ne pas vouloir limiter les démarches. L’environnement est une chose, mais l’agriculture à vocation santé ou à vocation nutritionnelle mérite également d’être encouragée. Si, ce texte reconnaît les initiatives prises par les agriculteurs pour créer de la valeur ajoutée et améliorer le revenu des producteurs, nous aurons atteint notre objectif.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’avantage de mon amendement CE2043 est qu’il prend en compte le règlement européen dit « Allégations nutritionnelles ». Ne s’inscrivant pas dans le cadre de ce règlement, les autres amendements sont contraires au droit de l’Union européenne.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Une telle mention équivaudrait à une allégation nutritionnelle. Il conviendrait donc qu’elle soit conforme au règlement européen sur le sujet et prévu dans son annexe, ce qui n’est pas le cas à ce stade. Je vous demanderai donc de retirer ces amendements.

M. le président Roland Lescure. Y compris celui du rapporteur ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Tous.

M. Guillaume Garot. Je ne comprends pas la position du Gouvernement. On est là face à une démarche de progrès qui est proposée, en effet, par l’association Bleu-Blanc-Cœur. Il faut marquer l’attachement de la puissance publique à ce type de démarches car cela répond en tous points aux attentes des citoyens – des consommateurs bien sûr mais aussi des producteurs : plus de qualité dans l’assiette rémunère mieux le producteur. Si on ne reconnaît pas ce type de démarches, elles ne pourront bénéficier des dispositions de l’article 11.

M. Nicolas Turquois. Il y a une confusion entre l’objectif et les moyens qu’on instaure pour y parvenir. Citer toutes les mentions valorisantes possibles n’est pas l’objet de la loi. Pour moi, c’est à la politique gouvernementale qu’il revient de mettre en valeur toutes ces démarches – sur lesquelles nous sommes tous d’accord. Je préfère l’approche de M. Jumel à cette approche restrictive dans sa finalité.

Mme Delphine Batho. Si cet amendement n’est pas adopté, les produits Bleu-Blanc-Cœur n’entreront pas dans le champ de l’article 11 sur la restauration collective.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Si, car tout ce qui est nutritionnel relève du droit communautaire.

M. Dominique Potier. Les leviers de la Haute valeur environnementale et de la Haute valeur nutritionnelle sont bien plus puissants que toutes les mesures qu’on prendra par ailleurs. La conclusion des EGA est qu’il faut que la consommation tire la valeur jusqu’au producteur. Chaque fois que des producteurs se regroupent, il faut que la puissance publique les y encourage en leur disant qu’ils vont dans le sens de l’histoire et qu’ils affranchissent la France de sa dépendance aux protéines importées et aux pesticides.

M. Sébastien Jumel. Je crois en la valeur symbolique de la loi. Si la loi ne régule pas, n’a pas de portée symbolique et n’entraîne pas nos concitoyens vers des valeurs qui les rassemblent, elle ne sert plus à rien, on est dans le libéralisme et la loi du marché reprend le dessus. Puisque le ministre est d’accord avec notre objectif mais qu’il juge superfétatoire d’apporter cette précision parce qu’elle est déjà prévue par ailleurs, je propose, comme il y a un doute, qu’on adopte quand même cet amendement.

M. Richard Ramos. L’association Bleu-Blanc-Cœur rassemble des gens qui pensent que quand une bête mange de la nourriture de qualité, on obtient à la sortie des produits sains et de qualité. C’est une belle logique. Les parlementaires que nous sommes doivent soutenir tout ce qui, symboliquement, va dans ce sens. C’est cette montée en gamme et en qualité qu’attend le consommateur.

La commission adopte lamendement CE2043 du rapporteur. En conséquence, les amendements CE232, CE1530, CE1874 et CE1875 deviennent sans objet.

Elle en vient aux amendements identiques CE1721 de M. Loïc Prudhomme, CE38 de M. Jean-Yves Bony et CE51 de M. Vincent Descoeur.

Mme Mathilde Panot. Nous voudrions créer pour la filière bovine viande et laitière une mention valorisante « élevé à l’herbe », dont l’obtention serait soumise à trois conditions : un minimum de pâturage, un chargement maximal à l’hectare et 90 % d’herbe dans la ration. Cette mention contribuerait à nous faire revenir à des pratiques d’élevage raisonnées profitant à l’éleveur et au consommateur qui saurait, lorsqu’il achète de la viande ou du lait, ce qu’il consomme réellement.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cette mention devient superflue si nous adoptons ma proposition, plus générale, de mention de la haute qualité nutritionnelle de la nourriture pour animaux, mention qui comprend l’élevage à l’herbe. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Bony. L’amendement CE38 vise à aller plus loin dans l’information du consommateur en spécifiant comment sont élevés les animaux grâce à une mention valorisante « élevé à l’herbe » assortie de conditions telles qu’un certain pourcentage de pâturage et un chargement maximum à l’hectare. Cette mention pourrait largement être utilisée par nos éleveurs.

M. Vincent Descoeur. Cette mention « élevé à l’herbe » me semble une bonne idée. Elle permettrait de rappeler si besoin était la contribution au stockage de carbone des éleveurs qui font paître leurs animaux dans les prairies. Cette mention pourrait être bénéfique aux éleveurs de montagne.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Les politiques publiques en faveur de la valorisation de produits encadrent déjà un processus global de production. Nous partageons l’objectif d’un temps de pâturage le plus long possible chez les bovins mais les modes actuels de valorisation remplissent déjà cette exigence. Les cahiers des charges des signes de l’origine et de la qualité en ont fait une exigence depuis longtemps. Attention aussi à la notion de viande bovine « élevée à l’herbe » : un bovin peut être élevé à l’herbe mais la manger sur du béton. Ce sont les feed lots des élevages nord‑américains. Un cahier des charges spécifique sur ce seul sujet n’est pas raisonnable au regard de la complexité que cela implique. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle aborde lamendement CE1374 de M. Loïc Prudhomme.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement prévoit que, dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi, les différents SIQO, labels et mentions valorisantes devront intégrer dans leurs cahiers des charges le respect de l’environnement. Il nous semble très important, dans le cadre de la transition agricole, que ces signes d’identification et d’origine intègrent le respect du bien‑être animal, de l’environnement et de la biodiversité.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les SIQO sont plutôt efficaces. Leurs cahiers des charges sont stabilisés et les exploitations concernées ont investi pour respecter leurs critères relativement stricts. La dimension durable est intégrée dans la plupart de ces cahiers des charges – label rouge, bio et HVE. Il n’est donc pas opportun d’en ajouter dans la loi.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

Mme Mathilde Panot. Monsieur le rapporteur nous indique qu’il y a déjà une dimension durable dans la plupart des cahiers des charges. Laisser cinq ans pour que ce soit le cas dans tous les cahiers des charges ne me paraît donc pas déraisonnable.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1660 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Avant de parler de l’amendement CE1660, je voudrais retirer l’amendement CE1653 qui concernait la HVE. J’avais présenté cet amendement en commission du développement durable et monsieur le ministre avait indiqué vouloir laisser la HVE parmi les mentions valorisantes, donc aux mains des territoires et que c’était plutôt aux SIQO de « verdir ». Ce constat a été partagé lors des EGA avec l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO). D’où mon amendement de repli CE1660. Si la HVE ne peut devenir un SIQO, c’est plutôt au SIQO d’intégrer la HVE. Cet amendement, travaillé avec les agriculteurs, vise à permettre aux SIQO d’intégrer progressivement dans leurs cahiers des charges les indicateurs de la haute valeur environnementale. Je rappelle que les SIQO traditionnels, comme les indications géographiques protégées (IGP) et appellations d’origine protégée (AOP), ne comportent pas d’engagement en faveur de l’environnement.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il faut faire confiance aux filières et aux professionnels pour qu’ils modifient leur cahier des charges et qu’ils le proposent à l’INAO pour validation. Le consommateur est en train de prendre conscience de la nécessité de prendre en compte l’environnement dans la façon de produire. Les producteurs et les filières n’ont pas besoin de la loi pour intégrer la dimension environnementale dans leurs cahiers des charges. Ce processus est d’ailleurs déjà en cours. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Mme Frédérique Tuffnell. Une exigence sociétale ne suffit pas toujours. Un coup de pouce du législateur est souvent nécessaire et permettrait d’atteindre beaucoup plus vite les objectifs que nous nous sommes fixés en matière environnementale.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1769 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il s’agit, là aussi, de donner une dimension environnementale aux SIQO et à toutes les mentions valorisantes. Je ne comprends pas vos réserves. Les SIQO représentent aujourd’hui une part importante de la production agricole. On ne peut pas dire que l’on veut faire de l’agro-écologie et laisser les SIQO de côté. Les SIQO ne concernent pas seulement les qualités organoleptiques ni un attachement au terroir. C’est aussi un cahier des charges environnemental d’intérêt général. Les SIQO doivent offrir une triple exemplarité : celle de la qualité gustative, celle de la qualité du terroir et celle du respect de l’environnement. Le rapport que vous avez commandé, monsieur le ministre, au Centre d’études agricoles énonce très clairement que l’INAO est un bel outil pour engager une mutation stratégique et que les responsables professionnels – le directeur et les agents de l’INAO – ont à cœur de relever les défis de l’excellence environnementale par étapes, notamment en utilisant le levier des niveaux 1, 2 et 3 de la HVE comme un cheminement vers l’excellence environnementale. Je souhaiterais qu’on puisse dialoguer avec l’INAO sur ces sujets, compte tenu du large consensus en la matière.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Dialoguer avec l’INAO, pourquoi pas, mais je ne suis pas favorable à l’idée d’imposer les choses par la loi. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Lamendement CE1653 est retiré.

La commission examine lamendement CE1664 de Mme Célia de Lavergne.

Mme Célia de Lavergne. Cet amendement vise à créer une mention « marque France » dont les modalités seraient définies par décret. L’État aurait l’obligation de promouvoir ces produits. Nous pourrions ainsi dépasser la seule logique nutritionnelle de la promotion que fait l’État sur les produits français. Cette marque France serait le reflet de normes sociales, sanitaires et environnementales.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement pose quelques problèmes. Tout d’abord, il porte sur l’ensemble des biens produits et transformés essentiellement en France, et non seulement sur les produits alimentaires. Il est donc très général par rapport au périmètre de notre loi. Ensuite, les indications géographiques sont encadrées par le droit de l’Union européenne pour les produits alimentaires. Enfin, les consommateurs sont déjà bien informés.

En fonction de la réponse de M. le ministre, j’émettrai un avis de sagesse ou défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Créer une marque France poursuit un objectif louable de valorisation de l’origine française des produits. C’est ce que souhaitent les consommateurs mais ces derniers sont déjà protégés par les dispositions du code de la consommation qui prohibent et qui sanctionnent les pratiques commerciales trompeuses sur l’origine d’un produit. Depuis 2010, il existe un label « Origine France garantie » qui est attribué par un organisme certificateur aux produits alimentaires et industriels qui respectent un cahier des charges garantissant leur origine française. Il faut éviter de multiplier les mentions valorisantes sans quoi les consommateurs risquent de s’y perdre entre les différents sigles. Les filières se sont engagées à utiliser ces mentions. Nous allons aussi développer à l’export un label France qui permettra d’identifier les produits qui répondent aux exigences de qualité qui sont les nôtres. Dans la loi, laissons-nous plutôt guider par la feuille de route des États généraux et faisons en sorte de ne pas ajouter trop de mentions. Avis défavorable.

M. Richard Ramos. Aujourd’hui, la loi ne protège pas le consommateur. Dans n’importe quel magasin, les salades portent la mention « fabriqué en France » et le logo bleu blanc rouge mais l’ensemble des ingrédients sont mentionnés au dos de l’emballage comme provenant de l’Union européenne voire de l’extérieur de l’Union. Il en va de même pour 90 % des pizzas. La fraude permet de tromper le consommateur qu’il faut donc quand même protéger. Il faut des marques d’État et je sais que vous y travaillez.

Mme Célia de Lavergne. Je comprends vos arguments, monsieur le ministre. Il est vrai que la feuille de route de l’alimentation du Gouvernement contient plusieurs dispositifs destinés à valoriser le Label France.

Je termine par une suggestion. Vous nous avez renvoyés à plusieurs reprises au Conseil national de l’alimentation lorsque nous avons évoqué l’étiquetage. Comme les questions relatives à l’alimentation reviennent souvent dans nos débats, peut-être serait-il bon que des parlementaires siègent au sein de cette instance.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ces échanges ont toute leur place au sein du Conseil national de l’alimentation, qui, comme le veut la feuille de route des EGA, tend à devenir un véritable Parlement de l’alimentation avec des pouvoirs renforcés et la prise en compte de nouvelles thématiques.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1572 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Cet amendement vise à appeler votre attention sur les déchets produits par la restauration commerciale et collective du seul fait de l’utilisation aussi massive qu’inutile de matières plastiques, notamment pour la consommation de boissons.

Nous proposons d’interdire en 2020 à la fois la vente de pailles en plastique non biodégradable et leur mise à disposition dans la restauration. Cela permettra de franchir une étape supplémentaire pour atteindre l’objectif que s’est fixé le Gouvernement : recycler 100 % des plastiques d’ici à 2025.

Rappelons que 3,2 milliards de pailles en plastique sont utilisées en France dans le seul marché de la restauration rapide.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’interdiction des pailles en plastique me semble éloignée de l’objet de ce projet de loi. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cet amendement est en effet sans lien avec le projet de loi et je vous demanderai de bien vouloir le retirer. Cela n’exclut toutefois pas de travailler à cette problématique en examinant selon quel calendrier et selon quelle trajectoire aboutir à l’interdiction.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1570 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Dans le même esprit, je souhaite appeler votre attention sur la consommation des capsules de café qui atteint 2 milliards d’unités par an. L’objectif de cet amendement est de favoriser la mise en place de filières à responsabilité élargie parmi les producteurs de ce type de produits à usage unique.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Comme pour l’amendement précédent, votre proposition s’inscrit dans un champ plus large de gestion des déchets et de valorisation de l’économie circulaire. Nul doute que la secrétaire d’État Brune Poirson prendra en compte ces thématiques dans sa feuille de route sur l’économie circulaire. Défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable. Plusieurs démarches ont été engagées pour recycler les capsules de café et récupérer le café resté à l’intérieur pour en faire du compost mais aussi pour fournir des capsules réutilisables à remplir de café de qualité.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1373 de M. François Ruffin.

Mme Mathilde Panot. La certification de valeur environnementale a été identifiée lors des États généraux de l’alimentation comme une étape de la transition vers un modèle agricole écologique et paysanne. Cet amendement, qui n’est pas un amendement d’appel, prévoit un remboursement du coût de la certification Haute valeur environnementale via un crédit d’impôt la première année d’exploitation. Aujourd’hui, seules sept cents exploitations sont certifiées et nous pensons que davantage d’agriculteurs pourraient franchir ce pas si le verrou financier était levé.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement trouverait davantage sa place dans le projet de loi de finances puisqu’il touche à la matière fiscale.

Sur le fond, vous proposez d’étendre aux agriculteurs HVE le crédit d’impôt de 3 500 euros offert aux agriculteurs bio, indépendamment des aides à la conversion. Il faut maintenir l’attractivité de l’agriculture biologique, qui est plus exigeante que l’agriculture HVE en termes de cahier des charges.

La commission rejette lamendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE223 de la commission du développement durable et CE1582 de Mme Monique Limon, lamendement CE1465 de M. Didier Martin et lamendement CE1116 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Le développement de l’agriculture biologique est une attente forte, plébiscitée par nos concitoyens. Respectueuse de l’environnement, elle crée de l’emploi, préserve les écosystèmes et rémunère correctement les agriculteurs.

L’amendement CE223, adopté à une large majorité par la commission du développement durable, vise à faire apparaître dans la loi l’un des objectifs majeurs du futur programme « Ambition Bio », annoncé par le Président de la République dans son discours du 18 février 2018. Il fixe un pourcentage de surface agricole utile en agriculture biologique à atteindre à l’horizon de 2022. Il a vocation à accompagner le changement d’échelle de l’agriculture biologique en France, en cohérence avec l’article 11 du présent projet de loi.

Mme Célia de Lavergne. Dans l’esprit de la feuille de route de l’alimentation, il me semble important de tirer vers le haut la conversion à l’agriculture biologique. L’amendement CE1582, de nature très politique, est en parfaite cohérence avec les engagements pris par le Président de la République.

M. Didier Martin. Le développement de l’agriculture biologique permet de se rapprocher des objectifs fixés par le plan Ecophyto II, à savoir une réduction de 50 % du recours aux produits phytosanitaires d’ici à 2025.

M. Michel Delpon. Notre amendement CE1116 rejoint la proposition 14 du rapport de la mission d’information commune sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. L’agriculture biologique est un système alternatif à la réduction de l’utilisation des produits pharmaceutiques. Nous proposons d’assigner aux politiques publiques l’objectif d’atteindre 15 % de la surface agricole utile (SAU) en agriculture biologique d’ici à 2022, soit un doublement par rapport au pourcentage actuel.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable aux amendements identiques.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous avons indiqué que nous étions prêts à reprendre l’objectif de 15 % de SAU en agriculture biologique sous réserve que la concertation qui s’ouvre permette de déterminer les moyens pour y parvenir. Nous avons prévu une enveloppe de 1,1 milliard d’euros pour le développement de l’agriculture biologique.

Nous sommes également favorables aux amendements identiques sous réserve d’une modification qui consisterait à supprimer le 2° dont la rédaction est trop restrictive. L’objectif de 15 % porte sur l’ensemble des surfaces agricoles utiles engagées dans la conversion à l’agriculture biologique, y compris celles qui le seront depuis trop peu de temps pour bénéficier de la mention « agriculture biologique ».

Mme Célia de Lavergne. J’accepte de rectifier l’amendement en ce sens.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Moi aussi.

M. Thierry Benoit. Gardons les pieds sur terre et interrogeons-nous sur les conséquences concrètes pour les agriculteurs de cette augmentation des surfaces consacrées à l’agriculture biologique. Pourquoi avoir fixé 15 % plutôt que 10 %, 20 %, 30 % ou 40 % ? Quelles seront les incidences pour les commissions départementales d’orientation agricole ? Qu’est-il prévu pour les agriculteurs déjà passés à l’agriculture biologique et pour ceux qui veulent s’engager dans la transition ?

N’oublions pas que lorsque Mme Ségolène Royal avait décidé de ramener à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2025, l’objectif était apparu très vite irréaliste.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous avons fixé un objectif ambitieux de 15 %. Certains auraient voulu aller jusqu’à 30 % mais nous avons préféré retenir un pourcentage tenable. Nous avons lancé une concertation sur l’agriculture biologique qui débutera dans les jours qui viennent. Nous allons mobiliser 1,1 milliard d’euros pour accompagner la conversion, soutenir la structuration des projets, permettre aux agriculteurs déjà passés à l’agriculture biologique de travailler avec la restauration collective, aider celles et ceux qui s’engagent dans cette transition grâce à un crédit d’impôt bio et à la mise à disposition de terres, ce qui supposera de réfléchir à quels types de territoires nous voulons réserver à l’agriculture biologique, à la production laitière et à d’autres types de production. Mais je vous propose de revenir devant vous détailler cette feuille de route.

La commission adopte les amendements identiques CE223 et CE1582 rectifiés.

En conséquence, les amendements CE1465 et CE1116 tombent.

La commission examine en discussion commune les amendements CE1467 de M. Didier Martin et CE1117 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

M. Didier Martin. L’agriculture de conservation évite les conséquences nocives des labours, permet une bonne rentabilité économique et réduit l’usage des intrants, engrais, produits sanitaires et carburants sans les interdire totalement. Aujourd’hui, elle occupe 4 % de la surface agricole utile (SAU). Il est proposé d’inscrire dans la loi un objectif de 10 % à l’horizon 2025.

M. Michel Delpon. Notre amendement CE1117 reprend la proposition n° 15 du rapport de la mission d’information commune sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. L’agriculture de conservation sans labours ou semis direct constitue un progrès pour l’agriculture, notamment en matière de biodiversité. Nous souhaitons l’encourager en fixant l’objectif de porter sa part à 10 % de la SAU d’ici à 2022.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’agriculture de conservation du sol, que je connais bien, est une technique intéressante d’un point de vue environnemental. Cela dit, nous fixons déjà beaucoup d’objectifs chiffrés dans la loi. Parvenons déjà aux 50 % de bio, labels et mentions dans les cantines et aux 15 % de SAU en agriculture biologique et ne dilapidons pas nos efforts, notamment financiers, en multipliant les objectifs que nous ne sommes même pas sûrs d’atteindre tous.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation incite déjà les agriculteurs et producteurs à s’engager dans la transition agro-écologique et à prendre en compte la biodiversité, la conservation des sols, la gestion des intrants et diverses techniques agro-écologiques. Je vous propose de retirer vos amendements.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient aux amendements identiques CE1377 de Mme Mathilde Panot et CE1630 de M. Sébastien Jumel.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement vise à établir une définition des petites fermes au niveau législatif. Nous ne pouvons pas laisser perdurer un système où un agriculteur se suicide tous les deux jours, où un agriculteur sur trois gagne moins de 354 euros par mois. Pour aller vers la transition agricole que nous souhaitons, il faut favoriser les exploitations à taille humaine, intensives en main-d’œuvre. Nous avons retenu une surface de 30 hectares, ce qui correspond à 58 % de la surface moyenne des fermes françaises. S’approvisionner dans des fermes répondant à cette définition serait pour nos concitoyens une manière de soutenir l’emploi rural.

M. Sébastien Jumel. Il s’agit de promouvoir et de consolider des fermes à dimension humaine en s’appuyant sur une définition validée en 2002 par le Conseil supérieur d’orientation du ministère de l’agriculture et en y incluant des éléments actualisés. En officialisant la définition de petite ferme, cet amendement doit permettre aux citoyennes et citoyens, aux élus, aux personnes morales de droits public ou privé qui souhaitent favoriser l’emploi en milieu rural de s’approvisionner en produits alimentaires issus de ces petites fermes. Et, « double effet Kiss Cool », cela contribuera à revitaliser les petites communes rurales aujourd’hui bien abîmées.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je saisis mal la valeur ajoutée de la reconnaissance des « petites fermes » : cela ne renvoie à aucun label, aucune mention, aucune aide particulière. La Confédération paysanne défend pour ces exploitations un système de cotisations mieux adapté et plus juste mais cet élément n’est pas présent dans vos amendements.

En outre, les éléments que vous proposez sont beaucoup trop précis pour figurer dans la loi : ils relèvent de l’arrêté, qui peut être modifié de façon beaucoup plus souple pour s’adapter à la réalité économique des exploitations.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La loi n’est pas le bon vecteur pour définir ce qu’est une petite ferme ou pour fixer des seuils alors que ceux-ci doivent être régulièrement actualisés dans un contexte où l’agriculture évolue.

Ce qui importe avant tout, c’est la diversité des modèles. C’est cette diversité qui fait vivre l’agriculture française : des exploitations qui exportent, des exploitations qui reposent sur une agriculture de qualité, des petites fermes dont le modèle économique fonctionne. Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Sébastien Jumel. Deux remarques sur la forme : si les administrateurs ont validé nos amendements, c’est qu’ils considéraient avec expertise et intelligence que ceux-ci relevaient bien du domaine législatif. Par ailleurs, si nous n’avons pas intégré d’éléments relatifs aux cotisations sociales, c’est parce que vous auriez pu à juste titre nous opposer que cela relevait plutôt de la loi de financement de la sécurité sociale.

Sur le fond, soulignons que cette définition des petites fermes vise à prendre en compte une réalité, que vous connaissez, monsieur le ministre. Il ne s’agit pas d’opposer les modèles les uns aux autres. L’asphyxie financière des agriculteurs, la course à l’investissement qu’ils ont subie ont abouti à une concentration des exploitations avec des mastodontes qui tuent l’emploi agricole. Nous voulons inverser la logique de manière un peu volontariste. Tout cela pourrait être aussi précisé par décret. Si vous en prenez l’engagement, je considérerai que notre amendement aura été utile.

M. le président Roland Lescure. Je tiens à préciser que les services de l’Assemblée jugent de la recevabilité financière des amendements et ne se prononcent pas sur la forme. D’ailleurs, dans l’exposé sommaire, l’écriture inclusive – je m’en suis assuré – n’a pas été validée par l’administration de l’Assemblée…

Mme Sandrine Le Feur. Vous avez affirmé lors d’un autre échange, monsieur le ministre, qu’il n’y avait pas de définition des petites fermes et il serait peut-être utile d’en établir une d’une manière ou d’une autre. Dans l’atelier n° 11 des EGA, nous avons pris connaissance d’exemples de petites fermes qui collaborent sous forme de coopérative en mutualisant ventes et matériel et qui, ce faisant, s’en sortent plutôt mieux que des fermes de taille plus importante.

La commission rejette ces amendements.

La commission examine lamendement CE1368 de Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement inspiré par France Nature Environnement vise à préciser dans le code rural que le cadre réglementaire favorise l’installation des jeunes agriculteurs, qui doit constituer l’un des piliers de la transition écologique.

Nous vivons une situation de crise et d’urgence sociale très grave. Or, les petites fermes, qui font une utilisation intensive de la main d’œuvre et favorisent la transition vers le modèle agricole que nous souhaitons, créeraient 300 000 emplois en dix ans. Il faut donc encourager l’installation de jeunes agriculteurs, et cet amendement permettrait d’inscrire symboliquement cette ambition dans le code rural.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les jeunes agriculteurs qui se lancent dans l’agriculture biologique sont déjà aidés au titre de l’aide à la conversion à l’agriculture biologique et d’un crédit d’impôt. Il ne me semble pas opportun de réduire les aides à l’installation de jeunes exploitants qui n’auraient pas fait ce choix. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis. J’ajoute que, sur la forme, cet amendement est sans lien avec les finalités du projet de loi : c’est un cavalier.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CE1521 de M. François Ruffin.

Mme Mathilde Panot. La formation professionnelle est une dimension essentielle de la transition agricole. En l’état, le texte précise qu’elle contribue « à l’éducation au développement durable, à la promotion de la santé et à la mise en œuvre de leurs principes, ainsi qu’à la promotion de la diversité des systèmes de production agricole ». Compte tenu de l’urgence qui s’annonce, il nous semble de bon sens d’y ajouter la promotion des circuits courts et de l’agriculture biologique.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La mention de la « promotion de la diversité des systèmes de production agricole » me paraît satisfaire votre demande, tant pour l’agriculture biologique que pour l’agriculture de proximité. Il est inutile d’allonger indéfiniment cette énumération. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Tous les lycées agricoles ont adopté la démarche consistant à enseigner à produire autrement, qui aboutit à la refonte de l’ensemble des programmes afin d’y intégrer l’agro-écologie. D’autre part, toutes les exploitations agricoles des lycées agricoles publics sont engagées dans des démarches agro‑écologiques visant à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1369 de M. Loïc Prudhomme.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement vise à attribuer les aides financières en priorité aux exploitations qui reposent sur des systèmes de production agro-écologiques. Je ne me fais guère d’illusion sur l’avis que recueillera cette proposition mais il me semble important de préciser que la PAC doit cesser de financer un système productiviste ou, du moins, cesser d’assurer la compétitivité de ce système dominant au détriment de l’agriculture biologique.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le fléchage des aides financières de l’État en direction d’exploitations agroécologiques ou disposant de la mention HVE est inopportune car elle déstabilise un système de subventions déterminé par la PAC et par des mesures nationales qui reposent sur un équilibre longuement négocié. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE1370 de M. François Ruffin.

Mme Mathilde Panot. M. le rapporteur nous parle d’un modèle équilibré : avec un suicide d’agriculteur tous les deux jours, un agriculteur sur trois percevant moins de 354 euros par mois, l’équilibre me paraît devoir être profondément repensé – et je passe sur les produits phytosanitaires et les nombreux scandales sanitaires qu’ils provoquent.

Cet amendement vise à ce que les établissements de l’enseignement agricole dispensent 50 % d’initiation aux méthodes relatives à l’agriculture biologique d’ici à 2020. Pour y parvenir, les exploitations des lycées agricoles publics devront réserver la moitié de leur surface et de leurs équipements à des pratiques sans intrants chimiques ni pesticides et, dans le même délai, réduire de 50 % le recours aux produits phytosanitaires. Les lycées agricoles doivent devenir les pilotes de la transition agroécologique.

M. le président Roland Lescure. Je précise, madame la députée, que depuis le début de la législature, la commission des affaires économiques – dont je sais que vous n’êtes pas membre – a conduit de nombreux travaux sur la question des revenus et des conditions de vie des agriculteurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Étant moi-même agriculteur, je connais bien ces problématiques. Évitons de raconter n’importe quoi en mélangeant tout. Cet amendement est beaucoup trop précis pour figurer dans la loi, qui doit guider le projet pédagogique des établissements de formation agricole sans le déterminer à un tel degré de détail. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Depuis quelques années, les lycées agricoles se sont déjà engagés en faveur de la transition agroécologique, dans les formations comme dans leurs pratiques sur les exploitations.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CE1522 de Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. J’entends, monsieur le président, que vous avez déjà longuement débattu de ces sujets et que je ne suis pas membre de cette commission, mais nous avons nous aussi procédé à de très nombreuses auditions. Évitons donc les arguments d’autorité voire de mépris ; cela rendrait la suite de la discussion plus agréable.

M. le président Roland Lescure. Loin de moi l’idée d’être méprisant à votre égard, madame Panot : si c’est le sentiment que vous a laissé mon propos, je vous prie de m’en excuser. Je précise simplement que les statistiques que vous avez évoquées l’ont déjà été à maintes reprises dans cette commission. Vous n’en avez donc pas le monopole, même si vous êtes parfaitement autorisée à les répéter où vous le souhaitez.

Mme Mathilde Panot. Je vous remercie pour cette mise au point.

Par l’amendement CE1522 qui porte à nouveau sur la formation, nous proposons d’intégrer l’enseignement de l’agroécologie au cœur des missions des établissements supérieurs agricoles publics, en partenariat avec des exploitations agricoles qui promeuvent cette pratique.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. La loi est déjà assez précise puisqu’elle encourage les formations agricoles de l’enseignement supérieur à promouvoir l’agroécologie. Les signatures de conventions entre exploitations agricoles et ateliers technologiques de l’enseignement technique ne sont pas du niveau législatif. Les exploitants agricoles peuvent aussi refuser de signer des conventions avec ces ateliers ; ce n’est pas à la loi de le leur imposer.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis. Je rappelle en outre que tous les établissements d’enseignement agricole dispensent des formations à l’agroécologie, notamment depuis l’entrée en vigueur de la loi d’avenir de 2013.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE1443 de Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Toujours mus par l’ambition de réaliser un projet agricole et alimentaire d’intérêt général, nous proposons de fixer les nouveaux objectifs suivants : 20 % de la surface agricole utile en agriculture biologique en 2020 et 50 % en 2025.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Par l’un de ses amendements, la rapporteure pour avis a déjà proposé de porter la part de la SAU consacrée à l’agriculture biologique à 15 % d’ici à 2022. Atteignons déjà cet objectif en l’assortissant des nécessaires financements correspondants avant d’envisager l’étape suivante.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE1288 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement important vise à ce que soit présentée une évaluation des moyens publics et privés à mobiliser pour la période à venir afin d’atteindre l’objectif de 15 % de la SAU en agriculture biologique. Cette question suscite de nombreuses craintes – justifiées ou non – et quelques postures. Il me semble indispensable d’évaluer les moyens nécessaires à l’échelle européenne, nationale et régionale afin de rassurer l’ensemble des acteurs. Le ministère a déjà fait des annonces rassurantes il y a quelques jours mais les craintes et les postures perdurent – je pense en particulier à certains conseils régionaux. Il faut tous nous asseoir autour d’une table afin d’examiner les mêmes chiffres : le rapport demandé devrait évaluer les moyens non seulement publics mais aussi privés, qui constituent une voie de financement importante pour la suite. Transparence et travail collectif : voilà comment nous pourrons lever les craintes.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le Gouvernement a présenté un programme « Ambition bio 2022 » qui détaille déjà les moyens qu’il souhaite consacrer au développement de l’agriculture biologique ; ce rapport ne me semble donc pas utile. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’objectif de 15 % a été fixé et les moyens nécessaires sont d’ores et déjà prévus à hauteur de 1,1 milliard d’euros pendant la période du programme contre 0,7 milliard pour la période précédente, soit une augmentation de 62 %. C’est un objectif ambitieux que nous avons les moyens d’atteindre en entraînant bon nombre de nos concitoyens dans cette démarche vertueuse. À ce stade, il n’est pas nécessaire de commander un rapport à ce sujet.

M. Thierry Benoit. Lorsque nous avons adopté l’amendement fixant l’objectif de 15 % de SAU en agriculture biologique à l’horizon 2022, le ministre a été interrogé sur les moyens qu’il déploierait pour l’atteindre. Il nous a alors décrit son plan stratégique, monsieur Orphelin. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait demander un rapport avant même l’exécution de ce plan. La cohérence veut que l’on fixe d’abord une tendance – l’objectif de 15 % – puis que le ministre, qui est à la manœuvre, applique une stratégie, suite à quoi c’est plutôt une évaluation qu’un rapport qui sera nécessaire.

M. Matthieu Orphelin. Je retire l’amendement mais cette demande de rapport, au fond, servait à faire écho aux inquiétudes des acteurs de terrain. Il y a moins d’un mois, par exemple, le conseil régional des Pays de la Loire a fait comprendre aux agriculteurs qu’aucun financement n’est plus disponible pour les conversions d’exploitations à l’agriculture biologique dans la région. Ce sont de faux discours : les moyens existent, il faut rassurer les acteurs. En attendant d’en rediscuter, je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1376 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement, fruit d’une discussion avec l’association Fermes d’avenir, vise lui aussi à demander au Gouvernement de remettre un rapport sur les services écosystémiques que rendent les paysans, et de proposer des systèmes innovants de rémunération. En effet, c’est souvent le levier fiscal qui est utilisé pour modifier les comportements des acteurs, mais les avantages des fermes écologiques – en particulier la restauration des sols et la préservation de la biodiversité – ne sont pas valorisés au plan écologique.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Même si son sujet est restreint, un tel rapport mériterait d’être confié à une mission d’information de l’Assemblée plutôt qu’au Gouvernement. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE872 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Les acheteurs font régulièrement part de leur volonté de consommer des produits locaux. Or, l’étiquetage des produits biologiques ne précise pas leur origine. Vous nous avez invités, monsieur le ministre, à retirer plusieurs amendements au motif que les problèmes d’étiquetage qu’ils soulevaient seraient mieux résolus par la voie réglementaire. Il faudrait donc ajouter des mentions spécifiques obligatoires comme le lieu de production afin de renforcer la transparence pour les consommateurs et de mieux répondre à leur souhait légitime de proximité.

L’amendement vise donc à ce que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 30 juin 2019, un rapport sur l’étiquetage des produits biologiques afin d’en préciser le lieu de production, ce qui nous permettra de nous assurer que tout le travail nécessaire a été effectué de votre côté, dans la mesure où nous vous avons fait confiance en ce sens en retirant nos amendements.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je ne saisis guère l’intérêt de ce rapport : comme les autres, les produits biologiques comportent déjà des indications d’origine sur les étiquettes. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Dans ce domaine, c’est la réglementation européenne qui s’applique. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir des dispositions dans une loi nationale sur les questions relatives aux produits biologiques. Continuez cependant de nous faire confiance : nous disons ce que nous faisons et faisons ce que nous disons.

M. Thibault Bazin. Faisons donc preuve de confiance et de bienveillance : je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE242 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement vise à ce que l’État se donne pour objectif d’ici à 2022 de n’acheter que des produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée, les modalités en étant précisées par décret.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’ai conscience du problème que constitue la déforestation à l’échelle mondiale, notamment la déforestation importée. Avis de sagesse, bien que cet amendement me semble moins contraignant que le suivant, que je défendrai.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable : nous attendons les résultats des discussions relatives à la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) et les conclusions des expertises techniques de chacun des ministères, car cette question doit faire l’objet d’un accord interministériel.

La commission rejette lamendement.

Article 11 quaterdecies
Rapport au Parlement sur la déforestation importée

Alors que la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée devrait être rendue publique d’ici l’été 2018, le concept de « déforestation importée » reste juridiquement et économiquement très vague : c’est ce constat qui a poussé votre rapporteur à proposer cette demande de rapport du Gouvernement au Parlement.

L’objet de ce rapport sera de s’inscrire dans la continuité de cette stratégie, en se concentrant sur la question de la définition de la déforestation importée et, partant, de l’identification des meilleures pistes, y compris législatives et réglementaires, de la réduire.

*

*     *

La commission examine lamendement CE2046 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Alors que la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée devrait être rendue publique d’ici à l’été, le concept de « déforestation importée » reste juridiquement et économiquement vague. L’amendement vise à demander un rapport dont l’objet sera de s’inscrire dans la continuité de cette stratégie en se concentrant sur la question de la définition de la déforestation importée et de sa réduction à partir de l’identification des meilleures pistes, y compris législatives et réglementaires.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle examine lamendement CE1378 de M. Loïc Prudhomme.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement extrêmement important vise à interdire les fermes-usines. Chacun a entendu parler de la ferme des mille vaches ou de celle des quatre mille veaux – et pourquoi pas des trente mille poulets ! La Confédération paysanne recense une trentaine de ces fermes-usines qui suscitent une très forte opposition citoyenne et qui vont complètement à l’encontre du bien-être animal. Si vous n’interdisez pas les fermes-usines, monsieur le ministre, vous viderez de tout son contenu ce projet de loi sur une alimentation saine et durable. Il me semble indispensable de répondre à cette question qui intéresse un très grand nombre de Français.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’expression « ferme-usine » n’a pas d’existence juridique. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Mme Mathilde Panot. L’amendement précise que les « modalités de ce présent article seront définies par décret en Conseil d’État ». Pour vous, tantôt les amendements sont trop flous, tantôt ils sont trop précis ! Peut-être cette notion n’a-t-elle aucune portée juridique mais songez qu’il existe sur notre territoire une trentaine de projets qui sont catastrophiques pour le bien-être animal et qu’il est impossible de poursuivre pour des raisons de santé et de durabilité.

M. Nicolas Turquois. Je remercie la France insoumise de nous faire sourire : son exposé des motifs mentionne la « ferme des 10 000 vaches » – un clin d’œil, sans doute, au décompte des manifestants par la CGT – et situe Abbeville dans les Côtes-d’Armor !

Mme Célia de Lavergne. Ces énormes objets – mal définis dans la loi – que sont les fermes-usines suscitent des inquiétudes. Nous avons tout à l’heure essayé de définir les petites fermes ; sans doute faut-il aussi définir ce que sont ces fermes-usines : où sont fixés les seuils ? Le critère à retenir est-il le bien-être animal ou le nombre de bêtes, voire le chiffre d’affaires ou la surface agricole ? Ce sujet ne me semble pas mûr pour que l’amendement soit adopté en l’état, mais il serait bon de lui consacrer un travail confié au Gouvernement ou mené à l’initiative de l’Assemblée.

M. Sébastien Jumel. L’humiliation de classe n’a pas sa place au sein de notre commission, et il me semble, monsieur Turquois, qu’on peut développer une argumentation sans faire preuve de mépris à l’égard des organisations syndicales, surtout le jour où elles sont fortement mobilisées.

Puisqu’il est question d’Abbeville, j’appelle votre attention sur le fait que cette commune, située dans la circonscription de François Ruffin, dans la Somme, est reliée au Tréport – dans ma circonscription de Seine-Maritime – par une ligne de train, une ligne de vie que le Gouvernement a décidé de supprimer. Je me propose d’organiser une visite à votre intention, afin que vous puissiez découvrir cette terre ouvrière humiliée par la politique gouvernementale que vous soutenez. En attendant, je vous invite à cesser les provocations : sinon, nous risquons d’y répondre !

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1482 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Mathilde Panot. Par cet amendement, proposé par l’association Foodwatch, que nous avons rencontrée, nous souhaitons établir des sanctions à l’encontre des acteurs ayant failli à leur obligation d’autocontrôle.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La sanction que vous visez – une peine d’un an d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende – concerne aujourd’hui les produits dont le responsable de mise sur le marché sait qu’ils sont défaillants, et choisit de ne pas en informer suffisamment le consommateur, ce qui est très différent d’un autocontrôle insuffisant.

Si on adoptait votre amendement, cela reviendrait à présumer d’office que le responsable de la mise sur le marché est défaillant en connaissance de cause, même lorsqu’il est de bonne foi. C’est disproportionné, d’autant que la responsabilité civile du metteur sur le marché peut déjà être engagée en cas de manquement. Je suis donc défavorable à votre amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis également défavorable à cet amendement.

Je veux saluer l’attitude du groupe auquel appartient Mme Panot, consistant à indiquer systématiquement la provenance des amendements défendus : cela éclaire utilement notre discussion.

M. le président Roland Lescure. Effectivement, c’est un exemple à suivre.

M. Sébastien Jumel. Pour compléter l’information de notre commission, je précise que l’association Foodwatch a fait paraître une contribution sur les effets dévastateurs que le CETA peut avoir sur le monde agricole, que je vous invite à lire attentivement.

M. le président Roland Lescure. Nous la lirons avec intérêt dans la perspective de l’éventuelle ratification du CETA – mais nous n’en sommes pas là aujourd’hui.

La commission rejette lamendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE754 de M. Vincent Descoeur, CE1759 de M. Guillaume Garot et CE1642 de M. Sébastien Jumel.

M. Vincent Descoeur. L’amendement CE754 propose d’associer à la politique de sécurité sanitaire de l’alimentation les laboratoires départementaux d’analyses, ainsi que l’ensemble des acteurs de la chaîne, publics et privés, qui œuvrent dans les domaines de la prévention, de la surveillance ou du contrôle. Il prévoit aussi que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif aux conditions d’une nouvelle gouvernance de la sécurité sanitaire.

L’idée est simple : il s’agit d’associer tous les acteurs pour prévenir, mais aussi circonscrire, les crises sanitaires, qui nuisent à l’image des filières de production et entretiennent la défiance des consommateurs à l’égard des produits qui leur sont proposés.

M. Guillaume Garot. Nous avons besoin de cohérence en matière de sécurité sanitaire. La dernière affaire en date, celle des laits infantiles contaminés aux salmonelles, a mis en évidence que, si la direction générale de l’alimentation (DGAL), rattachée au ministère de l’agriculture, a une compétence générale sur les poudres de lait, donc sur la délivrance de l’agrément sanitaire, Bercy dispose pour sa part d’une compétence spécifique sur l’alimentation infantile. Des incohérences de cette nature sont susceptibles de se traduire par des trous dans la raquette, autrement dit par une perte d’efficacité.

Nous estimons qu’il convient de remettre de l’ordre dans le dispositif actuel, en commençant par restaurer une unité de commandement. En 2000, après la crise de la vache folle, un rapport a souligné qu’il fallait restaurer l’État dans son rôle régulateur. Avec notre amendement CE1759, nous proposons que la gouvernance de la sécurité sanitaire soit réaffirmée autour de l’État, en association avec l’ensemble des acteurs publics et privés, au sein desquels les laboratoires départementaux doivent être placés au premier plan.

M. Sébastien Jumel. L’amendement CE1642 vise à associer les laboratoires départementaux à la politique de responsabilisation de l’État pour faire respecter la réglementation dans l’ensemble de la chaîne agro-alimentaire. Je crois en l’État qui protège, qui prend soin de la population et qui régule, et je ne pense pas qu’une telle conception soit ringarde. Aujourd’hui, la défiance ressentie par nos concitoyens à l’égard de certains acteurs de la puissance publique trouve souvent son origine dans le renoncement de l’État à affirmer son rôle. Notre amendement a pour objectif d’y remédier.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les objectifs de ces différents amendements sont d’ordre général, ils me semblent préempter les conclusions de la commission d’enquête « Lactalis » qui porte sur la question de la gouvernance sanitaire et de son application par les services de l’État.

De même, pour ce qui est du rapport sur la police unifiée de l’alimentation, je considère qu’il s’agit d’une proposition à promouvoir au sein de cette commission d’enquête.

Je serai défavorable à deux titres à tous les amendements portant sur les contrôles sanitaires : d’une part, un amendement du Gouvernement permet de répondre à la grande majorité des attentes exprimées ; d’autre part, la commission d’enquête sur Lactalis permettra de faire des propositions structurées en matière législative.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

M. Grégory Besson-Moreau. En tant que rapporteur de la commission d’enquête sur Lactalis, je pense qu’il faut se garder de tirer des conclusions hâtives : nous n’avons réalisé que cinq auditions sur plus de trente prévues. S’il est certain qu’il y a eu des manquements, je rappelle qu’un amendement du Gouvernement, ainsi que d’autres qui proviendront de notre commission d’enquête, auront pour objectif de restaurer la confiance des consommateurs envers les producteurs, les transformateurs et la grande distribution.

M. Sébastien Jumel. Mon amendement ne se limite pas à l’affaire Lactalis : si c’était le cas, cela reviendrait à considérer que seule cette entreprise peut connaître une telle situation. Il vise simplement, dans l’esprit consistant à donner à la loi une valeur symbolique et d’engagement, à y faire entrer le principe selon lequel l’État a la responsabilité de faire respecter la réglementation dans l’ensemble de la chaîne, et à confier au service public des laboratoires départementaux la mission d’en assurer le contrôle.

M. Thierry Benoit. Je voudrais appuyer l’argumentaire de Guillaume Garot et Sébastien Jumel, car il me paraît essentiel de remettre au premier plan le rôle des laboratoires départementaux en termes de veille et de contrôle sanitaires. En effet, cela doit contribuer à rétablir la connexion entre les territoires et le réseau des acteurs publics de la veille sanitaire, afin de permettre une action collective.

Par ailleurs, j’aimerais appeler l’attention des nouveaux députés, notamment ceux de la majorité, sur l’importance de ce sujet pour la vie des territoires, pour la veille et le contrôle sanitaires, mais aussi et surtout pour la coordination de l’ensemble des acteurs.

M. le président Roland Lescure. Ceux que vous appelez « les nouveaux députés » sont élus depuis bientôt un an, cher collègue !

La commission rejette successivement les amendements.

Article 11 quindecies
(articles L. 201-7 et L. 237-2 du code rural et de la pêche maritime)
Renforcement des contrôles sanitaires relatifs aux denrées alimentaires

Cet article est issu d’un amendement du Gouvernement visant à renforcer le cadre juridique des contrôles sanitaires des denrées alimentaires, dans le contexte de l’affaire dite « Lactalis », dont s’est d’ailleurs saisie l’Assemblée nationale par la voie de la création d’une commission d’enquête sur le sujet.

Le 3 de l’article 19 et le 3 de l’article 20 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires prescrivent, pour un professionnel de l’agroalimentaire, l’obligation d’informer l’autorité compétente lorsqu’il considère ou a des raisons de penser qu’une denrée alimentaire qu’il a mise sur le marché peut être préjudiciable à la santé humaine ou qu’un aliment pour animaux qu’il a mis sur le marché ne répond pas aux prescriptions relatives à la sécurité des aliments pour animaux.

Le 1 des mêmes articles prévoit également que lorsque les exploitants du secteur alimentaire considèrent ou ont des raisons de penser qu’une denrée alimentaire ou un aliment pour animaux qu’ils ont importé, produit, transformé, fabriqué ou distribué ne répond pas aux prescriptions relatives à la sécurité des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux, ils engagent une procédure de retrait du marché et en informent immédiatement l’autorité compétente.

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 201-7 restreint cette obligation aux dangers sanitaires dits de « catégorie 1 », les plus graves. Or, à ce jour, cette classification des dangers sanitaires n’est opérante que pour les domaines de la santé animale et de la santé végétale.

Le a du 1° du présent article vise donc à prendre en compte les dangers sanitaires liés à l’alimentation, en l’absence de liste établissant les dangers sanitaires de première et deuxième catégorie dans ce domaine. Il concerne, en outre, toutes les étapes de la production, que le produit ait été mis sur le marché ou non.

L’obligation d’information des autorités compétentes est aujourd’hui limitée en droit français au constat de résultats d’examens portant sur le produit fini, denrée alimentaire ou aliment pour animaux. Or, des résultats d’analyses défavorables sur l’environnement de production des denrées devraient conduire l’exploitant du secteur alimentaire à mettre en œuvre les mesures pour garantir la sécurité sanitaire des produits qu’il met sur le marché et à en informer l’autorité compétente. La mise en œuvre de ces mesures relève en effet de sa responsabilité. Mais c’est à l’autorité compétente qu’il revient de s’assurer de la pertinence et de l’efficacité des mesures prises par le professionnel. Tel est l’objet du b du 1° du présent article.

Le c du 1° propose, afin de faciliter les investigations et recoupements nécessaires en cas de doute sur les résultats d’analyses présentés, que les services d’inspection puissent obtenir, sur simple requête écrite, la communication par un laboratoire des résultats d’analyses d’autocontrôles qu’il effectue pour le compte d’un exploitant du secteur alimentaire ou de l’alimentation animale soumis à un contrôle officiel.

Il n’existe pas dans le code rural et de la pêche maritime de sanction pénale relative à l’absence d’information de l’autorité administrative prescrite par l’article L. 207-1 à l’exception de celle prévue par l’article L. 251-20 dans le domaine de la santé des végétaux. Le 2° de l’article proposé introduit une sanction pénale identique à celle prévue par l’article L. 251-20, le préjudice encouru étant considéré comme équivalent.

Enfin, selon le Gouvernement, pour ce qui concerne le défaut de communication par le laboratoire de résultats d’analyse sur demande de l’autorité administrative, les sanctions applicables relèvent du domaine réglementaire et feront l’objet d’une modification de l’article R. 201-45.

Votre rapporteur a émis un avis favorable à l’adoption de cet amendement, constatant par ailleurs que ce sujet avait largement mobilisé les députés de votre commission, au vu du nombre d’amendements qui ont été proposés en la matière.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE2093 du Gouvernement, CE1479 de Mme Bénédicte Taurine, CE1904 de M. Thierry Benoit, CE230 de la commission du développement durable, ainsi que les amendements identiques CE1430 de M. Michel Delpon et CE1766 de M. Guillaume Garot.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Le 3. de l’article 19 et le 3. de l’article 20 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, prescrivent pour un professionnel de l’agroalimentaire l’obligation d’informer l’autorité compétente lorsqu’il considère ou a des raisons de penser qu’une denrée alimentaire qu’il a mise sur le marché peut être préjudiciable à la santé humaine ou qu’un aliment pour animaux qu’il a mis sur le marché ne répond pas aux prescriptions relatives à la sécurité des aliments pour animaux.

Le 1. des mêmes articles prévoit également que lorsque des exploitants du secteur alimentaire considèrent ou ont des raisons de penser qu’une denrée alimentaire ou un aliment pour animaux qu’ils ont importé, produit, transformé, fabriqué ou distribué ne répond pas aux prescriptions relatives à la sécurité des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux, ils engagent une procédure de retrait du marché et en informent immédiatement l’autorité compétente.

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 201-7 du code rural et de la pêche maritime restreint cette obligation aux dangers sanitaires de catégorie 1. Or, à ce jour, cette classification des dangers sanitaires n’est opérante que pour les domaines de la santé animale et de la santé végétale.

Le 1° du I de l’amendement vise donc à prendre en compte les dangers sanitaires liés à l’alimentation en l’absence de liste établissant les dangers sanitaires de première et de deuxième catégorie dans ce domaine. Il concerne en outre toutes les étapes de la production, que le produit ait été mis sur le marché ou non. Il s’agit d’un retour d’expérience tirant les leçons de l’affaire du lait infantile contaminé à la salmonelle Agona.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. L’amendement CE230 avait été adopté par la commission du développement durable, mais le Gouvernement l’a à la fois précisé et doté d’un spectre plus large avec son amendement CE2093. Je retire donc notre amendement.

L’amendement CE230 est retiré.

M. Michel Delpon. L’amendement CE1430 propose d’inciter l’administration à mettre à la charge de tout propriétaire ou détenteur une obligation de denrées alimentaires de transmettre aux services de l’État les autocontrôles positifs en pathogènes, que ce soit dans l’environnement ou dans les produits. En effet, à ce jour, et faute d’une législation suffisamment claire, ne sont transmis que les résultats positifs pour les produits directement visés, ce qui ne nous paraît pas suffisant.

M. Guillaume Garot. L’amendement CE1766 vise, comme vient de l’indiquer M. Delpon, à ce que tout propriétaire ou détenteur de denrées alimentaires ait l’obligation de transmettre aux services de l’État les autocontrôles positifs en pathogènes, dans les produits mais aussi dans l’environnement – l’affaire Lactalis a montré quelles pouvaient être les conséquences d’une absence de transmission de ces informations.

Bien entendu, les informations transmises ont vocation à faire l’objet d’un traitement : les services de l’État compétents devront donc être dotés des moyens nécessaires à l’accomplissement de cette mission, ce qui suppose que l’État renforce les moyens humains sur le terrain.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement CE2093 du Gouvernement, et je demande le retrait des autres amendements en discussion commune.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’amendement que j’ai présenté satisfait ceux qui ont été présentés ensuite : j’invite donc leurs auteurs à les retirer.

M. Richard Ramos. Aujourd’hui, les autocontrôles auxquels sont astreints les producteurs tels que Lactalis sont en réalité effectués en sous-traitance par des entreprises privées. Je pense qu’il conviendrait de sous-amender l’amendement du Gouvernement afin d’étendre aux entreprises effectivement chargées du contrôle l’obligation de rendre publics les résultats positifs en pathogènes.

M. le président Roland Lescure. Vous aurez l’occasion de le faire au cours de l’examen du texte en séance publique.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je précise que l’amendement CE2093 prévoit déjà que « dans le cadre des contrôles officiels réalisés en application de l’article L. 231-1, les laboratoires sont tenus de communiquer tout résultat d’analyse sur demande de l’autorité administrative ».

La commission adopte l’amendement CE2093.

En conséquence, les amendements CE1479, CE1904, CE1430 et CE1766 tombent.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE756 de M. Vincent Descoeur et CE1765 de M. Guillaume Garot.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement a pour objectif de préciser les dispositions législatives applicables aux laboratoires départementaux d’analyses, dont plusieurs collègues viennent de souligner l’intérêt et l’indépendance, mais aussi le lien avec le territoire, afin qu’ils soient en mesure d’effectuer leur mission de service public sous le contrôle effectif de la collectivité territoriale.

M. Guillaume Garot. Dans certains départements, les laboratoires départementaux d’analyses ont été fermés ou ont vu leurs statuts modifiés – leurs missions ayant parfois même été confiées à des structures privées. Il convient de remettre de l’ordre dans ce dispositif en rappelant le lien structurel qui unit chaque laboratoire à la collectivité territoriale, en l’occurrence le conseil départemental. Tel est le sens de l’amendement CE1765, qui vise à préciser le champ de compétence et le rôle des laboratoires départementaux d’analyses.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement me paraît contredire le principe de libre administration des collectivités territoriales, qui peuvent choisir la nature de leur lien avec les laboratoires d’analyses du département – régie, délégation de service public (DSP), ou autre. Je rappelle que ce principe est protégé par la Constitution, et j’émets donc un avis défavorable à ces amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’objectif est de définir les laboratoires d’analyses départementaux, qui réalisent en priorité des analyses officielles pour le compte du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Le dispositif se trouve actuellement fragilisé par plusieurs facteurs d’ordre économique et juridique, ce qui nécessitera une évolution des conditions d’agrément des laboratoires, afin de les rendre compatibles avec les dispositions du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Compte tenu des travaux engagés sur ce plan, les amendements proposés sont prématurés. En outre, bien que modifiant la rédaction du code rural, ils n’apportent pas d’éléments nouveaux de nature à sécuriser la situation des laboratoires publics. J’émets donc un avis défavorable à ces amendements.

La Commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CE755 de M. Vincent Descoeur, et des amendements identiques CE1767 de M. Guillaume Garot et CE1800 de M. Dominique Potier, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

M. Vincent Descoeur. Les opérateurs de la chaîne agroalimentaire sont conduits à réaliser dans leurs propres laboratoires, ou à faire réaliser par des laboratoires prestataires, des analyses d’autocontrôle.

L’article L. 202-3 du code rural précise que ces laboratoires « peuvent être soumis à une procédure de reconnaissance de qualification par le ministère chargé de l’agriculture. » Les crises récentes ont montré la nécessité de préciser les conditions permettant de garantir la fiabilité des résultats d’analyses d’autocontrôle. L’amendement CE755 vise donc à préciser ces conditions.

M. Guillaume Garot. L’enjeu est de consolider notre système de contrôle et d’autocontrôle. L’amendement CE1767 vise à accréditer les laboratoires qui font les analyses d’autocontrôle, et à assurer, par des essais d’intercomparaison, les mêmes garanties scientifiques d’un territoire à l’autre. Ces essais seraient organisés par notre réseau territorial des laboratoires départementaux d’analyse. Je rejoins donc ce que disait tout à l’heure notre excellent collègue Thierry Benoit.

M. Dominique Potier. L’expérience que j’ai acquise depuis cinq ans sur ces sujets, en tant qu’élu local et député, me fait dire que s’il n’y avait plus que deux fonctions à assurer au ministère de l’agriculture, ce seraient certainement le contrôle du foncier et les questions sanitaires. Les questions sanitaires sont d’une importance capitale. Pour les traiter, la puissance publique doit être ancrée dans les territoires, et interconnectée.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. S’agissant de l’amendement CE755, on ne peut pas faire référence à une norme technique dans la loi puisque, si cette norme évoluait, il faudrait modifier parallèlement la loi, ce qui n’est pas tenable.

S’agissant des deux identiques, le droit existant précise que « les laboratoires réalisant des analyses d’autocontrôle peuvent être soumis à une procédure de reconnaissance de qualification par le ministre chargé de l’agriculture ». Ces amendements rendent leur accréditation obligatoire, pour renforcer le contrôle de l’État sur ces laboratoires. Toutefois, aucune information n’est donnée quant contenu de cette accréditation, à l’autorité compétente pour la délivrer, aux adaptations que les laboratoires devront faire pour se conformer à la loi, aux modalités de contrôle et de renouvellement par les autorités administratives. Même avec un décret en Conseil d’État, ces amendements sont trop imprécis pour pouvoir être adoptés en l’état.

Je comprends toutefois votre préoccupation, mes chers collègues. Les procédures d’autocontrôle des denrées alimentaires, notamment, sont dans le spectre des propositions en matière de sécurité alimentaire. J’attends d’ailleurs les conclusions de la commission d’enquête « Lactalis ».

Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Avis défavorable.

La commission rejette successivement l’amendement CE755 et les amendements identiques CE1767 et CE1800.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE341 de M. Dino Cinieri, CE461 de Mme Barbara Bessot Ballot, et CE1429 de M. Michel Delpon.

Mme Barbara Bessot Ballot. Nous proposons que les services de contrôle effectuent en priorité des audits en matière de bonnes pratiques de fabrication, d’hygiène, de bonnes pratiques agricoles et d’application des principes Hazard Analysis Critical Control Point (HACPP).

M. Michel Delpon. Mon amendement a le même objet.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Même avis que précédemment : la commission d’enquête formulera des propositions en ce sens, et vous pouvez d’ailleurs défendre les vôtres en son sein.

En l’état, nous manquons de perspectives sur les effets de cet amendement, qui semble prévoir des priorités d’audit dans des domaines très différents, mal maîtrisés. Quel est d’ailleurs le lien entre l’hygiène et les bonnes pratiques agricoles ?

Enfin, on ne peut pas faire référence dans la loi à l’acronyme anglosaxon HACCP.

Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie des amendements CE343 de M. Dino Cinieri, CE54 de M. Vincent Descoeur et CE1768 de M. Guillaume Garot, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

M. Vincent Descoeur. L’amendement CE54 vise à rendre automatique la publication, sur un site internet unique, de tout ordre de l’autorité administrative compétente relatif à la sécurité sanitaire des aliments. Cela permettrait non seulement d’informer les consommateurs des appels au retrait, mais aussi de signaler des défaillances relatives à une procédure. L’exemple récent de produits toujours présents en rayons alors qu’ils avaient été rappelés suffit à laisser penser qu’une telle disposition serait utile.

M. Guillaume Garot. Il y a aujourd’hui un vide juridique quant aux modalités d’information des consommateurs en cas de procédure de retrait de denrées présentant un risque pour la santé. L’amendement CE1768 vise à mettre en place un site internet unique qui recenserait les procédures de retrait des denrées alimentaires en cours. Ce serait un vrai portail d’information, et un vrai progrès en matière d’information des consommateurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’État remplit déjà cette mission, dont l’intérêt général est évident.

Le site internet que vous appelez de vos vœux existe : il s’agit de « https : www.economie.gouv.fr/dgccrf/Securite/Alertes/Avis-rappels-de-produits », pour tous les rappels de marchandises, et pas seulement les denrées alimentaires.

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est très réactive. Par exemple, le 13 avril a été publié un avis de rappel portant sur des produits frais dont la date limite de consommation était le 15 avril.

Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Même avis défavorable.

M. Vincent Descoeur. J’ai bien entendu M. le rapporteur, et je ferai deux suggestions : que l’on modifie le libellé du site, pour que l’on puisse y accéder plus facilement ; et qu’on le diffuse auprès des consommateurs.

Mme Célia de Lavergne. Je souhaite vous alerter sur la démultiplication des sites internet, surtout quand il s’agit d’une information officielle venant du Gouvernement. Celle-ci aurait plutôt sa place sur un site du Gouvernement, par exemple du ministère de l’économie et des finances. Il est vrai qu’il peut être difficile d’accéder à une telle information. Voilà pourquoi je pense que c’est plutôt vers une amélioration du site existant que l’on devrait s’engager.

M. Daniel Fasquelle. C’est bien qu’il existe un site. Encore faut-il le trouver. A-t-on la garantie de pouvoir y accéder via les moteurs de recherche habituels, à partir de quelques mots clé ?

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Quand il y a des procédures, des alertes sont également lancées à la radio, à la télévision etc. et le site internet est toujours mentionné. On a eu dernièrement le cas, avec des lots de steak haché congelés qui ont dû être retirés parce qu’ils contenaient une bactérie ; l’information a été largement diffusée dans les journaux. J’ajoute que ces sites, parce qu’ils sont régulièrement consultés par les citoyens, se trouvent souvent en tête des résultats de recherche.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine l’amendement CE1760 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Jusqu’à présent, on s’est efforcé de garantir l’efficacité de la mission de l’État en matière de contrôles sanitaires. Je veux d’ailleurs saluer ici l’engagement des agents qui, au ministère de l’agriculture et au ministère de l’économie et des finances, font le maximum avec les moyens dont ils disposent pour garantir que ces contrôles se déroulent dans de bonnes conditions.

Il semble qu’il y ait aujourd’hui deux façons de travailler, pour répondre à deux types de problèmes : pour la sécurité sanitaire elle-même, c’est le ministère de l’agriculture qui intervient ; en cas de pratiques frauduleuses, c’est le ministère de l’économie et des finances qui intervient.

L’idée de cet amendement est de mettre en place, à terme, une police unifiée de l’alimentation, qui garantirait les contrôles. Nous demandons donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les conditions nécessaires à cela.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Monsieur Garot, je vous renvoie aux travaux de la commission d’enquête déjà mentionnée, au sein de laquelle vous pourriez promouvoir cette idée de police unifiée de l’alimentation. Ce pourrait même constituer une proposition de cette commission. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. La police sanitaire, qui relève de responsabilité de l’État, a déjà fait l’objet de nombreux rapports du Parlement ou de la Cour des comptes. Et je précise que la Cour des comptes travaille sur cette question en ce moment-même.

M. Guillaume Garot. Vous faites tous référence à cette commission d’enquête. C’est très bien, et je souhaite qu’elle poursuive sereinement ses travaux. Mais de notre côté, nous discutons de ce projet de loi. Comment articuler les deux ?

J’ai bien compris que l’examen du projet irait rapidement à son terme. Dans ces conditions, comment prendre en compte les conclusions de la commission d’enquête ? C’est tout l’enjeu de cette discussion.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je ne sais plus quand la commission d’enquête rendra son avis, mais je pense qu’on aura l’occasion d’apporter des précisions en deuxième lecture de ce texte, au vu des retours de ladite commission. Il y a aussi l’enquête judiciaire, qui n’est toujours terminée, et sur laquelle nous pourrons nous appuyer.

M. Grégory Besson-Moreau. En tant que rapporteur de la commission d’enquête, je reconnais que le sandwich « DGAL, DGCCRF, DGS, Santé publique France etc. » est quelque peu indigeste, et qu’il est difficile de trouver le site quand on se connecte sur Google ou ailleurs. Sachez que je travaille au rapport qui vous sera remis, si tout se passe bien, à la mi-juillet.

M. Richard Ramos. En tant que vice-président de cette commission d’enquête, je peux vous dire qu’il y aura des choses intéressantes dans ce rapport. J’ajoute que la Cour des comptes a déjà indiqué, dans certains de ses rapports, que la DGCCRF n’avait plus les moyens de travailler dans de bonnes conditions.

M. Guillaume Garot. Le Sénat va travailler sur le sujet. Cette commission d’enquête y travaille. Sans oublier le Conseil national de l’alimentation (CNA) que vous‑même, monsieur le ministre, avez saisi sur un retour d’expérience. Il faut donc, dès ce projet de loi, poser des jalons à partir desquels on pourra construire, compléter, corriger si nécessaire. Saisissons l’occasion !

La commission rejette l’amendement.

Article 11 sexdecies
Interdiction du dioxyde de titane à compter du 1er juin 2020

Cet article résulte d’un amendement proposé par la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et par M. Matthieu Orphelin. Malgré son caractère peu législatif, il a pour objet d’envoyer un signal fort au Gouvernement et à la Commission européenne, en interdisant toute importation et toute vente de denrées alimentaires contenant un certain additif alimentaire, le dioxyde de titane, dont les effets sur la santé humaine sont estimés trop risqués pour ne pas justifier le recours au principe de précaution.

Votre rapporteur, tout en jugeant pertinent l’effet signal qu’un tel article porte, a souhaité différer l’entrée en vigueur de l’interdiction de cet additif alimentaire en France, de 2018 à 2020.

Votre commission a adopté cet amendement ainsi modifié.

*

*     *

Puis la commission examine les amendements identiques CE241 de la commission du développement durable et CE1294 de M. Matthieu Orphelin, qui font lobjet du sousamendement CE2099 du rapporteur.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement, voté en commission du développement durable, s’appuie sur le principe de précaution. Il vise à suspendre l’importation et la mise sur le marché, à titre gratuit ou onéreux, de toute denrée alimentaire contenant du dioxyde de titane en tant qu’additif alimentaire, jusqu’à la publication du rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). J’ajoute qu’en commission du développement durable, une réserve a été émise s’agissant de la période de suspension.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Précisément, pour permettre aux filières de s’organiser, j’ai proposé de repousser la date initialement prévue dans l’amendement, du 1er juin 2018 au 1er juin 2020. Tel est l’objet du sous-amendement CE2099.

M. Matthieu Orphelin. C’est bien de se laisser du temps, mais c’est un peu contradictoire avec le fait de vouloir appliquer le principe de précaution. On pourrait prendre cette décision au niveau français, en attendant que l’Europe se mobilise. Je crois d’ailleurs que le ministre nous avait dit qu’une réunion était prévue le 16 avril.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La France a pris une initiative au niveau européen. C’était un engagement des États généraux de l’alimentation. Un comité d’experts s’est tenu lundi dernier. La Commission a accepté de faire procéder à une évaluation scientifique. Il est nécessaire d’avoir une démarche européenne à ce sujet, sachant que le dioxyde de titane est beaucoup moins utilisé dans l’alimentation que dans les cosmétiques. Je demande donc le retrait de ces amendements, auxquels je suis défavorable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Je maintiens mon amendement.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je maintiens mon sous-amendement.

M. Matthieu Orphelin. Je maintiens également mon amendement.

La commission adopte le sous-amendement.

Elle adopte les amendements ainsi sous-amendés.

Elle examine ensuite lamendement CE1764 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Cet amendement part du constat suivant : l’alimentation est le miroir des inégalités, notamment des inégalités sociales. Aujourd’hui, la carte de l’obésité se superpose à celle de la précarité sociale. Face à cela, comment l’État peut-il réagir ?

Il faut bien sûr agir sur la demande, c’est-à-dire sur les consommateurs, sur les citoyens. C’est tout l’enjeu de l’éducation à l’alimentation. Mais il faut aussi, et c’est tout aussi important, agir sur l’offre et la qualité de l’offre alimentaire.

On ne doit pas considérer qu’il n’y a qu’une bonne alimentation, issue de l’agriculture biologique. On doit donc agir sur l’ensemble de l’offre alimentaire pour que demain, notre alimentation soit moins sucrée, moins salée et moins grasse. Cela suppose d’engager et d’associer l’ensemble des professionnels de l’alimentation autour d’objectifs très simples, fixés par la puissance publique et qui donneront lieu, après un certain temps, par exemple cinq ans, à une évaluation. On pourra ainsi encourager les bonnes pratiques, et reconnaître ce qui va dans le bon sens, comme ce qui n’y va pas. Tel est bien le rôle de la puissance publique. D’où l’amendement CE1764.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement n’a pas d’effet normatif. Il relève de la déclaration d’intentions. C’est au pouvoir réglementaire
– notamment au travers du Programme national relatif à la nutrition et à la santé – de contribuer à la réalisation de vos objectifs avec des actions concrètes. D’ailleurs, il le fait déjà.

Je reconnais toutefois que nous avons de réels progrès à faire en la matière. Si l’objectif d’amélioration de la qualité nutritionnelle est important, il faut obliger les producteurs de denrées à améliorer leur offre. Mais il est vain que l’État se fixe encore de nouveaux objectifs, sur lesquels il n’a pas forcément la main. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ce que vous défendez figure bien dans la feuille de route des États généraux, ainsi que dans le Plan national de santé publique. La méthode préconisée par le Gouvernement est d’encourager les professionnels à s’engager à modifier la formulation de leurs produits pour en améliorer la qualité nutritionnelle.

Ces évolutions participent à l’élaboration des plans de filières, dans le cadre desquels les professionnels ont pris des engagements. Pour ma part, j’y serai particulièrement attentif. Les comités de suivi des plans de filières seront l’occasion de travailler avec les professionnels à de tels sujets.

Je considère qu’en la matière, la réglementation prescriptive, voire l’interdiction, n’est pas une bonne méthode. En tout cas, ce n’est pas celle que je retiens. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Guillaume Garot. La question posée est celle de la défiance d’une grande partie des citoyens vis-à-vis de leur assiette. On peut y répondre de deux façons : soit en encourageant les acteurs de l’alimentation à mieux faire – c’est très bien, mais cela prendra beaucoup de temps ; soit en fixant des objectifs très clairs, très volontaristes, par exemple à horizon de cinq ans, et en se donnant les moyens d’y parvenir – avec les acteurs, bien sûr.

C’est par cette dernière démarche, une démarche absolument résolue et tout à fait déterminée, que vous pourrez redonner confiance dans l’alimentation. Vous montrerez ainsi que la puissance publique a compris l’attente de la société, qu’elle a entendu les demandes des citoyens, qu’elle y répond, tout en demandant à chacun de prendre ses responsabilités.

Je connais bien les acteurs de l’alimentation, pour avoir travaillé avec eux depuis des années, et je vous assure qu’une grande partie d’entre eux y sont prêts. Mais ils attendent un signal, et un signal fort de la part de l’État. C’est ce que nous vous demandons.

La commission rejette lamendement.

M. le président Roland Lescure. Mes chers collègues, sur un total de 1 868 amendements, nous en avons déjà examiné, depuis mardi, 1 311. Il en reste donc 557, soit 30 % du total. Si mardi et mercredi nous avons examiné 60 amendements par heure, la moyenne, pour aujourd’hui, est descendue à 38 amendements par heure. Il ne tient qu’à vous d’accélérer le mouvement et je m’efforcerai de vous accompagner.

La commission examine les amendements identiques CE1046 de M. Olivier Véran et CE1576 de Mme Monique Limon.

M. le président Roland Lescure. Le rapporteur général de la commission des affaires sociales nous fait l’honneur de sa présence.

M. Olivier Véran. Le système cinq couleurs ou Nutri-Score, logo validé scientifiquement à l’issue d’une expérimentation menée pendant plusieurs mois, vise deux objectifs : mieux informer les consommateurs sur la qualité des produits alimentaires qu’ils achètent – taux de sel, de sucre, de graisses saturées, de protéines, de fibres, de fruits et de légumes – et inciter les industriels à modifier la composition de certains produits – c’est le cas d’une marque comme Fleury‑Michon qui, depuis l’instauration du Nutri-Score, a réduit de 25 % le taux de sel de certains de ses jambons.

Le présent amendement vise à diffuser le Nutri-Score dans la publicité quel qu’en soit le support selon les mêmes modalités que le message « Manger‑bouger ». Les industriels auront le choix entre appliquer le logo sur leurs produits ou bien verser une contribution à l’État au titre des politiques de santé publique.

L’adoption de cet amendement constituerait une vraie avancée dans la lutte contre l’obésité, le diabète et les maladies vasculaires, notamment pour les jeunes publics. En outre, ce dispositif s’inscrit dans la révolution de la prévention voulue par le Président de la République.

Mme Monique Limon. Puisque identique à celui que vient de défendre M. Véran, je me contenterai de dire que l’amendement CE1576 est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces amendements visent à rendre obligatoire la déclaration nutritionnelle du Nutri-Score sur tous les messages publicitaires pour les denrées alimentaires. Les distributeurs ne sont pas contraints, à l’heure actuelle, par cette disposition ; ce qui se justifie car, malgré les analyses juridiques divergentes sur l’interprétation de son article 35, le règlement européen de 2011 prévoit que de tels dispositifs doivent rester facultatifs. Je suis plutôt favorable à la démarche Nutri-Score mais, après avoir interrogé les services du ministère, il semble que la démarche d’expérimentation puisse être contrariée par l’obligation que vous prévoyez. Je suis donc au regret de vous demander le retrait de ces amendements afin que vous puissiez les retravailler avec le Gouvernement et en particulier le ministère des solidarités et de la santé.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’ai participé au lancement de Nutri-Score, démarche volontaire à la demande de la Commission européenne. La rendre obligatoire constituerait une entrave à la liberté du marché. Il serait de toute façon nécessaire de réaliser une étude d’impact avant d’étendre un dispositif qui n’a que six mois d’existence. Il faudrait évaluer l’avancée de Nutri-Score – plusieurs industriels se sont engagés à l’adopter. Or voter ces amendements reviendrait à faire « tomber » tout le Nutri-Score.

Le Gouvernement préconise d’encourager, bien sûr, l’ensemble des entreprises de l’agro-alimentaire à modifier l’étiquetage de leurs produits afin d’améliorer leur qualité nutritionnelle. Ces engagements sont ceux des plans de filières et, dans le suivi de ces plans, le Gouvernement et les industries agro-alimentaires veilleront à ce qu’une alimentation sûre, saine et durable soit au cœur des préoccupations des agriculteurs.

Je vous demande de retirer vos amendements de manière qu’en lien avec le ministère des solidarités et de la santé nous trouvions une solution dans la perspective de l’examen du texte en séance, une solution grâce à laquelle le dispositif, auquel, j’y insiste, nous tenons, ne serait pas fragilisé.

Mme Monique Limon. Dès lors que nous allons le retravailler, nous sommes disposés à retirer l’amendement CE1576.

M. Olivier Véran. Je maintiens, en revanche, mon amendement. J’étais rapporteur du projet de loi qui, en 2015, envisageait l’instauration du Nutri-Score. L’Europe nous a empêchés de modifier le packaging des produits alimentaires mais l’Europe ne dit rien concernant le droit de la publicité et encore moins en matière de santé publique. Vous ne faites donc là qu’anticiper une possible saisine par la Commission européenne de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui, par un mécanisme indirect, pourrait être amenée à se prononcer, dans quelques années, sur le bien-fondé d’une démarche française qui me semble aller dans le bon sens. Vous anticipez même, monsieur le ministre, la possibilité d’une sanction de la CJUE qui irait jusqu’à empêcher – vous avez dit que l’adoption de l’amendement ferait « tomber » tout Nutri-Score – des marques d’apposer volontairement un logo sur leurs emballages. Il est très difficile de faire adopter des mesures de santé publique surtout quand on se heurte à cet argument consistant à anticiper la réaction des autorités européennes. Je comprends votre inquiétude – même si je ne la partage pas – et je retiens votre main tendue, mais, je le répète, je maintiens mon amendement : on ne prend jamais de belles mesures de santé publique sans prendre quelques risques.

M. Dominique Potier. C’est Marisol Touraine qui, au cours de la précédente législature, a introduit le Nutri-Score dans le débat sur les lois relatives à la santé. Nous avons beaucoup hésité et n’avons pas osé aller jusqu’au bout, c’est pourquoi je salue l’audace de notre collègue. Rendre obligatoire la mention du Nutri-Score sur les emballages n’est sans doute pas suffisant mais c’est déjà une belle étape. Certes nous ne sommes pas à un mois près, mais je vous félicite pour votre courage, monsieur Véran, car nous avons hésité, je l’ai dit, alors que vous entendez, vous, agir. Les députés du groupe Nouvelle Gauche seront à vos côtés maintenant et dans un mois le cas échéant.

M. Richard Ramos. Nutri-Score est un combat du professeur Serge Hercberg depuis les années 2000, combat qui repose sur le constat suivant : la courbe de l’obésité suit la courbe de la pauvreté. Nutri-Score a démontré, contrairement aux Traffic Lights européens, que, pour les populations les plus fragiles, il était plus efficace par sa lisibilité. C’est donc le modèle français qui doit s’imposer aux autres parce que c’est celui qui protège le mieux nos populations, en particulier, j’y insiste, les plus humbles qui ont le moins accès à l’information pour pouvoir manger équilibré.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Qu’on évite de dire des bêtises. Rendre la mention du Nutri-Score obligatoire pourrait conduire la Commission européenne à attaquer le dispositif et, je le répète, cela ferait « tomber » l’ensemble du Nutri-Score. Or ce qui fait sa force, c’est qu’il est fondé sur une démarche volontaire à laquelle, certes, nous devons faire adhérer un maximum d’acteurs. Ce procédé avance « en marchant », si je puis me permettre cette métaphore : on constate qu’un certain nombre de produits naguère dans le rouge, se retrouvent dans le vert, comme le coca zéro, alors qu’ils peuvent donner lieu aux pathologies évoquées par M. Ramos.

Le Gouvernement souhaite donc que le Nutri-Score reste fondé sur le volontariat. Je propose que, d’ici à l’examen du texte en séance, nous trouvions la formule grâce à laquelle nous ne mettrons pas en danger le Nutri-Score – qui garderait son caractère non obligatoire – et grâce à laquelle nous continuerons d’entretenir un dialogue singulier avec les industries agro-alimentaires, comme celui que j’ai depuis de nombreux mois.

M. Olivier Véran. J’entends bien les arguments du ministre et je comprends qu’il soit très bien d’avancer avec les industriels, mais je persiste et signe : le Nutri-Score ne peut pas « tomber » – il est en effet facultatif et l’Europe ne peut pas interdire à un industriel de mettre un logo s’il le souhaite sur ses produits. Aujourd’hui, si 55 industriels, soit environ 30 %, qui font de la publicité dans le domaine agro-alimentaire sont parties prenantes, d’autres industriels, en revanche, qui font partie des gros pourvoyeurs d’obésité, ont déjà signalé qu’ils n’appliqueraient pas le Nutri-Score. Le passage par la publicité qui, encore une fois, est conforme au droit européen, contrairement à la régulation de l’emballage, permet précisément d’aller de l’avant en matière de santé publique. J’ai reçu des industriels qui souhaitent continuer d’avancer. Je vous propose donc d’adopter l’amendement et d’éventuellement l’améliorer en vue de l’examen du texte en séance publique. Il me paraît important de marquer le coup.

Mme Monique Limon. Je n’aimerais pas que nous prenions le risque de voter contre cet amendement, c’est pourquoi je préfère la solution du retrait afin que nous le retravaillions.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Intégrer le Nutri-Score dans la publicité, comme le prévoit l’amendement, le rend de fait obligatoire alors, je le répète, que nous souhaitons nous en tenir à une démarche volontaire.

M. Olivier Véran. Le message « Manger-bouger » qui figure sur toutes les publicités, qui incite à manger sain et équilibré, le message destiné aux enfants pour qu’ils mangent cinq fruits et légumes chaque jour, sont autant de dispositifs qui ne sont pas le fruit de la concertation mais ont été imposés au forceps par la loi. En outre, si le message « Manger-bouger » apparaît dans toutes les publicités, il ne se trouve sur aucun emballage.

Lamendement CE1576 est retiré.

La commission rejette lamendement CE1046.

Elle examine ensuite lamendement CE339 de M. Dino Cinieri.

M. Thibault Bazin. Cet amendement est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il s’agit d’un cavalier législatif. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Article 11 septdecies
(article L. 230-3 du code rural et de la pêche maritime)
Observatoire de lalimentation

Par amendement, le Gouvernement a souhaité revoir les dispositions qui encadrent les missions de l’observatoire de l’alimentation. C’est l’objet de cet article, adopté après avis favorable de votre rapporteur.

La loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a défini la politique de l’alimentation et ses différents instruments, dont l’observatoire de l’alimentation, qui est placé auprès des ministres chargés de la consommation, de la santé et de l’alimentation. Cet observatoire a aujourd’hui pour objet d’éclairer les pouvoirs publics et les acteurs économiques sur les évolutions de l’offre et de la consommation alimentaires : le présent article le recentre sur sa mission de veille en matière de qualité nutritionnelle des produits.

*

*     *

La commission en vient à lamendement CE2094 du Gouvernement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le présent amendement tire les conséquences d’une mission d’experts sur le fonctionnement de l’observatoire de l’alimentation. Dans le cadre du plan national de la restauration collective, le Conseil national de l’alimentation est le parlement de l’alimentation et regroupe à la fois des consommateurs, des représentants d’organisations non gouvernementales (ONG), il émet des avis et il est chargé d’organiser le débat public.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Article 11 octodecies
(article L. 255-102-1 du code de commerce)
Renforcement des obligations de certaines entreprises en matière de responsabilité sociétale

Cet article a été adopté à l’initiative de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable : il vise à prévoir que les obligations en matière de rapport (reporting) extra-financier de certaines grandes entreprises portent également sur leurs actions en matière de don alimentaire, de bien-être animal et d’une alimentation responsable, équitable et durable.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE176 de la commission du développement durable et CE1242 de Mme Alexandra Valetta Ardisson.

 Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de laménagement du territoire. Cet amendement vise à souligner, dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises, les engagements sociétaux de l’entreprise en faveur du don alimentaire, du respect du bien-être animal et d’une alimentation responsable, équitable et durable.

Mme Alexandra Valetta Ardisson. L’amendement s’adresse spécifiquement aux grandes entreprises, qui devront intégrer dans leur responsabilité sociale et environnementale des exigences en matière de consommation alimentaire durable : choix de produits bio et locaux, cuisine sur place, lutte contre le gaspillage alimentaire et le suremballage.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable sur l’amendement CE176. Je demande le retrait de l’amendement CE1242.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Lamendement CE1242 est retiré.

La commission adopte lamendement CE176.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE2055 du rapporteur et CE225 de la commission du développement durable.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La France fait aujourd’hui figure d’exception : elle est parvenue à développer un modèle agricole particulièrement compétitif, tout en préservant un patrimoine agricole et une culture alimentaire et gastronomique uniques dans le monde. Les produits agricoles français sont d’une qualité reconnue et répondent à des exigences sanitaires élevées, ce qui reflète nos choix collectifs et explique qu’ils s’exportent aussi bien.

Dans un contexte mondialisé, la préservation de ce modèle agricole et alimentaire doit guider la politique française à l’international, tant pour renforcer l’attractivité de nos produits que pour protéger l’indépendance alimentaire, héritage dont nous sommes fiers.

Cet amendement vise à promouvoir cette indépendance, en préservant notre modèle agricole ainsi que la qualité et la sécurité de notre alimentation.

 Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement peut être considéré comme un amendement d’appel, compte tenu des débats précédents. Il vise à insérer dans le code rural la mention suivante : « Compte tenu de la nature particulière de l’agriculture au regard des enjeux notamment relatifs à l’indépendance alimentaire des États, à la sécurité des consommateurs et à la préservation de l’environnement, la France promeut dans les relations internationales un traitement différencié par la reconnaissance d’une exception agri-culturelle dans les échanges commerciaux tant au sein de l’Union européenne que dans le cadre des négociations commerciales internationales. »

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je vous propose de vous rallier à mon amendement, plus précis, et qui ne recourt pas à la notion, compliquée à interpréter, d’« exception agri-culturelle ».

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je retire l’amendement.

Mme Delphine Batho. Je reprends cet amendement, que nous avions déposé en commission du développement durable.

M. Sébastien Jumel. Nous avions déposé un amendement similaire un peu plus avant dans le débat, et je soutiendrai cet amendement.

La position du Gouvernement est difficile, car on ne peut pas être dans une logique de préservation de l’indépendance du modèle agricole français et « en même temps » se préparer à ratifier le CETA et à signer l’accord sur le Mercosur ainsi que les vingt et un traités ultralibéraux qui s’annoncent. Ceux-ci sont la négation de l’exception agri-culturelle française et constituent une atteinte forte aux principes des modèles social et agricole français. Le « en même temps » a des limites !

M. Guillaume Garot. Cet amendement a beaucoup de sens. Les produits issus de l’agriculture et destinés à l’alimentation ne sont pas des marchandises comme les autres. Cela justifie un traitement différentié dans les échanges multilatéraux.

Dans les années 1980, la France a obtenu l’exception culturelle ; ce qui était alors perçu comme un progrès est devenu un acquis. En ce début de XXIe siècle, le progrès serait de considérer qu’il existe une exception agri-culturelle – une notion simple, monsieur le rapporteur. Cela permettrait de considérer l’alimentation comme porteuse de valeurs : une valeur économique, une valeur sociale à n’en pas douter, et une valeur culturelle.

Au-delà du symbole, cet amendement aurait des effets très concrets pour la vie des citoyens et des producteurs. Cela nous permettrait de répondre aux grandes questions qui, dans le cadre de la négociation des traités multilatéraux, taraudent les Français et inquiètent les producteurs.

La commission adopte lamendement CE2055.

Elle rejette lamendement CE225.

La commission est saisie de lamendement CE1924 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Lors de la discussion générale, je suis intervenu au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants pour rappeler la nécessité de redonner de la souveraineté aux producteurs français. Ils doivent rester maîtres de leurs choix, et souverains dans leur stratégie de développement.

L’objectif de cet amendement est de sanctuariser la liberté d’usage des agriculteurs de leur surface agricole utile.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les agriculteurs bénéficient du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre. La liberté d’usage de leur surface agricole, dans les limites réglementaires, est déjà acquise.

Quelles situations précises visez-vous ? S’il s’agit des autorisations d’exploiter, je pense que, dans un contexte d’accaparement des terres, l’actualité est plutôt au contrôle de l’usage des terres. C’est d’ailleurs l’objet d’une mission d’information sur le foncier agricole, menée par Dominique Potier et Anne-Laurence Petel, dont je vous propose d’attendre les conclusions. En tout état de cause, cet amendement serait un cavalier législatif.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE1528 de Mme Monique Limon.

Mme Monique Limon. L’alimentation occupe un rôle central dans le développement de la société, en se situant à la croisée d’enjeux multiples qui touchent à la santé, au développement durable, à la formation, au lien social ou au patrimoine.

Il convient de renforcer l’éducation des plus jeunes à l’alimentation ; les enfants d’aujourd’hui sont les consommateurs et les citoyens de demain. Le code rural et de la pêche maritime définit dans son article L. 1 les finalités de la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale. Elle doit notamment soutenir le revenu, développer les filières de producteurs, assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité, rechercher l’équilibre des relations commerciales ou même protéger les terres agricoles.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte lamendement.

La commission est saisie de lamendement CE226 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Le programme national pour l’alimentation – PNA – comporte quatre axes : le gaspillage alimentaire, l’ancrage territorial, la justice sociale et l’éducation. Depuis 2016, seul un quart des financements de l’appel à projets du PNA concerne les questions environnementales et de nutrition. Cet amendement vise à prévoir que : « Les actions du programme national pour l’alimentation prennent en compte des critères environnementaux et de nutrition favorisant l’atteinte des objectifs français de lutte contre les changements climatiques. »

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je vous propose de retirer cet amendement en faveur d’un amendement portant article additionnel avant l’article 16, qui porte en particulier sur la gouvernance du PNA et serait incompatible avec le vôtre.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous demande de vous rallier à l’amendement du rapporteur.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je maintiens l’amendement.

M. Guillaume Garot. Nous avions proposé cet amendement en commission du développement durable. Il nous faut aujourd’hui conjuguer les dimensions environnementale, économique et sociale, pour gagner en efficacité et tenir les objectifs de l’accord de Paris en matière de réduction des gaz à effet de serre.

La commission rejette lamendement.

Elle examine les amendements identiques CE1644 de M. Sébastien Jumel et CE227 de la commission du développement durable.

M. Sébastien Jumel. Il faut favoriser la transition agricole et alimentaire et soutenir une mise en œuvre volontariste de l’adaptation de la restauration collective à une alimentation qualitative. Le Gouvernement doit créer les conditions pour que les collectivités puissent appliquer cette politique, sans quoi cet objectif se heurtera au principe de libre administration des collectivités et restera lettre morte.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement a été voté par la commission du développement durable malgré l’avis défavorable du ministre et de la rapporteure pour avis. Il vise à flécher les financements du PNA vers les zones de revitalisation rurale (ZRR), les réseaux d’éducation prioritaire (REP) et REP+.

L’intention est louable, mais flécher ces financements, c’est exclure certaines zones, alors que la politique qui sous-tend le PNA se veut très inclusive.

M. Jean-Baptiste Moreau. Ce n’est pas le rôle du PNA que d’accorder des financements, et cet amendement ne crée aucun nouveau financement. Plus généralement, le ciblage pose un problème : il est incohérent que le PNA n’intervienne en matière de restauration collective que dans les zones REP, REP+ et ZRR – ces dernières n’étant d’ailleurs pas visées par l’amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement a le mérite de poser la question du financement, afin d’accompagner la montée en gamme de la restauration collective. En réponse à un amendement qui allait dans ce sens, on m’a renvoyé, en toute logique, au projet de loi de finances. Je vous pose donc la question, monsieur le ministre : le PLF pourrait-il intégrer une mesure qui satisfasse notre préoccupation ?

M. Sébastien Jumel. Les arguments sont fallacieux. Nous avons choisi d’être raisonnables et d’y aller moderato cantabile : nous avons donc pris le parti de flécher les financements sur les zones REP, REP+ et ZRR. Et voilà que l’on nous dit que ces financements ne sauraient être réservés à certaines zones et qu’il faut les étendre à l’ensemble des collectivités. Mais que ne sous-amendez donc vous pas notre amendement ! Nous avons voulu être pragmatiques, mesurés, presque sociaux-démocrates – ce qui ne nous ressemble pas vraiment !

Soit on considère que les communes, les départements et les régions doivent s’engager parce que c’est bon pour la santé de nos mômes, et il faut les accompagner financièrement ; soit on enfile les perles, et il faut le dire !

M. Guillaume Garot. Je félicite M. Jumel pour ses références sociales‑démocrates… On ne peut pas dire, comme cet après-midi, que la montée en gamme de la restauration collective avec des produits locaux et bio aura une incidence sur le coût du repas pour les familles et refuser, ce soir, un tel amendement.

Cet amendement prévoit seulement de cibler les financements vers les collectivités et les établissements des zones les plus fragiles, celles où se concentrent les difficultés, en particulier en matière de précarité sociale. Aider ceux qui ont le moins est un principe républicain. Cela permettra de garantir à chaque famille des repas de qualité pour ses enfants.

M. Thierry Benoit. Les amendements de ce type m’étonnent toujours ; ils soulèvent, de fait, la question de la politique fiscale. Il y a quelques années, Jean‑Marc Ayrault souhaitait refondre la fiscalité et réformer l’organisation des institutions territoriales – on voit ce qu’ont produit les réflexions de M. Hollande.

« Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es » ; « dis-moi d’où tu viens, je te dirai qui tu es ». Ces amendements nous mettent face à nos responsabilités, nous renvoient à un constat d’échec sur la fiscalité locale. Nous avons entendu le Président de la République dire qu’il n’y aurait ni impôt nouveau, ni augmentation d’impôts. Nous voilà face à nos responsabilités.

M. Arnaud Viala. Je souscris aux propos de M. Benoit. En sus d’une réflexion sur la politique fiscale locale, qui doit garantir aux collectivités une autonomie et une capacité à faire face à leurs charges, nous devrons nous interroger sur les moyens d’exercer la solidarité nationale. Car même après révision de la fiscalité locale, tous les territoires ne seront pas égaux.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je le redis, si cet amendement était voté, les financements ne seraient fléchés que sur les ZRR, les zones REP et REP+, ce qui exclut les autres zones. Je ne pense pas que c’était là votre intention initiale.

M. Sébastien Jumel. Il n’existe pas de financements en direction des collectivités locales qui prennent en compte les objectifs de bonne alimentation. Les moyens financiers que mobilisent les maires, les présidents de département ou les présidents de région en direction des élèves viennent de la dotation globale de fonctionnement.

Cet amendement repose sur un principe fondamental en République : à situation différente, traitement différent. Chers collègues, nos mômes ont accès à une alimentation de qualité, mais en milieu populaire, en milieu rural, c’est la malbouffe qui règne, et vous le savez. Appliquons un principe de discrimination active, sans pour autant soulever la question fiscale – ce n’est pas le sujet.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je maintiens l’avis.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’avis n’a pas changé : ces amendements sont des cavaliers législatifs. Certes, il faut accompagner les territoires pour qu’ils appliquent les mesures en faveur d’une alimentation plus saine, plus sûre et plus durable dans la restauration collective. D’autres amendements prévoyaient même de mettre en œuvre des moyens supplémentaires. Pour autant, nous faisons ici une loi relative au revenu agricole – titre Ier – et à une alimentation plus saine, plus sûre et plus durable – titre II ; nous ne faisons pas de la fiscalité locale.

Bien sûr, je peux dire qu’il est nécessaire d’accompagner les collectivités territoriales, mais ce n’est pas ici que cela se décide, et pas grâce à ces amendements. C’est dans le cadre du PLF que ces mesures seront prises. Efforçons-nous d’écrire une loi qui ne soit pas trop bavarde ; elle en deviendrait inefficace et incompréhensible.

M. Thierry Benoit. Les auteurs des amendements de cette nature font le constat qu’une alimentation saine, de qualité et durable a un coût et qu’il manque sans doute un volet dans le texte que nous examinons : on traite du revenu des agriculteurs et de l’alimentation, qui doit être saine, mais à quel est le prix et qui paie ?

M. Arnaud Viala. Je souscris à ce que M. Benoit vient de dire. J’ajoute à l’intention du ministre, sans vouloir faire preuve de méchanceté, qu’il y aurait peut-être, à ce compte-là, d’autres aspects du titre II qui ne devraient pas figurer dans un texte relatif à l’agriculture.

M. Sébastien Jumel. J’ai l’impression que l’on ne parle pas la même langue. Votre projet de loi, monsieur le ministre, comporte des objectifs qui portent notamment sur le recours à une alimentation biologique, du terroir et de qualité, objectifs que je soutiens. Le problème est que des lois proclamant des droits ou des objectifs sans se donner les moyens nécessaires pour garantir leur réalisation ne sont que des feuilles mortes. Sans être nécessairement bavardes, de telles lois sont virtuelles. Vous connaissez la distinction marxiste entre les droits formels et les droits réels : quand on énonce des objectifs généreux sans prévoir les moyens de les atteindre, on en est là. Ce n’est donc pas nous qui proposons des cavaliers législatifs, en réalité. Nous demandons simplement que la loi se donne les moyens d’atteindre des objectifs que nous partageons. Il reviendra ensuite à la loi de finances de les acter

M. François Ruffin. Je vous ai dit à plusieurs reprises ma crainte que cette loi ne soit une usine à gaz, sans véritable résultat en fin de compte, et je ne suis pas le seul à faire preuve d’un tel scepticisme. Cela va au-delà de la mécanique de contractualisation qui est prévue dans la première partie du texte : si on dit que les cantines doivent aller dans une direction sans prévoir à aucun moment les moyens d’y arriver, nous craignons que cela ne donne rien dans les faits. On fera une loi de plus, mais sans que cela aboutisse à un résultat concret. De même, quand on dit que les coûts de production doivent être mieux définis et contrôlés, quels moyens prévoit-on ? La question se pose sur tous les sujets. Si on veut que cette loi devienne une réalité, il faut évidemment qu’il y ait les moyens en face.

M. Richard Ramos. Je suis certain que le ministre sera d’accord avec moi : il fait souvent référence à une alimentation plus sûre, plus saine et plus durable, mais il faut ajouter qu’elle doit être accessible à tous, de manière systématique. Même si le financement par les collectivités locales n’est pas le sujet, je souligne que nous regarderons aussi avec une grande attention ce que l’État fera en ce qui concerne les hôpitaux.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite lamendement CE1735 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Si vous le voulez bien, je vais défendre en même temps les amendements CE1735 et CE1781, qui sont de mêmes esprits. Il s’agit de développer les plans alimentaires territoriaux (PAT) – c’est un beau dispositif qui a vu le jour au sein de notre Assemblée sur la proposition de Brigitte Allain. L’objectif est d’unir les forces, notamment associatives et entrepreneuriales, autour des collectivités pour avoir plus de fertilité et de performance au niveau local – en particulier en matière de relocalisation et de santé publique. Ce dispositif volontaire fait florès, car il permet des innovations et des coopérations inédites qui produisent de bons résultats. Après la phase expérimentale, engagée sous la précédente législature, nous proposons une généralisation à une échéance raisonnable, c’est-à-dire 2026. Un premier outil pour organiser la couverture du territoire est la planification que les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) peuvent organiser à travers les programmes régionaux d’agriculture durable (PRAD). Je voudrais aussi rappeler que les collectivités et leurs regroupements peuvent animer les PAT dans le cadre de leurs compétences facultatives. Nous devons définir une vision et donner à notre société des outils permettant de se saisir des enjeux alimentaires. Outre des instruments tels que la qualification Haute valeur environnementale (HVE), les appellations d’origine protégée (AOP) et les contrats tripartites, qui ont été précédemment évoqués, nous pensons que les PAT doivent désormais être généralisés.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le premier amendement me gêne un peu dans la mesure où il restreint au niveau régional les plans alimentaires territoriaux, alors que ces outils voient aussi le jour dans le cadre des départements ou plus localement encore. N’imposons pas le recours à l’échelon régional, alors que l’on a déjà du mal à développer ces outils : je ne suis pas sûr qu’une régionalisation aidera. En ce qui concerne le deuxième amendement, je défendrai une proposition générale sur la gouvernance et l’articulation des PAT avec le programme national pour l’alimentation (PNA) que nous examinerons avant l’article 16. Je demande donc le retrait de ces amendements, auxquels je donne, sinon, un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cette disposition n’est pas de niveau législatif et je pense, comme le rapporteur, qu’il ne faut pas se limiter au niveau des régions. Elles peuvent se saisir de ces outils pour créer différents projets, mais les départements peuvent aussi être actifs, de même que les villes – nous en avons récompensé à ce titre lors du salon de l’agriculture – et les intercommunalités. Ne limitons pas le périmètre de ces dispositions nous aurons notamment besoin pour travailler sur la restauration collective – il faut densifier et structurer l’offre. J’émets un avis défavorable à ces deux amendements.

M. Nicolas Turquois. Comme le rapporteur et le ministre, je veux souligner que les PAT peuvent avoir une dimension très locale, notamment au niveau des communautés de communes et d’agglomération. Certaines d’entre elles accompagnent l’installation de maraîchers, par exemple. Tout un travail est réalisé pour redonner du sens et favoriser la proximité. Je pense que l’exercice risque d’être trop théorique s’il a lieu au plan régional.

M. Vincent Descoeur. Je suis du même avis. On ne doit pas laisser penser que seules les régions peuvent animer ces plans, alors que tout le monde sait bien ce que les départements, et d’autres collectivités, ont fait : il y a déjà une expérience et une vraie histoire dans ce domaine.

M. Dominique Potier. Permettez-moi de dire que cette présentation juridique de mes amendements est déformée. Les PRAD, qui sont copilotés par l’État et les présidents des conseils régionaux, veillent à la couverture de l’ensemble des territoires. Ce n’est pas Paris qui décide, mais Strasbourg ou Marseille, selon des modalités très diverses qui dépendent des départements et des autres collectivités. Ce que je vous propose est de favoriser cette dimension de planification stratégique, sans empêcher qu’il y ait des modalités locales d’application. De même, on n’interdit pas aux autres collectivités d’agir si l’on autorise une action au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) – c’est l’objet de mon deuxième amendement.

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite lamendement CE1781.

Puis elle examine lamendement CE229 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Les acteurs de terrain nous ont dit qu’ils voulaient s’engager dans une démarche de qualité, notamment via des projets alimentaires territoriaux. Ils souhaitent cependant un accompagnement en matière d’ingénierie, de formation, voire de financement, dans les différents niveaux de collectivités. C’est pourquoi la commission du développement durable a adopté cet amendement qui permet à l’État de confier aux régions qui le souhaitent un rôle de chef de file pendant trois ans, à titre expérimental. On risque de ne pas atteindre les objectifs ambitieux de l’article 11 sans un développement des filières territoriales. Dans cette perspective, nous vous proposons que les régions puissent les animer et les structurer, en accompagnant les collectivités, notamment via la formation des gestionnaires de la restauration et des acheteurs publics.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Tous les porteurs de projets – privés ou publics, y compris les régions – peuvent aujourd’hui s’emparer des PAT, dont l’avantage est la souplesse. Tout ce que propose l’amendement est déjà possible. Le problème est que sa rédaction paraît restreindre les PAT aux acteurs régionaux, même s’il n’est question que d’une expérimentation. Il faut préserver la souplesse des PAT, qui sont menés par différents acteurs : des départements – le président de leur association, Dominique Bussereau, m’a d’ailleurs contacté –, des régions – j’ai bien écouté ce que nous a dit l’Association des régions de France, que nous avons auditionnée – ou encore des communautés d’agglomération – c’est le cas dans mon territoire. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée d’imposer que les régions deviennent les leaders. Je préférerais donc que l’amendement soit retiré.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. On peut avoir besoin d’un maillage fin pour organiser les PAT. La région a un rôle à jouer, comme je l’ai dit tout à l’heure, mais un encadrement à ce niveau serait contre-productif et toutes les régions n’agiront pas de la même manière. Laissons de la liberté et de l’autonomie. Sinon, les PAT risquent de ne pas produire les résultats attendus. Je compte plutôt sur l’énergie et la volonté des territoires : ils ne doivent pas se sentir muselés ou emprisonnés dans un cadre trop rigide  Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs).

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il y a dans ma région, la Bretagne, une démarche qui fonctionne très bien à ce niveau. Nous avons pris de l’avance et inspiré d’autres expériences, même si les EGA constituent aussi un fer de lance. Le recours à l’intelligence collective n’est pas une forme de cadrage : ce que nous proposons est une animation territoriale. Cela dit, j’entends les arguments du ministre.

Lamendement est retiré.

La commission est ensuite saisie de lamendement CE1384 de
M. Loïc Prudhomme.

M. le président Roland Lescure. Je voudrais dire à M. Ruffin, avant de lui donner la parole, que j’ai demandé que l’on étudie sa suggestion d’une fontaine à eau à l’entrée de cette salle. En ce qui concerne les récipients, je propose de faire comme à Montréal : chacun vient avec sa petite gourde et la remplit à l’entrée. Nous aurons toujours des bouteilles en plastique pour ceux qui veulent rester au XXe siècle, mais j’espère que leur utilisation sera significativement réduite.

M. François Ruffin. Je vous remercie : je vais ainsi contribuer pendant mon mandat à au moins une grande transformation de notre assemblée (Sourires).

L’amendement CE1384 nous a été proposé par France Nature Environnement – je le dis en toute transparence. Il vise à faire entrer dans les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) les associations de protection de l’environnement qui sont reconnues comme représentatives. Je rappelle que les SAFER ont notamment pour mission de préserver l’environnement, les paysages et les ressources naturelles. Nous créerons un quatrième collège au sein du conseil d’administration de ces sociétés – il y a déjà des représentants d’organisations professionnelles, des collectivités territoriales et d’autres partenaires, dont l’État et les actionnaires.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je ne vois aucune raison de donner un poids beaucoup plus important aux seuls représentants des associations environnementales, qui sont déjà présents dans la gouvernance des SAFER. Ce serait nécessairement au détriment des autres acteurs, notamment l’État et les collectivités territoriales. En outre, la rédaction de l’amendement conduit à exclure de la gouvernance des SAFER, sans apporter de justification sur ce point, les fédérations de chasseurs et les établissements publics locaux. Je donne donc un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis. Avant de réformer la gouvernance des SAFER, il faudrait commencer par une concertation avec l’ensemble des parties prenantes, dans le cadre d’une réflexion globale. Celle-ci sera lancée en septembre 2018 dans la perspective d’une loi foncière que nous présenterons l’année suivante. J’émets aussi un avis défavorable.

M. François Ruffin. Je ne vois pas de difficulté à modifier l’amendement pour maintenir – évidemment – les chasseurs et les établissements publics dans les SAFER, mais je ne comprends pas pourquoi on ne pourrait pas garantir la présence d’associations de protection de l’environnement.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Elles participent déjà à la gouvernance des SAFER.

M. François Ruffin. Il n’y a pas de collège spécifique qui rendrait leur présence obligatoire.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Certes, mais je répète qu’elles sont déjà là.

La commission rejette lamendement.

Article 11 novodecies
(titre III du livre II du code rural et de la pêche maritime)
Intitulé d’un titre du code rural et de la pêche maritime

Cet article a été adopté à l’initiative de M. Daniel Labaronne. Le titre III du livre II de la partie législative du code rural et de la pêche, actuellement intitulé « Qualité nutritionnelle et sécurité sanitaire des aliments », deviendrait « Qualité de l’alimentation : politiques publiques, nutrition, sécurité sanitaire ».

*

*     *

Puis la commission examine lamendement CE1694 de
M. Daniel Labaronne.

Mme Cendra Motin. Nous vous proposons de modifier l’intitulé du titre III du livre II de la partie législative du code rural et de la pêche maritime en y intégrant une référence aux « politiques publiques ». Les aspects culturels et environnementaux de l’alimentation pourront ainsi être pris en compte : il faut s’intéresser à la manière dont elle est produite, sous un angle économique et social – c’est-à-dire selon une approche qui s’apparente à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). La référence aux politiques publiques pourrait notamment être intéressante pour le vin – il a beaucoup été question de ses dimensions culturelles et patrimoniales dans nos débats.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je me fais une joie de donner un avis favorable à votre amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le titre serait ainsi rédigé : « Qualité de l’alimentation : politiques publiques, nutrition, sécurité sanitaire ». Cela ne pose pas de difficulté particulière, mais cela n’apporte pas non plus de véritable plus-value : je m’en remets donc à la sagesse de votre commission.

La commission adopte lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE469 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Notre amendement vise à faciliter l’identification des circuits courts et dits de proximité, qui me paraît au moins aussi importante que le label bio.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement me semble entrer en concurrence avec celui du Gouvernement que nous avons précédemment adopté sur le même thème. Je vous suggère donc un retrait.

Lamendement est retiré.

Puis la commission examine lamendement CE1383 de Mme Mathilde Panot.

M. François Ruffin. Je vous propose un amendement rédactionnel, ou en tout cas d’ordre lexical, qui fera des actuelles chambres d’agriculture des « chambres d’agriculture et de l’alimentation ». Nous serions par ailleurs favorables à un changement de nom du ministère de l’agriculture – il faudrait le placer sous la coupe d’un ministère plus large de l’écologie.

M. le président Roland Lescure. Je ne pense pas que cela dépende de notre Assemblée.

M. François Ruffin. On peut quand même le dire ici.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Au vu des missions exercées par les chambres d’agriculture, qui sont essentiellement agricoles et non alimentaires, la mention que vous proposez n’aurait aucune plus-value. Cela créerait surtout de la complexité et obligerait à changer toutes les plaques apposées sur les bâtiments. Par conséquent, avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur Ruffin, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation ne s’appelle pas ministère de l’écologie, mais s’occupe tous les jours d’écologie et d’environnement.

Pour ce qui concerne les chambres d’agriculture, l’approche systémique de l’alimentation dépasse de très loin leur rôle. L’alimentation, c’est à la fois la nutrition santé, l’accessibilité sociale, l’urbanisme, l’aménagement du territoire. Cela touche donc bien d’autres institutions. En conséquence, mon avis sera défavorable.

M. Nicolas Turquois. Sans doute fatigué par l’examen de ces nombreux amendements « de bonne conscience », je m’interroge sur leur intérêt. Font-ils vraiment avancer le débat ? Nous sommes tous conscients qu’il faut travailler sur des circuits courts, sur une meilleure alimentation, sur le durable. Cela m’agace de passer tant de temps là-dessus !

M. Richard Ramos. Même si je comprends mon collègue Turquois, ce qu’a dit M. Ruffin est très important : on doit passer d’une logique agricole à la logique de l’alimentation. Pourquoi ? Après guerre, l’agriculture travaillait dans cette logique agricole – de la fourche à la fourchette : elle produisait et les consommateurs achetaient. Désormais, la fourchette induit les productions. Les États généraux de l’alimentation portent cette vision globale de l’alimentation, qui influe désormais sur les productions agricoles.

M. François Ruffin. Il va y avoir une scission au sein du MoDem ! La France insoumise peut vous accueillir ! (Sourires.)

M. le président Roland Lescure. Nous aussi ! (Sourires.)

M. François Ruffin. Plus sérieusement, on parle bien d’États généraux de l’alimentation, et non de l’agriculture. Il n’est donc pas neutre que les chambres d’agriculture deviennent des chambres de l’agriculture et de l’alimentation.

Monsieur Turquois, nous ne sommes pas dans le symbolique lorsque nous posons l’importante question des moyens. Pourtant, on nous répond que ce n’est pas le moment de la poser…

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1385 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Nous souhaitons une démocratisation et davantage de pluralisme au sein des chambres d’agriculture. Les différentes organisations agricoles et fédérations doivent y être représentées. Les paysans doivent y être élus à la proportionnelle, afin que la diversité des acteurs soit représentée. Actuellement, les représentants des collèges 1 et 3 – qui disposent du plus grand nombre de sièges – sont élus au scrutin de liste à un tour. La liste ayant recueilli le plus de voix obtient la moitié des sièges à pourvoir. Les autres sièges sont répartis à la proportionnelle entre toutes les listes – comme dans les conseils municipaux –, ce qui favorise nettement le syndicat agricole majoritaire et empêche une bonne représentation des différentes organisations syndicales.

Puisque vous voulez introduire une dose de proportionnelle dans le scrutin législatif, je vous propose de la renforcer dans les chambres de l’agriculture et de l’alimentation !

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre exposé sommaire ne correspond pas au dispositif de l’amendement relatif aux missions de transition écologique des chambres d’agriculture. Je suis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable. Les élections des chambres d’agriculture auront lieu au mois de janvier prochain. On ne touche pas au mode de scrutin six mois avant une élection !

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1382 de Mme Bénédicte Taurine.

M. François Ruffin. Cette demande est portée par France Nature Environnement. Notre amendement précise la composition des chambres départementales d’agriculture.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable.

Mme Célia de Lavergne. Nous avons débattu de ce sujet à la commission du développement durable lors de l’examen pour avis du projet de loi. Nous y reviendrons probablement lors de l’examen de notre amendement CE1598, qui nous semble plus adapté que celui de M. Ruffin. Nous l’avons négocié avec l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture (APCA). Tout en respectant le processus électoral, nous souhaiterions que les associations de consommateurs, les associations de protection de l’environnement et les collectivités territoriales soient associées plus étroitement aux décisions prises par les chambres d’agriculture et jouent un rôle dans leur gouvernance.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’examen de l’amendement CE1388 de Mme Mathilde Panot.

M. François Ruffin. Dans la lignée des précédents amendements, défendus avec brio, il s’agit encore une fois de démocratiser les structures institutionnelles agricoles, en l’occurrence le Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire. En toute transparence, cette modification a été proposée par France Nature Environnement. Il s’agit de créer un quatrième collège au sein de cette instance, qui serait composé d’associations de protection de l’environnement agréées au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement, ainsi que d’associations de consommateurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Comme pour les SAFER, il n’y a pas de raison que les associations environnementales et de consommateurs aient, en proportion, une voix aussi importante que les acteurs publics qui composent ce Conseil supérieur.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Défavorable.

M. François Ruffin. Ce conseil est composé de plusieurs membres, cela peut très bien être proportionné ! Votre refus de les inclure au sein des SAFER, des chambres d’agriculture et maintenant de ce Conseil supérieur me paraît un peu exclusif ! Je vous rappelle que, dans son avis rendu le 12 novembre 2012, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) indiquait que « tous les acteurs concernés (agriculteurs, sylviculteurs, coopératives, transformateurs, distributeurs, salariés, collectivités territoriales, structures associatives, consommateurs, environnementalistes…) doivent être associés, dans le cadre d’une représentation équilibrée au sein des organismes consultatifs participant à la définition et à la concrétisation des objectifs fixés, pour une véritable concertation. ». Nous ne faisons que reprendre cette proposition.

La commission rejette l’amendement.

Article 11 vicies
(article L. 642-9 du code rural et de la pêche maritime)
Représentation environnementale au sein de lInstitut national de lorigine et de la qualité

La rapporteure pour avis de la commission du développement durable a proposé un amendement, adopté avec avis réservé du rapporteur, afin de prévoir que les comités nationaux de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) comporte des représentants d’associations agréées de protection de l’environnement.

Votre rapporteur a indiqué que plusieurs personnalités qualifiées y intervenaient déjà au titre de la protection de l’environnement.

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*     *

La commission passe à lexamen de lamendement CE233 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à ouvrir la gouvernance des comités nationaux de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) aux représentants d’associations agréées de protection de l’environnement, en application des dispositions de l’article L. 141-1 du code de l’environnement. Il a été adopté par la commission du développement durable avec un avis de sagesse du ministre.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La gouvernance de l’INAO est complexe et des personnalités qualifiées dans le domaine de la protection de l’environnement y participent déjà. Toutefois, accorder une place officielle aux associations environnementales en son sein peut être utile. Mon avis sera donc favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1381 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Parodiant Clemenceau, je dirais que l’agriculture est peut-être une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls agriculteurs. C’est pourquoi il nous semble utile de faire entrer d’autres sensibilités dans certaines instances, qu’il s’agisse d’environnementalistes ou de représentants des consommateurs.

Le présent amendement souhaite que ces associations participent au Conseil national de l’enseignement agricole qui débat de la formation des agriculteurs de demain. L’enseignement étant porteur d’une idéologie et de valeurs, il nous semble important que les structures associatives protectrices de l’environnement et des consommateurs y siègent.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ce Conseil national, comme son nom l’indique, est tourné vers les questions d’enseignement. Les plus de soixante personnes qui y siègent ont une compétence en matière d’éducation ou d’enseignement, à l’exception de quelques représentants des syndicats agricoles. Les chambres d’agriculture et les fédérations de chasseurs n’y siègent pas, les associations environnementales ou de consommateurs n’ont pas non plus vocation à y siéger.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Son extension à d’autres membres pourrait obérer fortement sa capacité à remplir sa mission. L’enseignement agricole est désormais en pointe sur l’agro-écologie ou les conversions en agriculture biologique – notamment lorsque des exploitations se situent à l’intérieur des établissements. Ses programmes ont été actualisés. L’enseignement agricole forme par ailleurs les futurs agriculteurs aux questions sanitaires et économiques. Il ne faut pas l’oublier, nos agriculteurs sont aussi des chefs d’entreprise.

M. François Ruffin. Je suis triste, je le dis sans ironie. Ce projet de loi est supposé guider, aider, soutenir, orienter l’agriculture vers un plus grand respect de l’environnement.

Les agriculteurs ont déjà fait des efforts mais il faut accélérer ce processus. Or les moyens matériels pour y parvenir sont flous et bien maigres dans le projet de loi. Par ailleurs, nos petites propositions de transformation sont refusées ! Les syndicats d’enseignants agricoles ont attiré notre attention sur ce point : hormis les représentants de l’enseignement, seuls les professionnels de l’agriculture – essentiellement ceux du syndicat majoritaire – siègent dans ce conseil. Certes, l’enseignement agricole offre déjà des perspectives, mais la composition de ce conseil ne lui permet pas de respirer.

M. Dominique Potier. Monsieur Ruffin, ne vous inquiétez pas pour l’état de l’enseignement agricole. J’en suis issu et j’ai été invité à trois reprises par des lycées de ma région. Ma seule crainte est que cette loi ne soit pas à la hauteur des attentes de ces pionniers. Les lycées agricoles développent de nombreuses innovations pédagogiques, cette jeunesse est en train de créer l’agronomie du futur et l’enseignement y est de grande qualité. J’espère juste que nous serons à la hauteur de leurs attentes !

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous serons à la hauteur et, depuis quatre jours, nous nous donnons les moyens de réussir.

Nous agissons concrètement : plan d’action sur l’économie circulaire et la bioéconomie et plan Bio, doté de 1,1 milliard d’euros. De même, le Grand plan d’investissement va permettre de rehausser le niveau de l’amont agricole, de travailler et de redresser les entreprises agroalimentaires, de structurer nos filières. Nous réformons également la formation, autour de l’agro-écologie, de l’agroforesterie ou des questions sanitaires. Toutes ces actions font partie de la feuille de route 2018-2022 pour la politique de l’alimentation, présentée par le Premier ministre en décembre dernier : la diversité de nos modèles doit continuer à créer de la richesse et constituer une force pour l’agriculture française.

La commission rejette lamendement.

Elle se saisit ensuite de lamendement CE1389 de Mme Bénédicte Taurine.

M. François Ruffin. Nous souhaitons transformer les instituts techniques agricoles, en charge de la diffusion des modes de production et d’innovations techniques ou agro-écologiques. Nous proposons d’instituer une représentation proportionnelle à l’intérieur de ces instituts, afin que le syndicat majoritaire ne dispose plus d’une prime, un peu comme dans les conseils municipaux.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement pose plusieurs difficultés. L’alinéa que vous ajoutez est largement d’ordre réglementaire : il est trop précis pour figurer dans la loi, d’autant que l’article que vous modifiez est une disposition générale, pas une règle de composition : les syndicats mentionnés dans cet article ont vocation à figurer dans les organisations visées, mais ces dernières sont beaucoup plus larges que les seuls instituts techniques agricoles.

De façon plus gênante encore, vous modifiez le dernier aliéna, pour faire entrer dans le champ de cet article les organisations interprofessionnelles, qui en étaient expressément exclues, sans le motiver, ainsi que les établissements qui interviennent – mais pas exclusivement – dans le secteur des produits d’appellation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis très attaché au pluralisme syndical, comme au pluralisme politique. Mais il y a une règle de base à respecter : quand on gagne les élections, on est majoritaire. C’est ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale après les élections législatives.

Votre proposition peut être intéressante, mais c’est un cavalier législatif, car elle ne contribue, ni de près, ni de loin, aux objectifs de la loi.

M. François Ruffin. Je ne souhaite pas que la manière dont les choses se passent dans ce Parlement serve de modèle pour toutes les élections du pays ! Par ailleurs, ce n’est pas un cavalier législatif. Les États généraux de l’alimentation visait en effet à assurer des prix décents aux agriculteurs afin d’orienter l’agriculture vers des pratiques plus ambitieuses et agro-écologiques. Ces instituts techniques agricoles sont précisément un relais pour atteindre ces objectifs. Bouleverser leur composition, c’est une étape sur le chemin…

M. Sébastien Jumel. L’actuelle majorité est composée d’anciens socialistes, minoritaires dans leur ancienne majorité, qui ont changé de majorité pour devenir majoritaires ! Cette majorité, c’est qui perd gagne !

La commission rejette lamendement.

La commission est saisie de lamendement CE234 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement a été adopté contre l’avis du ministre et de la rapporteure pour avis.

C’est un cavalier législatif qui réoriente la politique de solidarité internationale et de développement en matière agricole vers des exploitations s’inscrivant dans une démarche de transition écologique. En outre, l’impact de cette disposition serait très important, car il faudrait satisfaire à des critères extrêmement exigeants pour l’aide au développement.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Mme la rapporteure pour avis l’a très bien expliqué : avis défavorable également.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Comment peut-on applaudir Justin Trudeau, qui nous parle de mutation, de modernité et d’ouverture sur le monde, célébrer l’agroécologie à Rome autour de Stéphane Le Foll et de la France pionnière, préparer des journées d’aide publique au développement avec l’Agence française de développement (AFD) tout autour de la planète, et refuser un amendement qui rappelle simplement que l’agriculture que nous accompagnons est non seulement familiale, mais qu’elle sera agroécologique et respectueuse du climat au motif qu’il s’agirait d’un un cavalier réglementaire ! C’est faux ! Dans les lois que nous avons précédemment adoptées, nous avons introduit de telles précisions, et nous le faisons parce que ça fait partie du récit du monde. Voter cet amendement  est la moindre des choses ! Voulons‑nous accompagner l’agrobusiness, l’accaparement des terres, ou une agriculture vivrière sur toute la planète ?

Mme Célia de Lavergne. Comment conçoit-on l’aide au développement ? Après les travers de la Franceafrique, nous considérons que les pays doivent d’abord proposer une stratégie nationale, élaborée sans ingérence. L’AFD viendra ensuite apporter son appui. C’est à ces pays qu’il revient de définir leurs stratégies en faveur de leur agriculture, de la transition écologique. Et nous les accompagnerons dans un souci de progressisme et de modernité.

Imposer une démarche inverse à l’Agence française de développement, qui plus est par le biais d’un cavalier législatif ne saurait nous convenir. Nous ne voterons pas cet amendement.

M. Sébastien Jumel. Il me semble qu’il y a une méprise sur l’objet de l’amendement. En droit, un cavalier législatif consiste à introduire dans un texte une disposition étrangère au sujet traité.

Il ne me semble pas que préciser que la politique agricole doit être familiale et s’inscrire dans une démarche de transition écologique, soit hors sujet au regard des objectifs assignés par les EGA, le ministre et l’ensemble du Parlement.

On peut ne pas être d’accord avec cet amendement ; il n’en demeure pas moins qu’il ne constitue pas un cavalier législatif.

M. Dominique Potier. L’initiative « Planet A » à Chalons, au mois de juin, l’événement prévu à l’Assemblée nationale, One Planet Summit avec le Président de la République : on réclame des éléments sur la politique de la France dans le monde. La résilience climatique, le 4 pour 1 000 : nous ne pouvons pas abandonner tout cela. C’est l’image de la France dans le monde ! Madame de Lavergne, il en a toujours été ainsi,  nous fixons un cadre et un cap à notre politique. Nos partenaires sont respectés. Les ONG, que vous connaissez bien, tout comme moi, depuis mon enfance, ont imprimé l’idée du respect. Cela n’empêche pas la France de s’interdire d’accompagner des pays dont les pratiques seraient contraires à l’intérêt général et au bien commun.

Il n’y a aucune contradiction, et cet amendement n’est pas un cavalier législatif.

La commission rejette lamendement.

Article 11 unvicies
(article 3 de la loi n°2014-733 du 7 juillet 2014 dorientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale)
Dimension agroalimentaire de la politique de développement

Cet article, adopté à l’initiative de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, vise à préciser que la politique de développement et de solidarité internationale doit être cohérente avec la politique agricole mais également avec la politique agroalimentaire.

Article 11 duovicies
Rapport au Parlement sur les projets alimentaires territoriaux

Le présent article, adopté à l’initiative de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, vise à demander au Gouvernement une évaluation des projets alimentaires territoriaux, dont le nombre est aujourd’hui trop faible malgré leur utilité confirmée pour la structuration de filières agricoles et alimentaires locales.

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*     *

La commission étudie ensuite lamendement CE235 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement prévoit d’étendre le champ de l’aide alimentaire à la question agroalimentaire ; il a été adopté avec un avis favorable du ministre et de moi-même.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il me semble qu’il s’agit encore d’un cavalier ;  je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je ne me dédirai pas puisque j’avais donné un avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle se saisit ensuite de lamendement CE243 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Nous avons évoqué les projets alimentaires territoriaux : aujourd’hui, une quarantaine de nos projets sont en place.

Cet amendement prévoit qu’au plus tard le 1er janvier 2020, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l’évaluation du dispositif de projet alimentaire territorial (PAT). Il a été adopté avec un avis favorable du ministre et de la rapporteure pour avis.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le Gouvernement peut, par ce rapport, identifier les marges d’amélioration des PAT, qui constitue un outil utile mais insuffisamment utilisé aujourd’hui. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle étudie ensuite lamendement CE1839 de M. Bruno Duvergé.

M. Richard Ramos. Plusieurs instances dédiées à l’alimentation existent aujourd’hui tels que le Conseil national de l’alimentation ou l’Observatoire de l’alimentation. Dans un objectif de rationalisation et de simplification, il est proposé d’analyser une éventuelle fusion de tous ces organismes et de réintégrer le groupe d’étude des marchés de restauration collective et nutrition (GEM-RCN) dans ces instances.

Il serait bon que les personnes morales de droit public incluent dans les repas servis dans les restaurants collectifs une part significative de produits issus des circuits courts.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Au-delà de ce projet de rapport, je proposerai avant l’article 16 un amendement tendant à simplifier l’ensemble des structures impliquées dans la gouvernance de l’alimentation.

Mons avis est donc défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Votre amendement précise que le rapport examinera l’éventuelle réactivation du GEM-RCN.

Je partage votre souhait de rationaliser et de simplifier les structures, ne doutez pas que nous nous y employons. Il est par ailleurs prévu de constituer un Conseil national de la restauration collective, qui reprendra une partie des missions confiées au GEM-RCN en matière nutritionnelle.

Compte tenu de ces éléments, mon avis est défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE1390 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Il s’agit de confier l’orientation agricole aux régions, et de prévoir qu’elles coordonnent avec les autres collectivités la politique alimentaire locale, notamment dans le domaine des projets alimentaires territoriaux.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les régions ont déjà cette compétence, avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La loi NOTRe, a déjà attribué aux régions de la compétence agricole.

M. François Ruffin. Cette compétence est-elle de droit ou de fait, monsieur le ministre ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La compétence agricole est dévolue aux conseils régionaux, comme la pêche et comme toute activité économique et la formation.

L’amendement est retiré.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1789 de M. Guillaume Garot, CE1927 de Mme Mathilde Panot, ainsi que les amendements identiques CE340 de M. Dino Ciniéri et CE460 de Mme Barbara Bessot-Ballot, et lamendement CE1654 de Mme Anne-Laurence Petel.

M. Guillaume Garot. Cet amendement concerne la publicité pour les produits alimentaires et les boissons qui s’adresse aux enfants. Compte tenu des problèmes causés par l’obésité, nous devons réagir de façon très déterminée.

Nous proposons de poser comme principe qu’il ne peut plus y en avoir, ni sur les écrans ni à la radio, les enfants constituant un public vulnérable et sensible. Nous acceptons cependant des exceptions pour les produits et boissons dont les caractéristiques nutritionnelles sont adaptées aux besoins de l’enfant et de l’adolescent.

Au-delà de l’éducation à l’alimentation, la puissance publique doit se donner tous les moyens de protéger les publics sensibles.

M. François Ruffin. Cet amendement vise à déterminer les plages horaires durant lesquelles les enfants regardent la télévision, à interdire au cours de ces périodes la diffusion de messages publicitaires pour des produits contenant du sucre, par exemple.

Il ne s’agit pas de légiférer pour légiférer, mais de lutter contre l’obésité toujours plus précoce des jeunes, qui constitue un mal endémique touchant particulièrement les classes populaires.

M. Thibault Bazin. L’amendement CE340 est défendu.

Mme Barbara Bessot Ballot. Il s’agit de lutter efficacement contre le fléau des produits industriels sucrés, qui sont largement consommés par les populations les plus vulnérables, et notamment les enfants et les adolescents. Nous n’avons que trop attendu.

Mme Anne-Laurence Petel. Mon amendement prévoit la suppression des messages publicitaires et activités promotionnelles en faveur de produits alimentaires et boissons trop riches en sucre, sel et/ou matières grasses et ayant pour cible les enfants de moins de 16 ans sur tout support. Outre la radio et la télévision, les advergames, les jeux, sites internet, etc. sont également visés.

Aujourd’hui, un enfant sur six est en surpoids. La Stratégie nationale de santé 2018-2022 prévoit de limiter l’influence de la publicité et du marketing alimentaire sur les enfants. Il importe de s’attaquer à ce problème dans le cadre de notre politique de prévention. Les enfants, qui sont beaucoup plus vulnérables et influençables lorsqu’ils jouent ou regardent la télévision, doivent être protégés.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. On ne peut que partager les préoccupations qui motivent ces amendements. En revanche, leur mise en œuvre est délicate, singulièrement celle de l’amendement CE1789, qui propose l’établissement d’une liste de produits, fixée par arrêté, les classant en fonction de leur qualité nutritionnelle et retenant ceux qui auraient le droit de faire l’objet de publicité. Il sera impossible aux agents publics de passer absolument tous les produits en revue, de la tablette de chocolat à la bouteille de lait, en passant par la canette de soda, afin de déterminer lesquels pourront faire l’objet d’annonces publicitaires. Cela semble difficilement réalisable. En outre, l’impact économique serait important.

Certes, c’est un souci de santé publique, mais, avant de m’en remettre à la sagesse de la commission, j’incite à la plus grande méfiance à l’égard de cette série d’amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le sujet mérite une attention toute particulière. Le Gouvernement a clairement choisi d’agir par la concertation en renforçant la charte d’engagement du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui est le régulateur ; c’est lui qui est chargé de régler ces questions qui ne sont pas du ressort de la loi. Cette charte traite les acteurs concernés avec une parfaite égalité, et le Conseil peut réguler les horaires des programmes ainsi que les messages susceptibles d’être diffusés à différents moments de la journée.

Cela n’empêche pas le Gouvernement de prendre ses responsabilités, et de veiller à ce que les pratiques alimentaires des plus jeunes soient les plus diversifiées et qualitatives possibles. Avec le ministère de la santé, nous avons aussi la responsabilité de faire diminuer un certain nombre de maladies résultant d’une alimentation trop grasse et trop sucrée. Au cours du précédent quinquennat, nous avions d’ailleurs tenté d’apporter des améliorations, notamment dans le cadre de la charte du CSA.

Pour ces raisons, je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Mme Célia de Lavergne. Bien sûr, nous souscrivons pleinement à l’idée qui anime ces amendements car l’éducation nutritionnelle se fait avant seize ans. Du reste, le 1er janvier dernier est entrée en vigueur la loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, dite « loi Gattolin », qui  répond pour partie à ces préoccupations.

Aller plus loin suscite quelques réserves eu égard aux conséquences de telles mesures sur l’ensemble de l’équilibre de la télévision publique et des programmes. Mieux vaudrait donc retirer ces amendements en attendant d’avoir  une étude d’impact et de les retravailler d’ici à la séance publique.

M. Thierry Benoit. Ces amendements sont très importants. Selon moi, celui de M. Garot est de portée générale et va parfaitement dans le sens de ce que nous souhaitons en termes d’éducation à la nutrition. Dans ce domaine, le rôle de l’école et des parents est déterminant. À l’instar de l’éducation à l’environnement, cela se fera génération après génération.

C’est pourquoi, au nom du Groupe UDI, Agir et Indépendants, et puisqu’il faut choisir, j’apporte mon soutien à l’amendement CE1789 de M. Garot – ancien ministre et président du Conseil national de l’alimentation (CNA).

M. Grégory Besson-Moreau. Cet amendement est très pertinent – je regrette d’ailleurs de ne pas l’avoir signé – et va vraiment dans le sens d’une alimentation sûre et saine.

Toutefois, après avoir entendu le rapporteur et surtout le ministre, on comprend qu’il sera en effet difficilement applicable en l’état. Je considère donc, comme Mme de Lavergne,  qu’il faudrait le retirer pour le retravailler d’ici à la séance publique.

M. Bruno Millienne. Je souscris à l’amendement de M. Garot, mais l’interdiction qu’il préconise va se heurter à une difficulté juridique. En effet, si cette mesure est facilement applicable à la radio et à la télévision, tel ne sera pas le cas sur internet, s’agissant de sociétés situées hors de France. Cela va limiter singulièrement la portée de cet amendement.

C’est juridiquement inapplicable, et je le déplore très sincèrement, car cet amendement est très intéressant.

M. Arnaud Viala. Je comprends l’intention, mais le moyen choisi ne me paraît pas le bon. N’adoptons pas des dispositions inapplicables, d’autant que si nous le faisons nous encouragerons des pratiques encore plus délétères sur d’autres médias.

Mme Anne-Laurence Petel. J’entends les remarques faites. Il faut juste savoir que les distributeurs et le secteur agroalimentaire sont très forts, par exemple, pour transformer leurs produits en personnages d’animation. C’est assez pervers parce que les enfants sont assez influençables. La problématique est celle non pas simplement du support de communication mais aussi de la nature même de la communication faite, avec ces produits transformés en personnages très attractifs pour les enfants. J’entends cependant qu’on pourrait y retravailler, j’entends aussi que l’audiovisuel pourrait perdre là une manne très importante, d’autant que lui-même finance, entre autres, le cinéma. Nous avons là de forts enjeux économiques mais le coût de l’obésité est de 5 milliards d’euros par an, et nous menons une politique de prévention en matière de santé. Pourrions-nous donc, si nous retirons ces amendements, y retravailler ?

M. François Ruffin. Chaque fois que vous vous dites préoccupés, c’est pour ne rien faire finalement. Tout parent sait comme il est difficile d’aller au supermarché avec ses enfants sans devoir remplir son chariot d’un certain nombre de cochonneries – il est vrai qu’il nous arrive de les y mettre tout seuls. Nous savons d’où cela vient : de la télévision. J’entends parler de difficultés matérielles auxquelles se heurteraient les agents pour déterminer si les ingrédients d’un yaourt sont bons ou mauvais, mais… c’est leur boulot ! J’entends M. le ministre parler de la nécessité d’une concertation, mais… avec qui ? avec l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) ? Nous les avons reçus ici, ils refusent le Nutri‑Score, ils font tout pour freiner ! Si c’est une concertation avec l’ANIA, nous ne parviendrons à rien. Certes, cela peut relever du rôle du CSA, mais il est bon qu’on guide celui-ci, qu’on lui donne une impulsion. Sinon, nous aurons une loi de rien du tout !

M. Guillaume Garot. Les arguments présentés ont tous leur légitimité, mais j’insiste sur deux points très importants.

Il faut vraiment beaucoup de cohérence lorsqu’il s’agit d’éducation à l’alimentation. Un proverbe le dit : « Pour éduquer un enfant, il faut tout un village. » Eh bien, il faut que tous les messages soient convergents, il faut de la cohérence entre tous ceux qui interviennent au titre de l’alimentation auprès des enfants. Il s’agit bien sûr de l’éducation à l’école, de l’éducation dans la famille et puis, évidemment, de tout ce qui est diffusé aujourd’hui sur les différents supports télévisuels et radiophoniques, sur les écrans en général. On me dit que le numérique ne peut être concerné par cette démarche, mais je suis convaincu que les contenus français peuvent être concernés.

Et je ne peux pas entendre l’argument selon lequel c’est au CSA que la tâche incombe, et que le législateur doit se cacher derrière son petit doigt. Il n’est plus possible d’entendre cela. Avec de telles considérations, nous n’aurions jamais fait la parité en France. On n’aurait rien fait !

M. le président Roland Lescure. Si je ne m’abuse, la parité, dans ce Parlement, s’est faite non par la loi mais par les actes, cher collègue, et le résultat des élections.

M. Sébastien Jumel. Dans les différents territoires, les agences régionales de santé ont établi des diagnostics préoccupants sur l’état de santé des enfants, notamment au regard des inégalités dans l’accès à l’alimentation. Considérons-nous que cette politique de santé est une priorité nationale ? Le cas échéant, tout support, tout outil visant à améliorer la situation fait partie de nos priorités. Ou attendons-nous d’avoir une vision globale, cohérente, auquel cas c’est un frein à l’immobilisme, selon la formule de Raymond Barre ? C’est inacceptable.

Il s’agit non de tout régler par les amendements proposés mais d’indiquer un sens, une priorité, en matière de santé publique. Ceux qui le refuseront porteront une lourde responsabilité.

Mme Huguette Tiegna. L’idée est bonne, le problème est l’application. Dans nos départements ruraux, nous avons beaucoup plaidé en faveur d’outils tels les tablettes et le numérique à l’école. Les enfants seront donc forcément confrontés à cela, et je pense moi aussi que tout passe par l’éducation.

En tant que députés, sommes-nous influencés par la publicité ? Lorsque nous voyons quelque chose à la télévision, nous n’avons pas envie de l’acheter avant de savoir de quoi c’est composé. Éduquons donc nos enfants, et faisons en sorte que l’agriculture biologique et durable et une nourriture saine soient promues dans les écoles primaires et les lycées. Ainsi, les enfants s’y habitueront et ne seront pas influencés par la publicité.

M. le président Roland Lescure. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, pouvez-vous repréciser ou confirmer vos avis sur ces différents amendements ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. À la suite de l’intervention de M. le ministre, je suis défavorable à tous ces amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je confirme que je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Lamendement CE1654 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CE1789 et CE1927 ainsi que les amendements identiques CE340 et CE460.

Puis elle examine les amendements identiques CE107 de M. Dino Cinieri, CE519 de M. Thibault Bazin, CE1436 de Mme Monique Limon et CE1896 de M. Thierry Benoit.

M. Jacques Cattin. L’amendement CE107 est défendu.

M. Thibault Bazin. Par l’amendement CE519, nous proposons que les marchés publics de fourniture de denrées alimentaires comportent obligatoirement des clauses de révision de prix faisant référence à un ou des indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le marché ou les marchés sur lesquels opère le fournisseur.

La plupart des marchés publics de fourniture de denrées alimentaires sont passés à prix fermes, c’est-à-dire à prix fixes sur une durée d’un an ou plus. Comment dès lors intégrer les variations importantes des cours des prix des produits alimentaires tels que les viandes, les œufs, le café, le sucre, le cacao, etc. ? Comment mettre en avant des productions très qualitatives dont les cours peuvent évoluer de façon très substantielle sur la durée d’exécution du contrat ? Je pense, par exemple, à un porc de montagne.

Une révision effective des prix dans les marchés publics de denrées alimentaires est une condition nécessaire à la prise en compte, en amont, de l’évolution des cours des produits agricoles et alimentaires.

Mme Monique Limon. L’amendement CE1436 traite effectivement des clauses de révision des prix dans les marchés publics de fourniture de denrées alimentaires.

M. Thierry Benoit. L’amendement CE1896 est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. A priori, ces amendements sont satisfaits par le décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, qui dispose : « Les marchés publics d’une durée d’exécution supérieure à trois mois qui nécessitent pour leur réalisation le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux, comportent une clause de révision de prix incluant au moins une référence aux indices officiels de fixation de ces cours ».

Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ces amendements vont dans le sens des conclusions des États généraux de l’alimentation. Il faut mieux prendre en compte les fluctuations des prix des produits agricoles et alimentaires. Un guide de la commande publique propose d’ailleurs des fiches conseils destinées aux acheteurs publics. Il est possible d’améliorer celles-ci, et un travail de révision pourrait être engagé avec le ministre de l’économie et des finances pour qu’elles prennent mieux en compte les conclusions des États généraux de l’alimentation. En tout cas, c’est avec lui que ces choses doivent se faire. Je suis donc défavorable à ces amendements identiques.

La commission rejette ces amendements.

La commission examine lamendement CE1380 de M. Loïc Prudhomme.

M. François Ruffin. L’amendement est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Un rapport de trois cents pages a déjà été rédigé par le Conseil économique, social et environnemental sur la question. Je suis donc défavorable à cette nouvelle demande de rapport.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis également défavorable à cette demande de rapport.

La commission rejette lamendement.

M. le président Roland Lescure. Nous étions saisis, chers collègues, de 308 amendements portant article additionnel après l’article 11, de quoi allonger sensiblement ce texte. Nous en avons adopté 41, dont certains étaient identiques. Cette loi prend du poids, monsieur le ministre !

Article 12
(article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime, article L.266-1 [nouveau] du code de laction sociale et des familles et article L. 541-15-5 du code de lenvironnement)
Lutte contre la précarité alimentaire

1.   L’état du droit

L’article 1er de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a conféré un statut juridique à l’aide alimentaire. D’initiative associative, caritative ou philanthropique, l’aide alimentaire a également été organisée au niveau de l’Union européenne dès 1987, avec le programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD), qui, initialement, redistribuait les stocks d’intervention excédentaire de la politique agricole commune. Depuis 2014, le PEAD a été supprimé au bénéfice du Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD), qui ne dépend plus de la politique agricole commune mais acquiert des denrées au titre de la politique sociale de l’Union européenne.

L’article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime reconnaît donc l’aide alimentaire comme « la fourniture de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies ». Il précise que l’aide alimentaire peut être apportée par des personnes morales, par l’Union européenne ou par l’État. L’intervention de ce dernier est indirecte : l’État soutient des personnes morales pour mettre en œuvre l’aide alimentaire, par voie de subventions ou par la mise à disposition de marchandises.

 

 

 

 

Les ressources de l’Union européenne et de l’État en matière d’aide alimentaire

Dans le cadre du Fonds européen aux plus démunis (FEAD), la France bénéficie, pour la période 2014-2020 de 500 millions d’euros de crédits européens. S’y ajoutent 88 millions de crédits nationaux.

Ces crédits sont consacrés à titre principal à l’achat de denrées alimentaires pour répondre aux besoins vitaux des personnes. Au total, ce sont près de 270 000 tonnes de denrées qui sont distribuées chaque année. 5 % de ces crédits sont destinés à couvrir les frais de logistique et de transport. En complément, les crédits nationaux aux épiceries sociales s’élèvent annuellement à 8 millions d’euros. Ils sont destinés à l’achat de denrées.

Enfin, 16,5 millions d’euros du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » sont destinés à financer des achats de denrées ou des dépenses de fonctionnement des associations habilitées au niveau régional.

Source : Gouvernement (réponses au questionnaire du rapporteur)

Au-delà d’une reconnaissance formelle, cet article organise le cadre d’intervention de l’aide alimentaire. Une habilitation, accordée par l’autorité administrative – le ministre chargé de l’alimentation pour les structures nationales et le préfet de région pour les structures d’envergure régionale – permet aux personnes morales, comme les associations caritatives, de recevoir des contributions publiques pour leur fonctionnement. La première habilitation est valable trois ans, puis sa reconduction est valable dix ans. 16 associations, ou plutôt réseaux d’associations, sont habilitées au niveau national en 2017, dont les Restos du cœur, la Croix-Rouge, le Réseau Cocagne, le Secours catholique, le Secours populaire français ou l’Association nationale de développement des épiceries solidaires (ANDES). Beaucoup plus de structures locales sont habilitées au niveau régional.

En contrepartie, les associations habilitées doivent remplir plusieurs obligations (d’ordre législatif ou réglementaire), notamment justifier d’au moins trois ans d’existence, garantir une organisation suffisante pour assurer leur mission d’aide alimentaire (stockage et fourniture de l’aide sur une partie suffisante du territoire, présence d’une équipe permanente de responsables) ou assurer la traçabilité des denrées et le respect de règles d’hygiène de la collecte à la distribution des denrées alimentaires. Enfin, l’article L. 230-6 prévoit également que les associations habilitées collectent puis mettent à disposition des autorités administratives des données sur leur activité, en particulier la nature des denrées distribuées et des informations sur les bénéficiaires de l’aide alimentaire.

Dans les dernières dispositions législatives adoptées en matière d’aide alimentaire, il convient de mettre en avant les apports de la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, dite loi « Garot » du nom du député à l’origine de la proposition de loi. En particulier, l’article L. 541-15-6 du code de l’environnement, créé par cette loi, prévoit que les grandes et moyennes surfaces dont la superficie de vente dépasse 400 m2 ont l’obligation de signer au moins une convention de don alimentaire de leurs denrées invendues avec une ou plusieurs associations habilitées précitées. Cette convention a pour objet d’encadrer le processus de don alimentaire, sans toutefois constituer une obligation de donner.

2.   Le projet de loi

Le II de l’article 12 ajoute un chapitre VI intitulé « Lutte contre la précarité alimentaire » au sein du titre VI du livre II du code de l’action sociale et des familles. Ce chapitre comporte l’article unique L. 266-1 (nouveau) qui reprend, en substance, les dispositions de l’article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime.

En conséquence, le I de l’article 12 abroge cet article L. 230-6 et le III effectue la coordination juridique nécessaire à l’article L. 541-15-5 du code de l’environnement, issu de la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, dite loi « Garot ». Cette coordination s’effectue avec une modification formelle : la suppression du caractère « caritatif » des associations habilitées à recevoir des dons de denrées alimentaires.

Toutefois, ce transfert de dispositions existantes d’un code à l’autre ne se fait pas à droit strictement constant.

En premier lieu, la définition de l’objet de l’aide alimentaire est étendue : outre la fourniture de denrées alimentaires, elle doit également prendre la forme de la « proposition d’un accompagnement ». Le public visé par l’aide alimentaire n’est plus composé par les « personnes les plus démunies » mais les « personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale ».

Enfin, par souci de simplification, les personnes à l’origine de l’aide alimentaire ne sont plus mentionnées dans le présent article. L’article originel mentionne qu’elle est apportée « tant par l’Union européenne que par l’État ou toute autre personne morale ».

L’alinéa 2 de l’article originel n’est pas transféré dans le nouveau dispositif : le projet de loi propose donc, mécaniquement, sa suppression. Cet alinéa dispose que « les personnes morales de droit privé constituées sous forme d’associations relevant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association qui œuvrent dans le secteur caritatif peuvent mettre en place un dispositif de stockage privé consistant à acheter des produits alimentaires en période de surproduction agricole pour les entreposer et les redistribuer ensuite aux personnes les plus démunies ». La portée normative de cet alinéa est réduite : la suppression de cette disposition n’entraînerait donc pas, pour autant, l’interdiction de mettre en place de tels dispositifs de stockage privés.

Les alinéas 3 à 5 de l’article originel sont reproduits dans les alinéas 2 à 4 du présent article sans changement de fond.

L’alinéa 2 du présent article précise que seules les personnes morales habilitées par l’autorité administrative (l’État, par arrêté ministériel, pour les associations d’envergure nationale ; le préfet de région pour les associations d’envergure régionale), dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, peuvent recevoir des contributions publiques (subventions publiques ou soutiens publics en nature, comme la mise à disposition de locaux) pour mener leurs actions d’aide alimentaire.

L’alinéa 3 dispose que, parmi les conditions à réunir pour bénéficier de telles contributions publiques, figurent la capacité à fournir et distribuer l’aide alimentaire sur une partie suffisante du territoire, à assurer la traçabilité physique et comptable des denrées et à respecter de bonnes pratiques d’hygiène.

L’alinéa 4 précise que le décret en Conseil d’État mentionné ci-dessus organise également la collecte et la transmission à l’autorité administrative de données relatives à l’activité des personnes morales habilitées, sur les denrées qu’elles distribuent, sur les bénéficiaires – anonymisés – de l’aide alimentaire.

3.   La position de votre rapporteur

La lutte contre la précarité alimentaire est un objectif ancien de la politique sociale et alimentaire menée par le Gouvernement. Il faut, à cet égard, saluer le travail des associations caritatives qui sont les vrais chefs d’orchestre de cette politique.

Le présent article constitue essentiellement un transfert juridique, à périmètre quasi constant, d’un code à l’autre. Aussi, il n’appelle pas d’observations particulières de la part de votre rapporteur.

4.   La position de votre commission

Outre l’adoption d’un amendement présenté par Mme Monique Limon et les membres du groupe de La République en Marche, qui étend les dispositions relatives à l’agrément d’associations qui distribuent l’aide alimentaire aux territoires ultramarins – cette disposition étant toutefois déjà prévue par décret –, l’article 12 a été substantiellement étendu par un amendement de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie.

Ce dernier, rectifié en commission, reprend en réalité le dispositif d’un amendement du Gouvernement, par conséquent retiré, afin de prévoir une définition législative claire de la lutte contre la précarité alimentaire, et l’intégration explicite de l’aide alimentaire comme composante de cette lutte contre la précarité alimentaire.

En outre, il précise que les personnes morales habilitées qui signent des conventions avec des grandes et moyennes surfaces pour recevoir des denrées alimentaires en application de l’article L. 541-15-5 du code de l’environnement, doivent avoir le statut d’association.

Votre commission a adopté l’article 12 ainsi modifié.

*

*     *

La commission se saisit de lamendement CE2128 du Gouvernement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le Gouvernement retire cet amendement au profit de l’amendement CE446 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1574 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Je propose que l’aide alimentaire puisse être octroyée aux personnes en situation de vulnérabilité sanitaire au même titre qu’aux personnes en situation de vulnérabilité économique et sociale.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La vulnérabilité sanitaire d’une personne est souvent la conséquence d’une vulnérabilité sociale ou économique, comme vous le dites vous-même, chère collègue. Elle est souvent la suite de difficultés financières. J’estime donc que cet amendement est satisfait par la proposition déjà inscrite dans le projet de loi.

Je vous prie donc, chère collègue, de retirer cet amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE1391 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prudhomme. L’amendement est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CE1532 de Mme Monique Limon.

Mme Monique Limon. Le présent amendement vise à promouvoir l’aide alimentaire en France métropolitaine et dans tous les territoires d’outre-mer. En effet, elle ne doit pas cibler qu’une partie du territoire.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis également favorable à cet amendement.

Lamendement est adopté.

La commission examine les amendements identiques CE246 de la commission du développement durable et CE1842 de M. Bruno Duvergé.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je retire l’amendement CE246 qui a été adopté par erreur par la commission du développement durable. Elle ne souhaite pas supprimer l’alinéa 9 mais le réécrire.

Les amendements sont successivement retirés.

La commission est saisie de lamendement CE446 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je propose de rectifier cet amendement, qui a fait l’objet d’un consensus à la commission du développement durable, afin d’intégrer le I de l’amendement CE2128 que le Gouvernement a retiré il y a un instant.

Le II remplace les mots « personne morale » par le mot « association ». Cela vise à garantir le maintien du champ des personnes morales habilitées à recevoir les dons des grandes et moyennes surfaces – il s’agit uniquement d’associations –, tout en rectifiant les termes « association caritative » actuellement dans le code.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement rectifié.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Mme Véronique Hammerer. La mention des seules associations à l’alinéa 9 ne fait pas apparaître les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale – les CCAS et les CCIAS –, alors qu’ils font du don alimentaire. Ils sont totalement absents de l’article 12. Serait-il possible de les citer ? Certes, ils ont le statut d’établissements publics administratifs communaux ou intercommunaux, mais ce n’est pas une raison pour les oublier.

Mme Delphine Batho. J’aimerais savoir ce que changera l’adoption de l’alinéa 9 pour les bénéficiaires actuels des dons de denrées alimentaires consommables que sont les associations caritatives.

J’ai bien compris que l’amendement CE446 rectifié résolvait le problème posé par le choix des termes « personne morale », mais que change-t-il par rapport au droit en vigueur ?

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. La rédaction retenue vise seulement à une harmonisation avec les autres dispositifs législatifs applicables. La notion d’association a été préférée à celle d’association caritative, mais cela ne change rien à la réalité et à la situation actuelle. Cette modification n’a d’autre objet qu’une harmonisation.

La commission adopte lamendement CE446 rectifié.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CE2063 du rapporteur.

Puis elle adopte larticle 12 modifié.

Article 12 bis
(article L. 541-15-6 du code de lenvironnement)
Qualité du don alimentaire

La rapporteure pour avis de la commission du développement durable a proposé un amendement, dont résulte le présent article, afin que les commerces de détail visés par les dispositions de l’article L. 541-15-6 (voir ci-dessus) s’assurent de la qualité du don alimentaire qu’ils cèdent aux associations, dans des conditions précisées par décret. Votre rapporteur y a émis un avis favorable.

Article 12 ter
(article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime)
Lutte contre le gaspillage alimentaire et la précarité alimentaire dans les projets alimentaires territoriaux

Deux amendements, soutenus par la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et par M. Dominique Potier et les membres du groupe Nouvelle Gauche, ont été adoptés afin d’intégrer, respectivement, dans le champ de compétences des projets alimentaires territoriaux la lutte contre le gaspillage alimentaire et la lutte contre la précarité alimentaire.

Article 12 quater
(article L. 3231-1 du code de la santé publique)
Lutte contre la précarité alimentaire dans le programme national relatif à la nutrition et à la santé

Un dispositif similaire a été adopté, cette fois au sein du programme national relatif à la nutrition et à la santé (PNNS), en ce qui concerne la lutte contre la précarité alimentaire. Deux amendements en sont à l’initiative : un amendement de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et M. Bruno Duvergé et certains de ses collègues.

Article 12 quinquies
Rapport au Parlement sur la gestion du gaspillage alimentaire

Cet article demande à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) de remettre un rapport au Parlement sur la gestion du gaspillage alimentaire par la restauration collective et la grande distribution. Il a été adopté à l’initiative de Mme Sophie Beaudoin-Hubiere.

*

*     *

La commission est saisie de lamendement CE50 M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Il vise à étendre aux établissements de restauration collective l’obligation de passer une convention de dons alimentaires.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Une disposition similaire doit faire l’objet d’une ordonnance prévue à l’article 15. Elle sera prise dans un délai de douze mois qui permettra de mener une bonne concertation avec les acteurs. Votre amendement sera donc satisfait, et je demande son retrait.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE247 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à ce que les grandes et moyennes surfaces s’assurent de la qualité du don auquel elles procèdent auprès des associations habilitées dans le cadre de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Elles le feront dans des conditions prévues par décret.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable. La qualité du don alimentaire est évoquée par toutes les associations qui ont conventionné avec des grandes et moyennes surfaces (GMS). Ce décret permettra de l’améliorer.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le Gouvernement est favorable à cet important amendement.

La commission adopte lamendement.

Elle examine les amendements identiques CD314 de la commission du développement durable et CD1787 de M. Dominique Potier.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. La lutte contre le gaspillage alimentaire doit être intégrée à toutes les politiques publiques en matière d’agriculture et d’alimentation. C’est la raison pour laquelle, elle devra faire partie des projets alimentaires territoriaux.

Cette volonté, partagée par l’ensemble des représentants des acteurs de la chaîne alimentaire, qui participaient à l’atelier 10 des États généraux de l’alimentation, pourrait permettre de renforcer les projets alimentaires territoriaux, tout en encourageant les initiatives locales visant à lutter contre le gaspillage alimentaire.

M. Dominique Potier. Nous voulons absolument faire en sorte que la lutte contre la précarité alimentaire figure dans les projets alimentaires territoriaux.

Dans le projet alimentaire territorial que nous avons initié, sur mon territoire, nous menons une expérience fondatrice, avec ATD Quart Monde, qui fait des personnes les plus défavorisées le centre de cette politique publique. Après cette longue expérience, tous les élus du territoire, quel que soit leur bord politique, sont convaincus que nous échouerons si les personnes les plus fragiles ne sont pas placées au cœur des politiques naissantes, comme celle de la lutte pour une meilleure alimentation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

M. Guillaume Garot. Je veux insister sur une dimension essentielle de la lutte contre le gaspillage alimentaire : il n’y a pas d’efficacité s’il n’y a pas de dynamique territoriale.

C’est la raison pour laquelle nous avons soutenu cet amendement lors de l’examen du texte par la commission du développement durable. Les projets alimentaires territoriaux constituent un outil qui nous donne la capacité de fédérer localement tous les acteurs de la lutte contre le gaspillage alimentaire. C’est vraiment une façon d’avancer plus vite, alors soyez très attentifs à cet amendement.

La commission adopte ces amendements.

Elle est saisie de lamendement CE316 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il vise à inscrire dans la loi l’obligation pour les professionnels de la filière alimentaire de contribuer à la lutte contre les pertes et gaspillages alimentaires, dans le cadre des accords interprofessionnels. La disposition existe déjà dans différents accords, mais elle mérite d’être généralisée à tous les secteurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Les accords interprofessionnels ont pour but de développer des débouchés intérieurs et extérieurs, d’orienter la production, de régulariser les prix, de fixer les conditions générales de l’équilibre des marchés et du déroulement des transactions. Ces objectifs macroéconomiques relèvent de la structuration des filières, et non des accords relatifs à la responsabilité sociale des entreprises (RSE). À mon sens, la lutte contre le gaspillage alimentaire n’y trouve pas sa place.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine les amendements identiques CE248 de la commission du développement durable et CE1843 de M. Bruno Duvergé.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. L’amendement CE1843 vise à ajouter la lutte contre la précarité alimentaire parmi les objectifs que doit favoriser le programme national relatif à la nutrition et à la santé.

L’atelier 12 des États généraux de l’alimentation, relatif à la lutte contre l’insécurité alimentaire, a mis en exergue la nécessité de considérer l’aide alimentaire comme l’une des composantes de la lutte contre la précarité alimentaire.

Les participants se sont accordés sur l’importance de définir une stratégie interministérielle de lutte contre la précarité alimentaire. Cette stratégie se déclinera à travers une meilleure intégration de la lutte contre la précarité alimentaire dans les programmes nationaux tels que le programme national pour l’alimentation (PNA) et le programme national nutrition santé (PNNS) dont l’objectif est l’amélioration de l’état de santé de l’ensemble de la population en agissant sur la nutrition.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Je précise que l’amendement CE248 a été adopté par la commission du développement durable après que le ministre a exprimé un avis favorable. Il vise à ajouter aux objectifs du programme national relatif à la nutrition et la santé, la lutte contre la précarité alimentaire.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission adopte ces amendements.

Elle en vient à lamendement CE1061 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous avons parlé de la publicité à la télévision dont les enfants seraient victimes. Cet amendement est, en quelque sorte, un amendement « miroir » qui vise à mettre gratuitement à la disposition des interprofessions, en particulier celles des fruits et légumes, des espaces d’information périodiques à la radio et à la télévision, afin qu’elles mènent et qu’elles financent des campagnes d’information collectives et génériques sur les produits frais.

Cette idée figure dans la loi 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, dite « LAAAF », mais elle n’a jamais été appliquée. Elle est reformulée dans cet amendement afin de surmonter l’obstacle financier.

Il faut évidemment éviter la mauvaise publicité pour nos enfants, mais il faut aussi éduquer nos concitoyens à une alimentation saine et durable, qui assure la vie de nos territoires. Aujourd’hui, le secteur agroalimentaire privé investi des centaines d’euros par seconde pour faire sa publicité à la télévision alors que la santé publique n’y consacre que quelques centimes. Cet amendement vise à inverser cette tendance.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Comme vous l’avez indiqué, cette disposition existe déjà dans la LAAAF de 2014. Vous en modifiez un aspect : les organisations interprofessionnelles devront financer des espaces publicitaires qui, aux termes de la loi, seront disponibles dans les radios et les chaînes publiques. En somme, vous dites que les organisations professionnelles doivent payer pour la publicité qui met en avant leurs professions et leurs produits. Je crois que c’est déjà le cas. Je ne comprends donc pas l’intérêt de l’amendement.

Nous ne pouvons de toute façon pas l’adopter en l’état car il aurait fallu qu’il modifie l’article 18 de la LAAAF qui fait aujourd’hui partie de notre droit positif.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable !

M. Dominique Potier. Nous avons modifié les dispositions prévues par la LAAAF parce que nous rencontrions un obstacle juridique et financier pour les appliquer.

Nous avons fait ce que nous avons pu en levant l’obstacle du financement des campagnes qui seront prises en charge par l’interprofession. Il reste la mise à disposition gratuite des espaces radio ou TV par le CSA. Pouvons-nous savoir, en vue de la séance publique, si le Gouvernement y est favorable ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous regardons cela !

M. Dominique Potier. Si vous êtes prêts à regarder cela, je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

Chapitre II
Respect du bien-être animal

Avant l’article 13

La commission examine lamendement CE249 rectifié de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à décliner le contenu du titre II en créant un chapitre II intitulé « Respect du bien-être animal ».

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis favorable.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte lamendement.

Article 13
(article L. 2-13 du code de procédure pénale et article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime)
Bien-être animal

1.   L’état du droit

La lutte contre la maltraitance humaine envers les animaux et, corrélativement, la promotion du bien-être animal, font l’objet d’un cadre juridique bien établi. Comme les développements suivants le montrent, les actes de maltraitance sont sévèrement réprimés par les dispositions du code pénal et du code rural et de la pêche maritime. Le bien-être animal est un sujet plus émergent dans notre droit. Ainsi, depuis l’adoption de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, les animaux sont reconnus comme des êtres vivants doués de sensibilité à l’article 515-14 du code civil, et ne sont plus considérés comme des biens meubles au sens de l’article 528 du même code. En outre, dans le domaine d’application du présent projet de loi, la question du bien-être de l’animal destiné à la consommation humaine, en particulier son transport vers l’abattoir, ses conditions de prise en charge, et l’encadrement de la mise à mort à proprement parler, font l’objet d’un règlement européen relativement récent, le règlement n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.

En ce qui concerne les dispositions du présent article, présentées dans la section suivante, le droit existant figure à l’article 2-13 du code de procédure pénale, qui reconnaît la faculté des associations de défense et de protection des animaux, constituées depuis au moins cinq ans, à se constituer partie civile dans des affaires de maltraitance sur des animaux relevant du code pénal.

Cet article a été créé par l’article 16 de la loi n° 94-89 du 1er février 1994 instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale. Il s’agissait de la reprise d’une proposition de loi n° 313 tendant à autoriser les associations de protection animale à se constituer partie civile, déposée le 19 mai 1993 par le sénateur Michel Dreyfus-Schmidt. L’objet était, à l’époque, de sanctuariser une jurisprudence extensive qui reconnaissait cette faculté aux associations concernées en matière délictuelle (article L. 521-1 du code pénal aujourd’hui) mais également en matière contraventionnelle, et qu’elles soient reconnues d’utilité publique ou non.

Depuis l’entrée en vigueur de cet article, les associations peuvent donc se constituer partie civile dans toute infraction délictuelle relevant de l’article L. 521‑1 du code pénal (sévices graves ou de nature sexuelle, actes de cruauté, abandon d’un animal apprivoisé ou tenu en captivité) ou dans toute infraction contraventionnelle relevant de l’article R. 654-1 du même code (mauvais traitements, volontaires ou non, sans nécessité, contre un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité), de l’article R. 653-1 (atteinte involontaire, par négligence par exemple, à la vie d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité) et de l’article R. 655-1 (atteinte volontaire à la vie d’un tel animal).

D’autres infractions sont prévues, cette fois, au sein du code rural et de la pêche maritime, dans le cadre de certaines activités professionnelles. Le principe général est posé par l’article L. 214-3 de ce code : il est interdit « d’exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu’envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité ». L’article L. 215-11 du même code sanctionne de six mois de prison et de 7 500 euros d’amende le fait, pour toute personne, physique ou exploitant un établissement de vente, de toilettage, de transit, de garde, d’éducation, de dressage ou de présentation au public d’animaux de compagnie, une fourrière, un refuge ou un élevage, d’exercer ou de laisser exercer sans nécessité des mauvais traitements envers les animaux placés sous sa garde. Des peines complémentaires peuvent être prononcées, notamment en matière d’interdiction temporaire d’exercice de ces activités.

L’étude d’impact relève qu’en dehors de ce délit, des infractions de nature contraventionnelle peuvent également être relevées, dans la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime. Il s’agit notamment des privations de soin, des mauvaises conditions d’installation, de transport ou d’abattage des animaux.

2.   Le projet de loi

Le I de cet article reprend, en substance, l’article 6 de la proposition de loi n° 4203 de M. Olivier Falorni et plusieurs de ses collègues relative au respect de l’animal en abattoir, adoptée par l’Assemblée nationale le 12 janvier 2017.

L’alinéa 1 permet de donner la capacité à des associations de défense et de protection des animaux, constituées depuis au moins cinq ans, de se porter partie civile pour des infractions réprimant les mauvais traitements envers les animaux prévu par le code rural et de la pêche maritime, tandis que le droit actuel ne prévoit cette capacité que pour les infractions relevant du code pénal.

Sont concernées, en particulier, les infractions prévues par l’article L. 215‑11 du code rural et de la pêche maritime à l’encontre de personnes ayant la garde d’animaux dans un cadre professionnel et exerçant ou laissant exercer des mauvais traitements envers ces animaux.

Précisément, le II du présent article élargit et renforce les dispositions de l’article L. 215-11. Élargit, car les personnes exploitant un établissement d’abattage ou de transport d’animaux vivants sont désormais concernées par ces dispositions (alinéa 5). Renforce, car les sanctions applicables en cas de condamnation sont doublées : les personnes coupables peuvent désormais être punies d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (alinéas 3 et 4).

En prévoyant que les personnes exploitant un établissement d’abattage ou de transport d’animaux commettent un délit en se rendant coupables de mauvais traitements envers les animaux, le présent article permet, par ricochet, de faire bénéficier les personnes physiques (et non les associations, par exemple, qui sont des personnes morales) dénonçant de tels traitements des dispositions relatives à la protection des lanceurs d’alerte, prévue par l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

3.   La position de votre rapporteur

La lutte contre la maltraitance des animaux d’élevage, que ce soit dans les exploitations, pendant leur transport ou pendant leur abattage, est une préoccupation à laquelle votre rapporteur est particulièrement sensible – un éleveur est toujours attaché au bien-être de ses animaux, et il faudrait beaucoup de cynisme pour prétendre le contraire. Certaines situations dramatiques, comme les abandons de cheptel, heureusement rares, sont déjà très efficacement prises en charge par les pouvoirs publics, les services vétérinaires et les exploitants à proximité.

L’objectif d’extension et de renforcement des sanctions à l’encontre des personnes ou des entreprises indélicates ou malintentionnées, qui, pendant le transport ou l’abattage des bêtes, font preuve de mauvais traitements à leur égard, est bienvenu. Le projet de loi corrige d’ailleurs une iniquité de traitement qui existait dans le droit actuel et qui était assez peu compréhensible : il n’y a aucune raison qu’un animal de compagnie maltraité dans une pension ou un chenil soit protégé par la loi et que ce ne soit pas le cas d’un animal d’élevage maltraité pendant son transport vers l’abattoir.

4.   La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article 13 sans modification.

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*     *

La commission est saisie de lamendement CE108 de M. Dino Cinieri.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement.

Elle en vient aux amendements identiques CE521 de M. Thibault Bazin, CE1363 de M. Jean-Claude Leclabart et CE1897 de M. Thierry Benoit.

M. Thibault Bazin. Mon amendement vise à supprimer les alinéas 1, 3, et 4 de l’article 13.

Le renforcement de l’arsenal répressif en matière de protection animale peut poser question, d’autant plus qu’aucun atelier des États généraux de l’alimentation (EGA) n’avait conclu à la nécessité de prendre de telles mesures.

Les mesures que vous prévoyez son inopportunes. Leur extension au code rural accentuerait la pression de la part des ONG sur le terrain, alors que certaines sont fondamentalement anti-élevage et pourraient avoir intérêt à multiplier les signalements pour demander des dommages et intérêts.

C’est un amendement de raison et de bon sens paysan.

M. Jean-Claude Leclabart. J’ajoute que je privilégie avant tout le bien‑être du paysan !

M. Thierry Benoit. J’appelle l’attention des députés sur le mauvais climat qui règne lorsque l’on parle des éleveurs à cause du problème de bien-être animal. Il faut dire qu’il n’y a pas d’élevage sans éleveurs. Ces derniers sont confrontés à de réelles difficultés, et toutes les filières sont en mutation, que ce soit celle du porc, de la volaille, du veau de boucherie, du lapin… Aucun éleveur ne conteste la nécessité de faire des efforts et d’opérer des mutations : les élevages et les filières s’adaptent.

Trop de choses sont mises en œuvre, y compris par certaines associations qui ont des pratiques parfois très discutables, qui discriminent les éleveurs, fragilisent leur travail. Pourtant, les éleveurs français sont certainement parmi les meilleurs du monde – je dis souvent qu’ils sont les meilleurs, et j’en suis convaincu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. En tant qu’éleveur, je vais prendre le compliment pour moi ! Croyez-moi, je suis bien conscient que le bien-être animal est une préoccupation quotidienne des éleveurs.

Je suis défavorable à ces amendements qui suppriment deux dispositions importantes. D’une part, les associations pourront se porter partie civile pour les délits du code rural – c’est déjà le cas pour les délits du code pénal. Cela leur permettra d’accompagner les éleveurs qui constatent que leurs bêtes sont maltraitées dans les transports ou les abattoirs, mais qui n’ont pas les ressources, notamment juridiques, pour intenter des procès, ce qui se produit parfois. D’autre part, l’aggravation des sanctions est nécessaire, car il faut décourager les mauvais traitements.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable. La suppression des alinéas 1, 3, et 4 de l’article 13 lui retire la majeure partie de son sens parce qu’elle revient à supprimer l’extension de la capacité d’action des associations de protection animale, ainsi que l’augmentation des peines encourues en cas de non-respect du bien-être animal.

Cela dit, j’ai toujours considéré que le bien-être animal commençait aussi par le bien‑être des éleveurs. Ils vont de pair, et je rejoins totalement ce que dit M. Jean-Claude Leclabart sur ce sujet.

M. Nicolas Turquois. Le fait que l’État ne parvienne pas à contrôler les situations de maltraitance animale constitue un aveu de faiblesse de sa part. Faire intervenir les associations qui travaillent sur le bien-être animal auprès des éleveurs qui sont en grande difficulté risque de se transformer en une sorte de pression morale disproportionnée.

Souvent, lorsqu’il y a maltraitance, il y a des problèmes économiques majeurs. Bien sûr, il faut condamner les situations regrettables qui en découlent, mais il faut surtout de l’accompagnement.

Cet amendement va à l’encontre des objectifs recherchés, et d’une meilleure sensibilisation de nos éleveurs à ces problèmes.

M. François Ruffin. Je suis sensible à la question du bien-être animal. Ce qui vaut pour les animaux domestiques doit aussi valoir pour les animaux de ferme.

Je ne suis pas d’accord avec l’orientation générale de ce projet de loi sur ce sujet. Il laisse penser que la maltraitance des animaux relève d’une délinquance individuelle ou des mauvais comportements de tel ou tel paysan, alors que c’est le système lui-même qui est maltraitant, et que les individus sont pris dans ce système depuis des décennies.

C’est donc le système qu’il faut transformer, mais il n’y a rien à ce sujet dans le projet de loi. La philosophie du texte, avec des amendes imposées à des individus malfaisants, ne me convient pas.

La commission rejette les amendements.

La commission est saisie des amendements identiques CE414 de M. Vincent Descoeur, CE464 de Mme Barbara Bessot Ballot et CE1279 de M. Pierre Morel-À-LHuissier.

M. Vincent Descoeur. L’amendement CE414 vise à supprimer l’alinéa 1 de l’article 13. En effet, les associations de protection des animaux ont déjà la possibilité de se porter partie civile pour des cas de maltraitance aggravés, caractérisés à l’article 521-1 du code pénal.

Si la maltraitance est évidemment condamnable, je voudrais rappeler qu’un certain nombre de situations de maltraitance constatées – je pense notamment à une alimentation insuffisante – sont souvent liées à une situation économique très dégradée et à une grande détresse des éleveurs. Il ne semble donc pas opportun d’exposer les éleveurs concernés à un engagement de leur responsabilité civile et au règlement de dommages-intérêts que leur situation financière ne leur permettrait pas d’assumer. Il ne s’agit pas d’excuser la maltraitance, mais de savoir faire preuve de discernement.

Mme Michèle Crouzet. Avec l’amendement CE464, nous proposons nous aussi de supprimer l’alinéa 1.

Aujourd’hui, l’article 2-13 du code de procédure pénale ouvre la possibilité aux associations d’exercer les droits reconnus à la partie civile pour les délits envers les animaux définis par le code pénal. Cette demande d’extension au code rural avait déjà fait l’objet d’un vif débat lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture. La mesure existante vise à protéger le bien-être animal, sans accentuer la pression sur les éleveurs.

M. André Villiers. L’amendement CE1279, qui vise également à la suppression de l’alinéa 1, est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis également défavorable à cet amendement : les associations ne doivent pouvoir se porter partie civile que sur la base de contrôles officiels réalisés par des agents formés et assermentés, et non sur la base de constatations qu’elles auraient effectuées elles-mêmes.

M. Yves Daniel. Monsieur le ministre, comment se fait-il que la proposition de loi Falorni, que nous avons votée sous la précédente législature et qui était censée répondre aux attentes des uns et des autres, ne semble pas suffire ? Avant même son entrée en application, nous sommes déjà en train de voter des dispositions complémentaires au profit des associations de protection des animaux.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous rappelle que la proposition de loi relative au respect de l’animal en abattoir, à laquelle vous faites allusion, n’a pas été adoptée définitivement : elle n’a pour le moment été examinée qu’en première lecture à l’Assemblée. C’est pourquoi il n’est pas inutile de revenir sur certains points restant à régler, que ce soit dans le cadre de la charte sur le bien-être animal portée durant les États généraux de l’alimentation – où les dispositions proposées ont fait consensus – ou dans le cadre du présent projet de loi, où les pouvoirs de contrôle sur le bien‑être animal, mais aussi les pouvoirs de sanction en la matière, se trouvent renforcés.

La commission rejette ces amendements.

Elle est saisie de lamendement CE250 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Cet amendement CE250, voté par la commission du développement durable avec un avis favorable du ministre et de moi-même, pourra vous sembler technique, et je tiens à préciser que c’est grâce à l’excellent travail des administratrices que je suis en mesure de vous le présenter.

Il vise à restreindre aux délits définis par le code rural le champ de l’alinéa 1, qui étend à toutes les infractions pénales prévues par le code rural – y compris les contraventions – l’exercice, par les associations de défense et de protection des animaux, des droits reconnus à la partie civile. Nous estimons que l’extension proposée ne correspond pas à l’objectif du texte, qui est bien de permettre aux associations de se constituer partie civile en cas de délit, comme le précise l’étude d’impact. Il convient donc de ne viser, dans l’article 2-13 du code de procédure pénale, que les délits mentionnés aux articles L. 215-11 et L. 215-13 du code rural et de la pêche maritime, ceci afin d’exclure les contraventions, qui ne donnent pas lieu à constitution de partie civile.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Madame la rapporteure, je vous invite à retirer cet amendement afin que nous puissions le retravailler ensemble avant la séance publique. En l’état actuel, il pose en effet quelques problèmes de légistique, qui nécessitent d’être réglés.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Dans ce cas, je le retire.

Lamendement CE250 est retiré.

La commission examine lamendement CE1281 de M. Pierre
Morel-À-LHuissier.

M. André Villiers. L’amendement CE1281 vise à supprimer les alinéas 3 et 4 de l’article 13. Dans la majorité des cas, les problèmes de maltraitance animale font suite à une négligence des éleveurs, elle-même liée à une situation économique ou personnelle dégradée. Les maltraitances intentionnelles envers les animaux sont déjà pénalement réprimées par l’article 521-1 du code pénal.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Les dispositions de l’article 13 sont essentielles en ce qu’elles s’inscrivent dans le plan d’action mis en œuvre par mon ministère en matière de prévention et de lutte contre la maltraitance animale. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. François Ruffin. Quitte à me répéter, je veux insister sur le fait que ces articles ne régleront pas le problème de la maltraitance animale, et qu’il est clairement insuffisant de s’en tenir à prévoir la criminalisation de quelques individus ayant brutalisé des animaux. Il suffit de visiter un élevage de poules en cage ou un élevage industriel de porcs pour se rendre compte que ces modes d’élevage constituent, en eux-mêmes, une forme de maltraitance – qui plus est institutionnalisée.

En disant cela, je ne cherche pas à stigmatiser les éleveurs concernés, mais à souligner que l’ambition de ce projet de loi en matière d’amélioration des conditions d’élevage des animaux est très en dessous de ce qu’elle devrait être. En effet, l’examen de ce texte devrait être l’occasion de nous demander comment sortir l’élevage de son orientation actuelle, tant au bénéfice des animaux qu’à celui des hommes – car je ne pense pas qu’il soit très gratifiant pour les éleveurs de traiter les animaux comme un produit industriel.

M. le président Roland Lescure. Je précise que nous examinerons, après l’article 13, un certain nombre d’amendements qui nous permettront d’évoquer ces sujets.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE429 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. L’amendement CE429 vise à supprimer l’alinéa 3, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment. J’ai bien entendu les précisions apportées par M. le ministre au sujet des conditions dans lesquelles les associations peuvent se porter partie civile. Cela dit, quand les maltraitances animales sont liées à une situation économique ou personnelle dégradée de l’éleveur, lui appliquer une sanction civile revient à refuser de prendre en compte sa détresse, et à doubler ainsi sa peine.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE3 de M. Richard Ramos.

M. Richard Ramos. S’il ne s’agit pas de stigmatiser les éleveurs, il convient tout de même de faire en sorte que les sanctions susceptibles de leur être appliquées soient significatives, ne serait-ce que pour répondre à la demande des consommateurs d’être assurés du bien-être des animaux d’élevage. Tel est l’objet de l’amendement CE3, qui propose de faire passer d’un an à deux ans la peine d’emprisonnement encourue par un exploitant ayant exercé ou laissé exercer de mauvais traitements envers les animaux placés sous sa garde.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il existe une échelle de sanctions, qui doit rester proportionnée. Ce qui est proposé par cet amendement va trop loin, c’est pourquoi j’y suis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE430 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement, qui constitue la suite logique des précédents, est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE4 de M. Richard Ramos.

M. Richard Ramos. Cet amendement est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 13 sans modification.

Article 13 bis
Rapport portant sur les conséquences des plans de filière en matière de bienêtre animal

Votre rapporteur a proposé qu’un rapport soit rendu par le Gouvernement au Parlement sur les évolutions souhaitées et les réalisations concrètes des volets relatifs au bien-être animal prévus par les plans de filière des organisations interprofessionnelles.

La mise en place de plans de filière, voulue par le Président de la République, montre la confiance de l’État dans la capacité des interprofessions à se responsabiliser sur de nombreux enjeux économiques, sociétaux et environnementaux.

Selon votre rapporteur, la question du bien-être animal est au cœur de ces enjeux : en matière d’élevage de poules ou de lapins en cage, les filières doivent prendre les devants et s’imposer une discipline de progrès, dans des délais qui sont compatibles avec les fortes attentes sociétales et avec la nécessaire adaptation économique des exploitations.

L’objet de ce rapport sera donc de faire le point sur les ambitions des filières en matière de bien-être animal, mais aussi des avancées concrètes réalisées en 2020.

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*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE253 de la commission du développement durable et CE1416 de M. François Ruffin, les amendements identiques CE239 de M. Olivier Falorni et CE1659 de Mme Anne-Laurence Petel, et les amendements identiques CE236 de M. Olivier Falorni et CE1658 de Mme Anne-Laurence Petel.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. L’amendement CE253 a été adopté par la commission du développement durable, avec un avis défavorable de ma part et de celle du Gouvernement.

Cet amendement me paraît contre-productif eu égard aux objectifs visés, à savoir la réduction du temps de transport des animaux sur la seule zone géographique française, ce qui ne serait pas efficace compte tenu des réalités de l’activité économique consistant dans le transport des animaux. Nous soutenons plutôt le maillage des abattoirs sur le territoire qui, en favorisant l’abattage de proximité, résoudrait une partie des difficultés.

M. François Ruffin. L’amendement CE1416 est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis évidemment défavorable à cet amendement, dont l’impact économique est plus que significatif pour les filières d’élevage françaises : c’est une vraie rupture d’égalité et une distorsion de concurrence que vous proposez de mettre en place – ainsi, un éleveur breton ne pourrait plus exporter en Italie, à la différence d’un éleveur du Sud-Est.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques CE253 et CE1416.

M. Olivier Falorni. Chaque année, environ trois millions d’animaux sont exportés de l’Union européenne vers des pays tiers, notamment vers l’Afrique et le Moyen-Orient.

L’amendement CE239 vise à introduire un encadrement spécifique des exportations d’animaux vivants vers des pays hors de l’Union européenne, par l’obligation d’introduire dans les accords de partenariat avec les pays de destination des clauses encadrant la protection des animaux dans les pays de destination, ainsi que la mise en place d’un certificat export sur le modèle australien.

Mme Anne-Laurence Petel. L’amendement CE1659 est défendu.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces deux mesures auront pour conséquence de freiner le plus possible, avec des procédures et de la réglementation, l’exportation d’animaux hors de l’UE. Ainsi, si on adopte ces amendements, tant que la France et le Maroc n’auront pas signé un accord – et il en faudra un pour chaque État tiers ! –, les exportations vers ce pays seront impossibles.

Quant au 2°, sa complexité en fait une véritable usine à gaz visant à décourager les exportateurs français, tant il semble difficile à mettre à place.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Les autorités françaises ne peuvent pas imposer aux pays tiers les actions qu’ils doivent mener dans ce domaine. Il ne revient pas à la France seule de faire respecter les engagements pris par les différents pays tiers auprès de l’Organisation mondiale de la santé animale. Je suis donc défavorable à ces amendements.

La commission rejette les amendements identiques CE239 et CE1659.

M. Olivier Falorni. L’amendement CE236, qui a trait au transport maritime, est défendu.

Mme Anne-Laurence Petel. L’amendement identique CE1658 vise à mettre en place, pour les transports maritimes de plus de huit heures au départ du territoire français, un responsable de la protection des animaux (RPA). Il n’est pas admissible que des animaux meurent massivement en fond de cale et qu’ils finissent par être jetés par-dessus bord, comme on a pu le voir sur une vidéo la semaine dernière. Cela doit forcément nous conduire à nous interroger sur un mode de production où l’on fait naître des animaux pour les jeter sans même les consommer.

Au demeurant, une telle disposition ne doit pas être très compliquée à mettre en place, puisque certains pays l’ont déjà fait.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement crée une contrainte forte sur les transporteurs maritimes, mais surtout, pose plus de questions qu’il ne résout de problèmes.

Ainsi, aucune indication n’est précisée sur la rémunération et l’autorité de la personne dont l’unique charge sera de veiller au respect du bien-être des animaux. Qui est l’autorité compétente à qui ce RPA « fait directement rapport » ?

En outre, si le navire quitte les eaux françaises, rien ne garantit que son pouvoir d’injonction, prévu par l’amendement pour mettre en œuvre des mesures correctives pour améliorer le bien-être des animaux, sera suivi d’effet par l’équipage. Quelle sera alors son utilité à bord ? Je ne suis pas sûr que vous suscitiez beaucoup de vocations avec cet amendement, auquel je suis donc défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Les autorités françaises s’emploient à rechercher des modalités pratiques pour la mise en œuvre des formations qui doivent être prévues pour les équipages de transport maritime d’animaux, ainsi que pour les dockers travaillant dans les ports de chargement. Légiférer à propos de la désignation d’un RPA ne me paraît pas opportun compte tenu de la réglementation européenne existante, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable à ces amendements.

M. François Ruffin. Cela me heurte de constater que le projet de loi ne comporte aucune disposition sur des questions comme celle-ci. Les arguments qui nous sont opposés pour refuser la solution que nous proposons, qui ne portent que sur les exportateurs et les transporteurs, sont d’ordre économico-économique et totalement dépourvus d’humanisme. Franchement, je ne comprends pas comment un texte ayant l’ambition d’aborder la question du bien-être animal peut ne rien prévoir pour que les animaux ne soient pas traités comme des marchandises au moment de la production, du transport et de l’abattage !

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur Ruffin, vous ne pouvez pas dire que nous ne faisons rien dans ce domaine. Une stratégie pour le bien-être des animaux a été définie et vous avez adopté un amendement important, qui permettra aux associations de se porter partie civile sur la base de contrôles effectués par des agents assermentés et formés. Je pourrais citer également la formation des éleveurs – qui commence dès le lycée agricole, voire dès l’enfance, car le respect du bien-être animal est une valeur citoyenne –, celle des agents de l’État qui interviennent dans les abattoirs, des vétérinaires, bien entendu, mais aussi des consommateurs, informés par les lanceurs d’alerte qui dénoncent les pratiques frauduleuses et celles qui contreviennent au bien-être animal. Ces pratiques doivent être sanctionnées, et elles le seront, grâce à une disposition que vous venez d’adopter. Nous accompagnons également les éleveurs, que nous ne pouvons pas laisser seuls face à la détresse animale. Vous savez d’ailleurs comme moi que, parfois, lorsqu’un éleveur va mal, son cheptel ne va pas bien non plus. Accompagner les éleveurs, c’est donc faire en sorte que, lorsque c’est nécessaire, le cheptel soit pris en charge par un autre exploitant et traité dignement.

Enfin, nous agissons à l’échelle européenne. Le conseil européen des ministres de l’agriculture, que vous décriez tant, aborde très fréquemment ces questions, dont les différents États membres commencent à prendre conscience. La France, quant à elle, est en avance.

M. François Ruffin. Non !

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Quels sont les pays européens qui prennent plus d’engagements que nous en faveur du respect du bien-être animal ? Il n’y en a pas ! Dans ce domaine comme dans d’autres, nous avons pris les devants.

La stratégie pour le bien-être des animaux, se traduira dans les faits grâce à la loi, à la feuille de route des États généraux de l’alimentation et à la politique de l’alimentation que nous mettrons en œuvre d’ici à 2022.

Encore une fois, vous ne pouvez pas dire que nous ne faisons rien. Nous agissons, parce que nous ne pouvons pas détourner le regard face à la barbarie dont sont parfois victimes les animaux. Ces comportements seront sanctionnés.

M. François Ruffin. Précisément, ces comportements ne relèvent pas d’une barbarie digne du Moyen-Âge : ils sont le produit de la civilisation moderne. Ils sont le fait, non pas d’individus méchants, mais d’un système productif qui est cruel en soi. Or, je le répète, rien dans le texte ne permet de transformer ce système.

Loin de moi l’idée de faire du french bashing mais, puisque vous me demandez de citer un domaine dans lequel la France n’est pas en avance, je pourrais évoquer la réglementation applicable aux cages utilisées dans les batteries. En la matière, nous n’avons pas choisi d’aller de l’avant, nous avons freiné au maximum.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. C’est faux !

M. François Ruffin. On a préféré les agrandir un peu plutôt que les supprimer.

M. Thierry Benoit. On avance !

M. François Ruffin. Oui, mais à quelle vitesse ? En tout cas, d’autres pays vont plus vite que nous. Enfin, invoquer la formation, comme vous le faites, monsieur le ministre, c’est une manière de botter en touche et d’éviter de prendre de véritables mesures législatives.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Tout ne relève pas de la loi !

M. Thierry Benoit. Monsieur Ruffin, en vous exprimant ainsi, vous niez la réalité du travail accompli par les éleveurs. Croyez-moi, je le sais pour vivre depuis toujours parmi eux : depuis 1950, des progrès considérables ont été accomplis dans le transport des animaux, par exemple. Aujourd’hui, les véhicules qui transportent les veaux de boucherie ou les porcs sont équipés de ventilateurs et la réglementation limite le nombre des animaux placés dans chaque case.

Vous avez raison, il faut faire évoluer le mode de production. Mais allez voir – et nous irons ensemble, si vous le souhaitez – le travail accompli par les filières du veau de boucherie, du porc ou de la volaille. M. Travert et ses prédécesseurs, Stéphane Le Foll, Bruno Le Maire et Michel Barnier, ont, au cours des dix dernières années, travaillé avec ces filières pour les transformer.

Je comprends votre colère, mais la loi reconnaît depuis peu que les animaux sont des êtres sensibles ; la France progresse dans ce domaine, il faut le reconnaître. Je partage en partie votre combat, car, dans la filière des veaux de boucherie, par exemple, que je connais très bien, les animaux, qui étaient en case individuelle en 1950 sont, aujourd’hui, en case collective. Il y a donc du vrai dans ce que vous dites mais, en vous exprimant comme vous le faites, vous faites du mal aux éleveurs et à l’élevage français, et cela m’ennuie.

M. Richard Ramos. En matière de bien-être animal, c’est le « en même temps » qui s’applique. D’autres pays européens sont en avance sur nous, notamment les Allemands. L’élevage de poules en plein air, par exemple, représente 30 % de la production française et 50 % de la production allemande parce que – je vous parle presque en libéral – ils ont compris un peu plus tôt que les producteurs français, exceptionnels par ailleurs, qu’il fallait adapter la production à la demande des consommateurs. Tôt ou tard, qu’ils y soient obligés par la puissance publique ou par le marché, nos producteurs devront veiller davantage à répondre à cette attente.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Personne, ici, n’est opposé au bien-être animal ni n’oppose celui-ci au bien-être des éleveurs. Avançons de façon pragmatique. Les interprofessions ont élaboré, à notre demande, de beaux plans de filière qui comportent des engagements sociétaux, notamment dans le domaine du bien-être animal. Toutes les filières sont concernées, et leurs engagements seront suivis. En outre, ce travail a été fait en lien avec les associations de protection des animaux, et je peux vous dire que, dans certaines filières, cela n’était jamais arrivé. C’est un progrès, il faut le souligner, que nous devons aux EGA. Par ailleurs, des clauses de rendez-vous sont prévues, qui permettront de vérifier les progrès accomplis, notamment dans le domaine du transport, afin d’éviter les situations qu’a décrites Mme Petel. Les agriculteurs eux-mêmes y ont intérêt, du reste, car les animaux de rente qui se portent bien sont vendus à un meilleur prix. Or, une rémunération plus importante signifie un meilleur revenu, donc davantage d’investissements, une plus grande compétitivité et la réussite des territoires.

La commission rejette les amendements identiques CE236 et CE1658.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE2139 du rapporteur, CE251 de la commission du développement durable, CE1088 et CE1089, tous deux de M. Jean-Claude Leclabart. L’amendement CE251 fait l’objet d’un sous-amendement CE2101 rectifié du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’élaboration de plans de filière, voulue par le Président de la République, témoigne de la confiance de l’État en la capacité des interprofessions à se responsabiliser sur de nombreux enjeux économiques, sociétaux et environnementaux. La question du bien-être animal est au cœur de ces enjeux : s’agissant de l’élevage des poules ou des lapins en cage, les filières doivent prendre les devants et s’imposer une discipline de progrès dans des délais compatibles avec les fortes attentes sociétales et la nécessaire adaptation économique des exploitations.

Nous proposons donc, par l’amendement CE2139, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport faisant le point sur les ambitions des filières en matière de bien-être animal et sur les avancées concrètes réalisées d’ici à 2020. Si les choses n’ont pas évolué convenablement, il faudra envisager une réaction législative.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. L’amendement CE251 de la commission du développement durable vise à interdire la vente à la consommation d’œufs provenant d’installations d’élevage en cage à compter du 1er janvier 2022. J’émettrai néanmoins une réserve. En effet, nous souhaitons nous appuyer sur les plans de filière et les progrès que celles-ci se sont engagées à accomplir. De ce fait, et compte tenu des investissements réalisés par une partie des éleveurs en 2012 et 2014 en vue de la mise aux normes de leurs installations, il nous semble que le délai devrait être plus raisonnable et l’interdiction n’entrer en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2028.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Si cet amendement devait être adopté, je souhaiterais – et c’est l’objet du sous-amendement CE2101 rectifié – que la date retenue soit le 1er janvier 2028, car le plan de filière s’organise actuellement pour aménager la transition de la production des œufs coquille vendus aux consommateurs vers des modèles plus respectueux du bien-être animal. Le signal envoyé par cet amendement est important, mais il ne faut pas que la loi, en fixant un délai trop court, empêche la filière d’effectuer cette transition dans des conditions économiques acceptables. J’ajoute que cette interdiction concernerait uniquement les œufs destinés à la vente au détail.

M. Jean-Claude Leclabart. Je salue les paroles de sagesse de notre rapporteur, car la filière avicole est inquiète. Je rappelle en effet qu’en 2012, un règlement européen a imposé aux producteurs une mise aux normes des cages dont le coût ne fut pas négligeable. Néanmoins, en octobre dernier, l’interprofession française des œufs, le Comité national pour la promotion de l’œuf, présentait son contrat sociétal d’avenir, dont la principale mission est d’adapter les modes d’élevage aux attentes sociétales, en se fixant notamment pour objectif d’atteindre 50 % de poules pondeuses en élevages alternatifs d’ici à 2022. L’amendement CE1089 a pour objet d’inscrire cet objectif dans la loi.

Quant à l’amendement CE1088, il vise à interdire la vente aux consommateurs d’œufs provenant d’installations d’élevages en cage à compter du 1er janvier 2030. En effet, en 2016, près de 70 % des œufs étaient produits en cage, 18 % en plein air et le reste au sol et en bio. Or, selon une enquête de l’Institut technique de l’aviculture (ITAVI), 17 % des éleveurs de poules en cage devraient finir d’amortir leurs travaux liés à la mise aux normes de 2012 en 2018 ; 40 % finiront d’amortir ces investissements en 2022, en moyenne, et 43 % des éleveurs en code 3, notamment ceux ayant construit des bâtiments neufs, en 2027. Selon les règles comptables, l’amortissement des bâtiments est réalisé sur une période de treize à quinze ans. L’enjeu financier est donc bien réel. En France, 400 élevages utilisent des cages. Le secteur demeure donc minoritaire mais, comme sa production est plus importante, il représente deux poules sur trois, soit 33 millions de bêtes.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suggère à Mme la rapporteure pour avis et à M. Leclabart de retirer leurs amendements au profit du mien.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. En matière d’interdiction de la vente des œufs de poules en cage, je veux m’appuyer sur le plan de la filière, qui a décidé de jouer le jeu. Le Gouvernement suivra cependant ses engagements de très près. Je rappelle que, l’été dernier, la filière ovicole aurait pu connaître une situation dramatique suite à la contamination au fipronil, due à une fraude, d’œufs en provenance des Pays-Bas et de Belgique. Mais on s’est aperçu que la filière française était parfaitement sécurisée, ce qui fait honneur à notre pays. Cette filière se porte donc plutôt bien et peut investir de nouveau. C’est pourquoi elle s’est engagée dans une démarche de progrès, qui permettra d’améliorer la rémunération de ses producteurs. Elle a joué le jeu dans le cadre du plan de filière et en s’engageant en faveur du bien-être animal, à la demande du Président de la République. Bien entendu, des clauses de rendez-vous sont prévues – je dois rencontrer ses représentants la semaine prochaine pour évoquer ce sujet.

Toutefois, cette profonde mutation doit se faire dans le cadre d’une démarche de création de valeur. Or, une interdiction ne permettrait pas d’améliorer la rémunération du producteur par la distribution et le consommateur. Il s’agit, ici, d’effectuer une transition qui soit plus « nature » et plus durable pour les éleveurs. J’ajoute que l’interdiction de la vente serait anti-communautaire car elle constituerait une entrave à la libre circulation. Je suis donc défavorable à ces amendements. Encore une fois, je souhaite que l’on fasse confiance à la filière et aux professionnels qui ont pris des engagements, sachant qu’il incombera au Gouvernement de veiller à ce que ceux-ci soient tenus, et ils le seront grâce aux comités nationaux de filières.

M. Arnaud Viala. Depuis le début de l’examen de cette série d’amendements relatifs au bien-être animal, les membres du groupe Les Républicains se sont peu exprimés. Ces sujets extrêmement complexes peuvent en effet susciter de vives tensions. Mieux vaut donc ne pas s’exprimer à tort et à travers si l’on veut éviter de provoquer des réactions exacerbées par des exemples malheureux mais à partir desquels il ne faut pas généraliser.

Tout d’abord, la sagesse du rapporteur, qui propose que l’on étudie objectivement les choses dans le cadre d’un rapport, avant de fixer une orientation ferme, me paraît de bon aloi. C’est pourquoi nous le soutiendrons, en espérant que les autres amendements seront retirés.

Par ailleurs, l’ensemble du texte est fondé sur les États généraux de l’alimentation auquel le Gouvernement a appelé tout le secteur agricole et agroalimentaire de France à participer pour concourir à l’amélioration de la situation. Je ne vois pas comment, alors que le bien-être animal est au cœur du métier d’éleveur, on pourrait imaginer assurer ce bien-être autrement qu’en adoptant une démarche coconstruite avec ceux qui pratiquent l’élevage et édicter des injonctions législatives fortes avant même d’avoir fait un état des lieux de la situation.

Comme quelques autres collègues ici présents, j’ai fait partie des membres assidus de la commission d’enquête sur les conditions d’abattage en France. Ce long épisode de notre vie parlementaire nous a permis, sous la précédente législature, de mesurer à quel point il faut être prudent lorsqu’on aborde ces sujets pour ne pas tomber dans un travers ou dans l’autre.

M. Thibault Bazin. La demande sociétale est incontestable mais l’amendement de la commission du développement durable est irréaliste. Les producteurs ne peuvent s’organiser dans des délais aussi courts et doivent déjà digérer la mise aux normes de 2012. Un élevage de poules exclusivement en plein air demanderait d’ailleurs beaucoup de surface – 5 % de la surface agricole utile de toute la France. Cela poserait des risques sanitaires, notamment de grippe aviaire. Surtout, cela entraînerait une perte de compétitivité. Depuis plusieurs années, le bien-être animal est déjà pris en compte par les éleveurs. Les services vétérinaires effectuent régulièrement des contrôles chez les producteurs. Écoutons aussi les scientifiques de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) qui ont travaillé à rendre les volailles heureuses car la qualité de leur chair et celle de leur ponte en dépendent. Nous avons tendance à projeter notre idée du bonheur et pour nous, l’élevage à l’intérieur évoque la prison alors que la poule peut être stressée à l’extérieur, selon Christine Leterrier qui est spécialiste des émotions chez les oiseaux d’élevage. Qui plus est, en bâtiment, il y a quelque chose de sympathique : les copains ! Les poules sont des animaux très sociables. La mortalité est d’ailleurs plus élevée dans les élevages en plein air.

M. Guillaume Garot. Je voudrais témoigner des efforts réels qu’ont faits les éleveurs de la filière avicole depuis des années pour le bien-être de leurs animaux dans toutes les régions de France. Cela a coûté beaucoup en investissements. Il serait donc contre‑productif de leur dire, alors qu’ils n’ont pas encore amorti ces investissements, qu’on leur en remet une couche. Je me reconnais dans le sous-amendement du rapporteur qui maintient l’objectif tout en donnant le temps nécessaire aux éleveurs pour s’y  conformer.

M. Nicolas Turquois. Je salue votre position, monsieur le ministre. C’est par la demande, la sensibilisation, l’information et par la filière qu’on résoudra ce problème. Si on impose la fin des poules en cage d’ici à 2022, à cette production se substitueront des œufs d’importation eux-mêmes produits en cage. Certaines grandes surfaces s’engagent massivement dans une démarche de sensibilisation de nos concitoyens si bien que le problème sera résolu sans que l’on ait à fixer des objectifs aussi importants dans un délai aussi rapproché. Un bâtiment de poules pondeuses coûte un million d’euros. Je vois mal comment on peut accorder à nos pétroliers d’exploiter pendant encore quarante ans les forages qu’ils ont réalisés récemment et imposer à nos éleveurs la fin de l’élevage en cage en cinq ans.

Mme Célia de Lavergne. Je voudrais m’associer à certains de mes collègues pour saluer le travail considérable qu’a effectué le Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO) pour élaborer un plan de filière. Cette filière avait effectivement des transformations importantes à faire et doit encore en faire. Ce plan de filière fait état non seulement d’une prise de conscience de cette demande sociétale d’évolution des modes d’élevage pour les poules mais aussi d’inquiétudes fortes. Y apparaissent notamment les dates de 2028 mais aussi de 2030 pour le remboursement intégral des investissements faits sur les bâtiments. Puisque nous souhaitons tous responsabiliser le CNPO, nous devrions peut-être avec le rapporteur nous rapprocher de ses représentants pour nous mettre d’accord sur une date. Pour le groupe La République en Marche, il est fondamental de répondre à la demande sociétale et de fixer dans cette loi un objectif chiffré assorti d’une date précise.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, je vous rejoins totalement. En lançant, avec le Président de la République, les États généraux de l’alimentation, les messages que vous avez envoyés à la société française et notamment aux agriculteurs étaient clairs : « De la terre à l’assiette ! » « Du producteur au consommateur ! » « Parlez-vous ! » « Comprenons ensemble les changements sociétaux qui s’opèrent. Prenez votre destin en main ». Vous les encouragez, à travers les interprofessions et les filières, à préparer l’avenir. Les éleveurs sont soumis en permanence à des aléas économiques, politiques et climatiques. Soyons des acteurs permanents de la simplification de la vie de nos concitoyens, et notamment de celle des éleveurs. Ne mettons pas de pression supplémentaire sur les éleveurs et faisons-leur confiance. Monsieur le ministre, je soutiens totalement l’orientation que vous venez de décrire.

M. François Ruffin. Pour répondre à M. Benoit, je n’ai à aucun moment mis en cause les agriculteurs ou les paysans. C’est le système qui a incité les aviculteurs à s’orienter dans cette direction parce qu’elle était rentable. La question est donc de savoir comment sortir de ce système le plus vite possible, à la fois pour les animaux et pour les éleveurs. Je suis favorable à ce qu’on fixe une date qui soit la plus rapprochée possible. En 2012, plutôt que de réfléchir à la manière de sortir de ce système, on s’est demandé comment agrandir les cages : ce fut une erreur stratégique pour la filière avicole, ce qui prouve que laisser faire les agriculteurs seuls n’est pas forcément la bonne solution.

M. Jean-Claude Leclabart. Je me félicite que nous débattions de ce sujet qui méritait qu’on s’y arrêtât assez longuement. Je lisais récemment dans un excellent article paru dans Les Échos que quand les canards seront confinés pour cause d’épidémie de grippe aviaire, les poules pondeuses en batterie recouvreront la liberté. La problématique est donc aussi sanitaire. Si demain, toutes les poules sont en liberté, nous aurons de nouveau un problème de grippe aviaire. C’est une raison de plus pour que les choses évoluent de façon progressive.

D’autre part, certains agriculteurs ne vivent que de cette activité. S’ils doivent demain se remettre en cause aussi rapidement que vous le réclamez, je demande l’application d’un plan social.

Mme Monique Limon. Notre marque de fabrique est le « faire avec ». Nous voudrions donc inscrire une date dans ce texte mais celle-ci doit être fixée avec les professionnels.

La commission adopte l’amendement CE2139.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. Compte tenu des débats et de la nécessité de travailler avec la filière, je retire l’amendement de la commission du développement durable.

L’amendement CE251 est retiré. En conséquence, le sousamendement CE2101 devient sans objet.

La commission rejette ensuite successivement les amendements CE1088 et CE1089.

La commission examine en discussion commune les amendements CE200 de M. Olivier Falorni et CE1406 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Olivier Falorni. Depuis plusieurs années, les principales industries agroalimentaires françaises, européennes et internationales abandonnent ou s’engagent à abandonner la commercialisation et l’utilisation des œufs issus de systèmes d’élevage en cage aménagée – aussi bien pour les œufs coquilles que pour les ovo-produits – entre 2022 et 2025. Plusieurs pays européens ont fait le choix d’interdire le système de batteries d’élevage en cage. L’Allemagne s’y est engagée pour 2025 pour l’ensemble de sa production. L’amendement CE200 vise à faire disparaître l’élevage en batterie des poules pondeuses au profit d’élevages alternatifs en mettant en place un échéancier progressif afin qu’en 2022, les œufs commercialisés sous forme d’œufs coquilles soient tous issus d’élevages alternatifs et qu’en 2025, l’ensemble de la production française le soit.

M. François Ruffin. M. Leclabart disait qu’il allait falloir un plan social. Il est évident que si l’on veut que les aviculteurs s’orientent dans cette direction, il faudra prévoir un plan d’accompagnement de la filière et mettre des sous sur la table.

Peut-être la date de 2020 ne convient-elle pas mais n’attendons pas dix ans pour ne transformer, de surcroît, qu’une partie de l’aviculture alors que l’Allemagne aura transformé la totalité de son système en 2025.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, j’émets un avis défavorable à ces deux amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Même avis.

M. Jean-Claude Leclabart. Si on devait accélérer les choses, ne faudrait‑il pas inventer des élevages au sol ? Les poulaillers qui n’auraient plus de cages pourraient très bien être transformés en volières.

M. François Ruffin. J’ai visité plusieurs élevages avicoles en Bretagne. C’était une sorte de revanche des petits agriculteurs qui, dans l’après-guerre, avaient peu de surface agricole : ils sont parvenus, sur une très faible surface, à concentrer de l’élevage et à en tirer un revenu important. Cette stratégie a permis aux plus pauvres de s’en sortir. Aujourd’hui, ces aviculteurs ont pu racheter des terres autour de chez eux. Ils peuvent donc désormais faire de l’élevage au sol. Le problème n’est plus technique : c’est un choix d’orientation. Il faut faire en sorte que les aviculteurs soient rémunérés à un bon niveau.

M. Thierry Benoit. Je m’inscris totalement en faux contre ce que M. Ruffin vient de dire. Après la guerre, la Bretagne a été soumise à une forte demande de production. Il y avait donc ce que l’on appelait des élevages hors sol dans beaucoup de secteurs. Ensuite, la demande a évolué et l’élevage hors sol, en Bretagne comme dans beaucoup d’autres régions, est en voie de diminution. Les filières se restructurent – et le ministre de l’agriculture y travaille.

La commission rejette successivement les amendements CE200 et CE1406.

Elle étudie, en discussion commune, les amendements CE252 de la commission du développement durable et CE1417 de M. Loïc Prud’homme.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis. L’amendement CE252 a été voté par la commission du développement durable, contre mon avis. Il tend à ce que tous les établissements d’élevage cunicole détiennent les lapins d’engraissement dans des parcs collectifs enrichis et les animaux reproducteurs ainsi que le pré-cheptel dans des conditions respectant les impératifs biologiques de l’espèce. J’ai émis une réserve sur cet amendement car nous faisons confiance à la filière et ne souhaitons pas surtransposer les textes.

M. François Ruffin. L’amendement CE1417 vise à interdire l’usage de cages à tout établissement d’élevage cunicole.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il faut laisser les avancées en matière de régulation des pratiques d’élevage aux plans de filière des interprofessions. En effet, la contrepartie de la loi « EGA » est précisément de leur laisser un pouvoir d’initiative en la matière. En outre, ces dispositions, telles que rédigées, sont de nature réglementaire. Enfin, vous m’expliquerez comment on élève des lapins sans cage !

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Il est vrai qu’élever des lapins hors des cages, c’est leur permettre de recouvrer une immense liberté mais cela pose ensuite des problèmes pour les vendre. (Sourires.) L’élevage en cage est d’ailleurs obligatoire pour certaines races de lapins chez qui l’on observe des phénomènes de cannibalisme. Nous avons un outil, le plan de filière, qui est plus durable, plus naturel et plus rémunérateur pour les producteurs. Comme pour les volailles, nous avons fixé des clauses de rendez-vous pour vérifier que les choses avancent dans le bon ordre. Le Gouvernement suivra cela de près. Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois. Je vais sans doute passer pour un député horrible… Tant pis ! Il faut savoir que la filière lapin s’est écroulée depuis quelques années. Lorsqu’on a interdit les antibiotiques chez les lapins, on a eu des problèmes d’entérocolite qui ont entraîné une mortalité phénoménale. Les éleveurs ont alors arrêté de produire tant ils étaient démotivés. On a ensuite agrandi les cages et l’on a mis les lapins ensemble, ce qui a favorisé le cannibalisme car un lapin faible qui se retrouve parmi ses semblables se fait dévorer. On trouve progressivement des solutions aux problèmes de maladies en faisant évoluer l’alimentation des lapins mais la filière est au bord de la disparition et la consommation s’est effondrée. Alors que faire ? Va-t-on essayer d’accompagner la filière ? Ou pour avoir bonne conscience, va-t-on faire complètement disparaître la filière cunicole en France ? Vive le lapin !

M. François Ruffin. Tout d’abord, la cause de l’écroulement de la filière
réside-t-elle dans la consommation ou dans la production ? Ensuite, s’il y a eu du cannibalisme, c’est en raison des conditions de stress dans lesquelles vivent ces lapins. (Protestations diverses.) Enfin, il existe des systèmes de parcs collectifs enrichis. Je ne dis que cette solution soit merveilleuse mais elle existe et fonctionne. Elle pourrait donc être étendue.

M. Nicolas Turquois. Monsieur Ruffin, j’imagine que vous avez eu une grand-mère qui élevait des lapins. Souvenez-vous, ils n’étaient pas spécialement serrés les uns contre les autres. Il faut cesser d’avoir une vision anthropomorphique.

Ne fixons pas d’objectifs inatteignables au nom du politiquement correct. L’agriculture française est de bonne qualité globalement. Emmenons les agriculteurs avec nous.

M. François Ruffin. Eh oui, j’avais une grand-mère qui élevait des lapins dans des cages ; elle avait même des porcs et un chien qui s’appelait Youki ! (Rires.)

Vous pourrez toujours trouver nos amendements trop radicaux mais il faut bien voir qu’ils comblent le vide de ce projet de loi. À le lire, à vous entendre, on a l’impression que la seule régulation est celle de la main invisible du marché. Ça ne suffit pas : nous sommes là pour faire la loi !

La commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l’amendement CE55 de M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. Monsieur le ministre, dans votre projet de loi, vous avez fortement renforcé les sanctions en cas de maltraitance des animaux dans les abattoirs et les transports, choix que je ne peux qu’approuver puisque ces dispositions figuraient dans la proposition de loi votée en janvier 2017 dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur. Le problème, c’est que le projet de loi ne se donne pas les moyens d’assurer des contrôles.

Je n’aurai malheureusement pas le temps de développer mon argumentation mais pour protéger, il faut prévenir, contrôler, sanctionner. Aujourd’hui, les salariés des abattoirs sont contrôlés théoriquement mais il n’y a pas assez d’inspecteurs vétérinaires. Ceux-ci consacrent beaucoup de temps aux contrôles sanitaires et ne peuvent assurer le contrôle du bien-être animal.

Dans mon amendement, je propose de mettre en place un contrôle par vidéosurveillance. Il permettra à l’inspection vétérinaire de disposer d’éléments de preuve, à charge ou à décharge, ce qui protège aussi les salariés – « la loi protège » comme disait Lacordaire. Ce dispositif permettra de caractériser les délits pour lesquels les sanctions ont été renforcées.

Je conclurai par une citation : « La vidéosurveillance dans les abattoirs sera mise en place selon les dispositions de la proposition de loi Falorni ». Elle est extraite d’un courrier qu’Emmanuel Macron a adressé à l’ensemble des associations de protection animale durant la campagne électorale.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La mise en place d’un contrôle vidéo me semble inopportune, à ce jour. Laurence Maillart-Méhaignerie, dont je salue le travail, propose au nom de la commission du développement durable des amendements visant à renforcer de façon significative des mécanismes alternatifs de contrôle dans les abattoirs : généralisation des responsables de protection animale, même dans les petits abattoirs, extension de la procédure de l’alerte éthique à tous les abattoirs, ce qui constitue un renforcement par rapport au droit commun de la protection des lanceurs d’alerte. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Cette question fait l’actualité depuis quelque temps.

La proposition de loi de janvier 2017 comportait plusieurs avancées que nous avons souhaité reprendre dans le texte.

La vidéosurveillance renvoie aux responsabilités de chacun, à commencer par celle de l’abatteur qui est d’assurer des conditions de mise à mort décentes. Elle constitue un outil parmi d’autres de contrôle interne et impose des obligations. Sa mise en place est soumise à une déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) afin de respecter les droits des salariés. Elle suppose aussi une consultation des syndicats et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Les abattoirs ont du mal à recruter et à conserver leur personnel. Insuffisamment formés, les salariés ne restent pas, ils ne tiennent pas le coup. Il faut insister sur leur formation et leur accompagnement.

En outre, il me semble impossible de détecter la souffrance animale à partir d’images vidéo. Il est difficile de qualifier pénalement, sur cette base, l’ensemble des infractions.

Enfin, il existe un risque de transfert des responsabilités sur l’État alors que la responsabilité incombe aux directeurs d’abattoir.

Je ne souhaite pas rendre la vidéosurveillance obligatoire. J’ai demandé au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de travailler sur des dispositifs reposant sur le volontariat. D’ores et déjà, les directeurs d’abattoir ont la possibilité d’installer des caméras de vidéosurveillance après consultation des salariés.

Je veux continuer à soutenir la formation et l’accompagnement des vétérinaires, qui ont connu une baisse de leurs effectifs depuis des années. Il me semble préférable de les voir sur le terrain pour contrôler et sanctionner le travail qui n’est pas bien fait, plutôt que derrière un écran. Pour le budget 2018, ma troisième priorité à côté de la politique agricole commune et la formation et l’enseignement agricole, a été, rappelons-le, la sécurité sanitaire, qui est une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.

Pour toutes ces raisons, monsieur Falorni, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

M. Arnaud Viala. La conclusion à laquelle je suis parvenu au terme des travaux de la commission d’enquête est que l’erreur à ne pas commettre était de rendre la vidéosurveillance systématique et obligatoire.

Premièrement, il faut prendre en compte le bien-être des salariés. Imaginez ce que cela représente d’être surveillé en permanence par une caméra pendant que l’on travaille.

Deuxièmement, se pose la question du droit à l’image, du traitement et de la conservation des bandes vidéo qui a été longuement débattue pendant les travaux de la commission d’enquête. Nous n’avons d’ailleurs pas obtenu de réponses fermes de la part des autorités responsables.

Troisièmement, il ne faut pas oublier qu’en France, il existe une très grande variété d’abattoirs. Si la vidéosurveillance devenait obligatoire, cela pourrait ne pas poser de problèmes dans les grands abattoirs qui disposent de moyens financiers et humains mais cela mettrait en difficulté les petits abattoirs, que nous voulons pérenniser dans une logique de territorialisation des activités agricoles et agro-alimentaires. Une telle disposition risquerait même de leur porter un coup fatal du fait des coûts financiers qu’elle implique et du personnel qu’il faut mobiliser à cet effet.

Mon groupe adhère donc pleinement à la position de M. le ministre.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Cet amendement me laisse dubitative. Il me semble créer un précédent inquiétant : demain, dans toutes les entreprises, il pourrait y avoir des dispositifs de vidéosurveillance derrière les salariés. Mon adolescence a été fortement marquée par la lecture de 1984 de George Orwell. Ce modèle de société ne me tente pas du tout, je suis navrée. Je suis farouchement opposée à cet amendement.

M. Olivier Falorni. Il y aurait tellement de choses à dire en réponse à ces interventions !

La loi a vocation à déterminer une finalité – en l’occurrence le bien-être animal – à ce dispositif qui est à la main de l’inspection vétérinaire et non de la direction de l’abattoir, ce qu’a validé la CNIL. Par ailleurs, l’utilisation des images pour d’autres finalités est sévèrement sanctionnée. Nous pouvons dire, dans ces conditions, qu’il y a un encadrement.

D’autres pays européens sont en train de mettre en place des caméras de surveillance. Certains directeurs d’abattoirs en installent pour pouvoir exporter en Grande-Bretagne où ce dispositif est obligatoire.

La proposition de loi a été adoptée en janvier 2017 avec le soutien du ministre de l’agriculture d’alors, M. Le Foll. Le Président de la République lui-même s’est engagé pendant sa campagne à mettre en place le dispositif. Quant à vous, monsieur le rapporteur, vous avez déclaré dans un entretien publié le 7 février 2018 dans La Montagne : « Le rapport Falorni mentionnait qu’il fallait installer des webcams dans les abattoirs, proposition qui n’a pas été retenue dans le projet de loi mais qui, je pense, devra être intégrée afin de rassurer le consommateur ». Et, aujourd’hui, que constate-t-on ? Une opposition du Gouvernement et du rapporteur.

Puisque nous sommes sous l’œil des caméras – et je m’en réjouis –, chacun pourra juger.

M. François Ruffin. Monsieur le ministre, j’ai pu constater par moi-même combien le travail dans les abattoirs était pénible en recueillant des témoignages : sur le plan physique avec la multiplication des troubles musculo-squelettiques ; sur le plan psychique aussi, nombre de salariés m’ayant rapporté que lors de leur première semaine de travail, ils faisaient des cauchemars. Cela n’a rien à voir avec un problème d’individus, c’est le système qui est en cause. On délègue à ces gens une sale tâche, une tâche qui était effectuée auparavant au cœur de nos villes et qui est maintenant loin de nos yeux de citadins

Monsieur le ministre, vous vous opposez à la vidéosurveillance obligatoire. Mais que faire ? Le projet de loi ne comporte aucune disposition sur les abattoirs, aucune disposition pour réduire la souffrance des salariés au travail. Vous préférez laisser le choix aux entreprises de mettre en place ou non ce dispositif.

Enfin, excusez-moi, madame, mais 1984, c’est tous les jours dans les supermarchés, où les caissières travaillent sous l’œil des caméras. Ne faisons pas comme si proposer la vidéosurveillance dans les abattoirs était une première !

M. André Villiers. Aujourd’hui, nous assistons à un changement civilisationnel dans l’attitude des consommateurs face à la viande. Ils sont très preneurs de viandes de qualité issues de méthode d’élevage traditionnelles mais ils sont heurtés quand il s’agit de considérer la chaîne de production jusqu’à son stade final. L’évacuation de l’image de la mort dans l’inconscient collectif conduit notre population à s’interroger et à adopter d’autres comportements alimentaires : la consommation de viande tend à baisser. Et l’on peut imaginer à quels résultats aboutirait la diffusion d’images filmées dans les abattoirs. Ne parlons pas de l’écho considérable que rencontreraient des vidéos de mise à mort rituelle d’animaux sans étourdissement. Elles tourneraient en boucle et auraient un effet catastrophique pour toute la filière. Je le dis parce que je le vis, étant proche du monde de l’élevage.

M. Nicolas Turquois. Détrompez-vous, monsieur Ruffin, je ne lève pas les yeux au ciel parce que je condamne vos propos, ne serait-ce que parce que je suis sincèrement fatigué par ces débats à répétition. Il est vrai que le travail en abattoir est violent, je ne le nie pas. Néanmoins, je souscris pleinement aux propos de Mme Beaudoin-Hubiere : il n’est pas possible d’obliger des employés à travailler constamment sous l’œil de caméras. Autrement, il sera demandé la même chose demain suite à un scandale de maltraitance dans une maison de retraite ; il ne faut pas emprunter ce chemin. Au contraire, il faut former et sensibiliser les employés, il faut que l’administration fasse son travail de contrôle – y compris inopiné – de sensibilisation de tous les acteurs. Préférons un comportement qui responsabilise au lieu de nous réfugier derrière une caméra ! Le principe de la caméra me gêne profondément.

M. Dominique Potier. J’ai été éleveur pendant près de trente ans : j’ai observé une chaîne humaine, une communauté de valeurs entre celui qui fait naître un animal et l’élève, celui qui le transport et le négocie, et celui qui l’abat et le transforme. J’entends décrire des mondes qui n’ont rien à voir avec celui que je connais. Certes, il faut réhumaniser ce monde en faisant valoir les droits des uns et des autres, mais ne confondons jamais les droits de l’homme avec les droits des animaux. Je suis stupéfait, sur le plan philosophique et anthropologique, que cette confusion ait encore cours. Je dis souvent à ceux qui défendent les droits des animaux au même titre que ceux des humains que si l’on traite les animaux comme des humains, alors on finira par traiter les humains comme des animaux.

À cet égard, monsieur le ministre, j’ai souvent, ces dernières heures, critiqué votre prudence mais, en l’espèce, je voudrais la louer : je partage pleinement votre avis.

Mme Célia de Lavergne. Je tiens avant toute chose à remercier l’ensemble de nos collègues d’enrichir ainsi le débat. Le groupe de la République en Marche aborde le sujet de la manière suivante : nous ne souhaitons pas entrer dans la société de la surveillance. Depuis l’origine, nous avons décidé de faire confiance à l’humain, c’est-à-dire intégrer la sensibilisation au bien-être animal dans la formation des agriculteurs – c’est l’objet de l’amendement CE1551. Faire confiance à l’humain, c’est aussi le cœur de la stratégie sur le bien-être animal que le ministre nous a présentée. Enfin, faire confiance à l’humain, c’est donner – par l’amendement CE269 – un statut de lanceurs d’alerte aux responsables de la protection animale dans les abattoirs : ainsi protégés, ils seront plus à même de dénoncer les maltraitances auxquels ils peuvent, dans certains cas exceptionnels, être confrontés.

Telle est la philosophie avec laquelle nous abordons cette question. Dans ces conditions, il va de soi que la vidéosurveillance ne correspond pas à nos valeurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je commencerai par répondre à la mise en cause personnelle qui m’a été adressée : à l’époque où j’ai donné ce témoignage à La Montagne, j’étais en effet président d’un abattoir. Étant légaliste, j’ai indiqué que je me conformerais à la loi adoptée à l’Assemblée nationale et prévoyant d’installer des caméras dans les abattoirs. Il se trouve que je n’ai pas passé que quelques heures dans les abattoirs : c’est un monde difficile que je connais bien. On y pratique la mise à mort. Or, notre société moderne a un souci avec la mort, qu’elle ne veut plus voir en face. Tout le problème vient de là, comme le disait M. Potier et M. Villiers. Il n’y a rien de beau dans une mise à mort, mais c’est une réalité qui fait partie de la vie.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. M. Ruffin nous dit que l’on ne fait rien et que l’on n’a rien dans ce texte : au contraire, j’ai décrit par le menu ce que nous souhaitions faire en termes d’accompagnement et de formation. Oui, c’est un travail physiquement et nerveusement difficile qui provoque des troubles musculo-squelettiques. Il faut former des personnes à ces métiers et aux meilleures pratiques qui soient afin que l’animal souffre moins. Les vétérinaires sont là pour les accompagner, entre autres.

Cela m’amène à vous rappeler ce que nous avons déjà fait, monsieur Falorni. Si j’ai peu participé aux débats du mois de janvier dernier, c’est parce que j’étais occupé par la campagne présidentielle de mon candidat – qui s’est plutôt bien passée. Votre proposition de loi prévoyait une expérimentation à laquelle, si ma mémoire est bonne, le ministre de l’agriculture de l’époque avait donné son accord.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Jamais, cependant, il ne s’est dit favorable à ce que ce dispositif soit rendu obligatoire.

Quant à nous, voici ce que nous avons fait dans les abattoirs. La révision du dispositif de formation des agents : c’est fait. La présence d’un responsable de la protection animale dans chaque abattoir : c’est fait. La révision du dispositif de formation des contrôleurs : c’est fait. L’optimisation des contrôles reste à faire. Le dispositif des lanceurs d’alerte : c’est fait. Quant aux sanctions, vous venez de les adopter dans le présent texte.

Voilà ce que nous avons fait, en reprenant plusieurs éléments de votre proposition de loi qui allaient dans le bon sens. À ce stade, nous souhaitons nous arrêter là, faire confiance aux territoires et aux acteurs de terrain car c’est ainsi que nous avancerons. Nous préférons le pragmatisme et le bon sens aux mesures obligatoires pour atteindre l’objectif que nous partageons tous de protéger le bien-être animal.

La commission rejette l’amendement CE55.

La commission examine l’amendement CE1412 de M. Loïc Prud’homme.

M. François Ruffin. Il a été proposé hier d’installer des caméras dans les abattoirs, et je partage le point de vue selon lequel il n’est pas souhaitable de mettre les salariés sous vidéosurveillance permanente. Le présent amendement suggère donc une autre solution, à savoir, par expérimentation dans les départements qui le souhaiteraient, la création dans les abattoirs d’un corps de contrôleurs spécifiquement chargés, contrairement aux services vétérinaires qui doivent également assurer toute la partie sanitaire, de contrôler les postes au moment de l’étourdissement des animaux.

M. Potier a hier introduit le soupçon en laissant entendre que, dès lors que l’on souhaiterait davantage de bien-être pour les animaux, on mettrait hommes et animaux à égalité. Ce n’est pas mon cas. Je ne suis pas végétarien et ne compte pas le devenir, mais je suis sensible à cette question depuis mon adolescence, notamment du fait de la lecture des ouvrages de François Cavanna ou, plus récemment, ceux de Jocelyne Porcher, qui élève des animaux mais souhaite que cela ne se fasse pas dans un cadre industriel. Nous ne réclamons pas la fin de l’élevage mais sa désindustrialisation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cette mesure, même expérimentale, sera coûteuse et il n’est pas certain, comme l’a dit le ministre hier, qu’elle améliorera le bien-être animal. Il faut un agent superviseur, dont c’est le travail à temps plein, en permanence, pour surveiller le poste d’abattage. Mais, dans l’esprit, vous êtes satisfait, puisque la mise en place d’un responsable de la protection animale (RPA) dans chaque abattoir, prévu par un amendement de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, aura les mêmes effets, sans conséquences financières disproportionnées ni stigmatisation des salariés.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Avis défavorable également. Ce sont les professionnels de l’abattage qui ont la responsabilité d’assurer la protection des animaux au moment de leur mise à mort. Je renvoie à ce que j’ai dit hier soir sur la formation et l’accompagnement. La mesure que vous proposez induit une charge très importante pour l’État, avec le recrutement de plus de 500 vétérinaires.

M. Olivier Falorni. La nuit est passée et nous n’avançons pas. Ce fut une sombre nuit pour la protection des animaux dans les abattoirs. Le contrôle vidéo ayant été refusé, je pensais que l’on accepterait au moins des contrôleurs. Les salariés des abattoirs doivent être contrôlés par l’inspection vétérinaire pour le respect de la protection animale. Je comprends bien que l’État ne peut pas recruter 500 vétérinaires supplémentaires. La révision générale des politiques publiques (RGPP) a fait beaucoup de mal, et tant mieux si les effectifs repartent à la hausse depuis quelques années. Si nous ne prévoyons ni vidéos, ni inspecteurs supplémentaires, l’alourdissement des sanctions ne sera qu’un vœu pieux.

M. François Ruffin. Qu’est-ce qu’un « responsable de la protection animale » ? Il n’en a pas été question hier.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. C’est un salarié désigné et affecté. Nous allons lui donner un statut de lanceur d’alerte qui le protégera vis-à-vis de sa hiérarchie.

M. François Ruffin. Vous dites, monsieur le rapporteur, il n’est pas certain que notre proposition améliore la condition des animaux dans les abattoirs. Mais si l’on ne tente rien, on n’en sera jamais certain. Je n’ai pas la même confiance que vous dans l’autocontrôle des entreprises ni dans l’interprofession. Il me semble nécessaire de faire intervenir des tiers, un regard extérieur indépendant des contraintes économiques. Je souhaiterais même que les abattoirs soient ouverts – sous la conduite, évidemment, d’un salarié – aux journalistes et aux organisations non gouvernementales (ONG).

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Il existe aujourd’hui 1 700 contrôleurs dans les abattoirs. Les RPA garantiront l’accompagnement nécessaire des salariés, et nous avons même repris des propositions de votre proposition de loi.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il ne faut pas non plus laisser dire que la maltraitance animale est une généralité dans les abattoirs. Beaucoup de choses ont progressé entre les années 1980 ou 1990 et aujourd’hui. Je ne nie pas qu’il y ait encore un problème, mais nous n’avons pas attendu les associations pour fermer des abattoirs. Les abattoirs sont classés selon leur efficacité, mais aussi selon le bien-être animal. Des problèmes existent bien, mais cela concerne une minorité de cas. Et nous renforçons les sanctions pour renforcer la protection des animaux.

Mme Monique Limon. Les professionnels se sont engagés sur une charte de bonne conduite, qui sera affichée dans les abattoirs. Je crois beaucoup à la formation et à l’accompagnement de ces professionnels ; ils en ont besoin car c’est un métier difficile. Les sanctions ne peuvent pas remplacer un bon management. L’amélioration des conditions de travail entraînera forcément une amélioration du bien-être animal.

M. Olivier Falorni. Personne, monsieur le rapporteur, n’a dit que la maltraitance était généralisée dans les abattoirs. Je constate seulement qu’il a fallu des images tournées clandestinement pour que des procès soient engagés et que le ministre lance une inspection générale des abattoirs. Je soutiens l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE1260 de Mme Émilie Guerel.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je souhaite que cet amendement soit retiré, car l’article L. 231-1 du code rural et de la pêche maritime dispose déjà que : « Les résultats des contrôles effectués en application du plan national de contrôles officiels pluriannuels sont rendus publics selon des modalités fixées par voie réglementaire. » Ils sont notamment disponibles sur le site internet du ministère de l’agriculture.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE267 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement ajoute une précision sur l’interdiction de mauvais traitements à l’article L. 214-3 du code rural : « en toute circonstance, y compris lors des opérations d’abattage ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les mauvais traitements sont déjà interdits en toute circonstance par l’article concerné. L’apport normatif de cet amendement étant nul, j’en demande le retrait.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Cette mention n’apporte rien puisque la loi couvre les étapes de la vie et de la mort des animaux. La référence peut même être contreproductive en mettant en avant l’étape de mise à mort par rapport aux autres moments.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques CE453 de M. Olivier Falorni et CE1414 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Olivier Falorni. Mon amendement a trait à un problème particulièrement délicat. La castration à vif des porcelets perdure pour des raisons liées à l’apparition d’une odeur incommodante à la première cuisson de la viande. Or les différentes études scientifiques estiment que la viande de 5 % des mâles seulement est susceptible de révéler cette odeur et que tous les consommateurs n’y sont pas sensibles.

La mise en place d’un système de détection des carcasses odorantes sur la chaîne d’abattage a fait ses preuves et est aujourd’hui utilisé pour 15 % des cochons mâles dans notre pays. D’autres alternatives, indolores pour les animaux, peuvent également être mobilisées, comme l’immunocastration ou la castration sous anesthésie.

Nombre de nos voisins européens se sont engagés dans la voie de l’interdiction de cette pratique, à l’image de la Suisse, de la Suède, de la Norvège ou encore, plus récemment, de l’Allemagne avec une interdiction effective en 2019. Dans d’autres pays, comme les Pays‑Bas, le Royaume-Uni ou le Portugal, une grande majorité des porcs ne sont, de fait, plus castrés à vif. Cet amendement vise à interdire cette pratique.

M. le président Roland Lescure. Merci pour ce moment, cher collègue… (Sourires.)

M. Olivier Falorni. Un président ne devrait pas dire ça ! (Rires.)

M. François Ruffin. Il y a là en effet une large part de souffrance inutile que nous pourrions éliminer.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. On ne peut qu’y être sensible, mais j’opposerai une fois de plus le même argument : il faut faire confiance aux filières, les accompagner pour qu’elles renoncent à ces pratiques. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je comprends la volonté de limiter cette pratique douloureuse. Il existe plusieurs méthodes alternatives : l’absence de castration, avec la sélection des carcasses à l’abattoir par une personne qui sent les carcasses et retire celles qui présentent une odeur, la castration chimique, mais cela demande de la prudence, la castration par analgésiques, donc par acte vétérinaire. Ces méthodes ont chacune leurs avantages et inconvénients. L’interprofession est en train de conduire une étude à ce sujet et nous nous engageons à être attentifs au résultat. Je privilégie une démarche volontaire des professionnels. Avis défavorable.

M. François Ruffin. À chaque fois, vous êtes fort sensible et, à l’arrivée, on décide de ne rien faire ; cela a été le cas sur la publicité, c’est le cas pour la quasi-totalité de ce qui concerne le bien-être animal. On sait que les alternatives fonctionnent, nous en avons des exemples ailleurs. Cela représente certes un coût pour la filière ; il faut peut-être prévoir de mettre de l’argent pour que cela se passe autrement. Si la loi ne fixe pas une orientation, on peut attendre longtemps !

M. Olivier Falorni. Nous serons les derniers à ne pas interdire la castration à vif des porcelets. La confiance, c’est bien, mais le législateur est là aussi pour imposer des décisions et parfois des interdictions.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Le législateur, oui, mais l’État est là aussi. Il est le garant du respect des engagements pris dans les plans de filière. On ne peut pas dire que rien n’est fait. J’ai parlé de la castration chimique, mais est-ce que les consommateurs en veulent ? Il faut trouver des alternatives à la castration à vif, nous le faisons en bon ordre, avec l’interprofession, qui pourra se décider rapidement car cela fait partie de ses engagements dans les plans de filière.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite l’amendement CE1413 de Mme Mathilde Panot.

M. François Ruffin. Vous votez pour la perpétuation de souffrances, vous l’assumerez devant vos électeurs.

Nous proposons avec cet amendement de nous mettre en conformité avec une directive européenne qui nous enjoint de mettre un terme à la coupe automatique des queues de cochon. Quand je visite des élevages, je dis aux éleveurs que cette coupe doit être l’exception. Or 100 % des porcs se font couper la queue.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Comme vous l’indiquez, la caudophagie et la caudectomie de routine sont déjà interdites par la directive 2008/120/CE établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs. En tant que directive, elle s’applique directement en droit français. Le problème est la non-application de ces normes minimales. L’écrire une nouvelle fois dans la loi n’y changera pas grand-chose.

En revanche, un rapport récent de la direction générale « Santé » de la Commission européenne, faisant suite à un audit aux Pays-Bas, a signalé l’importance d’accroître au niveau européen les mesures financières pour mieux faire appliquer le droit existant. L’enjeu est donc bien identifié au niveau européen. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. J’ai souhaité, dans le cadre de la stratégie ministérielle que nous avons renforcée, fournir aux éleveurs des dispositifs de diagnostic du bien-être animal dans leurs élevages, pour identifier notamment les causes de stress. Le cannibalisme dans les élevages est en effet souvent causé par le stress. Avis défavorable.

M. Thierry Benoit. J’ai dit hier que les professionnels s’organisaient pour opérer la mutation de l’élevage industriel. Un axe qui permettrait selon moi d’accélérer cette mutation, c’est de porter ces pratiques à la connaissance des consommateurs. Quand on expliquera ces pratiques au consommateur, en allant vers plus de transparence, il encouragera les professionnels à accélérer la mutation.

M. François Ruffin. L’argument du rapporteur n’est pas entendable car la directive n’est pas du tout appliquée. Une inscription dans la loi, avec des sanctions, serait une stimulation supplémentaire.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE1411 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Il s’agit d’interdire l’étouffement des cochons par usage du dioxyde de carbone, qui prolonge la souffrance. Ce n’est plus pratiqué que dans une dizaine d’abattoirs en France. La Commission européenne a déclaré : « L’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments rendu en 2014 a effectivement signalé que l’utilisation du dioxyde de carbone n’était pas optimale pour le bien-être des cochons ». L’Institut national de la recherche agronomique (INRA) souligne également les réactions douloureuses des animaux.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Dans l’amendement précédent, vous indiquez que le gazage est une technique causant moins de souffrances et dans cet amendement vous souhaitez l’interdire ; il y a un problème de cohérence. Ces amendements proviennent de l’association L214 – je reconnais que leurs vidéos, même si elles ont été tournées illégalement, ont conduit à des condamnations – mais cette association est abolitionniste et vise à l’interdiction de tout élevage en France. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Avis défavorable.

M. Olivier Falorni. Nous ne sommes pas les porte-parole de L214 et ne sommes pas là pour interdire les abattoirs. Se pose toutefois le problème du dioxyde de carbone, qui reste pratiqué par un petit nombre d’abattoirs. Si l’amendement n’était pas adopté, il faudrait au moins que le ministère de l’agriculture marque sa volonté d’y mettre un terme.

M. François Ruffin. Soulignons la transparence de notre démarche : quand nos propositions viennent de L214, nous le disons ; quand elles viennent de la Fédération nationale bovine, nous le disons ; quand elles viennent de France Nature Environnement, nous le disons. J’aimerais que la même transparence s’applique partout et que, quand les amendements sont issus de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), on le dise aussi.

Que l’on ne cherche pas à retenir cette transparence contre nous. Parmi les causes défendues par L214 et d’autres, il en est que nous ne retenons pas. Je réfute également l’idée que nous serions incohérents. Nous ne souhaitons pas de l’électronarcose pour les poules mais il s’agit là des cochons. Il convient d’adapter les modes d’abattage en fonction des organismes vivants concernés.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Cette pratique est estimée conforme à la réglementation sur la protection des animaux. Il faut travailler à une trajectoire, à des solutions alternatives qui, pour le moment, n’existent pas. La profession a pris des engagements. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE1410 de Mme Bénédicte Taurine.

M. François Ruffin. L’électronarcose, avec un bain d’eau préalable et la suspension des volailles, est décrié, notamment dans des rapporteurs scientifiques tels que celui de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en 2012 et celui de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) en 2009, qui pointent du doigt la souffrance des volailles au moment de l’accrochage du fait de la pression exercée sur les pattes des animaux, de l’entrave de leurs membres et de la position tête en bas. Stressés, les animaux peuvent aussi souffrir de fractures, luxations ou hémorragies causées par les manipulations et cette position. Certains pays, comme l’Angleterre, l’Allemagne ou les Pays-Bas, ont abandonné la méthode et recourent à un abattage par mélange gazeux.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis toujours d’accord pour limiter la souffrance animale, mais l’alternative à l’électronarcose est la saignée à vif. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. La seule alternative est en effet de saigner une volaille, comme dans les cours de ferme. Je vous laisse imaginer le résultat, compte tenu du nombre de volailles abattues chaque jour dans les abattoirs. Essayons là aussi de travailler sur des trajectoires, laissons aux professionnels le temps de s’adapter.

M. Olivier Falorni. Ayant visité quelques abattoirs de volailles, j’ai pu constater que c’était de la maltraitance, à la fois sur les animaux et sur les salariés, qui passent leur journée à accrocher des poules vivantes qui se débattent. De grands abattoirs industriels de volailles réfléchissent déjà à un étourdissement préalable qui permettrait d’éviter cette pratique. Il faut marquer notre volonté d’avancer.

M. François Ruffin. Il existe une méthode alternative par mélange gazeux. Pour vous, il est toujours urgent d’attendre, mais nous sommes ici pour donner des impulsions à la société, l’encourager à aller dans une direction.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CE577 de Mme Jennifer de Temmerman est retiré.

La commission examine l’amendement CE254 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Il s’agit d’instituer dans chaque département, sous l’autorité du préfet, un référent départemental « protection animale » en abattoir appartenant aux agents mentionnés à l’article L. 231‑2 et disposant des prérogatives mentionnées aux articles L. 205‑1 et suivants.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Au sein de chaque département, un vétérinaire est déjà chargé spécifiquement de la surveillance de l’ensemble des abattoirs. Cette proposition n’apporte donc pas grand-chose. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. L’organisation des services de l’État n’est pas du ressort de la loi. Nous avons déjà des personnes en charge de la protection animale en abattoir. En outre, des équipes de référents sillonnent toute la France pour la formation et le suivi des équipes locales.

M. Olivier Falorni. C’est un amendement que j’ai soutenu en commission du développement durable. L’adopter serait un progrès incontestable en matière de protection animale, pour un coût minimal pour l’État. Reculer là-dessus serait une régression par rapport au vote en commission du développement durable.

M. François Ruffin. Nous avons vu que les États généraux de l’alimentation étaient partis avec un niveau d’ambition élevé. Puis le projet de loi a révisé cette ambition à la baisse, et nous voyons maintenant que les propositions de la commission du développement durable se font tailler en pièces en commission des affaires économiques. Des ambitions écologistes et environnementalistes de Nicolas Hulot, il ne restera vraiment plus rien ! Je déplore l’élimination de la dimension verte de ce projet de loi.

M. Thierry Benoit. Restons plutôt des acteurs de la simplification !

Mme Célia de Lavergne. Je ne crois pas qu’on gagne, monsieur Ruffin, à opposer les travaux de la commission du développement durable et ceux de la commission des affaires économiques. Les 2 000 amendements déposés montrent que ce projet de loi soulève de nombreux débats.

Le travail parlementaire présente précisément l’avantage de faire progresser le texte au fil des réunions de commissions, qu’elles soient saisies pour avis ou au fond, ainsi que dans l’hémicycle. Nous arriverons ainsi à un texte à la fois ambitieux et équilibré. Je ne suis pas d’accord avec vous sur le fait que nous ne votions pas les amendements de la commission du développement durable. Nous en ferons d’ailleurs le bilan au terme de l’examen en commission, si vous le souhaitez. Mais nous enrichissons ces amendements.

Mme Delphine Batho. Il me semble intelligent qu’un correspondant suive, dans chaque département, l’exercice de cette mission au sein des services de l’État.

M. Nicolas Turquois. Monsieur Ruffin, vous voyez le verre à moitié vide. Quand nous voyons les objectifs fixés en termes de circuits courts et d’agriculture biologique, il faut constater que nous amorçons des virages puissants. Il n’est pas possible de dire que nous ne donnons pas d’orientation très forte. Des mesures complémentaires seraient bien entendu aussi envisageables. Mais nous voulons déjà tenir ces objectifs en quatre ans ou cinq ans, ce qui est extraordinairement rapide, si on a en tête l’immobilisme qui nous empêche de changer les modèles agricoles.

Cette loi me semble donc très ambitieuse.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Permettez-moi, monsieur Ruffin, un rappel sur nos méthodes de travail. Nous avons conduit nos travaux et nos auditions en lien direct avec le rapporteur au fond.

La commission du développement durable proposera d’ailleurs, plus loin, une généralisation des responsables de la protection animale (RPA) dans les abattoirs. Vous verrez aussi un amendement CE270 qui met en avant des protocoles sanitaires respectant aussi le bien-être animal, en prévoyant que le grand public en ait connaissance. Alors qu’une norme ISO existe, nous soutenons la démarche de progrès engagée par l’interprofession, intégrant notamment l’aspect du bien-être animal.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE263 de M. Xavier Breton.

M. Thibault Bazin. L’article L. 642 du code rural prévoit que les produits agricoles peuvent, sous condition, bénéficier d’un ou plusieurs modes de valorisation. Aux mentions existantes « montagne », « fermier », « produit de la ferme », « produit à la ferme », « produit de montagne », « produit de pays » en outre-mer, « produit issu d’une exploitation de haute valeur environnementale », nous proposons d’ajouter la mention : « élevé sur paille ».

Beaucoup d’animaux d’élevage sont aujourd’hui élevés sur des sols nus, en béton ou en grillage, sur caillebottis et sans aucune litière. Or les animaux d’élevage peuvent apprécier le confort thermique d’une litière. Certains acteurs y recourent déjà et l’utilisent pour valoriser leurs produits grâce à la mention « élevé sur paille ». Une grande diversité s’observe cependant dans les pratiques.

Cet amendement de mon collègue Xavier Breton prévoit seulement d’encadrer l’usage de la mention « élevé sur paille » et de mieux la valoriser. Cela irait dans le sens d’une meilleure valorisation de notre production, mais permettrait aussi de monter dans la chaîne de la valeur ajoutée.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je ne nie pas la pertinence de ce mode d’élevage pour le mieux-être animal. Néanmoins, comme votre énumération à la Prévert l’a montré, il y a déjà un grand nombre de labels différents. Je crains que l’ajout d’une mention ne fasse que perturber un peu plus le consommateur. Je ne suis donc pas sûr que cela apporte de la valeur ajoutée. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Cela répond à une demande sociétale et à la demande des consommateurs, mais la mention peut tout aussi bien être intégrée dans un cahier des charges de produits sous signe de qualité ou de certifications de conformité. L’amendement est donc superfétatoire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements CE1408 de M. Loïc Prud’homme et CE1407 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. L’amendement CE1407 prévoit la possibilité d’expérimenter l’abattage à la ferme. Même les animaux issus de l’élevage biologique élevés en plein air et dans des conditions correctes doivent en effet rejoindre le circuit industriel pour être abattus. Certains autres États membres de l’Union européenne permettent déjà l’abattage à la ferme.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’obligation d’abattre les animaux non accidentés, en dehors de cas particuliers, tels que les volailles abattues à usage personnel dans des abattoirs contrôlés, relève d’un enjeu capital de santé publique.

Il serait dangereux de déroger à cette obligation de façon générale. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. La réglementation européenne ne permet pas aujourd’hui de dérogation générale en matière d’abattage, pour des raisons de sécurité sanitaire. Que cela soit dit : je ne dérogerai jamais, en aucun cas, aux règles garantissant le haut niveau de protection sanitaire et environnementale que réclament nos concitoyens.

Par ailleurs, les carcasses doivent être contrôlées par des agents de l’État pour qu’ils puissent s’assurer de leur salubrité. Cette règle nous permet d’éviter des accidents sanitaires. Avis défavorable.

M. Olivier Falorni. Il ne faut pas confondre l’abattage à la ferme et le recours aux abattoirs mobiles. Sur le premier, je suis tout à fait d’accord avec vous, monsieur le ministre. Un abattage se pratiquant dans les mêmes conditions qu’il y a cinquante ans ne respecte pas les règles sanitaires. Mais les seconds constituent un dispositif intéressant, déjà expérimenté, notamment en Scandinavie. L’animal n’est en effet pas transporté et reste jusqu’au bout dans son univers, ce qui est favorable à son bien-être. Quand les abattoirs locaux ont disparu, le dispositif des abattoirs mobiles présente en outre un intérêt réel, en particulier à la campagne. Expérimentons-les.

M. Nicolas Turquois. Une fois n’est pas coutume : je suis en phase avec notre collègue François Ruffin. Certains éleveurs sont géographiquement éloignés des structures d’abattage. Quand ils ont un animal blessé et que cet animal a une patte cassée ou luxée, la bête peut monter en chaleur. Il faut alors agir vite et dans le sens du bien-être animal. De quelle manière ? C’est précisément ce à quoi nous devons réfléchir.

M. François Ruffin. Je remercie notre collègue Olivier Falorni d’avoir précisé mon propos, puisqu’il s’agit bien des abattoirs mobiles, en effet.

Monsieur le ministre, il ne s’agit pas de généraliser les abattoirs mobiles, mais seulement de les expérimenter. Quant au contrôle des carcasses, vous savez qu’il est tout à fait possible dans ce cadre.

Dans ma circonscription de Picardie, une éleveuse de chèvres doit aller faire abattre ses bêtes dans le sud de la France. Il y a là une forme de souffrance animale, sans compter le manque à gagner que représente la perte de poids des animaux par suite du transport.

M. Thierry Benoit. Il convient d’examiner cette proposition avec attention. L’expérimentation mérite d’être tentée, avant de pouvoir évaluer son résultat d’un point de vue technique et sanitaire. Ne balayons donc pas cette alternative d’un revers de main.

Mme Célia de Lavergne. Il me semble que nous conduisons deux débats en même temps. La réglementation en vigueur garantit, par ses exigences, la norme sanitaire, ce qui exclut l’abattage à la ferme. Mais les abattoirs mobiles ont quant à eux déjà été expérimentés à l’étranger. L’amendement CE265 de la commission du développement durable qui viendra en discussion tout à l’heure contient des propositions pour le faire en France.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement CE265, adopté par notre commission à l’initiative du MoDem, intègre des éléments de la réglementation et prévoit de sécuriser l’expérimentation des abattoirs mobiles pour quatre ans.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je crains que le débat n’ait dévié. Il avait pour point de départ l’abattage à la ferme. Quant aux abattoirs mobiles, ils sont déjà permis par la réglementation. Mais il reste le problème de leur contrôle et de leur financement.

Je vous redis mon opposition catégorique à l’abattage à la ferme, qui ne garantit pas à nos concitoyens la sécurité sanitaire à laquelle ils ont droit. Il faut veiller à cette question. Nous ne lâcherons rien sur ce sujet.

M. François Ruffin. La confusion entre abattoirs mobiles et abattage à la ferme est de mon fait. Mea culpa : les deux sont, bien sûr, différents.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Article 13 ter
(articles L. 654-3-1 et L. 654-3-2 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime)
Diverses mesures de protection du bien-être animal dans les abattoirs

Deux amendements défendus par la rapporteure pour avis de la commission du développement durable ont substantiellement renforcé les dispositions en vigueur pour améliorer le traitement du bien-être des animaux dans les abattoirs. Ils ont été adoptés avec l’avis favorable de votre rapporteur.

Le premier précise que chaque exploitant d’un établissement d’abattage, quel que soit sa taille, désigne une personne responsable de la protection animale (RPA) parmi ses salariés. Actuellement, cette désignation n’est obligatoire, en application de l’article 17 du règlement (CE) n° 1099/2009, que dans les établissements d’abattage abattant au moins 1 000 unités gros bétail ou 150 000 volailles ou lapins par an.

Le second généralise la procédure de protection des lanceurs d’alerte à l’ensemble des abattoirs, là aussi indépendamment de leur taille. En effet, la loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite loi « Sapin 2 ») a créé une protection spécifique aux lanceurs d’alerte, uniquement dans les structures de plus de 50 salariés. Est ainsi prévue la désignation d’un référent chargé de recueillir les alertes et la mise en œuvre de procédures spécifiques. Cette disposition sera également applicable dans les petits abattoirs : votre rapporteur rappelle que ce sont dans ces établissements, en raison de leurs spécificités structurelles, que les risques de maltraitance sont les plus avérés.

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*     *

La commission examine ensuite lamendement CE268 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. L’amendement vise à généraliser la désignation de responsables protection animale dans tous les abattoirs, quelle que soit leur niveau d’activité. Actuellement, cette désignation n’est obligatoire, en application de l’article 17 du règlement européen n° 1099 de 2009, que dans les établissements d’abattage abattant au moins 1 000 unités de gros bétail ou 150 000 volailles ou lapins par an.

Il convient de généraliser ce dispositif qui permet de disposer d’un salarié spécifiquement formé à la protection du bien-être animal. Cette formation devrait par ailleurs faire l’objet d’un renforcement réglementaire.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis favorable.

M. Olivier Falorni. Je ne peux que soutenir cet amendement, qui reprend l’une des conclusions de la commission d’enquête parlementaire. Mais je dois rappeler qu’un responsable de la protection animale (RPA) qui a un statut de salarié ne remplacera jamais un inspecteur vétérinaire. Ne croyons pas que désigner des RPA réglera la problématique à elle seule.

M. François Ruffin. Pour moi aussi, rien ne remplace un regard extérieur. À l’intérieur de l’entreprise, il y a un lien de subordination qui prévaut. C’est donc la dimension économique qui prévaut. Je voterai néanmoins en faveur de cet amendement.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE269 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 », a créé une protection spécifique en faveur des lanceurs d’alerte. Elle a ainsi prévu, dans les structures de plus de 50 salariés, la désignation d’un référent chargé de recueillir les alertes et la mise en œuvre de procédures spécifiques.

Le présent amendement tend à rendre ces dispositions applicables dans tous les établissements d’abattage, quel que soit le nombre de leurs salariés.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis favorable. Voilà un beau dispositif à mettre en œuvre.

M. Thierry Benoit. Les responsables de la protection animale ne pourraient-ils être également chargés de ce sujet ? Nous ne cessons d’empiler les obligations… Contrairement à nos déclarations sur le terrain, cela ne va pas dans le sens de la simplification. Les responsables de la protection animale pourraient aussi bien se voir définir un cahier des charges.

L’étape suivante serait sinon de donner des moyens à chacune des fonctions créées. Songeons à la mise en œuvre de ce type de propositions.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Votre proposition ne manque pas de cohérence. Mais il paraît difficile de désigner à l’avance un… lanceur d’alerte dans l’entreprise. Par définition, le lanceur d’alerte jouit d’une certaine liberté.

La prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) sur les chaînes d’abattage a du moins permis de réaliser des progrès.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE270 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Pour responsabiliser les acteurs, nous proposons de prévoir que les exploitants d’abattoirs signent obligatoirement un protocole sanitaire particulier sur la base d’un modèle de protocole cadre national agréé par le ministre chargé de l’agriculture et par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Ce protocole traiterait notamment du respect du bien-être animal.

Ces protocoles seraient rendus publics, tout en préservant les informations qui doivent rester confidentielles.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La signature de protocoles sanitaires entre le préfet et les abatteurs, sur la base d’un protocole cadre national, me semble relever du domaine réglementaire.

Ce sont des mesures qui devraient être mises en œuvre dans le cadre du plan du ministre pour le bien-être animal, mais non dans la loi.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cet amendement est déjà satisfait. J’en demande le retrait.

Lamendement est retiré.

Article 13 quater
(article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime)
Sensibilisation au bien-être animal dans lenseignement agricole

Cet article a été adopté à l’initiative de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de Mme Monique Limon et les membres du groupe La République en Marche. Il prévoit que les programmes d’enseignement et des formations agricoles intègrent explicitement la question de la sensibilisation au bien-être animal.

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La commission examine, en discussion commune, lamendement CE1415 de Mme Mathilde Panot et les amendements identiques CE271 de la commission du développement durable et CE1551 de Mme Monique Limon.

M. François Ruffin. Je précise, dans un souci de transparence, que cet amendement nous a été proposé par France Nature Environnement.

Il s’agit d’introduire à l’article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime l’expression « bien-être animal », afin que tous les stagiaires, les apprentis, les élèves, les étudiants en agriculture reçoivent une formation à la notion de bien-être animal.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Nous proposons que l’enseignement agricole forme aux pratiques respectant la sensibilité des animaux ainsi qu’à la compréhension de la demande sociétale.

Mme Monique Limon. Vous aurez compris que l’ambition des députés du groupe La République en Marche est de mettre en avant le renforcement de la formation, de la prévention et des contrôles. Les premiers qui doivent être formés aux pratiques respectant la sensibilité des animaux, ce sont les plus jeunes. L’amendement CE1551 vise donc à intégrer la sensibilisation au bien-être animal dans le cadre de la formation agricole.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Monsieur Ruffin, n’y voyez aucune stigmatisation si je suis plutôt favorable aux amendements de Mme Limon et de la commission du développement durable qu’au vôtre : il s’agit seulement d’une question de rédaction. Les mots « au bien-être animal » s’insèrent moins bien dans cet article du code que les mots : « et à la sensibilisation au bien-être animal ».

M. François Ruffin. Pas de chance !

M. le président Roland Lescure. Dix sur vingt en rédaction pour M. Ruffin ! (Sourires.)

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur Ruffin, vous pouvez considérer que vous avez œuvré pour l’intérêt commun !

Même avis que le rapporteur sur ces amendements.

M. François Ruffin. Je constate une coupure – et j’aimerais qu’elle ne se transforme pas en fracture – entre le monde agricole et les préoccupations des jeunes générations dans les villes sur la question du bien-être animal qui pourrait aboutir à une espèce de face à face tendu. En sensibilisant, par le biais de la formation, les futurs agriculteurs au bien-être animal pour que cette notion soit bien comprise, on permettra que cette tension se résorbe.

La commission rejette lamendement CE1415.

Puis elle adopte les amendements identiques CE271 et CE1551.

Elle étudie ensuite lamendement CE1518 de Mme Bénédicte Taurine.

M. François Ruffin. Nous proposons que l’enseignement agricole intègre dans tous ses programmes la valorisation du bien-être animal.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. À mon avis, cet amendement est satisfait par les amendements que nous venons d’adopter. Défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable également.

M. François Ruffin. Je ne vois pas quel inconvénient il y aurait à ce que l’enseignement agricole intègre dans ses programmes la valorisation du bien-être animal. Je regrette que des députés du groupe La République en Marche n’aient pas déposé un amendement similaire…

M. Nicolas Turquois. Monsieur Ruffin, je comprends bien votre préoccupation. En tant qu’agriculteur, j’aimerais aussi que les enfants de nos écoles, de nos villes suivent un stage obligatoire dans nos fermes pour y faire du jardinage, de l’élevage, afin que l’on retrouve aussi une part de réalité. De façon générale, il faut que nous apprenions à nous connaître les uns les autres, que chacun comprenne les difficultés auxquelles on est confronté. Ce n’est pas uniquement à l’enseignement agricole de faire cet effort.

M. François Ruffin. Je suis bien d’accord avec vous, monsieur Turquois ! Si vous aviez proposé un tel amendement, il y aurait eu de grandes chances pour que je le vote. Mais l’un n’exclut pas l’autre…

La commission rejette lamendement.

Article 13 quinquies
Expérimentation autorisant des dérogations pour la mise en place dabattoirs mobiles

Cette expérimentation, issue d’un amendement défendu par M. Bruno Millienne et de plusieurs de ses collègues, autorise plusieurs dérogations – autres que sanitaires – afin de permettre à des abattoirs mobiles de se mettre en place, et d’encourager l’abattage à la ferme, en particulier d’animaux accidentés.

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Puis la commission est saisie, en discussion commune, de lamendement CE265 de la commission du développement durable et de lamendement CE1844 de M. Bruno Millienne.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement, adopté par la commission du développement durable à l’initiative du groupe MoDem, propose d’expérimenter, pendant une durée de quatre ans, le recours à des abattoirs mobiles. Cela permettrait de répondre à un besoin d’abattage de petites unités, de proximité, et à l’abattage d’urgence. Bien sûr, ces abattoirs mobiles ne viendraient pas concurrencer les petits abattoirs mais bien en complément, ce qui est le cas d’une expérimentation qui est conduite actuellement.

M. Nicolas Turquois. Nous proposons également une expérimentation pour différentes raisons, comme l’éloignement des structures d’abattage fixe. Cela favorisera aussi les circuits courts. Dans mon département par exemple, les abattoirs ne prennent pas les porcs bio parce qu’ils ont de trop grosses carcasses. Des structures plus adaptées et plus proches sont donc nécessaires.

Nous ne proposons en aucun cas de réduire les normes d’hygiène, mais de simplifier les modes de configuration, d’installation de ces équipements.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’amendement CE1844 me semble mieux rédigé que l’amendement CE265.

Cette expérimentation, qui prévoit des dérogations en dehors des règles sanitaires, qui doivent rester strictes, est pertinente. Cela pourrait être très utile pour l’abattage d’urgence des animaux non transportables. Il faudra ensuite trouver une initiative privée qui se lance dans cette expérimentation et qui trouve un modèle économique solvable à long terme, pour prouver que cette expérimentation fonctionne.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La réglementation sanitaire et environnementale prévoit une obligation de résultat, celle d’atteindre le plus haut niveau de protection sanitaire réclamé par nos concitoyens. Dans ce contexte, aujourd’hui rien n’interdit en effet les abattoirs mobiles. À ce jour, un seul dossier d’agrément a été déposé dans les services du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, et sa faiblesse technique ne permettait pas d’atteindre les objectifs de maîtrise du risque sanitaire : il ne comportait que quatre pages, alors que ce genre de document en comporte habituellement plusieurs centaines ! C’était peut-être une volonté de simplifier les choses, mais un abattoir, même mobile, est une industrie extrêmement complexe pour maîtriser les risques sanitaires.

J’appelle votre attention sur le fait que dans ces abattoirs mobiles chaque carcasse est contrôlée par un agent de l’État. Il faut donc l’organisation nécessaire pour s’assurer que l’ensemble des viandes pourront bien être contrôlées, car c’est de notre responsabilité. Dans ce contexte, rien n’interdit une expérimentation, mais sachez que le Gouvernement ne transigera en rien sur la qualité sanitaire des viandes et sur la protection de l’environnement.

Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette lamendement CE265.

Puis elle adopte lamendement CE1844.

M. le président Roland Lescure. Mes chers collègues, je viens d’apprendre une triste nouvelle : une jeune collaboratrice de Mme Jeanine Dubié, députée des Hautes-Pyrénées, a été renversée devant l’Assemblée nationale par un véhicule et est décédée. Je me joins à vous tous pour regretter ce tragique accident.

La commission examine, en discussion commune, lamendement CE1845 de M. Bruno Millienne et les amendements identiques CE264 de la commission du développement durable et CE825 de M. Yves Daniel.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. L’amendement CE264 vise à organiser un service d’abattage d’urgence pour les animaux accidentés transportables, dont les conditions de fonctionnement seraient précisées et définies par un arrêté du ministre de l’agriculture.

Les accidents touchent chaque année de nombreux animaux d’élevage, sans aucun lien avec la bientraitance animale. Quelque 50 000 bovins sont ainsi accidentés chaque année dans les élevages français.

L’expérimentation des abattoirs mobiles peut apporter aussi une réponse à ce problème. Dans une logique de circuits courts, il conviendrait de remettre en place ces services.

M. Grégory Besson-Moreau. L’amendement CE825 va dans le sens du respect animal et surtout du respect de la loi.

M. Nicolas Turquois. Comme je l’ai dit tout à l’heure, il y a un problème d’éloignement géographique des abattoirs et des services de l’État. Faut-il agréer un certain nombre de vétérinaires libéraux pour pouvoir faire de l’abattage d’urgence dans des lieux déconcentrés ? C’est une question sur laquelle le ministère doit vraiment se pencher.

Si l’on veut permettre la diversification de notre agriculture dans les territoires, réintroduire l’élevage dans des territoires plutôt céréaliers, il faut offrir des solutions plus souples et plus réactives pour les animaux qui glissent, qui se blessent, bref : pour les accidents du quotidien.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’abattage d’urgence des animaux est évidemment une préoccupation. J’ai bien entendu la demande de M. Turquois qui, à mon avis, est plus pertinente que l’autre dispositif proposé. Il y a déjà, en principe, un abattoir par département, mais ses horaires d’ouverture sont généralement moins larges qu’ils ne l’étaient par le passé. Auparavant, il existait une permanence, ce qui permettait l’abattage d’urgence des animaux même le samedi et le dimanche, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui car cela représente des coûts énormes au regard du faible nombre de cas : un ou deux, voire aucun durant ces deux jours.

J’ajoute que ces amendements ne résolvent pas le problème des animaux qui ne peuvent se déplacer, une bête qui ne peut pas monter dans un camion devant être systématiquement euthanasiée. Les abattoirs mobiles peuvent être un palliatif, accompagné de la possibilité dérogatoire qu’un vétérinaire sanitaire vienne inspecter la carcasse. Mais il s’agit là d’une mesure d’ordre réglementaire.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable également.

La commission rejette successivement lamendement CE1845 et les amendements identiques CE264 et CE825.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE266 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure de la commission du développement durable. Cet amendement vise à demander au Gouvernement de rédiger un rapport d’information sur les conditions d’élevage et d’abattage dans la filière piscicole.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’estime que ce sujet pourrait très bien faire l’objet d’une mission d’information de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale. Il faut que notre Assemblée se saisisse de ces outils de contrôle et cesse de demander des dizaines de rapports dans chaque loi.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Chapitre III
Renforcement des exigences pour une alimentation durable

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Avant l’article 14

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte lamendement rédactionnel CE272 de la commission du développement durable.

Article 14
(articles L. 253-5-1 et L. 253-5-2 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime)
Pratiques commerciales prohibées en matière de vente de produits phytopharmaceutiques (PPP)

1.   L’état du droit

L’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime précise les « conditions dans lesquelles la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et des adjuvants vendus seuls ou en mélange et leur expérimentation sont autorisées, ainsi que les conditions selon lesquelles sont approuvés les substances actives, les coformulants, les phytoprotecteurs et les synergistes contenus dans ces produits », en renvoyant principalement au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil. Un des principes de ce règlement est d’assurer que l’ensemble des substances qui entrent dans la composition d’un PPP ne sont autorisées « que s’il a été démontré qu’elles présentent un intérêt manifeste pour la production végétale et qu’elles ne devraient pas avoir d’effet nocif sur la santé humaine ou animale ou d’effet inacceptable sur l’environnement » (considérant 10).

Les produits phytopharmaceutiques peuvent prendre plusieurs formes. Il s’agit principalement de produits chimiques ayant pour objet de lutter contre les ennemis des cultures (mauvaises herbes, maladies, insectes nuisibles) ou d’améliorer le rendement des productions agricoles. Mais il peut également s’agir de préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), composées exclusivement soit de substances de base (produits qui ont un intérêt phytopharmaceutique mais dont ce n’est pas la destination principale, et qui ne présentent pas de danger pour la santé humaine, comme le vinaigre, le bicarbonate de sodium ou l’huile de tournesol), soit de substances naturelles à usage biostimulant (silicate, purin d’orties, champignons, plantes médicinales).

Deux publications très récentes permettent d’obtenir une vue d’ensemble sur les enjeux économiques, sanitaires et environnementaux des PPP, et sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement suit depuis plusieurs années une politique de réduction de l’utilisation des PPP dans l’agriculture, dans le cadre des plans Ecophyto 1 et 2 (voir l’encadré ci-dessous). Il s’agit du rapport de décembre 2017 du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CEDD), de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur l’« utilisation des produits phytopharmaceutiques » et du rapport d’information n° 852 de l’Assemblée nationale ayant le même intutilé (MM. Didier Martin et Gérard Menuel, rapporteurs), publié le 5 avril 2018.

Ce dernier rapport « passe en revue les principales alternatives aux produits phytopharmaceutiques et à leur réduction drastique en s’intéressant plus particulièrement : (1) aux solutions techniques, mécaniques et numériques limitant les épandages là et quand ils sont indispensables ; (2) aux alternatives innovantes issues de la recherche génétique proposant de nouvelles variétés végétales naturellement résistantes aux attaques et (3) aux solutions de biocontrôle ».

Les solutions de biocontrôle sont des produits qui recourent à des mécanismes naturels, non chimiques, dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Il peut s’agir de macro-organismes (acariens, insectes protecteurs) ou de produits phytopharmaceutiques composés de micro-organismes, de médiateurs chimiques (phéromones) ou de substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale.

Les plans Ecophyto 1 et 2

La France a été le premier pays de l’Union européenne à se fixer des objectifs ambitieux de réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, en tâchant de maintenir les conditions d’une agriculture performante économiquement. Le plan Ecophyto, lancé en 2008 à la suite du Grenelle de l’environnement, visait une réduction de 50 % de l’utilisation des PPP à l’horizon 2015, notamment par la formation des agriculteurs à une utilisation responsable de ces produits (le « certiphyto ») et par la création d’un réseau de fermes pilotes « Dephy » chargées de développer de bonnes pratiques (recours aux solutions de biocontrôle, usage raisonné des PPP, etc.).

Malgré ce premier plan, la consommation de PPP est restée stable en France. Le plan Ecophyto 2, lancé en 2015, a mis en place de nouveaux objectifs. En particulier, celui de réduire de 25 % l’utilisation des PPP à l’horizon 2020, et de 50 % à l’horizon 2025. Les moyens alloués à ce plan ont été renforcés : de 41 à 70 millions d’euros par an, financés par la redevance pour pollution diffuse (RPD) payée par tout acheteur professionnel de produits phytosanitaires. En outre, le réseau des fermes Dephy doit être porté à 3 000 entités, contre 1 900 dans le premier plan, et l’ensemble des fermes accompagnées vers des démarches d’agroécologie doit atteindre le nombre de 30 000. Enfin, l’expérimentation en faveur des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), inscrite dans la loi (voir ci-dessous le commentaire de l’article 15 du présent projet de loi), est portée par ce plan.

Le rapport CEDD-IGAS-CGAAER, précité, apporte davantage d’éléments quantitatifs. Ainsi, les produits phytopharmaceutiques sont utilisés, en France, à plus de 98 % pour des usages agricoles. Ramené à la surface agricole utile, la France est au 8e rang de l’Union européenne en volume de PPP vendus (plus de 75 000 tonnes en 2014, soit près de 2,7 kg par hectare). Les PPP se regroupent principalement dans trois familles de produits : 46 % de ces PPP sont des fongicides, 41 % des herbicides, 5 % des insecticides.

Les deux rapports rappellent que les PPP ne sont pas, par définition, nocifs pour la santé. Ainsi, alors que les fongicides constituent 45 % des PPP vendus en France, la moitié de ces volumes correspond au soufre et au cuivre, utilisés dans l’agriculture biologique. De plus, au terme d’un processus d’autorisation ou d’approbation assez lourd, les substances actives des PPP les plus préoccupantes pour la santé publique ont été interdites en France et dans l’Union européenne ([42]). Toutefois, le rapport précité identifie cinq substances actives utilisées dans des PPP encore approuvées au niveau européen alors que l’Inserm, dans une expertise de 2013, les a identifiées comme en « lien de sur-risque » à l’exposition à certaines pathologies. D’autres substances actives évaluées comme potentiellement nocives sont en cours de réévaluation au niveau européen (procédure de réexamen de l’approbation).

L’utilisation mal contrôlée des PPP pose un problème de santé publique pour les personnes qui y sont exposées : les travailleurs agricoles et leurs proches, les riverains, les consommateurs. La contamination des PPP se diffuse en effet par l’air, par l’eau, par le sol et par l’alimentation ; elle se traduit par une augmentation des risques d’apparition de maladies graves (cancers de la prostate, maladie de Parkinson) ou de complications dans le développement des fœtus et des très jeunes enfants exposés. L’impact réel des PPP sur la population, en dehors des populations particulièrement exposées, est assez mal connu. En particulier, si l’exposition aux PPP s’effectue souvent à faibles doses (diffusion dans l’air ou l’eau, résidus sur les aliments), les effets cumulés sur la santé de l’ensemble des expositions aux PPP, ce qu’on appelle « l’effet cocktail », sont très difficilement observables.

Comme les marges de manœuvre du Gouvernement sont particulièrement limitées par le droit de l’Union européenne pour interdire les substances dangereuses ou potentiellement dangereuses, la trajectoire de réduction de l’utilisation des PPP doit être appuyée par le recours à d’autres outils juridiques. C’est l’objet du présent article.

2.   Le projet de loi

L’article 14 crée une nouvelle section 4 bis, relative aux pratiques commerciales prohibées, au sein du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime.

Dans cette nouvelle section, l’article L. 253-5-1 a pour objet d’interdire certaines pratiques commerciales à l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques. L’article L. 253-5-3 crée, quant à lui, un régime de sanctions en cas de non-respect de ces interdictions.

Plus précisément, l’article L. 253-5-1 (alinéa 4) reprend les dispositions en vigueur en matière de pratiques commerciales interdites à l’occasion de la vente de produits vétérinaires contenant des antibiotiques (article L. 5141-14-2 du code de la santé publique, créé par l’article 14 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt).

Il s’agit d’interdire les remises, rabais et ristournes – les 3R – effectuées par les vendeurs de produits pharmaceutiques, ainsi que toute différenciation des conditions de vente, toute remise à titre gratuit ou toutes pratiques commerciales équivalentes. Sont également interdites les pratiques commerciales similaires portant sur des gammes de produit dont l’usage est directement associé aux PPP, afin d’éviter un risque de contournement de la loi.

L’étude d’impact précise que l’objectif de cette disposition est bien de diminuer l’utilisation globale de PPP en France : ces pratiques commerciales, bien que « mal connues » selon l’étude d’impact, auraient pour effet d’encourager les utilisateurs de PPP à acquérir, puis à utiliser, plus de produits que strictement nécessaire pour répondre aux besoins de leurs exploitations. Il s’agit donc d’un levier réglementaire qui a un double impact économique : un impact négatif pour les exploitants, qui ne pourront plus bénéficier des 3R pour réduire leurs coûts de production, mais aussi un impact positif, par un ajustement de l’offre et de la demande : les exploitants n’auront plus intérêt à acquérir plus de produits que nécessaires pour profiter d’offres commerciales alléchantes, et les vendeurs ayant moins d’intérêt à surproduire puis à écouler leurs stocks en cassant les prix.

En outre, les produits de biocontrôle, mais aussi les substances de base ou substances à faible risque, que l’article L. 253-1 définit comme des préparations naturelles peu préoccupantes, ne sont pas concernés par ces dispositions. Cela se justifie au vu des objectifs du Gouvernement car, d’une part, ces produits ne posent pas de problème de santé publique ou de dommage à l’environnement, et, d’autre part, ils pourraient bénéficier d’un effet prix : en devenant relativement moins chers que les PPP non naturels qui ne seront plus « soldés », leur part de marché pourrait augmenter progressivement, car leur utilisation présenterait désormais un intérêt économique plus clairement établi.

L’article L. 253-5-2 (alinéas 5 à 9) est également la reprise des dispositions en vigueur sur les médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques (article L. 5141-14-4 du code de la santé publique). Les sanctions sont constituées d’amendes administratives, différenciées selon que le contrevenant est une personne physique ou morale, si l’atteinte est réitérée ou si le manquement n’est pas stoppé après mise en demeure. Les dispositions des alinéas 8 et 9 rappellent le cadre juridique habituel en matière de sanction administrative (information de la possibilité d’une sanction, principe du contradictoire, prescription et recours administratifs).

3.   La position de votre rapporteur

Votre rapporteur souscrit à l’objectif du Gouvernement, qui est de parvenir, par tous moyens utiles, à la réduction de l’usage des produits phytosanitaires.

Si l’interdiction des 3R peut donner l’impression que, désormais non soldés, les PPP deviendront plus chers pour des exploitants déjà très contraints financièrement, il faut rappeler qu’au contraire, le « juste prix » payé pour ces PPP encouragera des pratiques plus sobres et plus vigilantes.

Tout le monde connait le principe du prix catalogue qui est bradé pour aboutir au prix final afin de donner l’impression d’une négociation menée par l’acheteur alors que c’est en fait le prix auquel le vendeur souhaitait aboutir.

Tout ce qui peut permettre la diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires doit être privilégié.

4.   La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article 14 sans modification.

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La commission examine les amendements identiques CE323 de M. Jacques Cattin, CE400 de M. Vincent Descoeur, CE522 de M. Thibault Bazin et CE907 de M. Antoine Herth, tendant à supprimer larticle.

M. Jacques Cattin. Nos agriculteurs sont de mieux en mieux formés, conscients de l’approche environnementale à prendre en compte, mais ce sont aussi des gestionnaires d’entreprise. Cet article est une entrave à la négociation dans leurs achats.

M. Vincent Descoeur. L’article 14 interdit tous rabais, remises, ristournes, etc. à l’occasion de la vente de produits sanitaires et prévoit des amendes administratives très importantes en cas de manquement à ces interdictions. L’efficacité de cette mesure n’est pas avérée puisque la suppression des remises n’assure pas une moindre utilisation de produits phytosanitaires.

M. Thierry Benoit. S’agissant des produits phytosanitaires, nous devons faire confiance a priori aux agriculteurs et aux technico-commerciaux.

Il faut faire confiance aux agriculteurs quant à leur capacité à utiliser ces produits. Nos agriculteurs sont conscients qu’il en faut moins et ils attendent d’ailleurs que l’industrie phytopharmaceutique leur propose des produits les moins nocifs possible et qui laissent le moins de résidus possible.

De même, il faut faire confiance aux technico-commerciaux pour apporter du conseil et pour vendre des produits en quantité raisonnable.

L’interdiction des promotions va créer des difficultés. J’aimerais que l’on s’interroge sur le niveau de compétitivité de notre agriculture, et sur le niveau des contraintes que l’on fait peser sur les agriculteurs, les industriels et les abattoirs. On serait certainement surpris. Je demande donc la suppression de cet article.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je conçois que cela puisse en choquer certains, en particulier les agriculteurs qui redoutent que leurs coûts de production n’augmentent. Mais c’est une mesure symbolique forte. On sait très bien que, globalement, le prix catalogue des produits phytosanitaires – comme celui du matériel – n’a rien à voir avec le prix réel des produits ; ce ne sont que des promotions avec des rabais, des remises et ristournes.

Il convient de donner un signe fort, qui passe par la suppression de ces rabais, remises, ristournes, pour accompagner les agriculteurs vers la sortie de l’utilisation des produits phytosanitaires, tout du moins les plus nocifs. Avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je rappelle qu’une disposition identique avait été prise pour les médicaments vétérinaires dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAAF). Celle-ci a largement contribué au succès du plan « EcoAntibio », en faisant baisser de 33 % l’utilisation des antibiotiques dans les élevages – bien au‑delà de l’objectif fixé dans la loi, qui était de 25 %. Bien évidemment, ce succès est également dû au travail des éleveurs et des vétérinaires – qui les avaient accompagnés pour les aider à utiliser moins d’antibiotiques.

Je suis tout à fait défavorable à ces amendements. Mais nous devions avoir ce débat.

M. Nicolas Turquois. Je souhaite exprimer une position personnelle – et non celle du MoDem. On peut partager votre objectif, mais il est intéressant malgré tout, dans les coopératives, dans les négoces, de pouvoir anticiper les besoins et de commander en hiver, pendant la période basse : cela coûte plus cher de s’y prendre au dernier moment. C’est une logique d’organisation, qui n’a rien à voir avec les produits qui pourraient être mis en avant. Il est utile de commander hors saison ce que l’on a pu programmer, et de ne commander pendant la saison que l’imprévu – la maladie, le ravageur, etc.

M. Vincent Descoeur. L’objectif est louable, mais cela risque tout de même de se traduire, au moins dans un premier temps, par une hausse des charges pour l’agriculteur. Le fait d’afficher au global un prix plus élevé n’est pas ce qui va dispenser l’agriculteur d’utiliser ces produits. C’est un peu comme ce qui a été proposé sur le gazole : on roule plus cher, mais on ne roule pas moins.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’entends parfaitement ce vous dites. Il faut en effet veiller à ce que cela ne se transforme en charges supplémentaires pour les agriculteurs. Nous poursuivons deux objectifs : réduire l’utilisation des produits phytosanitaires – ce sur quoi tout le monde peut être d’accord – et trouver des mécanismes susceptibles de simplifier la vie des agriculteurs.

Monsieur Turquois, j’ai bien compris que, face à une problématique donnée, il faut aller chercher un produit spécifique pour un traitement particulier. Il faudra regarder avec les filières, avec celles et ceux qui vendent et qui produisent ces produits, quelles adaptations sont possibles. Nous devons travailler sur cet article, de manière à pallier les difficultés que vous avez mentionnées.

Je tiens enfin à rappeler, parce que c’est politiquement important, que c’est un engagement fort que le Président de la République a pris pendant sa campagne. Or, depuis le début de ce quinquennat, nous avons l’habitude de dire ce que nous faisons, et de faire ce que nous avons dit que nous ferions.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1952 de M. Charles de Courson, CE1846 de M. Nicolas Turquois et CE1177 de M. Antoine Herth.

M. Thierry Benoit. L’amendement CE1952 est un amendement de repli. Son objet est de vous encourager, monsieur le ministre, à prendre un décret selon lequel la disposition interdisant les promotions sur les produits phytosanitaires ne s’applique pas aux contrats en vigueur.

M. Nicolas Turquois. Pour défendre l’amendement CE1846, je peux reprendre exactement les propos que j’ai tenus précédemment. Pour moi, il y a un sens à pouvoir différencier les achats des agriculteurs qui sont programmés et qui permettent de s’organiser sur les stocks, et les autres. Je souhaite que l’on puisse distinguer la période de basse saison et la période de haute saison.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je reconnais, dans l’amendement CE1952, l’habileté de Thierry Benoit et de Charles de Courson : ils écrivent que ces remises, ristournes et rabais sont interdits ; ils indiquent que les produits de biocontrôle échappent à l’interdiction ; puis ils précisent que la dérogation est valable pour tous les produits phytopharmaceutiques qui seraient achetés avec ces produits de biocontrôle. Il suffirait donc de proposer des packs soldés de produits phytosanitaires contenant un ou deux produits de biocontrôle pour contourner l’article 14. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte larticle 14 sans modification.

Article 14 bis
(articles L.522-5-2, L. 522-5-3, L. 522-18 et L. 533-19 [nouveaux] du code de lenvironnement)
Extension aux produits biocides dune partie de la réglementation applicable aux produits phytopharmaceutiques

Cet article additionnel a été adopté à l’initiative de Mme Frédérique Lardet et plusieurs de ses collègues, afin de transposer à certains produits biocides (insecticides par exemple) une partie de la réglementation applicables aux produits phytopharmaceutiques. Plus précisément, cet article interdit la vente en libre‑service de différents types de produits biocides, jugés les plus préoccupants par le Gouvernement ; interdit la publicité pour ces mêmes produits ; reprend les dispositions de l’article 14 du présent projet de loi pour l’ensemble des produits biocides.

*

*     *

La commission examine les amendements identiques CE431 de M. Vincent Descoeur et CE1284 de M. Pierre-Morel-À-LHuissier.

M. Vincent Descoeur. Nous proposons que l’évaluation de l’impact des mesures proposées dans les articles 1er à 14 du projet de loi soit confiée à l’Observatoire de formation des prix et des marges (OFPM), qui la présentera lors de la remise de son rapport annuel au Parlement.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Si l’intervention de l’OFPM se justifie pour certains articles, je ne vois guère de pertinence à lui demander d’évaluer les mesures relatives au bien-être animal. D’une façon générale, c’est plutôt au Parlement d’évaluer les lois qu’il a adoptées. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis. Ce n’est pas, en effet, dans les compétences de l’OFPM.

Les amendements sont retirés.

La commission examine lamendement CE1255 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. On compte aujourd’hui en France 1 115 captages prioritaires d’eau potable qui sont dans une situation critique sur le plan de la qualité de l’eau.

Le présent amendement propose que, d’ici à 2022, les surfaces agricoles dans les aires de protection de captage prioritaire soient cultivées en agriculture biologique ou selon des modes d’exploitation agroécologiques, labellisés « haute valeur environnementale » (HVE). Il s’agit d’utiliser cette exigence de la politique de l’eau comme un levier accélérateur pour la conversion des surfaces en agriculture biologique ou en HVE.

Actuellement, 43 % seulement de ces captages prioritaires font l’objet de plans d’actions.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, et l’importance de préserver la qualité de la ressource en eau. Malheureusement, cela aboutirait à contraindre les agriculteurs qui ont des terrains sur ces zones de captage à se convertir en bio ou à faire de la HVE. La liberté d’entreprendre reste protégée par la Constitution, et il paraît également difficile d’envisager l’expropriation des agriculteurs qui exploiteraient ces terrains en conventionnel. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Si les financements publics doivent être ciblés vers des pratiques qui permettent de protéger la qualité de l’eau, les pratiques et les modes de production ne peuvent pas être imposés, y compris sur les périmètres de captage. Je ne peux que donner un avis défavorable à cet amendement.

Mme Delphine Batho. Nous ouvrirons le débat à l’occasion de la révision constitutionnelle : notre Constitution devrait mettre la protection des biens communs au même niveau que la liberté d’entreprendre.

Je ne veux exproprier personne, mais je constate que le cadre réglementaire actuel n’est pas adapté, puisque seulement 43 % des captages font l’objet de plans d’actions. Toutefois, dans le cadre du programme Re-Sources, il y a des contractualisations avec les agriculteurs, pour amener ceux-ci vers des pratiques agroécologiques. Ce peut être aussi de l’agriculture de conservation des sols pour éviter les nitrates, etc.

J’attire l’attention sur le fait que les terres de protection de captage, qui sont bien identifiées, constituent un levier pour accélérer la transition vers les pratiques agroécologiques. Je maintiens donc mon amendement.

M. François Ruffin. Si vous n’êtes pas favorables à cette mesure, que comptez-vous mettre dans la loi pour améliorer la qualité de l’eau ans ces zones de captage qui posent problème ? Il devrait être possible, parfois, de mettre le droit à une eau saine au-dessus du droit d’entreprendre.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE1589 de Mme Frédérique Lardet.

M. Grégory Besson-Moreau. Il s’agit de rapprocher la réglementation concernant la mise en marché des produits biocides de celle relative aux produits phytopharmaceutiques.

En effet, certains biocides contiennent les mêmes substances actives que les produits phytopharmaceutiques, et sont utilisés aussi bien par les agriculteurs que par le grand public. Pour donner un exemple, les rodenticides utilisés pour lutter contre les rongeurs présentent des profils de danger très préoccupants et peuvent mettre en danger la santé des populations sensibles.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte lamendement.

Puis elle examine lamendement CE1387 de M. Loïc Prudhomme.

M. François Ruffin. Cet amendement, soutenu par France Nature Environnement, vise à donner plus de poids aux associations environnementales au sein de l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers (OENAF). Actuellement, la participation des associations environnementales se limite à trois représentants, soit une proportion très faible qui limite fortement la prise en compte de leur avis.

Nous proposons de créer cinq collèges représentant l’État, les collectivités territoriales, les syndicats de salariés, le patronat et les associations de protection de l’environnement. Ces collèges auraient chacun un poids identique. Ils permettraient de renforcer le lien avec la société, et de défendre la préservation de l’activité agricole face à l’artificialisation des sols et l’urbanisation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La composition de cet observatoire est régie par le décret du 29 juin 2015 relatif à l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers ; elle n’est donc pas du domaine législatif.

Par ailleurs, si cet amendement était adopté, plusieurs personnalités qui y siègent aujourd’hui en seraient exclues sans raison apparente, notamment : le député et le sénateur ; les représentants des parcs naturels de France ; les deux représentants de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) ; les deux représentants des organisations de propriétaires agricoles et forestiers. Avis défavorable

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis parfaitement d’accord pour retravailler sur la révision de la composition de l’Observatoire. Mais je vous donne rendez-vous l’année prochaine, dans le cadre de la réflexion générale que nous avons lancée sur le foncier ; cela aboutira peut-être à un article spécifique. Avis défavorable.

M. François Ruffin. Je suis membre de la mission sur le foncier agricole, mais, par principe, je ne reporte pas à plus tard ce qui peut être fait dès aujourd’hui. Cela étant dit, j’accepterais de modifier notre amendement de façon à maintenir toutes les personnalités que vous venez de citer.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il faut réexaminer la question de manière globale. Au moins, nous sommes sûrs d’une chose, c’est que nous nous reverrons dans le cadre de ces travaux sur la stratégie foncière.

M. François Ruffin. Avec plaisir !

La commission rejette lamendement.

Article 14 ter
(article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime)
Autorisation de plantes comestibles comme substances naturelles à usage biostimulant

Mme Delphine Batho a proposé, par un amendement ayant reçu un avis favorable de votre rapporteur, d’autoriser de façon générale l’utilisation des parties consommables des plantes comme substances naturelles à usage biostimulant. Au sein des préparations naturelles peu préoccupantes, qui sont des substituts moins nocifs que les produits phytopharmaceutiques, ces substances naturelles sont aujourd’hui autorisées par arrêté après avis de l’ANSES ; aujourd’hui, les autorisations sont cependant limitées et concernent essentiellement les plantes médecinales.

*

*     *

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1256 de Mme Delphine Batho, CE1485 de M. François Ruffin et CE1934 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Delphine Batho. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAAF) du 13 octobre 2014 avait permis une avancée très importante, à savoir la reconnaissance des préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP). L’amendement que je propose vise à simplifier cette procédure de reconnaissance.

Actuellement, c’est un arrêté du 27 avril 2007 qui fixe la liste de ces PNPP. La simplification proposée, qui correspond d’ailleurs à l’avis de la commission d’étude de la toxicité du ministère de l’agriculture, est que toutes parties consommables des plantes qui sont utilisées en alimentation humaine ou animale soient d’emblée considérées comme PNPP.

Je peux citer quelques exemples de préparations qui ne sont pas dans la liste actuelle, malgré leurs vertus : la consoude, connue de tout bon jardinier, la valériane, la prêle qui a un effet fongicide, etc. Plutôt que d’avoir à modifier la liste, on pourrait décider que ce qui est utilisable en alimentation humaine est une PNPP.

M. François Ruffin. Notre amendement, qui nous a été proposé par la Confédération paysanne, va exactement dans le même sens que le précédent. Il s’agit d’élargir la liste des substances naturelles à usage biostimulant : tout ce qui est à base de prêle, de fougère ou de vinaigre blanc. Ces substances peuvent être utilisées sous forme d’extraits fermentés, de décoction, d’infusion ou de macération.

La situation un peu paradoxale : on veut réduire l’usage des produits phytosanitaires et on ne permet pas aux paysans d’utiliser les substituts disponibles. En fait, certains les utilisent quand même mais ils sont dans l’illégalité. Il serait bien de mettre la loi en conformité avec une pratique qui ne date pas d’aujourd’hui, vu qu’elle est même historique.

M. le président Roland Lescure. Monsieur Gouttefarde, vous pouvez présenter l’amendement CE1934, mais je me vois dans l’obligation de déclarer irrecevable le sous-amendement CE2096 : vous ne pouvez sous-amender un amendement dont vous êtes cosignataire.

M. Fabien Gouttefarde. Cet amendement CE1934 vise à mettre en place une réglementation adaptée à la reconnaissance des préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP). Puisque l’objectif à long terme est de réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, il est nécessaire de développer des substituts. Nous proposons donc de prendre en compte, au sein de la liste des substances naturelles à usage biostimulant, les parties consommables des plantes utilisées en alimentation animale ou humaine.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous avons auditionné l’Association pour la promotion des préparations naturelles peu préoccupantes. Certaines plantes médicinales, définies par arrêté ministériel, sont considérées comme des PNPP à usage biostimulant. Un décret fixe les conditions de reconnaissance de ces produits et soumet l’extension de la liste à un avis de l’ANSES. Il serait sans doute opportun que cet arrêté évolue pour augmenter le nombre de végétaux reconnus comme des PNPP, mais, comme vous le voyez, cette mesure est d’ordre strictement réglementaire.

Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’ANSES ne recommande pas de livrer en bloc l’ensemble des 546 produits. La liste est réglementée et je ne peux que donner un avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Compte tenu des enjeux auxquels nous sommes confrontés en matière de recherche et d’expertise sur les substances chimiques préoccupantes, l’ANSES doit-elle consacrer des moyens à vérifier que la consoude peut être utilisée comme fortifiant ? Je ne le crois pas. Cet amendement vise la simplicité, ce qui ne veut pas dire que le cadre réglementaire est supprimé. Il relève du bon sens d’autoriser comme PNPP des substances utilisées en alimentation humaine et animale.

La commission adopte lamendement CE1256.

En conséquence, les amendements CE1485 et CE1934 tombent.

La commission examine lamendement CE1478 de M. Loïc Prudhomme.

M. François Ruffin. Un médicament est prescrit par un médecin et délivré par un pharmacien. On peut considérer que les produits phytosanitaires sont des médicaments pour les plantes. En partant de cette analogie, nous proposons une expérimentation. Dans des départements qui se porteraient volontaires, l’usage de ces produits phytosanitaires serait autorisé par des agents de l’État habilités. Rappelons que ces produits ont des conséquences sur les plantes, les sols, les eaux et les consommateurs. Ce genre de mesure permettra d’aller vers la réussite du plan Ecophyto qui prévoit de réduire l’usage de ces produits de 25 % d’ici à 2020 et de 50 % d’ici à 2025.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Adopter cet amendement aurait pour effet de désorganiser complètement la filière de distribution et de vente des produits phytopharmaceutiques. Dans chaque négoce, coopérative ou structure de distribution, il faudrait qu’un agent public prescrive une « ordonnance » pour qu’un agriculteur puisse acheter un produit phytopharmaceutique ! Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’agriculteur doit rester responsable de ses choix en matière sanitaire. C’est un professionnel compétent et formé dont la qualification pour décider est attestée par la détention d’un certificat, le « certiphyto ». Un régime de prescription le priverait d’une partie de cette responsabilité.

En outre, la lutte contre les ennemis des cultures suppose une adaptation régulière en fonction de la pression parasitaire et des conditions climatiques. La souplesse nécessaire est difficilement compatible avec le régime de prescription. Il n’existe pas, à l’instar des vétérinaires, de corps constitué ou de techniciens suffisamment nombreux pour assurer cette activité de prescription.

Il y a 500 000 exploitations en France dont la majorité, même en agriculture biologique, a recours à des produits phytopharmaceutiques. La proposition serait une charge nouvelle très importante. Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

M. François Ruffin. Je rappelle que nous demandons seulement qu’une expérience soit réalisée sur la base du volontariat. Vous dites que nous n’avons pas les moyens de le faire, par manque de professionnels. Si nous voulons la réussite du plan Ecophyto, il faudra bien s’en donner les moyens.

M. André Villiers. L’autorisation de mise sur le marché (AMM) n’est‑elle pas une garantie officielle pour l’utilisation de ces produits ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’AMM signifie en effet qu’un produit ne présente pas d’inconvénient majeur allant à l’encontre de la santé de nos concitoyens.

M. François Ruffin. Je suis en désaccord sur ce point. Les médicaments font l’objet d’AMM, et pourtant le patient ne les prend pas comme il veut : il y a des prescripteurs. Je veux bien que nous n’adoptions pas l’amendement dès aujourd’hui mais je pense que la comparaison demeure valable.

M. Nicolas Turquois. Il y a une différence entre les deux situations : les agriculteurs sont des utilisateurs professionnels alors que le patient n’est pas un malade professionnel. Ces utilisateurs professionnels, il faut les faire monter en compétences, développer leur formation en techniques alternatives, les inciter à modifier les conditions de traitement. Je ne suis pas sûr d’avoir été un député professionnel dès mon arrivée ici. Nous devons monter en gamme dans nos compétences. Pour les agriculteurs, c’est la même chose.

M. le président Roland Lescure. Je le répète, notre période d’essai est terminée. Nous sommes maintenant tous des députés professionnels et nous le montrons depuis quelques jours…

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1857 de M. Philippe Bolo.

M. Nicolas Turquois. C’est dans ce genre de circonstances que j’aime faire miens les combats politiques de mes collègues du MoDem qui ne sont pas là. Si vous regardez l’exposé sommaire, vous comprendrez qu’il est question de lombrics. (Sourires.)

Je suis sensible aux arguments soulevés par Mme Batho sur les substances naturelles. Vous allez penser que je suis obsédé par ma grand-mère mais il faut se méfier des remèdes de grand-mère et des solutions considérées bonnes a priori parce que naturelles. Il faut toujours rester vigilant. D’un autre côté, il faut faciliter l’usage de substances naturelles – en l’occurrence les vers de terre – comme biostimulant.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’alinéa 4 de l’article L. 255-5 du code rural vous visez : « Les substances naturelles à usage biostimulant autorisées conformément à la procédure particulière prévue à la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 253-1 ».

Lamendement est retiré.

Article 14 quater
(article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime)
Encadrement de la publicité pour les produits phytopharmaceutiques

Cet article, adopté à l’initiative de votre rapporteur, vise à encadrer la publicité des produits phytopharmaceutiques (PPP). Votre rapporteur rappelle que cette publicité est interdite pour le grand public, et limitée aux points de distribution de ces produits et à la presse agricole spécialisée pour les professionnels.

Force est de constater que, si l’article L. 253‑5 prévoit que les insertions publicitaires en faveur de ces produits « mettent en avant les principes de la lutte intégrée, les bonnes pratiques dans l’usage et l’application des produits pour la protection de la santé humaine et animale et pour l’environnement, et les dangers potentiels pour la santé humaine et animale et pour l’environnement », ces dispositions ne sont pas suffisamment suivies d’effet.

L’amendement propose de transposer le système d’information à caractère sanitaire qui figurent obligatoirement sur la publicité pour les produits alimentaires dont la consommation présente un risque (« pour bien grandir, ne mange pas trop gras, trop sucré, trop salé », par exemple). Les messages qui seraient apposés aux publicités en faveur des produits phytopharmaceutiques porteraient sur les risques associés pour la santé humaine, animale ou publique, ainsi que pour l’environnement. Ils seraient une incitation supplémentaire à la réduction de l’utilisation des PPP par les exploitants agricoles.

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*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE2051 du rapporteur et CE273 de la commission du développement durable.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Mon amendement vise à renforcer les dispositions actuellement en vigueur en matière de publicité pour des produits phytopharmaceutiques. Rappelons que cette publicité est interdite pour le grand public, et limitée aux points de distribution de ces produits et à la presse agricole spécialisée pour les professionnels.

Force est de constater que, si l’article L. 253-5 prévoit que les insertions publicitaires en faveur de ces produits « mettent en avant les principes de la lutte intégrée, les bonnes pratiques dans l’usage et l’application des produits pour la protection de la santé humaine et animale et pour l’environnement, et les dangers potentiels pour la santé humaine et animale et pour l’environnement », ces dispositions ne sont pas suffisamment suivies d’effet.

L’amendement propose de transposer le système d’informations à caractère sanitaire qui figurent obligatoirement sur la publicité pour les produits dont la consommation présente un risque : « Pour bien grandir, ne mange pas trop gras, trop sucré, trop salé », par exemple. Les messages apposés aux publicités en faveur des produits phytopharmaceutiques porteraient sur les risques associés pour la santé humaine, animale ou publique, ainsi que pour l’environnement. Ils seraient une incitation supplémentaire à la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques par les exploitants agricoles.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Notre amendement, qui va plus loin, est cohérent avec les objectifs du plan « Ecophyto 2 », à savoir la réduction de 50 % de l’usage des produits phytopharmaceutiques d’ici à 2025. Il prévoit d’interdire la publicité des produits phytopharmaceutiques hors produits de biocontrôle. Cette mesure entrerait en vigueur à compter du 1er janvier 2022 et concernerait les revues spécialisées et non pas les points de vente.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Outre qu’il créerait des difficultés à la presse spécialisée agricole, cet amendement ne réglerait pas les problèmes actuels, notamment celui de diffusion sur internet. C’est pourquoi je vous demanderai de le retirer en faveur du mien.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. L’amendement de la commission du développement durable est cohérent avec l’objectif du Gouvernement de voir diminuer l’utilisation des produits phytosanitaires. Cependant, il faut prévoir un laps de temps pour permettre aux revues professionnelles et aux éditeurs de travailler à la diversification de leurs sources de revenu dont la publicité pour les produits phytosanitaires représente une part importante.

Vous connaissez tous la presse agricole, son étendue et son importance sur les territoires. Fidèle à ma manière de faire, je souhaite construire une trajectoire avec eux pour travailler à la diversification de leurs revenus publicitaires.

Madame la rapporteure pour avis, je vous invite à retirer votre amendement au profit de celui du rapporteur, qui nous permet de disposer du temps nécessaire pour travailler avec les éditeurs de presse.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Notre amendement était un amendement d’appel pour souligner le besoin de cohérence avec les objectifs du plan « Ecophyto 2 ». Je n’ignore pas que la publicité pour les produits phytosanitaires représente 30 % des revenus publicitaires des groupes de la presse spécialisée. L’objectif était de travailler avec eux pour en arriver, après une période transitoire, à la suppression de ces publicités. Je retire mon amendement au profit de celui du rapporteur.

Mme Delphine Batho. Je regrette que l’amendement adopté par la commission du développement durable soit retiré.

Nous avions déjà eu ce débat au moment au moment de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Comme l’a indiqué le ministre, la presse agricole est très importante et elle peut jouer un rôle en matière de prescription de pratiques agronomiques et autres. Sa dépendance financière à l’égard des fabricants de produits phytopharmaceutiques constitue donc un énorme problème. Si nous n’annonçons pas une échéance à partir de laquelle ces publicités seront interdites, j’ai peur que tout continue comme avant.

Le rapporteur propose d’apposer des sortes d’avertissement, du type « cancérogène probable », à certains produits comme le glyphosate. Je ne suis pas sûre que ce soit de nature à faire changer les choses. Quelle sera la taille de l’avertissement ? Nous retomberons des débats que nous avons déjà eus dans d’autres domaines. À mon avis, il est nécessaire d’avoir un plan sur la sortie de la dépendance de la presse spécialisée à l’égard de ces publicités.

M. François Ruffin. On ne peut transformer le réel que si l’on a auparavant transformé ce qu’on met dans les têtes. Cela passe sans doute par des transformations dans l’enseignement mais aussi dans la presse spécialisée. Pour ma part, j’ai fait un stage à LAction agricole picarde. Dans ce genre de presse, il peut y avoir une confusion entre le rédactionnel et le publicitaire, ce qui ne va pas dans le sens d’une élimination ou même d’une diminution de l’usage des produits phytosanitaires.

Je regrette le retrait de l’amendement adopté en commission du développement durable. Un membre de la majorité nous a dit hier qu’il était légaliste. À mon avis, les membres de la majorité sont surtout très légitimistes dans le retrait des amendements.

Mme Célia de Lavergne. Au groupe La République en Marche, nous partageons tout à fait la préoccupation de notre collègue Delphine Batho concernant deux caractéristiques de la presse agricole : sa dépendance à la publicité sur les produits phytopharmaceutiques et son rôle prescriptif. Le ministère de l’agriculture, qui travaille actuellement sur la fiscalité agricole, pourrait peut-être s’intéresser à la presse agricole sous cet angle.

M. Ruffin nous dit qu’on peut transformer le réel si on transforme d’abord les textes…

M. François Ruffin. Les têtes !

Mme Célia de Lavergne. J’avais mal entendu. Je suis navrée. Dans ce cas, je ne vais pas répondre sur ce point.

Je pense qu’il nous faudra être assez proactifs et travailler aussi sur les différentes formes de publicité, y compris les publirédactionnels qui jouent un rôle particulier dans la presse d’une manière générale.

M. Guillaume Garot. Je regrette le retrait de cet amendement qui avait été mis au point à la commission développement durable. Il avait le mérite de la sagesse, de la cohérence et de l’efficacité. Si on ne fixe pas un terme, on n’arrivera pas à changer les choses. Le grand mérite de cet amendement était de fixer une échéance.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Si j’accepte de retirer cet amendement, c’est bien parce que votre rapporteur a déposé le sien, qui en tient compte et que vous allez probablement adopter.

Il nous faut être responsables. Nous discutons de mesures qui peuvent avoir d’importantes conséquences sur la presse agricole à laquelle nous tenons tous. Elle joue un rôle de prescription, mais on y trouve aussi beaucoup d’informations et de conseils. Il fallait assortir notre disposition d’un accompagnement financier, voire fiscal, que nous n’étions pas en mesure de proposer dans cette loi.

En nous ralliant à l’amendement du rapporteur, nous restons dans une trajectoire de progrès. Ce n’est pas de la soumission, monsieur Ruffin.

M. Nicolas Turquois. Je préfère également retenir la trajectoire de progrès. Je tiens malgré tout à vous alerter : il est extrêmement compliqué d’avancer en toute honnêteté sur ces sujets. Nous faisons preuve d’une forme de schizophrénie proche de celle dont le fumeur que je suis fait preuve lorsqu’il vote des dispositions contre le tabac, par sensibilité aux problématiques des cancers du poumon !

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je partage le constat de la rapporteure pour avis : il faut alimenter cette trajectoire de progrès. Il faut donc une date limite, mais nous devons en discuter avec la presse agricole, car 2020 est trop précoce.

Lamendement CE273 est retiré.

La commission adopte lamendement CE2051.

Article 14 quinquies
(article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime)
Promotion des solutions de biocontrôle dans le plan Ecophyto

Plusieurs amendements adoptés, regroupés au sein du présent article, ont permis d’accroître la promotion des solutions de biocontrôle, qui sont des alternatives à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques.

M. Philippe Berta et plusieurs de ses collègues ont proposé, par deux amendements, que les mesures de mobilisation des efforts de recherche et de développement d’alternatives soient expressément prévues par le plan national Ecophyto, et que des chercheurs soient présents dans l’instance de concertation et de suivi de ce plan.

M. Dominique Potier et les membres du groupe Nouvelle Gauche ont proposé de renforcer la place des mesures de biocontrôle au sein de ce même plan national : il faudra désormais que ce plan prévoie une stratégie nationale en la matière.

La rapporteure pour avis de la commission du développement durable a, enfin, proposé que le plan national Ecophyto prévoie la réduction des délais d’évaluation et la simplification des conditions d’autorisation des produits de biocontrôle.

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La commission examine ensuite lamendement CE1848 de M. Philippe Berta.

M. Nicolas Turquois. M. Berta, qui est chercheur, souhaite mobiliser la recherche en vue de développer des solutions alternatives aux produits phytosanitaires. Cet amendement fait écho à nos récents débats sur la simplification administrative, les autorisations et la recherche.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1849 de M. Philippe Berta.

M. Nicolas Turquois. Le plan d’action national de réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques doit prévoir des mesures tendant au développement des produits et techniques de substitution, en fonction de l’avancée de la recherche, comprenant au minimum les produits de biocontrôle, les techniques d’agriculture de précision et les variétés résistantes ou tolérantes aux bioagresseurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Défavorable. Nous venons d’adopter un amendement que vous avez défendu et qui vise le même objectif.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cet amendement supprime la définition du biocontrôle. Je vous propose de le retirer et de le modifier pour la séance publique, en réinsérant la lutte intégrée et la définition du biocontrôle. Nous pourrons, à ce stade, vous faire une proposition.

M. Nicolas Turquois. Je l’attends, monsieur le ministre !

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite lamendement CE1795 de M. Dominique Potier.

M. Guillaume Garot. Cet amendement porte une ambition plus forte en matière de biocontrôle, à travers une grande stratégie nationale. Comment ? En accompagnant les très petites entreprises (TPE) et les start-up, mais aussi les petites et moyennes entreprises (PME) qui ne sont pas toujours les mieux armées pour préparer les autorisations de mise sur le marché.

Par ailleurs, nous souhaitons développer la recherche française sur le sujet, en consolidant le crédit d’impôt recherche (CIR) afin que les dépenses liées à un consortium soient éligibles au CIR. Ainsi, la France serait en pointe sur ce sujet.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La question du biocontrôle est déjà présente dans les principaux axes du plan « Ecophyto ». Mais nous pouvons le réaffirmer. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Mon avis est également favorable, par cohérence avec nos actions de soutien au développement des produits de biocontrôle. Ce sujet est intégré à la feuille de route gouvernementale, dans le cadre de la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Cette démarche va donc dans le bon sens.

La commission adopte lamendement.

Elle se saisit, en discussion commune, de lamendement CE274 de la commission du développement durable et de lamendement CE1446 de M. Didier Martin.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable ». Cet amendement a été largement voté par la commission du développement durable. Il prévoit la réduction des délais d’évaluation et la simplification des conditions d’autorisation des produits de biocontrôle. Cela va dans le sens de la trajectoire de progrès que nous accompagnons. Cet amendement est important ; en effet, le biocontrôle est un des leviers qui permet de faciliter la substitution des produits phytosanitaires de synthèse par des alternatives en vue d’atteindre les objectifs du plan Ecophyto II de réduction de l’usage des pesticides.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte lamendement CE274.

En conséquence, lamendement CE1446 tombe.

Suivant lavis favorable du rapporteur, elle adopte lamendement CE1850 de M. Philippe Berta.

Elle se saisit ensuite de lamendement CE1796 de M. Dominique Potier.

M. Guillaume Garot. Nous souhaitons que le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur le biocontrôle visant à définir les opportunités de renforcement de déploiement des solutions existantes et à accélérer la recherche et l’innovation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces thématiques pourraient âtre plus utilement traitées par une mission d’information de l’Assemblée nationale. Défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Des mesures seront prises dans le cadre du plan d’action sur les produits phytopharmaceutiques. À ce stade, la remise d’un rapport au Parlement n’est pas nécessaire.

Lamendement est retiré.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement CE1252 de Mme Delphine Batho.

Elle examine ensuite lamendement CE1257 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement met en œuvre la recommandation n° 4 de l’excellent rapport conjoint du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) sur les pesticides, qui préconise l’adoption d’une disposition législative concernant la distance d’épandage afin de protéger les riverains.

Cette proposition a été élaborée après avis du secrétariat général du Gouvernement. Une étude récente réalisée dans un certain nombre de territoires souligne que l’exposition des riverains à ces épandages engendre différentes maladies. La distance de cent mètres que je propose est basée sur l’évaluation de la distance de dérive d’un épandage réalisée par l’INRA. Le rapport estime qu’à défaut d’une mesure de cette nature la responsabilité civile, et éventuellement pénale, des pouvoirs publics pourrait être engagée.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je partage l’objectif, mais votre amendement soulève plusieurs difficultés.

Le 1° revient à nier le pouvoir d’appréciation des préfets, qui leur est reconnu par la loi : l’article L. 253-7-1 prévoit en effet que l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les zones sensibles est subordonnée à des mesures de protection et, lorsque ce n’est pas possible, à la définition par le préfet d’une distance minimale à respecter.

Le 2° conduit, en réalité, à une quasi-interdiction de ces produits, puisque vous ne visez pas uniquement les habitations, mais les limites de propriété. Ainsi, une maison secondaire – vide dix mois sur douze – qui possède un terrain de plusieurs hectares, empêchera l’utilisation de produits phytopharmaceutiques cent mètres autour de chaque limite de terrain. Je suis donc défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cette question est importante. Nous avons reçu de nombreux témoignages de traitements à proximité de maisons ou d’écoles. Il faut les prendre en compte. Pour autant, les mesures à prendre ne sont pas uniquement d’ordre législatif. Je souhaite proposer un amendement gouvernemental pour répondre à cette problématique. Nous n’avons pas encore abouti à une rédaction satisfaisante et devons encore travailler en interministériel, mais je m’engage à vous fournir une réponse en séance. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

Mme Delphine Batho. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse sur ce sujet sensible.

Monsieur le rapporteur, mon amendement comporte deux volets :, le premier concerne effectivement les écoles et les établissements hébergeant des publics vulnérables mais le second concerne les habitations lorsque les substances actives sont reconnues ou suspectées d’être cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques ou perturbateurs endocriniens. Je le retire à ce stade, mais serai très attentive à ce que cette question soit traitée en séance.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1439 de Mme Mathilde Panot.

M. François Ruffin. Notre objectif est le même que celui de Mme Batho, mais la distance est de deux cents mètres au lieu de cent mètres. Des études menées dans des habitations et des écoles ont parfois détecté plus de dix résidus de pesticides, y compris des pesticides interdits depuis des années. J’entends la réponse du ministre, mais je ne retirerai pas notre amendement. On ne peut laisser les préfets gérer cela seuls. Le cadre législatif doit être renforcé.

Monsieur le ministre, pour l’instant, vous arrivez les mains vides. Certes, vous travaillez, mais vous aviez le temps d’y réfléchir lors des États généraux de l’alimentation ; ils ont duré des mois et des reportages télévisés ont fait état de ce problème.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Compte tenu des annonces du ministre, je suis défavorable à cet amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur Ruffin, nous avons travaillé, mais beaucoup de paramètres doivent être pris en compte. Je prendrai l’exemple du secteur viticole ; vous connaissez comme moi le prix d’un mètre carré dans certaines régions viticoles. Parfois, les parcelles touchent des habitations ou des équipements publics. Avec les producteurs et l’ensemble des professionnels, nous devons discuter et réfléchir à une rédaction de compromis d’ici à la séance. Je défends cette méthode plutôt qu’un avis défavorable sans autre explication. Nous tenons à porter un message politique clair, mais ne le ferons pas sans tenir compte des questions que se posent les professionnels et les exploitants.

M. Thierry Benoit. Vous avez raison, revenons au principe de réalité ! Je me souviens des discussions sur ce dossier dans le cadre de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, défendue par Stéphane Le Foll. Les débats avaient été enflammés, puis l’on avait fait machine arrière. Ces sujets complexes ne se règlent pas par un amendement parlementaire… Monsieur le ministre, je doute même que vous soyez prêts pour la séance publique, car vous devez mener d’importantes discussions en interministériel et avec l’ensemble des professionnels, les conséquences de telles mesures étant importantes et multiples. Nous devons nous attacher aux bons objectifs et viser la bonne cible !

M. François Ruffin. Je suis aussi inquiet que M. Benoît, mais dans un autre registre. Vous avez eu des mois pour aboutir durant les États généraux de l’alimentation (EGA) et vous nous dites que vous aurez trouvé une solution pour la séance publique alors que – je le conçois – ce sujet est source de tensions. Comment, dans ce cas, aboutir à un arbitrage rapide ? Monsieur Benoit, la réalité, ce sont aussi ces maladies, qu’il faut absolument prendre en compte, les intérêts des professionnels n’étant pas les seuls dans la balance.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1251 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Le 5 avril dernier, dans les Deux-Sèvres, 217 élèves de primaire faisaient une course d’orientation et ont été incommodés par un épandage de pesticides. Le service d’aide médicale urgente (SAMU) s’est déplacé. Fort heureusement, aucun problème sanitaire grave n’est à déplorer, mais cela m’a permis de me rendre compte que ni la législation, ni la réglementation ne prévoient ce cas de figure – alors que les établissements scolaires, eux, sont protégés. L’amendement propose donc que l’autorité administrative fixe des périmètres temporaires sans traitement – par exemple vingt-quatre heures avant puis la journée concernée – en cas de grands événements sportifs ou de sorties scolaires, afin que cette situation ne se reproduise jamais. C’est une demande des parents des enfants qui ont été confrontés à cette situation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La situation que vous signalez est inacceptable. Mais le périmètre d’application de votre amendement est excessivement large, ce qui pose problème.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je comprends l’émotion suscitée par cet événement. Mercredi 25 avril, nous allons présenter notre feuille de route concernant les produits phytosanitaires. Elle tiendra compte des conclusions du rapport de la mission d’information commune sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques de l’Assemblée nationale. Bien sûr, il faut protéger les enfants en sorties scolaires, mais nous pouvons aussi envisager d’autres modes de conciliation des usages de l’espace rural.

Je ne suis pas persuadé, madame la députée, que l’amendement réponde à l’enjeu. Votre proposition est à la fois très large et imprécise. Les solutions doivent être envisagées en fonction des territoires. Il faut privilégier les échanges avec les personnes concernées – directeurs d’école, collectivités territoriales, agriculteurs. Mon avis est donc défavorable.

M. Jean-Claude Leclabart. Je suis un pur produit de quarante-trois années de traitement, et je me porte bien. La stigmatisation, ça va deux minutes... La question qui se pose est surtout celle des conditions d’application des traitements qui se pose. Les agriculteurs, du moins une grande partie d’entre eux, n’ont plus intérêt à traiter de jour. Le problème est donc largement surévalué : il faut simplement expliquer aux agriculteurs qui traitent en plein soleil que c’est complètement inutile.

Mme Delphine Batho. Mon amendement est tout sauf imprécis. Il concerne les lieux, autres que les établissements scolaires, qui sont fréquentés occasionnellement par un groupe d’enfants ou d’élèves de l’enseignement scolaire ou supérieur dans le cadre d’activités pédagogiques physiques ou sportives, l’autorité administrative ayant la charge de déterminer le périmètre. À l’heure actuelle, les arrêtés préfectoraux cadres sont pris sur la base de la protection des sites, en application de l’article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime. Il reste donc un problème qu’il faut résoudre : la situation visée par l’amendement n’est pas prévue pour le moment. J’ai eu beaucoup de témoignages d’agriculteurs choqués par ce qui s’est produit. Ils m’ont dit que c’est une question de bon sens : quand on voit que des enfants sont là, qu’il y a des cartables et une barrière, on s’abstient. Seulement, il y a bel et bien eu problème. Nous devons garantir l’ordre public environnemental.

M. François Ruffin. On nous répond que la rédaction est imprécise, mais il faut quand même faire quelque chose. Cette proposition, faite par le groupe Nouvelle Gauche, ne peut pas avoir pour alternative le vide.

La commission rejette lamendement.

Article 14 sexies
Expérimentation sur lusage de drones dépandage dans certaines conditions dexploitation

Cette expérimentation, proposée par M. Dino Cinieri et plusieurs de ses collègues, permet de déroger, de façon plus simple qu’aujourd’hui, à l’épandage aérien de produits phytopharmaceutiques. En effet, aujourd’hui, l’épandage aérien de produits phytopharmaceutiques est interdit par principe. Des dérogations sont toutefois prévues et organisées par l’arrêté du 15 septembre 2014 relatif aux conditions d’épandage par voie aérienne des produits mentionnés à l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. En raison des risques manifestes de l’épandage aérien pour la santé publique et pour l’environnement, ces dérogations sont contraintes (arrêté ministériel ou préfectoral ; pour certaines cultures et pour certains produits uniquement ; dérogations d’urgence).

La dérogation générale, mais expérimentale, prévue par le présent article portera sur l’utilisation de drones, lorsque l’exploitation concernée est situé dans une pente supérieure à 30 degrés et composée de vignes.

Votre rapporteur y a émis un avis favorable. Selon lui, l’apparition des drones agricoles dans les exploitations est une avancée remarquable dans l’ensemble des nouvelles technologies qui permettent aux exploitants de mettre en place une agriculture de précision. L’objet de cette expérimentation sera de tester cette précision : les drones utilisés pour l’épandage doivent permettre d’utiliser moins de produit à superficie égale, et surtout de réduire leur dispersion dans l’atmosphère.

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Puis la commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE112 de M. Dino Cinieri et CE1176 de M. Antoine Herth, ainsi que les amendements CE1018 de M. Jean-Luc Fugit et CE1033 de M. Jean-François Cesarini.

M. Jacques Cattin. L’amendement CE112, qui vise à la protection du vignoble contre des maladies cryptogamiques, est le fruit d’un large travail de consultation sur un sujet très technique. Il permettra d’expérimenter l’utilisation d’aéronefs télépilotés selon un dispositif très encadré par les services de l’État et faisant l’objet d’une évaluation, dans les très rares vignobles qui connaissent une très forte pente, de plus de 30 % – en Alsace, cela représente 100 hectares sur un total de 15 600. L’amendement CE1033, que j’ai également cosigné, concerne plus spécifiquement les vignes à très forte pente en culture biologique ou ayant enclenché une démarche environnementale.

Le type de traitement innovant dont il est question s’inscrit dans une logique environnementale : le survol au ras des rangs de vigne permettra une réduction significative des doses utilisées et une dérive des produits quasi inexistante par rapport aux traitements classiques à partir du sol. Le recours à la pulvérisation aérienne à titre seulement exceptionnel, comme le permettent les textes en vigueur, ne peut pas constituer une réponse appropriée, surtout pour les cultures bio : il faut être réactif, ce qui implique de ne pas dépendre d’autorisations administratives trop contraignantes. Par ailleurs, je me fais l’avocat des organisations syndicales représentatives des salariés agricoles, qui voient dans le dispositif que nous vous proposons la possibilité d’améliorer significativement les conditions de travail et de sécurité des opérateurs.

M. Thierry Benoit. L’amendement CE1176 permettra, de même, l’utilisation de drones pour réaliser à titre expérimental des pulvérisations sur les vignes, sous le contrôle de l’ANSES, dans le but de déterminer le bénéfice lié à l’utilisation de ces nouvelles technologies.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. L’amendement CE1018 s’apparente aux précédents, dans la mesure où il propose une expérimentation du recours à des aéronefs télépilotés. Cela ne concernera que la pulvérisation de produits phytosanitaires autorisés en agriculture biologique dans des vignobles dont la pente est supérieure ou égale à 30 %.

M. Jacques Cattin. Je voudrais simplement préciser que l’on utilise notamment du soufre et du cuivre dans la culture biologique.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’émets un avis favorable aux amendements CE112 et CE1176 qui me paraissent mieux rédigés et correspondant mieux à l’objectif. Cette expérimentation d’épandage sur les exploitations en pente est bienvenue. L’apparition des drones agricoles est une avancée remarquable, qui fait partie des nouvelles technologies permettant aux exploitants de mettre en place une agriculture de précision. L’objet de l’expérimentation est justement de tester cette précision : les drones utilisés pour l’épandage de produits phytopharmaceutiques doivent permettre d’utiliser une moindre quantité de produit à superficie égale et, surtout, de réduire la dispersion dans l’atmosphère. Cette expérimentation correspond par ailleurs à une demande des syndicats de salariés agricoles : les traitements dans des fortes pentes ont occasionné de nombreux accidents graves, et même des morts, chez les salariés et les exploitants agricoles.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il faut d’abord rappeler que la pulvérisation aérienne est désormais très encadrée par le code rural et de la pêche maritime – c’est un élément sur lequel le Gouvernement ne reviendra pas. Nous sommes néanmoins très conscients que le travail dans les vignes à forte pente peut créer beaucoup de difficultés aux salariés agricoles. L’utilisation d’aéronefs téléguidés pourrait permettre une réduction des risques liés à l’épandage, car le travail sera réalisé à faible hauteur : l’agriculture de précision a fait des progrès considérables. J’ai pu voir au salon national des coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) comment on peut traiter au plus près du pied de vigne, sans qu’il y ait de dérive particulière. Je suis plutôt favorable à une expérimentation sur les vignes en agriculture raisonnée ou biologique afin d’avoir un retour d’expérience qui sera très utile pour définir les conditions de survol et les traitements utilisés, étant entendu qu’il faudra également solliciter l’avis de la direction générale de l’aviation civile (DGAC).

Mme Delphine Batho. Les drones sont aujourd’hui très utiles pour le diagnostic : ils permettent de réduire la quantité des produits phytopharmaceutiques utilisés en étudiant de très près les parcelles. Mais ces amendements reviennent sur un combat long de vingt ans, qui s’est conclu par l’interdiction de l’épandage aérien par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Des dérogations peuvent être accordées en cas de circonstances exceptionnelles, comme l’a fait le Gouvernement par un arrêté du 22 juin 2016 relatif à des vignes en pente dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, qui connaissaient des conditions pluvieuses.

Si vous ne souhaitez qu’une expérimentation, vous pouvez l’engager dans le cadre juridique actuel, par un arrêté ministériel visant des circonstances très précises. Mais ce n’est pas votre objectif en réalité : vous voulez ouvrir une brèche dans l’interdiction de l’épandage aérien, en faveur des drones. Les promoteurs de cette technique pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques soulignent dans leur documentation que le flux d’air descendant généré par les hélices accélère la pulvérisation et augmente sa portée – je tiens à souligner ce dernier point. Ce que vous proposez est totalement contraire au règlement européen qui interdit l’épandage aérien. Ce texte pose des conditions cumulatives pour l’octroi de dérogations – il faut notamment qu’il y ait des avantages manifestes et que l’on ait démontré l’absence d’autres solutions pour intervenir.

M. François Ruffin. Si je souhaitais la politique du pire, chers collègues, je vous encouragerais à aller dans ce sens. Je ne sais pas ce qu’il faut penser des épandages aériens, car je ne suis pas aussi compétent que Mme Batho dans ce domaine, mais je vois bien que vous envoyez un signal. D’une part, vous voulez permettre l’épandage aérien – à titre expérimental, certes, mais les expérimentations sont conçues pour être ensuite généralisées – alors que cette pratique n’a pas laissé de merveilleux souvenirs. D’autre part, vous ne voulez rien écrire dans le texte au sujet de la protection contre l’épandage de produits phytosanitaires à proximité des habitations et des écoles – vous nous dites que l’on verra bien en séance quelle proposition vous ferez en la matière. Vous avez deux poids et deux mesures, en réalité. C’est un signe qui est adressé à la société – et il sera mal reçu.

M. Grégory Besson-Moreau. Je suis en parfait accord avec le ministre et le rapporteur. On va encore nous dire qu’il s’agit d’un combat entre l’ancien monde et le nouveau, mais les faits sont là. Je me suis rendu au Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas avec le secrétaire d’État chargé du numérique, Mounir Mahjoubi : les drones peuvent désormais être positionnés à un centimètre près. On est loin du passage d’un avion à dix ou vingt mètres au-dessus d’un champ pour répandre des produits. L’usage des drones va protéger non seulement les agriculteurs, puisqu’ils ne seront plus en contact avec les produits, mais aussi l’ensemble de nos concitoyens qui vivent autour des parcelles concernées, grâce à la précision des moyens utilisés.

M. Jacques Cattin. Je ne suis pas du tout d’accord avec Mme Batho : il ne s’agit pas des drones qui existaient il y a vingt ans, mais d’une nouvelle génération qui est très au point et très précise. L’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA), qui est une instance faisant foi, peut le démontrer. Le déport de produit, que l’on reprochait au traitement aérien classique, notamment par hélicoptère, n’existe pas : les drones survolent à une hauteur d’un mètre les rangs de vignes, que l’on peut même digitaliser. C’est vraiment du travail très précis. Il faut évoluer, madame Batho. Nous sommes certes des généralistes, mais certains d’entre nous peuvent avoir des connaissances plus précises de temps en temps. En l’occurrence, je pense pouvoir vous répondre point par point. M. Hulot m’a d’ailleurs adressé, ainsi qu’à M. Cesarini, qui a signé avec moi l’amendement CE1033, un courrier. Nous voulons moins de produits, et c’est justement ce que permettent les drones : les doses sont réduites de 50 %. Je vous invite à passer un week-end en Alsace et dans la vallée du Rhône pour voir comment on va faire.

M. Thibault Bazin. Mon groupe va soutenir ces amendements, et je me réjouis de la position du rapporteur et du ministre. Ce qu’a dit le rapporteur est très important : cette mesure est demandée par les opérateurs pour leur propre santé et leur sécurité. C’est un dispositif très encadré, qui sera évalué par l’ANSES. Il concerne des pentes, de plus de 30 %, qui sont extrêmement dangereuses. On doit se préoccuper de l’humain : cette expérimentation est très attendue par tous les ouvriers concernés.

M. Nicolas Turquois. Je comprends les interrogations légitimes qui peuvent exister quand on pense à l’épandage pratiqué par hélicoptère, notamment. Pour lever les fantasmes, il serait intéressant d’aller voir concrètement, sur le terrain, la différence entre l’épandage par pulvérisation classique et celui réalisé avec un drone, qui va passer au ras de la végétation. On ne le fait pas du tout en hauteur, avec l’effet de déport qui existe quand on utilise un hélicoptère. On peut traiter tôt le matin, de manière extrêmement précise, dans des conditions optimales pour l’absorption du produit par les plantes, ce qui évite la dispersion dans l’air.

M. le président Roland Lescure. Si je comprends bien, nous ne sommes plus dans La mort aux trousses, mais plutôt dans Ready Player One(Sourires).

M. Thierry Benoit. Je voudrais revenir au contenu de l’amendement : l’expérimentation aura lieu sous le contrôle de l’ANSES, dont on connaît le niveau de compétence, de fiabilité et d’expertise. L’objectif est de déterminer les bénéfices liés à l’utilisation des drones pour l’application de produits phytopharmaceutiques, sous l’angle de la réduction des risques pour la santé et l’environnement. Le ministre de l’agriculture a rappelé que cette démarche sera encadrée par son propre ministère et par ceux de l’environnement et de la santé. C’est un dispositif sérieux, et l’évaluation nous dira si cela sert la santé et de l’environnement, grâce à une réduction des produits phytopharmaceutiques utilisés.

Mme Delphine Batho. J’ai pris longuement connaissance des études scientifiques les plus modernes et les plus récentes sur l’impact des produits phytopharmaceutiques sur la santé et sur la manière dont on peut s’en passer dans bien des domaines. Le progrès ne consiste à épandre des produits dangereux par des robots pour en protéger les humains, en oubliant l’impact sur la biodiversité, mais à éliminer prioritairement les substances les plus dangereuses. Voilà pour le premier rappel. Par ailleurs – et vous ne m’avez pas répondu sur ce point –, vos amendements dérogent à l’interdiction de l’épandage aérien qui a été instaurée par la loi française et par un règlement européen, alors que l’on peut déjà le faire dans des circonstances extrêmement précises : si vous voulez expérimenter, c’est possible sans qu’une nouvelle mesure législative soit nécessaire.

M. François Ruffin. Vous avez mis sur la table, chers collègues, la santé des opérateurs : il est quand même incroyable que les ouvriers n’apparaissent qu’à partir du moment où les professionnels demandent une évolution législative et technologique. Il ne faut pas se leurrer, en effet : dites-nous de qui émanent ces amendements, avec la même transparence que nous. Viennent-ils de la CGT ? Comme je ne suis pas omni-compétent, je ne sais pas si ces drones permettraient un progrès ou non, mais si la seule solution que vous proposez contre les conséquences sanitaires de l’épandage sur les ouvriers et les agriculteurs comme sur les voisins des parcelles consiste à utiliser des aéronefs, vous êtes à côté de la plaque. Réfléchissez au message que vous envoyez aux gens !

M. Jacques Cattin. La directive européenne 2009/128/CE définit les aéronefs comme étant des avions ou des hélicoptères : les drones dont nous parlons n’existaient pas il y a une vingtaine d’années et ils ne sont donc pas concernés. Vous demandez qui est derrière cette proposition : ce sont les opérateurs, notamment les organisations syndicales. J’ai avec moi une lettre de la CFTC-Agri, qui attire l’attention des pouvoirs publics. Êtes-vous pour le bio dans la viticulture ? Je me fais l’interprète des exploitations qui se sont engagées dans une démarche bio – je pense, par exemple, au domaine Schlumberger en Alsace. Quand on fait du bio, il faut traiter tous les huit jours et pas toutes les deux semaines : ces exploitants sont d’autant plus concernés.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous sommes défavorables à toute nouvelle autorisation de l’épandage par voie aérienne tel qu’il existe aujourd’hui.

Dans la logique de réduction de l’usage des produits phytosanitaires qui est la nôtre, et qui vise aussi à protéger les salariés agricoles et les exploitants, nous souhaitons recourir à ce que les nouvelles technologies mettent à notre service, c’est-à-dire une agriculture de précision. Il s’agit de traiter les vignes à pente forte, supérieure à 30 %, là où il est difficile et dangereux pour les ouvriers de se rendre, et où l’on peut redouter des accidents par fort vent ou lorsqu’il pleut.

Je ne remets par ailleurs absolument pas en cause le sérieux des connaissances de Mme Batho.

Assez complexe, la réglementation actuelle permet les expérimentations, mais celles-ci sont très lourdes à mettre en œuvre, or nous avons besoin de souplesse, nous avons besoin de pouvoir expérimenter. En cas d’urgence, d’un coup de gel ou d’une difficulté localisée sur une vigne, le viticulteur ne peut attendre trois semaines qu’un décret soit pris par trois ministères pour décider du traitement ; il a besoin de réagir dans les jours qui suivent.

Nous proposons donc une expérimentation, et certainement pas une généralisation à laquelle je suis d’ailleurs opposé, pour rechercher une réponse à la problématique des usagers et mettre en balance avantages et inconvénients. À cet égard, le drone peut être considéré comme un engin d’épandage porté, c’est-à-dire au plus près du produit.

Par ailleurs, nous savons que traiter, même de façon parcellaire et très précise, un pied de vigne avec un aéronef peut poser un problème pour les abeilles lorsqu’il est pratiqué en plein jour ; nous voulons aussi intégrer cette question dans le processus d’expérimentation. En revanche, le travail de nuit est compliqué et dangereux pour les producteurs, notamment dans des pentes à 30 % ou 40 %. Nous pourrions peut-être étendre l’expérimentation à des essais d’épandage nocturne en dotant les appareils de caméras infrarouges. Je rappelle que nous souhaitons mener cette expérimentation dans le cadre d’une agriculture raisonnée et biologique avec des produits de traitement destinés à ce type d’agriculture.

Au vu de l’expérience, il nous reviendra de décider si nous devons poursuivre dans cette voie ou abandonner parce que les résultats ne sont pas satisfaisants ou que le dispositif ne fonctionne pas. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable.

La commission adopte les amendements identiques CE112 et CE1176.

En conséquence, les amendements CE1018 et CE1033 tombent.

La commission examine lamendement CE1980 de M. Éric Bothorel.

Mme Huguette Tiegna. Le présent amendement vise à fournir un cadre législatif à l’utilisation de drones légers par les agriculteurs dans des zones à faibles risques.

Les drones sont devenus, ces cinq dernières années, un outil utile et important pour les agriculteurs qui étudient l’évolution des cultures et le développement des maladies cryptogamiques, se servent des images de leur champ pour optimiser l’usage des intrants et gèrent au mieux les apports hydriques. L’Académie d’agriculture de France recommande l’assouplissement de la législation relative aux drones dans l’agriculture afin d’en permettre le développement et de renforcer la durabilité des méthodes agricoles.

Le présent amendement vise à libérer cet usage en respectant des conditions d’emplois strictes pour éviter tout incident avec l’aviation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La formation des télépilotes de drones a été précisée par la loi du 24 octobre 2016 relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils. Il s’agit d’assurer à la fois la sécurité du télépilote et la sécurité des tiers, car l’utilisation d’un drone, a fortiori de plusieurs kilos, peut conduire à des accidents.

Vous proposez de déroger à cette obligation de formation pour les drones agricoles de moins de deux kilos, sous plusieurs conditions. Une dérogation générale aux obligations de formation continue de poser un problème de sécurité, alors qu’il existe déjà une dérogation spécifique aux situations de vol dans les zones non peuplées, comme les terres agricoles.

Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Article 14 septies
(article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime)
Champ dinterdiction des néonicotinoïdes

Votre rapporteur a souhaité intervenir en parallèle de plusieurs de ses collègues pour étendre le champ de l’interdiction à venir des néonicotinoïdes par la loi.

En effet, l’interdiction des néonicotinoïdes, qui sont une famille de substances actives ayant un effet déstabilisateur sur le système nerveux des insectes (et donc utilisées à des fins insecticides) connaît aujourd’hui un risque de contournement, avant même son entrée en vigueur. L’innovation scientifique de plusieurs laboratoires a ainsi permis l’apparition de nouvelles substances, notamment le sulfoxaflor et la flupyradifurone, dont les caractéristiques chimiques leur permettent de créer un débat scientifique sur leur appartenance, ou non, à la famille des néonicotinoïdes.

Sans vouloir intervenir dans ce débat scientifique en imposant une définition légale du mode d’action des néonicotinoïdes – décrit comme agoniste des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine –, il convient d’étendre le champ de l’interdiction des néonicotinoïdes aux substances chimiques qui, si elles ne sont pas classés spécifiquement comme telles, ont des modes d’action identiques.

À la demande du Gouvernement, cet amendement a été rectifié par votre rapporteur pour exclure de la nouvelle définition les produits de biocontrôle. Votre commission a adopté cet amendement ainsi rectifié.

*

*     *

La commission est ensuite saisie de lamendement CE2049 rectifié du rapporteur

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous avons défendu les différences d’étiquetage entre les miels fabriqués dans et hors de l’Union européenne. Mais à quoi servirait-il d’étiqueter le miel si nous n’avions plus d’abeilles ?

Les néonicotinoïdes, qui constituent une famille de substances actives ayant un effet déstabilisateur sur le système nerveux des insectes, et donc utilisées à des fins insecticides, ont été interdits par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, mais cette interdiction connaît aujourd’hui un risque de contournement, avant même son entrée en vigueur au 1er septembre prochain.

L’innovation scientifique de plusieurs laboratoires a en effet permis l’apparition de nouvelles substances, notamment le sulfoxaflor et la flupyradifurone, dont les caractéristiques chimiques ont donné lieu à un débat scientifique sur leur appartenance, ou non, à la famille des néonicotinoïdes.

Sans vouloir intervenir dans cette controverse en imposant une définition légale du mode d’action des néonicotinoïdes – décrit comme agoniste des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine –, ce qui n’est pas le rôle de la loi, il convient d’étendre le champ de l’interdiction des néonicotinoïdes aux substances chimiques qui, si elles ne sont pas classées spécifiquement comme telles, ont des modes d’action similaires.

Cet amendement a été rédigé avec Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable, à partir d’un amendement adopté par cette commission, et dont la rédaction me semblait imprécise.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous abordons le débat portant sur les néonicotinoïdes. À ce stade, je souhaite apporter quelques précisions.

L’évaluation des substances relève de l’Union européenne alors que l’autorisation de l’usage est du ressort national, car les adjuvants dépendent des conditions pédoclimatiques de chaque pays, et il revient à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) de se prononcer ; nous avons donc affaire à des surtranspositions. L’Europe a fourni un travail sur ces produits, car sur les cinq substances concernées quatre sont déjà interdites, l’interdiction devant prendre effet au mois de septembre 2018. Il faut donc mesurer les effets de ces diverses matières avant d’aller plus loin.

La définition des néonicotinoïdes doit relever de la science et du droit, c’est sur ces bases que devons fonder les décisions politiques qu’il nous revient de prendre. Selon certaines définitions proposées, les produits de biocontrôle sont également concernés, ce que nous ne pouvons accepter car, comme nous l’avons rappelé ce matin, nous sommes attachés au biocontrôle.

Le 25 avril prochain, nous allons présenter une feuille de route sur les produits phytosanitaires. Les ministères de la transition écologique et solidaire, de la santé et des solidarités, de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, souhaitent travailler de concert sur la restriction des usages.

D’autre part, nous voulons préparer l’arrêté « abeilles », nous devons aussi agir dans ce domaine, car des urgences doivent être traitées.

Eu égard à ces perspectives, mon avis sera défavorable à aux amendements présentés dans ce cadre.

Mme Célia de Lavergne. Cet amendement devrait être étudié en discussion commune avec les amendements suivants, qui proposent une définition des néonicotinoïdes qui diffère de celle retenue par le rapporteur.

Vous l’avez souligné, monsieur le ministre, la définition relève plus de la science que du législateur ; nous sommes prêts à entendre cet argument, car la question des néonicotinoïdes est essentielle à nos yeux. Aussi, l’amendement du rapporteur nous convient‑il sous la réserve d’une avancée dans le domaine des modes d’action identiques, ce que nous proposerons pour le débat en séance publique.

Nous devons en effet trouver les moyens d’écrire dans la loi, ce qui correspond à l’amendement CE1583 de Mme Limon, que ces molécules ont une action sur le récepteur nicotinique de l’acétylcholine ; ce qui constitue un enjeu de biodiversité fondamental.

M. le président Roland Lescure. Ces amendements n’ont pas été présentés en discussion commune car ils ne portent pas sur le même article du code rural et de la pêche maritime, mais cela ne saurait faire obstacle à ce que nous ayons une discussion de portée générale sur le sujet.

Mme Delphine Batho. Compte tenu des résultats de travaux scientifiques récents faisant état d’un effondrement de 80 % de la biomasse des insectes, et de ce que tous nos collègues ont dit hier sur la raréfaction des colonies d’abeilles et la disparition d’un tiers des oiseaux, je considère que l’entrée en vigueur au 1er septembre 2018 de l’interdiction des néonicotinoïdes est trop tardive eu égard aux conséquences.

Il ne s’agit pas, par ailleurs, de surtransposition, mais d’une France à l’avant-garde de la lutte pour la protection de la biodiversité. Lorsque la France a interdit le Cruiser, des restrictions d’usage décidées à l’échelon européen en ont résulté. Lorsque la France a adopté la loi d’interdiction des néonicotinoïdes, il en est résulté un débat portant sur l’interdiction totale de trois substances devant aboutir le 26 avril prochain au sein des institutions européennes.

Or les amendements que nous examinons ont pour objet d’éviter le contournement de la loi, car la stratégie qui émerge consiste à faire croire que les néonicotinoïdes de quatrième génération ne sont pas des nicotinoïdes. Je sais gré à Jean-Baptiste Moreau de son amendement, qui répond à cette préoccupation en proposant une rédaction simplifiée. S’il est entendu qu’au cours du débat, le législateur considère que l’expression « mode d’action similaire » signifie action sur les récepteurs de l’acétylcholine, cela peut être satisfaisant.

Qu’il me soit permis de rappeler que notre débat ne porte pas sur les vérités scientifiques : le problème auquel nous sommes confrontés est que la recherche scientifique est falsifiée et que les études ne sont pas réalisées de façon indépendante. Les affirmations selon lesquelles telle ou telle substance ne serait pas un nicotinoïde ne constituent pas des conclusions scientifiques indépendantes.

M. Matthieu Orphelin. J’ai commencé à suivre ce sujet de près en 2014. Depuis, on a constaté une accélération majeure de l’effondrement de la biodiversité. Cette évolution est documentée scientifiquement. La science a beaucoup progressé : nous disposons de nouveaux éléments déterminants concernant l’impact extrêmement nocif des pesticides néonicotinoïdes. La loi doit aujourd’hui être à la hauteur des enjeux et des connaissances scientifiques.

Il n’est pas sérieux d’ouvrir, en 2018, un débat sur les pesticides néonicotinoïdes de quatrième génération qui ne seraient « pas vraiment » des pesticides néonicotinoïdes.

C’est le sens de notre amendement, que nous retirerons bien volontiers en faveur de celui du rapporteur.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. L’amendement CE279 a été adopté par la commission du développement durable à une large majorité.

L’affaire du Transform et du Closer, qui contiennent du sulfoxaflor, néonicotinoïde de quatrième génération, rend cette affaire urgente. Après avoir procédé à l’évaluation de ce composé chimique, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a indiqué que le sulfoxaflor était dangereux pour les abeilles, et qu’il ne fallait pas l’appliquer durant la floraison. Autoriser la vente de Transform et du Closer revient à laisser à la vente des produits dont l’utilisation pourrait être interdite : un agriculteur qui les achèterait pourrait être sanctionné par la justice pour les avoir employés – même s’ils sont autorisés par l’ANSES. Bien sûr, il y a un véritable enjeu de santé publique, mais s’y ajoute une réelle insécurité juridique pour les utilisateurs.

Je remercie le rapporteur pour son travail de co-construction qui a permis d’améliorer la rédaction de l’amendement de la commission du développement durable.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Mon amendement a aussi pour objet d’aider le ministre de l’agriculture, dont je connais le combat au niveau européen, à essayer de faire en sorte que nos partenaires de l’Union nous suivent dans notre combat contre les néonicotinoïdes.

Je sais que les agriculteurs nous diront qu’ils vont se retrouver dans des impasses pour certaines cultures, mais la véritable impasse pour l’agriculture ce serait la disparition des abeilles. La diminution de la pollinisation provoquerait des diminutions de rendement beaucoup plus fortes que celles dues à l’interdiction des néonicotinoïdes.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’entends le débat qui se déroule. Je souhaite que nous puissions avancer. Je n’ai pas d’idée toute faite sur ce sujet. Le problème, c’est que ces dispositions portent aussi sur les produits de biocontrôle. Pour le reste, nous mettons en place un travail pour restreindre les usages au maximum, ce qui est à mon sens beaucoup plus utile que de donner une définition des néonicotinoïdes.

Je rappelle aussi que l’ANSES a pris une position, et qu’il faut également tenir compte de l’Union européenne – y compris s’agissant de risques de contentieux.

Nous devons adopter une démarche qui prenne en compte nos engagements de protéger la biodiversité. Nous devons faire en sorte que, demain, il n’y ait plus d’articles de presse sur les abeilles en danger. De nombreux producteurs et exploitants reviennent à des pratiques agronomiques qui permettent le retour des abeilles sur les territoires.

Si l’amendement du rapporteur était adopté, comment pourrais-je avancer sans les éléments du biocontrôle qui seraient alors interdits ?

M. Nicolas Turquois. En tant qu’agriculteur, j’ai utilisé des néonicotinoïdes : je peux vous dire que nous avons des solutions pour nous en passer, s’agissant, en tout cas, des cultures que je maîtrise. Sincèrement, ce sujet me préoccupe parce que, comme vous, monsieur Orphelin, je lis beaucoup de choses sur la disparition des insectes et de la biodiversité.

En revanche, monsieur le ministre, je ne comprends simplement pas en quoi l’amendement du rapporteur interfère avec le biocontrôle.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La définition des néonicotinoïdes s’appliquera aux cibles du biocontrôle, qui nous sont aujourd’hui très utiles, en particulier pour rechercher des pistes pour nous passer des néonicotinoïdes. Comment protéger les éléments de biocontrôle en écrivant dans la loi une définition des néonicotinoïdes qui les englobent ?

Mme Monique Limon. L’amendement CE1583, soutenu par les membres du groupe La République en Marche vise à définir le terme « néonicotinoïde ». Si la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages interdit l’usage des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits au 1er juillet 2020, la définition du terme « néonicotinoïdes » n’est pas précisée.

L’amendement du rapporteur a l’avantage d’élargir le débat, et de permettre d’avancer.

Mme Delphine Batho. Le sulfoxaflor n’est pas un produit de biocontrôle. Si je comprends bien, M. le ministre a peur qu’en modifiant l’article L. 253-8 du code rural, l’amendement vise aussi les produits de biocontrôle. Pour le rassurer, nous pourrons toujours ajouter en séance une mention du type « à l’exception des produits de biocontrôle », mais il est clair que nous visons uniquement les molécules de synthèse qui sont des pesticides chimiques présentés comme n’étant pas des néonicotinoïdes alors qu’ils le sont.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je ne doute pas de vos bonnes intentions. Mon rôle est simplement de vous mettre en garde, parce que vous êtes également attachés au biocontrôle. Je propose que nous retravaillions à la formulation de l’amendement en séance publique, en ajoutant la mention proposée par Mme Batho.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous pouvons rectifier mon amendement dès maintenant en ajoutant : « , à l’exception des produits de biocontrôle ».

Mme Delphine Batho. Il faut parler des produits de biocontrôle tels qu’ils sont « définis à l’article L. 253-6 » du code rural et de la pêche maritime.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis favorable à l’amendement ainsi rectifié.

Les amendements CE279 de la commission du développement durable, CE1297 de M. Matthieu Orphelin, CE1583 de Mme Monique Limon et CE1209 de Mme Delphine Batho sont retirés.

La commission adopte lamendement CE2049, ainsi rectifié une seconde fois.

Elle en vient à lamendement CE1243 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Le rapport sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques de décembre 2017, établi conjointement par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), recommande l’exclusion immédiate de pesticides identifiés comme les plus préoccupants en raison de leur caractère cancérogène, mutagène, reprotoxique ou perturbateur endocrinien. Il dresse la liste des produits pour lesquels il appelle la loi française à formuler une interdiction afin de contrer les incessants reports des échéances d’expiration des autorisations au niveau européen.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Ces interdictions de substances actives relèvent davantage du niveau réglementaire. D’ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, le rapport que vous citez précise bien que les marges de manœuvre de la loi, de l’ANSES et du Gouvernement sont assez faibles, et il ne préconise pas une interdiction de ces substances actives par la loi.

Le rapport souhaite, au contraire – vous pouvez vous reporter à la page 92 –, que la France porte directement ce dossier au niveau européen, qui est le bon niveau d’appréciation. En cas de blocage manifeste à Bruxelles, le rapport encourage le Gouvernement à prendre les mesures d’urgence que la loi lui permet déjà de mettre en œuvre, grâce à l’article L. 253-7 du code rural.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. J’espère que le Gouvernement appliquera les recommandations du rapport et qu’il fera rapidement usage de l’article L. 253-7 du code rural pour interdire au plus vite des substances qui sont très dangereuses.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques CE276 de la commission du développement durable et CE1790 de Mme Delphine Batho.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement vise à interdire, à compter du 1er décembre 2020, le fait de produire, stocker et vendre des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par les autorités communautaires.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement vise les marchés à l’exportation, car les produits en question sont déjà interdits d’utilisation en France.

Il existe un risque économique important pour les producteurs de produits phytopharmaceutique, alors que c’est aux pays qui importent ces produits de décider de leur niveau d’exigence sanitaire, et d’appliquer les mesures de précaution qui s’imposent. Sinon, nous créons artificiellement une distorsion de concurrence pour nos producteurs au bénéfice des producteurs étrangers.

Mme Delphine Batho. Je prends aussi la parole, finalement, car ces amendements sont trop importants. La France ne peut pas continuer à fabriquer et à exporter de l’atrazine qu’elle a interdit à la vente sur son territoire depuis un moment déjà.

Il y a une sorte d’hypocrisie qui consiste à interdire une substance dans l’Union européenne, mais à continuer à en fabriquer pour arroser le reste du monde. Et puis, dans ces conditions, nos agriculteurs auraient beau jeu de contester une interdiction que nous ne voulons imposer qu’à eux seuls.

M. Nicolas Turquois. J’appelle simplement l’attention de Mme Batho sur la différence entre les produits interdits en France, pour lesquels j’entends ses arguments, et les produits qui ne sont pas autorisés parce qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une demande d’autorisation.

Un produit peut faire l’objet d’une demande d’autorisation uniquement pour le marché américain ou africain. Dans mon secteur professionnel, je sais que nous fabriquons des semences destinées à l’hémisphère Sud : elles sont traitées avec des matières actives homologuées dans les pays concernés alors qu’aucune demande n’a jamais été faite dans l’Union européenne à leur sujet.

Si l’on ne fait pas la différence, ces amendements peuvent poser des problèmes à nos entreprises.

M. Guillaume Garot. Comment peut-on soutenir qu’un produit serait dangereux ou toxique pour les Européens, et qu’il ne le serait pas pour d’autres êtres humains dans d’autres régions du monde ? Comment peut-on soutenir l’idée que nous n’aurions pas le droit de les utiliser, mais qu’il serait possible de les fabriquer et de les exporter ? Est-ce pour qu’ils servent aussi à traiter des produits que nous finissons par importer ? On ne peut pas entendre des choses pareilles.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il arrive effectivement qu’un certain nombre d’entreprises ne demandent pas d’autorisation pour le territoire français parce que le produit concerné n’y est pas utilisé.

La commission rejette les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE275 de la commission du développement durable, CE46 de M. Vincent Descoeur, CE682 de M. Fabrice Brun et CE1143 de M. Bertrand Pancher, ainsi que lamendement CE1770 de M. Guillaume Garot.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. L’amendement CE275 vise à interdire, pour la consommation humaine, les denrées alimentaires traitées avec des pesticides contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne. Cela permettra d’éviter toute distorsion de concurrence entre les producteurs européens et les producteurs des pays tiers.

M. Vincent Descoeur. Mon amendement est identique et vise à interdire l’importation en France de denrées produites en utilisant des substances interdites dans l’Union, même à doses résiduelles.

M. Thierry Benoit. Je n’aurai que trois mots pour soutenir l’amendement CE1143 : Union européenne, distorsion, réciprocité !

M. Guillaume Garot. L’amendement CE1770 a, en quelque sorte, pour objet d’étendre la « jurisprudence diméthoate », qui concernait les cerises, en interdisant l’importation de produits traités avec des molécules que les producteurs français ont l’interdiction d’utiliser. Comme vient de le dire si justement Thierry Benoit, il s’agit d’une harmonisation nécessaire des conditions de concurrence, et d’une exigence de cohérence pour nous-mêmes.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je partage totalement les préoccupations qui sont à l’origine de ces amendements, mais, en pratique, comment garantir qu’aucune trace de produits interdits dans l’Union européenne n’est présente dans les produits importés, même à doses résiduelles ?

Il faut retravailler sur ce sujet d’ici la séance pour prévoir, notamment, quelles compétences partagées de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et des services d’inspection sanitaire peuvent être mobilisées pour garantir que cette disposition serait correctement appliquée. En attendant, je demande le retrait des amendements – à défaut, j’y serais défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

M. Vincent Descoeur. Pour garantir qu’il n’y a pas de produits interdits, il faut essayer de les détecter !

M. Thierry Benoit. La réponse du rapporteur me fait réagir. Nous, nous votons la loi, c’est ensuite aux administrations de la faire appliquer.

La commission rejette successivement les amendements identiques et lamendement CE1770.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement CD2048 du rapporteur, qui fait lobjet des sous-amendements CE2151, CE2152, CE2150, CE2153 et CE2154 de Mme Delphine Batho, ainsi que les amendements CE277 de la commission du développement durable et CE1227 de Mme Delphine Batho.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le Président de la République a déjà pris des engagements en faveur de la limitation sous trois ans du recours à la substance active du glyphosate dans les produits phytopharmaceutiques (PPP) en France. Conformément à ces engagements, il convient également de prévoir les situations contraintes dans lesquelles les agriculteurs ne peuvent faire autrement que d’utiliser ce type de pesticides, soit qu’il n’y ait pas d’alternative disponible soit que des caractéristiques d’exploitation – agriculture en pente, recours à des méthodes de conservation des sols, c’est-à-dire non-labour – justifient des dérogations.

La dérogation sera toutefois doublement limitée. D’une part, une liste limitative et revue selon un rythme qui permettra de prendre en considération l’apparition de nouvelles alternatives sera fixée par arrêté, après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), pour autoriser la dérogation à l’utilisation de produits contenant du glyphosate ; d’autre part, pour chaque situation dérogatoire, un plafond d’utilisation de produit par hectare sera prévu afin de contribuer à la réduction substantielle de leur application, sans toutefois mettre les exploitants dans une situation d’impasse technique qui déstabiliserait leur activité.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avec mes collègues en charge de l’environnement et de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous avons lancé une concertation. Le projet de feuille de route comporte plusieurs actions pour rechercher et déployer des alternatives au glyphosate. Nous avons demandé un rapport à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), qui a précisé qu’il n’existait pas de solution clés en mains. Dans les prochaines semaines, nous annoncerons le résultat de la concertation et finaliserons le plan d’action, qui sera ensuite déployé notamment dans le cadre du plan « Écophyto ». La rédaction de l’amendement paraît difficilement applicable et contrôlable. Je demande son retrait.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Notre amendement vise à interdire au
1er juillet 2021 l’utilisation des PPP contenant la substance active du glyphosate. Le Président de la République a pris un engagement à l’horizon de trois ans. Une décision européenne a renouvelé l’autorisation dans le contexte de l’affaire Monsanto Papers et malgré le classement du glyphosate comme cancérigène probable par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est important de fixer une date, d’acter la fin de l’utilisation du glyphosate, avec une perspective en 2021.

Mme Delphine Batho. Notre rapporteur est un homme de parole, car nous avons eu un long débat sur le glyphosate en commission du développement durable et il avait annoncé qu’il proposerait une solution tenant compte de certaines situations particulières, comme l’agriculture de conservation des sols, qui représente 4 % de la surface agricole utile (SAU), tout en respectant l’engagement du Président de la République. L’amendement du rapporteur est un élément de clarification, et il est praticable, s’inspirant d’ailleurs des dispositions du code rural sur la sortie des néonicotinoïdes.

J’ai déposé plusieurs sous-amendements. Le premier précise que l’arrêté relatif aux dérogations est conjoint aux ministères de l’agriculture, de l’environnement et de la santé. Le second précise que les dérogations sont accordées quand il n’existe pas d’alternative. Le troisième remplace les mots « est nécessaire » par « peut être accordée ». Le quatrième borne dans le temps la possibilité d’accorder des dérogations. Le dernier corrige une erreur rédactionnelle.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. À la suite de l’intervention du ministre, qui indique qu’il précisera les choses après les arbitrages interministériels, je retire mon amendement, afin de le retravailler d’ici à la séance.

Je demande le retrait des autres amendements.

Lamendement CE2048 est retiré.

En conséquence, les sous-amendements tombent.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’émets un avis défavorable, d’autre part, sur les amendements CE277 et CE1227.

Le Président de la République a pris un engagement et la France est au premier rang pour mobiliser la recherche et les instituts techniques en vue de trouver les alternatives nécessaires. L’Europe a réautorisé le glyphosate pour cinq ans. La France souhaite trouver des solutions dans les trois ans, mais le Président de la République a été clair : pas d’interdiction sans substitution.

Toutefois, ce n’est pas parce que nous avons trois ans devant nous que nous devons attendre ; il faut mettre les bouchées doubles et nous avons prévu les moyens, pour l’INRA et l’ensemble des instituts. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a de nouveau été saisi, avec un cahier des charges rédigé par l’ANSES, et une étude complémentaire a été demandée au niveau de l’Union européenne. L’Allemagne, elle aussi, est en train de bouger, et de nombreux autres pays européens. Il faut travailler à des substitutions : rotation des cultures, changement des pratiques agronomiques… Mais en aucun cas nous ne souhaitons fragiliser les agriculteurs et les mettre face au mur. Avec cette palette d’outils, j’espère que nous serons au rendez-vous fixé par le Président.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. La France a pris le leadership sur ce sujet très important qui mobilise les opinions publiques. Nous avons bien conscience, en phase avec le Président de la République, qu’il ne faut pas surtransposer ; nous pourrons réellement progresser dans un cadre européen. En conséquence, compte tenu de l’ouverture et de l’engagement du rapporteur et du ministre, je retire l’amendement afin de le retravailler d’ici à la séance.

Lamendement CE277 est retiré.

Mme Delphine Batho. Je maintiens mon amendement et regrette que le rapporteur ait retiré le sien. Le tweet du Président de la République, c’est exactement l’inverse, à savoir que le glyphosate sera interdit en France dès que des alternatives seront trouvées et au plus tard dans trois ans. Le Gouvernement avait annoncé un plan de sortie du glyphosate pour la fin de l’année dernière ; il n’est toujours pas dans la feuille de route. Le monde agricole a besoin de se préparer. Si nous interdisons le glyphosate dans trois ans, c’est maintenant qu’il faut le dire. Enfin, le plan que l’Allemagne a présenté porte sur des dispositions réglementaires.

Mme Monique Limon. Nous sommes pour l’interdiction du glyphosate en France d’ici à 2021, mais avec un accompagnement des agriculteurs. Le Président de la République a été clair : on se passera du glyphosate d’ici à trois ans, et il existe des solutions dans à peu près 90 % des cas, mais, pour les 10 % restants, personne ne sera laissé sans solution. L’amendement de notre groupe, adopté par la commission du développement durable, allait dans le sens de l’accompagnement des agriculteurs qui n’auraient pas de solution d’ici à trois ans.

M. Antoine Herth. Je salue les propos du ministre à l’occasion des conclusions de la mission d’information sur les PPP. Je me suis permis d’insister, dans le cadre d’une contribution, sur la nécessité de préciser rapidement la feuille de route, à savoir les étapes à franchir pour atteindre l’objectif fixé par le Gouvernement. J’ai toujours pensé que le rôle premier du Parlement était de veiller à ce que les procédures soient respectées. Or notre procédure inclut l’expertise de l’ANSES.

Des questions sont toutefois posées – Mme Batho les soulève régulièrement – concernant l’expertise des agences européennes. Des membres du Gouvernement se sont déplacés en Italie pour insister sur ce point. C’est important. Chaque fois que l’on peut améliorer les procédures, il faut le faire. Je souhaite également que nous progressions dans le domaine de la santé publique : trop peu de données sont exploitées pour préciser la dangerosité de certains produits phytopharmaceutiques.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Vos questions sont légitimes et je les fais miennes. Cependant, je dois évoluer dans un cadre à la fois réglementaire et législatif, européen et français. Nous nous sommes engagés à trouver des solutions dans les trois ans, mais le Président de la République a bien dit qu’il n’y aurait pas d’interdiction sans substitution, car on ne saurait mettre les gens au pied du mur. Cela ne signifie pas que nous restions les bras ballants. La feuille de route sera présentée le 25 avril. Des rapports ont été remis en fin d’année dernière par l’INRA, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAER), le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), indiquant qu’il n’y avait pas de solution clé en main si ce n’est la rotation des cultures, le changement des pratiques agronomiques, la formation, tous sujets que nous avons abordés ici ensemble. Les propositions de la feuille de route émaneront de la concertation. Le 25 avril, c’est avant l’examen du texte en séance ; les deux seront utiles pour l’enrichir dans le sens que vous souhaitez.

La commission rejette lamendement CE1227.

Elle examine ensuite lamendement CE1253 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement concerne la transparence des données sur les usages des phytosanitaires.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Vous souhaitez que le registre d’utilisation des produits phytopharmaceutiques, dont la tenue est obligatoire en application de l’article L. 257-3, soit disponible en open data. Les exploitants doivent le conserver cinq ans et les informations qu’ils doivent contenir sont précisées par l’arrêté du 16 juin 2009. Y sont notamment consignés toutes les utilisations de produits phytopharmaceutiques et biocides.

Votre proposition pose plusieurs problèmes. D’une part, contrairement à ce que vous indiquez, ce n’est pas l’administration qui détient ces registres mais les agriculteurs. Je ne sais pas comment des milliers d’agriculteurs pourraient s’organiser pour créer et tenir un site internet commun pour diffuser leurs informations en open data et garantir leur anonymat. D’autre part, ces registres sont des cahiers adaptés à l’usage des agriculteurs et je ne suis pas sûr qu’ils soient compréhensibles pour le commun des mortels. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Article 14 octies
(article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime)
Formation à la sobriété dans lusage des produits phytopharmaceutiques

La plupart des formations nécessaires à l’obtention d’un certificat permettant l’utilisation, la vente ou le conseil en matière de produits phytopharmaceutiques (dit « certiphyto ») contiennent déjà des présentations en faveur de la réduction de l’usage des PPP et des méthodes alternatives, notamment en matière de biocontrôle ou de préparations naturelles peu préoccupantes.

Votre rapporteur a proposé cet amendement afin de formaliser l’obligation de prévoir des formations spécifiques à la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et aux alternatives, à la fois pour la primodélivrance du certiphyto et pour son renouvellement.

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La commission examine ensuite, en discussion commune, lamendement CE2052 du rapporteur ainsi que les amendements identiques CE280 de la commission du développement durable et CE1563 de Mme Monique Limon.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La plupart des formations nécessaires à l’obtention d’un certificat permettant l’utilisation, la vente ou le conseil en matière de produits phytopharmaceutiques contiennent déjà des présentations en faveur de la réduction de l’usage des PPP et des méthodes alternatives, notamment en matière de biocontrôle ou de préparations naturelles peu préoccupantes. L’objet de cet amendement est de formaliser l’obligation de prévoir ces formations spécifiques à la réduction de l’utilisation des PPP et aux alternatives, à la fois pour la première délivrance du « certiphyto » et pour son renouvellement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Notre amendement est très similaire. Nous aurons eu le mérite de lancer le débat. Je fais confiance à Jean-Baptiste Moreau pour une rédaction plus robuste. L’important, c’est de comprendre que les certificats délivrés aux professionnels seraient conditionnés à une formation sur des pratiques alternatives, dont les produits de bio‑contrôle.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. C’est du bon travail. L’enseignement agricole est déjà pleinement mobilisé sur l’agro-écologie. Je suis favorable à l’amendement du rapporteur sous réserve que le délai soit prévu de façon à permettre à tous les acteurs concernés de se préparer à cette nouvelle règle, et 2022 me semble à cet égard une bonne échéance.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’accepte volontiers cette modification.

Les amendements CE280 et CE1563 sont retirés.

La commission adopte lamendement CE2052 tel quil vient dêtre rectifié.

Article 14 nonies
(articles L. 510-1 et L. 514-7 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Promotion de la réduction de lutilisation des produits phytopharmaceutiques par les chambres dagriculture

Cet article, adopté à l’initiative de Mme Monique Limon et des membres du groupe La République en Marche, permet d’inclure, dans les missions des chambres d’agriculture, la contribution à la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. En outre, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) devra rendre compte, dans un rapport annuel au Parlement, des actions menées en la matière par ses membres.

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La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1578 de Mme Monique Limon et CE281 de la commission du développement durable.

Mme Célia de Lavergne. Il s’agit d’inscrire dans les missions des chambres d’agriculture, qu’elles soient régionales ou départementales, la promotion de la réduction de l’utilisation des PPP.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je remercie la commission du développement durable d’avoir eu cette initiative, car cela m’a permis d’engager une discussion avec le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), qui est favorable à cette possibilité. Le groupe majoritaire a rédigé un amendement qui me semble plus complet que celui de la commission du développement durable, dont je demande donc le retrait au profit du premier.

Lamendement CE281 est retiré.

La commission adopte lamendement CE1578.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE1598 de Mme Célia de Lavergne et CE282 de la commission du développement durable.

Mme Célia de Lavergne. Une demande sociétale forte, aujourd’hui, est que les associations de consommateurs, les associations de protection de l’environnement et les collectivités territoriales fassent partie de la gouvernance des chambres d’agriculture. L’amendement que présentera la rapporteure pour avis crée un collège à cette fin. Comme notre méthode repose sur la concertation, nous avons proposé, après discussion avec l’APCA, une autre rédaction aux termes de laquelle les représentants des associations et des collectivités seront présents dans la gouvernance par le biais de personnalités qualifiées. C’est l’objet de cet amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. La commission du développement durable a en effet souhaité ouvrir la gouvernance des chambres d’agriculture aux organisations représentant les consommateurs, aux collectivités territoriales et aux associations de protection de la nature. C’est une voie de progrès, à définir de façon plus précise avec l’APCA.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je remercie Mme de Lavergne d’avoir été à l’origine de cet amendement de la commission du développement durable et d’en avoir proposé une version modifiée. L’idée est intéressante et le président de l’APCA ne s’y est pas formellement opposé, mais sa mise en œuvre me semble devoir attendre le lendemain des prochaines élections aux chambres d’agriculture, à la fin de l’année. Cela aura au moins eu l’immense mérite de provoquer le débat, et je pense qu’il y aura des évolutions rapidement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cela a en effet permis d’ouvrir le débat, notamment avec les chambres et les organisations syndicales agricoles. Cela dit, la composition des instances des chambres d’agriculture relève du règlement et non de la loi. Par ailleurs, des élections auront lieu d’ici au mois de janvier et l’on ne change pas les règles six mois avant. Quand les nouvelles instances auront été désignées, l’ensemble de nos interlocuteurs, comme ils en ont accepté le principe, travailleront sur ces questions dans la concertation. Je demande le retrait des amendements.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Je propose de rectifier l’amendement de façon que la mesure s’applique seulement après l’élection aux chambres. D’agriculture

M. Thierry Benoit. Il reste quatre mois aux auteurs de ces amendements pour nous dire ce qu’ils attendent des chambres consulaires, qui sont des établissements publics à caractère économique, avant de parler de leur composition.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je souligne une nouvelle fois que la question n’est pas du domaine législatif mais réglementaire, et que ce travail sera fait.

Mme Célia de Lavergne. J’entends bien, mais nous sommes dans une période sans précédent et les États généraux de l’alimentation (EGA) reposent sur l’idée d’un travail collectif. Notre amendement va dans le même sens que certains amendements présentés précédemment : l’élément clé reste le consommateur, les choix qu’il fera et ses attentes vis-à-vis du monde agricole. Dans cette période de transition, il me semble important de rester fidèles au consensus qui s’est dégagé au cours des EGA.

M. Grégory Besson-Moreau. Ce qui nous a toujours caractérisés, chère collègue, c’est le pragmatisme et la bienveillance, et ce qui nous caractérisera si nous adoptons ces amendements, c’est la brutalité. Il faudrait, avant de prendre une telle décision, conduire une réelle étude d’impact qui précise les problèmes, départementaux, régionaux, que la mesure est susceptible d’engendrer.

M. Jean-Pierre Vigier. Je partage la position de M. le ministre et de M. Benoit. Prenons le temps de redéfinir les champs de compétence des chambres d’agriculture, et c’est en fonction de ces missions que nous ajusterons au mieux leur composition. Ces amendements sont beaucoup trop brutaux.

M. Jean-Claude Leclabart. Au-delà des compétences à revoir, il faudra aussi définir qui finance les chambres d’agriculture.

Mme Célia de Lavergne. Je vais retirer notre amendement mais, puisque les États généraux ont posé la question sans aboutir à des conclusions, j’aimerais qu’un travail soit prévu à cet effet dans la feuille de route. Il me semble important, dans la mesure où nous donnons des missions de plus en plus importantes à ces chambres, de leur accorder un intérêt particulier.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Je retire également celui de notre commission, dans la mesure où notre but était que le débat ait lieu.

Les amendements sont retirés.

La commission examine lamendement CE289 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Il s’agit de rétablir une disposition qui avait été votée par le Sénat et l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi pour une reconquête de la biodiversité, mais qui avait été ensuite censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle faisait référence à une catégorie exclusive d’opérateurs, en l’espèce les associations « loi de 1901 ». Par cet amendement, nous vous proposons donc d’autoriser les échanges de semences anciennes à titre onéreux, mais sans réserver ceux-ci à une catégorie particulière d’opérateurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Une telle règle serait contraire au droit de l’Union européenne, qui encadre les règles de production et de commercialisation des semences lorsqu’elles sont destinées à une utilisation agricole, que ce soit dans un cadre professionnel ou amateur. Ainsi, la directive de 2009 précise que, pour être commercialisés, les semences ou matériels doivent faire l’objet d’un certificat d’obtention végétale (COV) délivré par l’État membre. Ce certificat est important car il permet de faire respecter la réglementation, notamment les obligations d’étiquetage, et de garantir l’identité des semences ainsi que leur qualité, soit leur faculté germinative. L’absence de réglementation ne permettrait donc plus de garantir la commercialisation de produits sains et loyaux et ouvrirait la porte à de nombreuses fraudes potentielles, même s’il ne s’agit ici que des semences anciennes tombées dans le domaine public.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable également. Cet amendement est incompatible avec la réglementation européenne. La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, en 2012, un avis dans lequel elle indique que les dispositions européennes actuelles permettent de concilier le respect de la directive de 2002 et la conservation des variétés anciennes et locales, grâce à la directive 2009/145/CE, qui prévoit une procédure simplifiée d’inscription au Catalogue pour les variétés de conservation.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE1144 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Au cours des travaux de la mission d’information commune sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, nous avons exploré les pistes qui permettraient de réduire l’utilisation de ces produits dans les grandes cultures. L’une de ces pistes consiste à procéder, notamment pour la culture du blé, à des mélanges de variétés, qui permettent de diminuer la sensibilité des cultures aux maladies fongiques. Or, la commercialisation de ces mélanges est interdite par la loi ; une directive de 1966 l’autorise, mais elle n’a jamais été explicitement transcrite dans le droit national, de sorte que la commercialisation de mélanges n’est actuellement autorisée qu’à titre dérogatoire. Pour que l’ensemble de la chaîne céréalière se mobilise et identifie notamment les mélanges de variétés qui correspondent aux différentes qualités de pain recherchées, il nous faut lui envoyer un signal. Celui-ci pourrait consister à autoriser explicitement la commercialisation de tels mélanges.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Le droit actuel prévoit des dérogations afin de tenir compte de l’intérêt agronomique de certains mélanges de semences, lesquels ne sont donc pas interdits à la commercialisation tant qu’ils s’inscrivent dans le cadre défini au niveau européen. Par exemple, une directive du 30 août 2010 autorise les États à prévoir des procédures d’autorisation spécifique pour la commercialisation des mélanges de semences destinés à la préservation de l’environnement. La commercialisation de ces mélanges est ainsi encadrée, en ce qui concerne les mélanges de semences fourragères, par un décret du 14 décembre 2011. En visant à autoriser la commercialisation de tous les mélanges de semences, votre amendement est contraire au droit de l’Union européenne, qui n’autorise que des dérogations.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable.

M. Antoine Herth. Je signale tout de même que la politique agricole commune (PAC) impose de mélanger deux semences différentes dans le cadre du semis d’engrais verts entre deux cultures. Or, lorsque l’agriculteur se présente chez son fournisseur, celui-ci lui donne deux ou trois sacs de semences différentes qu’il doit ensuite mélanger lui-même, s’exposant ainsi à la poussière, voire à divers insecticides lorsque les semences sont traitées. Autoriser, en s’entourant bien entendu des garanties nécessaires, la commercialisation de mélanges préalables permettrait donc de protéger l’agriculteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis bien conscient de cette problématique, mais il faut faire évoluer le cadre européen si nous voulons progresser dans ce domaine.

M. Nicolas Turquois. La remarque de M. Herth m’étonne beaucoup car, dans le cadre des cultures intermédiaires, on peut acheter des mélanges préparés.

M. Antoine Herth. On peut acheter un sac contenant différentes variétés, mais celles-ci ne sont pas mélangées.

M. Nicolas Turquois. Si !

M. le président Roland Lescure. Ce n’est peut-être pas le cas partout…

La commission rejette lamendement.

Article 14 decies
(article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime)
Préservation de la biodiversité et des sols dans lenseignement agricole

Cet article, adopté à l’initiative de Mme Monique Limon et des membres du groupe La République en Marche après un sous-amendement de votre rapporteur, prévoit que les formations de l’enseignement professionnel agricole contribuent à la préservation de la biodiversité et des sols.

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Puis la commission examine lamendement CE1552 de Mme Monique Limon, qui fait lobjet du sous-amendement CE2100 du rapporteur.

Mme Monique Limon. Cet amendement vise à compléter la liste des missions confiées aux établissements d’enseignement agricole afin d’y intégrer la préservation de la biodiversité et des sols ainsi que la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. En effet, les établissements ou organismes d’enseignement, de formation professionnelle et de développement de la recherche agronomique et vétérinaire sont un relais essentiel pour la diffusion des bonnes pratiques en la matière.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Par le sous-amendement CE2100, je propose de ne conserver que le 2° de votre amendement. En effet, le 1° est déjà satisfait puisqu’aux termes de l’article L  800-1 du code rural et de la pêche maritime, les établissements d’enseignement ou de recherche agricole assurent déjà l’acquisition et la diffusion de connaissances et de compétences en matière d’agro-écologie, ce qui inclut la préservation de la biodiversité et des sols.

Quant au 3°, il pose problème, car l’article L. 811-1 du même code, relatif à la formation professionnelle agricole initiale et continue, définit les missions de ces établissements de façon très générale, puisqu’elles consistent dans la formation générale, technologique et professionnelle, l’animation et le développement des territoires, l’insertion des jeunes et l’insertion sociale et professionnelle des adultes ou encore l’innovation agricole et agroalimentaire. L’objectif que vous proposez d’y ajouter apparaît ainsi comme beaucoup trop précis.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement du rapporteur.

La commission adopte le sous-amendement CE2100.

Puis elle adopte lamendement CE1552 sous-amendé.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1121 et CE1120 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. La visite médicale est obligatoire pour les salariés agricoles, mais elle ne l’est pas pour les non-salariés, notamment les chefs d’exploitation, ni pour les membres de leur famille.

L’amendement CE1121 tend donc à créer un parcours de soins spécifique pour les chefs d’exploitation agricole et leur famille, sous la forme, par exemple, d’une coordination entre la médecine de ville – qu’il s’agisse des généralistes ou des psychiatres, car on sait que les exploitants sont parfois fragilisés au plan psychologique par les conditions économiques de leur activité – et les médecins du travail de la Mutualité sociale agricole (MSA), par exemple via le dossier médical partagé, qui permettrait de collecter des données épidémiologiques propres à cette population.

Quant à l’amendement CE1120, il vise à étendre aux chefs d’exploitation et aux membres de leur famille la visite médicale actuellement obligatoire pour les salariés.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Vous visez l’article L. 1 du code rural, qui définit les objectifs de la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation. Or le parcours de soins que vous souhaitez créer relève, non pas de cette politique, mais de la politique de santé et de la MSA. L’article L. 1 doit rester généraliste.

En outre, les dispositifs proposés auraient un coût non négligeable, voire très important. Ces deux amendements n’ont donc pas leur place dans ce texte et devraient être discutés dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Il convient de rappeler que c’est la médecine du travail qui a pour mission de prévenir les altérations de la santé dues au travail. Le suivi médical des salariés constitue ainsi une obligation pour les employeurs de main-d’œuvre, qui en supportent intégralement le financement. Compte tenu des risques professionnels importants auxquels sont soumis les exploitants, la possibilité leur a été offerte d’adhérer volontairement au dispositif de surveillance médicale du travail des salariés agricoles en s’acquittant d’une participation dont le montant est fixé par le conseil d’administration de la caisse centrale de la MSA.

La généralisation du dispositif aurait pour conséquence d’assujettir l’ensemble des exploitants, et non plus les seuls volontaires, à cette participation financière. Or, il n’est pas envisageable, compte tenu de la situation économique de nombreux exploitants, de leur imposer une nouvelle charge financière, d’autant que la loi a pour objectif de leur permettre de tirer un meilleur revenu de leur travail.

Quant au suivi médical des familles des exploitants, il ne peut être assuré par la médecine du travail, qui éprouve déjà de grandes difficultés à assumer ses missions actuelles, en raison notamment d’un manque de médecins. En outre, il n’est pas envisageable, pour des raisons déjà évoquées, d’augmenter les cotisations sociales pour en assurer le financement. Je vous invite donc, madame la députée, à retirer ces amendements.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. En tant que membre de la commission des affaires sociales, je maintiens ces amendements. Je souhaite leur donner une chance d’être suivis au moins par le ministère de la santé.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1791 de M. Dominique Potier, CE1226 de Mme Delphine Batho, CE304 de la commission du développement durable et CE1567 de Mme Monique Limon.

Mme Delphine Batho. Les amendements CE1791 et CE1226 visent le même objectif, mais par des méthodes différentes. Cet objectif est d’inscrire dans la loi les dispositions de la proposition de loi de nos collègues sénateurs Nicole Bonnefoy et Bernard Jomier, qui a été adoptée à l’unanimité par la Haute assemblée. En effet, quelle que soit sa position sur les pesticides, chacun sait que les agriculteurs sont les premières victimes des effets sanitaires de ces substances et convient que les maladies qui résultent de l’exposition à ces produits – maladie de Parkinson, lymphome malin non hodgkinien… – doivent donner droit à une réparation intégrale du préjudice subi.

L’Inspection générale des finances (IGF), le CGAAER et le CGEDD viennent de rendre public un rapport commun dans lequel il est indiqué que la création d’un fonds d’indemnisation par la loi est une réponse pertinente aux limites actuelles de l’indemnisation. Ce rapport chiffré prouve donc qu’il est possible de prendre une telle mesure et propose d’adosser ce fonds au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA).

Bien entendu, nous avons opté pour une rédaction qui permette à nos amendements d’échapper au couperet de l’article 40 de la Constitution, à charge pour le Gouvernement de la modifier.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. La commission du développement durable a soutenu la proposition de Mme Batho, car nous souhaitons que soient inscrites dans le marbre de la loi les dispositions de la proposition de loi de Mme Bonnefoy. Certes, l’amendement CE304, par lequel nous proposons de demander au Gouvernement un rapport sur le sujet, n’est pas forcément à la hauteur de cet enjeu très important. Mais c’est un appel que nous lui lançons pour qu’il prenne en compte cette préoccupation et avance sur ce sujet.

Mme Monique Limon. Par l’amendement CE1567, nous proposons de demander au Gouvernement d’étudier de manière approfondie les modalités selon lesquelles un fonds d’indemnisation des victimes pourrait être créé. Si les effets négatifs des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et la santé humaine sont aujourd’hui connus dans leur ensemble, une attention limitée est accordée à leurs victimes directes et indirectes : leur nombre est sous-évalué et leur prise en charge largement insuffisante. J’ajoute que cet amendement reprend la proposition n° 3 du rapport de la mission d’information commune sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. En ce qui concerne les amendements CE304 et CE1567, les rapports demandés existent déjà, puisqu’ils ont été rédigés dans le cadre de la préparation du projet de loi. Je suggère donc que ces amendements soient retirés. Sur le CE1791 et le CE1226, je préfère laisser le Gouvernement s’exprimer, car il s’agit d’un sujet très important qui, de surcroît, me touche personnellement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Là aussi, nous souhaitons pouvoir avancer. Le rapport de l’IGAS et du CGAAER, dont a fait état Mme Batho, explore différentes pistes, parmi lesquelles figurent la révision du système des maladies professionnelles et la création d’un fonds d’indemnisation. Le choix du Gouvernement s’est porté sur la révision du système de reconnaissance des maladies professionnelles, qui suppose une actualisation des tableaux des maladies professionnelles, une harmonisation des décisions de reconnaissance de ces maladies prises par les comités régionaux, un travail de concertation avec les représentants professionnels agricoles ainsi que la saisie de l’INSERM et de l’ANSES pour qu’ils établissent la base scientifique sur laquelle seront prises les décisions de reconnaissance. Ce travail est mené par les ministères de l’agriculture, du travail, de la santé et des solidarités et de la transition écologique et solidaire. Compte tenu de ces éléments, je souhaite que les amendements soient retirés ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme Delphine Batho. Outre qu’une révision du système des maladies professionnelles doit en tout état de cause intervenir – la commission chargée de cette révision ne s’étant pas réunie depuis deux ans et demi –, le rapport conjoint de l’IGF, du CGEDD et du  et du CGAAER démontre de façon remarquable, d’une part, que cette révision ne réglera pas la question de la réparation intégrale du préjudice, qui demeurera forfaitaire, et, d’autre part, qu’elle ne remédiera pas au fait que l’indemnisation est actuellement nettement plus faible pour les exploitants que pour les salariés agricoles. Si ce rapport, commandé par votre prédécesseur, monsieur le ministre, conclut à la nécessité de créer par la loi un fonds d’indemnisation adossé au FIVA – de fait, la France possède un savoir-faire dans la gestion de ce type d’indemnisation –, il faut le suivre. Nous poursuivrons donc le combat en séance publique.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Vous avez raison, madame Batho : la commission ne s’est pas réunie depuis deux ans et demi. Mais je veux préciser que nous agirons sans tarder, avant la fin de l’année, car nous avons besoin de réviser les tableaux des maladies professionnelles et de disposer de recommandations pour pouvoir harmoniser les décisions de reconnaissance.

Lamendement CE1567 est retiré.

M. le président Roland Lescure. Pouvez-vous nous rappeler votre avis sur les trois amendements restant en discussion, monsieur le rapporteur ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission sur l’amendement CE1226 et suis défavorable aux deux autres.

La commission rejette successivement ces amendements.

Puis elle examine lamendement CE1127 de Mme Elisabeth ToututPicard.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Le plan national santé-environnement (PNSE) doit permettre de réduire les impacts des facteurs environnementaux sur la santé afin de permettre à chacun de vivre dans un environnement sain. Ce plan, renouvelé tous les cinq ans, en est à sa troisième mouture – 2015‑2019 – et il est décliné dans les territoires à travers les plans régionaux santé-environnement (PRSE).

L’amendement propose d’intégrer dans les objectifs de prévention du PNSE et des PRSE la prise en compte des impacts sanitaires des produits phytopharmaceutiques et des perturbateurs endocriniens.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement me semble satisfait : en effet, le plan national et les plans régionaux intègrent nécessairement les enjeux environnementaux puisque c’est leur fonction. Ils visent aussi les effets sur la santé des agents chimiques et biologiques, ce qui inclut les produits phytopharmaceutiques et les perturbateurs endocriniens.

Quant au volet dédié à la qualité de l’air, il n’apparaît peut-être pas explicitement dans la loi mais l’amendement reste satisfait car le PNSE 2015-2019 intègre un plan « qualité de l’air intérieur ».

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable également.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. La notion de suivi de la qualité de l’air n’est pas aussi précise que M. le rapporteur le laisse entendre. Les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) se limitent aux concentrations de dioxyde de carbone et d’oxyde d’azote issues par les véhicules à combustion thermique. Elles ne mesurent pas la présence de particules de produits phytopharmaceutiques dans l’air. C’est la raison pour laquelle il me semble important d’indiquer clairement que ces plans prennent en compte leur impact.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1254 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement vise à intégrer dans le champ de l’ANSES la prise en compte des effets « cocktail », définis comme « les risques liés aux effets additifs, synergiques, potentialisateurs ou antagonistes de la combinaison de ces produits au regard des principaux mélanges auxquels la population est exposée ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces effets constituent un risque important et de plus en plus reconnu. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Les travaux scientifiques doivent se poursuivre pour améliorer la connaissance des effets « cocktail », et les lignes directrices sont actualisées en prenant en compte les derniers acquis de la recherche. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1736 et CE1737 de M. Dominique Potier ainsi que les amendements identiques CE301 de la commission du développement durable et CE1229 de Mme Delphine Batho.

M. Guillaume Garot. Les États généraux de l’alimentation ont préconisé de créer une mission interministérielle pour formuler des recommandations sur l’information du public au sujet notamment des données évaluées, des procédures d’évaluation et des modalités de délivrance des autorisations de mise sur le marché.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. L’amendement CE301 donne au ministre chargé de l’environnement ou au ministre de la santé le pouvoir de faire retirer du marché un produit phytopharmaceutique alors qu’actuellement seul le ministre de l’agriculture peut s’opposer à la délivrance d’une autorisation de mise sur le marché et demander à l’ANSES un nouvel examen du dossier dans un délai de trente jours.

M. Jean-Baptiste Moreau. Monsieur Garot, les avis de l’ANSES sont publics et ils sont disponibles sur son site officiel qui constitue un support informatique destiné à l’ensemble des citoyens. Avis défavorable, donc, à l’amendement CE1736.

L’objet des autres amendements est clairement de rendre très difficile toute nouvelle autorisation de mise sur le marché de produits phytosanitaires car le veto, qui existe aujourd’hui pour le ministère de l’agriculture, est étendu au ministère de la santé et au ministère de l’environnement. Cela risque non seulement d’accentuer les tensions entre les ministères concernés et de gêner le travail indépendant mené par l’ANSES, mais aussi d’engluer toute mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques dont la nocivité n’est pas démontrée. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Comme le précisait le rapporteur, les avis de l’ANSES sont rendus publics. Il suffit de se rendre sur le site internet de l’agence pour y avoir accès tout comme aux nombreuses publications réalisées par cette belle institution. Avis défavorable, par conséquent, à l’amendement CE1736.

Quant aux trois autres amendements, ils tendent à déléguer au Premier ministre, au ministre chargé de l’environnement ou au ministre de la santé la faculté de s’opposer à l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de produits phytosanitaires, qui appartient aujourd’hui au ministre de l’agriculture. Je vois que la confiance règne : merci ! (Sourires.) Cela aurait un effet bloquant qui n’est pas souhaitable. J’ajoute que les décisions ne sont jamais prises de façon unilatérale et depuis le début de ce quinquennat, nous avons pris l’habitude de travailler de manière interministérielle. Je peux vous rassurer : tout va bien entre les ministères.

La commission rejette successivement les amendements CE1736 et CE1737 et les amendements identiques CE301 et CE1229.

Article 14 undecies
(article L. 5141-16 du code de la santé publique)
Publicité des vaccins vétérinaires

Aujourd’hui, la publicité pour les vaccins vétérinaires est autorisée à destination des professionnels habilités à les prescrire. Cet article, adopté à l’initiative de votre rapporteur, a pour objet d’étendre le public potentiel des publicités en faveur des vaccins vétérinaires aux éleveurs qui sont les premiers concernés : si le vétérinaire reste le seul responsable, par sa prescription, du choix du vaccin approprié, c’est bien l’éleveur qui fait le choix de vacciner ou non.

La vaccination des animaux est un puissant vecteur de diminution des antibiotiques, et donc un facteur de lutte contre l’antibiorésistance. Une meilleure information des éleveurs est donc une préoccupation de santé publique, car elle améliorera le dialogue avec les vétérinaires, sans contraindre la nécessaire liberté d’appréciation dont ces derniers disposent grâce à leur autorisation de prescrire et de délivrer.

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La commission est saisie de lamendement CE2047 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Aujourd’hui, la publicité pour les vaccins vétérinaires est autorisée quand elle est destinée aux professionnels habilités à les prescrire. Cet amendement a pour objet de l’étendre aux éleveurs qui sont les premiers concernés : si le vétérinaire reste le seul responsable, par sa prescription, du choix du vaccin approprié, c’est bien l’éleveur qui fait le choix de vacciner ou non.

Or la vaccination des animaux est un puissant vecteur de diminution des antibiotiques, et donc un facteur de lutte contre l’antibiorésistance. Nous savons que les plans antibiotiques successifs ont permis des avancées.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Voilà une publicité saine et durable. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1129 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Le statut d’entreprise des exploitations agricoles les empêche d’accueillir des volontaires de service civique. Cet amendement vise à permettre aux exploitations pratiquant l’agriculture biologique ou en conversion d’accueillir ces volontaires durant les cinq premières années d’exploitation.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le champ des associations, organismes et autres collectivités autorisés à accueillir des volontaires de service civique est suffisamment large. Et comme ces volontaires sont indemnisés par l’État, ils constitueraient une main‑d’œuvre quasi gratuite pour les exploitations bio, déjà subventionnées par les pouvoirs publics.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable à ce cavalier législatif.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1847 de M. Nicolas Turquois.

M. Nicolas Turquois. Cet amendement vise à demander un rapport au Gouvernement sur la recherche et le développement de nouvelles technologies constituant des alternatives efficaces à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je vous invite à vous référer au rapport rendu au début de ce mois par la mission commune dont vos collègues Didier Martin et Gérard Menuel étaient rapporteurs : il apporte beaucoup de réponses sur la question des alternatives.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous invite également à vous référer au rapport conjoint des corps d’inspection.

M. Nicolas Turquois. Je retire mon amendement, je pense que le Gouvernement a suffisamment de rapports à remettre au Parlement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1218 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. J’ai déposé cet amendement pour avoir l’avis du ministre sur la mise en œuvre de la recommandation n° 9 du rapport conjoint sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques établi par le CGEDD, l’IGAS et le CGAAER.

Le mécanisme d’assurance-risque change radicalement la façon dont on envisage les alternatives aux pesticides. Nous savons que si les agriculteurs ont tendance à recourir à l’excès aux produits phytosanitaires, c’est pour rechercher une sécurité face aux attaques des ravageurs contre leurs cultures. Or il est possible d’établir cette sécurité par d’autres moyens : en renouant avec les traditions d’assurance sociale, comme dans les Deux-Sèvres, ou d’assurance mutuelle contre le risque que représentent les ravageurs. Le Gouvernement compte-t-il explorer cette piste ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je laisse le ministre s’exprimer.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je partage le constat que vous venez de faire : pour certains agriculteurs, l’utilisation de produits phytopharmaceutiques répond à une logique assurantielle. Il n’existe cependant, ni en France, ni en Europe, de dispositifs d’assurances qui permettent de se substituer à cette logique pour des raisons d’asymétrie d’informations entre l’assureur et l’assuré. L’assureur ne peut pas couvrir le risque supplémentaire, non mesurable et non contrôlable, que prend sciemment l’agriculteur. Or c’est sa prise en compte qui permettrait de réduire le recours à ces produits.

Je ne peux pas donner d’avis favorable à votre demande de rapport, mais je suis pleinement conscient du fait qu’il faut traiter cette question.

Mme Delphine Batho. Je suis contre les amendements qui demandent des rapports au Gouvernement et je retirerai celui-ci. Mon but était d’appeler votre attention, monsieur le ministre. En Italie, des mécanismes d’assurance ont été testés comme alternatives aux néonicotinoïdes et cela a donné des résultats spectaculaires. Tout cela demande un travail d’investigation.

M. Thierry Benoit. Cet amendement me paraît d’importance stratégique. S’agissant des délais d’interdiction des produits phytosanitaires – trois ou cinq ans – et des périmètres de protection des lieux publics, nous voyons bien que les ministres restent la tête dans le guidon. L’amendement de ma collègue propose un rapport qui permettrait d’anticiper, donc de s’inscrire non plus dans le temps de l’urgence mais dans le court ou le moyen terme. Il mériterait d’être voté, je le dis sincèrement.

Mme Delphine Batho. J’aimerais que la commission des affaires économiques étudie l’opportunité de lancer une étude sur ce sujet.

M. le président Roland Lescure. Si cela ne vous dérange pas, nous attendrons d’avoir examiné les projets de loi ELAN et PACTE pour nous y atteler… (Sourires.)

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je vous fournirai des précisions ultérieurement, mais je peux d’ores et déjà vous dire qu’une étude est prévue dans le cadre de la feuille de route qui sera présentée la semaine prochaine.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1042 de M. Jean-Luc Fugit.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Cet amendement consiste à demander au Gouvernement de remettre au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2019, un rapport sur l’opportunité et les conditions de mise en place d’une surveillance de la présence de pesticides dans l’air.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ce rapport existe déjà : l’ANSES a publié en octobre 2017 les résultats d’une expertise collective des associations agréées pour la surveillance de la qualité de l’air (AASQA) en vue de la mise en œuvre d’une surveillance nationale des pesticides dans l’air.

La commission rejette lamendement.

Article 15
Habilitation à légiférer par ordonnances relatives à la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques, dextension des pouvoirs confiés à certains agents publics et de lutte contre le gaspillage alimentaire

1.   L’état du droit

a.   La séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques

L’encadrement juridique des activités de vente et de conseil en matière de PPP, d’abord issu de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, puis de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (« Grenelle 2 »), a été largement modifié par la loi « LAAF » du 13 octobre 2014, précitée. Cet encadrement juridique est vaste ; il porte par exemple sur les obligations de traçabilité des opérations de vente de PPP. Certaines dispositions concernent plus spécifiquement l’organisation des activités de conseil et de vente dans ce secteur.

L’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime précise ainsi que les activités de vente, de distribution et d’application de produits pharmaceutiques, ainsi que les activités de conseil associées doivent faire l’objet d’un agrément, au niveau de l’entreprise ou de la structure de distribution (dans les faits, beaucoup de coopératives agricoles proposent la vente directe de PPP à leurs adhérents ainsi que des prestations de conseil). Un autre agrément, le « certiphyto » précité, est délivré aux personnes physiques (les applicateurs, les conseillers, les utilisateurs professionnels, selon des modalités d’agrément différentes). En ce qui concerne les salariés certifiés « conseil » d’une structure agréée, ils doivent être présents pour toute opération de vente de PPP pour délivrer un conseil de sécurité (consignes et risques d’utilisation), souvent réalisé en même temps qu’un conseil spécifique, adapté à chaque exploitant – ce qui lie, dans les faits, une large partie des activités de vente et de conseil.

Certes, la LAAF a recherché une distinction plus nette de ces activités, par exemple en imposant que les personnes qui réalisent la vente et le conseil soient certifiées selon des modalités différentes – même si cela ne va pas jusqu’à séparer physiquement la profession des vendeurs et celles des conseillers – et que les salariés réalisant des missions de conseil ne puissent avoir une partie de leur rémunération indexée sur les résultats de vente de PPP de leur entreprise. La LAAF a également introduit le principe d’un conseil stratégique annuel obligatoire, distinct d’une opération de vente en théorie (il ne porte pas que sur les consignes ou les risques d’utilisation, mais sur la façon dont une exploitation peut, au mieux, se protéger ou s’améliorer grâce aux PPP), qui permet de déconnecter vente et conseil et de recourir davantage à des conseillers indépendants des entreprises ou coopératives qui vendent des PPP. Mais les dérogations prévues à l’article L. 254-7 tendent à annuler cet objectif : si le vendeur ne peut vendre un produit que si un conseil annuel a été délivré au client, il peut le délivrer préalablement à la vente si le client n’en a pas encore bénéficié.

De fait, en pratique, ce conseil annuel obligatoire est régulièrement dispensé à l’occasion ou préalablement à une opération de vente, dans le respect des dispositions présentées ci-dessus. La pratique consistant à intégrer le coût de ce conseil stratégique dans le prix des PPP vendus est souvent critiquée : le conseil permet de déterminer les PPP répondent au mieux aux besoins de l’exploitant, et la vente s’ensuit.

En conséquence, les efforts du Gouvernement pour réduire lutilisation des PPP par le biais dun conseil indépendant qui encouragerait les exploitants à davantage de sobriété ou à exploiter des alternatives moins nocives pour lenvironnement ou pour la santé humaine, sont restés vains. Lactivité – lucrative – de vente de PPP persiste à biaiser lactivité de conseil, comme lindique létude dimpact : « [le conseil] est essentiellement orienté vers ladaptation technico-économique des produits phytopharmaceutiques à la situation phytosanitaire prévisionnelle, plutôt que vers la promotion des solutions alternatives, lorsquelles existent, léconomie en produits ou la priorité donnée à des produits moins risqués. Il vise principalement à lamélioration des performances et lefficience phytosanitaire et ne prend pas nécessairement en compte les principes de la protection intégrée des cultures ».

D’autres mécanismes de contrôle et d’incitation ont donc été mis en place par le Gouvernement, notamment les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP).

b.   Les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques

Ces certificats ont été construits sur le modèle des certificats d’économie d’énergie (CEE), créés en 2006 pour réduire la demande énergétique. L’idée est la suivante : les vendeurs de PPP sont tenus de disposer, à une date fixée, d’une certaine quantité de CEPP, qu’ils obtiennent en promouvant des actions de sobriété dans l’usage de ces produits, ou en les acquérant auprès d’autres personnes – des conseillers indépendants, par exemple – ayant effectué des actions de même nature. Si le nombre de CEPP n’est pas atteint à la date fixée, des pénalités financières s’appliquent.

Plus précisément, l’article 55 de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAF) précitée, a habilité le Gouvernement à mettre en place, par ordonnance, « une expérimentation à l’appui du plan d’action ayant pour objet de réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques [Ecophyto 2], en définissant les personnes vendant des produits phytopharmaceutiques, autres que les produits de biocontrôle mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime, qui sont tenues de mettre en œuvre des actions à cette fin, les conditions dans lesquelles ces personnes peuvent satisfaire à ces obligations et un dispositif de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques qui sont délivrés aux personnes assujetties lorsqu’elles justifient avoir satisfait à leurs obligations à l’instar du précédent sur les certificats d’économies d’énergie ».

Si l’ordonnance n° 2015-1244 du 7 octobre 2015 relative au dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques, qui suivait cette habilitation, a été annulée en 2016 par le Conseil d’État pour un motif procédural, son dispositif a été intégralement repris par l’article 11 de la loi n° 2017-348 du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle.

Désormais, l’article L. 254-10 du code rural et de la pêche maritime prévoit que cette expérimentation se déroulera en métropole, pendant six ans (du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2022), selon les modalités suivantes :

– les personnes qui vendent à des utilisateurs professionnels des PPP, dont la liste est fixée par décret, sont soumises à des obligations de réalisation d’actions d’économie dans l’usage de ces produits, et ouvrant droit à la délivrance de CEPP. Ces distributeurs sont les « obligés » du système de certificats d’économie : ils doivent obtenir une quantité de CEPP corrélée au volume de leurs ventes de PPP ‑ cette obligation est calculée sur la base de 20 % de la moyenne des ventes de 2011 à 2015, hors traitements de semences et produits de biocontrôle ;

– les personnes assujetties à la réalisation d’actions peuvent également s’acquitter de leurs obligations par l’acquisition de certificats délivrés à des personnes tierces (« éligibles » du dispositif, qui réalisent par exemple des activités de conseil aux agriculteurs ou qui vendent du matériel agricole conforme aux exigences du dispositif des CEPP) qui, tout en n’y étant pas tenues, mettent en place des actions visant à la réalisation d’économie de ces produits et reçoivent des CEPP en échange. C’est donc une forme de marché secondaire des CEPP qui a été mis en place ;

– enfin, en cas de non-respect de ces obligations au 31 décembre 2021, une pénalité forfaitaire (5 euros par certificat manquant) sera appliquée, dans la limite de cinq millions d’euros par personne.

Selon l’étude d’impact, l’issue de l’expérimentation étant lointaine (2021), il est constaté qu’ « une proportion importante des distributeurs de produits phytopharmaceutiques ne se sont pas encore engagés dans la démarche et n’ont pas notifié d’actions ouvrant droit à des certificats » et « les entreprises de conseil agréées ne s’engagent pas dans le dispositif, aucune entreprise concernée n’ayant demandé à participer à celui-ci en qualité d’éligible », ce qui appelle à une réforme du dispositif. En effet, le principal frein économique à la valorisation des CEPP par les acteurs semble être le bornage du dispositif : après 2021, plus aucune obligation n’est prévue, ce qui grève de fait l’intérêt d’investir dans des démarches ouvrant droit à des CEPP.

c.   La lutte contre le gaspillage alimentaire

Comme le rappelle le rapport n° 3223 du 17 novembre 2015 de M. Guillaume Garot sur sa proposition de loi, devenue la loi du 11 février 2016, précitée, « le défi du gaspillage alimentaire (…) concerne l’ensemble de la planète : en 2050, nous serons passés de 7 milliards d’êtres humains à 9 milliards. Selon la FAO, il faudrait augmenter de 70 % la production agricole mondiale, tandis que 30 % de cette dernière sont aujourd’hui perdus. Dans les pays en voie de développement, les technologies logistiques (stockage, transport) sont insuffisantes et se traduisent par d’immenses pertes agricoles et agro-alimentaires dès la production, tandis que dans les pays riches, le gaspillage prévaut au stade de la consommation ».

Face à l’urgence de la réduction du gaspillage agricole, agro-alimentaire et alimentaire, la France a adopté plusieurs dispositifs législatifs afin de promouvoir des pratiques plus vertueuses.

Ainsi, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte, a amorcé la définition de la politique nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire. Son article 103 supprime l’obligation d’inscription, sur les produits alimentaires non périssables, tels que le sel ou le vinaigre, de la date de durabilité minimale (DDM), qui indique le moment à partir duquel le produit est non pas dangereux, mais risque d’avoir potentiellement perdu certaines de ses qualités nutritives ou gustatives.

De même, cette loi a intégré aux compétences de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), prévues à l’article L. 131-3 du code de l’environnement, la « prévention de la production de déchets, dont la lutte contre le gaspillage alimentaire ». Enfin, cette loi a créé l’article L. 541-15-3 du code de l’environnement, qui prévoit que l’État et ses établissements publics, ainsi que les collectivités territoriales, mettent en place une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire au sein des services de restauration collective dont ils assurent la gestion.

De façon plus spécifique, la loi « Garot » du 11 février 2016, précitée, comporte 4 articles afin d’améliorer la lutte contre le gaspillage alimentaire.

L’article 1er (article L. 541-15-4 du code de l’environnement) établit, d’abord, une hiérarchie des actions à mettre en place contre ce gaspillage. Il convient de prévenir en priorité la production d’invendus ; ensuite, valoriser l’alimentation produite non distribuée pour la consommation humaine (don alimentaire ou transformation, par exemple en soupes ou en jus de fruits pour les fruits et légumes) ; ensuite, la diriger vers la consommation animale ; enfin, privilégier la valorisation énergétique (méthanisation, par exemple).

Cet article crée, en outre, l’article L. 541-15-5, qui prévoit que les grandes et moyennes surfaces (GMS) doivent respecter la hiérarchie des actions précédemment présentée. Elles ont également l’interdiction de rendre impropres à la consommation ou à la valorisation les denrées alimentaires encore consommables qu’elles n’ont pas vendues : une amende de 3 750 € contre la « javellisation » des denrées comestibles a également été adoptée. Une sanction complémentaire de publicité de l’amende est également prévue.

Enfin, comme cela a été mentionné au commentaire de l’article 12 du présent projet de loi, les dons alimentaires entre les GMS dont la surface de vente dépasse 400 m2 et les associations habilitées à recevoir ces dons, conformément à l’article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime doivent être encadrés par une convention. Et c’est l’objet de l’article L. 541-15-6 de prévoir que ces mêmes GMS ont l’obligation de signer au moins une convention de don alimentaire de leurs denrées invendues avec une ou plusieurs associations habilitées.

L’article 2 (article 1386-6 du code civil) modifie le régime juridique de la responsabilité des producteurs du fait de produits défectueux. Cela permet d’autoriser le don alimentaire en provenance des industriels agro-alimentaires qui subissent des retours de palette, pour ce qui concerne les produits sous marque de distributeur.

L’article 3 (article L. 312-17-3 du code de l’éducation) prévoit explicitement que la lutte contre le gaspillage alimentaire fait partie intégrante du parcours scolaire, dans le cadre de l’éducation à l’alimentation, inscrite dans la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Enfin, l’article 4 (article L. 225-102-1 du code de commerce) insère la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le champ de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 15 comporte deux habilitations du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relevant de la loi.

a.   Ordonnances relatives à la vente et au conseil à l’utilisation de produits pharmaceutiques et relatives aux pouvoirs confiés à certains agents publics

Ces ordonnances devront être prises dans les six mois suivant la publication de la présente loi.

L’alinéa 2 va permettre au Gouvernement de prendre des mesures visant à séparer les activités de vente et les activités de conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Ces mesures pourront prendre plusieurs déclinaisons, dont la principale est la séparation capitalistique des structures exerçant ces activités : cela signifie qu’une entreprise ou une coopérative agricole devra choisir une activité à l’exclusion complète de l’autre. Ainsi, une entreprise de vente de PPP ne pourra pas créer une filiale en charge de prodiguer des conseils à leur utilisation. Une coopérative ne pourra limiter la séparation de la vente et du conseil à une séparation physique des personnels chargés de ces missions, ou encore séparer simplement la facturation de la vente et la facturation du conseil.

Le conseil prenant la forme d’informations relatives à l’utilisation, aux risques et à la sécurité d’emploi des produits cédés, restera associé à la vente : il s’agit notamment des notices d’utilisation ou des indications présentes sur l’emballage des produits concernés.

Les alinéas 3 à 6 portent sur la réforme corollaire des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP). L’objectif de la mesure sera de généraliser les CEPP au-delà de 2021, date à laquelle le régime s’éteint dans le droit existant, de prévoir de nouveaux seuils de CEPP à détenir avant 2021 et de généraliser ce dispositif dans les collectivités ultramarines. Selon le Gouvernement, dans le cadre de la pérennisation du dispositif, il pourrait être envisagé de fixer l’obligation non plus sur une année donnée mais sur plusieurs années, à l’instar du dispositif des certificats d’économie d’énergie. Le niveau de l’obligation dépendra du caractère annuel ou pluriannuel de cette obligation et de l’évolution qui sera constatée dans l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Enfin, les alinéas 7 et 8 visent à harmoniser, puis à étendre les pouvoirs de certains agents publics.

Dans un premier temps (alinéa 7), les inspecteurs de la santé publique vétérinaire, les ingénieurs ayant la qualité d’agent du ministère chargé de l’agriculture, les techniciens supérieurs du ministère chargé de l’agriculture et les vétérinaires et préposés sanitaires contractuels de l’État pourront se voir confier des pouvoirs de recherche et de constatation de certaines infractions relevant du code de l’environnement, en particulier celui de convoquer des personnes et de dresser des procès-verbaux, de façon similaire aux pouvoirs qu’ils détiennent pour certaines infractions du code rural et de la pêche maritime.

Les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) bénéficieront de la même extension de compétences.

Dans un deuxième temps (alinéa 8), ces mêmes agents habilités en application du code rural et de la pêche maritime pourront utiliser trois types de pouvoirs d’enquête, confiés aujourd’hui aux agents de la DGCCRF :

– masquer leur identité jusqu’à la constatation de l’infraction ou du manquement, si l’établissement de la preuve l’exige ;

– utiliser une identité d’emprunt pour contrôler la vente de biens et de la fourniture de services sur internet ;

– recueillir, sur place mais aussi sur convocation dans leurs locaux, tout renseignement, toute justification ou tout document nécessaire aux contrôles.

b.   Ordonnances relatives à la lutte contre le gaspillage alimentaire

Ces ordonnances devront être prises dans les douze mois suivant la publication de la présente loi.

L’alinéa 10 prévoit d’étendre l’obligation d’engager une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire aux services de restauration collective privés, et non seulement aux gestionnaires publics, comme le prévoit actuellement l’article L. 541-15-3 du code de l’environnement. Cette démarche s’accompagnera de la réalisation d’un diagnostic préalable.

L’alinéa 11 prévoit d’étendre les dispositions du code de l’environnement qui encadrent le don alimentaire des grandes et moyennes surfaces vers les associations d’aide alimentaire, notamment par la signature d’une convention obligatoire (article L. 541-15-6 du même code). Ces dispositions seraient désormais applicables à certains opérateurs du secteur agro-alimentaire (transformation et distribution de produits alimentaires, par exemple) et de la restauration collective (notamment dans les cuisines centrales).

L’alinéa 12 prévoit d’imposer à certains opérateurs, supposément les mêmes que pour l’alinéa précédent, de rendre publics leurs engagements contre le gaspillage alimentaire.

Rappelons que l’article 70 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit que certaines grandes entreprises et groupes d’entreprises renseignent leurs actions de lutte contre le gaspillage alimentaire dans le cadre de leur déclaration « RSE » de performance extra-financière. L’objet de cette disposition sera donc d’étendre cette obligation de publicité aux entreprises non concernées par la loi précitée, qui interviennent notamment dans le secteur de la transformation et de la distribution de produits alimentaires.

Enfin, l’alinéa 13 prévoit des mesures de nettoyage et de cohérence juridique d’une partie du code rural et de la pêche maritime.

3.   La position de votre rapporteur

La séparation des activités de vente et de conseil va, sans aucun doute, poser des problèmes économiques aux structures, notamment coopératives, qui cumulaient les deux et qui en faisaient une source stable de revenus. Par exemple, une coopérative qui choisirait l’activité de conseil, va nécessairement perdre les marges qu’elle obtenait grâce à la vente associée de PPP, tandis qu’une coopérative qui conservera la vente devra, plus qu’avant, recourir à des techniciens de conseil dont les prestations ne sont évidemment pas gratuites.

Toutefois, il est aujourd’hui impérieux que les agriculteurs comprennent que le conseil n’est pas gratuit, ce qui était le principal effet pervers du cumul vente/conseil. Aujourd’hui, il est difficile culturellement de faire payer la prestation de conseil, car les exploitants ont intégré qu’il faisait partie du prix de vente des PPP.

En conséquence, la séparation des activités de vente et de conseil devrait entraîner une baisse des prix pratiqués pour la vente des PPP, car les coûts de conseil sont aujourd’hui des coûts cachés, qui ne seront plus justifiés après la réforme. Le coût d’une prestation de conseil, lui, sera davantage visible : cela est d’ailleurs nécessaire car, en payant le prix d’un conseil annuel individualisé, qui gagnera à être développé, les exploitants pourront mettre en place une véritable stratégie d’amélioration des rendements et de protection des exploitations, voire de transition vers une utilisation plus agroécologique, lorsque cela est possible et pertinent.

Ce conseil pourra aussi être pluriannuel.

En ce qui concerne la réforme des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques, le caractère général de l’habilitation à prendre une ordonnance empêche de formuler des observations précises, le contenu de la réforme n’étant pas connu. Toutefois, votre rapporteur souligne que la pérennisation de ce dispositif est une avancée louable et que ces certificats doivent être développés.

De la même façon, l’extension par ordonnance de la loi « Garot » relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire est bienvenue, tant que le champ de cette extension est bien maîtrisé. Il faudra notamment veiller à ce que tous les exploitants agricoles ne soient pas tenus de signer des conventions avec des associations d’aide alimentaire, mais que les dispositions de cette ordonnance à venir ne concerne bien que les opérateurs agro-alimentaires, qui peuvent mettre en place une réelle stratégie de réduction de leurs pertes de production alimentaire.

4.   La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article après plusieurs modifications rédactionnelles, portées par votre rapporteur, et plusieurs précisions juridiques sur le champ des ordonnances, apportées par la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, par M. Dominique Potier et les membres du groupe Nouvelle Gauche et par M. Bruno Millienne.

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*     *

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement CE1263 de Mme Laure de La Raudière.

Elle examine ensuite lamendement CE781 de M. Julien Dive.

M. Jérôme Nury. La séparation du conseil et de la vente de produits phytopharmaceutiques est contraire à l’objectif des certificats d’économie des produits phytopharmaceutiques (CEPP). C’est pourquoi l’amendement vise à supprimer l’alinéa 2 de l’article.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La séparation de la vente et du conseil est un axe important du projet de loi. Sa suppression est malvenue, de même que tous les amendements qui, d’une façon ou d’une autre, visent à vider l’ordonnance de sa substance.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Puisque nous entamons l’examen de l’article 15, permettez-moi de m’attarder sur la séparation du conseil et de la vente, afin de répondre à l’ensemble des amendements qui s’y opposent.

Il existe quatre types de conseil : le conseil pluriannuel, qui est un conseil de transition lors du passage en agriculture biologique, notamment ; le conseil annuel individualisé, qui porte sur la production de l’année et l’organisation du traitement des produits phytosanitaires ; le conseil fourni lors d’une infestation ponctuelle, qui porte sur le choix des produits et sur leur quantité et, enfin, le conseil de sécurité relatif à l’utilisation des équipements de protection individuelle (EPI).

L’ordonnance prévue par cet article d’habilitation permettra d’organiser la séparation de la vente et du conseil, une mesure plébiscitée lors des États généraux de l’alimentation, car elle répond au défi sociétal d’une agriculture moins dépendante des produits phytosanitaires. Les résultats passés montrent que, dans ce domaine, il faut faire davantage que ce qui existe, comme le Président de la République s’y est fortement engagé pendant la campagne. J’émets donc un avis défavorable à la suppression de ces dispositions, dont le bien-fondé est avéré.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE113 de M. Dino Cinieri.

M. Thibault Bazin. Cet amendement vise non pas à supprimer l’alinéa 2 mais à en modifier la rédaction en ciblant davantage le champ du conseil annuel obligatoire, les autres conseils spécifiques demeurant compatibles avec la vente.

Un mot sur les coopératives : leur mission ne consiste qu’à acheter des produits pour le compte de leurs adhérents, et non à les leur vendre. Il n’existe donc aucun conflit d’intérêts.

S’il s’agit d’un engagement de campagne du président Emmanuel Macron, monsieur le ministre, il ne passe néanmoins pas à la campagne… (Sourires.)

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes motifs qu’à l’amendement précédent.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La séparation de la vente et du conseil doit nécessairement faire évoluer le paysage agricole socioéconomique et sociotechnique. Il faut rendre le conseil indépendant, parce qu’il joue un rôle-clé dans la stratégie de traitement et dans la dépendance de l’agriculture à l’égard des produits phytosanitaires. Le conseil annuel et le conseil pluriannuel appartiennent à l’évidence à cette catégorie, mais la séparation peut aussi valoir pour un conseil infra-annuel ; la rédaction de l’ordonnance permettra de le préciser. Avis défavorable.

M. Grégory Besson-Moreau. Je m’interroge moi aussi sur cette séparation, même si je n’y suis pas spécialement opposé. Je crains qu’elle n’accentue le mésusage des produits phytosanitaires : aujourd’hui, en effet, trois agriculteurs sur quatre ont confiance dans les coopératives. La séparation du conseil et de la vente les incitera à acheter les produits sur internet, comme le fait déjà un quart d’entre eux. Il en résultera des coûts supplémentaires pour les agriculteurs, qui n’en ont guère besoin en ce moment. Mieux vaudrait définir ce qui constitue un bon conseil. Le groupe Aubois Soufflet, par exemple, possède plus de cent parcelles sur lesquelles travaillent cinquante-cinq chercheurs. Leur but n’est pas de vendre des produits, mais des conseils. Le jour où le conseil sera séparé de la vente, ces chercheurs ne seront plus sollicités, et ce sont Bayer ou Monsanto qui fourniront alors les conseils à leur place. Je suis donc plutôt défavorable à cette mesure de séparation.

M. Nicolas Turquois. Je suis d’accord avec M. Besson-Moreau. Je comprends la philosophie qui sous-tend la séparation du conseil et de la vente, mais, au quotidien, il s’agit de techniciens de coopératives et de négoce qui examinent les champs et font des essais – avec un biais, assurément, et il faut les former, mais dans le contexte actuel, les agriculteurs n’investiront pas massivement dans des conseils indépendants, qui seront forcément plus chers. Cette bonne idée risque donc de produire un mauvais résultat.

Mme Monique Limon. Il faut pousser la logique à son terme : on ne saurait marteler le fait que les agriculteurs sont d’accord pour réduire voire supprimer l’utilisation des produits phytosanitaires et, dans le même temps, continuer de confier la vente et le conseil au même acteur. De fait, cela entraîne un conflit d’intérêt.

Les agriculteurs que j’ai rencontrés, même accompagnés de syndicats, font valoir que le coût du produit englobe déjà le coût du conseil. Il faut donc distinguer entre un conseil lié à tel ou tel produit et un conseil stratégique plus global et adapté aux productions des agriculteurs.

M. Thierry Benoit. Je déplore ce type de propositions. Pendant la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron avait semblé donner l’impression de vouloir bousculer les codes et bâtir son action sur le postulat de la confiance – en l’occurrence, la confiance envers les agriculteurs, leurs compétences, leur volonté et leur capacité de bien faire, mais aussi envers les agents technico-commerciaux qui parcourent les territoires et qui, mieux que quiconque, connaissent les agriculteurs ainsi que la nature des sols et celle des cultures auxquelles seront appliqués les différents traitements.

Avec cette mesure de séparation, chers collègues de la majorité, les grands groupes pourront se doter d’un service commercial et d’un service de conseil mais les distributeurs de proximité qui vendent des engrais, des produits du sol et des produits phytopharmaceutiques mourront, car ils n’auront pas les moyens de faire face. Le ministre prendra le décret sur les conseils de son administration : nous serons alors bien éloignés des réalités que je connais en Ille-et-Vilaine ou que Guillaume Garot connaît en Mayenne. Je le regrette, car on fait ainsi mourir à petit feu nos entreprises de proximité. On tue l’emploi local sous prétexte d’intellectualiser la situation ; le ministre, qui vient du département de la Manche, sait parfaitement de quoi je parle.

M. Antoine Herth. Cet article 15 pose plusieurs problèmes. Premièrement, est-il nécessaire de légiférer en habilitant le Gouvernement à prendre une ordonnance ? La loi « Sapin 2 », me semble-t-il, a déjà établi le principe de la séparation entre la vente et le conseil. Nous sommes donc dans une phase de mise en œuvre qui relève davantage du domaine réglementaire. De ce fait, je m’interroge sur la nécessité de modifier la loi.

Ensuite, le concept même de conseil donne lieu à une interprétation quelque peu schizophrène : le France tient en la matière un discours qui ne remonte pas à Emmanuel Macron mais à Nicolas Sarkozy, à l’époque du Grenelle de l’environnement, sur la réduction de la quantité de produits phytosanitaires – une logique dont l’aboutissement est la volonté du Président de la République de « sortir des phyto ». Nos voisins européens, quant à eux, privilégient la réduction de l’impact des produits phytosanitaires : plutôt que d’en abandonner l’usage, ils préfèrent l’améliorer en choisissant des produits dont l’impact sur la santé et les rendements est moindre. Vers quel type de conseil nous orientons-nous ? Il faut expliciter la parole publique.

M. Jérôme Nury. Cet article repose sur une philosophie que je comprends tout à fait : elle consiste à ne pas pousser les vendeurs – c’est-à-dire les laboratoires – à encourager la surconsommation de produits phytosanitaires ; c’est une bonne idée. Il en résultera cependant un surcoût considérable.

Au titre Ier du projet de loi, nous nous sommes employés à permettre aux agriculteurs de regagner des marges et de mieux vivre mais, avec cet article, nous leur imposons des charges supplémentaires. Le conseil coûterait entre 4 000 et 10 000 euros selon le type d’exploitation ; les agriculteurs n’ont pas besoin de cette charge supplémentaire. Je m’étonne qu’on la leur impose, d’autant plus que la profession lance un certain nombre de mesures dans le sillage des États généraux de l’alimentation – je pense aux contrats de solution, que le ministère a approuvés et qui viseront à améliorer et, in fine, à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Une obligation de séparation aussi abrupte ne me semble donc pas être une bonne idée.

M. Grégory Besson-Moreau. Je regrette, monsieur le ministre, d’avoir à contester cet article dont je sais qu’il correspond à une promesse du Président de la République, mais il me semble que nous devrions prendre un peu plus de recul. J’ai créé des sociétés de conseil. Un entrepreneur a toujours la possibilité de contourner la loi, par exemple en créant une autre société sans lien capitalistique ou financier avec la première – ce qui ne présente guère de difficulté. D’un côté, il fournira des conseils en réalisant des marges et, de l’autre, continuera de vendre des produits. En outre, comme le disait madame Limon, le conseil est déjà inclus dans le prix du produit, à quoi s’ajoutera le prix d’un conseil distinct !

Lors de l’achat d’un tracteur, le conseiller conseille, puis il vend le véhicule en question. Idem pour les machines-outils qui servent par exemple à épandre des produits : le conseiller est aussi le vendeur.

Mme Delphine Batho. Je dénonce le système actuel dans lequel les pouvoirs publics autorisent l’utilisation de substances dangereuses et en transfèrent la responsabilité aux agriculteurs, à qui ils demandent d’en utiliser le moins possible. La Commission européenne a malheureusement refusé d’interdire le glyphosate et les produits cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques, et voici que l’on présente comme une avancée significative le fait de déterminer qui peut conseiller et qui peut vendre. Il existe un conflit d’intérêts : les coopératives dépendent du chiffre d’affaires lié à la vente de produits phytosanitaires. Il faut résoudre ce problème.

Je m’interroge néanmoins sur la disposition proposée par le Gouvernement : dans les Deux-Sèvres, par exemple, à quoi aboutiront ces ordonnances ? Les coopératives continueront-elles de vendre sans pouvoir faire de conseil, alors qu’elles le font bien ? Ce serait un recul. Je crains en outre que ne s’en trouve encouragée la vente de produits en circuits parallèles, sur internet ou par des acteurs étrangers à l’objectif de maîtrise et de réduction de l’utilisation.

En somme, je comprends la simplicité de l’objectif consistant à résoudre un conflit d’intérêts, mais je me pose de nombreuses questions sur les conséquences concrètes de cette séparation.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Permettez-moi plusieurs remarques qui anticiperont peut-être la défense d’amendements issus des auditions que j’ai menées en tant que rapporteure pour avis de la commission du développement durable, y compris la consultation d’agriculteurs d’Ille-et-Vilaine, où je suis élue, et du long échange que j’ai eu avec la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles.

Certes, la séparation du conseil et de la vente ne résoudra pas tous les problèmes : les grandes firmes feront preuve de résilience. Il n’en demeure pas moins que le conflit d’intérêts est réel. Nous défendrons la mise en œuvre de l’engagement de campagne pris par le Président de la République, même si plusieurs questions se posent. Imaginons par analogie un vendeur de fenêtres, par exemple, qui serait également chargé du diagnostic de performance énergétique : à l’évidence, cette situation serait problématique.

Il faut donc séparer la vente et le conseil afin de faire émerger l’activité de conseil stratégique – nous défendrons un amendement en ce sens. Cela n’empêchera pas l’agent technico-commercial d’accompagner, comme il le fait déjà, la vente d’un produit et de conseiller l’agriculteur sur sa prescription et son utilisation, mais le conseil stratégique peut être le fait d’une profession indépendante.

M. Thierry Benoit. Tout cela n’est que de la théorie !

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Permettez-moi de conclure, monsieur Benoit. J’ajoute ceci : les jeunes agriculteurs que j’ai rencontrés demandent à être formés eux-mêmes sur ces questions pour enrichir leurs compétences. Nous devrons examiner la question du temps partagé afin de répondre à leur souhait.

Mme Monique Limon. Compte tenu des différences de points de vue des uns et des autres, il me semble que nous pourrons débattre à nouveau de ce sujet en séance. Pendant l’élaboration des ordonnances, nous aurons le temps de peser les avantages et les inconvénients de chaque option ; ce sera plus simple ainsi.

M. Vincent Descoeur. Je crains que la perspective d’un coût supplémentaire ne dissuade les agriculteurs de recourir au conseil et que le résultat produit in fine soit à l’opposé de l’objectif poursuivi.

M. Nicolas Turquois. Je partage les doutes de Mme Batho quant au système qui naîtra de cette séparation. Avant de la généraliser, peut-être serait-il judicieux d’expérimenter cette mesure dans certains départements pour en évaluer les effets sur la stratégie adoptée par les agriculteurs.

M. Jean-Claude Leclabart. Par pragmatisme, c’est le revenu des agriculteurs qui m’importe. Pour moi, un agriculteur responsable est celui qui recherche les meilleurs produits sur le plan technique et environnemental au moindre coût.

S’agissant du conseil technique, je rappelle que les centres d’études techniques agricoles (Ceta) ont été créés il y a trente ans. Ils ont été à l’origine de la réduction des doses en France. Certains d’entre eux existent encore aujourd’hui et se penchent notamment sur les techniques sans labour, qui en sont issues. Or, le problème tient au fait que l’on ne peut pas traduire l’acte d’achat chez le fabricant : en réalité, les agriculteurs se regroupent et financent les Ceta mais, lors de l’acte d’achat, ils sont contraints de passer par un négoce ou par une coopérative – en clair, par un organisme agréé.

Alors que nous nous employons à favoriser les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA), le moment n’est-il pas venu d’encourager les CETA et les groupements d’agriculteurs qui font eux-mêmes de la recherche ?

M. André Villiers. Le technicien de coopérative est à l’agriculteur ce que le médecin est au malade. Sans jeu de mots sur les ordonnances, il existe un lien entre la technique et son utilisateur.

M. le président Roland Lescure. Le médecin ne vend tout de même pas de médicaments…

M. André Villiers. Disons plutôt le pharmacien.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je comprends les doutes et le scepticisme : c’est une mesure difficile à mettre en œuvre – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle le sera par ordonnance, à l’issue d’une négociation avec les différentes parties prenantes. J’entends vos réticences mais à l’évidence, l’inaction nous empêchera d’atteindre nos objectifs de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires. Pendant l’élaboration des ordonnances, le ministère travaillera avec les organismes concernés ; aucune décision ne sera prise de manière abrupte. Nous aurons également l’occasion de faire valoir notre point de vue dans ce processus. Il faut selon moi accepter la séparation de la vente et du conseil.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’ai consulté mon vademecum de la loi « Sapin 2 », qu’il faut toujours avoir sur soi (Sourires) : elle ne prévoit pas la séparation entre les activités de vente et celles de conseil. En revanche, Stéphane Le Foll avait introduit, dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt le principe du conseil annuel, sans séparer celui-ci de la vente.

Nous devons désormais aller plus loin. Il n’est naturellement pas question de mettre en cause de travail des agents technico-commerciaux, qui connaissent les territoires, les types de culture et les exploitants agricoles, et qui accomplissent leur travail de conseil. Il nous incombe cependant de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, et de libérer ces agents d’un poids en leur évitant d’être un jour jugés responsables des risques liés à ces produits. Autrement dit, l’ordonnance permettra en quelque sorte de les protéger, et de consacrer le temps nécessaire à la négociation avec l’ensemble des parties.

La question des petites entreprises se pose en effet, monsieur Benoit. Dans mon département, la Manche, je connais de nombreux vendeurs d’engrais et de produits du sol ; ces petites structures ayant parfois quatre ou cinq employés maillent le territoire, offrent des emplois, participent à la dynamique des territoires et sont dirigées par des entrepreneurs individuels qui font bien leur travail. Je ne mésestime ni ne sous-estime l’action à conduire en faveur des petites entreprises.

De même, il faudra s’occuper des coopératives, notamment lorsqu’elles sont intégrées. Que faire, en effet, lorsqu’un producteur livre des céréales ou des productions légumières à sa coopérative, laquelle lui fournit l’ensemble des matières premières, semences et matériels agricoles dont il a besoin ? C’est une situation de circuit fermé, d’entre-soi, qu’il faut éclaircir.

Le temps dont nous disposerons permettra de définir le contenu de ce que doit être le conseil. Nous avons agi au sujet de l’interdiction des rabais, des remises et des ristournes, car il fallait mettre à jour ce système. Chacun sait bien en effet qu’il fut un temps où l’achat par un bon client d’un bidon de cent litres de produit pouvait lui valoir un geste commercial de la part du vendeur, sous la forme d’une remise ou d’un bidon supplémentaire de vingt-cinq litres, par exemple. Nous devons transformer ce système afin d’en sécuriser les acteurs et de réduire l’utilisation des produits.

Voilà pourquoi nous sommes défavorables à l’amendement. Il nous faut du temps pour négocier avec chacune des parties afin de trouver le compromis nécessaire pour séparer la vente et le conseil et, ainsi, donner suite à l’ambition du Président de la République.

La commission rejette lamendement CE113.

Suivant lavis du rapporteur, elle rejette ensuite lamendement CE782 de M. Julien Dive.

Puis elle examine lamendement CE397 de M. Grégory Besson-Moreau.

M. Grégory Besson-Moreau. Cet amendement vise à modifier l’article qui fixe l’objectif de pérenniser le dispositif créé dans le cadre du plan « Écophyto 2 ». Comme le fait apparaître l’étude d’impact de la loi, la séparation du conseil et de la vente pourrait remettre en cause le dispositif des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques. En effet, les distributeurs, qualifiés « d’obligés », sont tenus via les conseils qu’ils fournissent de diffuser et de faire adopter par les agriculteurs des solutions alternatives à la protection chimique de synthèse. Les priver de cette faculté rendrait caduc le principe du déploiement des certificats d’économie des produits phytopharmaceutiques (CEPP) via les sociétés de distribution de produits sanitaires. L’ordonnance sur le conseil pourrait mettre les obligés dans l’incapacité juridique de remplir leurs obligations réglementaires.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement est satisfait pour ce qui concerne le renvoi aux CEPP puisque l’ordonnance mettra en œuvre la réforme du couple vente-conseil à l’alinéa 1 et celle des CEPP à l’alinéa 2. En ce qui concerne la modification du premier alinéa relatif au conseil annuel individualisé, votre amendement est satisfait par celui que je défendrai dans un instant sur le même sujet. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE780 de M. Julien Dive.

M. Jérôme Nury. Cet amendement prévoit une dérogation pour les sociétés anonymes. Une coopérative repose sur la mise en commun des ressources et des moyens de production. En y adhérant, les agriculteurs choisissent également de mutualiser le conseil. Nous proposons donc de ne pas séparer les activités de conseil et de vente dans les coopératives, d’autant qu’elles exercent très souvent les activités de conseil de manière remarquable, comme le soulignait Mme Batho.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement vise les sociétés anonymes mais vous venez de défendre une dérogation pour les coopératives, qui, par définition, ne sont pas des sociétés anonymes : avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable, mais je garderai cet amendement pour l’encadrer !

La commission rejette lamendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE661 de M. Fabien Gouttefarde et CE1951 de M. Charles de Courson, les amendements identiques CE110 de M. Dino Cinieri, CE523 de M. Thibault Bazin et CE1299 de M. Pierre Morel-À-LHuissier, ainsi que les amendements CE1142 de M. Antoine Herth et CE216 de M. Jérôme Nury.

M. Fabien Gouttefarde. Dans la poursuite de la discussion précédente, l’amendement CE661 tend à préciser la nature du conseil auquel s’appliquera l’incompatibilité prévue à l’article 15 afin de mettre cette incompatibilité en cohérence avec le renforcement des CEPP. En effet, les CEPP servent à responsabiliser les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques en les contraignant à fournir aux agriculteurs des conseils sur les solutions alternatives à la protection chimique. Les priver d’exercer une quelconque activité de conseil rendrait les CEPP largement inopérants. Il semble donc nécessaire de prévoir que l’habilitation du Gouvernement à légiférer sur l’incompatibilité s’appliquera uniquement aux activités de vente et de conseil annuel et individualisé.

M. Thierry Benoit. L’amendement CE1951 est défendu : on ne lâche rien ! (Sourires.)

M. Thibault Bazin. Les amendements identiques CE110 et CE523 sont également défendus. Lors de l’élaboration des ordonnances, monsieur le ministre, il faudra veiller à un point : le nombre de conseillers formés aux approches systémiques qui sont présents dans les structures indépendantes de la vente est limité. La mesure que vous prendrez devra être réaliste.

M. Jérôme Nury. Le ministre a évoqué quatre types de conseil. Pour ma part, j’estime qu’il en existe deux catégories principales : d’une part, les conditions d’utilisation qui figurent dans les notices et, de l’autre, le conseil stratégique. C’est cette dernière activité qui pourrait être complètement découplée de la vente. C’est pourquoi l’amendement CE216 vise à préciser ces deux notions importantes.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable à l’ensemble des amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je reconnais tout l’intérêt du conseil pluriannuel, mais il est complémentaire d’un conseil annuel, plus tactique, voire infra-annuel, portant sur le choix des variétés, les dates de semis, le recours aux biocontrôles ou encore le désherbage mécanique. C’est sur tous ces outils qu’il faudra travailler dans le cadre de l’ordonnance, afin de disposer d’un regard technique entièrement désintéressé sur la vente, de sorte que l’approche « phyto » soit plus intégrée et plus durable. L’ordonnance précisera aussi le type de conseils nécessaires pour qu’ils soient plus techniques. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette lamendement CE1491 de M. Pierre Morel-À-lHuissier.

Puis elle examine les amendements identiques CE401 de M. Vincent Descoeur, CE750 de M. Antoine Herth et CE1185 de M. Gilles Lurton.

M. Vincent Descoeur. Nous proposons de remplacer, à l’alinéa 2, l’exigence d’une « séparation capitalistique » par celle d’une simple « séparation de facturation ». Sinon, seules des sociétés ad hoc émanant de grands groupes occuperont demain le terrain pour dispenser des conseils.

M. Thibault Bazin. Ce serait une mesure moins excessive et plus réaliste.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces amendements vont beaucoup moins loin que les dispositions prévues par le Gouvernement. La séparation ne serait plus capitalistique, en effet, mais porterait seulement sur le système de facturation, ce qui expose à de forts risques de contournement : les activités de vente et de conseil continueraient à être exercées de manière simultanée, ce qui viderait l’alinéa 2 de sa substance. Par conséquent, avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette les amendements.

Puis elle est saisie de lamendement CE305 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. La commission du développement durable a souhaité que ces activités soient par ailleurs exercées par des personnes physiques différentes.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’émets un avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même position.

La commission adopte lamendement.

Elle vient à lamendement CE306 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement vise à préciser la rédaction de l’alinéa 2 en ajoutant la mention suivante : « et en permettant l’exercice d’un conseil stratégique et indépendant ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’y suis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation  Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Thierry Benoit. On crée un nouveau métier chez les distributeurs. Outre les techniciens, il y aura désormais des personnes différentes pour le conseil et la vente. Une fois de plus, je pose la question : qui paie ? Les grands groupes que M. Besson-Moreau a cités tout à l’heure pourront s’adapter, mais les entreprises de proximité devront fermer boutique.

La commission adopte lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement CE2053 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Dans la continuité de l’étude d’impact, qui a établi un lien entre la réforme des activités de conseil et de vente et celle du cadre juridique du conseil annuel individualisé, lequel est trop flou à l’heure actuelle, mon amendement précise que l’habilitation donnée au Gouvernement couvrira aussi ce dernier aspect. Cela permettra notamment de répondre aux préoccupations de certains de nos collègues qui ont déposé des amendements pour limiter le champ de la séparation entre la vente et le conseil au conseil annuel individualisé ou qui font référence à un conseil pluriannuel. Laissons le Gouvernement élaborer l’ordonnance : nous ferons un bilan lors de sa ratification.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je voudrais souligner que le conseil plus stratégique, évoqué tout à l’heure, ne coïncide pas nécessairement avec le conseil annuel individualisé – il peut exister des pratiques diverses telles que des préconisations en cours de campagne ou des conseils de transition pluriannuelle. Le travail sur l’ordonnance permettra d’apporter une clarification. Je propose un retrait de l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1786 de M. Dominique Potier.

Mme Delphine Batho. Nous voulons préciser à l’alinéa 2 que la réforme se fera « en permettant la mise en œuvre effective des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques » (CEPP).

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cette mention me paraît superflue : l’ordonnance que le Gouvernement pourra prendre va engager non seulement la réforme des activités de vente et de conseil mais aussi celle des CEPP, de manière coordonnée.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous souhaitons naturellement pérenniser le dispositif des CEPP, qui constituent un des principaux instruments du Plan Ecophyto II. Je suis donc plutôt favorable à cet amendement.

La commission adopte lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement CE1128 de M. Bruno Millienne.

M. Bruno Millienne. Mon amendement précise que l’activité de conseil, qui sera séparée de l’activité de vente, doit s’inscrire dans un objectif de réduction de l’usage et de l’impact des produits phytopharmaceutiques. J’ajoute que les chambres d’agriculture, qui ont pour mission principale de représenter les intérêts agricoles auprès des pouvoirs publics, auraient toute légitimité pour exercer le conseil annuel individuel. Nous serons ainsi certains que les activités sont bien séparées.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

M. Thierry Benoit. Méfions-nous des grandes théories élaborées depuis Paris. J’aimerais que le ministre et le rapporteur nous disent comment cela va fonctionner au niveau local et qui paiera.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1499 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Delphine Batho. Comme hier, nous nous interrogeons sur l’application du dispositif en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion et à Mayotte. Cet amendement précise que ce sera bien le cas.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je donne a priori un avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. En la matière, il n’y a pas de spécificités dans ces départements. Je ne suis pas favorable à l’amendement.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine les amendements identiques CE524 de M. Thibault Bazin et CE952 de M. Antoine Herth.

M. Thibault Bazin. Le projet de loi entend réformer le régime d’expérimentation des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) en fixant des objectifs à atteindre avant 2021, en pérennisant le dispositif et en prévoyant son application outre-mer, ce qui est malvenu car nous ne sommes qu’au début de cette expérience : il n’existe encore qu’une trentaine de « fiches-action ». Avant toute généralisation, mieux vaudrait accélérer l’évaluation des fiches afin d’établir un bilan. C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer les alinéas 3 à 6.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’objectif est de généraliser les CEPP au-delà de 2021, date à laquelle le régime actuel doit s’éteindre, de prévoir de nouveaux seuils de CEPP détenus à atteindre avant 2021 et de généraliser le dispositif dans les collectivités ultramarines. L’issue de l’expérimentation étant encore lointaine, une proportion importante des distributeurs ne se sont pas encore engagés dans cette démarche et n’ont pas notifié d’actions ouvrant droit à des certificats. Le principal frein économique semble être le bornage du dispositif : aucune obligation n’est prévue après 2021, ce qui limite l’intérêt d’investir dans des actions ouvrant droit à des CEPP. Sans réforme, les CEPP ne pourront pas prospérer, alors que nous en avons besoin.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis. Cet amendement supprime des mesures essentielles. La pérennisation des CEPP a été préconisée par les États généraux de l’alimentation.

La commission rejette les amendements.

Lamendement CE1418 de M. Jean-Claude Leclabart est retiré.

La commission examine ensuite lamendement CE2057 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Vous demandez le remplacement de « périodes » par « échéances » à l’alinéa 5. Or, les CEPP sont accumulés par les distributeurs au fur et à mesure qu’ils promeuvent les actions concernées, de sorte qu’il s’agit bien de périodes et non d’échéances. Je ne peux donc pas donner un avis favorable.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel CE2058 du rapporteur.

Puis elle examine lamendement CE2061 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis favorable, sous réserve qu’il soit ajouté « du » avant le mot « même ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. C’est précisément l’objet de l’amendement suivant.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE2062 et CE2059 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE23 de M. Jérôme Nury.

M. Jérôme Nury. Il faut laisser les opérateurs de la restauration collective se mettre en règle avec la future législation en déterminant eux-mêmes, au regard des spécificités de chaque restaurant, de quelle manière ils luttent contre le gaspillage alimentaire. C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer l’alinéa 10.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le gaspillage alimentaire dans les services de restauration collective est un phénomène important : il faut mieux le connaître afin de mieux le maîtriser. D’où le diagnostic que demande l’alinéa 10. Dans le cadre de l’application de l’article 11, un des principaux outils pour compenser le surcoût de l’acquisition de produits bio, par exemple, est de réduire le gaspillage alimentaire afin de dégager des marges de manœuvre financière. Pour ces deux motifs, j’émets un avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La lutte contre le gaspillage alimentaire dans un établissement doit s’appuyer sur la connaissance de la situation : les mesures prises doivent être adaptées. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE2077 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’ai retravaillé un amendement de la commission du développement durable qui avait été déclaré irrecevable, car il étendait le champ de l’habilitation. Il vise à préciser l’obligation imposée à chaque structure de restauration collective : le diagnostic doit notamment intégrer la question de l’approvisionnement durable. Ce lien a du sens puisque les économies réalisées grâce à la réduction du gaspillage alimentaire permettront d’améliorer la qualité des produits.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle étudie ensuite lamendement CE308 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement apporte une précision qui permettra de mieux cerner les opérateurs concernés par l’extension de l’obligation de donner les invendus à des associations d’aide alimentaire. Il ne serait pas pertinent de l’imposer à des exploitants agricoles, par exemple. C’est pourquoi nous vous proposons de viser explicitement les opérateurs de l’industrie agroalimentaire et de la restauration collective.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’y suis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cette clarification n’est pas utile : il n’y a aucune ambiguïté. Je demande donc le retrait de l’amendement.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Je demande pardon au ministre, mais ce n’est pas si clair que cela. Je maintiens donc l’amendement.

La commission adopte lamendement.

Puis elle examine lamendement CE309 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement, adopté par la commission du développement durable à l’initiative de M. Garot, vise à expérimenter pendant six mois, dans des associations volontaires, le dispositif des dons issus de la restauration collective avant que cette mesure soit généralisée.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement concerne une extension de la loi de 2016 contre le gaspillage alimentaire, adoptée sur proposition de M. Garot, dont je reconnais la qualité d’expert sur ce sujet. Je m’en remets à sa sagesse et à celle de notre commission.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même position.

La commission adopte lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CE963 de Mme Véronique Hammerer.

Mme Véronique Hammerer. Nous voulons préciser que les dons alimentaires de la restauration collective devront s’effectuer à destination d’associations caritatives agréées, d’établissements médico-sociaux agréés, de centres communaux d’action sociale (CCAS) ou de centres intercommunaux d’action sociale (CIAS), qui pratiquent eux-mêmes des dons alimentaires. Des conventions sont déjà conclues avec des supermarchés, et je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas possible en ce qui concerne la restauration collective.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. La distribution de denrées alimentaires résultant de dons suppose la mobilisation de compétences, de ressources, de bénévoles et d’une logistique dont les CCAS et les établissements médico-sociaux ne disposent pas toujours à l’heure actuelle, car ce n’est pas tout simplement pas leur métier. Les associations caritatives, qui font du beau travail, depuis longtemps – les « Restos du cœur » ont plus de trente ans d’expérience – ont besoin que le don alimentaire s’accroisse. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cette précision ne relève pas du domaine législatif. Je demande donc le retrait de l’amendement.

Mme Véronique Hammerer. Les CCAS et les CIAS pratiquent des dons alimentaires, monsieur le rapporteur. Ils ont des équipes de bénévoles et même des conventions avec les banques alimentaires. Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi cette mesure serait d’ordre réglementaire : nous venons d’adopter un amendement concernant les associations caritatives. Pour quelle raison ne pourrait-on pas inclure les CCAS et les CIAS ?

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Je crois que nous pourrions retravailler l’amendement d’ici à la séance. Il pourrait donner l’impression que tous les CCAS et CIAS seraient amenés à faire du don alimentaire. Par ailleurs, les banques alimentaires ont un champ précis qu’il faut veiller à sanctuariser.

Mme Véronique Hammerer. Il ne m’avait pas semblé que l’amendement imposerait aux CCAS ou aux CIAS une obligation, mais je suis prête à le retravailler. L’objectif est simplement de garantir que ceux d’entre eux qui pratiquent déjà le don alimentaire aient les mêmes droits que les associations.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE310 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. En complément de l’amendement CE308, cet amendement permettra de mieux cerner les opérateurs concernés par l’obligation de publier leurs engagements en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Il ne serait pas pertinent de l’imposer aux exploitants agricoles, par exemple. Nous proposons de viser explicitement les opérateurs de l’industrie agroalimentaire et de la restauration collective.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’y suis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cette clarification n’est pas utile, car il n’y a pas d’ambiguïté, mais je m’en remets à la sagesse de cette commission.

La commission adopte lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement CE312 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Nous proposons de préciser l’obligation de publicité relative aux mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire, en visant notamment les procédures d’auto-contrôle des opérateurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cela ne me semble pas directement utile pour mesurer les efforts de lutte contre le gaspillage. Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE313 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement vise à encadrer plus spécifiquement le champ de l’habilitation prévue au 4° du II de l’article 15, et qui portera sur des parties importantes du code rural et de la pêche ainsi que du code de l’environnement, à savoir la protection des végétaux et les déchets. Nous proposons de supprimer la référence au respect de la hiérarchie des normes, qui permettrait notamment de procéder à des transpositions de textes européens qui n’ont pas été annoncées, et celle à l’harmonisation de l’état du droit, qui est également imprécise – sur la base de quel code aurait-elle lieu ? L’amendement apporte par ailleurs des améliorations rédactionnelles.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CE2060 du rapporteur.

Elle adopte ensuite larticle 15 modifié.

Article 15 bis
(article L. 312-17-3 du code de léducation)
Éducation à la lutte contre le gaspillage alimentaire

Cet article, proposé par votre rapporteur, a pour objet de renforcer les dispositions en vigueur en matière d’éducation alimentaire et de sensibilisation à la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les écoles.

Depuis l’adoption de la loi dite « Garot », précitée, le code de l’éducation prévoit qu’une formation et une éducation à l’alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire sont dispensées dans les écoles, dans le cadre des enseignements ou pendant les activités périscolaires.

Il s’agit de prévoir que les collèges et les lycées sont également concernés par ces dispositions, d’une part, et que les responsables des cantines de ces établissements scolaires peuvent intervenir dans ces modules, pour apporter un témoignage concret de la réalité du gaspillage alimentaire, d’autre part.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE2050 du rapporteur, CE317 de la commission du développement durable et CE1773 de M. Guillaume Garot.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement a pour objet de renforcer les dispositions en vigueur en matière d’éducation alimentaire et de sensibilisation à la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les écoles.

Depuis l’adoption de la loi Garot relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, en 2016, le code de l’éducation prévoit qu’une formation et une éducation à l’alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire sont dispensées dans les écoles, dans le cadre des enseignements ou pendant les activités périscolaires.

Il s’agit d’étendre ces dispositions aux collèges et aux lycées, et de faire intervenir  les responsables des cantines de ces établissements dans ces modules, pour témoigner concrètement de ce qu’est la réalité du gaspillage alimentaire.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Notre amendement poursuit le même objectif, que nous remercions le rapporteur de soutenir.

Mme Delphine Batho. L’amendement de Guillaume Garot complète celui du rapporteur, puisqu’il précise que « cet enseignement sensibilise notamment les élèves aux repères nutritionnels, à la lutte contre le gaspillage alimentaire, à la nécessité de pratiquer une activité physique régulière ainsi qu’aux valeurs économiques, culturelles et patrimoniales de l’alimentation ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’amendement défendu par Mme Batho me pose une difficulté, car il dilue un sujet important, la lutte contre le gaspillage alimentaire, dans d’autres thématiques. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis favorable à l’amendement du rapporteur.

Quant à l’amendement de Mme Batho, l’article du code de l’éducation fait explicitement référence au programme national pour l’alimentation (PNA) et au programme national nutrition-santé (PNNS), la précision qu’il apporte n’est donc pas utile.

Lamendement CE317 est retiré.

La commission adopte lamendement CE2050.

Puis elle rejette lamendement CE1773.

Elle en vient  à lamendement 1167 de M. Jérôme Nury.

M. Jérôme Nury. Il s’agit d’encourager le stockage d’eau qui constitue, en quelque sorte, une assurance récolte. Dans un contexte où le changement climatique rend les précipitations de plus en plus irrégulières et provoque des vagues de sécheresse ou des périodes de pluies abondantes, le stockage d’eau devient de plus en plus stratégique.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Votre amendement est satisfait par le 5° bis de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, créé par la loi montagne II de décembre 2016. J’en demande donc le retrait.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’en demande le retrait pour les mêmes raisons. Cette proposition qui relève de la politique de l’eau dépasse largement l’objet de ce projet de loi axé sur l’agriculture et l’alimentation.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CE42 de M. Vincent Descoeur, CE175 de M. Adrien Morenas, CE559 de M. Daniel Fasquelle, CE953 de M. Antoine Herth, CE1496 de M. Pierre
Morel-À-LHuissier, CE1856 de M. Marc Fesneau, CE1898 de M. Thierry Benoit, ainsi que lamendement CE1855 de M. Marc Fesneau.

M. Vincent Descoeur. Afin de garantir une adéquation entre la disponibilité de la ressource et les besoins en eau de l’agriculture, cet amendement vise à inscrire dans le code de l’environnement la nécessité de sécuriser l’accès à la ressource en eau et sa mobilisation à des fins agricoles. Il pose la question du stockage de l’eau, qui représente une solution durable et pragmatique au changement climatique mais qui, malgré de nombreux rapports parlementaires, reste encore difficile à mettre en œuvre. Nous proposons donc de décliner concrètement cet objectif de gestion équilibrée de la ressource au sein des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE).

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. L’agriculture doit relever de nombreux défis liés au changement climatique, qui a d’importantes conséquences sur les exploitations agricoles L’irrigation intelligente et le stockage de l’eau représentent la première assurance récolte pour l’agriculture et permettent surtout de maintenir un tissu dense d’exploitations agricoles et de sécuriser la production de fourrages pour les ateliers d’élevage.

La loi sur l’eau du 30 décembre 2006 reconnaît la création de ressources en eau comme l’un des objectifs de la gestion équilibrée de l’eau, dont elle précise qu’elle doit, entre autres, permettre de répondre aux exigences de l’agriculture.

Récemment, la loi Montagne a assigné un nouvel objectif à la gestion équilibrée de la ressource en eau : la promotion d’une politique active de stockage de l’eau pour un usage partagé de l’eau, permettant de garantir l’irrigation et de subvenir aux besoins des populations locales.

Le présent amendement vise à permettre une déclinaison concrète de ce nouvel objectif, au sein des SDAGE et des SAGE, en ajoutant un alinéa spécifiquement dédié à l’agriculture.

M. Nicolas Turquois  Il s’agit toujours de trouver des solutions permettant de garantir l’accès à l’eau pour lutter contre le changement climatique. Dans cette perspective, le stockage de l’eau et l’irrigation sont des enjeux importants.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je salue l’exceptionnelle similarité de tous ces amendements…

Ils avaient déjà fait l’objet de longs débats lors de l’examen de la loi « Montagne II ». Le travail des rapporteures de l’époque, Mmes Bernadette Laclais et Annie Genevard, avait conduit à intégrer dans la loi le principe de la promotion d’une politique active de stockage de l’eau, qui concilie la garantie des usages agricoles, comme l’irrigation, et les besoins des habitants. Je propose de respecter le travail de ces rapporteures : vos amendements sont satisfaits par la loi Montagne, et, de nature réglementaire, les précisions que vous souhaitez apporter ne relèvent pas de la loi.

Si vous souhaitez modifier les objectifs des SDAGE et des SAGE,, il faut viser directement les articles L. 212-1 et L. 212-3 du code de l’environnement, sans quoi vos amendement seraient sans effet. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable, car ces amendements ne concernent en rien l’objet de ce projet de loi. Des Assises de l’eau vont avoir lieu au second trimestre, qui comporteront un volet agricole. Par ailleurs, le préfet Bisch a été chargé d’une mission consistant à répertorier les projets de retenues collinaires et les projets d’irrigation pour en estimer l’utilité, afin qu’ils puissent être débloqués, le cas échéant. Le Président de la République a insisté sur le fait que ces projets devaient être conduits en concertation avec les territoires. Avis défavorable.

M. Antoine Herth. Je voudrais remercier le ministre pour ses explications. Je ne doute pas que Pierre-Étienne Bisch, qui a été président de Météo-France, saura produire un rapport grâce auquel la pluie tombera là où il faut... Je retire mon amendement.

Mme Célia de Lavergne. Nous avons bien entendu les arguments du ministre et du rapporteur. Je voudrais, cela étant, insister sur les très fortes attentes que suscitent les Assises de l’eau : il conviendra de trouver la manière d’en traduire les avancées en termes législatifs.

Les amendements CE953, CE1898 et CE1855 sont retirés.

La commission rejette les amendements CE42, CE175, CE559, CE1496 et CE1856.

Elle examine ensuite lamendement CE1225 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. La politique de l’eau hiérarchise la protection de l’eau potable, les besoins des milieux naturels et les besoins économiques, qui ne sont pas discutables en ce qui concerne l’agriculture. La question est ensuite celle des volumes, dans un contexte d’accélération du réchauffement climatique où la réponse par le seul stockage me paraît assez obsolète, mais tel n’est pas l’objet de cet amendement.

Il vise à rappeler que les politiques publiques doivent être cohérentes. En d’autres termes, l’État ne peut pas financer d’un côté ce qu’il condamne de l’autre, et, quand une autorité responsable de la ressource en eau potable, à savoir l’agence régionale de santé, donne un avis défavorable à des projets de stockage d’eau, il n’est pas possible de faire comme si cet avis n’existait pas.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’article L. 213-9-2 du code de l’environnement prévoit déjà que « les concours de l’agence ne sont définitivement acquis que sous réserve du respect des prescriptions relatives à l’eau, au milieu marin ou à la biodiversité imposées par la réglementation en vigueur ». Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cet amendement relève de la politique de l’eau et dépasse l’objet de la présente loi. Il a néanmoins le mérite de mettre en exergue des sujets que devront aborder les Assises de l’eau. En ce qui concerne le volet agricole, nous y prendrons toute notre part. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE174 de M. Adrien Morenas.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Je suis élue de la vallée du Tescou – où se trouve Sivens. J’attends beaucoup des assises de l’eau et j’ai bien entendu ce que vous avez dit, monsieur le ministre. En tant que membre de la mission sur l’eau, il me paraît néanmoins normal de vous alerter en présentant des amendements.

Celui-ci tend à modifier les calculs de redevances relatives au prélèvement sur la ressource en eau.

En effet, au regard du principe préleveur-pollueur-payeur, plus le volume d’eau capté par une catégorie d’usagers est important, plus la redevance de cette catégorie devrait être élevée. Or, les plafonds dans la limite desquels la redevance doit être fixée par les agences de l’eau sont déterminés par la loi. En conséquence les catégories, notamment les plus préleveuses, ne contribuent pas proportionnellement au volume d’eau qu’elles captent.

Nous proposons trois modifications.

Il faut d’abord qu’en lieu et place des plafonds actuellement en vigueur, la loi fixe des seuils en deçà desquels la redevance ne peut être fixée.

Il convient ensuite de fixer ces seuils en fonction du volume capté par les différentes catégories, donc de la pollution potentielle.

Enfin, les anciennes catégories qui différenciaient la redevance en fonction du mode de prélèvement doivent être modifiées pour que l’activité et la finalité du captage soient prises en compte.

L’eau est notre bien commun le plus précieux. Il est de notre devoir à toutes et à tous de le préserver et de le protéger à chaque instant.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Outre qu’elle relève de la fiscalité, la modification des calculs de redevances relatives au prélèvement sur la ressource en eau me  poserait problème car, le lien avec le projet de loi étant très indirect, nous n’avons pas du tout auditionnés les acteurs concernés par ce sujet délicat.

Il me semble difficile d’adopter, sans concertation et a fortiori sans consentement, une mesure qui aura un impact économique direct sur nombre d’entre eux.

Et puis votre amendement y va fort : aujourd’hui, la loi encadre les redevances de l’eau avec des plafonds selon l’activité – irrigation gravitaire, alimentation en eau potable etc. ; vous, vous choisissez de passer d’une logique de plafond à une logique de seuil, supprimant de la sorte tout encadrement des redevances, qui pourraient exploser sans contrôle.

Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable également.

Les questions techniques relatives aux modalités de calcul de redevances et de plafonds relèvent de la loi de finances. Cela dit, j’entends bien votre appel, car la question de l’eau est importante. Nous la traitons dans le cadre des Assises de l’eau, et on ne vous reprochera jamais de déposer des amendements. Toutefois, celui-ci n’entre pas dans le cadre du présent projet de loi.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Cela signifie-t-il qu’il peut entrer dans le cadre du prochain projet de loi de finances ?

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Sur la fiscalité, oui. Je crois savoir que vous participez à la concertation sur la fiscalité que nous avons ouverte avec Bruno Le Maire, onze députés, onze sénateurs et les organisations syndicales. Vous avez tout le loisir de faire dans ce cadre des propositions en vue du prochain projet de loi de finances.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, lamendement CE1262 de Mme Bérangère Abba, qui fait lobjet du sous-amendement CE2155 de
M. Grégory Besson-Moreau, et lamendement CE318 de la commission du développement durable.

Mme Bérangère Abba. Il s’agit de généraliser une pratique peu familière aux Français, celle du doggy bag ou « gourmet bag ».

Cet amendement s’inscrit dans la lutte contre le gaspillage alimentaire et vise à sensibiliser la population sur ce point. Nous avons travaillé avec les restaurateurs et les consommateurs à cette façon de lutter contre le gaspillage en excluant par exemple les bouteilles consignées et les offres à volonté. Nous proposons que cette mesure entre en vigueur le 1er janvier 2019 afin que les restaurateurs aient le temps de s’organiser. Il s’agit seulement pour eux de se fournir en récipients recyclables ou réutilisables.

M. Grégory Besson-Moreau. Avant de retirer mon sous-amendement, je veux dire que je ne comprends pas la brutalité de cet amendement qui vise à obliger les restaurateurs à mettre à disposition des doggy bag. Nous n’avons pas les mêmes portions qu’aux États-Unis qui sont en train de faire marche arrière sur ce système pervers qui existe là-bas : quand ils ont créé le doggy bag, les portions des plats sont passées de la taille S à XL puis à XXL aujourd’hui. Par ailleurs, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) a déjà proposé, depuis 2014, la possibilité d’utiliser le doggy bag, ce que les restaurateurs ont refusé.

J’ajoute que cette mesure n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact. Il n’est pas utile d’ajouter une dose supplémentaire de contraintes à ce secteur qui connaît déjà des difficultés.

Le gaspillage alimentaire existe surtout dans la restauration collective et commerciale, dans les self-services, et non dans les restaurants. Je pense que l’on se trompe de cible.

Le sous-amendement est retiré.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. La commission du développement durable tient beaucoup à cet amendement qui introduit une innovation pour les consommateurs qui sont attentifs à des comportements plus vertueux en matière de gaspillage, et qui permet un moindre gaspillage alimentaire dans la restauration. Enfin, il a rencontré une popularité qui nous incite à le soutenir fortement.

Je m’inscris en faux contre ce que vous dites, monsieur Besson-Moreau. Pour avoir habité longtemps aux États-Unis, je peux attester que cette pratique n’est pas du tout en perte de vitesse, bien au contraire.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Beaucoup d’établissements proposent déjà le doggy bag de façon volontaire. Je ne suis pas convaincu qu’obliger les restaurants à le mettre à disposition soit une bonne chose.

Sagesse.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le gaspillage alimentaire représente 150 kilos par an et par personne, ce qui constitue un véritable scandale social et un non-sens environnemental. Si l’on parvient à le réduire, on aura fait d’énormes progrès, on aura gagné de l’argent, et je crois que chacun s’en portera mieux.

Certes, votre proposition contribue à cette lutte contre le gaspillage. Il me paraît toutefois nécessaire d’engager une véritable concertation avec les acteurs du secteur,...

Mme Bérangère Abba. Elle a eu lieu !

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. ... au premier chef avec les restaurateurs et je souhaite donc que l’on travaille encore ces questions.

Je souhaite par ailleurs que l’on trouve une autre expression que doggy bag : faisons travailler nos méninges d’ici à l’examen en séance publique.

Je me demande en outre si ce système fonctionnerait car je ne suis pas certain que nos concitoyens oseraient demander un doggy bag. Contrairement aux États-Unis ou à d’autres pays anglo-saxons, il y a toujours une forme de gêne en France à demander à emporter sa bouteille de vin lorsqu’elle n’est pas terminée, même si cela se fait de plus en plus, ou les restes d’un repas. Les gens le ressentent comme de la mesquinerie ou de l’avarice.

Il peut être utile d’appliquer une telle mesure pour lutter contre le gaspillage, mais de grâce, lançons d’abord une concertation. Je vous invite donc à rectifier l’amendement repoussant l’entrée en vigueur de cette mesure au 1er janvier 2022, ce qui ne signifie nullement qu’elle ne verra jamais le jour, madame Abba.

M. Vincent Descoeur. Je regrette que nous nous employions à compliquer la vie de ceux qui travaillent en rendant obligatoire la fourniture de doggy bags. J’invite ceux qui veulent participer à la diminution du gaspillage alimentaire à se munir eux-mêmes du contenant adapté.

Si j’osais, j’inviterais surtout mes collègues à finir leur assiette !

M. Thierry Benoit. Et à vider leur bouteille d’eau !

M. Bruno Millienne. Madame Abba, loin de moi l’idée de vous être désagréable, mais au bout d’un moment, trop de lois tuent la loi. Comme M. Besson-Moreau, je ne crois pas que le doggy bag arrangerait quoi que ce soit. D’abord, parce que dans la plupart des restaurants les clients finissent leur assiette. Et si vous avez peur du gaspillage, vous pouvez toujours m’inviter à dîner : vous verrez qu’il ne restera rien dans l’assiette ! (Sourires)

M. le président Roland Lescure. Ce sera pour tout à l’heure si l’on avance assez vite !

Mme Huguette Tiegna. Monsieur Besson-Moreau, ce n’est pas parce que les portions ne sont pas énormes qu’il ne faut pas prendre des initiatives. Quand on va au restaurant, on n’a pas toujours de l’appétit, et on n’est pas toujours un grand mangeur. Je trouve que l’idée est bonne et il faudra surtout veiller – je dis cela en tant que présidente du groupe d’étude économie verte et circulaire – à ce que les restaurateurs ne proposent pas des contenants qui ne soient pas recyclables, posant de la sorte un autre problème de gestion de nos déchets.

M. Jérôme Nury. L’intention n’est pas mauvaise, chacun le comprend bien. Mais vouloir contraindre pose problème. Qui plus est, la date me paraît relativement farfelue : 2019, c’est demain !

Par ailleurs, il faut penser à nos commerces de proximité, dans nos campagnes ou dans nos centres-villes, à ces petits restaurants ou ces petits routiers à qui l’on va imposer des dépenses supplémentaires dans un contexte très difficile. Je regrette que l’on ne vise pas plutôt la restauration rapide – McDonald’s, Quick, Burger King etc. – qui produit des quantités énormes de déchets que l’on retrouve au bord des routes. Il y a là quelque chose à faire, au lieu d’ennuyer nos petits restaurateurs.

Enfin, monsieur le ministre, quand à la fin d’un bon repas vous allez prendre un bon calva de 4 centilitres et que vous n’en buvez que la moitié, trouver un contenant de 2 centilitres ne sera sûrement pas facile : il vaut donc mieux le boire en entier ! (Sourires.)

M. Guillaume Kasbarian. Nous partageons tous le souci de ne pas gaspiller et de lutter contre le gaspillage. Pour autant, obliger tous les restaurateurs à adopter le doggy bag me gêne. Ne risque-on pas d’augmenter les doses de consommation, au risque d’un impact sur la santé, et les opérations commerciales du type : venez chez nous et vous repartirez avec une triple dose dans un doggy bag. Enfin, cette mesure aurait un impact financier pour le restaurateur puisqu’il devra acheter des contenants, et que la préparation du doggy bag demande du temps au serveur.

Je le répète, cette initiative est très bonne et elle est appréciée par tous, mais je préfère que le restaurateur ait la liberté d’expérimenter ou pas ce système plutôt que d’adopter une méthode coercitive et parfois coûteuse.

Mme Bérangère Abba. L’expérimentation a déjà eu lieu depuis 2014 en Rhône‑Alpes, à l’initiative de l’UMIH qui trouvait que c’était une très bonne idée. Mais elle s’est très peu développée, car les consommateurs n’osent pas demander de peur d’essuyer un refus. Dès lors qu’on le libère de cette crainte, on autorise le consommateur à demander un doggy bag, ce qui de toute façon restera une pratique marginale, parce qu’il faudra du temps avant que les comportements évoluent.

Pour répondre à la suggestion du ministre, je rectifie l’amendement afin que cette mesure entre en application le 1er janvier 2020, et non le 1er janvier 2019, ce qui laisserait près d’un an et demi au restaurateur pour aller acheter quelques barquettes – à un prix modique – chez le grossiste le plus proche.

M. Thibault Bazin. Je crois, moi aussi, que c’est au citoyen d’être responsable et je ne suis pas favorable à ce que ce soit une obligation pour le restaurateur.

Je ferai une proposition inspirée de nos amis canadiens : ne parlons plus de doggy bag, mais d’« emporte restes » ! (Sourires.) C’est beaucoup moins animalier, beaucoup plus humain et beaucoup plus vertueux !

M. Antoine Herth. Madame Abba, cet amendement me gêne beaucoup car on essaie de transposer une culture alimentaire qui vient des États-Unis dans la culture alimentaire française. Si j’étais restaurateur, je refuserais de fournir des doggy bags, car lorsque je pose une assiette devant un client, je ne pose pas seulement des aliments, mais une image, une présentation, un service. Mettre tout cela dans un sac, ce n’est pas possible : cela va à l’encontre de la culture culinaire et gastronomique française !

Mme Véronique Hammerer. Je préfère faire de la prévention, de la prise de conscience et en appeler à la responsabilité de chacun ; je ne suis pas pour imposer les choses. Si une personne demande à récupérer une bouteille de vin, le restaurateur ne peut pas refuser. Respectons aussi le fait que parfois les clients n’osent pas demander. Si notre société n’est pas prête, laissons faire les choses ; elles se feront peut-être d’elles-mêmes.

Mme Célia de Lavergne. On le voit, le sujet est délicat ! L’amendement a été cosigné par beaucoup de parlementaires et il est courageux de proposer des solutions innovantes. Mais j’entends aussi beaucoup de craintes quant aux effets pervers d’un tel dispositif et je ne suis pas sûre que lorsque cet amendement a été rédigé, on en ait bien mesuré tous les risques, dont celui de la rupture de la chaîne du froid, qu’on se soit posé la question des contenants, et qu’on ait pensé aux effets pervers comme l’augmentation des doses qui serait au final contre-productive au regard d’une idée vertueuse.

En l’état, nous ne voterons donc pas cet amendement mais j’invite Mme Abba et ses collègues à retravailler ce dispositif pour proposer, en séance publique, une solution qui corresponde mieux à ce que nous souhaitons.

M. le président Roland Lescure. Puisque j’ai été alerté par une proposition linguistique, je vais donner mon avis – c’est rare.

Député des Français d’Amérique du Nord, il m’arrive assez souvent d’y fréquenter les restaurants. Le doggy bag est une pratique courante en Amérique du Nord, mais elle n’est pas obligatoire. Elle a en effet entraîné un accroissement des portions parce ce qu’elle est devenue un objet de marketing : certains restaurants vous disent « venez déjeuner chez nous, et vous repartirez avec le dîner, avec trois sacs ». C’est tout simplement un effet de la loi du marché.

L’autre impact important est ce qu’on pourrait appeler le transfert de poubelle : souvent, malheureusement, une fois rapporté à la maison, le doggy bag n’est pas consommé.

Par ailleurs, les contenants représentent un véritable défi en termes de recyclage, d’achats et de stockage. Je connais des Français qui ont des petits restaurants dans l’État de New-York, et qui dédient des salles entières à l’entreposage des petites boîtes en plastique !

Enfin, on assiste à un changement de tendance. En Amérique du Nord, certains restaurants font du marketing en disant : « Venez chez nous, profitez de votre dîner, mangez ce qu’on vous donne et oubliez la suite ». Et là, je rejoins ce qui a été dit tout à l’heure : en France, le plus souvent, on va au restaurant pour faire un bon repas et pas en pensant qu’on en sortira avec les courses pour le dîner ; c’est un avantage.

Mme Bérangère Abba. Ce que vous venez de décrire est d’ordre culturel, et lié à un certain pays. En France, la consommation est beaucoup plus raisonnée, du moins au niveau alimentaire.

Je crois au contraire que cette disposition aurait l’avantage d’inciter certains restaurateurs à réduire les portions pour ne pas risquer ce genre de gaspillage. Je crois aussi que cela correspond à une attente réelle des consommateurs et des clients. Par respect pour eux, pour tous les messages de soutien que j’ai reçus en ce sens, et pour ses 102 cosignataires, je maintiens cet amendement, tel que rectifié.

La commission rejette successivement lamendement CE1262 rectifié, puis lamendement CE318.

Elle examine lamendement CE1853 de M. Richard Ramos.

M. Nicolas Turquois. Il vise à réintroduire la signalisation des restaurants dans les zones rurales. Tous nos concitoyens n’ont pas forcément encore le « réflexe Google ». Il faut pouvoir signaler la présence d’un restaurant ou d’une auberge dans les villages. C’est important pour les villages, comme pour le tourisme rural.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je ne nie pas l’intérêt de cet amendement mais, à mon avis, c’est un cavalier législatif. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE1118 de M. Pierre
Morel-À-LHuissier.

M. André Villiers. Cet amendement vise à faciliter la reconquête agricole de milieux fermés, suite à la déprise dans les départements classés en zone de montagne.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement a été satisfait par la loi Montagne du 2 décembre 2016 qui a permis, à l’article L. 341-6 du code forestier, d’exempter de l’obligation de compensation financière le défrichement de boisements spontanés de première génération sans aucune intervention humaine, et âgés de moins de quarante ans, dans les zones de montagne. Défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie des amendements CE1533 de
M. Pierre-Morel-À-LHuissier, CE525 de M. Thibault Bazin et CE788 de M. Vincent Descoeur.

M. André Villiers. Alors que les attaques de troupeaux par les loups se multiplient dans les territoires, et que le plan « Loup » récemment présenté par le Gouvernement privilégie très clairement l’augmentation de la population de loups par rapport à la pérennité de l’élevage et du pastoralisme en France, l’amendement CE1533 vise à permettre aux éleveurs de défendre efficacement leurs troupeaux face aux ravages de ce prédateur.

M. Thibault Bazin. Monsieur le ministre, je vous ai déjà interrogé à plusieurs reprises sur le sujet. Les attaques de loups deviennent un véritable fléau pour les éleveurs dans certaines régions, et ces attaques ne concernent plus seulement les régions de montagne : ainsi, dans mon département de la Meurthe‑et-Moselle, les loups sévissent en plaine et sont désormais aux portes de Nancy. On a encore déploré une attaque le 3 avril dernier.

Il convient de donner aux éleveurs les moyens qu’ils réclament afin de préserver leur cheptel. Ils n’en peuvent plus !

Nous connaissons l’optique du Gouvernement, qui considère que la population des loups est insuffisante – 350, par rapport aux 500 espérés. Pour les éleveurs, ce discours est inaudible. C’est pourquoi nous proposons, dans cet amendement CE525, que les tirs de prélèvements et de défense contre les loups ne soient soumis à aucun plafond dans les départements victimes du loup dans l’année précédente.

M. Vincent Descoeur. Mon amendement CE788 autorise les éleveurs qui sont témoins d’une attaque de loups à opérer des tirs de prélèvement et de défense, afin de protéger leurs troupeaux. Depuis plusieurs jours déjà, on parle de la détresse des éleveurs. C’est bien ainsi qu’on peut qualifier le désarroi de ceux qui sont confrontés à des attaques répétées de loups.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Cela ne rentre pas dans le cadre du projet dont nous discutons. Le plan loup, porté par le Gouvernement, fait l’objet d’une période d’expérimentation de six mois ; nous ferons le bilan à son issue.

Je l’ai dit à plusieurs reprises, je suis attaché au maintien de l’agropastoralisme, et je suis attaché à ce que les éleveurs puissent se défendre. Ils ont la capacité de le faire, dès lors qu’ils sont attaqués et mis en danger. L’objectif est de diminuer la pression de la prédation, mais aussi de faire en sorte que les décisions soient prises par les territoires, par l’intermédiaire des préfets qui sont missionnés – en particulier le préfet Bouillon, coordinateur du plan loup – et pas entre le 57 et le 78 rue de Varenne.

Nous souhaitons, dans un autre cadre, maintenir la biodiversité et l’espèce du loup. Mais ce qui m’importe au premier chef, c’est que les éleveurs puissent se protéger. J’entends bien les appels qui sont lancés, j’ai eu l’occasion de répondre très régulièrement à des questions, qu’elles soient orales ou écrites, et d’aller sur place pour évoquer ce sujet avec les éleveurs. Nous restons vigilants dans l’application du plan loup et nous ferons le point dans six mois, quand nous aurons un premier retour d’expérience.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine lamendement CE345 de M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. Je vais vous parler de la saliculture, qui n’est pas reconnue comme activité agricole. Mon amendement initial a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Celui-ci est donc un amendement d’appel : la demande de rapport n’en constitue pas l’enjeu.

Les saliculteurs sont assimilés à des agriculteurs à deux niveaux. D’abord par le régime social dont ils dépendent : l’activité d’exploitation de marais salant est rattachée aux activités de culture ouvrant droit à l’affiliation au régime de protection sociale des non‑salariés des professions agricoles. Ensuite par le régime fiscal dont ils relèvent : les exploitants sont soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles.

Cependant, cette non-reconnaissance fait qu’ils sont exclus d’un certain nombre de dispositifs : aides à l’installation, reconnaissance des organisations de producteurs ; régime des calamités agricoles ; exonération de la taxe foncière sur les bâtiments agricoles.

Monsieur le ministre, mon amendement se résume à cette question : êtes-vous prêt, en séance, à soutenir un amendement reconnaissant la saliculture comme activité agricole ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je laisse le ministre répondre à la question qui lui est adressée.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je me suis déjà exprimé au fond le 26 février dernier : je suis favorable à la reconnaissance de la production de sel issu des marais salants comme activité agricole, ce qui permettra de sécuriser la situation des acteurs du secteur.

Il n’est pas utile de vous remettre un rapport sur la nécessité de cette reconnaissance. Je trouverai une solution pour les saliculteurs, que je suis prêt à rencontrer.

M. Olivier Falorni. Merci, monsieur le ministre, pour votre engagement. Je retire mon amendement, rendez-vous en séance.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE49 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Il vise à demander au Gouvernement de nous présenter des dispositions visant à rendre obligatoire la prise en compte, dans les marchés publics, des performances en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, dans le respect du droit européen en vigueur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ce rapport au Parlement ne serait pas très utile, car seul le Gouvernement peut modifier le code des marchés publics, qui est entièrement réglementaire, et non législatif.

Je l’ai déjà dit, de nombreux rapports existent déjà sur le gaspillage alimentaire. Par ailleurs, les États généraux de l’alimentation ont fait beaucoup de propositions réglementaires pour intervenir sur le code des marchés publics, y compris en matière de gaspillage alimentaire. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je ne vois pas l’intérêt de prendre en compte et de rendre obligatoire dans les marchés publics les performances réalisées en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire. Avis défavorable.

M. Vincent Descoeur. Je ne demande pas qu’on nous fasse un rapport, mais qu’on nous présente des dispositions ; cela peut donc être réglementaire. Voilà une heure que l’on essaie d’imaginer comment on pourrait inciter nos concitoyens à lutter contre le gaspillage alimentaire. Je pense que cela pourrait se faire dans le cadre des marchés publics : lorsqu’on lance un appel d’offres et que l’on cherche à identifier un gestionnaire de restauration collective, il me semblerait judicieux de prendre en compte ce critère.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. La restauration collective peut faire des dons : c’est aussi un moyen de lutter contre le gaspillage alimentaire.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1771 de M. Guillaume Garot.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable. Il y a déjà beaucoup de rapports…

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE319 de la commission du développement durable.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la taxation différenciée des produits alimentaires en fonction de leur intérêt nutritionnel, sanitaire et environnemental. Cette vraie bonne idée, qui mérite d’être creusée, vient des États généraux de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Ce rapport relatif à une mesure fiscale n’a pas de lien avec ce projet de loi. Je vous conseille d’adresser cette demande à mes collègues de Bercy.

Lamendement est retiré.

La commission examine en discussion commune les amendements CE53 de M. Vincent Descoeur et CE1775 de M. Guillaume Garot.

M. Vincent Descoeur. Nous proposons que le Gouvernement nomme une commission d’experts indépendants, qui évalue les impacts économiques, sociétaux et sanitaires qu’aurait la ratification de l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur sur la filière agricole, à l’instar de la commission qui s’est penchée sur le CETA.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il ne semble pas opportun qu’une commission d’experts indépendants puisse, avant même que l’accord soit signé – il ne le sera sans doute pas avant les élections brésiliennes, voire les élections européennes de 2019 –, mesurer son impact sur notre économie agricole. Défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable. J’ajoute qu’entre la signature de l’accord avec le Mercosur et son application, il se passera au moins six ou sept ans. Nous avons donc le temps d’y travailler.

La commission rejette les amendements CE53 et CE1775.

Elle est saisie de lamendement CE1206 de M. Marc Le Fur.

M. Thibault Bazin. Dans les années 1960-1970, l’État a été confronté à d’importantes épizooties, ravageant le cheptel bovin français et il a alors décidé de mettre en œuvre un vaste plan de prophylaxie. Mais ne disposant pas lui-même des moyens matériels pour procéder au traitement des cheptels, il a fait appel aux vétérinaires libéraux, en leur confiant des mandats sanitaires.

Afin de prendre en compte la situation de ces vétérinaires, le présent amendement vise à obtenir la publication d’un rapport – c’est plutôt un amendement d’appel – relatif au délai de prescription pour les actions en responsabilité exercées contre l’État du fait de la non‑affiliation aux organismes de retraite des vétérinaires titulaires d’un mandat sanitaire, à compter du 14 novembre 2011.

Ces vétérinaires ont rempli une mission pour l’État ; le Conseil d’État a rendu des arrêts à ce sujet ; plusieurs propositions de loi ont été déposées ; il serait opportun de traiter cette question.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le travail engagé sur cette question sera achevé à la fin de l’année 2018, et nous avons invité les vétérinaires à transmettre leurs dossiers d’ici le 15 mai.

J’ai succédé à des vétérinaires ; dans mon département de très nombreux vétérinaires en retraite siégeaient au conseil général ; le président Larcher est un ancien vétérinaire ; François Patriat, président de groupe au Sénat, est un ancien vétérinaire. Vous l’avez compris, Je connais ce dossier par cœur et nous y travaillons. Mais je vous remercie pour cet amendement d’appel.

Lamendement est retiré.

titre ii bis
Mesures de simplification dans le domaine agricole

Article 16 A
(article L. 314-20 du code de lénergie)
Valorisation des projets collectifs de production délectricité

 

En application de l’article L. 314-20 du code de l’énergie, les conditions du complément de rémunération pour les installations mentionnées sont établies en tenant compte notamment :

1° Des investissements et des charges d’exploitation d’installations performantes, représentatives de chaque filière ;

2° Du coût d’intégration de l’installation dans le système électrique ;

3° Des recettes de l’installation, notamment la valorisation de l’électricité produite et la valorisation des garanties de capacités ;

4° De l’impact de ces installations ;

5° Des cas dans lesquels les producteurs sont également consommateurs de tout ou partie de l’électricité produite par les installations mentionnées à l’article L. 314-18.

Cet article, résultant d’un amendement de votre rapporteur, ajoute un critère afin de permettre un prix de rachat différentiel de l’électricité produite par méthanisation ou photovoltaïque lorsque les installations sont le fruit d’une démarche collective. Une telle valorisation ne peut être décidée que par voie réglementaire.

*

*     *

La commission examine lamendement CE1131 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Cet amendement vise à créer un titre II bis consacré à des mesures de simplification administrative en matière agricole.

Suivant lavis favorable du rapporteur et du ministre, la commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement CE2056 rectifié du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Il a pour objet d’améliorer la gouvernance de la politique publique de l’alimentation en conférant au Conseil national de l’alimentation (CNA) un rôle plus prononcé de coordination du Programme national pour l’alimentation (PNA) et du Programme national nutrition santé (PNNS), ainsi qu’en mettant, en tant que de besoin, l’Observatoire de l’alimentation à sa disposition pour l’exercice de ses missions.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je demande le retrait de cet amendement.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je veux bien le retirer mais je le redéposerai en séance parce que c’est un sujet important.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1579 de Mme Monique Limon.

Mme Sophie Beaudoin-Hubiere. Il est proposé de créer un titre consacré à l’évaluation de la mise en œuvre de cette loi.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous venons de créer un autre titre et il me semble compliqué d’en cumuler deux. Je vous propose toutefois d’y revenir en séance d’autant que celui-ci me paraît plus pertinent que le précédent.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

Mme Monique Limon. Je retire l’amendement pour le présenter de nouveau en séance.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1859 de M. Philippe Bolo.

M. Nicolas Turquois. Il s’agit de la méthanisation, sujet très important qu’il est peut-être compliqué d’aborder à ce stade de la discussion. Nous en avons parlé sous l’angle du revenu complémentaire mais il y a des difficultés de raccordement au réseau. Certains des éleveurs, qui peuvent contribuer à cette filière, sont loin des réseaux. Cet amendement prévoit le raccordement et le droit à l’injection des différents producteurs.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le développement des énergies renouvelables, en particulier la méthanisation agricole, permet de concilier les deux préoccupations de ce projet de loi : améliorer le revenu des agriculteurs tout en respectant l’environnement. Le groupe de travail sur la méthanisation avait proposé dans ses conclusions la création d’un droit à l’injection. En voici la base législative. Avis favorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’y suis plutôt favorable à condition qu’il soit sous-amendé de manière à ce qu’il puisse être intégré aussi au code de l’énergie.

M. Nicolas Turquois. Je suis d’accord pour le retirer et le modifier dans ce sens avant de le représenter dans l’hémicycle.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE2081 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. C’est un amendement d’appel. Il a pour objet de permettre un prix de rachat différentiel de l’électricité produite par méthanisation ou photovoltaïque lorsque les installations sont le fruit d’une démarche collective d’agriculteurs.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Favorable.

Mme Delphine Batho. Sur le fond, je suis pour cet amendement mais je m’interroge sur sa constitutionnalité. Il serait bon de le vérifier pour sécuriser le dispositif.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Vous avez raison. Je verrai avec le service juridique du ministère.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1860 de M. Marc Fesneau.

M. Nicolas Turquois. Cet amendement sur la méthanisation procède de la même logique que le précédent. Je le retire, de même que le suivant.

Les amendements CE1860 et CE1861 sont retirés.

La commission examine lamendement CE821 de M. André Villiers.

M. André Villiers. En rappelant la philosophie et l’ambition de ce texte, notre rapporteur a expliqué qu’il tendait à « redonner une rentabilité aux exploitations ». En outre, il a déclaré vouloir changer les choses.

Nous avons parlé du titre. Lors du conseil des ministres du 12 janvier dernier, le Premier ministre a indiqué que chaque projet de loi devrait désormais inclure un titre comportant les mesures de simplification législative. Cet amendement, relevant de la simplification administrative, tire son origine de l’observation du fonctionnement d’une agriculture hyperadministrée.

Il vise à redonner aux agriculteurs la liberté d’usage chère au ministre, de telle sorte que les travaux de nettoyage, de coupe de bois de chauffage et de reconquête de d’anciennes parcelles agricoles en déprise ne soient plus soumis à autorisation. Cette mesure d’allégement administratif est une mesure d’équité. L’encadrement de la politique agricole commune (PAC), du code civil et du code rural suffit à garantir la bonne exploitation du fond et à réaffirmer la notion de bon père de famille.

J’ai particulièrement apprécié, monsieur le ministre, que vous ayez déclaré : « il faut donner de l’air aux producteurs ».

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le présent amendement vise à simplifier le régime des autorisations administratives applicables aux parcelles agricoles situées dans des sites classés. Il est à la marge du texte, à la limite du cavalier. Sagesse ou défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Votre amendement est intéressant mais on pourra aborder ce sujet dans le cadre de la stratégie foncière.

Lamendement est retiré.

Article 16 B
(article L. 541-4-1 du code de lenvironnement)
Exclusion des sous-produits animaux et des produits dérivés de la réglementation relative aux déchets

Adopté à l’initiative de M. Charles de Courson, le présent article reprend en droit français le principe d’exclusion de la réglementation relative aux déchets pour les sous-produits animaux et produits dérivés, y compris les produits transformés –  couverts par le règlement (CE) n° 1069/2009/CE établissant les règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine –, à l’exception de ceux qui sont destinés l’incinération, la mise en décharge ou l’utilisation dans une usine de biogaz ou de compostage, en transposant fidèlement l’article 2.2-b) de la directive 2008/98/CE dans le cadre de l’article L. 541-4-1 du code de l’environnement.

En effet, pour ce qui concerne spécifiquement les sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine, la réglementation européenne prévoit des règles sanitaires propres et distinctes, rassemblées dans le cadre du règlement (CE) n°1069/2009 établissant les règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine.

Or, du fait de l’absence de transposition du principe d’exclusion en droit interne, ces sous-produits animaux sont aujourd’hui soumis à une double règlementation, en relevant de manière cumulée à la fois du code rural et de la pêche maritime et du code de l’environnement.

Cet empilement juridique engendre, pour l’ensemble des opérateurs de la filière française de transformation des sous-produits animaux, une situation de désordre et d’incertitude liée aux risques inhérents à l’application simultanée de deux réglementations distinctes, notamment dès lors que les opérateurs peuvent être confrontés à des problématiques sanitaires.

Cette double réglementation se traduit également par un éparpillement des responsabilités parmi les différents ministères, administrations et tutelles directement ou indirectement concernés, ce qui conduit généralement à une dilution des responsabilités, pouvant être une source de risques dans un secteur où la vigilance est impérative.

Par conséquent, une mise en conformité du droit français avec la directive européenne, telle qu’elle a été édictée, et telle qu’elle a été transposée par nos partenaires européens (en particulier l’Allemagne et l’Espagne), apparaît nécessaire.

*

*     *

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte lamendement CE1947 de M. Charles de Courson

Elle est saisie de lamendement CE1757 de M. Dominique Potier.

Mme Delphine Batho. La mission sur le foncier fera des propositions au terme de ses travaux. Dominique Potier a néanmoins déposé cet amendement car il considère qu’il faut prendre des mesures d’urgence au vu de certains investissements étrangers qui s’apparentent à un accaparement des terres. À défaut, la simple annonce de futures mesures législatives pourrait renforcer la spéculation. L’amendement propose des mesures comparables au décret Montebourg sur les investissements étrangers.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je pense qu’il faut laisser la mission sur le foncier aller au bout de sa réflexion. À ce moment, il y aura lieu de déposer ce type d’amendement. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable. Nous sommes très vigilants face au phénomène que vous avez pu décrire. Nous surveillons étroitement toutes les transactions sur le foncier. Nous réfléchissons aux moyens de moderniser et de renforcer l’efficacité de nos outils de régulation, notamment ceux qui préservent les terres. Mais votre amendement est un cavalier législatif. Pour ma part, je veux renvoyer à la discussion que nous aurons à la suite de la mission parlementaire sur le foncier. Pour en avoir parlé avec Dominique Potier, je sais qu’il y a des mesures d’urgence à prendre mais nous sommes vigilants.

Mme Anne-Laurence Petel. Je suis co-rapporteure, avec Dominique Potier, de cette mission sur le foncier agricole. On en a beaucoup discuté ensemble. Il redoute que de nouvelles lois foncières ne donnent à des investisseurs le signal d’un accaparement des terres. Pour ma part, je partage l’avis du ministre quant au fait qu’il n’y a pas de réelle urgence à agir. Je pense que nous devons nous hâter lentement et ne pas confondre vitesse et précipitation parce que ce dossier est extrêmement complexe.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1900 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Monsieur le président, je vous propose de défendre par la même occasion les amendements CE1141 et CE1914.

L’amendement CE1900 propose de remplacer le mot « contrôle » par le mot « évaluation ». L’idée est qu’au lieu d’être vécus comme une contrainte, ces contrôles soient perçus comme un encouragement à l’excellence.

L’amendement CE1141 demande à ce que les agriculteurs en délicatesse avec l’administration puissent faire appel à un tiers de confiance, par exemple à une personne de la chambre d’agriculture qui aurait un rôle de médiateur.

L’amendement CE1914 propose de limiter le nombre de contrôles à un maximum par an.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’amendement CE1900 propose une modification de la terminologie du code rural incompatible avec le droit européen.

L’amendement CE1141 est déjà satisfait grâce à la reprise de la proposition n° 33 du rapport d’information que vous avez fait avec Annick
Le Loch sur l’avenir des filières d’élevage.

L’amendement CE1914 a pour objet de modifier le code rural et de la pêche maritime en prévoyant que les contrôles des exploitations agricoles ne pourront avoir lieu qu’une fois par an au maximum. Les dispositions relatives aux contrôles sur place des exploitations agricoles sont strictement encadrées par le droit européen. En fait, je sais de source sûre que l’administration a pour consigne de ne faire qu’un contrôle par an et par exploitation.

C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même argumentation. Votre amendement CE1141 n’apporte pas de plus-value : l’agriculteur peut déjà se faire accompagner lors d’un contrôle. Quant aux dispositions proposées par les deux autres amendements, elles ne sont pas conformes au droit européen.

La commission rejette lamendement CE1900.

Elle passe à lamendement CE526 de M. Thibault Bazin.

M. Vincent Descoeur. Il porte sur le contrôle des exploitations et il est dans le même esprit que celui de M. Benoit.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Le présent amendement a pour objectif de permettre l’information préalable des agriculteurs avant qu’ils ne fassent l’objet d’un contrôle par l’administration. Il s’agit de substituer une logique de prévention à une logique de contrôle. Les dispositions relatives aux contrôles sur place des exploitations agricoles sont strictement encadrées par le droit européen. Les contrôleurs communiquent déjà à l’exploitant les constats effectués lors du contrôle. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Les amendements CE1141 et CE1914 de M. Thierry Benoit sont retirés.

La commission est saisie de lamendement CE151 de M. Grégory BessonMoreau.

M. Grégory Besson-Moreau. C’est plutôt un amendement d’appel et un message subliminal pour la mission foncier. En effet, il s’agit de rendre obligatoire la remise d’un inventaire de l’état des sols et de la biodiversité lors de la transmission ou vente de terres agricoles.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Puisque que c’est un amendement d’appel, avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. J’ai bien entendu l’appel. Avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1852 de M. Nicolas Turquois.

M. Nicolas Turquois. Je crois que la réponse a déjà été apportée, je retire donc cet amendement.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE1899 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Cet amendement propose un guichet unique pour que les agriculteurs puissent n’avoir qu’un interlocuteur pour leurs déclarations, les aides de la PAC, les règlements sanitaires.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Nous réfléchissons à la transformation du service public et à la création de tels guichets dans le cadre du programme « Action Publique 2022 ». En outre, vous prévoyez le 1er janvier 2018 comme date d’entrée en vigueur de la mesure que vous proposez, ce qui n’est évidemment pas possible, monsieur le député.

Lamendement est retiré.

titre iii
Dispositions transitoires et finales

Article 16
Entrée en vigueur et dispositions transitoires

1.   Le projet de loi

Cet article fixe les conditions d’entrée en vigueur des articles 1er à 4, de l’article 6 et de l’article 14 du projet de loi.

Le I (alinéas 1 à 5) prévoit l’entrée en vigueur différée des articles 1er et 2 du projet de loi au premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi. Il décrit les conditions de mise en conformité des accords-cadres et contrats en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi.

Dans les secteurs où les contrats écrits sont obligatoires, les accords‑cadres conclus avant l’entrée en vigueur de la loi devront être mis en conformité avec la nouvelle rédaction de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime avant le 1er septembre 2018 ou, si l’entrée en vigueur de cet article est postérieure, dans un délai d’un mois. La mise en conformité de ces accords-cadres prendra la forme d’avenants proposés aux acheteurs par les OP et les AOP concernées (alinéa 3).

Les contrats individuels conclus avant l’entrée en vigueur de la loi et se poursuivant au-delà du 1er octobre 2018 devront être mis en conformité avec ce même article L. 631-24 avant le 1er octobre 2018 ou, si l’entrée en vigueur de cet article est postérieure, dans un délai de deux mois. La mise en conformité de ces contrats prendra la forme d’un avenant au contrat, proposé par le producteur à son acheteur. Le producteur aura aussi la possibilité de demander à son acheteur, par écrit, de lui proposer cet avenant (alinéa 4).

Dans les secteurs où les contrats écrits ne sont obligatoires, les contrats en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi devront être mis en conformité avec ledit article L. 631-24 lors de leur prochain renouvellement et au plus tard dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi (alinéa 5).

L’entrée en vigueur de larticle 3 du projet de loi est différée à la date de publication du décret en Conseil d’État désignant les agents habilités à constater les manquements prévus à l’article L. 631-25 (alinéa 2 de l’article 3) et, en tout état de cause, au plus tôt au premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi (alinéa 6).

Larticle 4 n’est pas applicable aux procédures de médiation en cours à la date de publication de la loi (alinéa 7).

De même, les modifications apportées par larticle 6 du projet de loi à l’article L. 441-8 du code de commerce ne s’appliqueront pas aux renégociations de prix, aux procédures de médiation et aux instances juridictionnelles en cours à la date de publication de la loi (alinéa 8).

Larticle 14 n’est pas applicable aux contrats en cours. Il ne s’appliquera qu’aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi (alinéa 9).

2.   La position de votre rapporteur

L’objectif du Gouvernement est que les articles 1er à 5 du projet de loi soient en vigueur pour les prochaines négociations commerciales qui débuteront le 1er octobre 2018.

Votre rapporteur a pu constater, avec les opérateurs économiques concernés, que la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique qui prévoyait l’entrée en vigueur de son article 94 modifiant l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime quatre mois après la publication de la loi – soit le 10 avril 2017 – n’a que partiellement été appliquée.

Ses articles 106 et 107 modifiant l’article L. 441-7 du code de commerce relatif aux négociations commerciales annuelles ont été applicables à compter du lendemain de la publication de la loi. Pour autant, leur application est également toute relative.

Les opérateurs économiques ont fait part au rapporteur de la difficulté technique à appliquer ces apports de la loi précitée mais également le manque de volonté des parties prenantes à appliquer la loi.

Le débat des États généraux de l’alimentation et l’entrain qui les accompagnait n’ont pas suffi à inciter les distributeurs à respecter leurs engagements et notamment la charte d’engagement « pour une relance de la création de valeur et pour son équitable répartition au sein des filières agroalimentaires françaises » ([43]) pourtant signée le 14 novembre 2017 par 18 enseignes.

Il est impératif que la loi entre rapidement en vigueur. Pour autant, un délai est nécessaire pour mettre en conformité les accords-cadres et contrats en cours et prévus à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.

Il est justifié de donner aux parties aux contrats passés dans les secteurs à contractualisation facultative un délai suffisamment long pour se mettre en conformité avec l’article L. 631-24 précité car son application est totalement nouvelle.

Votre rapporteur propose à la commission d’améliorer la clarté rédactionnelle de cet article en précisant notamment les modalités de mise en conformité des accords-cadres et contrats en vigueur.

3.   La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article 16 avec plusieurs modifications rédactionnelles de votre rapporteur.

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*     *

La commission adopte lamendement rédactionnel CE2029 du rapporteur.

Puis elle examine les amendements identiques CE651 de M. Dino Cinieri, CE652 de M. Thibault Bazin et CE656 de M. Daniel Fasquelle.

M. Jérôme Nury. Les rapprochements successifs des centrales d’achat ont abouti à n’avoir plus en France que quatre grands acheteurs qui font la pluie et le beau temps. Ils sont tellement en position de force qu’ils imposent leurs lois, leur prix et leur approche low cost à toutes les filières. Nous sommes face à une cartellisation néfaste et funeste. Les centrales d’achat sont les fossoyeurs de nos commerces de proximité et de nos agriculteurs. Même si c’est tardif, l’amendement CE656 vise à faire cesser les ultimes rapprochements, en les soumettant à l’autorité de la concurrence.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat lors d’une des dernières nuits, je sais plus laquelle. Nous avons décidé d’y retravailler avec le ministère des finances. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Le Gouvernement partage votre volonté de mieux réguler les puissances d’achat qui peuvent porter atteinte à l’équilibre des relations commerciales. La rédaction de votre amendement n’est pas adaptée au plan juridique mais je vous donne rendez-vous en séance car nous allons déposer un amendement ayant le même objet.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte successivement les amendements de précision CE2030 et CE2011 du rapporteur.

Elle en vient à lamendement CE451 de Mme Barbara Bessot Ballot qui fait lobjet des sous-amendements CE2103 et CE2104 de M. Julien Dive.

M. Grégory Besson-Moreau. Le délai de paiement des subventions aux producteurs est souvent bien trop long donc je vais faire court : nous souhaitons le réduire à trente jours.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces règles sont définies par voie réglementaire et encadrées par le droit européen. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Avis défavorable. Nous nous sommes engagés sur un calendrier de paiement des aides de la PAC et nous serons revenus à une version usuelle des paiements à la fin de l’année.

Lamendement est retiré et les sous-amendements tombent.

La commission examine lamendement CE452 de Mme Barbara Bessot Ballot.

M. Grégory Besson-Moreau. Souvent, les subventions sont reçues sans être assorties d’un relevé détaillant point par point les différentes subventions. L’obligation d’envoi de relevé doit permettre aux producteurs de mieux comprendre les aides qu’ils reçoivent.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. C’est déjà le cas puisque c’est dématérialisé sur Telepac. Défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable. Un travail a déjà été mené en 2017 pour les rendre plus lisibles. Elles sont effectivement sur Telepac.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE1186 de M. Gilles Lurton.

M. Thibault Bazin. Cet amendement vise à étendre le pouvoir du médiateur des relations agricoles en lui offrant la possibilité de saisir lui-même le juge des référés lorsqu’aucun accord n’est trouvé entre les parties au terme de la médiation. Ce pouvoir serait limité aux litiges les plus importants – accords-cadres et clauses de renégociation –, les autres litiges étant renvoyés devant une commission arbitrale.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cet amendement est mal placé dans le texte. Défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 16, modifié.

Article 17
Coordination

Cet article tire les conséquences de la modification de l’article L. 441-8 du code de commerce par l’article 6 du projet de loi. L’article L. 441-8 est en effet cité à l’article L. 950-1 du même code pour son application à Wallis-et-Futuna. Il convient donc de faire référence à la modification introduite par le présent projet de loi.

Votre commission a adopté cet article 17 sans modification.

Article 18
Rapport du comité de rénovation des normes sur la sur-transposition des normes européennes en matière agricole

Cet article, adopté à l’initiative de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, prévoit que le comité de rénovation des normes en agriculture présente au Parlement un rapport sur la sur-transposition des normes européennes en matière agricole.

Ce rapport s’inscrit dans la voie ouverte par la circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact

*

*     *

La commission examine lamendement CE1112 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement vise à exonérer de contribution financière aux schémas régionaux de raccordement des énergies renouvelables les projets d’une puissance inférieure ou égale à deux cent cinquante kilovoltampères implantés dans des exploitations agricoles. Il s’agit d’inciter les agriculteurs et les éleveurs à faire le choix des énergies renouvelables.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je partage l’objectif de cet amendement mais il relève du projet de loi de finances. Défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

La commission se saisit de lamendement CE1119 de Mme Élisabeth ToututPicard

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cela relève du projet de loi de finances. Défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques CE98 de
M. Dino Cinieri, CE403 de M. Vincent Descoeur, CE744 de M. Antoine Herth et CE1973 de M. Éric Bothorel.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Ces amendements relèvent également du projet de loi de finances. Défavorable.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient à lamendement CE822 de M. Yves Daniel.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cela relève une nouvelle fois du projet de loi de finances. Défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission se saisit de lamendement CE1901 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Cet amendement a pour objet d’étendre aux salariés permanents de la production agricole le dispositif d’exonération de cotisations sociales patronales.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Cela relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable. Nous verrons cela à l’occasion du PLFSS. Nous sommes vigilants sur cette question.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE813 de M. Yves Daniel.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. L’amendement relève du projet de loi de finances. Défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission en vient ensuite à lamendement CE815 de M. Yves Daniel.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je vous renvoie au projet de loi de finances. Défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE609 de M. Fabrice Brun.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement porte sur le versement des aides, qui devrait intervenir aux échéances prévues.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Les pénalités relèvent du projet de loi de finances. Défavorable.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Défavorable. Je préfère par ailleurs donner l’argent des pénalités aux agriculteurs.

La commission rejette lamendement.

La commission se saisit des amendements CE1230, CE1231 et CE1236 de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. L’amendement CE1230 vise à évaluer l’état des relations contractuelles entre producteurs et distributeurs. Le rapport demandé serait rédigé par l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) dont les missions sont définies par l’article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime. La date du 1er janvier 2020 permet d’avoir le recul nécessaire pour évaluer l’application de la loi.

L’amendement CE1231 demande un rapport au comité de rénovation des normes en agriculture concernant la surtransposition des normes européennes en matière agricole. Il s’agit d’établir un état des lieux et les axes d’amélioration possibles, après entrée en application de ce projet de loi.

L’amendement CE1236 demande un rapport sur la gestion du gaspillage alimentaire par la restauration collective et la grande distribution. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), qui participe à la mise en œuvre des politiques publiques dans les domaines de l’environnement, de l’énergie et du développement durable, serait chargée de sa rédaction, du fait de sa spécialisation dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. La date du
1er janvier 2020 permettra d’évaluer au mieux les évolutions législatives.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Mon avis est plutôt favorable aux amendements CE1231 et CE1236, mais défavorable à l’amendement CE1230. Ce n’est pas à l’OFPM de rédiger ce rapport, mais plutôt au Parlement ou au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je suis défavorable à toutes ces demandes de rapport pour les mêmes raisons que le rapporteur, mais également car cela représente une énorme charge de travail pour les services et le cabinet. J’entends que cela permet de rédiger des amendements, mais il faudrait s’interroger sur la masse de travail que cela représente, même si certains rapports ont une utilité. Nous en avons déjà accepté un certain nombre dans ce projet de loi.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Je ne fais pas de demandes de rapport pour le plaisir ; j’ai parfaitement conscience du travail que cela implique. Monsieur le ministre, c’est aussi un appel, visant à marquer ma volonté et celle du groupe de travail auquel j’appartiens. Notre Parlement n’est pas doté d’organes d’évaluation et de contrôle suffisants pour que nous effectuions seuls ce travail. J’accepte de retirer l’amendement CE1230 pour le retravailler, mais je maintiens les amendements CE1231 et  CE1236.

Lamendement CE1230 est retiré.

La commission adopte successivement les amendements CE1231 et CE1236.

Elle en vient à lamendement CE817 de M. Yves Daniel.

M. Grégory Besson-Moreau. Je retire ce dernier amendement. Je suis très fier de ce projet de loi.

Lamendement est retiré.

M. le président Roland Lescure. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi pour un équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, je tenais à vous indiquer que nous avons passé 38 heures et 25 minutes sur ce texte, dont deux heures trente de discussion générale ; nous avons passé en revue 1 874 amendements, à une vitesse moyenne de 48 amendements par heure. Je vous remercie toutes et tous pour l’efficacité de nos travaux dont j’espère qu’elle n’a pas obéré la qualité de nos débats. Je me serais passé de tous ces records, qui m’inquiètent un peu pour la séance publique...

Je vous engage, vous et vos groupes, en toute liberté évidemment à faire preuve de retenue lorsque vous déposerez vos amendements pour la séance, qui aura lieu la semaine du 21 au 25 mai. Profitez de vos vacances pour réfléchir à ce texte dans son ensemble !

Pour conclure, sur les 72 amendements adoptés par la commission du développement durable, 29 ont été retenus par notre commission, 21 ont été rejetés, 18 ont été retirés et quatre sont tombés.

Enfin, je souhaite remercier tout particulièrement celles et ceux qui, administrateurs, administrateurs-adjoints, assistants de direction et de gestion, agents et stagiaire de notre commission, ont travaillé d’arrache-pied pour que ce texte nous soit présenté dans de bonnes conditions, ainsi que les rédacteurs des comptes rendus, présents à nos côtés jour et nuit (Applaudissements.).

Mme Célia de Lavergne. Je veux pour ma part souligner la qualité de nos débats. Malgré les enjeux, nous avons réussi à garder un ton adapté et avons respecté la parole des uns et des autres. Monsieur le président, c’est sans aucun doute grâce à votre bonne gestion de tous ces amendements !

Mme Delphine Batho. Je vous remercie à mon tour pour la conduite très agréable des débats. Je remercie également le rapporteur et le ministre. Le texte adopté par la commission apporte d’utiles compléments au projet de loi initial du Gouvernement.

Les quelque quinze amendements de notre groupe qui ont été adoptés visent à faire en sorte que la loi traduise vraiment les conclusions des États généraux de l’alimentation. On doit pouvoir encore faire mieux sur certains sujets – glyphosate ou fonds d’indemnisation pour les victimes des pesticides, les phyto-victimes.

Je l’ai dit en conférence des présidents et au ministre des relations avec le Parlement : compte tenu de la résonance des problèmes du monde agricole dans nos territoires et des enjeux de société liés à ce texte – qualité de l’alimentation, pesticides, loup – et même si vous avez raison de souligner que le dépôt d’amendements identiques n’est pas forcément nécessaire, j’ai bien peur que le nombre de jours de séance publique dédiés au projet de loi ne soient pas suffisants. Nous avons l’expérience de ces projets de loi agricole qui sont toujours l’occasion d’interpeller le Gouvernement sur différents sujets.

Je préfère vous le dire maintenant, car je ne souhaite pas que nous soyons sous pression le jeudi ou le vendredi par défaut d’anticipation. Aucun groupe n’est dans une logique d’enlisement ou d’obstruction, mais nous souhaitons tous un débat de fond de qualité sur ces sujets.

M. Thiery Benoit. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous sommes tous conscients de la difficulté, mais une attente forte s’exprime et les États généraux de l’alimentation ont fait naître une grande espérance chez les agriculteurs dans le pays. La question du revenu agricole est essentielle : ne désarmons pas, gardons le cap !

Par ailleurs, je souhaite dire à mes collègues combien j’ai été surpris de la complexité de certains amendements. Nous oublions trop souvent que les amendements que nous déposons doivent trouver une traduction concrète dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Nous parlons beaucoup, d’agriculture, d’agriculteurs, d’entrepreneurs, de commerçants et de distributeurs ; il convient de conserver cette réalité en ligne de mire.

Monsieur le ministre, j’entends parfaitement que les rapports exigent beaucoup de travail de la part des services. Nous avons besoin de tels documents et de rapports d’étape pour faire le point ; mais nous devons avoir conscience de la charge que leur préparation représente.

Enfin, merci, monsieur le président, pour votre manière tonique de mener les débats. Merci aussi au rapporteur, dont je dirais que c’était la mission, et surtout au ministre pour sa présence tout au long de nos débats. Merci de garder les pieds sur terre : on voit bien que vous êtes un gars de l’Ouest ! (Sourires.)

M. Nicolas Turquois. J’associe le groupe du Mouvement démocrate et apparentés aux félicitations exprimées pour la tenue des débats et leur intérêt, même s’ils ont parfois été très longs et fatigants. Nous sommes tous passionnés par les questions d’agriculture et d’alimentation ainsi que par tous les sujets que nous avons évoqués.

Tous les enjeux sont légitimes, mais cette loi ne sera un vrai succès que lorsque nous emmènerons les agriculteurs avec nous, que nous les convaincrons du bien-fondé de ces évolutions. Aidons-les à prendre le virage dessiné, mais ne le courbons pas trop fortement.

Enfin, réfléchissons à l’image que nous donnons au milieu agricole lorsque nous déposons 2 000 amendements : est-ce ainsi que nous pensons aller vers la résolution de leurs problèmes, que nous pensons faire progresser l’alimentation et l’environnement ? Un peu de simplifications – comme l’a dit Thierry Benoit – et de retenue dans le dépôt des amendements seraient donc de bonne pratique.

M. Jérôme Nury. À mon tour, je souhaite saluer l’intérêt de nos débats, parfois passionnés et souvent passionnants.

Nous avons tous conscience qu’il y a urgence à accompagner notre agriculture et nos agriculteurs, qui doivent absolument retrouver des revenus décents. Nous connaissons tous dans nos campagnes des situations dramatiques ; nous plaçons beaucoup d’espoir dans les travaux des États généraux de l’alimentation, et il est vrai qu’il ne faudra pas que nos paysans soient déçus par leurs retombées que nous espérons positives.

Merci à l’oreille attentive du ministre qui s’est montré à de nombreuses reprises attentif à nos propositions et qui a su accepter des amendements défendus par les différents groupes, montrant ainsi que, dans le consensus, nous pouvons espérer faire bouger nos campagnes et permettre ainsi à nos agriculteurs de mieux vivre demain.

Rendez-vous dans l’hémicycle, chers collègues pour, je l’espère, améliorer encore ce texte.

M. le président M. Roland Lescure. Je tiens, monsieur le ministre, à vous remercier tout particulièrement pour votre disponibilité et votre énergie. Vous avez été présent sans interruption lors de nos débats : je m’y attendais bien sûr de la part du rapporteur, mais ce n’est ni une obligation, ni une habitude pour un ministre.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je tiens à mon tour à remercier le ministre et l’ensemble de son cabinet pour leur présence et le travail que nous avons pu effectuer au cours de ces journées. Je veux encore vous remercier tous pour votre assiduité et votre participation.

Nous avons bien joué notre rôle en enrichissant le texte au cours de nos débats. Je puis vous assurer que quelques mesures font du bruit, notamment la sortie des produits alimentaires des négociations annuelles : le téléphone chauffe, mais tout va bien ! (Sourires.) C’est la preuve qu’il est bon parfois d’être quelque peu révolutionnaire, comme dirait M. Ruffin…

Je souhaite encore remercier les membres du secrétariat de la commission et ma collaboratrice qui ont abattu un travail considérable.

Je vous donne rendez-vous en séance le 22 mai.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. À mon tour, je veux vous saluer tous : ce fut un réel plaisir de travailler dans ces conditions, car les débats ont été rondement et bien menés. Ils ont été l’occasion de discussions portant sur le fond, en laissant toute sa place au temps, ce qui est important.

J’ai souhaité être présent, en premier lieu à la commission du développement durable pour une partie du texte, ensuite avec vous tout au long du travail d’amendement, car je considère que c’est le rôle du ministre. Oui, c’est mon rôle d’être là et de travailler avec vous dans cette co-construction d’autant que, lorsque j’étais parlementaire, je n’ai eu que trop d’occasions de râler contre l’absence du ministre dans des moments comme ceux-là : je ne souhaite pas que l’on puisse me faire ce reproche.

Je remercie encore le président et le rapporteur, avec qui nous avons bien œuvré en commun, mais aussi mon cabinet pour le travail important qu’il a fourni, bien qu’il ne compte que dix membres, onze avec le ministre. Vendredi soir, à partir de dix-sept heures, la masse des amendements leur est tombée dessus : ils ont travaillé tout le weekend, jour et nuit, jusqu’à encore hier soir. Ils n’ont pas compté leurs heures pour faire en sorte que nous puissions aboutir à un texte équilibré politiquement, qui réponde aux objectifs du Président de la République, aux attentes des consommateurs, qui puisse faire avancer nos modèles agricoles et l’agriculture.

Indéniablement, il y a dans ce texte des sujets propices à des débats pouvant enflammer la société civile et, parfois, la société médiatique. Mais il faut toujours replacer les choses dans leur contexte : comment faisons-nous évoluer l’agriculture ? Comment améliorerons-nous demain le revenu de nos agriculteurs ? Comment demain ferons-nous en sorte que les consommateurs puissent avoir accès à une alimentation plus sûre, plus saine et plus durable ? Comment emmener toute la société dans un beau projet d’alimentation, un projet alimentaire du XXIe siècle, qui soit moderne, qui fasse en sorte que la France demeure ce pays envié pour la qualité de sa gastronomie, de son agriculture, qui préserve la fierté des agriculteurs de faire ce beau métier.

Merci à vous tous pour ces débats et la façon dont vous les avez enrichis ; nous n’avons évidemment pas accepté l’ensemble des amendements déposés, mais c’est la règle du jeu. Pour ma part, je ne reprocherai jamais à un parlementaire de présenter des amendements, même s’il est vrai qu’il y en a eu beaucoup. Il faut l’accepter, faire en sorte de les traiter, et préserver l’essentiel : que nous progressions pour l’avenir de notre agriculture.

La commission adopte lensemble du projet de loi modifié.

 


—  1  —

   Liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

 

Coordination rurale

M. François Lucas, président d’honneur

Comité de liaison des interprofessions agricoles et agro-alimentaires (CLIAA)

M. Jérôme Agostini, directeur général du CNIV

Mme Solenn Le Boudec, déléguée générale Intercéréales *

M. Louis Orenga, directeur général d’Interfel

M. Marc Pagès, directeur général d’Interbev *

M. Éric Renier, secrétaire général de l’USRTL, délégué général adjoint du Cipalin

M. Pierre Morrier, avocat associé, Alinea, avocats associés *

Fédération nationale des syndicats dexploitants agricoles (FNSEA) *

M. Patrick Benezit, secrétaire général adjoint

M. Christian Durlin, administrateur FNSEA en charge du dossier protection des cultures

M. Antoine Suau, directeur du département économie et développement durable

Mme Annick Jentzer, chef de service économie des filières

Association nationale des industries alimentaires (ANIA) *

M. Étienne Lecomte, vice-président de l’ANIA en charge des relations industrie/commerce (vice-président du groupe BEL Europe)

Mme Catherine Chapalain, directeur général de l’ANIA

Mme Valérie Weill-Lancry, directrice juridique

M. Stéphane Dahmani, directeur économie

Institut de liaisons et détudes des industries de consommation (ILEC)

M. Richard Panquiault, directeur général

M. Daniel Diot, secrétaire général

Fédération du commerce et de la distribution (FCD)

M. Jacques Creyssel, délégué général

M. Alain Gauvin, président du comité juridique de la FCD, directeur exécutif affaires juridiques et règlementaires France

Mme Cécile Rognoni, directrice des affaires publiques de la FCD

LIDL

M. Michel Biero, gérant achats Lidl France

Fédération nationale bovine (FNB) *

M. Bruno Dufayet, président

M. Éric Chapelle, directeur

Mme Marine Colli, chargée des relations institutionnelles

Association Aspro-PNPP

M. Jean-François Lyphout, président

M. Jean Sabench, administrateur

Mme Hélène Reys, commission consommateurs

Confédération du commerce de gros et international (CGI)

M. Christophe Loison, président du comité de liaison agricole et alimentaire du commerce de gros

M. Jacques-Olivier Boudin, président de la commission juridique de la CGI

Mme Delphine Kosser-Gloriès, en charge des questions économiques et juridiques

M. Cyril Galy-Dejean, en charge des relations institutionnelles

Fédération du commerce agricole et agroalimentaire (FC2A)

M. Gérard Poyer, vice-président

M. Francisco Moya, administrateur, vice-président de FEDEPOM

M. Christophe Malvezin, directeur des relations extérieures du groupe Soufflet (groupe membre de la FNA/FC2A)

M. Damien Mathon, délégué général

E. Leclerc *

M. Michel-Édouard Leclerc, président

M. Alexandre Tuaillon, chargé de mission

Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires

M. Philippe Chalmin, président

Confédération paysanne

Mme Temanuata Girard, secrétaire générale

M. Nicolas Girod, secrétaire national

Coop de France *

M. Michel Prugue, président

M. Pascal Viné, délégué général

Mme Barbara Mauvilain-Guillot, responsable des relations publiques

Jeunes agriculteurs *

M. Baptiste Gatouillat, vice-président

M. Jérôme Simon, responsable du service économique

Mme Claire Cannesson, responsable du service communication

M. Yohann Barbe, administrateur

Système U

M. Serge Papin, président

M. Thierry Desouches, responsable relations extérieures

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

M. Pierre Chambu, chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés

Mme Joanna Ghorayeb, sous-directrice

Autorité de la concurrence

Mme Isabelle de Silva, présidente

M. Stanislas Martin, rapporteur général

Mme Juliette Thery-Schultz, rapporteur général adjoint

M. Francis Amand, médiateur des relations commerciales agricoles

M. Pierre Debrock

M. Robert Deville

M. Yves Tregaro

Cabinet du ministre de léconomie

M. Bertrand Walckenaer, directeur du cabinet de Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances

Savencia Fromage & Dairy

M. Jean-Paul Torris, directeur général, administrateur de l’ANIA

M. Robert Brzusczak, directeur général délégué, président de la FNIL (Fédération nationale des industries laitières)

Sunlait, association des organisations de producteurs de lait de vache livrant Savencia

M. Denis Berranger, président

Mme Magali Catinel, secrétaire

M. Rodolphe Bonsacquet, animateur

Ministère de la transition écologique et solidaire

M. Denis Voisin, conseiller en charge de la société civile, des questions de santé-environnement et des risques

Mme Marie Laure Metayer, sous-directrice, de la direction générale de la prévention des risques, sous-direction santé-environnement, produits chimiques agriculture

Mme Guglielmina Oliveros-Toro, adjointe à la sous-directrice, sous-direction de la protection et de la gestion de l’eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques

M. Philippe Rogier, sous-directeur, commissariat général au développement durable, sous-direction de l’intégration des démarches de développement durable dans les politiques publiques

Mme Catherine Conil, bureau de l’agriculture et de l’alimentation, chargée de mission alimentaire durable

M. Emmanuel Steinmann, chef du bureau qualité de l’eau et agriculture, direction de l’eau et de la biodiversité

Bigard

M. Jean-Paul Bigard, président

M. Mathieur Pecqueur, directeur général

Groupement Les Mousquetaires *

M. Stéphane Bourdeau de Fontenay, adhérent direction marques propres

M. Frédéric Thuillier, secrétaire général

M. Didier Sallé, conseil du groupement, PDG d’Euralia

Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) *

M. Dominique Langlois, président d’Interbev

M. Guy Hermouet, président d’Interbev Bovins

M. Marc Pages, directeur général

Mme Marine Colli, chargée des relations avec le Parlement

Ministère de lagriculture

Mme Sophie Delaporte, directrice de cabinet

Mme Amélie Le Floch, cheffe adjointe de cabinet, conseillère parlementaire

Mme Claire Le Bigot, conseillère alimentation, santé et environnement

M. Cédric Prevost, sous-directeur de la politique de l’alimentation

Mme Françoise Simon, adjointe à la sous-direction compétitivité - direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises

Mme Fabienne Lambolez, directrice, chef du service des affaires juridiques

Interprofession des fruits et légumes frais (Interfel)

M. Jean-Michel Delannoy, président de Felcoop

M. Laurent Bergé, président de l’association Tomates-concombres, co-président du groupe de travail relations commerciales à Interfel

M. Philippe Mahé, représentant Interfel pour la FCD, responsable Supply Chain F&L Auchan

M. Louis Orenga, directeur général d’Interfel

M. Olivier de Carne, directeur accords, économie et affaires publiques

Confédération générale des planteurs de betterave (CGB) *

M. Éric Laine, président

M. Pierre Raye, directeur général

M. Nicolas Rialland, directeur des affaires publiques

M. Michel Germond, consultant séance publique

France nature environnement (FNE) *

Mme Cécile Claveirolle, pilote du réseau agriculture

Mme Camille Dorioz, coordinateur de ce réseau

Mme Morgane Piederriere, responsable du plaidoyer et des relations institutionnelles

Syndicat des industriels fabricants de pâtes alimentaires de France (SIFPAF)

M. Xavier Riescher, président

M. Bernard Skalli, vice-président

Mme Christine Petit, secrétaire générale

Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs, transformateurs de viandes (FICT) *

M. David Bazergue, délégué général de la FICT

Assemblée permanente des chambres dagriculture (APCA)

M. Dominique Chalumeaux, secrétaire général des chambres d’agriculture France

M. Sébastien Windsor, membre du bureau des chambres d’agriculture France et président de l’atelier 13 des EGA

M. Justin Lallouet, coordinateur affaires publiques, France, Europe, International

Mme Aurélie Trouillier, chef du service « Politiques agricoles et filières »

Danone *

M. François Eyraud, directeur général de « produits frais Danone »

Mme Aline Schwartz, responsable affaires publiques

Bleu-Blanc-Cœur

M. Pierre Weill, co-président

Mme Nathalie Kerhoas, directrice

Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF) *

M. Dominique Amirault, président

Mme Diane Aubert, directrice de cabinet du président

Fédération nationale de lagriculture biologique (FNAB)

M. Guillaume Riou, secrétaire national en charge de l’eau, des territoires et des grandes cultures.

M. Félix Lepers, chargé de mission réglementation

UFC que choisir ?

M. Olivier Andrault, chargé de missions alimentation-agriculture

M. Guilhem Fenieys, chargé de mission relations institutionnelles

Régions de France

Mme Lydie Bernard, vice-présidente de la région Pays de la Loire, en charge de l’agriculture, l’agro-alimentaire, forêt, pêche et mer (fonds européens dédiés)

Mme Marie-Reine du Bourg, conseillère parlementaire

Mme Hélène Aussignac, conseillère agriculture

 

Auditions conduites à Bruxelles

 

Représentation permanente de la France auprès de lUE

Mme Virginie Jorissen, déléguée pour les affaires agricoles

Mme Camille Rouault, chargée de mission pour les relations avec le Parlement européen - Service agricole

Farm Europe

M. Yves Madre, directeur

M. Luc Vernet, secrétaire général

Direction générale de la concurrence de la Commission européenne

M. Paul Csiszar, directeur, « Industries de base, secteur manufacturier et agriculture »

M. Philippe Chauve, responsable du groupe de travail sur les marchés agricoles

Direction générale de lagriculture et du développement rural de la Commission européenne

M. Rudolf Moegele, directeur général adjoint

Mme Misonne Brigitte, chef d’unité adjoint

Madame Kliemann Annette,

Madame Rusu Ioana Eleonora, assistante de M. Moegele

M. Michel Dantin, député européen

 

* Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, sengageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de lAssemblée nationale.


([1]) Avis du Conseil économique, social et environnemental, présenté par Jacques Pasquier, « Quels leviers pour renforcer la compétitivité de l’agriculture et de l’agroalimentaire français ? », 24 janvier 2018 : http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2018/2018_03_agriculture_leviers.pdf

([2]) Expression utilisée par les représentants de la direction générale de l’agriculture de la Commission européenne, rencontrés par votre rapporteur le 8 mars 2018

([3]) Rapport publié en janvier 2016 par Kantar WorldPanel : https://www.kantarworldpanel.com/fr/A-la-une/flashP132016.

([4]) Chiffres publiés par l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) : https://www.ania.net/economie-export/bilan-economie-2017

([5]) Plan de la filière porcine française, Interprofession nationale porcine : http://agriculture.gouv.fr/egalim-les-plans-de-filieres

([6]) Plan de la filière viande bovine française, Interprofession du bétail et de la viande : http://agriculture.gouv.fr/egalim-les-plans-de-filieres

([7]) Plan de filière fruits et légumes, Interprofession des fruits et des légumes frais : http://agriculture.gouv.fr/egalim-les-plans-de-filieres

([8]) Plan de la filière veau française, Interprofession du bétail et de la viande : http://agriculture.gouv.fr/egalim-les-plans-de-filieres

([9]) Plan de la filière laitière, Centre national interprofessionnel de l’économie laitière : http://agriculture.gouv.fr/egalim-les-plans-de-filieres

([10]) Avis du Conseil économique, social et environnemental « Quels leviers pour renforcer la compétitivité de l’agriculture et de l’agroalimentaire français ? », 24 janvier 2018 : http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2018/2018_03_agriculture_leviers.pdf

([11]) Phil Hogan, Discours sur l’évolution de la politique agricole commune, 22 juin 2017 : https://ec.europa.eu/france/news/20172206_gff_hogan_fr

([12]) Proposal of a directive of the European Commission and of the Council on unfair trading practices in business to business relationships in the food supply chain : https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/food-farming-fisheries/key-policies/cap/draft-proposal-unfair-trade-practices-com2018-173.pdf

([13]) Propos tenus par M. Phil Hogan lors de la présentation de la proposition de directive : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-18-2702_fr.htm

([14]) « La réforme de la PAC au-delà de 2013 – Une vision à plus long terme », Jean-Christophe Bureau et Louis-Pascal Mahé, Revue Notre Europe.

([15]) Règlement n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles :
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/PDF/?uri=CELEX:32013R1308

([16]) Règlement “Omnibus” du Parlement européen et du Conseil, relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union, 13 décembre 2017 : http://www.consilium.europa.eu/media/32072/pe00056en17.pdf

([17]) Report of the Agricultural Markets Task Force, Brussels, November 2016 : https://ec.europa.eu/agriculture/sites/agriculture/files/agri-markets-task-force/improving-markets-outcomes_en.pdf

([18]) Autorité de la concurrence, décision n° 12-D-08 du 6 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/12d08.pdf

([19]) Les éléments de qualification de l’entente retenus sont la diffusion hebdomadaire d'un prix minimum, l'encadrement des offres promotionnelles, la fixation d'un cours pivot et un système d'échanges d'informations stratégiques ayant servi à mettre en place une police des prix.

([20])  CJUE, Gr. Chb., Président de l’Autorité de la concurrence contre Association des producteurs vendeurs d’endives et autres, 14 novembre 2017, http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d0f130de32bd35b8d1f1483bb19da04f04f5e648.e34KaxiLc3eQc40LaxqMbN4Pb34Qe0?text=&docid=196626&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=434559

([21]) États généraux de l’alimentation, Atelier numéro 9, « Comment favoriser l’adoption par tous d’une alimentation favorable à la santé ? » : http://agriculture.gouv.fr/egalim-la-restitution-des-ateliers-nationaux

([22]) États généraux de l’alimentation, Atelier 9, « Comment favoriser l’adoption par tous d’une alimentation favorable à la santé ? » : http://agriculture.gouv.fr/egalim-la-restitution-des-ateliers-nationaux

([23]) États généraux de l’alimentation, Atelier 10, « Lutter contre le gaspillage alimentaire » : http://agriculture.gouv.fr/egalim-la-restitution-des-ateliers-nationaux

([24]) CEDD, IGAS, CGAAER, « Utilisation des produits phytopharmaceutiques », décembre 2017 : http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2017-124R-Tome1-Rapport.pdf

([25]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i0852.asp

([26]) Avis n° 09-A-48 du 2 octobre 2009 relatif au fonctionnement du secteur laitier

([27]) Considérant 131

([28]) Règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017 modifiant les règlements (UE) n° 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), (UE) n° 1306/2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune, (UE) n° 1307/2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune, (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et (UE) n° 652/2014 fixant des dispositions pour la gestion des dépenses relatives, d'une part, à la chaîne de production des denrées alimentaires, à la santé et au bien-être des animaux et, d'autre part, à la santé et au matériel de reproduction des végétaux

([29]) La médiation pour mieux négocier le prix, Droit rural n° 411, mars 2016, étude 11.

([30]) Liste non limitative (l’article 157 de l’OCM comporte 14 objectifs).

([31]) Votre rapporteur salue la disparition, à l’article L. 632‑2‑1, de la référence « au principe de prix plancher ».

([32]) Une concertation sur les prix et les quantités entre plusieurs organisations de producteurs agricoles et associations de telles organisations peut constituer une entente au sens du droit de la concurrence. Une telle pratique est toutefois permise au sein d’une même organisation de producteurs ou d’une même association d’organisations de producteurs si elle répond de manière proportionnée aux objectifs assignés à cette organisation ou association. CJUE, arrêt du 14 novembre 2017, APVE e.a., C671/15

([33]) http://agriculture.gouv.fr/les-interprofessions

([34]) Les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes doivent communiquer des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs et de leurs clients dans leur rapport de gestion. Les commissaires aux comptes doivent attester de la sincérité de ces informations.

([35]) Voir la tribune de Jean-Baptiste Moreau et Jean-Marc Borello publiée le 7 avril 2018 dans Le Monde : « Un exercice de transparence s’impose à Michel‑Édouard Leclerc »

([36]) CC, 2011-126 QPC, Société Système U Centrale nationale et autre, 13 mai 2011 : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-con..decision-n-2011-126-qpc-du-13-mai-2011.96936.html

([37]) Conseil constitutionnel, 2010-85 QPC, Établissements Darty et Fils, 13 janvier 2011 : http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2011/2010-85-qpc/decision-n-2010-85-qpc-du-13-janvier-2011.52179.html

([38]) Cass. Com, Le GALEC, 25 janvier 2017 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000033944273&fastReqId=121654483&fastPos=1

([39]) Behar-Touchais Martine, « La prise de pouvoir du juge sur les négociations commerciales. À propos de l’arrêt Galec », La semaine juridique-Edition générale, n° 10, 6 mars 2017.

([40]) http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i3621.asp

([41]) Les 1° et 2° de l’article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime les énumère : le label rouge, l'appellation d'origine, l'indication géographique et la spécialité traditionnelle garantie ; les mentions « agriculture biologique », « montagne », « fermier », « produit pays » (pour les produits ultramarins) et « issus d’une exploitation à haute valeur environnementale ».

([42]) Les substances actives font d’abord l’objet d’une procédure d’approbation par la Commission européenne, mais les États membres conservent la responsabilité de l’autorisation de mise sur le marché, avec des marges d’appréciation toutefois très contraintes.

([43]) http://agriculture.gouv.fr/egalim-charte-dengagement-les-professionnels-sengagent