Logo2003modif

N° 1547

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 décembre 2018.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI portant mesures d’urgence économiques et sociales,

 

 

 

 

 

Par MOlivier VÉRAN,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  1516.


 


—  1  —

  SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

Commentaires d’articles

Article 1er Exonération sociale et fiscale de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

I. Une exonération de prime exceptionnelle déjà expérimentée par le passé

A. Une dérogation au principe d’assujettissement des primes et gratifications

B. Les précédents appliqués en matière d’exonération de prime exceptionnelle

II. L’exonération d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

A. La création d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

B. Les conditions de l’exonération de la prime

1. Les conditions légales

2. Les conditions renvoyées à la négociation d’entreprise

C. Le champ de l’exonération de la prime

III. Un gain substantiel et immédiat de pouvoir d’achat

Article 2 Exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires

I. la rémunération des heures supplémentaires est soumise À un régime fiscal et social de droit commun

A. l’application des règles sociales et fiscales de droit commun

1. Les prélèvements sociaux

a. Les cotisations sociales

b. Les autres prélèvements sociaux

2. L’assujettissement à l’impôt sur le revenu

B. L’exonération de cotisations sociales prévue par le pLFSS pour 2019

II. Le présent article propose d’exonérer les heures supplémentaires d’impÔt sur le revenu et de cotisations sociales dès le 1er janvier 2019

A. Une anticipation de l’exonération de cotisations sociales au 1er janvier

B. Une nouvelle exonération fiscale

C. Un effet massif de l’ensemble du dispositif sur le pouvoir d’achat

Article 3 Rétablissement de la CSG à 6,6 % pour certains titulaires  de revenus de remplacement

I. la suppression en LFSS 2018 des cotisations salariales d’assurance maladie et d’assurance chômage, financée par une augmentation du taux normal de csg, a amplifié des effets de seuil corrigés en lfss 2019.

A. les dispositions de la lfss 2018

1. La « bascule » opérée en 2018 est favorable au pouvoir d’achat des actifs.

2. Les taux de CSG nul ou réduit applicables aux revenus de remplacement modestes n’ont pas été augmentés.

B. les dispositions de la lfss 2019

1. Le relèvement du taux normal de CSG sur les revenus de remplacement a renforcé les effets du franchissement du seuil d’application de ce taux.

2. Les effets de franchissement de seuil ont été tempérés par l’article 14 de la LFSS 2019.

II. le droit proposé

A. philosophie générale

B. détails du dispositif juridique proposé

1. La création d’un taux de 6,6 % pour certains pensionnés

2. Diverses dispositions de conséquence

a. Les règles de déductibilité de la CSG à 6,6 % pour l’établissement de l’impôt sur le revenu

b. Les règles d’affectation de la CSG à 6,6 %

c. Une correction rédactionnelle

Article 4 Remise au Parlement d’un rapport sur la revalorisation de la prime d’activité

Annexe : Textes susceptibles d’être modifiés à l’occasion de l’examen du projet de loi

comptes rendus des débats en commission

I. Compte rendu de l’audition des ministres et de la discussion générale

Réunion du mercredi 19 décembre 2018 à 13 heures

II. Compte rendu des débats sur l’examen des articles

Réunion du mercredi 19 décembre 2018 à 21 heures 30

Article 1er Prime exceptionnelle de pouvoir dachat

Après larticle 1er

Article 2 Anticipation de lexonération des heures supplémentaires

Après larticle 2

Article 3 Rétablissement de la CSG à 6,6 % pour certains titulaires de revenus de remplacement

Après larticle 3

Article 4 Remise au Parlement d’un rapport sur la revalorisation de la prime d’activité

Après larticle 4


—  1  —

   Avant-propos

« C’est d’abord l'état d'urgence économique et sociale que je veux décréter aujourd'hui. Nous voulons bâtir une France du mérite, du travail, une France où nos enfants vivront mieux que nous. »

● Annoncé le 10 décembre 2018 par le Président de la République, l’état d’urgence économique et sociale trouve une traduction immédiate dans le présent projet de loi.

Le contexte social inédit de l’automne 2018 rend cette réponse législative urgente et indispensable. Urgente, car l’ensemble des mesures annoncées par le Président de la République sont désormais attendues par les Français et devront entrer en vigueur en janvier 2019. Indispensable, car la valorisation du travail et le soutien résolu au pouvoir d’achat constituent une priorité que nul ne peut nier aujourd’hui.

● Les choix opérés dans ce projet de loi tirent les conséquences claires de ce contexte. Le texte apporte une réponse sans précédent à la détresse des uns, à l’impatience des autres. Il traduit l’écoute d’une colère qui rend plus que jamais nécessaire le dépassement des clivages politiques traditionnels et exclut tout statu quo. Surtout, il concrétise un effort inédit en faveur du pouvoir d’achat, mobilisant 4 milliards d’euros au profit des actifs comme des retraités, s’ajoutant aux 6 milliards d’euros d’ores et déjà réorientés en faveur du pouvoir d’achat dans le projet de loi de finances pour 2019.

Les quatre mesures présentées au Parlement amplifient la trajectoire suivie par la majorité depuis le début de la législature. Elles associent à des mesures expérimentées par le passé – telle que la défiscalisation des heures supplémentaires – des mesures inédites, telles que l’exonération intégrale d’une prime exceptionnelle ou une revalorisation de très grande ampleur de la prime d’activité. Elles reviennent aussi, pour certaines, sur des dispositions dont l’entrée en vigueur a provoqué une amertume et un sentiment d’injustice qu’il nous appartient de corriger.

● L’écoute et la lucidité ne sont pas les parents pauvres du débat parlementaire. Elles conditionnent la concrétisation du projet choisi par les Français en 2017. Sans renoncement ni aveuglement, les responsables politiques s’honorent à redonner toute sa légitimité à la parole citoyenne, plutôt qu’à l’instrumentaliser ou la dévoyer.

Certains pourraient assimiler le contexte social actuel à une fatalité. Nous y voyons résolument, pour notre part, une opportunité : l’opportunité de garantir à chaque Français la capacité à vivre dignement de son travail ; l’opportunité de donner toute sa force au dialogue quotidien entre les responsables politiques et les citoyens ; l’opportunité, enfin, de retisser le fil d’une cohésion sociale affaiblie par des décennies de mesures et de débats politiques ayant montré leurs limites.

● Cette opportunité trouve une concrétisation immédiate dans les quatre articles du projet de loi portant mesures d’urgence économiques et sociales.

L’article 1er met en place une exonération de prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. Cette exonération n’est pas inédite dans son principe mais elle l’est dans son champ : contrairement aux dispositifs antérieurs, elle dépassera les seules cotisations de sécurité sociale et exclura tout assujettissement aux contributions sociales, aux contributions et taxes relatives à la formation professionnelle et à l’impôt sur le revenu. Elle bénéficiera par ailleurs aux salariés des établissements publics industriels et commerciaux (ÉPIC), et non aux seuls salariés des employeurs de droit privé.

L’article 2 anticipe au 1er janvier l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires et complémentaires qui devait entrer en vigueur au 1er octobre et les exonère d’impôt sur le revenu à la même date afin d’amplifier le gain de pouvoir d’achat pour les salariés et fonctionnaires qui travaillent au-delà de la durée légale. 

L’article 3 annule l’augmentation de contribution sociale généralisée (CSG) subie en 2018 par les retraités dont la pension mensuelle nette était comprise entre environ 1 400 euros et 2 000 euros. Entre ces seuils, le taux de CSG sera donc à l’avenir de 6,6 % ; il restera réduit (3,8 %) ou nul en-deçà, et normal (8,3 %) au-delà. Près de la moitié des 8 millions de foyers ayant supporté une hausse de CSG en 2018 verront donc leur situation ancienne rétablie, au prix d’un effort considérable pour nos finances publiques (1,5 milliard d’euros).

L’article 4, enfin, dans un souci louable de transparence, prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement, au plus tard six mois après l’entrée en vigueur du présent texte, qui dressera un bilan approfondi et complet de la mesure de revalorisation prise par le Gouvernement au niveau réglementaire sur la prime d’activité. Outre les effets directs de la hausse sur ses bénéficiaires, le rapport documentera également des pistes de réforme pour faciliter encore davantage le recours à ce dispositif.

*

*     *

 

 


—  1  —

   Commentaires d’articles

La commission des affaires sociales a adopté le projet de loi modifié. En conséquence, elle demande à l’Assemblée nationale de l’adopter dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport (http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/ta-commission/r1547-a0.pdf).

Article 1er
Exonération sociale et fiscale de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er définit les paramètres de l’exonération sociale et fiscale de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat annoncée par le Président de la République le 10 décembre 2018.

Dérogeant à l’assujettissement par principe aux cotisations sociales des primes et gratifications versées par l’employeur au salarié, ainsi qu’à leur imposition au titre de l’impôt sur le revenu, le nouveau dispositif consiste en une double exonération sociale et fiscale pour les primes exceptionnelles versées aux salariés.

L’exonération prévue à cet article s’inscrit dans la lignée de celle applicable aux primes exceptionnelles prévues par le passé, dans un objectif identique de pouvoir d’achat immédiat. Elle en reprend ainsi les principaux paramètres, avec un encadrement dans le temps, un plafonnement et le respect impératif du principe de non-substitution aux éléments de salaire.

À la différence des dispositifs antérieurs, néanmoins, l’exonération sociale s’étendra à l’ensemble des contributions sociales – CSG et CRDS comprises – et sera doublée d’une exonération fiscale.

Dans le détail, l’exonération prévue à cet article :

– s’appliquera dans la limite de 1 000 euros par salarié. Les primes supérieures pourront donc être versées mais sans exonération pour la fraction excédant 1 000 euros ;

– bénéficiera aux salariés des employeurs de droit privé lorsque leur rémunération est inférieure à 3 SMIC ;

– couvrira les primes versées du 11 décembre 2018 au 31 mars 2019 ;

– portera sur les cotisations de sécurité sociale, mais aussi sur la CSG, la CRDS, le forfait social et les contributions et taxes dues au titre de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

I.   Une exonération de prime exceptionnelle déjà expérimentée par le passé

A.   Une dérogation au principe d’assujettissement des primes et gratifications

● Les primes et gratifications recouvrent une multitude de dispositifs incluant notamment les primes de fin d’année, le treizième mois ou les primes de vacances. Elles constituent des avantages en argent versés à l’occasion d’un travail.

La jurisprudence en distingue deux catégories principales :

– les gratifications bénévoles, accordées et fixées librement par l’employeur, à condition de respecter l’égalité entre salariés. Elles constituent une libéralité et peuvent être supprimées ou modifiées unilatéralement par l’employeur Lorsqu’une gratification répond à un usage constant, fixe et général, néanmoins, elle devient un élément normal et permanent du salaire et cesse alors d’être une libéralité ;

– les gratifications obligatoires, qu’elles soient prévues par convention ou accord collectif, contrat individuel de travail ou engagement unilatéral de l’employeur. L’employeur peut en subordonner le versement aux conditions de son choix, pourvu qu’elles soient licites.

● Ces primes et gratifications constituent un élément de rémunération du salarié, au même titre que tout autre avantage consenti en contrepartie ou à l’occasion d’un travail tel qu’un salaire ou un avantage en nature.

Elles entrent donc logiquement dans le champ d’assujettissement aux cotisations de sécurité sociale – et, plus largement, à l’ensemble des cotisations et contributions sociales.

Elles entrent tout aussi logiquement dans l’assiette de l’impôt sur le revenu (IR).

● Certaines exceptions au principe d’assujettissement des primes ont néanmoins été définies par le législateur ou la jurisprudence.

Ces exceptions couvrent notamment :

– les primes liées à l’intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise, lorsqu’elles sont attribuées dans le cadre d’un accord collectif ;

– les gratifications versées à l’occasion de la remise de la médaille d’honneur du travail ;

– les indemnités assimilées à des dommages et intérêts, par exemple en cas de licenciement.

L’exonération de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat emporterait donc une exception supplémentaire.

B.   Les précédents appliqués en matière d’exonération de prime exceptionnelle

Cinq dispositifs de primes exceptionnelles ont été appliqués depuis 2006, renvoyant à la négociation collective leur mise en œuvre et la définition de leurs principaux paramètres.

Les dispositifs antérieurs de primes exceptionnelles exonérées

Intitulé

Source

Montant maximum exonéré de cotisations sociales

Bonus exceptionnel

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2006

1 000 euros par salarié*
(pour les versements intervenus jusqu’au 31 juillet 2006)
+ exonération d’IR lorsque la somme est affectée, en tout ou partie, au plan d’épargne d’entreprise

Prime exceptionnelle

Loi du 12 février 2008 pour le pouvoir d’achat

1 000 euros par salarié*
(pour les versements intervenus jusqu’au 30 juin 2008 dans les entreprises non assujetties à l’obligation de mise en place de la participation)

Prime exceptionnelle

Loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail

1 500 euros par salarié*
(pour les versements intervenus jusqu’au 30 septembre 2009)

+ exonération d’IR lorsque la somme est affectée, en tout ou partie, à un plan d’épargne salariale

Bonus exceptionnel outre-mer

Loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer

1 500 euros par an et par salarié*
(appliqué jusqu’au 31 décembre 2013)

Prime de partage
des profits

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011

1 200 euros par an et par salarié**

Négociation obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés ayant augmenté la part de rémunération du capital attribuée aux actionnaires

Négociation facultative dans les entreprises de
moins de 50 salariés

* : Exonération sociale à l’exception de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

** : Exonération sociale à l’exception de la CSG, de la CRDS et du forfait social.

Source : commission des affaires sociales.

Prolongeant l’esprit des dispositifs antérieurs, la nouvelle prime de pouvoir d’achat se distinguera toutefois par l’ampleur de l’exonération sociale et son doublement par une exonération fiscale.

II.   L’exonération d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

« Je demanderai à tous les employeurs qui le peuvent de verser une prime de fin d’année à leurs employés et cette prime n'aura à acquitter ni impôt ni charge. »

Annoncée dans le discours du Président de la République le 10 décembre 2018, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat voit ses paramètres et le champ de son exonération précisés à l’article 1er du projet de loi.

A.   La création d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

Le I de l’article 1er inscrit dans la loi le principe d’une « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ».

Le champ de cette prime couvrira tous les employeurs soumis à l’obligation d’affiliation à l’assurance chômage. Contrairement aux dispositifs antérieurs, limités aux seuls employeurs de droit privé, les salariés des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) pourront donc bénéficier de la prime exceptionnelle.

Il reviendra à chaque entreprise optant pour sa mise en œuvre de fixer son montant et de définir le champ des bénéficiaires, le versement pouvant être :

– généralisé à l’ensemble des salariés ;

– limité à certains salariés, le seul critère pouvant justifier cette distinction étant celui de la rémunération.

Outre l’hexagone, l’ensemble des départements ultra-marins entreront dans le champ du dispositif, ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon (III), Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

B.   Les conditions de l’exonération de la prime

Pour ouvrir droit à l’exonération sociale et fiscale, le versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat doit respecter un ensemble de conditions relevant soit du niveau légal (II), soit de la négociation d’entreprise (III).

1.   Les conditions légales

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, qui pourra être versée à tout salarié quelle que soit sa rémunération, s’accompagnera d’un régime d’exonération spécifique pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 3 SMIC annuels ([1]), soit 3 600 euros nets par mois.

Cette exonération s’appliquera aux primes versées dans la limite de 1 000 euros par bénéficiaire. Si le montant de la prime reste fixé librement par l’entreprise, seule sa fraction inférieure à 1 000 euros entrera donc dans le champ de l’exonération.

Pour en bénéficier, le versement de la prime devra respecter quatre conditions cumulatives inscrites au niveau légal (II) :

– le salarié devra avoir été présent dans l’entreprise au 31 décembre 2018 ([2]) () ;

– la modulation du montant de la prime versée ne pourra reposer que sur des critères liés au niveau de rémunération, à la durée de présence effective en 2018 et à la durée de travail prévue dans le contrat ().

– le versement de la prime devra avoir été effectué entre le 11 décembre 2018 et le 31 mars 2019 () ;

– le versement de la prime ne pourra se substituer à des augmentations de rémunération ou à tout élément de rémunération. Cette clause de non-substitution interdit un versement de la prime () :

2.   Les conditions renvoyées à la négociation d’entreprise

Les autres conditions et paramètres de la prime de pouvoir d’achat sont renvoyés à la négociation collective d’entreprise (III)

Un accord d’entreprise précisera ainsi :

– le montant de la prime ;

– le champ de la prime. Elle pourra être attribuée à l’ensemble des salariés, ou aux seuls salariés dont la rémunération est inférieure à un plafond défini par l’accord ;

– les critères de modulation. Cette dernière permettra d’adapter le niveau de la prime à la rémunération et de prendre en compte le cas des salariés embauchés en cours d’année 2018 ou n’effectuant pas un temps plein ;

Par exception au renvoi précité à la négociation d’entreprise, et jusqu’au 31 janvier 2019, l’employeur pourra définir l’ensemble de ces paramètres par décision unilatérale. Il devra alors en informer, avant le 31 mars 2019, le comité social et économique (CSE), le comité d’entreprise, les délégués du personnel ou la délégation unique du personnel, s’ils existent.

C.   Le champ de l’exonération de la prime

L’exonération de la prime prévue à l’article 1er se démarque nettement des dispositifs antérieurs par son caractère intégral, traduisant fidèlement l’annonce présidentielle (IV).

Elle est ainsi inédite à au moins trois titres :

– l’exonération sociale portera sur l’ensemble des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle, excluant donc également
– contrairement aux dispositifs précédents – l’assujettissement à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale et au forfait social. Figurant en dehors d’une loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), et ne faisant pas partie des exceptions prévues à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, cette exonération devra être compensée à la sécurité sociale ;

– l’exonération sociale sera doublée d’une exonération fiscale, excluant toute imposition au titre de l’IR ;

– l’exonération s’étendra aux contributions prévues en matière de formation professionnelle et d’apprentissage, recouvrant différentes taxes et contributions selon que la prime a été versée fin 2018 ([3]) ou début 2019 ([4]) afin de tirer les conséquences de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([5]). Elle inclura également dans son champ la participation des employeurs à l’effort de construction prévue à l’article 235 bis du code général des impôts.

III.   Un gain substantiel et immédiat de pouvoir d’achat

L’ensemble des paramètres constitutifs du nouveau dispositif font de la prime de pouvoir d’achat un levier immédiat de pouvoir d’achat, qu’il s’agisse :

– de l’échéance retenue, avec une obligation de versement rapide, au plus tard à la fin de l’hiver 2018-2019 ;

– du champ de l’exonération, dépassant celui appliqué lors des dispositifs antérieurs ;

– du ciblage de l’exonération sur les salariés dont la rémunération est inférieure à 3 SMIC, couvrant ainsi 90 % des salariés, et laissant de côté ceux dont la propension marginale à consommer est la moins élevée ;

– de l’interdiction de se substituer au salaire, aux primes ou aux augmentations de rémunération ;

– de l’éligibilité de l’ensemble des salariés de l’entreprise à la prime, quel que soit leur niveau de rémunération. Le plafond de 3 SMIC retenu à cet article conditionne la seule exonération, et non le bénéfice de la prime elle-même.

Cette mesure est d’autant plus attendue et bienvenue qu’elle n’emporte aucune perte de recettes pour la sécurité sociale. Il s’agit davantage d’un manque à gagner, qui se justifie totalement par l’objectif d’une injection immédiate et substantielle de pouvoir d’achat.

La prime de pouvoir d’achat reçoit en ce sens le soutien sans réserve du rapporteur. Analysée à l’aune de la bascule du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) en allègement pérenne de cotisations sociales patronales, la prime apparaît d’autant plus justifiée qu’elle permettra aux employeurs de redéployer vers leurs salariés les effets positifs constatés sur leur trésorerie en 2019.

Les premiers engagements de grandes entreprises, dès le lendemain de l’annonce du Président de la République, ne peuvent que conforter cette analyse.

*

À l’initiative du rapporteur général, la commission des affaires sociales a adopté trois amendements visant à :

– garantir l'éligibilité à la prime exceptionnelle de l'ensemble des salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018, afin notamment de garantir son bénéfice aux salariés en congé maternité ou congé formation ;

– étendre les possibilités de moduler le montant de la prime selon les paramètres définis par la négociation collective ;

– permettre à un accord de groupe – et non au seul accord d'entreprise – de prévoir le versement et les paramètres de la prime exceptionnelle.

*

*     *

Article 2
Exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires

Adopté par la commission sans modification

L’article 2 procède, dans le prolongement des mesures votées dans le cadre du PLFSS pour 2019 et des annonces du Président de la République, à une exonération de l’ensemble des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu applicables aux rémunérations issues d’heures supplémentaires ou complémentaires dès le 1er janvier 2019 pour l’ensemble des salariés et agents publics.

Ce faisant, l’article anticipe donc l’exonération sociale déjà prévue à compter du 1er septembre prochain et crée une nouvelle exonération fiscale, afin d’amplifier les gains de pouvoir d’achat des actifs concernés.

I.   la rémunération des heures supplémentaires est soumise À un régime fiscal et social de droit commun

Les heures supplémentaires et complémentaires

Le régime des heures supplémentaires et complémentaires ayant fait l’objet d’importants développements du rapporteur général dans le cadre de l’examen de l’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, on pourra utilement s’y reporter, sans préjudice du rappel des règles essentielles ci-dessous.

Pour les salariés à temps complet, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet fixée à 35 heures hebdomadaires peut être dépassée dans le respect des durées maximales de travail et minimales de repos. Ce dépassement s’effectue dans le cadre d’heures dites « supplémentaires » qui sont contingentées ([6]) afin que le contrat de travail ne soit pas dénaturé ([7]).

Elles sont toujours décidées, même implicitement, par l’employeur et les salariés ne bénéficient pas d’un « droit aux heures supplémentaires », sauf convention contraire. L’ensemble des salariés et des employeurs soumis à la réglementation de la durée du travail peuvent effectuer des heures supplémentaires, sauf pour les salariés sous convention de forfait en jours ([8]).

Ce dépassement de la durée légale du travail comporte nécessairement des contreparties : elles doivent donner lieu à une rémunération majorée dont le taux, fixé par accord collectif, ne peut être inférieur à 10 %. À défaut d’accord, le taux de la majoration est fixé à 25 % pour chacune des huit premières heures puis à 50 % au-delà. Il est également possible de compenser l’accomplissement de ces heures par un repos compensateur, et obligatoire de le faire au-delà du contingent.

Pour les salariés à temps partiel, les heures complémentaires sont en quelque sorte l’équivalent des heures supplémentaires, sous les réserves qui suivent.

Elles ne peuvent en principe excéder 10 % du temps de travail prévu par le contrat ([9]), sauf accord collectif portant cette durée à un tiers au plus des heures prévues au contrat de travail ([10]). En contrepartie, la rémunération des heures complémentaires est majorée de 10 % lorsqu’elles n’excèdent pas le dixième du temps de travail initial, et de 25 % au-delà ([11]).

A.   l’application des règles sociales et fiscales de droit commun

Par commodité, le présent commentaire évoquera le régime social et fiscal des « heures supplémentaires/complémentaires », sans jamais perdre de vue que ce sont les rémunérations auxquelles ces dernières donnent lieu qui sont concernées.

Les heures supplémentaires et complémentaires, après avoir connu un régime fortement dérogatoire au droit commun entre 2007 ([12]) et 2012 ([13]), se voient appliquer les mêmes règles que les autres formes de traitement et rémunération.

1.   Les prélèvements sociaux

Les heures supplémentaires ou complémentaires, comme les autres éléments de salaire, donnent lieu, dans les conditions précitées, à une rémunération, elle-même soumise aux prélèvements sociaux.

a.   Les cotisations sociales

Après la suppression de la cotisation salariale maladie au 1er janvier 2018 (0,75 %) et celle de la cotisation d’assurance chômage partielle depuis cette même date et totale depuis le 1er octobre 2018, les heures supplémentaires et complémentaires demeurent soumises aux seules cotisations :

– d’assurance vieillesse de base à hauteur de 6,90 % dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS : 39 732 euros) et 0,40 % au-delà ;

– d’assurance vieillesse complémentaire dans des conditions révisées par l’accord national interprofessionnel du 30 octobre 2015.

Les taux de cotisations salariales dans le cadre du régime unifié de retraite complémentaire (AGIRC-ARRCO)

À compter du 1er janvier 2019, le nouveau régime ne comportera plus que deux tranches de rémunérations :

– une première tranche (T1), pour les rémunérations n’excédant pas le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), dont le taux effectif de cotisation salariale ([14]) est de 3,15 % ;

– une seconde tranche (T2), pour les rémunérations supérieures, dont le taux effectif de cotisation salariale est de 8,64 %.

S’ajoutent à ces cotisations :

– une contribution d’équilibre général (CEG), succédant aux contributions dites « AGFF » et « GMP » ([15]) dont les taux effectifs sont fixés à 0,86 % pour la tranche 1 et 1,08 % pour la tranche 2 ;

– une contribution d’équilibre technique (CET), succédant à l’ancienne contribution exceptionnelle et temporaire (également dite « CET »), dont le taux effectif est de 0,14 % à la charge du salarié ;

– la cotisation recouverte pour le compte de l’Association pour l’emploi des cadres – dite « cotisation APEC » – dont le taux est de 0,02 % jusqu’à 4 PASS (158 928 euros).

b.   Les autres prélèvements sociaux

Les heures supplémentaires et complémentaires sont soumises également, comme les autres éléments de salaires, à la contribution sociale généralisée (9,2 %) et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (0,50 %) sur une assiette correspondant à 98,25 % du salaire brut jusqu’à 4 PASS, et 100 % au-delà.

2.   L’assujettissement à l’impôt sur le revenu

Les heures supplémentaires ou complémentaires sont déclarées comme tous les autres revenus d’activité dans la déclaration annuelle des revenus, et sont par conséquent intégrées dans le calcul de tous les autres dispositifs reposant sur le revenu déclaré pour l’établissement de l’impôt sur le revenu (prime d’activité, seuil de revenu fiscal de référence, …).

B.   L’exonération de cotisations sociales prévue par le pLFSS pour 2019

L’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 met en œuvre l’engagement pris lors de la campagne présidentielle d’exonérer de cotisations sociales les heures supplémentaires et complémentaires. Tout en se distinguant sur un plan essentiellement technique du mécanisme retenu en 2007 dans le cadre de la loi dite « TEPA » ([16]), cette exonération devait entrer en vigueur au 1er septembre 2018.

Sans reprendre le détail du dispositif qui a fait l’objet d’un commentaire complet dans le rapport législatif sur le PLFSS 2019 ([17]), suivi d’un vote conforme par le Sénat, il s’agit de rappeler ici qu’il s’agissait d’une première étape très significative en termes de pouvoir d’achat pour les salariés.

● Le champ des heures concernées était largement ouvert pour les salariés relevant du code du travail :

– heures supplémentaires « classiques », y compris celles effectuées par les salariés ayant signé une convention de forfait en heures sur la semaine ou le mois ;

– heures supplémentaires spécifiques des salariés en convention de forfait annuel en heures pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures ‑ généralement cadres non-dirigeants ou non-cadres autonomes ;

– les heures accomplies au-delà de la durée légale – ou de celle définie par accord collectif – par les salariés ayant demandé le bénéfice d’une réduction de la durée de travail pour besoins personnels ;

– les heures effectuées au-delà de la période de référence pour les salariés travaillant dans une entreprise ayant mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail ;

– les jours de travail effectués à la place des jours de repos – lorsque le salarié y a renoncé – au-delà de 218 jours, dans le cadre de conventions de forfait annuel en jours ;

– les heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel ; les heures supplémentaires effectuées par les salariés des particuliers employeurs ;

– les heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les assistants maternels ou encore celles effectuées par les autres salariés dont la durée de travail ne relève ni du code du travail ni du code rural et de la pêche maritime, mais est fixée par la convention collective applicable.

● La mesure s’appliquait très largement en termes de publics visés puisqu’elle concernait, outre les salariés relevant du code du travail, les salariés agricoles, dans les mêmes conditions que les autres salariés, ainsi que les agents publics et salariés des régimes spéciaux pour les heures supplémentaires comme complémentaires, dans des conditions qui devaient être précisées par voie réglementaire.

● Enfin, fixé par voie réglementaire, le montant de l’exonération sociale n’était pas plafonné, contrairement au choix qui avait été fait en 2007 ([18]), si bien que celle-ci « neutralisait » ([19]) complètement l’ensemble des cotisations auxquelles sont encore soumises les heures supplémentaires et complémentaires (cotisations vieillesse de base et complémentaire notamment, voir ci-dessus) ; le texte adopté permettait, selon des modalités adaptées, d’atteindre le même résultat pour les fonctionnaires et les agents contractuels publics.

II.   Le présent article propose d’exonérer les heures supplémentaires d’impÔt sur le revenu et de cotisations sociales dès le 1er janvier 2019

Dans le souci d’amplifier les effets sur le pouvoir d’achat, le dispositif proposé anticipe au 1er janvier l’exonération de cotisations sociales prévue en PLFSS et crée une exonération d’impôt sur le revenu, dans des conditions proches de celles qui avaient été retenues en 2007.

A.   Une anticipation de l’exonération de cotisations sociales au 1er janvier

● Le dispositif d’exonération de cotisations sociales de l’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale devait entrer en vigueur au 1er septembre 2019.

Afin d’anticiper ses effets positifs, le II du présent article anticipe cette entrée en vigueur au 1er janvier 2019.

Au total, le gain résultant de la mesure pour les actifs concernés devrait quasiment tripler pour 2019.

● Cette anticipation aura deux conséquences financières notables :

– un « coût » correspondant à huit mois d’application du dispositif supplémentaires qui devrait représenter 1,3 milliard d’euros en 2019, avant de redevenir nul dès 2020 par rapport à la trajectoire dessinée par le PLFSS pour 2019 ;

– ce « surcoût » de la mesure, par rapport au PLFSS, sera porté par l’État, puisque le droit proposé au présent article n’est pas couvert par la non-compensation votée à l’article 7 du PLFSS pour 2019 ([20]) ; elle aura donc, à défaut de disposition contraire dans la prochaine loi de financement, une contrepartie dans des crédits budgétaires en application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

B.   Une nouvelle exonération fiscale

● Le du I du présent article rétablit l’article 81 quater, abrogé en 2012, en vue de compléter l’exonération sociale par une exonération fiscale au bénéfice des salariés.

Dans la rédaction proposée, cet article exonère d’impôt sur le revenu, les rémunérations, majorations et éléments de rémunérations mentionnés au I et III l’article L. 241-17 rétabli par l’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le champ des rémunérations éligibles à l’exonération fiscale est donc, par un effet de renvoi, identique à l’exonération sociale prévue par le PLFSS pour 2019. L’exonération a donc vocation à s’appliquer très largement à l’ensemble des salariés à temps complet comme à temps partiel, y compris dans des situations conventionnelles spécifiques, agents publics ou salariés relevant des régimes spéciaux (voir ci-dessus).

L’exonération est toutefois subordonnée au respect de plusieurs conditions :

– elle n’est possible que si l’exonération sociale l’est également ; sur le plan rédactionnel, le dispositif proposé inverse donc la logique du dispositif dit « TEPA », sans modifier son fonctionnement concret ; l’exonération fiscale est donc conditionnée, comme l’exonération sociale, à l’éligibilité des rémunérations, à l’absence de simple substitution à d’autres éléments de rémunération (V de l’article L. 241-17) ([21]) ; de même, les rémunérations prises en compte sont plafonnées au niveau des majorations conventionnelles ou, à défaut, des majorations législatives précitées ;

– elle est par ailleurs limitée par un plafond annuel d’exonération de 5 000 euros, soit 417 euros par mois en moyenne ; le dispositif demeure largement ouvert puisque 95 % des heures déclarées donnent lieu à une rémunération annuelle plus faible ([22]) ; l’existence de ce plafond, qui n’était pas prévu en 2007, permettra de recentrer les moyens importants consacrés à la mesure vers les salariés auxquels celle-ci sera la plus utile.

● Le du I assure une coordination avec l’article 1417 du code général des impôts qui définit le revenu fiscal de référence, base de calcul de nombreux seuils et aides. Les heures supplémentaires et complémentaires, bien qu’exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales, continueront donc à être prises en compte dans l’évaluation « réelle » des revenus pour le bénéfice de certains dispositifs.

● Le du I prévoit une application de l’exonération fiscale dès le 1er janvier 2019, comme pour l’exonération sociale, ce qui devrait créer un effet global particulièrement positif pour les actifs concernés.

● Le coût de la mesure est fixé à 1,9 milliard d’euros en année pleine ([23]) de perte de recettes pour l’État, tempéré par l’effet globalement positif de la mesure en phase de reprise économique, pour soutenir l’offre dans un marché du travail plus tendu ainsi que la consommation avec un effort de soutien à des catégories ayant une forte propension marginale à consommer.

C.   Un effet massif de l’ensemble du dispositif sur le pouvoir d’achat

Prolongeant une démarche engagée dès le début de la législature pour l’amélioration du pouvoir d’achat des actifs, notamment par la suppression des cotisations salariales maladie et chômage de droit commun, le présent article amplifie encore le mouvement de soutien à la rémunération du travail.

Les effets de la double exonération devraient être à la fois simultanés, avec une entrée en vigueur commune au 1er janvier, mais aussi massifs pour les nombreux actifs qui effectuent des heures supplémentaires. Ainsi, l’étude d’impact annexée au présent projet de loi indique qu’un salarié célibataire et sans enfant rémunéré 1 500 euros nets par mois et qui effectue 109 heures supplémentaires chaque année le gain pourrait être de 500 euros chaque année, soit le double de ce qu’il aurait gagné avec la seule exonération sociale en année pleine (235 euros), et sept fois plus que ce qu’il aurait gagné en 2019 en raison de l’entrée en vigueur initialement prévue au 1er septembre. Le gain moyen devrait être de 200 euros chaque année sur le volet social, sur la base d’une moyenne constatée de 1 756 euros de rémunération liée aux heures supplémentaires ou complémentaires en 2015, auquel s’ajoute un gain fiscal en fonction des revenus du foyer.

Les gains importants, au total 3,8 milliards d’euros en année pleine ([24]), seront concentrés vers les revenus faibles et moyens qui recourent structurellement davantage aux heures supplémentaires et complémentaires (entre 51 % et 59 % dans les trois premiers quartiles contre seulement 31 % dans le dernier quartile), et notamment les employés (46 %) et les ouvriers (66 %) ([25]). Parmi les agents publics qui pourraient être les premiers bénéficiaires de la mesure, on peut également citer – sans prétendre à l’exhaustivité – les enseignants puisque 84 % des professeurs certifiés et 100 % des professeurs agrégés réalisent des heures supplémentaires ou complémentaires ([26]).

*

*     *

Article 3
Rétablissement de la CSG à 6,6 % pour certains titulaires
de revenus de remplacement

Adopté par la commission avec modifications

L’article 3 a pour objet de ramener en 2019 de 8,3 à 6,6 % le taux de contribution sociale généralisée (CSG) applicable aux pensions de retraite et d’invalidité, pour les personnes dont la pension mensuelle nette n’excède pas 2 000 euros (s’agissant des personnes vivant seules).

Pour 5 millions de retraités, l’augmentation de CSG de 1,7 point subie en 2018 – pour contribuer au financement de la suppression des cotisations salariales d’assurance maladie et d’assurance chômage – serait donc annulée.

Le coût pour les finances sociales est estimé à 1,3 milliard d’euros.

I.   la suppression en LFSS 2018 des cotisations salariales d’assurance maladie et d’assurance chômage, financée par une augmentation du taux normal de csg, a amplifié des effets de seuil corrigés en lfss 2019.

A.   les dispositions de la lfss 2018

1.   La « bascule » opérée en 2018 est favorable au pouvoir d’achat des actifs.

● Conformément aux engagements de campagne du Président de la République, l’article 8 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 ([27]) a redonné du pouvoir d’achat aux salariés, en supprimant dès janvier 2018 la cotisation salariale d’assurance maladie (0,75 % de la rémunération) et la cotisation salariale d’assurance chômage (2,4 %) en deux temps (– 1,45 point en janvier, le solde de 0,95 point en octobre).

Afin de financer ces suppressions, le taux de la contribution sociale généralisée (CSG) a été augmenté de 1,7 point en janvier dernier. Pour un salarié, le gain lié à la « bascule » opérée en LFSS 2018 est très net, puisque la CSG a augmenté de 1,7 point mais la suppression des cotisations maladie et chômage a allégé la charge, sur la même assiette, de 3,15 points (soit un gain net de 1,45 point). Pour un salarié percevant le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), le gain attendu est de 263 euros par an.

● Cette bascule a le mérite d’augmenter le salaire net des actifs en faisant davantage contribuer au financement de la protection sociale les titulaires de revenus de remplacement et de revenus du capital. En effet, à la différence des cotisations supprimées, dues par les seuls actifs, la CSG frappe toutes les catégories de revenus. En toute rigueur, il faudrait d’ailleurs parler « des CSG », car « la CSG » n’est pas un impôt unique, mais la collection de quatre impôts « cédulaires », qui frappent à des taux différents plusieurs catégories de revenus.

Les différents taux normaux de CSG
(après augmentation de 1,7 point par la LFSS 2018)

Les revenus d’activité et de remplacement sont soumis au taux de droit commun de 9,2 %, avec les exceptions suivantes :

– les allocations chômage et les indemnités journalières de sécurité sociale sont soumises à un taux de 6,2 % * ;

– les pensions de retraite et d’invalidité sont soumises à un taux de 8,3 %.

Les revenus dits « du capital » sont soumis au taux de 9,9 % :

– revenus du patrimoine (revenus fonciers, par exemple) ;

– produits de placement (intérêts des comptes sur livret, par exemple) ;

La CSG frappe également les produits de certains jeux, en distinguant deux assiettes :

– le produit brut des jeux de casino, soumis à un taux de 11,2 ou 13,7 % selon la nature du jeu ;

– les jeux exploités par La Française des jeux, soumis à un taux de 8,6 %.

* Ce taux n’a pas été augmenté par la LFSS 2018.

Source : commission des affaires sociales.

2.   Les taux de CSG nul ou réduit applicables aux revenus de remplacement modestes n’ont pas été augmentés.

La LFSS 2018 a exclu de l’augmentation uniforme de 1,7 point deux taux de CSG, applicables aux pensions de retraite et d’invalidité et aux allocations chômage modestes, qui sont restés de 0 et 3,8 %.

Le III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale soumet en effet ces revenus de remplacement à un taux réduit (3,8 %) ou nul, sous réserve que leur montant n’excède pas certains seuils.

Le taux nul s’applique aux pensions et allocations d’une année N lorsque le revenu fiscal de référence (RFR) de l’année N–2 n’excède pas 11 018 euros ([28]) pour la première part de quotient familial, c’est-à-dire pour une personne seule ([29]). Le seuil est majoré à hauteur de 2 942 euros par demi-part supplémentaire, ce qui le porte à 16 902 euros pour un couple ([30]). Ces seuils sont majorés outre-mer, plus encore en Guyane que dans les autres départements.

Le taux réduit s’applique aux pensions et allocations d’une année N, lorsque le RFR de l’année N–2 excède le seuil en-deçà duquel s’applique le taux nul, sans excéder 14 404 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 3 846 euros par demi-part supplémentaire (avec également des majorations plus importantes outre-mer).

Le revenu fiscal de référence

Défini au IV de l’article 1417 du code général des impôts, le RFR est indiqué sur l’avis d’imposition ou de non-imposition du revenu, adressé à chaque foyer fiscal. Il ne correspond pas exactement au revenu net imposable du foyer, car plusieurs éléments sont ajoutés à ce revenu net, afin de tenir compte des capacités contributives effectives du foyer. Sont ainsi réintégrés certains abattements (par exemple l’abattement de 40 % sur les dividendes), certains revenus exonérés (par exemple les bénéfices exonérés en application des dispositifs « zonés » – zones franches urbaines, zones de revitalisation rurale, etc.), certains revenus exclus du barème mais soumis à un prélèvement forfaitaire libératoire (par exemple les produits des contrats d’assurance-vie). Parce qu’il donne justement un aperçu assez complet de la capacité contributive réelle, le RFR sert couramment de critère pour déterminer le bénéfice de certains avantages fiscaux et sociaux, et de certaines prestations sociales.

Le RFR est apprécié au niveau du foyer fiscal, et non de chaque personne assujettie à la CSG prise isolément. Ainsi, alors que la CSG est un impôt individuel, l’appréciation des seuils d’assujettissement aux taux nul ou réduit est familialisée, et tient compte de l’ensemble des revenus du foyer, pas seulement des pensions ou allocations possiblement concernées par les taux nul ou réduit. Pour ce faire, il faut se référer à la dernière situation fiscale connue avec certitude au cours de l’année N, c’est-à-dire celle de l’année N–2 (les revenus de l’année N–1 ne sont pas connus avant septembre de l’année N).

Source : commission des affaires sociales.

B.   les dispositions de la lfss 2019

1.   Le relèvement du taux normal de CSG sur les revenus de remplacement a renforcé les effets du franchissement du seuil d’application de ce taux.

Comme le relève l’exposé des motifs de l’article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019, devenu article 14 du texte définitivement adopté ([31]) , « le franchissement [du seuil d’assujettissement au taux normal] conduit ainsi à une hausse importante des prélèvements dus, alors que l’accroissement de revenu peut être limité, voire temporaire ; par ailleurs, la hausse de prélèvement s’applique deux ans plus tard alors que les revenus ont pu entretemps se réduire de nouveau ». Si ce phénomène n’a rien de nouveau, son effet a été accru par l’augmentation du taux normal.

Au 31 décembre 2016, dernière date pour laquelle des données sont disponibles, ce sont 3,5 % des retraités du régime général qui, d’une année sur l’autre, se voyaient appliquer le taux normal de CSG (1,9 % passant du taux réduit au taux normal, et 1,6 % du taux nul au taux normal).

2.   Les effets de franchissement de seuil ont été tempérés par l’article 14 de la LFSS 2019.

● L’objet de l’article 14 de la LFSS 2019 est d’éviter que le franchissement du seuil d’assujettissement au taux normal en N–2 donne lieu à application dudit taux normal en N, s’il s’avère que le franchissement est temporaire, par exemple du fait de la perception par le foyer fiscal, au cours de cette année N–2, d’un revenu non récurrent. Pour ce faire, il est prévu de conditionner l’application du taux normal au franchissement du seuil deux années consécutives, à la fois en N–2 mais également en N–3.

Pour la CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité et sur les allocations chômage due à compter du 1er janvier 2019, le taux normal s’appliquera donc si les RFR de 2017 mais aussi de 2016 sont supérieurs au seuil. Si le RFR de 2017 est supérieur mais que celui de 2016 est inférieur, le taux nul ou réduit continuera de s’appliquer. Si la hausse de RFR en 2017 n’est pas temporaire, et que le seuil est également franchi en 2018, alors la CSG s’appliquera en 2020 au taux normal, les RFR de N–2 (2018) et de N–3 (2017) étant supérieurs au seuil.

Comme le relève l’étude d’impact annexée à l’article 11 du PLFSS 2019, cela signifie qu’ « aucun foyer assujetti en 2018 à la CSG au taux de 3,8 % ne remplirait le double critère pour devenir redevable de la CSG à 8,3 % en 2019 » ; en effet, quel que soit le montant de RFR 2017, le RFR 2016 est par construction inférieur au seuil d’assujettissement au taux normal, puisqu’il est ici question de foyers éligibles au taux réduit en 2018. En conséquence, « pour ces assurés, le taux de 3,8 % serait maintenu en 2019 et le taux normal ne s’appliquerait qu’en 2020, seulement si le montant de RFR de 2018 reste bien supérieur au seuil ».

● Plus de 350 000 foyers seraient ainsi épargnés chaque année des conséquences d’une augmentation provisoire de leur RFR N–2, dont 130 000 passant du taux nul au taux normal. Le coût pour les administrations de sécurité sociale serait de 350 millions d’euros par an, essentiellement au titre des pensions de retraites (330 millions, et seulement 20 pour les autres revenus de remplacement). Le gain moyen serait donc élevé, à hauteur de 928 euros par foyer ; il serait supérieur à 1 000 euros pour plus de 40 % des foyers.

II.   le droit proposé

A.   philosophie générale

● L’augmentation de 1,7 point du taux normal de CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité a touché, en 2018, environ 8 millions de pensionnés du régime général, soit environ 60 % des retraités. Le 10 décembre dernier, le Président de la République a jugé que pour une partie de ces retraités, « l’effort qui leur a été demandé était trop important et il n’était pas juste » ([32]).

Cet article a donc pour objet de revenir à la situation antérieure à 2018 pour ceux des retraités qui touchent moins de 2 000 euros par mois, conformément à l’engagement présidentiel. Ce seuil de 2 000 euros nets mensuels est celui retenu pour un retraité vivant seul et percevant sa pension comme seul revenu. Converti en RFR annuel de 2017, ce seuil correspond à 22 580 euros. Pour un couple, il sera de 34 636 euros, chaque demi-part supplémentaire valant 6 028 euros (cf. infra).

Ce sont 3,8 millions de foyers de retraités, soit environ 5 millions de personnes, qui verront leur taux de CSG réduit, pour un coût net estimé à 1,3 milliards d’euros pour les administrations publiques.

● L’exposé des motifs indique que « compte tenu des délais de mise en œuvre de la mesure, les titulaires de revenus de remplacement concernés bénéficieront d’un remboursement […] au titre des prélèvements intervenus sur les premiers mois de l’année ».

En effet, la CSG sur les pensions est précomptée par les caisses de retraite, qui « devront modifier leur système d’informations et les flux d’informations avec les services fiscaux pour les opérations de contrôle sur les revenus servant à l’application du nouveau critère d’assujettissement à la CSG au taux de 6,6 % », ce qui nécessitera un délai incompressible.

B.   détails du dispositif juridique proposé

1.   La création d’un taux de 6,6 % pour certains pensionnés

● Le du III du présent article constitue le cœur du dispositif proposé.

Il procède tout d’abord à une rédaction globale du III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale dans sa version issue de la LFSS 2019. Cette réécriture ne modifie en rien le fond du droit exposé supra, mais se contente d’actualiser les seuils de RFR applicables en 2019, compte tenu de l’inflation.

Surtout, il insère un III bis nouveau, qui prévoit l’application d’un taux de CSG de 6,6 % aux pensions de retraite et d’invalidité perçues par les personnes dont le RFR de l’année N–2 excède les seuils d’application du taux réduit de 3,8 %, sans dépasser 22 580 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 6 028 euros par demi-part supplémentaire ([33]).

● Si le V prévoit l’application de ce nouveau taux à la CSG due pour les périodes courant à compter du 1er janvier 2019, il aménage toutefois un dispositif spécifique pour l’application du III bis nouveau : pour les pensions perçues entre le 1er janvier et la mise en œuvre effective de la baisse de taux, l’application du taux réduit de 6,6 % résultera d’une régularisation opérée au plus tard le 1er juillet prochain, dans des conditions prévues par décret.

2.   Diverses dispositions de conséquence

a.   Les règles de déductibilité de la CSG à 6,6 % pour l’établissement de l’impôt sur le revenu

● Lors de sa création par la loi de finances pour 1991 ([34]), la CSG, alors au taux de 1,1 %, n’a pas été exclue de l’assiette de l’impôt sur le revenu (IR), suivant la règle usuelle selon laquelle les autres impôts ne sont pas regardés comme des charges déductibles du revenu imposable.

Le législateur a entendu faire exception à cette règle pour l’augmentation de 1,3 point du taux de CSG, cette quotité supplémentaire ayant été rendue déductible par la première loi de finances rectificative (LFR) pour 1993 ([35]).

L’exception n’aura toutefois pas eu le temps d’entrer en vigueur, puisque la loi de finances pour 1994 ([36]) l’a abrogée : depuis lors, 2,4 points de CSG sur les revenus d’activité et de remplacement sont demeurés non déductibles.

En revanche, les augmentations successives du taux de CSG en 1997 (+ 1 point) et 1998 (+4,1 points) ont été rendues déductibles ([37]), car ces nouvelles quotités de CSG se substituaient aux cotisations salariales d’assurance maladie, quasi-intégralement supprimées, et qui elles étaient déductibles de l’assiette de l’IR ([38]).

En 2004, l’augmentation de CSG sur les revenus du capital et sur les pensions (+ 0,7 point) a été rendue déductible ([39]). La loi de finances pour 2013 ([40]) est revenue sur cette déductibilité s’agissant des revenus du capital, portant la fraction de CSG non déductible de 2,4 à 3,1 points.

La CSG sur les jeux n’est quant à elle pas déductible.

L’augmentation de CSG prévue l’article 8 de la LFSS 2018 se substituant à des cotisations déductibles de l’assiette de l’IR en application de l’article 83 du code général des impôts, la logique retenue en 1997 et 1998 a prévalu : l’article 67 de la loi de finances pour 2018 ([41]) a donc prévu la déductibilité de la quotité supplémentaire de 1,7 point.

● Par cohérence avec la règle la plus générale de déductibilité, le I du présent article modifie l’article 154 quinquies du code général des impôts, pour fixer à 4,2 points la fraction déductible de la CSG à 6,6 % (soit une part non déductible de 2,4 points).

Le tableau suivant récapitule les fractions déductibles et non déductibles de CSG, en tenant compte des dispositions du présent article.


fractions de csg déductibles et non déductibles
selon les catégories de revenus

 (en points)

Catégories de revenus

CSG déductible

CSG non déductible

Total

Revenus d’activité et de remplacement

6,8

2,4

9,2

Pensions de retraite et d’invalidité soumises au taux normal

5,9

2,4

8,3

Pensions de retraite et d’invalidité soumises au nouveau taux de 6,6 %

4,2

2,4

6,6

Allocations chômage et indemnités journalières de sécurité sociale

3,8

2,4

6,2

Revenus de remplacement soumis au taux réduit

3,8

0

3,8

Revenus de remplacement exonérés

0

0

0

Revenus du capital

6,8

2,4

9,2*

* : Taux réduit de 0,7 point par l’article 26 de la LFSS 2019 (cf. infra).

Source : commission des affaires sociales.

● Le IV prévoit que la déductibilité à hauteur de 4,2 points s’applique à compter de l’imposition des revenus de l’année 2019, dans la généralité des cas, ou à compter de l’imposition des revenus de l’année 2020 dans le cas particulier de la CSG sur les revenus mentionnés au II bis de l’article L. 136-5 du code de la sécurité sociale.

La CSG sur les revenus concernés, de nature très diverse (revenus de source étrangère, stock-options, gain d’acquisition dans le cadre d’une attribution gratuite d’actions, dédommagement d’un aidant familial par le bénéficiaire de la prestation de compensation du handicap), est recouvrée dans les mêmes conditions que la CSG sur les revenus du patrimoine, avec un an de décalage par rapport à la perception des revenus. En l’espèce, seules seraient concernées les pensions de source étrangère.

b.   Les règles d’affectation de la CSG à 6,6 %

Les quotités de CSG affectées aux régimes d’assurance maladie varient selon les cédules concernées. L’article 26 de la LFSS 2019 a réorganisé cette affectation, codifiée à l’avenir au 3° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale ([42]).

Le du III du présent article tire les conséquences de l’introduction d’un nouveau taux à 6,6 % :

– en mentionnant au 3° de l’article L. 131-8 le III bis nouveau de l’article L. 136-8 (a) du 1°) ;

– en prévoyant l’affectation aux régimes d’assurance maladie d’une fraction de CSG à 6,6 % correspondant à un taux de 5,05 % (b) du 1°).

c.   Une correction rédactionnelle

En première lecture de l’article 11 du PLFSS 2019, le Parlement a adopté, un amendement prévoyant un mécanisme d’atténuation strictement identique à celui prévu en matière de CSG, mais s’agissant du calcul de la contribution de solidarité pour l’autonomie, assise au taux de 3 % sur les pensions dont le montant excède le seuil d’assujettissement au taux normal de CSG.

Le II du présent article apporte à cette mesure une modification d’ordre rédactionnel.

*

La commission des affaires sociales a adopté trois amendements d’ordre rédactionnel du rapporteur.

*

*     *

Article 4
Remise au Parlement d’un rapport sur la revalorisation de la prime d’activité

Adopté par la commission avec modifications

L’article 4 prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité qui relève du pouvoir réglementaire.

● Le Président de la République ayant évoqué le 11 décembre dernier une hausse de cent euros du revenu au niveau du SMIC, sans surcoût pour les employeurs, cette annonce ne saurait être mise en œuvre par une nouvelle revalorisation de son montant et passe nécessairement par une mesure d’accompagnement avec un financement public.

● Créée en 2016 ([43]), la prime d’activité a remplacé deux dispositifs (prime pour l’emploi et revenu de solidarité active – RSA – dit « activité ») dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et l’exclusion sociale, afin d’accompagner les revenus du travail faibles et de renforcer les incitations à la reprise d’activité.

Il s’agit d’un complément de revenu mensuel versé aux travailleurs modestes ([44]), qu’ils soient salariés, fonctionnaires ou indépendants. La prime combine les caractéristiques des deux dispositifs qu’elle a remplacés :

– une part est « familialisée », sur le modèle du RSA « activité » ; elle fonctionne donc comme une allocation différentielle qui tient compte des ressources du foyer ainsi que de sa composition ;

– une part, appelée « bonification individuelle », sur le modèle de la prime pour l’emploi, est conçue pour accompagner plus spécifiquement la reprise d’activité entre 0,5 et 1,2 SMIC avec une bonification maximale à 0,8 SMIC, puis fixe au-delà.

Il en résulte que le calcul de la prime d’activité peut se montrer relativement complexe, en raison de l’association de ces deux dimensions :

Formule de calcul de la prime d’activité

Prime d’activité = montant forfaitaire (en fonction de la composition du foyer) + 61 % du revenu d’activité + bonification individuelle – ressources du foyer (y compris prestations familiales) – forfait logement – [montant forfaitaire – (ressources du foyer + forfait logement), si > 0]

La prime d’activité demeure toutefois un dispositif simplifié par rapport aux deux mécanismes qu’elle a remplacés : l’aide est unique et versée en cours d’année en fonction des revenus du trimestre précédent, l’âge d’accès a été fixé à 18 ans, alors qu’il était de 25 ans pour le RSA « activité » ; les démarches auprès de la caisse d’allocations familiales, qui en assure le versement, ont été entièrement dématérialisées ; enfin, le montant versé est stable sur un trimestre même en cas de variation des revenus.

C’est cet outil qui a été privilégié par le Gouvernement pour mettre en œuvre l’annonce du Président de la République.

● L’article L. 842-3 du code de la sécurité sociale ne prévoit que la formule de calcul, et renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer la « pente » et le « point de sortie » de la bonification, ainsi que le niveau du montant forfaitaire et de ses majorations en fonction de la situation familiale. La révision du montant de la prime d’activité relève donc principalement d’un décret.

Toutefois, des mesures législatives ont d’ores et déjà prévu la possibilité d’un rehaussement réglementaire :

– l’article 65 du projet de loi de finances (PLF) pour 2019, adopté conforme au Sénat, avait déjà prévu une revalorisation différente de l’indexation sur l’inflation prévue à l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale ;

– l’article 82 du même PLF prévoyait une revalorisation à partir d’avril 2019 qui se serait traduite par une nouvelle bonification maximale au niveau du SMIC de 20 euros par mois, complétée en 2020 puis 2 021 et 2022 pour atteindre 60 euros supplémentaires au total ([45]) ; modifié en première lecture au Sénat à l’initiative du Gouvernement, cet article prévoit désormais une nouvelle bonification au 1er janvier 2019 qui pourra servir de fondement législatif à un nouveau décret.

Le Premier ministre a précisé le 17 décembre dernier les contours de cette mesure qui passera entièrement par un élargissement – 1,2 million de personnes supplémentaires deviendraient éligibles contre 3,8 millions dans le droit existant –et une hausse de son montant avec un effet maximal de 100 euros au niveau du SMIC pour un célibataire, réparti de la façon suivante :

– une hausse immédiate de 90 euros via la revalorisation réglementaire de la prime d’activité ;

– une revalorisation du SMIC de 16 euros, dont les effets seront neutralisés à hauteur de 6 euros par le mode de calcul de la prime d’activité ([46]).

Le dispositif résulte donc uniquement de mesures nouvelles qui s’ajoutent à la hausse du 1er octobre dernier de la prime d’activité (+ 20 euros sur le montant forfaitaire) ou à la suppression à cette même date des cotisations salariales maladie et chômage pour un gain net de 22 euros par mois pour un salarié au SMIC.

La mesure « prime d’activité » devrait coûter 2,6 milliards d’euros supplémentaires à l’État en 2019 ([47]), avant une décroissance progressive les trois années suivantes, une partie de la hausse ayant été budgétée par le Gouvernement dans le cadre de la hausse graduelle initialement envisagée.

● Le présent article prévoit la remise d’un rapport sur la « revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité six mois après la promulgation de la loi. », permettant ainsi au Parlement de disposer d’un document complet lui permettant d’apprécier « la mise en œuvre opérationnelle » et l’ « impact sur le pouvoir d’achat des foyers bénéficiaires » de la mesure annoncée de revalorisation au 1er janvier 2019.

Ce rapport ne se limitera pas à la seule question de la revalorisation puisqu’il a également vocation à éclairer la représentation nationale sur le niveau de « recours à la prestation » et son « impact sur le pouvoir d’achat des ménages modestes ».

Le rapporteur salue le souci de transparence dont procède cet article ; il n’est en effet pas commun que le Gouvernement propose spontanément un rapport au Parlement. Quoiqu’originale, la démarche est pleinement justifiée : la plus-value d’un travail gouvernemental sur cette question est incontestable, dès lors que le sujet est à la fois complexe et de niveau essentiellement réglementaire.

*

La commission des affaires sociales a adopté à l’initiative de M. Boris Vallaud et de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, et avis favorable du rapporteur, un amendement supprimant la mention «, le cas échéant, » qui assortissait les possibles préconisations de réforme du rapport.

 


—  1  —

   Annexe :
Textes susceptibles d’être modifiés à l’occasion de l’examen du projet de loi

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d'article

2

Code général des impôts

81 quater

2

Code général des impôts

1417

3

Code général des impôts

154 quinquies

3

Code de l'action sociale et des familles

L14-10-4

3

Code de la sécurité sociale

L131-8

3

Code de la sécurité sociale

L136-8


—  1  —

   comptes rendus des débats en commission

I.   Compte rendu de l’audition des ministres et de la discussion générale

Réunion du mercredi 19 décembre 2018 à 13 heures

La commission procède à laudition de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, et à la discussion générale sur le projet de loi portant mesures durgence économiques et sociales (n° 1516) (M. Olivier Véran, rapporteur général).

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7106841_5c1a313569750.commission-des-affaires-sociales--mme-agnes-buzyn-et-mme-muriel-penicaud-ministres-sur-le-projet--19-decembre-2018

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je souhaite la bienvenue à Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et à Muriel Pénicaud, ministre du travail.

Chers collègues, nous disposons de deux heures avant de rejoindre l’hémicycle, pour les questions au Gouvernement. Aussi vous demanderai-je de respecter les temps de parole : deux minutes pour les orateurs des groupes, une minute pour les députés souhaitant poser une question.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la présidente, je tiens d’abord à vous remercier d’avoir organisé, dans des délais contraints par l’urgence de la situation, cette audition sur le projet de loi portant mesures d’urgence économiques et sociales. En effet, le texte a été adopté en conseil des ministres il y a moins d’une heure.

Les mesures qu’il contient ont été annoncées par le Président de la République le 10 décembre, et précisées par le Premier ministre à la tribune de cette assemblée jeudi dernier. Elles ont été élaborées en lien étroit avec les deux chambres, en amont de la discussion parlementaire, grâce notamment à un échange constant entre les rapporteurs Olivier Véran et Jean-Marie Vanlerenberghe. Je tiens à saluer cette démarche parlementaire, en particulier dans le contexte actuel, car elle témoigne de la capacité de la démocratie représentative à apporter à nos concitoyens des réponses à la fois rapides, fortes et concrètes, afin que chacun puisse vivre décemment de son travail et choisir sa vie professionnelle.

Aujourd’hui, cette capacité collective à concrétiser une société d’émancipation sociale, par le travail et la formation, de justice sociale, qui rompe avec les droits formels et le déterminisme, est questionnée. Depuis dix-huit mois, le Gouvernement a engagé une profonde transformation de notre modèle économique et social, conformément aux engagements pris par le Président de la République devant les Français. C’est le sens des réformes du code du travail, de l’apprentissage, de la formation, de l’éducation et de l’investissement sans précédent dans les compétences ; c’est aussi le sens de la loi PACTE.

Tel est notre cap, stimuler la croissance, mais la rendre riche en emplois et inclusive, afin que chaque personne qui travaille puisse choisir, et non pas subir, son avenir. Ces transformations, parce quelles sont dune ampleur inédite et quelles répondent à des questions posées depuis des décennies, nécessitent du temps.

Les dernières semaines ont rappelé cette vérité forte : un nombre important de personnes, qui pourtant travaillent, ont du mal à joindre les deux bouts et sont dépourvues de toute autonomie financière. Or tout notre projet s’articule autour du travail, qui doit payer et permettre de s’émanciper. Certains de nos concitoyens, alors même qu’ils travaillent ou qu’ils ont travaillé toute leur vie, commencent à éprouver des difficultés dès le 15 du mois – il est difficile d’envisager son avenir, celui de ses enfants ou de ses petits-enfants dans ce contexte.

Tout le monde reconnaîtra que la situation ne date pas d’aujourd’hui. Mais ce désespoir des vies empêchées s’est clairement exprimé depuis plus d’un mois dans une colère puissante ; cette souffrance s’est matérialisée dans le mouvement des « gilets jaunes » et les soutiens dont ils ont fait l’objet. Si les mesures de ce projet de loi n’ont pas vocation à résoudre tous les problèmes, elles constituent des réponses concrètes et rapides, à même d’apporter l’apaisement. Cet apaisement sera consolidé si nous parvenons à régénérer notre bien commun, la démocratie. C’est le sens du grand débat national qui débutera dans les prochains jours.

Pour l’heure, il s’agit de présenter des réponses visibles, qui s’adressent à ceux qui travaillent ou qui ont travaillé et qui en ont le plus besoin. C’est le sens des quatre articles du projet de loi ; je présenterai les deux premiers.

L’article 1er porte sur la prime exceptionnelle, la possibilité pour une entreprise de verser, de façon volontaire, aux salariés rémunérés jusqu’à trois fois le SMIC – soit 3 512 euros – une prime exceptionnelle qui sera exonérée jusqu’à 1 000 euros net de toute charge sociale et de l’impôt sur le revenu. La prime devra être versée avant le 31 mars. L’incitation est puissante puisque le brut équivaudra exactement au net : c’est la première fois que ce type de dispositif exceptionnel est exonéré de CSG et de CRDS.

Larticle 2 permet aux salariés et aux fonctionnaires qui effectuent des heures supplémentaires de ne plus payer ni cotisations salariales ni impôt sur le revenu, à concurrence dune rémunération annuelle nette, au titre des heures supplémentaires, de 5 000 euros. La mesure entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2019. Comme vous le savez, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoyait une mesure semblable, qui est donc avancée dans le temps et élargie quant à son périmètre, puisquà lexonération des charges sociales vient sajouter celle de limpôt sur le revenu. Le gain de pouvoir dachat dépendra évidemment de la rémunération ou du niveau dimposition des salariés. À titre dexemple, un salarié qui effectue deux heures supplémentaires par semaine – ce qui correspond à la moyenne constatée –, et qui est rémunéré 1 500 euros net, constatera un gain de pouvoir dachat annuel denviron 500 euros net – 235 euros pour le volet social et 265 euros pour le volet fiscal.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. L’article 3 concerne la hausse de la CSG pour les personnes pensionnées. La hausse de CSG intervenue en janvier 2018 a été perçue comme injuste et difficile à supporter par les retraités, même si, il faut le rappeler, 40 % des retraités les plus modestes en avaient été exonérés d’emblée. Dès lors, le projet de loi rétablit, à compter du 1er janvier 2019, le taux de CSG à 6,6 % pour la moitié des retraités qui avaient supporté la hausse de CSG de 1,7 point l’année dernière. Ce sont 3,8 millions de foyers et 5 millions de retraités qui bénéficieront de ces dispositions.

Concrètement, pour un retraité percevant une retraite avant cotisations sociales de 1 600 euros, et sans autre revenu par ailleurs, le gain de pouvoir d’achat sera de 325 euros dans l’année. Avec cette mesure, seuls 30 % des foyers fiscaux avec un retraité auront un taux de CSG de 8,3 % ; 70 % des retraités ne seront plus touchés par la hausse

Compte tenu des délais nécessaires pour modifier les systèmes d’information, la baisse du taux de CSG ne pourra être appliquée sur les pensions versées dès le 1er janvier, mais le trop prélevé donnera lieu à un remboursement, dès la mise en place de la réforme, sans doute au mois de mai pour les pensions d’avril, même si le projet de loi mentionne la date butoir du 1er juillet.

Je souhaite parler de la prime d’activité, même si le projet de loi n’en traite qu’indirectement, à l’article 4, sous la forme d’un rapport du Gouvernement au Parlement, et vous rappeler que nous avons fait ce choix afin de nous assurer que les personnes qui vivent uniquement des revenus du SMIC pourront, pour la totalité d’entre elles, bénéficier d’une hausse de revenus de 100 euros.

La prime d’activité existe depuis le 1er janvier 2016. Elle est bien connue et a fait ses preuves, notamment en matière de réduction des inégalités. Le taux de recours actuel est de 80 %, ce qui est important pour une prestation quérable, et 90 % des demandes se font en ligne. Beaucoup de jeunes, de femmes en situation de monoparentalité en bénéficient. La prime d’activité est davantage ciblée sur les foyers modestes que l’ancienne prime pour l’emploi.

Nous avons décidé d’augmenter le bonus individuel de la prime d’activité de 90 euros : cela permet de toucher tous les travailleurs rémunérés au SMIC ou un peu plus, qui vivent au sein de foyers modestes. Évidemment, les travailleurs indépendants, les agents publics, les agriculteurs peuvent être concernés. Avec l’augmentation légale du SMIC prévue le 1er janvier 2019, c’est une augmentation globale de 100 euros de revenus qui sera perçue dès le 5 février 2019, sans formalité supplémentaire, par ceux qui bénéficient déjà de la prime, soit 5,6 millions de personnes. La mesure sera prise par décret et 2 millions de personnes supplémentaires pourront bénéficier de la prime d’activité grâce à cette revalorisation.

Le Gouvernement a fait le choix de la revalorisation de la prime d’activité parce que, parmi les mesures possibles, c’était la plus rapide et la plus facile à mettre en œuvre. C’est aussi la plus juste, en ce qu’elle tient compte de la situation familiale et de l’ensemble des revenus du foyer. Le réseau des caisses sera bien entendu mobilisé, et au rendez-vous pour respecter les délais de versement. Une communication spéciale sera mise en œuvre de façon proactive, afin que les bénéficiaires potentiels puissent être mobilisés.

L’ensemble de ces mesures sont à la hauteur des attentes exprimées par les Français. Elles représentent, en allégements de cotisations ou d’impôts, ou en dépenses supplémentaires, un montant global de 10 milliards d’euros.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Nous nous réjouissons de pouvoir débuter dès ce soir l’examen de ce texte important, qui répond à une détresse sociale par des mesures urgentes, fortes et efficaces. Nous espérons qu’il sera adopté conforme par les sénateurs vendredi afin que, dès le mois de janvier, les Français puissent bénéficier de ces avancées. J’imagine que les députés de l’opposition attendent aussi ce débat, dont je ne doute pas qu’il sera à la hauteur.

J’ai une question, en marge du texte : le Gouvernement a décidé d’augmenter de façon conséquente la prime d’activité, son périmètre et le nombre de bénéficiaires. Pourrait-on mener, entre cette mesure et le plan pauvreté, une réflexion accrue sur la situation des personnes, souvent des mères célibataires, qui ont un petit boulot à temps partiel, rémunéré moins de 800 euros par mois, au-dessous de 0,8 SMIC et qui, par conséquent, ne sont pas concernées par cette mesure ? Je pense notamment aux auxiliaires de vie scolaire. Elles ont les plus grandes difficultés du monde à joindre les deux bouts, et nous recevons dans nos permanences leurs courriers, leurs appels à l’aide. Ces personnes, des femmes surtout, souhaiteraient avoir un travail à temps plein qui leur permette d’augmenter leur niveau de vie, de sortir de la pauvreté et de pouvoir s’occuper correctement de leurs enfants. Quel geste pourrions-nous envisager ? Pourrions-nous pousser cette réflexion dans le cadre des travaux en cours ?

M. Laurent Pietraszewski. Nous examinons ce projet de loi portant mesures d’urgence économiques et sociales quelques heures seulement après sa présentation en conseil des ministres. C’est l’illustration que le Gouvernement et sa majorité souhaitent que ce texte, qui répond à des urgences nées du mouvement des « gilets jaunes » se traduise au plus vite dans le quotidien de nos concitoyens en matière de pouvoir d’achat.

Ce texte prévoit l’exonération des charges et de l’impôt sur le revenu s’appliquant aux primes exceptionnelles, dans la limite de 1 000 euros et pour les salaires inférieurs à trois fois le SMIC. Ces exonérations sont totales : si l’employeur verse une prime de 500 euros, ces 500 euros seront perçus par le salarié.

L’exonération fiscale et sociale, dès le 1er janvier, des heures supplémentaires et complémentaires, proposée à l’article 2, répond aussi aux attentes de nos concitoyens, qui veulent que le travail soit mieux récompensé.

Nous sommes aussi à l’écoute des retraités les moins favorisés, avec le retour à un taux de CSG de 6,6 % pour ceux dont le revenu global mensuel est inférieur à 2 000 euros ; désormais, ce sont 70 % des retraités qui ne sont plus concernés par l’effort de solidarité demandé au travers de la CSG.

Enfin, la demande d’un rapport sur la revalorisation de la prime d’activité, à l’article 4 du projet de loi, me permet d’évoquer la hausse de 100 euros au niveau du SMIC, grâce à une forte augmentation de la prime d’activité. C’est un choix de justice sociale, qui permet de valoriser les travailleurs modestes du secteur privé, mais aussi les indépendants, les fonctionnaires, soit 5 millions de foyers, dont 1,2 million de foyers supplémentaires.

Mesdames les ministres, les députés La République en Marche seront très attentifs au suivi de ces mesures, en particulier sur la simplification du versement de la prime d’activité à l’horizon 2020. Comme nos concitoyens, nous voulons de la simplicité et de l’agilité dans l’action de l’État. Ils voteront avec détermination ce projet de loi, qui démontre la capacité d’écoute du Gouvernement et sa majorité, et s’inscrit pleinement dans notre volonté réformatrice.

M. Stéphane Viry. Nous nous réunissons suite à la prise de parole du Président de la République et aux annonces. Nous en avons pris acte : elles sont de bon sens et correspondent à ce que nous réclamons depuis dix-huit mois.

Mais force est de constater qu’à cet instant, nous ne comprenons pas tout encore. Il y a eu hier encore des ajustements, pour ne pas dire une cacophonie, dans la technicité des mesures que vous proposez. Permettez-moi de vous dire que vous dîtes tout et son contraire, à quelques semaines d’intervalle. Considérez-vous que la situation des personnes portant, ou non, des gilets jaunes était meilleure en octobre, lors de l’examen du PLFSS, lorsque vous rejetiez nos propositions ? Pensez-vous qu’elle se soit aggravée en quelques semaines, au point que vous nous écoutiez enfin ? Les réponses que nous faisaient le Gouvernement et M. Darmanin – dont je déplore l’absence alors que les comptes publics seront impactés – résonnent encore à mes oreilles.

Ce projet de loi est déposé en urgence, dans la précipitation et dans limprovisation, suite au mouvement des « gilets jaunes ». Je considère que lAssemblée nationale doit se montrer responsable, alors que ce texte sera examiné dans des conditions compliquées dues aux délais imposés. Elle doit donner tout son sens aux annonces présidentielles, la majorité présidentielle devant sanctifier la parole présidentielle. À cet instant des débats, même si nous navons ni lintelligence ni la subtilité de certains, les députés du groupe Les Républicains en sont encore à comprendre comment se traduisent concrètement les annonces dEmmanuel Macron aux Français. Peut-être que les débats de ce jour nous apporteront-ils une clarification.

M. Brahim Hammouche. Ce projet de loi répond tout d’abord à l’expression d’une urgence économique sociale et fiscale. Cette exigence, en somme démocratique, dans toutes ses dimensions, de proximité et de lutte contre les inégalités réelles, s’est exprimée de manière exacerbée ces dernières semaines. Une réponse rapide de l’exécutif était attendue. Elle est intervenue à travers les annonces du Président de la République, le 10 décembre.

Ce texte est la traduction législative des diverses mesures proposées. Nous ne pouvons que nous satisfaire de sa présentation aujourd’hui, malgré des délais très contraints. Il s’agit d’un impératif de notre République, de justice sociale, dans ses dimensions d’émancipation sociale. Nous nous devons de favoriser la mise en œuvre immédiate de ces mesures, afin que les Français en ressentent les résultats concrets dès le début de l’année prochaine.

En donnant la possibilité aux employeurs de verser une prime totalement exonérée de cotisations sociales et entièrement défiscalisée, l’article 1er encourage les entreprises à récompenser la valeur travail, en ciblant les salariés dont les revenus n’excèdent pas trois SMIC nets. Il s’agit d’un premier pas, pour encourager nos entreprises à participer à l’effort de redistribution. Certaines s’y sont d’ores et déjà engagées. C’est une certaine forme de keynésianisme que je ne désapprouve pas, en qualité de démocrate social.

En outre, l’accélération du calendrier de la désocialisation des heures supplémentaires, ainsi que l’introduction de leur défiscalisation auront des répercussions immédiates en termes de gain de pouvoir d’achat pour l’ensemble des salariés, mais aussi pour les fonctionnaires, les travailleurs indépendants et les agriculteurs.

Enfin, les députés du Mouvement Démocrate et apparentés se réjouissent de la suppression de la hausse de 1,7 point de la CSG pour les retraités dont les revenus sont inférieurs à 2 000 euros pour une personne seule et à 3 000 euros pour un couple. Cela fait un an que nous alertons le Gouvernement sur la nécessité de ménager les retraités modestes. Ce sera chose faite, puisque près de 5 millions d’entre eux repasseront à un taux de CSG de 6,6 % en 2019.

Ce projet de loi doit servir de base à une réflexion plus large sur la justice fiscale, mais aussi sur la justice salariale : chaque Français doit pouvoir vivre correctement de son travail, avec un salaire décent.

M. Boris Vallaud. Il aura donc fallu attendre que des centaines de milliers de Français manifestent contre l’injustice de votre politique pour que vous sortiez des certitudes dans lesquelles vous étiez engoncés depuis des mois, en dépit des alertes et des propositions des oppositions parlementaires, des syndicats et des associations.

Nous nous réjouissons, certes, des concessions que vous faîtes pour soutenir le pouvoir d’achat des Français. Le rehaussement du seuil d’augmentation de la CSG applicable aux retraités est le bienvenu même si le montant retenu de 2 000 euros est par trop éloigné du coût moyen d’un séjour en maison de retraite. L’incitation au versement d’une prime de fin d’année est la bienvenue même si, instruits de l’expérience de votre nouveau conseiller, Nicolas Sarkozy, vous en connaissez toutes les limites dans les PME et même si vous en excluez consciencieusement les fonctionnaires, en particulier ceux des catégories B et C, les plus modestes. La défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires pourraient être les bienvenues si cela ne se faisait pas au détriment de l’emploi qui patine et de la résorption du chômage qui stagne. Rappelons que le rythme des créations d’emploi a été divisé par trois en 2018 par rapport à 2017. L’augmentation de la prime d’activité de 100 euros est la bienvenue même si, contrairement à ce qu’a annoncé le Président de la République, 45 % des salariés au SMIC en seront exclus, en particulier de nombreuses femmes dont vous tenez ainsi le travail pour un simple revenu d’appoint dans le ménage.

Restons un instant sur l’annonce du Président de la République dont vous conviendrez que sa mise en œuvre fait naître un doute sérieux sur votre sincérité. S’agit-il bien de 100 euros ou seulement de 90 euros ? La somme peut-elle être moindre encore avec le gel prévu des paramètres de revalorisation de la prime d’activité en fonction de l’inflation ? Dans ce cas, la prime reviendrait à 82 euros par mois pour une personne au SMIC en 2019, puis 77 euros au 1er avril 2020, soit un quart de moins que la somme annoncée par le Président de la République.

Pourriez-vous, mesdames les ministres, être claires sur ce que le Gouvernement va réellement faire et pour quels Français ? Nous voudrions que le Gouvernement soit aussi clair sur ce qu’il fait qu’il l’est sur ce qu’il ne fait pas. Chacun a parfaitement compris le refus obstiné du Gouvernement de répondre à la demande de justice fiscale par le rétablissement de l’ISF, comme il a compris que les mesures de pouvoir d’achat auxquelles vous consentez sont essentiellement financées par les Français eux-mêmes.

Mesdames les ministres, vos réponses ne sont pas celles du groupe Socialistes et apparentés mais nous ne nous opposerons pas à ces mesures. Cependant, la question vous est posée : continuerez-vous de vous opposer systématiquement aux propositions formulées par vos oppositions parlementaires ? Montrez-nous que vous avez changé !

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Le projet de loi que nous examinons correspond à une situation d’urgence. Il apporte une réponse partielle à la colère exprimée par un grand nombre de nos concitoyens. La principale mesure annoncée par le Président de la République, la hausse de la prime d’activité de 100 euros, n’y figure d’ailleurs pas. Vous avez privilégié une hausse ciblée de la prime d’activité au 1er janvier prochain, d’un montant d’environ 90 euros. Cette hausse concentre en réalité toutes les bonifications prévues jusqu’à la fin du quinquennat. Cette option est loin d’être idéale. Pour les membres du groupe UDI, Agir et Indépendants, elle était néanmoins préférable à une hausse du SMIC qui aurait conduit mécaniquement à des destructions d’emplois. Nous alertons cependant sur les effets psychologiquement néfastes de la mise en place du prélèvement à la source qui, hasard malheureux du calendrier, pourra annuler la hausse de la prime d’activité.

Nous regrettons que la mesure d’exonération des heures supplémentaires, prévue à l’article 2, n’inclue pas une exonération des charges patronales qui aurait rendu le dispositif beaucoup plus incitatif, particulièrement pour les TPE et PME : une très grande majorité de celles-ci ne disposeront pas d’une trésorerie suffisante pour verser la prime exceptionnelle prévue à l’article 1er.

Nous saluons la prise de conscience, à l’article 3, des effets néfastes de la hausse de la CSG et le retour à un taux à 6,6 % pour 3,8 millions de retraités. La hausse de la CSG a pénalisé gravement le pouvoir d’achat de millions de nos concitoyens retraités, sans réelle contrepartie.

Dans un esprit de responsabilité, les membres du groupe UDI, Agir et Indépendants voteront en faveur des mesures de ce projet de loi, tout en regrettant que leur mise en œuvre ait pour conséquence l’aggravation de la trajectoire budgétaire de notre pays.

M. Adrien Quatennens. Merci pour votre exposé, mesdames les ministres, mais je dois vous dire que vous vous moquez du monde. Dans le contexte historique que nous connaissons, vous venez devant la représentation nationale pour nous répéter inlassablement les mêmes sornettes que depuis dix-huit mois. Vous ne changez pas de cap. Les mesures que vous nous présentez aujourd’hui traduisent péniblement les propos confus du Président de la République. Outre l’improvisation, l’amateurisme et la fébrilité qu’il donne à voir en cette période, le Gouvernement ne répond en aucune façon au socle commun des revendications des « gilets jaunes », à savoir la justice fiscale : que chacun paie selon ses moyens véritables, que les riches paient, eux aussi, selon leurs moyens.

Avec ce projet de loi, Emmanuel Macron se dresse en rempart entre la France des « gilets jaunes » et les riches dont il sert les intérêts. Ce projet de loi épargne les riches ; certaines mesures – telles que les heures supplémentaires défiscalisées et la prime – leur sont même favorables. Ce projet de loi est fait de mesures partielles, temporaires, insuffisantes. Ce projet de loi oublie des catégories entières de la société : il n’y a rien pour l’outre-mer malgré la situation à La Réunion, rien pour les jeunes malgré la mobilisation des lycéens, rien pour les chômeurs, rien pour les fonctionnaires. Ce projet de loi bénéficiera surtout à des salariés du privé disposant d’un revenu que l’on peut qualifier de moyen à élevé. Il n’y a rien pour la justice fiscale : les riches et les grosses entreprises ne paieront pas plus d’impôts alors que c’est la revendication essentielle. En définitive, ce projet de loi est coûteux pour l’État et la sécurité sociale.

Au nom des membres du groupe La France insoumise, je ne vais donc vous poser qu’une seule question : en quelle langue doivent vous parler les « gilets jaunes » pour se faire comprendre ?

M. Pierre Dharréville. En effet, ça ne passe pas. Depuis des mois, nous appelons votre attention sur la situation sociale, sur les inégalités, sur les brutalités de la politique du Gouvernement. Nous avons eu droit à beaucoup d’explications savantes et la colère a fini par s’exprimer de manière forte. Elle est intense, immense. Il y a une urgence sociale et vous voici obligés de marquer un coup d’arrêt, comme en témoigne la mesure que vous prenez concernant la CSG.

Cependant, les mesures que vous nous proposez ne sont globalement pas au niveau. Elles sont à côté de la plaque. Vos propositions ne sortent pas du carcan. Il y aurait des mesures claires à prendre mais vous n’en voulez pas. Vous restez dans la contention et dans la contorsion. Vous restez dans les artifices, au risque d’avoir des résultats en décalage avec les annonces telles qu’elles ont été perçues.

Vous ne voulez pas, par exemple, abandonner la désindexation des pensions. Vous ne voulez pas augmenter le SMIC. Vous encouragez les salaires aléatoires, l’augmentation du temps de travail, la prolifération des exonérations, l’assèchement des ressources de la sécurité sociale. Vous ne dites pas précisément de quelle manière vous allez financer ces mesures ni où seront les économies alors qu’il y aurait moyen d’aller chercher du côté de l’ISF et du CICE. Nous le savons et nous l’avons proposé à de multiples reprises.

Tout cela n’est pas à la hauteur. Olivier Véran le disait à sa façon, en pointant la situation de ceux – et notamment les femmes – qui perçoivent moins de 0,8 SMIC. En outre, tout cela ne va pas dans la bonne direction. La situation ne date pas d’aujourd’hui. Elle appelle donc une profonde remise en cause et non pas la continuation du creusement de ce sillon libéral dans lequel nous sommes enfermés.

Pour les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, ce n’est pas ici le clap de fin. Nous comptons sur un débat parlementaire qui soit à la hauteur de la situation et qui ne fasse pas de nous de simples exécutants de décisions. Le travail doit être rémunéré à son juste prix pour le mois et pour la vie, dans le privé et dans le public. Cela inclut une protection sociale qui doit être au niveau. Il faut donc affronter le dumping social. Les discours dévastateurs sur le coût du travail doivent cesser. Il faut prendre des mesures véritables pour ne pas être à côté de la plaque.

M. Charles de Courson. Mesdames les ministres, bien qu’ils ne soient ni intelligents, ni subtils, ni techniques, les membres du groupe Libertés et Territoires vont se permettre très humblement de vous poser trois questions.

Commençons par la prime exceptionnelle prévue à l’article 1er. Estimez-vous juste, et même conforme au principe constitutionnel d’égalité, le fait que les trois fonctions publiques ainsi que les indépendants en soient exclus ? Est-ce que cette mesure ne va pas encore accroître les inégalités au sein des salariés du privé entre les secteurs prospères – pétrole, banque et assurance – qui vont accorder cette prime et les secteurs comme le commerce et le textile qui ne l’accorderont pas ?

La deuxième question porte sur l’article 3. Ne pensez-vous pas que la mesure d’annulation de la hausse de 1,7 point de la CSG pour le tiers des retraités moyens est complètement paradoxale ? En 2019, cette disposition va améliorer le pouvoir d’achat d’un tiers des retraités, ceux que je qualifierais de moyens, alors que le tiers des retraités les plus modestes n’auront que 0,3 % d’augmentation de leur pension, c’est-à-dire qu’ils constateront une baisse de leur pouvoir d’achat. Ne pensez-vous pas que cette mesure est complètement inadaptée à la situation ? Pourriez-vous nous préciser à partir de quel moment les 1,7 % seront remboursés ? Les uns disent six mois, les autres quatre mois. En fait, à quelle date aurez-vous les revenus de 2018 ?

La troisième question est subsidiaire et concerne la prime d’activité. Pensez-vous qu’il sera possible de verser cette nouvelle prime d’activité le 5 février 2019 alors que vous ne disposez actuellement que des revenus 2017 et que vous n’aurez ceux de 2018 qu’en avril‑mai ?

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous allons passer aux questions des députés, qui ne doivent pas excéder une minute chacune.

Mme Albane Gaillot. Depuis le début de la législature, nous avons engagé une profonde transformation de notre modèle économique et social dans un but : construire une société qui permette à chacun et chacune de vivre décemment de son travail et de choisir librement sa vie professionnelle. À chacun et chacune, j’y insiste, car les personnes les plus précaires sont souvent des femmes en raison du travail à temps partiel, des inégalités salariales, des faibles retraites et j’en passe.

Nombreux sont ceux qui se saisissent de ce projet de loi pour nous opposer le fait que ces mesures ne bénéficieraient pas pleinement aux femmes les plus en difficulté. Or les inégalités entre les femmes et les hommes sont structurelles. Même si des mesures fiscales peuvent corriger quelque peu ce déséquilibre, il est nécessaire de s’y attaquer à la racine.

Madame Pénicaud, pouvez-vous nous préciser ce que vous mettez en œuvre depuis le début du quinquennat pour réduire les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes ?

M. Jean-Pierre Door. Ces mesures improvisées, comme nous l’avons constaté hier, comportent beaucoup de flou et d’inutiles complexités. Depuis deux ans, dans deux PLFSS successifs, vous avez soutenu l’augmentation de la CSG, contre toutes vos oppositions. Vous avez compris puisque vous faites un peu marche arrière. Pourquoi ne pas supprimer totalement l’augmentation de la CSG pour tous les retraités de France ? Pourquoi ne pas supprimer aussi la désindexation des pensions de retraite ?

Mme Fadila Khattabi. Ma question s’adresse à Mme Buzyn et porte sur les heures complémentaires. Tout d’abord, au regard de la crise sociale que le pays vient de traverser, je tiens à saluer les différentes mesures qui permettront d’améliorer le pouvoir d’achat, notamment la défiscalisation et la désocialisation des heures complémentaires et supplémentaires qui, elles, seront plafonnées à 5 000 euros par an.

Les heures complémentaires des temps partiels concernent essentiellement des femmes. C’est pourquoi j’aimerais appeler votre attention sur l’impact d’une mesure qui répond à un besoin réel, urgent et immédiat mais qui n’est pas sans conséquences à long terme sur les cotisations retraite. Les femmes cotisent moins du fait de parcours professionnels plus saccadés. Madame la ministre, je sais que vous êtes sensible à leur situation. Ne pensez-vous pas que des garde-fous seront nécessaires afin d’assurer les mêmes droits pour toutes et tous, notamment en vue de la future réforme des retraites ?

M. Aurélien Taché. Des engagements très forts ont été pris par le Président de la République pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés et des retraités modestes, et pour soutenir tous ceux qui ne peuvent pas se passer de leur voiture. Pour ces derniers, l’extension du chèque énergie et le relèvement du barème kilométrique sont d’ailleurs indispensables.

L’une des mesures phares pour les salariés est l’augmentation de la prime d’activité qui est actuellement de 160 euros en moyenne. Dès le mois de janvier, elle sera augmentée de 100 euros et versée aux 5 millions de travailleurs les plus modestes, qu’ils soient indépendants ou salariés, du secteur public ou du secteur privé. La prime d’activité tient compte des revenus totaux du foyer, ce qui est normal pour une mesure de redistribution des richesses. Le fait d’être marié permet d’ailleurs de payer moins d’impôts.

S’il s’agit d’abord d’une mesure de justice fiscale, cela implique une obligation de résultat pour l’État quant à son versement et donc au dépassement de son caractère quérable. Cela vous semble-t-il souhaitable, madame la ministre, et à quel horizon ? Si cela ne l’est pas dès le mois de janvier, pourrait-on en attendant adresser un courrier à tous les Français éligibles à la prime d’activité pour les informer de leurs droits afin que l’on atteigne un taux de non-recours de 0 % ?

M. Gilles Lurton. Je partage tout à fait la préoccupation de M. Véran concernant les auxiliaires de vie scolaire qui rencontrent des difficultés du fait d’horaires souvent hachés et de revenus très largement inférieurs au SMIC. Je m’interroge aussi sur la situation des couples avec enfants qui gagnent un peu plus du SMIC et qui, pour la plupart d’entre eux, ne bénéficieront d’aucune mesure. J’ai la même préoccupation en ce qui concerne la CSG des retraités. Finalement, il vaut mieux vivre en toute autonomie que marié ou en concubinage. Une personne seule ne paiera pas de CSG supplémentaire si elle gagne moins de 2 000 euros, tandis que le seuil se situera à un peu moins de 3 000 euros pour un couple. Je regrette vraiment cette décision.

Mme Catherine Fabre. Dans son discours du 10 décembre, le Président de la République apporte une réponse aux Français qui sont en colère notamment parce qu’ils ne parviennent pas à vivre de leur travail. Il donne l’exemple du couple de salariés pour qui les fins de mois sont très compliquées ou de la mère de famille seule qui n’arrive plus à joindre les deux bouts. Au centre des solutions d’urgence proposées, il y a l’idée fondatrice de notre mouvement : le travail doit payer davantage. Nous avons beaucoup insisté sur le fait qu’une personne qui ne vit que du SMIC touchera 100 euros de plus par mois et je me réjouis de cette grande avancée.

Je m’étonne que les oppositions ne voient que du négatif à ces solutions mises sur la table. On discute des montants à l’euro près ou des dates de mise en œuvre mais quel gouvernement a libéré du pouvoir d’achat aussi vite et aussi fort ? (Exclamations sur les bancs des oppositions.) On parle de 100 euros nets par mois de gain. C’est substantiel.

La nécessité d’améliorer le pouvoir d’achat ne concerne pas que les salariés au SMIC, elle est cruciale pour toute une partie de la classe moyenne qui partage ces difficultés du quotidien. Madame la ministre du travail, pouvez-vous nous assurer que ces mesures d’urgence constitueront un vrai gain de revenu pour l’ensemble des actifs, qu’ils soient fonctionnaires, indépendants, salariés du privé ou même étudiants ? Que prévoyez-vous pour soutenir ces travailleurs des classes moyennes ?

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Chers collègues, je vais vous demander de faire silence lorsque les députés s’expriment. Chacun peut avoir ses humeurs. On a les nôtres. Il faut apprendre à se respecter. Ici, d’habitude, les choses se passent calmement. J’aimerais qu’il en soit ainsi pour cette réunion. Il faut accepter les questions des uns et des autres, même si parfois elles nous insupportent mutuellement.

Mme Martine Wonner. Mesdames les ministres, je tenais à vous remercier d’être ici devant nous dans cette situation politique d’urgence. Je souhaite vous interroger sur l’article 1er du projet de loi et la défiscalisation des primes versées par les entreprises entre le 11 décembre 2018 et le 31 mars 2019, d’un montant inférieur ou égal à 1 000 euros.

Cette mesure est autant plus importante qu’elle est celle qui incarne le plus la rapidité d’action de l’État puisque les primes peuvent d’ores et déjà être versées et augmenter directement le pouvoir d’achat des Français en cette fin d’année. Suite aux consultations ministérielles qui ont eu lieu depuis quelques jours, pouvez-vous nous indiquer, si vous avez une première vision d’ensemble, combien d’entreprises seront en mesure de proposer une telle prime et par quel moyen ? En tant législateurs, nous devons créer les conditions qui permettront au plus grand nombre de le faire.

M. Jean-Hugues Ratenon. Mesdames les ministres, votre projet de loi est le résultat de la mobilisation des gilets jaunes. Pour autant, il ne répond pas aux demandes des manifestants et encore moins à ceux des outre-mer. Ce n’est pas avec des miettes que l’on peut satisfaire les demandes de justice sociale et fiscale.

Votre projet de loi ne contient aucune mesure spécifique pour l’outre-mer. Comment faut-il interpréter cela ? Est-ce de l’oubli, du mépris ou tout simplement une volonté d’abandonner les territoires de l’outre-mer ? Ici même et à plusieurs reprises dans l’hémicycle, je n’ai eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme, d’alerter sur le désespoir et la souffrance des peuples d’outre-mer. La cherté de la vie et l’éloignement font que nous subissons la double peine.

Dans votre projet de loi, on ne trouve rien contre la pauvreté, rien pour les personnes âgées et les retraités. Cela vous ferait-il tellement mal de donner à nos gramounes cette fameuse prime de 1 000 euros ? On ne trouve rien concernant les employés communaux, les agriculteurs, les minima sociaux. On ne trouve aucune obligation de prime pour les bas salaires. Il n’y a rien sur la cherté de la vie alors que nos populations n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Il n’y a pas de prime de 1 000 euros pour les fonctionnaires alors que cela relève de votre responsabilité. Pourquoi ne montrez-vous pas l’exemple ? Mesdames les ministres, comment expliquez-vous cela, malgré la forte mobilisation des « gilets jaunes » à La Réunion ? Est-ce si difficile pour vous d’entendre la détresse des gens ?

Mme Stéphanie Rist. Les mesures de ce projet de loi répondent aux besoins urgents qu’ont exprimés les citoyens. L’objectif recherché est qu’elles aient une portée large et un impact durable sur les revenus. Certaines ne prendront pas effet immédiatement pour des raisons structurelles. À titre d’exemple, la prime d’activité revalorisée et étendue devra faire l’objet d’une demande individuelle.

L’article 4 prévoit que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur la revalorisation de la prime d’activité et en dresse un bilan. Quels dispositifs et moyens prévoit le Gouvernement pour que les personnes susceptibles de bénéficier de ces mesures d’urgence économiques et sociales soient bien informées et déposent effectivement leurs demandes ?

M. Bernard Perrut. Les Français ont enfin été entendus et nous ne pouvons que nous en réjouir. J’aurai toutefois deux questions.

Tout d’abord, ces mesures, qui vont dans le bon sens, ne vont-elles pas susciter de nouvelles inégalités ?

Inégalité car le versement de la prime exceptionnelle variera d’une entreprise à l’autre.

Inégalité car certains retraités échapperont à l’augmentation de la CSG quand 3,5 millions de retraités devront continuer à la subir.

Inégalité car les heures supplémentaires, toutes soumises à la CSG et à la CRDS, tant pour les salariés que pour les employeurs, feront l’objet d’incitations diverses d’une entreprise à l’autre et seront soumises à différentes appréciations.

Inégalité car la valorisation de la prime d’activité, complexe à mettre en œuvre, ne touchera que 55 % des personnes au SMIC.

Ensuite, le coût de ces mesures n’a pas été évoqué. Auront-elles, mesdames les ministres, un impact sur les actions menées par vos ministères ? On peut se le demander puisqu’elles seront financées à hauteur de 15 % par des économies.

M. Thomas Mesnier. Merci, mesdames les ministres, pour vos propos sur le projet de loi qui transcrit dans la loi les annonces du Président de la République afin qu’elles trouvent très vite une traduction dans la vie de nos concitoyens.

J’aimerais revenir sur la prime d’activité, vecteur choisi pour renforcer le pouvoir d’achat des actifs. Le champ va en être élargi à 2 millions de foyers supplémentaires J’ai déjà échangé à ce propos avec le directeur de la caisse d’allocations familiales de Charente et je ne doute pas que les différents services se mettront en ordre de marche pour mettre en œuvre cette volonté politique. Un simulateur sera disponible dès le 1er janvier et une large communication est prévue mais je crains que certains de nos concitoyens ne recourent que tardivement à ce droit puisque le versement de cette prime ne sera pas automatique. Pourriez-vous vous engager, via un dispositif dérogatoire, afin que les demandes déposées jusqu’au 31 mars donnent lieu au versement rétroactif de la prime d’activité depuis le 1er janvier pour les nouveaux bénéficiaires ?

M. Joël Aviragnet. Mesdames les ministres, j’aurai plusieurs questions à vous poser concernant la prime exceptionnelle annoncée par le Président de la République mais, d’abord, je dois dire que cette prime suscite des interrogations car elle s’apparente selon moi à une forme de charité réhabilitée. Ce sont les entreprises qui le peuvent et qui le veulent qui la verseront à leurs salariés. Cette mesure crée donc une double inégalité : une inégalité entre salariés du secteur privé selon qu’ils travaillent ou non dans une entreprise généreuse et charitable ; une inégalité entre salariés du secteur public et salarié du secteur privé. Je ne vous dis pas bien sûr que cette prime exceptionnelle de Noël ne ravira pas certains de ses bénéficiaires, compte tenu de leur état, mais franchement peut-on se satisfaire d’une prime à la marge pour quelques salariés qui se trouveront bien heureux de la recevoir ? Est-il normal que le Gouvernement, plutôt de prendre des mesures universelles concernant tous les salariés, joue le jeu des divisions ? Est-il normal que les entreprises qui ont bénéficié de la baisse de la flat tax et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) n’aient aucune responsabilité ou obligation concernant la hausse des salaires ? Pensez-vous sincèrement que la prime de Noël exceptionnelle plafonnée à 1 000 euros sera de nature à renverser la vapeur et à modifier la répartition des richesses en France ?

Mme Carole Grandjean. Mesdames les ministres, je vous remercie pour la présentation de ce projet de loi qui répond aux attentes de nombreux Français. Au-delà des grands enjeux économiques et sociaux, il faut insister sur l’information des citoyens, décisive pour assurer l’accès aux droits. Dans une enquête de mars 2017, le Défenseur des droits soulignait le cas particulier des personnes en situation de précarité sociale et économique. Le fait que certains administrés méconnaissent leurs droits constitue un réel problème : pour 23 % de personnes, l’accès aux informations administratives est difficile ou inexistant.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer l’information des citoyens afin que chaque travailleur puisse accéder à ses droits ? Quelles seront les modalités concrètes de formulation des demandes ? Quels outils seront mis à disposition ? Quels seront les délais de traitement ?

Mme Caroline Fiat. Projet de loi reçu à midi trente, audition des ministres en commission à treize heures, amendements à déposer avant dix-sept heures trente et une minute de temps de parole pour poser des questions : il ne faudrait pas confondre urgence et précipitation !

Les femmes, qui représentent 80 % des bas salaires, sont particulièrement affectées par les conditions fixées pour le versement de la prime d’activité. Elles les maintiennent dans la dépendance financière vis-à-vis de leur conjoint, situation inacceptable quand on sait que c’est avant tout par leurs revenus propres qu’elles peuvent s’émanciper d’une telle domination. Ces conditions rétrogrades seront-elles maintenues ?

Par ailleurs, concernant la prime d’activité versée aux familles monoparentales, le Premier ministre a déclaré que l’ensemble des revenus seraient pris en compte. Or de nombreuses mères et pères de famille élevant seuls leurs enfants n’y ont pas le droit car ils touchent une pension alimentaire qui leur fait dépasser les seuils alors même qu’elle ne bénéficie qu’à l’enfant. Prendre en compte ces revenus pour l’accès à la prime d’activité est inconséquent et pénalise principalement les femmes. Les pensions alimentaires seront-elles donc exclues du calcul du versement de cette prime ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je salue ce projet de loi : les mesures d’urgence économiques et sociales qu’il contient auront un réel effet sur le pouvoir d’achat des Français les plus modestes et sur les classes moyennes. Il est de notre responsabilité qu’elles puissent entrer en vigueur le plus rapidement possible tant les attentes sont grandes.

L’une des annonces du Président porte sur la revalorisation de la prime d’activité et sur l’augmentation du nombre de foyers éligibles. L’article 4 de ce projet de loi prévoit qu’un rapport étudie l’impact de cette mesure et qu’il propose des pistes de réforme pour améliorer le recours à cette prestation et son impact sur le pouvoir d’achat des ménages modestes.

Je m’interroge pour ma part sur le point d’entrée de cette prime d’activité. Les temps très partiels à revenus modestes ne sont en effet pas pris en compte. Les personnes réalisant quelques heures de ménage par mois, payées au SMIC, ne peuvent en bénéficier alors que pour le même temps de travail, les personnes aux plus hauts revenus pourront la toucher. Cela me semble poser question. Le but n’est-il pas de valoriser le travail, même à temps très partiel ? Une mesure d’équité pourrait passer par la prise en compte du nombre d’heures travaillées. J’espère que ce rapport proposera des pistes de réflexion sur cette problématique.

M. Gérard Cherpion. Ma question sera très courte : la prime d’activité inclut-elle la hausse du SMIC ? Si oui, cela serait contraire aux annonces du Président de la République qui a indiqué que la prime d’activité serait de 100 euros nets.

M. Jean-Louis Bricout. Lorsqu’on parle de justice dans la contribution à l’impôt, on pense surtout à une assiette large et à une progressivité selon le niveau de revenus. Or la CSG pour les retraités ne répond pas du tout à cette logique : il s’agit d’un impôt supplémentaire qui leur est imposé du seul fait qu’ils sont retraités. Bien sûr, nous nous réjouissons du fait que le plafond pour l’exonération de la hausse ait été modifié. Cet impôt dépendant du revenu fiscal de référence du ménage, j’ai pu constater dans ma circonscription que certains retraités touchant moins de 1 200 euros de pension étaient quelquefois surpris d’être ponctionnés. J’ai peur que l’on retombe sur les mêmes écueils avec votre mesure. En outre, son financement fait appel au déficit et à la dette. Ne pensez-vous que vous dérogez au principe de justice fiscale et sociale et à la solidarité intergénérationnelle ?

Mme Nathalie Elimas. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, inquiet de l’impact de l’augmentation de la CSG pour les retraités les plus modestes, avait alerté le Gouvernement dès le mois d’octobre 2017. Nous saluons donc sa prise de conscience et l’ajustement qu’il propose. Toutefois, nous nous interrogerons sur le calendrier retenu. Vous avez avancé des arguments techniques mais nous déplorons qu’il y ait des différences dans la répercussion des mesures. Alors que la hausse de la CSG s’était appliquée immédiatement, quelques jours seulement après le vote du PLFSS pour 2018, pourquoi n’en irait-il pas de même pour son exonération ?

M. Arnaud Viala. J’aurai trois questions, mesdames les ministres.

Premièrement, j’aimerais que vous nous indiquiez de manière explicite si les 15 euros d’augmentation mécanique du SMIC liée à l’indexation sur le coût de la vie sont inclus dans les 100 euros promis par le Président de la République ou s’ils viendront en plus. C’est une question que tous les Français concernés se posent.

Deuxièmement, quelle sera la date d’application de l’exonération de l’augmentation de la CSG ? Sera-t-elle fixée au début de l’année ? Les retraités devront-ils faire une avance de trésorerie en continuant à payer la CSG augmentée jusqu’au milieu de l’année 2019 pour bénéficier rétroactivement de la mesure ?

Troisièmement, je souhaiterais avoir des précisions sur les heures supplémentaires. Les cotisations patronales seront-elles totalement supprimées ? La CSG et la CRDS s’appliqueront-elles ?

Mme Josiane Corneloup. Le Président de la République, face à la pression des « gilets jaunes », a annoncé une série de mesures dans la précipitation. Elles interviennent tardivement et sans préparation dans une grande improvisation. Si elles vont pour partie dans le sens des revendications des citoyens, elles créent d’autres injustices. Le Gouvernement prévoit la défiscalisation des heures supplémentaires, solution que notre groupe avait défendue depuis l’année dernière, mais cette réforme nous paraît incomplète. Les Français continueront de payer la CSG et la CRDS sur les heures supplémentaires, ce qui est un facteur d’injustice car la prime exceptionnelle, qui ne bénéficiera qu’aux salariés des entreprises qui peuvent la verser, sera, elle, exonérée de CSG et de CRDS. Il me paraît donc judicieux d’exonérer totalement les heures supplémentaires de contributions sociales.

Mme Jeanine Dubié. Le week-end dernier, des responsables de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) déclaraient ne pas pouvoir rendre l’augmentation de la prime d’activité effective avant le mois de juin. Deux jours après, vérifications faites, ils garantissaient la faisabilité informatique, indiquant qu’il serait possible de remplir les demandes en ligne à partir du 1er janvier 2019. Ils ont également précisé que si les demandes arrivaient entre le 1er et le 25 janvier, le paiement interviendrait le 5 février. Or nous savons que toutes les personnes susceptibles de bénéficier de cette mesure n’ont pas forcément accès à la dématérialisation, soit qu’elles ne maîtrisent pas les démarches que cela suppose, soit qu’elles ne disposent pas du matériel nécessaire. Est-il prévu que les CAF déploient un dispositif d’accompagnement ? Y aura-t-il un versement rétroactif en cas de retard dans le traitement des demandes ?

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie pour ces questions qui vont me permettre d’apporter d’utiles précisions.

Monsieur Véran, les nouvelles modalités de versement de la prime d’activité, qui passent par un élargissement de son assiette et une modification de son point de sortie, vont permettre de toucher 150 000 familles monoparentales supplémentaires. En termes de redistribution, ce sont 500 millions d’euros qui leur reviendront. Pour les familles monoparentales dont les revenus se situent entre 0,5 et 1 SMIC, la prime d’activité est aujourd’hui équivalente à 365 euros. C’est le bonus individuel qui se modifie progressivement à partir de 0,8 SMIC. Toute modification du paramétrage pour redescendre en dessous de 0,8 SMIC nécessiterait du temps. Je propose que le rapport du Gouvernement consacre un point spécifique aux familles monoparentales dont les revenus sont inférieurs à 0,8 SMIC.

Monsieur Vallaud, ces mesures n’ont rien de limité puisque 10 milliards d’euros seront réinjectés en faveur des ménages modestes, actifs ou retraités. Si vous y ajoutez les sommes que nous consacrons au revenu de solidarité active (RSA) et aux diverses allocations, vous reconnaîtrez que cela représente un effort considérable.

Madame Firmin Le Bodo, vous vous inquiétez de l’aggravation de la trajectoire budgétaire. Il est vrai qu’elle aboutira à un déficit à 3,2 % alors qu’il était fixé à 2,8 % avant ces mesures. Si l’on retire le coût du CICE, qui n’entraîne qu’un déficit conjoncturel qui ne compte que pour cette année et qui n’est pas pris en compte par Bruxelles dans le calcul du déficit structurel, nous aboutissons à 2,3 % de déficit. Nous restons donc dans la trajectoire de réduction des déficits publics que nous avions prévue.

Vous vous interrogiez, monsieur Mesnier, sur le caractère rétroactif de la prime. Tous ceux qui déposeront un dossier d’ici au 25 janvier, en indiquant leurs revenus des trois derniers mois, bénéficieront d’un versement de la prime au 5 janvier. Aujourd’hui, madame Dubié, les CAF sont prêtes pour rentrer dans le dispositif déjà paramétré tous les dossiers qui leur parviendront avant le 25 janvier. Pour les 2,8 millions de foyers qui touchent aujourd’hui la prime d’activité, il n’y aura aucune démarche supplémentaire à effectuer. Nous ferons beaucoup de publicité pour que les nouveaux bénéficiaires déposent leur demande avant le 25 janvier. Pour les personnes qui auront achevé leurs démarches après cette date, le versement de la prime sera rétroactif puisque les trois mois précédents seront pris en compte. La prime d’activité versée le 5 avril ne pourra toutefois tenir compte des revenus précédant le 1er janvier. Nous ne pourrons aller au-delà des revenus de janvier, février et mars.

Nous nous devons d’être pro-actifs en matière de communication.

Mme Rist a posé cette question. Nous allons tout mettre en œuvre pour que le taux de non-recours diminue encore. Je l’ai dit, nous atteignons aujourd’hui 80 % de recours, pour une mesure qui a deux ans d’âge. Nous allons faire en sorte que les CAF adressent des dossiers à toutes les familles dont elles ont connaissance. Nous pouvons également essayer – nous en avons discuté avec Gérald Darmanin – de voir via le service des impôts s’il n’y aurait pas moyen de repérer des familles à revenu fiscal faible pour les orienter vers les CAF.

Il y aura un site internet dédié sur le site de la CAF avec un simulateur qui devrait être disponible dès la première semaine de janvier – j’espère le 1er janvier mais je ne peux pas en être certaine à deux ou trois jours près ; le 7 janvier, en tout cas, un simulateur sera disponible pour les familles qui le souhaitent. Pour les agriculteurs, cela passe par la caisse de la mutualité agricole ; là aussi, nous allons faire une publicité proactive avec la caisse.

Je me rendrai d’ici au mois de janvier dans les CAF pour vérifier que tous les services sont bien au courant. Je le rappelle, nous parlons d’actifs, de personnes qui ont plus l’habitude de manier le numérique que des personnes retraitées, mais pour ceux qui auraient des difficultés à accéder au numérique, nous proposerons une ouverture de guichets et la capacité de remplir sa demande sur place. Cela peut être aussi une publicité via Pôle emploi ou les mairies. Nous essaierons de multiplier les sites d’information sur cette prime d’activité.

Madame Fabre, vous avez posé une question sur les fonctionnaires et les indépendants. Les agents publics peuvent bénéficier de la prime. Aujourd’hui, 8 % des fonctionnaires la perçoivent, soit 400 000 personnes. Après la réforme, nous pensons pouvoir atteindre 12 % des fonctionnaires, soit 600 000 personnes. De même, 15 % des indépendants touchent aujourd’hui la prime d’activité, soit 300 000 personnes, et après la réforme ils devraient être 18 %, soit 400 000 personnes. Je n’ai malheureusement pas les chiffres pour les agriculteurs.

Pour les indépendants, la procédure est spécifique. La prime est déclarée, comme pour les salariés, sur la base de la déclaration trimestrielle de ressources. Celle-ci prend en compte les bénéfices déclarés pour la dernière année fiscale et, à défaut, le chiffre d’affaires du premier trimestre. Ce chiffre d’affaires doit être inférieur à un certain plafond pour que les indépendants puissent bénéficier de la prime d’activité mais l’augmentation du bonus individuel permet d’en faire profiter salariés et indépendants dans les mêmes conditions, y compris en termes de date de versement, c’est-à-dire le 5 février.

Monsieur Taché, vous avez posé la question de l’automatisation du versement de la prime d’activité. Cette prime, je le rappelle, est calculée en tenant compte de l’ensemble des revenus du foyer : revenus professionnels, allocations chômage, revenus fonciers, mais aussi revenus capitalistiques. Les ressources doivent être déclarées pour les trois mois précédents dans la déclaration trimestrielle. C’est un chantier que nous avons déjà engagé dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté : pour simplifier le dispositif, nous avons besoin de croiser des systèmes d’information et nous devons augmenter fortement l’automatisation des déclarations. Cela passe notamment par un croisement des données de la DGFIP et des CAF. C’est un très gros travail informatique entre ces deux systèmes. Je pense que, dans le rapport que le Gouvernement remettra au Parlement six mois après la promulgation de la loi, un gros plan sera consacré à cette automatisation.

Je laisse la parole à Muriel Pénicaud et la reprendrai ensuite.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. S’agissant tout d’abord de la prime exceptionnelle, les entreprises ont entre le 10 décembre et le 31 mars pour la verser. Pourquoi le 10 décembre ? Parce que c’est le jour de l’annonce du Président de la République et que nous avons considéré que les entreprises qui ont dès le lendemain voulu témoigner de leur effort et de leur compréhension de la situation d’urgence devaient pouvoir verser cette prime sans attendre. Nous n’avons pas encore de vision d’ensemble, mais nous recevons énormément d’informations d’entreprises de toutes tailles. Une des grandes demandes des PME était que le délai puisse courir jusqu’au 31 mars car la trésorerie a un poids très important dans ces entreprises et certaines nous disent que c’est au premier trimestre qu’elles ont plus de capacités à cet égard.

Pour aller jusqu’à cette date, il faudra un accord d’entreprise. Nous voulons valoriser le dialogue social, en cohérence avec les ordonnances, mais, compte tenu de l’urgence, tout ce qui est annoncé avant le 31 janvier, notamment dans les PME qui n’ont pas encore mis en place leur dispositif de dialogue social, pourra être réalisé de manière unilatérale. Puisque c’est un plus pour les salariés cela ne posera pas de problème.

Je rappelle qu’il n’y a pas de cotisation patronale, pas de cotisation salariale, pas de CSG-CRDS, pas d’impôt sur le revenu. Concrètement, pour une entreprise qui verse 500 euros, cela coûte 500 euros et le salarié reçoit 500 euros nets. On voit à quel point c’est exceptionnel ; si tout fonctionnait comme cela, nous n’aurions pas de quoi financer nos hôpitaux et nos écoles, mais le contexte est lui-même exceptionnel.

Plusieurs d’entre vous ont posé la question de l’égalité sectorielle. Nous ne sommes pas dans une économie administrée et ce n’est pas avec un indice général de toutes les entreprises qu’il est procédé à des augmentations de salaire. Les salaires sont négociés dans les entreprises et les branches ; dans ce contexte, il peut certes exister des différences entre entreprises mais elles existent depuis toujours. Je suis assez confiante car il y a une vraie dynamique autour de cette prime exceptionnelle. Beaucoup d’entreprises sont conscientes du sujet et je pense qu’une majorité la versera. Cela s’applique sans exception aux outre-mer.

Cela ne s’applique en revanche pas de la même façon dans le secteur public car, pour ce dernier, un dispositif de revalorisation des rémunérations a été négocié et sera mis en œuvre à partir de 2019. On ne peut pas copier-coller un bout alors que tout le système est différent par ailleurs, cela n’aurait pas de sens. Il y a de la place pour la discussion dans le secteur public, dans le cadre du cap négocié et fixé avec les organisations syndicales.

S’agissant des heures supplémentaires, notre prévision, sur la base des expériences précédentes et de la demande des entreprises, c’est que, sur les 17,6 millions de salariés du secteur privé, quatre à cinq millions au moins devraient en bénéficier. C’est applicable aux trois fonctions publiques. Les personnes qui font des heures supplémentaires sont à 60 % des ouvriers et des employés, et pour le reste des cadres, plutôt aux premiers niveaux de rémunération. Nous sommes bien sur une mesure qui vise à valoriser le travail, pour que celui-ci paye plus, apporte plus à ceux qui ont des revenus modestes.

Nous avons prévu dans le projet de loi un maximum de 5 000 euros d’exonérations par an et par personne, pour éviter ce qui a été observé la dernière fois que des heures supplémentaires ont été exonérées, à savoir un effet de déport et d’aubaine sur les cadres moyens et supérieurs. Ce n’est pas l’esprit de la mesure. Ce plafond est élevé mais permet de limiter l’effet d’aubaine en haut de la pyramide. Les règles des heures supplémentaires sont évidemment applicables en outre-mer.

Les exonérations d’IR et de cotisations salariales sont en faveur des salariés. Sur la CSG-CRDS, je confirme ce que j’ai dit hier, même si cela a suscité des remous en séance de questions au Gouvernement, à savoir que cela n’a pas été fait précédemment. Avant, ce n’était pas retiré de la fiche de paye et, par ailleurs, les personnes bénéficiaires d’heures supplémentaires pouvaient déduire les charges au titre des heures supplémentaires de leur impôt sur le revenu. C’était un système assez injuste puisque l’IR n’est payé que par 40 % des Français. Nous nous adressons là aux salariés les plus modestes qui, par définition, sont beaucoup plus nombreux dans la catégorie de ceux qui ne payent pas l’impôt sur le revenu que les autres.

Nous n’avons pas retenu, sur les heures supplémentaires, une mesure de baisse des charges patronales parce qu’il y a concomitance de la dernière année du CICE et de la première année de baisse significative des charges patronales, et que par ailleurs en 2019, il n’y aura plus de charges patronales au niveau du SMIC et, de façon dégressive, jusqu’à 1,6 du SMIC. Cette concomitance permet à l’employeur de bénéficier d’un coût du travail inférieur et au salarié de voir son travail mieux rémunéré. Je pense que nous avons déjà là l’équilibre nécessaire.

La question de l’égalité entre les femmes et les hommes a été posée à juste titre. Vous avez voté en août la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui entrera en application au 1er janvier 2019 pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le dispositif est extrêmement rigoureux sur le sujet. Il existe encore 9 % d’écart à travail égal et 25 % sur la carrière compte tenu des problèmes de retour de congé de maternité, de carrières hachées et d’un certain préjugé qui fait que les augmentations de salaire sont moins importantes pour les femmes. Avec cette loi, nous allons passer à une obligation de résultat, à savoir qu’en trois ans, les 9 % d’écart doivent être supprimés et les chances d’obtenir les mêmes promotions augmentées. Nous jouons à la fois sur l’instant t – à travail égal salaire égal – mais aussi sur la perspective de carrière.

Pour cela, nous avons abouti le 22 novembre avec les partenaires sociaux, qui ont été extrêmement proactifs sur le sujet, tant du côté syndical que patronal, à un consensus sur l’indicateur qui servira de référence dans toutes les entreprises. Nous avons retenu cinq critères dans cet index. Presque toutes les données sont dans la déclaration sociale nominative (DSN) et la base de données économiques et sociales (BDSE), ce qui signifie que cela n’implique pas de travail administratif en plus pour les entreprises. Ces critères sont : à travail égal salaire égal, mêmes chances de promotion, mêmes chances d’augmentation, respect de la loi sur le retour de congé de maternité, qui prévoit que les femmes de retour doivent avoir la moyenne des augmentations générales de l’entreprise, et, cinquième critère, la part des femmes dans les dix plus hautes rémunérations de l’entreprise, quelle que soit la taille de l’entreprise. Ces cinq indicateurs permettront une vraie photographie des entreprises. Je pense que beaucoup découvriront quelle est la réalité en leur sein et, comme tout cela sera public, dans bien des cas elles n’attendront pas les trois ans.

Je tenais à le souligner, même si ce n’est pas le sujet du jour, car le problème des femmes qui ont des salaires inférieurs, souvent bas, durablement, est un problème d’égalité et de justice sociale. Quand nous disons que le travail doit payer, nous ne pouvons pas ne pas traiter ce sujet. Je rappelle également que la loi sur l’avenir professionnel donne, dans le compte personnel de formation, des droits supplémentaires aux personnes à temps partiel et que, comme cela a été rappelé, ces personnes sont à 80 % des femmes.

Nous avons signé ce matin le décret d’augmentation du SMIC au 1er janvier 2019. Compte tenu de l’inflation constatée, l’augmentation est de 1,5 %, ce qui signifie que le brut mensuel passera à 1 521 euros et le net mensuel à 1 204 euros. Au 1er janvier 2017, il y a deux ans, le SMIC net mensuel était de 1 153 euros. C’est donc une augmentation de près de 23 % en deux ans. Le net augmente plus vite que le brut puisque nous avons supprimé les cotisations d’assurance chômage et maladie. Il y a un double effet de l’indexation et de la cotisation.

Cela ne change rien au fait que nous pensons qu’il faut aller beaucoup plus loin que le SMIC. D’où la prime d’activité pour tous les ménages à revenus modestes.

Puisque le SMIC augmente, il en est tenu compte dans la revalorisation. Toutes les personnes qui n’ont que le SMIC comme revenu auront bien, entre le SMIC et la prime d’activité, plus 100 euros nets par mois. Et c’est vrai pour toutes les personnes seules qui n’ont que leur salaire comme revenu et qui gagnent jusqu’à 1 550 euros ; nous allons donc beaucoup plus loin qu’avant. Pour une femme ou un homme seul avec un enfant, ces 100 euros en plus sont garantis jusqu’à 2 000 euros. C’est un élargissement des montants mais aussi de la base des personnes concernées.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Pour conclure sur la prime d’activité, vous m’avez, monsieur Ratenon, posé la question des outre-mer. La prime d’activité est ouverte à tous les salariés, indépendants, fonctionnaires dans les outre-mer mais les taux sont moindres dans le département de Mayotte ; c’est une différence historique.

La prime est ouverte dès l’âge de dix-huit ans à tous les gens qui travaillent mais aussi aux étudiants s’ils ont le statut d’étudiant salarié, d’apprenti ou de stagiaire, à condition qu’ils perçoivent 78 % du SMIC sur chacun des trois mois utilisés. Les critères sont un peu différents. L’objectif est de ne pas détourner ces jeunes de leur formation en prévoyant un seuil trop bas. Nous ciblons ceux dont le statut de travailleur prévaut sur le statut d’étudiant.

Notre choix de ne pas revaloriser la totalité des salariés au SMIC et de tenir compte des revenus de la famille a été questionné. Aujourd’hui, 1,2 million de personnes touchent le SMIC dans des foyers correspondants aux trois derniers déciles, c’est-à-dire plus de 5 000 euros de revenus par mois et par famille, et 300 000 personnes touchent même le SMIC dans des familles dont les revenus sont supérieurs à 10 000 euros par mois. Il ne nous semblait pas très cohérent, par rapport aux attentes exprimées de regagner du pouvoir d’achat pour les travailleurs modestes, d’élargir à ce point l’augmentation de 100 euros au niveau du SMIC, d’autant plus que nous aurions perdu en efficacité par rapport à des travailleurs modestes à 1,2 SMIC. La prime d’activité telle qu’elle est aujourd’hui paramétrée descend à partir de 1,2 SMIC, ce qui signifie que, si nous revalorisions la totalité des personnes au SMIC, y compris celles qui sont dans les trois derniers déciles de revenus familiaux, nous priverions de toute prime d’activité des couples dont les deux revenus sont à 1,3 SMIC, par exemple, c’est-à-dire autour de 2 500 ou 2 600 euros par mois, avec des enfants. En termes de justice sociale, il nous a semblé plus cohérent, par rapport aux attentes qui émergent de la contestation depuis un mois, de redonner du pouvoir d’achat à toutes les personnes vivant entre 1 000 et 3 000 euros par mois, selon la composition familiale, en élevant le plafond de revenu des familles et le point de sortie de la prime d’activité, jusqu’à 1,9 SMIC pour les familles monoparentales.

Les 100 euros de gain supplémentaire de revenu au niveau du SMIC, c’est bien 10 euros liés à la revalorisation du SMIC, telle que signée aujourd’hui par la ministre Muriel Pénicaud, et 90 euros liés à la revalorisation de la prime d’activité. C’est la somme des deux.

Je rappelle les mesures que nous avons prises, cette année, en faveur des salariés rémunérés au SMIC : outre la réduction des cotisations salariales à hauteur d’environ 23 euros par mois, nous avions décidé, en octobre dernier, une première revalorisation, de 20 euros, de la prime d’activité – à laquelle s’ajoutent donc les 90 euros prévus dans le texte, soit 110 euros en un an –, sans compter l’exonération des heures supplémentaires proposée dans le projet de loi.

Madame Fiat, je comprends que la prise en compte des pensions alimentaires dans le calcul des revenus suscite des interrogations mais, si nous n’en tenions pas compte, nous créerions une inégalité entre celles des familles monoparentales qui touchent une pension alimentaire et celles qui n’en touchent pas. Le mode de calcul retenu permet en quelque sorte de maximiser l’effort consenti en faveur des secondes, dans une perspective de justice sociale. Je veux bien que cette question figure dans le rapport pour les personnes dont les revenus se situent entre 1 000 et 2 000 euros. Mais, si l’objectif est de cibler celles qui en ont le plus besoin, il me semble logique d’intégrer les pensions alimentaires dans les revenus du foyer.

Monsieur Lurton, nous avons fait le choix de n’appliquer l’annulation de la hausse de la CSG que jusqu’à 2 000 euros mensuels pour les personnes seules, soit un revenu fiscal de référence de 22 580 euros, et jusqu’à 3 000 euros mensuels pour les couples. Pour ces derniers, ce sont les règles fiscales qui s’appliquent : des demi-parts sont ajoutées en fonction de la composition des foyers. Une demi-part ne valant pas la moitié de la première part, deux demi-parts ne font pas une part supplémentaire. C’est pourquoi, pour les couples, l’annulation de la hausse s’applique jusqu’à 34 628 euros de revenu fiscal de référence – contre, je le rappelle, 23 000 euros auparavant.

Pourquoi l’annulation de cette hausse prend-elle plus de temps que son application ? Tout d’abord, la première mesure avait été travaillée en amont du vote de la loi. Surtout, nous créons, ici, un troisième taux de CSG puisque nous revenons au taux de 6,6 %, qui avait disparu, ce qui complique les choses. J’ai néanmoins demandé aux caisses de retraite d’accélérer leurs procédures. Elles se sont ainsi engagées à être en mesure de rembourser les retraités du trop-prélevé aux alentours de début mai – j’essaie de faire en sorte que cette date soit encore avancée. La date butoir inscrite dans le projet de loi pourra donc probablement être modifiée si j’ai la certitude, d’ici à demain, que le remboursement peut être effectué au mois de mai ; je déposerais alors un amendement à cette fin. L’objectif est bien entendu d’aller le plus vite possible mais, puisque nous prenons en compte le revenu fiscal de référence, nous devons attendre son envoi par la DGFIP, qui intervient en mars. Il n’est donc pas possible de procéder à un remboursement avant le mois d’avril.

En ce qui concerne les retraités dont la pension est inférieure à 1 200 ou 1 300 euros et qui ne sont donc pas concernés par l’annulation de la hausse de la CSG, je rappelle que le minimum vieillesse fera l’objet d’une revalorisation très importante de 100 euros par mois en l’espace de deux ans et demi. Le PLFSS comporte d’autres mesures très importantes en faveur des retraités dont les pensions sont les plus faibles. Je pense notamment à la création d’une complémentaire santé à moins d’un euro par jour, qui représente un gain de pouvoir d’achat considérable de 30 euros par mois – 60 euros pour un couple – pour l’ensemble des petits retraités. Cette nouvelle complémentaire devrait concerner, je le précise, jusqu’à 3 millions, voire 4 millions de foyers modestes, alors que l’aide à la complémentaire santé ne concerne actuellement que 1,2 million d’entre eux. Je rappelle également que les retraités seront les premiers bénéficiaires du « reste à charge zéro », puisque les lunettes, les soins dentaires et les audioprothèses sont un poste de dépense important pour les personnes âgées.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. En ce qui concerne le financement, je rappelle, tout d’abord, que l’imposition des GAFA interviendra, en France, dès 2019 ; ses recettes seront de l’ordre de 500 millions d’euros. Par ailleurs, l’abaissement du taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 31 % en 2019 est maintenu pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 millions, mais elle est reportée d’un an pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à cette somme, c’est-à-dire les 1 000 plus grandes entreprises françaises ; cette mesure représente une économie d’1,8 milliard. Enfin, la révision de la « niche Copé » représente 200 millions d’euros. Le reste, sera, à ce stade, financé par du déficit. Mais je veux insister sur deux points, à cet égard. Tout d’abord, les 20 milliards liés au CICE ne concernant que l’année 2019, le déficit repassera bien sous la barre des 3 % en 2020. Ensuite, il n’aurait pas été correct de décider d’éventuelles nouvelles économies dans l’urgence, sans que vous ayez le temps en débattre. C’est pourquoi nous avons fait le choix d’en discuter dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mesdames les ministres, je vous remercie pour vos réponses.


—  1  —

II.   Compte rendu des débats sur l’examen des articles

  La commission examine les articles du projet de loi portant mesures durgence économiques et sociales lors de sa troisième séance du mercredi 19 décembre 2018.

Réunion du mercredi 19 décembre 2018 à 21 heures 30

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7113743_5c1aa81451b8b.commission-des-affaires-sociales--mesures-d-urgence-economique-et-sociale-19-decembre-2018

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, nous reprenons l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence économique et sociale. L’audition des ministres concernées – Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé et Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail – ayant également tenu lieu de discussion générale, en début d’après-midi, nous abordons directement l’examen des articles.

M. Pierre Dharréville. Je voudrais élever une protestation parce que je crains qu’en guise de débat nous ayons plutôt un débarras… Nombre d’amendements ont été débarrassés de la discussion : il n’en reste que huit sur les dix-neuf que j’avais déposés ! C’est l’article 45 de la Constitution qui a été utilisé pour les déclarer irrecevables, ce qui ne me semble pas convaincant. Cet article 45 dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors quil présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », ce qui est le cas de tous les amendements que j’ai déposés. Le fait de juger si mes propositions sont effectivement des mesures d’urgence économique et sociale relève d’une appréciation politique et non d’une décision d’ordre administratif ou d’une injonction présidentielle. Je souhaiterais que les amendements que j’ai déposés puissent être soumis à la discussion et que l’appréciation de leur caractère d’urgence revienne à notre commission.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Cher collègue, j’ai bien entendu vos remarques et j’en prends acte. Vous me permettrez de vous donner lecture, moi aussi, de la fin du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de lapplication des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors quil présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. »

De même que d’autres présidents de commission, j’ai toujours eu une lecture souple de cet article, considérant qu’il était utile que le débat puisse avoir lieu, y compris à la marge du texte. Cependant, cette pratique a parfois créé de faux espoirs et des malentendus. C’est ainsi que lors de la nouvelle lecture du projet de loi de finances (PLF), plusieurs amendements ont été déclarés recevables au stade de la commission, puis irrecevables à celui de la séance par le président de l’Assemblée, ce qui a provoqué des incidents. En conséquence, il semble sain d’en revenir à une application plus cohérente entre les divers organes de l’Assemblée et plus proche de la lettre de notre Constitution. Force m’a bien été de constater que des sujets comme le passage aux 32 heures ou la création d’une allocation d’autonomie pour les jeunes, par exemple, aussi intéressants soient-ils, étaient dépourvus de lien avec le texte déposé. Permettez-moi donc de confirmer la décision prise et de vous demander de bien vouloir nous laisser commencer l’examen du texte, tout en prenant acte de vos remarques.

Article 1er
Prime exceptionnelle de pouvoir dachat

La commission est saisie de lamendement AS69 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Compte tenu de la nature de la situation, je considère que nous avons besoin de déployer en ces lieux le débat démocratique nécessaire.

Cet amendement propose que la décision concernant la prime exceptionnelle se fasse après consultation du comité social et économique (CSE) ou, à défaut, du comité d’entreprise (CE) ou des délégués du personnel lorsqu’ils existent. Le partage de la richesse créée au sein de l’entreprise doit faire l’objet d’un dialogue social avec les représentants du personnel et les organisations syndicales. C’est pourquoi le présent amendement vise à solliciter l’avis des représentants du personnel sur la décision de l’employeur d’octroyer une prime exceptionnelle de fin d’année, ainsi que sur son montant et ses modalités de versement.

M. Olivier Véran, rapporteur. Monsieur Dharréville, je sollicite le retrait de votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable. Le dialogue social se fait au quotidien dans l’entreprise et il n’est pas nécessaire d’alourdir les procédures en ajoutant ces spécifications dans un texte de loi. En outre, j’appelle votre attention sur le fait que l’alinéa 8 de l’article 1er prévoit une obligation d’information des représentants du personnel, ce qui nous semble suffisant.

M. Pierre Dharréville. Monsieur le rapporteur, c’est sans doute sur ce sujet-là que nous avons un débat. Pour nous, il s’agit d’aller bien au-delà d’une information. Nous voulons l’ouverture d’une discussion, d’une consultation des instances représentatives du personnel.

M. Boris Vallaud. En soutien à mon collègue Pierre Dharréville, je dirais que nous serions, au fond, dans le prolongement des intentions qui ont été les vôtres dans un certain nombre de textes que l’Assemblée a examinés précédemment sur le renforcement du dialogue social et sur la place du CSE dans l’entreprise. Le soutien de cet amendement serait donc très cohérent avec votre propre politique, celle dont vous voulez assurer la promotion.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement AS49 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Madame la présidente, je voudrais tout d’abord revenir sur vos propos concernant le caractère recevable ou non des amendements et sur leur lien avec le texte de loi qui nous occupe ce soir. Rappelons tout de même que ce projet de loi porte sur des « mesures d’urgence économiques et sociales ». Je laisse à chacun le soin d’apprécier si la création d’une allocation d’autonomie pour les jeunes est adaptée à ce projet de loi. Nous pensons que c’est le cas et c’est la raison pour laquelle nous en avons formé la proposition.

L’amendement AS49 vise à faire en sorte que la prime puisse être demandée par le CSE, le CE, les délégués du personnel ou la délégation unique du personnel s’ils existent, ou, si ce n’est pas le cas, par des initiatives individuelles ou collectives des salariés eux-mêmes. Nous ne croyons pas qu’une exonération fiscale sera suffisante pour inciter l’employeur à octroyer cette prime – il n’est qu’à voir l’efficacité des mesures d’exonération fiscale prises depuis dix-huit mois pour relancer l’activité et l’emploi… Nous voulons vous permettre d’améliorer la capacité à inciter véritablement l’employeur à fournir cette prime défiscalisée.

M. Olivier Véran, rapporteur. Rien n’empêche d’ores et déjà les instances que vous citez dans votre amendement de saisir un employeur pour lui demander s’il est d’accord pour accorder cette prime exceptionnelle. C’est prévu et cela fait partie du dialogue social dans l’entreprise. Le stipuler dans la loi me paraît superfétatoire.

J’imagine donc que l’esprit de votre amendement est de contraindre l’employeur à apporter une réponse. Or on peut difficilement imaginer une absence de réponse en cas de saisine par les instances que vous citez, dans le cadre du dialogue social dans l’entreprise.

Qui plus est, l’employeur serait tenu de répondre dans un délai d’un mois, particulièrement contraignant : s’il voulait prendre un peu plus d’un mois pour réfléchir et décider des primes accordées à ses salariés, il ne pourrait plus le faire… Avis défavorable.

M. Laurent Pietraszewski. Pour aller dans le sens du rapporteur, je précise que les ordres du jour des instances représentatives du personnel sont établis conjointement par les représentants des salariés, ou celui qui est désigné en tant que secrétaire, et le chef d’entreprise. C’est la première étape du dialogue social. L’usage est de trouver une voie qui contente tout le monde. Pour l’ordre du jour, les employeurs suivent les propositions qui sont faites par le secrétaire du CE ou du CSE. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir : si ce sujet devait être mis sur la table dans le cadre d’un échange avec une instance représentative du personnel, il le serait à moins que le secrétaire du CE n’ait pas envie de l’aborder, ce qui serait surprenant.

M. Boris Vallaud. Je voudrais appuyer la proposition de notre collègue Quatennens. Il me semble que cette mesure vous est inspirée par Nicolas Sarkozy, mais dans une nouvelle version moins contraignante que la précédente. À l’époque, le Gouvernement avait légiféré pour obliger les entreprises qui faisaient des bénéfices à ouvrir des négociations en vue de verser une prime pour respecter la règle dite des trois tiers. Dans le cas présent, il n’y a aucune espèce d’obligation, ni véritablement d’incitation, ce qui peut conduire à une rupture d’égalité considérable. En 2011, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) avait dressé le bilan de la mesure de Nicolas Sarkozy. L’institut avait conclu à un flop assez magistral et à des ruptures d’égalité. Cet amendement permettrait peut-être de combler ce risque.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement AS39 de M. Pierre Dharréville, les amendements identiques AS64 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS132 de M. Adrien Quatennens, lamendement AS53 de M. Adrien Quatennens, lamendement AS40 de M. Pierre Dharréville et les amendements identiques AS59 de Mme Caroline Fiat et AS133 de M. Adrien Quatennens.

M. Pierre Dharréville. Mon amendement AS39 vise à rendre obligatoire la prime exceptionnelle pour les entreprises d’au moins 250 salariés. Il convient, en effet, de partager la richesse créée au sein de l’entreprise au profit des salariés, sans pour autant pénaliser les TPE et les PME. Dans l’esprit de l’intervention de notre collègue Boris Vallaud, il s’agit de rendre cette mesure beaucoup plus large sur l’ensemble du territoire et d’essayer d’en faire bénéficier le plus possible de salariés.

M. Jean-Hugues Ratenon. Mon amendement AS64 a pour objectif de rendre obligatoire l’attribution de cette prime exceptionnelle dans les entreprises qui emploient plus de 5 000 salariés et qui ont un chiffre d’affaires annuel supérieur à 1,5 milliard d’euros.

M. Adrien Quatennens. L’amendement AS132 vise les entreprises du CAC 40 qui rémunèrent largement leurs actionnaires – il nous est souvent arrivé dans cette commission de discuter à propos de leurs dividendes qui explosent. La France est d’ailleurs devenue la championne du monde du versement de dividendes. Nous savons que les TPE et les PME n’auront peut-être pas la capacité de payer cette prime, mais nous souhaitons que son versement soit automatique pour les entreprises du CAC 40 qui en ont largement les moyens. L’amendement AS53 est un amendement de repli.

M. Pierre Dharréville. Notre amendement AS40 va dans le même sens. Vous voyez que nous avons essayé de faire des propositions qui garantissent que cette prime aura un effet maximum sur le pouvoir d’achat : il s’agirait de rendre obligatoire cette prime pour les entreprises qui ont versé des dividendes lors du dernier exercice clos. Si elles ont pu verser des dividendes, il semble naturel qu’elles puissent payer cette prime exceptionnelle à leurs salariés qui ont créé la richesse.

Mme Caroline Fiat. L’attribution de la prime doit être obligatoire dans les entreprises qui ont distribué des dividendes lors du dernier semestre de l’année 2018. Comme l’ont très bien dit mes collègues, quand on a les moyens de remercier ses actionnaires, on peut aussi remercier les salariés qui ont créé cette richesse. Tel est l’objet de l’amendement AS50.

M. Adrien Quatennens. Comme nous l’avons dit lors de l’audition des ministres, le principal problème de ce texte est qu’il ne répond pas aux exigences de justice fiscale qui s’expriment dans la mobilisation depuis cinq semaines. Avec l’amendement AS133, nous voulons contribuer à la justice fiscale et sociale. Nous estimons que cette prime pourrait être attribuée de manière obligatoire par les entreprises qui ont distribué des dividendes lors du dernier semestre de l’année 2018, en suivant le mot d’ordre que vient de donner ma collègue Caroline Fiat : si l’entreprise a les moyens de rémunérer – souvent grassement – ses actionnaires, elle doit pouvoir partager cette valeur avec les salariés, y compris dans la situation particulière que nous connaissons.

M. Olivier Véran, rapporteur. L’esprit de vos amendements, nous le partageons : depuis le discours du Président de la République, nous incitons fortement les entreprises à délivrer une prime à leurs salariés. Si cette prime est attribuée à des salariés qui gagnent jusqu’à trois SMIC, il n’y aura ni impôt, ni charges, ni taxe, ni contribution de quelque nature que ce soit jusqu’à un montant de 1 000 euros. L’incitation est donc forte à l’égard des entreprises pour qu’elles puissent allouer cette prime à leurs salariés.

Quelques grands groupes se sont déjà prononcés, notamment parmi les sociétés du CAC 40 qui sont parfois ciblés dans certains amendements : Iliad va verser 1 000 euros à 6 000 collaborateurs ; Orange va octroyer 1 000 euros à tous ses salariés qui gagnent moins de 25 000 euros par an et 500 euros à ceux qui perçoivent entre 25 000 et 30 000 euros par an ; Publicis, 1 000 euros à ses salariés dont la rémunération est inférieure à 2 500 euros par mois ; la SNCF, entre 200 et 400 euros à 100 000 salariés ; Total, 1 500 euros de prime à 20 000 salariés ; Altice prévoit une prime de 1 000 euros, etc. L’appel a été entendu par un grand nombre d’entreprises. Je ne vous ai cité que des grandes, mais il y a aussi des PME. Et il ne vous aura pas échappé que les entreprises ont jusqu’au mois de mars pour pouvoir décider de l’attribution de cette prime aux salariés.

Certains amendements proposent de la rendre obligatoire pour toutes les entreprises de plus 250 salariés. Si on multiplie 1 000 euros par 250 salariés, on arrive à un montant de 250 000 euros. Pour une entreprise qui ne dégage pas forcément de bénéfices, voire qui est déjà dans le rouge, cela peut entraîner de graves conséquences économiques.

Je vous propose d’en rester à l’esprit du texte et j’émets un avis défavorable à tous ces amendements.

M. Boris Vallaud. En écoutant notre rapporteur, j’ai bien compris que, au fond, la prime d’activité est déconnectée de la distribution de dividendes. Cela me donne l’occasion d’interroger Mme la ministre sur les intentions de l’État employeur en matière de versement de prime de fin d’année. Rappelons que le point d’indice reste gelé et que le dispositif Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) est reporté de deux ans. Il va être intéressant de voir si l’État est un employeur exemplaire…

M. Pierre Dharréville. On ne peut s’en remettre au seul bon vouloir des dirigeants d’entreprise ; il faut établir un principe beaucoup plus ferme. Dans les amendements proposés, il n’est pas indiqué de montant de prime minimum. On pourrait acter ce principe, de manière à ce qu’un maximum de salariés puisse en bénéficier et que cela soit inscrit dans la loi. Je ne reviens pas sur le principe des exonérations que j’ai déjà largement critiqué. Cela étant dit, il faudrait que cette prime puisse être une réalité pour le plus grand nombre de salariés.

J’avais également noté sur ma feuille la question posée par notre collègue Boris Vallaud : les agents de la fonction publique auront-ils la chance de bénéficier d’une prime de cette nature ? Quelle sera l’attitude de l’État là où il a voix au chapitre, dans certaines entreprises où il est actionnaire ou lorsqu’il y a un pouvoir décisionnel ?

M. Jacques Marilossian. J’ai le sentiment que nous sommes en pleine Absurdie… Une prime exceptionnelle, soit, encore faut-il que l’entreprise – surtout quand elle est de taille petite ou moyenne – puisse se le permettre. La politique du Gouvernement vise à rémunérer le travail, mais quand cela est possible, sans mettre en danger la santé de l’entreprise. Cela ne dépend pas seulement du bon vouloir des dirigeants de l’entreprise : il y a des contraintes économiques qui sont évidentes. Rendre obligatoire une prime exceptionnelle inspirée par une urgence sociale est pour moi un contresens économique.

M. Pierre Dharréville. M. Marilossian vient de dire, en quelque sorte, qu’il s’agit de rémunérer le travail quand cela est possible… Cela pourrait ouvrir un vaste débat politique et philosophique. Je pense pour ma part que le travail doit être rémunéré ; il n’y a pas à ajouter « si cela est possible ». Le sujet posé est bien celui de l’urgence sociale qui concerne tous les salariés de ce pays. Il faut que le principe soit acté le plus largement possible.

M. Adrien Quatennens. À moins de considérer le caractère aléatoire de l’urgence sociale que vous dîtes vouloir traiter par ce projet de loi, vous ne pouvez pas vous contenter de mesures incitatives qui garantissent un effet complètement aléatoire de cette prime exceptionnelle : il y a bel et bien un problème de répartition et de partage de la richesse créée au sein des entreprises.

Les amendements présentés proposent des mécanismes qui permettent de répondre à cette exigence sans mettre en danger, en aucune manière, la santé financière des entreprises. Vous devriez donner suite à ces amendements. Si vous ne le faîtes pas, vous allez montrer, tout en disant vouloir que le travail paie, que ce sont finalement toujours les travailleurs que vous faîtes payer. Vous ne mettez jamais à contribution ceux qui ont le plus. Vous voyez bien cette prédation réelle, notamment des actionnaires, sur la richesse créée dans l’entreprise. Il faut faire en sorte d’assurer ce partage. Vous ne pouvez pas continuer à dire que vous voulez que le travail paie, en mettant toujours de côté ceux qui ont le plus de moyens. On a parlé des entreprises du CAC 40 qui versent des dividendes. Vous pourriez faire un effort et considérer que la seule exonération fiscale ne va pas inciter à verser cette prime. Il faut des garanties, sinon ce projet de loi ne sera que cosmétique : il s’agit de faire en sorte que tout le monde parte en vacances sans apporter la moindre réponse à l’urgence sociale que nous connaissons.

La commission rejette successivement lamendement AS39, les amendements identiques AS64 et AS132, lamendement AS53, lamendement AS40, puis les amendements identiques AS59 et AS133.

Puis elle passe aux amendements identiques AS67 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS134 de M. Adrien Quatennens.

M. Jean-Hugues Ratenon. Ce projet de loi est le résultat de la mobilisation des « gilets jaunes », particulièrement forte à La Réunion. Comme vous le savez, il ne se passe pas une année sans que la population des outre-mer, que ce soit à Mayotte, en Guyane ou dans d’autres territoires, n’exprime son mécontentement face au coût de la vie et à la baisse de son pouvoir d’achat. Or ce texte ne propose rien à titre exceptionnel pour les outre-mer, alors que la vie y est beaucoup plus chère et les salaires beaucoup moins importants.

À travers l’amendement AS67, nous voulons rendre obligatoire cette prime dans les outre-mer, sauf pour les entreprises dont le résultat net était négatif au 31 décembre 2018. Les salariés de ces entreprises se verraient tout de même attribuer une prime financée par un fonds de solidarité interentreprises : les entreprises en bonne santé financière seraient obligées de participer au financement de ce fonds et de contribuer ainsi au paiement de la prime des salariés travaillant pour des entreprises en difficulté. La totalité des coûts de mise en place de ce fonds serait à la charge des entreprises, selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État.

M. Adrien Quatennens. J’abonde dans le sens de mon collègue Ratenon : l’état de la crise chez nos concitoyens d’outre-mer, qui sont les grands oubliés de ce projet de loi, nécessite une mesure d’exception. Notre amendement AS134 propose que la prime exceptionnelle soit obligatoire dans ces départements.

M. Olivier Véran, rapporteur. Ces amendements sont contraires à la liberté d’octroi de la prime, telle que souhaitée par le Président de la République et mise en œuvre par le Gouvernement à travers ce texte de loi. Les salariés des territoires d’outre-mer, comme ceux de l’ensemble du territoire national, peuvent bénéficier d’une prime sans impôt, sans charges et sans cotisation, dès lors qu’elle est attribuée par l’entrepreneur. Il ne paraît pas nécessaire ni judicieux d’obliger les entreprises, au motif qu’elles seraient situées outre-mer, à distribuer cette prime aux salariés.

La commission rejette les amendements.

Puis elle en vient à lamendement AS148 du rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cet amendement tend à clarifier la rédaction de l’alinéa relatif à l’éligibilité des salariés. En liant l’attribution de la prime à la présence effective des salariés, la rédaction initiale pourrait laisser penser que les salariées en congé maternité, par exemple, en seraient exclues, ce qui serait contraire à l’intention du Président de la République.

M. Laurent Pietraszewski. Cet amendement permet effectivement d’intégrer les salariés dont la durée du congé est assimilée à une période de travail effectif, notamment les personnes en congé maternité.

M. Boris Vallaud. Nous avions formulé une proposition semblable, que nous retirerons. Je ne suis pas certain que cela était dans l’intention initiale du Président de la République, mais c’est un bon amendement, que nous soutiendrons.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Cet amendement correspond bien à l’intention du Gouvernement dès le départ et permet d’éviter toute ambiguïté quant à l’éligibilité des salariés en congé maternité, paternité ou formation, le contrat de travail s’exerçant de plein droit.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement AS150 du rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le projet de loi restreint les possibilités de moduler la prime exceptionnelle à seulement trois facteurs. Il me semble préférable de ne pas exclure d’office certains critères et de laisser à l’accord d’entreprise le soin de les définir. Cette rédaction permettra notamment de rémunérer davantage les salariés ayant la plus faible rémunération.

M. Laurent Pietraszewski. Une fois de plus, je voudrais dire au rapporteur ma satisfaction… Voilà une idée qui correspond bien à ce que nous promouvons au sein de la majorité : donner de l’espace au dialogue social. C’est, pour les partenaires sociaux, un temps pour échanger avec leur employeur et définir eux-mêmes les conditions d’octroi de cette prime.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le Gouvernement est favorable à cet amendement pour les raisons qui ont été évoquées. En complément des réponses apportées à MM. Dharréville et Vallaud, j’ajouterai que cette disposition encourage la discussion dans les entreprises, dans l’esprit des ordonnances pour le renforcement du dialogue social. Le texte prévoit que les entreprises ont jusqu’au 31 mars pour attribuer cette prime, mais jusqu’au 31 janvier seulement s’il s’agit d’une décision unilatérale. Il leur est donc laissé davantage de temps si des discussions approfondies sur le sujet sont jugées nécessaires. L’amendement est donc cohérent avec le texte du Gouvernement.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement est intéressant, mais pourquoi invoquer à chaque fois l’accord d’entreprise ? Peut-être faut-il que le texte précise que l’accord d’entreprise n’est pas obligatoire ?

M. Olivier Véran, rapporteur. C’est inutile : il est déjà prévu que la prime peut être attribuée par décision unilatérale du chef d’entreprise.

M. Pierre Dharréville. Je m’interroge sur l’opportunité de cette modification, puisque cette formulation, qui ajoute le critère du niveau de classification, pourrait ouvrir la porte – ou la fenêtre – à d’autres critères comme celui du mérite. Mais sans doute n’est-ce pas là l’esprit de cet amendement. Pour apporter une garantie supplémentaire aux salariés, il eût été de bon aloi d’adopter les amendements que nous avions proposés initialement et qui soumettaient l’établissement des modalités d’attribution et de versement à une véritable discussion au sein des instances représentatives du personnel.

M. Boris Vallaud. Je rappelle que le comité d’évaluation des ordonnances travail, dans une note d’étape, indique que le comité social et économique n’a pas créé une nouvelle dynamique dans les relations sociales. Il faudra s’en inquiéter, si l’intention demeure celle affirmée par le Gouvernement.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cela va mieux en le disant, monsieur Dharréville : il figurera au compte rendu que cet amendement n’a ni pour effet ni pour objectif de créer des catégorisations au mérite.

M. Pierre Dharréville. Je me suis permis simplement de souligner que cette rédaction pouvait ouvrir une telle possibilité. Je souhaite vous faire part d’une autre interrogation : qu’en sera-t-il pour les collaborateurs de certaines entreprises, comme les plateformes, qui ne sont pas liés par un contrat de travail ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Les travailleurs des plateformes ne sont pas concernés s’ils n’ont pas de contrat de travail. En revanche, il est expressément prévu que les salariés des particuliers employeurs pourront bénéficier de cette prime exceptionnelle.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement AS52 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. La prime nette de cotisations sociales pourrait devenir une aubaine pour le patronat, et pour les actionnaires, si elle se substituait à des augmentations déjà anticipées. Une quasi-réduction de 50 % sur des éléments de rémunération, on ne peut trouver mieux !

L’article mentionne ces cas de figure et les rend illicites, mais ne prévoit aucune sanction. C’est une grosse lacune : on peut supposer que des employeurs contourneront sans grande crainte cette règle. Alors que les salariés devront justifier de leurs ressources tous les trois mois pour toucher la prime d’activité, les employeurs pourront agir à leur guise, sans aucun contrôle.

Cela n’est pas acceptable et témoigne du climat d’amateurisme et d’urgence qui a présidé à la rédaction de ce projet de loi. Pour rendre ces règles plus crédibles et réellement contraignantes, nous proposons de prévoir qu’en cas de manquement, le bénéfice des mesures d’exonération de cotisations, fort conséquentes cette année, sera supprimé.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le principe est clair : aucune prime ne pourra ne substituer à une augmentation de salaire ou à tout élément de rémunération. Certes, il y a urgence, mais nous ne faisons pas preuve d’amateurisme : la rédaction que vous contestez reprend le dispositif mis en place pour les primes exceptionnelles de 2006, de 2008 et de 2009. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement AS152 du rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Afin de répondre à l’urgence, cet amendement prévoit qu’un groupe peut décider du versement de la prime et que cette décision s’impose à toutes les filiales.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient aux amendements identiques AS50 de Mme Caroline Fiat et AS137 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. Le Gouvernement n’a cessé de se faire le chantre du dialogue social, une intention qui aurait été louable si elle n’avait servi à remettre en cause les droits syndicaux et les modes d’intervention des salariés dans la définition et le contrôle de leurs conditions de travail.

Dans les ordonnances réformant le code du travail, dont nous venons de fêter le triste anniversaire, vous avez fait descendre la question des primes du niveau de la convention collective au niveau de l’accord d’entreprise. En réponse à nos protestations, vous nous invitiez alors à faire confiance au dialogue social. Dont acte.

Mais vous qui défendez tant le principe de l’accord d’entreprise, comment pouvez-vous accepter que celui-ci ne soit qu’optionnel pour décider des modalités d’attribution de cette prime exceptionnelle, défiscalisée et désocialisée – et par le fait largement subventionnée par les contribuables et les assurés sociaux ?

Cet article prévoit en effet que l’employeur peut décider unilatéralement du versement de la prime. Or vous n’êtes pas sans savoir que les primes, même exceptionnelles, sont un élément du salaire, donc centrales et éminemment sensibles au sein d’un collectif de travail. Pourquoi proposer qu’une décision unilatérale de l’employeur puisse outrepasser l’accord d’entreprise ? Pour vous mettre en cohérence avec vous-même, et surtout limiter le fait du prince dans les entreprises françaises, notre amendement AS50 propose de supprimer les deux dernières phrases de l’alinéa 8.

M. Adrien Quatennens. L’amendement AS137 a le même objet. Même s’il s’agit d’aller vite, nos travaux seront scrutés. Souvenez-vous que, lorsque nous discutions des ordonnances travail au début de cette législature, vous nous invitiez à faire le pari de la confiance – un terme qui revenait souvent. Lorsque vous avez souhaité faire descendre la question des primes du niveau de la convention collective à celui de l’accord d’entreprise, vous nous avez dit : « Faîtes confiance au dialogue social, vous verrez, tout se passera bien ! ».

Pourtant, vous voulez rendre optionnel l’accord d’entreprise pour le versement de cette prime, dont le caractère devient strictement aléatoire. En proposant de supprimer la disposition qui prévoit que l’employeur peut décider unilatéralement des modalités d’attribution et de versement de cette prime, nous sommes en cohérence avec vos propos, avec ces jolis principes que vous appeliez de vos vœux au moment de la discussion sur les ordonnances travail.

M. Olivier Véran, rapporteur. Il est amusant que vous parliez de cohérence, monsieur Quatennens, car votre amendement pourrait avoir un effet parfaitement délétère : si les instances échouent à conclure un accord d’entreprise sur les modalités de versement alors que le chef d’entreprise a décidé d’accorder à ses salariés la prime exceptionnelle, celle-ci ne pourra plus être distribuée. Je vous vois sourire, et j’imagine que ce n’est pas l’esprit de cet amendement. Avis défavorable.

M. Laurent Pietraszewski. Sans doute faut-il rappeler comment fonctionne une entreprise et comment s’opère le dialogue social.

Bien qu’il s’agisse d’un avantage tout à fait exceptionnel – le salarié pourra toucher en net ce que l’employeur lui versera en brut –, qui suppose des mesures exceptionnelles, le texte prévoit que l’employeur et les partenaires sociaux pourront entamer un dialogue sur le sujet. J’ai reçu de nombreux appels à ce sujet, y compris de représentants des salariés qui m’ont expliqué que ce qui les intéressait avant tout, c’était que la prime soit versée le plus rapidement possible, quitte à ce qu’ils ne soient consultés qu’ultérieurement. Nous sommes bien en train de parler d’urgence. Or cette disposition permet à l’employeur, lorsqu’il y a de la valeur ajoutée à partager, de décider vite. Croyez-moi, les représentants des salariés connaissent bien leur métier, et je leur fais confiance pour mettre à l’ordre du jour des instances représentatives du personnel, dans les trois mois qui viennent, cette possibilité !

M. Adrien Quatennens. Je me souviens que vous nous appeliez à faire le pari de la confiance, en nous présentant les accords d’entreprise comme toujours favorables. Il est amusant de constater que c’est vous, monsieur le rapporteur, et votre argumentaire le démontre, qui ne croyez pas dans la capacité de l’accord d’entreprise à aller dans le sens des salariés. Une fois n’est pas coutume, je fais miens les mots de la Macronie : faîtes le pari de la confiance, monsieur le rapporteur, croyez au dialogue social !

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Nous ne parlons pas de la même chose. Les ordonnances – que vous saluez indirectement, et je vous en remercie – ont permis un dialogue d’un type nouveau, qui va plus loin, comme on commence à le voir dans les entreprises. Mais ce texte a une dimension d’urgence. Des entreprises ont décidé unilatéralement, au sens juridique du terme, de verser cette prime en décembre – sous réserve que la loi soit votée. Or, compte tenu des délais formels imposés pour la consultation des instances, il est matériellement impossible de les réunir en décembre. Ce sujet a été évoqué avec les partenaires sociaux, et je peux vous assurer que personne ne s’en offusque. Il convient de ne pas confondre le structurel – nous développons une logique et une culture de l’accord, de la contractualisation dans l’entreprise – et le conjoncturel – une mesure d’urgence qui, par définition, obéit à des procédures différentes, ce que tout le monde comprend très bien dans l’entreprise. Pour les salariés, le plus important, c’est de toucher la prime le plus vite possible.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient à lexamen de lamendement AS142 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Le versement de la prime exceptionnelle devra intervenir dans un délai très court. Or les moyens administratifs et techniques manquent dans les PME pour mener une telle opération dans les délais impartis et il sera pratiquement impossible d’organiser une négociation permettant d’aboutir à un accord d’entreprise à temps. Cet amendement propose donc un dispositif simplifié pour les entreprises de moins de 250 salariés.

M. Olivier Véran, rapporteur. Votre amendement est plus que satisfait par l’alinéa 8, qui prévoit que tout chef d’entreprise peut décider de façon unilatérale du versement et des modalités d’attribution de la prime. Je vous suggère donc de le retirer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Il semblerait qu’il soit techniquement compliqué pour les entreprises de mettre en œuvre cette prime. J’ai fait le test cet après-midi sur un logiciel comptable et constaté, madame la ministre, que le calcul des charges s’appliquait mécaniquement à la ligne prévue pour la prime.

M. Pierre Dharréville. Ces discussions se rapportent à un débat plus général sur la conception même de ces dispositions, dont on peut considérer qu’elles découlent d’une logique d’octroi, ou bien d’une logique de droits. Je mesure l’urgence dans laquelle nous sommes amenés à les examiner, mais de telles mesures devraient permettre de déboucher sur un dialogue social fructueux, d’ouvrir un espace de discussion fécond sur un sujet majeur : la destination des richesses produites dans l’entreprise – question qui ne saurait être réglée par le versement d’une prime décidée par le chef d’entreprise.

M. Gilles Lurton. Je rejoins la position de Mme Firmin Le Bodo : cette prime va créer de grandes difficultés à de nombreux employeurs. Je ne suis pas certain, d’ailleurs, que le service de gestion du personnel de l’Assemblée nationale, placé dans cette situation, serait capable de la verser… Nous-mêmes devons déclarer les primes que nous souhaitons donner à nos collaborateurs avant le 6 décembre !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous invite à relire le texte, cher collègue : le versement de la prime pourra intervenir jusqu’au 31 mars.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Tous les DRH le savent, comme les éditeurs de paie et les experts-comptables : on verse un acompte en décembre, et on régularise le mois suivant. Il n’y a pas là de problème opérationnel !

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement AS2 de M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à rendre reconductible l’année suivante la possibilité pour un chef d’entreprise de gratifier ses salariés sans payer de charges patronales. Ainsi pourra être réparée cette forme d’injustice à l’égard des entreprises qui, faute de moyens, ne pourront pas verser de prime cette année.

M. Olivier Véran, rapporteur. La dimension exceptionnelle de cette prime ne réside pas dans la prime elle-même, mais dans le fait qu’elle est exonérée de toutes charges et de l’impôt sur le revenu. Rien n’empêche un chef d’entreprise de verser une prime quand il le souhaite. J’appelle votre attention sur le fait que si un tel dispositif devait être généralisé, et qu’il soit possible de l’anticiper, la prime finirait par remplacer des éléments de rémunération, ce qui risquerait de bloquer les carrières, dans l’évolution des salaires notamment.

Je rappelle en outre qu’un tel dispositif a déjà été mis en œuvre en 2006, en 2008 et en 2009. Mais le côté imprévisible et exceptionnel de cette mesure permet d’éviter que la prime ne devienne un élément de rémunération, qui remplacerait l’augmentation des salaires. Je vous demande de retirer cet amendement, à défaut de quoi mon avis sera défavorable.

M. Laurent Pietraszewski. Le rapporteur vient de soulever un point très important. Il est clair que la récurrence d’une telle prime fausserait les négociations annuelles obligatoires – NAO. M. Lurton, souvent inspiré dans ses amendements, doit comprendre que celui-ci aurait des conséquences contraires à l’effet qu’il recherche. Enfin, j’inviterais toute entreprise se trouvant dans la situation qu’il a décrite à conclure très rapidement un accord d’intéressement et de participation.

M. Pierre Dharréville. Avec ces mesures, la prolifération des exonérations continue ! Je préfère, pour ma part, la rémunération par le salaire. C’est la voie qu’il faut explorer si l’on veut des mesures pérennes et non aléatoires. Enfin, je veux remercier M. le rapporteur d’avoir reconnu, en creux, que c’était une manière discutable d’agir pour le pouvoir d’achat.

M. Gilles Lurton. Je retire mon amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement AS75 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Les mesures annoncées par le Président de la République laissent de côté de nombreux oubliés. La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat est un dispositif plus qu’imparfait : non seulement elle dépend du bon vouloir du patronat dans le secteur privé mais elle exclut les travailleurs indépendants et les fonctionnaires. Que l’État demande aux entreprises de faire un geste sans consentir le même effort apparaît contradictoire. Les fonctionnaires en auraient pourtant bien besoin puisque la proportion de ceux qui touchent des salaires avoisinant le SMIC est de près de 40 % en moyenne et peut monter jusqu’à 75 % dans la fonction publique territoriale. Leur point d’indice est régulièrement gelé de telle sorte que leurs revenus stagnent. Dans la crise que nous traversons, les fonctionnaires jouent pourtant un rôle essentiel. Au sein des gilets jaunes, il y a une forte demande de services publics, qui est en lien direct avec le consentement à l’impôt.

Les règles de recevabilité financière ne permettent pas de proposer un amendement qui donnerait la possibilité de verser cette prime aux fonctionnaires. Nous proposons donc un rapport chiffrant le coût du versement d’une telle prime et invitant le Gouvernement à être conséquent et juste.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Avis défavorable à cette demande de rapport : la période d’attribution de la prime serait déjà close au moment où il serait remis… Il m’apparaît plus utile d’engager une négociation avec les partenaires sociaux de la fonction publique. Mme la ministre souhaitera peut-être apporter des précisions.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Comme vous le savez, une négociation avec la majorité des organisations syndicales de la fonction publique a abouti à un protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR). Il permettra de revaloriser de manière assez massive les salaires de plusieurs catégories de fonctionnaires : 840 millions d’euros seront dégagés à cette fin en 2019. Il appartient aux employeurs publics des trois fonctions publiques d’en définir les modalités avec les organisations syndicales. Nous ne voulons pas interférer en statuant sur la prime exceptionnelle.

Nous verrons tout à l’heure que l’exonération des heures supplémentaires et la prime d’activité concernent également les fonctionnaires.

M. Boris Vallaud. Cette négociation a eu lieu il y a plusieurs mois voire plusieurs années. Le PPCR est assez éloigné du sujet de la prime exceptionnelle. Confondre les deux sujets est une façon d’esquiver la question qui vous est posée aujourd’hui, y compris par les syndicats de la fonction publique : pourquoi l’État employeur ne donne-t-il pas l’exemple alors qu’il encourage les entreprises privées à verser cette prime ?

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AS82 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à étendre le dispositif de la prime exceptionnelle aux travailleurs indépendants.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Je comprends pleinement l’intention de votre amendement. Néanmoins la restriction aux salariés est la traduction fidèle de l’annonce du Président de la République : « Je demanderai à tous les employeurs qui le peuvent de verser une prime de fin dannée à leurs employés et cette prime naura à acquitter ni impôt ni charge. »

Par ailleurs, la rédaction de votre amendement ne serait pas opérationnelle : l’ensemble du dispositif de prime exceptionnelle est construit sur le rôle de l’employeur, des salariés et des représentants du personnel.

Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Jeanine Dubié. Les travailleurs indépendants sont leur propre employeur. Ils se trouvent souvent dans des situations financières peu favorables avec des revenus bien inférieurs au SMIC. Je maintiens l’amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements AS83 et AS88 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Les amendements AS83 et AS88 tendent à demander au Gouvernement de remettre deux rapports au Parlement avant le 28 février 2019, le premier sur la possibilité d’attribuer la prime exceptionnelle aux fonctionnaires, le second sur son attribution aux travailleurs indépendants.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle est saisie de lamendement AS139 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement tend à autoriser les chambres consulaires – chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers, chambres d’agriculture – établissements publics administratifs, à verser une prime exceptionnelle à leurs salariés.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Votre amendement est déjà satisfait, madame Dubié : les chambres consulaires sont bel et bien concernées par le dispositif.

Mme Jeanine Dubié. Elles vont être rassurées. Je retire mon amendement.

Lamendement AS139 est retiré.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Monsieur le Fur, pourquoi demandez-vous la parole ?

M. Marc Le Fur. Je sollicite votre indulgence, madame la présidente. Je n’ai pu présenter mon amendement AS155 qui portait sur un sujet assez sensible et j’ai l’espoir que Mme la ministre voudra bien répondre à la question qu’il posait. La prime exceptionnelle ne sera pas imposée, mais est-elle ou non prise en compte dans le revenu fiscal de référence ? La question a son importance, compte tenu du fait que celui-ci sert à beaucoup de choses, notamment à déterminer si le contribuable doit s’acquitter ou non de la taxe d’habitation. Si elle est bel et bien intégrée dans le revenu fiscal de référence, les effets se feraient sentir à court terme : la prime reçue en décembre donnerait lieu à déclaration en avril ou mai avec un effet fiscal dès septembre.

Mme Véronique Louwagie. J’aurai une autre question : cette prime exceptionnelle doit-elle obligatoirement figurer dans le bulletin de salaire ? C’est une question que l’on peut se poser. Certains versements effectués par les employeurs au profit des salariés, je pense par exemple aux abondements, ne sont pas mentionnés sur le bulletin de salaire.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il n’y a pas d’obligation de faire figurer la prime sur la feuille de paie – je dis feuille de paie plutôt que bulletin de salaire car la prime ne fait l’objet ni de cotisation sociale ni de cotisation patronale –, mais il serait bon de l’inscrire car cela permettrait de rassurer le salarié en faisant apparaître clairement qu’elle n’est pas prise en compte dans le net imposable. Ce serait plus sécurisant.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je précise que la prime, si elle est défiscalisée, entre dans le revenu fiscal de référence. Cela créerait sinon une injustice par rapport aux personnes dont le revenu fiscal de référence est plus élevé et qui ne bénéficieraient pas des mêmes avantages que ceux dont la prime serait exclue du revenu fiscal de référence.

M. Marc Le Fur. Cela risque d’entraîner des difficultés pour certains salariés, notamment au titre des impôts locaux.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je dois maintenant vous demander, mesdames les ministres, de confirmer que le Gouvernement a levé le gage sur les amendements présentés par le rapporteur auxquels il a donné un avis favorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, et Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Il l’a levé.

La commission adopte larticle 1er modifié.

Après l’article 1er

La commission examine lamendement AS10 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Cet amendement se situe dans la lignée de l’amendement AS148 du rapporteur relatif au versement de la prime exceptionnelle aux salariées en congé maternité. Il va plus loin en proposant que les primes, de quelque nature qu’elles soient, devront être versées à tous les salariés d’une entreprise, qu’ils soient ou non présents en son sein.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Nous nous sommes assurés avec l’adoption de l’amendement AS148 que les salariés en congé maternité, en congé paternité ou congé formation pourraient bénéficier de la prime exceptionnelle. Votre amendement va bien au-delà de l’esprit du projet de loi en proposant une généralisation à toutes les primes. Avis défavorable.

M. Boris Vallaud. Je considère que cet amendement est bien dans l’esprit du projet de loi et de votre amendement. Nous devons lutter contre la discrimination à l’encontre des femmes en congé maternité quelle que soit la nature des primes. Je vous invite à voter cette disposition qui fera progresser la grande cause de l’égalité entre femmes et hommes.

Mme Catherine Fabre. Certaines primes sont liées à une activité spécifique et il paraît logique que la personne qui n’est pas présente effectivement dans l’entreprise à cette période ne la perçoive pas. La prime exceptionnelle, elle, ne dépend pas d’une période précise d’activité.

M. Boris Vallaud. Je voudrais rappeler que le congé maternité est obligatoire. À ce titre, le principe que j’invoque doit être irréfragable.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AS85 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Dans un premier temps, les responsables des caisses d’allocations familiales ont déclaré ne pas être en mesure de verser la prime d’activité revalorisée à toutes les personnes concernées dans les délais prévus. Ils sont ensuite revenus sur leurs déclarations. La prudence s’impose toutefois. Il nous semblerait plus compréhensible que cette prime soit versée directement aux salariés par les entreprises et qu’elle figure sur le bulletin de paie. Cet amendement demande un rapport sur la possibilité pour les entreprises de verser une prime de 100 euros à tous les salariés payés à hauteur du SMIC.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Il y a eu beaucoup de débats qui ont précédé le dépôt de ce projet de loi sur la meilleure méthodologie à retenir pour le versement de cette prime. Il n’est pas nécessaire de demander un rapport sur cette question.

La commission rejette lamendement.

Article 2
Anticipation de lexonération des heures supplémentaires

La commission est saisie des amendements identiques AS35 de M. Pierre Dharréville et AS55 de M. Adrien Quatennens.

M. Pierre Dharréville. La défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires sont censées redonner du pouvoir d’achat aux salariés, mais c’est en réalité une mesure sarkozyste, dangereuse à plusieurs titres.

En premier lieu, elle ne vise que les salariés en poste auxquels l’employeur a décidé d’octroyer des heures supplémentaires. Elle laisse le plus souvent de côté les franges les plus précaires du salariat, les chômeurs et les retraités. Elle revient donc à redonner du pouvoir d’achat aux seuls salariés concernés au détriment du versement de prestations sociales pour tous puisqu’elle repose sur des exonérations de cotisations sociales salariales non compensées. Cela revient à obliger les salariés à travailler plus longtemps pour gagner leur vie correctement.

Beaucoup de critiques ont porté sur l’augmentation du SMIC, en particulier sur les destructions d’emplois qu’elle occasionnerait. Cela n’a jamais été démontré : Henri Sterdyniak, économiste bien connu, affirme même le contraire. De nombreuses études en revanche ont pointé le risque que fait peser l’exonération des heures supplémentaires sur la création d’emplois. En incitant les employeurs à augmenter les heures de travail de leurs salariés en poste, elle décourage les embauches quand le carnet de commandes des entreprises se remplit. La désindexation des prestations sociales restant de mise, toute une partie de la population ne verra pas son pouvoir d’achat augmenter.

Enfin, cette mesure va à l’encontre de la nécessaire réduction du temps de travail.

Pour toutes ces raisons, nous proposons par notre amendement AS35 de supprimer cet article.

M. Adrien Quatennens. Nous avions déjà compris que le Gouvernement et la majorité étaient véritablement en panne d’inspiration, mais de là à nous ressortir des mesures sarkozystes réchauffées, nous ne nous y attendions pas… Vous nous resservez la logique du « Travailler plus pour gagner plus » dans un contexte de pénurie de créations d’emplois. On estime en effet qu’il y a un emploi non pourvu pour quarante chômeurs en équivalents temps plein.

C’est l’exonération fiscale, et non pas sociale, qui figurait dans le programme présidentiel de M. Macron. Souvenez-vous qu’au début du mois d’avril dernier, le groupe La République en Marche a rejeté une proposition de loi du groupe Les Républicains qui proposait une telle défiscalisation en raison de son coût trop élevé – diagnostic que nous partageons pleinement. Il faut y ajouter ses effets négatifs sur l’emploi : l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime que la défiscalisation des heures supplémentaires pourrait détruire 57 000 emplois d’ici à 2022.

En outre, cette mesure favorise les salariés les plus installés dans l’emploi, en particulier les hommes qui effectuent plus régulièrement que les femmes des heures supplémentaires. Les femmes qui travaillent à temps partiel sont beaucoup moins concernées.

C’est ce qu’expliquait fort bien votre collègue de La République en Marche, Corinne Vignon dans sa motion de renvoi en commission contre la proposition de loi : « Du côté des ménages, lexonération dimpôts a provoqué des gains très inégaux car lavantage était croissant en fonction du niveau de revenus en raison de la proportionnalité des cotisations sociales et, plus encore, de la progressivité de limpôt sur le revenu. En dautres termes, lavantage tiré de lexonération fiscale favorisait les ménages aux revenus de tranches supérieures – car plus un employé est qualifié, plus il est soumis aux heures supplémentaires – et ne bénéficiait pas aux ménages non imposables, lesquels représentent aujourdhui un foyer sur deux. »

Nous sommes d’accord avec ce diagnostic ; c’est la raison pour laquelle notre amendement AS55 propose également de supprimer l’article 2.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Avis défavorable.

Il ne s’agit pas d’appliquer la logique du « Travailler plus pour gagner plus » mais de montrer aux salariés que s’ils veulent travailler plus, ils auront moins de cotisations et plus de revenus. Cela porte uniquement sur le versant salarial et non sur le versant employeur. Un célibataire à 1,5 SMIC qui ferait dix heures supplémentaires par mois aurait à la fin de l’année 500 euros de plus. Nous nous adressons là aux ouvriers, aux employés, aux gens qui bossent dans les usines en faisant beaucoup d’heures. Ils avaient été particulièrement touchés par la suppression de la mesure en 2012. Je l’avais moi-même votée, et nous avons été plusieurs à le regretter assez rapidement par la suite.

Nous n’allons pas refaire le débat du PLFSS. Il n’y a pas d’incitation pour les employeurs à recourir aux heures supplémentaires plutôt qu’à l’embauche puisque ce sont les cotisations salariales et non pas les cotisations patronales qui sont exonérées. Nous visons ici uniquement le salarié et son pouvoir d’achat.

M. Laurent Pietraszewski. Il y a toujours des économistes qui font des études passionnantes et il est intéressant de voir quels critères ils retiennent pour faire tourner leurs modèles. M. le rapporteur l’a clairement rappelé : cette mesure ne constitue par une trappe à l’emploi dans la mesure où les employeurs ne sont pas exonérés de cotisations sociales. Ils ne sont donc pas incités à recourir aux heures supplémentaires plutôt qu’à l’embauche. C’est en cela que cette mesure est pertinente. Elle aura également un impact très positif en permettant de répondre aux fluctuations d’activité de l’entreprise dans des délais rapides.

M. Boris Vallaud. Je vous invite à regarder plus attentivement l’étude de l’OFCE qui a pris en compte la réalité de votre dispositif. Elle montre qu’elle a un impact sur l’emploi inférieur à la défiscalisation des heures supplémentaires mise en œuvre sous Nicolas Sarkozy. On a évalué qu’entre 2008 et 2012, 100 000 à 150 000 ont été détruits et que le rythme de créations d’emploi a été divisé par trois entre 2008 et 2017. La situation n’est pas brillante sur le front de l’emploi.

M. Pierre Dharréville. Je ne résiste pas à l’envie de faire un jeu de mots : nous sommes plus en barque qu’en marche… Vous avez le droit de changer d’avis, mais je préférerais que vous cherchiez les solutions de l’autre côté, car c’est là qu’elles se trouvent selon moi.

M. Adrien Quatennens. Vous nous avez fournis lors de débats précédents des arguments qui se retournent contre vous aujourd’hui. Continuez donc ainsi, car nous en avons d’autres en réserve ! Vous êtes en train de nier les arguments invoqués il y a peu par des membres de votre propre groupe pour justifier qu’on ne modifie pas ce projet de loi… On imagine l’ambiance qui doit régner dans vos réunions de groupe par les temps qui courent !

M. Jean-Pierre Door. On se souvient parfois de bonnes choses, monsieur le rapporteur : merci de vous souvenir que c’était une bonne chose pour huit à neuf millions de Français de travailler plus pour gagner plus ! Quand M. Vallaud avance les difficultés réapparues par la suite, il ne faut pas oublier que la crise est passée par là. Sans la crise, les gens auraient davantage travaillé. Vous revenez à cette idée et c’est parfait.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite les deux amendements identiques AS63 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS136 de M. Adrien Quatennens.

M. Jean-Hugues Ratenon. L’amendement AS63 vise à supprimer les alinéas 1 à 5.

Du côté des ménages, l’exonération d’impôt a procuré des gains très inégaux car l’avantage était croissant en fonction du niveau de revenus en raison de la proportionnalité des cotisations sociales et, plus encore, de la progressivité de l’impôt sur le revenu. En d’autres termes, l’avantage tiré de l’exonération fiscale favorisait les ménages aux revenus de tranche supérieure – car plus un employé est qualifié, plus il est soumis aux heures supplémentaires – et ne bénéficiait pas aux ménages non imposables, lesquels représentent aujourd’hui un foyer sur deux. Cette brillante démonstration n’est pas de notre fait mais de celui de Corinne Vignon, députée de la majorité, lors de sa motion de renvoi en commission en avril dernier contre la proposition de loi des Républicains prévoyant la défiscalisation des heures supplémentaires.

À l’époque, la majorité était au diapason des nombreux rapports établis sur cette mesure mise en œuvre sous Nicolas Sarkozy et abrogée depuis lors en raison de son coût exorbitant pour les finances publiques et de ses effets destructeurs sur l’emploi. À cela s’ajoute un effet moins connu mais tout autant à rebours du climat actuel : l’exonération fiscale des heures supplémentaires bénéficie aux ménages les plus aisés, aux salariés les plus qualifiés. Et ce n’est qu’un des moindres effets négatifs de cette mesure, dont le bilan catastrophique était, le 11 septembre 2013, dénoncé ici même par l’actuel ministre de l’intérieur Christophe Castaner, qui tempêtait : « La défiscalisation des heures supplémentaires, cest 4 milliards de coût et 100 000 emplois perdus. Ne loublions pas ! »

C’est un constat que nous partageons, et qui est aussi vrai en 2018 qu’il l’était en 2013. Même si, selon la presse, M. Sarkozy serait devenu un fidèle conseiller de M. Macron, comment expliquer un tel revirement, sinon par le tarissement de votre imagination face à des revendications qui vous dépassent et que vous ne pouvez pas honorer pour ne surtout pas décevoir ceux qui vous ont fait élire et vous soutiennent ? Ne pas contrarier le MEDEF, ne pas contrarier le CAC 40…

M. Adrien Quatennens. L’amendement AS136 a le même objet. Je suis d’accord non seulement avec notre collègue Corinne Vignon mais aussi avec le Christophe Castaner et le François de Rugy de l’ancien monde, qui avaient, on s’en souvient, fait de très bonnes interventions dans notre hémicycle pour dénoncer le coût exorbitant des heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées pour les finances publiques. Nous les félicitons pour ces mots justes que nous tenions à vous faire réentendre. Vous devriez en conséquence être pleinement d’accord avec ces amendements.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Vous avez cité d’illustres hommes politiques, j’en citerai un autre, Jean Monnet : « Les hommes nacceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise. » Nous faisons parfois face à des situations qui nous obligent à revoir certaines positions – je l’admets bien volontiers pour ce qui me concerne.

Une précision : 66 % des ouvriers de ce pays ont effectué des heures supplémentaires l’année dernière. La mesure que nous allons adopter est donc une mesure de pouvoir d’achat qui concernera plus de deux ouvriers sur trois. C’est un effort important qui concernera, je l’ai dit, les ouvriers, les employés et les classes moyennes. Il existait un biais dans le dispositif du quinquennat Sarkozy, à savoir que ce dispositif n’était pas plafonné, ce qui a conduit à des abus. Le Gouvernement a prévu un plafonnement à 5 000 euros permettant de les éviter.

M. Adrien Quatennens. Si c’est la seule solution qui s’offre à eux, les salariés feront bien sûr des heures supplémentaires, avec tout ce que cela suppose derrière, pour leur santé parfois comme pour l’emploi, car cela détruit des emplois. La vérité, c’est que vous renoncez à mener le véritable combat du partage de la valeur ajoutée au sein des entreprises, partage dont vous savez qu’il est de moins en moins favorable aux salariés.

La commission rejette ces amendements.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mme la ministre des solidarités et de la santé a souhaité intervenir.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Pardonnez-moi, j’ai fait une réponse inexacte tout à l’heure en indiquant que la prime exceptionnelle serait intégrée dans le revenu fiscal de référence. N’étant pas soumise à l’impôt, elle ne sera pas intégrée dans le revenu fiscal de référence et ne privera donc personne de la moindre allocation.

La commission est saisie de lamendement AS62 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Par cet amendement, nous souhaitons éclaircir une zone d’ombre dans la manière dont le dispositif a été présenté par le Président de la République et la réalité de son application. Nous demandons en particulier que les heures défiscalisées soient totalement exonérées de charges sociales patronales mais également de CSG et CRDS, ce qui n’est pas le cas et suscite de l’inquiétude chez nos concitoyens, qui vous ont d’abord entendu parler de désocialisation au moment où nous plaidions pour la défiscalisation. Les deux sont à présent comprises mais, pour que le dispositif soit complet, il faudrait également exonérer ces revenus de la CSG, la CRDS et des charges patronales. Ajoutons, sans aucun esprit polémique, que cela permettra à la parole présidentielle d’être suivie d’actes parfaitement conformes.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le Président de la République a parlé de charges et d’impôts et non de CSG et de CRDS. Sur la partie patronale, nous avons indiqué l’effet dangereux que cela aurait sur l’emploi ; nous avons toujours été clairement défavorables à une telle disposition et ce point n’a même pas fait l’objet de débats au sein de la majorité. La prime exceptionnelle était une mesure conjoncturelle pour un phénomène conjoncturel, ; si maintenant vous entendez créer une niche fiscale pour la CSG et la CRDS, les camarades du groupe communiste vous diront que vous allez mettre en péril le financement de la protection sociale et ils auront raison. Avis défavorable.

M. Arnaud Viala. Lorsque le Président de la République s’adresse aux Français, il est assez normal qu’il n’entre pas dans des détails techniques mais quand il emploie les termes « charges » et « impôts », en annonçant que les heures supplémentaires seront totalement exonérées de charges et d’impôts, il faut que les actes suivent les paroles ; de ce point de vue, votre explication ne tient pas.

S’agissant de l’effet sur l’emploi, nous souscrivons à l’idée de l’encadrement que vous avez vous-mêmes incluse dans le texte, et nous proposerons d’ailleurs de la compléter par un amendement.

Enfin, je ne crois pas du tout que l’on puisse assimiler notre proposition à une niche fiscale. Vous-même avez indiqué qu’il s’agissait d’un coup de pouce au pouvoir d’achat. Il est naturel qu’un travail récurrent donne lieu à une rémunération récurrente et je ne vois donc pas en quoi votre dernier argument serait valable.

M. Pierre Dharréville. Je confirme les propos que m’a prêtés M. le rapporteur : il a vu juste et cela mérite d’être souligné. Et si je peux tenter de corriger M. Viala ainsi que le Président de la République, le terme de « charges » est impropre : il s’agit de cotisations. Appelons les choses par leur nom : ce n’est pas la même chose.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite lamendement AS58 de M. Julien Dive.

M. Arnaud Viala. Cet amendement rédigé par Julien Dive, qui a porté et défendu il y a quelques mois la proposition de loi du groupe Les Républicains sur la défiscalisation des heures supplémentaires, vise à renforcer le dispositif d’encadrement que vous avez prévu, de façon à ne pas subir l’éventuelle critique d’une atteinte à l’emploi.

Pour ce faire, notre collègue propose que le dispositif soit applicable dans la limite du contingent annuel d’heures supplémentaires définies dans le code du travail et prévu par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche ou dans la limite de la durée maximale des heures complémentaires pouvant être accomplies. À défaut d’accord, la limite annuelle serait fixée par décret. Nous enrichissons le dispositif et il me semble que cet amendement est tout à fait dans l’optique de ce que vous souhaitez.

M. Olivier Véran, rapporteur. La question s’est posée de savoir s’il fallait un plafonnement en heures ou en euros. L’intérêt d’un plafonnement en euros est que cela évite de concentrer le gros de l’effort sur les grosses rémunérations. Si vous plafonnez en heures, une personne qui aurait de grosses rémunérations horaires en faisant beaucoup d’heures supplémentaires crèverait les plafonds et en prendrait une grosse partie. Nous sommes pour le partage de la valeur au sein des entreprises : en privilégiant un plafonnement en euros, on s’assure qu’il n’y aura jamais de plafonnement pour les salaires bas ou moyens tout en évitant les effets d’aubaine pour les hauts salaires.

La commission rejette cet amendement.

Puis elle examine lamendement AS135 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Les exonérations de cotisations mettent en péril l’équilibre des finances sociales. Elles ne sont pas compensées par l’État et cette perte de recettes représente une perte sèche pour la sécurité sociale et donc pour l’ensemble des assurés sociaux. Pour les salariés qui en profiteront, l’effet positif de l’exonération de cotisations ne sera donc que superficiel. Les dizaines d’euros gagnés à la fin du mois correspondront sur le long terme à une fragilisation de leur protection sociale.

À ces premières conséquences négatives s’ajoute le fait que de nombreuses personnes seront pénalisées par la baisse des embauches qui résultera d’une telle mesure, notamment due aux destructions d’emplois que l’on peut anticiper. Après avoir voté dans le PLFSS pour 2019 cette mesure, ce qui relève d’un manque de responsabilité manifeste, vouloir en avancer l’application de cette mesure dans le temps ne fera qu’empirer les choses ; c’est pourquoi nous proposons par le présent amendement de la supprimer purement et simplement.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite lamendement AS60 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 7. Quand une personne part en congé maternité, cela permet à une autre de la remplacer pendant plusieurs semaines. Désormais, on demandera à ses collègues de pallier son absence en faisant des heures supplémentaires et cela fera une embauche en moins. Bien souvent, les heures supplémentaires sont subies plutôt que choisies. Par ailleurs, qu’allez-vous proposer au sujet des millions d’heures supplémentaires non rémunérées de nos fonctionnaires ?

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette cet amendement.

La commission est saisie de lamendement AS138 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement a pour objet de faire bénéficier des exonérations sur les heures supplémentaires les chambres consulaires en tant qu’employeurs.

M. Olivier Véran, rapporteur. Madame Dubié, vous pourrez de nouveau rassurer les salariés des chambres consulaires car la mesure sapplique à lensemble des publics, salariés de droit commun, régimes spéciaux, fonctionnaires.

La prime exceptionnelle s’applique également aux chambres consulaires : dès lors que des salariés relèvent de l’assurance chômage dans un établissement, les employeurs sont fondés à attribuer cette prime. Je l’ai redemandé entre-temps aux administrations. Si nous nous rendions compte qu’il y avait un doute, nous le préciserions demain. En tout cas, pour les heures supplémentaires, il n’y a aucune inquiétude à avoir.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement AS131 de M. Vincent Descoeur.

M. Arnaud Viala. Cet amendement de notre collègue Vincent Descoeur vise à exonérer les heures supplémentaires de CSG, CRDS et charges patronales.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite lamendement AS89 de M. Julien Dive.

M. Arnaud Viala. Cet amendement de Julien Dive se cantonne à la CSG et à la CRDS, ce qui, monsieur le rapporteur, fait choir l’un de vos arguments aux précédents amendements qui incluaient les charges patronales : du coup, nous avons tout espoir de le voir adopter avec votre aval…

M. Olivier Véran, rapporteur. Je ne m’étais pas contenté de parler des charges patronales : j’ai également expliqué pourquoi il me semblait important de ne pas créer de niche sociale sur la CSG et la CRDS, cette dernière permettant de rembourser la dette sociale, un objectif que nous nous sommes tous fixés, y compris les gouvernements de droite qui nous ont précédés. Avis défavorable sur cet amendement, comme sur les suivants qui proposent d’intégrer CSG et CRDS dans les heures supplémentaires.

La commission rejette cet amendement.


La commission est saisie des trois amendements identiques AS3 de M. Stéphane Viry, AS7 de M. Gilles Lurton et AS92 de Mme Véronique Louwagie.

M. Stéphane Viry. J’ai noté, monsieur le rapporteur, votre avis défavorable par anticipation. Vous avez de nouveau employé l’expression de « niche fiscale » pour rejeter l’amendement présenté par Arnaud Viala. Dans la mesure où nous cherchons à contingenter ce que vous avez vous-même plafonné, nous avons le souci de prévenir les effets d’aubaine ; je ne vois pas comment vous pouvez retenir un tel motif.

Mon amendement AS3 propose de ne pas soumettre à la CSG et à la CRDS les salaires versés au titre des heures supplémentaires, et ce dès le 1er janvier 2019. Le pouvoir d’achat a baissé de 4,5 milliards en 2018 selon l’INSEE. La défiscalisation totale des heures supplémentaires serait une mesure de justice sociale qui redonnerait directement du pouvoir d’achat aux Français en récompensant les valeurs que sont le travail et le mérite. En outre, cela bénéficierait aux classes moyennes et populaires, qui représentent 68 %, pour reprendre votre chiffre, de ceux qui sont directement impactés par la hausse des prélèvements obligatoires.

Depuis sept ans, à chaque PLF et PLFSS, Les Républicains sollicitent cette mesure. Vous étiez en désaccord pour les budgets 2018 et 2019 ; depuis, vous avez manifestement changé de discours, à la bonne heure ! Mais je vous invite à aller au bout de la logique en exonérant les heures supplémentaires pour le tout, afin d’être dans l’esprit de ce que nous avons compris des déclarations du Président de la République.

M. Gilles Lurton. L’amendement AS7 est défendu.

Mme Véronique Louwagie. Je me réjouis que nous ayons été finalement entendus sur les heures supplémentaires, d’abord par une désocialisation prévue au 1er septembre 2019, à présent par la défiscalisation et la désocialisation au 1er janvier 2019. Il reste la CSG et la CRDS, qui pèsent tout de même 9,4 % sur le salaire.

J’ajouterai deux arguments à ceux de mes collègues, pour justifier mon amendement AS92. Tout d’abord, l’exposé des motifs du projet de loi prévoit que l’article 1er devrait permettre aux salariés de ne plus payer ni impôts ni taxes. Ensuite, la prime exceptionnelle a bien été exonérée de la CSG et de la CRDS : cela prouve que cela ne pose pas de problème juridique ou technique particulier.

M. Olivier Véran, rapporteur. La CSG et la CRDS ne sont ni des impôts ni des charges, mais des contributions. Ce n’est pas un détail ; ou si la CSG est un détail, il n’y aura pas de débat quand nous aborderons l’article 3. La CSG et l’impôt sur le revenu n’appartiennent pas à la même catégorie : n’allons pas faire dire au Président ce qu’il n’a pas dit. Enfin, créer une niche sur la CSG et la CRDS, pour quelque chose qui serait pérenne, n’est pas une bonne idée pour le financement de la protection sociale.

M. Arnaud Viala. On joue sur les mots… Vous savez très bien que, dans l’esprit des Français qui ont écouté l’allocution du Président de la République, il n’y a pas de distinction entre charges, cotisations et autres. En outre, parler de niche pour un dispositif plafonné à 5 000 euros par salarié et par an, et qui a vocation à permettre à ces Français de bénéficier des fruits complets d’un effort supplémentaire dans leur travail, je trouve que c’est abusif, en particulier dans le contexte que nous venons de vivre.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle adopte larticle 2 sans modification.

Après l’article 2

La commission examine, en discussion commune, lamendement AS23 de M. Jérôme Nury, les amendements identiques AS4 de M. Stéphane Viry et AS94 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que les amendements AS151 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS20 de M. Jérôme Nury.

Mme Geneviève Levy. L’article 2 reprend les promesses du Président de la République en anticipant l’entrée en vigueur de l’exonération de cotisations salariales des heures supplémentaires et complémentaires et en exonérant celles-ci, dans certaines limites, d’impôt sur le revenu. Dans un contexte de baisse constante du pouvoir d’achat, cette mesure peut redonner souffle et confiance aux travailleurs en récompensant le travail et le mérite. Cependant, le Gouvernement semble s’arrêter au milieu du gué car, si cet article permet de renforcer l’attractivité du travail, il ne garantit pas l’offre de travail. Il est donc nécessaire d’aller plus loin en exonérant également les entreprises de leurs charges sociales. Tel est l’objet de l’amendement AS23.

M. Olivier Véran, rapporteur. La déduction forfaitaire patronale existe actuellement pour les entreprises de moins de vingt salariés, car il s’agit souvent d’entreprises artisanales qui font parfois face à des coups de feu pendant lesquels elles doivent mobiliser davantage leurs salariés pour répondre à des commandes particulières. Si l’on étendait cette flexibilité aux grosses PME et aux ETI, non seulement l’effet d’aubaine serait important, mais cette mesure aurait un coût non négligeable pour les finances publiques. En outre, je le rappelle, la transformation du CICE en allégements généraux de cotisations pour les entreprises entraînera une réduction notable du coût du travail. Avis défavorable, donc, sur cet amendement ainsi que sur les autres amendements en discussion commune, qui ont le même objet.

Mme Isabelle Valentin. Par l’amendement AS4, les députés du groupe Les Républicains proposent de ne pas soumettre aux cotisations patronales les salaires versés au titre des heures supplémentaires, et ce dès le 1er janvier 2019. En effet, le Gouvernement commet une erreur majeure en choisissant de ne pas supprimer ces cotisations. La défiscalisation des heures supplémentaires, mise en place par le Président Sarkozy et supprimée par François Hollande, a permis un gain annuel moyen de pouvoir d’achat de 500 euros pour les salariés du privé et a profité à 9 millions de salariés, notamment aux ouvriers, aux employés, aux fonctionnaires et aux personnes travaillant à mi-temps, pour un coût de 4,5 milliards d’euros.

Alors que, selon l’INSEE, le pouvoir d’achat a baissé de 4,5 milliards en 2018, la défiscalisation totale des heures supplémentaires serait une mesure de justice qui redonnerait du pouvoir d’achat aux actifs français, en récompensant le travail et le mérite. Qui plus est, cette mesure profiterait tout particulièrement aux classes moyennes et populaires, fortement affectées par la hausse des prélèvements obligatoires au cours de l’année 2018. Elle générerait un gain moyen de pouvoir d’achat de 500 euros par an, contre seulement 200 euros avec la désocialisation proposée par le Gouvernement. La défiscalisation et l’exonération complète de charges sur les heures supplémentaires permettraient enfin de renforcer la compétitivité des entreprises françaises, notamment des PME.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement AS94 est défendu.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Dans le même esprit, l’amendement AS151, qui s’inspire de la proposition de loi défendue par notre collègue Julien Dive en mars dernier, vise à compléter l’exonération de cotisations sociales salariales prévue par le Gouvernement par une exonération de cotisations patronales.

M. Arnaud Viala. L’amendement AS20 est défendu.

La commission rejette successivement lamendement AS23, les amendements identiques AS4 et AS94, et les amendements AS151 et AS20.

Elle est ensuite saisie de lamendement AS21 de M. Jérôme Nury.

M. Arnaud Viala. Cet amendement est une nouvelle tentative de vous convaincre d’exonérer les heures supplémentaires de charges patronales, en vous proposant un dispositif en deux temps : l’exonération ne concernerait d’abord que les entreprises de moins de vingt salariés, puis serait généralisée, dans un but incitatif.

M. Olivier Véran, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Fabien Di Filippo. Nous ne sommes plus à un retournement près. Manifestement, à la pensée complexe, vous avez substitué la pensée perplexe… En tout cas, vous commettez une grave erreur économique en refusant d’exonérer les heures supplémentaires de cotisations patronales. Si travailler au-delà de 35 heures permet aux gens de gagner davantage d’argent et de réaliser leur projet de vie, c’est une très bonne chose. C’est ainsi qu’on augmente réellement son pouvoir d’achat. Le travail n’est pas selon nous – et nous sommes cohérents, en la matière – un gâteau qui se partage ; c’est une activité qui génère des revenus, lesquels génèrent à leur tour de l’activité. Vous, vous vous arrêtez à mi-chemin. Par ailleurs, nous le constatons actuellement dans nos territoires, les entreprises rencontrent des difficultés pour recruter : dès lors, le seul moyen de doper rapidement la croissance, c’est d’encourager les gens à faire des heures supplémentaires. Nous vous offrons une nouvelle possibilité d’exonérer celles-ci de cotisations patronales. Saisissez cette opportunité, je vous en conjure !

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je tiens à rappeler qu’indépendamment de ces mesures d’urgence, les charges patronales seront, à partir du 1er janvier 2019, supprimées au niveau du SMIC ; cette exonération, structurelle et non conjoncturelle, sera dégressive jusqu’à 1,6 SMIC. En outre, les entreprises bénéficieront, pour la dernière année, du CICE. Nous réduisons ainsi le coût du travail pour les premiers niveaux de qualification, niveaux auxquels la compétitivité coût abîme l’emploi et limite les possibilités de croissance. Notre politique est donc parfaitement équilibrée : d’un côté, les salariés qui font des heures supplémentaires gagneront davantage, grâce à l’exonération de charges et d’impôt ; de l’autre, les entreprises bénéficieront d’une baisse des charges patronales massive et sans précédent. Ainsi, nous encourageons le pouvoir d’achat sans nuire aux efforts que nous faisons pour lutter contre le chômage.

M. Pierre Dharréville. Je suis un peu sidéré par la gourmandise dont font montre nos collègues de droite, car les mesures prises dans ce domaine par la majorité depuis dix-huit mois sont exorbitantes. Ce que Nicolas Sarkozy avait fait en son temps était déjà gratiné ; là, c’est « open bar » ! Je les appellerais volontiers à revenir à la raison, mais les mesures qui nous sont proposées ont déjà dépassé le stade de la raison…

Mme Véronique Louwagie. Madame la ministre, vous indiquez, à juste titre, que les charges sociales patronales diminueront à compter du 1er janvier 2019. Mais je tiens à préciser que cette réduction se substitue au CICE, dont le taux était fixé à 6 %. Il ne s’agit donc pas d’une réduction supplémentaire.

Mme Caroline Fiat. Madame la ministre, les mots ont leur importance : vous avez parlé de charges sociales. Or une cotisation n’est pas une charge.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AS66 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. La loi du 8 août 2016, dite « loi travail », a instauré la primauté de l’accord collectif sur la loi en matière d’heures supplémentaires. La loi, qui n’est plus que supplétive, instaure une majoration de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % pour les suivantes. Mais un accord collectif peut réduire le montant de cette majoration. En encourageant les entreprises à recourir aux heures supplémentaires en les rendant moins onéreuses, cette mesure a des répercussions négatives sur l’emploi, les inégalités salariales et, surtout, la santé. En effet, dans une étude publiée en octobre 2015 dans la revue médicale The Lancet, des chercheurs de l’University College de Londres ont mis en évidence le lien entre la longueur des journées de travail et les risques cardio-vasculaires. Leur étude montre ainsi – et je m’en tiendrai à cet exemple – que travailler plus de 55 heures par semaine augmente de 33 % le risque d’être victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) et de 13 % celui de développer une maladie coronarienne. C’est pourquoi nous vous proposons de modifier la section III du chapitre premier du code du travail.

M. Olivier Véran, rapporteur. Il faut faire confiance au dialogue social dans l’entreprise, plutôt que l’empêcher, comme vous le souhaitez, en imposant des règles rigides par la loi. Le dispositif que vous remettez en cause – qui date, si je ne m’abuse, de la loi El Khomri, et non des ordonnances « travail » – n’a pas créé, depuis 2016, de difficultés dans les entreprises concernées. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement AS16 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Qu’il me soit permis, avant de présenter cet amendement, de regretter que celui que nous avions déposé afin de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ait été considéré comme un cavalier législatif au titre de l’article 41 de la Constitution. Cette décision est d’autant plus discutable que vous avez été bien moins regardants à propos d’autres textes. Je pense notamment au projet de loi « Avenir professionnel » dont onze articles ont été censurés par le Conseil constitutionnel au motif qu’ils constituaient des cavaliers législatifs. Nous avons été élus pour débattre, notamment des propositions que les oppositions peuvent vous faire. Celle-ci nous paraissait justifiée, dès lors que vos mesures sont financées par le déficit, autrement dit, en dernière instance, par les Français.

L’amendement AS16 vise à garantir la compensation par l’État à la Sécurité sociale de l’exonération de cotisations des heures supplémentaires proposée par le Gouvernement, conformément à la pratique en cours depuis la loi Veil de 1994. En effet, nous avons déjà eu l’occasion de le dire lors de l’examen du PLFSS : le Gouvernement et le budget général siphonnent les excédents de la Sécurité sociale.

M. Olivier Véran, rapporteur. S’agissant des mesures du présent projet de loi, la compensation à la Sécurité sociale est assurée, puisqu’elle est automatique, conformément à la loi Veil de 1994, dans la mesure où aucun texte budgétaire ne prévoit le contraire. Pour le reste, nous n’allons pas reprendre le débat que nous avons eu dans le cadre de l’examen du PLFSS : vous savez, monsieur Vallaud, combien je suis sensible, à titre personnel, à cette question dans le cadre des relations entre l’État et la Sécurité sociale ; j’estime que le budget de celle-ci doit être indépendant de celui de l’État. Je suis donc défavorable à votre amendement au regard du premier point que j’ai évoqué. Toutefois, si les mesures que nous adoptons devaient avoir un impact sur les finances sociales, je serais attentif, à titre personnel – mais je crois parler également au nom des membres de notre commission –, à ce que le maintien de l’équilibre du budget de la « Sécu » soit garanti à l’issue de l’exercice budgétaire actuel.

M. Boris Vallaud. Je suis ravi de connaître l’opinion personnelle du rapporteur… Peut-être aurait-il pu en tirer les conséquences s’agissant de cet amendement et des discussions que nous avons eues lors de l’examen du PLFSS. Il ne s’agit pas seulement de s’assurer que le budget de la Sécurité sociale reste à l’équilibre ; on ne doit pas demander d’efforts supplémentaires aux assurés sociaux pour financer des mesures telles que la suppression de l’ISF.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement AS36 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. En préambule, je m’étonne que nous ayons pu débattre longuement des propositions d’exonérations supplémentaires faites par nos collègues du groupe Les Républicains alors qu’un de nos amendements, qui tendait à revenir sur des exonérations, n’a pas été soumis à la discussion.

Nous vous proposons, par l’amendement AS36, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant l’impact des dispositifs d’exonération de cotisations sociales sur l’emploi, les salaires et l’investissement. Lors de l’examen du PLFSS, je vous avais proposé de créer un ONDEC, un Objectif national de dépenses en exonérations de cotisations, afin de plafonner ces exonérations qui se multiplient et qu’on empile depuis trente ans au nom de l’abaissement du coût du travail et de compétitivité, sans que l’on connaisse précisément leurs effets sur l’emploi, les salaires et l’investissement. La pile devient si haute qu’elle menace de s’écrouler. Leur montant total, estimé aujourd’hui à 46 milliards d’euros, va être augmenté de 22 milliards supplémentaires par la transformation du CICE en réduction pérenne de cotisations sociales et atteindre ainsi près de 70 milliards – soit près de 3,3 points de PIB –, sans qu’aucune contrepartie ne soit demandée aux employeurs qui en bénéficient. En privant de cet argent les caisses de la Sécurité sociale, on s’empêche de mener des politiques sociales ambitieuses. Compte tenu des sommes en jeu, il est nécessaire que la représentation nationale ait une connaissance plus fine de l’utilisation de ces dispositifs par les entreprises et de leur efficacité.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Cette question a déjà fait l’objet d’un long débat lors de l’examen du PLFSS.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement AS22 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Cet amendement a pour objet d’exprimer la reconnaissance de la nation à nos policiers. Aujourd’hui, ceux-ci ont manifesté, par leur mobilisation très importante dans toutes les villes de France et de très nombreux commissariats, leur colère et leur malaise – malaise qui s’est traduit, cette année comme la précédente, par un nombre très élevé de suicides. Ils attendent que l’État leur exprime concrètement la reconnaissance que nous leur avons tous témoignée face au courage dont ils font preuve, non seulement dans des conditions tragiques, comme la semaine dernière à Strasbourg, mais aussi face aux violences qu’ils subissent dans la rue, à la pression migratoire, aux contraintes et aux menaces qu’ils supportent au quotidien.

L’État leur doit 24 millions d’heures supplémentaires, qui représentent, selon les chiffres que nous a fournis hier M. le ministre de l’intérieur, une somme de 270 millions d’euros, soit, en moyenne, 2 000 euros par policier. Nous avons aujourd’hui le devoir collectif de faire en sorte que l’État paye ses dettes et qu’il exprime ainsi la reconnaissance de la nation à des hommes et des femmes qui sont les garants de nos libertés en assurant notre sécurité.

En ce moment même, une négociation se déroule au ministère de l’intérieur. Or, M. Yves Lefebvre, le secrétaire général de FO, l’un des plus importants syndicats, a déclaré : « Jai limpression que Matignon prend les policiers pour des cons. » (Murmures.) Il nous appartient d’éviter que le climat ne se dégrade. Nous devons donc demander solennellement au Gouvernement – et nous pouvons, je crois, le faire de manière unanime – de tenir sa parole et d’honorer ses dettes et ses engagements. Tel est l’objet de cet amendement.

M. Olivier Véran, rapporteur. Monsieur Ciotti, vous n’avez pas le monopole du témoignage de la solidarité et de la reconnaissance de la population française et de la représentation nationale aux forces de sécurité,…

M. Éric Ciotti. Je n’ai pas dit cela !

M. Olivier Véran, rapporteur. Bien sûr, mais cela va mieux en le disant.

…qui ont été mises à rude épreuve dernièrement et qui assurent la sécurité nationale dans des conditions très difficiles. Les millions d’heures supplémentaires non rémunérées que vous avez évoquées se sont accumulées, non pas au cours des dix-huit derniers mois, mais depuis plusieurs années. Le ministre de l’intérieur a annoncé hier qu’une prime exceptionnelle de 300 euros serait versée à chaque agent au titre du paiement partiel de ces heures supplémentaires dues, mais il a également assuré que les 274 millions nécessaires pour leur payer l’intégralité de ces heures qui se sont accumulées au fil des ans seraient débloqués.

La solution au problème que vous soulevez réside davantage dans les engagements du ministre de l’intérieur que dans le rapport faisant état des mesures mises en œuvre pour procéder au paiement des heures supplémentaires que vous réclamez. Un rapport supplémentaire ne réglera pas le problème sonnant et trébuchant des agents de police… Je vous propose donc de retirer votre amendement, car celui-ci me semble satisfait. À défaut, avis défavorable.

Mme Caroline Fiat. Madame Buzyn, vous savez, en tant que praticienne hospitalière, que, dans les hôpitaux également, les heures supplémentaires non rémunérées s’accumulent et commencent à devenir très nombreuses. Peut-on imaginer qu’à l’instar du ministre de l’intérieur vous décidiez de payer les heures supplémentaires dues aux fonctionnaires de santé ?

M. Pierre Dharréville. Ma question est exactement la même que celle de Caroline Fiat : il est tout à fait légitime de procéder au paiement des heures supplémentaires des forces de l’ordre, mais un certain nombre d’autres agents de la fonction publique se trouvent dans la même situation qu’elles, au premier rang desquels ceux de la fonction publique hospitalière, dont le volume d’heures supplémentaires est considérable.

M. Éric Ciotti. Naturellement, je ne retirerai pas cet amendement, qui vise en effet, compte tenu des contraintes liées à l’article 40, à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport avant le 1er mars. Il s’agit bien de faire en sorte que le Gouvernement respecte un engagement en remboursant aux policiers la somme que l’État leur doit. Car le compte n’y est pas, monsieur le rapporteur ! Le Gouvernement a fait voter, la nuit dernière, un amendement tendant à allouer 30 millions d’euros à cette dépense. Or, la somme due est d’au moins 270 millions, soit presque dix fois plus. Ce soir, M. Lefebvre, je le répète, a affirmé : « J’ai l’impression que Matignon prend les policiers pour des cons et on ne va pas céder ». (Protestations sur les bancs du groupe La République en Marche.)

Mme Michèle Peyron. Répétez-le trois fois, tant que vous y êtes !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Monsieur Ciotti, s’il vous plaît !

M. Éric Ciotti. Ce n’est donc pas moi qui dis que le compte n’y est pas, ce sont les policiers.

La commission rejette lamendement.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je réponds à la question de Mme Fiat. Dans les hôpitaux, les heures supplémentaires sont provisionnées. Ou bien elles sont payées, ou bien les comptes épargne temps sont alimentés – c’est obligatoire. La situation n’est donc pas la même que pour la police nationale.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Nous examinons, dans un contexte de crise, un projet de loi portant diverses mesures durgence dordre économique et social. Les 23 millions dheures supplémentaires qui ont été évoquées se sont accumulées, non pas dans les derniers dix-huit mois, mais depuis plus de dix ans. Jappelle donc chacun à la responsabilité, surtout ceux qui ont assumé des responsabilités gouvernementales dans différents domaines. (Applaudissements.) Cela ne nous exonère pas de lobligation de traiter le problème. Cest, du reste, la raison pour laquelle le ministre de lintérieur reçoit actuellement les syndicats. Mais il est difficile dabsorber en un jour la dette considérable que certains ont accumulée en dix ans. Quoi quil en soit, il faut traiter le problème dans le cadre dune négociation, en bon ordre et de manière responsable.

La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, reprend à vingt-trois heures cinquante-cinq.

Article 3
Rétablissement de la CSG à 6,6 % pour certains titulaires de revenus de remplacement

La commission est saisie des amendements identiques AS5 de M. Stéphane Viry, AS8 de M. Gilles Lurton, AS29 de Mme Isabelle Valentin, AS95 de Mme Véronique Louwagie et AS100 de M. Adrien Quatennens.

Mme Josiane Corneloup. L’amendement AS5 vise à ramener le taux de la CSG au niveau d’avant 2018 pour l’ensemble des retraités.

En effet, au 1er janvier 2018, 60 % des retraités, soit 8 millions d’entre eux, ont subi une augmentation de 25 % de leur CSG sans aucune compensation. Les députés du groupe Les Républicains n’ont cessé de combattre cette mesure particulièrement injuste et extrêmement préjudiciable pour le pouvoir d’achat de millions de retraités français.

Le Gouvernement, pour éviter un effet de seuil brutal, a décidé dans un premier temps d’exonérer de cette hausse 300 000 retraités à la limite du seuil d’application. Cette mesure de compensation était dérisoire : 300 millions d’euros par an, soit une goutte d’eau à l’échelle des 22 milliards d’euros que représente l’augmentation du taux.

Après la crise sociale majeure que nous avons connue au cours des dernières semaines, le Président de la République a proposé dans l’urgence une mesure visant à étendre l’exonération à tous les retraités touchant moins de 2 000 euros. Cela constitue certes une avancée, mais la mesure très inéquitable qui avait été prise demeure. Pour mettre un terme à cet acharnement injuste contre ceux qui ont travaillé toute leur vie, et rendre un peu de justice fiscale à l’ensemble des retraités, nous proposons d’annuler purement et simplement la hausse de la CSG pour tous les retraités.

M. Gilles Lurton. Je rejoins l’argumentation de Mme Corneloup, et j’ajoute qu’en faisant le choix de ne pas exonérer l’ensemble des retraités de la totalité de la CSG, vous pénalisez fortement les couples. En effet, au sein d’un couple, seuls les revenus ne dépassant pas 1 500 euros par membre du couple seront exonérés, ce qui me paraît profondément injuste.

Mme Isabelle Valentin. J’ajoute que, si 60 % des retraités ont été touchés par la hausse de 25 % de la CSG dont vous êtes à l’origine, la mesure rectificative que vous proposez laissera 30 % d’entre eux assujettis au taux majoré. La justice sociale ne doit être ni une formule creuse ni un slogan politique, mais constituer la traduction morale de la promesse républicaine selon laquelle chaque citoyen a le droit de récolter le fruit de son travail.

Mme Véronique Louwagie. Je souligne, en outre, que notre proposition aurait pour effet de résoudre le problème des seuils. Le Président de la République a indiqué que les personnes dont les revenus seraient de 2 000 euros seraient exonérées de la hausse de la CSG. Or cela ne se vérifie pas pour les couples, du fait de la prise en compte de la notion de foyer fiscal. C’est pourquoi nous proposons que l’ensemble des Français soient dispensés de cette contribution supplémentaire de 1,7 point de CSG.

M. Adrien Quatennens. Notre amendement vise à revenir totalement sur la hausse de la CSG votée l’année dernière pour les retraités.

Le président Macron a annoncé l’annulation de la hausse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2 000 euros par mois en termes de revenu fiscal de référence. Mais cela ne répond absolument pas à l’injustice faite par le Gouvernement à ces retraités. En effet, cette mesure ne concernera qu’une partie d’entre eux : un couple de retraités disposant chacun d’une pension de 1 400 euros, que l’on ne peut donc considérer comme particulièrement « favorisé », continuera de payer la CSG au taux plein. En outre, même les retraités concernés par cette baisse de CSG seront toujours perdants, puisqu’ils auront payé une CSG augmentée pendant toute l’année 2018 et que leur pension restera désindexée de l’inflation pour 2019. C’est donc bien l’ensemble des retraités qui auront connu une baisse de pouvoir d’achat depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. Par cette mesure, vous ne rendez qu’une infime part de ce que vous avez pris, et vous ne le rendez qu’à une partie des retraités concernés.

Ce que nous proposons, c’est de rétablir une certaine justice fiscale à l’égard des retraités. Mais c’est aussi pour nous l’occasion de rappeler notre défiance profonde à l’encontre du mouvement de fiscalisation de la sécurité sociale. Conçue comme un système à la fois solidaire et partageur de richesses, la sécurité sociale doit être financée par les cotisations pour rester forte et vectrice de justice sociale. La fiscalisation met fin à son autonomie et épargne le capital de sa nécessaire contribution. Ponctionner la valeur ajoutée des entreprises pour financer l’assurance collective contre les risques de la vie était bien l’idée de 1945, une idée à laquelle les Français tiennent.

En prenant aux retraités par l’impôt pour faire croire aux salariés que moins de cotisations sociales équivaut à plus de salaire, vous mentez. Il est toujours temps de revenir en arrière, surtout quand votre prétendue « politique du pouvoir d’achat » ne porte pas ses fruits.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le Gouvernement et la majorité ont fait l’an dernier le choix de faire contribuer davantage les titulaires de revenus du capital et de revenus de remplacement au financement de la sécurité sociale, en augmentant de 1,7 point le taux de la CSG.

Il a en outre été décidé de supprimer, en contrepartie, les cotisations salariales pour des millions de Français, qui depuis le mois d’octobre dernier ont vu disparaître deux lignes de cotisation de leur fiche de paie, ce qui représente une augmentation nette de leur revenu, donc de leur pouvoir d’achat.

La mise à contribution d’un certain nombre de retraités pour augmenter le salaire des actifs avait été assumée par le Président de la République dès sa campagne, contrairement à ce que j’ai pu entendre. La mesure qu’il vient de décider consiste à revenir sur cette hausse de CSG pour plusieurs millions de retraités, de sorte que seuls 30 % d’entre eux demeurent, à terme, soumis à cette augmentation. Le seuil retenu est de 2 000 euros net pour un retraité seul et, pour un couple de retraités, un revenu fiscal de référence de 34 600 euros par an. Cela nous semble constituer une mesure de justice sociale importante, et un effort de la part du Gouvernement que la majorité salue.

Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.

M. Jean-Pierre Door. C’est une extraordinaire marche arrière à laquelle vous vous livrez, monsieur le rapporteur ; vous ne pouvez pas être fier de ce que vous faites ! Cela fait plus de deux ans que nous nous élevons contre l’augmentation de 1,7 point de la CSG pour les retraités. Or, non seulement vous avez maintenu cette augmentation, mais l’an dernier au mois d’octobre, vous avez désindexé les pensions des retraités ; c’est la double peine.

Aujourd’hui, vous vous targuez de supprimer l’augmentation de la CSG décidée l’an dernier. Agissant dans l’urgence, devant des gens qui souffrent, vous vous contentez de faire volte-face, ce qui est regrettable : vous devez donc faire acte de contrition et reconnaître que vous avez eu tort. Le Président de la République l’a fait à juste titre : vous devez tous le faire aussi !

M. Jacques Marilossian. Je rappelle à certains de nos collègues que les retraités concernés sont ceux dont le revenu fiscal de référence s’établit à 22 580 euros, ou 34 636 euros pour un ménage, ce qui correspond à un revenu net annuel de 36 846 euros, soit au moins 1 535 euros par membre du foyer et non pas 1 400 ou 1 300 euros comme je l’ai entendu dire ! Nos collègues devraient apprendre à faire des calculs.

Ce sont 5 millions de retraités qui vont bénéficier de cette mesure, je rappelle par ailleurs que beaucoup d’entre eux bénéficient de l’exonération de la taxe d’habitation ; dans ma circonscription, ce sont en moyenne plus de 330 euros de gain annuel en 2018, 650 ou 660 euros en 2019, et plus de 1 100 euros en 2020.

M. Stéphane Viry. Ce texte constitue l’occasion d’évoquer la CSG sur les retraites, et je fais miens les amendements et observations de nos collègues.

Je déplore toutefois que certains amendements soient tombés sous le coup de l’article 45 de la Constitution, particulièrement celui que nous avions déposé sur un sujet connexe : celui de la réindexation des retraites et pensions. C’est d’autant plus regrettable que ce sujet s’inscrit dans la philosophie du texte que nous examinons.

M. Pierre Dharréville. Cette mesure est la marque d’un début de lucidité, mais elle demeure incomplète, ainsi qu’il a été souligné à travers un certain nombre d’amendements. Il ne s’agit pas d’une augmentation de pouvoir d’achat, mais de la restitution de l’argent que vous aviez pris l’année dernière, sans pour autant le rendre à tout le monde. Il ne faut pas nous raconter d’histoires : il s’agit d’autant moins d’une mesure augmentant le pouvoir d’achat qu’elle se conjugue avec la désindexation des pensions, revalorisées de 0,3 % seulement alors que l’inflation est de 1,6 % ! Il y a un net décalage entre le discours et les actes. Lors de l’examen du PLFSS, il y a dix jours, je vous avais proposé de surseoir au vote définitif afin de revenir sur cette désindexation ; c’est un sujet qui devrait être mis à l’ordre du jour.

M. Éric Alauzet. Puisque notre collègue Door nous invite à un acte de contrition, j’inviterai les auteurs de ces amendements à un acte d’introspection.

En politique, il convient d’être conséquent : lorsque l’on propose une baisse de recettes, il faut proposer une baisse de dépense. Dans la mesure où cette augmentation de CSG était liée à la baisse des cotisations sociales salariales, ainsi que le rapporteur l’a rappelé, cela suppose que, simultanément, vous reveniez sur cette baisse de cotisations, ce qui entraînerait une baisse du pouvoir d’achat des salariés.

Je rappelle en outre qu’au cours de la campagne électorale vous proposiez une hausse de la TVA, donc pour tous les retraités, y compris les 70 % qui ne sont aujourd’hui plus concernés par l’augmentation de la CSG. De plus, les 20 milliards d’euros qu’aurait représentés cette augmentation de TVA ne seraient pas revenus pas aux Français sous forme de pouvoir d’achat, à la différence de la CSG qui leur revient sous la forme de baisse des cotisations sociales, puisqu’ils étaient destinés à diminuer les cotisations patronales.

M. Pierre Dharréville. M. Alauzet soulève un sujet important, celui du financement de ces mesures. C’est pourquoi je déplore que nous ne puissions pas en débattre puisque tous les amendements que nous avions déposés à cet effet ont été déclarés irrecevables. Je l’invite donc à se mobiliser, en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, pour obtenir cette discussion dont nous avons besoin, car j’ai des propositions à faire en la matière. Ayons ce débat, qui est celui que le pays attend, et qui porte sur l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ou les cotisations sociales qui ont été supprimées

M. Boris Vallaud. Pierre Dharréville a dit lessentiel de ce que je souhaitais dire, mais il est vrai que la majorité nest pas sans évoquer la méthode des sophistes, qui consistait à prouver avec la même force de conviction lexistence et la non-existence de Dieu ! Vous vous y livrez avec beaucoup de talent.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite lamendement AS48 de M. Jérôme Nury.

Mme Geneviève Levy. Contrairement à ce que prétend le Gouvernement, la baisse de la CSG de 8,3 % à 6,6 % est loin de bénéficier à l’ensemble des retraités percevant une pension de moins de 2 000 euros par mois. Par exemple, pour un couple de retraités gagnant 1 450 euros par mois chacun, soit 2 900 euros au total, aucun des deux ne peut prétendre à cette baisse car le revenu du ménage est supérieur au plafond. En outre, le montant pris en compte inclura les revenus de l’épargne ou les revenus fonciers comme les loyers. Nous sommes donc loin des promesses de l’exécutif. C’est pourquoi notre amendement tend à revoir les plafonds et à compter comme deux parts égales les deux premières personnes du foyer. Pour gommer réellement les effets de cette hausse de CSG sur les retraités, il est impératif de considérer les revenus de chaque membre, et nous proposons donc de multiplier par deux le plafond individuel lorsque deux personnes constituent le foyer.

M. Olivier Véran, rapporteur. La règle selon laquelle une demi-part vaut moins que la moitié de la première part, pour le calcul des seuls de RFR en matière de CSG sur les pensions,  ne date pas de ce projet de loi. Il s’agit d’un débat que nous avons eu, de manière nourrie, en PLFSS.   Avis défavorable, donc.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS159 et AS160 du rapporteur.

Puis elle se saisit de lamendement AS17 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Cet amendement, que nous avions présenté l’an dernier dans le cadre de notre « contre-budget », consiste à exonérer de l’augmentation de la CSG les retraites d’un montant inférieur à 3 000 euros net, ce qui correspond au coût moyen d’une maison de retraite médicalisée en Île-de-France.

M. Olivier Véran, rapporteur. Ce sujet a déjà été évoqué lors du débat portant sur le PLFSS. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite lamendement AS13 de M. Raphaël Schellenberger.

Mme Isabelle Valentin. Le présent article tend à revenir sur la hausse de CSG imposée aux retraités dont les pensions, pour une personne seule sans autre source de revenus, sont inférieures à 2 000 euros nets mensuels en 2019. Ce retour partiel, défaisant une mauvaise réforme portée l’an passé par le Gouvernement et la majorité, n’est pas suffisant. Son champ devrait être élargi pour cesser de faire peser sur nos retraités le manque de rigueur budgétaire du Gouvernement.

Le dispositif proposé est d’autant plus insuffisant qu’il repose sur un mécanisme de remboursement d’ici juillet 2019, différant ainsi le gain de pouvoir d’achat promis. Les retraités concernés par cet article seraient toujours soumis à un taux de CSG de 8,3 % au-delà de janvier 2019. Ne perdons pas de temps, actons ce retour au taux de 6,6 % dès janvier 2019. C’est le sens de notre amendement.

M. Olivier Véran, rapporteur. Par cet article 3, nous créons un nouveau seuil de 2 000 euros net pour un pensionné, ce qui imposera un travail important aux caisses de retraite qui devront examiner la situation de chaque pensionné, et prendra du temps.

Je souligne que l’article indique le mois de juillet comme date butoir, ce qui signifie que c’est en juillet, au plus tard, que les caisses de retraites devront avoir tout mis en conformité, afin que nous puissions être certains de faire bénéficier à cette date les contribuables de la baisse du taux de CSG des millions de retraités concernés. Mais si, comme on peut l’espérer, ce travail est mené à bien plus rapidement, la baisse de la CSG interviendra plus tôt.

J’ajoute qu’un versement rétroactif du trop-perçu sera effectué auprès des retraités concernés. Ainsi, en quatre, cinq ou six mois, tout aura été normalisé comme si la baisse avait eu lieu dès janvier. En tout état de cause, les administrations concernées devraient être capables de tirer les conséquences de la baisse du taux de CSG au printemps prochain. Inscrire le mois de juillet comme date butoir dans la loi constitue donc une sécurité.

La commission rejette cet amendement.

Elle adopte lamendement de coordination AS161 du rapporteur.

Elle se saisit ensuite de lamendement AS101 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Les règles de recevabilité nous empêchent d’inscrire directement dans le texte l’annulation totale de la hausse de la CSG grâce au rétablissement de l’ISF – et, comme l’a dit notre collègue Pierre Dharréville, nous aurions pu évoquer le CICE. C’est pourquoi nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport portant sur le coût et l’opportunité pour les finances sociales et les assurés sociaux de rétablir le taux de 6,6 % de CSG à l’ensemble des retraités.

M. Olivier Véran, rapporteur. Ce rapport ne sera pas nécessaire ; nous avons eu ce débat au cours de l’examen du PLFSS, et nous l’avons déjà repris ce soir. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi je donnerai un avis défavorable.

Mme Caroline Fiat. De plusieurs sujets, j’entends ce soir qu’ils ont déjà été évoqués ou que nous ne pouvons pas les évoquer. Pourtant, à la suite des annonces du Président de la République, nous examinons bien un projet de loi portant sur des mesures d’urgence économiques et sociales. Il serait justifié que nous puissions reprendre ce débat, faute de quoi je ne vois pas l’intérêt de ce texte.

La commission rejette cet amendement.

Puis elle adopte larticle 3 modifié.

Après l’article 3

La commission examine lamendement AS84 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Par cet amendement, je propose que le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 31 juillet 2019 pour étudier la mise en place d’un dispositif permettant de soutenir le pouvoir d’achat des retraités dont les ressources sont supérieures au plafond de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), mais inférieures à 1 300 euros mensuels.

On parle beaucoup des retraités qui vont bénéficier de cette diminution de 1,7 %. En fait, seuls en bénéficieront les retraités dont le revenu fiscal de référence est compris entre 14 549 et 22 580 euros pour une personne seule. Ceux-là étaient effectivement soumis en 2018 à un taux de 8,3 %, à partir du 1er janvier 2019.

En revanche, ceux dont le revenu fiscal de référence est compris entre 11 129 et 14 548 euros resteront soumis au taux de 3,8 %, et ceux dont le revenu fiscal de référence se situe en dessous de 11 128 euros sont totalement exonérés. Or, ces deux dernières catégories resteront pénalisées par la désindexation des pensions par rapport à l’inflation.

Cette situation est très pénalisante, très injuste pour ces retraités dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 14 548 euros, car ils ne bénéficieront d’aucun avantage. Il est important que nous nous penchions sur ce sujet. Nous présenterons à cet effet des amendements en séance publique, car on ne peut accepter une telle situation.

M. Olivier Véran, rapporteur. Vous appelez notre attention sur la situation particulière de certains retraités, ce à quoi je pourrais répondre en énumérant les dispositifs d’amélioration du pouvoir d’achat visant spécifiquement ces personnes, notamment la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire, qui permet de bénéficier d’une couverture complémentaire pour un euro par jour, soit 30 euros de moins par mois, mais aussi le « reste à charge zéro » ou l’exonération de la taxe d’habitation. Dès lors, l’établissement d’un rapport ne me paraît pas indispensable, et c’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement AS105 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. À l’heure actuelle, près de 600 000 retraités bénéficient du minimum vieillesse. Les bénéficiaires sont majoritairement des femmes, souvent isolées.

Si le taux de pauvreté est inférieur chez les retraités à ce qu’il est dans le reste de la population, ils sont tout de même près de 8 % à être concernés, soit plus d’un million de personnes.

Le Gouvernement a annoncé une revalorisation progressive du minimum vieillesse à partir de 2020. Si les députés du groupe La France Insoumise approuvent cette revalorisation, ils s’étonnent que celle-ci soit aussi étalée dans le temps alors que, dès le vote de son premier budget, le Gouvernement s’est empressé de multiplier les cadeaux aux plus riches – transformation de l’ISF, instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus du capital…

Nous estimons que la revalorisation annoncée n’est pas à la hauteur des besoins des personnes concernées, puisqu’elle ne permet pas aux bénéficiaires de ces allocations de dépasser le seuil de pauvreté. C’est pourquoi, afin d’y remédier, nous présentons l’amendement AS105.

M. Olivier Véran, rapporteur. J’ai bien compris que votre proposition est un amendement d’appel, monsieur Quatennens. Comme vous l’indiquez, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) aura augmenté de 100 euros par mois en l’espace de trois ans, ce qui représente la plus forte augmentation au cours d’une législature pour cette allocation. Vous avez raison de dire que la mesure proposée ne suffit sans doute pas pour permettre aux bénéficiaires de vivre dans de bonnes conditions, mais vous conviendrez qu’elle représente un effort important consenti par la Nation en faveur des personnes âgées percevant de faibles revenus – sans parler de la CMU complémentaire, que j’ai déjà évoquée. Je suis donc défavorable à votre amendement.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement AS111 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Le montant de l’ASPA est aujourd’hui de 833 euros mensuels. Nous estimons que personne en France ne doit vivre en dessous du seuil de pauvreté, et encore moins dans les outre-mer, où la vie est extrêmement chère, c’est pourquoi nous proposons de porter l’ASPA au niveau du seuil de pauvreté.

Cette mesure correspond à la « garantie dignité » qui fait partie de notre programme, et visant à ce qu’aucun niveau de vie ne se situe en dessous du seuil de pauvreté. Nous proposons donc que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur le coût et l’opportunité pour les finances sociales de la réévaluation de l’ASPA à hauteur de 1 000 euros, de son indexation sur l’inflation et la fin de la récupération sur succession qui y est liée dans les collectivités visées à l’article 73 de la Constitution.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement AS102 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. L’amendement AS102 a pour objet de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport portant sur la revalorisation des pensions de retraite à 1 200 euros minimum.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement.

Article 4
Remise au Parlement d’un rapport sur la revalorisation de la prime d’activité

La commission examine lamendement AS61 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. J’ai déposé cet amendement afin de pouvoir m’exprimer au sujet du montant de l’augmentation du SMIC annoncée par le Président de la République, et je ne m’attends pas à ce que vous soyez d’accord avec moi sur ce point, monsieur le rapporteur. Pour ma part, après avoir écouté à plusieurs reprises les propos tenus par le Président de la République, je peux vous assurer qu’il a annoncé une augmentation du SMIC de 100 euros net par mois à compter du 1er janvier 2019.

Or, quand on examine le détail de la mesure, on s’aperçoit que le compte n’y est pas puisque les 100 euros dont il est question comprennent les quelque 17 euros correspondant à l’augmentation mécanique annuelle du SMIC, qui serait intervenue dans tous les cas et ne devrait donc pas être comptabilisée.

Le texte ne prévoyant qu’un rapport visant à évaluer cette mesure, je propose que le libellé du texte l’introduisant indique de manière explicite le montant de 100 euros net par mois, conformément à ce qu’a annoncé le Président de la République.

M. Olivier Véran, rapporteur. Les bénéficiaires vont bel et bien percevoir 100 euros net de plus par mois, à savoir 90 euros de prime d’activité et 18 euros de revalorisation, ce qui fait 108 euros, dont il convient de déduire la réduction automatique de 8 euros de la prime d’activité.

Avec les 20 euros correspondant à la suppression de cotisation mise en œuvre depuis trois mois, on peut considérer qu’entre septembre 2018 et janvier 2019 les bénéficiaires au SMIC percevront 120 euros net supplémentaires. Je suis donc défavorable à votre amendement.

M. Arnaud Viala. Monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas là pour faire de l’arithmétique : ce qui m’importe, c’est la portée de la parole politique du Président de la République dans un moment particulièrement délicat pour lui, pour le Gouvernement et la majorité, mais aussi pour l’ensemble de la classe politique française.

Le Président de la République a annoncé qu’à titre exceptionnel, en réponse à un mouvement qui perturbe la France depuis plusieurs semaines, il allait être appliqué une augmentation de 100 euros, venant s’ajouter à toutes les augmentations habituelles. C’est ce que les Français ont entendu, je suis désolé de devoir dire que faire aujourd’hui application d’une augmentation inférieure à ce montant de 100 euros relève du mensonge.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement AS11 de M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Parce que les modifications des paramètres de la prime d’activité ne nécessitent aucune intervention législative, le Gouvernement prévoit, par pur affichage politique, qu’il remettra un rapport au Parlement sur la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité et, le cas échéant, que ce rapport élaborera des pistes de réforme pour améliorer le recours à la prestation et son impact sur le pouvoir d’achat des ménages modestes.

Le taux de non-recours à la prime d’activité est certes moins important que pour d’autres prestations sociales, mais il reste élevé, à hauteur de 30 %. Or, le non-recours aux droits constitue une problématique majeure. Il nous paraît donc essentiel que le rapport présente des pistes sur l’automaticité du versement de la prime d’activité et que ce ne soit pas simplement optionnel, comme c’est aujourd’hui proposé dans votre texte – tel est l’objet de l’amendement AS11.

M. Olivier Véran, rapporteur. Votre amendement propose de supprimer une formule que je trouve également inutilement ambiguë à l’article 4.

J’en profite pour aller plus loin : je crois que, si certains aspects de ce texte nous divisent incontestablement, dans ce qu’il contient ou dans ce qu’il ne contient pas, je retiens de notre discussion générale avec les ministres ce matin une détermination largement partagée, pour ne pas dire unanime, à favoriser véritablement l’accès à la prime d’activité, et aux prestations sociales en général.

Cette lutte contre le non-recours prendra probablement encore un peu de temps, mais je suis convaincu que nous pouvons avancer plus vite si la détermination politique du Gouvernement est largement soutenue par la représentation nationale.

Afin de ne laisser aucun doute sur notre intention et de supprimer toute formulation qui laisserait à penser le contraire, j’émets un avis favorable à cet amendement.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AS109 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Le non-recours renvoie à toute personne qui ne reçoit pas une prestation ou un service auquel elle pourrait prétendre pour diverses raisons : non-connaissance, absence d’orientation, de proposition, de réception ou de demande. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Le taux de recours à la prime d’activité était d’environ 70 % en moyenne sur l’année 2016.

Le passage du RSA « activité » à la prime d’activité a permis de faire baisser le non-recours, mais plus d’un quart des personnes pouvant en bénéficier n’en bénéficient toujours pas. L’automatisation du versement de la prime d’activité permettrait d’éviter le non-recours et de pallier ainsi la précarité des salariés les plus pauvres. L’ancienne prime pour l’emploi était associée à la déclaration fiscale, ce qui permettait d’automatiser largement le dispositif et de limiter ainsi le taux de non-recours, estimé à 5 % environ.

De nombreux outils sont mis en place pour détecter la fraude sociale, mais quasiment aucun pour détecter le non-recours, un phénomène qui a pu contribuer à la gronde sociale qui se fait entendre en cette fin d’année 2018. C’est pourquoi nous proposons par le présent amendement d’intégrer à l’évaluation de la prime d’activité proposée par le présent article, une évaluation de l’automatisation du versement de la prime d’activité.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je commencerai par rappeler que la prime d’activité constitue un net progrès, puisqu’elle s’est traduite par un taux de recours de 80 %, contre 30 % pour la prime pour l’emploi qui l’a précédée. Certes, ce taux de 80 % est encore insuffisant – j’ai récemment rencontré des fonctionnaires qui pensaient ne pas y avoir droit –, et un vrai travail d’information reste à accomplir.

Nous devons également réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour aller vers un versement automatique. À cet effet, nous avons adopté dans le cadre du PLFSS une sorte de super-base de données permettant aux caisses de sécurité sociale de communiquer entre elles – en particulier au sujet de la définition des revenus des chacun – et d’être en mesure d’identifier qui peut prétendre à telle ou telle prestation. L’article 4 contient également des mesures visant à ce que nous atteignions cet objectif largement partagé, et je ne pense pas qu’il soit utile de demander un rapport sur ce point, c’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement – à défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle aborde lamendement AS112 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. L’article 4 contient sans doute l’essentiel de l’entourloupe du Président de la République, qui a bien pris soin de ne jamais dire que le montant du SMIC allait être augmenté – contrairement à ce que nombre de commentateurs ont cru entendre –, se contentant d’indiquer que les revenus d’un salarié au SMIC augmenteraient de 100 euros. Depuis, nous avons découvert, notamment au cours des débats sur le PLF, que l’augmentation est sévèrement conditionnée, et sera sans doute d’un montant inférieur à 50 euros pour de nombreux bénéficiaires.

Surtout, cela équivaut à une capitulation en règle que de choisir la prime d’activité plutôt que la hausse du SMIC. En effet, la philosophie de la prime d’activité consiste à considérer que les bas salaires sont acceptables du moment qu’ils sont complétés pas une allocation et permettent de maintenir les emplois des salariés concernés. Pour notre part, nous estimons que la mesure à mettre à l’ordre du jour aurait consisté en une augmentation réelle du SMIC – qui, elle aussi, peut largement favoriser l’activité par le biais de la relance de la consommation populaire.

L’amendement AS112 vise à ce que le Gouvernement puisse évaluer l’impact de l’indexation de la prime d’activité sur l’évolution annuelle de l’indice des prix à la consommation des ménages, ainsi que l’inclusion dans le dispositif de l’ensemble des personnes percevant moins que le SMIC, actuellement exclues du bénéfice de ce versement.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Sans adhérer à la totalité de cet amendement, j’y souscris en partie, car je considère que le rapport devrait s’intéresser à l’ensemble des personnes touchant moins que le SMIC au titre de la globalité de leurs revenus. En effet, si en se basant sur la globalité des revenus du foyer et non sur la seule rémunération au SMIC, le système évite l’écueil d’un versement à des foyers ayant des revenus importants grâce aux revenus du conjoint ou à d’autres sources de revenus, il pénalise d’autres publics – je pense en particulier aux travailleurs à temps très partiel.

Si la revalorisation vise à donner plus de pouvoir d’achat au niveau du SMIC et au-delà – par exemple jusqu’à 1,4 fois le SMIC pour un célibataire sans enfant –, en écartant les salaires inférieurs à 0,5 fois le SMIC, comme cela a été le cas dès le cadrage initial de la prime d’activité et de la bonification ; à temps de travail égal, un salarié à temps très partiel subi au SMIC ne bénéficiera pas de la revalorisation de la prime d’activité alors qu’un autre, plus confortablement rémunéré, pourra en bénéficier. N’aurait-il pas été préférable de lisser le montant de la revalorisation en fonction du nombre d’heures effectuées ? Il me semble que le rapport pourrait s’attacher, entre autres, à examiner ce point.

M. Olivier Véran, rapporteur. J’ai interpellé tout à l’heure Mme la ministre sur la question des temps très partiels et des rémunérations inférieures au SMIC, en prenant l’exemple d’une mère de famille exerçant la profession d’AVS qui m’a contacté récemment pour m’expliquer qu’elle ne parvenait pas à s’en sortir. Il m’a été répondu qu’un travail serait conduit, notamment par le biais de ce rapport.

Si je suis défavorable à une demande de rapport spécifique, c’est que les travailleurs pauvres ne seront pas du tout exclus de la réflexion à venir. À mes yeux, il est fondamental que l’on puisse apporter une réponse en revisitant les dispositifs existants, notamment pour les personnes dont le temps de travail est extrêmement partiel, et cela fait bien partie du rapport qui sera remis au Parlement. Je suis donc défavorable à l’amendement AS112.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement AS116 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. En réservant le complément de revenu aux personnes dont le conjoint gagne des revenus relativement équivalents, et en le retirant à celles et ceux dont le conjoint gagne davantage, le mode d’attribution de la prime d’activité ne fait pas œuvre de justice sociale, contrairement à ce qu’affirment le Gouvernement et la majorité.

On sait de façon documentée et claire que les femmes représentent 80 % des bas salaires et qu’elles gagnent en moyenne 25 % de moins que les hommes. Par conséquent, le schéma de « justice sociale » dessiné par la prime d’activité est en fait un schéma de domination des hommes sur les femmes, qui suppose que le revenu du conjoint doit venir compléter les faibles salaires des femmes.

M. Gilles Lurton. C’est la même chose pour la CSG !

Mme Caroline Fiat. Là où une augmentation du SMIC aurait pour effet d’augmenter la rémunération individuelle des femmes, la prime d’activité aura pour seul effet d’augmenter la rémunération des femmes aux revenus équivalents à ceux de leur conjoint. C’est ce qui fait dire à la sociologue Dominique Méda qu’« un tel système maintient les femmes, qui ont souvent les salaires les moins élevés et qui travaillent souvent à temps partiel, dans la dépendance de leurs maris ».

Puisque l’égalité entre les femmes et les hommes fait partie des priorités du quinquennat d’Emmanuel Macron, j’espère pouvoir compter sur le soutien unanime des députés présents.

M. Olivier Véran, rapporteur. C’est à juste titre que vous évoquez la situation d’une femme rémunérée au SMIC et qui, parce que son mari est bien payé, ne bénéficierait pas des 100 euros d’augmentation. Le choix fait par le Gouvernement va permettre à une mère de famille isolée avec un enfant et qui, tout en gagnant 2 000 euros, a du mal à s’en sortir, de percevoir une prime de 100 euros – ce qui correspond parfaitement à la défense du principe d’égalité entre les femmes et les hommes, qui constitue une grande cause du quinquennat.

Si j’estime que la question que vous évoquez doit faire l’objet d’une attention particulière dans le cadre du rapport qui sera remis au Parlement par le Gouvernement, je ne pense pas que cela doive être spécifié dans le texte, mais je peux vous assurer que nous serons très vigilants sur ce point. Je vous invite donc à retirer cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. J’appelle votre attention sur le fait que le bonus est bien individuel et que la prime d’activité, de nature composite, est issue d’une réflexion visant à mettre en place une allocation qui aide les familles à revenus modestes à compenser l’insuffisance de ces revenus. Aujourd’hui, nous revalorisons le bonus individuel, attaché au salaire de l’un ou l’autre des conjoints, voire des deux.

Nous sommes très attentifs à la façon dont sont construits les paramètres qui vont permettre d’attribuer cette prime individuelle aux foyers, notamment à ce que les familles monoparentales aient un point de sortie de la prime d’activité qui soit situé au-delà de celui des personnes célibataires ou des couples, de façon à aider particulièrement les familles monoparentales avec des enfants.

Ainsi, jusqu’à 1,9 fois le SMIC, c’est-à-dire 2 000 euros de salaire net, les familles monoparentales recevront 90 euros de prime d’activité plus la revalorisation du SMIC et bénéficieront donc bien d’un gain de 100 euros en termes de pouvoir d’achat, avec une stabilité jusqu’à 2 000 euros et un point de sortie décroissant, allant jusqu’à 2 250 euros. Au total, 500 millions d’euros vont être redistribués en plus dans le cadre de la prime d’activité perçue par les familles monoparentales, qui seront 150 000 de plus à bénéficier de cette mesure.

Mme Caroline Fiat. Cela fait plusieurs semaines que l’on nous dit qu’il faut que le travail paye, et je ne vois pas pourquoi une femme travaillant au SMIC devrait toucher moins qu’une autre au seul motif que son mari gagne bien sa vie. En vertu du principe d’égalité, le travail doit payer pour tout le monde : je ne retirerai donc pas mon amendement.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je précise que la mesure dont il est ici question n’est pas « genrée » : vous évoquez la situation de la femme dont le mari gagne bien sa vie, mais ce pourrait être l’inverse…

Mme Caroline Fiat. Malheureusement, les bas salaires concernent à 80 % les femmes…

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il est un point sur lequel nous pouvons tous tomber d’accord : ce n’est pas dans le cadre d’un texte prévoyant des mesures d’urgence que nous allons régler tous les problèmes qui se posent en France depuis près de cinquante ans en termes d’égalité entre les femmes et les hommes.

Je veux saluer le travail que nous avons accompli ensemble, dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais aussi sur le principe « à travail égal, salaire égal ». Depuis, nous avons avancé avec les partenaires sociaux sur la définition des modalités d’application de ces principes, ce qui nous a permis, le 22 novembre dernier, de trouver un accord sur la mise au point d’un système de mesure dans les entreprises qui va permettre à l’obligation de résultat que vous avez votée le 1er août de devenir opérationnelle.

Concrètement, lindicateur qui va servir de mesure, donc de point de repère, au respect de lobligation des entreprises, va prendre en compte cinq grands principes : à travail égal, salaire égal ; à même niveau de classification et dâge, salaire égal – car on sait, notamment, que les femmes sont pénalisées par le fait de prendre un congé de maternité ; égalité des chances en matière de promotion, ainsi que daugmentation de la rémunération ; respect absolu de la règle de moyenne des rémunérations lors du retour de congé de maternité ; enfin, garantie de la proportion de femmes parmi les dix rémunérations les plus importantes au sein dune entreprise. Notre pays va être le premier à voir appliquer dans ce domaine une obligation de résultat, avec des indicateurs portant à la fois sur légalité de rémunération et sur celle en termes de chances de promotion.

La revalorisation de la prime d’activité est destinée à aider les familles monoparentales, souvent constituée par des femmes. Cela dit, nous n’avons pas l’intention de nous arrêter là, et je compte sur le soutien des parlementaires pour continuer à faire vivre les dispositions contenues dans la loi que vous avez votée. Nous attachons tous une grande importance au combat de l’égalité entre les femmes et les hommes, et je veux souligner que nous avons travaillé sur ce sujet avec l’intégralité des organisations syndicales et patronales, ce qui me rend confiante sur le fait que nous allons continuer à progresser sur cette voie. Venant compléter les effets produits par l’instrument le plus fort au service de la cause que nous voulons servir, d’autres instruments, parmi lesquels la prime d’activité, vont contribuer à ce que nous parvenions à l’objectif que nous nous sommes fixé.

Mme Caroline Fiat. Je comprends bien que nous n’allons pas régler dans ce projet de loi, fait de mesures d’urgence, les manquements accumulés pendant quarante-six ans. Mais depuis dix-huit mois, chaque fois que nous proposons un amendement, il nous est dit que les choses viendront plus tard. Lors de l’examen du PLFSS, nous avions proposé que l’employeur ne touche pas le CICE s’il n’appliquait pas la règle « à travail égal, salaire égal ». Cela ne coûtait rien, mais ce n’est pas passé. Le temps commence à être long avant de percevoir les premiers effets.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AS149 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Je souhaite souligner la justesse de ce que vient d’exposer notre collègue Caroline Fiat. Elle pointe en effet une des limites du dispositif de contournement que vous avez mis en place pour ne pas passer par une augmentation du SMIC et des salaires. Nous voyons bien qu’il ne s’agit pas de rémunérer le travail, puisqu’il est question d’une prestation sociale. Et les limites qui ont été pointées à l’instant sont également celles du mécanisme de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), qui a été extrêmement critiqué, à juste titre, et à propos duquel une proposition de loi a été déposée. Nous nous heurtons donc aux limites de l’exercice auquel vous vous êtes vous-même contraints.

L’amendement a pour objet de placer au cœur du rapport un des enjeux centraux du débat qui occupe le pays ces derniers temps : le partage de la richesse créée au sein de l’entreprise et la hausse des salaires, afin que ce rapport puisse éclairer la représentation nationale dans les choix qu’elle aura à faire. D’autant que je ne sais pas si le bricolage que nous sommes en train de discuter tiendra longtemps et s’il est prévu de le reconduire l’année prochaine. Dans tous les cas, nous avons besoin d’une réflexion beaucoup plus large pour savoir de quelle façon agir en faveur du pouvoir d’achat dans ce pays.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le partage de la richesse dans l’entreprise a plutôt fait l’objet des discussions autour du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, dit « PACTE ». Elle n’a pas vraiment sa place dans ce rapport, avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. M. Dharréville a évoqué la possibilité que ce mécanisme ne soit pas pérenne. Il n’est pas question, aujourd’hui, d’arrêter la prime d’activité à la fin de l’année 2019, comme je l’ai déjà entendu, notamment sur les plateaux de télévision. C’est bel et bien un mécanisme pérenne que nous mettons en place, sauf à transformer d’ici quelques années la prime d’activité ou d’autres allocations dans le cadre du revenu universel d’activité. Mais tant qu’il n’y aura pas une autre allocation, ce mécanisme va perdurer.

M. Pierre Dharréville. Je ne sous-entends rien, madame la ministre : je me demande seulement si nous apportons la bonne réponse à la question posée. Le rapport doit nous éclairer à ce sujet. Voulons-nous continuer à faire supporter par l’impôt la compensation des bas salaires ? Un débat s’est ouvert dans le pays, et je pense qu’il ne sera pas refermé par les dispositions que nous sommes en train de prendre. Je souhaite que le rapport qui nous sera remis permette d’éclairer ce débat, pour nous ici, et plus largement pour le débat public.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 4 modifié.

Après l’article 4

La commission est saisie de lamendement AS31 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Cet amendement propose une revalorisation du SMIC à 1 760 euros brut à compter du 1er janvier 2020, ce qui correspond à une hausse de 200 euros net.

Deux millions de salariés sont aujourd’hui rémunérés sur la base du SMIC. Les principaux concernés sont les jeunes, les femmes et les personnes occupant des postes peu qualifiés.

Alors que le SMIC est censé constituer un outil de redistribution des richesses et de lutte contre la précarité, les mesures que nous sommes en train de prendre sont un aveu de la faiblesse du SMIC et contribuent, en outre, à accentuer le phénomène de « trappe à bas salaires ».

Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs ont fait le choix de subventionner massivement les bas salaires à travers les allégements généraux de cotisations patronales et le CICE. Le résultat en est que, sans même compter la prime d’activité, l’État finance à hauteur de 28 % un salarié payé au SMIC, en lieu et place de l’employeur.

Loin de répondre à la crise de l’emploi, ces politiques ont contribué à créer des trappes à bas salaires et à polariser le marché du travail entre des emplois peu qualifiés et des emplois très qualifiés, tout en dispensant les employeurs d’augmenter les salaires.

Les mesures inscrites dans ce projet de loi continuent sur cette lancée. Augmenter la prime d’activité, une prestation sociale financée par l’impôt, revient à exonérer les employeurs de l’effort de solidarité nationale et de rémunération du travail.

Nous proposons une mesure simple et juste : augmenter le SMIC de 200 euros nets au 1er janvier 2020 pour atteindre 1 367 euros hors déduction des cotisations salariales, ce qui correspond à 1 760 euros brut.

Pour soutenir les PME et TPE dans cette démarche, nous proposerons par un autre amendement de mettre en place une progressivité de l’impôt sur les sociétés.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Nous avons en effet choisi d’augmenter la prime d’activité plutôt que le SMIC, ce qui a plusieurs mérites. Tout d’abord, cela crée un gain de pouvoir d’achat ciblé sur ceux qu’il est le plus utile d’aider à reprendre ou à conserver un emploi – ce qui est l’objet de la prime d’activité. Cela offre, en outre, un soutien massif aux travailleurs, sans coût supplémentaire pour les employeurs, et sans risque de perte d’emplois dans les entreprises. Enfin, l’effort se prolonge au-delà du niveau du SMIC, comme le montre l’exemple du travailleur célibataire qui bénéficiera de la prime jusqu’à 1 560 euros net par mois, ou de la mère ou du père célibataire avec enfant, pour qui l’effort ira jusqu’à 2 000 euros.

Pour ces différentes raisons, je suis défavorable à cet amendement et à la série d’amendements qui, sous une forme ou une autre, ont pour objet d’augmenter le SMIC.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AS30 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Il s’agit d’un amendement de repli, qui s’aligne sur l’annonce faite par le Président de la République à la télévision – augmenter de 100 euros le revenu des travailleurs payés au niveau du SMIC – mais en augmentant le SMIC.

D’un mot, je voudrais réagir à la réponse précédente du rapporteur. Un certain nombre d’économistes expliquent de manière très argumentée que cette mesure n’aura pas pour effet de détruire des emplois. Nous considérons par ailleurs que l’ensemble des salaires doit être augmenté, j’avais fait des propositions pour limiter parallèlement l’échelle des salaires, ce qui permet une autre distribution des richesses dans l’entreprise. Il y a un certain nombre de mesures cohérentes à prendre, et une grande conférence nationale sur les salaires permettrait, à l’appui de cette augmentation du SMIC, de réellement faire progresser le pouvoir d’achat des salariés dans ce pays pour toutes et pour tous.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques AS99 de M. Adrien Quatennens et AS119 de Mme Caroline Fiat.

M. Adrien Quatennens. Par cet amendement, nous proposons de faire la seule chose qui aurait véritablement permis d’amorcer une sortie de crise, à savoir augmenter le SMIC en le portant à une valeur nette de 1 326 euros.

Il est assez facile de démontrer pourquoi une augmentation du SMIC, comme revendiquée par les « gilets jaunes », serait plus efficace, plus rationnelle et plus juste que le bricolage prévu dans ce projet de loi avec la prime d’activité.

Tout d’abord, il faut dire et répéter qu’augmenter le SMIC n’est pas un problème pour l’emploi. Nous sommes persuadés qu’augmenter le SMIC permet de relancer la consommation populaire et que le principal problème tient au remplissage des carnets de commandes.

La hausse du SMIC est une mesure de hausse du pouvoir d’achat peu coûteuse en emplois, comparée à la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires. Contrairement à la prime d’activité ou la « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat », l’effet de la hausse du SMIC sur le pouvoir d’achat serait immédiat et inconditionnel : ni le revenu du conjoint ou ceux du ménage ne viendraient réduire ce salaire. Ce serait donc une mesure favorable à l’égalité entre les femmes et les hommes.

L’augmentation du SMIC serait également moins coûteuse pour les finances publiques : l’estimation d’un coût élevé n’est due qu’au coût des exonérations de cotisations supplémentaires. En revenant sur ces réductions de cotisations, comme nous le souhaitons, nous serions en deçà du coût de 10 milliards d’euros évoqué pour les mesures contenues dans ce projet de loi.

La hausse du SMIC augmenterait également les droits au chômage et à la retraite des salariés, contrairement à la prime d’activité qui n’est pas prise en compte dans le calcul de ces droits. La hausse du SMIC aura aussi un effet sur la situation des chômeurs et des futurs retraités, ce que n’a pas la prime d’activité.

Enfin, le SMIC est aussi une mesure de redistribution des richesses, de partage entre capital et travail. C’est la mesure la plus adéquate pour lutter contre les inégalités, puisque la part des salaires dans la valeur ajoutée de l’entreprise n’a cessé de diminuer au profit des dividendes, passant de 67 % en 1981 à 53 % en 2008. Depuis, elle est remontée à 59 %, mais essentiellement parce que la valeur ajoutée globale a stagné.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Elle en vient à lamendement AS122 de M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à la demande légitime d’augmentation du SMIC. Nous proposons d’indexer l’évolution du salaire minimum de croissance sur les salaires supérieurs à trois fois le SMIC. Une telle mesure, si elle ne dissuade pas les entreprises d’augmenter les hauts salaires, permettra au moins de revaloriser les plus bas salaires.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement AS125 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Il s’agit également d’un amendement de repli. Nous souhaitons indexer le niveau du SMIC sur l’évolution de la rémunération des actionnaires. Ainsi, l’augmentation continue des inégalités sera neutralisée : il ne sera plus possible d’augmenter les dividendes sans augmenter les salaires.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie des amendements AS113 et AS115 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS153 de M. Adrien Quatennens.

M. Jean-Hugues Ratenon. Mes amendements sont relatifs au revenu de solidarité outre-mer (RSO). Ce revenu de solidarité est uniquement versé dans les outre-mer et concerne à peu près 15 000 personnes dans l’ensemble des outre-mer. Les personnes qui perçoivent le RSO doivent s’engager à se retirer définitivement du marché du travail. Dès qu’une personne devient ayant droit au RSO, le dispositif est irréversible et il n’est plus possible de retourner sur le marché du travail.

S’agissant d’un dispositif très spécifique aux outre-mer, la demande d’un rapport semble bienvenue afin d’en évaluer les conséquences. Le montant du RSO est en effet égal à 512,21 euros par mois, revenu avec lequel personne ne peut vivre.

M. Olivier Véran, rapporteur. Ma réponse s’applique à ces trois amendements qui portent sur les outre-mer. La situation dans les outre-mer est particulière et impose un traitement particulier concernant la pauvreté, mais aussi pour bien d’autres aspects. Ce n’est pas l’objet de ce projet de loi. Avis défavorable aux trois amendements.

M. Adrien Quatennens. Suite à cet avis défavorable, je tiens à faire une dernière intervention.

Nous en avons fini pour ce soir, mais je peux vous assurer, au regard de l’examen de ce texte en commission, que vous n’en avez pas fini avec la crise que nous connaissons. Elle va reprendre de plus belle car rien dans ce texte ne permet de répondre à l’exigence de justice fiscale. Nous voyons, à l’étude de toutes ces mesures, que vous avez à nouveau réussi votre coup : maintenir le même cap et vous dresser comme un rempart entre les « gilets jaunes » et les Français qui les soutiennent en majorité, d’une part, et les riches et les puissants que vous soutenez depuis le début de ce quinquennat, d’autre part. Vous maintenez votre cap, et vous vous retrouverez à la rentrée avec de nouvelles difficultés, mais nous continuerons à faire des propositions conséquentes pour en sortir.

M. Jean-Hugues Ratenon. Monsieur le rapporteur, vous venez de dire qu’une situation exceptionnelle imposait des mesures exceptionnelles, et que les outre-mer méritaient un traitement particulier du fait de la situation qui y règne. Et vous trouvez normal que l’on demande à des gens de se retirer du marché du travail en échange de 512 euros par mois, ce qui correspond à la moitié du seuil de pauvreté ? Est-ce là un bon traitement pour les outre-mer ?

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte lensemble du projet de loi modifié.

En conséquence, elle demande à l’Assemblée nationale d’adopter le projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport (http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/ta-commission/r1547-a0.pdf).

 


([1]) Sur la base de la durée légale du travail, établie sur un an.

([2]) Ou présent dans l’entreprise à la date de versement, si cette dernière est comprise entre le 10 décembre 2018 et le 31 décembre 2018.

([3]) Les contributions dues au titre de la formation professionnelle et de l’apprentissage jusqu’au 31 décembre 2018 rassemblent la taxe d’apprentissage, la contribution supérieure à l’apprentissage, la contribution au financement du congé individuel de formation, la participation des employeurs de moins de 11 salariés au développement de la formation professionnelle continue et celle des employeurs de plus de 10 salariés.

([4]) À compter du 1er janvier 2019, la contribution unique à la formation et à l’alternance prendra le relais. Elle sera complétée par la contribution supplémentaire à l’apprentissage et la contribution dédiée au financement du compte personnel de formation pour les titulaires d’un contrat à durée déterminée.

([5]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([6]) Articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-39 du code du travail. Le contingent annuel est fixé par accord ou convention collective au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, ou à défaut par la branche. En l’absence d’accord, c’est un plafond supplétif fixé par voie réglementaire de 220 heures qui comble le vide conventionnel.

([7]) Au-delà du contingent, les heures supplémentaires trouvent impérativement leur contrepartie dans un repos compensateur.  

([8]) La convention de forfait en jours est le document qui formalise une durée du travail différente de la durée légale ou conventionnelle, sur la base d’un forfait en jours sur l’année. Cette durée n’est alors pas comptabilisée en heures mais en jours – au maximum 218 – sur l’année. Le recours à cette convention s’adresse aux cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et aux salariés dont la durée de travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.

([9]) Article L. 3123-28 du même code.

([10]) Article L. 3123-20.

([11]) Article L. 3123-29.

([12]) Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat

([13]) Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012

([14]) Le mode de calcul des cotisations versées à l’ex- AGIRC-ARRCO supposent en effet de rapprocher des taux « faciaux » (respectivement 6,20 % et 17 %) d’un taux d’appel qui majore l’assiette prise en compte (127 %). L’ensemble est ensuite réparti de la façon suivante : 40 % à la charge du salarié et 60 % à la charge de l’employeur, sauf si un accord d’entreprise prévoit une autre clef de répartition. Les taux cités ne valent donc que pour une entreprise qui n’a pas modulé la répartition de droit commun : la part salariale est plus faible, l’exonération représente un gain plus faible ; si elle est plus élevée, le gain sera plus élevé.

([15]) Correspondant respectivement à l’Association pour la gestion des fonds de financement et à la Garantie minimale de points.

([16]) Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

([17]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r1336-tII.pdf  

([18]) Le dispositif « TEPA » était plafonné à 22,1 % ce qui conduisait une exonération partielle dans l’hypothèse où le taux global de cotisations était supérieur, cas qui n’était pas théorique dans le cadre du financement de l’assurance vieillesse complémentaire.  

([19]) Sur le plan juridique, les cotisations de retraite complémentaire seront toujours versées, comme contreparties à la constitution des droits. Les montants correspondants seront donc effacés sur les autres cotisations vieillesse de base portant sur le reste de la rémunération à due concurrence.  

([20]) A l’heure où ces lignes sont écrites, le PLFSS pour 2019 n’a pas été promulgué et est toujours soumis à l’examen du Conseil constitutionnel dans les conditions prévues à l’article 61 alinéa 2 de la Constitution.  

([21]) L’employeur bénéficie toutefois, en application de ce même V, d’une présomption de bonne foi lorsqu’une période d’au moins douze moins sépare l’élément de rémunération supprimée des nouvelles heures supplémentaires ou complémentaires décidées par l’employeur.  

([22])  Ces chiffres cités par l’étude d’impact du projet de loi sont à considérer comme un ordre de grandeur compte tenu de leur relative ancienneté (2011).

([23]) Le coût du dispositif en 2019 serait plus faible (1,1 milliard d’euros) en raison d’un effet de décalage dû à la difficulté pour les entreprises à faire fonctionner l’exonération dans le cadre du prélèvement à la source.  

([24]) Ce chiffre intègre 1,9 milliard d’euros d’exonération fiscale, et  1,9 milliard d’euros d’exonération sociale en tenant compte de la baisse de cotisations votée en PLFSS.

([25])  Étude réalisée par la DARES, citée par l’étude d’impact du projet de loi.

([26]) Le taux d’exonération étant structurellement plus faible – les agents publics s’acquittant d’un taux de cotisations plus faible que les salariés du secteur privé – le gain est d’un ordre un peu plus faible.

([27]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017.  

([28]) Il s’agit du montant en-deçà duquel le taux nul s’applique en 2018, en prenant donc comme référence le RFR de 2016. Le montant inscrit au 1° du III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est de 10 996 euros, mais le dernier alinéa du même III prévoit une revalorisation annuelle des seuils au 1er janvier de chaque année, suivant l’inflation hors tabac. Cette remarque vaut pour donc pour l’ensemble des montants évoqués par la suite.

([29]) Le quotient familial est un outil essentiel du calcul de l’impôt sur le revenu, familialisé et progressif. Chaque foyer fiscal est constitué d’un certain nombre de parts, variable selon sa composition. Le revenu imposable est divisé en autant de parts que compte le foyer ; c’est à ce revenu divisé qu’est appliqué le barème progressif (chaque tranche de revenu étant soumise à un taux croissant avec la tranche). Le montant d’impôt par part ainsi obtenu est ensuite multiplié par le nombre de parts, produisant le montant d’impôt dû par le foyer.

([30]) Un couple représente deux parts de quotient familial. En l’espèce, la première part vaut 11 018 euros et la seconde 5 884, soit 2 X 2 942. La règle est donc différente de celle qui s’applique en matière d’impôt sur le revenu, voulant qu’un couple représente deux parts complètes, soit 22 036 euros au cas d’espèce.

([31]) Mais non encore promulgué du fait de la saisine du Conseil constitutionnel par plus de 60 parlementaires. La première partie du présent commentaire reprend, bien logiquement, le commentaire par le rapporteur général de l’article 11 du PLFSS 2019, en première lecture : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r1336-tII.pdf, pages 107 à 113.

([32]) https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/12/10/adresse-du-president-de-la-republique-du-lundi-10-decembre-2018

([33]) Les seuils prévus au III bis étant revalorisés suivant l’inflation, comme les seuils prévus au III (III ter nouveau).

([34]) Articles 127 à 135 de la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990.  

([35]) Article 42 de la loi n° 93-859 du 22 juin 1993.  

([36]) Article 2 de la loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993.  

([37]) Respectivement par l’article 94 de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 de finances pour 1997 et par l’article 80 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998.

([38]) La déductibilité a également concerné la CSG sur les revenus du capital, qui n’étaient pourtant pas assujettis aux cotisations sociales.

([39]) Article 37 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004.  

([40]) Article 9 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012.

([41]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017.  

([42]) Pour plus de précisions, on se reportera utilement au commentaire de l’article 19 du PLFSS 2019, devenu article 26 de la loi définitivement adoptée, par le rapporteur général : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r1336-tII.pdf, pages 160 à 189.

([43]) Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

([44])  La prime d’activité est plafonnée (« point de sortie ») en fonction de la composition du foyer : 1,3 SMIC pour une personne seule, 1,9 SMIC pour un couple mono-actif sans enfant ou une famille monoparentale avec enfant, et 2,4 SMIC pour un couple biactif avec deux enfants. 

([45]) Cette hausse faisait suite à une revalorisation de 20 euros du montant forfaitaire en octobre. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037460543&fastPos=2&fastReqId=2035736953&categorieLien=id&oldAction=rechTexte  

([46]) Au niveau d’1 SMIC, la pente de la prime est en effet décroissante et un euro de revenu supplémentaire entraîne une décroissance de la prime d’activité.

([47]) Le projet de loi de finances pour 2019 en a tiré les conséquences en adoptant une hausse de 600 millions d’euros supplémentaires lors de l’examen en première lecture au Sénat puis de 2 milliards d’euros lors de l’examen en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.