N° 945

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 mai 2018

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement fédéral autrichien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière,

PAR M. Hugues RENSON

Député

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ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 320.

 


 

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. le contexte juridique du présent accord

A. Les accords de réadmission de la France

B. L’impact du cadre européen de l’éloignement des ressortissants de pays tiers

II. L’Autriche, partenaire de confiance

III. Un texte nécessaire bien qu’aux enjeux limités

A. Une nécessaire mise en conformité avec le droit européen

B. Un texte applicable seulement à certains cas de figure

1. La pratique des éloignements vers l’Autriche : des effectifs réduits

2. Les catégories de personnes potentiellement concernées par l’accord

a. Le cas peu fréquent des ressortissants autrichiens (et réciproquement français)

b. Les ressortissants d’autres pays : de multiples exceptions à l’obligation de réadmission

C. une volonté de concilier droits des personnes et efficacité

1. Des règles précises quant à l’établissement de la nationalité et du séjour des personnes objet d’une demande de réadmission

2. Des dispositions procédurales détaillées

3. La protection des données personnelles

4. Les dispositions d’application et finales

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe : texte de la commission


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   introduction

 

Mesdames, Messieurs,

La France et l’Autriche sont liées depuis 1962 par un accord permettant, sous certaines conditions naturellement, le renvoi mutuel entre les deux pays de leurs ressortissants qui font l’objet d’une mesure d’éloignement, ainsi que de ressortissants de pays tiers ayant séjourné sur le sol de l’autre signataire. De fait, quelques dizaines de personnes sont ainsi renvoyées en Autriche chaque année. Il y aussi des cas de transit : par exemple, des personnes renvoyées vers un pays tiers font une escale aéroportuaire à Vienne.

Afin de moderniser et mettre en conformité avec le droit européen ce dispositif, les deux pays ont signé en 2007 un nouvel accord, puis, s’étant aperçus que ce texte comportait encore une incompatibilité avec le droit européen, un protocole de révision en 2014. C’est l’ensemble de ce dispositif qui est aujourd’hui soumis à l’approbation de l’Assemblée nationale.

Il s’inscrit dans une catégorie classique d’accords bilatéraux, les accords de réadmission, que la France a signés avec plus d’une cinquantaine de partenaires, dont une vingtaine dans l’Union européenne.

Il comprend, comme les autres accords de réadmission de la France, des règles procédurales précises et des garanties de droit sur des questions telles que l’établissement de l’état-civil et de la nationalité des personnes concernées, la protection des données à caractère personnel échangées dans les procédures ou encore les prérogatives des éventuelles escortes policières.

Enfin, il convient de souligner qu’il est signé avec un pays qui est un partenaire de confiance. Nous savons que le résultat des dernières élections générales en Autriche et l’installation au pouvoir, en décembre dernier, d’une nouvelle majorité ont suscité des interrogations. Pour autant, si le programme de gouvernement de la nouvelle coalition comprend certes des mesures restrictives en matière d’asile et d’immigration, il s’inscrit dans le cadre du droit européen (en particulier du régime commun d’asile) et des valeurs démocratiques communes.

Votre commission des affaires étrangères vous invite donc à adopter le présent projet de loi.

 


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I.   le contexte juridique du présent accord

Le présent accord n’est pas sui generis. Il s’inscrit dans une catégorie classique d’accords internationaux, celle des accords de réadmission, par lesquels les pays signataires s’engagent à accepter le retour forcé sur leur sol de leurs ressortissants en situation irrégulière et le cas échéant de ressortissants de pays tiers ayant séjourné sur leur sol. La passation de ce type d’accords est toutefois désormais encadrée par le droit européen.

A.   Les accords de réadmission de la France

La France a établi un réseau dense d’accords bilatéraux de réadmission dans le monde et en particulier en Europe :

– elle est partie à 38 accords de cette nature, qui couvrent 41 pays, parmi lesquels 20 États-membres de l’Union européenne ;

– s’y ajoutent 8 accords dits de gestion concertée des flux migratoires avec des pays africains qui comprennent des clauses de réadmission ;

– enfin, notre pays a conclu 5 protocoles nationaux d’application dans le cadre d’accords de réadmission de l’Union européenne.

La France peut en effet s’appuyer également sur les 17 accords de réadmission passés au niveau de l’Union européenne avec des pays tiers, auxquels s’ajoutent des arrangements moins formels avec des pays tels que l’Afghanistan.

Les accords de réadmission prévoient systématiquement l’obligation pour leurs signataires de « réadmettre » leurs nationaux en situation irrégulière sur le territoire de l’autre signataire. Ils peuvent également prévoir – c’est généralement le cas pour ceux signés entre pays européens – l’obligation de réadmettre, sous certaines conditions, des ressortissants d’un pays tiers qui auraient séjourné sur le territoire du signataire ainsi requis avant de se retrouver sur le territoire du signataire requérant.

B.   L’impact du cadre européen de l’éloignement des ressortissants de pays tiers

L’Union européenne a mis en place progressivement des éléments de politique commune en matière migratoire et d’asile : le Conseil européen de Tampere a défini, en 1999, une approche commune comprenant notamment la création d’un régime d’asile commun. Le Conseil européen de Bruxelles de novembre 2004 a recommandé la mise en place d’une politique efficace d’éloignement.

En conséquence, l’Union a adopté en 2008 une directive dite « retour » établissant des règles communes pour les procédures d’éloignement concernant des ressortissants de « pays tiers » ([1]). L’article 6 de ce texte prévoit que les États-membres « prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire », mais peuvent s’en abstenir « si le ressortissant concerné d’un pays tiers est repris par un autre État membre en vertu d’accords ou d’arrangements bilatéraux existant à la date d’entrée en vigueur de la présente directive ». La directive rappelle également la définition européenne des ressortissants de pays tiers : il s’agit des personnes qui ne sont ni citoyennes de l’Union européenne ni bénéficiaires de la libre-circulation en application du « code Schengen » (c’est-à-dire ressortissantes des pays non membres de l’Union mais intégrés au système Schengen, tels que la Suisse, le Lichtenstein, l’Islande et la Norvège).

Donc l’Union a posé, pour les ressortissants extra-communautaires (et extra-Espace économique européen et Suisse), un principe selon lequel ils devaient être reconduits dans leur pays d’origine par l’État-membre où ils se trouvent en séjour irrégulier, mais a admis une dérogation à cette règle lorsque des accords antérieurs à la directive prévoyaient, dans certains cas, la reconduite des personnes en cause non pas vers leur pays d’origine, mais vers un autre État-membre.

Ce point est important car le présent accord, conclu en 2007, donc avant l’adoption de la directive « retour », prévoit justement ce cas de figure.


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II.   L’Autriche, partenaire de confiance

La mise en place, suite aux élections législatives d’octobre 2017, d’un gouvernement de coalition alliant le parti conservateur ÖVP (Österreichische Volkspartei) et le parti FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs), communément qualifié de nationaliste, a suscité de nombreuses interrogations.

C’est pourquoi il est opportun de rappeler quelques réalités concernant l’Autriche.

Tout d’abord, s’agissant du programme ([2]) du nouveau gouvernement investi en décembre 2017, il comprend effectivement des mesures restrictives en matière d’asile et d’immigration : prise en charge sociale des demandeurs d’asile uniquement sous forme de prestations en nature (pas d’allocations), élargissement de la liste des « pays sûrs » pour l’examen des demandes d’asile, réduction des délais de recours dans le cadre des procédures accélérées d’asile, renforcement de la politique de retour, plafonnement des aides sociales aux réfugiés, réduction des droits sociaux des étrangers pendant leurs cinq premières années de présence, etc.

Ce programme reste néanmoins inscrit dans le cadre européen : il est notamment proposé de coopérer activement dans le cadre du régime d’asile européen commun pour élaborer une politique d’asile résiliente, durable et efficace ([3]). Il y a également des mesures d’ouverture : l’Autriche, selon ce texte, devrait établir un contingent de réfugiés appartenant à des groupes vulnérables qui seraient « réinstallés » depuis des pays tiers ([4]). Ce choix est proche de celui de la France, exprimé par le Président de la République qui a, le 9 octobre dernier, annoncé l’accueil en France, d’ici 2019, de 10 000 personnes dans le cadre du programme de réinstallation, dont 7 000 depuis la Turquie, la Jordanie et le Liban (réfugiés syriens) et 3 000 en provenance du Niger et du Tchad.

Par ailleurs, bien que cela ne soit pas le sujet de l’accord de réadmission, ayons conscience que l’Autriche, située sur la route migratoire d’Europe centrale, a largement pris sa part de l’accueil des migrants suite à la crise migratoire de 2015. D’après les données collectées par Eurostat, avec une population de moins de 9 millions d’habitants, soit presque huit fois moins que la France, l’Autriche a enregistré 148 000 primo-demandes d’asile sur les trois années 2015-2017, contre 238 000 pour notre pays. En 2016, elle a accordé la protection internationale (asile au sens strict, protection subsidiaire ou protection humanitaire) à 32 000 personnes et globalement attribué à des étrangers extra-communautaires quelques 50 000 nouveaux titres de séjour, quand la France a pris quelques 35 000 décisions positives sur la protection internationale et globalement délivré 235 000 nouveaux titres de séjour.

Le rapport de ces nouveaux titres de séjour délivrés en 2016 à la population globale est plus important en Autriche (0,57 %) qu’en France (0,35 %). De même, le rapport des demandes d’asile enregistrées en 2017 à la population est plus élevé en Autriche (0,25 %) qu’en France (0,14 %) ou en Allemagne (0,24 %).

Bref, que ce soit pour le programme de son nouveau gouvernement ou pour la manière dont elle a pratiqué l’accueil des migrants ces dernières années, l’Autriche continue d’affirmer son attachement aux valeurs européennes et au projet européen.

Plus généralement, on doit souligner que l’Autriche est un partenaire de confiance de notre pays dans les débats européens. Si les positions françaises et autrichiennes peuvent être divergentes sur certains dossiers, les deux pays ont aussi des convergences fortes et ont partagé quelques combats européens difficiles, par exemple sur la taxe sur les transactions financières, l’interdiction la plus rapide possible du glyphosate (plus globalement la défense d’une certaine conception de la politique agricole commune) ou la révision de la directive sur les travailleurs détachés. Il n’est pas anodin que le nouveau chancelier, M. Sebastian Kurz, ait réservé à la France sa seconde visite à l’étranger (le 12 janvier 2018), après un premier déplacement à Bruxelles. 

 


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III.   Un texte nécessaire bien qu’aux enjeux limités

Les procédures d’éloignement de la France vers l’Autriche ne concernent que quelques dizaines de personnes par an et rien ne permet de penser que le présent accord, qui a pour objet principal de mettre en conformité au droit européen un accord bilatéral franco-autrichien vieux d’un demi-siècle, changera cet état de fait. Il convient donc de prendre cet accord pour ce qu’il est : une mise à jour de portée limitée destinée à permettre la mise en œuvre dans les meilleures conditions de droit des procédures d’éloignement qui sont parfois nécessaires.

A.   Une nécessaire mise en conformité avec le droit européen

La France et l’Autriche ont signé un accord de prise en charge de personnes à la frontière en 1962. Cet accord comprenait des obligations réciproques de réadmettre, sous certaines conditions de preuves et de délais, les personnes s’étant rendues irrégulièrement sur le territoire d’un des signataires depuis celui de l’autre.

Avec l’entrée en vigueur de l’accord de Schengen, cet accord ne répondait plus aux conditions et aux modalités actuelles de la réadmission, notamment en matière de franchissement irrégulier de la frontière et de durée de séjour.

Le présent accord, destiné à remplacer celui de 1962, a donc été négocié puis signé le 20 avril 2007, à Luxembourg.

Il est toutefois apparu que ce nouveau texte n’était pas non plus conforme au droit européen, en ce qu’il définissait à son article 1er comme ressortissants de « pays tiers » les personnes n’ayant pas la nationalité française ou autrichienne, ce qui conduisait à traiter de manière identique les ressortissants d’autres États-membres de l’Union européenne et ceux de pays extérieurs à celle-ci. Or, les textes européens ([5]) ont établi une citoyenneté de l’Union européenne qui donne des droits spécifiques à ses bénéficiaires dans l’ensemble de l’Union, notamment en matière de circulation et de séjour.

Ce constat a conduit à la négociation d’un protocole portant révision de l’accord de 2007, qui a été signé à Vienne le 30 octobre 2014. Ledit protocole modifie la définition du « ressortissant d’un État tiers » pour la restreindre aux personnes qui n’ont ni la citoyenneté de l’Union, ni celle d’un pays associé à l’espace Schengen.

B.   Un texte applicable seulement à certains cas de figure

S’il était nécessaire de revoir l’accord de réadmission précédemment en place avec l’Autriche afin de se conformer au droit européen, il convient également de relativiser les enjeux : en droit, les procédures d’éloignement avec l’Autriche concernent des catégories limitées de personnes et, de fait, des effectifs réduits.

1.   La pratique des éloignements vers l’Autriche : des effectifs réduits

Sur les années 2012 à 2017, le nombre annuel de personnes éloignées vers l’Autriche a varié entre 31 et 52, la moyenne s’établissant à 41. Un petit nombre de ces personnes étaient de nationalité autrichienne (en moyenne 2 à 3 par an), les autres appartenant à diverses nationalités extra-communautaires ([6]).

La mise en application du présent accord, qui s’inscrit dans la lignée du dispositif précédemment en vigueur, ne devrait pas avoir d’impact très conséquent sur ces flux, comme le constate l’étude d’impact : « l’accord n’aura (…) aucune incidence financière majeure, compte tenu des volumes de retours envisagés ».

2.   Les catégories de personnes potentiellement concernées par l’accord

a.   Le cas peu fréquent des ressortissants autrichiens (et réciproquement français)

Compte tenu de la liberté de circulation et d’établissement qui prévaut dans l’Union européenne, assortie d’une dispense d’avoir à demander un titre de séjour pour les citoyens européens s’installant dans un autre État-membre, les cas de figure d’éloignement de ressortissants entre États-membres sont relativement peu fréquents.

Plusieurs situations sont cependant prévues par notre droit national, en conformité avec le droit européen :

– dans un cadre judiciaire, un citoyen d’un autre État-membre peut être l’objet d’une peine d’interdiction de séjour prononcée en complément d’une autre peine criminelle ou correctionnelle ;

– l’éloignement, voire l’expulsion d’un ressortissant européen peut aussi être décidé par l’autorité administrative pour des raisons d’ordre et de sécurité publiques sous réserve de justifier d’une « menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société » ([7]) ;

– enfin, cet éloignement peut être justifié par le non-respect des obligations afférentes au « droit au séjour » entre États-membres, qui comprennent soit l’exercice d’une activité professionnelle, soit la possession de « ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale », ainsi que d’une assurance maladie, soit la poursuite d’études (ou enfin l’appartenance à la famille d’une personne répondant à l’une de ces conditions). L’éloignement peut également être décidé en cas d’« abus de droit » prenant la forme de séjours de moins de trois mois à répétition en vue de contourner ces règles ou de séjour « dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale » ([8]).

b.   Les ressortissants d’autres pays : de multiples exceptions à l’obligation de réadmission

S’agissant des personnes qui n’ont pas la nationalité autrichienne (ou réciproquement française), l’accord, complété par le protocole de 2014 qui a précisé la définition des « ressortissants d’un pays tiers », prévoit de nombreuses limites à l’obligation de réadmission :

– selon l’article 6 de l’accord, l’obligation de réadmission ne vaut de toute façon que pour les ressortissants de pays tiers ou apatrides, ce qui, compte tenu du protocole susmentionné de 2014, écarte les citoyens des États-membres (autres que la France et l’Autriche) et des pays européens associés à l’espace Schengen ;

– selon l’article 7, cette obligation ne vaut pas lorsque les personnes concernées ont disposé d’un titre de séjour ou d’un visa délivré par le pays qui demande leur réadmission, sauf dans le cas où elles seraient titulaires dans le pays requis d’un titre d’une validité supérieure ;

– selon le même article, cette obligation est écartée lorsque la durée de séjour irrégulier dans le pays requérant a dépassé six mois ;

– elle est également écartée pour les réfugiés (bénéficiaires de l’asile dit conventionnel au sens de la Convention de Genève), les apatrides reconnus, les demandeurs d’asile compte tenu du dispositif dit « Dublin » qui permet déjà (en principe) leur transfert dans l’État-membre « responsable » de leur demande (notamment s’ils y ont des liens familiaux ou s’ils y ont été préalablement enregistrés), enfin les titulaires de tout titre de séjour délivré par un membre de l’espace Schengen.

C.   une volonté de concilier droits des personnes et efficacité

Le texte du présent accord, de facture classique pour un accord de réadmission, comporte des dispositions procédurales précises destinées à assurer une application efficace tout en respectant les droits des personnes.

1.   Des règles précises quant à l’établissement de la nationalité et du séjour des personnes objet d’une demande de réadmission

Les articles 2 à 5 de l’accord concernent la réadmission des ressortissants des deux pays signataires. Ils précisent en particulier les conditions dans lesquelles la nationalité des personnes peut être établie ou présumée en fonction notamment de documents d’identité (dont la liste est donnée par des annexes de l’accord). En cas de doute sur les éléments fondant la présomption de la nationalité ou en cas d’absence de ces éléments, les autorités consulaires de l’État requis doivent procéder à l’audition de la personne en cause.

Les articles 6 à 10 de l’accord sont relatifs à la réadmission des ressortissants de pays tiers ou des apatrides. L’article 8, en particulier, renvoie à une annexe de l’accord qui précise les éléments probants à prendre en compte pour établir l’état-civil, la nationalité et le passage par le territoire de l’État requis (condition de la demande de réadmission) des personnes concernées.

2.    Des dispositions procédurales détaillées 

L’accord encadre strictement les délais de réponse aux demandes de réadmission. Ainsi les articles 5 et 9 (relatifs respectivement à la réadmission des nationaux des deux pays signataires et des ressortissants de pays tiers) prévoient-ils que l’État requis répond à la demande de réadmission immédiatement et au plus tard dans les cinq jours ouvrables suivant la réception de celle-ci. En l’absence de réponse dans un délai d’un mois, la demande est considérée comme acceptée. La réadmission s’effectue au plus tard dans les trente jours suivant l’accord donné par l’État requis.

Les articles 11 à 13 encadrent un autre cas de figure : le transit  – par voie terrestre ou à l’occasion d’une escale aérienne – par le sol d’une des parties de personnes en cours d’éloignement vers un troisième pays. Ce transit doit être autorisé dès lors que l’admission dans le pays de destination finale est acceptée et que l’éventuel transit par d’autres États est garanti. Les conditions dans lesquelles le transit est effectué sont précisées : si nécessaire, l’escorte policière doit être fournie par l’État requérant en cas de transit par voie aérienne, par l’État requis en cas de transit terrestre ; l’escorte en provenance de l’État requérant s’effectue en civil, sans armes ; en cas d’infraction commise par la personne concernée durant le transit, l’État requis a une compétence prioritaire. Les délais de transmission des demandes de transit et de réponse à celles-ci sont également précisés.

Aux termes de l’article 14, tous les frais liés à la réadmission, dont est donnée une liste exhaustive, sont à la charge de l’État requérant.

3.    La protection des données personnelles

L’article 15 protège les données à caractère personnel inévitablement échangées dans une procédure de réadmission ou de transit : encadrement limitatif des informations à transmettre ; utilisation de celles-ci limitée aux seules fins de mise en œuvre de l’accord et aux seules autorités compétentes en application de l’accord ;  conservation limitée dans le temps ; information des personnes sur les données qui ont été transmises…

4.   Les dispositions d’application et finales

Conformément à son article 16, l’accord est complété par un protocole d’application (conclu en même temps et joint) qui précise notamment : les types de document nationaux pouvant servir à établir la nationalité des personnes pour l’application de l’accord ; les documents et informations que doivent contenir les demandes de réadmission ou de transit ; les modalités de transmission de celles-ci ; les conditions de remboursement par le pays requérant des éventuels frais engagés par le pays requis ; les autorités administratives compétentes pour la mise en œuvre des différents éléments des procédures, etc.

Les articles 17 à 19 comprennent les habituelles dispositions finales concernant notamment l’entrée en vigueur de l’accord.

Il est à noter que l’Autriche a fait état de l’achèvement de ses procédures interne d’approbation tant pour l’accord que pour le protocole de révision de 2014, de sorte que l’achèvement du processus côté français permettra son entrée en vigueur sans délai.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mardi 15 mai 2018.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Alain David. Même si nous ne savons pas de quoi demain sera fait, vous m’avez rassuré en précisant que l’accord de coalition autrichien portait une conception du droit d’asile conforme aux valeurs européennes.

Je m’interroge également sur la dimension bilatérale de cet accord, l’Autriche étant, comme nous, membre de l’Union européenne : ne serait-il pas plus simple d’établir des règles européennes pour régir les questions relatives à la réadmission au sein de l’Union ?

M. Jean-Paul Lecoq. Je constate une nouvelle fois, dans les propos de notre rapporteur, une certaine confusion entre la question des migrations irrégulières et celle de l’asile. Un demandeur d’asile n’est pas un migrant irrégulier. Les migrants irréguliers qui arrivent en France via l’Autriche peuvent être « dublinés », c’est-à-dire renvoyés en Autriche.

Cet accord suscite tout de même certaines interrogations. Il a été négocié il y a déjà plusieurs années de cela, avec une majorité différente de celle qui se trouve aujourd’hui au pouvoir en Autriche. L’accord est-il encore adapté ? Vous nous expliquez qu’il comporte toutes les garanties nécessaires, mais le pouvoir actuel souscrit-il à ces garanties ? A-t-il ratifié cet accord ? Nous devons donc impérativement nous assurer que l’Autriche partage actuellement les valeurs qui sont prônées par l’accord que nous sommes appelés à ratifier.

Par ailleurs, avez-vous des statistiques au sujet des demandeurs d’asile dont la demande aurait été rejetée en Autriche et qui auraient ensuite déposé une nouvelle demande en France ?

M. le rapporteur. Je reprécise la chronologie des négociations avec l’Autriche en matière de réadmission. Nous avons conclu un premier accord en 1962, devenu obsolète avec la création de l’espace Schengen. C’est pourquoi nous avons signé en 2007 un nouvel accord aux stipulations actualisées. Simplement, cet accord, suite à une erreur dans la rédaction, considérait les ressortissants des pays de l’Union européenne autres que la France et l’Autriche comme des ressortissants d’États tiers. C’est pour corriger cela qu’au terme d’une procédure de réécriture – trop longue, je vous l’accorde – l’accord que nous sommes appelés à examiner a été définitivement signé en 2014. Tout cela pour dire que cet accord n’a pas été élaboré pour répondre à une problématique d’actualité : il est dans les tuyaux depuis longtemps et a une portée essentiellement technique ; il s’apparente à tous les autres accords de ce type.

La France a ce genre de convention bilatérale avec 20 États-membres. En 2008, la directive « retour » de l’Union européenne a mis en place des règles générales sur cette question, mais a accepté une exception lorsque des conventions bilatérales signées antérieurement prévoyaient le renvoi possible de migrants en situation irrégulière non pas vers leur État tiers d’origine, mais vers un État-membre de l’Union européenne. Nous sommes précisément dans ce cas de figure, puisque l’accord initial avec l’Autriche avait été signé en 2007.

Je pense comme M. Lecoq qu’il est nécessaire de bien distinguer l’asile et les migrations. L’asile n’est pas une option, c’est une obligation pour tous les pays qui ont adhéré à la convention de Genève, et c’est un droit pour tous ceux qui fuient la guerre et la barbarie. Comme je l’ai dit, l’accord que nous examinons ne concerne pas les demandeurs d’asile : il n’y aura pas de réadmission de personnes qui auraient obtenu le statut de réfugié et la réadmission éventuelle de demandeurs d’asile ne rentre pas dans ce cadre mais dans celui du règlement « Dublin ». J’entends l’actualité avec laquelle on peut lire cet accord, mais il faut justement essayer de s’en extraire un peu. Il s’agit là d’un accord ancien et technique, qui porte sur un très faible volume de personnes : je rappelle qu’une trentaine de personnes par an au total sont éloignées de la France vers l’Autriche.  Cet accord a donc une portée limitée, mais il nous faut le ratifier pour adapter notre droit aux exigences de l’Union européenne.

Enfin, je précise que l’Autriche a achevé sa procédure interne de ratification dès 2015.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi sans modification.

 

 


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   annexe : texte de la commission

 

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement fédéral autrichien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Luxembourg le 20 avril 2007 (ensemble deux protocoles, signés à Luxembourg le 20 avril 2007 et à Vienne le 30 octobre 2014), et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 320)

 


([1]) Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

([2]) « Zusammen. Für unser Österreich. Regierungsprogramm 2017 – 2022 ».

([3]) « Aktiv an der Ausgestaltung einer resilienten, nachhaltigen und effizienten Asylpolitik im Rahmen der laufenden Verhandlungen zum "Gemeinsamen Europäischen Asylsystem" mitarbeiten ».

([4]) « Für besonders vulnerable Gruppen ein österreichisches Resettlementkontingent vorsehen ».

([5]) Voir les articles 9 du traité sur l’Union européenne et 20 et 21 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi que la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États-membres.

([6]) En particulier Afghanistan, Algérie, Kosovo, Pakistan…

([7]) Articles L. 511-3-1 et L. 521-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

([8]) Articles L. 511-3-1 et L. 121-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.