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N° 1302

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2018

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019
(n° 1255),

 

TOME I

 

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Par M. Joël GIRAUD

Rapporteur général,

Député

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   SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

FICHE N° 1 : LE CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE

I. LE CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE TOUJOURS FAVORABLE

A. UNE CROISSANCE QUI DEMEURE À UN NIVEAU ÉLEVÉ

1. Un redémarrage progressif de 2012 à 2016, avant une nette accélération en 2017

2. Une croissance qui a ralenti au premier semestre mais qui se redresserait au second semestre 2018

3. Un contexte de long terme marqué par un ralentissement de la croissance

B. UN RETOUR ATTENDU DE LINFLATION

1. Une inflation qui se redresse

2. Un contexte de long terme marqué par un ralentissement de linflation

C. UNE AMÉLIORATION DU TAUX DE MARGE DES ENTREPRISES

D. UNE AMÉLIORATION DU MARCHÉ DE LEMPLOI

E. UN FORT DÉFICIT COMMERCIAL PERSISTANT

II. LES HYPOTHÈSES DU GOUVERNEMENT

III. LAVIS DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES

FICHE N° 2 : LE DÉFICIT PUBLIC ET SES COMPOSANTES (TOUTES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CONFONDUES)

I. UN DÉFICIT PUBLIC SOUS LA BARRE DES 3 % DU PIB POUR LA TROISIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE

A. LÉVOLUTION DU DÉFICIT PUBLIC

1. Des comptes publics en déficit depuis 1975

2. Un déficit public sous la barre des 3 % depuis 2017

B. UN EFFORT DE RÉDUCTION DU DÉFICIT PUBLIC MAINTENU POUR 2018 et 2019

1. Une baisse constante du déficit depuis 2009

2. Une cible de déficit meilleure que celle prévue dans la loi de programmation des finances publiques

C. UN DÉFICIT PUBLIC PORTÉ PAR LÉTAT

a. Un déficit public porté essentiellement par l’État

b. Une amélioration des finances des administrations publiques locales

c. Une amélioration des comptes de la sécurité sociale

II. UN DÉFICIT DORIGINE STRUCTURELLE

A. UN DÉFICIT STRUCTUREL DE 2 % DU PIB

1. Notion de déficit structurel

a. Une composante du déficit public suivie au titre des engagements européens de la France

b. Des modalités de calcul complexe

2. Hypothèses de calcul du déficit structurel

3. Un déficit structurel qui se réduit insuffisamment selon le Haut Conseil des finances publiques

B. UN EXCÉDENT CONJONCTUREL DE 0,1 % DU PIB

FICHE N° 3 : LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

I. LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES JUSQUEN 2017

A. LÉVOLUTION

B. LA STRUCTURE

II. LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN 2018

A. UNE BAISSE DE 0,4 POINT AU TITRE DES MESURES LÉGISLATIVES

B. UNE HAUSSE DUE À LÉVOLUTION SPONTANÉE POUR 0,1 POINT

III. LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN 2019

A. UNE ÉVOLUTION SPONTANÉE NEUTRE SUR LE TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

B. UNE BAISSE DUN POINT DE PIB AU TITRE DES MESURES ADOPTÉES

IV. LÉVOLUTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DEPUIS LE DÉBUT DE LA LÉGISLATURE

A. LA MÉTHODE DE CALCUL DU MONTANT DE LA BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

B. LA RÉPARTITION DE LA BAISSE ENTRE LES ENTREPRISES ET LES MÉNAGES

FICHE N° 4 : LA DÉPENSE PUBLIQUE

I. LEXERCICE 2019 CONSTITUE LA CONFIRMATION DE LOBJECTIF AMBITIEUX DE RÉDUCTION DE LA PART DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

A. LA CONFIRMATION DE LA BAISSE SIGNIFICATIVE DU RATIO DE DÉPENSE PUBLIQUE PAR RAPPORT À LA RICHESSE NATIONALE

B. LEXERCICE 2019 ILLUSTRE LA POURSUITE DE LA MODÉRATION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

C. LA MAÎTRISE DE LA MASSE SALARIALE AU SEIN DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES EN 2019

1. Le maintien du gel du point dindice de la fonction publique en 2019

2. La reprise du protocole de revalorisation des carrières « PPCR » au 1er janvier 2019

3. La réduction des effectifs des administrations publiques

II. LA MODÉRATION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE APPLICABLE À TOUS LES SECTEURS DADMINISTRATION PUBLIQUE

A. LA RÉDUCTION EN VOLUME DE LA DÉPENSE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CENTRALES EN 2018 ET EN 2019

B. LA MAÎTRISE PROLONGÉE DE LA DÉPENSE DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

C. LACCÉLÉRATION DE LA DÉPENSE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES, NOTAMMENT LIÉE AU CYCLE ÉLECTORAL

1. Le cadre fixé par la loi de programmation

2. Le processus de contractualisation avec lÉtat

D. LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME ACTION PUBLIQUE 2022

1. La présentation du processus de réforme Action publique 2022, en octobre 2017

2. La publication des conclusions des travaux du Comité Action publique 2022, en juillet 2018

3. Laugmentation de la dotation de la mission budgétaire Action et transformation publiques

FICHE 5 : LA DETTE PUBLIQUE

LA DETTE PUBLIQUE SE STABILISERAIT EN 2019, BIEN QUÀ UN NIVEAU SUPÉRIEUR AUX PRÉVISIONS ANTÉRIEURES

A. LE RALENTISSEMENT PROGRESSIF DE LENDETTEMENT PUBLIC, EN DÉPIT DUN NIVEAU DE DETTE ÉLEVÉ

1. Le ralentissement de lendettement public au cours des années récentes

2. Le niveau et la trajectoire de dette publique divergents par rapport aux pays de la zone euro

B. LA DETTE PUBLIQUE EN AUGMENTATION PAR RAPPORT AUX PRÉCÉDENTES PRÉVISIONS, DU FAIT DE LA MESURE DE RECLASSEMENT DE SNCF RÉSEAU

1. La dette publique supérieure aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques de 2018 et au programme de stabilité davril 2018

2. Limpact du reclassement de SNCF Réseau en septembre 2018 sur le niveau de dette publique à compter de 2016

C. LA PRÉVISION DU PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES : UNE STABILISATION DU NIVEAU DE DETTE PUBLIQUE EN 2019 AVANT UNE DÉCRUE

1. La stabilisation du niveau de dette publique en 2019

2. Le maintien de lobjectif du Gouvernement dune diminution du ratio de dette publique de 5 points de PIB au cours du quinquennat

3. La décomposition de la dette publique par sous-secteur dadministration

II. LA REMONTÉE DE LA CHARGE DE LA DETTE DE LÉTAT

A. LAUGMENTATION DYNAMIQUE DE LA DETTE DE LÉTAT

1. Laccélération de lendettement de lÉtat

2. La confirmation du rétablissement dun niveau modéré de primes à lémission

B. LA CONFIRMATION DUNE REMONTÉE GRADUELLE DE LA CHARGE DE LA DETTE DE LÉTAT

1. La normalisation progressive du contexte économique

2. Le redressement progressif et annoncé des taux dintérêt

3. Laugmentation modérée de la charge de la dette de lÉtat

FICHE N° 6 : LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2019 DANS SON CONTEXTE EUROPÉEN

I. LES NORMES DE FINANCES PUBLIQUES

A. LA NORME RELATIVE AU DÉFICIT EXCESSIF

B. LA NORME RELATIVE À LÉQUILIBRE DES COMPTES PUBLICS

C. LA NORME RELATIVE À LAJUSTEMENT STRUCTUREL MINIMAL

II. LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

A. OBJET DE LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

B. CADRE JURIDIQUE DE LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

III. LE CYCLE ANNUEL BUDGÉTAIRE

A. LE CADRE JURIDIQUE DE LA SURVEILLANCE DES FINANCES PUBLIQUES

1. Le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance

a. Lobligation délaborer un programme de stabilité ou de convergence

b. Lévaluation et le suivi des programmes de stabilité ou de convergence

2. Le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance

B. LE SEMESTRE EUROPÉEN

1. Contenu du semestre européen

2. Calendrier du semestre européen

C. LE SEMESTRE NATIONAL

FICHE N° 7 : LE DÉFICIT DE LÉTAT

I. Le dÉficit budgÉtaire de lÉtat

A. Formation du solde budgÉtaire de lÉtat de 2017 à 2019

B. Les principales Évolutions par rapport À 2018

II. Le dÉficit en comptabilitÉ nationale

A. Le passage du solde en comptabilitÉ budgÉtaire au solde en comptabilitÉ nationale

B. la part de lÉtat dans le dÉficit public

FICHE N° 8 : LE VOLET FISCAL DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2019

I. LES MESURES DE RENDEMENT

A. LES MESURES DE RENDEMENT DE PORTÉE GÉNÉRALE

1. La réforme du « cinquième acompte » de limpôt sur les sociétés

2. La suppression du tarif réduit de taxe intérieure de consommation (TICPE) sur le gazole non routier

B. LES MESURES DE RENDEMENT SPÉCIFIQUES

1. La suppression de lexonération de taxe sur les conventions dassurances (TSCA) sur la garantie décès des contrats dassurance emprunteur

2. La rationalisation et la simplification de la fiscalité du tabac

II. LAMÉNAGEMENT DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE

A. UNE ACTUALISATION DU TAUX PAR DÉFAUT

B. LAMÉNAGEMENT DE LACOMPTE SUR CRÉDITS ET RÉDUCTIONS DIMPÔT

C. LE REPORT DUN AN POUR LES PARTICULIERS EMPLOYEURS

D. LÉLARGISSEMENT DE LÉCHELONNEMENT INFRA-ANNUEL DE LACOMPTE CONTEMPORAIN

III. LE VOLET FISCAL RELATIF AU LIVRE BLEU DES OUTRE-MER

A. LA REMISE EN CAUSE DAVANTAGES FISCAUX INEFFICIENTS

1. Labaissement du plafond de la réduction dimpôt pour domiciliation en outre-mer

2. La suppression de la TVA non perçue récupérable

B. LE RENFORCEMENT ET LA PROLONGATION DES AIDES FISCALES POUR LOUTRE-MER

1. La création des zones franches dactivité nouvelle génération (ZFANG)

2. La prorogation des aides fiscales

IV. LA POURSUITE DU « VERDISSEMENT » DE LA FISCALITÉ

A. LA MISE EN ŒUVRE DE LA FEUILLE DE ROUTE POUR UNE ÉCONOMIE 100 % CIRCULAIRE

1. L’institution par les collectivités locales de la part incitative de la taxe denlèvement des ordures ménagères (TEOM) encouragée

2. Le renforcement de la composante « déchets » de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)

3. La réduction à 5,5 % du taux de TVA sur certaines prestations de gestion des déchets

B. LE MAINTIEN DAVANTAGES FISCAUX POUR LENVIRONNEMENT

C. LACCENTUATION DU SOUTIEN AUX BIO-CARBURANTS

V. LA RATIONALISATION DE LA FISCALITÉ

A. LA SUPPRESSION OU LA FUSION DE PETITES TAXES

B. LA SUPPRESSION DE DÉPENSES FISCALES INEFFICIENTES

VI. LA MISE EN CONFORMITÉ DU DROIT FRANÇAIS SUR LE DROIT EUROPÉEN

A. LA MISE EN CONFORMITÉ CONCERNANT LIMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

1. Le régime dintégration fiscale

2. La déductibilité des charges financières

3. Linsertion dune clause anti-abus en matière dIS

B. LA MISE EN CONFORMITÉ EN MATIÈRE DE TVA

C. LÉLIMINATION DES DOUBLES IMPOSITIONS

VII. LA LUTTE CONTRE LÉVASION FISCALE

A. LA RÉFORME DU RÉGIME DIMPOSITION DES PRODUITS DE CESSION OU DE CONCESSION DES BREVETS

B. LA RÉFORME DE L« EXIT TAX »

VIII. LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ AGRICOLE

A. LINSTAURATION DUNE DÉDUCTION POUR ÉPARGNE DE PRÉCAUTION EN REMPLACEMENT DE LA DPA ET DE LA DPI

B. LE PLAFONNEMENT DE LABATTEMENT SUR LES BÉNÉFICES EN FAVEUR DES JEUNES AGRICULTEURS

IX. LA MISE EN ŒUVRE DU VOLET FISCAL DU PROJET DE LOI « PACTE »

A. L’AMÉNAGEMENT DES « PACTES DUTREIL »

B. L'ADAPTATION DU CRÉDIT DIMPÔT POUR LE RACHAT DES ENTREPRISES PAR LEURS SALARIÉS

C. UN ÉLARGISSEMENT DU DISPOSITIF DU CRÉDIT-VENDEUR

X. LA MODERNISATION DES MODALITÉS DE DÉCLARATION, DE PAIEMENT ET DE RECOUVREMENT DE LIMPÔT

XI. LES AUTRES MESURES

A. LA RÉVOCABILITÉ DE LOPTION POUR LIS

B. LAMÉNAGEMENT DES RÈGLES DÉVALUATION DE LA VALEUR LOCATIVE DES LOCAUX INDUSTRIELS

FICHE N° 9 : LES RECETTES DE LÉTAT

I. LES RECETTES FISCALES

A. PASSAGE DES RECETTES FISCALES BRUTES AUX RECETTES FISCALES NETTES

B. PRÉSENTATION GÉNÉRALE

1. Évolution générale de 2017 à 2018

2. Évolution générale de 2018 à 2019

C. PRÉSENTATION PAR IMPÔT

1. La taxe sur la valeur ajoutée

2. Limpôt sur le revenu

3. Limpôt sur les sociétés

4. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

5. Les droits de succession et de donation

II. LES RECETTES NON FISCALES DU BUDGET GÉNÉRAL

III. LES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES

IV. Les dÉPENSES FISCALES POUR 2019 : PRÈS DE 100 MILLIARDS D’EUROS

FICHE 10 : LES DÉPENSES DE LÉTAT

I. LA MAÎTRISE FORTE DES DÉPENSES DE LÉTAT

A. LE RALENTISSEMENT DES DÉPENSES DE LÉTAT

1. La faible progression des dépenses pilotables de lÉtat

2. La gestion plus saine des crédits budgétaires

B. LA POURSUITE DE LA MODÉRATION DE LA MASSE SALARIALE DE LÉTAT

1. Lamplification de la baisse des effectifs de lÉtat

2. Laccélération de la baisse des effectifs au sein des opérateurs de lÉtat

II. LE BUDGET DE LÉTAT POURSUIT LA LOGIQUE DE TRANSFORMATION SOUHAITÉE PAR LE GOUVERNEMENT

A. LAUGMENTATION GLOBALE DES PLAFONDS DE CRÉDITS DE PAIEMENT DU BUDGET GÉNÉRAL

B. LES AUGMENTATIONS DE CRÉDITS CIBLÉES SUR CERTAINES MISSIONS DU BUDGET GÉNÉRAL

1. La poursuite du renforcement du pôle régalien

2. Le soutien confirmé au secteur de léducation, de lenseignement et de la recherche

3. Le prolongement du renforcement des moyens en faveur des dispositifs de solidarité

C. LES BAISSES SIGNIFICATIVES DE CRÉDITS CONCENTRÉES SUR QUELQUES MISSIONS

1. La poursuite de la réforme de la politique du logement

2. Le prolongement de la refonte de la politique de lemploi

3. Les baisses de dépenses sur les missions Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales et Relations avec les collectivités territoriales

D. LES MESURES DE PÉRIMÈTRE

AUDITION DU MINISTRE DE LÉCONOMIE ET DES FINANCES  ET DU MINISTRE DE LACTION ET DES COMPTES PUBLICS

AUDITION DU PRÉSIDENT  DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES


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  INTRODUCTION

Le projet de loi de finances pour 2019 est le deuxième de cette législature.

Il confirme le rétablissement des comptes publics engagés depuis 2017.

Il y a un an, beaucoup doutaient encore de la volonté et de la capacité de la nouvelle majorité à mettre en œuvre un ambitieux programme de transformation de l’action publique et de baisse des impôts tout en ramenant le déficit public sous la barre des 3 % du produit intérieur brut (PIB).

Les premiers résultats sont là !

La France est sortie de la procédure pour déficit excessif dont elle faisait l’objet depuis 2009. La croissance se maintient à un niveau inconnu depuis 2011. Le chômage baisse. Les Français vont constater dans les semaines et les mois qui viennent une hausse très nette de leur pouvoir d’achat grâce à la première étape de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages et la hausse du salaire net des actifs du secteur privé. Les baisses de dotations aux collectivités territoriales ont été stoppées et la confiance a été renouée avec les élus locaux comme en témoigne le succès de la contractualisation pour la maîtrise des dépenses.

Ces premiers succès sont appelés à se confirmer et à s’amplifier. Telle est l’ambition que porte ce projet de loi de finances. Il s’inscrit dans la continuité de la transformation profonde du pays engagée par le président de la République et le Gouvernement, avec le soutien de la majorité parlementaire.

Il est bâti sur une hypothèse de croissance de 1,7 % pour 2018 et pour 2019, conformément au scénario macroéconomique de la loi de programmation des finances publiques. Ces hypothèses ont été jugées « crédibles » pour 2018 et « plausibles » pour 2019 par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) (Fiche 1 : Le contexte macroéconomique).

Le déficit public pour 2019 est prévu à 2,8 % du PIB, en hausse de 0,2 point par rapport à 2018. Il se situe pour la troisième année consécutive sous la barre des 3 % du PIB ce qui n’était pas arrivé depuis 2001. Le remplacement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse pérenne de cotisations sociales est une mesure exceptionnelle qui pèse pour 0,9 point de PIB dans le déficit. Hors mesure exceptionnelle, le déficit devrait donc se situer à 1,9 % du PIB (Fiche 2 : Le déficit public).

Après avoir atteint son record historique en 2017 à 45,3 % du PIB, le taux de prélèvements obligatoires devrait baisser à 45 % du PIB en 2018, puis 44,2 % en 2019 (Fiche 3 : Les prélèvements obligatoires).

Le projet de loi finances pour 2019 confirme l’objectif de forte modération de la dépense publique. Celle-ci sera stable en volume en 2018 et s’élèvera à 0,6 % en 2019, soit un niveau historiquement bas. Le ratio de dépense publique sur le PIB devrait diminuer de 54,6 % en 2018 à 54 % en 2019. Cela résulte de mesures de modération de la dépense applicables à l’ensemble des administrations publiques (Fiche 4 : Les dépenses publiques).

En 2019, la dette publique devrait se stabiliser à 98,6 points de PIB, après 98,7 points de PIB en 2018. Cela représente un niveau supérieur aux prévisions, du fait du reclassement de SNCF Réseau et, par conséquent, de sa dette parmi les administrations publiques. Le Gouvernement maintient l’objectif d’une réduction de la dette publique de 5 points de PIB d’ici 2022, conformément à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([1]). En revanche, la charge de la dette de l’État opère une remontée graduelle, compte tenu de la normalisation du contexte économique et financier (Fiche 5 : La dette publique).

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit un ajustement structurel rehaussé à 0,3 point de PIB, conformément aux engagements pris par la France au mois d’avril dernier à l’occasion de la transmission à la Commission européenne du programme de stabilité (Fiche 6 : Le contexte européen).

Le déficit budgétaire de l’État pour 2019 est prévu à 98,7 milliards d’euros au lieu de 81,3 milliards d’euros pour 2018, soit une hausse de 17,4 milliards d’euros. Cette hausse s’explique par deux effets ponctuels de trésorerie : la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales et la mise en œuvre du prélèvement à la source qui entraînera un décalage sur l’année 2020 d’un mois de perception des recettes de l’impôt sur le revenu. Sans ces deux mesures, le déficit budgétaire pour 2019 ressortirait à 72,8 milliards d’euros, en baisse de 8,5 milliards d’euros par rapport à 2018 (Fiche n° 7 : Le déficit de l’État).

Le projet de loi de finances comporte un volet fiscal riche avec un aménagement du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, la mise en œuvre du Livre bleu des outre-mer, la poursuite du « verdissement » de la fiscalité, la rationalisation de la fiscalité comprenant un programme de suppression de petites taxes et de dépenses fiscales inefficientes, plusieurs articles permettant une mise en conformité avec le droit de l’Union européenne, plusieurs mesures de lutte contre l’évasion fiscale, une réforme de la fiscalité agricole, une modernisation des modalités de déclaration, de paiement et de recouvrement des impôts, et enfin la mise en œuvre de mesures en lien avec le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) (Fiche n° 8 : Le volet fiscal du projet de loi de finances).

Les recettes fiscales nettes du budget général de l’État sont prévues à 278,9 milliards pour 2019, en baisse de 14 milliards d’euros par rapport à 2018. Cette baisse s’explique par l’importance des mesures de transfert : la part de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) revenant à l’État devrait baisser de 26,7 milliards d’euros pour compenser à la sécurité sociale, notamment, les allégements de cotisations sociales décidées en remplacement du CICE (Fiche n° 9 : Les recettes de l’État).

Les dépenses pilotables de l’État progressent faiblement à hauteur de 2,2 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cela représente une évolution en volume négative de – 0,5 %, conformément aux engagements de la loi de programmation. L’évolution des crédits du budget général de l’État illustre la transformation de l’action publique, avec des missions dont les crédits progressent fortement (missions Défense, Sécurités, Justice, Enseignement scolaire, Recherche et enseignement supérieur) et des missions dont les crédits baissent de façon significative en lien avec la réforme des politiques menées (missions Cohésion des territoires et Travail et emploi) (Fiche 10 : Les dépenses de l’État).

Sur le plan de la méthode, le projet de loi de finances 2019 présente une innovation majeure, puisqu’il intègre également les mesures techniques, de nature fiscale et budgétaire, traditionnellement inscrites en la loi de finances rectificative de fin d’année.

Le Gouvernement s’est engagé à ne pas présenter de loi de finances rectificative de fin d’année comportant des mesures fiscales, qui n’auraient pas d’impact sur l’exercice en cours. La loi de finances rectificative de fin d’année ne devrait donc plus être un projet de loi de finances bis, mais une véritable loi de finances rectificative ajustant les crédits budgétaires pour la fin de gestion, qui dispense de la présentation d’un décret d’avance.

En conséquence, le projet de loi de finances pour 2019 comporte quatre-vingt-cinq articles, au lieu de soixante-trois articles dans le projet de loi de finances pour 2018.

Le Rapporteur général ne peut que se féliciter de ce changement de méthode, qui permet de discuter des dispositions fiscales pour l’année à venir au sein d’un seul texte. Cela est de nature à améliorer la lisibilité et l’intelligibilité de la loi, notamment fiscale.

Enfin, cela permet d’examiner plus rapidement la loi de finances rectificative de fin d’année, afin que celle-ci soit promulguée au plus tard début décembre et se substitue au traditionnel décret d’avance de fin d’année. Les mouvements de crédits budgétaires de fin de gestion doivent par principe être examinés en loi de finances. La procédure du décret d’avance doit retrouver son caractère dérogatoire et exceptionnel vis-à-vis de l’autorisation parlementaire de crédits.

En résumé, le projet de loi de finances pour 2019 renoue avec l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([2]), en rétablissant, en pratique, une distinction claire non seulement entre la loi de finances initiale (de l’année) et la loi de finances rectificative de fin d’année, mais aussi entre la loi de finances rectificative et le décret d’avance.

 


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   FICHE N° 1 :
LE CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE

Résumé de la fiche

Après une forte accélération en 2017 (+ 2,2 %), la croissance en volume du PIB a fléchi au premier semestre 2018 (+ 0,2 % au premier et au deuxième trimestre). Elle devrait toutefois se redresser au second semestre pour atteindre sur l’ensemble de l’année une évolution de 1,6 % selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et de 1,7 % selon le Gouvernement.

Le Gouvernement prévoit également une croissance de 1,7 % en 2019, ce qui demeure un niveau élevé par rapport aux taux de croissance constatés depuis 2012.

Si elles sont revues à la baisse par rapport au programme de stabilité, les prévisions du Gouvernement sont conformes à celles de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2019. Elles ont été jugées « crédibles » pour 2018 et « plausibles » pour 2019 par le HCFP.

L’inflation devrait également accélérer durant les années 2018 et 2019. Le Gouvernement anticipe une inflation de 1,8 % pour 2018 et 1,4 % pour 2019, alors que celle-ci a été de 1 % en 2017, et nulle ou quasi nulle en 2015 et 2016.

Le marché de l’emploi et le taux de marge des entreprises devraient l’un et l’autre continuer de s’améliorer en 2019.

La persistance d’un fort déficit commercial demeure la principale faiblesse de l’économie française.

Les perspectives en matière de finances publiques sont dépendantes du contexte macroéconomique. Les objectifs fixés en termes de solde, recettes et dépenses publics doivent reposer sur un scénario macroéconomique crédible.

Les principaux indicateurs nécessaires à lélaboration du budget

Le scénario macroéconomique qui préside à l’élaboration d’un projet de loi finances fait intervenir de nombreuses hypothèses macroéconomiques dont quatre sont particulièrement importantes.

Taux de croissance

La prévision de taux de croissance en volume (abstraction faite de la variation des prix) du PIB est l’une des plus importantes pour l’élaboration du budget de l’État. Le HCFP, chargé d’apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques, consacre généralement, dans ses avis, la majeure partie de ses développements à l’appréciation de l’hypothèse de taux de croissance.

L’hypothèse de croissance permet de bâtir une prévision au titre des recettes fiscales. Le taux de croissance de l’année précédant celle du budget est aussi très important car l’exigibilité de certains impôts présente un décalage d’une année avec leur assiette.

Le taux de croissance en valeur du PIB, qui tient compte de la variation des prix, est également très important. C’est en effet le PIB en valeur qui figure au dénominateur pour le calcul du déficit public.

Inflation

La prévision d’inflation est prise en compte dans la prévision des recettes (impact immédiat sur les bases taxables de la taxe sur la valeur ajoutée, par exemple) et des dépenses (par exemple s’agissant des prestations indexées). L’inflation a également pour effet de réduire le rendement mesuré de certaines mesures d’économies tendancielles (telles que les mesures de « gel » des crédits budgétaires en exécution).

Les taux dintérêt

La prévision de taux d’intérêt permet d’anticiper la charge de la dette de l’État.

Masse salariale privée

Une grande partie de l’évolution des prélèvements obligatoires (cotisations sociales, fraction principale de la contribution sociale généralisée – CSG –, et impôt sur le revenu) est liée à l’évolution de la masse salariale dans le secteur privé. Cet indicateur est dès lors essentiel pour la prévision de déficit public toutes administrations publiques confondues.

Le scénario macroéconomique du présent projet de loi de finances sinscrit dans un contexte toujours favorable (I).

Le Gouvernement anticipe ainsi une croissance en volume du produit intérieur (PIB) de 1,7 % en 2018 et 2019, une reprise de linflation et une remontée progressive des taux dintérêt (II).

Le HCFP a rendu un avis marqué par plusieurs appréciations positives sur ce scénario macroéconomique (III).

I.   LE CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE TOUJOURS FAVORABLE

Bien qu’elle ait ralenti au premier semestre 2018, la croissance demeure à un niveau élevé (A). L’inflation est repartie mais est surtout alimentée par les prix de l’énergie (B). Le taux de marge des entreprises poursuit son redressement (C) et la situation de l’emploi s’améliore (D).

Cependant, la persistance d’un important déficit commercial illustre encore cette année les difficultés de l’économie française (E).

A.   UNE CROISSANCE QUI DEMEURE À UN NIVEAU ÉLEVÉ

La croissance, qui redémarrait progressivement depuis 2012, a nettement accéléré en 2017. Elle ralentit au premier semestre 2018, mais devrait se maintenir à un niveau élevé (1). Cette bonne nouvelle doit être relativisée par le fait qu’à long terme la croissance économique ralentit (2).

1.   Un redémarrage progressif de 2012 à 2016, avant une nette accélération en 2017

La croissance du PIB a marqué, avec la crise financière, un coup d’arrêt brutal en 2008. Le pays a ainsi connu une année de récession particulièrement forte en 2009. Après une phase de rattrapage en 2010 et 2011, la croissance a de nouveau marqué un coup d’arrêt en 2012.

À partir de 2012, la croissance du PIB s’est redressée progressivement jusqu’à dépasser 1 % à partir de 2015.

L’année 2017 s’est caractérisée par une accélération de la croissance qui n’avait pas été anticipée à ce niveau par les prévisionnistes. « Cette croissance a été portée par une progression marquée de linvestissement des entreprises (+ 4,1 %) et des ménages (+ 5,6 %) » davantage que par la consommation qui « a crû modérément (+ 1,0 %) » ([3]).

Croissance en volume du produit intÉrieur brut depuis 2008

(en % d’évolution annuelle)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Croissance

0,3

– 2,9

1,9

2,2

0,3

0,6

1,0

1,1

1,2

2,2

1,6*

* prévision INSEE.

Source : Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), base 2014.

2.   Une croissance qui a ralenti au premier semestre mais qui se redresserait au second semestre 2018

La croissance a ralenti au premier semestre 2018 (+ 0,2 % au premier et au deuxième trimestre). Ce ralentissement a été constaté dans tous les grands pays avancés à l’exception des États-Unis.

Dans son dernier point de conjoncture ([4]), l’INSEE relève que « ce ralentissement ne sest pas limité à la France », certains facteurs étant internationaux comme la remontée des prix du pétrole, l’appréciation de l’euro, et les tensions protectionnistes au premier rang desquelles la « guerre » commerciale entre les États-Unis et la Chine, et le Brexit.

Toutefois, l’INSEE pointe également l’existence de facteurs internes dans la mesure où « la croissance française sest davantage tassée que celle de la zone euro ». La consommation des ménages « a pâti des grèves dans les transports » et « de moindres besoins en énergie du fait dun printemps précoce ».

Pour autant, l’INSEE anticipe un redressement de la croissance au second semestre. Au soutien de cette analyse, l’INSEE relève que « les immatriculations dautomobiles ont bondi cet été » et que la consommation devrait accélérer « sous leffet des baisses de cotisations salariales et de la réduction de la taxe dhabitation ». De même, « les exportations accéléreraient en fin dannée, sous leffet du calendrier des livraisons aéronautiques ».

3.   Un contexte de long terme marqué par un ralentissement de la croissance

Sur longue période, on observe cependant un tassement de la croissance. Alors que celle-ci a été en moyenne de 2,3 % durant la décennie des années 1980, la croissance annuelle a baissé à 2 % durant les années 1990 puis 1,5 % durant les années 2000. Depuis 2010, elle n’est en moyenne que de 1,3 %.

Depuis 1974, la croissance annuelle n’a été inférieure à 1 % qu’à sept reprises. Mais sur ces sept années, quatre concernent la dernière décennie.

La croissance en france depuis 1974

(en % du PIB en volume)

(en grisé, les années où la croissance a été inférieure à 1 %)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Croissance

4,3

– 1,0

4,4

3,5

4,0

3,6

1,6

1,1

2,5

1,2

1,5

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Croissance

1,6

2,3

2,6

4,7

4,3

2,9

1,0

1,6

– 0,6

2,4

2,1

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Croissance

1,4

2,3

3,6

3,4

3,9

2,0

1,1

0,8

2,8

1,7

2,4

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Croissance

2,4

0,3

– 2,9

1,9

2,2

0,3

0,6

1,0

1,1

1,2

2,2

Source : INSEE, base 2014.

On observe également que la phase de reprise est moins vigoureuse que par le passé. La croissance annuelle moyenne des huit années qui ont suivi les récessions de 1975 et 1993 s’est élevée dans les deux cas à 2,6 %. En revanche sur les huit années qui ont suivi la récession de 2009 (soit sur la période 2010-2017), la croissance annuelle moyenne a été deux fois moins élevée, soit 1,3 %.

Devant notre commission ([5]), Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor, a souligné lexistence dune « tendance à la diminution de la croissance potentielle dans lensemble des pays développés ». Elle a expliqué cette situation « par plusieurs facteurs : non seulement lhéritage de la crise, avec des sujets dans un certain nombre de pays sur le fonctionnement du secteur bancaire et lapurement de la situation de certains acteurs économiques, mais aussi, probablement, des facteurs plus structurants en lien avec le niveau de linnovation et lévolution de la productivité ». Selon cette dernière, « le ralentissement de la croissance potentielle, lié à celui de la productivité, pourrait sexpliquer par labsence de révolutions industrielles  ou concernant les organisations de production  aussi importantes que dans le passé ».

B.   UN RETOUR ATTENDU DE LINFLATION

1.   Une inflation qui se redresse

Entre 2002 et 2012, à l’exception de l’année 2009, l’inflation se situait dans une fourchette de 1,5 % à 2,8 %. Elle a ensuite fortement ralenti à partir de 2012 jusqu’à devenir nulle en 2015, ce qui avait suscité des craintes sur une possible déflation.

L’inflation s’est redressée à partir de 2016 (+ 0,2 %), et plus nettement encore en 2017 (+ 1,0 %), tout en restant à un niveau bas. Elle est alimentée par une forte hausse du prix du pétrole qui est passé en un an de « 44 euros le baril en août 2017 à 64 euros en juillet 2018 » ([6]).

Inflation en France

Année

Inflation

Année

Inflation

2002

1,9 %

2010

1,5 %

2003

2,1 %

2011

2,1 %

2004

2,1 %

2012

2,0 %

2005

1,7 %

2013

0,9 %

2006

1,7 %

2014

0,5 %

2007

1,5 %

2015

0,0 %

2008

2,8 %

2016

0,2 %

2009

0,1 %

2017

1,0 %

Source : INSEE.

L’inflation accélère puisqu’elle atteint 2,3 % en juillet et en août 2018 selon l’INSEE dans son dernier point de conjoncture. Elle est alimentée principalement par le « renchérissement des prix de lénergie », le « relèvement des prix du tabac » et « linflation alimentaire ». L’INSEE anticipe désormais une inflation de 1,8 % pour l’ensemble de l’année 2018.

2.   Un contexte de long terme marqué par un ralentissement de l’inflation

Sur longue période, comme pour la croissance, on observe un tassement de l’inflation.

Alors que celle-ci a été en moyenne de 7,4 % durant la décennie des années 1980, l’inflation annuelle a baissé à 1,9 % durant les années 1990 puis 1,7 % durant les années 2000. Depuis 2010, elle n’est en moyenne que de 1,0 %.

L’inflation en france depuis 1974

(en % d’évolution annuelle)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Inflation

13,7

11,8

9,6

9,4

9,1

10,8

13,6

13,4

11,8

9,6

7,4

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Inflation

5,8

2,7

3,1

2,7

3,6

3,4

3,2

2,4

2,1

1,6

1,8

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Inflation

2,0

1,2

0,6

0,5

1,7

1,6

1,9

2,1

2,1

1,7

1,7

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Inflation

1,5

2,8

0,1

1,5

2,1

2,0

0,9

0,5

0,0

0,2

1,0

Source : INSEE.

C.   UNE AMÉLIORATION DU TAUX DE MARGE DES ENTREPRISES

La confirmation de l’amélioration du taux de marge ([7]) des sociétés non financières (SNF) est un autre facteur favorable à prendre en compte. Le taux de marge s’est vivement redressé depuis le point bas atteint en 2013 (29,9 %), pour atteindre 31,9 % en 2017, soit une hausse de 2 points en quatre ans. Cela résulte en grande partie des mesures de baisse du coût du travail, à travers notamment la montée en charge du crédit d’impôt par la compétitivité et l’emploi qui sera remplacé en 2019 par une baisse de cotisations sociales.

Il demeure cependant inférieur à celui constaté avant la crise financière de 2008. Le taux de marge des entreprises était de 32,7 % en moyenne avant la crise financière de 2008.

Selon l’INSEE, le taux de marge atteindra 32,9 % en 2019, après 31,7 % en 2018.

D.   UNE AMÉLIORATION DU MARCHÉ DE LEMPLOI

En 2017, l’économie française emploie en équivalents temps plein (EQTP) 26,3 millions de personnes, soit une hausse de 247 800 emplois EQTP. Cette hausse provient quasi exclusivement des entreprises privées.

Emplois en France en 2017

Catégorie demployeurs

Nombre demplois EQTP

Évolution annuelle

Entreprises privées

18,8 millions

+ 234 200

Administrations publiques

5,8 millions

+ 10 700

Ménages et institutions sans but lucratif au service des ménages

1,7 million

+ 2 900

Total

26,3 millions

+ 247 800

Source : Rapport sur les comptes de la Nation de l’année 2017, annexe au Rapport économique, social et financier.

Le taux de chômage ressort en 2017 à 9,4 % de la population active (hors Mayotte). Il diminue de 0,7 point, après avoir déjà diminué de 0,3 point en 2016. Il demeure toutefois nettement supérieur à celui constaté avant le déclenchement de la crise financière de 2008 (7,4 %).

Selon l’INSEE, le taux de chômage devrait encore baisser en 2018 pour s’établir à 8,9 %.

Taux de chÔmage depuis 2012

(en % de la population active)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Taux de chômage

9,8

10,3

10,3

10,4

10,1

9,4

8,9*

* prévision.

Source : INSEE, enquêtes Emploi.

E.   UN FORT DÉFICIT COMMERCIAL PERSISTANT

Le contexte de reprise économique est affecté par la persistance d’un fort déficit commercial.

En 2017, le solde du commerce extérieur, c’est-à-dire la différence entre la valeur des exportations et des importations, a été déficitaire à hauteur de 62,3 milliards d’euros, en hausse de 13,9 milliards d’euros par rapport à 2016.

Certes les exportations françaises ont progressé en 2017 (+ 4,1 %) alors quelles avaient diminué en 2016 (– 0,6 %). Mais les importations ont progressé plus rapidement, en partie en raison de laccroissement de la facture énergétique.

Balance commerciale

(en milliards d’euros)

Année

Exportations

Importations

Solde

2010

395,0

447,5

– 52,4

2011

428,6

503,1

– 74,5

2012

442,0

509,6

– 67,6

2013

436,2

498,0

– 61,8

2014

436,7

495,2

– 58,5

2015

455,5

500,6

– 45,1

2016

452,9

501,3

– 48,4

2017

473,2

535,5

– 62,3

Source : INSEE.

Selon l’INSEE, en 2018, « les exportations croîtraient un peu moins vite (+ 3,3 %) que la demande mondiale adressée à la France (+ 4,1 %) », symptôme de la persistance d’un problème de compétitivité des entreprises françaises.

Les faiblesses du commerce extérieur constituent le principal sujet de préoccupation du contexte macroéconomique dans lequel s’inscrit le présent projet de loi de finances.

II.   LES HYPOTHÈSES DU GOUVERNEMENT

Dans son cadrage macroéconomique, le Gouvernement anticipe un redressement de la croissance au second semestre de l’année 2018, qui devrait atteindre 1,7 % pour l’ensemble de l’année. Il prévoit également une croissance de 1,7 % pour 2019.

Ces prévisions sont identiques à celles de la Commission européenne et sont inchangées rapport à celles ayant présidé à l’élaboration de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([8]).

Le Gouvernement anticipe également une accélération de l’inflation en 2018 et 2019 (+ 1,8 % et + 1,4 % au lieu de 1 % en 2017), essentiellement en raison « du prix du pétrole et de la fiscalité sur lénergie et le tabac » ([9]).

Le Gouvernement prévoit aussi une remontée des taux d’intérêt, les taux longs devant s’élever à 1,4 % en 2018 et 2,15 % en 2019 après 0,65 % en 2017.

Principales hypothÈses macroÉconomiques du Gouvernement

(en % d’évolution annuelle, sauf indication contraire)

Indicateur

2018

2019

Croissance en volume du PIB

1,7 %

1,7 %

Croissance en valeur du PIB

2,5 %

3,0 %

Inflation (indice des prix à la consommation)

1,8 %

1,4 %

Emploi total

0,9 %

0,6 %

Masse salariale

3,5 %

3,5 %

Consommation finale des ménages

1,1 %

1,7 %

Consommation finale publique

1,0 %

0,8 %

Formation brute de capital fixe (investissements)

3,3 %

2,1 %

Importations

2,5 %

3,1 %

Exportations

3,7 %

3,6 %

Taux de marge des entreprises

31,7 %

32, 9 %

Taux courts (BTF à 3 mois) en %

– 0,40 %

0,40 %

Taux longs (OAT à 10 ans) en %

1,40 %

2,15 %

Source : Gouvernement.

Les hypothèses de croissance du Gouvernement sont en ligne avec celles des principaux prévisionnistes.

PrÉvisions de croissance en volume du PIB pour la France

(en % d’évolution annuelle)

Institutions

2018

2019

Gouvernement

(projet de loi de finances pour 2019)

1,7

1,7

INSEE

(Point de conjoncture, octobre 2018) (lien)

1,6

– 

Fonds monétaire international (FMI)

(Perspectives de léconomie mondiale, juillet 2018) (lien)

1,8

1,7

Commission européenne

(Prévisions économiques intermédiaires de lété, juillet 2018) (lien)

1,7

1,7

Source : commission des finances.

III.   LAVIS DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES

Aux termes de larticle 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([10]), le HCFP doit rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent les projets de lois de finances ([11]).

L’avis du HCFP sur le scénario macroéconomique du présent projet de loi de finances comporte plusieurs appréciations positives ([12]).

Le HCFP a qualifié de « crédible » pour 2018 et « plausible » pour 2019 l’hypothèse de croissance en volume du PIB.

Avis du Haut conseil sur les principaux indicateurs économiques

Indicateurs du scénario macroéconomique

Prévision du Gouvernement

Appréciation

du HCFP

Croissance pour 2018

+ 1,7 %

« crédible »

Croissance pour 2019

+ 1,7 %

« plausible »

Inflation pour 2018

+ 1,8 %

« raisonnable »

Inflation pour 2019

+ 1,4 %

« raisonnable »

Emploi et masse salariale pour 2018

+ 3,5 %

« cohérentes »

Emploi et masse salariale pour 2019

+ 3,5 %

« plausibles »

Prélèvements obligatoires pour 2018

45,0 % du PIB

« réaliste »

Prélèvements obligatoires pour 2019

44,0 % du PIB

« réaliste »

Évolution en volume de la dépense publique, hors crédits d’impôt 2018

0,0 %

« atteignable »

Évolution en volume de la dépense publique, hors crédits d’impôt 2019

+ 0,3 %

« atteignable »

Déficit public pour 2018

2,6 % du PIB

« plausible »

Déficit public pour 2019

2,8 % PIB

« plausible »

Source : Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2018-3 du 19 septembre 2018.

Ces appréciations positives sont d’autant plus rassurantes qu’elles sont rares. En effet, les avis du HCFP sont souvent affectés d’un biais pessimiste. Par exemple, dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2017 ([13]), il avait qualifié d’« optimiste » une prévision de croissance de 1,5 % du PIB pour 2017 alors que celle-ci a atteint à 2,2 %.


   FICHE N° 2 :
LE DÉFICIT PUBLIC ET SES COMPOSANTES
(TOUTES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CONFONDUES)

Résumé de la fiche

Le déficit public pour 2019 est prévu à 2,8 % du PIB, en hausse de 0,2 point par rapport à 2018. Il se situe pour la troisième année consécutive sous la barre des 3 % du PIB ce qui n’était pas arrivé depuis 2001. Le HCFP a estimé « plausible » la prévision de déficit public.

La lecture de l’évolution du déficit public est toutefois rendue difficile cette année par le remplacement du CICE en baisse pérenne de cotisations sociales. Cette mesure exceptionnelle pèse pour 0,9 point de PIB en 2019.

Le déficit public pour 2019, hors mesure exceptionnelle, devrait donc se situer à 1,9 % du PIB. Comparé à celui de 2018 – lui-même affecté par une mesure exceptionnelle liée au remboursement de la taxe à 3 % sur les dividendes – le déficit public pour 2019 baisse de 0,5 point de PIB. Le déficit public poursuit donc sa baisse en 2019 selon un rythme similaire à celui connu en moyenne depuis dix ans. Il est porté essentiellement par lÉtat, les autres administrations publiques présentant des comptes proches de l’équilibre ou en excédent.

Le déficit public est désormais un déficit dorigine exclusivement structurelle. Le déficit structurel pour 2019 devrait s’établir à 2 % du PIB.

L’ajustement structurel pour 2019 – quoiqu’inférieur à celui exigé par les règles européennes – serait de 0,3 point de PIB et conforme à celui prévu par la dernière loi de programmation des finances publiques. Le HCFP estime cependant qu’il est « discutable » d’intégrer au calcul de l’ajustement structurel la réforme du cinquième acomtpe de l’impôt sur les sociétés prévue à l’article 15 du présent projet de loi de finances. Sans cette mesure – temporaire en l’état du texte – l’ajustement structurel serait mesuré à 0,2 point de PIB.

Le solde conjoncturel est quant à lui prévu en léger excédent – de 0,1 point de PIB –, ce qui signifie que les effets de la crise cesseraient de peser sur le niveau du déficit public, le PIB effectif devant être légèrement supérieur au PIB potentiel. Selon la théorie économique, sauf rehaussement de la croissance potentielle, cette situation doit entraîner à terme soit la réapparition de tensions inflationnistes, soit un ralentissement de la croissance.

Les objectifs de déficit public, de déficit structurel et d’ajustement structurel sont au cœur du débat budgétaire, notamment en raison des engagements européens de la France.

Les engagements européens de la France en matière de réduction du déficit

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qualifie le déficit public d’« excessif » lorsqu’il dépasse 3 % du PIB.

En outre, l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) pose le principe de l’équilibre ou de l’excédent des budgets des administrations publiques. Il limite le déficit structurel autorisé à – 0,5 point de PIB pour les États membres, comme la France, dont la dette dépasse 60 % du PIB. Les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB).

L’article liminaire du présent projet de loi de finances comprend un tableau de synthèse mentionnant les objectifs de déficit public et de déficit structurel pour 2019.

Pour la première fois cette année, il comprend une ligne relative au solde effectif hors mesures exceptionnelles de façon à ressortir l’effort réel de réduction du déficit public.

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les années 2017 à 2019

(en % du PIB)

Soldes

Exécution

2017

Prévision

dexécution

2018

Prévision

2019

Solde structurel (1)

– 2,3

– 2,2 

– 2,0

Solde conjoncturel (2)

– 0,3

– 0,1

+ 0,1

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,1

– 0,2

– 0,9

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 2,7

 2,6

 2,8

Solde effectif hors mesures exceptionnelles (5 = 4 – 3)

 2,6

 2,4

 1,9

Source : article liminaire du présent projet de loi de finances.

Article 7 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative
à la programmation et à la gouvernance des finances publiques

« La loi de finances de lannée, les lois de finances rectificatives et les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale comprennent un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour lannée sur laquelle elles portent, létat des prévisions de solde structurel et de solde effectif de lensemble des administrations publiques, avec lindication des calculs permettant détablir le passage de lun à lautre.

« Le tableau de synthèse de la loi de finances de lannée indique également les soldes structurels et effectifs de lensemble des administrations publiques résultant de lexécution de la dernière année écoulée et des prévisions dexécution de lannée en cours.

« Il est indiqué, dans lexposé des motifs du projet de loi de finances de lannée, du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. »

Le présent article fixe ainsi, pour 2019, un objectif de déficit public de 2,8 % du PIB Hors mesures exceptionnelles, le déficit public est prévu à 1,9 % du PIB pour 2019 (I).

Celui-ci se décompose en un déficit structurel de 2 % et un excédent conjoncturel de 0,1 % du PIB (II).

I.   UN DÉFICIT PUBLIC SOUS LA BARRE DES 3 % DU PIB POUR LA TROISIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE

La mesure du solde public, exprimé en pourcentage de PIB, permet d’adopter une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques et donc de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des administrations publiques locales (APUL), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des divers organismes d’administration centrale (ODAC).

Elle permet aussi de vérifier si la France respecte ses engagements européens.

La comptabilité nationale est établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et s’inscrit dans un champ d’analyse macroéconomique. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du Système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.

Les résultats de la comptabilité nationale sont abondamment commentés, en particulier le niveau de déficit exprimé en pourcentage du PIB qui joue un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen. Ce sont ainsi les résultats de la comptabilité nationale qui permettent de savoir si la France respecte au non la règle selon laquelle le déficit ne peut excéder 3 % du PIB prévue par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

A.   LÉVOLUTION DU DÉFICIT PUBLIC

1.   Des comptes publics en déficit depuis 1975

Le dernier excédent public constaté date de 1974. Cette année-là, alors que les effets du premier choc pétrolier commencent à se faire sentir, les comptes publics affichent un solde légèrement positif de 0,1 % du PIB.

Depuis 1975, les comptes publics de la France sont en déficit.

Le dÉficit public depuis 1974

(en % du PIB)

(en grisé, les déficits supérieurs à 3 % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

+ 0,1

– 2,9

– 1,6

– 1,1

– 1,8

– 0,5

– 0,4

– 2,4

– 2,8

– 2,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

– 3,0

– 3,2

– 2,0

– 2,6

– 1,8

– 2,4

– 2,9

– 4,6

– 6,4

– 5,4

– 5,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

– 3,9

– 3,7

– 2,4

– 1,6

– 1,3

– 1,4

– 3,2

– 4,0

– 3,6

– 3,4

– 2,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

– 2,6

– 3,3

– 7,2

– 6,9

– 5,2

– 5,0

– 4,1

– 3,9

– 3,6

– 3,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

Année

2018*

2019*

 

 

 

 

 

 

 

Solde

– 2,6

– 2,8

* prévisions du présent projet de loi de finance.

Source : INSEE, base 2014.

2.   Un déficit public sous la barre des 3 % depuis 2017

La barre des 3 % de déficit public a été franchie à quatre périodes :

– une première fois, très brièvement, en 1986 ;

– une deuxième fois, pour une période de six années entre 1992 et 1997 ;

 une troisième fois, pour une période de quatre années entre 2002 et 2005 ;

– une quatrième fois, et il s’agit de la période tout à la fois la plus récente et la plus longue, entre 2008 et 2016 soit au total neuf années consécutives.

L’année 2017 marque le retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB, ce qui a permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif dont elle faisait l’objet depuis 2009.

La procédure de déficit excessif ouverte à l’encontre de la France

La France faisait l’objet d’une procédure de déficit excessif depuis le 27 avril 2009. Le Conseil de l’Union européenne avait alors accordé un délai à la France jusqu’en 2012 pour corriger son déficit. Le 2 décembre 2009, le Conseil a accordé un nouveau délai à la France jusqu’en 2013. Le 21 juin 2013, ce délai a été reporté à 2015. Enfin, le 10 mars 2015, ce délai a été porté à 2017.

Le Conseil a clôturé la procédure de déficit excessif dont la France faisait l’objet lors de sa réunion du 22 juin 2018.

L’Espagne est désormais le dernier État membre à faire l’objet d’une telle procédure.

Lannée 2017 se caractérise également par une accélération de la baisse du déficit public. Sur la période 2013-2016, le déficit public a été réduit en moyenne de seulement 2,5 milliards deuros par an, soit 7,4 milliards deuros au total. La réduction du déficit public en 2017 a accéléré pour atteindre 17,7 milliards deuros, soit plus du double que le total de la réduction des trois exercices précédents.

Cette amélioration sexplique tant par laugmentation des recettes publiques portées par un contexte macroéconomique favorable que par les mesures de réduction de dépenses prises par le Gouvernement portant sur plus de 5 milliards deuros pour faire face aux importantes sous-budgétisations révélées par la Cour des comptes dans son audit du mois de juin sur la situation des finances publiques ([14]).

Le retour du déficit sous la barre des 3 % a été réalisé en dépit de lannulation par le Conseil constitutionnel de la taxe à 3 % sur les revenus distribués. Pour faire face au coût budgétaire de cette annulation, deux contributions exceptionnelles et additionnelles à limpôt sur les sociétés ont été créées par la première loi de finances rectificative pour 2017 ([15]).

Le remboursement de la taxe à 3 % sur les revenus distribués

La contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés (IS) au titre des montants distribués a été créée par l’article 6 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 (1).

Par une décision du 6 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a annulé la contribution de 3 % sur les revenus distribués (2). Ceci devait entraîner une diminution des recettes fiscales nettes d’environ 10 milliards d’euros au titre des remboursements aux entreprises. Selon le Gouvernement, les remboursements de 10 milliards d’euros devaient être répartis en deux parts égales de 5 milliards d’euros sur les exercices 2017 et 2018. En exécution, les remboursements ont été de 5,3 milliards d’euros en 2017. Ils sont désormais prévus à 4,2 milliards d’euros pour 2018, intérêts moratoires inclus. Au total, ils devraient donc s’élever à 9,5 milliards d’euros sur 2017 et 2018.

Pour compenser cette annulation, la première loi de finances rectificative pour 2017 (3) a institué deux contributions exceptionnelles sur l’impôt sur les sociétés dû en 2017 par les plus grandes entreprises. Elles devaient entraîner un gain budgétaire de 5,4 milliards d’euros dont 4,8 milliards d’euros dès 2017 et 0,6 milliard d’euros supplémentaires en 2018. En exécution, elles ont rapporté 4,9 milliards d’euros en 2017.

Le solde net de l’annulation du Conseil constitutionnel et du rendement des contributions créées a donc été de – 0,4 milliard d’euros sur 2017 et devrait être de
– 4,4 milliards d’euros sur 2018.

Ce solde net est traité en mesures exceptionnelles dans la décomposition du solde public pour 2018. Il en résulte une mesure exceptionnelle de – 0,2 point de PIB en 2018.

(1) Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

(2) Conseil constitutionnel, décision  2017-660 QPC du 6 octobre 2017, Société de participations financière [Contribution de 3 % sur les montants distribués] (lien)

(3) Loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

Les données qui figurent dans le tableau ci-dessous sont à jour des comptes nationaux annuels publiés par l’INSEE le 30 mai 2018.

Évolution des finances publiques sur la pÉriode 2013 à 2017

En milliards d’euros

(en % du PIB)

Agrégat

2013

2014

2015

2016

2017

 

PIB

2 117,2

+ 0,6 %
en volume

2 149,8

+ 1,0 %
en volume

2 198,4

+ 1,1 %
en volume

2 228,6

+ 1,2 %
en volume

2 291,7

+ 2,2 %
en volume

 

Recettes publiques

1 125,2

(53,1 %)

1 146,0

(53,3 %)

1 169,0

(53,2 %)

1 184,8

(53,2 %)

1 232,7

(53,8 %)

dont prélèvements obligatoires*

950,5

(44,9 %)

962,2

(44,8 %)

978,4

(44,5 %)

994,7

(44,6 %)

1 038,0

(45,3 %)

dont crédits dimpôt enregistrés en recettes

13,7

(0,6 %)

21,3

(1,0 %)

26,7

(1,2 %)

25,9

(1,2 %)

28,9

(1,3 %)

dont autres recettes

163,1

(7,7 %)

164,6

(7,7 %)

167,0

(7,6 %)

167,8

(7,5 %)

169,9

(7,4 %)

 

Dépenses publiques

1 211,6

(57,2 %)

1 230,0

(57,2 %)

1 248,7

(56,8 %)

1 263,9

(56,7 %)

1 294,0

(56,5 %)

dont crédits dimpôt enregistrés en dépenses

15,9

(0,8 %)

25,4

(1,2 %)

32,4

(1,5 %)

31,6

(1,4 %)

31,7

(1,4 %)

dont dépenses hors crédits dimpôt

1 195,7

(56,5 %)

1 204,6

(56,0 %)

1 216,3

(55,3 %)

1 232,3

(55,3 %)

1 262,3

(55,1 %)

 

Déficit public

86,5

(4,1 %)

83,9

(3,9 %)

79,7

(3,6 %)

79,1

(3,5 %)

61,4

(2,7 %)

 

Dette publique

1 977,7

(93,4 %)

2 039,8

(94,9 %)

2 101,2

(95,6 %)

2 188,3

(98,2 %)

2 257,8

(98,5 %)

* Les prélèvements obligatoires comprennent les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les recettes totales (4,1 milliards d’euros en 2017, 3,6 milliards d’euros en 2016, 3,1 milliards d’euros en 2015, et 2,1 milliards d’euros en 2014 et 2013).

Source : INSEE, base 2014.

Le déficit est toutefois légèrement plus élevé que celui mesuré en loi de règlement ([16]) : 2,7 % au lieu de 2,6 % du PIB. Cela s’explique par la révision des comptes des administrations publiques à laquelle l’INSEE a procédé en septembre 2018 portant principalement sur le traitement comptable de SNCF Réseau et la recapitalisation d’Orano.

La révision des comptes des administrations publiques
par lINSEE en septembre 2018

L’INSEE a publié le 6 septembre 2018 des estimations révisées des comptes des administrations publiques (APU) pour les années 2016 et 2017.

L’INSEE a décidé de reclasser SNCF Réseau en administration publique à compter de l’année 2016. En effet, la part des coûts de production de SNCF Réseau couverte par des recettes marchandes demeure supérieure à 50 % pour 2015 et les années antérieures, mais passe sous ce seuil en 2016 comme en 2017. Ce reclassement majore le déficit de 3,2 milliards d’euros en 2016 et de 2,2 milliards en 2017.

L’INSEE a également décidé de se conformer à la décision d’Eurostat concernant le traitement comptable de la recapitalisation d’Orano. L’INSEE avait initialement considéré que cette recapitalisation était une opération financière et non une dépense publique au motif que l’État agissait en investisseur avisé comme le démontrait la présence d’investisseurs prenant part à l’opération. Eurostat a contesté cette analyse au motif que la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne avait qualifié d’aide l’État les sommes versées par l’État au groupe Areva dans le cadre de sa restructuration. Le nouveau traitement comptable de la recapitalisation d’Orano majore le déficit public de 2,5 milliards d’euros en 2017.

D’autres modifications ont en revanche minoré le déficit public pour 2017 à hauteur de 1,3 milliard d’euros au titre des organismes de sécurité sociale et de 1,5 milliard d’euros au titre d’une nouvelle évaluation des charges du compte d’affectation spéciale Transition énergétique.

Au total, le déficit pour 2017 a donc été majoré de 1,9 milliard d’euros, soit 0,1 point de PIB.

B.   UN EFFORT DE RÉDUCTION DU DÉFICIT PUBLIC MAINTENU POUR 2018 et 2019

1.   Une baisse constante du déficit depuis 2009

Le point le plus bas de solde effectif a été atteint en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, avec un déficit record de 7,2 % du PIB.

En 2018, il sera ramené à 2,6 % du PIB selon la prévision actualisée du présent projet de loi de finances. Le déficit public aura été réduit de 4,6 points de PIB en neuf ans, soit une baisse annuelle moyenne de 0,5 point.

L’année 2019 marque en apparence une rupture de tendance, le déficit public devant progresser de 0,2 point pour s’établir à 2,8 % du PIB.

DÉficit public depuis 2008

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

En

% du PIB

3,3

7,2

6,9

5,2

5,0

4,1

3,9

3,6

3,5

2,7

2,6

2,8

En

milliards deuros

65,0

138,9

137,4

106,1

104,0

86,5

83,9

79,7

79,1

61,4

60,6

66,7

Source : Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) jusqu’en 2017, présent projet de loi de finances pour les années 2018 et 2019.

Toutefois, l’année 2019 est caractérisée par une importante mesure exceptionnelle relative à la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales. Cette mesure dégrade temporairement le solde public de 0,9 point de PIB.

La transformation du CICE en baisse de cotisations sociales

Institué par l’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est entré en vigueur le 1er janvier 2013.

Il s’agit d’un crédit d’impôt qui porte sur la masse salariale des salariés dont les rémunérations brutes n’excèdent pas 2,5 fois le montant annuel du SMIC. Il bénéficie à toutes les entreprises relevant de l’IS ou de l’impôt sur le revenu (IR) d’après leur bénéfice réel. Son taux a varié au fil des années. Il était de 4 % pour les salaires versés en 2013. Il a été relevé à 6 % pour les salaires versés à compter de 2014, puis à 7 % pour les salaires versés en 2017 avant de revenir à 6 % pour les salaires versés en 2018.

Son coût pour 2018 a été évalué à 21 milliards d’euros en comptabilité budgétaire et à 22,8 milliards d’euros en comptabilité nationale.

Le président de la République s’était engagé à transformer le CICE en baisse de cotisations sociales. Conformément à cet engagement, l’article 86 de la loi de finances pour 2018 a supprimé le CICE et l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les employeurs comprenant deux volets :

– une réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie sur les salaires jusqu’à 2,5 SMIC, soit une sorte « d’équivalent-CICE » ;

– et un renforcement de l’allégement général, par une réduction de près de 10 points des charges au niveau du SMIC (le Gouvernement a annoncé le report de ce second au volet au 1er octobre 2019).

En 2019, année de mise en place de ces nouveaux allégements, les entreprises éligibles continueront de bénéficier du CICE acquis au titre des exercices antérieurs, notamment en 2018. Il en résulte un « double coût » assumé par l’État et traité en mesure exceptionnelle dans la décomposition du solde public pour 2019.

En neutralisant cette mesure exceptionnelle, le solde public pour 2019 ressort à 1,9 % du PIB, soit une baisse de 0,7 point de PIB par rapport au solde effectif de 2018 mesuré à 2,6 % du PIB.

La baisse par rapport au solde public de 2018, retraité de la mesure exceptionnelle relative au remboursement de la taxe à 3 % sur les revenus distribués, est de 0,5 point de PIB : 1,9 % du PIB au lieu de 2,4 % du PIB en 2018.

Les efforts de réduction du déficit public se poursuivent donc en 2019 à un rythme équivalent à celui connu en moyenne au cours de la dernière décennie.

2.   Une cible de déficit meilleure que celle prévue dans la loi de programmation des finances publiques

La cible de déficit public pour 2019 est meilleure que celle prévue par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([17]).

L’objectif de déficit public pour 2019 est en effet de 2,9 % dans la loi de programmation des finances publiques au lieu de 2,8 % dans le présent article. Il est donc meilleur que celui prévu initialement dans le scénario du Gouvernement en début de législature.

Cela ne s’explique pas par un changement de politique budgétaire mais par le fait que l’année 2017 s’est révélée meilleure que prévu : le déficit public a été mesuré à 2,7 % du PIB au lieu de 2,9 % prévu en loi de programmation des finances publiques.

trajectoire de solde public de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde public

– 2,9

– 2,8

– 2,9

– 1,5

– 0,9

– 0,3

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Le programme de stabilité transmis au mois d’avril à la Commission européenne s’engageait, quant à lui, sur un objectif de déficit public de 2,4 % du PIB pour 2019.

Certes, la prévision du Gouvernement est dégradée de 0,4 point par rapport au programme de stabilité. Mais cela s’explique par le fait que le programme de stabilité a été élaboré sur la base d’un scénario macroéconomique plus optimiste compte tenu de l’accélération de la croissance constaté en 2017. Il repose en effet sur une hypothèse de croissance de 2 % pour 2018 et 1,9 % pour 2019.

trajectoire de solde public du programme de stabilité d’avril 2018

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde public

– 2,6

– 2,3

– 2,4

– 0,9

– 0,3

+ 0,3

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Le ralentissement de la croissance constaté au cours du premier semestre 2018 a conduit le Gouvernement à revenir à son scénario initial – prévu dans la loi de programmation des finances publiques – d’une croissance à 1,7 % pour 2018 et 2019.

La programmation pluriannuelle des finances publiques

Deux types de documents juridiques fixent un cadre pluriannuel pour les finances publiques et déterminent une trajectoire de réduction des déficits public et structurel.

En droit interne, les lois de programmation des finances publiques sont prévues par l’article 34 de la Constituions et « sinscrivent dans lobjectif déquilibre des comptes des administrations publiques ». À ce titre, elles déterminent les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels. Leur contenu est précisé par la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

En droit européen, les programmes de stabilité ont été institués par le pacte de stabilité et de croissance du 7 juillet 1997 comme outil de la surveillance multilatérale des politiques économiques. Ils sont transmis chaque année au mois d’avril à la Commission européenne.

C.   UN DÉFICIT PUBLIC PORTÉ PAR LÉTAT

Solde public par sous-secteur

(en points de PIB)

Sous-secteur

2017

2018

2019

État

– 2,8

– 3,1

– 3,6

Organismes divers d’administration centrale

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Administrations publiques locales

0,0

0,1

0,1

Administrations de sécurité sociale

0,3

0,6

0,8

Solde public

– 2,7

– 2,6

– 2,8

Source : Rapport économique, social et financier.

a.   Un déficit public porté essentiellement par l’État

La concentration du déficit public sur l’État s’est accentuée ces dernières années sous l’effet de deux tendances.

En premier lieu, le déficit des ASSO est passé de 23,9 milliards d’euros en 2010 à un excédent de 6,3 milliards en 2017 soit une contribution à la baisse du déficit public de plus de 30 milliards d’euros. Les allégements de cotisations sociales décidées dans le cadre de politiques publiques de soutien à l’emploi sont compensés à la sécurité sociale par l’État.

En second lieu, les administrations publiques locales (APUL) connaissent un important ralentissement de leurs dépenses, ce qui leur a permis d’enregistrer un excédent pour la deuxième année consécutive (0,8 milliard d’euros en 2017 et 3 milliards d’euros en 2016).

Le déficit de l’État s’élève en 2017 à 65,3 milliards d’euros et est désormais supérieur au déficit public, ce qui n’était pas arrivé depuis 2008.

DÉcomposition du solde public par sous-secteur d’administration
depuis 2010

(en milliards d’euros)

Année

solde public

 

État

ODAC

APUL

ASSO

2008

– 65,0

– 66,2

– 2,7

– 10,0

13,9

2009

– 138,9

– 116,1

– 1,3

– 6,3

– 15,2

2010

– 137,4

– 122,9

11,3

– 2,0

– 23,9

2011

– 106,1

– 92,4

– 0,2

– 0,8

– 12,7

2012

– 104,0

– 85,1

– 2,6

– 3,7

– 12,7

2013

– 86,5

– 70,2

1,3

– 8,5

– 9,1

2014

– 83,9

– 74,3

2,6

– 4,8

– 7,4

2015

– 79,7

– 73,3

– 2,5

– 0,1

– 3,8

2016

– 79,1

– 73,8

– 6,1

3,0

– 2,2

2017

–61,4

 

– 65,3

– 3,1

0,8

6,3

Source : INSEE, base 2014.

Cette tendance doit s’accentuer en 2018 et 2019. Le déficit de l’État en 2018 est prévu à 3,1 % pour un déficit public de 2,6 % du PIB. En 2019, il devrait atteindre 3,6 % pour un déficit public de 2,8 % du PIB.

b.   Une amélioration des finances des administrations publiques locales

Comme l’a souligné le rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales ([18]), « la part des dépenses des APUL dans le PIB diminue encore légèrement, poursuivant la baisse entamée en 2014 ». Ces dernières s’élèvent à 11,1 % du PIB en 2017 au lieu de 11,2 % en 2016, 11,4 % en 2015 et 11,8 % en 2014.

Ce résultat a été obtenu grâce à une augmentation modérée des dépenses de fonctionnement (+ 1,8 %) et en dépit d’une forte reprise des dépenses d’investissement (+ 6,1 %) après trois années consécutives de baisse. Au total, la progression des dépenses a été moins rapide que celle du PIB en valeur si bien que le ratio de dépenses dans le PIB a pu diminuer.

Pour 2018, « les dernières remontées comptables dexécution sont cohérentes avec un respect de lobjectif dévolution des dépenses réelles de fonctionnement fixé à 1,2 % dans la loi de programmation des finances publiques » ([19]).

Dans le même temps, contrairement aux années précédentes, les administrations publiques locales devraient connaître en 2018 et en 2019 une stabilité des concours financiers de l’État.

Les comptes des administrations publiques locales devraient dès lors s’établir en excédent de 0,1 % du PIB en 2018 et 2019.

c.   Une amélioration des comptes de la sécurité sociale

Les comptes des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) se sont améliorés de manière continue depuis 2010. Ces régimes constituent l’essentiel de la catégorie des ASSO.

Ainsi, le déficit des ROBSS et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s’est établi à 4,8 milliards d’euros au lieu de 22,6 milliards d’euros en 2011, en baisse de 17,8 milliards d’euros.

Évolution des dÉficits sociaux de 2011 à 2017

(en milliards d’euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Maladie

– 8,6

– 5,9

– 6,8

– 6,5

– 5,8

– 4,8

– 4,9

AT-MP*

– 0,2

– 0,2

+ 0,6

+ 0,7

+ 0,7

+ 0,8

+ 1,1

Famille

– 2,6

– 2,5

– 3,2

– 2,7

– 1,5

– 1,0

– 0,2

Vieillesse

– 6,0

– 4,8

– 3,1

– 1,2

– 0,3

+ 0,9

+ 1,8

FSV**

– 3,4

– 4,1

– 2,9

– 3,5

– 3,9

– 3,6

– 2,9

Sous-total Régime général + FSV**

 20,9

 17,5

 15,4

 13,2

 10,8

 7,8

 5,1

Régimes obligatoires de base + FSV**

 22,6

 19,1

 16,0

 12,8

 10,3

 7,0

 4,8

* accident du travail et maladie professionnelle.

** FSV : Fonds de solidarité vieillesse.

Source : Cour des comptes.

Malgré cela, du fait du fonds de réserve pour les retraites (FRR) et des régimes complémentaires, les administrations de sécurité sociale ont connu un excédent de 6,3 milliards d’euros en 2017, soit 0,3 % du PIB. Elles devraient enregistrer un excédent de 0,6 % en 2018 et 0,8 % du PIB en 2019, sous l’effet d’un dynamisme des recettes en lien avec la progression de la masse salariale d’une part, et d’une maîtrise des dépenses, d’autre part.

Décomposition du solde des administrations de sécurité sociale

(en milliards d’euros)

Année

2018

2019

Total Administrations de sécurité sociale (ASSO)

13,8

20,2

Recettes

626,5

644,3

Dépenses

612,7

624,1

 

 

 

 

Régime général + Fonds de solidarité vieillesse

0,6

1,7

Recettes

416,8

442,3

Dépenses

416,3

440,6

 

 

 

 

Unédic

 1,5

0,7

Recettes

37,9

39,1

Dépenses

39,4

38,5

 

 

 

 

Régimes complémentaires

1,7

3,8

Recettes

104,1

109,3

Dépenses

102,4

105,4

 

 

 

 

Cades

14,9

15,5

Recettes

18,2

18,5

Dépenses

3,3

3,0

 

 

 

 

Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

 2,0

 1,9

Recettes

0,8

0,9

Dépenses

2,8

2,8

 

 

 

 

Organismes divers de sécurité sociale

0,1

0,5

Recettes

98,2

101,4

Dépenses

98,1

100,9

Source : Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

II.   UN DÉFICIT DORIGINE STRUCTURELLE

Hormis la mesure exceptionnelle liée à la transformation du CICE, le déficit s’explique en totalité par sa composante structurelle prévue à 2,0 % du PIB par le présent article (A).

Le solde conjoncturel serait quant à lui excédentaire à hauteur de 0,1 % du PIB (B).

A.   UN DÉFICIT STRUCTUREL DE 2 % DU PIB

1.   Notion de déficit structurel

a.   Une composante du déficit public suivie au titre des engagements européens de la France

Le déficit structurel est le déficit corrigé des effets du cycle économique. Il s’agit du déficit qui serait observé si le PIB était égal à son potentiel. Inversement, le déficit conjoncturel est le déficit lié à la conjoncture.

Autrement dit, le déficit comprend deux composantes : l’une liée à la conjoncture et l’autre indépendante de la conjoncture. La réduction de la composante structurelle est prioritaire dès lors que la composante conjoncturelle est censée se résorber d’elle-même en période d’amélioration de la conjoncture.

C’est la raison pour laquelle l’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de déficit structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le solde structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB, et à un point de PIB pour les autres États membres.

Cette règle est mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ([20]). Ce volet préventif prévoit que les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement structurel minimal en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB).

b.   Des modalités de calcul complexe

Le calcul de la composante conjoncturelle et structurelle du déficit fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production.

L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif – qui est mesuré en comptabilité nationale – et le PIB potentiel.

Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques ni en comptabilité nationale. Il s’agit d’une notion macroéconomique sujette à diverses mesures et interprétations. Il peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans quapparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » ([21]).

Les hypothèses d’écart de production permettent de calculer précisément la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit selon des modalités complexes définies dans l’annexe 2 du rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Une méthode simplifiée de calcul − appelée « règle du pouce » − consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est proche de la moitié de lécart de production. Ceci s’explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture représentent, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB est, en moyenne, de l’ordre de 1.

Le déficit structurel est ensuite calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigé des mesures ponctuelles et temporaires.

Concrètement, plus l’écart de production est creusé, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Un écart de production négatif surestimé conduit à surestimer la composante conjoncturelle du déficit et à sous-estimer sa composante structurelle.

L’écart de production évolue chaque année à hauteur de la différence entre la croissance effective et l’hypothèse de croissance potentielle définie, au même titre que le PIB potentiel, comme la croissance maximale au-delà de laquelle apparaissent des tensions inflationnistes.

Par voie de conséquence, une surestimation de la croissance potentielle aboutit à creuser lécart de production et à minorer le déficit structurel, et donc à minorer l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du TSCG.

2.   Hypothèses de calcul du déficit structurel

Les hypothèses initiales de calcul du déficit structurel ont été fixées dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

HypothÈses initiales d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Croissance en volume du PIB

1,1

1,7

1,7

1,7

1,7

1,7

1,8

Croissance potentielle

1,2

1,25

1,25

1,25

1,25

1,30

1,35

Écart de production en % du PIB

– 1,5

– 1,1

– 0,7

– 0,2

+ 0,2

+ 0,6

+ 1,1

Source : rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Ces hypothèses ont été jugées « réalistes » par le HCFP dans son avis portant sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([22]).

Le Gouvernement n’a pas modifié ses hypothèses de croissance potentielle dans le cadre du présent projet de loi de finances.

Toutefois, les hypothèses d’écart de production doivent être actualisées chaque année en fonction de la croissance effective constatée. En 2017, la croissance effective a été nettement supérieure à la croissance prévue (2,2 % au lieu de 1,7 %). Il en a résulté une réduction plus rapide qu’escomptée de l’écart de production.

HypothÈses actualisées d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

Croissance en volume du PIB

1,1

2,2

1,7

1,7

Croissance potentielle

1,2

1,25

1,25

1,25

Écart de production en % du PIB

– 1,5

– 0,6

– 0,2

+ 0,2

Source : Rapport économique, social et financier.

3.   Un déficit structurel qui se réduit insuffisamment selon le Haut Conseil des finances publiques

En application des hypothèses décrites, l’objectif de déficit structurel ressort à 2 % du PIB pour 2019. La loi de programmation des finances publiques prévoyait quant à elle un déficit structurel de 1,9 %.

L’ajustement structurel – c’est-à-dire la diminution annuelle du déficit structurel – serait de 0,3 point de PIB par rapport à 2017 en tenant compte des règles d’arrondis. Il repose essentiellement sur un ralentissement de la dépense publique en volume (hors crédit d’impôt) (+ 0,6 % en 2019).

Dans son avis ([23]), rendu en application de l’article 14 de la loi organique précitée, le HCFP a observé que les « prévisions de solde structurel associées au projet de loi de finances pour 2019 ne font pas apparaître décart important par rapport à la trajectoire de la loi de programmation pour les années 2018 à 2022 ».

L’écart se limite en effet à 0,1 point de PIB. Or, un écart est considéré comme important lorsqu’il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives ([24]).

Le HCFP a cependant relevé que l’ajustement structurel :

– était à un niveau inférieur au 0,5 point requis par le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance ;

– et était majoré de 0,1 point en 2019 par la réforme du cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés, ce choix étant « discutable » dans la mesure où cette réforme aurait pu être traitée en « opération ponctuelle et temporaire » ([25]).

B.   UN EXCÉDENT CONJONCTUREL DE 0,1 % DU PIB

La croissance de l’activité en 2019 (+ 1,7 %) serait supérieure à la croissance potentielle (estimée à 1,25 %).

L’écart de production serait dès lors positif à hauteur de 0,2 point du PIB en 2019. Cela signifie que le PIB effectif serait légèrement supérieur au PIB potentiel de l’économie française. Il en est déduit un solde conjoncturel positif de 0,1 point de PIB, soit environ la moitié de l’écart de production en application de la « règle du pouce » précitée.

En d’autres termes, à compter de 2019, les effets de la crise cesseraient de peser sur le déficit public. Celui-ci serait exclusivement d’origine structurelle, hors mesures exceptionnelles. Initialement, il était prévu dans la loi de programmation des finances publiques que l’écart de production ne redevienne positif qu’en 2020.

Certes, en période de reprise, le PIB effectif peut être supérieur au PIB potentiel. Mais cela doit se traduire, selon la théorie économique, soit par des tensions inflationnistes soit par un ralentissement de la croissance au cours des années ultérieures. Seul un relèvement de la croissance potentielle serait de nature à éviter un retour de l’inflation ou un ralentissement de la croissance dans les prochaines années.

Dans ses précédents avis, le HCFP avait d’ailleurs souligné que le scénario gouvernemental des finances publiques reposant sur un écart de production croissant tout au long de la période de programmation était « optimiste » ([26]).


   FICHE N° 3 :
LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Résumé de la fiche

Les prélèvements obligatoires (PO) sont en tendance longue orientés à la hausse depuis 1974.

Après avoir atteint son record historique en 2017 à 45,3 % du PIB, le taux de PO devrait baisser à 45 % du PIB en 2018, puis 44,2 % en 2019.

Cette baisse s’explique par l’important programme de baisse d’impôts adopté en loi de finances pour 2018 : suppression par étape de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, instauration d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus du capital, remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), et baisse progressive de l’impôt sur les sociétés.

Ces baisses sont partiellement compensées par des hausses de la fiscalité écologique et de la fiscalité du tabac, également adoptées l’an dernier.

Le présent projet de loi de finances comporte peu de mesures nouvelles ayant d’importants effets sur la trajectoire des PO, conformément à la promesse de stabilité fiscale, à l’exception de trois mesures : la baisse de contribution sociale généralisée (CSG) pour les retraités aux revenus modestes, la réforme du cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés, et la suppression du taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour le gazole non routier.

Par ailleurs, l’année 2019 est marquée par une baisse importante et temporaire liée au remplacement du CICE par une baisse de cotisations sociales.

Selon les calculs du Rapporteur général, hors remplacement du CICE en baisse de cotisations sociales, les PO auront baissé de 12 milliards d’euros depuis le début de la législature dont 8 milliards d’euros en faveur des ménages et 4 milliards d’euros pour les entreprises.

Les prélèvements obligatoires (PO) comprennent les impôts et cotisations sociales recouvrées par les administrations publiques et les institutions européennes.

En comptabilité nationale, le taux de PO est calculé net des crédits d’impôt, afin de rester proche de la charge fiscale réelle supportée par les agents économiques.

I.   LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES JUSQUEN 2017

A.   LÉVOLUTION

Les PO sont, en tendance longue, orientés à la hausse.

Ils ont fortement augmenté entre 1974 et 1982 essentiellement en raison du développement de la protection sociale : les cotisations sociales ont augmenté de 4 points de PIB sur cette période, passant de 13,1 à 17,1 % du PIB. La barre des 40 % du PIB a été franchie en 1982.

Ils ont ensuite progressé par pallier selon trois périodes que l’on peut ainsi définir :

– tout d’abord, entre 1982 et 1995, les PO ont évolué dans une fourchette comprise entre 40 et 42,1 % du PIB, avec une moyenne de 41,3 % du PIB ;

– ensuite, de 1996 à 2012, ils ont oscillé entre 41,2 et 44 % du PIB, avec une moyenne de 42,7 % du PIB ;

– enfin, depuis 2013, ils ont franchi la barre des 44 % du PIB, avec une moyenne de 44,8 % du PIB.

Les prélèvements obligatoires depuis 1974

(en % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

33,7

35,1

37,1

37,1

37,2

38,9

39,6

39,8

40,3

41,1

41,8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

41,9

41,3

42,1

41,2

40,9

40,9

41,2

40,7

41,3

41,9

42,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

43,2

43,4

43,3

44,0

43,2

42,9

42,2

42,0

42,2

42,6

43,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

42,3

42,1

41,2

41,5

42,7

43,9

44,9

44,8

44,5

44,6

45,3

Source : INSEE, base 2014.

La progression des PO est donc une tendance lourde. Le point le plus haut a été atteint en 2017 avec 45,3 % du PIB.

Les oscillations à la baisse et à la hausse ne sont pas corrélées à la couleur de la majorité politique. Les PO ont progressé de 3 points de PIB en dix ans alors que des majorités parlementaires d’orientations différentes se sont succédé. La hausse a été sensiblement de même ampleur durant la période 2007-2012 (+ 1,6 point) et durant la période 2012-2017 (+ 1,4 point).

PrÉlÈvements obligatoires

Année

En milliards deuros

En % du PIB

2002

669,5

42,2

 

2007

820,8

42,3

 

2012

916,3

43,9

2013

950,5

44,9

2014

962,2

44,8

2015

978,4

44,5

2016

994,7

44,6

2017

1 038,0

45,3

Source : INSEE, base 2014.

B.   LA STRUCTURE

Le tableau qui suit donne une répartition des PO telle que l’exécution pour 2017 la révèle pour chacun des sous-secteurs d’administration.

DÉcomposition des prÉlÈvements obligatoires en 2017

(en milliards d’euros)

Fiscalité globale

Fiscalité par sous-secteur dadministration

Principaux impôts

Montant

 

653,5

État +

organismes divers d’administration centrale (ODAC) + Union européenne

 

334,8

TVA (part État)

152,4

Impôt sur le revenu (IR)

73,0

Impôt sur les sociétés (IS)

35,7

TICPE (part État)

17,2

Droits de succession et donation

12,9

Impôts transférés aux ODAC

14,8

Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité

7,9

Autres

20,9

Administrations publiques locales (APUL)

 

142,7

Taxe foncière (bâti et non bâti)

34,0*

CVAE-CFE-IFER

21,5*

Taxe d’habitation

19,3*

TICPE (part APUL)

12,1

Taxe départementale sur les mutations à titre onéreux

11,6

Versement transport

8,7*

Taxe sur les conventions d’assurance

7,2

Taxes d’enlèvement des ordures ménagères

5,3

Taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules

2,2

Autres

20,8

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

 

175,9

CSG-CRDS

106,9

Taxe sur les salaires

13,5

Droits de consommation sur les tabacs

11,4

TVA (part ASSO)

10,3

Prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placements

8,6

Forfait social

5,5

Contribution sociale de solidarité des sociétés

3,6

Prélèvement de solidarité de 2 %

2,6

Autres

13,5

 

Cotisations sociales

384,5

 

Total des prélèvements obligatoires

1 038,0

* INSEE.

Source : les données des deux premières colonnes sont issues de la comptabilité nationale de l’INSEE, tandis que les données de la dernière colonne proviennent, sauf exceptions signalées par un astérisque, de données issues de la comptabilité budgétaire du présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

Les cotisations sociales représentent 37 % des PO et les impôts 63 %.

Le rendement des impôts est concentré sur six d’entre eux : TVA, contribution sociale généralisée-contribution au remboursement de la dette sociale (CSG-CRDS), impôt sur le revenu (IR), taxes foncières, impôt sur les sociétés (IS), taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ; ils représentent à eux seuls 440 milliards d’euros soit plus de deux tiers de la fiscalité globale.

II.   LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN 2018

En 2018, le taux de PO devrait entamer une baisse et se limiter à 45 % du PIB, soit 1 057,4 milliards d’euros. La baisse par rapport à 2017 serait ainsi de 0,3 point de PIB.

Elle s’expliquerait par deux mouvements contraires avec, d’une part, une diminution due aux mesures législatives de 0,4 point de PIB (A) et d’autre part, une augmentation de 0,1 point liée à une évolution spontanée légèrement supérieure à l’évolution du PIB (B).

Évolution des prélèvements obligatoires en 2018 par rapport à 2017

 

 

Prélèvements obligatoires en 2017

(I)

Évolution spontanée

en 2017

(II)

Mesures nouvelles et antérieures

en 2017

(III)

Prélèvements obligatoires en 2018

(IV = I + II + III)

En milliards deuros

1 038

+ 29,8

– 10,4

1 057,4

Taux de prélèvements obligatoires

45,3 %

+ 0,1 point

– 0,4 point

45 %

Source : commission des finances d’après Rapport économique, social et financier.

A.   UNE BAISSE DE 0,4 POINT AU TITRE DES MESURES LÉGISLATIVES

En 2018, l’ensemble des mesures législatives doivent contribuer à faire baisser les PO d’environ 10,4 milliards d’euros soit environ 0,4 point de PIB selon le Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances. Il s’agit d’un solde net entre plusieurs mesures de baisse et plusieurs mesures de hausse.

Outre une mesure antérieure relative à l’élargissement du crédit d’impôt pour l’emploi de personnes à domicile, cette baisse s’explique par l’important programme de diminution des impôts sur les ménages et les entreprises adopté en loi de finances pour 2018, avec quatre mesures emblématiques :

– le remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI) ;

– l’instauration d’un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital (PFU) ;

– la première étape de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages ;

– et la baisse du taux de l’IS.

Ces baisses sont partiellement compensées par des hausses de la fiscalité du tabac et de la fiscalité énergétique en lien avec la montée en puissance de la trajectoire carbone.

Par ailleurs, la bascule de cotisations sociales salariales sur la CSG a entraîné provisoirement en 2018 une hausse des PO car une fraction de la baisse des cotisations a été décalée au 1er octobre alors que la hausse de la CSG était intervenue dès le 1er janvier.

Principales mesures législatives sur les prÉlÈvements obligatoires en 2018

(en milliards d’euros)

Mesures

Rendement

Mesures de baisse

 

Extinction de la surtaxe d’IS pour compenser l’annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes

– 5,1

Montée en charge du CICE

– 3,7

Création de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI)

– 3,2

Première étape de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages

– 3,2

Suppression de la taxe à 3 % sur les dividendes

– 1,7

Mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique

– 1,6

Baisse du taux de l’IS

– 1,2

Élargissement du crédit d’impôt pour l’emploi de personnes à domicile

– 1,0

Mesures de hausse

 

Bascule de cotisations sociales sur la CSG

+ 4,4

Hausse de la fiscalité énergétique

+ 3,7

TVA sur les bailleurs sociaux

+ 0,8

Hausse de la fiscalité du tabac, net des effets de comportement*

+ 0,6

Alignement progressif du taux de cotisation des fonctionnaires sur celui des salariés du privé

+ 0,2

* la hausse de la fiscalité du tabac brut des effets de comportement serait de 2,3 milliards d’euros.

Source : Rapport économique, social et financier.

À noter que l’extinction des contributions additionnelles à l’IS créées pour la seule année 2017 pour faire face à l’annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes a pour effet mécanique de faire baisse de 5,1 milliards les PO en 2018.

L’extinction la surtaxe d’IS pour compenser l’annulation
de la taxe à 3 % sur les dividendes

La contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés (IS) au titre des montants distribués a été créée par l’article 6 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 (1).

Par une décision du 6 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a annulé la contribution de 3 % sur les revenus distribués (2). Ceci devait entraîner une diminution des recettes fiscales nettes d’environ 10 milliards d’euros au titre des remboursements aux entreprises. Selon le Gouvernement, les remboursements de 10 milliards d’euros devaient être répartis en deux parts égales de 5 milliards d’euros sur les exercices 2017 et 2018.

Pour compenser cette annulation, la première loi de finances rectificative pour 2017 (3) a institué deux contributions exceptionnelles sur l’impôt sur les sociétés dû en 2017 par les plus grandes entreprises. Elles devaient entraîner un gain budgétaire de 5,4 milliards d’euros dont 4,8 milliards d’euros dès 2017 et 0,6 milliard d’euros supplémentaires en 2018.

En exécution, elles ont rapporté 4,9 milliards d’euros en 2017 et devraient coûter 0,2 milliard d’euros en 2018. Il s’ensuit que leur extinction entraîne une baisse mécanique des prélèvements obligatoires de 5,1 milliards d’euros en 2018.

(1) Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

(2) Conseil constitutionnel, décision  2017-660 QPC du 6 octobre 2017, Société de participations financière [Contribution de 3 % sur les montants distribués] (lien).

(3) Loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

B.   UNE HAUSSE DUE À LÉVOLUTION SPONTANÉE POUR 0,1 POINT

Les PO devraient, encore cette année, progresser plus vite (+ 2,8 %) que le PIB en valeur en 2018 (+ 2,5 %). Leur élasticité à la croissance est, en effet, estimée à 1,1 au lieu de 1,4 en 2017. Ceci devrait avoir pour effet mécanique d’augmenter leur poids dans le PIB d’environ 0,1 point, ce qui majore d’autant l’ajustement structurel réalisé en 2018.

Notion délasticité

L’élasticité du rendement d’un prélèvement obligatoire est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du PIB en valeur. Lorsque le rendement d’un prélèvement obligatoire évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité. Par exemple, si la croissance du PIB est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée du prélèvement est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de – 0,5, l’évolution spontanée est de – 0,5 % bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %.

III.   LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN 2019

Les PO devraient atteindre 1 070 milliards d’euros en 2019.

Toutefois, ce montant inclut une mesure de périmètre de 4,8 milliards d’euros, soit 0,2 point de PIB, liée au classement de France compétences dans le champ des administrations publiques.

Mesure de périmètre  France compétences

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a rénové en profondeur la gouvernance du système français de formation professionnelle continue et d’apprentissage. Elle a créé un nouvel établissement public dénommé « France Compétences » qui assurera désormais la répartition et le versement d’une partie des fonds de la formation professionnelle

En comptabilité nationale, France Compétences devrait être considéré par l’INSEE comme un organisme divers d’administration centrale (ODAC). Il s’ensuit que les recettes transitant par cet organisme devraient être requalifiées en prélèvements obligatoires.

Le taux de PO serait ainsi de 44,2 % du PIB, en baisse de 0,8 point de PIB. Hors mesure de périmètre, la baisse est d’un point de PIB.

Évolution des prélèvements obligatoires en 2019 par rapport à 2018

 

 

Prélèvements obligatoires en 2018

(I)

Évolution spontanée

en 2018

(II)

Mesures nouvelles et antérieures

en 2018

(III)

Mesure de périmètre

« France compétences »

(IV)

Prélèvements obligatoires en 2019

(V = I + II + III + IV)

En milliards deuros

1 057,4

+ 31,9

– 24,1

+ 4,8

1 070,0

Taux de prélèvements obligatoires

45,0 %

0 point

– 1 point

+ 0,2 point

44,2 %

Source : commission des finances d’après Rapport économique, social et financier.

A.   UNE ÉVOLUTION SPONTANÉE NEUTRE SUR LE TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Le Gouvernement retient une hypothèse prudente d’élasticité des PO à la croissance égale à l’unité. Autrement dit, l’évolution spontanée des PO (+ 3 %) devrait être proportionnelle à celle du PIB en valeur (+ 3 %) si bien qu’elle n’aurait pas d’effet sur le taux de PO.

B.   UNE BAISSE DUN POINT DE PIB AU TITRE DES MESURES ADOPTÉES

Le présent projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale présentent peu de mesures nouvelles ayant des effets importants sur le taux de PO.

La principale mesure nouvelle de baisse concerne la CSG de certains retraités aux revenus modestes (– 0,3 milliard d’euros).

Deux mesures nouvelles de hausse sont au contraire prévues et concernent les entreprises :

– la réforme du cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés (+ 1,5 milliard d’euros) ;

– et la suppression du taux réduit de TICPE pour le gazole non routier (+ un milliard d’euros).

La baisse des PO en 2019 provient de mesures antérieures, c’est-à-dire de la montée en puissance du programme de baisses d’impôt adopté l’an dernier, dont le remplacement du CICE par une baisse de cotisations sociales.

La transformation du CICE en baisse de cotisations sociales

Institué par l’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est entré en vigueur le 1er janvier 2013.

Il s’agit d’un crédit d’impôt qui porte sur la masse salariale des salariés dont les rémunérations brutes n’excèdent pas 2,5 fois le montant annuel du SMIC. Il bénéficie à toutes les entreprises relevant de l’impôt sur les sociétés (IS) ou de l’impôt sur le revenu (IR) d’après leur bénéfice réel. Son taux a varié au fil des années. Il était de 4 % pour les salaires versés en 2013. Il a été relevé à 6 % pour les salaires versés à compter de 2014, puis à 7 % pour les salaires versés en 2017 avant de revenir à 6 % pour les salaires versés en 2018.

Son coût pour 2018 a été évalué à 21 milliards d’euros en comptabilité budgétaire et à 22,8 milliards d’euros en comptabilité nationale.

Le président de la République s’était engagé à transformer le CICE en baisse de cotisations sociales. Conformément à cet engagement, l’article 86 de la loi de finances pour 2018 a supprimé le CICE et l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les employeurs comprenant deux volets :

– une réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie sur les salaires jusqu’à 2,5 SMIC, soit une sorte « d’équivalent-CICE » ;

– et un renforcement de l’allégement général, par une réduction de près de 10 points des charges au niveau du SMIC (le Gouvernement a annoncé le report de ce second au volet au 1er octobre 2019).

En 2019, année de mise en place de ces nouveaux allégements, les entreprises éligibles continueront de bénéficier du CICE acquis au titre des exercices antérieurs, notamment en 2018. Il en résulte un « double coût » assumé par l’État et traité en mesure exceptionnelle dans la décomposition du solde public pour 2019.

Principales mesures législatives sur les prÉlÈvements obligatoires en 2019

(en milliards d’euros)

Mesures

Rendement

Mesures de baisse

 

Remplacement du CICE par une baisse de cotisations sociales, hors effet retour sur l’IR et l’IS

– 20,4

Bascule de cotisations sociales sur la CSG

– 4,2

Deuxième étape de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages

– 3,8

Baisse du taux de l’impôt sur les sociétés

– 2,4

Exonération de cotisations sur les heures supplémentaires, hors effet retour d’IR

– 0,7

Mesures de hausse

 

Hausse de la fiscalité énergétique

+ 3,0

Augmentation du taux d’appel des cotisations AGIRC-ARRCO

+ 1,9

Renforcement temporaire du 5e acompte d’impôt sur les sociétés

+ 1,5

Suppression du taux réduit de TICPE pour le gazole non routier

+ 1,0

Hausse de la fiscalité du tabac, net des effets de comportement

+ 0,4

Source : Rapport économique, social et financier.

IV.   LÉVOLUTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DEPUIS LE DÉBUT DE LA LÉGISLATURE

L’exposé des motifs du présent projet de loi de finances contient un tableau d’évolution des PO depuis le 1er janvier 2018. Le Rapporteur général a procédé à un calcul de l’évolution des PO depuis le début de la législature.

A.   LA MÉTHODE DE CALCUL DU MONTANT DE LA BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Dans l’exposé des motifs du présent projet de loi de finances, le Gouvernement indique qu’« en 2019, les prélèvements obligatoires diminuent de près de 25 milliards deuros après une baisse de 10 milliards deuros en 2018 ».

Comme vu précédemment, ces chiffres sont exacts au sens de la comptabilité nationale annuelle. Comptablement, les PO vont bien baisser de 35 milliards d’euros en deux ans, à hauteur de 27 milliards d’euros pour les entreprises et de 8 milliards d’euros pour les ménages.

Ces chiffres doivent cependant être retraités pour neutraliser certaines opérations neutres ou temporaires, afin d’avoir une vision consolidée de l’évolution des PO depuis le début de la législature.

En effet, la lecture de l’évolution des PO en 2019 par rapport à l’année précédente est malaisée à cause de plusieurs mesures temporaires et des effets retours.

Par exemple, la bascule de cotisations sociales sur la CSG entraîne bien, au sens de la comptabilité nationale, une baisse des PO en 2019 mais cela s’explique par le fait qu’une fraction de la baisse des cotisations salariales avait été décalée du 1er janvier au 1er octobre 2018. Autrement dit, la baisse de 2019 s’explique par la hausse de 2018. Au global, la mesure est neutre.

De même, la lecture de l’évolution des PO en 2018 est compliquée du fait de l’extinction de la surtaxe d’IS pour compenser l’annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes. Là encore, la baisse de 2018 s’explique par la hausse de 2017.

Il semblerait donc plus pertinent, pour mesurer les effets de la politique fiscale menée, d’opérer un calcul depuis le début de la législature, en neutralisant les opérations neutres de façon à faire apparaître l’allégement réel des PO sur les entreprises et les ménages.

Selon les calculs du Rapporteur général, la baisse des PO depuis le début de la législature est de 9 milliards d’euros (ou de 11,6 milliards d’euros si l’on calcule la hausse de la fiscalité du tabac selon les effets nets de comportement).

Le calcul mentionné dans l’exposé des motifs du présent projet de loi de finances n’est pas erroné mais repose sur une vision comptable et annuelle. La différence entre ce calcul et celui du Rapporteur général a trois explications principales.

Tout d’abord, une vision annuelle en comptabilité nationale conduit à retenir dans le calcul de l’évolution des PO le remplacement du CICE en baisse de cotisations sociales. Toutefois, s’il présente un réel avantage de trésorerie pour les entreprises, cette mesure ne se traduira pas dans leurs bilans patrimoniaux comme une double réduction du coût du travail : le CICE s’impute sur le bilan 2018 et les baisses de cotisations sociales sur le bilan 2019. Il s’agit d’ailleurs d’une mesure dont les effets sur les finances publiques sont ponctuels et limités à l’année 2019 (20,4 milliards d’euros).

Ensuite, une présentation d’évolution annuelle qui débute au 1er janvier 2018 conduit à comptabiliser en baisse de PO l’extinction de la surtaxe exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés créée pour faire face à l’annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes. Or, cette surtaxe a été créée en 2017 en début de législature pour faire face à l’annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes (5,1 milliards d’euros).

Enfin, il convient de prendre en compte dans les baisses de PO la suppression de cette même taxe à 3 % sur les dividendes (– 1,7 milliard d’euros).

Ces trois différences de calcul expliquent l’écart entre le calcul du Rapporteur général et celui présenté dans l’exposé des motifs du présent projet de loi de finances (11,6 + 20,4 + 5,1 – 1,7 = 35,4).

B.   LA RÉPARTITION DE LA BAISSE ENTRE LES ENTREPRISES ET LES MÉNAGES

Selon les calculs du Rapporteur général, la baisse des PO concernant les ménages atteint bien 8 milliards d’euros sur la période 2018-2019, conformément aux estimations du Gouvernement.

Ce calcul repose toutefois sur une hypothèse de hausse de la fiscalité du tabac selon les effets nets de comportement. Si l’on retient au contraire les effets bruts de comportement, la baisse pour les ménages se limite à 6,4 milliards d’euros depuis le début de la législature.

En revanche, s’agissant des entreprises, le Rapporteur général calcule que la baisse des PO est d’environ 4 milliards d’euros sur la période 2018-2019. Le calcul du Gouvernement à 27 milliards d’euros est cependant également exact en y intégrant le remplacement du CICE en baisse de cotisations sociales, d’une part, et le solde net entre l’extinction de la surtaxe à l’IS créée en 2017 et l’extinction de la taxe à 3 % sur les dividendes, d’autre part.

Le détail du calcul du Rapporteur général est retranscrit dans le tableau ci‑après.

Évolution des prÉlÈvements obligatoires depuis le dÉbut de la lÉgislature

(en milliards d’euros)

Mesures

Rendement

2018

2019

 

 

I  Fiscalité des ménages

 

Mesures de baisses « Ménage »

 

Remplacement de l’ISF par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI)

– 3,2

Première et deuxième étapes de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages

– 3,2

– 3,8

Mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique

– 1,6

– 0,3

Élargissement du crédit d’impôt pour l’emploi de personnes à domicile

– 1,0

Exonération de cotisations sur les heures supplémentaires, hors effet retour d’IR

– 0,6

Baisse de CSG sur les retraités à revenus modestes

– 0,3

Suppression de cotisations étudiantes

– 0,2

 

Autres

– 0,2

– 0,2

 

Mesures de hausse « Ménage »

Hausse de la fiscalité du tabac, net des effets de comportement

+ 0,6

+ 0,4

Augmentation du taux d’appel des cotisations AGIRC-ARRCO, part salariale*

+ 0,9

Hausse de la fiscalité énergétique

+ 2,4

+ 1,9

Alignement progressif du taux de cotisation des fonctionnaires sur celui des salariés du privé

+ 0,2

+ 0,2

 

 

 

Total

– 6,2

– 1,8

 

 8,0

 

 

II  Fiscalité des entreprises

 

Mesures de baisse « Entreprises »

 

Baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés

–1,2

– 2,4

Suppression de la taxe à 3 % sur les dividendes

– 1,7

Montée en charge du CICE

– 3,7

– 0,5

Crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires

– 0,6

Réforme du forfait social

– 0,5

Suppression de petites taxes

– 0,1

Suppression de la 4e tranche de la taxe sur les salaires

– 0,1

Mesures en faveur des micro-entreprises

– 0,2

Réforme du régime de l’intégration fiscale

– 0,1

 

Mesures de hausse « Entreprises »

 

Renforcement temporaire du 5e acompte d’impôt sur les sociétés

+ 1,5

Hausse de la fiscalité énergétique

+ 1,3

+ 1,1

Suppression du taux réduit de TICPE pour le gazole non routier

+ 1,0

Verdissement du barème de la taxe sur les véhicules de société

+ 0,1

 

Augmentation du taux d’appel des cotisations AGIRC-ARRCO, part patronale*

+ 0,9

TVA sur les bailleurs sociaux

+ 0,8

+ 0,2

Changement de la méthode de calcul de la CVAE pour les groupes fiscalement intégrés

+ 0,3

 

 

 

 

– 4,8

– 0,9

 

 4,0

* par convention, les parts salariale et patronale de la hausse des cotisations ont été réparties par moitié.

Source : Commission des finances d’après le Rapport économique, social et financier.


   FICHE N° 4 :
LA DÉPENSE PUBLIQUE

Résumé de la fiche

Le présent projet de loi de finances confirme l’objectif de forte modération de la dépense publique. Celle-ci sera stable en volume en 2018 et s’élèvera à 0,6 % en 2019, soit des niveaux historiquement bas.

L’objectif fixé en loi de programmation des finances publiques d’une baisse du ratio de dépenses publiques de plus de trois points de produit intérieur brut d’ici 2022 est maintenu par le Gouvernement.

L’ensemble des administrations publiques est soumis à cet objectif général de maîtrise de la dépense publique, malgré des taux d’évolution hétérogènes selon les sous-secteurs. Les administrations publiques centrales présentent le taux le plus faible d’évolution de la dépense. La dépense des administrations publiques locales est légèrement plus dynamique, compte tenu notamment du cycle électoral communal. Enfin, la dépense des administrations de sécurité sociale est maîtrisée, via des mesures d’économie sur le secteur des dépenses de santé et une mesure de revalorisation limitée de certaines prestations sociales.

Le programme Action publique 2022 devra permettre de définir de nouvelles modalités d’organisation de la sphère publique et d’opérer des choix pour rendre la dépense plus efficiente.

Le présent projet de loi de finances confirme la volonté du Gouvernement de faire ralentir fortement la progression de la dépense publique. Conformément à l’objectif fixé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale ([27]), la dépense publique devrait être stable en 2018 par rapport à 2017, hors inflation. Ce résultat n’avait jamais été atteint en France, hormis en 2011 où il s’agissait de supprimer les mécanismes conjoncturels de soutien qui avaient été institués pendant la crise économique et financière.

Le taux d’évolution en volume de la dépense publique devrait s’établir à 0,6 % en 2019, soit un niveau historiquement bas.

taux de croissance en volume de la dÉpense publique, hors crÉdits d’impôt*

* Par convention, la dépense publique en volume correspond à la dépense publique déflatée de lindice des prix à la consommation (IPCHT). En effet, il nexiste pas de prix de la dépense publique dans le cadre de la comptabilité nationale et une fraction importante de la dépense est indexée sur cet indicateur.

Source : INSEE, comptes nationaux, base 2014, et calculs commission des finances, à partir des données d’inflation hors tabac exécutées, inscrites dans les rapports économique, social et financier annexés aux projets de loi de finances.

Sur la période 2003-2007, le taux moyen d’évolution en volume de la dépense publique s’est établi à 2,2 %. Celui-ci a décru et s’est élevé à 1,4 % entre 2008 et 2012 et 1 % entre 2013 et 2017. Le Gouvernement prévoit un taux d’évolution moyen de 0,3 % en volume sur la période 2018-2022. Cela représente un effort sans précédent de modération de la dépense publique sur un quinquennat.

Les ambitions prévues en loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([28]) (LPFP) sont maintenues, il s’agit de contenir l’évolution annuelle de la dépense publique en volume à un niveau inférieur à 0,4 % sur la période.

Évolution de la dÉpense publique, hors crÉdits d’impôt

prÉvue en la loi de programmation

(en %)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Taux de croissance en valeur (LPFP)

1,8

1,5

1,7

1,8

2,0

1,9

Taux de croissance en volume (LPFP)

0,8

0,5

0,6

0,4

0,2

0,1

Taux de croissance en valeur (Pstab)

2,5

1,8

1,4

1,7

2,0

1,9

Taux de croissance en volume (Pstab)

1,5

0,7

0,25 (en moyenne)

Taux de croissance en volume (DOFP)

1,5

0,7

0,4

0,3

0,2

0,1

Taux de croissance en valeur (PLF19)

2,4

1,6

1,9

1,9

1,8

2,1

Taux de croissance en volume (PLF19)

1,4

0

0,6

0,5

0,1

0,4

Pstab : programme de stabilité.

PLF : projet de loi de finances.

Source : commission des finances.

Mécaniquement, la modération de la dépense publique au cours du quinquennat devrait avoir pour effet de réduire la part de la dépense publique dans la richesse nationale.

Les méthodes de calcul de l’évolution en volume de la dépense publique

Lors de son avis relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2019 (1), le HCFP a présenté deux méthodes de calcul de l’évolution en volume de la dépense publique :

– en retenant pour déflateur l’indice des prix à la consommation (IPC) hors tabac ;

– en retenant pour déflateur le prix du PIB.

Selon l’INSEE, le déflateur du PIB s’écarte de l’indice des prix à la consommation, en fonction notamment, de l’évolution des prix des importations, des exportations et de la formation brute de capital fixe (2). Ainsi, l’IPC évalue l’évolution des prix des biens consommés dans l’économie, tandis que le déflateur du PIB évalue l’évolution des prix des biens produits dans l’économie domestique. Le prix des biens importés est intégré dans l’IPC et non dans le déflateur de prix du PIB.

Traditionnellement, la première méthode de calcul est retenue par le Gouvernement. Toutefois, le HCFP a souligné que l’évolution en volume serait nulle en 2018 selon la première méthode et s’établirait à 0,7 %, selon la seconde. En revanche, il a indiqué avec les informations dont il disposait que l’évolution en volume de la dépense publique s’élèverait à 0,7 % pour l’année 2019 selon la première méthode et 0,6 % selon la seconde.

Le Rapporteur général considère qu’il est important de conserver une permanence dans le choix des méthodes. Néanmoins, cela ne doit pas interdire les comparaisons de données avec des méthodes alternatives.

(1) Avis n° HCFP-2018-3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2019, 19 septembre 2018.

(2) (lien).

I.   LEXERCICE 2019 CONSTITUE LA CONFIRMATION DE LOBJECTIF AMBITIEUX DE RÉDUCTION DE LA PART DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

A.   LA CONFIRMATION DE LA BAISSE SIGNIFICATIVE DU RATIO DE DÉPENSE PUBLIQUE PAR RAPPORT À LA RICHESSE NATIONALE

Lors de la présentation de la LPFP, le Gouvernement a fixé pour objectif la réduction de la part de la dépense publique dans la richesse nationale de plus de 3 points entre 2017 et 2022.

Évolution de la part de dÉpense publique, hors crÉdits d’impÔts,
prÉvue en la loi de programmation

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Dépense publique, hors crédits d’impôt (LPFP)

54,7

54,0

53,4

52,6

51,9

51,1

Évolution de la dépense publique

– 0,7

– 0,6

– 0,8

– 0,7

– 0,8

Dépense publique, hors crédits d’impôt (Pstab)

55,1

54,4

53,5

52,6

51,9

51,1

Évolution de la dépense publique

– 0,7

– 0,9

– 0,9

– 0,7

– 0,8

Dépense publique, hors crédits d’impôt (DOFP)

55,0

54,3

53,4

52,5

51,8

51,0

Évolution de la dépense publique

– 0,7

– 0,9

– 0,9

– 0,7

– 0,8

Dépense publique, hors crédits d’impôt (PLF)

55,1

54,6

54,0

53,3

52,5

51,8

Évolution de la dépense publique

– 0,5

– 0,6

– 0,7

– 0,8

– 0,7

Source : commission des finances.

Selon les éléments transmis au Rapporteur général, la décomposition de l’évolution du taux de dépense publique par rapport au PIB par sous-secteur d’administration serait la suivante.

Évolution du taux de dépense publique par rapport au pib par sous-secteur

(en pourcentage du PIB)

Dépense finale
(= hors transferts) hors crédits dimpôt
(% PIB)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Variation 2017-2022 (Md€)

Administrations publiques centrales

Poids à champ courant dans le PIB : 18,6 %

Évolution en volume à champ constant : + 2,1 %

18,2 %

 0,8 %

17,9 %

 0,8 %

17,9 %

+ 0,9 %

17,7 %

+ 0,4 %

17,5 %

+ 0,6 %

+ 43

Administrations de sécurité sociale

25,5 %

+ 0,9 %

25,5 %

+ 0,4 %

25,2 %

+ 0,6 %

24,8 %

0,0 %

24,5 %

+ 0,3 %

24,2 %

+ 0,6 %

+ 62

Administrations publiques locales

11,0 %

+ 1,6 %

10,9 %

+ 0,7 %

10,9 %

+ 1,2 %

10,6 %

 0,9 %

10,3 %

 1,0 %

10,1 %

 0,5 %

+ 18

Administrations publiques locales (hors investissement)

8,7 %

0,7 %

8,5 %

 0,7 %

8,4 %

0,1 %

8,2 %

– 0,5 %

8,0 %

0,1 %

7,9 %

– 0,2 %

+ 13

Total

55,1 %

+ 1,4 %

54,6 %

0,0 %

54,0 %

+ 0,2 %

53,3 %

+ 0,1 %

52,5 %

+ 0,1 %

51,8 %

+ 0,4 %

+ 123

Source : Gouvernement.

Selon le présent projet de loi de finances, l’objectif est maintenu puisque le ratio de dépense publique par rapport au PIB diminuerait de 3,3 points entre 2017 et 2022. La part de la dépense publique, hors crédits d’impôt, s’élèverait à 51,8 points de PIB en 2022, soit un niveau plus atteint depuis 2001.

Évolution de la part de la dÉpense publique dans le produit intÉrieur brut, hors crÉdits d’impôt depuis 1974

(en vert, les baisses de la part de dépense publique)

(en % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Part

39,8

44,5

45,0

44,2

45,2

45,5

46,4

49,0

50,2

50,7

51,6

Évolution

4,8

0,5

– 0,8

1

0,3

0,9

2,6

1,3

0,5

0,9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Part

52,3

51,9

51,3

50,6

49,4

50,1

51,2

52,6

55,2

54,6

54,8

Évolution

0,6

– 0,4

– 0,6

– 0,7

– 1,2

0,7

1,1

1,3

2,6

– 0,6

0,2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Part

54,8

54,5

52,9

52,6

51,6

51,7

52,6

53,1

52,8

53,0

52,5

Évolution

0,1

– 0,4

– 1,6

– 0,3

– 1,0

0,1

0,9

0,5

– 0,3

0,3

– 0,5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Part

52,0

52,5

56,3

56,0

55,5

56,3

56,5

56,0

55,3

55,3

55,1

Évolution

– 0,5

0,5

3,7

– 0,3

– 0,5

0,9

0,2

– 0,4

– 0,7

0,0

– 0,2

Source : INSEE.

La part de la dépense publique dans la richesse nationale a fortement progressé à la suite de la crise économique et financière en 2008-2009. Celle-ci a entamé une réduction progressive à compter de 2014 et devrait accélérer sa décrue à partir de 2018.

Évolution du ratio de dÉpenses publiques

(en % du PIB)

Source : INSEE et projet de loi de finances pour les années 2018 et 2019.

Compte tenu du niveau robuste de la croissance économique avec une prévision établie à 1,7 % en 2018 et une stabilité de la dépense publique en volume, la part de celle-ci dans la richesse nationale devrait diminuer de façon significative à hauteur de 0,6 point de PIB.

B.   LEXERCICE 2019 ILLUSTRE LA POURSUITE DE LA MODÉRATION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

L’exercice 2019 confirme l’inflexion de l’évolution de la dépense publique, adoptée en 2018. En valeur absolue, celle-ci ne devrait progresser que de 22,5 milliards d’euros, y compris crédits d’impôt, et de 23,7 milliards d’euros, hors crédits d’impôt.

Évolution annuelle de la dÉpense publique

(en milliards d’euros)

Année

Dépense publique,

y compris crédits dimpôt

Augmentation

annuelle

Dépense publique,

hors crédits dimpôt

Augmentation

annuelle

2002

838,3

835,7

2003

868,7

30,4

865,6

29,9

2004

902,9

34,2

899,6

33,9

2005

941,1

38,3

936,8

37,2

2006

977,2

36,1

970,5

33,7

2007

1 020,5

43,3

1 010,3

39,8

2008

1 061,9

41,4

1 046,7

36,4

2009

1 106,7

44,8

1 089,6

42,9

2010

1 135,0

28,3

1 117,3

27,7

2011

1 158,7

23,7

1 141,6

24,3

2012

1 192,2

34,2

1 176,3

34,7

2013

1 211,6

18,8

1 195,7

19,4

2014

1 230,0

18,3

1 204,6

8,9

2015

1 248,7

18,7

1 216,3

11,7

2016

1 263,9

15,3

1 232,3

16,0

2017

1 294,0

30,1

1 262,3

30,0

2018

1 323,1

29,0

1 283,1

20,8

2019

1 345,5

22,5

1 306,8

23,7

Source : INSEE et calculs de la commission des finances sur la base du présent projet de loi de finances pour les années 2018 et 2019.

Entre 2003 et 2012, l’augmentation annuelle moyenne de la dépense publique, y compris crédits d’impôt, s’est élevée à 35,5 milliards d’euros et 34,1 milliards d’euros, hors crédits d’impôt. Sur la période 2013-2019, l’augmentation annuelle moyenne devrait s’établir à 21,8 milliards d’euros, y compris crédits d’impôt, et 18,6 milliards d’euros, hors crédits d’impôt. Cela représente une forte décélération du rythme d’évolution de la dépense publique.

Celle-ci résulte notamment de la mise en place de mesures applicables à l’ensemble des administrations publiques pour la maîtrise de la masse salariale, qui représente près du quart de la dépense publique (22,4 % en 2017) ([29]).

C.   LA MAÎTRISE DE LA MASSE SALARIALE AU SEIN DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES EN 2019

1.   Le maintien du gel du point d’indice de la fonction publique en 2019

Pour l’année 2018, le Gouvernement a gelé le point d’indice de la fonction publique. Selon la Cour des comptes, une augmentation de 1 % de la valeur du point d’indice correspond à un surcoût de 2 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations publiques, dont :

– 880 millions pour l’État et ses opérateurs ;

– 640 millions d’euros pour les collectivités territoriales ;

– et 550 millions d’euros pour les hôpitaux ([30]).

Le gel est intervenu après deux augmentations successives, réalisées le 1er juillet 2016 (+ 0,6 %) et le 1er février 2017 (+ 0,6 %), qui rompaient avec une période prolongée de gel du point d’indice depuis 2010.

En juin dernier, le secrétaire d’État chargé de la fonction publique a annoncé le maintien du gel du point d’indice de la fonction publique pour l’exercice 2019. Par construction, cette mesure génère un niveau d’économies d’autant plus important que l’inflation est élevée, ce qui devrait être le cas en 2018 et en 2019.

ÉVOLUTION DE L’INFLATION ET DU POINT D’INDICE DE LA FONCTION PUBLIQUE

(en %)

Source : commission des finances.

À l’inverse, cette mesure a un impact défavorable sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires, qui est d’autant plus fort que l’inflation est élevée. Ainsi, plusieurs mécanismes ont été mis en place pour remédier à cette situation, ce sont notamment de la garantie individuelle de pouvoir d’achat (GIPA) et du minimum de traitement.

La GIPA prend la forme d’une compensation versée aux agents dont le traitement augmente moins vite que l’inflation. Les paramètres de ce dispositif sont liés d’une part à l’évolution de la valeur du point d’indice et d’autre part à des facteurs extérieurs tels que l’inflation et la valeur du SMIC. La Cour des comptes relève que la GIPA a représenté un coût annuel entre 150 et 200 millions d’euros entre 2012 et 2015 ([31]).

Parallèlement, le Gouvernement a annoncé la reprise du protocole de revalorisation des carrières dit « PPCR » (Parcours professionnels, carrières et rémunérations) à compter du 1er janvier 2019 ([32]).

2.   La reprise du protocole de revalorisation des carrières « PPCR » au 1er janvier 2019

En 2015, le Gouvernement a conclu un accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR) avec six organisations syndicales de la fonction publique. Celui-ci doit permettre de simplifier l’architecture statutaire au sein des différents versants de la fonction publique, notamment afin de réévaluer les rémunérations des agents. Ainsi, le protocole représente un niveau de dépenses cumulées de 11 milliards deuros sur la période 2016-2021.

Compte tenu de l’enjeu budgétaire (82 % de la charge budgétaire porte sur le quinquennat actuel) et de la trajectoire de finances publiques voulue par le nouveau Gouvernement, celui-ci a décidé en octobre 2017 de suspendre la mise en œuvre du protocole pendant l’année 2018.

Selon les éléments transmis au Rapporteur général, le protocole PPCR sera par conséquent réactivé à compter du 1er janvier 2019, pour un coût de 745 millions deuros au titre de lannée 2019.

coût actualisé de ppcr

Source : Gouvernement.

3.   La réduction des effectifs des administrations publiques

La maîtrise de la masse salariale résulte également du niveau des effectifs des administrations publiques. Le présent projet de loi de finances prévoit une accélération de la réduction des effectifs sur la sphère de l’État et de ses opérateurs, à hauteur de 4 164 équivalents temps plein (ETP) après une baisse de 1 660 ETP en 2018.

Le Gouvernement confirme son objectif d’une réduction des effectifs de l’État et de ses opérateurs à hauteur de 50 000 ETP sur la durée du quinquennat, avec une accélération de la diminution des effectifs en fin de période (cf. fiche sur les dépenses de l’État). Parallèlement, le Gouvernement vise un objectif de réduction des effectifs dans les collectivités territoriales dans une logique partenariale et incitative avec ces dernières, à hauteur de 70 000 ETP sur la même période. Au total, l’objectif fixé par le président de la République lors de la campagne présidentielle d’une réduction des effectifs de 120 000 ETP sur le quinquennat est confirmé par le Gouvernement.

Cela représente en effet un levier essentiel de la modération de la dépense publique sur la période 2018-2022.

II.   LA MODÉRATION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE APPLICABLE À TOUS LES SECTEURS DADMINISTRATION PUBLIQUE

Pour l’exercice 2019, l’ensemble des administrations publiques est soumis au principe général de modération de la dépense. Toutefois, l’approche retenue par le Gouvernement n’est pas mécanique, elle différencie l’intensité des efforts selon le secteur d’administration publique. Ainsi, le cycle électoral légitime une croissance de la dépense plus dynamique pour les administrations publiques locales. Les élections municipales prévues pour le premier trimestre 2020 peuvent en effet expliquer que les dépenses communales progressent plus rapidement au cours de l’année 2019.

Évolution de la dÉpense publique,
hors crÉdits d’impÔt, par sous-secteur

(taux d’évolution en volume, à champ constant)

Sous-secteur

2018

2019

Administrations publiques

0,0

0,2

Administrations publiques centrales

– 0,8

– 0,8

Administrations publiques locales

0,7

1,2

Administrations de sécurité sociale

0,4

0,6

Source : Rapport économique, social et financier, annexé au présent projet de loi de finances.

À champ constant, l’évolution de la dépense publique, hors crédits d’impôt, s’établirait à 0,2 % en 2019. L’effort des administrations publiques centrales serait très significatif, avec une baisse en volume de la dépense publique à hauteur de 0,8 % en 2018 et en 2019. Compte tenu des éléments exposés ci-dessus, la dépense des administrations publiques locales accélérerait, passant en volume de 0,7 % en 2018 à 1,2 % en 2019. Enfin, les administrations de sécurité sociale participeraient à l’effort de maîtrise de la dépense publique, avec une évolution en volume contenue à 0,4 % en 2018 et 0,6 % en 2019.

A.   LA RÉDUCTION EN VOLUME DE LA DÉPENSE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CENTRALES EN 2018 ET EN 2019

À champ constant, les dépenses pilotables de l’État ne progresseront que de 2,2 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, soit une croissance en volume négative de – 0,5 %, conformément à l’objectif de la LPFP. En valeur, les dépenses pilotables de l’État progressent de 0,8 %.

La dépense totale de l’État est inférieure de 1,4 milliard d’euros à l’objectif fixé en LPFP, du fait d’une actualisation de la prévision du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne en baisse de 1,7 milliard d’euros.

Au titre de l’année 2019, les dépenses des organismes divers d’administration centrale (ODAC) augmenteraient fortement à hauteur de 6,9 milliards d’euros, du fait de la création de France Compétences. Créé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([33]), cet opérateur sera mis en place à compter du 1er janvier 2019. Il aura principalement pour mission d’agir en tant qu’autorité de régulation de la qualité et de veille sur les coûts et les règles de prise en charge de la formation professionnelle et de l’alternance.

L’analyse de l’évolution des dépenses de l’État fait l’objet d’une fiche dédiée au sein du présent rapport.

B.   LA MAÎTRISE PROLONGÉE DE LA DÉPENSE DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

En 2019, les dépenses des administrations de sécurité sociale ralentiraient avec un taux d’évolution de 1,9 %, après 2,5 % en 2018. Cela résulte principalement de la mesure de revalorisation limitée à 0,3 % des prestations sociales, hors prestations prioritaires (prime d’activité, minimum vieillesse et allocation aux adultes handicapés).

Le Gouvernement précise également que les efforts d’économies seront substantiels dans le champ de l’assurance chômage. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel prévoit que le Gouvernement transmet un document de cadrage aux organisations syndicales de salariés et aux organisations professionnelles d’employeurs représentatives préalablement aux négociations relatives aux accords relatifs à l’assurance chômage ([34]). Ce document vise à assurer « une meilleure coordination de la trajectoire financière du régime dassurance-chômage avec celle des finances publiques » ([35]). Ainsi, il intègre un état des hypothèses macroéconomiques, cohérent avec les prévisions de la loi de finances, de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de programmation des finances publiques. Cela vise à rétablir la solidité financière du régime, dans un contexte où le déficit de l’Unédic devrait s’établir à 35 milliards d’euros en 2019.

En juillet dernier, le président de la République a organisé une rencontre multilatérale avec les partenaires sociaux, le Premier ministre a mené des rencontres bilatérales à la fin du mois d’août et la ministre du travail a animé de nouvelles rencontres bilatérales au mois de septembre. À la fin du mois de septembre, le document de cadrage a été transmis aux partenaires sociaux, qui mèneront leurs négociations a priori jusqu’au début de l’année 2019. En outre, un projet de loi pourrait être déposé sur le sujet au printemps ou à l’été 2019.

S’agissant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM, le Gouvernement prévoit pour l’exercice 2019 une légère remontée avec un taux fixé à 2,5 %, après 2,3 % en 2018. Cela représente un niveau de dépenses de 200,3 milliards d’euros et la progression la plus élevée depuis 2011.

Évolution des dépenses entrant dans le champ de l’ONDAM

(en %)

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, tome I, septembre 2017, page 17 et dossier de presse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Cette augmentation de l’évolution de l’ONDAM vise à mettre en œuvre le plan Santé 2022, à structurer les soins de proximité et à financer des investissements de modernisation et d’adaptation en matière immobilière et numérique des établissements de santé. Toutefois, l’ONDAM nécessitera la réalisation d’un quantum d’économies estimé à 3,8 milliards d’euros et réparti de la façon suivante.

Économies attendues en 2019

(en millions d’euros)

Mesure

Montant

Structuration de loffre de soins

910

Structurer des parcours de soins efficients (chirurgie ambulatoire, alternatives à l’hospitalisation, réduction des hospitalisations évitables, etc.)

210

Améliorer la performance interne des établissements de santé et médico-sociaux

700

Optimisation des achats

415

Rééquilibrage de la contribution de l’ONDAM à l’OGD

235

Améliorer la performance interne des ESMS

50

Actions sur les tarifs des produits de santé et remises

1 360

Prix nets des médicaments en ville

700

Évolution des prix nets des médicaments de la liste en sus

260

Prix nets des dispositifs médicaux en ville

150

Évolution des prix nets des dispositifs médicaux de la liste en sus

50

Remises sur nouveaux produits

200

Pertinence et qualité des actes et des produits de santé

895

Pertinence et adaptation tarifaire de la biologie (protocole)

120

Pertinence et adaptation tarifaire de la radiologie (protocole)

85

Pertinence et adaptation tarifaire sur les autres actes

190

Maîtrise médicalisée et structure de prescription des produits de santé (volume, génériques, biosimilaires)

500

Pertinence et efficience des prescriptions darrêts de travail et de transports

335

Transports

135

Indemnités journalières

200

Contrôle et lutte contre la fraude

90

Lutte contre la fraude et dispositifs de contrôle associés

90

Autres mesures

240

Participation des organismes complémentaires au financement de la convention médicale

50

Gestion dynamique du panier de soins remboursés (dont 90 millions d’euros d’impact de mesures déjà mises en œuvre en 2018)

190

Total ONDAM

3 830

Source : Rapport économique, social et financier, annexé au présent projet de loi de finances.

Au total, l’effort de maîtrise des dépenses d’assurance maladie serait légèrement plus prononcé en 2019 qu’en 2018, compte tenu de l’évolution tendancielle des dépenses.

Écart entre l’exécution de l’ondam et l’évolution tendancielle

(en %)

Source : rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale.

C.   LACCÉLÉRATION DE LA DÉPENSE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES, NOTAMMENT LIÉE AU CYCLE ÉLECTORAL

1.   Le cadre fixé par la loi de programmation

La LPFP a fixé le principe de la stabilité des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales sur la période 2018-2022. Le Rapporteur général tient de nouveau à souligner le changement fondamental de logique par rapport aux années antérieures, où la baisse des dotations aux collectivités territoriales était la règle.

Évolution des concours financiers de l’état aux collectivités territoriales

(en milliards d’euros courants)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Total des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

48,11

48,09

48,43

48,49

48,49

Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée

5,61

5,71

5,95

5,88

5,74

Taxe sur la valeur ajoutée affectée aux régions

4,12

4,23

4,36

4,50

4,66

Autres concours

38,37

38,14

38,12

38,10

38,10

Source : article 16 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Par ailleurs, la LPFP a fixé un objectif national d’évolution annuelle des dépenses réelles de fonctionnement de 1,2 % pour le quinquennat.

objectif d’évolution des dépenses des collectivités territoriales
et groupements à fiscalité propre

(en %, en valeur et à périmètre constant)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Dépenses de fonctionnement

1,2

1,2

1,2

1,2

1,2

Source : article 13 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Elle a également prévu un objectif national d’évolution du besoin de financement des collectivités territoriales, correspondant à une diminution de celui-ci à hauteur de 13 milliards d’euros à la fin de la période de programmation.

objectif d’évolution du besoin de financement des collectivités territoriales et groupements à fiscalité propre

(en milliards d’euros)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Réduction annuelle du besoin de financement

– 2,6

– 2,6

– 2,6

– 2,6

– 2,6

Réduction cumulée du besoin de financement

– 2,6

– 5,2

– 7,8

– 10,4

– 13

Source : article 13 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Ainsi, chaque collectivité territoriale de plus de 3 500 habitants doit communiquer, lors de son débat d’orientation budgétaire, sur ses objectifs concernant l’évolution de ses dépenses réelles de fonctionnement et son besoin de financement.

2.   Le processus de contractualisation avec l’État

L’article 29 de la LPFP a prévu une modalité plus souple et plus partenariale de maîtrise de la dépense des collectivités territoriales que les baisses unilatérales de dotations, via un processus de contractualisation entre l’État et les plus importantes d’entre elles. Celui-ci concerne les 322 collectivités dont les dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le budget principal dépassent 60 millions d’euros, représentant plus des deux tiers de l’ensemble des dépenses réelles de fonctionnement. Elles doivent définir une trajectoire des dépenses de fonctionnement, dont le taux d’évolution est modulé selon plusieurs critères, afin de tenir compte de la diversité des territoires. Un mécanisme de reprise financière en cas de dépassement des objectifs est instauré afin de garantir le respect des engagements pris par les collectivités territoriales.

Au 30 juin 2018 (date limite de signature des contrats), 230 collectivités ont conclu un contrat avec l’État, soit 71 % des collectivités concernées représentant la quasi-totalité des métropoles, plus de 80 % du bloc communal, la majorité des régions et plus d’un département sur deux. Par ailleurs, 17 collectivités ont volontairement souhaité intégrer la démarche contractuelle proposée par l’État.

Selon les données disponibles collectées par le Gouvernement, il apparaît que les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales progresseraient de 0,9 % en 2018, soit un niveau en deçà de l’objectif national d’évolution. Le Rapporteur général ne peut que se féliciter de ces premiers résultats encourageants, qui confirment que la méthode retenue par le Gouvernement et la majorité parlementaire est efficace pour maîtriser l’évolution de la dépense et responsabiliser les collectivités territoriales.

Ces efforts de maîtrise de la dépense des collectivités territoriales ne remettent pas en cause la dynamique des autres dépenses, notamment d’investissement. Ainsi, les dépenses des administrations publiques locales progresseraient au niveau global de 2,3 % en 2018 et en 2019, avec une progression des dépenses d’investissement de 7,4 % et 6,3 %.

dÉpense des administrations publiques locales

Dépense

Niveaux 2017

Évolution

Milliards deuros

Pourcentage

2017

2018

2019

Total des dépenses

255,4

100 %

2,5 %

2,3 %

2,3 %

Dépenses hors investissement*

201,9

79 %

1,6 %

0,9 %

1,2 %

dont consommations intermédiaires hors services d’intermédiation financière indirectement mesurés (SIFIM)

48,1

19 %

1,8 %

0,8 %

1,4 %

dont rémunérations des salariés

81,5

32 %

2,3 %

0,9 %

1,1 %

dont prestations sociales et transferts sociaux

26,2

10 %

0,6 %

2,8 %

1,7 %

Investissement

53,5

21 %

6,0 %

7,4 %

6,3 %

dont formation brute de capital fixe (FBCF) hors Société du Grand Paris

42,3

17 %

5,8 %

5,8 %

4,9 %

* Investissement au sens de la formation brute de capital et des transferts en capital (= subventions d’équipement).

Source : annexe au présent projet de loi de finances, Rapport économique, social et financier.

La dynamique des dépenses liées au cycle électoral communal serait préservée au niveau des dépenses d’investissement, avant un reflux dès 2020.

Au-delà des mesures de maîtrise de la dépense publique citées précédemment, le Gouvernement souhaite mettre en œuvre un véritable programme de transformation de l’action publique, qui doit permettre à la fois de la moderniser, de la rendre plus efficace et de générer des économies. Il s’agit du programme Action publique 2022, qui vise à procéder à de véritables réformes structurelles en matière de politiques publiques.

D.   LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME ACTION PUBLIQUE 2022

1.   La présentation du processus de réforme Action publique 2022, en octobre 2017

Le 13 octobre 2017, le Premier ministre a lancé un processus de réforme de l’État et des administrations publiques, dénommé « Action publique 2022 ». Ce programme a été placé sous l’autorité du Premier ministre, avec l’appui du ministre de l’action et des comptes publics et du secrétaire d’État au numérique.

Un Comité Action Publique 2022 (CAP22) a été créé et composé d’économistes, de personnalités qualifiées françaises ou étrangères issues de la société civile, de hauts fonctionnaires et d’élus locaux, afin d’identifier les réformes structurelles et les économies significatives et pérennes envisageables sur l’ensemble du périmètre des administrations publiques. La présidence du comité a été confiée à M. Ross McInnes, président du conseil d’administration de Safran, Mme Véronique Bédague-Hamilius, secrétaire générale de Nexity, et M. Frédéric Mion, directeur de l’Institut d’études politiques de Paris.

Ce comité a travaillé sur :

– des propositions formulées par les ministères ;

– cinq chantiers transversaux parallèles (la simplification administrative, la transformation numérique, la rénovation du cadre des ressources humaines, l’organisation territoriale des services publics et la modernisation de la gestion budgétaire et comptable).

Il poursuivait trois objectifs prioritaires :

– du point de vue de l’usager, améliorer la qualité des services publics, via la simplification et la numérisation des procédures administratives ;

– du point de vue de l’agent public, offrir un environnement de travail modernisé ;

– du point de vue du contribuable, maîtriser les dépenses publiques en optimisant les moyens, afin de réduire de trois points la part de dépenses publiques dans le PIB d’ici 2022.

Un Comité Jeune Action Publique 2022 (J22), composé d’étudiants et de jeunes actifs, a été lancé en parallèle.

Un forum de l’action publique a été mis en place afin d’associer les usagers et les agents du service public à la rénovation de l’action publique.

En juillet dernier, les conclusions du CAP 2022 ont été publiées dans la presse. Les services du Premier ministre ont précisé que « des ateliers sectoriels consacrés aux objets de réformes du programme Action Publique 2022 les plus structurants se dérouleront entre juillet et octobre. Le Gouvernement annoncera après chaque atelier ses décisions opérationnelles et un calendrier de mise en œuvre. Les rapports CAP22 et J22 seront publiés au terme de cette phase de décision » ([36]).

2.   La publication des conclusions des travaux du Comité Action publique 2022, en juillet 2018

Le rapport du comité formule vingt-deux propositions, dont quatre visent à « changer de modèle ».

synthèse des propositions visant à « changer de modèle »

Numéro

Proposition

Réformes préconisées

1

Refonder l’administration autour de la confiance et de la responsabilisation

– définir une nouvelle répartition des rôles entre le politique et l’administration ;

– donner de la souplesse en matière de recrutement et de gestion des ressources humaines ;

– permettre l’innovation et engager les managers à être force de proposition ;

– passer d’une logique de contrôles a priori à une logique de contrôles a posteriori recentrés et plus efficaces ;

– sortir d’une culture de la norme ;

2

Bâtir un nouveau contrat social entre l’administration et ses collaborateurs 

– offrir davantage d’agilité et de souplesse aux employeurs publics et leur donner des marges de manœuvre accrues dans leur politique de recrutement ;

– encourager le dialogue social de proximité ;

– valoriser davantage les agents publics qui ont fait le choix d’aller servir dans des zones difficiles ;

– mieux connaître les besoins des managers et des agents ;

– favoriser la plus grande variété d’expériences au sein du vivier des managers publics ;

– mieux accompagner les agents dans leurs évolutions professionnelles ;

– renforcer la transparence dans les procédures d’affectation ;

3

Investir dans le numérique pour offrir un service public augmenté, plus efficient et qui réinvente ses relations avec les usagers

– transformer les métiers et accompagner la reconversion des agents ;

– faire vivre la transformation digitale aux agents ;

– établir une stratégie ambitieuse de généralisation des échanges de données inter-administrations ;

– investir de manière conséquente dans les systèmes d’information ;

– investir dans les ressources humaines pour accompagner ces transformations ;

– développer les outils collaboratifs permettant aux agents publics d’animer des communautés

– sept domaines prioritaires : santé, protection sociale, données fiscales et sociales, justice et en particulier les « arrêts domiciliaires », services consulaires, enseignement, et publication des résultats dans une logique de transparence complète ;

4

Assurer le « dernier kilomètre » du service public dans un monde numérique

– développer les lieux d’accueil uniques ;

– concevoir de nouvelles offres de service mutualisées ;

– développer les échanges de données entre les services concernés ;

– projeter de nouveaux services, plus spécialisés, pour améliorer l’offre dans les territoires mal desservis ;

Source : rapport du Comité Action Publique 2022, juin 2018.

Treize propositions du rapport visent à « transformer les services publics ».

synthèse des propositions visant À « transformer les services publics »

Numéro

Proposition

Réformes préconisées

5

Réduire le renoncement aux soins, améliorer l’espérance de vie en bonne santé et désengorger l’hôpital

– créer un système fluide, sans barrières institutionnelles et administratives inutiles entre les différents pôles de soins (ville, hôpital…) ;

– mieux répartir et graduer de l’offre de soins sur les territoires, en insistant sur l’offre de soins primaires ;

– renforcer l’innovation en santé, la sécurité et l’efficience du système de soins et mettre en place des parcours coordonnés au service du patient, en utilisant pleinement les solutions offertes par le numérique et les données en santé ;

6

Retarder l’entrée dans la dépendance et mieux prendre en charge les personnes concernées

– mieux organiser le repérage des populations fragiles et cibler les actions de prévention vers les personnes qui en ont le plus besoin ;

– améliorer la participation des personnes âgées aux actions de prévention ;

– faire en sorte que le passage à l’hôpital ne soit pas un facteur de perte d’autonomie ou d’aggravation de la perte d’autonomie pour les personnes âgées ;

– mieux répartir les places d’hébergement sur le territoire et inciter financièrement au maintien à domicile ;

– conduire une réflexion ambitieuse sur le financement de la dépendance, via la création éventuelle d’un 5e risque ;

7

Simplifier la vie des personnes en situation de handicap et celle de leurs proches

– renforcer le rôle de l’État pour garantir l’égalité d’accès aux droits et aux services dédiés aux personnes en situation de handicap sur le territoire ;

– améliorer la qualité de service par les maisons départementales des personnes handicapées ;

– créer un portail national pour améliorer l’information des personnes handicapées et de leur famille ;

– favoriser l’accès à l’éducation dès la maternelle ;

– faciliter le maintien dans la vie professionnelle des parents d’un enfant en situation de handicap ;

– adapter l’offre des établissements spécialisés pour proposer des solutions au plus proche des usagers ;

8

Réduire les inégalités et placer la France dans les 10 meilleurs systèmes éducatifs mondiaux

–mettre en place l’évaluation des établissements pour les responsabiliser ;

– responsabiliser davantage les chefs d’établissements ;

– responsabiliser davantage le niveau déconcentré ;

– revoir la formation des enseignants afin qu’elle favorise l’exercice du métier mais aussi les mobilités professionnelles et la diversité des carrières ;

– utiliser le numérique pour améliorer la qualité de l’enseignement ;

–clarifier les responsabilités des différentes collectivités territoriales afin d’assurer une plus grande équité sur le territoire ;

– augmenter le temps d’enseignement des enseignants du secondaire actuels avec un recours à deux heures supplémentaires ;

9

Augmenter et améliorer l’accueil dans l’enseignement supérieur en différenciant l’offre

– piloter les universités et tous les opérateurs de l’enseignement supérieur et de la recherche par le contrat, y compris sur la question des moyens ;

– accroître l’autonomie des universités, notamment en diversifiant et en augmentant leurs ressources propres ;

– rendre l’organisation du ministère cohérente avec son rôle de pilote de la politique publique ;

– assouplir la gestion des ressources humaines des chercheurs et des enseignants-chercheurs ;

– mettre en place un pilotage national de l’afflux massif de nouveaux étudiants à partir de la rentrée 2018 ;

10

Mettre le demandeur d’emploi en capacité de construire sa recherche d’emploi

– répondre à la demande d’autonomie des demandeurs d’emploi dans la construction de leurs projets d’évolution professionnelle ;

– renforcer la coordination et la coopération des acteurs du service public de l’emploi ;

– redimensionner Pôle emploi, afin que ses effectifs varient en fonction du cycle économique et encourager le développement d’un secteur associatif et privé ;

11

Se loger mieux à moindre coût

–faire de l’échelon intercommunal le niveau opérationnel de l’ensemble des politiques locales d’urbanisme et de logement, et notamment de l’instruction et la délivrance des permis de construire ;

– transférer les compétences d’aides à la pierre aux collectivités ;

– établir un cadre juridique et fiscal pérenne pour l’investissement locatif privé (suppression des régimes d’exception comme le Pinel ou les locations meublées non professionnelles) ;

– fluidifier les parcours résidentiels pour améliorer l’accès au parc social des familles en ayant le plus besoin ;

– remédier aux distorsions de l’aide personnalisée au logement (APL) selon la nature des revenus (APL étudiants, sans rattachement au foyer fiscal de leurs parents) ;

– normaliser l’action publique en matière de financement du parc social ;

12

Simplifier les dispositifs sociaux au titre de la solidarité nationale et mieux accompagner ceux qui en ont le plus besoin

–refondre l’architecture des minima sociaux en allant vers une allocation sociale unique ;

– affirmer le caractère redistributif de notre système de protection sociale (mettre sous condition de ressources l’attribution des allocations familiales, 70 % des ménages continueraient à les percevoir) ;

– utiliser le numérique pour augmenter la lisibilité du système, faciliter les échanges de données entre opérateurs et administration et mettre en place la contemporanéité des bases ressources ;

– renforcer les garanties pour la prise en charge du risque « long » à l’ensemble des salariés (incapacité, invalidité) ;

– faire évoluer l’accompagnement pour qu’il soit plus proactif et plus coordonné ;

– généraliser les dispositifs de coordination de l’accompagnement social ;

– donner aux opérateurs nationaux des objectifs relatifs à la coordination des accompagnements ;

– évaluer l’efficacité des politiques d’accompagnement ;

13

Réduire les délais de jugement

– faciliter l’accès à la justice via un plus grand recours aux outils numériques ;

– développer les modes alternatifs de règlement des différends (conciliation, médiation) ;

– resserrer l’appel pour en limiter l’occurrence en matière civile ;

– recentrer le juge sur son cœur de métier (il serait libéré des fonctions « tutélaires », juge des tutelles, juge des enfants) ;

14

Assurer l’exécution de la totalité des peines d’emprisonnement ferme dans les délais, tout en supprimant la surpopulation carcérale

– mettre en place l’arrêt domiciliaire comme modalité d’exécution de la détention provisoire, d’une courte peine ou d’une fin de peine ;

– renforcer la sécurité et le caractère contraignant du dispositif afin d’assurer un contrôle rigoureux des prévenus ou condamnés ;

– moduler le nouveau dispositif en fonction des contraintes imposées au prévenu ou condamné au regard de sa dangerosité ;

15

Simplifier et diminuer le coût du dispositif de recouvrement des prélèvements obligatoires

– simplifier le droit fiscal et social pour améliorer l’efficacité et la lisibilité de notre système de prélèvements obligatoires et renforcer notre attractivité (réduire les niches et supprimer les petites taxes) ;

– renforcer l’efficience des organismes en charge du recouvrement (aller vers un acteur unique du recouvrement, DGFiP pour la sphère sociale, URSSAF pour la sphère sociale, aller vers un recouvrement 100 % numérique et automatique) ;

16

Aller vers une société « zéro cash » pour simplifier les paiements tout en luttant mieux contre la fraude fiscale

– supprimer les espèces, les chèques et les timbres pour les paiements fiscaux et sociaux d’ici deux ans ;

– rendre obligatoire l’acceptation des paiements dématérialisés (carte bancaire, téléphone, virement) pour tous les achats, sans montant minimum, et développer une application par laquelle les consommateurs pourraient aisément signaler des difficultés ;

–réduire progressivement la circulation d’espèces vers une extinction complète (à court terme, fin de la circulation des pièces de 1 ou 2 centimes) ;

17

Concentrer l’offre audiovisuelle publique sur le soutien à la création et l’information

– structurer l’offre autour de trois axes : l’offre de proximité, l’offre destinée à la jeunesse et l’offre en matière de culture, d’éducation et de connaissance ;

– resserrer le nombre d’antennes et redéfinir leur identité ;

– identifier de nouveaux leviers de développement et donner la priorité au développement numérique ;

Source : rapport du Comité Action Publique 2022, juin 2018.

Enfin, le rapport formule cinq propositions visant à « éviter les dépenses publiques inutiles ».

synthèse des propositions visant à « ÉVITER LES DÉPENSES INUTILES »

Numéro

Proposition

Réformes préconisées

18

Supprimer les doublons et améliorer le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales

– achever la décentralisation pour les compétences qui ont d’ores et déjà fait l’objet d’un transfert mais pour lesquelles l’État intervient encore (secteur de la jeunesse et de la vie associative, action sociale et solidarité, formation, orientation et développement économique, secteur de l’aménagement, de l’énergie et du climat) ;

– envisager de nouveaux transferts de compétences (domaine du transport ferroviaire, transport routier, de l’énergie, du logement, des forêts, des sports), ou des recentralisations si nécessaire (domaine du handicap, avec un renforcement du rôle de pilotage de l’État par rapport aux départements) ;

19

Renforcer la cohérence de l’action publique territoriale

– améliorer la lisibilité et l’efficience de l’organisation territoriale de la justice (aligner la carte des cours d’appel sur celle des régions administratives) ;

– régionalisation des réseaux consulaires (chambres d’agriculture, chambres de commerce et d’industrie), avec éventuellement le maintien d’antennes départementales ;

– repenser l’organisation et l’articulation des différents services compétents en matière de sécurité ;

– rationaliser et mieux coordonner en mutualisant davantage les services en charge des contrôles auxquels sont soumises les entreprises ;

– réorganiser la gestion comptable des entités publiques ;

– rendre plus efficace le circuit de traitement des demandes d’aides agricoles ;

– revoir les niveaux territoriaux de chaque décision au sein de l’éducation nationale et le périmètre des académies pour qu’elles correspondent à celui des nouvelles régions ;

– renforcer le rôle du préfet et de l’ambassadeur comme chef d’équipe ;

20

Mettre un terme à toutes les interventions publiques dont l’efficacité n’est pas démontrée 

– limiter l’intervention publique en matière d’aides et de niches fiscales et sociales (supprimer les dispositifs peu efficaces, introduire un principe législatif selon lequel les aides sont supprimées si elles ne font pas l’objet d’une évaluation probante, recourir davantage aux appels d’offres en matière de transition énergétique, harmoniser l’ensemble des aides à la transition énergétique, supprimer le taux réduit de TVA sur les travaux de rénovation thermique, supprimer la péréquation de la taxe d’aéroports) ;

21

Mutualiser davantage l’achat public et développer les externalisations 

– accroître les efforts de mutualisation des structures d’achat pour l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics ;

– renforcer la mutualisation des achats pour les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) ;

– rationaliser les flottes d’hélicoptères ;

– fusionner à terme l’ensemble des centres de réception des appels d’urgence sur le territoire ;

– externaliser davantage la fonction d’habillement, de restauration et d’entretien courant de l’immobilier pour le ministère des Armées ;

– préférer les acquisitions « sur étagère » (déjà existante) au développement d’une solution qui serait spécifiquement créée pour l’armée française ;

– intégrer plus systématiquement le maintien en condition opérationnelle dans les appels d’offres ;

– développer l’externalisation du réseau routier des collectivités et de l’État ;

– faire réaliser, au-delà de ce qui se pratique déjà, certains contrôles par des opérateurs privés (domaine de la concurrence et de la protection du consommateur et de la répression des fraudes) ;

22

Faire payer directement l’usager de certains services publics

– étendre le principe de l’utilisateur/payeur dans les domaines suivants :

– contrôles sanitaires ;

– transports, avec la mise en œuvre d’un péage urbain dans les principales métropoles ;

– services consulaires ;

– chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers et de l’artisanat et Business France.

Source : rapport du Comité Action Publique 2022, juin 2018.

3.   L’augmentation de la dotation de la mission budgétaire Action et transformation publiques

La loi de finances initiale pour 2018 a créé une nouvelle mission budgétaire dénommée Action et transformation publiques. Elle comporte trois programmes budgétaires distincts illustrant les priorités et les objectifs du Gouvernement :

– le programme Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants, doté de 900 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 100 millions d’euros en crédits de paiement (CP) ;

– le programme Fonds pour la transformation de laction publique, doté de 250 millions d’euros en AE et 160 millions d’euros en CP ;

– et le programme Fonds daccompagnement interministériel RH, doté de 50 millions d’euros en AE et en CP.

Au total, la mission est dotée de 1,2 milliard d’euros en AE et 310 millions d’euros en CP pour l’exercice 2019, au lieu de 220 millions d’euros en AE et 20 millions d’euros en CP en 2018. Cela illustre la véritable montée en charge de la mission et de ses différents volets d’action, qui vise à financer les investissements nécessaires à la transformation de l’action publique et à la mise en œuvre de réformes structurelles. Concrètement, cela permettra notamment d’engager des travaux de restructuration immobilière, d’acquisition ou de construction de bâtiments neufs pour les services de l’État et ses opérateurs.

Après appels à projets, le fonds pour la transformation publique (FTAP) finance des investissements permettant de réaliser à terme des économies et d’améliorer l’efficacité de la dépense publique, par exemple en matière informatique.

Enfin, le fonds d’accompagnement interministériel RH est placé sous la responsabilité du directeur général de l’administration et de la fonction publique et vise à cofinancer, sur la base d’appels à projets, les coûts de transition liés à la mise en œuvre de réformes structurelles dans les ministères qui ont une forte dimension ressources humaines.


—  1  —

FICHE 5 :
LA DETTE PUBLIQUE

Résumé de la fiche

La dette publique devrait se stabiliser en 2019 à 98,6 points de PIB, soit un niveau supérieur aux prévisions du fait du reclassement de SNCF Réseau et par conséquent de sa dette parmi les administrations publiques.

Comparativement à nos partenaires européens, cette évolution de la dette publique apparaît divergente. Il apparaît donc indispensable de mettre en œuvre les mesures permettant une réduction de la dette publique de 5 points de PIB d’ici 2022, conformément à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Le Gouvernement réaffirme cette ambition de baisse de la dette publique.

Cet objectif devient d’autant plus urgent que la charge de la dette confirme sa tendance à une remontée graduelle, compte tenu de la normalisation progressive du contexte économique et financier. En 2019, la charge de la dette de l’État s’élèvera à 42,1 milliards d’euros.

Le présent projet de loi de finances prévoit une stabilisation du niveau de dette publique au cours de l’exercice 2019. Celle-ci s’élèverait à 98,6 points du PIB en 2019, après 98,7 points du PIB en 2018. Il s’agit d’une prévision en hausse par rapport aux prévisions contenues dans la loi de programmation des finances publiques de 2018 et le programme de stabilité d’avril 2018.

          LA DETTE PUBLIQUE SE STABILISERAIT EN 2019, BIEN QUÀ UN NIVEAU SUPÉRIEUR AUX PRÉVISIONS ANTÉRIEURES

A.   LE RALENTISSEMENT PROGRESSIF DE LENDETTEMENT PUBLIC, EN DÉPIT DUN NIVEAU DE DETTE ÉLEVÉ

1.   Le ralentissement de lendettement public au cours des années récentes

Depuis 1978, le ratio de dette publique par rapport au PIB a généralement augmenté, il a diminué seulement lors de sept exercices sur l’ensemble de la période. Les deux derniers exercices de baisse du ratio de dette publique sur le PIB sont les exercices 2006 et 2007. La crise économique de 2007-2009 a eu impact direct et significatif sur l’augmentation de l’endettement public.

La dette publique depuis 1978

(en vert, les périodes de baisse de la dette publique)

(en pourcentage du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

nd

nd

nd

nd

21,2

21,2

20,8

22,0

25,4

26,7

29,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

30,7

31,3

33,7

33,6

34,4

35,6

36,5

40,2

46,6

49,9

56,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

60,0

61,4

61,4

60,5

58,9

58,3

60,3

64,4

65,9

67,4

64,6

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

64,5

68,8

83,0

85,3

87,8

90,6

93,4

94,9

95,6

98,2

98,5

Source : INSEE.

Néanmoins, l’endettement public en France a eu tendance à ralentir au cours de la période récente, notamment à partir de 2014. Sur la période 2007-2011, la dette publique s’est accrue à hauteur de 614 milliards d’euros, au lieu de 380 milliards d’euros entre 2012 et 2016. Cela représente un niveau moyen d’augmentation annuelle de la dette publique de 123 milliards d’euros entre 2007 et 2011 et de 76 milliards d’euros entre 2012 et 2016.

évolution de la dette publique

(en milliards d’euros)

Année

Encours de dette

Augmentation annuelle

Augmentation

cumulée

2007

1 252,9

+ 58,8

+ 614

2008

1 370,3

+ 117,4

2009

1 608,0

+ 237,7

2010

1 701,1

+ 93,1

2011

1 808,0

+ 106,9

2012

1 892,5

+ 84,5

+ 380

2013

1 977,7

+ 85,2

2014

2 039,8

+ 62,1

2015

2 101,2

+ 61,4

2016

2 188,3

+ 87,1

2017

2 257,8

+ 69,5

 

Source : INSEE.

La dette publique rapportée au PIB a également crû moins rapidement au cours des années récentes. La dette publique a progressé de 23 points de PIB entre 2007 et 2011, au lieu de 8 points de PIB entre 2012 et 2016. Cela représente un fort ralentissement de l’évolution de la dette publique.

Évolution de la dette publique

(en points de PIB)

Année

Encours de dette

Augmentation annuelle

Augmentation cumulée

2007

64,5

– 0,1

+ 23

2008

68,8

4,3

2009

83,0

14,2

2010

85,3

2,3

2011

87,8

2,5

2012

90,6

2,8

+ 10

2013

93,4

2,8

2014

94,9

1,5

2015

95,6

0,7

2016

98,2

2,6

2017

98,5

0,3

 

Source : INSEE et présent projet de loi de finances pour les années 2018 et 2019.

Au total, la dette publique a progressé de 33 points de PIB entre 2007 et 2017, soit une augmentation moyenne du ratio de dette publique de 3,4 points de PIB par an. Il s’agit d’une tendance d’augmentation singulière qui éloigne la France de l’évolution moyenne constatée au sein des pays de la zone euro.

2.   Le niveau et la trajectoire de dette publique divergents par rapport aux pays de la zone euro

Le niveau et la trajectoire de la dette publique en France tendent à diverger par rapport aux pays de la zone euro et notamment par rapport à l’Allemagne.

Évolution comparÉe de la dette publique

(en points de PIB)

Source : INSEE et Eurostat.

Entre 2012 et 2017, le ratio de dette publique de la zone euro a diminué de 3 points de PIB, tandis qu’en Allemagne il a baissé de près de 16 points de PIB. En France, il a continué de progresser à hauteur de près de 8 points de PIB. Ainsi, l’on constate une divergence croissante entre les trajectoires et niveaux de dette publique de la France et des autres pays de la zone euro. En 2007, les niveaux de dette publique étaient d’un ordre de grandeur semblable entre la France, l’Allemagne et la moyenne des pays de la zone euro. En 2017, les écarts de niveaux de dette publique s’élèvent désormais à :

– près de 12 points de PIB entre la France et la moyenne des pays de la zone euro ;

– et plus de 34 points de PIB entre la France et l’Allemagne.

Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement réaffirme son objectif de baisse de l’endettement public au cours du quinquennat.

B.   LA DETTE PUBLIQUE EN AUGMENTATION PAR RAPPORT AUX PRÉCÉDENTES PRÉVISIONS, DU FAIT DE LA MESURE DE RECLASSEMENT DE SNCF RÉSEAU

1.   La dette publique supérieure aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques de 2018 et au programme de stabilité d’avril 2018

La dette publique constatée en 2017 et prévue pour les années 2018 et 2019 est supérieure aux prévisions de la dernière loi de programmation des finances publiques et du programme de stabilité d’avril 2018.

TRAJECTOIRE DE L’ENDETTEMENT PUBLIC

(en points de PIB)

Fondement

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

96,7

96,9

97,1

96,1

94,2

91,4

Programme de stabilité́ d’avril 2018

97,0

96,4

96,2

94,7

92,3

89,2

Endettement public constaté et prévu au sein du présent projet de loi de finances

98,5

98,7

98,6

97,5

95,3

92,7

Source : commission des finances.

La loi de programmation avait anticipé un point haut de la dette publique en 2019, avec un ratio de dette publique de 97,1 points de PIB. Le ratio devait ensuite entamer une décrue en 2020 pour s’établir à 91,4 points de PIB en fin de quinquennat.

Compte tenu des révisions du taux de croissance et des résultats du déficit public de 2017 en amélioration, le programme de stabilité d’avril dernier a revu favorablement la trajectoire d’endettement public. Ainsi, la dette publique devait décroître dès 2018 et sur l’ensemble de la période de prévision pour un niveau de 89,2 points de PIB en 2022, soit une baisse du ratio de dette publique de 7,8 points de PIB entre 2017 et 2022. Le point haut de la dette publique devait avoir été atteint en 2017, correspondant à un ratio de 97 points de PIB.

Le présent projet de loi de finances revoit à la hausse la trajectoire de dette publique, avec un point haut établi à hauteur de 98,7 points de PIB en 2018 et une prévision de ratio de dette publique à 92,7 points en 2022.

Cela résulte du reclassement de SNCF Réseau au sein des administrations publiques à compter de l’exercice 2016, annoncé par l’INSEE début septembre.

2.   L’impact du reclassement de SNCF Réseau en septembre 2018 sur le niveau de dette publique à compter de 2016

Le 6 septembre dernier, l’INSEE a annoncé le reclassement, en accord avec Eurostat, de SNCF Réseau au sein de la catégorie des administrations publiques (APU) à compter de l’année 2016 ([37]).

En 1997, l’INSEE avait classé Réseau Ferré de France (RFF), prédécesseur de SNCF Réseau, hors du périmètre des APU, compte tenu du niveau des recettes marchandes, essentiellement constituées des péages acquittés par la SNCF, qui couvraient plus de 50 % de ses coûts de production.

Or, l’évolution des recettes marchandes et des coûts de production de RFF puis de SNCF Réseau a conduit à une diminution progressive de la part des coûts de production couverte par des recettes marchandes.

Par ailleurs, l’INSEE a revu ses méthodes de calcul de la consommation de capital fixe (CCF) de SNCF Réseau, conformément aux préconisations d’Eurostat en retenant des hypothèses hautes de calcul afin de limiter le risque de sous-estimation des coûts de production.

Compte tenu de ces éléments, l’INSEE a indiqué que la part des coûts de production de SNCF Réseau couverte par des recettes marchandes demeurait supérieure à 50 % en 2015, mais qu’elle était passée sous ce seuil à compter de 2016. Ainsi, l’INSEE a reclassé SNCF Réseau au sein des APU, entraînant mécaniquement un impact sur le déficit et la dette publics.

L’impact sur le déficit public résulte de l’intégration du déficit de SNCF Réseau en tant que déficit public. Il s’élevait à 3,2 milliards d’euros en 2016 et 2,2 milliards d’euros en 2017, soit un impact sur le déficit public respectif de 0,14 point et 0,10 point de PIB.

impact du reclassement de sncf rÉseau

(en millions d’euros)

Dette et impact sur la dette

2016

2017

Dette notifiée en mars 2018

2 152,5

2 218,4

Impact du reclassement de SNCF Réseau

+ 35,8

+ 39,4

Dette notifiée en septembre 2018

2 188,3

2 257,8

Dette notifiée en septembre 2018 (points de PIB)

98,2

98,5

Impact du reclassement de SNCF Réseau (points de PIB)

1,6

1,7

Dette hors impact du reclassement SNCF Réseau (points de PIB)

96,6

96,8

Source : commission des finances.

Le reclassement de SNCF Réseau au sein des APU a un impact sur le niveau de dette publique, à hauteur de 1,6 point de PIB en 2016 et de 1,7 point de PIB en 2017. Ainsi, la trajectoire d’endettement est dégradée pour les années considérées, remettant en cause les prévisions du Gouvernement présentées en loi de programmation des finances publiques et lors du programme de stabilité d’avril 2018. Néanmoins, cela ne remet pas en cause la volonté du Gouvernement de rompre avec la hausse du ratio de dette publique.

C.   LA PRÉVISION DU PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES : UNE STABILISATION DU NIVEAU DE DETTE PUBLIQUE EN 2019 AVANT UNE DÉCRUE

1.   La stabilisation du niveau de dette publique en 2019

Le présent projet de loi de finances pour 2019 anticipe une stabilisation du ratio de dette publique entre 2018 et 2019. Le ratio de dette publique par rapport au PIB s’élèverait à 98,7 points de PIB à la fin de l’année 2018 et à 98,6 points de PIB à la fin de l’année 2019.

Ce résultat serait permis par un écart positif au solde stabilisant, du fait du taux de croissance relativement élevé (1,7 %), de la remontée du taux d’inflation (1,4 %) et du maintien du niveau de déficit public en deçà des 3 % de PIB. Selon le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi, le solde stabilisant s’établirait à un niveau de déficit de 2,9 % du PIB pour un niveau de déficit effectif de 2,8 %, soit un différentiel de – 0,1 % ([38]).

Privatisations et endettement public

Les articles 44 à 54 du projet de loi PACTE visent à transférer la majorité du capital de deux entreprises publiques (Aéroports de Paris et Française des Jeux) au secteur privé.

En séance, le ministre de l’économie et des finances a déclaré que ces opérations qui représentent environ 10 milliards d’euros auront un impact à la baisse sur la dette publique (1).

Selon les éléments transmis au Rapporteur général, les produits de cession seront en effet déposés sur un compte de l’EPIC Bpifrance ouvert au Trésor. Ils constitueront donc des ressources de trésorerie pour l’État, qui se substitueront à des ressources d’emprunt. Cette enveloppe de 10 milliards d’euros aura donc eu un impact de 10 milliards d’euros en termes de réduction du besoin de financement de l’État pour l’année considérée, l’État pouvant réduire ses émissions de dettes d’un montant équivalent.

(1)    Assemblée nationale, XVe législature, session ordinaire de 2018-2019, compte rendu intégral, première séance du mercredi 3 octobre 2018.

2.   Le maintien de l’objectif du Gouvernement d’une diminution du ratio de dette publique de 5 points de PIB au cours du quinquennat

Au-delà de la stabilisation de l’endettement public en 2019, le Gouvernement maintient l’objectif d’une réduction significative du ratio de dette publique par rapport au PIB. Lors de la présentation du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, le Gouvernement avait fixé l’objectif d’une réduction de cinq points du ratio de dette publique sur le PIB ([39]).

Cet objectif signifie que le ratio de dette publique sur le PIB diminuerait pendant quatre exercices de 2019 à 2022, soit pour une durée et un montant qui n’ont jamais été atteints depuis 1978.

La réduction de la dette publique nécessitera une maîtrise sans précédent de la dépense publique et une réduction du déficit public, afin de permettre un désendettement de l’ensemble des sous-secteurs de l’administration publique.

3.   La décomposition de la dette publique par sous-secteur d’administration

En 2019, l’évolution de la dette publique sera contrastée en fonction des sous-secteurs d’administration publique.

Évolution du ratio d’endettement par sous-secteur d’administration

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

Ratio dendettement au sens de Maastricht

98,5

98,7

98,6

Dont contribution des administrations publiques centrales (APUC)

79,9

81,1

82,1

Dont contribution des administrations publiques locales (APUL)

8,8

8,5

8,1

Dont contribution des administrations de sécurité sociale (ASSO)

9,9

9,1

8,4

Source : Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2019, page 120.

Elle devrait diminuer pour les administrations publiques locales à hauteur de 0,4 point de PIB et pour les administrations de sécurité sociale à hauteur de 0,7 point de PIB. En revanche, elle continuera d’augmenter de 1 point de PIB pour les administrations publiques centrales.

II.   LA REMONTÉE DE LA CHARGE DE LA DETTE DE LÉTAT

Conformément à la normalisation du contexte économique et à la poursuite de la progression de la dette de l’État, la charge de celle-ci présente une tendance haussière.

A.   LAUGMENTATION DYNAMIQUE DE LA DETTE DE LÉTAT

1.   L’accélération de l’endettement de l’État

Depuis 2017, l’encours de la dette de l’État poursuit sa progression à un rythme plus dynamique.

Évolution de la dette de l’État

(en milliards d’euros, valeur actualisée*)

Année

Encours de dette

Augmentation annuelle

2007

920,7

44,1

2008

1 016,6

95,9

2009

1 148,0

131,4

2010

1 229,0

81,0

2011

1 313,0

84,0

2012

1 386,2

73,2

2013

1 457,2

71,0

2014

1 527,6

70,4

2015

1 576,4

48,8

2016

1 620,6

44,2

2017

1 686,1

65,5

2018 (p)

1 761,5

75,4

2019 (p)

1 845,1

83,6

* : nominal pour les titres à taux fixe ; nominal x coefficient d’indexation à la date considérée pour les titres indexés.

p : prévision.

Source : annexes Engagements financiers de lÉtat aux projets de loi de finances.

Ainsi, la moyenne d’augmentation annuelle de la dette de l’État s’élevait à 87 milliards d’euros sur la période 2007-2011, puis à 62 milliards d’euros sur la période 2012-2016. En revanche, la dette de l’État progresserait de 75 milliards d’euros par an au cours de la période 2017-2019. Cela illustre une accélération de l’augmentation de l’encours de la dette, avec une hausse de 84 milliards d’euros pour l’exercice 2019. Ce niveau d’augmentation de la dette de l’État correspond à la moyenne de progression de la période 2007-2011.

Cela résulte notamment d’une augmentation du besoin de financement de l’État au cours des derniers exercices.

besoin de financement de l’État

(en milliards d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (p)

2019 (p)

246,2

236,9

185,6

187,0

185,5

179,1

189,1

194,1

183,1

198,5

227,6

Source : annexes Engagements financiers de lÉtat aux projets de loi de finances.

La réduction du niveau des primes à l’émission nettes des décotes est également un facteur explicatif d’une nouvelle accélération de l’endettement de l’État.

2.   La confirmation du rétablissement d’un niveau modéré de primes à l’émission

L’exercice 2018 confirme le rétablissement du niveau modéré des primes à l’émission résultant des titres de la dette négociable de l’État, constaté lors de l’exercice 2017.

Les primes et décotes à l’émission

Les émissions de titres génèrent des primes ou décotes, lorsque le taux facial de l’obligation (taux de coupon) diffère du taux issu de l’adjudication.

Ainsi, les souscripteurs versent une prime dans le cas où le taux facial est supérieur au taux d’adjudication. À l’inverse, ils bénéficient d’une décote si le taux facial de l’obligation est inférieur au taux d’adjudication.

Exemple : taux facial de l’obligation (3 %), taux issu de l’adjudication (1 %). Dans ce cas, l’émission du titre donnera lieu au versement d’une prime par les souscripteurs.

Le niveau des primes et décotes est calculé selon les méthodes actuarielles, afin de garantir, sur la durée de vie du titre, un niveau identique entre les versements issus du taux d’adjudication et le taux facial.

Les primes à l’émission ont été près deux fois moins importantes en 2017 (10,5 milliards d’euros) qu’en 2016 (20,8 milliards d’euros). Pour l’exercice 2018, la loi de finances initiale a fait l’hypothèse que les émissions de dette à moyen et tong terme généreraient environ 3 milliards d’euros de primes nettes des décotes.

primes À l’Émission nettes des dÉcotes

(en milliards d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (p)

Primes à l’émission nettes

8,2

2,5

9,2

6

7,4

22,7

20,8

10,5

3

Source : Cour des comptes. Note danalyse de lexécution budgétaire 2016, Gestion de la dette et de la trésorerie de lÉtat, page 17 et Gouvernement pour l’année 2018.

La baisse du niveau des primes à l’émission en 2018 résulte de deux éléments :

– une réduction de la part des volumes de titres émis sur des souches dites anciennes, présentant en pratique des taux d’intérêt supérieurs aux taux actuellement constatés sur les marchés ;

– et une remontée progressive des taux d’intérêt de marché.

proportion des Émissions de titres À partir de titres existants

Année

Volume émis

(en milliards deuros)

Proportion des émissions de lannée

Titres de référence*

Titres existants*

Pourcentage de titres de référence

Pourcentage de titres existants

2008

88,3

30,8

74,1 %

25,9 %

2009

102,3

64,0

61,5 %

38,5 %

2010

127,8

62,5

67,2 %

32,8 %

2011

111,6

76,1

59,5 %

40,5 %

2012

124,2

60,2

67,3 %

32,7 %

2013

127,0

48,2

72,5 %

27,5 %

2014

137,2

48,1

74,0 %

26,0 %

2015

133,6

68,6

66,1 %

33,9 %

2016

156,8

37,1

80,1 %

19,1 %

2017

160,4

32,8

83,0 %

17,0 %

À fin

juillet 2018

107,8

27,6

79,6 %

20,4 %

* hors titres indexés.

Source : AFT.

Les primes à l’émission représentent une ressource de trésorerie pour l’État ([40]), qui réduisent par conséquent son endettement. Ainsi, l’endettement de l’État accélère également à compter de 2017 comparativement aux exercices précédents, du fait de la réduction du volume des primes à l’émission nettes des décotes.

L’effet transitoire des primes à l’émission sur la dette

Les primes à l’émission constituent des ressources de trésorerie, qui permettent de limiter le recours à l’endettement de l’année pour couvrir le besoin de financement de l’État. Dès lors, on constate une déconnexion temporaire entre le niveau de déficit et le niveau d’endettement.

Cependant, les primes à l’émission ont pour contrepartie le versement d’intérêts plus élevés sur la durée de vie du titre, qui augmentent la charge budgétaire de la dette sur cette période. Ainsi, la dette retrouve progressivement le niveau qu’elle aurait atteint si les émissions de titres avaient pu être réalisées exactement et systématiquement aux taux de marché, c’est-à-dire sans primes ou décotes à l’émission.

B.   LA CONFIRMATION DUNE REMONTÉE GRADUELLE DE LA CHARGE DE LA DETTE DE LÉTAT

1.   La normalisation progressive du contexte économique

Les taux de croissance de l’Union européenne (UE) et de la zone euro ont atteint leur plus haut niveau depuis dix ans, s’établissant à 2,4 % en 2017. Le taux de croissance devrait rester dynamique à 2,3 % pour l’UE et la zone euro en 2018, et à 2 % en 2019. Le taux d’inflation au sein de la zone euro s’est établi à 1,5 % en 2017 et devrait remonter à 1,7 % en 2018 et en 2019.

En France, le taux de croissance s’est établi à 2,2 % en 2017, soit un niveau en forte amélioration par rapport aux années antérieures. Le taux de croissance apparaît désormais comme robuste avec une prévision à 1,7 % en 2018 et une prévision similaire pour l’année 2019. L’inflation s’est également redressée à 1 % en 2017, 1,8 % en 2018 et une prévision de 1,4 % en 2019.

La Banque centrale européenne (BCE) a enclenché un resserrement graduel de sa politique monétaire, en diminuant la taille de ses achats nets d’actifs de 60 milliards d’euros par mois à 30 milliards d’euros à partir de janvier 2018. Selon la décision du Conseil des gouverneurs du 13 septembre 2018, le rythme mensuel des achats nets d’actifs est abaissé à 15 milliards d’euros depuis octobre jusqu’à fin décembre 2018. La BCE a confirmé que, « si les données lui parvenant confirment ses perspectives dinflation à moyen terme, les achats nets arriveront alors à leur terme » ([41]). Toutefois, la BCE maintiendra la taille de son bilan à un niveau stable à compter de 2019, en renouvelant le stock des actifs venant à échéance, « aussi longtemps que nécessaire pour maintenir des conditions de liquidité favorables et un degré élevé de soutien monétaire ». Les mesures non conventionnelles de politique monétaire de la BCE ont donné lieu à une augmentation importante de la taille de bilan de la BCE, qui est passé de moins de 500 milliards d’euros en 2007 à près de 3 500 milliards actuellement.

Parallèlement, la BCE maintient le niveau de ses taux directeurs à un niveau historiquement bas voire en territoire négatif, à 0,00 % pour le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement, 0,25 % pour le taux de facilité de prêt marginal et – 0,40 % pour le taux de facilité de dépôt. Le Conseil des gouverneurs prévoit que « les taux dintérêt directeurs de la BCE resteront à leurs niveaux actuels au moins jusquà lété 2019 et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour assurer la poursuite de la convergence durable de linflation vers des niveaux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme » ([42]).

L’ensemble de ces éléments contribuent à une normalisation du contexte économique et financier relatif à la dette de l’État, et plus largement à la dette publique. Ainsi, les taux d’intérêt devraient progressivement se redresser et la charge de la dette s’accroître.

2.   Le redressement progressif et annoncé des taux d’intérêt

Le scénario de l’Agence France Trésor (AFT) pour la fin 2018 et pour l’année 2019 est celui d’un redressement des taux au rythme moyen de 75 points de base par an (0,75 %). Ainsi, le taux à l’émission des OAT à dix ans s’élèverait à 1,40 % à la fin 2018 et à 2,15 % à la fin 2019.

taux À l’Émission des oat À Dix ans

(moyenne annuelle, en pourcentage)

Source : annexes Engagements financiers de lÉtat au projet de loi de finances pour 2019.

Le relèvement des prévisions de taux d’intérêt a pour corollaire une remontée de la charge de la dette de l’État, du fait du renchérissement des conditions de financement de celui-ci.

Pour rappel, l’AFT a simulé un choc de taux sur la charge de la dette de l’État. Elle conclut qu’une augmentation de 1 % (100 points de base) du taux d’intérêt servi sur la dette par rapport au scénario de référence représenterait un surcoût de 2 milliards d’euros la première année et de 19 milliards d’euros la dixième année sur la charge « maastrichtienne » de la dette négociable de l’État.

3.   L’augmentation modérée de la charge de la dette de l’État

La charge de la dette de l’État avait eu une trajectoire originale en baisse de près de 5 milliards d’euros entre 2012 et 2016, malgré une progression de l’encours de dette. Cela résultait des conditions économiques exceptionnelles exposées ci-dessus (niveaux très faibles des taux d’inflation et d’intérêt).

Depuis 2017, la situation tend progressivement à se normaliser avec une augmentation graduelle de la charge de la dette de l’État.

Évolution de la charge de la dette de l’État

(en milliards d’euros)

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (p)

2019 (p)

Charge de la dette et trésorerie de l’État

39,6

44,5

37,6

40,5

46,3

46,3

44,9

43,2

42,1

41,4

41,7

41,7

42,1

Source : lois de règlement, loi de finances initiale pour 2018 et présent projet de loi de finances pour 2019.

Le présent projet de loi anticipe un niveau de charge de la dette de l’État établi à 42,1 milliards d’euros, soit un niveau identique à celui constaté en 2015 et en progression de 0,7 milliard d’euros par rapport au point bas de 2016.

Par rapport à 2018, l’augmentation de la charge de la dette de l’État résulterait des effets suivants :

– un effet volume de + 0,9 milliard d’euros (augmentation de l’encours de dette) ;

– un effet taux de – 0,6 milliard d’euros, du fait de taux d’intérêt plus faibles en 2019 que les titres à moyen et long terme qui arrivent à échéance, générant des gains au refinancement de la dette ;

– un effet inflation de – 0,1 milliard d’euros, en raison d’un ralentissement de l’inflation ;

– et la variation de la charge due aux effets calendaires, au titre des opérations de l’année, ayant un impact de + 0,3 milliard d’euros.

Le Rapporteur général ne peut que constater la normalisation du contexte économique et financier relatif à la dette. Dès lors, la charge de la dette de l’État retrouve une trajectoire cohérente avec la progression de l’encours de dette. Si cette situation était prévisible, elle doit nous encourager collectivement à persévérer dans nos efforts de rétablissement des comptes publics. La charge de la dette aura tendance à s’accroître à mesure que le stock de dette augmentera et que les taux d’intérêt se redresseront. Il est donc indispensable d’enrayer le mouvement d’endettement de l’État et plus globalement des administrations publiques, conformément à nos engagements de loi de programmation des finances publiques.

L’évolution de la dette de l’État et de sa charge sera étudiée plus en détail dans le cadre du rapport spécial relatif à la mission Engagements financiers de lÉtat annexé au présent rapport général, dont la rédaction est confiée à nos collègues Dominique David et Bénédicte Peyrol, rapporteures spéciales.


   FICHE N° 6 :
LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2019
DANS SON CONTEXTE EUROPÉEN

Résumé de la fiche

Le 22 juin 2018, le Conseil de l’Union européenne a décidé de clôturer la procédure pour déficit excessif ouverte à l’encontre de la France en 2009. La France est également sortie de la catégorie « déséquilibres excessifs » de la procédure pour déséquilibres économiques.

L’année 2018 marque donc le retour de la France sur le chemin du respect de ses engagements européens. Le Rapporteur général a pu constater, lors des conférences interparlementaires européennes auxquelles il a participé en 2018 à Bruxelles et à Vienne, que la crédibilité de la France en était renforcée.

La France doit désormais mettre en œuvre les règles du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance, lesquelles prévoient la réalisation d’un ajustement structurel minimal de 0,5 point de PIB tant que l’objectif à moyen terme d’équilibre structurel des comptes publics n’est pas atteint.

À cet égard, la Commission européenne avait estimé en novembre 2017 que le plan budgétaire de la France pour 2018 présentait un « risque de non-conformité », celui-ci prévoyant un ajustement structurel de 0,1 point de PIB.

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit un ajustement structurel rehaussé à 0,3 point de PIB, conformément aux engagements pris par la France au mois d’avril dernier à l’occasion de la transmission à la Commission européenne du programme de stabilité.

La Commission européenne doit formuler son avis sur ce projet de budget avant le 30 novembre.

Le présent projet de loi de finances pour 2019 doit être replacé dans le contexte européen de surveillance multilatérale des finances publiques.

Les finances publiques nationales, en effet, sont soumises à des normes qui résultent des engagements européens pris par la France et font l’objet d’une surveillance par l’Union européenne (I).

La politique macroéconomique fait également l’objet d’une surveillance depuis 2011 à travers la procédure pour déséquilibres économiques (II).

Le cycle annuel budgétaire 2018 a été marqué, pour la France, par la clôture de la procédure pour déficit excessif ouverte en 2009 et par la sortie de la catégorie « déséquilibres excessifs » de la procédure pour déséquilibres économiques (III).

I.   LES NORMES DE FINANCES PUBLIQUES

Trois grandes catégories de normes chiffrées s’imposent à la France en matière de finances publiques.

A.   LA NORME RELATIVE AU DÉFICIT EXCESSIF

En premier lieu, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prohibe les déficits excessifs évalués suivant deux critères : le déficit public et la dette publique. Le déficit public est excessif lorsqu’il dépasse 3 % du PIB. La dette publique est excessive lorsqu’elle dépasse 60 % du PIB. À défaut, l’État membre s’expose à l’ouverture d’une procédure de déficit excessif (PDE).

Le pacte de stabilité et de croissance

Le pacte de stabilité et de croissance (PSC), adopté en 1997, est entré en vigueur le 1er janvier 1999, jour de la création de l’euro. Il vise notamment à instaurer une surveillance des finances publiques nationales par l’Union européenne. Le but est d’éviter que des déficits excessifs d’un pays ne mettent en péril l’ensemble de l’économie européenne.

Le PSC est régi par deux règlements qui ont fait l’objet de plusieurs modifications :

– le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dit « volet préventif » ;

– et le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, dit « volet correctif ».

Le PSC a été réformé par le « six-pack », un ensemble de cinq règlements et une directive d’octobre 2011.

Le critère de dette est considéré comme respecté si celle-ci diminue suffisamment ([43]), c’est-à-dire d’au moins un vingtième par an – en moyenne sur les trois dernières années – de la fraction qui excède 60 % du PIB ([44]). Le « six-pack » de novembre 2011 prévoit une règle transitoire pour les PDE qui étaient en cours à la date de son adoption, ce qui est le cas de la France ; en vertu de cette règle transitoire, durant les trois années suivant le retour sous les 3 %, le respect du critère de dette est apprécié jusqu’en 2020 selon la progression du solde structurel, lequel doit évoluer de façon positive.

B.   LA NORME RELATIVE À LÉQUILIBRE DES COMPTES PUBLICS

En deuxième lieu, l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) pose le principe de l’équilibre ou de l’excédent des budgets des administrations publiques. L’équilibre est réputé atteint lorsque le déficit structurel est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB, et à 1 point de PIB pour les autres États membres.

C.   LA NORME RELATIVE À LAJUSTEMENT STRUCTUREL MINIMAL

En troisième lieu, et pour respecter les règles précitées, les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent ([45]). Ils doivent également définir une trajectoire dajustement en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB).

La Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne peuvent cependant estimer que l’effort d’ajustement peut être plus limité en période de conjoncture économique défavorable ([46]).

Cette règle d’ajustement structurel est également encadrée par une règle en dépenses et en recettes. Ainsi, l’évolution des dépenses publiques est définie en fonction de la croissance potentielle estimée par la Commission. Enfin, les États n’ayant pas encore atteint leur OMT doivent compenser les réductions de recettes discrétionnaires par des réductions de dépenses équivalentes ([47]).

Normes de finances publiques applicables aux États membres
dont la dette publique excÈde 60 % du PIB

Normes

Modalités
de surveillance et de sanction

Traité source

Limite du déficit structurel à 0,5 % du PIB

Volet préventif
du PSC

TSCG

Trajectoire d’ajustement structurel supérieure à 0,5 point de PIB par an

TSCG

+

TFUE

Limitation de l’augmentation annuelle des dépenses au taux de croissance potentielle sauf compensation par des mesures discrétionnaires en matière de recettes

Compensation des réductions de recettes par des réductions de dépenses (règle applicable aux États n’ayant pas encore atteint leur objectif budgétaire de moyen terme)

Réduction de la dette publique qui excède 60 % du PIB d’au moins un vingtième par an en moyenne sur trois ans

Volet correctif

du PSC

« Procédure pour déficit excessif »

Limite du déficit nominal

à 3 % du PIB

TFUE

Source : commission des finances.

II.   LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

Tout comme le pacte de stabilité et de croissance, la prévention des déséquilibres macroéconomiques comporte un volet préventif et un volet correctif. Seul le volet correctif peut déboucher sur des sanctions.

Le programme national de réforme et le programme de stabilité font partie des documents que les instances européennes examinent pour déterminer les éventuelles mesures préventives à mettre œuvre ou pour décider de l’ouverture d’une procédure concernant les déséquilibres excessifs.

LA SURVEILLANCE DES DÉSÉQUILIBRES MACROÉCONOMIQUES

Prévention

Mécanisme d’alerte

Tableaux de bord

Le rapport sur le mécanisme d’alerte (RMA) est un rapport annuel de la Commission qui désigne les États membres dont elle considère qu’ils peuvent être touchés par un déséquilibre. Le rapport est généralement publié en novembre en même temps que l’examen annuel de la croissance

Bilan approfondi

La Commission procède à un bilan approfondi (en février) pour chaque État membre exposé à un déséquilibre macroéconomique

Mesures préventives

Sur recommandations de la Commission (en mai), le Conseil adresse ses recommandations (en juillet) à l’État membre en situation de déséquilibre macroéconomique

Correction

Ouverture de la procédure concernant les déséquilibres excessifs

Sur recommandations de la Commission, le Conseil adresse ses recommandations à l’État membre en situation de déséquilibre excessif

Plan de mesures correctives

L’État membre doit alors adresser un plan de mesures correctives dans le délai imparti par le Conseil

Suivi des mesures correctives

L’État membre soumet des rapports d’avancement qui sont évalués par la Commission

Clôture de la procédure concernant les déséquilibres excessifs

Le Conseil, sur recommandation de la Commission, abroge les recommandations émises dès qu’il estime que l’État membre concerné ne présente plus de déséquilibres excessifs

Sanction

Dépôt portant intérêt

Un dépôt de 0,1 % du PIB portant intérêt est imposé par décision du Conseil, statuant sur recommandation de la Commission, si le Conseil conclut que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures correctives recommandées.

Amende annuelle

Une amende annuelle de 0,1 % du PIB est imposée par décision du Conseil, statuant sur recommandation de la Commission lorsque deux recommandations successives sont prises constatant l’insuffisance du plan de mesures correctives ou lorsque deux recommandations successives sont prises constatant que les mesures correctrices n’ont pas été prises.

Source : commission des finances

A.   OBJET DE LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

La surveillance macroéconomique a pour but de sortir du « tout finances publiques » à laquelle se réduisait auparavant le dialogue économique entre les instances européennes et les États membres.

Son but est de déceler et de corriger à un stade précoce les déséquilibres macroéconomiques en prêtant une attention particulière à ceux qui pourraient avoir des retombées sur d’autres États membres.

Le déséquilibre est défini assez largement comme « toute tendance donnant essor à des développements macroéconomiques ayant un effet préjudiciable ou susceptibles davoir un effet préjudiciable sur le bon fonctionnement de léconomie dun État membre, de lUnion économique et monétaire ou de lUnion dans son ensemble ».

Le déséquilibre est considéré comme excessif lorsqu’il est « grave », notamment lorsqu’il compromet ou est susceptible « de compromettre, le bon fonctionnement de lUnion économique et monétaire » ([48]).

En d’autres termes, la surveillance macroéconomique doit inciter à une meilleure coordination des politiques économiques des États membres au bénéfice de l’ensemble de l’Union européenne, et en particulier de la zone euro.

Sa finalité est moins « disciplinaire » que la surveillance des finances publiques issue du pacte de stabilité et de croissance : le volet préventif ne peut faire l’objet de sanctions et les sanctions du volet correctif sont moins fortes.

B.   CADRE JURIDIQUE DE LA SURVEILLANCE MACROÉCONOMIQUE

La surveillance multilatérale de l’Union européenne au titre des déséquilibres macroéconomiques est régie par deux règlements :

– le règlement (UE) n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques ;

– et le règlement (UE) n° 1174/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro.

Le volet préventif de la prévention des déséquilibres macroéconomiques (PDM) peut aboutir à l’adoption de mesures sous forme de recommandations du Conseil lorsqu’un État membre est jugé en situation de déséquilibre macroéconomique au terme d’un bilan approfondi de la Commission européenne.

Le volet correctif n’a encore jamais été activé. Il débute par l’ouverture d’une procédure concernant les déséquilibres excessifs et par l’adoption d’un plan de mesures correctives qui fait l’objet d’un suivi. Les sanctions théoriques sont limitées à 0,1 % du PIB.

III.   LE CYCLE ANNUEL BUDGÉTAIRE

La surveillance des finances publiques (A) se déroule dans le cadre du cycle annuel budgétaire qui se décompose en un semestre européen (B) et un semestre national (C).

Les conférences de larticle 13

L’article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) prévoit l’organisation d’une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires.

Ce type de conférence, plus communément désigné sous l’appellation « Conférence de larticle 13 », constitue un cadre de discussion et d’échange d’informations en ce qui concerne la mise en œuvre des dispositions du TSCG, en vue de renforcer la coopération entre les parlements nationaux et le Parlement européen. L’objectif est de contribuer au renforcement de la légitimité démocratique de la gouvernance économique et de la politique budgétaire européennes.

Elle a remplacé l’ancienne rencontre des présidents des commissions budgétaires et des finances des parlements nationaux, qui était organisée par le parlement du pays assurant la présidence du Conseil de l’Union européenne.

La conférence se tient deux fois par an, une première fois à Bruxelles au cours du premier semestre de chaque année civile dans le cadre de la semaine parlementaire européenne, et une seconde fois, au cours du second semestre, dans l’État membre assurant la présidence du Conseil de l’UE.

Le Rapporteur général a participé à toutes les conférences de l’article 13 qui se sont tenues depuis le début de la législature, successivement à Tallinn, à Bruxelles, et à Vienne. Même si elles ne sont pas juridiquement intégrées au cycle annuel budgétaire, elles permettent à la France d’exprimer son point de vue et d’expliquer ses choix budgétaires dans un cadre différent.

Le Rapporteur général a pu constater que la position de la France était mieux comprise et acceptée par les partenaires européens depuis qu’elle s’était résolument engagée dans le respect des engagements pris en matière de finances publiques. La voix de la France a gagné en crédibilité et ses prises de position sont désormais au cœur du débat sur l’avenir de l’Europe.

A.   LE CADRE JURIDIQUE DE LA SURVEILLANCE DES FINANCES PUBLIQUES

Le PSC constitue l’armature juridique de la surveillance des finances publiques. Il comporte un volet préventif et un volet correctif, tous deux assortis d’un régime de sanctions.

1.   Le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance

Le volet préventif s’articule autour du programme de stabilité (États de la zone euro) ou de convergence (États hors zone euro) que les États membres doivent transmettre à la Commission avant le 30 avril. Ces programmes font l’objet d’une évaluation et d’un suivi par les instances européennes.

a.   L’obligation d’élaborer un programme de stabilité ou de convergence

Les États membres déterminent, dans leur programme de stabilité ou de convergence, un OMT et une trajectoire d’ajustement, ainsi que les moyens mis en œuvre pour atteindre ces différents objectifs.

L’article 2 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a fixé un OMT de – 0,4 point de PIB mais pas la date de réalisation. Il en est de même du programme de stabilité d’avril 2018.

Ces programmes doivent reposer sur un scénario macroéconomique plausible.

Contenu obligatoire d’un programme de stabilitÉ ou de convergence

Objectif de moyen terme (OMT)

Solde structurel compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent

Trajectoire d’ajustement

− Au moins 0,5 point de PIB

− Supérieure à 0,5 point de PIB lorsque la dette publique est supérieure à 60 % du PIB

Moyens mis en œuvre

− Cadrage économique comprenant les principales hypothèses concernant l’évolution prévisible de l’économie et les variables économiques importantes

− Description des mesures budgétaires et des autres mesures de politique économique qui sont mises en œuvre et/ou envisagées pour réaliser les objectifs du programme

− Analyse de l’incidence que tout changement des principales hypothèses économiques aurait sur la situation budgétaire et la dette

Source : commission des finances.

En France, contrairement à d’autres États de l’Union européenne, le programme de stabilité ne fait pas l’objet d’un vote obligatoire par le Parlement.

b.   L’évaluation et le suivi des programmes de stabilité ou de convergence

La conformité de la trajectoire de chaque État membre au regard des recommandations européennes est évaluée dans les trois mois par la Commission européenne. L’État membre peut être invité à modifier son programme si le Conseil de l’Union européenne, agissant sur recommandation de la Commission, adopte une recommandation en ce sens ([49]).

Par ailleurs, durant la phase d’exécution, la Commission peut adresser aux États membres un avertissement en cas décart important par rapport à la trajectoire dajustement. Le Conseil peut alors adopter des recommandations lesquelles peuvent donner lieu, en l’absence d’actions suivies d’effet de la part de l’État membre, à des sanctions ([50]) consistant en un dépôt portant intérêts de 0,2 % du PIB.

À ce jour, la France n’a jamais fait l’objet d’un avertissement par la Commission européenne au titre d’un écart important entre la trajectoire d’ajustement transmise et la trajectoire exécutée. La France nest donc pas exposée, à ce stade, à des sanctions au titre du volet préventif du PSC.

2.   Le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance

L’ouverture d’une PDE est décidée par le Conseil de l’Union européenne sur recommandation de la Commission. L’État membre doit prendre des actions suivies deffet et en rendre compte régulièrement à la Commission. En l’absence d’actions suivies d’effet, l’État membre peut être mis en demeure par le Conseil de corriger son déficit excessif et d’améliorer chaque année son solde structurel d’au moins 0,5 % du PIB ([51]). À l’issue de la procédure et en l’absence d’actions suivies d’effet, l’État membre s’expose à des sanctions pouvant aller de 0,2 % à 0,5 % du PIB ([52]).

La surveillance des finances publiques dans le cadre du PSC

Volet Préventif

Orientations du Conseil

Le Conseil adopte ses orientations généralement en février sur la base de l’examen annuel de la croissance élaboré par la Commission

Programme de stabilité ou programme de convergence

Ces programmes sont transmis par les États membres à la Commission avant le 30 avril

Évaluation et suivi

− Les programmes sont évalués dans les trois mois de leur transmission

− Un avertissement et des recommandations peuvent être adoptés en cas d’écart important avec la trajectoire d’ajustement

Volet correctif

Ouverture de la procédure pour déficit excessif

Sur décision du Conseil, agissant sur recommandations de la Commission, le Conseil adopte des recommandations en vue de la correction du déficit excessif

Actions suivies d’effet

− L’État membre remet un rapport sur les actions suivies d’effet qu’il a entreprises en vue de remédier au déficit excessif

− La Commission évalue les actions suivies d’effet

Mise en demeure

En l’absence d’actions suivies d’effet, le Conseil peut, sur recommandation de la Commission, adresser une mise en demeure

Sanctions

Sanction du volet préventif

Dépôt portant intérêts de 0,2 % du PIB

Sanctions du volet correctif

Dépôt ne portant pas intérêts de 0,2 % du PIB, voire amendes de 0,2 % du PIB à 0,5 % du PIB si l’État membre enfreint à plusieurs reprises les règles du volet correctif

Source : commission des finances.

B.   LE SEMESTRE EUROPÉEN

1.   Contenu du semestre européen

Le semestre européen, instauré en 2011, est une période d’environ six mois qui permet un dialogue économique entre les instances européennes et les États membres. Son objet est de coordonner et de surveiller les politiques économiques et budgétaires des États membres ainsi que leurs réformes structurelles.

À ce titre, le semestre européen regroupe trois types de procédure de coordination.

Les trois axes de la coordination des politiques des États membres
durant le semestre europÉEN

Objet de la coordination

Cadre juridique de la coordination

réformes structurelles

stratégie « Europe 2020 »

politiques budgétaires – finances publiques

pacte de stabilité et de croissance (PSC)

politiques économiques

prévention des déséquilibres macroéconomiques (PDM)

Source : commission des finances.

Le semestre européen comprend ainsi ([53]) :

– la formulation et la surveillance de la mise en œuvre des grandes orientations des politiques économiques (GOPÉ) dans l’examen annuel de la croissance auquel procède la Commission européenne ;

– la formulation, et l’examen de la mise en œuvre, des lignes directrices pour lemploi ;

– la présentation et l’évaluation des programmes de stabilité ou de convergence des États membres ;

– la présentation et l’évaluation des programmes de réforme nationaux des États membres ;

– la surveillance pour prévenir et corriger les déséquilibres macroéconomiques.

2.   Calendrier du semestre européen

Le semestre européen est lancé par la Commission européenne avec la publication d’une série de documents (le « paquet » de novembre) qui sert de base à la discussion.

Le document le plus important est l’« examen annuel de la croissance » qui expose les grandes orientations des politiques économiques. Il est soumis à l’examen des autres institutions et alimente les discussions préalables au Conseil européen de printemps.

Novembre 2017 : le « triangle vertueux » prôné par la Commission européenne

Le 22 novembre 2017, la Commission européenne a publié son « examen annuel de la croissance 2018 » (1).

Ce document présente peu de nouveautés par rapport aux constats formulés les années précédentes. La Commission européenne a, de nouveau, invité les États membres à fonder leurs politiques économiques autour de trois priorités qu’elle qualifie de « triangle vertueux » : la relance de l’investissement, la poursuite des réformes structurelles et la conduite de politiques budgétaires responsables.

La Commission européenne constate que l’économie de la zone euro comme celle de l’ensemble de l’Union européenne (UE) ont connu une reprise de la croissance. L’emploi progresse, le nombre de personnes ayant un travail ayant atteint le chiffre record de 235,4 millions au deuxième trimestre de 2017. Le taux de chômage a atteint son plus bas niveau en neuf ans dans l’UE, à 7,5 %, et son plus bas niveau en huit ans dans la zone euro, à 8,9 %. L’état des finances publiques s’est amélioré de manière significative et l’investissement se redresse lentement. Pour la Commission européenne, « cette dynamique offre une fenêtre dopportunité à lUE pour relancer une convergence socio-économique durable ».

Au titre des politiques budgétaires, la Commission européenne appelle à des politiques différenciées selon la situation financière de l’État membre. Elle plaide pour que « les États membres disposant dune marge de manœuvre budgétaire » l’utilisent « pour dynamiser la croissance potentielle et la demande intérieure, notamment par les investissements ».

 (1) Commission européenne, Examen annuel de la croissance 2018, 22 novembre 2017 (lien).

Le 22 novembre 2017, la Commission européenne a également adopté le rapport sur le mécanisme d’alerte ([54]), dans lequel la France était mentionnée parmi les États membres qui feraient l’objet d’un bilan approfondi, avec l’Allemagne, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, l’Espagne, l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovénie et la Suède.

Les priorités de l’examen annuel de la croissance ont été approuvées par le Conseil européen le 22 mars 2018. Le même jour, le Conseil européen a adopté une recommandation concernant la politique économique de la zone euro.

La Commission a publié, ensuite, en mars, une série de rapports par pays analysant les politiques économiques des États membres.

Le rapport 2018 pour la France a été publié le 7 mars 2018 ([55]). Il évalue les progrès accomplis et les suites données aux recommandations précédentes. Il contient le bilan approfondi effectué en application du rapport sur le mécanisme d’alerte.

Dans ce rapport, la Commission européenne conclut que la France connaît des déséquilibres macroéconomiques. En particulier, « les vulnérabilités découlent de la dette publique élevée et dun dynamisme insuffisant de la compétitivité dans un contexte de faible croissance de la productivité ». Elle souligne que « le risque de retombées négatives sur léconomie française et, compte tenu de la taille de celle-ci, sur lUnion économique et monétaire, est particulièrement important ».

L’analyse de la situation économique de la France

Dans son rapport 2018 pour la France (1), la Commission européenne constate que l’activité économique s’est accélérée et devrait rester solide dans un avenir proche. Toutefois, elle souligne que « le déficit commercial devrait atteindre son plus haut niveau en 2017 » et qu’« à long terme, la croissance devrait rester modérée » dans la mesure où la croissance potentielle de la France a baissé depuis la crise financière de 2008 ». Elle évalue la croissance potentielle de la France à seulement 1,3 % pour 2019.

(1) Commission européenne, Rapport 2018 pour la France, 7 mars 2018 (lien).

La France est toutefois sortie de la catégorie « déséquilibres excessifs » de la procédure pour déséquilibres économiques grâce en particulier à l’amélioration de ses finances publiques.

Surveillance macroéconomique de la France

À ce jour, la France relève uniquement du volet préventif de la surveillance macroéconomique, comme l’ensemble des autres États membres en situation de déséquilibre.

Depuis 2012, soit depuis la création de ce mécanisme de surveillance, la Commission a systématiquement désigné, dans ses rapports sur le mécanisme d’alerte, la France comme étant touchée par des déséquilibres macroéconomiques. En février 2015, pour la première fois, la Commission a considéré que la France était en situation de déséquilibre « excessif ». La Commission avait renouvelé ce constat en 2016 et 2017.

Sur ces différentes bases, le Conseil européen définit les lignes directrices de l’Union européenne dont les États membres doivent tenir compte. Il peut également transmettre des orientations à certains membres ([56]).

Les recommandations concernant la politique économique de la zone euro

Le 22 mars 2018, sur la base des recommandations de la Commission, le Conseil de l’Union européenne a recommandé des politiques différenciées selon la situation macroéconomique de l’État membre. Ainsi, il a été recommandé que les États membres qui présentent un déficit de la balance courante ou une dette extérieure élevée – comme la France – cherchent « à contenir la progression des coûts salariaux unitaires ». Inversement, il recommande que les États membres dont la balance courante affiche un excédent important – comme l’Allemagne – promeuvent « la hausse des salaires et mettre en œuvre, à titre prioritaire, des mesures qui favorisent linvestissement, soutiennent la demande intérieure et facilitent le rééquilibrage dans la zone euro ».

L’intérêt de cette analyse est d’appréhender la zone euro comme une entité économique globale afin de mieux coordonner les politiques budgétaires et économiques des États membres.

Les États membres de la zone euro transmettent ensuite, avant la fin avril, aux autorités européennes leur programme de stabilité (ou programme de convergence pour les autres États membres), ainsi que leur programme national de réforme.

le rÔle des États membres durant le semestre europÉEN

Document transmis par les États membres

Objet de la coordination

Programme de stabilité ou de convergence

Politiques budgétaires

Programme national de réforme

Politiques économiques et réformes structurelles

Source : commission des finances.

Le programme de stabilité de la France a été transmis en avril par le Gouvernement.

Trajectoire des finances publiques du programme de stabilité d’avril 2018

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde public effectif

– 2,6

– 2,3

– 2,4

– 0,9

– 0,3

+ 0,3

Solde structurel

– 2,0

– 1,9

– 1,6

– 1,4

– 1,0

– 0,6

Dépense publique (hors crédits d’impôts)

55,1

54,4

53,5

52,6

51,9

51,1

Taux de prélèvements obligatoires

45,4

45,0

44,0

44,3

44,3

44,3

Dette publique

97,0

96,4

96,2

94,7

92,3

89,2

Source : Gouvernement, programme de stabilité d’avril 2018.

La Commission publie ses recommandations stratégiques par pays en se fondant sur son évaluation des situations économiques et des programmes nationaux.

Par recommandation du 23 mai 2018, la Commission européenne a proposé au Conseil d’adresser un certain nombre de recommandations à la France ([57]).

Dans ce document, la Commission européenne rappelle que, selon ses prévisions du printemps 2018, la France ne devrait pas respecter les règles relatives à l’ajustement structurel et à la dette publique.

Elle estime en conséquence que « les mesures nécessaires pour respecter les dispositions du pacte de stabilité et de croissance devraient être prises dès 2018 ».

En résumé, la Commission européenne a recommandé à la France :

– sur le plan budgétaire, de « limiter les dépenses fiscales » et de mieux maîtriser les dépenses publiques en veillant « à ce que le taux de croissance nominale des dépenses publiques primaires nettes ne dépasse pas 1,4 % en 2019, ce qui correspondrait à un ajustement structurel annuel de 0,6 % du PIB » ;

– sur le plan fiscal, de « supprimer les impôts inefficaces » et de réduire « les impôts sur la production prélevés sur les entreprises » ;

– sur le plan social, d « uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite » et de « garantir la compatibilité des évolutions du salaire minimal avec la création demplois et la compétitivité ».

Recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme
de la France pour 2018 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2018 (extraits)

« RECOMMANDE que la France sattache, sur la période 2018-2019 :

« 1. à veiller à ce que le taux de croissance nominale des dépenses publiques primaires nettes ne dépasse pas 1,4 % en 2019, ce qui correspondrait à un ajustement structurel annuel de 0,6 % du PIB ; à utiliser les recettes exceptionnelles pour accélérer la réduction du ratio dendettement public ; à réduire les dépenses en 2018 et à pleinement préciser les objectifs et les nouvelles mesures nécessaires dans le contexte de lAction publique 2022, afin quils se traduisent en mesures concrètes de réduction des dépenses et de gain defficience dans le budget 2019 ; à uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite pour renforcer léquité et la soutenabilité de ces régimes ;

« 2. à poursuivre les réformes du système denseignement et de formation professionnels, à renforcer son adéquation aux besoins du marché du travail et à améliorer laccès à la formation, en particulier des travailleurs peu qualifiés et des demandeurs demploi ; à favoriser légalité des chances et laccès au marché du travail, notamment pour les personnes issues de limmigration et les habitants des quartiers défavorisés ; à garantir la compatibilité des évolutions du salaire minimal avec la création demplois et la compétitivité ;

« 3. à simplifier le système fiscal, en limitant le recours aux dépenses fiscales, en supprimant les impôts inefficaces et en réduisant les impôts sur la production prélevés sur les entreprises ; à réduire la charge réglementaire et administrative afin de renforcer la concurrence dans le secteur des services et de favoriser la croissance des entreprises ; à intensifier les efforts déployés pour accroître les performances du système dinnovation, notamment en améliorant lefficience des dispositifs de soutien public et en renforçant le transfert des connaissances entre les instituts publics de recherche et les entreprises. »

Enfin, le Conseil adopte ses recommandations par pays en juin ou juillet, lesquels constituent l’aboutissement du semestre européen.

La France faisait l’objet d’une procédure de déficit excessif depuis le 27 avril 2009. Le Conseil de l’Union européenne avait alors accordé un délai à la France jusqu’en 2012 pour corriger son déficit. Le 2 décembre 2009, le Conseil a accordé un nouveau délai à la France jusqu’en 2013. Le 21 juin 2013, ce délai a été reporté à 2015. Enfin, le 10 mars 2015, ce délai a été porté à 2017.

Le Conseil a clôturé la procédure de déficit excessif dont la France faisait l’objet lors de sa réunion du 22 juin 2018 (1)

L’Espagne est désormais le dernier État membre à faire l’objet d’une telle procédure.

(1)    Conseil de lUnion européenne, 22 juin 2018 (lien).

Le Conseil européen du 22 juin 2018 a ainsi approuvé les recommandations de la Commission européenne adressées à la France, ce qui a permis de clôturer le semestre européen 2018. Ces recommandations ont ensuite été approuvées formellement par le Conseil dans sa formation « Affaires économiques et financières » le 13 juillet 2018.

L’institution d’un semestre européen a indéniablement amélioré la coopération entre les États membres et les institutions européennes, tout en renforçant le caractère multilatéral du processus.

C.   LE SEMESTRE NATIONAL

À l’issue du semestre européen, les États membres doivent élaborer leur budget, selon leurs règles propres, en tenant compte des orientations de l’Union européenne.

Le semestre national est, du point de vue des procédures européennes, régit par le « two-pack » ([58]), c’est-à-dire un ensemble de deux règlements du 21 mai 2013 qui ont été adoptés en vue de renforcer la surveillance budgétaire de la zone euro :

– le règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 472/2013 du 21 mai 2013 qui a organisé une surveillance renforcée des États membres qui sollicitent une aide multilatérale ;

– et le règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 473/2013 du 21 mai 2013 qui a prévu l’obligation pour les États membres de se doter d’un organisme indépendant pour évaluer les hypothèses macroéconomiques des stratégies budgétaires.

Ce règlement a également transformé le semestre européen en un cycle budgétaire annuel, ce qui permet un approfondissement de l’échange d’informations et de la coordination entre les États membres et les institutions européennes.

Les États membres doivent ainsi envoyer leur « plan budgétaire » pour l’année suivante avant le 15 octobre. Les États membres faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif doivent également présenter un « programme de partenariat économique », conformément au TSCG. Ce programme décrit les mesures et les réformes structurelles engagées pour assurer une correction durable des déficits excessifs ([59]).

Documents à transmettre À la Commission europÉenne
avant le 15 octobre

Documents

Cadre juridique

Plan budgétaire

Suivi de la mise en œuvre du programme de stabilité

Programme de partenariat économique

Procédure pour déficits excessifs

Source : commission des finances.

La Commission donne son avis avant le 30 novembre et demande, le cas échéant, des modifications.

L’année dernière, la France avait communiqué à la Commission européenne comme plan budgétaire le Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2018. La Commission européenne avait estimé que celui-ci présentait un « risque de non-conformité » avec les exigences du pacte de stabilité et de croissance en raison de l’existence d’ « un écart important par rapport à la trajectoire dajustement requise pour atteindre lOMT » et du « non-respect du critère de réduction de la dette en 2018 ».

Commission européenne, 22 novembre 2017 (lien).

Pour ce qui est des États membres faisant l’objet d’une procédure de déficit excessif, l’avis de la Commission évalue si la correction du déficit est conforme aux recommandations du Conseil de l’Union européenne.

Cette évaluation se fait également sur la base d’un rapport sur l’action engagée en réponse à la recommandation issue de la procédure de déficit excessif, transmis par le pays concerné.

L’Eurogroupe, qui réunit les ministres des finances des États membres de la zone euro, examine, ensuite, les avis sur les projets de plans budgétaires ainsi que la situation et les perspectives budgétaires pour la zone euro dans son ensemble, sur la base d’une évaluation réalisée par la Commission, afin de disposer d’une vision agrégée du contexte budgétaire de la zone.

L’État membre transmet, enfin, sa loi de finances à la Commission avant la fin de l’année.

 


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   FICHE N° 7 :
LE DÉFICIT DE LÉTAT

Résumé de la fiche

Le déficit budgétaire de lÉtat pour 2019 – c’est-à-dire la différence entre les encaissements et les décaissements de l’année – est prévu à 98,7 milliards d’euros au lieu de 81,3 milliards d’euros pour 2018, soit une hausse de 17,4 milliards d’euros.

Cette hausse s’explique par deux effets ponctuels de trésorerie :

– la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales (20 milliards d’euros) ;

– et la mise en œuvre du prélèvement à la source qui entraînera un décalage sur l’année 2020 d’un mois de perception des recettes de l’impôt sur le revenu (5,9 milliards d’euros).

Sans ces deux mesures, le déficit budgétaire pour 2019 ressortirait à 72,8 milliards d’euros, en baisse de 8,5 milliards d’euros par rapport à 2018.

Le déficit de lÉtat en comptabilité nationale pour 2019 – c’est-à-dire selon le principe des créances et dettes constatées – est prévu à 86,9 milliards d’euros au lieu de 72,4 milliards d’euros en 2018, soit une hausse de 14,5 milliards d’euros. Hors transformation du CICE en baisse de cotisations sociales, le déficit de l’État en comptabilité nationale diminue de 5,9 milliards d’euros en 2019.

Le déficit budgétaire de l’État est prévu pour 2019 à 98,7 milliards d’euros par l’article 38 du présent projet de loi de finances (I).

Le déficit de l’État, en comptabilité nationale, est toutefois moins important, puisqu’il est évalué à 72,8 milliards d’euros par le Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances (II).

La distinction entre comptabilité nationale et comptabilité budgétaire

La comptabilité budgétaire est destinée à enregistrer et suivre l’exécution des opérations du budget de l’État. La tenue d’une comptabilité budgétaire est prévue par l’article 27 de la LOLF. Il s’agit d’une comptabilité de trésorerie. L’article 28 de la LOLF précise ainsi que « les recettes sont prises en compte au titre du budget de lannée au cours de laquelle elles sont encaissées » et que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de lannée au cours de laquelle elles sont payées ». La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action, sous-action) et une nomenclature par nature (titres, catégories).

La comptabilité nationale s’inscrit dans un champ d’analyse sensiblement plus vaste. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité dengagements établie selon les règles du système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne. Les agrégats relatifs aux administrations publiques, et notamment celui relatif à leur besoin de financement (déficit), jouent un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen.

I.   Le dÉficit budgÉtaire de l’État

Le solde budgétaire de lÉtat est constitué par la somme du solde du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

Le déficit budgétaire de l’État a diminué chaque année de 2009 à 2017. Il a été plus que divisé par deux sur cette période, passant de 138 milliards à 67,7 milliards d’euros.

Il se redresse toutefois fortement en 2018 à hauteur de 13,6 milliards d’euros selon la prévision actualisée du présent projet de loi de finances. La hausse du déficit budgétaire de l’État devrait se poursuivre en 2019 à hauteur de 17,4 milliards d’euros supplémentaires. Sur la période 2017-2019, le déficit budgétaire de l’État s’aggraverait donc de 31 milliards d’euros.

Le dÉficit budgÉtaire de lÉtat depuis 2009

(en milliards deuros)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018**

2019**

Déficit budgétaire

138,0

113,8*

90,7

87,2

74,9

73,6*

70,5

69,1

67,7

81,3

98,7

* hors programmes d’investissements d’avenir (PIA).

** prévisions associées au présent projet de loi de finances.

Source : lois de règlement et présent projet de loi de finances.

A.   Formation du solde budgÉtaire de l’État de 2017 à 2019

 En 2017, pour le budget général, les dépenses nettes, y compris les prélèvements sur recettes, se sont élevées à 382,8 milliards deuros et les recettes nettes à 309,4 milliards. Le solde des budgets annexes et des comptes spéciaux était positif à hauteur de 5,5 milliards deuros. Le déficit budgétaire de lÉtat ressortait ainsi à 67,7 milliards deuros.

exÉcution 2017

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

382,8

Recettes (II)

309,4

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

322,6

Recettes fiscales nettes

295,6

PSR au profit de l’Union européenne

16,4

Recettes non fiscales

13,8

PSR au profit des collectivités territoriales

43,8

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

+ 5,5

Déficit à financer

(I  II  III)

67,7

Source : loi de règlement pour 2017.

● En 2018, le déficit budgétaire devrait progresser sous l’effet d’une augmentation des dépenses et d’un recul des recettes. À noter que l’année 2018 se caractérise par la mise en œuvre d’un important programme de baisses d’impôt adopté en loi de finances initiale, avec les trois mesures emblématiques que sont le dégrèvement de la taxe d’habitation (TH) sur la résidence principale, la création du PFU, et le remplacement de l’ISF par un IFI.

prÉvision actualisÉe pour 2018

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

386,8

Recettes (II)

306,3

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

325,9

Recettes fiscales nettes

292,9

PSR au profit de l’Union européenne

20,6

Recettes non fiscales

13,4

PSR au profit des collectivités territoriales

40,3

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

 0,8

Déficit à financer

(I  II  III)

81,3

Source : présent projet de loi de finances.

Le déficit désormais prévu pour 2018 est inférieur de 4,4 milliards d’euros à celui prévu par la loi de finances initiale (85,7 milliards d’euros). Cette amélioration est due aux recettes, plus élevées que prévu à hauteur de 6,3 milliards d’euros.

● En 2019, les dépenses de l’État continueraient de progresser, tandis que les recettes sont prévues en forte baisse du fait principalement du transfert d’une fraction importante de TVA à la sécurité sociale en compensation des baisses de cotisations sociales qui remplacent le CICE.

prÉvision 2019

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

390,8

Recettes (II)

291,4

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

328,8

Recettes fiscales nettes

278,9

PSR au profit de l’Union européenne

21,5

Recettes non fiscales

12,5

PSR au profit des collectivités territoriales

40,5

Soldes des comptes spéciaux (III)

0,6

Déficit à financer

(I  II  III)

98,7

Source : présent projet de loi de finances.

B.   Les principales Évolutions par rapport À 2018

La dégradation du solde budgétaire en 2019 par rapport à 2018 s’explique ainsi par :

– une augmentation des dépenses de 4,0 milliards d’euros dont 2,9 milliards au titre des dépenses nettes du budget général (voir fiche Dépenses de lÉtat) et 1,1 milliard d’euros au titre des prélèvements sur recettes (voir fiche Recettes de lÉtat) ;

– une diminution des recettes de 14,9 milliards d’euros (voir fiche Recettes de lÉtat) ;

– et une amélioration du solde annuel des comptes spéciaux de 1,4 milliard d’euros.

passage du solde 2018 actualisÉ au solde plf 2019

(en milliards d’euros)

 

2018

Prévision actualisée

Variation

2019

PLF

 

2018

Prévision actualisée

Variation

2019

PLF

Dépenses (I)

386,8

+ 4,0

390,8

Recettes (II)

306,3

 14,9

291,4

Dépenses nettes du budget général (hors PSR)

325,9

+ 2,9

328,8

Recettes fiscales nettes

292,9

– 14,0

278,9

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

20,6

+0,9

21,5

Recettes non fiscales

13,4

– 0,9

12,5

Prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales

40,3

+ 0,2

40,5

Soldes des comptes spéciaux (III)

 0,8

+ 1,4

0,6

Déficit à financer

(I  II  III)

81,3

17,4

98,7

Source : commission des finances.

La hausse du déficit budgétaire s’explique par deux effets de trésorerie.

Le premier a trait à la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales. En effet, l’État va compenser en 2019 à la sécurité sociale la baisse de cotisations sociales par un transfert de recettes de TVA. Dans le même temps, l’État continuera de supporter le coût budgétaire du CICE au titre des salaires versés en 2018. À partir de 2020, la hausse de l’impôt sur les sociétés permise par la suppression du CICE devrait neutraliser la baisse de la TVA affectée à l’État.

La transformation du CICE en baisse de cotisations sociales

Institué par l’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, le CICE est entré en vigueur le 1er janvier 2013.

Il s’agit d’un crédit d’impôt qui porte sur la masse salariale des salariés dont les rémunérations brutes n’excèdent pas 2,5 fois le montant annuel du SMIC. Il bénéficie à toutes les entreprises relevant de l’impôt sur les sociétés (IS) ou de l’impôt sur le revenu (IR) d’après leur bénéfice réel. Son taux a varié au fil des années. Il était de 4 % pour les salaires versés en 2013. Il a été relevé à 6 % pour les salaires versés à compter de 2014, puis à 7 % pour les salaires versés en 2017 avant de revenir à 6 % pour les salaires versés en 2018.

Son coût pour 2018 a été évalué à 21 milliards d’euros en comptabilité budgétaire et à 22,8 milliards d’euros en comptabilité nationale.

Le président de la République s’était engagé à transformer le CICE en baisse de cotisations sociales. Conformément à cet engagement, l’article 86 de la loi de finances pour 2018 a supprimé le CICE et l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les employeurs comprenant deux volets :

– une réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie sur les salaires jusqu’à 2,5 SMIC, soit une sorte « d’équivalent-CICE » ;

– et un renforcement de l’allégement général, par une réduction de près de 10 points des charges au niveau du SMIC (le Gouvernement a annoncé le report de ce second au volet au 1er octobre 2019).

En 2019, année de mise en place de ces nouveaux allégements, les entreprises éligibles continueront de bénéficier du CICE acquis au titre des exercices antérieurs, notamment en 2018. Il en résulte un « double coût » assumé par l’État.

Le second effet de trésorerie est inhérent à la mise en œuvre en 2019 du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (IR). Les retenues à la source du mois de décembre 2019 ne seront reversées à l’État par les employeurs qu’en janvier 2020. Ceci entraîne un décalage de perception de recettes de l’IR 2019 sur l’année 2020 d’environ 5,9 milliards d’euros. À partir de 2020, l’effet de ce décalage sera atténué puisque les recettes rattachées au mois de décembre de l’année précédente seront rattachées à celles de l’année en cours.

Sans ces deux mesures, le déficit budgétaire pour 2019 ressortirait à 72,8 milliards d’euros, en baisse de 8,5 milliards d’euros par rapport à 2018.

II.   Le dÉficit en comptabilitÉ nationale

Le déficit de l’État en comptabilité nationale pour 2019 est prévu à 86,9 milliards d’euros au lieu de 72,4 milliards d’euros en 2018, soit une hausse de 14,5 milliards d’euros. Hors transformation du CICE en baisse de cotisations sociales, le déficit de l’État en comptabilité nationale diminue de 5,5 milliards d’euros en 2019.

A.   Le passage du solde en comptabilitÉ budgÉtaire au solde en comptabilitÉ nationale

Plusieurs retraitements – exposés dans le Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances – sont nécessaires pour passer du solde budgétaire (– 98,7 milliards d’euros) au solde en comptabilité nationale (– 86,9 milliards d’euros).

Cinq opérations expliquent la majeure partie de l’écart de 11,8 milliards d’euros entre les deux soldes.

ClÉs de passage du solde en comptabilitÉ budgÉtaire
au solde en comptabilitÉ nationale

(en milliards d’euros)

Les retraitements qui dégradent le solde en comptabilité nationale

Les retraitements qui améliorent le solde en comptabilité nationale

Décalage temporel sur les mesures nouvelles de transfert de recettes fiscales aux administrations de sécurité sociale

– 3,9

Intérêts d’emprunt résultant de primes d’émission

+ 7,6

Rattachement à l’année 2019 des retenues à la source effectuées en décembre 2019 mais enregistrées en janvier 2020 en comptabilité budgétaire

+ 5,9

Crédits d’impôts restituables

– 1,0

Remboursement à EDF

+ 1,8

Source : Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Le solde en comptabilité nationale est dégradé de 3,9 milliards d’euros au titre du décalage temporel sur les mesures nouvelles de transfert de recettes fiscales aux administrations de sécurité sociale. En effet, seuls onze mois grèvent le solde budgétaire de l’État alors que la comptabilité nationale doit enregistrer les recettes de l’ensemble de l’année du transfert.

Par ailleurs, certaines dettes de l’État sont traitées en dépenses publiques alors qu’elles ne donnent pas lieu immédiatement à des dépenses budgétaires.

Ainsi, les crédits d’impôt reportés sont considérés comme des dépenses publiques alors qu’ils ne sont pas comptabilisés en dépense budgétaire tant qu’ils n’ont pas été restitués ou imputés. Ceci conduit à majorer les dépenses d’un milliard d’euros en comptabilité nationale par rapport à la comptabilité budgétaire, essentiellement en raison du CICE.

La mise en œuvre du prélèvement à la source entraînera un décalage de perception de recettes d’IR sur l’année 2020. En comptabilité nationale, il convient toutefois de rattacher ces recettes budgétaires de l’année 2020 à l’exercice 2019 (+ 5,9 milliards d’euros).

Par ailleurs, certaines dépenses budgétaires ne sont pas des dépenses publiques.

Tel est le cas principalement des intérêts majorés versés en contrepartie des primes d’émission lors de l’adjudication de la dette du Trésor. Le solde en comptabilité nationale est amélioré de 7,6 milliards d’euros à ce titre en 2019.

De même, le remboursement de la dette de l’État à l’égard d’EDF, à hauteur de 1,8 milliard d’euros – qui donne lieu à des crédits de paiement sur le compte d’affectation spéciale Transition énergétique – ne constitue pas une dépense publique puisqu’elle éteint un passif.

Il va de même, par exemple, des prêts que la France accorde à des États étrangers (0,4 milliard d’euros). Ces dépenses budgétaires ouvrent droit à des créances et ne sont donc pas comptabilisées en dépenses publiques.

B.   la part de l’État dans le dÉficit public

PART DE L’État dans le dÉficit public depuis 2012

Année

Solde

toutes administrations publiques confondues

(en milliards deuros)

 

Solde État

En milliards deuros

En %

2012

– 104,0

– 85,1

81,8 %

2013

– 86,5

– 70,2

81,2 %

2014

– 83,9

– 74,3

88,6 %

2015

– 79,7

– 73,3

92,0 %

2016

– 79,1

– 73,8

93,3 %

2017

–61,4

– 65,3

106,4 %

2018*

– 60,6

– 72,4

119,5 %

2019*

– 66,7

– 86,9

130,3 %

*prévisions.

Source : INSEE jusqu’en 2017 ; Rapport économique, social et financier pour 2018 et 2019.

On observe une tendance nette à la concentration du déficit public sur le déficit de l’État. La part de l’État dans le déficit public est ainsi passée de 82 % en 2012 à près de 94 % en 2016. Il devient même supérieur au déficit public à compter de 2017.

Cette tendance doit s’accentuer en 2018 puis en 2019 en raison d’un important programme de baisse d’impôts dont le produit est affecté à l’État (ISF, impôt sur les revenus du capital, impôt sur les sociétés) ou qui font l’objet d’une compensation par l’État (dégrèvement de taxe d’habitation sur la résidence principale).

Par ailleurs, en 2019, le « double coût » inhérent au remplacement du CICE par une baisse de cotisations sociales est assumé par l’État.

Dans le même temps, les administrations publiques locales (APUL) et les organismes de sécurité sociale (ASSO) devraient voir leurs excédents progresser.

Tous ces facteurs concourent à concentrer sur l’État le poids du déficit public.

Solde public par sous-secteur

(en points de PIB)

Sous-secteur

2017

2018

2019

État

– 2,8

– 3,1

– 3,6

Organismes divers d’administration centrale

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Administrations publiques locales

0,0

0,1

0,1

Administrations de sécurité sociale

0,3

0,6

0,8

Solde public

– 2,7

– 2,6

– 2,8

Source : Rapport économique, social et financier.


   FICHE N° 8 :
LE VOLET FISCAL DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2019

Le présent projet de loi de finances pour 2019 comporte un riche volet fiscal. Outre quelques mesures de rendement, ce projet de loi de finances met en œuvre :

– un aménagement du prélèvement à la source ;

– le volet fiscal du Livre bleu des outre-mer ;

– la poursuite du « verdissement » de la fiscalité avec notamment la mise en œuvre de la feuille de route pour une économie 100 % circulaire ;

– la rationalisation de la fiscalité avec un important programme de suppression de petites taxes et de dépenses fiscales inefficientes ;

– une mise en conformité avec le droit de lUnion européenne avec plusieurs transpositions de directives ;

– plusieurs mesures de lutte contre lévasion fiscale ;

– une réforme de la fiscalité agricole ;

– le volet fiscal du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) ;

– et une modernisation des modalités de déclaration, de paiement et de recouvrement des impôts.

Ces différentes mesures fiscales sont réparties au sein de 38 articles dont 21 articles en première partie et 17 articles en seconde partie.

La répartition de ces articles entre les première et seconde parties obéit aux critères de l’article 34 de la LOLF ([60]) : les mesures affectant le solde budgétaire de l’État pour l’année 2019 relèvent de la première partie, tandis que les autres mesures (affectant le solde budgétaire de l’État à compter de 2020 ou affectant les ressources d’autres administrations publiques) relèvent de la seconde partie.

Les articles de la première partie sont commentés dans le tome II du présent rapport. Ceux de la seconde partie sont commentés dans le tome III.

Les développements qui suivent procèdent à une synthèse du volet fiscal du présent projet de loi de finances.

Les mesures fiscales de la première partie du PLF 2019

Article

Intitulé

2

Indexation du barème et des grilles de taux du prélèvement à la source (PAS)

3

Mesures d’accompagnement du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu

4

Plafonnement de la réduction d’impôt sur le revenu dans les DOM

5

Suppression de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR)

6

Création de zones franches d’activité nouvelle génération (ZFANG)

7

Aménagement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM)

8

Renforcement de la composante de la taxe générale sur les activités polluantes relative aux déchets

9

Suppression de taxes à faible rendement

10

Fusion des taxes sur la publicité audiovisuelle

11

Suppression de dépenses fiscales inefficientes

12

Réforme du régime de l’intégration fiscale

13

Réforme des dispositifs de limitation des charges financières

14

Réforme du régime d’imposition des produits de cession ou concession de brevets

15

Modification des règles de calcul des acomptes d’impôt sur les sociétés (« cinquième acompte »)

16

Adaptation de l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) en cas de

transmission d’entreprises (« pactes Dutreil »)

17

Mise en place d’une révocabilité possible en cas de passage à l’IS

18

Réforme des aides fiscales en faveur de la gestion des risques et de l’investissement agricoles

19

Suppression du tarif réduit de taxe intérieure de consommation (TICPE) sur le gazole non routier

20

Mise en conformité du régime de TVA des services à la personne

21

Transposition partielle de la directive sur le régime de TVA du commerce électronique

22

Transposition de la directive sur le régime de TVA des bons

Source : présent projet de loi de finances.

Les mesures fiscales de la seconde partie du PLF 2019

Article

Intitulé

48

Insertion d’une clause anti-abus générale en matière d’IS

49

Assouplissement des conditions d’éligibilité au crédit d’impôt pour le rachat des entreprises par leurs salariés

50

Élargissement du dispositif du crédit-vendeur

51

Imposition des plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux en cas de transfert du domicile fiscal hors de France (exit tax)

52

Suppression de lexonération de taxe sur les conventions dassurances (TSCA) sur la garantie décès des contrats dassurance emprunteur

53

Plafonnement de l’abattement sur les bénéfices en faveur des jeunes agriculteurs

54

Transposition de la directive visant à éliminer les doubles impositions entre États membres

55

Prorogation des aides fiscales à l’économie ultra-marine, assortie de mesures anti-abus

56

Aménagement des règles d’évaluation de la valeur locative des locaux industriels

57

Prorogation d’un an du crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique (CITE)

58

Prorogation pour trois ans et ajustements du crédit d’impôt « éco-prêt à taux zéro » (éco-PTZ)

59

Réduction à 5,5 % du taux de TVA sur certaines prestations de gestion des déchets

60

Renforcement du supplément de TGAP relatif aux biocarburants

61

Obligation de télé-déclaration de la taxe sur les salaires

62

Transfert à la DGFiP du recouvrement des taxes sur les boissons non alcooliques

63

Encaissement des recettes fiscales par un organisme autre que le comptable public

64

Rationalisation et simplification de la fiscalité du tabac

Source : présent projet de loi de finances.

I.   LES MESURES DE RENDEMENT

Contrairement à celui de l’année dernière, le présent projet de loi de finances comporte peu de mesures de rendement, c’est-à-dire dont l’objectif premier est d’accroître les ressources des administrations publiques.

Les plus importantes budgétairement sont de portée générale, tandis que d’autres, de moindre ampleur, sont plus spécifiques en ce qu’elles visent au financement de politiques publiques déterminées.

A.   LES MESURES DE RENDEMENT DE PORTÉE GÉNÉRALE

Le présent projet de loi de finances contient seulement deux mesures de rendement importantes : une nouvelle réforme du cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés (1,5 milliard d’euros) et la suppression du tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur le gazole non routier (un milliard d’euros). Cette dernière mesure ne peut toutefois pas se réduire à son objectif de rendement budgétaire dans la mesure où elle poursuit également une finalité environnementale.

1.   La réforme du « cinquième acompte » de l’impôt sur les sociétés

L’article 15 réforme les modalités de calcul du quatrième et dernier acompte d’IS dû par les entreprises dont le chiffre d’affaires est d’au moins 250 millions d’euros en vertu du mécanisme dit du « cinquième acompte ».

Cet acompte, à la différence des autres, n’est pas assis sur les résultats du dernier exercice clos, mais sur l’IS estimé dû au titre de l’exercice en cours.

La fraction d’IS estimé à retenir pour le calcul de cet acompte sera augmentée de la façon suivante :

– pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 250 millions d’euros et un milliard d’euros, la fraction passe de 80 % à 95 % ;

– pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre un milliard d’euros et 5 milliards d’euros, la fraction passe de 90 % à 98 %.

La fraction applicable aux entreprises dont le chiffre d’affaires excède 5 milliards d’euros n’est pas modifiée et reste fixée à 98 %.

La mesure devrait dégager un gain budgétaire de 1,5 milliard d’euros en 2019.

2.   La suppression du tarif réduit de taxe intérieure de consommation (TICPE) sur le gazole non routier

Le gazole non routier (GNR) est utilisé pour le fonctionnement des moteurs qui ne sont pas destinés à la propulsion de véhicules sur les routes, sauf pour les entreprises du secteur ferroviaire et agricole.

Il bénéficie d’un taux réduit de TICPE qui a pour justification originelle de favoriser la mécanisation du secteur agricole et des travaux publics.

L’avantage est accru pour les agriculteurs. Non seulement ils peuvent s’approvisionner en GNR au tarif réduit, mais ils disposent d’une procédure de remboursement de la différence entre le tarif réduit du GNR et un tarif qui leur est spécifique fixé.

Ce dispositif fait partie des dépenses fiscales les plus coûteuses de l’État, avec un montant estimé à près de 2 milliards d’euros pour 2018.

L’article 19 supprime le tarif réduit de TICPE sur le GNR. Toutefois, l’avantage fiscal dont bénéficient les agriculteurs et le secteur ferroviaire sera maintenu.

Un tarif direct avantageux, en lieu et place de l’actuelle procédure de remboursement, sera ainsi maintenu pour les agriculteurs. De même, les entreprises ferroviaires continueront à bénéficier du même tarif qu’aujourd’hui via la mise en place d’une nouvelle procédure de remboursement à leur profit.

Le gain budgétaire pour l’État est d’environ un milliard d’euros, constitué par le solde entre la suppression du tarif réduit du GNR et la mise en place d’un tarif direct spécifique pour le gazole agricole et des entreprises ferroviaire.

B.   LES MESURES DE RENDEMENT SPÉCIFIQUES

Deux mesures ont été insérées dans ce projet de loi de finances en vue de permettre le financement de politiques publiques déterminées.

1.   La suppression de l’exonération de taxe sur les conventions d’assurances (TSCA) sur la garantie décès des contrats d’assurance emprunteur

La taxe spéciale sur les conventions d’assurances (TSCA) est assise sur les primes versées aux assureurs. Son taux, qui varie selon la nature du risque, est par défaut de 9 %. Les contrats d’assurance sur la vie et assimilés – dont les contrats d’assurance en cas de décès – sont toutefois exonérés.

L’article 52 supprime l’exonération de TSCA dont bénéficient les contrats d’assurance en cas de décès souscrits en garantie du remboursement d’un prêt. Les garanties décès souscrites dans le cadre de l’assurance emprunteur seront désormais soumises à la TSCA au taux de droit commun de 9 %.

La mesure s’appliquera aux nouveaux contrats conclus à compter du 1er janvier 2019. Son rendement doit ainsi progressivement monter en charge.

Il sera affecté à hauteur de 140 millions à la société Action Logement Services pour combler les besoins de financement consécutifs au relèvement du seuil d’assujettissement à la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC). Le surplus sera affecté au budget général.

En régime de croisière, à l’horizon 2025, cette nouvelle taxation devrait rapporter 560 millions d’euros par an.

2.   La rationalisation et la simplification de la fiscalité du tabac

La fiscalité du tabac est composée d’un droit de licence et d’un droit de consommation.

L’article 64 augmente le droit de licence, pour les années 2019 et 2020. Il aligne les dates de liquidation et de paiement du droit de licence et du droit de consommation afin de permettre la fusion des deux régimes déclaratifs afférents, dans le cadre de la mise en œuvre d’une procédure dématérialisée. Il avance d’un mois les dates de hausse des tarifs de taxes prévues sur la période 2019-2021. Enfin, il clarifie la présentation des tarifs.

L’ensemble de la mesure doit rapporter 61 millions d’euros en 2019 et 43 millions d’euros en 2020.

L’avancement d’un mois de la hausse des tarifs du droit de consommation conduit à une augmentation de recettes évaluée à 25 millions d’euros en 2019 et en 2020 en faveur des organismes de sécurité sociale.

Le solde – résultant de l’augmentation du droit de licence – de 36 millions d’euros pour 2019 et 18 millions d’euros pour 2020 sera transféré à l’État dans le but de financer le fonds de transformation des buralistes, dont la création a été prévue par le protocole d’accord, signé le 2 février 2018 entre l’État et la confédération des buralistes.

II.   LAMÉNAGEMENT DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE

L’année 2019 sera marquée par une importante réforme du recouvrement de l’impôt sur le revenu : l’instauration du prélèvement à la source (PAS). Cette réforme, longtemps envisagée mais jamais concrétisée, doit permettre de mettre un terme au décalage d’une année qui existe à l’heure actuelle entre la perception des revenus et leur imposition.

Adoptée sous la précédente législature, en loi de finances pour 2017 ([61]), la réforme devait initialement entrer en vigueur le 1er janvier 2018. Toutefois, la nouvelle majorité parlementaire et le Gouvernement ont voulu garantir que son entrée en vigueur intervienne dans les conditions optimales. Il convenait tout à la fois de s’assurer que l’administration et les entreprises étaient prêtes, techniquement, pour une telle innovation mais également d’évaluer le dispositif pour, le cas échéant, l’aménager.

C’est la raison pour laquelle, l’ordonnance n° 2017-1390 du 22 septembre 2017 ([62]) a décalé d’une année l’entrée en vigueur de la réforme.

Ce décalage a permis la discussion et l’adoption de premiers aménagements dans la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([63]), tenant notamment compte des évaluations réalisées par l’inspection générale des finances (IGF).

Ce décalage nécessite aussi une actualisation du taux par défaut, auquel procède l’article 2.

Par ailleurs, l’article 3 procède à trois nouveaux aménagements pour mettre en œuvre dans les meilleures conditions possibles le PAS.

A.   UNE ACTUALISATION DU TAUX PAR DÉFAUT

Le taux de la retenue à la source est en principe le taux personnalisé calculé par l’administration fiscale ou, sur option, le taux individualisé lorsque le contribuable est soumis à une imposition commune avec son conjoint ou concubin.

Toutefois, un taux par défaut s’appliquera lorsque l’administration fiscale ne sera pas en mesure de calculer le taux d’imposition du foyer fiscal, par exemple, pour des jeunes entrant sur le marché du travail qui étaient auparavant rattachés au foyer de leurs parents, ou encore pour des personnes venant s’installer en France. De même, il s’appliquera lorsque l’administration ne sera pas en mesure de transmettre le taux au tiers payeur, notamment dans les cas de débuts de contrat ou de contrats courts, ou en cas de problèmes d’identification des salariés.

Par ailleurs, un contribuable peut opter pour le taux par défaut, notamment lorsqu’il ne souhaite pas que son employeur connaisse son taux personnalisé ou individualisé.

Les grilles de taux par défaut du PAS ont été déterminées en fonction du barème applicable pour l’impôt dû en 2017 au titre des revenus de l’année 2016.

L’article 2 procède à une mise jour. Il revalorise ainsi les grilles du taux par défaut sur la base de l’évolution de la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu de 2018 par rapport à 2016, soit 2,616 %.

Il prévoit également, pour les années suivantes, une indexation automatique en fonction de l’évolution de la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

Ceci permet de neutraliser les effets de l’inflation sur le niveau d’imposition des contribuables.

B.   LAMÉNAGEMENT DE LACOMPTE SUR CRÉDITS ET RÉDUCTIONS DIMPÔT

Aujourd’hui, l’impôt prélevé dans le cadre de la mensualisation ou des acomptes est calculé sur la base de l’impôt acquitté en N – 1 après imputation des réductions et crédits d’impôt. Une régularisation intervient en fin d’année.

Un des grands changements résultant de la mise en œuvre du PAS est que les réductions et crédits d’impôt ne seront pas pris en compte pour établir le taux. Ceci évitera nombre de régularisations auxquelles devaient procéder les contribuables ayant perdu le bénéfice d’une réduction ou d’un crédit d’impôt.

Mais cela présente, en contrepartie, l’inconvénient de pénaliser la trésorerie des contribuables ayant des réductions et des crédits d’impôt récurrents.

Cet aspect négatif de la réforme n’avait pas été traité dans le projet initial par le précédent Gouvernement. Toutefois, il n’était pas passé inaperçu lors de la discussion parlementaire. Un amendement, présenté par notre ancien collègue Dominique Lefebvre, avait été adopté pour traiter cette difficulté. Il a institué un mécanisme d’acompte sur crédits d’impôt.

Cet acompte est toutefois limité à deux crédits d’impôts : le crédit d’impôt pour l’emploi de salariés à domicile et le crédit d’impôt au titre des frais de garde pour jeunes enfants. Il doit être versé avant 1er mars au taux de 30 % et uniquement lorsqu’il est égal ou supérieur à 100 euros.

L’article 3 du présent projet de loi de finances aménage considérablement ce dispositif :

– son champ d’application est élargi à sept autres crédits ou réductions d’impôt : crédit d’impôt accordé au titre des cotisations versées aux organisations syndicales, réduction d’impôt accordée au titre des dons faits par les particuliers, réduction d’impôt au titre des frais d’hébergement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), réduction d’impôt au titre de certains investissements réalisés outre-mer, réduction d’impôt « Censi-Bouvard », réduction d’impôt « Scellier », et réduction d’impôt « Pinel » ;

– son taux est doublé, l’acompte devant être de 60 % au lieu de 30 % ;

– le montant minimal de déclenchement du versement de l’acompte est abaissé à 8 euros au lieu de 100 euros.

Cette réforme n’a pas d’incidence budgétaire. L’acompte devra faire l’objet d’une régularisation lors du calcul du solde de l’impôt dû.

Toutefois, il s’agit d’une importante mesure de trésorerie en faveur des ménages qui devrait avoir un effet macroéconomique positif sur le premier trimestre 2019. En effet, 9 millions de foyers fiscaux vont percevoir à partir du 15 janvier plus de 5 milliards d’euros d’acompte – avec le risque qu’une fraction non négligeable de ces foyers fiscaux soit contrainte en fin d’année de procéder à une régularisation.

C.   LE REPORT DUN AN POUR LES PARTICULIERS EMPLOYEURS

Les 3,6 millions de particuliers employeurs – comme les autres employeurs – seront des collecteurs de la retenue à la source sur les salaires versés à leurs employés. Toutefois, ces derniers pourront déléguer à PAJEMPLOI et au centre national CESU le soin d’opérer en leur lieu et place la retenue à source. Le CESU et PAJEMPLOI mettront en place à compter de 2019 une plateforme pour simplifier la gestion du prélèvement à la source, et permettre le paiement concomitant de cette retenue à la source et des cotisations et contributions de sécurité sociale (dispositif dit du « tout-en-un »).

En attendant la mise en place de cette plateforme, l’article 3 reporte d’un an le PAS pour les particuliers employeurs.

Ceci a des conséquences pour leurs salariés. Ils continueront de percevoir leur rémunération nette sans la retenue à la source. Mais, ils verseront en 2019 un acompte, calculé sur la base des salaires perçus au titre de 2018, qui sera étalé par quart sur les quatre derniers mois de l’année, de septembre à décembre 2019. L’éventuel solde de l’impôt dû au titre de l’année 2019 sera payé en 2020. Si le solde est supérieur à 300 euros et représente plus de la moitié de l’impôt dû, son paiement sera automatiquement étalé de septembre 2020 à décembre 2021. À défaut, le solde sera immédiatement dû sauf si le contribuable sollicite l’étalement.

D.   LÉLARGISSEMENT DE LÉCHELONNEMENT INFRA-ANNUEL DE LACOMPTE CONTEMPORAIN

Certains revenus ne sont pas soumis à la retenue à la source faute d’un tiers payeur ou, s’agissant des revenus fonciers, des pensions alimentaires et des revenus de source étrangère mentionnés ci-dessus, du fait de la complexité qu’induirait un tel mécanisme

Toutefois, ces revenus feront l’objet d’un « acompte contemporain », prélevé mensuellement ou trimestriellement sur le compte bancaire du contribuable.

Les travailleurs indépendants (titulaires de revenus relevant des catégories des bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux ou bénéfices agricoles) bénéficieront d’une faculté d’échelonnement infra-annuel de manière à faire face aux variations de trésorerie de leur activité. Ce mécanisme consiste à pouvoir reporter trois échéances sur l’échéance suivante (dans l’hypothèse d’un versement mensuel) ou une échéance sur la suivante (en cas d’option pour le versement trimestriel).

L’article 3 étend cette faculté aux titulaires de certains revenus soumis à l’acompte contemporain. Cette extension concernera :

– les droits d’auteurs intégralement déclarés par des tiers, qui sont imposés selon les règles applicables aux traitements et salaires ;

– les honoraires versés par une entreprise à des fonctionnaires civils dans le cadre d’une convention de concours scientifique ;

– et les commissions perçues par les agents généraux d’assurances.

III.   LE VOLET FISCAL RELATIF AU LIVRE BLEU DES OUTRE-MER

Le Livre bleu des outre-mer a été remis le 28 juin dernier au président de la République. Il constitue la synthèse de huit mois de travaux. Au total, 25 000 personnes y ont participé à travers 5 000 ateliers organisés dans les outre-mer et via des consultations internet. Plus de mille projets ont été proposés dans le cadre des ateliers locaux.

Sur le plan fiscal, le livre bleu définit diverses actions obéissant à trois principes : la simplification, un meilleur ciblage et un maintien de l’effort financier.

Les articles 4, 5, 6 et 55 mettent en œuvre une partie du volet fiscal du Livre bleu des outre-mer.

A.   LA REMISE EN CAUSE DAVANTAGES FISCAUX INEFFICIENTS

L’article 4 abaisse le plafond de la réduction d’impôt pour domiciliation ultra-marine. L’article 5 supprime le mécanisme de subventionnement que constitue le mécanisme de TVA non perçue récupérable.

Ces deux mesures représentent un gain budgétaire de 170 millions d’euros qui sont redéployés en crédits budgétaires dans la mission Outre-mer.

1.   L’abaissement du plafond de la réduction d’impôt pour domiciliation en outre-mer

Aujourd’hui, les contribuables bénéficient d’une réduction d’impôt de :

– 30 % dans la limite de 5 100 euros lorsqu’ils sont domiciliés dans les départements de Guadeloupe, Martinique, et La Réunion ;

– et de 40 % dans la limite de 6 700 euros lorsqu’ils sont domiciliés en Guyane et à Mayotte.

En 2017, cette réduction d’impôt a bénéficié à 449 304 ménages pour un coût global de 402 millions d’euros. Par définition, seuls les ménages imposables bénéficient de cette aide fiscale. Elle est de fait concentrée sur les ménages les plus aisés.

L’article 4 abaisse les limites de la réduction d’impôt :

– à 2 450 euros au lieu de 5 100 euros pour les contribuables domiciliés dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion ;

– et à 4 050 euros, au lieu de 6 700 euros, pour les contribuables domiciliés dans les départements de la Guyane et de Mayotte.

50 000 foyers fiscaux seraient touchés par cet abaissement du plafond de la réduction d’impôt. En année pleine, la mesure rapportera 70 millions d’euros.

L’article 4 procède également, en conséquence, à un ajustement des grilles du taux par défaut du PAS applicable en outre-mer.

2.   La suppression de la TVA non perçue récupérable

Le mécanisme de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR) est un dispositif de subventionnement des entreprises qui s’applique en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion.

Il permet aux assujettis à la TVA de majorer leur droit à déduction du montant de la taxe calculée fictivement sur la valeur des biens d’investissement neufs, acquis ou importés en exonération de la TVA. Autrement dit, il permet de déduire une TVA non payée lorsque l’assujetti à la TVA procède à un investissement.

Sa suppression est proposée dans le Livre bleu des outre-mer au motif qu’il s’agit d’une « dépense fiscale peu traçable, mal pilotée et dont les effets sur le développement économique sont illisibles ».

L’article 5 supprime en conséquence ce dispositif.

Les entreprises en bénéficiant verront, en conséquence, le coût de leurs dépenses d’investissement augmenter. Celui-ci devrait être compensé par la création d’un dispositif de crédits d’intervention, pour un montant global équivalent.

B.   LE RENFORCEMENT ET LA PROLONGATION DES AIDES FISCALES POUR LOUTRE-MER

1.   La création des zones franches d’activité nouvelle génération (ZFANG)

Cinq dispositifs d’exonérations fiscales bénéficient aux entreprises implantées en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à Mayotte et à La Réunion. Il s’agit :

– des zones d’aide à finalité régionales (ZAFR) ;

– des zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU-TE) et des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ;

– des zones franches d’activité outre-mer (ZFA-OM) ;

– et des zones de revitalisation rurale (ZRR).

L’article 6 simplifie et renforce les aides fiscales zonées en outre-mer, afin de les rendre plus puissantes et plus lisibles.

Il transforme les zones franches d’activité en outre-mer (ZFA-OM) en zones franches d’activité nouvelle génération (ZFANG) ce qui se traduit par :

– un relèvement du taux des abattements fiscaux et la pérennisation de ceux-ci ;

Comparaison des taux actuels avec les taux proposés

Taux

IS ou IR

Taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB)

Cotisation foncière des entreprises-cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises
(CFE-CVAE)

Droit existant

Droit proposé

Droit existant

Droit proposé

Droit existant

Droit proposé

Taux normal

35 %

50 %

40 %

50 %

70 %

80 %

Taux majoré

60 %

80 %

70 %

80 %

90 %

100 %

– un assouplissement des conditions pour bénéficier des abattements ; les exploitations relevant du régime micro-BA (bénéfices agricoles) et les entreprises en difficulté y seront éligibles ;

– un recentrage du dispositif par l’exclusion de certaines activités et un ciblage plus fin des entreprises éligibles aux taux majorés d’abattements, avec un retrait du champ d’application des secteurs de la comptabilité, du conseil aux entreprises, de l’ingénierie et des études à destination des entreprises ;

– une limitation du taux majoré aux entreprises situées en Guyane et à Mayotte et aux entreprises situées dans les autres départements et régions d’outre-mer qui exercent leur activité dans les secteurs considérés comme prioritaires.

L’article supprime en conséquence l’application à ces territoires des régimes relevant des zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU-TE) et des zones de revitalisation rurale (ZRR).

Le coût estimé du dispositif est de 124 millions par an pour l’État en rythme de croisière.

2.   La prorogation des aides fiscales

L’article 55 proroge les différents dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement outre-mer jusqu’en 2025. Cela représente un maintien de l’effort budgétaire à hauteur de 375 millions d’euros et garantit une meilleure visibilité aux investissements outre-mer.

Par ailleurs, l’article 55 instaure un meilleur encadrement de ces dispositifs afin de lutter contre les abus. Il augmente à quinze ans le délai minimal d’exploitation des hôtels, résidences de tourisme et villages de vacances pour bénéficier de l’aide fiscale. Il renforce les obligations d’inscription et de déclaration des intermédiaires en défiscalisation et revoit le régime de sanctions pénales.

IV.   LA POURSUITE DU « VERDISSEMENT » DE LA FISCALITÉ

Dans la continuité de la précédente loi de finances qui avait amplifié la trajectoire carbone, le présent projet de loi de finances comporte un important volet fiscal dédié à la défense de l’environnement.

Outre la mesure de rendement de suppression du TICPE sur le GNR, il contient plusieurs mesures pour mettre en œuvre la feuille de route pour une économie 100 % circulaire ainsi que plusieurs prorogations d’avantages fiscaux à finalité environnementale.

A.   LA MISE EN ŒUVRE DE LA FEUILLE DE ROUTE POUR UNE ÉCONOMIE 100 % CIRCULAIRE

Plusieurs mesures sont prévues par la feuille de route pour une économie 100 % circulaire (FREC) présentée le 23 avril 2018. Celle-ci fixe un objectif de réduire de moitié les déchets mis en décharge et de tendre vers 100 % de plastique recyclé d’ici 2025.

1.   L’institution par les collectivités locales de la part incitative de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) encouragée

La taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) permet de financer la collecte et le traitement des déchets ménagers. Elle peut comprendre une part incitative « assise sur la quantité et éventuellement la nature des déchets produits, exprimée en volume, en poids et en nombre denlèvements ». Il peut s’agir, par exemple, d’une facturation en fonction du nombre d’enlèvements des bacs à la collecte. Le but est d’inciter les usages à produire moins de déchets.

La part incitative s’ajoute à la part fixe de la TEOM et doit représenter entre 10 % et 45 % du produit total de la taxe. Seules une vingtaine de collectivités avaient mis en place une part incitative à la TEOM au 1er janvier 2018. Le faible recours à la part incitative s’explique notamment par le surcoût que représente les premières années sa mise en œuvre.

L’article 7 a pour objet de favoriser l’institution de la part incitative.

Il autorise, la première année, que le produit total de la TEOM puisse excéder, dans une limite de 10 %, le produit de la taxe de l’année précédente.

Il diminue de 8 % à 3 % les frais d’assiette, de recouvrement, de dégrèvements et de non-valeurs, tous les deux à la charge des contribuables, au titre des trois premières années au cours desquelles est mise en œuvre la part incitative. Selon l’exposé des motifs, cette diminution doit permettre aux collectivités d’augmenter temporairement les taux de la TEOM, afin d’absorber le surcoût « quoccasionne, à son démarrage, la mise en place de la part incitative, sans augmenter pour autant la pression fiscale ».

Par ailleurs, l’article 7 élargit la nature des dépenses pouvant être prises en compte pour le calcul de la TEOM.

Le coût pour l’État de ces mesures n’est pas chiffrable dans la mesure où il ne peut être anticipé le nombre de collectivités qui institueront la part incitative de TEOM.

2.   Le renforcement de la composante « déchets » de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)

La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) a été instituée pour limiter le développement des activités polluantes en intégrant les externalités négatives dans les coûts. Son rendement est prévu à 750 millions d’euros pour 2018.

La composante « déchets » de la TGAP (TGAP-d) est due par les exploitants des installations de stockage ou d’incinération des déchets. Elle est répercutée dans les contrats conclus avec les personnes dont ils réceptionnent les déchets. Le tarif de la taxe varie en fonction de la nature et des caractéristiques des installations, afin d’inciter les apporteurs de déchets à opter pour des installations moins polluantes. La taxe est assise sur le poids des déchets reçus ou transférés.

L’article 8 a pour objet de renforcer la composante « déchets » de la TGAP. Il renforce la trajectoire d’augmentation des tarifs de la taxe entre 2021 et 2025 afin d’assurer que le coût du recyclage soit inférieur à celui des autres modalités de traitement des déchets.

En cohérence, il supprime progressivement les tarifs réduits relatifs à certaines modalités de stockage ou d’incinération qui ne sont pas compatibles avec cet objectif. Il rationalise également le dispositif des exemptions et exonérations afin que ces dernières couvrent l’ensemble des déchets ne pouvant faire l’objet d’une valorisation (comme les déchets d’amiante ou certains déchets inertes), y compris en cas de transfert vers un autre État. Enfin, il introduit une nouvelle exonération au bénéfice de la production électrique à partir de déchets outre-mer.

Le gain budgétaire pour l’État est estimé par le Gouvernement à 136 millions pour 2021, avant d’augmenter progressivement jusqu’à 267 millions d’euros en 2025.

3.   La réduction à 5,5 % du taux de TVA sur certaines prestations de gestion des déchets

L’article 59 instaure, à compter du 1er janvier 2021, un taux réduit de TVA à 5,5 % pour les prestations de collecte séparée, de collecte en déchetterie, de tri et de valorisation matière des déchets ménagers et autres déchets assimilés. Ceci englobe l’ensemble des autres prestations de services qui concourent au bon déroulement de ces opérations, en particulier les actes de prévention des collectivités ainsi que, lorsqu’elles sont réalisées dans le cadre de l’achat de ces prestations, les acquisitions de sacs, de bio-seaux et de solutions techniques de compostage de proximité.

Cette mesure doit permettre de diminuer les coûts des collectivités locales qui développent la prévention et la valorisation des déchets dont elles ont la charge dans le cadre du service public de gestion des déchets.

B.   LE MAINTIEN DAVANTAGES FISCAUX POUR LENVIRONNEMENT

Deux articles maintiennent des avantages fiscaux existants présentant une finalité environnementale.

L’article 57 proroge d’une année le crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique qui devait arriver à échéance au 31 décembre 2018.

L’article 58 proroge pour trois années, soit jusqu’au 31 décembre 2021, le dispositif « éco-prêt à taux zéro » (éco-PTZ) qui permet l’octroi d’avances remboursables sans intérêt destinées au financement de travaux de rénovation. L’article modifie également le dispositif pour les offres émises à compter du 1er mars 2019.

C.   LACCENTUATION DU SOUTIEN AUX BIO-CARBURANTS

La consommation de certains carburants est frappée par le supplément de TGAP-b. Cet impôt comportemental au rendement très faible a pour but d’inciter à la croissance de la part d’énergie renouvelable, soit par incorporation directe dans les carburants conventionnels, soit par la commercialisation de carburants moins polluants.

L’article 60 renforce le supplément de taxe générale sur les activités polluantes relatif aux carburants (TGAP-b). Il procède également à un changement de dénomination de la taxe, qui s’appellera désormais « taxe incitative à lincorporation de biocarburants ».

V.   LA RATIONALISATION DE LA FISCALITÉ

Le présent projet de loi de finances rationalise le système fiscal français par la mise en œuvre d’un important programme de suppression de petites taxes et de dépenses fiscales inefficientes.

A.   LA SUPPRESSION OU LA FUSION DE PETITES TAXES

La suppression des taxes à faible rendement doit permettre d’améliorer la lisibilité et la bonne acceptation de la fiscalité, et de remédier aux complexités de gestion, tant pour les entreprises que pour les administrations collectrices.

À ce titre, l’article 9 est un des articles les plus emblématiques de ce projet de loi de finances.

Il supprime dix-sept taxes à faible rendement, entendues comme celles dont le rendement est inférieur à 150 millions d’euros.

Les taxes supprimées sont :

– la taxe sur l’édition des ouvrages de librairie ;

– la taxe sur les appareils de reproduction ;

– la taxe sur l’ajout de sucre à la vendange, dite « de chaptalisation » ;

– la taxe sur les bois et plants de vigne perçue au profit de FranceAgriMer ;

– la taxe sur exploitants agricoles producteurs de céréales ;

– la taxe portant sur les farines ;

– la taxe sur les produits de la pêche maritime au profit de FranceAgriMer ;

– la taxe affectée à la Chambre nationale de la batellerie artisanale (CNBA) ;

– la taxe hydraulique affectée à Voies navigables de France ;

– la contribution de sécurité de la propriété maritime ;

– le prélèvement sur les numéros surtaxés pour les jeux et concours radiodiffusés et télévisés ;

– le droit fixe dû par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne ;

– la taxe annuelle sur les résidences mobiles terrestres ;

– le droit d’immatriculation des opérateurs et agences de voyages ;

– la contribution aux poinçonnages et essai de métaux précieux ;

– la contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) applicable aux stations radioélectriques ;

– la taxe sur les contrats d’échange sur défaut d’un État ;

– et la taxe sur les entreprises de transport public routier de personnes qui assurent de services réguliers interurbains.

Ce programme de suppression de taxe doit alléger la fiscalité en régime de croisière de 131 millions d’euros par an.

Dans le même esprit, l’article 10 fusionne trois taxes qui frappent les messages publicitaires diffusés à la télévision et à la radio :

– la taxe sur la publicité télévisée ;

– la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision ;

– et la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision.

Il refond ces trois taxes en une imposition annuelle unique, assise sur le montant total annuel des sommes versées par les annonceurs pour la diffusion en France de leurs messages publicitaires, et calculée selon un barème progressif qui distingue services de télévision et services de radiodiffusion.

Cette mesure est neutre budgétairement.

B.   LA SUPPRESSION DE DÉPENSES FISCALES INEFFICIENTES

L’article 11 met un terme à plusieurs dépenses fiscales inefficientes :

– l’exonération de l’avantage en nature résultant pour le salarié de la remise gratuite par son employeur de matériels informatiques et de logiciels nécessaires à leur utilisation entièrement amortis ;

– la provision spécifique pour aides à l’installation consenties par les entreprises à leurs salariés sous forme de prêt ou de souscription au capital de l’entreprise créée ;

– l’exonération des plus-values de cession de titres de sociétés financières d’innovation (SFI) et parts de sociétés de recherche agréées ;

– et l’amortissement exceptionnel en faveur des entreprises qui souscrivent au capital de SFI.

Par ailleurs, il réduit le champ de la déduction de la part des excédents mis en réserves impartageables par les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC).

Enfin, il prévoit l’extinction des dispositifs relatifs à l’acquisition et à la construction de logements sociaux dans les départements d’outre-mer.

Le gain budgétaire pour l’État de la suppression de ces diverses dépenses fiscales n’a pas pu être chiffré avec précision par le Gouvernement.

VI.   LA MISE EN CONFORMITÉ DU DROIT FRANÇAIS SUR LE DROIT EUROPÉEN

Le présent projet de loi de finances comporte un important volet de mise en conformité avec le droit de l’Union européenne. Huit articles ont pour principal de transposer des normes européennes ou d’appliquer une jurisprudence européenne.

A.   LA MISE EN CONFORMITÉ CONCERNANT LIMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

1.   Le régime d’intégration fiscale

L’article 12 réforme le régime de l’intégration fiscale pour renforcer sa sécurité juridique au regard des nombreuses décisions de la Cour de justice de l’Union européenne ayant remis en cause certains avantages propres à ce régime.

Il modifie certaines rectifications réalisées pour la détermination du résultat d’ensemble du groupe fiscalement intégré :

– le champ des dividendes intragroupes éligibles au régime mère-fille et imposés à hauteur de 1 % est étendu à certaines situations assimilées à l’intégration fiscale ;

– l’exonération des dividendes intragroupes inéligibles au régime mère-fille est supprimée par la création d’une quote-part de 1 % ;

– la neutralisation des abandons de créance et des subventions intragroupes est supprimée ;

– la neutralisation de la quote-part imposable dans le cadre de la « niche Copé » est supprimée, le taux de cette quote-part étant en contrepartie abaissé de 12 % à 5 %.

Le dispositif proposé devrait entraîner un coût annuel pérenne estimé à 110 millions d’euros.

2.   La déductibilité des charges financières

L’article 13 réforme les règles d’encadrement de la déductibilité des charges financières en transposant l’article 4 de la directive du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, dite directive « ATAD » (pour « anti-avoidance tax directive ») ([64]).

Il plafonne la déductibilité des charges financières nettes au plus élevé de deux montants : 3 millions d’euros ou 30 % de l’EBITDA (résultat avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) ([65]). Une clause de sauvegarde permet aux entreprises dont le ratio de capitalisation n’est pas inférieur à celui de leur groupe de déduire en complément 75 % des charges non admises en déduction.

En conséquence, l’article abroge certains dispositifs jugés incompatibles ou redondants comme :

– l’encadrement de la déductibilité des intérêts pour les entreprises sous-capitalisées ;

– et l’encadrement de la déductibilité des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation.

3.   L’insertion d’une clause anti-abus en matière d’IS

L’article 48 transpose la clause anti-abus générale prévue à l’article 6 de la directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 (dite « ATAD ») précitée.

B.   LA MISE EN CONFORMITÉ EN MATIÈRE DE TVA

Trois articles procèdent à des transpositions de directive en matière de TVA.

L’article 20 révise le périmètre de l’exonération de la TVA dont bénéficient les associations pour les services à la personne conformément aux dispositions de la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA.

Actuellement, les associations dont la gestion est désintéressée et qui rendent des services à la personne sont systématiquement exonérées de TVA lorsqu’elles disposent d’un agrément, quelle que soit la situation du bénéficiaire de ces services. Or, l’article 132 de la directive TVA permet de n’exonérer que les services étroitement liés à l’aide et à la sécurité sociale.

Le nouveau dispositif recentre le périmètre de l’exonération des services à la personne aux seules prestations rendues à certaines catégories de bénéficiaires par des associations qui doivent pour cela obligatoirement obtenir une autorisation ou un agrément. Ainsi, resteront éligibles à l’exonération de TVA les prestations visant à apporter une aide destinée à combler les besoins d’un public en situation de fragilité ou de dépendance, tels les enfants de moins de trois ans, les mineurs et les majeurs de moins de vingt et un ans relevant du service de l’aide sociale à l’enfance, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les personnes atteintes d’une pathologie chronique et les familles fragiles économiquement.

L’article 21 transpose les dispositions de la directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 ([66]) applicables au 1er janvier 2019.

Il simplifie les règles de territorialité et de facturation de la TVA en matière de prestations de télécommunications, des services de radiodiffusion et de télévision ainsi que des services fournis par voie électronique au profit de personnes non assujetties à la TVA.

Ces prestations seront désormais taxables dans le pays d’établissement du prestataire lorsqu’elles sont inférieures à un seuil annuel de 10 000 euros.

L’article 22 transpose la directive (UE) 2016/1065 du Conseil du 27 juin 2016 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne le traitement des bons.

C.   LÉLIMINATION DES DOUBLES IMPOSITIONS

L’article 54 transpose la directive (UE) 2017/1852 du Conseil du 10 octobre 2017 concernant les mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l’Union européenne.

Celle-ci vise à résoudre les situations de double imposition qui peuvent découler, pour les entreprises et les particuliers, de l’application par les États membres des conventions fiscales existantes. À cette fin, elle prévoit l’instauration d’une procédure amiable et, lorsque les discussions entre administrations fiscales s’avèrent infructueuses, la mise en place d’une commission consultative en vue de rendre un arbitrage entre les États membres concernés.

VII.   LA LUTTE CONTRE LÉVASION FISCALE

A.   LA RÉFORME DU RÉGIME DIMPOSITION DES PRODUITS DE CESSION OU DE CONCESSION DES BREVETS

Les revenus tirés de certains actifs incorporels, dont les brevets, bénéficient du régime fiscal des plus-values à long terme, qui se traduit par une imposition à un taux réduit :

– 12,8 % dans le cadre de l’impôt sur le revenu, à la place du barème progressif ;

– 15 % dans le cadre l’impôt sur les sociétés, à la place du taux normal.

L’article 14 met ce régime préférentiel d’imposition en conformité avec les lignes directrices de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Union européenne.

Seuls les profits tirés d’innovations protégées par le droit d’auteur et ayant été conçues et développées en France pourront bénéficier du régime d’imposition à 15 %. Il sera étendu aux recettes tirées de logiciels originaux protégés.

En revanche, les inventions brevetables non brevetées ne seront plus éligibles.

Par ailleurs, l’article 14 consacre en droit français l’approche « nexus », qui lie le bénéfice d’un avantage fiscal lié à un actif incorporel aux dépenses effectivement engagées pour le développement de l’actif par l’entreprise qui le perçoit.

Enfin, le nouveau régime, à la différence de l’actuel, sera optionnel.

B.   LA RÉFORME DE L« EXIT TAX »

L’exit tax est un dispositif en vertu duquel le transfert de domicile fiscal hors de France entraîne, sous certaines conditions, l’imposition immédiate à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes sur les titres et valeurs mobilières.

Le contribuable peut bénéficier d’un sursis de paiement. Celui-ci est de droit lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE). En revanche, il est optionnel et soumis à la constitution de garanties lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal dans un autre État.

L’impôt mis en sursis n’est plus dû à l’expiration d’un délai de conservation des titres de quinze ans suivant le transfert du domicile fiscal, lorsque les titres demeurent dans le patrimoine du contribuable au terme de ce délai.

L’article 51 remplace le dispositif actuel d’exit tax par un nouveau dispositif anti-abus, nettement moins contraignant.

Celui-ci serait en effet limité aux seules personnes qui, ayant quitté le territoire français, cèdent leurs titres moins de deux ans après leur départ.

Par ailleurs, le sursis de paiement de l’impôt serait désormais accordé de plein droit, sans constitution de garanties, non plus seulement en cas de départ vers un État membre de l’Union européenne ou certains États parties à l’accord sur l’EEE, mais aussi vers tout autre État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement.

VIII.   LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ AGRICOLE

A.   LINSTAURATION DUNE DÉDUCTION POUR ÉPARGNE DE PRÉCAUTION EN REMPLACEMENT DE LA DPA ET DE LA DPI

Actuellement, les dispositifs fiscaux agricoles pour faire face aux aléas et développer l’investissement des exploitations se déclinent essentiellement en deux volets : la déduction pour aléas (DPA) et la déduction pour investissement (DPI).

La DPA consiste pour un exploitant à déduire de son bénéfice un montant qui sera ensuite rapporté au résultat d’un exercice ultérieur en cas de survenance d’un aléa.

La DPI permet à un exploitant de pratiquer une déduction devant être utilisée au cours des cinq exercices qui suivent celui au titre duquel elle est réalisée, pour procéder à un investissement.

Toutefois, ces deux dispositifs sont soumis à des conditions très restrictives qui ont rendu, en pratique, difficiles leur utilisation effective.

L’article 18 supprime la DPA et la DPI pour les remplacer par une déduction pour épargne de précaution (DEP).

La DEP permettra à un exploitant agricole de déduire de son bénéfice des sommes qui pourront être utilisées au titre de l’activité professionnelle au cours des dix années suivantes.

Pour en bénéficier, l’exploitant devra inscrire sur un compte dédié une somme comprise entre 50 % et 100 % de la déduction pratiquée. Cette condition d’épargne monétaire pourra être partiellement satisfaite à concurrence des coûts d’acquisition ou de production de certains stocks.

Les hypothèses d’utilisation de la DEP seront ainsi extrêmement assouplies par rapport à celles de la DPA et de la DPI, en laissant l’exploitant responsable de l’opportunité de son utilisation.

Les déductions seront plafonnées selon un barème progressif en fonction du bénéfice, allant de 27 000 euros à 41 400 euros (contre 27 000 euros au titre du plafond commun actuel pour la DPA et la DPI).

Le coût du dispositif est estimé en rythme de croisière à 26 millions d’euros par an.

B.   LE PLAFONNEMENT DE LABATTEMENT SUR LES BÉNÉFICES EN FAVEUR DES JEUNES AGRICULTEURS

Les jeunes agriculteurs bénéficient d’un abattement de 50 % sur le bénéfice imposable réalisé au cours des cinq premières années d’activité. Toutefois, une partie des bénéficiaires de cette aide dispose de revenus élevés, alors que l’objectif premier de la mesure fiscale était de favoriser l’aide à l’installation des exploitants aux revenus les plus modestes.

L’article 53 met en place un abattement dégressif en fonction du bénéfice agricole réalisé. Il maintient l’intégralité de l’abattement pour la fraction du bénéfice qui n’excède pas 29 276 euros. Au-delà, et dans la limite de 58 552 euros, le taux de l’abattement serait ramené à 30 %.

IX.   LA MISE EN ŒUVRE DU VOLET FISCAL DU PROJET DE LOI « PACTE »

Le présent projet de loi de finances comporte trois mesures de mise en œuvre du volet fiscal du projet de loi « Pacte ».

A.   L’AMÉNAGEMENT DES « PACTES DUTREIL »

Le « pacte Dutreil » est un régime de faveur permettant une exonération à hauteur de 75 % de l’assiette des droits de donation ou de succession portant sur la transmission d’une entreprise, sous réserve du respect d’un engagement de conservation.

L’article 16 procède à une rénovation du dispositif.

En premier lieu, il sera mis fin aux charges déclaratives annuelles pesant sur les parties au pacte. Elles seront remplacées par une obligation de transmission des informations sur demande de l’administration.

En deuxième lieu, pour les engagements qui concernent des héritiers ou des donataires, une cession ou une donation à un autre associé n’entraînera qu’une remise en cause partielle de l’exonération, limitée aux titres cédés.

En troisième lieu, les conditions dans lesquelles l’exonération n’est pas remise en cause en cas d’apport de titres à une société holding seront assouplies.

B.   L'ADAPTATION DU CRÉDIT DIMPÔT POUR LE RACHAT DES ENTREPRISES PAR LEURS SALARIÉS

Le crédit d’impôt pour le rachat du capital d’une société par ses salariés permet aux sociétés constituées exclusivement pour le rachat de tout ou partie du capital d’une société de bénéficier d’un crédit d’impôt sur les sociétés. Il est subordonné à la condition que les droits de vote attachés aux actions ou aux parts de la société nouvelle soient détenus par au moins quinze personnes qui, à la date du rachat, étaient salariées de la société rachetée ou par au moins 30 % des salariés de cette société si l’effectif n’excède pas cinquante salariés à cette date.

La condition relative à un nombre de salariés minimum participant à la reprise est en pratique difficile à respecter. Ainsi, seules 63 entreprises ont bénéficié de ce crédit d’impôt en 2016 pour un coût global d’un million d’euros.

L’article 49 supprime le seuil de salariés minimum pour recourir au crédit d’impôt.

En complément, un dispositif anti-abus est mis en place qui prévoit d’instaurer une exigence minimale de présence du ou des salariés dans l’entreprise. Seuls seront pris en compte pour le calcul du montant du crédit d’impôt les droits de vote attachés aux actions ou aux parts de la société nouvelle détenus par une ou plusieurs personnes qui, à la date du rachat, étaient salariées de la société rachetée depuis au moins deux ans.

C.   UN ÉLARGISSEMENT DU DISPOSITIF DU CRÉDIT-VENDEUR

Le crédit-vendeur permet au repreneur d’une entreprise de payer au cédant tout ou partie du prix de vente sur plusieurs années.

Ce mécanisme est encouragé fiscalement pour les entreprises individuelles de moins de dix salariés. Il est, en effet, prévu un mécanisme d’étalement du paiement de l’impôt et des prélèvements sociaux sur la plus-value réalisée par le vendeur, au fur et à mesure des paiements du repreneur.

L’article 50 élargit l’éligibilité à ce dispositif aux cessions d’entreprises individuelles ou de sociétés ayant moins de cinquante salariés et un total de bilan ou un chiffre d’affaires n’excédant pas 10 millions d’euros.

X.   LA MODERNISATION DES MODALITÉS DE DÉCLARATION, DE PAIEMENT ET DE RECOUVREMENT DE LIMPÔT

Trois articles contribuent à moderniser les modalités de déclaration, de paiement et de recouvrement de l’impôt. Il s’agit de mesures décidées dans le cadre du plan Action publique 2022 ou dans celui de transformation du ministère de l’action et des comptes publics.

L’article 61 complète la liste des impôts dont les formulaires déclaratifs doivent être obligatoirement télétransmis pour y intégrer les déclarations de taxe sur les salaires.

L’article 62 organise le transfert du recouvrement des diverses contributions sur les boissons non alcooliques des services de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) vers les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

L’article 63 permet de confier à un ou plusieurs prestataires l’encaissement et le décaissement en numéraire ainsi que l’encaissement par carte bancaire des recettes et dépenses publiques. Des exceptions sont cependant prévues lorsque le maniement des espèces par une autre personne que le comptable public est impossible ou inadapté, notamment parce qu’il se heurte à des règles du droit européen ou à des motifs d’ordre public.

Cette mesure devrait permettre à l’administration des finances publiques de ne plus manier d’espèces à un horizon de deux à trois ans.

XI.   LES AUTRES MESURES

Deux autres mesures de ce projet de loi de finances ne se rattachent à aucun des volets précédemment décrits.

A.   LA RÉVOCABILITÉ DE LOPTION POUR LIS

Certaines entreprises relevant du régime des sociétés de personnes peuvent opter pour le régime des sociétés de capitaux et donc leur assujettissement à l’IS. Cette option présente actuellement un caractère irrévocable.

L’article 17 instaure une possibilité de révocation de l’option pour l’IS dans un délai de cinq ans. Le dispositif pourra également bénéficier aux entreprises qui ont déjà opté pour l’IS il y a cinq ans au maximum.

B.   LAMÉNAGEMENT DES RÈGLES DÉVALUATION DE LA VALEUR LOCATIVE DES LOCAUX INDUSTRIELS

L’article 56 traite le sujet de la qualification des locaux industriels et d’évaluation de leurs valeurs locatives qui servent à l’établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la cotisation foncière des entreprises.

Il légalise la définition des établissements industriels au sens foncier dégagée par la jurisprudence du Conseil d’État.

En outre, à compter de 2020, il exclut de cette catégorie les bâtiments et terrains qui disposent d’installations techniques, matériels et outillages présents dans le local d’une valeur inférieure à 300 000 euros, appréciée sur trois années, et ce quelle que soit la nature de l’activité exercée. Le local sera alors qualifié de local professionnel.

Par ailleurs, dès 2019, lorsque la valeur locative d’un local industriel ou professionnel évolue de plus de 30 % consécutivement à un changement d’affectation ou à un changement de méthode d’évaluation, le montant de cette variation sera pris en compte progressivement, sur une période de trois ans, à hauteur de 25 % la première année, 50 % la deuxième année et 75 % la troisième année.

Selon l’exposé des motifs, cette mesure permettra d’accompagner les entreprises qui poursuivent leur développement économique en lissant dans le temps les effets résultant, en matière de fiscalité directe locale, de la hausse de la valeur locative. Elle permettra également, en cas de baisse des valeurs locatives, de lisser dans le temps la baisse des ressources des collectivités territoriales.

 


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   FICHE N° 9 :
LES RECETTES DE LÉTAT

Résumé de la fiche

Les recettes nettes du budget général de l’État sont prévues à 291,4 milliards d’euros en 2019. Elles sont composées essentiellement par des recettes fiscales nettes qui sont estimées pour le budget général de l’État à 278,9 milliards pour 2019, en baisse de 14 milliards d’euros par rapport à 2018.

Cette baisse s’explique par l’importance des mesures de transfert qui auront lieu en 2019. En effet, la part de TVA revenant à l’État devrait baisser de 26,7 milliards d’euros pour compenser à la sécurité sociale, notamment, les allégements de cotisations sociales décidées en remplacement du CICE. À partir de 2020, la hausse de l’impôt sur les sociétés permise par la suppression du CICE devrait neutraliser la baisse de la TVA affectée à l’État.

Par ailleurs, les recettes d’impôt sur le revenu diminueraient de 2,6 milliards d’euros en grande partie à cause du décalage d’un mois des recettes du prélèvement à la source qui sera mis en œuvre à compter du 1er janvier 2019. En effet, les prélèvements opérés à la source sur les salaires du mois de décembre 2019 ne seront reversés à l’État par les employeurs qu’en janvier 2020.

Inversement, en dépit de la baisse de son taux, le rendement de l’impôt sur les sociétés augmentera de 5,8 milliards d’euros en 2019 sous l’effet de son évolution spontanée, de l’augmentation du bénéfice imposable résultant de la baisse des cotisations sociales en remplacement CICE, ou encore de la réforme du cinquième acompte.

De même, la part du produit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) revenant à l’État progressera de 3,7 milliards d’euros, sous l’effet de la poursuite de la mise en œuvre de la trajectoire carbone et de la suppression du taux réduit sur certains usages non routiers du gazole.

Enfin, les dépenses fiscales pour 2019 sont estimées à 98,2 milliards d’euros en baisse de 2 milliards d’euros.

Les recettes nettes du budget général de l’État sont prévues à 291,4 milliards d’euros en 2019 au lieu de 306,3 milliards d’euros en 2018 et 309,5 milliards d’euros en 2017.

Recettes nettes du budget gÉNÉral de l’État 2017-2019

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général de lÉtat

Exécution

2017

Prévision révisée

2018

Prévision

2019

Total

309,5

306,3

291,4

impôt sur le revenu (IR)

73,0

73,1

70,5

impôt sur les sociétés (IS)

35,7

25,7

31,5

taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

152,4

157,0

130,3

taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

11,1

13,3

17,0

autres recettes fiscales

23,4

23,8

29,6

sous-total recettes fiscales nettes

295,6

292,9

278,9

recettes non fiscales

13,8

13,4

12,5

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

Après prise en compte des prélèvements sur recettes – qui sont en réalité des dépenses au sens de la comptabilité nationale – il est prévu que les recettes nettes hors fonds de concours du budget général s’établissent à 229,4 milliards d’euros en 2019 au lieu de 245,4 milliards d’euros en 2018.

Recettes nettes du budget gÉNÉral de l’État 2017-2019

(en milliards d’euros)

Recettes

Exécution

2017

Prévision révisée

2018

Prévision

2019

Recettes nettes du budget général de l’État (1)

309,5

306,3

291,4

Prélèvements sur recettes (2)

60,2

60,9

62,0

Recettes nettes de lÉtat hors fonds de concours (1  2)

249,3

245,4

229,4

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

Cette présentation – que l’on retrouve dans plusieurs documents de communication du Gouvernement ou encore dans l’exposé des motifs du présent projet de loi de finances – comporte plusieurs défauts qui nuisent à la compréhension des recettes de l’État.

Elle élude les recettes fiscales des budgets annexes et des comptes spéciaux et elle minore la catégorie « autres recettes fiscales » des dégrèvements et remboursements d’impôts locaux.

Les développements qui suivent sur les recettes fiscales retiendront donc, parallèlement à la présentation habituelle, une autre présentation plus conforme à la réalité économique et budgétaire des impositions affectées à l’État (I).

Les principales données budgétaires relatives aux recettes non fiscales (II), aux prélèvements sur recettes (III) et aux dépenses fiscales (IV) seront ensuite présentées successivement.

I.   LES RECETTES FISCALES

L’analyse des recettes fiscales de l’État suppose au préalable d’indiquer les clés de passage des recettes fiscales brutes aux recettes fiscales nettes (A). Les recettes fiscales nettes sont ensuite présentées de façon générale (B) puis par principaux impôts (C).

A.   PASSAGE DES RECETTES FISCALES BRUTES AUX RECETTES FISCALES NETTES

Les recettes sont dites « nettes » car elles sont présentées après déduction des remboursements et dégrèvements afférents aux différents impôts affectés au budget de l’État. Ces remboursements et dégrèvements font l’objet d’une mission spécifique du budget général ([67]).

Remboursements et dégrèvements

En 2019, le montant des recettes fiscales brutes du budget général est prévu à 414,6 milliards d’euros. Les remboursements et dégrèvements devraient s’élever à 135,7 milliards deuros, si bien que les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à 278,9 milliards d’euros.

L’État procède à des remboursements et dégrèvements d’impôts pour diverses raisons : les régularisations de trop-versé lorsqu’un contribuable a payé plus d’acomptes que l’impôt réellement dû ; le droit à déduction de la TVA qui place certaines entreprises en situation créditrice vis-à-vis de l’État lorsque le montant de la TVA collectée est inférieur au montant de la TVA déductible ; les crédits d’impôt lorsque ceux-ci dépassent le montant de l’impôt dû ; ou encore les corrections d’erreurs à la suite d’une réclamation ou d’un contentieux.

Les remboursements et dégrèvements se décomposent ainsi en 2019 :

– 70,29 milliards au titre de la mécanique de certains impôts, dont 53,52 milliards d’euros au titre des crédits de TVA et 16,47 milliards d’euros de remboursements d’excédents d’impôt sur les sociétés ;

– 33,18 milliards d’euros au titre de soutien à des politiques publiques via des remboursements ou des crédits d’impôt qui excédent l’impôt dû ;

– 12,36 milliards d’euros au titre de la gestion des impôts (corrections d’erreurs, décisions de justice, remboursements par application des conventions fiscales internationales) ;

– et 19,86 milliards d’euros de remboursements et dégrèvements d’impôts locaux dont 11,45 milliards d’euros au titre de la taxe d’habitation au lieu de 7,03 milliards d’euros prévus pour 2018, la hausse s’expliquant par la deuxième étape de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages.

Les recettes fiscales nettes du seul budget général ne rendent pas compte du montant total des recettes fiscales nettes affectées à l’État.

Certes, le montant de 278,9 milliards d’euros est celui qui figure dans le tableau d’équilibre des ressources et des dépenses et à l’article 38 du présent projet de loi de finances. Mais, sur un plan économique, cette présentation budgétaire est incomplète, le montant des recettes fiscales nettes perçues par l’État étant en réalité plus important.

Deux raisons expliquent cette différence entre la présentation retenue par les documents budgétaires et la réalité économique.

En premier lieu, la présentation budgétaire habituelle déduit du montant brut des recettes fiscales de l’État les dégrèvements et remboursements des impôts locaux. La Cour des comptes a critiqué cette présentation et recommandé que les remboursements et dégrèvements dimpôts locaux ne soient plus déduits des recettes fiscales brutes de lÉtat ([68]). En effet, ceux-ci nont rien à voir avec la mécanique des impôts dÉtat : il nest donc pas logique de les soustraire du rendement brut des impôts dÉtat. Selon la Cour des comptes, les dégrèvements et remboursements des impôts locaux devraient figurer en dépenses.

Cette observation de la Cour des comptes est d’autant plus pertinente que les dégrèvements des impôts locaux ont eu tendance à croître ces dernières années sous l’effet de plusieurs réformes. Cette tendance se poursuit avec la montée en puissance du dégrèvement sur la taxe d’habitation sur les résidences principales résultant de sa suppression par étape pour 80 % des ménages.

En 2019, les remboursements et dégrèvements dimpôts locaux pris en charge par lÉtat sont prévus à 19,9 milliards deuros au lieu de 15,2 milliards deuros en 2018. En réintégrant ce montant aux recettes de lÉtat, la ligne « autres recettes fiscales nettes » ressortirait à 49,5 milliards deuros au lieu de 29,6 milliards deuros.

En second lieu, cette présentation budgétaire ne tient pas compte des recettes fiscales affectées en tout ou partie à différents budgets annexes et comptes spéciaux de l’État. Cette fraction de la fiscalité est donc souvent omise dans l’analyse politique et économique des comptes de l’État. Cette omission se justifie moins aujourd’hui compte tenu de l’importance que prennent certains de ces impôts, en particulier la fiscalité écologique affectée au compte d’affectation spéciale (CAS) Transition énergétique.

Pour 2019, le rendement de la fiscalité affectée aux budgets annexes et comptes spéciaux de la comptabilité budgétaire de l’État est prévu à 10,8 milliards d’euros, ce qui n’est pas négligeable, dont 7,2 milliards d’euros au titre d’une fraction de TICPE affectée au CAS Transition énergétique.

Impôts affectés à des budgets annexes et comptes spéciaux de l’état

(en millions d’euros)

Budget annexe (BA)

Compte daffectation spéciale (CAS)

Impôt affecté

Rendement 2019

BA

Contrôle et exploitation aériens

Taxe de l’aviation civile

442,7

Taxe de solidarité

0

CAS

Aides à lacquisition de véhicules propres

Produit de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules

570,0

CAS

Développement agricole et rural

Taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles

136,0

CAS

Financement des aides aux collectivités pour lélectrification rurale

Contribution des gestionnaires de réseaux publics de distribution

377,0

CAS

Financement national du développement et de la modernisation de lapprentissage

Fraction du quota de la taxe d’apprentissage

1 709,7

CAS

Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Contribution de solidarité territoriale

16,0

Taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires

226,0

Fraction de la taxe d’aménagement du territoire

117,2

CAS

Transition énergétique

Fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

7 246,4

Fraction de la taxe intérieure sur les houilles, les lignites et les cokes

1,0

Total

10 842

Source : données extraites des rapports annuels de performances.

Au total, si l’on réintègre les recettes affectées aux budgets annexes et comptes spéciaux (10,8 milliards d’euros) ainsi que les dégrèvements et remboursements d’impôts locaux (19,9 milliards d’euros), le montant réel des recettes fiscales nettes de l’État ne serait donc pas de 278,9 milliards d’euros mais de 309,6 milliards deuros.

Le montant consolidé des recettes fiscales affectées à lÉtat ne figure pourtant dans aucun document budgétaire. Il serait possible daméliorer linformation du Parlement en lindiquant plus explicitement. De même, les droits de succession et de donation – qui constituent par ordre d’importance le cinquième impôt de l’État et dont le produit avoisine cette année celui de la TICPE affectée au budget général – mériteraient d’être mentionnés dans les tableaux de synthèse produits par le Gouvernement compte tenu du dynamisme important de leur rendement.

Il en va de même la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) – sixième impôt de l’État par l’importance budgétaire – dont la prévision n’était jusqu’à l’année dernière indiquée dans aucun document budgétaire, cet impôt étant globalisé avec les autres taxes intérieures de consommation (TIC). Le Rapporteur général constate que, suite à son observation formulée lan dernier, la prévision de la TICFE est désormais explicitement mentionnée dans les annexes au projet de loi de finances.

Enfin, il serait également opportun de faire figurer dorénavant dans le tableau de synthèse les prélèvements sociaux qui sont – à compter de 2019 – transférés au budget de l’État.

Le tableau qui suit reflète une image plus fidèle des recettes fiscales nettes de l’État.

Recettes fiscales nettes de l’État pour 2019

(en milliards d’euros)

Impôt

Montant

Taxe sur la valeur ajoutée (part État)

130,3

Impôt sur le revenu (IR)

70,5

Impôt sur les sociétés (IS)

31,5

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) (part État y compris CAS Transition énergétique)

24,2

Droits de mutation à titre gratuit entre vifs et par décès (droits de succession et donation)

14,3

Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité

7,9

Prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement

7,4

Autres recettes fiscales

23,5

Total

309,6

Source : commission des finances.

La présentation budgétaire habituelle est retenue dans l’analyse qui suit pour plus de clarté et surtout pour permettre la comparaison des données avec ceux des documents budgétaires du Gouvernement. Ponctuellement, et de manière explicite, cette présentation sera replacée dans le contexte économique du montant réel des recettes fiscales nettes de l’État.

Poids des impôts d’État dans l’ensemble de la fiscalité et des prélèvements obligatoires : plus de la moitié de la fiscalité globale
et près d’un tiers des prélèvements obligatoires

Les dernières données d’exécution disponibles portent sur l’exercice 2017.

En 2017, les impôts, toutes administrations publiques confondues, ont représenté 653,5 milliards d’euros selon les chiffres détaillés des comptes nationaux annuels publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) le 30 mai 2018.

L’INSEE a mesuré la fiscalité d’État en 2017 à 334,8 milliards d’euros selon les principes de la comptabilité nationale, soit 51 % de la fiscalité globale.

Les impôts affectés aux administrations publiques locales ont représenté, quant à eux, un rendement de 142,7 milliards d’euros en comptabilité nationale, soit 22 % de l’ensemble de la fiscalité. Les impôts affectés aux administrations de sécurité sociale ont eu un rendement de 175,9 milliards d’euros, soit 27 % de l’ensemble de la fiscalité. Les autres impôts ont été affectés à divers organismes d’administration centrale (ODAC) pour 14,8 milliards d’euros et à l’Union européenne pour 4,1 milliards d’euros.

Les cotisations sociales ont été de 384,5 milliards d’euros en 2017, ce qui porte le montant total des prélèvements obligatoires à 1 038 milliards d’euros. La fiscalité d’État représente 32 % de l’ensemble des prélèvements obligatoires.

B.   PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Les recettes fiscales nettes du budget général de l’État sont prévues :

– à 292,9 milliards d’euros en 2018, en baisse de 2,7 milliards d’euros par rapport à 2017 ;

– et à 278,9 milliards d’euros en 2019, en baisse de 14 milliards d’euros par rapport à 2018.

Recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral de l’État depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

Montant

 

Année

Montant

2008

265,1

2014

274,3

2009

214,3

2015

280,1

2010

237,0

2016

284,1

2011

255,0

2017

295,6

2012

268,4

2018 prévision actualisée

292,9

2013

284,0

2019 prévision

278,9

Source : Gouvernement.

1.   Évolution générale de 2017 à 2018

Les recettes fiscales sont évaluées à législation constante en fonction de la croissance du PIB. Ceci permet de déterminer leur « évolution spontanée ». Puis, cette évaluation est corrigée des mesures fiscales (nouvelles et antérieures) et des mesures de périmètre devant produire des effets durant l’année faisant l’objet du projet de loi de finances.

En 2018, l’évolution spontanée des recettes fiscales nettes du budget général est prévue à 4,3 %, soit une hausse de 12,6 milliards d’euros. L’élasticité ressortirait à 1,7.

Les mesures nouvelles, antérieures et de périmètre entraîneraient pour leur part une baisse de rendement de 15,4 milliards d’euros. La montée en charge du CICE ainsi que la baisse du taux de l’IS en expliquent environ un tiers. La mise en place du PFU sur les revenus du capital, l’élargissement du crédit d’impôt pour l’emploi de salariés à domicile (CITS) et le remplacement de l’ISF par un IFI en expliquent également un autre tiers. L’effet de ces mesures et des autres mesures nouvelles et antérieures significatives sont détaillées ci-dessous impôt par impôt.

Au total, les recettes diminueraient donc de 2,8 milliards d’euros.

Des recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral en 2017
aux recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral en 2018

(en milliards d’euros)

Recettes fiscales

nettes 2017

Évolution

spontanée

Mesures

Recettes fiscales

nettes 2018

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

295,6

+ 12,6

– 15,4

292,8

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

L’évolution spontanée

Lévolution spontanée du rendement d’un impôt correspond à l’évolution de son rendement à législation constante. Elle est liée aux variations démographiques et économiques. Il s’agit donc de l’évolution du rendement de l’impôt qui aurait été constatée si aucune mesure législative n’était intervenue au cours de l’année considérée.

Par exemple, si du fait de l’augmentation de la population et des revenus d’une année sur l’autre l’évolution spontanée d’un impôt est de 2 %, le rendement de celui-ci passera de 100 à 102 sans qu’un changement de législation ait été nécessaire.

Les mesures législatives

Les mesures législatives sont des changements de législation qui entraînent des baisses ou des hausses du rendement des impôts. Il peut s’agir de mesures dites « antérieures » si elles ont été adoptées avant la loi de finances initiale mais qui produisent néanmoins des effets au cours de l’année afférente à cette loi de finances. Il peut encore s’agir de mesures dites « nouvelles » si elles ont été adoptées lors de l’examen ou après l’examen de la loi de finances de l’année. Les mesures législatives ont pour effet de modifier la charge fiscale des contribuables.

L’examen du rendement des mesures législatives permet de mesurer l’impact des réformes fiscales décidées par le Parlement.

Les mesures de périmètre et de transfert

Les mesures dites de « périmètre » ou de « transfert » peuvent modifier la fraction du produit d’un impôt affecté à l’État lorsque la répartition de ce produit entre plusieurs administrations publiques est modifiée en cours d’année. Les mesures de périmètre ou de transfert ne modifient pas la charge fiscale des contribuables.

Par exemple, pour un impôt dont le rendement est de 100, si la fraction revenant à l’État passe de 90 % à 95 % (le solde revenant à une autre administration), ce dernier bénéficie d’un produit de 95 au lieu de 90, soit une hausse de 5. Inversement, l’autre administration subit une baisse de 5. Le montant payé par le contribuable n’est pas affecté par les mesures de périmètre et de transfert.

2.   Évolution générale de 2018 à 2019

En 2019, les recettes fiscales nettes du budget général devraient diminuer de 14 milliards d’euros.

Des recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral en 2018 aux recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral en 2019

(en milliards d’euros)

Recettes fiscales

nettes 2018

Évolution

spontanée

Mesures

Recettes fiscales

nettes 2019

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

292,9

10,8

– 24,7

278,9

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

Pourtant, l’évolution spontanée des recettes fiscales devrait être de 3,7 %, soit une hausse de 10,8 milliards d’euros. Cette évaluation repose sur une hypothèse d’élasticité des recettes à la croissance de 1,2.

Notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un impôt est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du PIB en valeur. Lorsque le rendement d’un impôt évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée de l’impôt est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de – 0,5, l’évolution spontanée est de – 0,5 % bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %.

La structure de notre législation fiscale fait qu’en période de faible croissance, l’élasticité a tendance à être faible voire négative, tandis qu’en période de reprise l’élasticité est supérieure à l’unité. En effet, l’impôt sur le revenu est progressif et l’impôt sur les sociétés a pour assiette le bénéfice fiscal. Il s’ensuit que le rendement de ces impôts diminue ou progresse proportionnellement davantage que l’évolution des revenus et de l’activité économique.

À noter que les prévisions fiscales ne sont pas réalisées par l’application ex ante d’une hypothèse d’élasticité des recettes au taux de croissance prévu. Elles sont déterminées pour chaque impôt, sur la base d’un scénario macroéconomique établi par la direction générale du Trésor. Néanmoins, sur la base de ces prévisions, il en est déduit une élasticité attendue pour l’année suivante. L’élasticité est, en effet, égale au taux de croissance des recettes sur le taux de croissance du PIB en valeur.

La baisse des recettes fiscales s’explique par l’importance des mesures de transfert principalement sur la TVA. Une fraction importante de TVA est en effet transférée à la sécurité sociale notamment pour compenser les allégements de cotisations employeur dans le cadre de la suppression du CICE, et le reclassement des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et du capital en recettes fiscales de l’État.

C.   PRÉSENTATION PAR IMPÔT

Les impôts les plus importants sur le plan budgétaire sont étudiés ci-après. Ils représentent 95 % des recettes fiscales du budget général, et plus de 87 % des recettes fiscales totales de l’État.

Principaux impÔts affectés À l’État en 2019

Impôt

Rendement

net

(en milliards deuros)

Part des recettes fiscales du budget général de lÉtat

Part des recettes fiscales totales de lÉtat

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

130,3

46,7 %

42,1 %

Impôt sur le revenu (IR)

70,5

25,3 %

22,7 %

Impôt sur les sociétés (IS)

31,5

11,3 %

10,2 %

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

17,0 (BG)

24,2 (État)

6,1 %

7,8 %

Droits de succession et de donation

14,3

5,1 %

4,6 %

total

94,5 %

87,4 %

⁎ y compris CAS Transition écologique.

Source : commission des finances.

1.   La taxe sur la valeur ajoutée

La TVA est un impôt dÉtat partagé avec la sécurité sociale. Elle joue à ce titre un rôle de variable dajustement dans les transferts entre lÉtat et la sécurité sociale. À partir de 2018, elle est également partagée avec les régions ([69]).

Rendement de la TVA depuis 2010

(en milliards d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Part État

127,3

131,9

133,4

136,3

138,3

141,8

144,4

152,4

157,0

Part sécurité sociale

8,5

10,1

10,6

9,2

12,7

11,8

11,7

11,5

10,2

Part Régions

4,2

Total

135,9

142,0

144,0

145,5

151,0

153,6

156,1

163,9

171,3

Source : Conseil des prélèvements obligatoires et présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

Le Rapporteur général se félicite que le Gouvernement ait tenu compte de ses observations de lan dernier pour enfin présenter dans les annexes du projet de loi de finances un tableau faisant clairement apparaître le rendement total de la TVA ainsi que sa répartition par affectataire.

L’évolution spontanée de la TVA est attendue à 3,6 % pour 2018, soit légèrement plus que la croissance du PIB en valeur (2,5 %) si bien que son élasticité ressortirait à 1,4. L’évolution spontanée serait ainsi de 5,5 milliards d’euros et la perte nette liée aux mesures, essentiellement de transfert, s’élèverait à un montant global d’environ – 0,9 milliard d’euros.

Des recettes de TVA 2017 aux recettes de tva 2018 (part État)

(en milliards d’euros)

TVA 2017

Évolution

spontanée

Mesures

TVA 2018

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

152,4

+ 5,5

– 0,9

157

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

La part de TVA revenant à l’État pour 2019 est prévue en forte baisse à 130,3 milliards d’euros soit une diminution de 26,7 milliards d’euros.

Cette baisse s’explique par le transfert à la sécurité sociale d’une fraction de recette de TVA de 32,5 milliards d’euros, prévu à l’article 36 du présent projet de loi de finances. Outre divers ajustements inhérents aux relations financières entre l’État et les organismes de sécurité sociale, ce transfert de TVA a pour objet principal de compenser tout à la fois :

– le remplacement du CICE par une baisse de cotisations sociales (24,6 milliards d’euros) ;

– le transfert au budget général de l’État des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement (7,6 milliards d’euros) ;

– et la baisse des recettes en année pleine résultant de la suppression de la cotisation salariale d’assurance chômage, intervenue au 1er octobre 2018 (4,1 milliards d’euros).

Au total, la sécurité sociale devrait percevoir 43 milliards d’euros de TVA en 2019, soit près du quart de son rendement total.

Partage du produit de la TVA en 2019

(en milliards d’euros)

Part État

152,8

Part Sécurité sociale

43,0

Part Région

4,3

Total

177,6

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

L’évolution spontanée de la TVA en 2019 est prévue à 3,3 %, soit 5,1 milliards d’euros. Cette évaluation repose sur une élasticité de 1,1.

La principale mesure est relative à la hausse de l’assiette taxable résultant de l’augmentation de la TICPE qui doit entraîner un accroissement du rendement de la TVA de 0,3 milliard d’euros.

Des recettes nettes de TVA 2018 aux recettes nettes de tva 2019 (part État)

(en milliards d’euros)

TVA 2018

Évolution

spontanée

Mesures

TVA 2019

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

157,0

+ 5,1

+ 0,2

+ 0,5

– 32,5

130,3

+ 0,7

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

2.   L’impôt sur le revenu

L’impôt sur le revenu (IR) est affecté intégralement au budget général de l’État. Il a progressé de près de 14 milliards d’euros depuis 2008.

Rendement net de lIR depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Rendement net

59,2

55,1

55,1

58,5

59,5

67,0

69,2

69,3

71,8

73,0

73,1

Source : lois de règlement et présent projet de loi de finances.

L’évolution spontanée de l’IR devrait s’établir à 3,3 milliards d’euros, soit 4,5 %, portée notamment par la masse salariale (+ 3,1 % en 2017). L’élasticité de l’IR ressortirait ainsi à 1,8.

Cette évolution spontanée serait « effacée » par les mesures antérieures et nouvelles relatives :

– à l’instauration du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital (– 1,5 milliard d’euros) ;

– et à l’élargissement du crédit d’impôt pour les emplois à domicile (un milliard d’euros).

De ce fait, le rendement de l’IR en 2018 serait stable par rapport au rendement de 2017.

Des recettes nettes d’IR 2017 aux recettes nettes d’IR 2018

(en milliards d’euros)

IR 2017

Évolution

spontanée

Mesures

IR 2018

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

73,0

+ 3,3

– 3,2

73,1

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

Le rendement de l’IR est prévu pour 2019 à 70,5 milliards, en baisse de 2,6 milliards d’euros par rapport à 2018.

Pourtant, l’évolution spontanée resterait dynamique à 2,8 milliards d’euros, soit 3,8 % et une élasticité de 1,3.

Cette baisse s’explique par l’instauration du prélèvement à la source et par un décalage comptable inhérent à la première année de mise en œuvre d’une telle réforme du recouvrement. En effet, les prélèvements opérés à la source sur les salaires du mois de décembre 2019 ne seront reversés à l’État par les employeurs qu’en janvier 2020. Ceci entraîne une moindre recette de 5,9 milliards d’euros en comptabilité budgétaire mais cela est sans impact en comptabilité nationale sur le niveau des prélèvements obligatoires.

Les autres mesures auraient un effet limité sur le rendement de l’IR en 2019. Il s’agit essentiellement des contrecoups de la prorogation du crédit d’impôt transition énergétique (+ 0,8 milliard d’euros) et de la mise en œuvre du prélèvement forfaitaire unique (– 0,3 milliard d’euros).

Des recettes nettes d’IR 2018 aux recettes nettes d’IR 2019

(en milliards d’euros)

IR 2018

Évolution

spontanée

Mesures

IR 2019

Décalage PAS

Autres

Périmètre

73,1

+ 2,8

– 5,9

+ 0,5

0

70,5

– 5,4

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

3.   L’impôt sur les sociétés

Le rendement net de l’IS a été plus que divisé par deux en dix ans.

Rendement net de lIS depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Rendement net

62,6

55,1

51,4

53,0

41,3

47,2

35,3

33,5

30,0

35,7

25,7

Source : lois de règlement et présent projet de loi de finances.

L’IS est affecté intégralement au budget général de l’État.

Pour 2018, les recettes de l’IS sont prévues en baisse de 10 milliards d’euros.

Cela sexplique par les mesures qui pèsent à la baisse sur le rendement de lIS à hauteur de 11,3 milliards deuros, et plus particulièrement par trois dentre elles.

Tout d’abord, l’année 2017 avait été marquée par la perception exceptionnelle de contributions additionnelles à l’IS créées par la première loi de finances rectificative pour 2017 afin de faire face à l’annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes par le Conseil constitutionnel. L’extinction de cette surtaxe en 2018 explique à elle seule une baisse du rendement de l’IS de 5,1 milliards d’euros.

L’extinction la surtaxe d’IS pour compenser l’annulation
de la taxe à 3 % sur les dividendes

La contribution additionnelle à limpôt sur les sociétés (IS) au titre des montants distribués a été créée par larticle 6 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 (1).

Par une décision du 6 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a annulé la contribution de 3 % sur les revenus distribués (2). Ceci devait entraîner une diminution des recettes fiscales nettes d’environ 10 milliards d’euros au titre des remboursements aux entreprises. Selon le Gouvernement, les remboursements de 10 milliards d’euros devaient être répartis en deux parts égales de 5 milliards d’euros sur les exercices 2017 et 2018.

Pour compenser cette annulation, la première loi de finances rectificative pour 2017 (3) a institué deux contributions exceptionnelles sur limpôt sur les sociétés dû en 2017 par les plus grandes entreprises. Elles devaient entraîner un gain budgétaire de 5,4 milliards deuros dont 4,8 milliards deuros dès 2017 et 0,6 milliard deuros supplémentaires en 2018.

En exécution, elles ont rapporté 4,9 milliards d’euros en 2017 et devraient coûter 0,2 milliard d’euros en 2018. Il s’ensuit que leur extinction entraîne une baisse mécanique des prélèvements obligatoires de 5,1 milliards d’euros en 2018.

(1) Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

(2) Conseil constitutionnel, décision  2017-660 QPC du 6 octobre 2017, Société de participations financière [Contribution de 3 % sur les montants distribués] (lien).

(3) Loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

Ensuite, la montée en charge du CICE, dont le taux avait été porté de 6 à 7 % pour l’exercice 2017, explique la baisse de l’IS en 2018 à hauteur de 3,6 milliards d’euros.

Enfin, la baisse du taux de l’IS explique la baisse de son rendement en 2018 à hauteur de 1,2 milliard d’euros.

L’évolution spontanée de l’IS (3,6 %) amortirait la baisse de l’IS à hauteur de seulement 1,3 milliard d’euros en 2018.

Des recettes nettes d’IS 2017 aux recettes nettes d’IS 2018

(en milliards d’euros)

IS 2017

Évolution

spontanée

Mesures

IS 2018

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

35,7

+ 1,3

– 11,3

25,7

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

Pour 2019, le rendement de l’IS repartirait à la hausse pour atteindre 31,5 milliards d’euros.

L’évolution spontanée serait de 13,2 %, soit 4,7 milliards d’euros, le bénéficie fiscal étant attendu en hausse de 5,8 %. L’élasticité serait ainsi de 4,4.

En dépit de la baisse du taux, qui diminuera de 2,4 milliards d’euros la charge des entreprises, les mesures auront plutôt un effet haussier sur le rendement de l’IS en 2019.

Outre la réforme du cinquième acompte (+ 1,5 milliard d’euros), la baisse des cotisations sociales en remplacement du CICE entraînera une hausse de l’assiette de l’IS et de son rendement (+ 2 milliards d’euros).

Des recettes d’IS 2018 aux recettes d’IS 2019

(en milliards d’euros)

IS 2018

Évolution

spontanée

Mesures

IS 2019

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

25,7

+ 4,7

1,4

– 0,4

0

31,5

+ 1,0

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

4.   La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

La TICPE est partagée entre l’État et divers affectataires, dont les collectivités territoriales. Ces affectations permettent essentiellement de compenser des transferts de compétence.

Affectation de la TICPE 2017-2019

(en milliards d’euros)

Année

2017

exécution

2018

Prévision dexécution

2019

Prévision

État budget général

11,1

13,3

17,0

État Cas Transition énergétique

6,1

7,2

7,2

Sous-total État

17,2

20,5

24,2

Départements

6,0

5,9

5,9

Régions (hors part Grenelle)

5,0

5,2

5,2

Régions part Grenelle

0,6

0,6

0,6

Agence de financement des infrastructures des transports de France (AFITF)

1,1

1,0

1,2

Total

30,5

33,8

37,7

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

Le rendement net de la TICPE revenant au budget général de l’État est prévu à 13,3 milliards d’euros pour 2018 alors que le rendement global de la TICPE devrait être de 37,7 milliards d’euros.

Outre les transferts aux collectivités territoriales (pour plus de 12 milliards d’euros), cela s’explique par le transfert d’une fraction importante (7,2 milliards d’euros) au CAS Transition énergétique.

Le rendement de la TICPE revenant au budget général serait encore soutenu en 2018 du fait de la montée en puissance de la trajectoire carbone et de l’alignement progressif de la fiscalité du gazole sur celle de l’essence.

L’évolution spontanée serait légèrement négative en raison de l’évolution du prix du pétrole.

Des recettes nettes de TICPE 2017 aux recettes nettes de tICPE 2018
(part État)

(en milliards d’euros)

TICPE 2017

Évolution

spontanée

Mesures

TICPE 2018

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

11,1

– 0,1

+ 2,3

13,3

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

Pour 2019, la part de TICPE du budget général de l’État est prévue à 17 milliards d’euros (la part globale de l’État, c’est-à-dire y compris la fraction affectée au CAS Transition écologique, étant de 24,2 milliards d’euros).

Elle serait ainsi en forte hausse du fait de la poursuite de la trajectoire carbone mais également d’une mesure nouvelle relative à la suppression du taux réduite pour certains usages non routiers du gazole prévue à l’article 19 du présent projet de loi de finances.

L’évolution spontanée serait en revanche nulle.

Des recettes de TICPE 2018 aux recettes de tICPE 2019 (part État)

(en milliards d’euros)

TICPE 2018

Évolution

spontanée

Mesures

TICPE 2019

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

13,3

0

1,0

2,9

– 0,2

17

3,9

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

5.   Les droits de succession et de donation

Les droits de succession et de donation constituent un même impôt faisant l’objet de dispositions spéciales uniquement pour leur liquidation.

Leur rendement global est prévu à plus de 14 milliards d’euros pour 2019, en hausse de près de 60 % depuis 2012.

Rendement des droits de succession et de donation

(en milliards d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

prévision

2019

prévision

Droits de succession

7,7

8,5

8,9

10,6

10,7

10,6

13,3

12,0

Droits de donation

1,4

1,1

1,5

1,7

1,8

2,3

2,6

2,4

Total

9,1

9,6

10,4

12,3

12,5

12,9*

15,9*

14,4

* suite à un problème informatique une fraction des droits relative à l’année 2017 a été rattachée à l’exercice 2018.

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I, et lois de règlement.

II.   LES RECETTES NON FISCALES DU BUDGET GÉNÉRAL

En 2019, le produit des recettes non fiscales diminuerait de 0,9 milliard d’euros par rapport à 2018 pour s’établir à 12,5 milliards d’euros.

Selon l’état A annexé au projet de loi de finances, ces recettes non fiscales se décomposeraient en :

– 6,24 milliards d’euros de dividendes et recettes assimilées ;

– 0,66 milliard d’euros de produits du domaine de l’État ;

– 1,31 milliard d’euros de produits de la vente de biens et services ;

– 0,49 milliard d’euros de remboursements et d’intérêts des prêts, d’avances et d’autres immobilisations financières ;

– 1,38 milliard d’euros d’amendes, de sanctions, de pénalités, et de frais de poursuite ;

– et 2,38 milliards d’euros de produits divers.

III.   LES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES

Il est prévu que les prélèvements sur recettes (PSR) augmentent de 1,1 milliard d’euros en 2019 par rapport à 2018.

Évolution des prÉLÈvements sur recettes

(en milliards deuros)

Bénéficiaire du prélèvement sur recettes

2018

2019

Variation 2019/2018

Union européenne

20,6

21,5

+ 0,9

Collectivités territoriales

40,3

40,5

+ 0,2

Total

60,9

62,0

+ 1,1

Source : présent projet de loi de finances.

Le PSR en faveur de l’Union européenne augmenterait de 0,9 milliard d’euros pour s’établir à 21,5 milliards d’euros au lieu de 20,6 milliards d’euros en 2018. Cette augmentation s’explique en grande partie par le fait que le budget européen pour 2019 est le sixième du cadre financier pluriannuel portant sur 2014-2020 et que, par conséquent, la mise en œuvre des programmes structurels et d’investissement atteindra sa vitesse de croisière, après un démarrage lent au cours des premières années.

Le PSR en faveur des collectivités territoriales passerait de 40,3 milliards d’euros en 2018 à 40,5 milliards d’euros en 2019.

IV.   Les dÉPENSES FISCALES POUR 2019 : PRÈS DE 100 MILLIARDS D’EUROS

Le tome II de l’annexe relative aux Évaluations des voies et moyens définit les dépenses fiscales comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».

La notion de dépenses fiscales repose donc sur l’écart à la norme fiscale et englobe l’ensemble des réductions d’impôt (qui diminuent le montant de l’impôt dû) et des crédits d’impôt (qui entraînent, si le montant du crédit est supérieur à celui de l’impôt dû, une restitution en faveur du contribuable concerné).

Le présent projet de loi de finances prévoit des dépenses fiscales de près de 100 milliards d’euros pour 2019.

DÉpenses fiscales 2017-2019

(en milliards d’euros)

Année

2017

exécution

2018

prévision actualisée

2019

prévision

Dépenses fiscales

93,4

100,2

98,2

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome II.

Le coût total des dépenses fiscales diminuerait légèrement de 2 milliards d’euros par rapport à 2018, notamment en raison de la baisse du taux du CICE en 2018.

La première dépense fiscale demeure le CICE.

coût budgétaire du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

(en milliards d’euros)

Année

2014

2015

2016

2017

 

2018

 

2019

Dépense fiscale du CICE

6,6

12,5

12,9

15,7

20,1

19,6

Variation par rapport à l’année précédente

+ 6,6

+ 5,9

+ 0,4

+ 2,8

+ 4,4

– 0,5

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

Bien qu’il en soit dénombré 473 dans le tome II de l’annexe Évaluations des voies et moyens au présent projet de loi de finances, le coût des dépenses fiscales est en réalité concentré sur un faible nombre d’entre elles. Les 10 dépenses fiscales les plus coûteuses représentent à elles seules plus de 50 % du total.

Les 10 dÉpenses fiscales les plus coûteuses en 2018

(en millions d’euros)

Dépenses fiscales

Montant

Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE)

19,6

Crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR)

6,2

Crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile

4,8

Abattement de 10 % sur les pensions

4,2

Taux de TVA de 10 % pour certains travaux de rénovation

3,2

Taux de TVA de 10 % sur les ventes à consommer sur place

2,9

Taux de TVA de 2,1 % sur les médicaments remboursables

2,3

Taux de TVA réduit pour certaines livraisons à soi-même

2,5

Exonération des prestations familiales et autres allocations

1,9

TVA dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion

1,9

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome II.

L’article 11 du présent projet de loi de finances propose d’en supprimer plusieurs parmi les moins efficientes.

 


—  1  —

   FICHE 10 :
LES DÉPENSES DE LÉTAT

Résumé de la fiche

Les dépenses pilotables de l’État progressent faiblement à hauteur de 2,2 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cela représente une évolution en volume négative de – 0,5 %, mais une très légère progression de + 0,8 % en valeur.

Sur le périmètre des dépenses totales de l’État, celles-ci augmentent de 5,8 milliards d’euros par rapport à la loi de finances pour 2018, en retrait de 1,4 milliard d’euros par rapport à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Conformément à la politique menée en 2018, la gestion des crédits budgétaires respecte un niveau de mise en réserve de crédits de 3 % pour les dépenses autres que de personnel.

La progression de la masse salariale est maîtrisée à 1,8 % pour les rémunérations d’activité, la baisse des effectifs de l’État et de ses opérateurs s’accélère et le gel du point d’indice de la fonction publique est maintenu pour l’année 2019.

L’évolution des crédits du budget général de l’État illustre la transformation de l’action publique, avec des missions dont les crédits progressent fortement (missions Défense, Sécurités, Justice, Enseignement scolaire, Recherche et enseignement supérieur) et des missions dont les crédits baissent de façon significative en lien avec la réforme des politiques menées (missions Cohésion des territoires et Travail et emploi).

Conformément à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([70]), le présent projet de loi de finances prévoit une faible évolution des dépenses de l’État. Il met en œuvre de nouveau les principes de sincérité budgétaire et de saine gestion des crédits. Dans la logique de la loi de finances initiale pour 2018, il procède également à des choix forts en matière de politique publique, via des augmentations et diminutions significatives de crédits budgétaires.

I.   LA MAÎTRISE FORTE DES DÉPENSES DE LÉTAT

A.   LE RALENTISSEMENT DES DÉPENSES DE LÉTAT

1.   La faible progression des dépenses pilotables de l’État

En 2019, la norme de dépenses pilotables de l’État évolue très faiblement. Elle progresse de 2,2 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, au lieu de 5,1 milliards d’euros en 2018 par rapport à la loi de finances initiale pour 2017 et 10,4 milliards d’euros en 2017 par rapport à la loi de finances précédente. Conformément à l’objectif ambitieux de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, cela représente une évolution négative en volume de – 0,5 % et de + 0,8 % en valeur. Cette évolution doit être mise en perspective de l’objectif annuel de dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales fixé à 1,2 % et de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) établi à 2,5 %.

normes de dÉpenses de l’État

(en milliards d’euros)

Dépenses

LFI 2018

(constant)

LPFP 2019

(constant)

PLF 2019

(constant)

Écart à la

LPFP

Écart à la

LFI 2018

PLF 2019 courant

Crédits budgétaires

241,3

242,6

243,3

+ 0,6

+ 1,9

242,4

Taxes et recettes affectées

9,1

8,9

9,4

+ 0,5

+ 0,3

9,5

Budgets annexes et comptes spéciaux

13,3

13,8

13,2

– 0,6

– 0,1

13,2

Retraitements des flux internes au budget de l’État

– 5,8

– 5,9

– 5,8

+ 0,1

– 5,8

Norme de dépenses pilotables

257,9

259,5

260,1

+ 0,6

+ 2,2

259,3

Transferts aux collectivités territoriales

47,0

47,1

47,3

+ 0,2

+ 0,3

47,3

Dépenses du CAS Pensions (hors programme 743)

56,5

57,8

57,3

– 0,5

+ 0,7

57,3

Autres dépenses de comptes d’affectation spéciale

1,8

2,0

2,0

+ 0,0

+ 0,2

2,0

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

19,9

23,3

21,5

– 1,8

+ 1,6

21,5

Charge de la dette

41,2

41,9

42,1

+ 0,1

+ 0,9

42,1

Investissements d’avenir

1,1

1,0

1,0

1,0

Objectif de dépenses totales de lÉtat

425,4

432,6

431,3

 1,4

+ 5,8

430,5

Source : présent projet de loi de finances.

Sur le périmètre des dépenses totales de l’État, celles-ci progressent de 5,8 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cela résulte essentiellement de hausses du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne et de la charge de la dette de l’État. Toutefois, les augmentations précitées sont plus faibles que les anticipations de la loi de programmation des finances publiques. Ainsi, les dépenses totales de l’État sont en retrait de 1,4 milliard d’euros par rapport à cette dernière.

2.   La gestion plus saine des crédits budgétaires

Dans le projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement avait annoncé la baisse du taux de mise en réserve de crédits de 8 % à 3 %, hors dépenses de personnel (titre 2), en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Le taux de mise en réserve des crédits de personnel a été maintenu à 0,5 % en AE et en CP. Ce taux très faible de crédits mis en réserve est conservé pour l’exercice 2019.

Le taux de mise en réserve des crédits, permettant de constituer une « réserve de précaution », est un dispositif prévu et encadré au III de l’article 14 et au 4° bis de l’article 51 de la LOLF ([71]). Celui-ci consiste à rendre indisponibles des crédits pour les responsables de programmes dotés de crédits limitatifs. On parle de « gel » de crédits, voire de « surgel » de crédits lors de mises en réserve supplémentaires intervenues en cours de gestion.

La réserve de précaution répond à une double logique :

– une logique d’« auto-assurance » destinée à responsabiliser les gestionnaires en cas d’aléas de gestion ;

– et une logique de modération du rythme de consommation des crédits.

Le taux de mise en réserve avait été progressivement accru au cours des dernières années, s’établissant à 6 % pour les crédits autres que de personnel en loi de finances initiale pour 2013 et 8 % à compter de la loi de finances initiale pour 2015. Le Gouvernement avait également procédé à une mise en réserve des crédits reportés d’un exercice à l’autre en 2017 et en 2018. Cela visait à sécuriser l’exécution du budget de l’État en disposant d’un outil de régulation budgétaire représentant des masses financières significatives.

Toutefois, cette pratique avait pour inconvénient de limiter la portée du vote du Parlement en loi de finances initiale et de nuire à la qualité de son contrôle et de son suivi de l’exécution du budget général de l’État. La Cour des comptes relevait que « la réserve de précaution est en principe destinée à faire face aux aléas de gestion, son utilisation a été progressivement détournée de cet usage, puisquelle sert de plus en plus à absorber des sous-budgétisations initiales » ([72]). Enfin, le niveau élevé de crédits mis en réserve entrait en contradiction avec l’esprit de la LOLF destinée à responsabiliser les gestionnaires ([73]).

Le Rapporteur général ne peut que se féliciter du rétablissement d’un niveau de crédits mis en réserve plus respectueux de l’autorisation parlementaire. Cela impose au Gouvernement de prévoir une dotation budgétaire plus sincère en loi de finances initiale. Par ailleurs, cela est de nature à limiter les mouvements de crédits budgétaires en cours de gestion. Ainsi, de manière inédite, aucun décret d’avance n’a été présenté en 2018 au Parlement.

B.   LA POURSUITE DE LA MODÉRATION DE LA MASSE SALARIALE DE LÉTAT

En 2019, les dépenses de personnel du budget général de l’État s’élèvent à 131,7 milliards d’euros, dont 75,5 milliards d’euros de rémunérations d’activité. Ces dernières progressent de 1,3 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, soit une augmentation de 1,8 % ([74]). À titre de comparaison, le projet de loi de finances pour 2017 prévoyait une augmentation de 2,8 milliards d’euros, représentant une hausse de 4 %. La maîtrise de la masse salariale résulte notamment de l’accélération de la baisse des effectifs de l’État et de ses opérateurs et du maintien du gel du point d’indice de la fonction publique pour l’année 2019.

1.   L’amplification de la baisse des effectifs de l’État

Le présent projet de loi de finances prévoit d’accentuer la baisse les effectifs de l’État (hors opérateurs). Après trois exercices d’augmentation sensible des effectifs (+ 32 478 équivalents temps plein – ETP) entre 2015 et 2017, les effectifs de l’État devraient diminuer de 1 895 ETP au cours des exercices 2018 et 2019.

La distinction entre les ETP et les ETPT

Les équivalents temps plein (ETP) correspondent aux effectifs physiques, c’est-à-dire aux agents rémunérés, corrigés de la quotité de temps travaillé.

Exemple : un agent à temps partiel, à 70 % (quotité de travail : 70 %) correspond à 0,7 ETP.

Les équivalents temps plein travaillés (ETPT) correspondent aux effectifs physiques pondérés par la quotité de travail des agents (temps plein, temps partiel, etc.) et la période d’activité sur l’année.

Exemple : un agent à temps partiel, à 70 %, qui a travaillé du 1er juillet au 31 décembre correspond à 0,35 ETPT (1 × 0,7 × 6 mois/12 mois = 0,35 ETPT).

Les consommations d’emplois et les plafonds des autorisations d’emplois sont exprimés en ETPT. À l’inverse, les schémas d’emplois sont exprimés en ETP.

Ainsi, les schémas demplois traduisent les flux d’entrées et de sorties, tandis que les plafonds demplois illustrent le stock d’emplois.

N.B. : depuis lexercice 2015, les modalités de décompte des emplois sont homogènes entre lÉtat et ses opérateurs : la fixation dun plafond demplois en ETPT et une trajectoire de schémas demplois en ETP.

Le schéma ci-dessous illustre le retournement de tendance pour la sphère de l’État, qui doit permettre d’atteindre l’objectif du Gouvernement d’une diminution des effectifs de l’État et de ses opérateurs de 50 000 emplois sur le quinquennat.

Évolution du schÉma d’emplois de l’État

(en équivalents temps plein)

Source : commission des finances, à partir des projets de lois de règlement et du présent projet de loi de finances.

L’accélération de la diminution des effectifs de l’État est significative, elle traduit la montée en charge des transformations de l’action publique. Le Gouvernement a, à plusieurs reprises, indiqué que les décisions de transformations administratives sont un préalable à la baisse des effectifs. Celle-ci ne résultera pas d’une démarche aveugle et purement comptable.

Ainsi, la baisse des effectifs n’est ni uniforme, ni homothétique.

Évolution des plafonds des autorisations d’emplois de l’État

(en équivalents temps plein travaillé)

Désignation du ministère
ou du budget annexe

LFI 2018

PLF 2019

Écart

Schéma demplois (ETP)

Action et comptes publics

126 536

124 973

– 1 563

– 1 947

Agriculture et alimentation

30 362

30 097

– 265

– 140

Armées

274 580

274 595

15

466

Cohésion des territoires

573

564

– 9

– 15

Culture

11 148

11 089

– 59

– 50

Économie et finances

13 137

12 801

– 336

– 280

Éducation nationale

1 021 721

1 027 527

5 806

– 1 800

Enseignement supérieur, recherche et innovation

8 016

7 960

– 56

0

Europe et affaires étrangères

13 530

13 669

139

– 130

Intérieur

287 325

287 771

446

2 153

Justice

84 969

86 629

1 660

1 300

Outre-mer

5 525

5 548

23

23

Services du Premier ministre

11 536

11 701

165

181

Solidarités et santé

9 938

9 524

– 414

– 250

Transition écologique et solidaire

40 805

39 850

– 955

– 811

Travail

9 251

9 012

– 239

– 233

Budget général

1 948 952

1 953 310

4 358

 1 533

Contrôle et exploitation aériens

10 677

10 686

9

0

Publications officielles et information administrative

704

663

– 41

– 38

Budgets annexes

11 381

11 349

 32

 38

Total général

1 960 333

1 964 659

4 326

 1 571

Source : loi de finances pour 2018 et présent projet de loi de finances.

Trois ministères concentrent l’essentiel des baisses d’effectifs, avec 4 558 suppressions de postes :

– le ministère de l’action et des comptes publics (– 1 947 ETP) ;

– le ministère de l’éducation nationale (– 1 800 ETP) ;

– et le ministère de la transition écologique et solidaire (– 811 ETP).

À l’inverse, le Gouvernement accroît de façon significative les effectifs dans les secteurs régaliens de l’État :

– le ministère de l’intérieur (+ 2 153 ETP), dont 2 388 créations de postes pour le programme budgétaire Sécurités ;

– le ministère de la justice (+ 1 300 ETP) ;

– et le ministère des armées (+ 466 ETP).

La règle d’ajustement des plafonds des autorisations d’emplois introduite
en loi de programmation des finances publiques

L’article 11 de la LPFP 2018-2022 a prévu qu’à compter de l’exercice 2019, le plafond des autorisations d’emplois de l’État, spécialisé par ministère, ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d’emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l’incidence des schémas d’emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus.

Cette disposition vise à instaurer un ajustement mécanique des plafonds d’emplois par rapport à la consommation d’emplois. Ainsi, il ne pourrait plus y avoir de déconnexion entre un plafond d’emplois d’un ministère et le niveau de consommation de celui-ci. Cela a pour objet d’accroître la lisibilité et la portée des plafonds d’emplois votés par le Parlement. En effet, le Parlement avait pu voter au cours des années récentes des augmentations de plafonds d’emplois pour certains ministères, qui ne se traduisaient pas in fine par une augmentation d’emplois consommés.

Le Gouvernement n’a pas apporté de précisions dans le présent projet de loi de finances concernant la mise en œuvre de l’article 11 de la LPFP 2018-2022.

2.   L’accélération de la baisse des effectifs au sein des opérateurs de l’État

S’agissant des opérateurs de l’État, la baisse des effectifs s’intensifie plus fortement. Sur les deux exercices 2018 et 2019, la réduction des effectifs s’élèverait à 3 869 postes, soit un niveau qui n’a pas été atteint au cours des dix dernières années.

Évolution du schÉma d’emplois des opÉRATEURS DE l’État

(en équivalents temps plein)

Source : projets de loi de finances.

À l’instar du périmètre de l’État, le Gouvernement a opéré des choix pour l’évolution des effectifs des opérateurs au cours de l’exercice 2019.

Évolution des schÉmas d’emplois des opÉrateurs de l’État

(en équivalents temps plein)

Désignation du ministère ou du budget annexe

LFI 2018

(format 2019)

PLF 2019

Action et comptes publics

– 29

– 336

Agriculture et alimentation

– 95

– 137

Armées

– 6

– 16

Cohésion des territoires

– 8

– 4

Culture

– 110

– 110

Économie et finances

– 21

– 30

Éducation nationale

– 13

– 13

Enseignement supérieur, recherche et innovation

0

0

Europe et affaires étrangères

0

– 166

Intérieur

57

125

Justice

0

0

Outre-mer

0

0

Services du Premier ministre

0

0

Solidarités et santé

– 272

– 252

Sports

4

– 2

Transition écologique et solidaire

– 496

– 267

Travail

– 347

– 1 385

Budget général

 1 336

 2 593

Contrôle et exploitation aériens

0

0

Publications officielles et information administrative

0

0

Budgets annexes

0

0

Total général

 1 336

 2 593

Source : loi de finances pour 2018 et présent projet de loi de finances.

Les baisses d’effectifs les plus significatives concernent les opérateurs rattachés aux ministères suivants :

– le ministère du travail (–1 385 ETP), soit plus de la moitié de la diminution globale des effectifs des opérateurs en 2019 ;

– les ministères de l’action et des comptes publics (– 336 ETP), de la transition écologique et solidaire (– 267 ETP), des solidarités et de la santé
(– 252 ETP), de l’Europe et des affaires étrangères (– 166 ETP), de l’agriculture et de l’alimentation (– 137 ETP) et de la culture (– 110 ETP).

Seuls les opérateurs du ministère de l’intérieur bénéficient d’un renforcement des effectifs à hauteur de 125 ETP. Ces schémas d’emplois trouvent leur traduction dans l’évolution des plafonds d’emplois des opérateurs de l’État entre 2018 et 2019.

plafonds des emplois des opÉrateurs de l’État

(en équivalents temps plein travaillé)

Mission

LFI 2018

PLF 2019

Écart

Action extérieure de l’État

6 765

6 530

– 235

Administration générale et territoriale de l’État

443

358

– 85

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

14 340

14 003

– 337

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

1 327

1 317

– 10

Cohésion des territoires

379

281

– 98

Culture

14 361

14 106

– 255

Défense

6 603

6 564

– 39

Direction de l’action du Gouvernement

597

597

0

Écologie, développement et mobilité durables

19 791

19 578

– 213

Économie

2 591

2 563

– 28

Enseignement scolaire

3 359

3 276

– 83

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

1 328

1 195

– 133

Immigration, asile et intégration

1 879

1 984

105

Justice

580

617

37

Médias, livre et industries culturelles

3 023

3 004

– 19

Outre-mer

127

127

0

Recherche et enseignement supérieur

259 376

259 387

11

Régimes sociaux et de retraite

319

307

– 12

Santé

1 658

1 624

– 34

Sécurités

267

279

12

Solidarité, insertion et égalité des chances

8 368

8 198

– 170

Sport, jeunesse et vie associative

580

657

77

Travail et emploi

55 558

54 063

– 1 495

Contrôle et exploitation aériens

812

812

0

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

41

41

0

Total

404 472

401 468

 3 004

Source : loi de finances initiale pour 2018 et présent projet de loi de finances.

Au total, la réduction des effectifs sur la sphère État et opérateurs de lÉtat sélèvera à 5 764 ETP sur les années 2018 et 2019. Par déduction, cela signifie que le mouvement de diminution des effectifs sera croissant sur le reste du quinquennat pour atteindre l’objectif d’une baisse de 50 000 emplois. Ainsi, 44 236 postes devront être supprimés entre 2020 et 2022, soit une baisse moyenne de 14 745 effectifs par an.

II.   LE BUDGET DE LÉTAT POURSUIT LA LOGIQUE DE TRANSFORMATION SOUHAITÉE PAR LE GOUVERNEMENT

Le présent projet de loi de finances s’inscrit dans la logique budgétaire adoptée lors de la loi de finances initiale pour 2018. Il confirme les efforts budgétaires commencés dans les secteurs considérés comme prioritaires par le Gouvernement et la majorité parlementaire. À ce titre, le Rapporteur général ne peut que saluer la constance et la cohérence du Gouvernement, en faveur d’une inflexion budgétaire qui a pour objet de transformer l’action de l’État.

A.   LAUGMENTATION GLOBALE DES PLAFONDS DE CRÉDITS DE PAIEMENT DU BUDGET GÉNÉRAL

Au niveau global, les dépenses du budget général sont en augmentation de 1,9 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.

plafonds de crÉdits de paiement du budget gÉnÉral

(en millions d’euros)

Mission

LFI 2018

(constant)

LPFP 2019

(constant)

PLF 2019

(constant)

Écart LFI 2018

Écart à la LPFP

Action et transformation publiques

20

280

310

290

30

Action extérieure de l’État

2 863

2 748

2 787

– 76

39

Administration générale et territoriale de l’État

2 147

2 144

2 267

120

123

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

3 184

2 881

2 880

– 304

–1

Aide publique au développement

2 680

2 810

2 810

130

0

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2 461

2 339

2 297

– 164

– 42

Cohésion des territoires

17 219

15 648

16 061

– 1 158

413

Conseil et contrôle de l’État

521

528

542

21

14

Crédits non répartis

124

124

194

70

70

Culture

2 724

2 736

2 745

21

9

Défense

34 201

35 901

35 901

1 700

0

Direction de l’action du Gouvernement

1 381

1 390

1 393

12

3

Écologie, développement et mobilité durables

10 387

10 549

10 623

236

74

Économie

1 624

1 792

1 722

98

– 70

Engagements financiers de l’État (hors dette)

580

432

411

– 169

– 21

Enseignement scolaire

51 485

52 091

52 260

775

169

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

8 150

8 102

8 082

– 68

– 20

Immigration, asile et intégration

1 381

1 362

1 576

195

214

Justice

6 978

7 291

7 291

313

0

Médias, livre et industries culturelles

555

543

550

– 5

7

Outre-mer

2 018

2 025

2 024

6

– 1

Pouvoirs publics

992

992

991

– 1

– 1

Recherche et enseignement supérieur

27 404

27 872

27 900

496

28

Régimes sociaux et de retraite

6 332

6 265

6 284

– 48

19

Relations avec les collectivités territoriales

3 662

3 515

3 429

– 233

– 86

Santé

1 376

1 479

1 423

47

– 56

Sécurités

13 318

13 478

13 638

320

160

Solidarité, insertion et égalité des chances

19 444

21 313

20 776

1 332

– 537

Sport, jeunesse et vie associative

959

1 053

1 001

42

– 52

Travail et emploi

15 173

12 960

13 104

– 2 069

144

Total

241 342

242 642

243 271

1 929

629

Source : exposé des motifs du présent projet de loi de finances.

Les crédits du budget général de l’État sont également supérieurs de 629 millions d’euros aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques de 2018 ([75]). Cela résulte notamment des mesures suivantes :

– une augmentation de crédits de la mission Immigration, asile et intégration de 0,2 milliard d’euros, compte tenu des nouveaux enjeux dans ce domaine et de la mise en œuvre d’une partie des mesures proposées par notre collègue Aurélien Taché dans son rapport ([76]) ;

– une augmentation de crédits de la mission Cohésion des territoires de 0,4 milliard d’euros, en raison d’un retard pris dans la mise en œuvre de la réforme d’actualisation de la base ressources des bénéficiaires des aides personnelles au logement ;

– une augmentation de crédits de la mission Enseignement scolaire de 169 millions d’euros, au titre de l’incertitude relative à la masse salariale du ministère de l’éducation nationale, qui avait été sous-estimée ;

– et une augmentation de crédits de la mission Immigration, asile et intégration de 195 millions d’euros, du fait de dépenses supplémentaires liées à la mise en œuvre de mesures relatives à l’accueil et à l’intégration des migrants.

B.   LES AUGMENTATIONS DE CRÉDITS CIBLÉES SUR CERTAINES MISSIONS DU BUDGET GÉNÉRAL

1.   La poursuite du renforcement du pôle régalien

Conformément à la loi de programmation des finances publiques de 2018 et à la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 (LPM 2019-2025) ([77]), le présent projet de loi de finances accroît les crédits budgétaires de la mission Défense de 1,7 milliard deuros en 2019, après une hausse de 1,8 milliard d’euros de crédits en 2018. L’effort budgétaire est très significatif et a pour objectif de porter l’effort national de défense à hauteur de 2 % du produit intérieur brut au terme de la période de programmation, soit en 2025 ([78]).

Évolution des crédits de la mission Défense

(en milliards d’euros courants)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

32,4

34,2

35,9

37,6

39,3

41,0

44,0

+ 1,8

+ 1,7

+ 1,7

+ 1,7

+ 1,7

+ 3

Source : projet de loi de finances pour 2018, présent projet de loi de finances et LPM 2019-2025.

En 2019, l’augmentation de crédits budgétaires devrait abonder principalement l’agrégat Équipement de la mission, qui progressera de 1,2 milliard d’euros par rapport à 2018. Le ministère des armées bénéficiera également de la création de 466 emplois sur l’année. Par ailleurs, la hausse des crédits inclut l’effort renouvelé de sincérité budgétaire liée à l’augmentation de 200 millions d’euros de la dotation consacrée aux opérations extérieures (OPEX) par rapport à 2018, portant celle-ci à 850 millions d’euros. Pour rappel, la dotation dédiée aux OPEX progressera de nouveau de 200 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2020, pour atteindre 1,1 milliard d’euros.

Les crédits de la mission Sécurités sont accrus de 320 millions deuros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, afin de renouveler et de moderniser les moyens de fonctionnement et d’investissement des forces de sécurité. Conformément aux engagements présidentiels, le plan de création de 10 000 emplois supplémentaires au sein de la police et de la gendarmerie sur la période 2018-2022 est poursuivi, avec la création de 2 500 postes en 2019.

Conformément au projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, présenté au conseil des ministres du 20 avril 2018, les crédits de la mission Justice sont relevés de 313 millions deuros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, et le ministère bénéficie de la création de 1 300 postes au cours de l’exercice 2019. Cette trajectoire haussière devrait se poursuivre durant le quinquennat.

Évolution des crédits et des créations d’emplois

au sein de la mission justice

(en milliards d’euros courants)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Crédits de paiement de la mission Justice

7,0

7,3

7,7

8,0

8,3

Augmentation annuelle des crédits de paiement

+ 0,3

+ 0,4

+ 0,3

+ 0,3

Créations nettes d’emplois au sein du ministère (en ETP)

+ 1 100

+ 1 300

+ 1 620

+ 1 260

+ 1 220

Source : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Les crédits supplémentaires doivent notamment renforcer les moyens des juridictions, permettre la simplification de l’accès au service public de la justice par la transformation numérique et conforter l’effort en matière d’immobilier pénitentiaire avec la création de 7 000 places de prison supplémentaires d’ici 2022.

2.   Le soutien confirmé au secteur de l’éducation, de l’enseignement et de la recherche

Par cohérence avec les augmentations décidées pour 2018, le présent projet de loi de finances pour 2019 renforce de nouveau les crédits budgétaires destinés à la préparation de l’avenir et au renforcement de la compétitivité de l’économie française.

Le présent projet de loi de finances accroît de 775 millions deuros les crédits budgétaires de la mission Enseignement scolaire. Cela vise notamment à renforcer les moyens du premier degré, où les effectifs devraient progresser de 1 800 emplois selon le Gouvernement, et les dédoublements de classes se poursuivent dans les territoires d’éducation prioritaire. Les agents exerçant dans les réseaux de l’éducation prioritaire renforcés bénéficieront d’une nouvelle augmentation de 1 000 euros. Par ailleurs, l’instruction obligatoire des enfants dès l’âge de trois sera mise en œuvre à la rentrée scolaire 2019. Au niveau du ministère, les effectifs seront en baisse de 1 800. Toutefois, le Gouvernement précise que ces suppressions de postes seront compensées par le recours accru aux heures supplémentaires, gage de gains de pouvoir d’achat pour les enseignants.

Les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur sont relevés de 496 millions deuros. Cela illustre la volonté du Gouvernement de soutenir ce secteur, les établissements denseignement supérieur bénéficieront dune augmentation de leur budget de 166 millions deuros par rapport à 2018. Les crédits dévolus aux organismes de recherche sont relevés de 28 millions deuros, ceux de lAgence nationale de la recherche (ANR) de 33 millions deuros. Le plan Intelligence artificielle sera doté de 17 millions deuros. La contribution de la France augmentera de 210 millions deuros en faveur de lAgence spatiale européenne (ESA) et de 20 millions deuros pour le projet de réacteur de recherche civil à fusion nucléaire (ITER  International Thermonuclear Experimental Reactor).

3.   Le prolongement du renforcement des moyens en faveur des dispositifs de solidarité

Les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances sont fortement relevés à hauteur de 1,3 milliard deuros par rapport à 2018. L’allocation aux adultes handicapés (AAH) et la prime d’activité représentent 78 % des crédits de la mission. Or, le Gouvernement s’est engagé à revaloriser ces deux prestations en 2019 :

– de 40 euros pour atteindre 900 euros, au 1er novembre (après une première augmentation de 50 euros le 1er novembre 2018), pour l’AAH ;

– et via la création en 2019 d’une seconde bonification applicable à la prime d’activité, ciblée sur les personnes dont les revenus d’activité se situent entre 0,5 et 1,2 SMIC, dont le montant maximal (20 euros) sera revalorisé en 2020 puis en 2021. Celle-ci s’ajoute à l’augmentation de 20 euros par mois du montant forfaitaire de la prime d’activité au 1er septembre 2018 (versements à partir d’octobre).

En outre, le montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), pour une personne seule, sera également revalorisé de 35 euros par mois à compter du 1er janvier 2019, après une première augmentation de 30 euros le 1er avril 2018 ([79]).

Ces différentes revalorisations ciblées visent à lutter contre la pauvreté, réduire les inégalités et protéger les personnes vulnérables.

C.   LES BAISSES SIGNIFICATIVES DE CRÉDITS CONCENTRÉES SUR QUELQUES MISSIONS

1.   La poursuite de la réforme de la politique du logement

Les crédits de la mission Cohésion des territoires sont en réduction de 1,2 milliard deuros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Les aides personnelles au logement (APL) représentent avec 13 milliards d’euros le principal poste de dépenses, soit 80 % des crédits de la mission. Pour rappel, la loi de finances initiale pour 2018 a introduit une réforme structurelle des APL, en instaurant une réduction de loyer de solidarité (RLS) dans le parc social. Celle-ci vise à abaisser le montant des APL, pour les bénéficiaires de la réduction de loyer, à hauteur de 98 % de celle-ci. Cela permet de diminuer fortement la dépense publique relative aux APL, à hauteur de 800 millions deuros en 2018, sans que les allocataires ne subissent une hausse de loyer restant à leur charge. Un accord-cadre a été conclu entre l’État et l’ESH (Fédération des entreprises sociales pour l’habitat) fixant les modalités de baisse des APL et de la réduction concomitante des loyers du parc social, pour un niveau de 800 millions d’euros en 2018, 800 millions d’euros en 2019 et 1,5 milliard d’euros en 2020 ([80]).

En 2019, le Gouvernement propose une nouvelle réforme des APL, à travers l’introduction de la contemporanéité des allocations avec les revenus perçus par les allocataires. Ainsi, les aides ne seront plus calculées sur les revenus perçus en année N – 2 mais sur les revenus perçus en année N. Le montant d’aide à verser au bénéficiaire devrait s’adapter tous les trimestres à l’évolution de ses ressources. Cette modification profonde du mode de calcul des APL devrait permettre une économie estimée à 0,9 milliard deuros en 2019.

En outre, l’annexe budgétaire relative à la mission Cohésion des territoires précise que le niveau des APL sera diminué en 2019, en raison de l’effet en année pleine des mesures de la loi de finances initiale pour 2018 et de la revalorisation des APL limitée à 0,3 % pour 2019 et 2020.

2.   Le prolongement de la refonte de la politique de lemploi

Les crédits de la mission Travail et emploi sont en baisse à hauteur de 2,1 milliards deuros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.

Cela résulte principalement de la politique de recentrage des contrats aidés vers les publics les plus éloignés de l’emploi. Cette orientation a été adoptée par le Gouvernement dès l’été 2017 et précisée dans la loi de finances initiale pour 2018. Elle vise à accompagner les personnes les plus vulnérables, tout en réduisant le volume de contrats aidés pour les autres publics et en le supprimant pour les contrats aidés dans le secteur marchand. Cela tient compte de l’amélioration de la conjoncture économique et du regain de dynamisme sur le marché du travail. Cela renforce le caractère conjoncturel des contrats aidés pour le traitement du chômage.

Évolution du nombre de contrats aidÉs

(en nombre de contrats)

Source : projets de loi de finances et projets de lois de règlement, annexes budgétaires.

Ainsi, le nombre de contrats aidés aura diminué de 78 % entre 2016 et 2019. Toutefois, l’annexe budgétaire de la mission Travail et emploi précise qu’une mesure de périmètre a pour effet de transférer environ 45 000 contrats aidés dédiés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap du contingent des contrats aidés vers le programme 230 géré par le ministère de l’éducation nationale dans un objectif de « cohérence avec la réalité du pilotage de la dépense » ([81]).

Cette démarche de recentrage des contrats aidés et de la réduction de leur volume est complétée par une volonté d’amélioration structurelle du mode de fonctionnement et d’organisation du marché du travail ([82]) et du système de la formation professionnelle ([83]).

Enfin, le plan d’investissement dans les compétences (PIC), composante du grand plan d’investissement, vise à former un million de jeunes peu qualifiés et un million de demandeurs d’emploi de longue durée faiblement qualifiés, pour un effort budgétaire de près de 14 milliards d’euros sur la période 2018-2022. En 2019, il se développera pleinement avec :

– un doublement des autorisations d’engagement à 1,5 milliard d’euros par rapport à 850 millions d’euros en 2018 ;

– et un triplement des crédits de paiement à 979 millions d’euros, au lieu de 299 millions d’euros en 2018.

Cela illustre la volonté de renforcer de façon significative les moyens budgétaires en faveur de cette priorité pour le Gouvernement et la majorité parlementaire.

3.   Les baisses de dépenses sur les missions Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales et Relations avec les collectivités territoriales

Les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales sont en diminution de 304 millions deuros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cela résulte principalement de la suppression du dispositif des travailleurs occasionnels  demandeurs demploi (TO-DE) à compter du 1er janvier 2019, qui prévoit une exonération dégressive de cotisations patronales. Celle-ci génère une perte de recettes compensée par l’État à la sécurité sociale, plus précisément à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA). Pour l’année 2018, la compensation de la perte de recettes était évaluée à 480 millions d’euros. Pour l’année 2019, celle-ci est estimée à 59,5 millions d’euros au titre des périodes d’activité salariée des mois de novembre et décembre 2018, dont la compensation est effectuée en 2019.

Les crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales sont en retrait de 233 millions deuros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cela résulte principalement de la suppression du fonds exceptionnel de soutien aux régions, créé en 2017 ([84]) et qui n’avait qu’une durée de deux ans. Le fonds avait été doté de 450 millions d’euros en AE en 2017, avec une dotation de CP échelonnée en deux ans : 200 millions d’euros en 2017 et 250 millions d’euros en 2018.

D.   LES MESURES DE PÉRIMÈTRE

Le présent projet de loi de finances prévoit plusieurs mesures techniques de changement de périmètre par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, qui représentent un montant de 721,3 millions d’euros à la baisse sur le champ des dépenses de l’État.

mesures de changements de périmètre

Mesures de périmètre

Projet de loi de finances pour 2019

Modification du champ du plafonnement des taxes et ressources affectées (à partir de 2012)

480,3 millions deuros

Plafonnement de quotas carbone affectés à l’agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, de la contribution de vie étudiante et de campus créée dans le cadre de la loi relative à l’orientation et la réussite des étudiants affectées aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) puis reversée aux universités et des taxes pour la réception, le stockage, le traitement, l’analyse et la publication des informations ainsi que la vérification de mesures pour les produits du tabac et du vapotage affectées à l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, suppression de taxes à faible rendement

Suppression, budgétisation de taxes et autres recettes affectées ou modifications de la répartition entre taxes et autres recettes affectées et crédits budgétaires - Autres ajustements liés à une évolution de la fiscalité

489,9 millions deuros

Rebudgétisation d’une dépense fiscale dans le cadre de la mise en place d’une aide unique à l’apprentissage, rebudgétisation de dépenses fiscales en outre-mer, compensation budgétaire au fonds national d’aide au logement (FNAL), des effets du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), compensation de la taxe sur les salaires du Centre des monuments nationaux (CMN)

Modification de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales ou compensation par le budget de l’État de la suppression ou de l’allégement d’impôts locaux

124,6 millions deuros

Recentralisation du RSA en Guyane et à Mayotte

Clarification de la répartition des compétences entre l’État et des tiers (administrations de sécurité sociale et opérateurs, notamment)

 919,4 millions deuros

Effets sur les exonérations ciblées de la bascule du crédit d’impôt compétitivité et emploi en allégements généraux de charges, transfert de contentieux vers le ministère de la justice, dispositif de médiation de la qualité de vie au travail confié aux agences régionales de santé (ARS), rationalisation des financements de la réalisation et du déploiement du service Public d’information en santé (SPIS)

Paiement de loyers budgétaires

 882,4 millions deuros

Suppression des loyers budgétaires pour les ministères civils

Mesures de périmètre relatives aux prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales ou en faveur de l’Union européenne

 14,4 millions deuros

Impact sur les prélèvements sur recettes (PSR) de la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) en Guyane et à Mayotte, recentralisation sanitaire

Incidence totale sur les dépenses de l’État

 721,3 millions deuros

Source : présent projet de loi de finances.


   AUDITION DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES
ET DU MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS

Lors de sa réunion du 24 septembre 2018, la commission a entendu M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances et M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2019.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances. Le projet de loi de finances (PLF), que nous avons, Gérald Darmanin et moi-même, l’honneur de vous présenter, a un cap : une nouvelle prospérité française. Au lieu de reposer sur plus de dépense publique, plus de dette et toujours plus d’impôts, cette nouvelle prospérité doit être fondée sur la maîtrise des finances publiques, la création de valeur par les entreprises et la création d’emplois.

Ce PLF obéit à une règle, celle de la constance. L’an dernier, nous avons engagé une vraie révolution fiscale en allégeant la fiscalité sur le capital : suppression de l’ISF ; création du PFU ; trajectoire de baisse de l’IS, qui sera ramené de 33,3 % à 25 % sur la durée du quinquennat. Nous n’allons pas faire la révolution tous les jours. Les finances publiques ont besoin de constance, de stabilité et de visibilité. Ce PLF obéit aussi à cette règle.

En vous présentant ce PLF, je voudrais vous rappeler d’où nous venons et quelle était auparavant la situation des finances publiques.

Entre 2007 et 2017, notamment en raison de la crise financière de 2008, le niveau de dette a explosé, passant de plus de 64 % à plus de 98 % du PIB. Au cours de ces dix mêmes années, le niveau de la dépense publique a aussi explosé puisqu’il est passé de 52 % à 55 % du PIB. Le niveau des prélèvements obligatoires est devenu insupportable pour nos concitoyens, passant de 42 % à 45 % du PIB au cours de la même période.

Avec Gérald Darmanin, nous souhaitons inverser la tendance et tenir le cap qui a été fixé par le président de la République pour la durée du quinquennat : cinq points de dette en moins, trois points de dépense publique en moins et un point de prélèvements obligatoires en moins.

Cette constance donne déjà des résultats. Les prévisions de croissance restent à un niveau élevé : 1,7 % pour 2018 et 1,7 % pour 2019. Cette croissance française est à un niveau élevé et elle est solide. Ce chiffre est à comparer avec la moyenne de 0,8 % constatée au cours des dix dernières années. La confiance des investisseurs est là. Les chiffres de l’attractivité française sont les meilleurs depuis dix ans. Les investissements sont dynamiques, notamment dans l’industrie. Rappelons que, pour la première fois depuis dix ans, notre industrie nationale a créé à nouveau des emplois, ce qui valide notre choix d’alléger la fiscalité du capital dès 2017. Le chômage a commencé à baisser et plus de 200 000 emplois ont été créés en un an.

Avec la même sincérité, je veux dire que ces résultats sont insatisfaisants par rapport à ceux de nos voisins européens. Nous pouvons, nous voulons et nous allons faire mieux. Qu’il s’agisse du chômage, de la croissance, du déficit public ou de la dette, nous voulons renforcer notre action et accélérer les résultats.

C’est vrai notamment dans un domaine qui me tient très à cœur et qui a fait l’objet de longs échanges à l’occasion de l’examen en commission spéciale du projet de loi PACTE : l’innovation. Nous innovons trop peu, trop tard et dans un nombre de secteurs beaucoup trop limité. Il est urgent de favoriser l’investissement pour soutenir cette innovation. L’annonce qu’a faite le Premier ministre, la semaine dernière, d’un suramortissement en matière de digitalisation et de robotisation des petites et moyennes entreprises (PME) est une réponse à ce besoin. Il est urgent de combler notre retard en matière d’innovation si nous voulons rester dans la course et garantir notre souveraineté technologique dont dépendent notre puissance économique et aussi notre souveraineté politique.

Cette accélération est d’autant plus importante que nous évoluons dans un contexte international particulièrement fragile qui fait peser des risques sur toutes les économies. Citons quelques éléments-clés : le risque de guerre commerciale entre la Chine et les États‑Unis, qui n’a jamais été aussi élevé ; la déstabilisation de certains pays émergents comme la Turquie ou l’Argentine, qui sont confrontés à une crise majeure ; les nombreuses incertitudes qui pèsent sur la zone euro et qui sont liées à la fois aux conséquences du Brexit et aux décisions possibles de certains de nos principaux partenaires de la zone euro.

Profitant de cette audition, je vais répéter ce que j’ai eu l’occasion de dire en Conseil des ministres : je trouve irresponsable de ne pas accélérer les décisions visant à transformer la zone euro et à la faire passer de zone monétaire à zone économique intégrée. Il est temps désormais que chacun prenne ses responsabilités. Il est temps que nous prenions toutes les décisions qui ont été longuement débattues, qui sont sur la table depuis des mois et sur lesquelles il existe un accord franco-allemand, celui de Meseberg : la mise en place du backstop pour renforcer notre capacité à résister à une crise financière ; la transformation du Mécanisme européen de stabilité ; la mise en place d’un budget de la zone euro pour faire face à toute éventuelle crise économique. Il est temps désormais de décider. J’appelle nos partenaires européens, notamment ceux de la zone euro, à prendre leurs responsabilités sur ces sujets afin de transformer la zone monétaire en un véritable continent économique intégré et de lui donner la capacité – qui lui fait actuellement défaut – de résister à une crise financière ou à une crise économique de grande ampleur.

Toutes ces réalités vont nous amener à poursuivre avec constance le rétablissement des finances publiques sur lequel nous sommes engagés, Gérald Darmanin et moi-même. Dans ce budget, vous trouverez des choix structurels et politiques forts qui nous permettront d’atteindre cet objectif.

Premier choix structurel, qui est la ligne de force de tout le quinquennat d’Emmanuel Macron : le travail. Nous voulons que le travail paie, que les salariés en aient pour leur engagement, leur professionnalisme et leur dévouement dans l’entreprise. C’est pourquoi nous avons décidé la suppression des cotisations d’assurance chômage et d’assurance maladie, qui sera pleinement effective au 1er octobre de cette année, la suppression des cotisations salariales sur les heures supplémentaires et la suppression du forfait social sur l’intéressement et la participation dans le cadre de la loi PACTE. Ces mesures ne visent qu’un seul et même objectif : tous les Français doivent désormais savoir que le travail paie. Les salariés verront à la fin du mois, en bas de leur feuille de paie, un salaire net plus élevé.

Deuxième choix-clef : l’investissement. Il est indispensable que dans tous les secteurs de notre économie, notamment le secteur industriel, les entreprises disposent de plus de capital pour investir et innover plus, sans quoi nous raterons le train des nouvelles technologies et la transformation technologique en cours. C’est pour cela que nous avons décidé de sanctuariser le crédit d’impôt recherche (CIR), de mettre en place un suramortissement ou d’engager la baisse de l’impôt sur les sociétés qui doit permettre à nos entreprises d’être plus profitables pour investir et innover davantage.

Troisième choix : une croissance durable. La nouvelle prospérité française, que nous voulons construire, doit reposer sur une croissance durable, respectueuse de l’environnement et soucieuse de lutter contre le réchauffement climatique. J’assume totalement nos choix, notamment en matière de fiscalité énergétique. Il n’y a aucune raison de garder un avantage fiscal à la consommation du diesel par rapport à l’essence. Il n’y a aucune raison de continuer à garder une niche fiscale sur le gazole non routier, à moins de vouloir défendre un modèle de croissance non durable et non soutenable sur le long terme. On ne peut pas prétendre être contre le changement climatique et pour la transition énergétique si l’on refuse les adaptations fiscales nécessaires à la pénalisation des énergies fossiles. Rappelons que, dans le même temps, ce projet de budget comporte des mesures fortes pour inciter les Français à transformer leurs modes de consommation et de transport.

Tenir les finances publiques, cela suppose aussi des efforts de la part de chacun. Dans le budget 2018, des efforts ont été demandés aux Français, notamment en raison du report, de janvier à octobre, d’une partie de la baisse des cotisations salariales promises par le président de la République.

Cette année, dans le budget 2019, nous demandons un effort aux entreprises. C’est un effort raisonnable et soutenable. Nous reporterons au 1er octobre l’allégement de quatre points des cotisations patronales sur les salaires au niveau du SMIC et nous augmenterons le taux du cinquième acompte d’impôt sur les sociétés pour toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros. C’est un effort mais je tiens à rappeler que personne n’y perdra. Aucune entreprise n’y perdra. Nous ne faisons que retarder le bénéfice de certaines mesures. Il ne me semble pas illégitime de demander un effort aux entreprises l’année où la bascule du CICE leur apporte un supplément de 20 milliards d’euros de trésorerie.

Ces efforts donnent des résultats, je tiens à le dire aux membres de cette commission et, par leur intermédiaire, aux Français. Le déficit public de la France sera de 2,8 % du PIB en 2019. Si nous retirons le coût représenté par la bascule du CICE en allégements de charges pérennes, le déficit public de la France en 2019 est de 1,9 %. C’est le meilleur résultat depuis 2001.

L’ajustement structurel sera de 0,3 point de PIB en 2019. C’est le chiffre que j’ai constamment défendu auprès de la Commission européenne, en présentant les perspectives financières de la France. Dans son avis, le HCFP indique que ce chiffre dépend de la pérennité du cinquième acompte d’IS. Je l’ai bien noté. Je vais engager très rapidement les discussions avec les entreprises pour assurer la pérennité de cette décision afin de garantir l’ajustement structurel de la France.

La dette publique sera de 98,6 % du PIB à la fin de 2019. Ce chiffre reste élevé. Il résulte de mesures de reclassification et de sincérité – à laquelle nous sommes profondément attachés, Gérald Darmanin et moi-même – et de l’explosion de la dette publique au cours des dix dernières années. Mais ce chiffre n’est pas satisfaisant. Le niveau de la dette publique continue de peser comme un poison lent sur notre économie et sur les générations futures. Nous devons donc poursuivre l’effort de réduction de cette dette. Les cessions d’actifs prévues par la loi PACTE participeront au désendettement de l’État. À mes yeux, les cinq points de réduction de la dette publique, d’ici à la fin du quinquennat, représentent un minimum.

Les prélèvements obligatoires passeront de 45 % à un peu plus de 44,2 % du PIB en 2019. Dans ce domaine-là aussi, l’engagement du président de la République sera tenu : un point de prélèvements obligatoires en moins au cours du quinquennat.

Tenir nos engagements nationaux et tenir nos engagements européens, cela ne fait qu’un. C’est pour cela que nous respecterons nos engagements européens en 2019 comme nous l’avons fait en 2017 et en 2018. Nous prenons les décisions nécessaires pour accélérer la convergence fiscale européenne qui a été validée par l’accord de Meseberg. Nous allons modifier le régime d’intégration fiscale de l’impôt sur les sociétés, transposer la directive ATAD et nous mettre en conformité avec les règles de l’OCDE sur la fiscalité des brevets.

Pour conclure, je voudrais vous rappeler une conviction que j’ai exprimée à plusieurs reprises devant cette commission des finances : il n’y a pas de croissance durable sans finances publiques bien tenues. Ils font une erreur tous ceux qui rêvent d’une croissance bâtie sur toujours plus de dépenses publiques, une dette qui explose, une charge de la dette qui s’alourdit et des impôts qui augmentent. Si nous voulons une croissance durable, reposant sur plus d’innovation, plus d’investissements, la valorisation des nouvelles technologies et la réussite de la transition énergétique, cela dépend aussi du rétablissement de nos finances publiques. C’est ce à quoi nous nous sommes engagés, Gérald Darmanin et moi-même.

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. L’an dernier, à l’occasion de la présentation du budget, je vous avais apporté du fromage de ma circonscription. On m’avait dit que c’était un peu trop odorant. Cette année, j’ai opté pour des chocolats, des pavés de Tourcoing.

M. le président Éric Woerth. Un peu de douceur !

M. le ministre de laction et des comptes publics. Je suis heureux que les artisans de Tourcoing soient ainsi reconnus.

Inversant la maxime du baron Louis, on pourrait dire que le président de la République nous a demandé de faire de bonnes finances pour faire de la bonne politique, afin de restaurer la crédibilité de l’État en matière de réformes et vis-à-vis de ses partenaires européens.

Le budget 2019 est l’acte II de la transformation du pays. Il s’inscrit dans la continuité et dans l’accélération. Il est conforme aux engagements présidentiels, au débat d’orientation des finances publiques et à la loi de programmation des finances publiques que nous avons présentée, Bruno Le Maire et moi-même.

Revenons un peu en arrière, si vous me le permettez. En 2017, nous avions eu à connaître de certaines insincérités budgétaires et, l’an dernier, j’étais venu devant votre commission avec un décret d’avance. Je m’étais engagé à ne pas représenter de décret d’avance pour l’exercice budgétaire suivant. C’est chose faite monsieur le président, je ne suis pas venu devant votre commission avec un décret d’avance, et cela ne se produira pas cette année, contrairement à ce qui s’était passé au cours des quatre quinquennats précédents. Vous aurez constaté que le HCFP – dont vous allez auditionner le président en fin d’après-midi – a démontré l’aspect sincère et crédible des inscriptions budgétaires. L’efficacité de notre gestion est assez évidente : la dépense publique devrait augmenter de 0,6 % en valeur et de 0 % en volume cette année, un cas extrêmement rare.

S’agissant des chiffres macroéconomiques, quelques graphiques valent mieux qu’un long discours. Le taux de croissance reste largement supérieur à la moyenne de ceux qui ont été enregistrés depuis le début des années 2010. Au cours du quinquennat précédent, le taux moyen se situait autour de 0,8 %, alors que le taux actuel est de 1,7 %. C’est la première fois depuis 2001 que la croissance est supérieure à 1,5 % pendant trois années consécutives, ce qui est à marquer d’une pierre blanche et qui souligne le dynamisme de l’économie française.

Prenons le déficit. L’année dernière, nous étions sous la barre des 3 % pour la première fois depuis onze ans, c’est-à-dire depuis 2007. L’an prochain, la France sera en dessous de ce niveau de 3 % depuis trois ans, pour la première fois depuis vingt ans. Le déficit devrait en effet se situer à 1,9 % l’an prochain, hors les mesures exceptionnelles concernant le CICE.

Comparez la moyenne de la dépense publique en volume à celle constatée durant les quinquennats précédents. Vous constatez que c’est le gouvernement d’Emmanuel Macron qui dépense le moins, si j’ose dire. Mention particulière : la croissance en volume de la dépense publique est nulle en 2018. Le graphique montre clairement que le Gouvernement réduit la dépense publique.

L’an prochain, la dépense publique de l’État progressera de 0,8 % en volume, alors que celle des collectivités locales se situera autour de 1,2 %. L’État fera 2,5 fois plus d’efforts que les collectivités locales. C’est l’exact inverse de ce qui s’est passé au cours du quinquennat précédent.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est hors crédits d’impôt !

M. le ministre de laction et des comptes publics. C’est toujours hors crédits d’impôt, madame la députée, y compris pour les gestions précédentes. On peut se réjouir du fait que la dépense publique baisse de façon assez forte, et sa croissance nulle observée en 2018 est, me semble-t-il, une réponse à vos critiques de l’année dernière.

La nette décélération des dépenses de l’État se lit clairement dans le graphique qui fait apparaître les données des trois dernières lois de finances initiales. En 2017, nous avons constaté une hausse de 1,4 % de la dépense publique en volume, hors crédits d’impôt, malgré les mesures dites de refroidissement de la dépense, c’est-à-dire les 5 milliards d’euros du décret d’avance que j’avais présenté. L’augmentation de crédits pour l’État sera donc seulement de 2,2 milliards d’euros, malgré d’importantes hausses ciblées sur lesquelles je vais revenir.

La marque du Gouvernement s’imprime sur l’investissement public. Nous avons multiplié par deux le pourcentage d’augmentation de l’investissement public. Il va augmenter de 6 % à 7 % cette année et probablement d’environ 5 % en 2019, alors qu’il n’avait progressé que de 3 % l’année dernière. Le grand plan d’investissement, une promesse du président de la République, est en voie de concrétisation. Il suffit de regarder les données du quinquennat précédent pour constater la différence.

J’en viens aux prélèvements obligatoires, qui sont en décélération depuis notre arrivée aux responsabilités. La baisse des impôts atteindra environ 6 milliards d’euros pour les ménages et une vingtaine de milliards d’euros – entre 18 et 19 milliards d’euros – pour les entreprises. Pour les ménages, certaines mesures vont se faire sentir : la deuxième tranche de suppression de la taxe d’habitation, le plein effet des baisses de cotisations sociales, la mesure de correction de la contribution sociale généralisée (CSG), le coup de pouce aux heures supplémentaires.

C’est aussi un PLF de clarification de la fiscalité, comportant quelques révolutions et simplifications fiscales.

Soulignons tout d’abord la suppression de vingt-deux taxes. Dans ce PLF, nous supprimons dix-sept petites taxes. En y ajoutant celle que nous allons supprimer par décret et une autre qui le sera par article budgétaire, nous en sommes à dix-neuf. Trois autres taxes sont fusionnées. Au total, vous avez bien la suppression promise de vingt-deux taxes. Je voudrais saluer ici le travail du député Laurent Saint-Martin qui, dans une proposition de résolution, nous avait appelés à faire ce travail. Une deuxième tranche de suppression aura lieu l’année prochaine.

Nous engageons aussi une refonte de la fiscalité agricole, dont vous parleront Bruno Le Maire et Stéphane Travert. La question des locaux industriels et de la requalification, que le président Ferrand nous avait invités à revoir, s’inscrit dans le PLF. Suite aux assises des outre-mer, ce PLF contient des mesures sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir.

Enfin, j’en viens à la contractualisation avec les collectivités locales, un sujet de satisfaction qui me permet de saluer Jean-René Cazeneuve, le Rapporteur général et tous les parlementaires qui ont beaucoup travaillé l’année dernière sur le sujet. Certains nous disaient que cette contractualisation contrevenait à la Constitution. D’autres, comme Charles de Courson, estimaient que nous n’atteindrions pas les objectifs fixés. Les uns et les autres se trompaient. Avec le recul, nous voyons que 70 % des 322 grandes collectivités ont signé un contrat avec l’État. Le Conseil constitutionnel n’a rien trouvé à redire à la formule que nous avions proposée au Parlement. Nous avons même eu un satisfecit, suite au rapport de MM. Richard et Lambert. Et, finalement, nous tiendrons les objectifs puisque le taux de croissance des dépenses de fonctionnement des collectivités locales devrait tourner autour de 1 %, un niveau inférieur à la cible.

C’est une belle réussite, même en termes d’investissements. Permettez-moi de vous dire, monsieur le député de Courson, que le taux cible se situe à 1,2 % en valeur et que les dépenses en volume progresseront d’environ 1 %. Nous devrions tous être satisfaits de voir aboutir la logique partenariale.

Sachant que le Comité des finances locales se réunit demain, je souligne que c’est le contraire d’une baisse de dotations. Pour la deuxième année consécutive, aucune baisse de dotations n’est prévue. Les dotations augmenteront même d’environ 72 millions d’euros sur l’enveloppe normée, sans compter l’affectation de la TVA, et nous conservons les mêmes variables pour la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) que l’année dernière.

En matière de crédits budgétaires, le mot d’ordre « libérer, protéger, investir » retrouve tout son sens dans le PLF que nous présentons.

Pour libérer le travail, nous proposons des mesures qui permettent de mieux rémunérer le travail ou d’investir dans la formation. La suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires va représenter 11 % de pouvoir d’achat en plus pour les salariés concernés, soit 200 euros d’augmentation par an s’ils font le même nombre d’heures supplémentaires qu’actuellement. On peut imaginer que l’effet sera supérieur car cela sera plus intéressant de faire des heures supplémentaires.

La prime d’activité va augmenter de 20 euros en octobre 2018, puis de 20 euros par la suite.

En ce qui concerne la taxe d’habitation, le deuxième dégrèvement va entrer en vigueur, en fonction du niveau de revenu fiscal. Le dégrèvement sera de 400 euros pour une taxe d’habitation moyenne de 600 euros par an. Cette taxe varie évidemment en fonction du lieu d’habitation, ce qui la rend assez injuste.

Le forfait social et la participation, c’est-à-dire le dispositif prévu dans la loi PACTE, sont inscrits directement dans la loi de finances.

Certaines mesures du plan d’investissement dans les compétences, présenté par Muriel Pénicaud, trouvent ici leur concrétisation puisque 2,5 milliards d’euros seront investis en 2019 dans la formation des demandeurs d’emploi.

Pour libérer les entreprises, le taux d’IS va être ramené de 33 % à 31 %, et le CICE va se transformer en allégement de charges pérenne. C’est d’autant plus important que cet allégement va bénéficier à tous les employeurs alors que le CICE ne s’adressait pas à certains d’entre eux, notamment à ceux du monde associatif.

Nous voulons aussi protéger, en particulier les plus pauvres : augmentation du minimum vieillesse de 35 euros par mois à partir de janvier 2019, après la hausse de 30 euros décidée en avril 2018 ; hausse de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) qui atteindra son plus haut niveau, 900 euros par mois en 2019 ; mesures du plan pauvreté qui ont été largement détaillées par la ministre de la santé et des solidarités ; « contemporanéisation » des prestations comme l’aide personnalisée au logement (APL) et des impôts avec la retenue à la source de l’impôt sur le revenu ; mesures de correction de la CSG. Alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) sera présenté la semaine prochaine en Conseil des ministres, je rappelle que les retraites ont été revalorisées en moyenne de 0,4 % au cours des sept dernières années.

Pour renforcer la protection des Français, nous procédons, dans les domaines régaliens, à des augmentations de crédits sans comparaison avec celles des années précédentes : 1,7 milliard d’euros pour le ministère de la défense, 450 millions d’euros pour le ministère de l’intérieur, 310 millions d’euros pour le ministère de la justice. Pour la justice et la défense, les crédits sont conformes aux lois de programmation adoptées par les parlementaires. L’augmentation des crédits du ministère de l’intérieur vise à permettre les embauches de policiers et de gendarmes, évoquées par le président de la République au début de son mandat.

Nous allons investir 1,2 milliard d’euros pour l’éducation, la recherche et les universités – environ 800 millions d’euros pour l’éducation et quelque 500 millions d’euros pour les universités et les 40 000 étudiants supplémentaires à accueillir chaque année. Les crédits consacrés à l’écologie et aux transports vont progresser d’un milliard d’euros, ce qui est la plus importante augmentation depuis la création du ministère par le président Giscard d’Estaing. Je n’insiste pas sur les grands programmes d’investissements d’avenir déjà évoqués.

D’autres réformes, comprises dans ce PLF, seront annoncées par les ministères : l’audiovisuel public ; les réseaux de l’État des Français à l’étranger ; le recouvrement unique de la fiscalité ; le plan hôpital ; le plan pauvreté ; le service public de l’emploi et la réforme de l’assurance chômage ; la transformation, notamment sur le plan des horaires, de l’éducation nationale ; le verdissement de la fiscalité – notamment la concrétisation de l’économie circulaire et la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets – qui nous prendra peut-être un peu de temps dans l’hémicycle ; la transformation des outre-mer, la transformation de la fiscalité agricole et bien d’autres.

Comme vous le voyez, ce budget marque non seulement l’acte II de la transformation mais aussi son accélération.

M. le président Éric Woerth. Dans ce moment singulier qu’est la présentation du projet de loi de finances, permettez-moi de prendre quelques minutes pour faire entendre une voix différente.

Il y a un an, je vous mettais en garde contre le relâchement de vos ambitions en matière de maîtrise de la dépense. Le temps passe, le temps politique plus vite encore ; on perçoit bien un essoufflement, même si vous prévoyez un taux de croissance de 1,7 % sur plusieurs années. Ce budget traduit votre politique et l’on ressent déjà un relâchement sur la dépense publique.

Sa lecture est complexe : comme le HCFP l’a remarqué, il est difficile de s’y retrouver entre l’inflation des opérations ponctuelles et les retraitements comptables, mais globalement, la dépense est en augmentation de 25 milliards d’euros et l’effort structurel n’est que de 0,3 point – un chiffre microscopique, abaissé encore par le Haut Conseil à 0,2 point de PIB.

Monsieur le ministre de l’économie, vous avez évoqué une possible pérennisation du versement du cinquième acompte, qui signifierait moins d’IS sur le taux, mais davantage sur les modalités de calcul. D’une certaine façon, vous inventez l’IS contemporain : je ne suis pas sûr que les entreprises apprécient, d’autant que les entreprises de taille intermédiaire, elles aussi, sont concernées.

Nous voyons s’éloigner les résultats de la politique de réduction de la dépense publique, fondée notamment sur CAP 22. La presse fait état des lettres envoyées aux ministères, sans que l’on en voie la traduction dans le budget. Alors que vous vous êtes fixé pour objectif une réduction des effectifs de 50 000 postes, – l’objectif de 120 000 est désormais passé sous silence –, le présent budget ne vise que 4 100 postes. La différence n’est pas énorme, mais elle représente tout de même 10 % d’un objectif qui manquait déjà d’ambition. Que vous ayez du mal à réduire les effectifs de la fonction publique est symptomatique de votre incapacité à réformer l’État.

Le déficit public augmente. Même si l’on considère qu’il n’est pas de 2,8 % du PIB mais de 2 % environ – puisqu’il convient de déduire certains éléments ponctuels en 2019 – il reste deux fois plus élevé que le déficit moyen des États de la zone euro. La comparaison n’est pas en notre faveur, monsieur le ministre !

Ce budget repose largement sur des transferts, qui sont massifs. Ce n’est pas de bonne politique, car faire payer une partie des Français pour d’autres Français mine la confiance, essentielle en économie, et nuit à la consommation, moteur de la croissance. La hausse significative de la CSG, compensée en partie par des baisses de cotisations sociales, est payée évidemment en grande partie par les retraités. La lourdeur de la facture entraîne une fracture sociale. Le jeu est à somme nulle ; pire, le résultat est négatif.

Ce chiffre de 6 milliards d’euros, que l’on retrouve partout dans la presse et que les ministres sont invités à utiliser pour défendre le budget, est censé désigner les baisses d’impôts, donc le gain de pouvoir d’achat pour les ménages. Mais si l’on tient compte de l’augmentation des prélèvements de l’année dernière, établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) à 4,5 milliards d’euros, la baisse n’est que de 1,5 milliard d’euros, ce qui est très faible en période de croissance.

L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), que nous avons auditionné récemment, s’est livré au même calcul mais parvient à 3,5 milliards d’euros seulement de baisse des prélèvements pour 2019. Il est difficile de comprendre et de savoir qui dit vrai, mais ce qui compte, au-delà des chiffres, c’est le ressenti des Français.

Je suis allé regarder ce que recouvrent ces 6 milliards, et j’ai noté de singuliers oublis. Pour commencer, vous ne tenez pas compte de la désindexation des pensions, des allocations familiales et de quelques autres revenus, une mesure d’économies que vous avez décidée. C’est pourtant du pouvoir d’achat, à hauteur de 3 milliards d’euros, qui n’est pas créé.

Ensuite, vous n’intégrez pas à ce calcul la hausse des cotisations AGIRC et ARRCO, dont le Gouvernement n’est certes pas responsable, mais qui intervient alors que vous invitez à une négociation où l’État reprendrait la main. En tout cas, ces cotisations constituent bien une contribution obligatoire, et leur augmentation représente 1,8 milliard d’euros.

Enfin, il convient de déduire de votre calcul la hausse de la collecte de l’impôt sur le revenu qui découlera du prélèvement à la source. En effet, l’augmentation de 3,5 % de la masse salariale prévue en 2019 augmentera par contemporanéité la collecte de 2 ou 2,5 milliards d’euros.

Vous le constatez, ces 6 milliards disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus. Au‑delà des chiffres et de la technique très embrouillée, c’est ainsi que les Français ressentent les choses.

Ce budget n’est pas celui qu’il aurait pu être. Il aurait pu être celui de la réduction de la fiscalité sur les entreprises, pour plus de compétitivité. Il aurait pu être celui d’une plus grande justice sociale, évitant à certaines catégories de la population de payer.

J’en terminerai avec la taxe d’habitation. Je persiste et je signe : on ne supprime pas 20 milliards d’euros comme cela. Il faudra bien que quelqu’un paie, les générations futures qui devront supporter un endettement plus grand encore, ou le contribuable national, qui sera appelé à combler le déficit. Ce même déficit qui explose et atteint près de 99 milliards d’euros, en raison de mesures de compensation : je pense au fractionnement de la TVA vers les collectivités locales, afin de financer une partie de la suppression de la taxe d’habitation.

Voilà pour lancer le débat et donner une interprétation un tant soit peu différente des chiffres que vous avez présentés.

M. le ministre de léconomie et des finances. Monsieur le président, permettez-moi de vous répondre et d’éclairer des propos qui n’auraient pas été suffisamment précis. Je ne partage pas votre constat sur l’essoufflement de la croissance. Je suis convaincu que la croissance française est solide et vigoureuse. Elle peut l’être davantage, certes, et c’est tout le sens des mesures contenues dans le projet de loi PACTE.

L’ajustement structurel de 0,3 point de PIB correspond à ce que j’avais indiqué à la Commission européenne il y a plusieurs mois. Le HCFP a corrigé ce chiffre en le ramenant à 0,2 point de PIB, car il estime que le versement anticipé du cinquième acompte d’impôt sur les sociétés doit être pérenne. Je le répète, je suis prêt à étudier avec les entreprises concernées cette mesure qui peut être bénéfique pour tous, dans la mesure où elle rend le versement contemporain. Je rappelle que cette disposition ne concerne que les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 250 millions d’euros – le versement anticipé aurait été compliqué pour les petites et les moyennes entreprises.

Pour mémoire, le taux passe de 80 % à 95 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 250 millions et un milliard d’euros, de 90 % à 98 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires se situe entre un milliard et 5 milliards d’euros ; il reste inchangé au-delà, à 98 %. Nous demandons aux entreprises de payer plus rapidement, de manière contemporaine. Il me semble souhaitable, en retour, d’ajuster le montant des indemnités de retard et de réduire le niveau des pénalités lorsque le calcul est erroné.

J’assume le transfert des cotisations sociales vers la CSG, un choix politique fort qui traduit notre volonté de valoriser le travail, de le récompenser.

Je suis en désaccord, monsieur le président, avec votre analyse concernant la fiscalité sur les entreprises. En 2019, les entreprises bénéficieront à la fois du CICE pour 2018 et de l’allégement des charges, pour 20,4 milliards d’euros. Elles bénéficieront également de la baisse de l’IS, à hauteur de 2,4 milliards d’euros et la suppression du forfait social leur rapportera 500 millions d’euros. Côté hausses, la fiscalité énergétique pèsera pour un milliard d’euros, tout comme la suppression de la niche fiscale sur le gazole non routier, tandis que la mise en place de France Compétences coûtera 1,3 milliard d’euros. Au total, l’allégement des prélèvements obligatoires sera de 18,8 milliards d’euros.

On peut être d’accord ou pas avec cette politique, on ne peut lui dénier sa cohérence. Nous voulons que nos entreprises soient plus profitables, pour qu’elles investissent davantage, innovent et créent des emplois. C’est la cohérence de cette majorité et du projet du président de la République.

M. le ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le président, je m’efforcerai de répondre à vos remarques et de préciser certains points, tout en me gardant de cautionner certaines opinions – cela ne vous surprendra pas.

L’opposition est bien dans son rôle lorsqu’elle pointe ce qu’elle ne considère pas comme juste, ou vrai ; mais il serait bon qu’elle fasse des propositions concrètes lorsqu’elle appelle à baisser les dépenses publiques, tout en diminuant les impôts, et tout en réduisant la dette. J’imagine qu’elle se livrera à cet exercice lors du débat parlementaire et c’est avec grand plaisir que nous les étudierons. Jusqu’ici, elle a toujours refusé celles que nous avons faites.

M. Julien Aubert. Elles étaient mauvaises !

M. le ministre de laction et des comptes publics. L’objectif de suppression de 120 000 équivalents temps plein (ETP) n’est pas oublié et la répartition demeure la même, avec 70 000 ETP dans la fonction publique territoriale et 50 000 ETP dans la fonction publique de l’État. Votre assemblée pourrait utilement évaluer l’effet de la contractualisation et de la limitation des dépenses de fonctionnement sur les effectifs dans la fonction publique territoriale, une piste pour trouver une partie des 70 000 ETP. Au début du prochain semestre, je présenterai avec Olivier Dussopt des propositions dans ce domaine.

Pour ce qui est de la fonction publique d’État, j’ai bien entendu votre remarque. Sachez que nous triplons quand même le nombre de suppressions de postes et que les conséquences des mesures que nous avons prises devraient se voir, sinon l’année prochaine, du moins l’année suivante. Il est possible d’atteindre l’objectif de 50 000 suppressions en arrêtant certaines missions et en accompagnant ces réformes de plans de départs volontaires. Nous avons fait le choix de changer les missions de la fonction publique, plutôt que de passer le rabot sur les effectifs. Je vois que je ne vous convaincs pas, mais nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet, preuves à l’appui.

En aucun cas je ne puis vous rejoindre, monsieur le président, sur les calculs que vous faites concernant la baisse des prélèvements. Vous déduisez le coût de la désindexation de certaines prestations, comme si cela représentait de l’argent en moins pour les ménages. Mais il ne s’agit pas là de fiscalité ! Et dans ce cas, pourquoi ne pas ajouter à ces 6 milliards le produit de la hausse des allocations, telles la prime d’activité, le minimum vieillesse, l’AAH et le RSA ? Je le répète, la baisse nette des prélèvements obligatoires est bien de 6 milliards d’euros, ainsi que le montrent les graphiques que nous vous avons présentés. Et il est important de souligner que, pour la première fois, les impôts baissent deux années de suite.

Je ne partage pas davantage votre opinion sur le déficit de l’État. Peut-être l’incompréhension vient-elle de ce que je me suis mal exprimé dans mon propos liminaire ? Le déficit augmente pour deux raisons. Avec la bascule du CICE, l’État compensera auprès de la sécurité sociale la baisse des cotisations, à hauteur de 20 milliards d’euros environ. Par ailleurs, un déficit de 6 milliards d’euros apparaîtra l’année prochaine, car l’impôt sur le revenu, qui sera prélevé à la source à la fin décembre 2019, ne sera collecté auprès des entreprises qu’au début du mois de janvier 2020 – en année pleine, les choses se rééquilibreront.

Il est faux de dire que le prélèvement à la source entraîne une augmentation de la fiscalité. On peut observer une augmentation des recettes, liée à un meilleur taux de recouvrement – 99 % avec le prélèvement à la source, contre 98 % aujourd’hui –, un point de différence qui représente tout de même 730 millions. Mais aller chercher les fraudeurs ou les phobiques administratifs ne peut en aucun cas s’apparenter à une hausse de la fiscalité ! Il ne faut pas voir d’augmentation d’impôts là où il n’y en a pas.

Permettez-moi de revenir brièvement sur le déficit. Celui-ci est passé de 3,4 % du PIB à 1,9 % du PIB – vous-même avez souligné, monsieur le président, qu’il avoisinait les 2 %. C’est la plus forte baisse à laquelle un gouvernement soit parvenu. Vous avez raison de dire que nous devons continuer dans cette voie, mais vous faites erreur lorsque vous expliquez que l’État redonne une fraction de la TVA aux collectivités pour compenser la taxe d’habitation. C’est exactement l’inverse qui se passe, puisque nous transférons une part de la TVA seulement aux régions, qui voient ainsi leurs recettes augmenter de 700 millions par rapport aux dotations des années précédentes. Les communes, elles, continuent de percevoir la taxe d’habitation. Il y a, dans vos propos, une légère ambiguïté.

M. le président Éric Woerth. Une précision : les entreprises dont le chiffre d’affaires est de 250 millions d’euros ne sont pas de grandes entreprises du CAC 40, mais de grosses PME, tout au plus des entreprises de taille intermédiaire.

Par ailleurs, monsieur Le Maire, lorsque vous dites que la fiscalité sur les entreprises a baissé de 18,8 milliards d’euros, vous incluez le « double » CICE. Si l’on ne tient pas compte des mesures exceptionnelles, la fiscalité ne baisse pas.

Quant à la baisse des prélèvements sur les ménages, monsieur Darmanin, je réitère : j’intègre dans le calcul l’augmentation des prestations et je déduis évidemment les mesures de gel, puisque ce sont des économies faites sur des revenus qui auraient dû être versés aux bénéficiaires. Ces « plus » et ces « moins » sont bien au cœur de la discussion – c’est d’ailleurs vous qui les mettez en avant. Nous aurons donc l’occasion d’en débattre. En réalité, les prélèvements ne baissent pas de 6 milliards, ils augmentent de 600 millions d’euros !

Je maintiens que le prélèvement à la source a un impact sur l’impôt sur le revenu. En période de croissance, son produit est plus grand sur l’année n que sur l’année « n – 1 ». Au‑delà des questions de trésorerie que vous avez évoquées, et qui ne concernent pas les ménages, l’impôt sur le revenu sera plus important.

M. Joël Giraud, Rapporteur général. Permettez-moi, en préambule, de formuler quelques constats. Je tiens à le dire d’entrée de jeu, l’absence de décrets d’avance et la perspective d’un projet de loi de finances rectificative sans mesures fiscales me réjouissent particulièrement !

Pour ajouter au débat sur le niveau de la croissance, qui agite notamment la presse spécialisée, je tiens à souligner que ce niveau demeure, pour 2018 et 2019, élevé ! D’aucuns se plaisent à souligner qu’il est en deçà de celui de 2017 et que les prévisions ont été revues à la baisse par rapport au programme de stabilité. Je constate, pour ma part, que la croissance en 2018 et en 2019 sera bien supérieure à tout ce que l’on a connu sous la précédente législature. Ce scénario a de quoi nous rassurer. Le programme de stabilité était optimiste, car tout le monde avait été surpris par un retour plus fort que prévu de la croissance en 2017. Le taux de croissance prévu dans le PLF pour 2019 – 1,7 % – est exactement celui qui figure dans la loi de programmation des finances publiques. Je suis satisfait d’observer cette conformité. Il n’y a donc pas de révision à la baisse des objectifs et les conditions macro-économiques ne se dégradent pas par rapport à celles que nous anticipions il y a un an.

Contrairement à ce que vous pourriez considérer comme des apparences, les efforts de réduction du déficit public sont maintenus. Le déficit public est de 2,8 % du PIB, au lieu de 2,6 % en 2018 et de 2,7 % en 2017. En neutralisant l’impact du remboursement de la taxe de 3 % sur les dividendes, qui est quand même important, et la transformation du CICE en baisse des cotisations, le Haut Conseil a calculé que le déficit baisserait de 0,3 point de PIB en 2018 et de 0,5 point en 2019, soit une moyenne de 0,4 point par an. On ne peut pas dire que l’année 2019 marque une rupture ; elle traduit plutôt un effort considérable de maîtrise de la dépense publique, que le Haut Conseil considère d’ailleurs comme accru.

Un certain nombre de questions me semblent importantes dans le cadre de la préparation de ce budget. En 2019, l’IR sera assis pour la première fois sur les revenus de l’année en cours, et non sur les revenus de l’année précédente. Dans quelle mesure cela peut-il affecter la fiabilité de la prévision ? Quelle est, selon vous, la marge d’erreur sur la prévision du rendement de l’IR pour 2019 ? Dans le même registre, pouvez-vous nous indiquer le coût des modifications apportées au champ de l’acompte pour les crédits et les réductions d’impôt ?

S’agissant de l’exit tax, dont nous n’avons pas encore parlé mais qui me semble un sujet important, le projet de loi prévoit un allégement des obligations déclaratives et un délai de deux ans pour obtenir un dégrèvement complet des plus-values latentes. Pensez-vous que ce délai soit suffisant pour prévenir les abus ? La plupart des dispositifs anti-abus mis en place dans l’Union européenne prévoient, à partir d’un certain seuil, un délai de cinq ans. Je n’ai pas de religion en la matière, mais il me semble qu’un dispositif anti-abus doit ressembler à un dispositif anti-abus, et qu’il est parfois bon de regarder ce qui se passe chez les voisins. Par ailleurs, que pensez-vous de l’idée d’adapter l’un des seuils d’entrée dans l’impôt en visant 800 000 euros de plus-values, et non 800 000 euros de participations ?

Une part importante des dispositions fiscales contenues dans le PLF concernent les entreprises. L’un des articles porte sur l’évolution du régime fiscal des produits tirés de la cession ou de la concession de brevets, critiqué par l’OCDE. Certes, on ne peut passer son temps à exiger des règles plus strictes, notamment sur les GAFA, et se passer d’appliquer les recommandations de l’OCDE sur les brevets. Sans vouloir revenir sur l’équilibre général de la disposition, qui est de rendre notre droit conforme aux positions internationales de la France et de s’inscrire dans la lutte contre les pratiques dommageables, je note qu’il existe des marges de manœuvre. J’aimerais que vous puissiez nous en parler.

En matière d’intégration fiscale, je me réjouis de la sécurisation juridique prévue par le PLF. L’article ne modifie pas le périmètre d’intégration. Quelle est votre position sur un assouplissement des conditions de détention, très strictes ? En 2016, le Conseil des prélèvements obligatoires proposait de les fixer non plus à 95 % du capital, mais à 50 % des droits de vote et 75 % du capital.

Je note avec satisfaction que les engagements du président de la République sur les finances locales sont une fois de plus respectés, puisque le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) reste stable en 2019, à périmètre constant. Toutefois, pouvez-vous préciser les grandes lignes concernant les mouvements internes de la DGF, notamment les hausses éventuelles des dotations de péréquation ?

J’observe avec regret que le PLF ne semble pas contenir de mesures concernant la répartition territoriale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Pour y travailler avec quelques parlementaires, je sais combien la tâche est ardue et une solution difficile à mettre en œuvre. Aussi, j’attends avec impatience les conclusions du rapport que vous devriez nous remettre à la fin de la semaine.

Des informations remontent du terrain sur la mise en œuvre des dispositions que nous avons votées – de manière fort œcuménique – sur la taxe de séjour, et font état de problèmes d’application du tarif proportionnel de la taxe de séjour forfaitaire. Ne pensez-vous pas qu’il soit nécessaire de procéder à certains ajustements ?

Enfin, nous avons compris qu’une grande loi-cadre porterait début 2019 sur les collectivités territoriales. Avant toute chose, il me semble que les correctifs que nous avons votés dans le cadre du précédent PLF doivent être mis en œuvre, notamment le correctif relatif à la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui pose problème pour les communes hors fiscalité professionnelle unique et hors DSU. Par ailleurs, il serait bon que nous puissions obtenir les rapports dont nous avons voté la remise, sur la DGF « verte » et sur la DGF des communes touristiques et rurales.

Mme Amélie de Montchalin. Merci aux ministres pour leurs présentations.

Je voudrais d’abord revenir sur les 6 milliards d’euros dont il est beaucoup question. Il faut faire la part des choses : l’État renonce bien, dans ce budget, à 6 milliards d’euros de ressources en provenance des ménages. C’est incontestable : si nous n’avions rien fait, l’État aurait eu dans ses caisses 6 milliards d’euros de recettes supplémentaires ; or nous avons choisi de réduire la taxe d’habitation et les cotisations sociales. Nous choisissons aussi d’augmenter la fiscalité sur le tabac et sur le diesel, mais la différence nette est de 6 milliards d’euros en moins pour les ménages. En parallèle, l’État choisit de revaloriser de 0,3 % les pensions et certaines allocations, ce qui constitue une dépense. Sur ce point, il n’est nulle part écrit que la revalorisation doit être, par défaut, égale à l’inflation : c’est un choix politique qui est opéré année après année, par chaque gouvernement. En ce qui concerne les ménages, on peut calculer l’écart entre l’évolution des revenus et l’inflation, comme l’a fait l’OFCE : le résultat, selon des chiffres que nul n’a contesté jusqu’à présent, représente 3,5 milliards d’euros de pouvoir d’achat, soit le niveau le plus élevé depuis dix ans. Je le répète, il faut faire la part des choses entre ce qui revient à l’État et aux ménages.

Ma question porte sur la maîtrise des dépenses et la réforme de l’État. Ce n’est pas du tout un sujet que nous évitons, monsieur le président, bien au contraire : je suis un peu étonnée d’avoir entendu dire que la majorité n’aurait fait qu’écrire des courriers aux ministres, sans plus y toucher. Le rapport CAP 22 a été érigé en totem, mais ce n’est pas l’alpha et l’oméga : vous savez bien qu’un rapport n’est pas une réforme. Faire des discours, c’est bien, mais il est encore mieux de les appliquer méthodiquement. Après avoir annoncé des réformes, il faut les mettre en place, se donner tous les moyens d’obtenir des résultats et les observer. C’est une méthode qui n’est pas politicienne et qui engage le Parlement comme le Gouvernement. Vous connaissez notre engagement à faire de l’évaluation, et nous comptons bien le réaliser. Dans cette optique, nous avons beaucoup travaillé au printemps, ministère par ministère, et nous chercherons à alimenter, j’en suis certaine, du moins en ce qui concerne nos rangs, la réflexion sur la manière dont le cadre budgétaire peut permettre d’approfondir la réforme. Le Gouvernement a beaucoup plus que des plans de transformation : la difficulté n’est pas d’avoir de bonnes stratégies, mais des ministres qui s’engagent, et je crois que ce que nous voyons déjà à Bercy et bientôt dans la justice, dans les hôpitaux, dans les réseaux de l’État à l’étranger et dans l’audiovisuel public est un début. Comment allez-vous, à Bercy, suivre le développement concret des objectifs, leur mise en œuvre et le calendrier, et comment pourrions-nous travailler pour jouer pleinement notre rôle d’évaluation, pour faire en sorte que la réorganisation de l’État que nous appelons de nos vœux soit vraiment effective ?

Mme Véronique Louwagie. Permettez-moi de revenir sur la présentation du budget que vous venez de nous faire, en mode édulcoré et avec des chocolats. C’est en réalité un budget en trois actes.

Le premier est le renoncement, car les dépenses publiques continueront à augmenter en volume, de 0,6 point. Si le déficit public doit augmenter, puisqu’il passera de 2,6 à 2,8 % du PIB entre 2018 et 2019, c’est parce que les dépenses publiques continueront aussi à le faire : vous ne pouvez pas le nier. De ce fait, l’ajustement structurel affiché pour 2019 se limitera à 0,3 point de PIB. C’est par des artifices, comme l’augmentation du cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés, que le déficit est moins impacté qu’il aurait pu l’être, mais aucunement grâce à la maîtrise des dépenses publiques : c’est presque une fuite en avant. Puisque Mme de Montchalin a déclaré qu’il faut faire ce que l’on dit, ce qui est en effet très important, je voudrais simplement rappeler que le Premier ministre s’était engagé en juillet 2017 à stabiliser la dépense publique, hors inflation, jusqu’en 2020…

Votre deuxième acte est le manque d’ambition. Nous avons eu un environnement favorable, mais en raison de vos choix, comme le président de notre commission l’a rappelé, la France n’a pas profité de la croissance. Pour ce budget 2019, vous êtes finalement pris en étau : dans l’incapacité de réduire structurellement la dépense, vous poursuivez une politique du rabot, par exemple en revalorisant a minima les prestations sociales, ce qui représentera 3 milliards d’euros d’économies par an. Le résultat est que la dette atteindra 98,6 % du PIB en 2019. Je suis d’accord avec M. Le Maire lorsqu’il déclare que la dette est un poison lent, mais je regrette que l’on essaie de la réduire non pas en agissant sur les dépenses, mais en procédant à des cessions d’actifs.

J’en viens à l’acte III, qui est la géométrie variable de ce budget. Le ministre de l’économie a parlé de constance, de stabilité, de visibilité et de lisibilité, ce qui correspond en effet à ce que souhaitent les entreprises et les ménages. Seulement, que faites-vous ? Lors de la présentation du budget pour 2018, une diminution des charges patronales a été annoncée pour janvier 2019, puis en août 2018, patatras, vous avez reporté la date d’application de dix mois. Il en est de même pour l’exit tax : le président de la République a déclaré le 2 mai qu’elle allait être supprimée, mais il est maintenant question d’un simple aménagement. Enfin, l’annonce qu’il y aurait une réforme des droits de succession a été démentie quelques jours plus tard par le président de la République. Tout cela ne crée pas de la confiance. Le bouquet final a été l’annonce, ce matin, que les impôts diminueraient de 6 milliards d’euros en 2019, ce qui serait du jamais vu depuis dix ans. Or il ne suffit pas d’additionner les baisses d’impôt : c’est l’ensemble de la réalité qu’il faut prendre en compte. En 2018, il y a eu 4,5 milliards d’euros de prélèvements obligatoires supplémentaires – c’est l’INSEE qui l’a dit au début de l’année –, et en 2019 votre politique fiscale sur les carburants, ne vous en déplaise, ira chercher plus de 2 milliards d’euros supplémentaires chez les automobilistes, qui sont pour l’essentiel des gens qui travaillent, en plus des 4 milliards d’euros déjà prélevés en 2018, de sorte que l’on aboutira peut-être à plus de 10 milliards d’euros en 2022. Par ailleurs, la CSG ne sera pas compensée pour les retraités – il y a aura uniquement un ajustement pour 300 000 personnes, sur les 8 millions de retraités concernés.

Il y a un dicton que l’on aime bien citer dans l’Orne : « à force de traire une mamelle sèche, on nobtiendra rien dautre que des coups de sabot ».

M. Jean-Louis Bourlanges. Je voudrais m’associer à la question posée par le Rapporteur général sur le prélèvement à la source. Je reste très hostile à son principe, mais je crois que vous n’avez pas eu tort, au point où vous en étiez, de persévérer car le message aurait été absolument impossible. Cela dit, quel est l’effet produit exactement ? À partir du moment où l’on passe « en contemporain », comme vous l’avez dit, l’assiette augmente à hauteur de la croissance de l’année en cours : l’impôt sera assis sur les revenus de 2019, qui seront très sensiblement supérieurs à ceux de 2018. Quelle est exactement l’augmentation de l’impôt sur le revenu que cela implique ? J’ajouterai néanmoins, pour mettre un bémol sur ce que je viens de dire, que le système consistant à faire payer les jeunes et à favoriser plutôt les anciens jouera plutôt dans l’autre sens, car les jeunes ont peu d’argent et paient donc peu d’impôts par rapport aux retraités.

En ce qui concerne le CICE, je crois qu’il faut rappeler la difficulté dans laquelle se trouve l’État. Nous sommes les héritiers d’une mesure décidée par le Président Hollande, qui revenait, si je résume assez simplement l’affaire, à inventer une ressource consistant à faire tenir deux litres d’eau dans une bouteille d’un litre : la mesure portait sur une année alors que l’effet avait lieu plus tard. Le patronat a constamment demandé la transformation du CICE en allégement de charges. Vous le faites, ce qui est très dur pour les finances publiques, et vous avez eu raison de rappeler, messieurs les ministres, que cela pèse très lourdement sur la réduction du déficit public. Je trouve que le patronat, après avoir réclamé pendant des années la normalisation du CICE en abaissement de charges, est quand même assez mal placé pour tenir ses propos actuels. Vous avez souligné à juste titre que les entreprises vont beaucoup y gagner cette année, puisqu’elles vont bénéficier du double compte. Pour l’année prochaine, j’ai cru comprendre que vous n’envisagiez pas de modifier le taux du CICE, transformé en baisse de charges : ne croyez-vous pas qu’il faudra s’assurer que l’allégement de charges est identique, au bout du compte, à ce que c’était auparavant le CICE ?

Pour ce qui est des collectivités territoriales, je crois qu’il faut vous féliciter : il y avait un grand scepticisme sur les mesures de contractualisation avec les principales collectivités territoriales que vous envisagiez, mais l’exercice est en grande partie réussi. Cela dit, je reste extrêmement perplexe sur un point : il n’y a plus, structurellement, de système de fiscalité locale digne de ce nom en France. On a, en effet, supprimé la taxe professionnelle, ou en tout cas on l’a beaucoup modifiée, comme on l’a fait également pour la taxe d’habitation, et je pense que c’était justifié compte tenu du caractère inique de cet impôt, mais quand donc allez-vous rétablir une fiscalité locale qui permettrait vraiment de mettre les collectivités en face de leurs responsabilités ? Ne croyez-vous que parmi les mesures structurelles que vous devez prendre il conviendrait de renforcer la part de l’impôt grâce à une fiscalité qui conviendrait, par rapport à la part des dotations ?

M. Charles de Courson. Les ministres ont souligné à juste titre les risques pesant sur la croissance française en 2019 et au-delà. Il semble bien que l’écart de production se soit pratiquement refermé alors que le taux de croissance structurelle de l’économie française est de l’ordre de 1,2 %. Dans ces conditions, comment peut-on avoir une croissance à moyen terme de 1,7 ou 1,8 % ? Dans nos circonscriptions, tout le monde dit que les facteurs de production sont saturés – même si cela concerne surtout le facteur travail, plutôt que l’investissement.

Parmi les hypothèses macroéconomiques que vous retenez, il y a la stabilité du prix du pétrole, à 73 dollars le baril. Or on est déjà à 80 dollars et tous les observateurs du marché pétrolier disent que l’augmentation va se poursuivre compte tenu des tensions politiques et de l’attitude de l’Arabie saoudite. Quelle sera l’incidence sur l’inflation et la croissance française ?

J’en viens à la réduction du déficit structurel, qui est en réalité très faible, car elle s’élève à 0,1 point par an : vous indiquez 0,2 point pour 2019, après 0,1 point en 2018, mais si on réimpute le montant de 1,5 milliard d’euros prévu au titre du cinquième acompte de l’IS, on arrive à 0,1 point, alors que l’Union européenne demande 0,5 point : nous sommes loin de respecter cet objectif. En ce qui concerne les économies, l’effort structurel est très faible, puisqu’il est de l’ordre de 0,2 point par an.

La baisse sensible de la pression fiscale en 2019 – on passera de 45 % à 44,2 % du PIB, soit 19 milliards d’euros en moins – est tout à fait exceptionnelle : selon vos prévisions, le taux de prélèvements obligatoires remontera dès 2020-2021 à cause des 20 milliards d’euros liés au CICE. Ce taux repassera à 44,6 % presque jusqu’à la fin de la législature. Il n’y aura donc pas une baisse d’un point.

Vous dites que la dette publique est quasiment stabilisée et, en effet, elle atteindra 98,6 % du PIB en 2019, contre 98,7 % cette année, ce qui représente 2 milliards d’euros en moins, c’est-à-dire rien. Mais ce résultat est obtenu grâce à la cession de 10 milliards d’euros d’actifs. La dette publique est, en effet, calculée en brut, et la cession de 10 milliards d’euros viendra en déduction, les fonds étant placés. C’est donc un petit tour de passe-passe : en réalité, la dette continuera à augmenter de 8 milliards d’euros, ce qui signifie que l’on dépassera les 100 %.

Mme Valérie Rabault. J’ai quelques questions très précises à vous poser.

Dans le cadre du projet de loi PACTE, M. Le Maire a abordé l’idée d’une réintroduction du suramortissement pour les entreprises, mais je n’ai rien trouvé de tel dans ce projet de loi de finances. Était-ce une annonce sans suite, ce qui m’étonnerait venant de vous, ou est-ce caché quelque part ? Dans l’affirmative, combien d’entreprises seraient concernées et qu’est-ce que cela représente budgétairement ?

En ce qui concerne le CICE et les baisses de cotisations, je ne voudrais pas que vous fassiez croire aux entreprises que ce sera fromage et dessert cette année – je parle de leur bilan, qu’il ne faut pas confondre avec leur trésorerie.

M. le ministre de léconomie et des finances. En effet.

Mme Valérie Rabault. Vous êtes d’accord : ce ne sera pas fromage et dessert.

M. le ministre de léconomie et des finances. Si !

Mme Valérie Rabault. Je parle du compte de résultat sur une année donnée. Je souhaiterais que l’on ait un tableau en comptabilité nationale, en comptabilité budgétaire et en comptabilité générale, car ces trois comptabilités ne suivent pas les mêmes règles et les mêmes définitions, pour les lignes relatives au CICE et aux cotisations sociales. Je pense que l’on verra clairement apparaître que ce ne sera pas fromage et dessert pour les entreprises en 2019.

Par ailleurs, confirmez-vous qu’il y aura une baisse de 300 millions d’euros pour les collectivités locales en ce qui concerne la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ou la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ?

Confirmez-vous également les 1 600 suppressions de postes de conseillers techniques et sportifs ?

Une remarque, enfin, pour le président de notre commission : je suis toujours un peu étonnée lorsqu’il évoque les dépenses publiques. Pour une fois, je suis d’accord avec le Gouvernement : le graphique figurant à la page 13 du projet de loi montre que les années pendant lesquelles la majorité à laquelle vous apparteniez, monsieur Woerth, a été aux responsabilités ont connu une hausse moyenne des dépenses publiques à peu près deux fois supérieure à celle du précédent quinquennat et à celle que vise l’actuel Gouvernement. Dans ce dernier cas, il ne s’agit que de projections, alors que c’est du réalisé en ce qui nous concerne.

M. le président Éric Woerth. Vous n’étiez sans doute pas née à l’époque dont vous parlez, ou alors vous avez totalement oublié qu’il y a eu une crise lorsque nous étions au gouvernement : la dépense publique s’est alors substituée à l’absence de dépense privée. Il n’y a pas de crise aujourd’hui : nous sommes dans une période extrêmement tranquille sur le plan économique et la situation est nettement plus facile. Ce n’est pas tout à fait pareil de travailler avec 2 % de croissance ou avec au moins 3 % de récession, et je ne pense pas que Bruno Le Maire dira le contraire.

M. Éric Coquerel. Je suis content que M. Woerth confirme qu’il y a dépense publique et dépense publique : tout dépend comment on les regarde. On ne devrait pas seulement considérer les chiffres, mais se demander à quoi les dépenses servent.

M. Le Maire a dressé un bilan presque enthousiaste de la politique économique suivie par le Gouvernement et de ses résultats : il a tout juste concédé que ces derniers sont médiocres par rapport à ceux des autres pays européens. Par ailleurs, les présentations que l’OFCE et l’INSEE ont présentées devant nous il y a peu de temps contredisent votre optimisme sur presque tous les points en ce qui concerne le premier semestre 2018 – l’emploi, la consommation des ménages, le pouvoir d’achat et la croissance. On peut penser comme vous et, manifestement, le groupe Les Républicains, pour qui il faudrait aller encore plus loin dans les politiques de l’offre, soit on les remet en question, comme nous le faisons : nous pensons qu’il y a plutôt un problème de demande en France.

On peut comprendre que vous fassiez de la communication, mais les 6 milliards d’euros de baisse de la fiscalité pour les ménages que vous essayez de nous vendre frisent un peu l’arnaque. Selon l’OFCE, si l’on retranche la baisse des prestations sociales, on arrive à l’équivalent de 3,5 milliards d’euros. Par ailleurs, vous incluez dans le total d’anciennes mesures, qui ont été annoncées à la fin de l’année 2017, comme celle relative à la taxe d’habitation, ainsi que des baisses de cotisations sociales qui sont quand même une manière de prendre de l’argent aux Français dans une poche pour le remettre dans une autre, et enfin vous ne tenez pas compte des baisses des prestations sociales qui relèvent du PLFSS. Les pensions de retraite, les APL et les allocations familiales ne seront plus indexées – elles augmenteront de 0,3 % alors que l’inflation est estimée à 1,7 %. Contrairement à ce que M. Darmanin a déclaré, cela ne peut pas être contrebalancé par l’indexation d’autres prestations sociales sur l’inflation. On est donc loin du cadeau fiscal que vous annoncez. Vous donnerez bien sûr 300 millions d’euros à 300 000 retraités, qui ne seront plus concernés par l’augmentation de la CSG, mais ce montant est faible et il n’est pas comparable à vos attaques contre les pensions des retraités.

Selon M. Le Maire, le Gouvernement va faire en sorte que le travail paie, mais je vois surtout que vous faites le choix de payer le capital, une fois de plus, et grassement. Il a déjà bénéficié de 9 milliards d’euros fin 2017. Vous avez eu l’honnêteté de l’assumer en nous expliquant que c’était une manière de mettre de l’argent dans davantage de capital pour nourrir l’économie, et vous le redites aujourd’hui. Ce qui est étonnant est que vous le faites sans transfert, au contraire de ce que vous prévoyez pour les revenus du travail – vous prélevez sur le salaire socialisé que sont les cotisations sociales pour améliorer prétendument les bulletins de salaire, au niveau du salaire net. Pour le capital, rien de tel : c’est du cash que vous donnez sans contrainte, alors que l’on a vu les résultats obtenus jusqu’à présent. Je m’étonne que vous pérennisiez le CICE à coups d’exonérations compte tenu des mauvais résultats de ce dispositif : cette politique ne consiste pas à donner des aides aux entreprises selon des critères écologiques ou sociaux, mais à tout-va.

Au nom de la fameuse règle relative au déficit public, vous choisissez de réduire encore les dépenses publiques de 1,4 % si l’on tient compte de l’inflation et de l’augmentation de la population. Le ministère du travail sera de nouveau touché, à hauteur de 2 milliards d’euros, celui de la cohésion des territoires, ce qui inclut le logement, le sera aussi à proportion de 8,9 %, et celui de l’agriculture de 11,3 %. Même l’éducation nationale sera concernée : vous dites qu’il y aura une augmentation des moyens mais quand on regarde le nombre d’étudiants supplémentaires l’année prochaine, estimé à 55 000, on voit qu’il y aura une fois de plus une baisse, de 0,8 %. Non seulement vous allez accroître de nouveau les inégalités et affaiblir l’État mais, pire encore, vous allez réduire les recettes. M. Woerth a rappelé ce qui s’était passé pendant la crise économique, et je n’aurai de cesse de répéter que les dépenses publiques sont également des recettes : un fonctionnaire consomme, or vous allez en supprimer, et quand on construit des logements sociaux, on fait travailler le secteur du bâtiment et des travaux publics. Votre politique va donc dans le mauvais sens.

M. Fabien Roussel. Vous pouvez tout enrober avec le meilleur chocolat possible
– même celui de Tourcoing… – la potion reste amère. Si la croissance n’est pas au rendez-vous, c’est à cause de votre politique, notamment parce que la consommation des Français n’est pas là : vous avez tapé fortement dans le pouvoir d’achat d’une très grande majorité d’entre eux, et vous allez continuer à le faire. Vous avez augmenté la CSG, les salaires sont toujours bas, vous avez supprimé les emplois aidés, et vous continuez d’augmenter des taxes et de geler des pensions et des salaires. Vous allez donc continuer de grever le pouvoir d’achat des Français. Dans ces conditions, comment voulez-vous que la consommation reparte ? Notre approche est complètement différente : nous considérons qu’il faut relancer la consommation des Français, qu’il faut leur redonner du pouvoir d’achat, et nous ferons des propositions en ce sens.

L’année dernière, nous avons dénoncé un budget des riches, mais cette année c’est un budget marqué par une grosse arnaque. Vous dites que les Français récupéreront 6 milliards d’euros entre ce que vous allez leur prendre et ce que vous leur rendrez, mais vous oubliez une paire de factures et des dépenses qui manqueront. Il y a d’abord le gel des pensions et des prestations sociales, qui représente selon vos propres calculs 3,4 milliards d’économies pour la sécurité sociale, ce qui fera autant en moins pour les retraités et les bénéficiaires des prestations sociales. Vous oubliez aussi de compter les factures qui augmentent, comme celles de l’électricité et du gaz, ou encore la hausse du coût des mutuelles – 800 millions d’euros en 2018. Quand vous donnez un euro aux Français d’un côté, vous leur en prenez deux de l’autre.

Vous dites que vous donnez la priorité au travail, mais vous ajoutez tout de suite que vous voulez rendre les entreprises plus profitables. En effet, ce budget est encore marqué par de nouveaux cadeaux aux plus grosses entreprises, et non aux Français. Vous faites un choix différent du nôtre, en prévoyant des cadeaux énormes. En ce qui concerne le CICE, et j’aimerais bien que le ministre me réponde, avez-vous bien prévu 20 milliards d’euros de crédit d’impôt, ancienne version, et 20 milliards de baisses de cotisations, avec le nouveau dispositif, ce qui fait 40 milliards d’euros en 2019 ? C’est exceptionnel : on est au-delà du fromage et du dessert, c’est le jackpot ! Nous aimerions bien savoir ce que vont gagner les entreprises dont les bénéfices sont supérieurs à 500 000 euros et quel sera le coût pour l’État.

Avec votre réforme de l’exit tax, vous faites également un nouveau cadeau, cette fois au profit de ceux qui choisissent l’exil fiscal : ils pourront vendre leurs biens au bout de deux ans, au lieu de quinze ans actuellement.

Je voudrais conclure en soulignant que vous vous félicitez d’avoir réussi à réduire les dépenses publiques comme jamais auparavant : c’est une victoire pour vous, mais pour nous c’est au contraire le pire choix et le plus grave recul de l’État dans sa fonction de redistribution des richesses et de garant de la solidarité nationale.

M. le ministre de léconomie et des finances. J’invite M. Roussel à accorder son violon avec celui de Mme Rabault, car l’un dit exactement le contraire de l’autre, notamment sur le CICE. Pour les uns, c’est « jackpot » ; pour les autres, ce n’est pas assez. Je vais tâcher d’éclaircir tout cela dans mes réponses.

Sur le cinquième acompte d’IS, nous ne modifions pas le périmètre des entreprises concernées, défini par l’article 1668 du code général des impôts. J’ai tenu à ce que nous gardions le même périmètre pour que la mesure ne se traduise pas par de nouvelles obligations pour quelque entreprise que ce soit. C’est le montant du taux que nous modifions et non le périmètre.

Monsieur le Rapporteur général, je partage totalement ce que vous avez dit sur la croissance. Nous avons en France une croissance solide et soutenue. Je considère que nous pouvons encore faire mieux et c’est bien l’objet du projet de loi que nous aurons l’occasion d’examiner demain.

Oui, nous supprimons l’exit tax. Nous la supprimons en mettant fin au délai de quinze ans qui avait conduit nombre de contribuables à quitter le territoire français. Nous la supprimons car elle avait un rapport très faible pour le Trésor public, de l’ordre de 140 millions d’euros, du fait que les gens partaient et n’exerçaient pas leurs plus-values. Cette mesure nous permet de supprimer également les modalités administratives complexes dont elle était assortie, notamment la constitution de garanties auprès d’un comptable public, sauf pour les pays qui n’auraient pas de convention d’assistance fiscale avec la France.

L’exit tax est supprimée mais nous avons prévu un dispositif contre les abus, en fixant à deux années le délai pour un dégrèvement complet des plus-values latentes. Nous ne voulons pas en effet que des contribuables puissent faire des allers-retours avec un pays étranger et optimiser fiscalement ces dispositions. Ce seuil de deux ans nous semble raisonnable.

Faut-il, ensuite, passer d’un montant de capital mobilier à un montant de plus-value ? Je vois l’intérêt d’une telle proposition. J’indique simplement qu’il existe un risque d’effet de seuil très important. Ainsi, si un contribuable détient 810 000 euros de plus-values latentes, il sera imposé sur ces plus-values dès le premier euro, ce qui représenterait, au prélèvement forfaitaire unique, un impôt de 243 000 euros, alors que celui qui n’aurait des plus-values que de 790 000 euros ne serait redevable d’aucun impôt. Il me semble donc sage de s’en tenir au dispositif que nous vous proposons.

Le taux réduit pour les brevets est un sujet majeur au regard de la politique de soutien à l’investissement et à l’innovation que nous proposons. Nous sommes le dernier pays de l’OCDE à ne pas avoir adopté ces règles sur la fiscalité des brevets. Or il est très compliqué d’expliquer que l’on est pour le multilatéralisme et le respect des règles européennes sans respecter les règles quand cela ne nous arrange pas. Il est par exemple très compliqué de défendre, comme je le fais avec le président de la République, la taxation des géants du numérique, à l’Union européenne et auprès de l’OCDE, sans en même temps obéir aux règles que respectent tous nos partenaires européens. Je rappelle par ailleurs que la mise en place du ratio Nexus, qui est le cœur de cette transformation du régime des brevets, proportionne le bénéfice du régime à la recherche réalisée en France ; c’est donc aussi une incitation à relocaliser la recherche et le développement.

Enfin, nous travaillons depuis plusieurs mois avec les entreprises à l’amélioration du dispositif. Nous allons limiter la recapture en ne l’appliquant qu’aux dépenses de recherche-développement à compter de l’option pour le taux réduit de brevet, ce qui permet aux stocks de ne pas être touchés. Nous allons privilégier une approche de groupe, comme cela a été demandé par la plupart des entreprises. Nous allons intégrer à 100 % le revenu des logiciels dans le champ des revenus éligibles, ce qui sera, pour toutes les entreprises
– Dassault Systèmes en est un bon exemple –, un avantage considérable. Enfin, nous proposons le maintien du taux de 15 % dans le texte initial ; je sais que vous avez d’autres propositions, monsieur le Rapporteur général ; nous les étudierons.

Vous nous reprochez, madame Louwagie, d’appliquer la technique du rabot et de ne pas prendre de décisions structurelles. Je vous invite à voter toutes les réformes structurelles que nous allons engager dans les mois à venir et qui nous permettent de réduire la dépense publique : les décisions qui seront prises sur l’indemnisation du chômage, la réduction des emplois aidés, auxquels nous substituons des emplois dans le secteur marchand, la réforme des chambres de commerce et d’industrie (CCI), dont le résultat sera 400 millions d’économies sur quatre ans, l’indépendance du fonctionnement, le recentrage des décisions autour de CCI France et la transformation du régime des salariés. Je vous invite également à soutenir la transformation des services déconcentrés de la direction générale des entreprises, dont les effectifs vont passer d’un peu plus de 500 à un peu plus de 100 en l’espace d’une année. Voilà les transformations structurelles que nous portons et que vous aurez à cœur de soutenir, j’en suis certain.

S’agissant des droits de succession, je le redis, le Gouvernement n’a jamais envisagé d’y toucher.

S’agissant de la fiscalité écologique, c’est un choix. Je suis élu d’une circonscription rurale, et j’étais ce week-end à Évreux, où j’ai entendu un certain nombre de personnes me faire observer que le carburant était trop cher. Je les comprends mais je note aussi que la prime à la conversion est un immense succès, que 170 000 personnes en ont bénéficié et que 250 000 en bénéficieront sans doute d’ici à la fin de l’année. Nous accélérons la transition écologique et les changements de modalités de transports des citoyens.

Monsieur Bourlanges, s’agissant du CICE, il est vrai que sa suppression a été critiquée par le Mouvement des entreprises de France, mais ce sont les mêmes, et je le leur ai rappelé, qui demandaient à cor et à cri il y a quelques années que ce crédit d’impôt soit transformé en allégement de charges pérennes. C’est tout le charme de la vie politique et économique française : on réclame souvent tout et son contraire.

Monsieur de Courson, l’output gap était en effet négatif en 2018 ; nous l’avons comblé et il sera positif en 2019, ce qui signifie que notre niveau de croissance potentielle retrouve aujourd’hui notre niveau de croissance effectif, parce que nous sortons du cycle de crise dans lequel nous étions entrés en 2008. Je pense néanmoins que nous pouvons augmenter encore notre niveau de croissance potentielle car il reste trop faible par rapport aux capacités du pays. Cela passe par un choix, celui d’une politique d’amélioration de l’offre de l’économie française, par de l’investissement et de l’innovation. Ce choix, je ne l’assume pas : je le revendique. C’est le seul qui nous permettra de rattraper nos principaux partenaires européens, Allemagne en tête.

Le cours du pétrole est aujourd’hui élevé ; le prix du baril, qui était à 50 dollars il y a encore quelques mois, a bondi récemment. C’est la principale cause d’augmentation de l’inflation. Raison de plus pour se libérer des hydrocarbures et accélérer la transition écologique.

Je confirme qu’il y aura un point de prélèvements obligatoires en moins d’ici à 2022. Il faut retrancher le cinquième de point supplémentaire de prélèvements obligatoires lié à France Compétences, qui explique l’écart que vous avez mentionné.

Le suramortissement, Madame Rabault, sera proposé par amendement, comme le Premier ministre s’y était engagé. Il sera centré sur les PME du secteur industriel, sa durée sera de deux ans, il concernera la robotisation et la transformation numérique des entreprises, le taux sera fixé à 30 % et il entraînera une dépense de 150 à 180 millions d’euros.

MM. Coquerel et Roussel me permettront de leur faire une réponse conjointe : oui, nous conduisons une politique de l’offre. Les politiques précédentes ne nous ont pas permis d’avoir un niveau de croissance élevé ni de sortir de l’endettement massif, qu’elles ont au contraire accéléré, ni de baisser les impôts. Il est temps d’essayer une politique différente, une politique de l’offre. Je ne considère pas que ce soit un échec quand je vois que le chômage décline, même s’il faudrait qu’il baisse plus rapidement, et que cela nous permet de réduire dette, dépenses et prélèvements obligatoires sur la durée du quinquennat. L’échec de l’autre politique peut se constater par un seul chiffre, celui du déficit commercial de la France. Nous ne sommes pas condamnés à avoir un déficit commercial aussi important ; au début des années 2000, nous n’étions pas en déficit.

Changeons de politique pour renforcer la compétitivité de notre pays, avoir des entreprises plus profitables qui investissent davantage et innovent. Le niveau de marge de nos entreprises, 31 %, est l’un des plus faibles des pays de l’OCDE. Il faut donc alléger la fiscalité sur le capital, ce que nous faisons, pour que nos entreprises aient plus de marges pour investir, innover, avoir de meilleurs produits, exporter, rétablir la balance commerciale et créer des emplois.

M. le ministre de laction et des comptes publics. Sur l’impôt et les effets du prélèvement à la source, les recettes de l’impôt sur le revenu, calculées sur le revenu de l’année précédente, se sont élevées à 73,1 milliards en 2017. Nous avons inscrit cette année 70,5 milliards, soit un montant légèrement inférieur à celui que nous devrions percevoir pour la raison que j’ai évoquée, le décalage d’une partie de cet impôt sur le revenu.

Peut-on estimer que, comme les revenus seront plus importants, les recettes seront plus importantes, ce qui est la question de M. Woerth ? On peut tout aussi bien penser que l’impact sera nul car il peut se produire, et je pense que ce sera le cas, une adaptation du taux et des acomptes, car une grande partie de nos concitoyens – agriculteurs, indépendants… – auront des acomptes contemporains, ce qui peut jouer à la baisse. Nous avons donc choisi d’inscrire à peu près le même montant d’impôt sur le revenu, avec un décalage d’un mois.

Par ailleurs, les 5 milliards d’euros d’acomptes de crédit d’impôt, monsieur le Rapporteur général, seront versés le 15 janvier à 12 millions de contribuables, ou peut-être 8 millions car quelques contribuables bénéficieront sans doute des deux types de crédit d’impôt – dons aux associations et personne hébergée dans un établissement pour personnes âgées dépendantes ou salaire d’une assistante maternelle. Cela ne pose pas de problème particulier ; c’est de la trésorerie infra-annuelle. Les 30 % de crédit d’impôt au mois de janvier, cela faisait 1,5 milliard ; à la suite de l’élargissement demandé par le président de la République, cela fait 5 milliards.

Je remercie M. Bourlanges de ses encouragements, même si sa soif de fiscalité locale sera sans doute étanchée au premier trimestre prochain, avec le projet de loi spécifique sur les finances locales. Je crois que c’est une bonne méthode, de la part du Gouvernement, de ne pas tout mélanger dans le PLF, même si celui-ci comprend quelques mesures de fiscalité locale, TGAP et locaux industriels ; nous y reviendrons.

M. le Rapporteur général et Mme Rabault m’ont interrogé sur les dotations. Le montant de DGF est le même à 70 millions près – quand on connaît les sommes globales, c’est assez remarquable, vu ce qui s’est passé les années précédentes. Le montant de péréquation DSU-DSR est le même : 180 millions et 90 millions pour chacune des dotations, selon la même méthode que l’an dernier. Nous neutralisons en outre quelques petites scories, conséquences de la réforme de l’intercommunalité et du potentiel fiscal dans l’exercice précédent. En somme, il n’y a pas, me semble-t-il, de sujet « dotations ».

Madame Rabault, il n’y a en particulier aucune baisse des dotations d’investissement. Le même montant que l’an dernier est inscrit : 1,8 milliard, soit un milliard au titre de la DETR, 510 millions au titre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), et le reste au titre de la dotation de soutien aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Cette absence de baisse est d’autant plus remarquable que ces augmentations de dotations d’investissement à la main des préfets étaient faites pour compenser la diminution des dotations sous le gouvernement précédent.

Enfin, sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et notamment la question des communes hors DSU et hors DCRTP intercommunale, le Gouvernement est ouvert à vos amendements.

Nous vous devons un rapport sur la CVAE. J’espère que ce sera possible pour vendredi. Le rapport a été terminé par les services et se trouve désormais dans le cheminement administratif. Le produit de la CVAE pour 2018 a été augmenté de 0,8 %, soit quelque 17,7 milliards. Beaucoup de travail a été accompli. Je sais que la question de l’Île‑de‑France est importante. Nous serons ouverts aux quatre scénarios que vous évoquiez jadis, monsieur le Rapporteur général, dans nos débats parlementaires.

Mme de Montchalin a posé des questions autour du pouvoir d’achat et de ses évolutions depuis dix ans. Sur la période 2007-2016, la croissance du pouvoir d’achat a été en moyenne de 1 % par an, sur 2012-2016 de 0,5 % par an. En 2017, le pouvoir d’achat a augmenté de 1,3 % et il augmentera en 2018 de 1,6 % et de 1,7 % l’année prochaine. Ces chiffres, de nos instituts statistiques, parlent d’eux-mêmes.

Certains ne voient pas la différence entre fiscalité et prestations. En imaginant même qu’ils aient raison, qu’il faille inclure y compris les non-revalorisations de prestations, je vous soumets le calcul suivant. Reste à charge zéro dès l’an prochain : 600 millions d’euros. Suppression de cotisations étudiantes et mutuelles : 100 millions. Prime d’activité : augmentation de 600 millions. « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » : plus de 600 millions. Hausse du chèque énergie à 200 euros : 100 millions. Minimum vieillesse : 150 millions. AAH : 500 millions. Cela fait à peu près les 3 milliards de sous-indexations que vous avez évoqués, monsieur le président. Donc, même avec les sous-indexations et les aides particulières, l’argent numéraire donné aux Français, on retrouverait bien 6 milliards nets à la fin. L’addition ne sert pas l’opposition. Nous baissons bien les impôts des ménages de 6 milliards.

Nous suivrons, madame de Montchalin, la transformation de l’État au jour le jour.

Madame Louwagie a évoqué le déficit à 2,8 %. Je ferai remarquer que le Parlement avait fait voter 2,9 % l’année dernière dans la loi de programmation des finances publiques. Par ailleurs, compte tenu du dixième de point de PIB du fait de la SNCF, qui n’était pas prévu et qui est entré dans le déficit public, nous avons donc fait 0,2 point de mieux. C’est une performance assez forte. Le Premier ministre a souhaité une augmentation de 0 % en volume de la dette publique : c’est ce qu’on a fait. C’est mieux que ce que nous avions prévu l’année dernière. La dette publique devrait augmenter de 0,6 % en valeur, compte tenu notamment du cinquième de point lié à France Compétences. Je suis certain que nous tiendrons nos engagements.

S’agissant du diesel, le candidat Fillon avait la même trajectoire carbone. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.

Enfin, Mme Rabault m’a interpellé sur 1 600 suppressions de postes dans le sport qui n’ont jamais existé. Il s’agit d’un changement de statut et non de suppressions.

M. Laurent Saint-Martin. Je souhaite faire un gros plan sur la suppression de vingt‑deux petites taxes à faible rendement, de 140 millions d’euros, que je vous remercie d’avoir mentionnée. Je salue le travail qui a été fait à cet égard. Ce n’est pas cosmétique : c’est un enjeu de lisibilité pour les contribuables, de baisse de pression fiscale et de meilleure efficacité pour les administrations qui recouvrent l’impôt, à commencer par la direction générale des douanes. Sur la forme, il est question de dix-sept petites taxes dans ce projet de loi de finances : où sont les autres et comment parviendrez-vous à la suppression de vingt‑deux ? Sur le fond, pouvez-vous assurer à ceux qui sont bénéficiaires de leur produit qu’ils auront demain les ressources financières nécessaires à leur bon fonctionnement ?

M. Julien Aubert. Un budget axé sur le travail ? La mission Travail est celle qui perd le plus cette année… On fait mieux en termes de symbole.

Avec tous les transferts entre sécurité sociale et budget, et dès lors que le budget de la sécurité sociale est un outil comme un autre de stimulation de l’activité économique, convient-il de différencier encore à ce point le PLFSS et le PLF ? Nous manquons en effet d’une cohérence globale. Je prendrai l’exemple précis des exonérations sur les travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TODE), sujet particulièrement important dans le PLFSS pour l’agriculture. Cette mesure risque de ruiner tous les agriculteurs, notamment dans le Vaucluse, qui font appel à ces travailleurs occasionnels. On ne peut pas célébrer le retour du travail et de l’emploi quand on prévoit en même temps un tel dispositif.

Alors que nous sommes à la veille de la journée nationale d’hommage aux harkis, je rappelle que le budget des anciens combattants a baissé de 160 millions d’euros : c’est quatre fois l’enveloppe qui sera dédiée aux harkis. N’aurait-il pas été possible de conserver le même niveau de budget pour affecter des crédits aux enjeux de mémoire ?

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, comment une telle différence d’appréciation est-elle possible entre l’OFCE et vous sur les fameux 6 milliards d’euros d’économies et de pouvoir d’achat à distribuer aux Français en 2019 ? Je souhaiterais que vous nous fournissiez un document détaillé, concernant les retraités, les actifs, les fonctionnaires, avec le gel du point d’indice, pour avoir une vision exhaustive. Le pouvoir d’achat est en effet au cœur des préoccupations de nos concitoyens et des difficultés dans notre pays. Sa baisse au premier semestre 2018, a un impact sur la croissance.

Sur les suppressions de 50 000 postes de fonctionnaires et alors que nous en sommes à 6 000 en deux ans, quelles mesures seront prises à court terme pour atteindre cet objectif ? Il ne s’agit pas de casser des emplois de fonctionnaires pour le plaisir : c’est l’organisation même des tâches dans la fonction publique qu’il faut modifier si l’on veut diminuer cette charge.

Je souhaite également interroger M. Le Maire sur sa stratégie vis-à-vis des entreprises. Heureusement que cette année c’est fromage et dessert, pour reprendre l’expression de Mme Rabault, mais comment cela va-t-il se passer l’an prochain, quand il y aura baisse des charges et plus de CICE ? Il apparaît en effet sur le tableau de la page 9, que, sans CICE, il faut compter une charge supplémentaire pour les entreprises de 1,6 milliard d’euros, comme l’a indiqué M. de Courson. Avec la baisse des charges sociales, il y a plus d’impôt ; les chiffres attestent d’une augmentation de l’IS de 7 milliards.

Mme Émilie Cariou. Je salue le choix de soutenir de façon toujours aussi volontaire le CIR ainsi que les efforts sur l’IS en vue d’être en convergence avec l’Union européenne sur l’intégration fiscale, la limitation des charges financières ou la fiscalité des brevets. Je me réjouis également de la mesure fiscale agricole sur la création d’une vraie épargne de précaution, que nous avions demandée l’an dernier.

Mes questions portent sur l’exit tax. Peut-on avoir une étude d’impact sur le passage de quinze à deux ans ? S’agissant de la mesure anti-abus, qu’en est-il des États, notamment au sein de l’Union européenne où sont sous-taxées les plus-values de cession des particuliers et qui ne sont pas jugés « non coopératifs » ?

Mme Christine Pires Beaune. Vous estimez à 6 milliards d’euros le gain de pouvoir d’achat pour les ménages, l’OFCE l’estime à 3 milliards seulement. Mais, quel que soit le chiffre, on sait déjà qu’il y aura des perdants : les retraités, les fonctionnaires, les locataires, les automobilistes et les familles qui touchent des allocations logements ou des allocations familiales. Quelle compensation envisagez-vous pour les personnes au SMIC qui doivent utiliser leur véhicule personnel ? Je pense aux aides à domicile, aux caissières, aux aides‑soignantes à domicile, qui travaillent d’ailleurs souvent en coupure.

Par ailleurs, selon le site internet du ministère de l’éducation nationale, le nombre d’élèves du second degré augmentera entre 2018 et 2022. Comment, dès lors pouvez-vous supprimer 2 600 postes dans le second degré, si ce n’est en dégradant l’enseignement ?

Je reviens à la charge sur les collectivités car, dans le tiré à part que vous nous avez donné au mois de juin, il y avait 230 millions en moins sur la mission Relations avec les collectivités territoriales. Sur quelles lignes budgétaires porte cette diminution ?

M. Jean-Pierre Vigier. Messieurs les ministres, vous vous en doutez, je n’ai pas du tout la même lecture que vous de ce projet de budget. Tout augmente, le déficit public, le taux de croissance de la dépense publique, et, sans vente d’actifs, la dette serait à 100 % du PIB. Il y a bien évidemment des perdants : les retraités, avec la hausse de la CSG, les locataires, avec la baisse des APL, les fonctionnaires, avec le gel du point d’indice, et surtout les habitants des territoires ruraux, qui subiront la baisse du budget de l’agriculture et celle du nombre d’enseignants du second degré – moins 2 600 postes. On sait en effet que cette baisse sera beaucoup plus importante en milieu rural – je crains la fermeture de classes et d’écoles. Sans parler de la hausse très importante des taxes sur le carburant ! Or, en milieu rural, on prend sa voiture pour se déplacer et notamment pour se rendre au travail. On ne pourra bientôt plus le faire ! Quelles mesures très concrètes pensez-vous prendre pour défendre notre belle ruralité ?

Mme Sabine Rubin. Vous dites faire le choix du travail et de l’investissement. Mais ce n’est que de la communication car les chiffres montrent plutôt que vous faites une fois de plus le choix du capital : 40 milliards d’euros de cadeaux, soit 20 milliards de CICE et 20 milliards de baisse des cotisations. J’ai compris que c’était votre logique, mais qu’est-ce qui vous permet de penser que ces cadeaux auront des effets positifs en termes d’emploi et d’investissement, puisque cela ne s’est pas produit l’an dernier ? Il ne s’agit pas de répéter comme un mantra « nous conduisons une autre politique » ; qu’apportera-t-elle véritablement, y compris quant aux résultats que vous-mêmes escomptez ?

S’agissant des 6 milliards d’euros de baisses sur la fiscalité des ménages, il n’y a pas que mon voisin qui confond prestations et fiscalité, parce qu’une fois intégrées les baisses de protection sociale, il reste en vérité 5,3 milliards. Par ailleurs, les 6 milliards incluent des mesures que vous aviez déjà annoncées, par exemple 3,8 milliards de baisse de taxe d’habitation. Les dispositions sur les cotisations salariales auront des effets dévastateurs sur les finances sociales.

M. Jean-Paul Dufrègne. Messieurs les ministres, vous avez beau user d’un vocabulaire populaire et répéter que « le travail doit payer », les Français ne sont pas dupes : ils ressentent de plus en plus vivement l’injustice de vos choix en faveur, notamment, des plus riches. Aussi souhaiterais-je vous poser deux questions. Premièrement, ne pourrait-on pas moduler les aides aux entreprises – je pense notamment au CICE – en fonction de critères sociaux, territoriaux et environnementaux ? Deuxièmement, envisagez-vous de mettre en œuvre une véritable progressivité de l’impôt sur le revenu ? En conclusion, votre projet de budget est encore un mauvais coup porté à la ruralité !

M. le ministre de léconomie et des finances. Monsieur Aubert, vous m’interrogez sur le dispositif TODE. J’ai moi-même créé, en tant que ministre de l’agriculture, cette exonération de charges qui bénéficie en particulier aux arboriculteurs, aux viticulteurs et aux maraîchers. Je reste convaincu, je l’ai dit et répété, qu’il faut faire quelque chose pour les travailleurs occasionnels dans ces secteurs agricoles. Le président de la République et le Premier ministre sont eux-mêmes parfaitement conscients de l’enjeu. Je vais donc y travailler avec mes services. Nous avons déjà fait beaucoup en instaurant l’épargne de précaution, que les agriculteurs attendaient depuis de nombreuses années. Celle-ci, je le rappelle, peut atteindre 150 000 euros sur dix ans ; elle peut être débloquée à tout moment et être consacrée à l’investissement. Il s’agit donc d’un dispositif très puissant. Cependant, il faut régler la question des TODE. Je sais que beaucoup d’agriculteurs, dans votre département et ailleurs, sont très inquiets de la situation actuelle. Nous leur apporterons donc une réponse sur ce point, car cela correspond à la réalité économique du monde agricole français.

Monsieur Philippe Vigier, je tiens à vous rassurer : la baisse de l’impôt sur les sociétés se poursuivra tout au long du quinquennat. Elle représentera, pour les entreprises, une réduction d’impôt de près de 11 milliards sur cette période. Ainsi, le taux de 28 %, actuellement réservé aux entreprises qui ne dépassent pas un certain chiffre d’affaires, sera généralisé dès 2020. Par ailleurs, le Premier ministre a toujours indiqué que, si une croissance supérieure à celle attendue ou une restauration plus rapide des finances publiques nous offraient des marges de manœuvre, nous poursuivrions la baisse des impôts de production. Je suis, vous le savez, attaché à ce type de mesures car j’aime l’industrie. Or, lorsque j’observe la situation industrielle de notre pays, je constate que, si beaucoup a déjà été fait, nous devons encore progresser sur la question des impôts de production. Nous avons commencé à les baisser, mais nous pouvons faire mieux.

Il est vrai, madame Cariou, que, dans certains États – en Belgique et au Luxembourg, par exemple –, les plus-values de cessions mobilières ne sont pas taxées, mais nous avons développé avec ces États des coopérations fiscales. En tout état de cause, la convergence fiscale européenne est un objectif-clé.

Mme Émilie Cariou. Tout à fait !

M. le ministre de léconomie et des finances. En effet, nous ne pouvons pas nous satisfaire de telles divergences au sein de l’Union européenne. Nous avons ainsi obtenu, et c’est un progrès considérable, une convergence de l’impôt sur les sociétés français et allemand. Tout ce qui peut favoriser une convergence fiscale européenne va dans le bon sens. C’est, du reste, la raison pour laquelle nous allons modifier la fiscalité des brevets : nous ne pouvons pas, d’un côté, réclamer la convergence et, de l’autre, être le dernier État européen à ne pas avoir adopté le règlement de l’OCDE sur la taxation des brevets.

Enfin, M. Dufrègne m’a interrogé sur la modulation des aides aux entreprises. Je tiens à rappeler que le projet de loi PACTE comporte des dispositions sur la responsabilité sociale et environnementale et des modifications du code civil qui imposent aux entreprises de prendre en considération l’impact social et environnemental de leur activité. C’est, pour nous, une façon de rappeler que, si les entreprises doivent être profitables, elles doivent également participer à la construction de la société. Or, une société se construit dans le respect des règles environnementales et dans l’attention portée aux plus faibles, aux plus fragiles et aux plus éloignés de l’emploi.

M. le ministre de laction et des comptes publics. Monsieur Aubert, vous n’avez pas tort : le lien entre le PLF et le PLFSS me paraît évident. Mais la question sera abordée, me semble-t-il, lorsque vous reprendrez l’examen de la réforme constitutionnelle ; je n’y reviens donc pas.

Par ailleurs, la baisse du budget des anciens combattants s’explique par des raisons démographiques évidentes. Il est néanmoins extrêmement favorable aux harkis puisque – et c’est une juste réparation – le président de la République a décidé une augmentation de 400 euros de l’allocation de reconnaissance, à quoi s’ajoute l’allocation viagère. Le montant alloué au dispositif de soutien à la deuxième génération est de 10 millions d’euros, ce qui est sans précédent. En outre, la carte d’ancien combattant sera attribuée aux militaires déployés en Algérie entre juillet 1962 et 1964, pour un coût, à terme, de 30 millions d’euros. Cette mesure était l’objet d’une proposition de loi que j’avais déposé et dont vous étiez cosignataire, monsieur Aubert. Je suis donc très heureux que nous puissions saluer ensemble l’action du Gouvernement en faveur des harkis et des appelés entre 1962 et 1964. Ainsi, voyez-vous, on peut à la fois réaliser des économies budgétaires et réparer les injustices du passé.

Je ne reviendrai pas sur la question des emplois publics, car j’ai longuement expliqué qu’en la matière, les économies proviendraient des transformations que nous mettons en œuvre. Nous aurons, de toute façon, l’occasion d’y revenir en séance publique.

M. Saint-Martin a souhaité que je lui fournisse des détails sur les vingt-deux petites taxes qui vont être supprimées. Parmi celles-ci, dix-sept relèvent du PLF ; nous en supprimons une par un article budgétaire et une autre par décret ; enfin, nous en fusionnons trois en une. J’ajoute que la perte de recettes, qui s’élève à 137 millions, est compensée par des crédits budgétaires ; c’est notamment le cas pour la fameuse taxe dont le produit était alloué à la Mutualité sociale agricole.

Madame Pires Beaune, vous avez évoqué deux sujets. En ce qui concerne le diesel, votre propos relève davantage, me semble-t-il, d’un effet de tribune que d’une véritable interrogation, puisque le candidat que vous souteniez lors de la dernière élection présidentielle, Benoît Hamon, prévoyait de sortir du diesel en 2025 sans mesures de compensation. Mais ce point sera certainement abordé en séance publique, notamment avec M. le ministre d’État François de Rugy.

Quant aux crédits des collectivités territoriales, les diminutions que vous avez constatées correspondent uniquement à la suppression de la dotation allouée aux régions, qui a été compensée – très largement, même – par l’affectation à ces collectivités d’une part de la TVA. Pour le reste, les crédits de la mission s’élèvent à 3,43 milliards en 2019, les prélèvements sur recettes à 40,48 milliards et la TVA des régions à 4,29 milliards, soit un concours financier total de 48,19 milliards. Ce budget ne soulève donc aucune question.

Mme Anne-Laure Cattelot. M. Le Maire a évoqué, parmi les mesures concernant la transformation de l’industrie française, le suramortissement fiscal de 30 %, dont le coût est compris entre 150 et 180 millions d’euros. Quant au Premier ministre, il a indiqué, jeudi dernier, lors de son discours sur l’industrie, que le budget consacré à ce secteur s’élèverait à 500 millions d’euros. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce point ?

En ce qui concerne les baisses d’effectifs dans la fonction publique, vous avez indiqué à plusieurs reprises, au cours de vos auditions, que certains ETP pourraient être relocalisés dans le cadre de la déconcentration. Puisque certains de nos collègues se demandent parfois si l’État n’a pas déserté les territoires, pourriez-vous nous indiquer quels pourraient être les effets de ces déconcentrations ?

Enfin, les centrales à cycle combiné au gaz naturel, qui s’allument en vingt minutes, sont soumises à une imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux fondée, comme pour les centrales nucléaires, sur la puissance installée et non sur le volume d’électricité destiné au réseau. Or, actuellement, ces centrales sont utilisées ponctuellement, même si elles le seront davantage à l’avenir dans le cadre du développement des énergies renouvelables.

Mme Marie-Christine Dalloz. En matière de croissance, je suis très inquiète de constater, chaque année, que l’écart se creuse entre notre pays et la moyenne des pays européens. Ainsi, pour 2019, la prévision de croissance est de 1,7 % pour la France, contre 2,1 % en moyenne pour les pays de la zone euro. Je veux bien que l’on compare notre taux de croissance à ce qu’il était au cours des années antérieures, comme l’a fait le Rapporteur général mais, dès lors que le contexte économique varie chaque année, cela a, me semble-t-il, moins de sens que de le comparer à celui d’autres pays à l’instant t. C’est un facteur important, monsieur Darmanin. De fait, si, en pourcentage du PIB, les dépenses sont maîtrisées, c’est grâce à la croissance car, en volume, elles augmentent, passant, entre 2018 et 2019, de 325,9 milliards à 328,8 milliards.

Enfin, j’ai très peur car, pour 2019, vous prévoyez des ajustements structurels à hauteur de 0,3 point de PIB seulement. Or, c’est insuffisant pour réduire le déficit structurel à 0,5 % du PIB, comme la France s’y est engagée dans le cadre du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Qu’en dites-vous ?

Mme Bénédicte Peyrol. Monsieur le ministre, je souhaiterais vous interroger sur les mesures mises en œuvre au titre de la Feuille de route pour l’économie circulaire. Vous avez évoqué la TGAP applicable à la mise en décharge et à l’incinération des déchets, mais pourriez-vous faire également le point sur la diminution du taux de TVA, fixé à 5,5 %, pour les activités de prévention des déchets ?

Par ailleurs, j’ai relevé que le PLF comportait une mesure importante de lutte contre l’optimisation fiscale, sous la forme d’une clause anti-abus générale. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Je terminerai par une remarque générale sur les travaux de notre commission. Je regrette que nous tronquions parfois le PLF. En effet, lorsque l’on évoque la fiscalité écologique, il nous faut parler de l’ensemble des mesures relevant de cette catégorie. Ainsi, j’aurais aimé pouvoir vous interroger également sur le crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui perdure, la transformation de l’éco-prêt à taux zéro ou le maintien de la prime à la conversion des véhicules.

M. le président Éric Woerth. C’est la raison pour laquelle nous allons organiser une table ronde sur la fiscalité écologique, madame Peyrol.

M. Jean-Louis Bricout. Monsieur le ministre, l’an dernier, le budget – le premier de la législature – était plutôt en faveur des très riches contre les autres, au motif qu’il fallait faire basculer l’épargne vers l’appareil productif. Cette année, il est plutôt favorable aux actifs contre les non-actifs. Ces mesures traduisent en effet une forme de mépris pour nos retraités, comme s’ils n’étaient bons qu’à être ponctionnés.

Par ailleurs, je souhaiterais connaître l’incidence de la transformation du CICE en baisses de charges, notamment sur l’impôt sur les sociétés, et la part des avances de trésorerie réalisées cette année au titre du CICE.

Enfin, il y a un certain enfumage autour de la suppression de la taxe d’habitation. Vous la présentez en effet comme un gain net de pouvoir d’achat. Or, comme vous la compensez aux collectivités, vous transformez, en fait, un impôt local en impôt national : au lieu de le payer en une fois, les contribuables le paieront en plusieurs fois du fait de l’augmentation de taxes additionnelles indirectes.

M. Daniel Labaronne. Ma question porte sur la requalification des établissements commerciaux en établissements industriels. L’an dernier, vous aviez pris deux engagements, que vous avez tenus : d’une part, installer un groupe d’études, qui a beaucoup travaillé sur la question, et, d’autre part, sécuriser la détermination des valeurs locatives des établissements commerciaux. Vous proposez ainsi, à l’article 56, un dispositif original, dont vous dites qu’il entrera en vigueur en 2020. Mais qu’en sera-t-il en 2019 ?

M. Gilles Lurton. Ma première question portait sur le dispositif d’exonération pour l’emploi de travailleurs occasionnels, mais M. Le Maire y a largement répondu. J’aurais cependant souhaité avoir des précisions sur la date d’entrée en vigueur du nouveau dispositif qui reste à imaginer : sera-t-elle concomitante à la suppression de l’ancien dispositif ou faudra-t-il attendre plus longtemps ? Dans la seconde hypothèse, de nombreuses entreprises seraient en grande difficulté, d’autant que la suppression du CICE ne sera pleinement compensée qu’au 1er octobre 2019, et non dès le 1er janvier 2019.

Ma seconde question porte sur les anciens chefs d’entreprise qui investissent en fonds propres dans le capital de jeunes entreprises innovantes ou de start-up. Est-il envisageable de leur permettre de déduire de leur impôt sur le revenu non seulement les revenus qu’ils tirent de ces investissements mais aussi les pertes éventuelles ? En Bretagne, 25 millions d’euros ont été investis de cette manière ; or, ce montant est actuellement en forte diminution.

M. François Jolivet. Monsieur le ministre, je veux tout d’abord vous féliciter de remettre en cause le principe de la non-contemporanéité de l’aide au logement. Vous avez ainsi le courage de vous atteler à une réforme dont on parle depuis vingt-cinq ans. J’ai observé, du reste, que cette mesure ne provoquait pas de débats au sein de notre commission.

J’en viens à mes questions. Premièrement, le budget du logement se compose d’aides au logement, à hauteur de 13 milliards d’euros, et de dépenses fiscales, à hauteur de 17 milliards. Or, ces dernières ne sont jamais examinées, au motif que l’on ne veut pas augmenter les prélèvements obligatoires, de sorte qu’elles deviennent des niches fiscales sanctuarisées au profit des chiens qui les habitent. Quelles sont les marges de manœuvre dans ce domaine ?

Enfin, vous avez annoncé une éventuelle déconcentration des effectifs de l’État dans les territoires. Votre ministère la pratique d’ores et déjà, au moins dans l’Indre, puisque est implantée dans ce département une brigade chargée de contrôler les contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu résidant dans les Hauts-de-Seine. Beaucoup de locaux situés dans les territoires sont actuellement rendus par les directions des finances publiques. Or, je suppose que le coût de fonctionnement d’un bâtiment est bien moindre dans l’Indre ou en Lozère que dans les Hauts-de-Seine ou à Paris intra-muros.

M. le président Éric Woerth. Je précise que les niches fiscales abritent des chiens vivants, et même très vivants !

M. Nicolas Forissier. En ce qui concerne la baisse des effectifs dans la fonction publique, le président de la République s’était engagé à supprimer 120 000 postes, désormais ramenés à 50 000. Quelque 1 600 d’entre eux devraient être supprimés cette année, 4 500 l’an prochain et 10 000 l’année suivante. Ainsi vous serez tenus de supprimer 17 000 postes lors des deux derniers exercices pour atteindre l’objectif affiché. Êtes-vous prêt à vous engager sur ce point dès aujourd’hui ?

Par ailleurs, vous avez évoqué les choix structurels qui ont présidé à l’élaboration du budget, notamment le choix de l’entreprise. Une telle orientation est conforme au discours de la majorité et du Gouvernement sur la nécessité de mieux réorienter l’épargne privée vers le financement des entreprises, notamment des start-up. Serez-vous ouverts, lors de la discussion budgétaire, à la proposition du groupe Les Républicains de déplafonner durablement la réduction d’impôt sur le revenu (IR-PME) à laquelle donne droit l’investissement dans des PME, de façon à favoriser les investissements de long terme ? Seriez-vous prêts à instaurer un dispositif « IFI-PME » sur le modèle de l’ancien dispositif « ISF-PME » ? On sait, en effet, que ces canaux sont très utiles pour orienter l’épargne privée vers les entreprises qui en ont besoin.

Enfin, j’observe que votre présentation du budget ne contient pas grand-chose sur le commerce extérieur. Or, c’est le plus mauvais indice national, et l’on sait qu’il y aura de nouveaux coups de rabot.

M. Fabrice Le Vigoureux. Tout d’abord, je me réjouis de constater que le budget pour 2019 est, à quelques ajustements près, conforme à la trajectoire que nous avons votée l’an dernier, ce qui renforce sa sincérité, sa fiabilité et la crédibilité de la parole de l’État. Ensuite, je m’étonne d’entendre certains de nos collègues de l’opposition déplorer que le déficit public ne baisse pas assez vite et réclamer, dans la même phrase, une diminution plus importante des impôts, sans tracer aucune piste de réduction des dépenses publiques et des effectifs de la fonction publique. Je les implore de nous faire des suggestions en la matière !

Ma question porte sur l’un des principaux postes budgétaires de l’État, à savoir la charge des intérêts de la dette, qui s’élève à 42 milliards en 2019, et sur votre appréciation du risque de remontée des taux, au-delà des 75 points de base que vous avez programmés pour l’an prochain. Cette prévision est-elle fiable ou existe-t-il un degré d’incertitude ?

M. Olivier Damaisin. Le pouvoir d’achat reste la préoccupation majeure des Français. Vous avez annoncé des mesures fiscales en faveur des ménages, sous la forme d’une baisse d’impôts historique, à hauteur de 6 milliards d’euros, pour 2019. Vous avez également annoncé la suppression de ce que l’on appelle des « petites taxes ». Ma question porte précisément sur la suppression de la taxe dite « farine », dont le produit est intégralement affecté au régime de retraite complémentaire des exploitants agricoles. Cette suppression représentera un manque à gagner de 60 millions d’euros, sur un rendement estimé à 64 millions en 2018, selon le projet annuel de performances des régimes sociaux et de retraite annexé au PLF pour 2018. Comment comptez-vous compenser ce manque à gagner ?

Mme Valérie Lacroute. La dette publique va continuer à progresser en 2019. Est-ce une mauvaise nouvelle ou un choix politique du président de la République ? À vous entendre, il s’agirait plutôt d’un choix politique puisqu’on nous a annoncé, ce matin, que les ménages devraient bénéficier d’une diminution d’impôts de 6 milliards. Mais lorsqu’on y regarde de près, on s’aperçoit, hélas ! qu’une fois de plus, ils vont trinquer : moindre augmentation des pensions de retraite, des APL et des prestations familiales et hausse des taxes sur le gazole et l’essence au détriment de tous ceux qui utilisent leurs véhicules.

Cette hausse de la fiscalité sur les carburants rapportera 3,7 milliards d’euros. Or, vous annoncez une augmentation du budget des transports de seulement un milliard. Parallèlement, la ministre des transports réfléchit à une nouvelle taxe sur les poids lourds. On constate donc, une fois de plus, la perversité de la construction des budgets, dont les recettes servent à tout financer. À quand un meilleur fléchage de celles-ci pour rendre enfin vos politiques efficaces ? En effet, consacrer à la politique du transport les 3,7 milliards correspondant à la hausse de la fiscalité sur les carburants permettrait de développer les modes de transport alternatifs à la voiture et au camion.

M. François Pupponi. Monsieur le ministre, l’article 81, relatif au soutien à l’investissement local, tend, en fait, à réformer la dotation « politique de la ville » (DPV). Je rappelle que cette dotation de fonctionnement et d’investissement avait été créée pour les communes dites de banlieue relevant de la politique de la ville. Or, vous proposez d’en étendre le champ, à enveloppe constante, de sorte que les communes qui perçoivent actuellement la DPV en auront moins l’an prochain. Pourriez-vous nous en dire plus sur cette réforme, que nous découvrons et qui n’a fait l’objet d’aucune concertation ?

Par ailleurs, quand disposerons-nous des « bleus » budgétaires ?

M. Xavier Roseren. En 2018 et 2019, le Gouvernement a augmenté de 100 millions les concours de l’État au financement des collectivités territoriales, mettant ainsi fin à la logique de rabot systématique. Il a en effet engagé une démarche inédite fondée sur la confiance afin de limiter, dans le cadre d’une contractualisation, la hausse des dépenses des collectivités. Aujourd’hui, 70 % des 322 grandes collectivités concernées ont adhéré à cette contractualisation. Pouvez-vous nous dire si, au terme des neuf premiers mois, les collectivités concernées ont su dégager une nouvelle capacité d’autofinancement et limiter leurs dépenses ? Pourront-elles, de ce fait, mieux investir en 2019 sans recourir à l’emprunt ? Enfin, à quelles sanctions s’exposent, en 2019, les collectivités qui n’auraient pas respecté leurs objectifs en matière de dépense publique ?

M. Patrick Hetzel. Monsieur le ministre, je profite de votre présence pour lancer une alerte. J’attends, depuis plusieurs mois, que vous répondiez à une question écrite qui a été publiée au Journal officiel en janvier dernier. Je l’ai signalée en juillet dernier ; vous aviez donc dix jours pour me répondre. Or, nous sommes fin septembre et je n’ai toujours pas obtenu de réponse à cette question d’ordre fiscal. Vos actes ne correspondent pas à vos belles paroles !

M. le ministre de laction et des comptes publics. Quel est le rapport avec le budget ?

M. Patrick Hetzel. Vous êtes aussi là, monsieur le ministre, pour répondre au Parlement, qui relaie les questions légitimes que se posent nos concitoyens.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Monsieur le ministre, d’aucuns, ici, dénoncent la perversité du budget ; je le qualifierai, pour ma part, de sincère et réaliste.

Mes questions portent sur la fiscalité agricole. Le dispositif d’épargne de précaution va être simplifié et les contraintes pesant sur son utilisation seront allégées puisque les agriculteurs pourront utiliser cette épargne pour remédier aux aléas climatiques, sanitaires et de marché ou, et c’est une nouveauté, pour réaliser des investissements. Peut-on envisager qu’ils puissent, demain, l’utiliser pour créer de l’emploi ?

En ce qui concerne les jeunes agriculteurs, des mesures sont prévues pour que l’abattement profite à ceux qui en ont le plus besoin, et non à ceux qui ont les revenus les plus élevés. Mais, dès lors que l’on prône la reconversion professionnelle, ne pourrait-on pas étendre le dispositif aux premières installations et supprimer la limite d’âge ?

M. Jean-René Cazeneuve. Je voudrais saluer la stabilité et la continuité du budget consacré aux collectivités territoriales. La contractualisation est un succès, puisque les dépenses sont contrôlées et les investissements significativement en hausse.

Ce budget obéit à notre triptyque ; protéger, libérer, investir. On protège, puisque les dotations de solidarité, que ce soit la DSU ou la DSR, augmentent. Malgré toutes les âneries que l’on entend à ce sujet, les collectivités des territoires ruraux vont voir leurs dotations augmenter. On libère, grâce au maintien des dotations et à l’augmentation de la TVA des régions. On investit, grâce au maintien des dotations d’investissement et à la transformation de la dotation globale d’équipement.

L’augmentation de la capacité d’autofinancement des collectivités territoriales se traduira-t-elle par une augmentation des investissements ou par une baisse de l’endettement ? Enfin, l’assouplissement ou l’ajustement évoqué par le Premier ministre à propos de la contractualisation est-il prévu pour ce budget ou pour celui de l’an prochain ?

M. Jacques Marilossian. Monsieur le ministre, pour atteindre l’objectif « 5-3-1 », la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022 présentait des hypothèses de croissance prudentes : 1,7 % de 2017 à 2021, puis 1,8 %. L’an dernier, je m’étais félicité de cette prudence, qui me paraissait bienvenue car elle tranchait nettement avec l’irresponsabilité des nombreux gouvernements qui, depuis 2002, avaient toujours annoncé des prévisions de croissance fantaisistes. Toutefois, l’évolution de la situation politique européenne est telle que cette hypothèse, quoique prudente, me semble menacée.

En tant que membre de la mission d’information sur le Brexit, je souhaiterais vous faire part de notre appréciation. Comme disait notre distingué et très cultivé collègue Bourlanges, ce matin, sur France Inter, « winter is coming »… En effet, compte tenu de l’avancement des négociations et de la situation politique britannique, l’impact du Brexit sur nos finances publiques risque d’être très significatif, notamment du point de vue de la contribution au budget européen. Pouvez-vous nous dire comment vos services ont intégré cet impact à compter de 2019 dans la trajectoire des finances publiques ?

M. le ministre de laction et des comptes publics. En ce qui concerne les collectivités, oui, nous sommes certains de pouvoir garantir une amélioration de leurs dépenses en fonctionnement comme en investissement. Je rappelle que sont concernées les collectivités qui dépensent le plus. La contractualisation permet de maintenir leurs dépenses de fonctionnement et d’augmenter leur autofinancement, en limitant la masse salariale et en accroissant leurs capacités d’investissement sans recourir à l’emprunt, ce qui, de manière générale, est bon pour les comptes publics. Il s’agit donc d’un système vertueux. Les sanctions relèvent des préfets et des directeurs départementaux des finances publiques ; elles ne sont pas les mêmes selon que l’on a ou non signé le contrat, conformément au souhait du législateur. Quant aux bonus, ils sont à la main, si je puis dire, de l’exécutif. Mais si le Parlement souhaite s’intéresser au montant d’investissement supplémentaire qui peut être accordé, il appartient au Rapporteur général de s’en saisir ; j’y serai, bien entendu, très ouvert.

Monsieur Pupponi, ce que je sais, c’est que la question de la DPV allait de pair avec celle du nombre d’habitants. Plutôt que de tenir compte de la situation d’ensemble, la « loi Lamy » a instauré un carroyage – le territoire est découpé en carreaux de 200 mètres de côté – pour déterminer les quartiers relevant de la politique de la ville et de la DSU. Sur ce point précis, je ne crois pas que cette loi soit la meilleure qui puisse être – même Mme Aubry est d’accord avec moi, c’est dire ! Nous allons donc supprimer plus ou moins ces critères, en maintenant la même enveloppe, afin que le dispositif soit plus juste vis-à-vis des communes pénalisées par le dispositif actuel. Nous aurons l’occasion d’en reparler en séance publique. Par ailleurs, l’augmentation de la DSU, qui est de 90 millions, est sans précédent depuis l’ère Borloo.

Mme Christine Pires Beaune. Non !

M. le ministre de laction et des comptes publics. Si. Je suis prêt à parier deux boîtes de chocolats.

Mme Christine Pires Beaune. On parie ?

M. le ministre de laction et des comptes publics. Avec grand plaisir.

M. François Pupponi. Si c’est moi qui ai raison, vous mettez le chiffre dans le budget !

M. le ministre de laction et des comptes publics. Non, je parie des chocolats, monsieur le député, ou l’une des spécialités de votre circonscription.

À la demande du Parlement, je me suis engagé à revoir le mécanisme de la requalification des locaux à vocation logistique, éventuellement agricole, en locaux industriels, ce qui constitue un sujet complexe du fait de la nature même de ces activités. Nous avons en effet constaté que ni la loi ni la doctrine n’étaient d’une grande clarté dans ce domaine, et que les contrôles fiscaux ne s’exerçaient pas de la même manière dans l’ensemble du territoire national.

Sans pouvoir annuler des contrôles en cours tendant légitimement à requalifier certains locaux en locaux industriels, j’ai demandé des précisions sur l’état de la doctrine dans l’attente de l’année 2020. Par ailleurs, les travaux de votre groupe d’études, monsieur le député, ainsi que les évolutions possibles de la loi, permettent d’imaginer plusieurs scénarios, dont celui de l’établissement d’un forfait de 300 000 à 500 000 euros afin d’éviter que les plus petites entreprises soient requalifiées.

Enfin, dans le cadre du présent projet de loi de finances, nous sommes convenus avec les élus locaux, qui perçoivent le produit de la fiscalité locale et qui, comme les entreprises, sont donc concernés, que l’administration puisse récupérer des données dont elle ne dispose pas aujourd’hui. Cela nous permettra de mettre la loi et les contrôles fiscaux en conformité avec la législation fiscale ; cette situation nous conduira à faire preuve d’une certaine mansuétude au cours de l’année 2019, sans oublier de pratiquer les reconversions méritant de l’être. Je ne doute pas, par ailleurs, que nous aurons l’occasion de débattre de ce sujet.

C’est à juste titre que Mme Peyrol a évoqué l’économie circulaire puisqu’il s’agit de revoir la TGAP « déchets », que nous augmentons ; en contrepartie, nous diminuons la TVA des collectivités locales qui organisent une meilleure économie circulaire. Par ailleurs, la taxe sur les ordures ménagères sera revue. M. de Rugy et Mme Poirson présenteront ces mesures mieux que je ne saurais le faire à l’occasion du débat en séance publique. En tout état de cause, vous pouvez constater que nous ne négligeons pas l’économie circulaire.

S’agissant du CICE et des réductions de charges sociales, il faut déduire des 25 milliards d’euros de baisse l’augmentation de 4 à 5 milliards des recettes de l’impôt sur les sociétés du fait de l’amélioration consécutive des marges des entreprises, soit un total d’à peu près 20 milliards d’euros – ce qui explique la variation de 5 milliards d’euros parfois constatée dans la présentation des chiffres.

Mme Lacroute a mentionné une augmentation du coût du diesel pour les ménages de 3,7 milliards d’euros, chiffre que je conteste puisqu’il s’établit à 1,9 milliard d’euros. Reste la question des 900 millions d’euros pour le gazole non routier évoqués par Bruno Le Maire, qui constitue une niche fiscale que nous supprimons. À vous écouter, j’entends que les chiens sont vivants et aboient, et vous avez raison, monsieur le président, d’user de cette jolie métaphore.

La question que vous évoquez, madame, est celle de l’affectation de ces recettes. Il faut là s’inscrire en faux, et je pense que le président Woerth, en tant qu’ancien ministre des comptes public, pourra en témoigner. Si l’on affecte au sport la totalité des recettes provenant des activités liées au sport, à la culture les recettes provenant des activités liées à la culture, à la transition écologique les recettes de la taxation du diesel, comment tenir le budget de la défense, celui de l’éducation nationale et celui de l’intérieur, en l’absence de taxe sur les enfants, l’armée et la police ? C’est pourquoi l’affectation des taxes doit être combattue et demeurer exceptionnelle, sans quoi l’on romprait avec le grand principe de la politique budgétaire, qui consiste à faire des choix – choix que nous assumons.

J’observe au passage que beaucoup d’affectations budgétaires sont pratiquées au profit du ministère de l’écologie – qui est, avec le ministère de l’agriculture, celui qui en bénéficie le plus. J’ajoute que, lorsque l’on réalise des travaux d’isolation thermique des locaux de l’État comme c’est actuellement le cas, le financement provient bien de ses caisses. Un bilan de ce que coûte la rénovation écologique montrerait donc que nous sommes bien loin du simple milliard d’euros d’augmentation des recettes de la taxation du diesel évoquée pour cette année.

M. Jolivet m’a posé une question revenant à demander quelle est la marge laissée à l’appréciation des parlementaires dans le domaine des dépenses fiscales. Je répondrai que cette marge est entière : ce n’est pas le ministre des comptes publics qui vous dira qu’il ne faut pas toucher aux dépenses fiscales ! Je rappelle toutefois que celles-ci présentent le défaut d’augmenter la fiscalité lorsqu’on les supprime… Le sujet est quelque peu kafkaïen, et je suis personnellement prêt à étudier un certain nombre de choses, mais la question est parfois plus complexe à l’échelon interministériel. C’est pourquoi je présente la position du Gouvernement, non la mienne, mais j’encourage les membres de la commission des finances à évaluer les dépenses fiscales, quitte à mettre le Gouvernement en difficulté, même si c’est moi qui suis au banc…

La fiscalité agricole a par ailleurs été évoquée mais, à cette heure tardive, personne ne regarde la télévision… Nous pratiquons de même pour le gazole routier, en rencontrant les difficultés que l’on sait ; nous aurons l’occasion d’en reparler.

À Mme Verdier-Jouclas, je répondrai que ce qu’ont présenté Bruno Le Maire et Stéphane Travert au sujet de la fiscalité agricole est intéressant. L’utilisation de l’épargne de précaution est désormais libre puisqu’elle n’est plus subordonnée à la survenue d’un aléa, sans toutefois pouvoir être consacrée aux dépenses de fonctionnement. Par ailleurs, les jeunes agriculteurs ne souhaitent pas que l’on revienne sur la condition d’âge, fixée à quarante ans, me semble-t-il. Le débat parlementaire nous le dira, mais nous avons plutôt écouté cette catégorie, et chacun sait qu’à cet âge on est encore un jeune tout court, a fortiori un jeune agriculteur.

C’est avec raison que Mme Dalloz a évoqué la question de la croissance comparée à la moyenne européenne, vers laquelle il nous faut tendre. Cette comparaison porte sur les années précédentes, au cours desquelles la France n’a pas procédé aux transformations propres à améliorer sa croissance, notamment sa croissance potentielle.

En ce qui concerne l’ajustement structurel, nous sommes loin, avec 0,5 point seulement, des prescriptions des traités, ce que le président du HCFP, M. Didier Migaud, vous dira probablement à son tour. Nous n’avons toutefois pas triché lors de la présentation du budget de l’année dernière en indiquant que nous atteindrions 0,1 et 0,3 point. Dans le même temps, nous avons présenté la liste des réformes à la Commission européenne et, jusqu’à présent, contrairement aux autres gouvernements, nous n’avons pas eu de retours négatifs de sa part.

J’ai déjà répondu à plusieurs reprises à la question sur les ETP, mais c’est bien volontiers que je rappelle que ce sont les transformations qui créent les suppressions de postes. Dans le cadre du projet de loi à venir sur la fonction publique, nous évoquerons la question des départs volontaires ainsi que celle du changement de statut d’un certain nombre de métiers. Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur le problème de la relocalisation. Elle sera mise en œuvre dans mon propre ministère, et je reçois moi-même les préfets, région par région, afin d’imaginer la « redéconcentration » d’Île-de-France vers les régions ainsi que des métropoles vers d’autres territoires plus ruraux. J’aurai d’ailleurs quelques annonces à faire et il me semble, madame Cattelot, que le président de la République se rendra chez vous, dans l’Avesnois, au mois de novembre prochain ; le travail du ministère des comptes publics pourra alors lui servir lors de sa rencontre avec les élus.

Je pense avoir répondu à la question de M. Forissier portant sur l’IR-PME. Je reconnais que le dispositif peut toujours être amélioré, ce que nous avons fait dans la précédente loi de finances et ferons encore par la loi PACTE. Cependant, on ne peut à la fois supprimer l’ISF et conserver la niche fiscale correspondante. Quelque 4 milliards d’euros d’impôt ont ainsi été supprimés, et un milliard d’euros conservé au titre des recettes fiscales de l’impôt sur la fortune immobilière. Le principe qui anime le Gouvernement est que ce capital doit aller à l’économie productive, et je n’ignore pas que nous aurons à ce sujet un débat avec MM. Coquerel et Roussel.

À M. Pupponi, j’indique que les documents budgétaires, particulièrement les « bleus », seront disponibles dans les jours qui viennent, car l’avancement de la date du Conseil des ministres nous a quelque peu perturbés, et les services ont beaucoup travaillé.

Enfin, je ferai observer à M. le député de la Nation qu’un examen attentif du Journal officiel lui aurait permis de constater que la question écrite qu’il pensait m’avoir adressée a été réattribuée à un autre ministère. Il dispose par ailleurs de mon numéro de téléphone depuis longtemps, et je m’efforce toujours de lui fournir des réponses ; au demeurant je ne manquerai pas de demander à mes collègues ministres qui doivent lui en fournir de le faire.

M. le président Éric Woerth. Monsieur le ministre, ce sont aussi les suppressions de postes qui contribuent à la transformation des administrations : les deux mécanismes fonctionnent ensemble, c’est une dynamique assez fine à laquelle je crois fermement.

 


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   AUDITION DU PRÉSIDENT
DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES

Lors de sa réunion du 24 septembre 2018, la commission a entendu M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, sur les avis du Haut Conseil relatifs aux projets de loi de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, nous recevons M. Didier Migaud, président du HCFP, accompagné de M. François Monier, Rapporteur général du Haut Conseil, et de M. Vianney Bourquard, Rapporteur général adjoint, afin qu’il nous présente l’avis du Haut Conseil relatif au projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019, adopté le 19 septembre dernier.

Je rappelle qu’en application de l’article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et la gouvernance des finances publiques, il revient au Haut Conseil d’émettre un avis sur les prévisions macroéconomiques. Il est donc inutile de poser des questions qui ne sont pas relatives aux prévisions macroéconomiques qui fondent le PLF et le PLFSS ; M. Didier Migaud est présent en tant que président du Haut Conseil, non en tant que Premier président de la Cour des comptes.

M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques. Monsieur le président, monsieur le Rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m’avoir invité devant votre commission, en tant que président du HCFP, afin de vous présenter les principales conclusions de notre avis relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2019.

L’exercice qui nous rassemble aujourd’hui est désormais bien rodé : c’est en effet la sixième fois que notre Haut Conseil rend un avis sur le projet de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, et la deuxième fois sous cette législature.

Comme vous le savez, la mission du Haut Conseil ne consiste pas à produire ses propres prévisions. Il doit se prononcer sur les prévisions macroéconomiques présentées par le Gouvernement à l’occasion du PLF et du PLFSS pour 2019 ainsi que sur la cohérence de ces projets avec les orientations pluriannuelles de solde structurel.

Cette mission nous conduit à réaliser une analyse approfondie des textes qui nous sont soumis par le Gouvernement. Pour formuler notre avis, nous nous appuyons sur des prévisions issues d’un ensemble d’organismes, tels que la Commission européenne, le Fonds monétaire international (FMI), l’OCDE. Nous sollicitons également de nombreux prévisionnistes nationaux comme l’INSEE, la Banque de France, le Centre d’observation économique et de recherches pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises (COE-REXECODE) et l’OFCE, que nous avons d’ailleurs auditionnés dans le cadre de nos travaux cette année.

Voilà pour la méthode.

En guise d’introduction, je voudrais tout d’abord revenir sur le contexte macroéconomique dans lequel s’inscrivent les deux textes qui nous ont été soumis. J’en viendrai ensuite aux appréciations que porte le Haut Conseil sur les prévisions macroéconomiques formulées par le Gouvernement et sur le scénario de finances publiques qui leur est associé.

J’évoquerai en premier lieu le contexte macroéconomique dans lequel interviennent le PLF et le PLFSS.

Au cours des derniers mois tout d’abord, la croissance mondiale s’est infléchie, légèrement en Europe et au Japon, et plus fortement pour certains pays émergents. À l’inverse, elle s’est affermie aux États-Unis. Le dynamisme de l’activité économique américaine devrait d’ailleurs, d’après la plupart des prévisions disponibles, continuer de soutenir la croissance mondiale.

S’agissant de la zone euro, la croissance économique accuse un léger ralentissement. Elle est ainsi passée d’un rythme trimestriel de 0,7 % en 2017 à 0,4 % au premier semestre 2018. Cette tendance reflète un environnement international devenu moins favorable depuis l’été 2017.

Les causes sont multiples et bien connues de votre commission. J’en citerai néanmoins quelques-unes, telles que la hausse des prix du pétrole, l’appréciation de l’euro et l’accroissement des incertitudes commerciales et politiques pesant sur l’économie mondiale. Symptôme des facteurs que je viens de rappeler, le climat des affaires tiré des enquêtes de conjoncture européennes s’est replié au cours du premier semestre 2018 après avoir atteint des niveaux très élevés en fin d’année 2017.

Malgré ces signaux, plusieurs paramètres d’activité demeurent positifs. Le climat des affaires reste aujourd’hui encore supérieur à sa moyenne observée sur une longue période. La croissance européenne bénéficie également de l’orientation toujours favorable de la politique monétaire ainsi que des effets bénéfiques de politiques budgétaires légèrement expansionnistes.

Ainsi, passé le ralentissement dont je viens de vous rendre compte, et d’après les prévisions disponibles, la croissance de la zone euro devrait à l’avenir se stabiliser.

J’en viens à présent à la situation de la France.

Le ralentissement de l’activité économique française observé au début de l’année 2018 a été plus prononcé que celui de la moyenne de la zone euro. Notre croissance s’est en effet limitée à 0,2 % pour chacun des deux premiers trimestres 2018.

Cet écart avec nos partenaires européens tient essentiellement à la situation des ménages. La consommation des ménages français a ainsi stagné au cours du premier semestre 2018 alors qu’elle continuait d’augmenter à un rythme assez soutenu chez nos voisins. L’une des explications que l’on peut avancer à ce différentiel réside dans le calendrier des mesures fiscales nouvelles qui ont pesé, au cours du premier trimestre, sur le pouvoir d’achat des ménages. D’autres facteurs temporaires peuvent expliquer ce ralentissement : c’est le cas, par exemple, des grèves intervenues dans le secteur des transports.

La situation et les perspectives de croissance que je viens de vous exposer s’agissant de l’activité mondiale, européenne et nationale sont toutefois entachées d’incertitudes dont rend compte l’avis du Haut Conseil.

Pour 2019, les perspectives de croissance sont entourées de risques économiques importants.

Ces risques sont multiples. Je pense notamment à la montée des tensions commerciales, au résultat des négociations sur le Brexit, à la situation de l’Italie, aux déséquilibres financiers en Chine, à la fragilité de plusieurs pays émergents : la Turquie, l’Argentine, l’Afrique du Sud ou encore le Brésil. Il est également à craindre que le déséquilibre budgétaire américain et le relèvement des tarifs douaniers provoquent une accélération de l’inflation et un rééquilibrage défavorable de la politique monétaire américaine.

Enfin, et pour achever ce cadrage, le Haut Conseil souligne que le poids élevé de l’endettement public et privé observé dans de nombreux pays fait peser un risque supplémentaire pour la croissance mondiale, dans un contexte de resserrement graduel des politiques monétaires.

J’en arrive aux observations formulées par le Haut Conseil sur le scénario macroéconomique du Gouvernement.

S’agissant de la croissance pour 2018, la prévision du Gouvernement établie dans le PLF pour 2019 est de 1,7 %.

Cette prévision est identique à celle qu’il avait retenue il y a un an à l’occasion du PLF pour 2018. Elle est toutefois inférieure à celle que le Gouvernement avait formulée au printemps dernier dans son programme de stabilité 2018-2022.

Compte tenu de l’acquis de croissance au deuxième trimestre 2018, estimé à 1,3 %, la réalisation en 2018 d’une croissance de 1,7 % en moyenne annuelle suppose une nette accélération de l’activité d’ici la fin de l’année à un rythme d’au moins 0,5 % par trimestre.

Ceci étant, plusieurs signaux permettent d’anticiper une remontée du taux de croissance au troisième trimestre 2018. Je pense, par exemple, à la production industrielle de juillet et aux dernières enquêtes de conjoncture dont nous avons eu connaissance.

Dans son avis, le HCFP juge donc crédible la prévision de croissance du Gouvernement fixée à 1,7 %.

Cette prévision est d’ailleurs en phase avec celles des organisations internationales et des instituts de conjoncture, qui la situent pour la plupart entre 1,6 % et 1,7 %.

S’agissant de la croissance en 2019, qui s’élèverait à 1,7 %, le Haut Conseil considère que les hypothèses retenues par le Gouvernement quant à l’évolution de la demande des ménages et des entreprises sont plausibles.

Cette prévision de croissance pour 2019 est, là encore, en accord avec la moyenne des prévisions disponibles. La plupart présentent en effet une progression de l’activité en 2019, proche de celle anticipée pour 2018.

Le Haut Conseil considère donc que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2019 est plausible. Il note toutefois que cette prévision est affectée d’un degré d’incertitude plus fort que les années précédentes. Comme je l’ai évoqué précédemment, cette incertitude provient essentiellement des risques pesant aujourd’hui sur l’environnement économique international, qui paraissent plus forts.

S’agissant des prévisions d’emploi et de masse salariale, le Haut Conseil estime pour 2018 que celles-ci sont cohérentes avec les informations disponibles. Pour 2019, les prévisions sont là encore plausibles.

Dans le détail et selon le Gouvernement, la masse salariale des branches marchandes non agricoles augmenterait en valeur de 3,5 % en 2018 et en 2019. Il s’agit d’une progression similaire à celle observée en 2017. La croissance de l’emploi s’affaiblirait en revanche progressivement jusqu’en 2019.

Dans le scénario établi par le Gouvernement, la prévision de masse salariale pour 2018 est revue à la baisse par rapport au programme de stabilité, qui l’avait fixée à 3,9 %. Cette révision vise à prendre en compte les données d’activité du premier semestre 2018.

Enfin, s’agissant des prix à la consommation pour 2018, la hausse des prix anticipée dans le PLF pour 2019 serait de 1,8 % en moyenne annuelle. L’inflation serait sensiblement plus élevée que le niveau prévu l’année dernière, qui s’établissait à 1,1 %. Pour l’essentiel, cette différence tient à l’évolution des prix de l’énergie.

Dans ce scénario, l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire hors prix volatils comme ceux des carburants et de certains produits alimentaires, se redresserait progressivement, de 0,4 % en 2017 à 0,9 % en 2018. L’inflation sous-jacente serait soutenue notamment par une remontée des prix des services liés à celle des salaires.

Cette prévision d’inflation est cohérente avec les indices des prix constatés jusqu’en août 2018 et avec l’hypothèse d’une stabilisation du prix du pétrole à 73 dollars, soit 63 euros le baril de Brent.

J’en viens à présent à l’année 2019.

La prévision d’inflation formulée par le Gouvernement est de 1,4 % en moyenne annuelle. Elle anticipe donc une baisse de l’inflation par rapport à 2018, qui s’expliquerait par une moindre contribution des prix de l’énergie et des tarifs dits « administrés ». Dans ce scénario, l’inflation sous-jacente continuerait de remonter, sans refléter totalement l’accélération des salaires.

Ces prévisions pour 2018 et 2019 sont un peu inférieures aux moyennes du Consensus Forecasts de septembre, qui s’établissent respectivement à 1,9 % et 1,6 %.

En résumé, le Haut Conseil considère que les prévisions d’inflation retenues pour 2018 et 2019 sont raisonnables.

Voilà pour les observations relatives au scénario macroéconomique retenu pour les années 2018 et 2019. J’en viens maintenant aux observations formulées par le Haut Conseil sur les prévisions de finances publiques.

Pour commencer, je voudrais souligner le caractère particulièrement complexe de la lecture de l’évolution des finances publiques pour les années 2017 à 2019. Cette complexité tient à deux éléments.

Premier élément – et vous avez récemment entendu le directeur général de l’INSEE – cet organisme a procédé au début de ce mois à des révisions des comptes des administrations publiques. Ces révisions visent à intégrer le reclassement de SNCF Réseau au sein des administrations publiques, la comptabilisation de la recapitalisation d’Orano
– anciennement Areva – et l’actualisation de données budgétaires par rapport aux chiffres de mars 2018.

Elles ont conduit à revoir les niveaux de déficit et de dette publique pour les années 2016 et 2017. Il en résulte une dégradation du déficit public nominal et du déficit structurel de 3,2 milliards d’euros en 2016 et de 1,9 milliard d’euros en 2017. Les déficits de 2018 et 2019 ne sont quant à eux affectés que de manière marginale par ces révisions. L’impact négatif du reclassement de SNCF Réseau sur les soldes serait ainsi quasiment compensé par les améliorations observées s’agissant des administrations de sécurité sociale et du compte d’affectation spéciale Transition énergétique.

Second élément qui complique notre lecture, les trois années 2017 à 2019 sont marquées par deux opérations budgétaires exceptionnelles de grande ampleur.

La première est le remboursement de la taxe de 3 % sur les dividendes en 2017 et 2018 à la suite de son invalidation par le Conseil constitutionnel et sa compensation, sur la seule année 2017, par une surtaxe exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés. Cette mesure représente 0,2 point de PIB en 2018.

La seconde est la transformation du CICE en baisse de cotisations au 1er janvier 2019. Cette mesure représente 0,9 point de PIB en 2019.

Ces deux opérations n’influenceront plus les comptes publics au-delà de 2019. Si on les neutralisait, le scénario d’évolution de la situation des finances publiques proposé par le Gouvernement induirait une réduction du déficit public d’environ 0,3 point en 2018 et 0,5 point en 2019. La réduction en 2018 et 2019 se partagerait à peu près également entre une amélioration de la composante conjoncturelle et une amélioration du solde structurel.

J’en viens à notre appréciation sur les prévisions de recettes et de dépenses formulées par le Gouvernement.

S’agissant des recettes tout d’abord, les prévisions pour l’année 2018 sont en phase avec les informations dont nous disposons. En particulier, la prévision émise sur les recettes fiscales nettes de l’État est cohérente avec les encaissements observés à ce stade de l’année.

Le Gouvernement retient une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB de 1,1 en 2018. Cette élasticité supérieure à l’unité serait essentiellement due à l’évolution plus dynamique que le PIB de la masse salariale, sur laquelle sont assises les cotisations sociales et une grande part des prélèvements sociaux.

Pour 2019, le Gouvernement prévoit une élasticité unitaire des prélèvements obligatoires à la croissance.

Au total, pour 2018 comme pour 2019, le Haut Conseil considère que les prévisions de prélèvements obligatoires sont réalistes au regard du scénario macroéconomique retenu.

S’agissant des dépenses, leur augmentation globale présentée dans le PLF hors crédits d’impôt pour 2018 est de 1,6 % en valeur et de 0 % en volume en retenant pour déflateur, comme le font usuellement tous les gouvernements, l’indice des prix à la consommation hors tabac. En 2019, l’objectif d’évolution des dépenses des administrations publiques hors crédits d’impôt et hors opérations exceptionnelles augmente. Il est de 1,9 % en valeur et de 0,6 % en volume. Corrigé de l’indice des prix du PIB, indice moins volatil que celui des prix à la consommation hors tabac, la dépense progresserait en volume de 0,7 % en 2018 comme en 2019.

Le Haut Conseil relève que des efforts visant une budgétisation plus réaliste des dépenses de l’État ont été effectués depuis le PLF pour 2018, notamment sur les opérations relevant des ministères de la défense et de l’intérieur. Toutefois, des risques de tensions dans l’exécution budgétaire au cours de l’année 2019 peuvent demeurer. Dans le contexte d’un maintien en PLF pour 2019 d’un taux de mise en réserve à 3 % hors dépenses de personnel, ces risques nécessiteront une exécution rigoureuse de l’ensemble des dépenses pilotables de l’État.

Pour leur part, les dépenses des administrations de sécurité sociale seraient en légère décélération en 2019 par rapport à 2018, de 1,8 % contre 2,0 % en valeur.

Les dépenses de retraites et de certaines prestations sociales hors minima sociaux seraient ainsi modérées par une revalorisation de 0,3 % contre une inflation estimée par le Gouvernement à 1,4 % l’année prochaine.

Enfin, les dépenses des administrations publiques locales augmenteraient en 2018 et 2019 de 2,3 %, soit un rythme proche de celui observé en 2017 qui s’établissait à 2,5 %. De ce fait, la capacité de financement des administrations publiques locales continuerait à progresser.

Le Gouvernement fait l’hypothèse du respect, en 2018 comme en 2019, de l’objectif d’évolution de la dépense locale de fonctionnement, pour partie décliné dans un cadre contractuel. Les informations disponibles à ce jour indiquent en effet une évolution modérée de la dépense locale de fonctionnement en 2018, à un rythme proche de celui attendu par le Gouvernement. Une incertitude demeure toutefois concernant la vigueur de l’investissement local en 2018 et 2019 dans cette phase du cycle électoral, compte tenu des marges de manœuvre ainsi dégagées.

En résumé, la prévision de dépense formulée par le Gouvernement repose sur des efforts de maîtrise de la part de l’ensemble des administrations – État, sécurité sociale et collectivités locales. Pour 2018 comme pour 2019, le Haut Conseil estime toutefois que cette perspective d’évolution est atteignable.

Notre institution considère donc que la prévision de déficit public pour l’année 2019 est plausible, compte tenu du scénario macroéconomique retenu et des baisses de prélèvements décidées pour 2019. Notre appréciation repose néanmoins sur la stricte tenue de la trajectoire de dépense envisagée à ce jour.

J’en viens à présent à la cohérence des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale examinés par le Haut Conseil avec les orientations pluriannuelles de solde structurel.

Cette cohérence s’apprécie au regard de la trajectoire de solde structurel formulée dans la dernière loi de programmation des finances publiques, celle du 18 janvier 2018.

Le déficit structurel est proche de la trajectoire fixée en loi de programmation. Le Haut Conseil constate ainsi que les prévisions de solde structurel associées au PLF pour 2019 ne font pas apparaître d’écart important par rapport à la trajectoire de la loi de programmation pour les années 2018 à 2022.

L’ajustement structurel, c’est-à-dire la variation du solde structurel d’une année sur l’autre, s’élève à 0,1 point de PIB en 2018 et à 0,3 point en 2019.

L’effort structurel qui, je le rappelle, représente la partie de l’ajustement structurel directement liée à un effort en dépense ou à des mesures nouvelles de prélèvements obligatoires, serait nul en 2018. Pour être plus précis, l’effort réalisé sur la dépense serait compensé par l’impact des baisses de prélèvements. En 2019, l’effort structurel serait de 0,3 point de PIB.

Pour autant, le Haut Conseil relève que le Gouvernement n’a pas comptabilisé en opération ponctuelle et temporaire la mesure d’augmentation du cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés prévues en 2019, dont l’effet est pourtant limité à cette seule année 2019. En l’état des informations dont nous disposons, cette mesure, dont le rendement est estimé à 1,5 milliard d’euros, est donc considérée par le Gouvernement comme contribuant à l’amélioration du solde structurel. Le Haut Conseil estime pour sa part qu’il serait logique de la classer en opération ponctuelle et temporaire, son impact étant limité au seul exercice 2019.

Si tel était le cas, l’effort structurel comme l’ajustement structurel seraient minorés de l’ordre de 0,1 point de PIB en 2019 par rapport à la présentation du Gouvernement. Ils seraient donc plus proches de 0,2 point de PIB que de 0,3 point.

Cependant, même si cette mesure avait été classée comme temporaire, l’écart entre le déficit structurel présenté dans le cadre de ce PLF et la trajectoire définie par la loi de programmation ne serait pas « important » au sens de l’article 23 de la loi organique relative à la programmation et la gouvernance des finances publiques – c’est-à-dire au moins égal à 0,5 point.

Ces chiffres doivent également s’apprécier au regard des engagements européens que la France a pris. À ce titre, le Haut Conseil souligne que les ajustements structurels prévus pour 2018 et 2019, qui seront soumis à l’appréciation de la Commission européenne, sont inférieurs au minimum prévu dans le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance, qui correspond à un ajustement de 0,5 point par an, sachant, comme je l’ai dit, que nous exprimons, pour notre part, des doutes sur le chiffre de 0,3 point avancé par le Gouvernement.

Le Haut Conseil avait déjà relevé, dans son avis relatif à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, que la trajectoire définie par cette loi s’écartait des engagements européens de la France.

Voilà pour les principaux éléments développés dans l’avis formulé par le Haut Conseil. J’en terminerai avec une remarque générale en cohérence avec les observations antérieures que nous avions faites.

Dans le scénario proposé par le Gouvernement, le déficit nominal des comptes publics resterait proche de 3 points de PIB à l’horizon 2019. Toutefois, une fois neutralisé l’impact de la transformation du CICE en baisse de cotisations, le déficit nominal se réduirait sensiblement. Mais cette réduction serait due, pour plus de la moitié, à la conjoncture économique favorable dont bénéficient les finances publiques nationales.

Le déficit structurel de la France, qui se situe aux alentours de 2 points de PIB, demeure donc à un niveau nettement plus élevé que celui de la plupart de nos partenaires européens. La moyenne des déficits structurels des pays membres de la zone euro se situe en effet aux environs de 0,5 % du PIB en 2018, contre 2,2 % en France.

Ce déficit structurel ne se réduirait que lentement au regard des règles européennes. Comme vous le savez, la France se situe désormais dans le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance. Dans ce volet, les pays membres doivent s’assurer de la convergence à un rythme suffisant vers leur objectif de moyen terme de solde structurel. Or, la France reste loin de son objectif, fixé à 0,4 % du PIB. Notre pays est actuellement l’un des membres le plus éloignés de leur objectif de moyen terme.

Par ailleurs, la France n’aurait pas encore amorcé, à l’horizon de 2019, la réduction de son ratio de dette publique au PIB, à la différence de la quasi-totalité des pays européens, qui ont déjà entamé depuis plusieurs années cette réduction de leur dette.

Malgré une certaine amélioration, la situation de nos finances publiques constitue toujours une fragilité de notre économie. Avec une dette qui approche 100 % du PIB et qui a progressé de plus de 30 points de PIB depuis la crise de 2008, la France ne dispose que de marges de manœuvre limitées pour faire face à un éventuel fort ralentissement de l’activité économique, alors que le contexte international est marqué par des incertitudes particulièrement élevées.

M. le président Éric Woerth. Vous appelez à la plus grande vigilance en ce qui concerne l’effort structurel et notre capacité à réformer, ce qui rejoint les préoccupations de la plupart d’entre nous.

Ma première question porte sur le taux d’évolution de la dépense publique, pour lequel les prévisions varient, selon les documents, de 0 % en volume à 0,7 %. Cette variation est-elle un effet de l’inflation, de la recapitalisation d’Areva ou a-t-elle une autre explication ? Une augmentation de 0,7 % en volume n’est en effet pas négligeable, puisque cela représente à peu près 14 milliards d’euros.

Par ailleurs, vous ne vous prononcez pas sur le ratio de la dépense publique au PIB, que le Gouvernement s’était engagé devant la représentation nationale à baisser de 3 points. Estimez-vous cet engagement être réalisable ?

M. Joël Giraud, Rapporteur général. Merci, monsieur le président du Haut Conseil, pour votre avis extrêmement argumenté. Je le considère comme plutôt rassurant eu égard aux craintes que l’on pouvait nourrir après le ralentissement de la croissance constaté au cours du premier semestre. On aurait pu redouter des appréciations moins favorables mais, compte tenu de votre crédibilité et de la parfaite indépendance dont vous avez fait montre dans vos avis précédents, on ne peut vous suspecter de la moindre complaisance à l’égard du Gouvernement.

Vous considérez donc ce projet de budget comme plausible : en puisant dans le champ lexical qui est celui du Haut Conseil, iriez-vous jusqu’à le qualifier de sincère au regard du scénario macroéconomique qui a été retenu ?

Ma deuxième question porte sur les incidences du calendrier fiscal retenu pour 2018 sur la consommation. L’essentiel de la baisse des prélèvements obligatoires va intervenir en fin d’année, avec la première tranche de suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers et l’augmentation du salaire net pour les salariés du privé. D’où le fait que, comme vous le relevez, la consommation a plutôt stagné au premier semestre. Pouvez-vous nous indiquer si les personnalités que vous avez auditionnées parient sur une reprise de la consommation ? Pensez-vous qu’il existe un risque que le retour de l’inflation vienne amputer les gains de pouvoir d’achat et contrarient le redémarrage de la croissance ?

Vous soulignez ensuite, à la page 9 de votre avis, que, contrairement aux apparences, le déficit public continuera de se réduire en 2018 et en 2019. En neutralisant l’impact du remboursement de la taxe de 3 % sur les dividendes et la transformation du CICE en baisse de cotisations, vous calculez ainsi que le déficit public baisserait de 0,3 point en 2018 et de 0,5 point en 2019, soit une moyenne de 0,4 point par an. Pouvez-vous confirmer que cela correspond bien à un maintien du rythme de réduction des déficits publics et nous rassurer sur le fait que l’année 2019 ne marque pas la fin de ce cycle de baisse entamé en 2009 ?

Enfin, vous montrez qu’en matière de dépenses, l’effort est tangible : la croissance en volume de la dépense publique serait en effet nulle en 2018 et de 0,3 % en 2019, à périmètre constant, soit des taux de progression extrêmement faibles par rapport aux exercices précédents. Confirmez-vous ce ralentissement significatif de la progression de la dépense publique pour 2018 et 2019 ?

Mme Amélie de Montchalin. Je voudrais d’abord m’arrêter sur la dette. Si son montant ne diminue pas, il importe de souligner qu’elle intègre néanmoins cette année le passif lié à la SNCF, mais également au contentieux concernant la taxe de 3 % sur les dividendes, passif qui, jusqu’à présent, avait été mis sous le tapis.

En ce qui concerne les dépenses publiques, c’est avant tout notre capacité à appliquer méthodiquement une stratégie de réorganisation qui permettra de rendre l’État plus efficace et donc moins coûteux. Dans cette perspective, quel jugement le Haut Conseil porte-il sur les réformes que nous mettons en œuvre, qu’il s’agisse du plan santé-hôpital, de la réforme de la justice, de la réforme de Bercy et du recouvrement, de la réforme de l’audiovisuel public, de la réforme des réseaux de l’État à l’étranger, de la réforme du service public de l’emploi, de la réforme du recrutement des professeurs et de la réforme des services déconcentrés de l’emploi ? Comment le Haut Conseil imagine-t-il pouvoir suivre, peut-être avec le Parlement, la mise en œuvre de ces réformes et la bonne réalisation de ces réorganisations ?

M. Gilles Carrez. Ma question portera sur vos méthodes de travail. Le HCFP a comme première compétence l’appréciation de la fiabilité des prévisions macroéconomiques, lesquelles concernent la croissance, l’environnement international, l’évolution de l’investissement, la demande extérieure et l’évolution de la consommation des ménages. Or, comme vous l’avez vous-même dit, au premier semestre 2018, la croissance s’est effondrée en France, ne dépassant pas 0,2 % au premier et au deuxième trimestre, ce qui est une chute beaucoup plus importante que dans les autres pays de la zone euro.

Cette rupture semble d’abord liée à l’asphyxie de la consommation, elle-même due à la ponction fiscale très forte qui est intervenue au premier semestre, avec la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la taxe sur les carburants. Je me suis donc reporté à votre avis du 24 septembre 2017, pour vérifier si le Haut Conseil avait envisagé cette évolution. Force est de constater que cela n’a pas du tout été le cas, puisque le Haut Conseil soulignait alors que la croissance était portée par une demande intérieure tirée par l’investissement des entreprises et les dépenses des ménages.

Or, au cours des débats budgétaires des semaines suivantes, un certain nombre d’entre nous, dans l’opposition mais aussi dans la majorité, ont fait part de leurs inquiétudes, notamment sur le séquençage des mesures touchant à la CSG, à la baisse des cotisations salariales et à la taxe d’habitation. J’ai les mêmes inquiétudes pour 2019, et je rejoins ici les propos du Rapporteur général. Nous avons auditionné la semaine dernière l’OFCE, selon qui l’augmentation du pouvoir d’achat ne représentera pas 6 milliards d’euros, comme l’annonce le Gouvernement, mais plutôt 3,5 milliards. Selon quelques collègues, le chiffre pourrait être encore inférieur.

Dans la mesure où nous sommes un pays dans lequel la consommation des ménages joue un rôle-clef dans la croissance, je voudrais savoir si le Haut Conseil est en mesure de prêter un peu plus d’attention à cet agrégat. Quelles ont été vos discussions sur ce sujet ? Comment expliquer que, en septembre 2017, alors qu’on connaissait les mesures fiscales du Gouvernement et leur séquençage, vous ne vous soyez pas prononcé ce point ?

M. Jean-Louis Bourlanges. Vous adressez très clairement un message positif au Gouvernement. Le Rapporteur général se demandait si le Haut Conseil irait jusqu’à user du terme de sincérité : il me semble que c’est le sentiment qui se dégage de vos propos.

Je fais mienne, cela étant, la question posée par M. Carrez car votre positionnement méthodologique est assez ambigu. Vous dites ne pas réaliser vos propres analyses économiques et vous appuyer sur celles des autres. Ce faisant, vous vous interdisez d’évaluer la situation en termes d’offre ou de demande, et ne tranchez pas sur le fait de savoir si la croissance doit être tirée par la consommation ou plutôt par l’offre. Cela pose un problème méthodologique pour vous, comme pour nous. Il ne s’agit pas de dire que vous vous êtes trompés, puisque vous vous interdisez d’être un organisme de prévision comme les autres, mais, compte tenu de votre mission et des limites que vous lui assignez, quel message êtes-vous réellement en mesure de nous délivrer ?

Ensuite, ayant été dans une première vie professeur de français, j’ai pu apprécier votre avis à sa juste valeur : géniale ! Je me suis ainsi livré à un petit relevé, que je me permets de vous soumettre. Vous nous présentez des estimations « plausibles » : il s’agit des déficits publics, mais également de la croissance pour 2019 ; quant à la prévision de croissance pour 2018, elle est à vos yeux « crédible ». Les prévisions d’emploi et de masse salariale pour 2018 sont « cohérentes », celles pour 2019, de nouveau « plausibles ». En matière d’inflation, nous sommes dans le « raisonnable » et, en matière de prélèvements obligatoires, dans le « réalisme ».

Plausible, crédible, cohérent, raisonnable, réaliste : la diversité de ces épithètes est-elle simplement motivée par l’attachement bien connu de nos institutions à l’élégance du style, ou indique-t-elle une hiérarchie dans les appréciations et dans ce cas laquelle ? Est-ce une hiérarchie dans la sévérité de l’appréciation que vous portez – vaut-il mieux, dans ce cas, être crédible que plausible ? – ou est-ce une hiérarchie dans le degré de certitude qui est le vôtre ? Éclairez‑nous donc sur vos choix terminologiques, après nous avoir éclairés sur vos choix méthodologiques… !

M. le président Éric Woerth. Je suggérerais également le terme « synthétiques », qui pourrait qualifier les interventions des uns et des autres…

M. Charles de Courson. À la page 5 de votre avis, vous écrivez que « les informations disponibles sur le début de lété permettent danticiper une remontée du taux de croissance au troisième trimestre, dont lampleur ne peut encore être estimée avec précision », le Gouvernement l’estimant, lui, avec précision à 0,5 % pour le troisième trimestre et à 0,5 % pour le quatrième trimestre.

Si vous ne vous prononcez pas plus avant sur la remontée du taux de croissance, c’est à cause des incertitudes liées notamment à l’effet décalé des mesures fiscales prises par le Gouvernement, effet que nous allons retrouver en 2019 puisque, avec le prélèvement à la source, la consommation risque de baisser, avant de remonter au troisième trimestre.

Nous avons donc demandé à l’OFCE si le comportement des consommateurs n’obéissait pas à une courbe asymétrique, c’est-à-dire que l’effet d’une baisse du pouvoir d’achat induirait une baisse de la consommation plus immédiate et plus rapide que la hausse de cette même consommation lorsque le pouvoir d’achat repart à la hausse. Ils n’ont pas su nous répondre, alors qu’il s’agit à mes yeux d’une donnée essentielle sur laquelle les économistes devraient s’interroger.

En deuxième lieu, selon le Gouvernement, la dépense publique est restée stable en volume en 2018, conformément à ses promesses initiales sur lesquelles il était ensuite revenu, annonçant une croissance de 0,5 % à 0,6 %. Mais ces résultats sont obtenus à partir de l’indice des prix à la consommation et non à partir de l’indice implicite des prix du PIB. Or, l’État n’est pas un consommateur et, si l’on refait les calculs à partir de l’indice implicite des prix du PIB, le résultat est très différent de ce qu’annonce le Gouvernement, puisque l’on obtient un taux de 0,6 % pour 2018, la dépense restant stable en volume en 2019. J’aimerais donc votre avis sur la méthode à retenir : faut-il se fonder sur l’indice des prix à la consommation ou sur l’indice implicite des prix du PIB ?

Enfin, qu’en est-il de la compétitivité internationale de la France. On nous dit que la dégradation persistante de la balance commerciale ne devrait pas avoir d’incidence sur la croissance française : c’est parfaitement impossible ! Soit nous gagnons en compétitivité, et nous gagnerons en même temps un peu de croissance liée au redressement de notre balance commerciale, soit elle ne se redresse pas, et nous continuerons de couler – je rappelle que ce défaut de compétitivité internationale nous a coûté en moyenne 0,4 point de croissance par an sur les cinq dernières années.

M. le président Éric Woerth. Un déficit qui se réduit, même s’il reste un déficit, contribue à améliorer la situation. C’est ce raisonnement – même s’il est contestable – qui est tenu ici.

M. Jean-Louis Bricout. Jean-Louis Bourlanges a souligné à juste titre l’élégance du style avec lequel vous nous présentez vos analyses : des prévisions d’emploi et de masse salariale « cohérentes » et « plausibles », des prévisions d’inflation « raisonnables »… Sur ce dernier point, permettez-moi néanmoins d’émettre des doutes. Je crois que vous vous êtes fondés sur un baril de pétrole à 73 dollars, mais avez-vous réfléchi à d’autres scénarios d’évolution du prix du baril ?

Vous jugez les prévisions des prélèvements obligatoires « réalistes », les prévisions d’évolution des dépenses publiques « atteignables » et la prévision de déficit public « plausible », autant de termes qui traduisent une grande prudence mais qui ne me paraissent pas adaptés au contexte de grande incertitude qui caractérise notre économie ouverte. Vous avez-vous même évoqué en effet un contexte international inquiétant, marqué par la montée des tensions commerciales, les négociations sur le Brexit, la situation de l’Italie, les déséquilibres financiers en Chine, la fragilité de plusieurs pays émergents et le poids élevé enfin de l’endettement public et privé dans de nombreux pays.

Enfin, le fort ralentissement de la consommation au premier semestre 2018 a eu des effets très néfastes sur la croissance. Pensez-vous que l’on puisse attendre une reprise, sur les derniers trimestres de l’année ou début 2019 ? On sait que la consommation obéit à des ressorts psychologiques : quel effet auront à cet égard les différentes mesures gouvernementales, notamment le prélèvement à la source ? Quels sont les différents scénarios de croissance que vous envisagez ?

Mme Sabine Rubin. Dans le contexte d’incertitude qui a déjà été évoqué, qu’il s’agisse de la situation internationale ou des effets qu’aura réellement l’augmentation du pouvoir d’achat sur la croissance, il est plausible que celle-ci n’atteigne pas 1,7 %. Dans ces conditions, le Gouvernement devrait-il procéder à de nouvelles coupes budgétaires ou envisager de changer de politique ?

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Ce n’est pas le Haut Conseil qui effectue les prévisions. Ses avis sont élaborés à partir des travaux réalisés par les organismes internationaux, les économistes et les conjoncturistes. Or, les économistes s’accordent tous pour situer la croissance en 2018 autour de 1,6 % ou 1,7 %, ce qui nous permet d’affirmer, me semble-t-il, que l’hypothèse du Gouvernement est « crédible ». Pour 2019, les prévisions du Gouvernement se rapprochent également du consensus des économistes.

Si nous avons néanmoins distingué 2018 et 2019 et utilisé des termes différents, c’est que le niveau d’incertitude est plus fort pour 2019, avec toutes les conséquences que cela emporte, étant entendu que le pire n’est jamais certain non plus.

Dans la mesure où, en 2017, nous avions gagné de la croissance, nous avons jugé, dans notre avis de septembre 2017, qu’un taux de croissance de 1,7 % était réaliste. Nous n’en serons pas loin, peut-être même l’atteindrons-nous, car il faut raisonner sur l’année entière. Si, sur les deux premiers trimestres, la croissance s’est révélée inférieure aux prévisions, du fait notamment de l’effet décalé des différentes mesures fiscales, les données dont nous disposons nous laissent penser qu’il devrait y avoir un rebond de la consommation au second semestre.

Pour coller aux anticipations, il faudrait atteindre une croissance de 0,5 %, si toutefois l’INSEE ne révise pas ses prévisions pour les premier et deuxième trimestres, à la hausse ou à la baisse. Ces dernières années, en effet, l’Institut a assez régulièrement revu ses estimations de l’activité et de la croissance, avec parfois deux ans de décalage. Cela doit vous inciter à relativiser des divergences d’appréciation qui portent sur 0,1 point…

Quant aux qualificatifs utilisés, ils sont en effet variés, moins par élégance que par souci de traduire au plus près nos conclusions.

Faut-il en déduire quelque chose quant à la sincérité de ces prévisions ? Le HCFP ne s’est jamais exprimé sur cette sincérité. Ce que nous avons dit une fois, c’est que, compte tenu des éléments dont nous disposions sur le scénario macroéconomique et sur le scénario de finances publiques, nous estimions effectivement que ce qui nous était présenté était improbable, voire incertain. Ce n’est pas au Haut Conseil d’apprécier la sincérité. La Cour, pour sa part, a raisonné a posteriori et relevé non pas une insincérité globale mais des éléments d’insincérité, ce qui est différent, mais je ne reviens pas sur ce débat.

Ce que nous disons, c’est que, effectivement, les prévisions macroéconomiques nous paraissent crédibles, que le scénario de finances publiques nous apparaît plausible, compte tenu des informations dont nous disposons, avec un facteur d’incertitude plus fort en 2019. J’ajoute que le scénario de finances publiques n’est réalisable que s’il n’y a pas d’écart concernant l’exécution de la dépense, car ce scénario repose sur un objectif que l’on peut qualifier d’ambitieux quand on raisonne par rapport à un passé. Outre l’hypothèse de croissance et donc de recettes, il faut que l’exécution des dépenses de l’État comme de la sécurité sociale ou des collectivités locales soit bien « en ligne ». C’est ce que nous disons, en appelant à la vigilance.

Quant au déficit structurel, même si le Gouvernement ne s’est pas engagé au-delà de ce qu’il présente aujourd’hui, force est de constater que ce n’est pas en ligne avec les engagements européens. L’ajustement structurel de 0,3 point de PIB annoncé pour 2019 nous paraît quelque peu optimiste.

Il n’y a pas de raison, cependant, pour que la consommation ne rebondisse pas au second semestre, et les prochains trimestres devraient être meilleurs que les deux premiers.

En 2019, compte tenu du prélèvement à la source et d’une revalorisation des retraites moindre que l’inflation, un fléchissement n’est pas impossible, mais, encore une fois, il faut raisonner sur l’ensemble de l’année.

Or, qu’en sera-t-il des répercussions de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine ou, nonobstant les compromis passés, entre les États-Unis et l’Europe ? Elles seront modestes, mais pourront être beaucoup plus graves si c’est effectivement, à moyen terme, une guerre commerciale qui se poursuit. C’est d’ailleurs ce que nous disons lorsque nous évoquons des incertitudes qui peuvent être plus fortes en 2019 et au cours des années suivantes que maintenant. Cependant, le risque qu’elles se concrétisent en 2019 reste modeste, si nous en croyons les informations dont nous pouvons disposer. Bien évidemment, un engrenage entre États-Unis et Chine pourrait avoir des conséquences sur le prix des produits en Chine, sur la politique monétaire conduite aux États-Unis, sur les pays émergents et sur l’activité mondiale. Il faut donc suivre tout cela de très près et en analyser les conséquences.

Quant à la croissance de la dépense, un indice des prix à la consommation plus élevé que prévu dans la loi de programmation des finances publiques et dans le programme de stabilité peut expliquer les différences que nous retrouvons aujourd’hui dans le PLF pour 2019.

Le déficit se réduirait de 0,3 point, ou de 0,5 point une fois corrigé des mesures temporaires – il s’agit là du déficit nominal. Cela tient largement à la composante conjoncturelle ; il ne faut pas oublier la faiblesse de l’effort structurel. La moindre réduction du déficit structurel serait de 0,1 point en 2018, de 0,3 point en 2019, alors que la moyenne était plutôt de 0,5 point entre 2010 et 2017. L’effort de réduction du déficit structurel faiblit donc en 2018 et 2019.

M. le président Éric Woerth. L’inflation est donc bonne fille, avec cette croissance « zéro volume » des dépenses…

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Ce n’est pas toute l’explication.

M. François Monier, rapporteur général du Haut Conseil des finances publiques. En fait, la croissance de la dépense en valeur est relativement proche de la prévision. Cependant, le Gouvernement corrige avec les prix à la consommation hors tabac. Il y a un an, il était prévu que les prix à la consommation augmenteraient de 1,1 %. Avec 1,8 %, l’inflation est donc supérieure de 0,7 point aux prévisions. Cet écart s’explique quasi‑intégralement par les prix de l’énergie, notamment les cours du pétrole, au rôle considérable. En déflatant par un indice beaucoup plus élevé, on parvient évidemment à une croissance en volume plus faible.

Quel est le « bon déflateur », comme disent les conjoncturistes ? Le tableau figurant à la page 15 de notre avis comporte beaucoup de chiffres. Une alternative consisterait à corriger l’augmentation en valeur par ce qu’on appelle le prix du PIB, c’est-à-dire le prix de la production nationale, beaucoup moins affecté par la hausse des prix du pétrole que l’indice des prix à la consommation. En retenant ce déflateur, nous parvenons à une croissance en volume de 0,7 %.

Mme Stella Dupont. Le Gouvernement fait le choix judicieux de revaloriser les prestations bénéficiant aux plus fragiles et qui accompagnent l’insertion dans l’activité. La mission Solidarité, insertion et égalité des chances met en œuvre les politiques publiques destinées à lutter contre la pauvreté, réduire les inégalités et protéger les personnes vulnérables. Ses crédits augmentent de 1,3 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2018, notamment avec une nouvelle revalorisation de la prime d’activité, dont le budget de 6 milliards d’euros, est en hausse de 11 % par rapport à la LFI pour 2017.

Le montant de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) passera, quant à lui, de 860 à 900 euros le 1er novembre 2019. En gardant en tête ces évolutions et les efforts budgétaires qu’ils nécessitent, je constate que le montant des crédits de la mission s’élève à 21,31 milliards d’euros, en décalage avec les crédits prévus dans la loi de programmation des finances publiques. Au vu des prévisions macroéconomiques que vous venez de nous présenter et compte tenu du caractère dynamique de cette prestation qu’est la prime d’activité, qu’en est-il, selon vous, de l’estimation qui nous est présentée ?

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le président du Haut Conseil des finances publiques, ce serait vous demander quelque chose de plus, mais il me semble qu’il pourrait être intéressant de disposer d’un indice d’incertitude pour mesurer l’évolution de celle-ci, à l’image, toute révérence gardée, de l’indice de confiance des prévisions météorologiques.

Quant à la trajectoire du déficit structurel, vous relevez que le Gouvernement n’a pas comptabilisé en opération ponctuelle et temporaire l’augmentation du cinquième acompte d’impôt sur les sociétés en 2019, ce qui se traduit par un impact de 0,1 point sur le solde structurel. Le Gouvernement nous a, pour sa part, indiqué tout à l’heure que cette mesure ne serait probablement pas temporaire et qu’elle serait probablement reconduite. Quelles sont vos informations ?

M. Daniel Labaronne. Notre collègue Bourlanges a évoqué la riche sémantique de la Cour des comptes : « plausible », « crédible », « cohérente », « réaliste ». Je rappellerai aussi les termes employés par le Haut Conseil à propos de la loi de finances pour l’année 2017. Il avait parlé d’hypothèses de croissance « optimistes », de prévisions d’économie « irréalistes » et d’estimations « improbables » de la réduction des déficits.

Peut-être nous donnerez-vous votre sentiment sur la nuance qu’introduirait la possibilité, évoquée à l’instant, de corriger la croissance en valeur par les prix du PIB, mais la croissance nulle en volume des dépenses en 2019 est un excellent résultat.

Il est clair que ce PLF pour l’année 2019 est sincère, crédible, lisible. Cela ne vous semble-t-il pas de nature à stabiliser les comportements économiques, à favoriser les anticipations des agents et, d’une certaine façon, à contribuer à la croissance économique ? En définitive, la sincérité du budget n’est-elle pas un facteur de croissance économique ?

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président du Haut Conseil, vous indiquez qu’entre 2017 et 2019 la réduction du déficit structurel est assez lente. Le Gouvernement nous indique cependant qu’en 2022 ce déficit aura été résorbé. Compte tenu du fait que l’effort structurel est inférieur à ce qui avait été annoncé – 0,5 point de PIB par an –, cela vous paraît-il encore crédible ?

M. Saïd Ahamada. À la suite de mon collègue Labaronne, je note une différence nette entre les qualificatifs employés aujourd’hui par le Haut Conseil et ceux qu’il avait employés il y a deux ans.

Qu’en est-il des risques de tension sur l’exécution des dépenses ? S’agit-il de risques inhérents à la gestion d’un budget ou bien avez-vous décelé des risques spécifiques ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président du Haut Conseil, vous faites état dans votre rapport du fait que la France s’écarte des engagements européens pris dans le cadre du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Quid de notre crédibilité ?

Par ailleurs, le Gouvernement nous annonce cet après-midi 6 milliards d’euros de restitution de pouvoir d’achat. Avez-vous mesuré cela ? Est-ce crédible ?

M. Jean-René Cazeneuve. La Cour des comptes, dans son rapport, a émis un certain nombre de réserves sur la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales, puisque l’ensemble des dépenses n’étaient pas couvertes. Aujourd’hui, vous constatez que l’évolution modérée de celles-ci correspond peu ou prou avec ce que l’État avait projeté. Avez-vous changé d’avis sur cette contractualisation ? Ces résultats vous paraissent-ils encourageants ? Et qu’en est-il de la dynamique entre dépenses de l’État et dépenses des collectivités en 2018 et 2019 ?

M. Philippe Vigier. Chacun mesure bien que la lente réduction du déficit structurel, évoquée notamment à la page 19 du document que vous nous avez remis, est la grande difficulté française. Quant à l’évolution comparée de la dette publique en France et dans les autres pays membres de l’Union européenne, les tableaux fournis sont assez édifiants.

On nous parle souvent, depuis un an et demi, de transformation en profondeur de la société. Quand, à votre avis, cette transformation en profondeur se traduira-t-elle au niveau du déficit structurel ? S’il passe seulement de 2,3 à 2 points de PIB entre 2017 et 2019, le résultat n’est pas au rendez-vous. Et comment les autres pays membres de l’Union européenne ont-ils fait ou que n’avons-nous pas fait pour arriver à de tels résultats ?

M. Éric Alauzet. À propos de la contribution des collectivités locales à la réduction des déficits et à la trajectoire, il était initialement prévu une baisse de 2,5 milliards d’euros de la dotation globale de fonctionnement, et le principe de la contractualisation a été retenu. Aujourd’hui, vous parlez d’une incertitude, mais comment a évolué votre appréciation ?

Je rejoins l’ensemble de mes collègues sur le vocabulaire employé mais peut-être pourrions-nous passer de l’ère littéraire à l’ère scientifique pour apprécier la crédibilité des budgets en quantifiant les probabilités. Comme il y a des aléas, on pourrait aussi y adjoindre des écarts-types.

M. le président Éric Woerth. C’est une proposition intéressante mais les discussions s’en trouveraient-elles vraiment facilitées si nous débattions non plus du « plausible » mais du « plausible à 62 % » ?

M. Nicolas Forissier. Je reviens à la question de Charles de Courson : quelle part le Haut Conseil fait-il, dans ses analyses, à ce très mauvais solde commercial et à la question de la compétitivité ? Une amélioration vous paraît-elle plausible ?

M. Philippe Chassaing. Vous avez évoqué les incertitudes qui pèsent sur le comportement des ménages, notamment au regard de l’évolution du pouvoir d’achat, qui devrait augmenter en cette fin d’année, mais je m’interroge sur l’absence d’indicateur de confiance des ménages. L’indicateur du climat des affaires peut-il permettre une première approche ?

Quant aux risques internationaux qui pèsent sur notre économie, en est-il un qui pourrait fortement affecter notre économie ? Le cas échéant, quel scénario pourrait se réaliser ?

Mme Christine Pires Beaune. La transformation du CICE en allégement pérenne de cotisations va rapporter aux entreprises deux fois le montant annuel de cet avantage en 2019 seulement. Avez-vous mesuré l’impact de cette transformation sur la croissance et l’emploi ? Il ne me semble pas l’avoir vu dans les documents qui nous ont été remis.

M. président du Haut Conseil des finances publiques. Le Haut Conseil ne peut avoir réponse à toutes vos questions, dès lors qu’il est saisi sur l’ensemble des hypothèses macroéconomiques et sur le scénario de finances publiques, certes, mais sans connaître le détail du PLF pour 2019. Il ne lui est d’ailleurs pas demandé de vérifier la sincérité des inscriptions budgétaires. La Cour des comptes pourra faire ce travail a posteriori.

S’agissant des tensions que nous avons pu identifier dans le budget de l’État, la Cour des comptes a eu l’occasion de dire un certain nombre de choses, mais nous ne disposons pas d’informations détaillées au regard de notre mandat. C’est pourquoi nous avons dit que la trajectoire était tout à fait tenable pour peu que l’exécution corresponde totalement à ce qui est prévu par le Gouvernement. Les tensions que nous avons pu identifier par le passé au sein de certaines missions ne semblant pas vouées à être résolues dans le projet de budget, l’exécutif devra assurer un suivi vigilant de l’exécution des dépenses. Comme le Gouvernement annonce l’adaptation de certains dispositifs, nous disons qu’il est possible de résorber ces tensions grâce aux mises en réserve à hauteur de 3 %, sous réserve d’une exécution stricte de la dépense. Nous ne sommes pas en mesure, en l’état actuel, d’en dire plus et ce n’est pas non plus la mission du Haut Conseil.

S’agissant de la contractualisation, le Haut Conseil n’avait pas fait d’observations particulières. La Cour des comptes avait pointé le « pari » que pouvait représenter ce nouveau dispositif. Il semble que ce pari soit tenu en 2018, à tout le moins en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement. Quant aux dépenses d’investissement, nous manquons encore de recul pour apprécier si les chiffres présentés par le Gouvernement se confirmeront ou pas. Il peut y avoir une augmentation plus forte que prévu de l’investissement des collectivités territoriales en 2018. Qu’en sera-t-il en 2019, compte tenu de la place de cette année-là dans le cycle électoral ? C’est une question que nous soulevons, estimant que l’augmentation prévue en 2018 n’est pas à la hauteur de celle que nous pourrons connaître en 2019.

Il y a une hiérarchie dans les qualificatifs que nous utilisons : « réaliste » est plus fort que « plausible ». Bien évidemment, le qualificatif que nous retenons peut tenir compte des incertitudes. Cependant, il est extrêmement difficile de construire un indicateur de ce type. C’est aussi oublier que l’économie comporte une part d’irrationnel – vous avez évoqué vous-même les comportements des consommateurs. Tout n’est pas toujours mesurable ex ante mais on peut au moins essayer d’expliquer les choses. Nous avons d’ailleurs une explication qui n’est pas encore complètement satisfaisante : la France a connu une croissance un peu moins forte que les autres pays. Peut-être l’INSEE nous apportera-t-il d’autres explications mais pour le moment, nous nous en tenons à cette idée de décalage.

Quant aux risques, ils sont plus importants que l’an dernier. Comment la question des relations entre l’Italie, d’une part, et la Commission européenne et l’ensemble de l’Europe, d’autre part, va-t-elle être résolue ? Comment la guerre commerciale entre les États‑Unis et la Chine se traduira-t-elle concrètement ? Quelles en seront les conséquences pour les pays émergents et pour les États-Unis eux-mêmes ? Aujourd’hui, personne ne le mesure véritablement. Nous disons seulement que ces risques sont plus forts aujourd’hui qu’ils ne l’étaient l’année dernière. La politique américaine, plus restrictive que prévu, peut aussi avoir un impact sur la zone euro et la France, via des canaux tels que les taux d’intérêt ou une demande globale plus faible. Personne ne peut encore apprécier les conséquences réelles de cette guerre commerciale et des décisions qui sont prises par le président des États‑Unis.

L’objectif à moyen terme de déficit structurel est-il crédible ou pas ? Nous constatons que le programme de stabilité 2018-2022 annonce 0,8 % de déficit structurel en 2022, l’objectif de 0,4 % ayant été reporté à 2023. Cela nécessite une réduction de ce déficit de 0,4 point de PIB par an entre 2020 et 2022. Cela ayant été fait dans le passé, c’est faisable sous réserve que les réformes annoncées par le Gouvernement se concrétisent.

Nous n’avons pas examiné les conséquences de tous les plans qui ont été annoncés récemment. D’une part, parce que cela ne fait pas partie des missions du Haut Conseil et, d’autre part, parce que nous n’avons pas le recul nécessaire. La Cour des comptes suivra bien évidemment cela avec la plus grande attention et vérifiera si l’exécution correspond à ce qui est annoncé. Pour le moment, il est beaucoup trop tôt pour porter une appréciation sur les plans « pauvreté » et « santé » même si plusieurs des objectifs annoncés peuvent correspondre aux recommandations qui ont pu être faites. Encore faut-il qu’on puisse apprécier comment ces objectifs se concrétiseront.

Le Haut Conseil n’a pas pu instruire la question de l’impact du CICE sur la croissance. Quelques travaux ont été conduits à ce sujet, notamment par France Stratégie. Il est prévu par le Gouvernement que la croissance potentielle, compte tenu des réformes structurelles annoncées, augmente quelque peu d’ici à la fin de la période.

Une fois de plus, nous ne nous prononçons pas sur la sincérité du budget mais sur le caractère réaliste, crédible et plausible des propositions qui nous sont présentées. Quand elles ne nous paraissent pas réalistes, nous le disons. Quand elles nous paraissent plutôt réalistes, compte tenu de la conjoncture et de son évolution, nous le disons aussi.

M. le président Éric Woerth. Je vous remercie, monsieur le président, de la précision de vos propos et de la profondeur de vos travaux.


([1]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([2]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([3]) Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

([4]) INSEE, Point de conjoncture, 4 octobre 2018 (lien).

([5]) Assemblée nationale, commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, réunion du 26 juillet 2017 (lien).

([6]) Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

([7]) Le taux de marge est égal au rapport entre l’excédent brut d’exploitation et la valeur ajoutée.

([8]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([9]) Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

([10]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([11]) Voir compte rendu, reproduit dans le présent rapport général, de l’audition par la commission des finances de M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publics, le 24 septembre 2018.

([12]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2018-3 du 19 septembre 2018 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2019 (lien).

 

([14])  Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, audit, juin 2017 (lien).

([15]) Loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

([16]) Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de règlement et dapprobation des comptes de lannée 2017, XVe législature, n° 980, 13 juin 2018 (lien).

([17]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([18]) Les finances des collectivités locales en 2018, septembre 2018 (lien).

([19]) Rapport économique, social et financier.

([20]) Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([21]) Banque de France (lien).

([22]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-3 du 24 septembre 2017 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (lien).

([23]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2018-3 du 19 septembre 2018 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2019 (lien).

([24]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, article 23.

([25])  Voir commentaire de l’article 15.

([26]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP- 2017-3 du 24 septembre 2017 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (lien), et avis n° HCFP-2018-1 du 13 avril 2018 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2018 à 2022 (lien).

([27]) Déclaration de politique générale du Premier ministre, Assemblée nationale, mardi 4 juillet 2017.

([28]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([29]) Rapport économique, social et financier, annexé au projet de loi de finances pour 2019, page 222.

([30]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017, page 152.

([31]) Cour des comptes, rapport précité, juin 2017, page 142.

([32]) Communiqué de presse du secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, n° 309, 18 juin 2018.

([33]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, article 36.

([34]) Loi précitée, article 57.

([35]) Décret n° 2018-791 du 14 septembre 2018 relatif au document de cadrage des négociations et à l’agrément des accords d’assurance chômage.

([36]) Service Communication du Premier ministre, Communiqué de presse  Rencontre avec les membres du Comité Action Publique 2022 et du Comité jeunes J22, 12 juillet 2018.

([37]) INSEE, communiqué de presse, 6 septembre 2018.

([38]) Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2019, page 118.

([39]) Annexe – Rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, D du II.

([40]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), article 25.

([41]) Banque centrale européenne, décision de politique monétaire, 13 septembre 2018.

([42]) Idem.

([43]) Ces règles sont aujourd’hui codifiées à l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et précisées par le protocole n° 12 sur la procédure concernant les déficits excessifs.

([44]) Article 2 § 1 bis du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, dans sa version modifiée par le b) du paragraphe 2 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011.

([45]) Le seuil de – 0,5 point de PIB défini par l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) prime sur le seuil de – 1 point de PIB défini par l’article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 8 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011.

([46]) Article 5, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 8 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1175/2011 précité.

([47]) Idem.

([48]) Article 2 du règlement (UE) n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques.

([49]) Article 5, paragraphe 2, du règlement précité.

([50]) Article 6 du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 9 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1175/2011 précité.

([51]) Article 5, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, dans sa version modifiée par le paragraphe 6 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1177/2011 précité.

([52]) Article 12 du règlement précité, dans sa version modifiée par le paragraphe 11 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1177/2011 précité.

([53]) Article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 3 de l’article 1er du règlement n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011.

([54])  Commission européenne, Rapport sur le mécanisme dalerte, 22 novembre 2017 (lien).

([55]) Commission européenne, Rapport 2018 pour la France, 7 mars 2018 (lien).

([56])  Conclusions du Conseil européen, 22 mars 2018, § 4 (lien).

 

 

([57]) Commission européenne, recommandation de recommandation du conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2018 et portant avis du conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2018, 23 mai 2018 (lien).

([58]) Le « paquet de deux » en français.

([59]) Jusqu’à présent, la France a choisi de communiquer à la Commission européenne le Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances, lequel fait office tout à la fois de plan budgétaire et de programme de partenariat économique.

([60]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([61]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 60.

([62]) Ordonnance n° 2017-1390 du 22 septembre 2017 relative au décalage d’un an de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

([63]) Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 11.

([64]) Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

([65]) Acronyme pour « Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization ».

([66]) Directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 modifiant la directive 2006/112/CE et la directive 2009/132/CE en ce qui concerne certaines obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens.

([67]) Pour la dernière loi de finances, voir Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2018, annexe 37 : Remboursements et dégrèvements, Assemblée nationale, XVe législature, n° 235, 12 octobre 2017 (lien).

([68]) Cour des comptes, Note danalyse de lexécution budgétaire 2017, mission Remboursements et dégrèvements, mai 2018. La Cour recommande de « modifier la présentation du tableau déquilibre des ressources et des dépenses dans les lois de finances en déduisant des recettes fiscales brutes de lÉtat les seuls remboursements et dégrèvements relatifs à des impôts dÉtat pour la détermination des recettes fiscales nettes ».

([69]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 149, II.

([70]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([71]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([72]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017, notamment page 66.

([73]) M. Damien Cazé, « L’application de la LOLF pour les responsables de programme », Revue française de finances publiques, n° 137, février 2017, page 71.

([74]) Informations annexes au projet de loi de finances pour 2019, tableau de comparaison, par titre et catégorie, des crédits proposés pour 2019 à ceux votés pour 2018 (budget général ; hors fonds de concours), page 265.

([75]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, article 15.

([76]) M. Aurélien Taché, 72 propositions pour une politique ambitieuse dintégration des étrangers arrivant en France, rapport au Premier ministre, février 2018.

([77]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, article 3.

([78]) Rapport annexé à la LPM 2019-2025.

([79]) Décret n° 2018-227 du 30 mars 2018 portant revalorisation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.

([80]) Communiqué de presse MM. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, Julien Denormandie, secrétaire d’État, Signature accord-cadre ESH-État, 13 décembre 2017.

([81]) Projet annuel de performance, annexe au projet de loi de finances pour 2019, mission Travail et emploi, page 53.

([82]) Loi  2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi  20171340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

([83]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([84]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 149.