N° 1026

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le mercredi 6 juin 2018

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant la ratification de l’accord de partenariat sur les relations et la coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Nouvelle-Zélande, d’autre part,

PAR Mme Olga GIVERNET

Députée

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ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 615.

 


 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. Une puissance régionale océanienne favorable au multilatéralisme

A. Un pays très stable politiquement et économiquement

B. Une diplomatie « de principes mais pragmatique »

C. Une relation bilatérale franco-néo-zélandaise désormais solide

II. L’approfondissement du partenariat politique entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande

A. Un accord permettant le développement et l’intensification de la relation entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande

B. Le renforcement du positionnement de l’Union européenne dans la région Asie-Océanie

III. Un accord cadre relativement peu contraignant mais instaurant un référentiel institutionnel commun

A. Valeurs partagées et objectifs de l’accord

B. Dialogue politique et sécurité

C. Coopération économique et commerciale

D. Coopérations sectorielles

E. Cadre institutionnel

F. Dispositions finales et entrée en vigueur

CONCLUSION

travaux DE LA COMMISSION

annexe

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES PAR LA RAPPORTEURE :

annexe

TEXTE adopté par la commission


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   INTRODUCTION

 

L’Union européenne et la Nouvelle-Zélande ont signé le 5 octobre 2016 un accord de partenariat sur les relations et la coopération (APRC), afin de remplacer la « déclaration commune sur les relations et la coopération entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande », adoptée en 2007 sans créer de contraintes juridiques. L’accord vise à doter les parties d’un cadre institutionnel commun pour leur coopération dans de nombreux domaines, et à renforcer le partenariat existant, sans remettre en cause les accords déjà en vigueur.

Dans un contexte où l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande doivent entamer des négociations pour un accord de libre-échange, l’APRC apparait comme le volet politique de leur partenariat. La Nouvelle-Zélande  et l’Union européenne partagent de nombreux principes et valeurs qui jouent un rôle de premier plan dans leur action diplomatique : promotion des droits de l’homme, défense du multilatéralisme, engagement en faveur du développement durable.

En outre, cet accord, qui s’apparente à un accord-cadre, doit également favoriser un renforcement du positionnement politique de l’Union européenne en Asie-Pacifique, alors que certains pays de la région voient avant tout l’Union européenne sous un angle commercial.

Pour la France, qui sera après le Brexit le seul membre de l’Union européenne présent dans le Pacifique, la ratification de l’accord contribuerait à renforcer la relation bilatérale avec la Nouvelle-Zélande. Notre partenariat avec la Nouvelle-Zélande a connu une intensification sur la période récente, consacrée par la visite le 16 avril dernier de la Première ministre Jacinda Ardern et par la déclaration conjointe franco-néo-zélandaise présentée à cette occasion. Dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, la France a un intérêt majeur à renforcer ses liens avec la Nouvelle-Zélande, afin de se positionner comme nouvel interlocuteur privilégié au sein de l’U.E.


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I.   Une puissance régionale océanienne favorable au multilatéralisme

A.   Un pays très stable politiquement et économiquement

La Nouvelle-Zélande compte 4,8 millions d’habitants. Elle est dotée d’une solide économie, avec un taux de croissance qui devrait être supérieur à 3% en 2018. Sa situation financière est également solide, la dette publique s’élevant à 22% du PIB. La Nouvelle-Zélande est une monarchie parlementaire dont la reine Elizabeth II est le chef d’État, elle est également membre du Commonwealth depuis 1931.

La Nouvelle-Zélande se positionne très favorablement dans de nombreux classements établis à l’échelle internationale. Elle est ainsi première du classement 2017 de l’ONG Transparency international sur l’indice de perception de la corruption, là où la France est 23ème sur 180, son IDH (Indice de développement humain ([1]) ) est le 13ème meilleur mondial ([2]) , là où la France se classe au 21ème rang .

La travailliste Jacinda Ardern a créé la surprise fin 2017 en accédant au poste de Premier ministre à la tête d’une coalition avec les verts et le parti New Zealand-First, après une décennie de gouvernements de centre droit.

Conformément à ses engagements de campagne, Mme Ardern a fait de la lutte contre le changement climatique et pour l’environnement sa priorité. Elle a ainsi annoncé une révision à la hausse, dans les prochains mois, des engagements pris par son pays lors de la COP21 et a présenté au parlement un « Zero Carbon Act », qui impose un objectif de neutralité carbone pour la Nouvelle-Zélande à l’horizon 2050.

Jacinda Ardern continue également d’accentuer ses efforts sur les secteurs de la santé, de l’éducation et du logement, ainsi que sur la réduction des inégalités et la réduction de la pauvreté infantile.

B.   Une diplomatie « de principes mais pragmatique »

Depuis plus de 20 ans, le fondement de la politique étrangère néo-zélandaise est celui d’une « diplomatie de principes mais pragmatique ». Le 27 février, la Première ministre Jacinda Ardern a tenu son premier discours de politique étrangère, en mettant six points en avant : le commerce, avec l’idée d’associer davantage les citoyens à la définition de la politique commerciale, le désarmement, le changement climatique, le Pacifique, les Amis et notamment l’Australie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne, et le respect des règles multilatérales.

Si la Nouvelle-Zélande conserve pour premiers partenaires stratégiques l’Australie et les Etats-Unis, elle a également su développer son ancrage régional. Elle concentre ainsi sur l’Océanie l’essentiel de son aide publique au développement, et a conclu plusieurs accords de libre-échange avec des pays d’Asie-Pacifique : Singapour en 2001, Hong Kong en 2008, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) en 2009 et la Corée du Sud en 2015. La Nouvelle-Zélande a été le premier pays occidental à reconnaitre à la Chine le statut d’économie de marché, et les deux Etats ont conclu un accord de libre-échange en 2008. D’autre part, la Nouvelle-Zélande est l’un des signataires du partenariat transpacifique, signé en 2016 à Auckland.

On peut souligner que l’essentiel des priorités diplomatiques de la Nouvelle-Zélande figurent dans l’APRC : le désarmement est mentionné à l’article 8 relatif à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, la coopération en matière commerciale est explicitée au titre IV, notamment à l’article 25 en lien avec la question du développement durable, le changement climatique fait l’objet de l’article 45, enfin la promotion et le respect du multilatéralisme sont affirmés dès le préambule de l’accord, puis à plusieurs reprises dans le champ politique comme dans le champ économique.

C.   Une relation bilatérale franco-néo-zélandaise désormais solide

Si le développement de la relation bilatérale franco-néo-zélandaise a pu connaitre des obstacles, du fait des essais nucléaires menés dans le Pacifique et de l’affaire du Rainbow Warrior en 1985, ou encore de la situation passée en Nouvelle-Calédonie, les liens sont aujourd’hui solides. Dans le Pacifique, la présence de la France et de ses trois collectivités (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna) est  perçue comme un élément important de stabilité. La Nouvelle-Zélande a par ailleurs soutenu la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française dans leur accession en 2016 au statut de membre du Forum des iles du Pacifique, principale organisation régionale.

La relation bilatérale concerne aujourd’hui de nombreux domaines, dont :

– La défense, avec la coopération des armées dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord FRANZ (1992) sur l’aide civile et militaire aux États et territoires du Pacifique victimes de catastrophes naturelles, qui associe également l’Australie ;

– Le commerce, avec des échanges commerciaux bilatéraux qui s’établissent autour de 800M€ par an en moyenne depuis 10 ans, et un excédent commercial français de 49M€ en 2017 ;

– La coopération scientifique et culturelle, manifestée par le succès des visas « vacances-travail », par des échanges scientifiques, ou encore par l’enseignement du français en Nouvelle-Zélande où la langue française est la première langue étrangère étudiée.

Sur la période récente, la relation bilatérale franco-néo-zélandaise s’est intensifiée à l’occasion du 70ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre les pays (2015) et des commémorations de la Grande guerre.  Les visites de haut niveau se sont multipliées ces dernières années,  jusqu’à la très récente rencontre à Paris le 16 avril 2018 entre le Président de la République et la Première ministre Jacinda Ardern. Un engagement à renforcer les liens bilatéraux a été formulé à cette occasion, autour de trois priorités : le climat, en particulier vis-à-vis des petits Etats insulaires du Pacifique, l’approche stratégique régionale commune, et le commerce, autour d’une vision commune de ce que doivent être les nouveaux accords de libre-échange.


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II.   L’approfondissement du partenariat politique entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande

Si l’Union européenne ne constitue pas le premier partenaire  stratégique de la Nouvelle-Zélande, le gouvernement actuel ainsi que le précédent ont fait savoir, à la suite du référendum britannique de sortie de l’Union européenne, qu’ils privilégieraient à l’avenir leur relation avec l’Union européenne, au moyen du présent accord ainsi que d’un accord de libre-échange UE-Nouvelle-Zélande. Le lien avec l’Union européenne est une véritable priorité pour la Nouvelle-Zélande, qui vient d’ouvrir une ambassade à Dublin et de rouvrir son ambassade à Stockholm ([3])

A.   Un accord permettant le développement et l’intensification de la relation entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande

L’APRC UE-Nouvelle-Zélande reflète une relation historique entre les parties et leur volonté commune de renforcer et d’étendre leur partenariat, autour de valeurs et de principes partagés. Pour la Nouvelle-Zélande, l’Union européenne constitue en effet un « partenaire naturel » et « vital », selon les termes employés par l’actuelle ambassadrice néo-zélandaise en France, S.E. Mme Jane Coombs ([4]) . Les liens sont à la fois culturels, historiques et axés sur la défense des droits de l’homme, de la démocratie, de l’État de droit et du maintien de la paix et de la sécurité.

L’APRC se substitue à la déclaration commune de 2007 sur les relations et la coopération. Non contraignante, cette déclaration a toutefois permis le renforcement de la relation bilatérale dans plusieurs domaines. Un dialogue UE-Nouvelle-Zélande sur les questions de sécurité a été mis en place à la demande de la partie néo-zélandaise en novembre 2012. Ce dialogue s’est depuis institutionnalisé, et la quatrième session s’est tenue le 29 mai 2017 à Wellington, au niveau du secrétaire général adjoint du Service Européen d’action extérieure. Des consultations UE-Nouvelle-Zélande sur les droits de l’Homme ont lieu régulièrement, la dernière session s’étant tenue par visioconférence le 14 octobre 2015.

En matière de coopération au développement, la déclaration conjointe a permis la mise en place d’un dialogue approfondi avec la Nouvelle-Zélande sur les enjeux de développement dans le Pacifique, au niveau de la DG DEVCO. L’Union européenne et la Nouvelle-Zélande ont organisé une conférence commune sur l’accès à l’énergie dans le Pacifique en juin 2016 à Auckland. Cette conférence a permis la signature d’une déclaration conjointe UE-Nouvelle-Zélande sur la coopération en matière d’agriculture durable dans le Pacifique.

La coopération sectorielle a également progressé : un accord de coopération scientifique et technologique est entré en vigueur en 2009, tandis qu’en matière d’enseignement supérieur, plus de 200 étudiants néo-zélandais ont bénéficié du programme européen « Erasmus + » pour venir étudier en Europe.

Parmi les accords conclus entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande, on peut également citer l’accord-cadre de participation dans les opérations de gestion de crise de l’UE (2012), la Nouvelle-Zélande ayant été le premier État de la région Asie-Pacifique à signer un tel accord avec l’UE. Elle a ainsi contribué à plusieurs opérations extérieures : Atalante, Althéa (Bosnie-Herzégovine) et EUPOL Afghanistan.

À plusieurs égards, l’APRC permet de renforcer et de développer la relation bilatérale entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande. Certains champs qui n’étaient pas couverts par la déclaration commune de 2007 sont ainsi inclus par l’accord d’octobre 2016. C’est notamment le cas de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive (article 8), la lutte contre les armes légères et de petit calibre (article 9), la coopération judiciaire (article 29), la lutte contre la cybercriminalité (article 33), la migration et l’asile (article 35) ou encore la coopération dans les domaines de la culture, de l’audiovisuel et des médias (article 41).  

En termes juridiques, l’accord revêt un caractère contraignant, à la différence de la déclaration conjointe de 2007. Cela implique la mise en place d’un mécanisme de règlement des différends entre les parties, à l’article 54 de l’accord. L’article 53 met en place un comité mixte chargé de la mise en œuvre de l’accord qui, assisté de sous-comités et de groupes de travail, permet des réunions régulières des hauts fonctionnaires de l’Union européenne et de la Nouvelle-Zélande et, ce faisant, une intensification de la relation bilatérale.

B.   Le renforcement du positionnement de l’Union européenne dans la région Asie-Océanie

L’accord de partenariat sur les relations et la coopération entre l’UE et la Nouvelle-Zélande participe d’un renforcement de la présence de l’Union Européenne dans la région Asie-Pacifique. L’Union européenne est liée dans la région par cinq accords-cadres avec la Corée du Sud (2014), l’Indonésie (2014), les Philippines (2018) et le Vietnam (2016), et un accord a été signé avec l’Australie en août 2017. L’APRC UE Nouvelle-Zélande est par ailleurs très similaire, dans sa forme comme dans son contenu, à l’accord-cadre UE Australie, qui vise également à développer le volet politique du partenariat bilatéral, à le renforcer et à l’élargir à de nouveaux domaines. La signature d’accords-cadres avec le Japon et avec Singapour est prévue courant 2018. En outre, la Nouvelle-Zélande fait partie depuis 2010 de l’ASEM, forum interrégional qui regroupe la Commission européenne, les États membres de l’UE, les membres de l’« ASEAN + 3 » et 14 autres États.

 Le renforcement de la présence de l’Union européenne dans la région Asie Océanie s’appuie sur le partage de valeurs, affirmées dès le préambule et le titre I, et sur les enjeux de sécurité, développés au titre II. La lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, mentionnée à l’article 8, pourrait ainsi faire l’objet d’un dialogue bilatéral dédié, sur le modèle de ce qui a été mis en place avec la Corée du Sud ou le Japon.


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III.   Un accord cadre relativement peu contraignant mais instaurant un référentiel institutionnel commun

L’APRC UE-Nouvelle-Zélande crée un nouveau cadre institutionnel commun pour les parties, mais n’abroge ni de modifie aucun des accords conclus avec la Nouvelle-Zélande par l’Union européenne et par ses États membres (article 52). Il s’agit d’un accord mixte, portant sur des matières relevant de la compétence exclusive de l’UE (stipulations commerciales, concurrence) et sur des matières relevant au moins en partie de la compétence des États membres comme le dialogue politique (article 4) ou la coopération en matière de lutte contre le terrorisme (article 11).

Les négociations ont été lancées le 23 juillet 2012, sur une initiative partagée, et conclues le 30 juillet 2014.

A.   Valeurs partagées et objectifs de l’accord

Le préambule de l’accord et le titre I (articles 1 à 4) affirment les valeurs et principes partagés par les parties contractantes, ainsi que l’objectif principal du présent accord, à savoir la mise en place d’un « partenariat renforcé entre les parties », reposant sur un renforcement du dialogue « dans tous les domaines couverts ».

Les parties contractantes réaffirment leur attachement aux principes démocratiques et aux droits de l’homme, ainsi qu’aux principes de l’État de droit et de la bonne gouvernance, et leur adhésion à la charte des Nations unies. L’article 54 prévoit en outre qu’une violation particulièrement grave et substantielle par l’une des parties de ses obligations dans le cadre des dispositions de l’article 2.1 (relatives aux droits de l’Homme) ou 8.1 (relatives à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive) pourrait conduire à la suspension ou dénonciation par l’autre partie de l’accord ou de tout autre accord spécifique au sens de l’article 52. Cette clause dite « politique » est présente dans tous les accords de coopération conclus par l’Union européenne, elle figure notamment dans les accords récemment conclus avec le Canada et paraphé avec l’Australie, et s’appliquerait à un éventuel accord de libre-échange.

Les articles 3 et 4 de l’accord définissent les modalités du partenariat renforcé entre les parties. L’article 3 évoque différentes formes de dialogue possibles, telles que des consultations ministérielles ou des échanges de délégations entre le Parlement européen et le Parlement néo-zélandais. L’article 4 stipule que les parties s’engagent aussi à coopérer au sein des organisations régionales et internationales.

B.   Dialogue politique et sécurité

Le titre II est consacré au dialogue politique et à la coopération en matière de politique étrangère et de sécurité, la coopération en la matière constituant l’un des piliers de l’accord. Les parties conviennent de renforcer leur dialogue politique régulier, sous formes de consultations et d’échanges (article 5), et réaffirment leur attachement aux principes démocratiques, aux droits de l’homme et à l’État de droit (article 6). Cet attachement prend la forme d’un engagement à promouvoir ces principes, et à coopérer pour les faire progresser, « y compris dans les pays tiers ».

En matière de sécurité, les parties insistent sur les menaces constituées par la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs (article 8) et par les armes légères et de petit calibre (article 9). Les parties s’engagent par conséquent à coopérer pour lutter contre ces menaces, par la signature et ratification des instruments internationaux existants en la matière, le maintien d’un système de contrôle des exportations, le dialogue, et d’autre part le respect et la mise en œuvre des obligations qui leur incombent, notamment dans le cadre des Nations unies.

Le titre II comporte également des dispositions relatives à la Cour pénale internationale, les parties s’engageant à l’article 10 à prendre des mesures pour mettre en œuvre le statut de Rome, coopérer pour en promouvoir l’universalité et l’intégrité, et à partager avec des partenaires régionaux des retours d’expérience sur les adaptations juridiques nécessaires à la mise en œuvre du statut de Rome. L’article 11 est consacré à la coopération en matière de lutte contre le terrorisme, dont les parties réaffirment l’importance. Le cadre onusien (charte des Nations unies, résolutions du Conseil de sécurité) et le droit humanitaire et des réfugiés sont privilégiés, les échanges d’informations et échanges de vue sont indiqués comme outils de coopération.

Le titre II articule ainsi le dialogue et les échanges de vues bilatéraux avec le respect et l’affirmation d’un cadre multilatéral de coopération.

C.   Coopération économique et commerciale

Le présent accord ne constitue pas un accord de libre-échange entre les parties. Il ne comporte aucun engagement explicite quant à l’ouverture de négociations commerciales entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande, mais l’article 14 mentionne toutefois que les parties font la promotion de l’accroissement des échanges et des investissements, y compris par la négociation de nouveaux accords.

Dans le cadre du présent accord, les parties s’engagent de façon générale à dialogue et coopérer dans les matières économiques, commerciales et liées aux investissements, « afin de faciliter les flux commerciaux et d’investissements bilatéraux ». L’importance du cadre multilatéral de l’Organisation mondiale du commerce est affirmée, dans le but d’œuvrer à une libéralisation accrue des échanges. Le contenu et les modalités du dialogue entre les parties sont détaillés, deux dialogues annuels étant notamment prévus, l’un sur la politique commerciale et l’autre sur les échanges de produits agricoles.

Les autres dispositions du titre IV détaillent le champ de la coopération économique et commerciale entre les parties, dans des domaines divers. 

L’article 15 porte sur la coopération sur les questions sanitaires et phytosanitaires, les parties étant déjà liées par un accord de 1996 relatif aux mesures sanitaires applicables au commerce d’animaux vivants et de produits animaux. L’article 16 porte sur le bien-être des animaux. Le cadre de l’OMC est à nouveau mis en avant par l’article 17, qui affirme l’engagement des parties à coopérer pour réduire les obstacles techniques au commerce.

Les parties conviennent de coopérer dans plusieurs domaines (articles 18 à 28), notamment en respectant leurs engagements conclus antérieurement au plan du droit international, et en procédant à des échanges de vues et d’informations réguliers. On peut noter qu’en matière douanière (article 22), l’accord de coopération et d'assistance administrative mutuelle entre l'UE et la Nouvelle-Zélande vient d’entrer en vigueur, au 1er mai 2018.

L’article 25, intitulé « commerce et développement durable », mentionne l’importance pour les parties de promouvoir des échanges et des investissements compatibles avec l’objectif de développement durable. Les parties reconnaissent « qu’il n’y a pas lieu d’encourager le commerce ou les investissements en abaissant ou en proposant d’abaisser les niveaux de protection prévus par les législations intérieures en matière d’environnement ou de travail ». Ainsi, on peut souligner que la Nouvelle-Zélande développe depuis 2001 une approche innovante en la matière, en œuvrant pour intégrer dans ses accords de libre-échange des dispositions sur le développement durable ([5]) .

D.   Coopérations sectorielles

L’essentiel des dispositions de l’accord posent le principe de coopérations bilatérales renforcées dans de nombreux domaines.

Le titre III porte sur la coopération en matière de développement mondial et d’aide humanitaire, et mentionne notamment le soutien au développement durable dans les pays en développement et la région du Pacifique. À cet égard, on peut rappeler que l’UE et la Nouvelle-Zélande ont conclu en 2013 un accord de partenariat sur les énergies renouvelables en faveur des petits États insulaires du Pacifique.

Le titre V prévoit une coopération en matière de justice, de liberté et de sécurité. Les parties conviennent de coopérer, par le dialogue et l’application d’instruments internationaux existants, en matière judiciaire, au niveau des services répressifs, concernant la lutte contre la criminalité organisée et la corruption, la lutte contre les drogues illicites, la lutte contre la cybercriminalité et la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. L’article 35 prévoit une coopération pour prévenir et contrôler l’immigration clandestine, et d’étudier la possibilité de conclure un accord de réadmission entre la Nouvelle-Zélande et l’Union européenne. Les parties s’engagent à réadmettre leurs ressortissants irréguliers, ce qui constitue une contrainte juridique concrète imposée par l’accord, à noter toutefois que l’immigration illégale néo-zélandaise est inexistante en France.

L’article 36 reconnait la possibilité pour un État membre d’exercer la protection consulaire pour les ressortissants des autres États membres sur son territoire et inversement.

L’article 37 porte sur la protection des données à caractère personnel, sachant que la Commission européenne a reconnu à la Nouvelle-Zélande un niveau de protection adéquat des données personnelles.

Le titre VI porte sur la coopération dans les domaines de la recherche, de l’innovation et de la société de l’information.

Le titre VII prévoit une coopération dans des domaines variés : éducation et formation, ce qui pourra passer par des partenariats universitaires et par la promotion d’une mobilité accrue des étudiants, culture, audiovisuel et médias, liens entre les peuples.

Le titre VIII porte sur le développement durable, l’énergie et les transports. L’article 45 est consacré au changement climatique, décrit comme « un problème mondial qui requiert une action collective ».

E.   Cadre institutionnel

Le titre IX de l’accord établit un cadre institutionnel entre les parties. L’article 52 prévoit ainsi que les parties peuvent compléter le présent accord « par la conclusion d’accords ou d’arrangements spécifiques dans tout domaine de coopération relevant de son champ d’application ». Les accords et arrangements concernés sont intégrés au cadre institutionnel commun créé par l’accord, contrairement à ceux adoptés préalablement à l’entrée en vigueur du présent accord.

Pour assurer la tenue de consultations régulières entre les parties, l’article 53 prévoit la mise en place d’un comité mixte composé de représentants des parties, au niveau des hauts fonctionnaires. La première réunion du comité mixte s’est tenue à Wellington le 27 février 2018. La France a assisté à la réunion en tant qu’observateur. Cette réunion a permis de rappeler l’attachement commun des parties au multilatéralisme, leur soutien à l’accord de Paris et la nécessaire prise en compte des normes sociales et environnementales dans les échanges commerciaux. Elle a également permis d’identifier des convergences de vue, notamment sur l’influence grandissante de la Chine dans la région, et de souligner l’importance de l’accès, pour les petits États insulaires du Pacifique, aux énergies renouvelables. La Nouvelle-Zélande a également indiqué qu’elle espérait négocier avec l’UE la reconnaissance de l’équivalence de certains diplômes universitaires.

L’article 54 précise les modalités de règlement des différends, qui s’appuient sur le comité mixte, par voie de consultation. Comme évoqué, cet article précise aussi, de façon assez classique pour un accord de coopération de l’Union européenne, que lorsqu’une des parties estime qu’une violation particulièrement grave et substantielle a été commise par l’autre partie, quant à ses obligations dans le cadre des dispositions relatives aux droits de l’Homme ainsi qu’à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, l’accord peut être dénoncé ou suspendu en totalité ou en partie, cette disposition valant aussi pour un accord intégré au cadre institutionnel commun au sens de l’article 52.

F.   Dispositions finales et entrée en vigueur

Les dispositions finales de l’accord sont habituelles.

La procédure de la ratification de l’APRC UE-Nouvelle-Zélande est achevée par le Parlement néo-zélandais, et l’accord entrera en vigueur au trentième jour après la date à laquelle les parties se sont mutuellement notifié l’achèvement des procédures juridiques internes. A la date du 22 mai 2018, il avait été ratifié par neuf États membres de l’Union européenne (Autriche, Bulgarie, République tchèque, Estonie, Espagne, Hongrie, Lettonie, Finlande et Allemagne). Le Parlement européen a approuvé l’accord le 16 novembre 2017.

Conformément à l’article 58, certaines dispositions de l’accord sont entrées en vigueur de manière provisoire le 12 janvier 2017, dans la mesure où elles traitent de matières relevant de la compétence exclusive de l’Union européenne (article 3, article 4, article 5, article 53 sauf paragraphe 3 points g et h, titre X à l’exception de l’article 57 et des paragraphes 1 et 3 de l’article 58).


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   CONCLUSION

L’accord de partenariat sur les relations et la coopération entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande est à la fois peu contraignant et ambitieux. Il crée un cadre institutionnel commun apte à renforcer la relation bilatérale entre les parties, dans un nombre de domaines étendu. Pour l’Union européenne, cet accord permettra à la fois de conforter sa présence dans la région Asie-Pacifique, et de développer l’aspect politique et stratégique de ses relations, en dépassant le champ strictement commercial.

L’entrée en vigueur de l’accord permettra de renforcer la coopération avec la Nouvelle-Zélande dans différents domaines, dont certains revêtent une importance toute particulière : la sécurité et la défense qui englobent des sujets tels que la cybersécurité et le contre-terrorisme, la lutte contre le changement climatique et la mise en œuvre de l’accord de Paris, ou encore la coopération culturelle et les échanges universitaires.

Pour la France, la ratification de cet accord peut constituer le vecteur d’un renforcement de notre relation bilatérale avec la Nouvelle-Zélande et de notre positionnement dans la région Océanie. Pour la Nouvelle-Zélande comme pour l’Australie, la France tend à apparaitre aujourd’hui comme un nouvel interlocuteur privilégié au sein de l’Union européenne, en remplacement du Royaume-Uni.

Ainsi, je vous invite à adopter sans réserve ce projet de loi.


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   travaux DE LA COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 6 juin 2018.

Après l’exposé de la rapporteure, un débat a lieu

Mme Jacqueline Maquet. Votre rapport est intéressant, car nos concitoyens et parfois nous-mêmes, avons tendance à oublier que les objectifs de coopération ne doivent pas seulement se voir au travers du prisme des grandes nations du Conseil de sécurité de l’ONU. On ne peut que se féliciter de ce rapprochement avec la Nouvelle Zélande, après l’épisode tumultueux du « Rainbow Warrior », et alors que nous commémorons le centenaire de la Première guerre mondiale ; car nous oublions parfois le rôle important qu’ont joué nos amis néozélandais. Dans ma circonscription, la bataille d’Arras fut un épisode particulièrement pénible, car sans l’aide de nos amis néozélandais, qui ont construit des kilomètres de tunnel, l’assaut de la crête de Vimy n’aurait pas pu avoir lieu. Ces mêmes tunnels ont servi à abriter des milliers de citoyens pendant la Seconde guerre mondiale. Ils sont aujourd’hui un facteur important de ce que l’on appelle le « tourisme mémoriel ». On ne peut donc que regarder d’un bon œil la convention qui nous est proposée aujourd’hui.

Mme Olga Givernet, rapporteure. Merci chère collègue, pour ce rappel historique. En effet, il est important de se rappeler quels ont été nos alliés, et de faire progresser et perdurer nos relations.

M. Jean-Luc Mélenchon. Le rapport est très intéressant et j’en félicite l’auteur. Néanmoins, je ne partage pas du tout votre enthousiasme ni votre appel à voter sans réserve. Au contraire, ce sont beaucoup de réserves qui me viennent à l’esprit avec la Nouvelle-Zélande, y compris en matière de rugby et de manière tout aussi émouvante. Mais regardons les choses comme elles sont. D’abord, la France n’a pas besoin de la Nouvelle-Zélande pour être présente dans cette région du globe, puisqu’elle a la Nouvelle-Calédonie. Ensuite, le modèle d’agriculture de la Nouvelle-Zélande est le prototype de l’agriculture productiviste, qui fait une concurrence déloyale aux producteurs européens, je pense notamment à la production d’ovins, dans la mesure où la viande qui arrive de ce pays est un sous-produit de la laine. Par conséquent, les producteurs européens sont battus sur tous les plans, à chaque fois qu’arrive une carcasse de Nouvelle-Zélande, peu importe son état ou le nombre de fois qu’elle a fait le tour de la Terre (c’est le point le plus éloigné des partenaires commerciaux que nous pouvons avoir). C’est une agriculture productiviste, qui émet deux fois plus de CO²  que les autres modes de production. Il faut 2000 litres d’eau en Nouvelle-Zélande pour produire un litre de lait, et ainsi de suite. Par conséquent, nous n’avons pas de raison de manifester de l’enthousiasme à propos des échanges en matière agricole. J’ajoute que l’idée que la France puisse être le point d’entrée de la Nouvelle-Zélande en Europe à la place des Anglais n’est pas un sujet de réconfort, mais plutôt d’inquiétude. J’ajoute que c’est la première fois que l’Union européenne s’est arrangé pour ne pas reproduire les « inconvénients » de la discussion sur le CETA. L’accord a été coupé en deux, la partie que nous voyons ici et la partie sur les investissements, qui ne sera discutée que par le Parlement européen. Nous avons donc à faire un texte « post-CETA », tenant compte des inconvénients du CETA, non pas pour les gens mais pour la Commission européenne, qui veut en dessaisir à chaque fois toute l’Europe. Voilà pourquoi, pour ma part, je ne voterai pas ce texte même si j’ai une grande affection pour les Néozélandais, sauf en rugby.

Mme Marine le Pen. Je partage un certain nombre de réserves parmi celles qui ont été faites par notre collègue Mélenchon. Je ne pense pas que ce soit à l’Union européenne de négocier des accords de libre-échange avec quelque nation que ce soit, c’est à la France de le faire. Et d’ailleurs, on voit bien que les intérêts de l’Union ne sont pas les mêmes que ceux de la France, ils sont parfois inconciliables. Je rapproche de cet accord avec celui qui va arriver avec le Mercosur, d’ailleurs les éleveurs français sont vent debout contre le Mercosur mais aussi contre cet accord avec la Nouvelle-Zélande. On a à faire à des géants de l’élevage, que l’on va mettre en concurrence déloyale avec nos éleveurs, alors qu’en plus c’est mauvais pour la préservation de la planète. Je crains que ce modèle économique nous soit reproché par nos enfants, aller chercher à l’autre bout du monde des produits que l’on pourrait produire chez nous, de même qualité nutritive et en totale sécurité sanitaire. On va continuer comme ça, enchainer les accords de libre-échange avec la bénédiction des groupes représentés au sein du Parlement européen, à quelques exceptions près. Ce sera notre responsabilité. Mais les choses changent peut-être, peut-être que la droite se rend compte de manière sincère du danger que représentent ces accords.

M. Frédéric Barbier. Première question : nous connaissons les liens historiques très forts qui unissent la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Nous savons que le Brexit a engendré une baisse des échanges entre les deux îles, cependant, celles-ci souhaitent continuer à échanger, peut-être selon un accord propre. Ainsi, l’accord entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande pourrait être un outil utile pour permettre à ces deux acteurs de préserver leur relation privilégiée et des valeurs communes, comme la lutte contre le réchauffement climatique et le libre-échange. Je me demande quelles mesures concrètes prévues par cet accord permettent de défendre ces valeurs, écologiques, et économiques et stratégiques. Cet accord prévoit les discussions afin de réduire les tarifs douaniers, mais je rappelle qu’un accord similaire conclu entre la Chine et la Nouvelle Zélande a vu les exportations chinoises progresser de 230 % dans le marché néozélandais, contre 30 % en sens inverse. Je me demande quelles sont donc les conséquences attendues de cet accord.

M. Denis Masséglia. Vous avez parlé de relations économiques très fortes entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande. Je voudrais connaitre le volume des échanges, l’évolution espérée et les domaines d’activité qui seraient concernés.

M. Jean Paul Lecoq. Aujourd’hui on doit tout faire pour améliorer les relations entre les peuples de toute la planète. Ça doit être une priorité de la France. Et chaque fois que des traités permettront d’améliorer ces relations, ce sera toujours positif. Sauf qu’on nous présente encore un accord commercial et financier, c’est-à-dire que l’on veut améliorer les relations entre les peuples sur la base du business, et d’un business dont les conséquences à la fois sur le climat, l’économie de la France et ses éleveurs peuvent être dramatiques. On n’a pas encore réglé la question du CETA, un énorme débat nous attend, même si l’on essaye par tous les moyens de nous en empêcher, il n’empêche que les questions posées par ces traités économiques sont des vraies questions. Je n’ai pas vérifié le chevauchement entre les dates de négociation du CETA et de ce traité, je ne sais pas si ce traité tient compte du CETA ou s’il s’en affranchit totalement pour laisser entrer en France des produits que la plupart des Français rejettent. On s’accorde tous sur le fait qu’il faut manger des produits de qualité, les débats sur la loi agriculture et alimentation l’ont rappelé, et je ne suis pas sûr que quelqu’un soutienne qu’il faille dégrader les conditions d’alimentation, or je ne pense pas que ce traité permette d’améliorer notre alimentation, et je pense, au nom de mon groupe, qu’il faut le rejeter.  

M. Bruno Fuchs. Effectivement, on se réjouit d’avoir des accords de coopération nombreux. Le Président de la République française s’est montré favorable à un accord avec la Nouvelle-Zélande, s’il était cohérent avec nos principes sociaux, sanitaires et environnementaux. A-t-on la certitude que ce texte s’accorde avec ces principes ?

M. Christian Hutin. Il n’est pas question pour notre groupe de nier la qualité du travail de Madame la rapporteure, ni de nier le soutien que les Néo-zélandais ont apporté à la France à une certaine époque. Néanmoins, il me semble qu’il s’agit d’une sorte de préfiguration, de pré-CETA avec la Nouvelle-Zélande. Si des éleveurs de mouton nous regardent, ils se disent « Est-ce qu’ils vont vraiment voter ça ? Et moi, qu’est-ce que je vais devenir ? ». Est-ce qu’on va faire venir du mouton du coin le plus éloigné du monde pour nous, sans faire attention à nos éleveurs ? Le rapport Schubert nous a expliqué un certain nombre de problèmes liés au CETA, aux antibiotiques, à la maltraitance animale, sur laquelle nous avons passé une quinzaine d’heures, aux hormones de croissance… La Nouvelle Zélande respecte-t-elle ces règles  ?

Mme Olga Givernet, rapporteure. Un tout petit mot d’introduction, qu’on ne se trompe pas de sujet : c’est un accord très large, politique, qui préfigure des relations commerciales, mais qui porte aussi notamment la sécurité, sur nos échanges culturels et éducatifs. Ne pas voter ce rapport pourrait nous mettre en difficulté, alors que la question commerciale viendra après. Je vous invite à prendre connaissance de ce qu’il y a dans cet accord, pour avoir des bases concrètes. Je vais répondre aux questions.

J’ai eu l’occasion de voir les Néo-zélandais jouer au rugby, ils font preuve de « fairplay », et je ne doute pas qu’ils partagent nos valeurs, notre attachement aux droits de l’homme. Nous avons un mandat de négociation pour l’accord de libre-échange, mais ce n’est pas cet accord. Ce mandat va nous permettre de commencer à discuter avec l’expérience que nous avons eue du CETA, pour rentrer dans un accord qui pourra faire consensus. Il y a une volonté d’intégrer les accords de Paris dans les futurs accords commerciaux. Mais encore une fois, il n’est pas question de moutons dans cet accord. Dans l’inclusion qui sera faite du plan post-CETA, il y a également des intérêts offensifs prévus pour la France à  rentrer dans ce marché, où nous avons déjà un excédent commercial de 47 millions d’euros, il y a donc un intérêt à développer des échanges économiques renforcés avec la Nouvelle-Zélande.

Il y a une volonté d’approche responsable du libre-échange. Le nouveau gouvernement néo-zélandais souhaite travailler sur la question du développement durable. Je rappelle qu’il y a une volonté d’être sur une approche zéro carbone à l’échéance 2050, et nous partageons cette volonté. Il y a aussi une volonté affirmée du Conseil de l’Union européenne de maintenir les États et la société civile informés des négociations commerciales. Je comprends que la compétence de l’Union européenne puisse inquiéter certains, mais je crois à la volonté de l’Union européenne d’œuvrer pour le bien des nations qui la composent.

Concernant la question du marché chinois : dans les échanges que nous avons pu avoir avec l’ambassadrice, avec le ministre du Commerce, avec qui on a pu échanger dans le cadre du groupe d’amitié France-Nouvelle-Zélande, il y a une vraie inquiétude à l’égard de la Chine. Ils reconnaissent les avantages économiques qu’une alliance avec la Chine peut créer, mais ils sont inquiets de cette politique très invasive de la Chine dans ce secteur. Il est important pour eux de rester en lien avec les pays européens, puisqu’ils se sentent en communion de valeurs, de culture, beaucoup plus proches de nous qu’ils ne peuvent l’être avec la Chine.

Les domaines d’activité concernant cet accord sont : la sécurité et la défense, avec la cyber sécurité et le cyber terrorisme. Il y a également des mesures sur le changement climatique, et la mise en œuvre de l’accord de Paris, et bien évidemment les aspects culturels et les échanges universitaires. Il y a une question sur les normes sanitaires et phytosanitaires, les Parties étant liées par une convention de 1996 relative aux mesures sanitaires applicables au commerce d’animaux vivants et des produits d’animaux. Il y a un article 16 qui porte sur le bien-être des animaux, et dans le cadre de l’OMC, il est mis en avant qu’il faut coopérer pour surmonter les obstacles techniques au commerce.

Sur la question économique pour la France, j’ai rappelé l’excédent commercial et la volonté de pénétrer un nouveau marché. L’accord de libre-échange va probablement mettre plusieurs années à être négocié, mais avec l’expérience que nous avons eue sur le CETA, nous aurons une vision plus élargie de ce que nous voulons. Avec la Nouvelle-Zélande, il y a une entente qui est faite, et il faudra entrer en négociation et défendre nos intérêts, mais aujourd’hui je reste positive sur cette volonté d’avancer de concert sur ces sujets-là.

Sur les principes sociaux, humains et sanitaires, il y a cette volonté de valeurs partagées, de pouvoir travailler de concert et d’avoir une vision commune sur ces sujets-là.

Je reboucle sur l’article 15, qui était la question de la coopération sanitaire et phytosanitaire, et la volonté de pouvoir, en amont, donner un certain nombre de principes stratégiques, politiques, d’entente, pour l’accord qui viendra par la suite.

M. Jean Paul Lecoq. Est-ce que vous êtes capable de nous donner les échanges culturels, commerciaux, qu’il y a avec la Nouvelle-Calédonie ?

M. Jacques Maire. C’est important de voir si la France sera conforme à la caricature qu’en font ses partenaires. On est face à un projet aux dimensions politiques, sociales, sociétales, qui vise à accompagner une démarche économique avec une démarche de société. Comme on ne sait pas ce que contiendra l’Accord, avant d’avoir mal, on se dit « je ferme le dialogue ». La conséquence immédiate est la marginalisation politique de la France. Si l’on croit qu’en face de l’unilatéralisme de Trump, il est important d’avoir des accords commerciaux qui respectent l’ensemble des standards, il faut avoir un agenda offensif, y aller avec des exigences. La question du plan d’action CETA avec l’intégralité des demandes climatiques est dans l’agenda français. On sait parfaitement que ces préoccupations sont relayées par le gouvernement. Il faut donc jouer cette carte. Ces accords commerciaux sont la majorité, et si l’on n’est pas à même de convaincre les autres européens que cet agenda offensif peut être partagé, si l’on se réfugie sur un ilot d’excellence unilatéral, nous affaiblirons la position française sur ce type d’accord. Il faut juste donner les conditions d’un mandat positif sur cet accord assez simple.

M. Jean-Luc Mélenchon. J’avais parfaitement compris qu’il ne s’agissait pas d’un accord sur le mouton, mais le prochain accord le sera. Il traitera aussi du lait, parce que sinon les Néo-zélandais ne voudront même pas négocier avec nous, vu que c’est essentiellement ce qu’ils ont à exporter. Depuis quand les Français se sont-ils repliés derrière leur rideau ? Derrière quel accord ? Lors de quelle discussion ? Ce n’est jamais arrivé. Les gouvernements français successifs ont toujours tout accepté sans conditions. Alors après on fait valoir des points de vue émouvants sur la planète et le reste, qui n’ont aucune valeur en pratique. C’est le cas du CETA. Il y a moment dans les relations internationales où elles sont marquées par leurs propres expériences. Nous avons été bernés dans le CETA et dans le TAFTA. Qui peut oublier que les Nord-américains ont été pris la main dans le sac en train de nous espionner à Paris, à Bruxelles, à Berlin, sur les négociations TAFTA ? Comment peut-on oublier que l’accord CETA a été négocié sans qu’on n’autorise aucun parlementaire à consulter les textes, sinon avec un crayon à mine dans la main, dans une salle où il était impossible de sortir des documents ? Maintenant nous devons protéger nos intérêts, quel est l’intérêt de ramener du lait et du mouton de l’autre côté de la planète ? C’est faire preuve d’un angélisme sans égal que de ne pas le comprendre, au moment où une nation comme les États-Unis sont en train de tirer le rideau protectionniste. Ça n’a rien à voir avec l’affection que l’on porte aux Néozélandais. Il s’agit de comprendre ce qu’apporte réellement le libre-échange, de se faire une bonne idée du monde. Quel est l’intérêt d’amener des produits animaux ou agricoles de l’autre bout du monde ? Il n’y en a pas.

M. Bruno Fuchs. Il faut développer nos partenariats, mais on voit bien que dans le monde d’aujourd’hui, la complexité de nos accords doit être relevée, il faut intégrer les standards nouveaux sur l’environnement, les standards sociaux et sanitaires. Et sur la Nouvelle-Zélande, je demande une vigilance accrue dans le niveau de discussion que l’on a. Il faut mettre des limites et des standards, ne pas laisser le libre-échange aller vers des excès qu’on ne maitrise plus.

Mme Martine Leguille-Balloy. Merci Mme la Présidente. Je voudrais remettre l’église au milieu du village par rapport à ce que vient de dire M. Mélenchon. Vous étiez témoin vous aussi Mme la Présidente l’autre jour pendant la Commission Brexit du fait que peut-être faut-il avoir peur des moutons qui vont arriver de Nouvelle-Zélande mais malheureusement il faut aussi avoir peur, ou du moins avoir une connaissance, de ce qui se passe chez nous. On a appris l’autre jour qu’on devrait plutôt avoir peur du Brexit car des millions de tonnes de moutons viennent tous les ans en France via l’Angleterre. Nous discutons donc d’une peur qui est une réalité actuelle. Je pense qu’il faut faire des choses avant d’avoir peur de l’étranger.

Mme Annie Chapelier. Je m’inscris complètement dans ce qui a été dit précédemment par M. Maire mais aussi dans ce que vient de dire ma collègue Mme Leguille-Balloy. Avec la rapporteure, Mme Givernet, nous étions à la rencontre avec le ministre du Commerce extérieur qui est également ministre du Développement durable. C’est à souligner, la Nouvelle-Zélande s’est dotée d’un seul et unique portefeuille pour concilier dans tout acte de commerce international, l’aspect environnemental avec le commerce. Nous pourrions fortement nous en inspirer car il est difficile de créer des accords internationaux où nous pourrions respecter l’ensemble des règles phytosanitaires et du développement durable, alors que c’est traité dans deux ministères différents. Concernant les moutons, nous avons interrogé le ministre en question sur le sens de faire venir des ovins d’un bout à l’autre de la planète et comment obtenir un niveau de carbone zéro en 2050 si on continue comme ça. Chez eux, il y a une volonté réelle de donner un sens au commerce international et de concilier la réalité des échanges internationaux avec un commerce de proximité. Ils vont dans le même sens que nous, c’est-à-dire établir des règles internationales et la Nouvelle- Zélande est un pays avec qui on peut être en accord sur le plan des valeurs.

M. Jean-Paul Lecoq. Je partage ces inquiétudes et j’ai le souvenir d’avoir nombreuses fois interpellé les responsables français sur le CETA et à chaque fois ils me disaient  que ces questions étaient sécrètes.

Mme Olga Givernet, rapporteure. Merci cher collègues, pour l’ensemble de vos questions, nous avons ainsi un débat nourri de l’expérience de chacun. M. Lecoq, vous posiez la question des échanges culturels. Je vais également donner mon expérience personnelle : je suis partie en 2004 avec un visa vacances-travail et je suis restée pendant 3 ans, c’est le type d’échange que nous pouvons faire avec la Nouvelle-Zélande. Cela  permet d’aller à l’étranger et de parler l’anglais. Réciproquement, en Nouvelle-Zélande il y a près de 5 millions d’habitants dont 1 million à l’extérieur des frontières et principalement en Europe, au Royaume-Uni.

Je reviens sur le Forum des iles du Pacifique, il y a une connexion particulière avec la Nouvelle Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna. Il y a une coordination et une solidarité et nous devons les soutenir. Il y a la Communauté du Pacifique qui siège à Nouméa, en Nouvelle Calédonie. Il faut donc garder en tête la proximité de nos relations du fait de nos territoires en Asie Pacifique.

Merci M. Maire d’avoir rappelé qu’il ne faut pas fermer la discussion, et cet accord le permet car c’est un accord large sur différents secteurs et aujourd’hui dans nos relations internationales nous avons besoin d’élargir notre perspective à l’ensemble des sujets, sans se limiter aux questions commerciales car nous risquerions de nous y enfermer comme nous pouvons le voir aujourd’hui avec les États-Unis.

Je peux donner des informations complémentaires concernant les concessions agricoles. La France a veillé à ce que le mandat de négociation considère le niveau de sensibilité du secteur agricole, et à la prise en compte des pays et territoires d’Outre-Mer, alors même qu’ils ne sont pas juridiquement concernés par l’accord car non membres de l’Union douanière.

Mme Leguille-Balloy, merci pour votre parler vrai qui s’appuie sur ce qui se passe sur le terrain. En effet, s’il y a du mouton de Nouvelle-Zélande qui transite par le Royaume-Uni pour arriver en France, pourquoi ne pas avoir des circuits « plus courts » ? Enfin, Mme Annie Chapelier, nous avons rencontré le ministre du Commerce, ministre du Développement durable et qui est aussi ministre de la Justice. Il est tout à fait conscient de la nécessité de ne pas opposer le commerce et le développement durable mais de coordonner les deux dimensions.

M. Moetai Brotherson. On a beaucoup parlé de la Nouvelle-Calédonie, on a un peu oublié la Polynésie Française. Tout de même, le centre historique de la population de Nouvelle-Zélande, les Maoris, sont venus de Polynésie. Il y a beaucoup d’interrogations aussi de la part de mes collègues. Je voulais savoir si cet accord pouvait être discuté en séance.

M. Joachim Son-Forget. Je suis favorable au libre-échange et à un travail responsable. La Nouvelle-Zélande est un fer de lance dans la protection marine océanique, elle a développé des aires marines qui protègent des grands mammifères et  elle est liée à des initiatives dans l’Atlantique-Est qui sont souvent malheureusement bloquées par les véto chinois et russe. Quant aux accords de libre-échanges, il serait utile et il faudrait évaluer les avantages et les désavantages  en termes d’empreinte carbone de chacun des marchés.

Mme Olga Givernet, rapporteure. Merci d’être revenu sur les territoires d’outre-mer. Il y a eu une discussion très soucieuse de prendre en compte dans les accords commerciaux nos populations d’Outre-Mer qui ont des cultures différentes et qui sont  tout particulièrement impliquées dans les territoires d’Asie Pacifique.

Je reviens vers vous M. Son Forget, ça m’a fait penser qu’aujourd’hui, bien que la Nouvelle Zélande soit loin, avec le télétravail de nouvelles relations peuvent se développer. Je l’ai vu avec des collègues qui vont s’installer partout dans le monde et qui continuent de travailler pour des entreprises néo-zélandaises. Je voudrais rappeler que la Nouvelle Zélande a des entreprises performantes de technologie mais aussi  dans d’autres secteurs et souhaite réellement pouvoir s’intégrer dans cette volonté de progrès mondial en termes de recherche et développement.

Mme la Présidente Marielle de Sarnez. Je voudrais vous faire deux propositions avant de passer au vote. Il y a un contexte, dans lequel ce projet de convention arrive. C’est celui du Conseil de l’Union européenne du 22 mai. Hier Jean Baptiste Lemoyne l’a rappelé et vous devriez avoir reçu un compte-rendu. Le Conseil du 22 mai a décidé d’autoriser la Commission européenne à négocier des accords de libre-échange au nom de l’Union européenne avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Ajoutons que ces accords de libre-échange ne seront pas effectivement des accords mixtes parce qu’ils ne comporteront pas de clause en matière d’investissements, et que donc seul le Parlement européen sera de « nature » à être saisi. Cela me fait dire deux choses : premièrement, il y a un problème, évoqué hier avec Jean Baptiste Lemoyne sur la future non-mixité des accords. C’est un problème très général, il faut que la France porte une exigence sur cette question, celle d’associer les opinions publiques aux négociations commerciales en amont des mandats. Je dis que dans ce contexte, nous parlementaires, avons une part de responsabilité, c’est le sens de la proposition que je voudrais vous faire. D’une manière plus générale, sur les mandats de négociation, je  pense que notre Parlement pourrait adopter un projet de résolution qui fixerait quelques lignes pour le futur mandat de négociation que la France donnera pour les négociations commerciales. Il me semble que nous serions dans notre rôle en faisant ce travail, par exemple à l’automne, étant donné que les négociations ne seront pas encore ouvertes. Pour dire au fond, quels sont les intérêts offensifs, quels sont les intérêts défensifs, quelles sont les lignes rouges à ne pas franchir, quelles sont les inquiétudes, quelles sont les interrogations, quelles sont les exigences en matière d’impacts par exemple. Cela aiderait le gouvernement à avoir une ligne à porter qui aurait été vue au préalable par l’Assemblée nationale et par le Sénat dans les futures négociations. Cela est la première proposition : que nous puissions rédiger un projet de résolution qui donne au fond les lignes que nous conseillons au gouvernement d’utiliser pour son futur mandat de négociation avec Australie et Nouvelle-Zélande.

Concernant la deuxième préposition, je pense que nous devrions avoir un débat en séance publique sur ce texte. Je préconise qu’au nom de la Commission nous puissions demander en Conférence des présidents d’éclairer le vote par un débat qui sera un premier débat préalable à un projet de résolution qui arrivera quelques semaines ou mois plus tard. Au moins, je trouve qu’ainsi le Parlement serait dans sa responsabilité et notamment dans sa responsabilité de proposant. Voilà les propositions que je voulais vous faire.

Mme Olga Givernet, rapporteure. Merci Mme la présidente, je pense qu’il s’agit d’une sage proposition. Je voulais aussi remercier mon administratrice qui a pu me soutenir sur ce sujet.

Mme Laetitia Saint-Paul. Au nom du groupe je me prononce en faveur de cette résolution. Je crois que l’idée que tout soit négocié au nom de l’Union Européenne sans associer les parlements nationaux  nous semble une privation de notre rôle et une privation démocratique. Je crois que nous serons nombreux à soutenir votre démarche. Quant au vote et présentation dans l’hémicycle, je m’associe à cette suggestion. J’ai trouvé le rapport de Madame Givernet très éclairant, fourni et éclairé par son expérience. On voit bien qu’on ne traite pas que d’économie, on traite d’humain, de sécurité, d’environnement et je pense qu’il ne faut pas le réduire à ce qui nous inquiète mais bien penser à l’esprit des lois et ne pas toujours être pointilleux sur la lettre, si je peux me permettre. Je m’associe au nom du groupe à vos deux propositions.

M. Michel Herbillon. Nous ne pouvons que nous associer à vos propositions et rendre hommage de manière légitime à ce que le Parlement soit associé à cela. Les deux propositions vont dans le bon sens. J’ai des doutes sur la volonté de l’exécutif de tenir compte de la résolution votée dans hémicycle, je le dis de manière tranquille et cordiale, car on a de plus en plus l’impression que l’Assemblée nationale, parce que c’est un souhait sous volonté de l’exécutif, ressemble à un théâtre d’ombres. Je pense que ça supposerait qu’on ait une discussion avec l’exécutif car déjà lorsque le Parlement est dans son rôle, on voit comment il est traité.

M. Jacques Maire. On a évoqué naturellement ce sujet avec la Présidente et le ministre Jean-Baptiste Lemoyne. Pour revenir sur deux points, premièrement sur le calendrier: il nous aurait  semblé utile pour bien respecter l’engagement du gouvernement d’associer aux moments clé les parlementaires, de faire quelque chose, dans le contexte de la signature de l’accord de libre-échange UE-Japon qui est le plus  important de tous les accords que nous allons signer dans les trois prochaines années. La signature est prévue à la fin du mois de juin. Est-ce qu’on aurait encore le temps de faire cette résolution ? C’est l’occasion de faire un point d’étape sur notre degré d’influence et son respect par le gouvernement. De ce point de vue, si on veut être utiles à un moment utile et faire vivre cet engagement du gouvernement à nous associer, la signature de l’accord UE-Japon constitue une opportunité idéale, à défaut, le plus tôt sera le mieux.

Mme Marine Le Pen. Notre collègue Herbillon se posait la question de savoir si l’exécutif allait tenir compte de ces initiatives. En ce qui me concerne, j’ai quelques inquiétudes sur ce sujet. La question derrière est : est-ce que la Commission européenne va en tenir compte ? Et là, j’ai une certitude. La Commission ne fera que ce qu’elle souhaite, elle ne portera aucun intérêt ou revendication de la France. Ce débat va être utile pour peigner les médias, l’opinion publique qui a très bien compris que le CETA, l’accord avec le MERCOSUR et l’accord de libre-échange Australie-Nouvelle Zélande seront la mort programmée de notre élevage. Nous le savons tous. Il ne faut pas faire croire que ce débat à l’Assemblée nationale aura quelques conséquences sur la trajectoire de cet accord de libre-échange et sur la volonté de la Commission européenne de libéraliser l’intégralité des échanges au détriment de la France. Si ce n’est que pour informer l’opinion publique, nous sommes d’accord.

M. Jean-Luc Mélenchon. J’approuve votre position Mme la Présidente. On verra ce que l’exécutif en fera mais avant nous nous verrons ce que nous même nous en ferons. Il y a deux utilités à votre proposition : la première c’est peut-être de sortir des caricatures: qui est contre le libre-échange n’est pas pour autant pour l’enfermement. Il y a un concept intermédiaire, le protectionnisme solidaire, des relations responsables et négociée mais sans être du libre-échange. Parfois il y a de la caricature. Il serait intéressant de voir s’il y a un point de vue français, ce qui serait une force pour nous. Et s’il était exprimé par le Parlement de notre République, on aurait des droits d’interpellations. C’est une proposition extrêmement positive. Je ne crois pas forcement à la bienveillance d’un gouvernement libéral pour faire autre chose que du libéralisme mais je pense que c’est une bonne idée. Je crois aussi que le débat en plénière est une bonne idée. Merci madame la Présidente pour ces propositions.

M. Christophe Naegelen. Merci madame la Présidente et merci madame la rapporteure. Pour revenir à votre proposition qu’est-ce qui a fait que l’accord du CETA a amené tant de troubles et suscite tant de préoccupations ? C’était le manque d’information. L’Europe a discuté entre elle, alors que le Canada avait plus de représentants que l’Europe. Je suis tout à fait d’accord avec vos propositions, il faut que chaque pays européen, avant que les parlementaires européens négocient, puisse tracer des limites. Il faut que chaque pays européen puisse tracer sa feuille de route et fixer des limites. C’est aussi notre rôle de dire qu’il y a des limites qui ne peuvent pas être franchies. C’est une proposition très bonne, on la soutient il faut encore que la majorité et le gouvernement la valide. Concernant le gouvernement j’ai un peu plus d’inquiétudes et il faut être capable d’expliciter notre point de vue. Tout à l’heure notre collègue Maire disait que Jean Baptiste Lemoyne attendait une proposition de résolution dans ce sens-là, c’est plutôt positif mais il ne faut pas que ça soit un éléphant qui accouche d’une souris.

M. Joachim Son-Forget. J’oubliais de remercier Mme la rapporteure pour son excellent travail. J’abonde dans votre sens. Ces propositions de résolution n’ont pas de pouvoir coercitif mais ont le pouvoir du peuple qu’on met derrière nous. Tout dépendra de notre capacité à entrainer nos électeurs et ceux qui ne sont pas nos électeurs dans ce débat. On peut faire le meilleur et le pire avec les médias et les réseaux sociaux mais on voit bien que quand il y a une mobilisation qui se fait pour le meilleur, les gens s’engagent. C’est le même esprit que les États généraux ou que les consultations citoyennes. C’est un moyen de faire remonter les désaccords et comme ça, l’exécutif peut éventuellement réviser sa copie car il semble qu’une masse derrière suggère une idée.

M. Jean-Paul Lecoq. Un petit mot pour saluer la proposition de M. Moetai Brotherson de faire un débat public dans l’hémicycle. Ce texte soulève une multitude de questions et d’initiatives qui semblent bonnes. J’apprécie votre proposition Mme la présidente, mais pour travailler sérieusement quand on est parlementaire, il faut du temps. Le rythme qui est donné aujourd’hui au fonctionnement du Parlement ne permet pas de faire cela sérieusement. On ne peut pas être jour et nuit dans l’hémicycle, week-end compris, et demander à ce qu’on prenne du recul pour donner les règles à l’exécutif au sujet des traités internationaux.

On doit aussi avoir un travail qui ne devienne pas un travail préélectoral pour l’exécutif. Je joue un travail de parlementaire, réel, profond, mais je ne veux pas que ce travail soit l’occasion pour l’exécutif de prendre ça comme une caution. On veut que les propositions qui seront faites avec force, et qui seront peut-être partagées par l’ensemble des parlementaires, soient des propositions qui s’appliquent et qui fassent en quelque sorte force de loi dans l’avenir européen. Ce n’est pas la même chose... Je voudrais donc que les choses soient entendues et partagées ainsi.

M. Michel Fanget. Un mot pour remercier Olga Givernet pour la qualité de son rapport. Je soutiens la proposition de notre présidente, à la fois pour le débat en séance publique et la proposition de résolution. Si nous ne faisons rien, les choses ne pourront pas évoluer. Nous voterons ce rapport.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je trouve que nous avons eu un débat important et intéressant.

Mme Le Pen a parlé des pouvoirs de la Commission européenne. Je rappelle une chose : moins le politique s’exprime, plus la Commission européenne a le pouvoir. Or, la compétence exclusive de la Commission européenne sur le commerce international est une compétence qu’elle a par délégation des États. Il suffirait donc que les États reprennent le pouvoir qui est le leur et expriment des positions pour que la Commission européenne soit en demeure de les suivre. C’est ainsi que les choses doivent marcher dans une Europe démocratique. Je propose donc qu’on essaie de faire ce pari : celui du retour du politique.

M. Lecoq, la question n’est pas celle des arrière-pensées politiciennes. La question est : est-ce que la France peut porter et défendre une vision et une position qui soit la plus consensuelle possible ? J’emploie ce terme car plus c’est consensuel, plus c’est fort, plus ça peut être entendu ensuite. Si nous sommes divisés, on n’y arrivera pas. S’il y a un consensus sur 5 ou 6 principes généraux sur ces questions de relations commerciales, et plus spécifiquement sur nos relations avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, alors la France portera et défendra facilement un message politique.

Je ne pense pas que cela accouchera d’une souris M. Naegelen : cela dépend de nous, et non de l’exécutif. Si le Parlement est bon dans cet exercice, s’il dit quelque chose de la façon la plus rassemblée et la plus consensuelle possible, il sera forcément entendu par l’exécutif qui n’aura pas d’autre choix que de prendre en compte cette position. Si elle peut être défendue par l’Assemblée nationale et le Sénat, elle sera encore plus forte. Ainsi, la balle sera dans notre camp. Je vous propose donc qu’on essaie et je remercie les uns et les autres pour l’appui à ces propositions.

M. Brotherson, évidemment qu’il faut un débat public : ce sera une manière d’amener la question et d’amener la résolution.

Quant au Japon, M. Maire, nous allons voir le calendrier et vois ce que nous pouvons faire : j’entends tout à fait votre position.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi n° 615.

 


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annexe

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES PAR LA RAPPORTEURE :

s.E Jane Coombs, ambassadrice de Nouvelle-Zélande en France ;

– Mme Liese Galvin, deuxième secrétaire de l’ambassade ;

– M. Thomas Konterski, chargé de mission à l’ambassade ;

– M. Jules Irrmann, chef de la mission d’Océanie du MEAE ;

– M. Louis Doucet, rédacteur à la sous-direction des relations extérieures de l’Union européenne du MEAE ;

– Mme Carine Viallon, rédactrice, mission des Accords et Traités du MEAE.

 


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annexe

 

   TEXTE adopté par la commission

Article unique

 

Est autorisée la ratification de l’accord de partenariat sur les relations et la coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Nouvelle-Zélande, d’autre part, signé à Bruxelles le 5 octobre 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 615)


([1]) Le calcul de l’IDH repose sur trois critères : l'indice du PIB par habitant (exprimé en parités de pouvoir d'achat), l'indice de l'espérance de vie à la naissance, et l'indice du niveau d'instruction (mesuré par un indicateur alliant pour deux tiers le taux d'alphabétisation des adultes et pour un tiers le taux de scolarisation).

([2]) Données 2015

([3]) Ce point a été indiqué lors de l’audition de S.E Mme Jane Coombs

([4]) Lors d’une audition menée le 9 mai 2018

([5]) Cet aspect a été mis en avant par l’ambassadrice Jane Coombs en audition