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N° 1302

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2018.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur Général

Député

 

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ANNEXE N° 2
 

 

Action extÉrieure de l’État :

 

TOURISME

 

 

 

rapporteure spéciale : Mme Émilie BONNIVARD

 

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

PREMIÈRE PARTIE  le tourisme dans le projet de loi de finances pour 2019 : une architecture budgétaire à revoir

I. La situation gÉnÉrale du tourisme en France

A. en 2017, la France est restÉe le pays le plus visitÉ au monde

B. mais elle nest pas premiÈre en termes de recettes

II. les crÉdits consacrÉs À atout France dans la mission action extÉrieure de l’État

A. La répartition des produits et des charges de l’opérateur Atout france

1. L’évolution des produits de l’opérateur

2. L’évolution des charges de l’opérateur

3. Des moyens humains en diminution

B. L’attribution d’une part du produit de la recette additionnelle des droits de visa à Atout France pérENnisée, conformément aux recommandations de la rapporteure

III. la suppression du tourisme de la mission Économie : un choix politique contesté par la rapporteure

1. Les crédits de la Direction générale des entreprises (DGE)

2. Les crédits de l’activité de garantie de Bpifrance

IV. la nÉcessitÉ de revoir dans son ensemble l’arChitecture budgÉtaire consacrÉe au tourisme

Deuxième partie  la prioritÉ accordÉe À l’attractivitÉ de la France auprÈs des touristes Étrangers ne doit pas faire oublier le tourisme intÉrieur

I. en finir avec les « lits froids et volets clos »

II. sauver l’hôtellerie familiale et indépendante

III. mieux reconnaître la spécificité touristique des communes concernées et leur permettre de percevoir de meilleures recettes de taxe de séjour

A. des contributions À la mesure des dÉpenses engagÉes

B. des recettes de taxe de sÉjour À pÉrenniser

1. Les réformes de la taxe de séjour depuis 2015

2. Le rôle nouveau des plateformes de location en ligne

3. La mise en place de la tarification proportionnelle pour les hébergements non classés : des ajustements nécessaires

Examen en commission

Article 39 et état B

Personnes auditionnées par la rapporteure spéciale

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la date limite pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires était fixée au 10 octobre 2018.

À cette date, 90 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à la rapporteure spéciale de la présente mission.


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introduction

 

La France occupe la première place en termes de fréquentation touristique, avec 87 millions d’arrivées de touristes étrangers en 2017, mais elle est plutôt sur une tendance de moindre croissance par rapport à d’autres pays qui ont décidé d’investir de façon conséquente dans le tourisme ces dernières années, comme l’Espagne par exemple.

Si la France reste leader mondial, c’est en grande partie grâce à des décisions particulièrement structurantes, prises dans les années 1970, qui ont abouti à l’élaboration d’une offre touristique française extrêmement ambitieuse et visionnaire, fondée sur les stations de sport d’hiver et balnéaires. C’était l’époque de l’État stratège, où le tourisme était perçu comme une filière économique à part entière, source d’emplois, d’aménagement du territoire et de croissance pour notre pays.

Mais, depuis plusieurs décennies, les Gouvernements successifs ont eu tendance à percevoir le tourisme comme une économie de « rente », laissant au seul secteur privé la responsabilité d’investir, l’État renforçant au contraire ses exigences en matière réglementaires ou environnementales, freinant souvent plus les projets que dans d’autres pays européens.

Les choix budgétaires qui en découlent sont déséquilibrés : la priorité très forte et positive qui est accordée à l’attractivité de la France pour les touristes étrangers fait oublier le volet relatif au tourisme intérieur, à la structuration des offres, à la modernisation et la compétitivité du parc d’hébergement, à la répartition des flux touristiques en faveur de l’aménagement de tous les territoires.

La rapporteure spéciale regrette que la politique touristique ne soit pas davantage prise en compte dans la stratégie économique et de cohésion territoriale du Gouvernement, même si elle est bien intégrée au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

C’est pourquoi, à son avis, il est important que le tourisme figure à part entière au sein de la maquette budgétaire et qu’une réflexion d’ampleur soit menée en ce sens. L’État doit retrouver un rôle majeur en matière d’aménagement et de structuration de l’offre touristique pour que la France reste attractive à long terme, à Paris et en régions, au bord de la mer et dans les stations de montagne.

 

 

    


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   PREMIÈRE PARTIE 
le tourisme dans le projet de loi de finances pour 2019 : une architecture budgétaire à revoir

I.   La situation gÉnÉrale du tourisme en France

A.   en 2017, la France est restÉe le pays le plus visitÉ au monde

En 2017, la France métropolitaine a accueilli 87 millions de touristes étrangers, soit + 5 % par rapport à 2016 (82,6 millions).

Malgré le fort recul observé sur tout le territoire en 2016 à la suite des attentats de 2015 et de l’été 2016, le nombre de touristes internationaux en visite en France n’a cessé d’augmenter. Depuis les années 2010, la croissance du tourisme international en France est portée par les arrivées supplémentaires de clientèles extra-européennes (+ 5,2 millions entre 2010 et 2016). La clientèle européenne, après une nette contraction entre 2013 et 2016, est revenue en nombre en 2017, sans atteindre le niveau de 2013.

Au palmarès international, en 2017, la France reste donc la première destination au monde, toujours devant l’Espagne, qui passe devant les ÉtatsUnis (81,8 millions de touristes étrangers pour la première et 73 millions pour les seconds).

Mais pour rester au premier rang des pays d’accueil, la France devrait mener une bataille de compétitivité très importante, car son avance se réduit progressivement.

De 2005 à 2016, le nombre de touristes internationaux est passé au niveau mondial de 809 millions à 1,239 milliard, soit 53 % d’augmentation. Les premiers chiffres pour 2017 montrent même une accélération, puisque l’on y aurait décompté globalement 1,323 milliard de touristes internationaux, soit près de 7 % de plus qu’en 2016 (alors que la croissance annuelle moyenne de ces flux a été de 4 % sur 2005-2016).

Sur cette même période 2005-2016, ce nombre de touristes internationaux a augmenté de 54 % aux États-Unis et de 35 % en Espagne. Pour la France, l’augmentation n’a été que de 10 %.

B.   mais elle n’est pas premiÈre en termes de recettes

D’un point de vue économique, l’enjeu porte moins sur le nombre de touristes accueillis que sur le temps qu’ils séjournent et sur ce qu’ils dépensent.

En 2017, les recettes issues du tourisme international en France se sont élevées à 53,7 milliards d’euros. La dépense moyenne d’un visiteur étranger, soit 260 euros, a peu évolué depuis 2013, sauf en 2016, marquée par une forte baisse des arrivées touristiques des pays lointains, notamment du Japon.

Évolution des recettes touristiques internationales
et de la dépense moyenne d’un visiteur en France

(en milliards d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Recettes

53,1

54,0

52,6

49,3

53,7

Dépense moyenne par visiteur
(en euros)

260

261

259

243

260

Source : Banque de France

La dépense moyenne par visiteur est très variable selon le pays de provenance. Elle est la plus faible pour les pays limitrophes en raison d’une forte proportion de visiteurs à la journée. Pour les visiteurs chinois, elle s’élève à 1 647 euros et, pour les visiteurs japonais, à 1 492 euros. Les Chinois consacrent la plus grande part de leurs dépenses aux achats et aux loisirs (37 %), l’hébergement n’arrivant qu’en deuxième position. Pour les autres visiteurs, l’hébergement, avec une part de l’ordre de 40 %, constitue le premier poste de dépenses.

Dépense moyenne par visiteur en France en 2017 selon la nationalité

(en euros)

 

Dépense moyenne par visiteur

Suisse

154

Belgique

159

Allemagne

161

Espagne

201

Italie

204

Pays-Bas

261

Royaume-Uni

358

États-Unis

663

Japon

1 492

Chine

1 647

Source : Banque de France

 

Ce sont les États-Unis qui reçoivent les recettes les plus importantes provenant des visiteurs étrangers avec 210,7 milliards de dollars en 2017, notamment parce que leurs visiteurs viennent en moyenne de plus loin, restent donc plus longtemps et dépensent plus. L’Espagne, qui compte moins de visiteurs de passage que la France, vient en deuxième position avec une forte progression en 2017 (+ 10 % en euros). En quatrième place, la Thaïlande voit ses recettes progresser de 48,8 à 57,5 milliards de dollars en 2017. Cette destination bénéficie notamment du report des clientèles qui hésitent désormais à visiter le sud du bassin méditerranéen. Elle tire aussi profit de sa politique de construction d’hôtels de luxe (4 ou 5 étoiles) et d’installations (comme des terrains de golfs) permettant d’attirer une clientèle aisée.

Recettes touristiques internationales
pour les États-Unis, l’Espagne et la France

(en Md$)

 

2015

2016

2017*

États-Unis

206,9

206,9

210,7

Espagne

56,6

60,5

68,0

France

58,3

54,5

60,7

Source : OMT ; * données provisoires

La réévaluation importante des recettes touristiques
par la Banque de France en début d’année 2018

La Banque de France a procédé depuis quelques années à une révision de sa méthodologie de calcul de la dépense des visiteurs étrangers en France afin de s’adapter aux évolutions contemporaines. Ceci a conduit à une révision drastique, a posteriori, des données publiées pour les exercices précédents, qui a été annoncée en janvier 2018.

L’institution a en effet fait évoluer ses instruments : pour s’adapter aux nouvelles clientèles, le nombre de questionnaires recueillis auprès des visiteurs asiatiques a été considérablement accru et ils ont été traduits dans un plus grand nombre de langues ; l’exploitation des données de paiement par carte bancaire a été améliorée grâce à un accord avec la profession bancaire ; un accord a également été passé avec un opérateur pour exploiter statistiquement les données de téléphonie mobile ; le croisement avec les « données miroir » produites par les pays étrangers étudiant les déplacements en France de leurs nationaux a été élargi à des pays tels que la Chine, les États-Unis, la Russie, le Mexique, alors qu’il se faisait surtout avec les pays européens antérieurement.

Tout ceci a conduit à une révision radicale de l’estimation des dépenses des visiteurs étrangers. La Banque de France a par exemple réévalué d’environ 400 euros à plus de 1 600 euros la dépense moyenne par touriste chinois.

Ainsi, cette opération de réévaluation a conduit la Banque de France à relever globalement de 11 milliards d’euros son évaluation de la dépense des visiteurs étrangers pour 2016, ce qui a eu un impact significatif sur les éléments de comparaison internationale. Avec ces nouvelles données, la France est repassée de la 5e à la 3e place au niveau mondial pour les dépenses des visiteurs étrangers.

Comme le proposent également MM. les députés Maurice Leroy et Jean-François Portarrieu dans leur rapport d’information n° 1271 Promotion touristique : 90 millions de touristes étrangers, et après ?, il paraît indispensable à la rapporteure spéciale de doter la France d’une équipe professionnelle et identifiée, qui soit en mesure d’assurer la collecte et l’étude de données statistiques fiables en matière de tourisme.

II.   les crÉdits consacrÉs À atout France dans la mission action extÉrieure de l’État

A.   La répartition des produits et des charges de l’opérateur Atout france

1.   L’évolution des produits de l’opérateur

La grande majorité des subventions de l’État pour la promotion du tourisme français se concentre sur l’opérateur de l’État chargé du tourisme, Atout France.

L’opérateur a pour mission de contribuer au renforcement de l’attractivité de la destination France et à la compétitivité de ses entreprises, filières et destinations en couvrant de nombreux champs d’intervention : l’observation et la veille touristique, l’ingénierie et l’assistance au développement, la promotion et l’aide à la commercialisation. Atout France est également chargé du classement des hébergements touristiques.

Pour cela, il dispose de 33 bureaux répartis dans 30 pays qui collaborent étroitement avec le réseau des ambassades sur près de 70 marchés. Ce réseau lui a permis de développer une connaissance pointue des clientèles touristiques internationales et des acteurs de la distribution.

En 2018, l’État a alloué à l’opérateur 34,2 millions d’euros de subvention pour charges de service public, décomposé ainsi : 32,7 millions d’euros étaient prévus dans le PLF pour 2018, qui ont été complétés par amendement gouvernemental à hauteur de 1,5 million d’euros pour la réalisation d’une nouvelle mission de promotion de la gastronomie française.

Dans le projet de loi de finances pour 2019, la subvention pour charges de service public s’élève à 32,7 millions d’euros, soit une reconduction à l’identique de la subvention initiale pour 2018.

La rapporteure spéciale salue cette décision de maintenir la dotation pour cette agence qui effectue un travail remarquable de promotion de la destination France.

En 2018, les sources de financement d’Atout France proviennent à hauteur de 51 % de son budget des subventions de l’État et à hauteur de 49 % de recettes de partenariat, confirmant le modèle économique de l’agence fixé dans le contrat d’objectifs et de performance (COP) 2016-2018, qui est fondé sur un financement paritaire de subventions pour charges de service public et de recettes partenariales.

Évolution budgétaire des produits de l’opérateur

(en milliers d’euros)

PRODUITS

2015**

2016**

2017**

2018 (prévisionnel)

Subventions de l’État

34 267

33 437

44 934

38 390

dont subvention pour charges de service public*

29 719

31 529

30 975

31 972

Ressources propres

36 671

32 932

35 188

37 000

Total

70 938

66 369

80 122

75 390

* La subvention pour charges de service public correspond au versement effectif après mise en réserve.

** Les données correspondent aux comptes financiers votés après clôture de l’exercice.

Source : questionnaire budgétaire.

Comme le montre le tableau ci-dessus, 2017 a été marquée par un niveau exceptionnel de produits gérés par Atout France : plus de 80 millions d’euros de produits ont été traités, ce qui représente une hausse de plus de 15 millions d’euros par rapport à 2016 et de plus de 10 millions par rapport à 2015. Il s’agit du plus haut niveau de produits d’exploitation depuis la naissance du GIE en 2009.

Ce très haut niveau de produits d’exploitation est naturellement lié au contexte du fonds d’urgence. Aux 10 millions accordés par l’État imputés sur l’exercice 2017, afin de faire face aux défis nés de la baisse de la fréquentation touristique en 2016, se sont ajoutés près de 8 millions d’euros de partenariats générés avec des acteurs privés et publics (près de 9 millions si on ajoute le million d’euros de partenariats reçus dès 2016). Atout France a donc largement dépassé l’objectif de 7 millions d’euros de partenariats que les administrations lui avaient fixé. Cet excellent résultat souligne à la fois la confiance accordée par l’État pour porter un plan ambitieux, mais également celle des partenaires publics et privés qui ont souhaité participer aux opérations de promotion conduites par Atout France.

Le niveau des partenariats levés en dehors des opérations du fonds d’urgence est, lui, en léger recul par rapport aux années précédentes, représentant tout de même plus de 27 millions d’euros. Cela s’explique par plusieurs facteurs : en premier lieu, celui des regroupements et fusions au niveau des collectivités locales, et plus particulièrement des CRT à la suite de la nouvelle carte des régions, entraînant la diminution des moyens disponibles au niveau global pour mener des campagnes internationales. Cela s’explique aussi par l’absence en 2017 de certains moyens européens (FEDER), grâce auxquels des opérations avaient pu être menées en 2016. Ce phénomène se retrouve au niveau départemental, en raison de la baisse des opérations conduites dans le secteur du tourisme international.

2.   L’évolution des charges de l’opérateur

En ce qui concerne les charges, le tableau ci-dessous présente la répartition des charges de l’opérateur en 2018 et montre que 91 % des charges constituent des dépenses d’intervention sur les différents marchés touristiques, dont 79 % concernent des activités de promotion et d’ingénierie.

Le niveau des dépenses affectées au fonctionnement est en baisse et à son plus bas niveau depuis 2014, en baisse de 267 000 euros sur cette période. Cela traduit les efforts portés sur la gestion, avec par exemple une diminution entre 2016 et 2017 du montant consacré aux loyers et charges sur l’ensemble du GIE, ou encore des baisses des dépenses liées aux notes de frais et aux missions. Les moyens générés par les partenariats ont donc pu être véritablement consacrés aux opérations et aux actions.

Répartition des charges de l’opérateur en 2018

(en milliers d’euros)

Promotion

48 813

Ingénierie & développement du territoire

5 393

Classement

381

Immatriculations

484

Fonds d’urgence pour la promotion du tourisme et de la gastronomie

13 514

Sous-total Interventions :

68 585

Administration

4 929

Prestations admin. externes (honoraires, CAC…)

1  499

Subventions d’équilibre (filiale australienne)

377

Sous-total Administration :

6 805

Total général :

75 390

Source : Atout France.

En 2018, Atout France a lancé la mise en place d’une comptabilité analytique, grâce à un outil d’analyse en coût complet. La rapporteure spéciale souhaiterait pouvoir obtenir rapidement les premiers éléments d’analyse issus de ce nouvel outil, car il est nécessaire de connaître précisément quels sont les moyens mis en œuvre pour la promotion, en distinguant par sous-ensembles (par exemple : Paris, littoral, montagne) et par actions (salons, publications, France.fr, etc.).

En effet, la France compte des destinations très différentes : c’est ce qui fait sa richesse et son succès. Les clientèles de ces destinations sont également différentes, ainsi que les situations de ces destinations (tourisme urbain, ski et activité de montagne, littoral).

 

 

Par exemple, si Paris a gagné de nombreux visiteurs, créant aussi un certain nombre de problématiques relatives à l’hébergement touristique (tension sur le marché de l’immobilier entraînée par les locations non régulées de logements via des plates-formes de mise en relation), d’autres destinations, leaders mondiales en termes de fréquentation pendant plus de 30 ans, comme les stations de sport d’hiver, ont été devancées ces dernières années par des destinations concurrentes, comme l’Autriche et les États-Unis.

Aussi, afin de cibler et de coordonner au mieux l’effort public global de promotion en fonction des besoins des différentes destinations, il est important de pouvoir bénéficier d’une vision claire des moyens dédiés par grande catégorie de destinations infra-nationales.

3.   Des moyens humains en diminution

S’agissant des moyens humains d’Atout France, ils n’ont cessé de diminuer.

En 2009, lors de la fusion entre Maison de la France et ODIT France (agence d’ingénierie touristique), Atout France disposait de 435 équivalents temps plein. Alors qu’en parallèle, l’État a confié à l’agence de nouvelles missions (dont le classement hôtelier et l’immatriculation des agents de voyages), les effectifs d’Atout France ont été réduits de manière significative en 10 ans.

En 2017, Atout France regroupe 340 ETP. C’est donc une baisse de près de 90 contrats en moins de dix ans qui a été accomplie par Atout France. L’effort de rationalisation, de réorganisation et d’externalisation consenti par l’opérateur est considérable, d’autant plus dans un contexte où le niveau et le nombre d’opérations conduites en 2017 sont les plus importants depuis 2009.

Dans un environnement mondial de plus en plus concurrentiel, et alors que l’État lui a fixé un nouveau contrat d’objectifs et de performance (avec des demandes fortes en termes de déploiement dans de nouveaux pays et de transformation numérique), Atout France a désormais atteint un seuil critique en termes d’ETP.

Atout France a fait un effort particulièrement conséquent de diminution de ses dépenses de fonctionnement, et eu égard aux nouvelles missions que le Gouvernement lui confie, la rapporteure insiste sur le fait qu’il ne faudrait pas que ces nouvelles missions se fassent au détriment des missions historiques d’Atout France en matière d’ingénierie touristique locale.


B.   L’attribution d’une part du produit de la recette additionnelle des droits de visa à Atout France pérENnisée, conformément aux recommandations de la rapporteure

La rapporteure spéciale salue le Gouvernement qui a suivi l’une des recommandations qu’elle avait formulées dans son rapport spécial l’année dernière, à savoir pérenniser le reversement d’une part des recettes générées par les droits de visa à Atout France.

C’est bien la décision qui a été prise par un décret du 2 août 2018. Cette part est désormais fixée à 3 % des recettes des droits de visa de l’année n-1. Dès lors, il n’est pas encore possible de déterminer le montant des crédits qui seront reversés à Atout France dans la mesure où les recettes de droits de visa 2018 ne seront connues qu’en début d’année 2019. Comme en 2018, cette attribution devrait venir consolider les ressources de l’agence à hauteur de 4,5 millions d’euros, voire davantage compte tenu des objectifs de croissance du nombre de touristes.

Dans le même temps, il convient de rappeler qu’il faut garder les moyens de réaliser cette recette. Or, si le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères doit réduire de 10 % ses ressources humaines présentes à l’étranger, la rapporteure spéciale ne peut que s’inquiéter de la capacité pour les services à maintenir un haut niveau de délivrance de visas, tout en respectant les exigences qui sont celles de notre pays en matière de sécurité.

En Chine par exemple, la délivrance d’un visa en 48 heures est un enjeu important dans le choix de la destination. Si cette clientèle se voit refuser un visa faute de moyens humains en capacité de traiter sa demande, elle se tournera sans aucun doute vers nos voisins européens, qui sont aussi nos principaux concurrents en matière de tourisme. Il convient donc de veiller à maintenir la capacité de traitement des demandes de visas, qui génèrent une recette substantielle et indispensable au développement de la politique touristique de la France.

Le tableau ci-après, fourni par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères présente l’évolution des recettes visas depuis 2013 :

Évolution des recettes visas

(en millions d’euros)

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (*)

137

160

187

186

210

231

(*) Estimation annuelle pour 2018 établie au 30 septembre 2018.

Source : ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

 

Les montants présentés montrent qu’il s’agit bien d’une recette très dynamique.

III.   la suppression du tourisme de la mission Économie : un choix politique contesté par la rapporteure

Le tourisme représente 8 % du PIB français et 5 % de l’emploi en France. Il comporte des filières essentielles à l’économie française, à l’économie de proximité et à l’aménagement du territoire : hôtellerie, restauration, transports, filière de l’habillement, de l’artisanat et du luxe, etc.

La rapporteure spéciale s’oppose dès lors vivement à l’exclusion pure et simple de dispositifs dédiés au tourisme de la mission Économie. Au-delà du signal extrêmement négatif, symboliquement lancé aux professionnels du tourisme par une telle décision (« vous n’avez pas votre place dans le budget de l’Économie »), cela signifie que le Gouvernement estime que le tourisme ne fait pas partie des priorités de la politique économique française.

Si la rapporteure reconnaît que le budget dédié à la promotion est pris en charge par la mission Action extérieure de l’État et que le Gouvernement a décidé de conduire cette politique de manière interministérielle (sans ministre du tourisme à part entière, ce qui est un choix), elle estime que le tourisme ne se réduit aucunement à la promotion touristique à l’étranger et que l’État a un rôle à jouer en termes de stratégie économique en faveur du tourisme. Le tourisme doit « marcher sur deux jambes » : l’Économie et l’Action extérieure de l’État. L’exclure de la mission Économie, c’est nier une de ses dimensions essentielles et stratégiques pour notre pays.

Les arguments de « cohérence et de lisibilité de maquette budgétaire » avancés en séance par les rapporteurs de la mission Économie pour justifier cette exclusion ne sont pas à la hauteur de la reconnaissance que mérite la filière touristique. Nulle part dans le budget de la Nation ne figure le mot « Tourisme » ce qui est proprement incompréhensible, alors que nous sommes la première destination mondiale et que le Gouvernement s’enorgueillit de ces résultats.

1.   Les crédits de la Direction générale des entreprises (DGE)

Les crédits qui étaient encore consacrés au tourisme dans la mission Économie ont été, purement et simplement, supprimés dans le projet de loi de finances pour 2019.

Il n’y a plus aucune ligne budgétaire pour soutenir les actions de la direction générale des entreprises (DGE) en faveur du tourisme ; il n’y a plus non plus aucune ligne budgétaire pour financer l’activité de garantie des prêts bancaires par Bpifrance qui bénéficiait notamment aux entreprises du tourisme.

La direction générale des entreprises (DGE) a ainsi vu, comme en 2018, sa ligne budgétaire supprimée. Elle soutient pourtant, certes pour des montants qui semblent bien peu élevés – on parle de 140 000 euros ! –, des associations qui œuvrent pour faciliter le départ en vacances de familles modestes.

La DGE développait également des marques de structuration de l’offre, comme « Qualité tourisme » (en association avec CCI France et Tourisme et Territoires, visant à améliorer la qualité de l’accueil des visiteurs et à professionnaliser l’hospitalité française), ou « Tourisme & Handicap ».

Elle a aussi participé à la création de « Data tourisme », une plateforme nationale de collecte, d’uniformisation et de diffusion en open data des données touristiques institutionnelles.

Pour toutes ces activités, les budgets n’existent plus, alors que le travail a été mené et qu’il ne s’agit plus que de faire fonctionner ce qui a été lancé avec succès.

Pour mémoire, les crédits qui étaient portés jusqu’en 2017 par l’action 21 Développement du tourisme du programme 134 Développement des entreprises et du tourisme servaient à « promouvoir l’image touristique de la France et de ses savoir-faire, de structurer l’offre touristique, de soutenir les filières et les métiers dans leurs actions d’amélioration de la qualité et de faciliter le départ en vacances de tous les publics, notamment les personnes handicapées, les seniors et les personnes défavorisées ».

Face à cette ambition affichée par le Gouvernement, les crédits de la DGE n’avaient cessé de diminuer depuis 2015. Pour 2018, les autorisations d’engagement de l’action 21 s’élèvent à 742 643 euros et les crédits de paiement à 1,85 million d’euros.

Évolution des crÉdits de l’action dÉveloppement du tourisme

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

 

Crédits de paiement

 

2015

2016

2017

2018

2015

2016

2017

2018

Dépenses de fonctionnement

 

 

 

 

 

 

 

 

Enquêtes statistiques et études

0,81

5,05

0,59

0,74

1,89

1,96

2,46

1,85

Dépenses d’intervention

 

 

 

 

 

 

 

 

Développement des politiques touristiques

1,78

1,44

1,26

0

1,78

1,44

1,26

0

Partenariats internationaux

0,37

 

 

0

0,37

 

 

0

Marque Qualité tourisme

0,21

0,17

0,17

0

0,21

0,17

0,17

0

Développement des politiques sociales

0,43

0,36

0,37

0

0,43

0,36

0,37

0

Contractualisations CPER et hors CPER

0

0

0

0

0,21

0

0

0

Total dépenses d’intervention

2,79

1,97

1,79

0

3

1,97

1,79

0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Total

3,6

7

2,38

0,74

4,9

3,9

4,26

1,85

Source : projets annuels de performances 2015, 2016, 2017 et 2018.

Comme l’année dernière, la rapporteure spéciale exprime sa plus vive opposition à la suppression totale des crédits alloués à la DGE, qui effectue un travail nécessaire et utile en faveur de la compétitivité des entreprises du secteur et de l’accessibilité aux vacances des publics les plus fragiles.

La rapporteure spéciale a donc déposé quatre amendements de rétablissement des crédits, lors de l’examen des crédits de la mission Économie au sein de la commission des finances jeudi 25 octobre 2018.

L’amendement II-CF 402 de la rapporteure spéciale visant à rétablir la ligne de 140 000 euros pour les associations œuvrant pour le départ en vacances de familles modestes a été adopté par la commission, ce qui a été une première victoire. En séance, si de façon assez étonnante, la Ministre a donné un avis défavorable à l’amendement de la commission, un amendement identique d’autres députés de la majorité a été voté, pour une raison de gage. La rapporteure spéciale se félicite que l’objectif qu’elle a défendu en commission et en séance ait été accepté, permettant à « Vacances et Familles » et « Vacances ouvertes » de continuer à aider des familles modestes à partir en vacances.

En revanche, les trois autres amendements, visant à réintégrer d’autres lignes de crédits pour des missions importantes dédiées à l’économie touristique et à la certification de la qualité des structures d’accueil ont été rejetés en séance. L’un était dédié au fonctionnement du label « Qualité Tourisme », l’autre du label « Tourisme et Handicap », et le dernier de « DataTourisme ».

Si les éléments indiqués par la Ministre consistent à assurer que ces actions continueront d’être financées par redéploiement de crédits, la rapporteure spéciale s’interroge sur la transparence budgétaire de ce type de démarche : comment contrôler des crédits, s’ils sont supprimés dans les documents budgétaires, mais que le Gouvernement indique qu’ils seront quand même déployés ? Et s’ils sont redéployés, au détriment de quelles autres actions seront-ils effectués ? Le contrôle budgétaire exige de pouvoir identifier les crédits, existants, dans la maquette budgétaire. S’ils disparaissent, cela signifie que l’action disparaît également, en toute logique.

2.   Les crédits de l’activité de garantie de Bpifrance

Concernant l’action 20 du programme 134, qui permettait à Bpifrance de financer l’activité de garantie des prêts bancaires et bénéficiait surtout aux TPE, et notamment à celles du tourisme, elle a également fait l’objet d’une suppression « sèche » : plus aucune mention n’en est faite dans le document budgétaire de cette année.

Dans ce cas, c’est 39,8 millions d’euros supprimés, alors qu’entre 2013 et 2016, grâce à cette activité, Bpifrance a contribué, au global, à mettre en place 24,2 milliards d’euros de financement soutenant près de 640 000 emplois.

Sur ce sujet également, la rapporteure spéciale a déposé un amendement de rétablissement des crédits. Il n’a pas été adopté en commission des finances mais il a permis d’ouvrir un débat utile, notamment auprès des rapporteurs spéciaux de la mission Économie, Madame la députée Olivia Grégoire et Monsieur le député Xavier Roseren, qui ont prêté une oreille attentive à la préoccupation exposée par la rapporteure spéciale.

Ils ont proposé un amendement II-CF 488, consistant à rétablir une ligne de crédits au sein du programme 134 afin de financer l'activité de garantie des prêts aux entreprises de Bpifrance, pour un montant de 1 million d’euros. Cet amendement a été adopté par la commission. S’il ne va pas assez loin selon la rapporteure spéciale, il a le mérite de poser le problème.

En séance, le Gouvernement a déposé un amendement baissant à 10 000 euros la ligne de crédits de garantie de Bpifrance, l’argument principal étant que Bpifrance dispose de fonds suffisant pour son activité de garantie. Or, on peut s’interroger sur le fait que Bpifrance, comme acteur bancaire, et c’est son rôle en termes prudentiels, continue de déployer de façon importante ces outils de garantie qui fonctionnent et sont essentiels au financement de l’économie sans disposer de visibilité quant à la volonté du Gouvernement d’abonder la ligne qui lui est dédiée.

IV.   la nÉcessitÉ de revoir dans son ensemble l’arChitecture budgÉtaire consacrÉe au tourisme

La rapporteure spéciale ne peut que regretter un manque de visibilité et de crédibilité quant à la présentation budgétaire des crédits consacrés au tourisme.

Ces crédits se réduisent en effet, au sein du périmètre de la mission Action extérieure de l’État, aux seuls crédits budgétaires de l’opérateur Atout France, c’est-à-dire à la seule action n° 7 du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence : cette action ne représente que 5 % du budget total de ce programme.

Pour un secteur économique qui représente près de 8 % du PIB national, il ne semble pas normal qu’il n’y ait pas même un programme dédié dans l’architecture budgétaire.

C’est pourquoi la rapporteure spéciale a déposé un amendement de création de programme, II-CF224, entièrement consacré au développement et à la promotion du tourisme en France. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ne permet pas aux parlementaires de transférer des crédits d’une mission à une autre, mais seulement au sein d’une même mission ; si cela avait été possible, la rapporteure spéciale aurait évidemment proposé un programme réunissant tous les fonds consacrés au tourisme, aussi bien ceux qui dépendent du ministère de l’Europe et des affaires étrangères que de Bercy.

Cet amendement de création de programme n’a pas été adopté en commission mais il a eu le mérite de susciter un vrai débat parmi les commissaires des finances.

 

 

 

Le Président de la commission, Monsieur Éric Woerth, ainsi que les membres du groupe majoritaire La République en marche, ont ainsi pris la mesure de la nécessité de donner une meilleure crédibilité à une politique publique essentielle et ont proposé la création d’une mission d’information de la commission des finances sur le sujet, au premier semestre 2019. Cette proposition d’étude plus approfondie ne peut que satisfaire la rapporteure spéciale qui porte ce sujet depuis plus d’un an.

Un document de politique transversale (DPT) ne suffit pas, comme cela lui a été suggéré. Il convient de réellement réfléchir à une solution, non pas seulement formelle, mais politique, car elle reflète l’importance accordée à cette économie.

En supprimant tous les crédits consacrés au tourisme dans la mission Économie, il y a matière à considérer, selon la rapporteure spéciale, qu’il y a un vrai abandon de l’État en matière d’aménagement et de structuration de l’offre touristique. C’est la preuve d’un désengagement complet.

Le Gouvernement œuvre en faveur des clientèles étrangères, comme cela a été initié en 2014 par M. Fabius lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères et du développement international, mais plus rien n’est fait en France, en faveur des clientèles françaises et en lien avec nos territoires. C’est une question de choix politique.


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   Deuxième partie 
la prioritÉ accordÉe À l’attractivitÉ de la France auprÈs des touristes Étrangers ne doit pas faire oublier le tourisme intÉrieur

Le tourisme dépend aujourd’hui entièrement du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Or, s’il est essentiel d’agir à l’intention des touristes internationaux, la clientèle touristique française ne doit pas être oubliée. La rapporteure spéciale n’a pas le sentiment que le tourisme domestique a la place qu’il mérite dans la stratégie du Gouvernement.

En effet, les Français qui passent leurs vacances en France représentent notre premier marché et leurs choix ont un impact sur la balance commerciale de la France. Pour que celle-ci soit positive, il ne s’agit pas seulement d’attirer des touristes étrangers, mais aussi de renforcer la fréquentation endogène. Il y a là en outre un vrai enjeu d’inclusion sociale. L’Observatoire des inégalités relève ainsi que 37 % des Français ne partent pas en vacances.

I.   en finir avec les « lits froids et volets clos »

Dans un contexte de réduction des droits à construire et de préservation du foncier, le vieillissement du parc des résidences de tourisme et la sortie de ces lits du marché locatif fragilisent tout le tissu économique des territoires touristiques. Sont ainsi appelés communément « lits froids et volets clos » les lits touristiques qui sont occupés moins de 4 semaines par an dans des résidences de tourisme souvent vieillissantes car peu ou pas rénovées.

Avec 785 000 lits, ces résidences représentent près de 30 % du parc d’hébergement touristique, pourcentage qui dépasse 50 % dans les départements les plus touristiques, que ce soit à la mer ou la montagne. Or, on estime chaque année les sorties de baux locatifs à 1 à 2 % des lits, à la mer et à la montagne, ce qui représente 5 000 à 10 000 lits chaque année au total qui sortent du parc locatif.

L’enjeu du maintien de ces lits sur ce marché est plus vital encore en montagne où le modèle économique des domaines skiables (et les milliers d’emplois qui y sont liés) dépend exclusivement du nombre de forfaits vendus, qui lui-même dépend pour l’essentiel du nombre de lits touristiques…

Sur ce point, le Premier ministre a annoncé en janvier 2018, en Savoie, une mission d’inspection interministérielle, devant examiner « des mesures incitatives fiscales, soit positives soit plus pénalisantes » pour faciliter la remise en location de ces biens. Or, le droit de propriété ne permet pas de mettre en place de mesures véritablement contraignantes. Cette difficulté s’avère un obstacle majeur depuis de nombreuses années.

Tous les acteurs de terrain savent que sans levier fiscal, sans contrainte, ce n’est pas possible de résoudre ce sujet des « lits froids ».

La rapporteure spéciale a donc déposé des amendements d’incitation fiscale pour que les propriétaires rénovent leur bien et y trouvent un intérêt économique.

Elle propose également une exonération, totale (II-CF898) ou partielle (II-CF899), de taxe d’habitation pour les propriétaires de résidences secondaires qui louent effectivement leurs biens au moins huit semaines dans l’année.

Bien sûr, Bercy ne semble pas favorable à de nouvelles dépenses fiscales, mais il s’agit là d’un enjeu d’intérêt général. Il faut que le Gouvernement obtienne des résultats concrets et fasse plus que commander des études d’ingénierie, dont les élus disposent parfois déjà. Les résultats doivent être plus que cosmétiques.

Un dispositif d’accompagnement en ingénierie a en effet été annoncé, mis en place par Atout France, en lien étroit avec la Caisse des dépôts. Cette dernière a accepté de consacrer 15 millions d’euros à cette mission, ayant pour enjeu de faire émerger les projets.

Il convient de rappeler que dans la loi de finances pour 2017, le législateur avait décidé de réorienter le dispositif dit « Censi-Bouvard » en créant une réduction d’impôt sur le revenu en faveur de la réhabilitation du parc existant des résidences de tourisme, centré sur des travaux de grande ampleur portant sur l’ensemble de la résidence et adoptés en assemblée générale de copropriété entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019.

Ce nouveau ciblage n’a eu qu’une attractivité très faible, compte tenu du caractère très limité des travaux exigibles et des conditions de réalisation de ceux-ci. D’après les informations communiquées à la rapporteure spéciale, cette aide fiscale n’a pas été utilisée et n’a donc, à ce jour, rien coûté à l’État.

Le budget provisionné pour cet avantage fiscal pourrait donc être utilement redirigé pour compenser la charge induite par l’amendement qu’elle a proposé d’incitation fiscale à destination des particuliers qui rénoveraient leurs biens situés dans une résidence de tourisme.


II.   sauver l’hôtellerie familiale et indépendante

En ce qui concerne l’hôtellerie familiale et indépendante, qui a le mérite de couvrir le territoire national, la situation est très préoccupante.

Ces hôtels ferment et ne se transmettent plus en raison de droits de succession trop élevés et inadaptés à des reprises. Comme l’indique l’ensemble des représentants de l’hôtellerie aujourd’hui, il coûte aussi cher de transmettre que de vendre son hôtel. Par ailleurs, les mises aux normes et les travaux de rénovation sont trop coûteux par rapport à la capacité d’investissement des propriétaires, qui peinent en outre à trouver des repreneurs et gestionnaires compétents.

L’Autriche a, semble-t-il, sauvé son hôtellerie indépendante en mettant en œuvre des mesures favorisant la transmission. La rapporteure spéciale estime qu’il conviendrait d’étudier des pistes telles qu’une exonération partielle de droits de successions en contrepartie de travaux et d’une transmission d’activité.

Elle ainsi déposé, à l’article 16 du projet de loi de finances pour 2019, l’amendement I-CF45, qui proposait de créer un pacte Dutreil renforcé pour les seules activités hôtelières. Cet amendement visait à relever de 75 % à 90 % l’exonération des droits de mutation à titre gratuit afin de répondre à la situation spécifique de la reprise de l’hôtellerie familiale et indépendante. Cette exonération de droits de mutation ou de succession à hauteur de 90 % serait uniquement conditionnée à un investissement – au sein de la société reprise – d’un montant au moins équivalent à 60 % des droits normalement dus, et ce dans un délai maximum de 36 mois à compter de la mutation ou de la succession. Ces investissements seraient en outre générateurs de TVA et soutiendraient l’emploi direct et indirect.

Cet amendement n’a pas été adopté. Il s’agit surtout d’un amendement d’appel pour inciter le Gouvernement à se saisir de la question qui est cruciale quand on voit que l’hôtellerie familiale et indépendante stagne globalement et continue de chuter dans des zones à forte densité touristique et saisonnière
(– 4 % en Auvergne Rhône-Alpes, – 6 % en nouvelle Aquitaine).

La durée des prêts « hôtellerie » mis en place par Bpifrance pour faire face aux enjeux de réhabilitation lourde paraît en outre trop courte – 15 ans en moyenne –, et ce de l’avis même du Directeur général de Bpifrance interrogé par la rapporteure spéciale sur ce sujet en réunion de la Commission des finances en 2018. Selon la rapporteure spéciale, il conviendrait que cette durée soit allongée à 25 ans pour tenir compte du modèle économique de ces établissements, de l’importance des travaux qu’ils ont à engager et de la saisonnalité de leur activité. Sur ce sujet également, le Gouvernement doit trouver des solutions en accord avec les règles prudentielles européennes.

III.   mieux reconnaître la spécificité touristique des communes concernées et leur permettre de percevoir de meilleures recettes de taxe de séjour

A.   des contributions À la mesure des dÉpenses engagÉes

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, le Parlement a demandé une étude sur une meilleure prise en compte de la population touristique dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement des communes (DGF). La rapporteure spéciale estime ce chantier essentiel. En effet, les communes touristiques ont des charges particulièrement lourdes pour être en mesure d’accueillir la population touristique. Elles doivent en outre investir régulièrement pour rester attractives.

Le Rapporteur général, M. Joël Giraud, conscient de ces enjeux, a ainsi fait adopter lors de l’examen des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales en commission des finances le lundi 29 octobre 2018, l’amendement II-CF861, qui a pour objet de majorer la population DGF d’un habitant supplémentaire par résidence secondaire pour les communes dont la population est inférieure à 3 500 habitants et dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 1,5 fois le potentiel fiscal moyen par habitant des communes appartenant à la même strate démographique et dont la part des résidences secondaires dans la population est supérieure à 30 %. L’amendement II-799 a également été adopté en séance.

Les dépenses de fonctionnement par habitant sont en effet, en moyenne, plus élevées pour les communes touristiques que pour les autres communes. Leurs dépenses d’entretien sont plus importantes que pour les autres communes dont la population utilise moins intensément les services de la collectivité. Parmi les communes touristiques, les communes de montagne ont des dépenses par habitant très supérieures, surtout les communes de station de sports d’hiver. L’écart est particulièrement important pour les plus petites communes.

Dans la même optique, la rapporteure spéciale a demandé à plusieurs reprises que le prélèvement du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) ne soit pas confiscatoire à l’égard des stations de montagnes en particulier, qui sont – en Savoie et en Haute-Savoie – toutes contributrices. Si l’État continue de ponctionner comme il le fait aujourd’hui trop massivement leur budget, sans tenir compte de leurs contraintes, il fragilise un outil économique précieux qui génère des recettes touristiques importantes. C’est finalement un très mauvais calcul pour l’État et pour les collectivités concernées.

B.   des recettes de taxe de sÉjour À pÉrenniser

1.   Les réformes de la taxe de séjour depuis 2015

Le régime de la taxe de séjour a surtout évolué à l’occasion de l’adoption de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 (article 67), complétée par la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 (article 86) et plus récemment par la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 (articles 44 et 45).

Dans le cadre de la loi de finances pour 2015, une refonte importante de la taxe de séjour et de la taxe de séjour forfaitaire a été mise en œuvre, afin d’atteindre les objectifs suivants :

– adapter le barème tarifaire aux capacités contributives des redevables (rehaussement des plafonds tarifaires, création d’une tranche supplémentaire pour les palaces, prise en compte de nouvelles catégories d’hébergements) ;

– simplifier le dispositif et les écritures (limitation du nombre d’exonérations, clarification de la distinction entre dispositions légales et réglementaires, etc.) ;

– renforcer les moyens de recouvrement de l’imposition par les collectivités territoriales en instituant une procédure de taxation d’office et en prévoyant une participation à la collecte de la taxe des professionnels qui assurent, par voie électronique, un service de réservation ou de location ou de mise en relation en vue de la location d’hébergements non classés.

Les lois de finances de 2016 et de 2017 sont venues préciser certains de ces points ou corriger des difficultés apparues lors de la mise en œuvre de ces nouvelles modalités. Peuvent notamment être cités :

– l’introduction d’une date limite en octobre pour les délibérations relatives aux tarifs applicables l’année suivante (LFI 2016) ;

– les précisions quant à la hiérarchie à respecter entre les tarifs adoptés pour les hébergements de même nature (LFI 2016) ;

– la limitation dans le temps de l’expression du droit d’opposition des communes suivant l’institution de la taxe par l’EPCI (LFR 2016) ;

– la tacite reconduction des délibérations (LFR 2016) ;

– l’indexation des tarifs annuels selon l’indice des prix à la consommation de l’année N-2 (LFR 2016) ;

– la taxation proportionnelle des hébergements en attente de classement ou sans classement, à l’exception des établissements de plein air (LFR 2017) ;

– la suppression des arrêtés de répartition des hébergements soumis à la taxe de séjour (LFR 2017) ;

– l’obligation de collecter la taxe de séjour pour les plateformes intermédiaires de paiement pour le compte de loueurs non professionnels (LFR 2017).

2.   Le rôle nouveau des plateformes de location en ligne

En matière de location saisonnière par les particuliers, la réglementation a été progressivement adaptée pour accompagner l’essor des plateformes. La définition du « meublé de tourisme » et la création d’une procédure de déclaration (loi ALUR du 24 mars 2014) a été complétée par une obligation d’enregistrement pour certains meublés (loi pour une République numérique du 7 octobre 2016).

À partir de l’automne 2018, la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) acte notamment un renforcement des sanctions des intermédiaires de location de meublés, pour limiter à 120 jours le nombre de jours de location des résidences principales dans les zones d’habitat tendues. Elle explicite cette limite de 120 jours pour les propriétaires, dans les zones tendues, tout en renforçant les sanctions.

À compter de 2019, les plateformes qui sont intermédiaires de paiement auront l’obligation de collecter la taxe de séjour auprès des loueurs non-professionnels.

Il convient de noter que certaines plateformes ont décidé de mettre en œuvre cette collecte systématique en avance de phase. Ainsi, Airbnb a commencé à collecter la taxe de séjour en octobre 2015 dans certaines villes comme Paris et Annecy, et dès le 1er juillet 2018 pour toutes les collectivités ayant instauré la taxe de séjour (soit près de 23 000 communes qui avaient voté une taxe de séjour au réel).

En 2017, la société avait reversé 13,5 millions d’euros de taxe de séjour. Les trois principales communes bénéficiaires de la collecte automatisée de la taxe de séjour étaient Paris (6,9 millions d’euros), Nice (860 000 euros) et Marseille (790 000 euros). Plus de 550 000 euros ont par ailleurs été versés aux stations alpines.

La rapporteure spéciale a déposé un amendement (II-CF973) visant à simplifier le processus de reversement de la taxe de séjour collecté par les plateformes aux collectivités ayant instauré une telle taxe. Il est proposé d’introduire un rythme de reversement uniforme de la taxe pour l’ensemble du territoire, qui serait semestriel afin de tenir compte des saisons touristiques.

3.   La mise en place de la tarification proportionnelle pour les hébergements non classés : des ajustements nécessaires

À compter du 1er janvier 2019, les hébergements sans classement ou en attente de classement seront soumis à une taxation proportionnelle comprise entre 1 % et 5 % du coût par personne de la nuitée dans la limite du tarif le plus élevé adopté par la collectivité ou, s’il est inférieur à ce dernier, du tarif plafond applicable aux hôtels de tourisme 4 étoiles.

Le montant de la taxe de séjour pour les hébergements sans classement ou en attente de classement est ainsi plafonné au plus bas des deux tarifs suivants : soit le tarif le plus élevé adopté par la collectivité ; soit le tarif plafond applicable aux hôtels de tourisme 4 étoiles – c’est-à-dire 2,30 euros à compter du 1er janvier 2019. Ce dispositif de plafonnement permet d’éviter de trop fortes disparités avec les tarifs applicables aux établissements classés.

La rapporteure spéciale estime que ce plafond fixé à 2,30 euros est de nature à générer moins de recettes pour certaines collectivités. Elle propose donc, par amendement (II-CF972), de relever le tarif plafond applicable aux hébergements sans classement ou en attente de classement, au niveau de celui applicable aux palaces, soit 4 euros.


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   Examen en commission

Lors de sa troisième réunion du mercredi 24 octobre 2018, la Commission des finances a examiné les crédits de la mission Action extérieure de l’État.

(…)

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale (Tourisme). Comme l’année dernière, je regrette le manque de visibilité de la présentation budgétaire des crédits relatifs au tourisme. En effet, pour un secteur économique qui pèse 8 % du PIB national, l’éclatement de ces crédits dans de « petites » actions au sein des missions Action extérieure de l’État et Économie ne favorise pas une appréhension claire de la politique du Gouvernement en matière de tourisme.

Par ailleurs, comme nous le verrons, cette politique et les choix budgétaires qui en découlent sont déséquilibrés : la priorité très forte et positive qui est accordée à l’attractivité de la France pour les touristes étrangers fait oublier le volet relatif au tourisme intérieur, à la structuration de nos offres, à la modernisation et la compétitivité de notre parc d’hébergement, à la répartition des flux touristiques en faveur de l’aménagement du territoire. Mon regret est que la politique touristique ne soit pas davantage prise en compte dans la stratégie économique et de cohésion territoriale du Gouvernement, même si elle est bien intégrée au sein du ministère des affaires étrangères.

S’agissant des crédits de l’opérateur Atout France, qui est chargé, entre autres, de la promotion de la destination France, je salue la reconduction à l’identique dans le projet de loi de finances pour 2019 des crédits qui lui ont été alloués en 2018, soit 32,7 millions d’euros. Si Atout France fait un travail remarquable en matière de promotion, il nous faut en revanche connaître plus finement ses stratégies et ses efforts en faveur des grandes catégories de destination en France – Paris et les villes, le littoral, la montagne. Par ailleurs, j’attire votre attention sur l’importance de préserver les missions historiques de cet opérateur en matière d’ingénierie touristique locale.

Je constate que l’une des recommandations que j’ai formulées l’année dernière a été suivie : elle consistait en la pérennisation du reversement d’une part des recettes générées par les droits de visa à Atout France, à hauteur de 3 % des recettes de l’année n-1. Ces recettes devraient consolider durablement les ressources de l’agence, à hauteur de 4,5 millions d’euros en 2019 – même si nous n’en connaîtrons le montant définitif que l’an prochain. Je salue cette décision du Gouvernement mais, dans le même temps, je rappelle qu’il faut préserver les moyens nécessaires pour réaliser cette recette dans un contexte de réduction de 10 % des effectifs du ministère en poste à l’étranger. En Chine, par exemple, la délivrance d’un visa en 48 heures est un enjeu important dans le choix de la destination ; nous devrons conserver la capacité d’y délivrer des visas dans ces délais.

En revanche, je regrette vivement la suppression en 2019 des crédits qui étaient consacrés au tourisme dans la mission Économie, sans que personne ne le remarque ou ne s’en émeuve ! La ligne budgétaire correspondant à la direction générale des entreprises (DGE) a ainsi été purement et simplement supprimée. Elle soutient pourtant, pour des montants qui semblent bien peu élevés – on parle de 140 000 euros ! –, des associations qui œuvrent pour faciliter le départ en vacances de familles modestes. La DGE développait également des marques de structuration de l’offre comme « Qualité tourisme », ou en matière d’accueil des personnes handicapées avec le label « Tourisme et handicap ». Elle a aussi participé à la création de « Datatourisme », une plateforme nationale de collecte, d’uniformisation et de diffusion en accès libre des données touristiques institutionnelles, essentielle pour les entreprises du tourisme. Pour ces activités, là encore, les budgets n’existent plus, alors que le travail a été mené à bien et qu’il suffit désormais de faire fonctionner les mécanismes ainsi créés.

Il en va de même pour l’action 20 du programme 134, qui permettait à Bpifrance de financer l’activité de garantie des prêts bancaires et bénéficiait surtout aux très petites entreprises, notamment à celles du secteur du tourisme qui peinent à lever du crédit bancaire, comme dans le domaine de l’hôtellerie familiale et indépendante. Dans ce cas, 39,8 millions d’euros ont été supprimés, alors qu’entre 2013 et 2016, grâce à cette activité, Bpifrance a contribué à mobiliser 24,2 milliards d’euros de financement soutenant près de 640 000 emplois.

Il s’agit par ces exemples de montrer qu’il y a, selon moi, un manque d’intérêt patent de l’État en matière d’aménagement et de structuration de l’offre touristique.

Bien que le comité interministériel du tourisme ait validé un certain nombre d’expérimentations en matière notamment d’hébergement – un domaine dans lequel nous devons progresser –, je souhaite vivement que les résultats soient plus que cosmétiques. En effet, nos stations de montagne et de littoral luttent comme elles le peuvent pour trouver les moyens de répondre à ce que l’on appelle couramment le phénomène des « lits froids et volets clos », ces lits qui ne sont occupés que deux ou trois semaines par an parce qu’ils se situent dans des résidences souvent vieillissantes et que leurs propriétaires ne souhaitent plus les louer. Or, c’est tout le modèle économique des communes touristiques concernées qui est en jeu.

Tous les acteurs de terrain savent que sans levier ou contrainte fiscale, il n’est pas possible de résoudre le problème des « lits froids », pourtant au cœur de la compétitivité de nos stations. J’ai donc déposé des amendements d’incitation fiscale pour que les propriétaires rénovent leur bien en contrepartie d’une mise en location pendant au moins huit semaines en haute saison, et pour repenser le modèle de résidence de tourisme afin que les nouveaux hébergements soient durablement marchands. J’ai bien compris que Bercy ne semblait pas favorable à de nouvelles dépenses fiscales et j’en suis tout à fait consciente, mais il s’agit là d’un enjeu d’intérêt général au cœur de toute une économie, sur lequel nous restons à ce jour et depuis longtemps sans aucune solution et alors que nous nous heurtons à de multiples contraintes – réduction des droits à construire, préservation du foncier. Le Gouvernement doit se saisir de cette question au-delà d’études supplémentaires et d’ingénierie – dont nous disposons déjà pour l’essentiel – et qu’il obtienne des résultats concrets ! Le Premier ministre avait annoncé en janvier dernier, en Savoie, la création d’une mission d’inspection interministérielle chargée d’examiner « des mesures incitatives fiscales soit positives soit plus pénalisantes » pour faciliter la remise en location de ces biens. J’aimerais vraiment que nous trouvions des solutions concernant l’aménagement du territoire et la structuration et la qualité de notre offre pour que la France reste attractive à long terme, ce que nous souhaitons tous.

(…)

 

M. Marc Le Fur. Je remercie les rapporteurs spéciaux et le rapporteur pour avis pour la qualité de leurs travaux très instructifs. Je note les ponctions budgétaires imposées au ministère des affaires étrangères, dont les crédits ont diminué de 12 % entre 2007 et 2017. À cela s’ajoute le fait que ce ministère consent à lui seul 8 % de l’effort de réduction budgétaire alors qu’il n’emploie que 0,5 % des effectifs de l’État. En proportion, c’est donc un effort conséquent. Nous ne pourrons pas nous glorifier éternellement de la qualité de notre réseau si nous l’amputons régulièrement de la sorte.

Le transfert des postes d’expatriés vers l’emploi local constitue certes une économie mais présente également un risque, en particulier dans les organisations consulaires où s’exercent des pressions – voire des actes de corruption – pour l’obtention de tel ou tel titre. La qualité et la régularité du service peuvent ainsi être mises en difficulté, comme cela a été constaté dans un certain nombre de consulats et d’ambassades.

Enfin, pour ce qui est du patrimoine immobilier, il me semble que nous avons atteint un maximum. La tendance se poursuivra-t-elle ? Nous avons déjà aliéné certaines de nos plus belles et grandes ambassades. Nous nous prévalons de paroles mais, au fond, nous assistons à un recul.

M. le rapporteur spécial. En effet, monsieur Le Fur, il faut être modérément optimiste mais il faut l’être tout de même ! Notre diplomatie est formidable. Elle a su faire la preuve de sa capacité d’adaptation depuis plus de quinze ans. Elle a bien compris les grands enjeux et a bien pris à son compte notre commande politique, c’est-à-dire le maintien de l’universalité de notre diplomatie, qui diffère selon le format des postes mais qui demeure un réseau très puissant – le troisième du monde.

M. Marc Le Fur. Ne disait-on pas qu’il était le deuxième ?

M. le rapporteur spécial. Disons le troisième. Vous avez raison : il existe des motifs d’inquiétude, mais nous pouvons aussi être optimistes. La réforme, en effet, se poursuit, pas toujours au détriment des postes comptables mais en tirant parti de l’inventivité et de ressorts nouveaux. Elle ne pourra toutefois pas se poursuivre éternellement si nous voulons conserver le périmètre d’action actuel.

Il est vrai que l’on ne saurait transformer tous les postes d’expatriés en emplois locaux – certaines choses ne sont pas transformables ; d’autres le sont. S’agissant de l’AEFE, l’éducation nationale manifeste une réelle volonté, par la voix du ministre, de réduire en temps les contrats des nouveaux expatriés – qui seraient de deux fois trois ans, ai-je entendu dire – afin de favoriser une mobilité internationale qui n’existe pas aujourd’hui. La carte actuelle des expatriés est surtout européenne. Or, la commande politique de l’État consiste à orienter notre attention vers le continent Sud ; il faudra pour ce faire inciter les expatriés à se répartir de manière plus fluide dans le monde.

En ce qui concerne le patrimoine immobilier, M. Le Fur a raison : il n’y aura plus de grandes ventes. Ces dernières années, les ventes de montants très élevés concernaient un appartement de qualité à New York ainsi que des locaux d’ambassade à Kuala Lumpur, et nous n’avons plus grand-chose à vendre ! Nous allons rapatrier au ministère des affaires étrangères près de 220 appartements qui proviennent de l’armée et du Trésor. C’est un patrimoine en bon état car l’armée et le Trésor entretiennent les bâtiments, mais nous ne pourrons pas non plus tout vendre, car il faut bien loger les fonctionnaires. Nous devrons donc définir une stratégie concernant ce nouveau parc que nous réintégrons.

C’est une bonne chose, cependant. M. Petit a évoqué la notion de pilotage. Il est important, en effet, que l’ambassadeur soit le chef d’orchestre – ce qu’il est sur le plan juridique et technique. La mutualisation des fonctions support lui donne davantage de puissance et lui permet d’organiser lui-même ses propres ressources en fonction de la feuille de route confiée par l’État. Nous l’avons tous constaté au fil de nos visites d’ambassades : il est important de pouvoir compter sur un chef de projet clairement identifié. Certains disent que nous sommes à l’os et de fait, nous ne pouvons aller plus loin que là où nous sommes.

M. Benjamin Dirx. Mme Bonnivard a évoqué la suppression de la ligne budgétaire consacrée au tourisme dans la mission « Économie », en particulier les crédits alloués à DATAtourisme. Cette suppression est-elle avérée dès cette année et est-il certain que les fonds n’ont pas été transférés ?

Mme la rapporteure spéciale. S’agissant des crédits de la DGE, qui pilotait de manière assez cohérente la politique touristique sous l’angle économique, les moyens consacrés à DATAtourisme sont en effet supprimés. En revanche, il semble, sous réserve de confirmation, que DATAtourisme passe sous la tutelle du ministre chargé du numérique. Si tel est le cas, ce serait un moindre mal qui, cependant, noierait davantage la spécificité des outils touristiques que la DGE a mis au point, qu’elle maîtrise et qui commencent à monter en puissance, en lien avec les territoires, puisque cette direction possède désormais une expertise historique. On diluerait ainsi encore plus les outils dont dispose le Gouvernement pour piloter une politique touristique cohérente.

La commission en vient à l’examen des amendements.

Article 39 et état B

La commission examine l’amendement II-CF224 de la rapporteure spéciale.

Mme la rapporteure spéciale. Cet amendement ne coûte rien. Il vise à aider le Gouvernement à donner davantage de visibilité à sa politique touristique pour qu’enfin, le mot « tourisme » apparaisse dans le budget. Le budget d’Atout France correspond à une action au sein du programme Diplomatie culturelle et d’influence, où il se trouve quelque peu noyé. Sans augmenter le montant total des crédits, l’objectif est de créer un programme Développement du tourisme qui contiendrait les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de l’opérateur Atout France. Cela donnerait davantage de visibilité à nos concitoyens quant à la politique touristique et permettrait au Gouvernement de consacrer une ligne budgétaire à part entière au développement du tourisme.

M. Marc Le Fur. Très bon amendement !

M. Benjamin Dirx. C’est un amendement que vous avez déposé l’an dernier.

Mme la rapporteure spéciale. Non.

M. Benjamin Dirx. Quoi qu’il en soit, vous posiez déjà la question dans les mêmes termes à l’époque et M. Jean-Baptiste Lemoyne vous avait répondu. Vous proposez de transférer 35 millions d’euros ; sur ce montant, 2,4 millions sont consacrés à l’Exposition universelle de Dubaï – qui seraient du même coup intégrés à la ligne relative au développement du tourisme. Ne serait-il pas plus opportun de distinguer ces 2,4 millions du reste en les maintenant dans les crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d’influence ?

En outre, quitte à créer un nouveau programme, ne serait-il pas utile d’y englober non seulement DATAtourisme mais aussi tout ce qui a trait au tourisme, afin de prendre une mesure cohérente ? Votre proposition va dans le bon sens et favoriserait l’objectif à atteindre de 100 millions de touristes supplémentaires d’ici à 2020 mais mieux vaudrait une ligne budgétaire complète et, en attendant, suivre la proposition que vous a faite M. Lemoyne.

Mme la rapporteure spéciale. Je regrette que les avancées de bon sens aient du mal à être entendues. J’aurais souhaité qu’il soit possible de créer un programme distinct chevauchant plusieurs missions mais la loi organique relative aux lois de finances ne le permet pas. De ce fait, il est hélas impossible de créer un programme recouvrant les crédits de la DGE, par exemple. Je propose donc un premier pas permettant de créer un programme qui correspond à une priorité du Gouvernement, à savoir l’attractivité touristique de la France, puisque cette compétence relève du ministère des affaires étrangères, et de donner ainsi davantage de visibilité sur le tourisme au Gouvernement.

M. Benjamin Dirx. Des avancées ont-elles été réalisées de ce point de vue avec le ministère depuis la réponse que vous a faite l’an dernier M. Lemoyne, qui suggérait notamment d’utiliser le « jaune » budgétaire ?

Mme la rapporteure spéciale. Le « jaune » est un document d’information budgétaire. En l’occurrence, cet amendement porte sur l’architecture budgétaire. Je n’ai pas connaissance d’avancées significatives concernant le « jaune » mais, encore une fois, il me semble essentiel de mieux identifier le développement touristique dans l’architecture budgétaire.

La commission rejette l’amendement.

Mme Émilie Cariou, présidente. Quel est l’avis des rapporteurs spéciaux sur les crédits de la mission Action extérieure de l’État ?

M. le rapporteur spécial. Avis favorable.

Mme la rapporteure spéciale. Avis de sagesse, car le budget de cette mission dans son ensemble est plutôt positif.

Mme Bénédicte Peyrol. Les propos du rapporteur spécial reflètent la volonté de réforme qu’a le Gouvernement et la nécessité de réfléchir par zone géographique : il faut par exemple répondre aux besoins en Chine. Les crédits tels qu’ils sont proposés répondent à cette problématique. D’autre part, les crédits des alliances françaises sont maintenus. J’ai entendu vos propos, monsieur le rapporteur spécial, sur le fait que la diminution des crédits a d’abord suscité une certaine émotion avant de lancer une dynamique qui permet de se repenser, alors même que le Président de la République défend la Francophonie haut et fort. Le groupe La République en Marche votera donc en faveur de ces crédits.

J’entends, madame Bonnivard, la nécessité de donner plus de lisibilité aux crédits du tourisme. Entre le « jaune » et la ligne budgétaire, sans doute n’avons-nous pas encore trouvé la solution la plus adaptée. Nous devons y travailler collectivement tant nous savons combien il est important que la France reste attractive et que nous disposions d’outils performants. Quoi qu’il en soit, je le répète, le groupe La République en Marche votera en faveur de ces crédits.

La commission adopte les crédits de la mission Action extérieure de l’État, non modifiés.


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   Personnes auditionnées par la rapporteure spéciale

(par ordre chronologique)

 

Union des Métiers de l’Industrie Hôtelière (UMIH)

– M. Roland Héguy, président de l’UMIH et de la Confédération des acteurs du tourisme

– Mme Gaëlle Missonier, directrice de la communication et des relations institutionnelles

 

* Groupement national des chaînes hôtelières (GNC)

– M. Jean-Virgile Crance, président

 

Direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’économie et des finances

– M. Nicolas Lermant, directeur du service Tourisme, Commerce et Artisanat

– Mme Emma Delfau, sous-directrice Tourisme

 

Direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l’intérieur

– M. Arnaud Menguy, sous-directeur des finances locales et de l’action économique

– M. Sébastien Simoes, chef de bureau de la fiscalité locale

– M. Élie Heitz, adjoint au chef de bureau de la fiscalité locale

– Mme Annie Porcheron, secrétaire administrative au bureau de la fiscalité locale

 

* Tourisme & territoires

– Mme Véronique Brizon, directrice générale

– M. Thibault Loncke, conseil

 

Atout France

– M. Christian Mantei, directeur général

– M. Yvan Delaunay, secrétaire général

 

Booking.com (France) SAS

– M. Alexis Darmois, directeur du pôle affaires publiques Euro/Agency

– Mme Vanessa Heydorff, directrice générale France, Espagne, Portugal

 

Direction des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme au ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE)

– Mme Anne Boillon, directrice du cabinet du secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères

– M. Clément Laloux, chef de mission – Mission de la promotion du tourisme

 

La rapporteure spéciale remercie les personnes auditionnées pour l’éclairage qu’elles lui ont apporté.

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.