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N° 1675

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le mercredi 13 février 2019.

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à protéger la population des dangers de la malbouffe,

 

 

 

 

Par M. Loïc PRUD’HOMME,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  1561.

 


 


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  SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

Commentaires darticles

Article premier Restriction de lutilisation des additifs dans la production de denrées alimentaires transformées

1. Le droit existant

2. Le contexte actuel

3. Le dispositif proposé

Article 2 Suivi effectif des recommandations de lOMS en matière de taux de sel, de sucre et dacide gras saturé

1. Un cadre juridique peu contraignant et relativement inefficace

2. Le dispositif envisagé

Article 3 Interdiction de la publicité en faveur de produits alimentaires destinés aux enfants et adolescents

1. Le cadre conventionnel actuel et son bilan

2. Le consensus scientifique sur la nécessité daller plus loin

3. Le dispositif proposé est perfectible

Article 4 Introduction dun apprentissage à la nutrition et à lalimentation à lécole

1. Léducation à lalimentation aujourdhui

2. Le dispositif proposé est perfectible

Annexes

Annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

Annexe n° 2 : liste des textes susceptibles dêtre abrogés ou modifiés à loccasion de lexamen de la proposition de loi

Compte rendu des travaux


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   Avant-propos

Il est désormais avéré que quelque 40 % des cancers déclarés chaque année en France ont une origine comportementale et pourraient en conséquence être évités : « Parmi les 346 000 nouveaux cas de cancer diagnostiqués chez les adultes en France en 2015, 142 000 seraient attribuables aux facteurs de risque étudiés, soit 41 % de tous les nouveaux cas de cancer. Le tabac était responsable du plus grand nombre de cas (20 %), avec plus de 68 000 nouveaux cas attribuables au tabagisme, toutes localisations confondues. Venaient ensuite lalcool, lalimentation et le surpoids et lobésité, responsables respectivement de 8,0 %, 5,4 % et 5,4 % de lensemble des nouveaux cas de cancers. » ([1]).

Si le tabac est bien sûr le principal facteur, l’alimentation est donc au troisième rang des causes de cancers évitables. Mis à part les cas de tumeurs, l’alimentation est aussi directement liée à de nombreuses maladies chroniques dont la prévalence ne cesse de croître dans notre pays : obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, pour ne citer que les plus fréquentes, ainsi que le professeur Serge Hercberg, directeur de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle, le souligne ([2]).

Il s’agit désormais de véritables problèmes de santé publique.

Par ailleurs, comme le montre le tableau ci-dessous, les coûts cumulés – humains, sociaux, financiers et autres – de ces multiples pathologies sont aujourd’hui considérables. Ce sont des maladies qui touchent des centaines de milliers – voire des millions – de personnes et sont de ce fait sources de dépenses économiques et sociales – absentéisme au travail, assurance maladie, etc. 
– extrêmement lourdes. S’agissant uniquement du surpoids et de l’obésité, la Direction générale du Trésor a ainsi pu chiffrer le cumul des dépenses à 1 % du PIB en 2012, soit quelque 20,4 milliards d’euros, dont 12,6 milliards à la charge de la seule assurance maladie.

Coût social de l’obésité et du surpoids (mds€ en 2012)

Source : « Obésité : quelles conséquences pour l’économie et comment les limiter ? », Trésor-éco, lettre n° 179, septembre 2016.

L’alimentation industrielle a pris une place prépondérante à mesure que les modes de consommation évoluaient profondément au cours des dernières décennies. Le fait que les achats de plats préparés aient été multipliés par 6 en cinquante ans suffit à l’illustrer. La piètre qualité nutritionnelle de l’alimentation industrielle est de plus en plus soulignée et documentée. Le lien avec l’essor des maladies chroniques n’est aujourd’hui plus contesté.

Ces aspects sont à la base des préoccupations qui se sont imposées ces dernières années et ont contribué à faire évoluer les politiques publiques en matière de santé nutritionnelle. L’importance d’une alimentation diversifiée et saine est systématiquement mise en avant par les pouvoirs publics et agences sanitaires depuis maintenant longtemps ; les consommateurs sont en attente de transparence de la part de l’industrie agroalimentaire quant à la composition et à la qualité nutritionnelle des produits transformés qui leur sont proposés – cf. les débats des États généraux de l’alimentation ou le succès des nombreuses applications mobiles qui indiquent les classements nutritionnels – ; la question des centaines additifs entrant massivement dans la composition d’innombrables produits alimentaires, souvent sans véritable justification, est enfin de celles sur laquelle les préoccupations sont les plus vives. Auditionné par votre rapporteur, le professeur Serge Hercberg ([3]) a eu l’occasion de confirmer, comme il l’avait fait devant la commission denquête sur lalimentation industrielle, que laccumulation dadditifs posait aujourdhui un véritable problème épidémiologique.

Ces préoccupations s’expriment dans les avis et recommandations des agences scientifiques nationales et européennes comme chez les consommateurs. Certains industriels ne restent pas sourds à la prise de conscience et commencent pour certains, à se tourner vers des pratiques plus vertueuses en faveur d’une alimentation de meilleure qualité nutritionnelle et à réduire volontairement l’introduction d’additifs dans leurs préparations. Pour autant, ce mouvement paraît encore très embryonnaire et les progrès insignifiants en regard des changements qui devraient être apportés pour voir l’alimentation cesser d’être problématique en termes de santé publique et un facteur de risque pour le consommateur.

Par ailleurs, force est malheureusement de constater que les avis et recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), des experts de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou du Haut conseil de santé publique (HCSP), restent souvent ignorés, ou peu suivis d’effets concrets, tant des pouvoirs publics que des entreprises du secteur agroalimentaire. Ainsi, en est-il des alertes relatives aux teneurs maximales en sel, en sucres ou en matières grasses, réitérées inlassablement depuis le début des années 90. À ce jour, seules des chartes d’engagements volontaires ont été conclues entre les pouvoirs publics et les groupements industriels, qui n’ont pas, loin s’en faut, donné satisfaction. Le non-respect de ces engagements, pourtant de faible ambition, se traduit par des réductions très lentes et de très faible ampleur, non significatives et sans bénéfice pour les consommateurs, comme l’Observatoire de la qualité de l’alimentation (Oqali) l’a conclu, et les teneurs restent problématiques.

C’est la raison pour laquelle le plaidoyer des agences sanitaires et des scientifiques et nutritionnistes porte depuis plusieurs années maintenant sur la nécessité pour les pouvoirs publics de prendre des mesures contraignantes en lieu et place de l’autorégulation en vigueur.

C’est désormais la position des experts du Haut conseil de santé publique qui ont formulé les propositions d’objectifs pour le prochain Plan national nutrition santé 2017-2021 à la demande du directeur général de la santé. Dans un chapitre de leur rapport ([4]) intitulé « Limites des engagements volontaires et nécessité de mesures contraignantes », après avoir rappelé que le nombre de chartes signées restait faible et que les efforts de reformulation ne permettaient pas de conclure à l’existence de réels progrès nutritionnels, les auteurs soulignent que « des études montrent que des mesures publiques tendant à introduire des standards minimums de qualité sur certains nutriments précis ont des effets beaucoup plus significatifs que les mesures dautorégulation. ». Ils soulignent opportunément que dans la mesure où ces mesures contraignantes sont nécessaires pour la protection de la santé publique, justifiées scientifiquement et proportionnées car mises en place progressivement et ne concernant que certains nutriments et groupes d’aliments, elles ne peuvent être qualifiées de mesures d’entrave aux échanges au niveau européen et sont en conséquence conformes au droit de l’Union européenne.

Sur un autre plan, il importe de rappeler que l’OMS recommande depuis longtemps l’interdiction de la publicité pour des produits trop gras, trop sucrés, trop salés qui ciblent les enfants. À cet égard, comme le rappelle le rapport de notre collègue Michèle Crouzet au nom de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle, les engagements volontaires sous l’égide du CSA n’ont pas non plus donné de résultats particulièrement significatifs, et la législation qui a été adoptée il y a quelques années pour restreindre la publicité dans les programmes télévisés destinés aux enfants s’avère insuffisante. La nécessité de protéger nos enfants des risques induits par la publicité et le marketing de l’industrie agroalimentaire a été notamment mise en avant dans le Livre blanc de la Commission européenne ([5]) qui a mis l’accent sur l’importance de dépasser les politiques reposant sur le volontariat et l’autorégulation et de préserver les jeunes publics de la publicité et du marketing en matière alimentaire.

Enfin, dans cet ordre d’idées, les travaux de la commission d’enquête ont également montré l’importance de l’éducation à l’alimentation dès le plus jeune âge, à laquelle l’ensemble des acteurs de la filière accorde une importance cardinale. Si le code de l’éducation l’a prévue ([6]), chacun constate l’application très insuffisante de cette disposition qu’il convient de renforcer en lui conférant à la fois un caractère plus pratique et obligatoire.

Cette proposition de loi entend mettre en œuvre les principales recommandations scientifiques, celles des agences sanitaires tant nationales qu’internationales, et instituer un cadre légal sur la base duquel les pouvoirs publics pourront prendre les mesures réglementaires contribuant à l’amélioration de la qualité nutritionnelle de notre alimentation. Des mesures fortes et efficaces en termes de santé publique sont aujourd’hui en effet indispensables.

L’article 1er propose de mettre en application l’une des nombreuses préconisations adoptées à l’unanimité des membres de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle en limitant l’autorisation des additifs utilisés dans la production de denrées alimentaires transformées à ceux autorisés à l’annexe VIII du règlement n° 889/2008 de la commission européenne relatif à la production biologique, deux additifs, le nitrite de sodium (E250) et le nitrate de potassium (E250), étant par ailleurs expressément prohibés. Ainsi la réduction réelle de l’exposition de la population aux additifs et à leurs effets indésirables pourra-t-elle être véritablement engagée et garantie. Il n’est pas inutile de rappeler que la docteure Mathilde Touvier, chercheure à l’Inserm, membre de l’équipe du Professeur Hercberg, appelait à la vigilance, estimant lors de son audition devant la commission d’enquête que les additifs alimentaires constituaient la piste à privilégier pour analyser les liens possibles entre alimentation ultra-transformée et cancer.

Parallèlement à la problématique des additifs, il est aujourd’hui indispensable de surmonter l’inertie des industriels du secteur agroalimentaire s’agissant de la réduction des teneurs en sel, en acides gras saturés et en sucre. Comme précédemment rappelé, les agences sanitaires et nutritionnelles ne cessent de constater que les chartes d’engagements volontaires conclues entre les pouvoirs publics et les branches industrielles depuis plus de quinze ans maintenant, n’ont donné aucun résultat probant et ne se sont pas traduites par des réductions significatives et intéressantes en termes de santé publique. Suivant la recommandation du HCSP, l’article 2 de la proposition de loi donne la base juridique nécessaire à la publication par décret des taux de sel, de sucre et d’acide gras saturé admissibles, respectant les préconisations de l’OMS en la matière.

Les articles suivants sont relatifs aux préoccupations exprimées unanimement en direction des enfants.

L’article 3 vise à prohiber tout message publicitaire et autre activité promotionnelle de quelque nature que ce soit, sur tout support et média, en faveur de produits alimentaires et de boissons à destination des enfants et des adolescents. L’article 4 complète le dispositif prévu au code de l’éducation en introduisant dans le code de la santé publique un apprentissage obligatoire à la nutrition et à l’alimentation pour les élèves de l’école primaire à la fin du collège.

 


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   Commentaires d’articles

Lensemble des articles de la proposition de loi ayant été supprimés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de larticle 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

Article premier
Restriction de lutilisation des additifs dans la production de denrées alimentaires transformées

Supprimé par la commission

Le présent article vise à restreindre l’utilisation des additifs dans l’alimentation à ceux autorisés dans l’alimentation biologique.

1.   Le droit existant

Aux termes du règlement n° 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires, « lutilisation dadditifs alimentaires doit être sûre, doit répondre à un besoin technologique ; elle ne doit pas induire le consommateur en erreur et doit présenter un intérêt pour ce dernier. (…) Le principe de précaution ainsi que la faisabilité des contrôles, devraient également être pris en compte dans le cadre de lautorisation dadditifs alimentaires. » ([7]).

Concrètement, ne peuvent être autorisés et utilisés que les additifs qui répondent aux critères établis dans le règlement et listés dans son annexe VIII. Quelque 340 additifs sont à l’heure actuelle autorisés.

À la demande de la Commission, ceux qui l’ont été avant 2009 sont actuellement soumis à un vaste travail de réévaluation par l’agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA), qui rendra publiques ses conclusions d’ici à 2020.

2.   Le contexte actuel

Même dûment autorisés par la législation, les additifs utilisés par l’industrie agroalimentaire ne sont pas sans danger. La preuve en est qu’ils sont soumis à des règles strictes d’utilisation et que les niveaux de concentration auxquels sont exposés les consommateurs doivent strictement respecter les doses journalières autorisées (DJA). Les controverses actuelles sur un certain nombre d’entre eux – cf. les nitrates et les nitrites, notamment - ont mis la question de leur innocuité au cœur des préoccupations des consommateurs en demande croissante de produits plus sains et plus naturels, comme en témoigne la progression forte et non démentie depuis plusieurs années du secteur bio : 10 % en 2018, voire même 15 % à 20 % certaines années antérieures ([8]). En témoignent également les conclusions des agences scientifiques et de santé publique – ANSES, INRA, INSERM notamment – qui alertent régulièrement sur les effets délétères de l’alimentation industrielle, compte notamment tenu des risques potentiels des additifs dont elle est grosse utilisatrice. C’est particulièrement le cas de l’alimentation ultra-transformée.

Pour ces raisons, l’une des principales propositions de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle que votre rapporteur a présidée, visait à mettre en place une stratégie ambitionnant de faire évoluer les pratiques industrielles d’emploi des additifs dans les aliments transformés et ultra transformés, de manière à tendre, d’ici à 2025, à l’emploi des seuls additifs autorisés dans l’alimentation bio, au nombre de 48 (dont seulement 4 d’origine chimique) contre 338 autorisés au total.

Le texte de l’article 1er de la proposition de loi qui vous est soumis est plus ambitieux. Il vise à restreindre sans tarder l’éventail des additifs autorisés.

Plusieurs arguments, qui ne sont pas uniquement d’ordre scientifique, plaident fortement en ce sens. Ils reprennent les exigences du règlement européen de sûreté, de nécessité technologique, et d’intérêt pour le consommateur qui ne doit pas être induit en erreur.

En termes de santé publique, indépendamment des cas les plus controversés, comme celui du dioxyde de titane, à la fois inutile et fortement suspecté de cancérogénicité, l’intérêt de la réduction des additifs dans l’alimentation industrielle est majeur, souligne le professeur Serge Hercberg ([9]) : quand bien même il est encore difficile pour la communauté scientifique de travailler sur ces sujets, compte tenu du manque de données publiques dû à l’opacité qui entoure les pratiques des industriels, qui se traduit par le fait que les concentrations d’additifs restent inconnues, les modélisations épidémiologiques réalisées sont d’ores et déjà suffisantes pour mettre à jour des évidences justifiant la réduction de leur utilisation. Pour le professeur Hercberg, la diminution du risque d’exposition des consommateurs qui découlera de l’adoption de la proposition de loi est positive et va dans le sens souhaité par la communauté scientifique au nom du principe de précaution, qui doit d’autant plus prévaloir que des problématiques connexes se posent en matière d’additifs, notamment celle des effets cocktails. Au vu des connaissances actuelles, le texte proposé représente un progrès important en termes de santé publique.

Par ailleurs, au-delà des arguments de santé publique incontestables, l’industrie agroalimentaire bio démontre avec succès que l’utilité technologique de la plupart des additifs est des plus limitée. Le secteur bio n’utilise en effet qu’une cinquantaine d’additifs autorisés par l’annexe VIII du règlement 889/2008 de la commission européenne du 5 septembre 2008. Il n’en réussit pas moins à développer une production alimentaire industrielle tout aussi transformée que l’industrie conventionnelle grâce à la mise en œuvre de process de production alternatifs, au développement d’innovations, à l’utilisation de nouveaux procédés, entre autres de fermentation ou de stabilisation, ou simplement à l’utilisation d’ingrédients de qualité supérieure. C’est ainsi que l’industrie vegan bio, malgré ces limitations strictes, réussit à produire des alternatives à la viande, comme le faisait remarquer M. Charles Pernin, délégué général du Synabio ([10]).

Dans le prolongement de ce questionnement de l’utilité technologique des additifs, leur intérêt pour le consommateur doit également être examiné à la lumière de leur emploi : la seule fonction des exhausteurs de goût, par exemple, est de donner de la saveur à des ingrédients qui n’en ont pas ; celle des édulcorants est de donner une saveur sucrée aux denrées alimentaires. Pour le professeur Christian Boitard ([11]), directeur de l’Institut « Physiopathologie, métabolisme et nutrition » (ITMO), ils n’ont aucune justification et sont surtout susceptibles d’avoir une action perturbatrice sur les récepteurs gustatifs du cerveau, d’autant plus problématique qu’ils peuvent être employés en association avec des sucres.

Sans plus insister, ces quelques aspects démontrent s’il en était besoin qu’il est aisé d’éviter tout type d’artifice de ce genre qui masque les défauts d’un produit et tend à tromper le consommateur sur la véritable qualité des aliments qu’il mange.

Enfin, l’inutilité de nombre d’additifs est également confirmée par l’industrie agroalimentaire conventionnelle elle-même : M. Louis-Georges Soler, directeur de recherche à l’INRA, en charge du suivi de l’Oqali, indiquait en effet à votre rapporteur ([12]) que l’on constatait aujourd’hui une réduction volontaire et très forte de l’utilisation des additifs de la part d’une industrie agroalimentaire désormais plus attentive à l’exigence des consommateurs. Au point que certaines entreprises conventionnelles se sont même aujourd’hui engagées dans une démarche vers le « zéro additif », prouvant par là-même que la réduction de l’utilisation des additifs ne requiert pas de longs délais de reformulation des process de fabrication. L’ANSES publiera dans les prochains mois une étude actuellement en cours sur cet aspect.

3.   Le dispositif proposé

L’article 1er de la proposition de loi vise en conséquence à conforter le mouvement engagé par l’industrie qu’il importe d’autant plus de soutenir qu’il répond aux intérêts des consommateurs tout en étant en adéquation avec les exigences de la réglementation européenne.

Il est en conséquence proposé de compléter par un article L. 3231-2 le chapitre Ier du titre unique du livre II bis du code de la santé publique restreignant l’utilisation des additifs dans la production de denrées alimentaires transformées à ceux autorisés dans le règlement n° 889/2008 du 5 septembre 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l’étiquetage et les contrôles.

En outre, au titre du principe de précaution, l’article 1er interdit également l’utilisation du nitrate de potassium et du nitrite de sodium, compte tenu des suspicions quant à leur dangerosité, quand bien même ils restent à l’heure actuelle autorisés par le règlement n° 889/2008.

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Article 2
Suivi effectif des recommandations de lOMS en matière de taux de sel, de sucre et dacide gras saturé

Supprimé par la commission

Le présent article impose que la composition des aliments transformés doit suivre les recommandations de l’OMS en matière de taux de sel, de sucre et d’acide gras saturé.

1.   Un cadre juridique peu contraignant et relativement inefficace

En 1989, l’OMS a invité les gouvernements des États membres à favoriser la reformulation des produits alimentaires fabriqués pour réduire les teneurs en sel, en sucres et en matières grasses des produits alimentaires. Au niveau européen, et notamment en France, les politiques publiques, fondées sur ces recommandations, se sont essentiellement concentrées sur la conclusion d’engagements volontaires de la part des industriels du secteur agroalimentaire.

Dans notre pays, 37 chartes ont ainsi été signées entre les industriels et les pouvoirs publics entre 2008 et 2013 : 25 visant à la réduction des contenus en sel, 18 à la baisse des taux de lipides, 12 portant sur les acides gras saturés, 14 sur les sucres ajoutés. Une très large variété de produits fabriqués par les PME ou les grandes entreprises du secteur étaient concernées, et comportaient des objectifs de réduction de 5 % à 25 % des apports.

L’Observatoire de la qualité de l’alimentation, Oqali, a cependant pu conclure à un bilan des plus modeste. Les efforts de reformulation des produits alimentaires qui ont été menés dans le cadre de ces chartes n’ont pas permis de conclure qu’il en était résulté de réels progrès nutritionnels. Les travaux de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle ont de même confirmé que les recommandations de l’ANSES, formulées en 2002, quant à la teneur du pain en sel, n’étaient toujours pas respectées, ce qui amenait le professeur Gérard Lasfargues, directeur général de l’ANSES, à conclure lors de son audition que les évolutions dans les pratiques de l’industrie agroalimentaire n’étaient pas à la hauteur des enjeux. ([13]). Ce constat est partagé par la direction générale de la santé, ainsi que Mme Carole Rousse, cheffe du bureau EA3 « Alimentation et nutrition » l’a confirmé à votre rapporteur lors de son audition ([14]).

Certains pays ont en revanche été plus volontaristes et ont introduit des standards minimums de qualité sur certains nutriments. Ils ont obtenu de ce fait des résultats bien plus significatifs que ceux atteints en France par la voie de l’autorégulation professionnelle. Comme le rappelle le rapport du Haut conseil de la santé publique (HCSP), de septembre 2017 ([15]), « certains pays se sont engagés avec succès dans cette voie. Ainsi lAutriche, le Danemark, la Lettonie et la Hongrie ont mis en place une législation qui limite la teneur en AGT des denrées alimentaires. La mise en place, par le Danemark, en 2003, dun taux maximal légal dAGT dorigine industrielle, limitant à 2 % la présence dacides gras trans dans les huiles et les matières grasses a permis de réduire, de manière importante le nombre de décès causés par des maladies cardiovasculaires. ». On pourrait également citer les cas du Royaume-Uni ou de la Finlande, en matière de sel, qui ont obtenu des résultats assez significatifs, ou encore du Portugal, qui a adopté une loi en août 2009 sur la teneur maximale de sel dans le pain.

C’est la raison pour laquelle le HCSP, compte tenu de l’impératif de santé publique en jeu, recommande également, et fortement, que la France s’engage à son tour dans une démarche plus contraignante envers les industriels de l’agroalimentaire et définisse des limites maximales par catégories ou familles d’aliments.

Plusieurs raisons plaident fortement en faveur de cette nouvelle orientation. D’une part, le faible nombre d’entreprises adhérentes à ces chartes, qui en limite de facto la portée : « 8 chartes ont été signées en 2008, 4 en 2009, 11 en 2010, 6 en 2011, 3 en 2012, 3 en 2013 ; et depuis le début 2013 aucun projet nouveau na été soumis », rappelle ainsi le HCSP en 2017. Surtout, poursuit le Haut conseil, « malgré louverture des accords collectifs et les travaux menés en 2013 sous légide du ministre délégué à lagro-alimentaire, les quelques nouveaux engagements tels quactuellement proposés par les secteurs sont certes non négligeables, mais ils sont notoirement insuffisants pour avoir un impact sur létat nutritionnel de la population. » Lors de son audition, le professeur Serge Hercberg parlera en termes d’échec patent des mesures d’autorégulation qui ont même pu avoir dans certains cas des effets contradictoires se traduisant par l’augmentation des teneurs. En revanche, les quelques industriels qui ont appliqué ces chartes ont contribué à démontrer que les diminutions souhaitées étaient techniquement faisables.

C’est pourquoi, de l’avis du HCSP, il importe désormais de définir des standards pour les groupes de produits alimentaires reconnus comme étant d’importants contributeurs à l’apport en nutriments des populations, fixant, par nutriments et catégories de produits, des seuils à ne pas dépasser.

2.   Le dispositif envisagé

Suivant les recommandations du Haut conseil de la santé publique, l’article 2 de la proposition de loi propose en conséquence d’introduire dans le code de la santé publique un article L. 3231-3 posant le principe selon lequel les teneurs en sel, sucre et acides gras saturés des aliments transformés doivent se conformer aux recommandations de l’OMS.

Dans la mesure où il n’appartient pas à la loi de fixer ces taux, la proposition renvoie à un décret, qui publiera les taux de sel, sucre et acides gras saturés déterminés par la direction générale de l’alimentation et seront réévalués tous les cinq ans. Il est précisé que la mesure entrera en vigueur d’ici 2021.

Il est apparu au fil des auditions que le dispositif ainsi proposé était toutefois perfectible. En effet, les recommandations de l’OMS portent sur la consommation globale et ne fixent pas de teneur selon des catégories de produits. Il est en conséquence nécessaire d’introduire la notion de teneurs maximums à respecter, sur la base des données recueillies et analysées par l’Oqali, qui contribueront à déterminer des standards de qualité auxquels les entreprises devront se conformer. C’est pourquoi votre rapporteur présente un amendement en ce sens.

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Article 3
Interdiction de la publicité en faveur de produits alimentaires
destinés aux enfants et adolescents

Supprimé par la commission

Cet article prohibe tout message publicitaire et promotion radiophonique, audiovisuelle et électronique en faveur de produits alimentaires et boissons destinés aux enfants et adolescents.

1.   Le cadre conventionnel actuel et son bilan

Aux termes de l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, « le Conseil supérieur de laudiovisuel veille à ce que le développement du secteur de la communication audiovisuelle saccompagne dun niveau élevé de protection de lenvironnement et de la santé de la population. » En outre, selon l’article 14 de la même loi, le CSA évalue « les actions menées par les services de communication audiovisuelle en vue du respect par les émissions publicitaires qui accompagnent les programmes destinés à la jeunesse des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque et formulant des recommandations pour améliorer lautorégulation du secteur de la publicité », et adresse au parlement un rapport annuel à ce sujet.

Sur cette base, un système d’autorégulation s’est instauré reposant sur une charte d’engagements des professionnels qui se sont inscrits, à partir de 2009, dans une démarche volontaire de soutien aux orientations du Plan national nutrition santé (PNNS). Cette charte vise à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et publicités télévisés. Elle a été renouvelée en 2014 pour cinq ans, les engagements relatifs à la lutte contre l’obésité et à la prévention des maladies cardiovasculaires ayant été renforcés.

 

Les quatorze engagements de la Charte alimentaire 2014-2019

Engagement des annonceurs à renforcer la démarche responsable de la publicité concernant le contenu des publicités alimentaires.

Conditions tarifaires adaptées aux campagnes collectives de promotion de produits dont la consommation est encouragée, ainsi qu’aux campagnes d’intérêt général de l’INPES sur l’activité physique et l’alimentation favorable à la santé.

Engagement des chaînes de télévision à diffuser des programmes faisant la promotion d’une bonne hygiène de vie, sans visibilité des annonceurs de l’industrie agroalimentaire.

Définition des volumes horaires de ces programmes.

Renvoi des programmes valorisés par les chaînes au site www.mangerbouger.fr.

Relais par les chaînes des Journées mondiales de l’obésité et autres programmations spéciales.

Diffusion par les chaînes sur leurs sites internet des programmes valorisés par la charte.

Mobilisation des chaînes outre-mer.

Insertion de messages sanitaires dans les génériques d’annonce d’écrans publicitaires diffusés dans les émissions destinées à la jeunesse.

Production d’un clip vidéo pour la jeunesse pour sensibiliser à la bonne hygiène de vie.

Engagement des annonceurs à financer des programmes courts d’éducation aux bons comportements de vie, d’alimentation et d’activité physique.

Supervision du respect des engagements de la charte par le CSA.

Création d’un comité d’experts consultatif sur les thématiques de la charte.

Contrôle du contenu des publicités alimentaires et bilan annuel par l’ARPP.

La charte est arrivée à échéance à la fin de l’année dernière. Le CSA a lancé une nouvelle négociation et a proposé aux parties prenantes un texte destiné à couvrir la période 2019-2023 sur lequel le consensus n’a pour le moment pu être trouvé. Pour l’heure, les pratiques des professionnels n’ont pas changé mais les discussions ne pourront reprendre qu’une fois le nouveau collège du CSA constitué, processus qui n’est pas encore achevé.

Selon les indications obtenues par votre rapporteur, certaines oppositions marquées ont empêché la conclusion d’un accord : les autorités sanitaires estiment la proposition nettement insuffisante et loin de répondre aux enjeux de santé publique, comme l’a confirmé Mme Carole Rousse, les engagements restant trop flous. En revanche, selon M. François d’Aubert, président de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité ([16]) (ARPP), depuis les États généraux de l’alimentation, les professionnels travaillent avec le CSA pour répondre aux nouvelles attentes sur la base des chartes antérieures et un accord devrait être prochainement finalisé.

Dans ce contexte, il importe aussi de rappeler qu’une exception a été introduite à ce mécanisme d’autorégulation par la loi n° 2016-1771 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, la loi « Gattolin », aux termes de laquelle, depuis le 1er janvier 2018, les programmes destinés aux enfants de moins de douze ans diffusés sur les chaînes de télévision publiques et leurs sites Internet ne comportent pas de messages publicitaires autres que relatifs à la santé et au développement des enfants ou des campagnes d’intérêt général.

Enfin, l’an dernier, lors des débats parlementaires sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, loi « Egalim » n° 2018-938 du 30 octobre 2018, plusieurs amendements, dont certains de la majorité, avaient été défendus qui visaient à prolonger ces restrictions en interdisant et limitant les messages publicitaires ciblant les enfants et adolescents de moins de seize ans et en faveur des aliments contenant trop de gras, de sucre ou de sel. Le ministre de l’agriculture et le rapporteur avaient l’un et l’autre notamment rappelé le rôle de régulateur confié au CSA pour obtenir leur rejet.

Dans son dernier rapport ([17]), le CSA estime que la charte a été très largement respectée par les signataires, ce dont il convient de se féliciter. Cela étant, la consultation à laquelle le conseil a procédé auprès des signataires de la charte et dautres partenaires fait notamment apparaître que certains « ont regretté que la charte soit trop peu contraignante pour les acteurs de laudiovisuel en termes de contenu éditorial des programmes déclarés mais aussi en matière de diffusion de messages publicitaires en faveur de produits trop gras, trop sucrés, trop salés, particulièrement ceux diffusés à proximité de programmes jeunesse. ». Par ailleurs, parmi les problématiques soulevées, le CSA a relevé que le périmètre de la charte pourrait être étendu aux radios et aux services numériques, aspect inséré, selon les indications données à votre rapporteur, dans le projet en discussion.

2.   Le consensus scientifique sur la nécessité d’aller plus loin

Cela étant, dans ce domaine comme dans celui des teneurs en sel, en gras et en sucre des aliments transformés, il y a aujourd’hui un consensus scientifique total quant à l’inefficacité de la réglementation actuellement en vigueur.

L’analyse effectuée par l’INSERM des études internationales ([18]) montre en effet que, même bien appliquées, les réglementations existantes visant à réduire l’exposition des enfants aux publicités alimentaires ont un effet très faible si ce n’est nul, pour plusieurs raisons : elles ne portent que sur les programmes destinés aux enfants ou vus plus particulièrement par eux ; les critères nutritionnels utilisés sont souvent trop restrictifs ; les engagements ne concernent qu’un nombre limité d’entreprises qui, au demeurant, peuvent mettre en place des stratégies de contournement vers des médias moins contrôlés. De l’avis général, l’autorégulation en matière de publicité alimentaire a échoué partout où elle a été instaurée et il y a aujourd’hui un consensus des autorités sanitaires en faveur d’une réglementation stricte, comme le rappelle le professeur Serge Hercberg pour qui la proposition de loi permettra de surmonter les blocages ([19]). Comme le souligne l’INSERM, « la réglementation de linformation nutritionnelle doit donc être complétée par un ensemble dautres mesures, et notamment des restrictions à la promotion ou publicité des produits alimentaires peu sains aux enfants, afin dêtre réellement efficace ».

Rappelant que la France s’est engagée à réduire la pression commerciale pesant sur les enfants pour les produits de mauvaise qualité nutritionnelle ([20]), le groupe d’experts de l’Institut recommande en conséquence que notre pays « adopte des mesures législatives ou réglementaires contraignantes en vue dune part, de réduire lexposition des enfants au marketing pour des produits de mauvaise qualité nutritionnelle et den limiter les effets (notamment interdire les publicités télévisées pour certains produits alimentaires durant les plages horaires visionnées par un nombre important denfants) ». En complément, l’Inserm appelle également à « interdire le recours à certaines techniques promotionnelles dotées dun pouvoir de persuasion particulièrement fort sur les enfants, comme lutilisation de porte-parole de marque (sportifs, chanteurs, personnages de dessins animés...), doffres promotionnelles (avec des avantages en argent ou en nature comme lattribution de cadeaux), ou dallégations nutritionnelles et de santé, dans le but de promouvoir des produits de mauvaise qualité nutritionnelle », étant entendu que « ces mesures doivent couvrir un très large éventail de médias (et plus particulièrement les « nouveaux médias » : sites Internet, réseaux sociaux, téléphones mobiles...) et ne pas porter exclusivement sur les contenus spécifiquement destinés aux enfants ou regardés plus souvent par eux. »

De son côté, en septembre 2017, le Haut Conseil de la Santé Publique a également rappelé ([21]) le consensus scientifique sur le fait que les enfants et adolescents ne possédaient pas la maturité « cognitive, métacognitive, affective, comportementale et sociale pour résister ou pour prendre en compte les possibles effets délétères, à moyen et long termes, de leurs comportements alimentaires immédiats », et ce, d’autant moins que les techniques les plus modernes de « neuromarketing » agissent à des niveaux infra-conscients, réduisant d’autant la liberté des jeunes consommateurs manipulés. Dans ce contexte, l’influence croissante de la publicité, qui promeut essentiellement des produits de mauvaise qualité nutritionnelle, est à la base de l’enracinement durable de comportements alimentaires néfastes. Le HCSP plaide en conséquence en faveur d’une réglementation plus restrictive pour la protection du public vulnérable, conformément aux recommandations de l’OMS et de l’INSERM et recommande aux pouvoirs publics « de réglementer le marketing et interdire les communications commerciales, les ventes promotionnelles (vente avec prime, vente par lots, jeux promotionnels) et la promotion des marques agro-alimentaires associées pour les aliments de pauvre qualité nutritionnelle (classés D et E selon le NutriScore) », « dinterdire la promotion des marques agro-alimentaires associées à des aliments moins favorables au plan nutritionnel, cest-à-dire classés D ou E selon le NutriScore », et enfin, « dinterdire lutilisation de tous supports publicitaires à destination des moins de 16 ans pour des aliments classés D ou E selon le NutriScore. »

Pour le HCSP, cette interdiction générale doit porter tant sur les supports : « journaux, tout type de presses (magazines,…), annuaires, imprimés sans adresse ISA, distribution de flyers dans les lieux publics, envoi de messages de type SMS, MMS, et téléprospection, applications mobiles, publipostage à destination des moins de 16 ans. », que sur les modalités : « Cette interdiction porte sur les formes de publicité suivantes : jeux vidéo publicitaires (de type Advergames, serious games commerciaux) dès lors que le jeu met en scène une marque associée à des aliments ayant un NutriScore D ou E et quil est raisonnablement possible de relier ce jeu à lunivers enfantin et/ou adolescent. Des contrôles réguliers vérifient le respect de cette interdiction. »

3.   Le dispositif proposé est perfectible

C’est la raison pour laquelle le texte de la proposition de loi vise à compléter le code de la santé publique en insérant au chapitre III du titre III du livre premier de la deuxième partie un article L. 2133-3 aux termes duquel seront totalement interdits tous types de messages publicitaires et d’activités promotionnelles en faveur de produits alimentaires et de boissons principalement destinés aux enfants et adolescents, et ce quel qu’en soit le support : radiophonique, audiovisuel, électronique, ou autres.

Cela étant, les auditions ont montré qu’une démarche plus positive que prohibitive aurait sans doute l’avantage de rencontrer une meilleure adhésion des parties prenantes et d’éviter certaines difficultés et délais qui pourraient être induits de la rédaction initiale proposée, quant à la définition, par exemple, d’un message publicitaire destiné aux enfants.

C’est pourquoi votre rapporteur propose un amendement tendant à reformuler la recommandation que le HCSP a présentée dans son rapport de 2017. Il s’agira de conditionner l’autorisation de la publicité alimentaire à l’obtention de notes A et B au Nutri-score. Il en résulte plusieurs avantages, dont la promotion du Nutri-score, qui, sans être rendu obligatoire, ce que la réglementation européenne empêche, sera néanmoins fortement encouragé, répondant ainsi à une préoccupation forte des autorités sanitaires de notre pays ; les publicités diffusées contribueront à la promotion d’une alimentation respectant des standards élevés ; les chaînes de télévision ne souffriront pas des pertes de recettes publicitaires qui auraient pu être dommageables à la production de programmes.

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Article 4
Introduction dun apprentissage à la nutrition et à lalimentation à lécole

Supprimé par la commission

Cet article prévoit que les écoliers et élèves du primaire et des collèges bénéficient d’une heure par semaine d’apprentissage à la nutrition et à l’alimentation.

1.   L’éducation à l’alimentation aujourd’hui

Aux termes de larticle L. 312-17-3 du code de léducation, introduit par la loi davenir pour lagriculture, lalimentation et la forêt, adoptée en 2014, « une information et une éducation à lalimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire (…) sont dispensées dans les établissements denseignement scolaire (…). ». Initialement limitées aux écoles, ces dispositions ont été étendues aux collèges et lycées au cours de lautomne dernier, lors de la discussion de la loi « Egalim ».

Le rapport de notre collègue Michèle Crouzet, au nom de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle publié en septembre dernier ([22]), a clairement mis en évidence le consensus de tous les acteurs, notamment de la sphère scientifique, sur cet impératif qui contribue fortement à l’acquisition de comportements ayant sur le long terme des effets bénéfiques sur la santé.

Pour autant, chacun sait cependant que cette information et cette éducation ne sont dispensées que de manière très inégale et insatisfaisante, ce constat étant également partagé de manière unanime. Comme le rappelait notre collègue Guillaume Garot, président du Conseil national de l’alimentation et ancien ministre de l’agriculture, lors de son audition par la commission d’enquête, les initiatives prises au niveau du ministère de l’éducation nationale restent beaucoup trop modestes. Même si ce sujet n’est pas oublié, le fait qu’aucun horaire ne soit défini, combiné à l’autonomie des établissements d’enseignement et la multiplicité des enjeux sociétaux qui doivent être abordés, n’incite pas à faire de cette question une véritable priorité, selon les propos mêmes que la Direction générale de l’enseignement scolaire tenait devant la commission d’enquête.

C’est la raison pour laquelle le rapport avait inscrit parmi ses recommandations le renforcement de « léducation à lalimentation, dès lenseignement préscolaire, en lérigeant au rang des enseignements obligatoires, en invitant les ministères de léducation nationale, de la santé, de lagriculture et de lalimentation, et de la transition écologique, à élaborer un programme national denseignement (incluant notamment des séquences de la restauration scolaire dans le temps déducation) en faveur dune alimentation saine, équilibrée et durable et de la lutte contre le gaspillage alimentaire. » ([23]).

Dans le même ordre d’idées, le Haut conseil de la santé publique regrettait en 2017 que les mesures mises en place par les différentes structures recevant des enfants n’aient pas fait l’objet d’une coordination interministérielle suffisamment efficace pour assurer la cohérence des différentes stratégies de la politique nutritionnelle de santé publique.

2.   Le dispositif proposé est perfectible

Il apparaît nécessaire de reformuler les mesures figurant aujourd’hui au code de l’éducation. Dans l’esprit des recommandations du HCSP, la proposition introduit tout d’abord la notion d’« apprentissage à la nutrition et à lalimentation », de contenu plus pratique que celles  d’information et d’éducation actuellement utilisées.

Cela étant, à la lueur des auditions que votre rapporteur a menées, il est apparu que la rédaction de l’article 4 pouvait être améliorée. En premier lieu en posant le principe de l’obligation de cet apprentissage, suivant en cela la recommandation de la commission d’enquête. En second lieu, en révisant également la disposition du code de l’éducation actuellement en vigueur. Sans être redondant, cela permettra de renforcer la dimension interministérielle et transversale indispensable à cet enseignement.

Pour ces raisons, votre rapporteur vous proposera une nouvelle rédaction de l’article 4 de la proposition de loi.

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   Annexes

Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 

    Haut conseil de la santé publique (HCSP)  Pr Serge Hercberg, copilote du Pr Ziegler, groupe de travail multidisciplinaire Nutrition

    Direction générale de la santé (DGS) Mme Carole Rousse, Cheffe du bureau Alimentation et Nutrition, Direction Générale de la Santé, Ministère des solidarités et de la santé

    Institut national de la recherche agronomique (INRA) – M. LouisGeorges Soler, directeur de recherche, Observatoire de la qualité de l’alimentation (Oqali)

    Synabio – M. Charles Pernin, délégué général, et M. Arthur Bonheme

    Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) – Pr. Christian Boitard, directeur de l’Institut thématique physiopathologie, métabolisme, nutrition

    Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) (*) – M.  François dAubert, président, M. Stéphane Martin, directeur général, Mme Magali Jalade, directrice des affaires publiques et réglementaires

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique sengageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de lAssemblée nationale.


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Annexe n° 2 : liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro darticle

1er

Code de la santé publique

L. 3231-2

2

Code de la santé publique

L. 3231-3

3

Code de la santé publique

L. 2133-2

4

Code de la santé publique

L. 3231-4


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   Compte rendu des travaux

La commission examine au cours de sa première séance du mercredi 13 février 2019 la proposition de loi visant à protéger la population des dangers de la malbouffe (n° 1561) (M. Loïc Prud’homme, rapporteur).

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7259121_5c63d2abf3dc5.commission-des-affaires-sociales--proposition-de-loi-visant-a-proteger-la-population-des-dangers-de-13-fevrier-2019

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, nous commençons nos travaux par l’examen de la proposition de loi n° 1561 visant à protéger la population des dangers de la malbouffe, dont le rapporteur est M. Loïc Prud'homme. Bienvenue à la commission des affaires sociales, monsieur Prud’homme.

M. Loïc Prud'homme, rapporteur. Merci, madame la présidente. Les quelques passages que j'ai pu faire dans cette  salle ayant été très agréables, je suis content de vous retrouver. J'espère que cette matinée sera non seulement agréable mais aussi constructive.

Mes chers collègues, cette proposition de loi fait suite à une commission d'enquête parlementaire qui s’est déroulée l’année dernière. Je vois dans cette salle des collègues qui ont participé à ce riche travail. La commission d'enquête visait à étudier le développement de l’alimentation industrielle dans notre pays.

Disons d’emblée qu’il n’est pas question ici de refuser l’existence d'une nourriture industrielle transformée qui répond à la réalité de nos modes de vie. Elle remplit un service alimentaire. On peut s'en réjouir ou le regretter, mais c'est la réalité. Cela étant, il existe des façons vertueuses d’apporter ce service alimentaire.

À ce stade, j’aimerais aussi faire une mise au point sémantique. On nous a souvent opposé le fait que l'alimentation industrielle était sûre, faisant croire qu'elle était également saine. Levons cette ambiguïté. L'alimentation est peut-être sûre, c'est-à-dire que l’on ne s'empoisonne pas immédiatement en ingérant notre nourriture, nonobstant les quelques scandales sanitaires qui émaillent l’actualité chaque année. Quoi qu’il en soit, comme l’a constaté la commission d'enquête, elle n’est pas saine à long terme. Il a été établi de manière claire, documentée et non contestée sur le plan scientifique, que cette alimentation était fortement liée à l'explosion des maladies chroniques dans notre société.

Notre pays compte 4 millions de diabétiques – 2 % de la population en 2000 et 5,4 % en 2017. Le coût de leur prise en charge par la sécurité sociale représente 19 milliards d’euros par an, selon la direction du Trésor qui, comme son nom l'indique, est particulièrement près de nos sous et sait fort bien les compter. La population française compte 49 % de personnes en surpoids dont 17 % d’obèses, ce qui engendre un coût d’une vingtaine de milliards d'euros par an. Environ 11 % des cancers sont liés à l’alimentation : 5,5 % des cas lui sont directement imputables et le même pourcentage est dû au surpoids et à l’obésité. C’est la troisième cause de cancer et le nombre de personnes concernées se situe entre 35 000 et 40 000. Des travaux scientifiques montrent aussi que la consommation d'aliments de mauvaise qualité nutritionnelle augmente de 61 % le risque de maladies cardio-vasculaires, ce qui est assez inquiétant. Le coût global de la malbouffe dépasse largement 50 milliards d'euros par an.

Force est de constater, malheureusement, que les avis et les recommandations de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – ANSES –, des experts de l'Institut national de la recherche agronomique – INRA – ou des membres du Haut Conseil de la santé publique – HCSP – restent souvent ignorés par les pouvoirs publics et les entreprises du secteur agroalimentaire. Ces avis et recommandations sont peu souvent suivis d’effets concrets.

Il en va de même pour les alertes relatives aux teneurs maximales en sel, en sucre ou en matières grasses, réitérées inlassablement depuis le début des années 1990. Quelques chartes d'engagements volontaires ont été conclues entre les pouvoirs publics et les groupements industriels, mais elles n'ont pas donné satisfaction, loin s'en faut. Le non-respect de ces engagements, pourtant tout à fait modestes et peu ambitieux, se traduit par des réductions très lentes et très faibles des teneurs en sel, en sucre et en matières grasses des aliments. Cette réduction non significative n’a aucun effet bénéfique sur la santé des consommateurs, comme le souligne l'Observatoire de la qualité des aliments – OQALI.

L’autorégulation en vigueur n’ayant pas fait ses preuves, les agences sanitaires, les scientifiques et les nutritionnistes plaident désormais pour l’instauration de mesures contraignantes par les pouvoirs publics. Les experts du HCSP ont formulé des propositions dans ce sens pour le prochain Plan National Nutrition Santé 2017-2021, à la demande du directeur général de la santé.

Dans un chapitre de ce rapport, intitulé « Limite des engagements volontaires et nécessité de mesures contraignantes », les auteurs rappellent que le nombre de chartes signées reste faible et que les efforts de reformulation ne permettent pas de conclure à l'existence de réels progrès nutritionnels. Ils soulignent que les études montrent que les mesures prises par les pouvoirs publics pour introduire des standards minimums de qualité de certains nutriments précis sont plus efficaces que l’autorégulation. Ces mesures contraignantes sont nécessaires pour la protection de la santé publique ; elles sont justifiées scientifiquement et proportionnées car leur mise en place est progressive et ne concerne que certains nutriments et groupes d'aliments. Dans ces conditions, les auteurs du rapport estiment qu’elles ne peuvent être vues comme des mesures d'entrave aux échanges au niveau européen et qu’elles sont conformes au droit de l'Union européenne. Nous pourrons en débattre au moment de l’examen des amendements.

Le constat et les recommandations du rapport de la commission d’enquête ont fait l’objet d’un large consensus. Au regard des enjeux de santé, tout le monde était d’accord pour que des mesures fortes soient prises. C’est pourquoi j’ai décidé de vous présenter cette proposition de loi. Elle comporte quatre articles qui tendent à garantir une amélioration des produits proposés sur les marchés et à protéger nos concitoyens, en particulier les enfants, qui sont victimes de la malbouffe.

L'article 1er traite des additifs. Il est proposé de réglementer leur présence dans l'alimentation et de n'accepter que ceux qui figurent dans la liste des produits et substances autorisées sous le label « agriculture biologique ». Le nombre d’additifs autorisés passerait ainsi de 338 à une petite cinquantaine. Cette mesure permettrait de protéger la population de cette présence massive d'additifs qui jouent un rôle majeur dans la prévalence de maladies chroniques de toutes sortes et de cancers. Cet article répond à sa manière à la problématique de l’effet cocktail – non mesuré – de ces additifs. Il est d’ailleurs illusoire de penser que nous pourrons un jour le mesurer. Sachant qu’il existe 338 additifs autorisés, si vous en mettez 5 dans chaque aliment transformé, ce qui correspond à une estimation basse, vous obtenez 41 milliards de combinaisons possibles. Comme il est impossible de mesurer cet effet cocktail, le principe de précaution doit s'appliquer.

L’article 2 vise à encadrer les taux de sucre, de sel et d'acides gras saturés dans nos rations journalières de nourriture, comme le recommande l'Organisation mondiale de la santé – OMS. Ces recommandations journalières sont assez claires : 5 grammes de sel, 25 grammes de sucre et 2,2 grammes d'acides gras. Pour que vous ayez une vision claire des enjeux, nos concitoyens consomment en moyenne le double de la dose recommandée de sel, de sucre et d’acides gras. L’article 2 propose une trajectoire de réduction, en fixant une valeur cible par famille de produits, car la teneur en sel, en sucre et en acides gras varie fortement d’une catégorie à l’autre. Nous pourrions ramener tout le monde vers des valeurs moyennes, en nous servant des outils élaborés par l’OQALI après un travail de collecte de données et d'enquêtes particulièrement précieux, riche, robuste et documenté.

L’article 3 a pour objet de réglementer la publicité alimentaire, en particulier celle qui cible nos enfants. L’obésité touche de plus en plus nos jeunes concitoyens et il est temps d'enrayer cette épidémie. Lors des auditions, tous les professionnels nous ont confirmé que les enfants étaient les personnes les plus perméables aux messages publicitaires car ils ne savent pas faire la part des choses. Ils ne distinguent pas une vérité d’un message publicitaire destiné à les convaincre des bienfaits de tel ou tel aliment.

En raison de cette perméabilité, les enfants sont souvent les prescripteurs des achats de la famille. Une fois qu’ils ont absorbé ces messages publicitaires, nos enfants – des plus petits jusqu’aux adolescents – savent nous convaincre, à l'usure, d’acheter des produits qui ne sont pas les meilleurs pour la santé.

Enfin, la loi Gattolin, destinée à réduire la publicité dans les programmes pour la jeunesse, montre ses limites. Les enfants se retrouvent en effet aussi devant des programmes familiaux de grande écoute comme cette émission où des aventuriers sont isolés sur une île et constitués en équipes rouge, verte ou jaune. À vingt heures, 800 000 enfants sont parfois devant ce programme et ils échappent complètement au champ d’application de la loi Gattolin. Il y a là un vide à combler de manière assez urgente.

Lors de la discussion des amendements, je vous proposerai une autre entrée que celle que j'ai rédigée en première intention, en utilisant le Nutri-Score. La publicité serait limitée à des aliments dont la valeur nutritionnelle est avérée ou, en tout cas, qui n'ont pas d'effet délétère documenté.

L'article 4, qui se situe dans la même veine que le précédent, vise à éduquer les enfants à l’alimentation et à la prévention des maladies. Perméables aux messages publicitaires, les enfants le sont aussi aux apprentissages. Or, l’alimentation est notre premier médicament. Cette mesure a été plébiscitée par de nombreux scientifiques.

L’éducation à l'alimentation fait actuellement l'objet de mesures très disparates car elle est laissée à l'appréciation des équipes éducatives. Il n’y a pas d'uniformité sur notre territoire. Chacun agit en fonction de sa bonne volonté et des moyens dont il dispose. Cette disparité géographique et financière offre à des lobbies la possibilité d’apporter un soutien logistique dans le cadre de programmes d'éducation qui peuvent être rapidement dévoyés. Certains lobbyistes s’étaient ainsi rapprochés de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions – ONISEP – pour proposer des programmes aux équipes éducatives, comme je l’avais dénoncé à l’époque.

Je m’étonne que la majorité ait déposé un amendement de suppression pour chacun de ces quatre articles. Quelques signes rassurants me font néanmoins penser que la discussion reste possible. Je l'espère car ces propositions reposent sur un consensus transpartisan dans la mesure où elles visent à améliorer la santé de nos concitoyens et à faire prévaloir l’intérêt général plutôt que des intérêts particuliers.

Pour répondre par avance à certaines critiques, je signale que mes propositions ne mettent pas le secteur agroalimentaire en péril. Elles permettent de faire mieux et plus vertueux pour la santé de tous. Quelques filières de l'industrie alimentaire, notamment celle qui promeut l’agriculture biologique, ont prouvé que c’était possible. La filière des produits alimentaires biologiques affiche un taux de croissance à deux chiffres depuis plusieurs années, sans même avoir accès à la publicité. Elle propose des produits – certains étant transformés, voire ultra-transformés – sans conséquence délétère pour notre santé. De nombreux industriels conventionnels investissent d’ailleurs massivement ce créneau, en regardant sa croissance avec beaucoup d'appétit.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon.  Je vais maintenant donner la parole aux orateurs des groupes, en commençant par Blandine Brocard pour le groupe La République en Marche.

Mme Blandine Brocard. « Obésité : la malbouffe tue plus que la malnutrition ». « Les empoisonneurs dans nos cuisines ». « La malbouffe cause plus de maladies que tabac, alcool et sexe réunis ». Ces titres, glanés au cours des dernières semaines en couverture de journaux et magazines, prouvent, si besoin était, que la mauvaise alimentation est désormais reconnue comme responsable du diabète, d'insuffisances cardiaques ou rénales, d'hypertension et de près d'un quart des cancers. Certaines études commencent même à démontrer son lien avec la dépression et le ralentissement de la mémoire.

Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, nous parlons d’un véritable enjeu de santé publique, allant au-delà de la question du surpoids. En fonction de sa qualité, notre alimentation peut être la cause de pathologies plus ou moins graves ou, au contraire, un puissant facteur de protection de notre santé. C'est un sujet vraiment primordial. Merci de nous permettre d'en discuter.

En pleine mutation, nos habitudes alimentaires et nos modes de vie sont en cause : nous passons de moins en moins de temps dans nos cuisines ; nous privilégions des plats préparés et des produits transformés, voire ultra-transformés.

L’amélioration de l'état nutritionnel de la population doit évidemment retenir toute notre attention et nous inciter à agir avec détermination. Cependant, il vaut mieux veiller à impulser des pratiques vertueuses et réalistes auprès des différents acteurs concernés que d'imposer des mesures qui risqueraient de mettre brutalement à mal plusieurs filières sans leur permettre de trouver les moyens d'entreprendre leur mutation.

Lors de la commission d'enquête sur l'alimentation industrielle, dont vous étiez président et dont Michèle Crouzet était rapporteure, nous avons pu constater que certains industriels sont en train, de leur propre chef, de s'approprier des sortes de codes de bonne conduite visant à retirer de plus en plus de composants incriminés. Nous avons aussi constaté que les consommateurs, en étant de plus en plus avertis et exigeants, obligent les industriels à changer leurs pratiques. Soyez rassurés, nos échanges vont permettre certaines avancées par la délivrance de messages forts aux industriels agroalimentaires. Ces avancées seront aussi pragmatiques et donc appliquées pour que nous n'ayons plus peur de manger ce que nous avons dans nos assiettes.

Mme Isabelle Valentin. La France, pays de la baguette, est aussi celui du bien manger. À chaque terroir sa spécialité : l'indétrônable blanquette de veau, le fameux gratin dauphinois et autres. La France est un pays de traditions culinaires, mais le temps où nos mères et nos grands-mères faisaient mijoter de bons petits plats concoctés à base de légumes de saison, de poissons ou de viandes du cru semble bien lointain.

Les pratiques alimentaires ont profondément évolué sous l’influence du changement de notre mode de vie, du développement de la société de consommation, de la restauration rapide, de la restauration collective, des importations massives de denrées alimentaires non soumises aux normes françaises. Résultat : 8 millions de nos concitoyens sont obèses, 500 000 souffrent d’insuffisance cardiaque, 10 millions sont hypertendus et plus de 2 millions sont diabétiques. En outre, 25 % des cancers sont liés à une mauvaise alimentation.

De nombreux aliments sont transformés, ce qui entraîne des conséquences désastreuses pour notre santé. Des études scientifiques déplorent un véritable problème de santé publique et les constats sont alarmants. Les spécialistes accusent la nourriture industrielle d'être trop grasse, trop sucrée, trop salée. Notre alimentation est trop pauvre en fruits et légumes frais, elle n'est pas assez variée et son insuffisance en fibres fait croître les risques de cancer.

La présente proposition de loi a pour objectif principal de lutter contre la prolifération des additifs ainsi que des aliments transformés et ultra-transformés afin de protéger la population des dangers qu’ils pourraient représenter pour la santé. Dans l’article 1er, vous préconisez d'autoriser les seuls additifs utilisés dans la production d'aliments biologiques transformés et d’interdire le nitrite de sodium ainsi que le nitrate de potassium. Dans l’article 2, vous proposez d'abaisser les taux de sel, de sucre et d’acides gras dans les aliments transformés. Dans l’article 3, vous prônez l’interdiction de la publicité alimentaire destinée au jeune public. Dans l’article 4, vous prévoyez l’instauration de cours de nutrition pour les écoliers et les collégiens.

La malbouffe nous interpelle tous et le groupe Les Républicains est très sensible à ce sujet de santé publique. Cependant, les revendications du groupe La France insoumise apparaissent excessives, en particulier celles des articles 3 et 4. Nous pensons qu'il faut sensibiliser et interpeller le consommateur de manière différente.

M. Cyrille Isaac-Sibille. La proposition de loi de notre collègue Loïc Prud'homme soulève une problématique essentielle à laquelle nos sociétés contemporaines sont confrontées : la mauvaise alimentation, expression que je préfère au terme de malbouffe, et ses incidences sur notre santé.

La consommation excessive et récurrente de produits alimentaires ultra-transformés contribue au développement de maladies chroniques et elle est responsable du surpoids et de l'obésité dont souffrent, dès le plus jeune âge, nombre de nos concitoyens.

Ce texte peut sembler opportun et difficilement contestable en ce qu’il poursuit un objectif louable. Toutefois, la vision du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés diffère de celle du groupe La France insoumise sur la méthode à adopter pour poursuivre cet objectif commun. Le texte contient des mesures qui visent à contraindre et à imposer alors que notre groupe est plutôt partisan de la bonne information, de l'éducation et de la prévention.

Ce n'est pas la mauvaise alimentation qui est à combattre car aucun produit n'est bon ou mauvais par nature. Ce sont les mauvais comportements et habitudes alimentaires qu'il convient de rectifier. Comment le faire ? En éduquant, dès le plus jeune âge, les futurs consommateurs afin qu'ils fassent des choix éclairés en fonction des informations dont ils disposent. C’est le but de mon rapport sur la prévention en matière de santé en faveur de la jeunesse. La littérature internationale en économie comportementale est unanime et révèle que nous ne sommes pas tous égaux face à l'information qui nous est – ou non – transmise. Il faut donc éduquer et développer le libre arbitre du consommateur pour lui permettre de faire des choix éclairés.

C'est cette philosophie qui conduit le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés à s'opposer aux articles 1er et 2 de cette proposition de loi. Plutôt que d’imposer ces mesures aux industriels, il vaut mieux les inciter à la transparence. À cet égard, l'expérimentation du dispositif Nutri-Score doit nous permettre de mesurer l’impact d'une politique d'information du consommateur plus élaborée. Nous nous déterminerons sur les articles 3 et 4 en fonction des amendements examinés.

Mme Ericka Bareigts. Personne ne peut plus ignorer que la différence d'espérance de vie entre les 5 % les plus pauvres et les 5 % les plus aisés est de treize ans. Au-delà des conditions matérielles, cette différence insupportable et injustifiable s'explique pour une part importante par ce constat : quand on est pauvre, on mange peu et mal. Les dernières études montrent également que, dès l'âge de dix ans, un enfant d'employé ou d'ouvrier a quatre fois plus de risques de souffrir d'obésité. Ce chiffre fait écho à une autre donnée : une calorie de fruits et légumes coûte cinq fois plus cher qu’une calorie de tout autre aliment.

Le groupe Socialistes et apparentés s’associe à cette démarche volontariste qui a le mérite de poser la malbouffe comme un enjeu de santé publique et un problème de société. Elle creuse les inégalités : les inégalités face à la santé s'ajoutent aux inégalités géographiques et socio-économiques.

Nous partageons le combat offensif mené ici contre les additifs. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine qui représente un enjeu sanitaire majeur. Les conséquences du cocktail d'additifs dans nos produits alimentaires sont inconnues. C’est une forte et sage mesure de précaution que de limiter leur nombre à quarante-six. Nous devons être collectivement présents à ce rendez-vous.

Nous sommes également d’accord avec vos recommandations concernant les taux de sel, de sucre et d’acides gras ainsi que la réduction très importante de la publicité alimentaire ciblant les jeunes publics.

Nous proposerons néanmoins d’enrichir le texte en présentant des amendements sur la sécurité sanitaire et sur la prévention. Sur ce dernier point, nos propositions sont notamment inspirées du récent rapport que j'ai présenté avec notre collègue Cyrille Isaac Sibille.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Le groupe UDI, Agir et Indépendants partage le diagnostic et l'objectif de cette proposition de loi qui reflète les inquiétudes croissantes de nos concitoyens face à la nourriture industrielle et à la malbouffe. Les répercussions en matière de santé publique sont désormais bien établies. Outre les risques accrus de cancer qu’elle fait courir, la mauvaise alimentation est impliquée dans de nombreuses maladies chroniques dont la prévalence ne cesse de croître, comme l'obésité, le diabète ou les maladies cardio-vasculaires.

Le dispositif proposé nous paraît cependant inabouti et peu applicable. L’article 1er et l’article 2 sont séduisants en théorie, mais ils imposent des obligations trop générales, peu applicables et contraires à nos engagements conventionnels. L’interdiction de l'utilisation de certains additifs, en particulier, ne peut être appliquée que s'il existe un risque avéré pour la santé. Sinon, il est au contraire aux principes de libre concurrence et de libre circulation des marchandises, prévus par le droit européen.

Lors de leur audition devant la commission d'enquête sur l'alimentation industrielle, des représentants des industries agroalimentaires ont témoigné d’une prise de conscience et indiqué que des politiques en faveur de la réduction de l'utilisation de ces additifs avaient été mises en place. C'est sur cette base, plutôt qu’au moyen d’un dispositif coercitif, que nous pourrons avancer.

L’article 3 prévoit une interdiction pure et simple de toute publicité pour les aliments destinée des enfants, sans faire de distinction entre la malbouffe et les aliments ayant une bonne qualité nutritionnelle. Une telle mesure serait contre-productive.

L’apprentissage de la nutrition à l'école existe déjà dans le droit, sous une forme plus souple et adaptée que dans la proposition de loi. La mesure envisagée ici constituerait une charge supplémentaire pour les enseignants dans un contexte d’horaires déjà contraints. Comme certains nos collègues, nous pensons qu'il faut interpeller le consommateur de façon différente, notamment par l'éducation, l'information et la prévention. Notre groupe ne votera donc pas en faveur de ce texte.

Mme Mathilde Panot. Se vêtir, se loger, se nourrir : ces trois besoins fondamentaux étaient déjà identifiés par Aristote ou Platon comme les premiers auxquels devait pourvoir la cité. La vie commune n'est rien et la République est vide de sens si tous les citoyens ne peuvent satisfaire dignement ces trois besoins.

Certains ont coutume de ramener les enjeux écologiques au niveau individuel avec des préconisations telles que celle-ci : éteignez votre lumière et la sixième extinction des espèces sera enrayée. Heureusement que le ridicule ne tue pas ! Face à la malbouffe, on en appelle aussi trop souvent à des ressorts individuels, au mépris des causes sociales du problème.

Ces causes sont de deux ordres : certaines sont liées au phénomène lui-même et d’autres à l’organisation de la malbouffe. Qui sont ceux qui souffrent le plus de la malbouffe ? La prévalence de ce phénomène est particulièrement importante dans les classes populaires et moyennes. La main du marché libre ne sert manifestement pas aussi bien toutes les assiettes. Il ne fait aucun doute que les inégalités sociales sont le facteur déterminant de l'existence même de la malbouffe. Alors que près de 10 millions de personnes souffrent d'obésité dans notre pays, il faut prendre le problème à bras-le-corps. La malbouffe n'est pas une question de choix, c'est une question de moyens. « À chacun selon ses besoins », disait un grand philosophe et économiste allemand. Ce système fonctionne selon le principe opposé et cruel : à chacun selon ses moyens. Pour boucler les fins de mois, on peut donc être conduit à mal se nourrir. Faute d'informations publiques ou d'accès à la source de connaissance, c'est parfois tout le mois qui doit se dérouler ainsi.

Les problèmes sociaux de la France contemporaine mènent tous à la question nodale des inégalités sociales. Nous pouvons déjà agir sur la question de la malbouffe car si elle existe, il faut bien qu'elle soit produite. J'ai parlé de l'obésité mais ce n'est pas le seul problème évoqué ici. Toutes les maladies chroniques induites par l'alimentation, à commencer par les cancers, frappent plus durement ceux qui s'exposent à la malbouffe. Il faut donc prendre le problème à la racine : interdire les pesticides dangereux pour la santé humaine ; engager fermement et sans hésiter la transition vers une agriculture biologique extensive, respectueuse des êtres humains et de notre environnement.

Je vous invite donc à voter pour cette proposition de loi. Les bénéfices de l'agroalimentaire se paient cash pour nos concitoyens en cancers, surpoids et obésité. Ces bénéfices nous coûtent cher : 40 milliards d'euros de perte pour notre système de santé.

M. Pierre Dharréville. Tout d’abord, je veux remercier Loïc Prud'homme, le rapporteur, pour le travail qu'il a effectué avec le groupe La France insoumise sur ce sujet central qui nous touche au quotidien.

Des pratiques alimentaires extrêmement problématiques se sont développées. Elles pèsent sur la santé de nos concitoyens et elles les frappent de manière différenciée selon leur classe sociale. Les grands groupes de l'industrie de l'agroalimentaire réalisent souvent leurs profits au détriment de notre santé. Le développement de ce type de production a des conséquences sur les humains et sur l'environnement.

Avec cette proposition de loi, vous souhaitez faire progresser les normes, ce qui est absolument nécessaire. Vous voulez aussi agir sur la prévention, un grand chantier pour notre société. Les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine partagent l'esprit de vos propositions dans ces deux domaines. L’intégration du Nutri-Score, prévue à l’article 3, nous semble être une mesure intéressante. C’est donc avec un esprit extrêmement positif que nous regardons la présente proposition de loi.

M. Bernard Perrut. Avoir une bonne alimentation, c'est se donner des atouts pour conserver une santé optimale. Nous souhaitons bien évidemment défendre une alimentation plus sûre, plus saine, plus durable et de qualité pour tous. Nous plaidons pour une alimentation diversifiée qui associe tous les types d'apports nutritionnels.

Nous avons besoin de travailler sur ce sujet mais je ne crois pas que les dispositions de cette proposition de loi nous permettent d'y parvenir par la contrainte ni même par des déclarations de principe. Les consommateurs sont très demandeurs d’information sur l'origine, la composition et l’apport nutritionnel des produits. Ils réclament la transparence sur les éléments contenus dans les produits car les industriels ajoutent parfois du sucre, du sel, du gras ou d'autres additifs, sans le mentionner.

Avant même d'abaisser les taux de sel, de sucre ou d’acides gras dans les aliments transformés – une disposition à laquelle je suis bien évidemment favorable –, avez-vous étudié la possibilité de renforcer la transparence de l'étiquetage des produits alimentaires ? Cette transparence va de pair avec la sensibilisation des consommateurs aux méfaits de la surconsommation d'aliments transformés et ultra-transformés. Tous souhaitent pouvoir acheter en toute connaissance de cause. Que prévoir pour renforcer la transparence de l'étiquetage des produits alimentaires ? Le Nutri-Score est-il insuffisant ? Doit-il être rendu obligatoire ? Avant la coercition, la formation représente un palier intermédiaire nécessaire.

L'article 1er prévoit une réduction des additifs autorisés dans la production d'aliments transformés. Quelles seraient, monsieur le rapporteur, les mesures d'accompagnement des professionnels concernés ? Quel sort serait-il réservé aux immanquables produits de substitution qui ne manqueraient pas de se développer ?

L'article 3 propose d'interdire complètement les publicités destinées aux enfants, ce qui semble démesuré. Il serait judicieux de se concentrer spécifiquement sur les produits trop gras, trop sucrés ou trop salés. Il faudrait aussi évoquer le rôle des parents dans cette affaire.

L’article 4 prévoit une heure par semaine d’apprentissage à la nutrition alimentation. La mesure est bonne mais sa durée me semble excessive.

M. Alain Ramadier. À l'article 4, vous préconisez qu’une heure d'enseignement par semaine soit consacrée à la transmission aux écoliers des conditions de bonne nutrition. Sur le fond, je ne peux que vous rejoindre tant nos enfants semblent manquer de mœurs alimentaires, peinent à distinguer les aliments de base et même à nommer correctement les fruits et légumes.

J'aimerais néanmoins émettre une objection. Dans l'exposé des motifs, vous évoquez l'importance de proposer aux enfants des substituts aux protéines carnées. Je ne crois pas que le rôle de l'école soit de s'inscrire dans le discours anti-viande qui s'installe actuellement et dont sont victimes nos bouchers. Une alimentation saine, c'est avant tout une alimentation équilibrée. Une alimentation équilibrée contient des protéines. Le problème ne vient pas de la consommation de protéines, il vient de leur surconsommation. Les niveaux de consommation de viande de boucherie sont relativement bas en France. Ils sont en tout cas inférieurs aux recommandations internationales, reprises dans un avis de l'ANSES. Pourriez-vous donc nous préciser ce que vous entendez par le fait de sensibiliser les élèves « aux alternatives qui existent aux protéines carnées » ?

Mme Nadia Ramassamy. Tout d’abord, je voudrais remercier mon collègue Prud'homme pour son travail.

L’alimentation est un point clé de la santé publique, particulièrement dans le cas des enfants qui sont trop souvent la cible de l'industrie agroalimentaire et exposés aux produits transformés trop gras et trop sucrés. En tant que médecin, je suis particulièrement consciente des enjeux liés à la bonne éducation à la santé et au contrôle de la qualité des aliments.

Le sujet est d'autant plus grave qu’il touche principalement les familles les plus défavorisées. Les études montrent que le nombre d'enfants en surpoids ou obèses est beaucoup plus important dans les familles aux revenus les plus bas, en raison d'un régime alimentaire trop gras et sucré et d'une activité physique moindre. Selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale
– INSERM –, en 2015 on dénombrait 30 % d'obèses parmi les femmes ayant un revenu mensuel inférieur à 450 euros alors que le pourcentage était de 7 % parmi celles disposant d’un revenu d'au moins 4 200 euros. Les personnes appartenant aux milieux les plus défavorisés développeront donc davantage que les autres des maladies cardiovasculaires.

Les mesures en faveur de la bonne éducation à la santé et du contrôle de la qualité des aliments sont aussi des mesures d'économie. Le budget de la sécurité sociale souffre beaucoup des conséquences de la malbouffe en raison des maladies et des arrêts de travail qu’elle cause. La prévention répond aussi bien à une préoccupation de justice sociale qu’à un souci comptable.

Au sein de l'Union européenne, notre pays est en retard dans ce domaine. C’est un comble lorsque l'on sait que notre pays est réputé pour sa gastronomie et que son repas traditionnel est inscrit au patrimoine immatériel de l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture – UNESCO.

Les mesures proposées aux articles 1er, 2 et 3 de la proposition de loi semblent nécessaires tant le mal de la mauvaise alimentation est devenu endémique dans notre société. Il faut cependant laisser à l'industrie le temps de s'adapter. Le délai de 2021 semble pragmatique et cohérent avec cet objectif. En revanche, je considère que le champ de l'article 4 est un peu restrictif car le Gouvernement entend mettre l'accent sur la prévention. Ne serait-il pas plus adapté d'élargir le contenu de cette mesure à une éducation plus globale à la santé, un enseignement qui manque aux enfants, particulièrement dans le cadre d'une médecine scolaire très réduite ?

M. Olivier Véran. La malbouffe recouvre deux phénomènes. D’abord, cela nous renvoie au changement du modèle alimentaire traditionnel français. Car si la France est le pays de la gastronomie, l’arrivée massive des aliments ultra‑transformés dans les supermarchés a  tout bouleversé et, aujourd’hui, on ne sait plus ce qu’on mange. C’est un vrai problème. Ensuite, ce terme fait référence au mauvais dosage entre les aliments. Pendant très longtemps, jusqu’à l’époque de nos grands-mères je pense, on a su qu’il fallait respecter une proportion de viande, de fibres et de légumes. Tel n’est plus le cas aujourd’hui, du fait d’un défaut d’information et d’éducation, par facilité parfois ou pour des raisons de coût.

Il y a plusieurs moyens de lutter contre cette malbouffe qui a envahi tous les pays occidentaux et qui crée des ravages, provoquant le diabète et l’obésité, notamment chez les plus jeunes. Je pense d’abord aux mesures d’information. Car l’information, c’est la base de la prévention.

Durant la législature précédente, on a mis progressivement en place le Nutri‑Score. Lors de l’examen de la loi Egalim, j’ai tenté d’imposer l’application du Nutri-Score dans les publicités. On peut peut-être aller plus loin  dans l’encadrement de la publicité – votre idée est intéressante, monsieur le rapporteur. J’aimerais cependant disposer d’une expertise supplémentaire avant d’adopter cet article.

L’information peut aussi passer par l’indication calorique des aliments, comme le font les Américains. Ainsi, les consommateurs sauront combien de calories ils absorbent en mangeant un hamburger dans un fast-food. Cette information est aujourd’hui inaccessible ou trop brouillonne.

Des mesures d’interdiction peuvent également être prises. Nous en avons pris plus qu’à notre tour dans la loi « santé » portée par Marisol Touraine, telle l’interdiction du free refill, cette possibilité de se resservir autant qu’on le souhaite en sodas dans le fast-food. De même, des mesures de fiscalité comportementale peuvent être adoptées. Nous avons ainsi voté la taxe soda en début de mandat.

Enfin, il y a l’éducation à l’alimentation. Par exemple, les petits déjeuners à l’école dans les zones d’éducation prioritaire seront un moyen parmi d’autres, dans le cadre le plan Pauvreté, d’éduquer les enfants à l’alimentation.

Nous devons être capables de trouver des moyens à la hauteur des enjeux. Car la malbouffe est un mal qui ronge la gastronomie française à petit feu. Monsieur le rapporteur, ce texte me touche forcément, mais je ne suis pas très convaincu par la rédaction de certains articles. Nous aurons le débat, ce matin puis en séance publique et, en tout cas, nous accueillons la démarche avec le sentiment qu’on peut collectivement trouver des accords politiques sur ces questions et ces enjeux.

Mme Danièle Obono. Je soutiens évidemment ce texte. Je voudrais surtout revenir sur l’article 1er et sur la réglementation qui y est proposée qui nous renvoie à l’analyse des causes de la malbouffe. Il est apparu en effet que les différents groupes étaient largement d’accord sur le fait qu’il fallait informer, à titre individuel, les consommateurs et consommatrices. Mais nous n’avons entendu que peu de chose, en vérité, sur l’organisation industrielle qui est pourtant la cause réelle de la malbouffe. Car, en vérité, on ne mange pas ce que l’on décide de manger, mais ce qui est produit à l’échelle nationale et internationale. On mange en fonction de moyens qui sont plus ou moins importants, tant pour acheter ce que l’on souhaite que pour se renseigner sur ce qui est bon ou non.

Plusieurs interventions ont critiqué la contrainte, prétendument excessive, qui pèserait sur les industriels. Mais il est important de comprendre que c’est là que se trouve le levier le plus intéressant et le plus facile à mettre en œuvre : au niveau de la production.

N’oublions pas qu’additif rime avec addictif. Les additifs produisent une addiction au sucre ou au gras ou au salé. Le changement des comportements ne peut s’opérer simplement sur la base de la volonté individuelle, quand tout ce qui est produit incite à consommer : il faut la contrainte de la loi. Il faudrait même revoir dans son ensemble le fonctionnement de l’industrie agroalimentaire ! Si on veut intervenir de manière conséquente, et non simplement se payer de mots, il faut interdire ou réglementer la vente de ces additifs. J’aimerais donc que le rapporteur insiste davantage sur cette dimension.

Mme Josiane Corneloup. Cette proposition de loi vise à protéger la population des dangers de la malbouffe, des plus jeunes aux plus anciens. De nombreuses études montrent désormais que les repas industriels contiennent de savants mélanges de sucres, de graisses saturés et d’additifs qui rendent ces aliments aussi addictifs qu’une drogue. D’ailleurs, certains adultes critiquent ces aliments, mais les consomment tout de même, en reconnaissant qu’il est bien difficile d’y renoncer. D’ici à 2030, la France pourrait compter trente millions d’obèses si rien n’est fait.

La commission d’enquête parlementaire sur l’alimentation industrielle a rendu un rapport qui souligne que les populations les plus touchées sont celles qui ont le moins de moyens financiers. Il est urgent de limiter les produits néfastes dans l’alimentation industrielle. Les moyens d’action sont vastes : augmenter les produits locaux dans la restauration collective, ajouter des contraintes de la publicité, mieux informer le consommateur et, certainement, rendre obligatoire le Nutri-Score. Ce système d’étiquetage nutritionnel, aujourd’hui facultatif, consiste à indiquer l’origine de tous les produits et la liste exhaustive de tous les additifs.

Aux mesures coercitives, je préfère en effet des mesures incitatives. Il faut enseigner, dès le plus jeune âge, à l’école, les bienfaits d’une alimentation saine : apprendre la distinction entre ce qui est bon pour la santé et ce qui ne l’est pas. C’est un enjeu de santé publique. Je vous rappelle qu’en 2050, il y aura deux milliards d’humains en plus sur terre. Il me semble donc opportun de réfléchir aux mesures qui pourraient être mises en œuvre pour l’éducation alimentaire des enfants, afin de les accompagner vers une alimentation plus saine.

M. Jean-Luc Mélenchon.  On vient d’évoquer l’addiction : je voudrais souligner son aspect anthropologique et inviter à une petite réflexion sur l’illusion selon laquelle la simple information produirait des comportements rationnels et viendrait à permettre aux individus de faire l’économie de tels ou tels comportements. Si tel était le cas, l’Histoire serait différente… Car la majorité des comportements destructeurs sont rarement rationnels. Le plus souvent, ils procèdent d’autres motivations. Cela nous intéresse aujourd’hui de les comprendre.

S’agissant de l’alimentation, je viens de lire un ouvrage sur le sujet, qui expose comment 200 000 ans de sélection naturelle ont conduit les êtres humains que nous sommes à avoir inscrit dans leur programme des comportements positifs pour leur développement.  Prenons l’exemple des aliments sucrés. Pendant la période des chasseurs-cueilleurs, ils provenaient du ramassage des fruits et de rayons de miel. Mais, en ces temps-là, il n’y avait pas d’occasion de s’en goinfrer au point de devenir diabétique… Aujourd’hui, cette pulsion, qui existe en nous, au-delà même de l’addiction, nous conduit à des consommations morbides. Ainsi, un instinct qui était bon devient morbide. Et vous ne pouvez lutter contre cela autrement que par des interdictions ! Parce qu’aucun comportement rationnel ne viendra à bout, définitivement, des habitudes ni de ceux qui produisent, ni de ceux qui consomment.

Je terminerai en faisant une comparaison avec le tabac. Chacun est conscient du fait qu’il s’agit d’une consommation destructrice et morbide et, pourtant, nous avons un mal de chien à en faire reculer l’usage, quand bien même nous ne cessons – à juste titre – d’augmenter le tarif des cigarettes. Je crois donc que cette proposition de loi part d’un point de vue réaliste sur la condition humaine. En outre, rien n’interdit aux industriels de faire des productions qui ne soient pas nocives. C’est même le contraire : ils en ont les moyens et l’intelligence.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Comme il y a eu beaucoup d’interrogations, je ne vais pas répondre aux intervenants par ordre chronologique, mais plutôt sur les articles successifs de la proposition de loi.

Concernant les articles 1er et 2, on voit que la discussion révèle un clivage entre les partisans de l’engagement volontaire et les partisans de la contrainte. La question est de savoir ce qui est le plus efficace. J’ai fait référence, dans mon propos introductif, à la position des experts du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), qui me rejoignent sur le fait que les engagements volontaires ne suffisent plus. Aujourd’hui, il est nécessaire d’adopter des mesures contraignantes, pour que les aliments que nous ingérons répondent à des normes sanitaires correctes.

Au-delà des différentes études, je voudrais qu’on se fonde aussi sur des éléments factuels et concrets. Ainsi, l’Autriche, le Danemark, la Lettonie, la Hongrie, qui ont notamment limité la teneur en acides gras trans des denrées alimentaires – le Danemark fixant même un taux légal d’acides gras d’origine industrielle – ont obtenu des résultats significatifs. On peut encore citer le cas du Royaume-Uni ou celui de la Finlande, qui ont défini légalement des taux de sel. En 2009, le Portugal a adopté une loi limitant le taux de sel dans le pain. Il importe aujourd’hui de trancher. Les études du HCSP, comme les faits constatés autour de nous, me confortent dans l’idée qu’il faut absolument limiter par la loi ces taux de gras.

Quant à la nécessité de la transparence et de l’étiquetage, je mets au défi quiconque de s’y retrouver sur une étiquette pourtant normée. Vous ne saurez pas s’il y a des additifs. Les industriels ont en effet été assez malins pour remplacer les codes alphanumériques par les noms entiers des additifs, moins bien connus, de sorte que vous ne savez pas à quoi vous êtes exposé. Donc l’étiquetage actuel ne fonctionne pas.

Concernant les articles 3 et 4, relatifs à la publicité et à l’éducation, des collègues du groupe Les Républicains ont dit qu’ils étaient excessifs. Ce n’est pas ainsi que je les aurais qualifiés. Mais, il y a peut-être un autre prisme pour aborder l’article 3 relatif à la régulation de la publicité : le prisme du Nutri-Score. Notre collègue Olivier Véran a rappelé que le système était intéressant et qu’il commençait à prouver son efficacité.

Sur l’affichage des calories, le dispositif est en vigueur aux États-Unis sans y empêcher la prévalence de l’obésité. Car qui sait ce que c’est qu’une calorie ? Qui sait quelle est la ration calorique journalière recommandée ? On ne peut donc que douter de l’efficacité de cette mesure. L’éducation à l’alimentation me semble plus efficace qu’un simple affichage. L’efficacité des choix opérés sera toute relative en effet si l’information fournie ne peut pas être déchiffrée.

S’agissant de l’article 4, consacrer une heure par semaine à l’éducation alimentaire ne me semble pas excessif, mais je suis ouvert à la discussion : si on adopte finalement une heure tous les quinze jours, cela constituera déjà un progrès.

Sur les protéines carnées, ma réponse est très claire : il ne s’agit pas d’éliminer la viande. Il reste qu’il est montré scientifiquement que notre consommation actuelle de protéines carnées n’est pas bonne pour notre santé et qu’elle n’est pas soutenable du point de vue de l’environnement. Elle nous expose en plus à des scandales alimentaires, tels que celui que nous avons récemment connu avec la viande qui vient de Pologne.

Je souscris tout à fait à votre point de vue : on peut conserver une part de protéines carnées. Je pense que le régime flexitarien est une bonne réponse, s’il inclut des protéines carnées produites localement, de sorte que son impact environnemental n’est pas problématique pour notre environnement. Qui plus est – et ce n’est pas la moindre des choses – cela permet aux gens qui produisent ces protéines carnées de vivre correctement de leur production parce que, du fait de son niveau de qualité, elle ne se trouve pas en concurrence avec des viandes avariées venant de l’autre bout du monde ou même d’Europe. Il n’est pas antinomique de promouvoir une filière française de qualité et de réduire en même temps la part des protéines carnées dans notre alimentation.

Nous allons pouvoir approfondir ces questions à l’occasion de l’examen des articles et des amendements.

La commission passe à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er
Restriction de l’utilisation des additifs dans la production de denrées alimentaires

La commission examine l’amendement AS5 de Mme Blandine Brocard.

Mme Michèle Crouzet. Il s’agit d’un amendement de suppression. La commission d’enquête sur l’alimentation industrielle, dont j’étais la rapporteure et Loïc Prud’homme le président, a produit un très bon rapport sur lequel on doit évidemment s’appuyer. Il contient des propositions sur lesquelles on est d’accord. Car, sur le fond, nous sommes tous favorables à une meilleure alimentation pour tout le monde, placée sous le signe d’une meilleure qualité nutritionnelle.

L’article 1er propose de revenir à la liste des quarante-huit additifs utilisés dans l’agriculture bio, moins deux. Dans notre rapport, la stratégie retenue visait à faire évoluer les pratiques industrielles car la mesure proposée n’est pas applicable au regard de la réglementation européenne et du principe de libre concurrence et de libre circulation des marchandises. Un État membre ne peut pas interdire l’utilisation de ces additifs sur son territoire, sauf à prendre des mesures de sauvegarde, c’est-à-dire à affirmer qu’il existe un risque avéré pour la santé. Si on retenait cette liste très restreinte d’additifs, on exposerait donc la France à des sanctions européennes.

Notons par ailleurs que nous ne sommes pas sûrs des quarante-huit additifs utilisés pour le bio. Les nouvelles technologies nous permettront peut-être de découvrir que certains additifs répertoriés comme non dangereux le sont en fait.

C’est pourquoi je propose une réécriture du texte, dans un sens peut-être plus coercitif d’ailleurs.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. J’avoue que cet amendement de suppression de l’article 1er me surprend. J’y vois quelques contradictions avec les travaux que nous avons pu mener ensemble dans le cadre de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle.

Parmi les propositions que vous aviez formulées, la proposition n° 13 visait précisément à réduire le nombre des additifs dans l’alimentation industrielle  pour tendre vers cette liste raccourcie comprenant les seuls additifs autorisés dans l’alimentation biologique. La proposition n° 14 tendait même à instaurer une limitation quantitative du nombre d’additifs utilisables dans un même produit alimentaire, pour éviter les cocktails de dix, de quinze, voire de trente additifs dans un seul produit.

Cela étant, ainsi que je l’indique dans mon rapport, de nombreux arguments plaident fortement en ce sens.

En premier lieu, il y a les arguments de santé publique. Nous avons tous fait le constat de l’intérêt majeur qu’il y a à réduire ce nombre d’additifs, selon les travaux scientifiques qui sont unanimes. Madame Crouzet, vous avez, comme moi, assisté aux auditions des scientifiques et vous savez à quel point cela est crucial.

Ensuite, les arguments technologiques : l’industrie agroalimentaire qui produit sous le label bio démontre que, malgré cette réduction, on arrive à produire des aliments. Rappelons que, sur la grande majorité des additifs aujourd’hui autorisés, certains n’ont pas d’utilité technologique avérée. En fait, on arrive à produire des choses tout à fait transformées ou ultra-transformées avec une cinquantaine d’additifs. C’est déjà largement suffisant.

Par ailleurs, l’intérêt pour le consommateur est également réduit : les exhausteurs de goût, les édulcorants – qui sont susceptibles d’avoir aussi une action perturbatrice sur les récepteurs gustatifs du cerveau, et donc de tromper nos instincts – pour ne pas parler des additifs les plus controversés pour leur dangerosité, servent surtout à masquer les défauts des ingrédients. Ils tendent à tromper le consommateur sur la qualité de ce qu’il mange. Voilà pourquoi il me semble important de réduire de façon drastique le nombre de ces additifs.

Certes, je conçois que ma proposition est peut-être un petit peu plus radicale que celle du rapport de la commission d’enquête. Pour autant, il me semble qu’on gagnerait, au regard du consensus sur les constats, à l’amender plutôt qu’à la rayer d’un trait plume. D’autant que l’argument des risques contentieux européens que vous avancez peut sans doute se discuter. Le règlement européen pose en effet les principes de sûreté pour le consommateur, de réponse aux besoins technologiques ou d’intérêt pour le consommateur, qui ne doit pas être induit en erreur. Autant d’arguments solides au regard du droit européen.

Mme Mathilde Panot. Je vous invite à ne pas voter la suppression de cet article. Nous sommes ici pour faire la loi, ce qui suppose d’établir un minimum de règles.

Au-delà de tous les aspects mentionnés par le rapporteur, rappelons que la malbouffe n’est pas un choix. La seule information du consommateur ne résoudra pas tout. Moi qui travaillais à Grigny, je peux vous parler des enfants qui, membres d’une fratrie de cinq à six enfants que leurs parents ne peuvent pas tous mettre à la cantine, vont acheter des baguettes à 90 centimes pour manger à midi. Oui, vous avez des enfants qui vont acheter des pâtes chinoises qu’ils mangent comme ça !

Oui, il faut fixer des règles. C’est quand même notre rôle de députés, comme représentants du peuple, de définir un minimum de règles et d’éliminer des additifs qui ont des effets extrêmement nocifs sur la population, notamment la plus fragile de notre pays.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et l’amendement AS1 de M. Pierre Dharréville tombe.

Article 2
Suivi effectif des recommandations de l’OMS en matière de taux de sel, de sucre et d’acide gras saturé

La commission examine l’amendement AS6 de Mme Blandine Brocard.

Mme Michèle Crouzet. Pour défendre cet amendement de suppression, je reviens d’abord sur le fond. Notre rapport mettait effectivement en évidence qu’on devait prendre des mesures afin de diminuer la teneur en sucre et en gras dans notre alimentation.

Mais, sur la forme, l’article 2, tel qu’il est rédigé, n’est pas applicable. Je travaille moi-même, depuis plusieurs mois, sur une proposition de loi tenant compte de la complexité de la législation actuelle, aussi bien au niveau national qu’au niveau européen. Si l’on veut parvenir à une alimentation de meilleure qualité pour tous, il faut une proposition de loi réaliste et pragmatique. En outre, les codes d’usage professionnel ont été validés. Et on ne peut pas changer la composition des produits du jour au lendemain. Tout cela nécessite un travail en profondeur.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Je suis encore plus perplexe que sur le premier amendement. On atteint ici un niveau de contradictions qui mérite d’être relevé.

La proposition numéro n° 18 formulée par la commission d’enquête était ainsi formulée : « Considérant l’échec avéré des mesures d’engagements volontaires, [ il importe d’] instituer réglementairement une limitation de la teneur en sel, en sucres et en acides gras trans dans les aliments transformés. Cette réglementation fait l’objet d’un échéancier afin d’atteindre l’objectif de conformité aux recommandations de l’OMS, de l’ANSES et du HCSP, dans un délai maximal de cinq ans. Le non-respect de ces nouvelles obligations sera financièrement sanctionné ».

La proposition n° 10 qui lui était complémentaire recommandait, entre autres choses, de « fixer la teneur maximale en sel ajouté des produits industriels et préemballés qui sera déterminée par catégorie de produits. Le non-respect de ces nouvelles obligations sera financièrement sanctionné ».

Ce sont des propositions que vous avez votées, madame Crouzet et madame Brocard, ainsi que les autres membres de la commission appartenant au groupe majoritaire. Vous avez entendu, comme moi et comme tous les membres de la commission d’enquête, les scientifiques de l’INSERM de l’INRA, le directeur général de l’ANSES, le professeur Salomon, directeur général de la santé, les membres du Haut Conseil de la santé publique, les responsables de l’OQALI, les nutritionnistes et bien d’autres encore – la liste est longue – argumenter sur le fait que les engagements volontaires des industriels qui ont été signés il y a maintenant plus de quinze ans n’ont donné aucun résultat. Il est même arrivé qu’ils puissent avoir des effets contraires.

La direction générale de la santé, que j’ai à nouveau auditionnée la semaine dernière, confirme que ces engagements volontaires ne marchent pas. C’est bien pour cette raison que de nombreux pays se tournent vers des mesures contraignantes pour l’industrie, ce que le HCSP, dans ses documents préparatoires pour le prochain Plan National Nutrition Santé, recommande fortement pour notre pays. Je ne peux donc que m’étonner qu’on en reste au point mort, si je puis dire, et que rien ne bouge.

Je voudrais bien que vous nous expliquiez pour quelle raison la mise en place de ces taux de sel, de sucre ou d’acides gras dans les aliments transformés, qui est mis en œuvre au Danemark, au Royaume-Uni, au Portugal, en Lettonie, en Hongrie, en Autriche ou en Finlande, pour ne citer que ceux-là, serait impossible à instaurer en France. Au Danemark, cela a notamment permis de réduire considérablement, en quelques années, le nombre de décès causés par des maladies cardio-vasculaires, selon le HCSP.

Avec cet amendement, qui repose sur des arguments spécieux, puisque l’article de la proposition n’implique pas, contrairement à ce que vous laissez entendre, que les taux seraient fixés sans différenciation, un renvoi au décret étant prévu, vous prenez la responsabilité politique de retarder considérablement une décision qui aurait des conséquences importantes en termes de santé publique. La trajectoire ne s’accomplira pas du jour au lendemain. Au regard des enjeux de santé publique, on ne peut plus surseoir à cette décision politique et s’en remettre une fois de plus au bon vouloir des producteurs.

Mme Danièle Obono. Je suis également perplexe lorsque j’entends notre collègue expliquer qu’il faudrait plus de temps ou encore améliorer la rédaction de cet article. Nous sommes précisément là pour cela !

À moins d’imaginer que cela traduise une volonté de ne pas adopter une proposition de La France insoumise pour pouvoir présenter celle de son groupe ? Je ne peux croire à une telle attitude qui témoignerait d‘un esprit de sectarisme de mauvais aloi, eu égard au sujet.

Tout le monde le sait, la production industrielle alimentaire pose un problème. Or l’Assemblée nationale peut précisément encadrer ces pratiques. C’est pourquoi je n’ai pas bien compris l’explication sur la difficulté qu’il y aurait à inscrire les mesures proposées à l’article 2 dans la loi et à les mettre en œuvre. Nous avons la capacité d’agir. Saisissons-la ! Prévoyons les dispositifs appropriés. Ne pas le faire relève du sectarisme ou de la volonté d’éviter d’effrayer l’industrie agro-alimentaire.

Mme Ericka Bareigts. Si nous faisions fi deux minutes de nos appartenances politiques pour regarder seulement la situation autour de nous, dans nos circonscriptions, en termes de maladie, en termes de malbouffe, et sachant que nous disposons de toutes les études nécessaires, nous prendrions des décisions.

Moi, je suis outrée, lorsque je constate, dans la circonscription où je suis élue, que, depuis des années, rien ne bouge pas, ni sur le sel, ni sur le sucre…. Des gens ont été amputés, à cause de leur diabète, d’autres sont devenus invalides à la suite d’une attaque, certains sont morts.  Mais on laisse filer en disant juste qu’il n’est pas possible d’agir. Pourquoi ?

Permettez-moi d’échanger une expérience avec vous. Une loi sur le sucre pour les outre-mer a été adoptée.

M. Gilles Lurton. Elle n’est pas appliquée !

Mme Ericka Bareigts. Le taux de sucre autorisé dans les territoires ultramarins, était en effet supérieur à celui qui est admis au niveau national – on aurait culturellement l’habitude de manger plus sucré ; je ne sais pas d’où sort cette théorie. En tout cas, on a voté une loi qui impose le respect du taux national. Or, aujourd’hui, quatre à cinq ans après, on constate qu’elle n’est toujours pas appliquée. Et nos pères, nos frères, nos sœurs ou nos cousins continuent à avoir du diabète et en meurent parfois… Oui, nous pourrions avancer sur le sujet.

Mme Mathilde Panot. Soyons sérieux : si l’article 2 est supprimé, cette proposition de loi ne contiendra plus que des incitations individuelles puisque, à vous entendre, il ne faut jamais contraindre l’industrie agroalimentaire avec des règles ! C’est pourtant ce que nous sommes censés faire d’autant que les engagements volontaires ont montré leurs limites.

Permettez-moi de reprendre une phrase de l’exposé sommaire de l’amendement AS6 : « Au sein de la catégorie des plats préparés, on distingue une grande variété de recettes qui peuvent nécessiter plus ou moins de sel. » C’est se foutre de la gueule des gens que d’écrire des choses pareilles !

Le rapporteur l’a dit, il ne souhaite pas instaurer un taux de sel unique pour tous les plats. Les dispositifs existants permettent déjà de moduler ce taux. Travaillons donc sérieusement à faire en sorte qu’il y ait moins de sel, moins de sucre et moins de gras dans l’alimentation, au lieu de poursuivre avec la stratégie des engagements volontaires qui a échoué.

M. Olivier Véran. Vous avez parfaitement raison de vouloir limiter la quantité de produits qui n’ont rien à faire dans la consommation quotidienne, par exemple le sucre dans les lasagnes, dans la sauce bolognaise ou dans le chorizo. Franchement, on se demande ce qu’il vient y faire ! Il faut donc donner aux Français accès à l’information pour qu’ils puissent voter avec leurs pieds, comme ils le font en utilisant l’application Yuka, qui connaît un beau succès.

S’agissant du sel, vous dites qu’il faut en limiter le taux dans les produits transformés. Très bien ! Mais encore faut-il savoir dans quelles proportions il est présent dans l’alimentation des Français. La première source d’apport en sel chez les Français est, à hauteur de 7 %, la baguette de pain. La deuxième provient de la charcuterie du traiteur, la troisième, des volailles, la quatrième, des soupes, la cinquième, des fast-food, la sixième, des fromages…

Pour avoir fait de la neurologie vasculaire, je sais bien que le taux de sel a une influence et un impact sur les artères. Mais il faut viser les bons produits. Un accord a été passé avec les boulangers pour réduire le taux de sel en utilisant une farine qui aurait au maximum 18 grammes de sel pour 100 grammes de farine. On est très loin du compte : moins de 15 % des boulangers suivent l’exemple. Si vous forcez demain les boulangers à réduire le taux de sel dans leur baguette, vous verrez les réactions qui s’en suivront !

En Finlande, on a apposé un étiquetage nutritionnel sur l’emballage du pain qui précise que le produit est très riche en sel, si la norme exigée est dépassée. Résultat : baisse de 30 % du taux de sel dans la baguette de pain en Finlande ! La base de la prévention, c’est l’information, beaucoup plus que l’interdiction même si j’ai porté le projet de taxe soda, parce qu’il fallait baisser le taux de sucre dans les boissons gazeuses. Je vous assure que, dans le cas de l’alimentation, l’enjeu majeur est celui de la prévention et de l’éducation. Sinon, on va braquer les gens, ce qui est plutôt contre-productif, comme le montrent les études en Europe.

Mme Blandine Brocard. Comme mon collègue Olivier Véran, je pense que le sujet est de très grande importance, mais que ce n’est pas par la contrainte qu’on arrivera à changer les choses. Moi, contrairement à beaucoup d’entre vous ici présents, j’ai vraiment confiance dans l’intelligence des consommateurs. En outre, c’est en instillant progressivement des bonnes pratiques qu’on réussira à changer les choses. L’élaboration du nouveau programme national pour l’alimentation est prévue pour le printemps 2019.

Enfin, si on se réfère, par exemple, aux recommandations données par l’OMS, notre galette bretonne ne rentre pas dans les clous ! Il serait dommage que la France, pays de la gastronomie, soit obligée de se passer de ce produit peut-être trop gras, mais qui peut être consommé de manière exceptionnelle et qui, surtout, participe de la richesse de notre terroir.

M. Pierre Dharréville. Cet article me semblait relativement consensuel, d’autant qu’il se base sur les travaux et les préconisations de l’Organisation mondiale de la santé. Il y a là un socle solide sur lequel nous pouvons nous appuyer.

Nous savons qu’il existe des logiques de formatage du goût, qui sont à l’œuvre par le fait d’un certain nombre d’industriels. Nous connaissons également le caractère très addictif du sel, du sucre et d’un certain nombre de graisses. Essayer d’intervenir sur les logiques de production pourrait donc être efficace. D’ailleurs, les exemples qui ont été évoqués montrent que c’est possible. D’autant qu’il n’est pas question d’interdire les salières ou les boîtes de sucre sur la table, mais bien d’intervenir dans le processus de production. Il s’agit seulement de proposer une liste qu’établirait la direction générale de l’alimentation, définissant les teneurs par catégories d’aliments. Ce dispositif très souple permettrait de s’adapter à la diversité des situations.

M. Jean-Luc Mélenchon. Je vais de nouveau tenter de tenir des propos utiles, en l’occurrence quelques considérations anthropologiques. Notre collègue vient d’évoquer le cas de la Finlande, où, parce qu’ils voient écrit sur le pain qu’ils achètent qu’il est trop riche en sel, les consommateurs ne l’achètent pas, ce qui incite immédiatement le producteur à réduire la teneur en sel.

Si cet exemple a le mérite de montrer qu’il est possible de fabriquer du pain contenant moins de sel, pour le reste, il relève d’une vue de l’esprit, en décrivant un homo œconomicus prenant des décisions rationnelles sur la base des informations dont il dispose sur le marché. Cet être-là n’existe pas ! Il n’a d’ailleurs jamais existé et, si on s’était fié à lui, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus personne sur terre.

En réalité, les prescriptions alimentaires ont quasiment été les premières prescriptions religieuses : on les trouve dans la Bible, dans le Coran, dans tous les textes sacrés, l’objectif étant de garantir la sauvegarde de l’espèce.

Nous serions donc la première génération à prétendre que ces prescriptions alimentaires n’ont aucun sens et que chacun doit pouvoir faire comme il l’entend, faisant fi des interdits alimentaires et des codes culturels ? Faut-il vous citer Karl Marx, qui expliquait que celui qui a l’habitude de manger de la viande cuite à l’aide de couverts ne peut se rassasier de viande crue déchirée avec les ongles ? Que dire encore des populations primitives du Groenland qui, parce qu’elles refusaient de manger du poisson, n’ont pas survécu ? J’insiste donc sur le fait que la prescription alimentaire est nécessaire à la sauvegarde collective et participe de la formation du lien social entre les êtres vivants.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Monsieur Véran, je ne partage pas non plus votre analyse et ne suis pas le seul. Vos confrères du HCSP considèrent que toutes les initiatives fondées sur l’idée d’un choix éclairé et d’un engagement volontaire du consommateur ont été des échecs et qu’il faut une réglementation.

Vous avez pris l’exemple du pain, qui est un bon exemple. En effet on peut, techniquement, fabriquer du pain pauvre en sel, et les boulangers ne sont pas du tout vent debout contre la réduction du sel dans leurs farines. Ils souhaitent simplement que cela se fasse de manière coordonnée et progressive.

Pierre Dharréville rappelait à juste titre les phénomènes d’addiction au sel et au sucre, ce qui implique que l’ensemble de la filière adopte des pratiques vertueuses pour déshabituer le consommateur. Des tests ont d’ailleurs montré que le fait de passer de 19 grammes de sel – ce qui est au-delà des engagements qui avaient été pris – à 14 grammes est gustativement neutre pour le consommateur, pour peu qu’on l’y amène progressivement. Les boulangers n’y sont pas du tout hostiles pas plus qu’ils ne sont hostiles à revoir leur processus de panification pour redonner du goût à leurs farines. En tout cas, leur intention n’est absolument pas de continuer à empoisonner leurs concitoyens en les exposant aux maladies cardiovasculaires.

Quant à l’exemple de la galette bretonne citée par Blandine Brocard, je pourrais renchérir avec un exemple tiré de ma région d’élection, le jambon de Bayonne, qui, en termes de teneur en sel, n’est pas nécessairement la denrée la plus recommandable. Mais cet article se réfère aux rations journalières de sel recommandées par l’OMS. Il s’agit donc d’établir des pondérations selon la part relative de chaque catégorie d’aliments dans notre alimentation quotidienne, et je ne pense pas que vous nourrissiez exclusivement de galettes bretonnes, pas plus que je ne me nourris uniquement de jambon de Bayonne.

L’Observatoire de la qualité de l’alimentation (OQALI) a documenté de manière très précise la part de chaque catégorie de denrées dans notre alimentation, et c’est à partir de ses travaux que l’on élaborera les décrets de teneur en sel.

Pour ce qui concerne le pain, il occupe une place prépondérante dans notre alimentation. La filière doit donc faire de gros efforts et faire converger l’ensemble de la production, actuellement très variable, vers une valeur-cible. Je trouverais donc non seulement étonnant mais décevant que l’on ne parvienne pas à trouver un terrain d’entente sur cette question, qui est un problème majeur de santé publique.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé, et les amendements AS12 rectifiés de Mme Ericka Bareigts, AS22  du rapporteur et AS20 de Mme Ericka Bareigts tombent.

Après l’article 2

La commission examine l’amendement AS11 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Il est défendu

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Vous proposez avec cet amendement que l’État, sur la base des recommandations du Programme National Nutrition Santé (PNNS) et des avis de l’ANSES, fixe réglementairement les obligations de résultats à atteindre par les filières, et qu’un échéancier soit défini avec les moyens nécessaires par les acteurs des filières, au terme duquel la fiscalité sur les produits alimentaires serait adaptée.

C’est un amendement que votre groupe avait déjà déposé lors de la discussion de la loi Egalim et auquel le Gouvernement avait donné un avis défavorable. Le ministre de l’agriculture avait indiqué qu’il fallait continuer à donner leur chance aux accords collectifs et ne pas contraindre les associations d’entrepreneurs.

Vous connaissez mon opinion sur les accords collectifs, sur leur inefficacité prouvée. Vous connaissez également l’avis des agences sanitaires de notre pays et celle du HCSP. Je ne peux qu’être favorable à votre amendement.

Mme Blandine Brocard. Nous avons en effet déjà débattu de cette question lors de l’examen de la loi Egalim, et un certain nombre de mesures ont été prises, qui permettent, entre autres, l’extension du délit de maltraitance animale aux établissements d’abattage et de transport d’animaux vivants, ou encore l’expérimentation de la vidéosurveillance dans les abattoirs.

Par ailleurs votre proposition n’a pas sa place dans une proposition de loi sur la malbouffe. Le groupe La République en Marche votera donc contre cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 3
Interdiction de la publicité en faveur de produits alimentaires destinés aux enfants et adolescents

La commission examine l’amendement de suppression AS7 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. Nous sommes tous d’accord sur le fait que nous devons mieux réguler les messages publicitaires et les opérations promotionnelles, en particulier quand ils s’adressent aux enfants et aux adolescents. En revanche, la rédaction actuelle de l’article ne nous convient pas, dans le sens où les critères qui distinguent une publicité adressée au jeune public sont assez flous. D’autre part, sans doute conviendrait-il de revoir les canaux par lesquels passent ces publicités : en effet, s’il est facile d’agir sur la publicité diffusée par la radio ou la télévision, c’est beaucoup plus compliqué sur internet.

J’ai bien conscience pourtant que, dans ce dernier cas, les enfants et les adolescents sont une cible de choix. C’est la raison pour laquelle je vous propose que nous retravaillions cet article, de manière qu’il puisse véritablement produire des effets et que nous puissions avancer dans ce domaine.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Madame Brocard, j’accepte l’ouverture que vous proposez pour reprendre cet article. J’ai d’ailleurs déposé un amendement qui reprend sa rédaction, et que je souhaiterais défendre pourvu que vous ne supprimiez pas l’article.

Cet amendement propose un dispositif qui satisfait les recommandations du Haut Conseil de la santé publique et contribue en même temps à promouvoir le Nutri-Score, dont chacun connaît ici l’importance et le rôle qu’il est amené à jouer dans les années à venir pour la promotion d’une alimentation plus saine.

Ne pourront ainsi faire l’objet de messages publicitaires que les produits alimentaires et boissons qui auront été classés A ou B selon le Nutri-Score. En conséquence, seraient interdites les publicités pour les produits mal classés et donc néfastes pour la santé.

Quant à la question des supports, s’il est important d’interdire ce type de publicité à la radio ou à la télévision, il est également indispensable d’étendre l’interdiction à l’ensemble des supports, y compris internet. Vous soulevez une difficulté qui n’existe pas à mes yeux, et je vous rappelle que la loi Évin s’applique de manière indifférenciée à tous les types de support. Pour l’alcool et le tabac, la régulation s’applique aussi sur internet et sur les réseaux sociaux.

Mme Danièle Obono. Cet article devrait recevoir l’assentiment général puisqu’il s’agit de l’information à destination des consommateurs. Plusieurs intervenants ont indiqué à quel point il était important que ces consommateurs puissent faire des choix éclairés. Or chacun sait que le but de la publicité n’est pas de guider le public vers des choix éclairés en termes de santé publique mais qu’elle a uniquement pour fonction de faire vendre. On sait aussi que, lorsqu’elle poursuit ainsi un but lucratif, la publicité contribue à orienter la perception que le public a des produits qu’elle vante. Je ne vois donc pas qui pourrait s’opposer ici à une régulation de la publicité, permettant de mieux éduquer les consommateurs.

Quant à l’argument selon lequel cet article serait mal rédigé, la majorité a, me semble-t-il, toute latitude pour proposer des amendements la corrigeant, à moins qu’elle préfère adopter l’amendement du rapporteur.

Vous évoquez des difficultés, sans préciser lesquelles, alors que le rapporteur vous a apporté la preuve que la régulation de la publicité existe déjà pour certains produits considérés comme nocifs. Je ne vois donc pas ce qui peut justifier la suppression de cet article, sinon une forme de sectarisme qui vous pousse à refuser d’intervenir sur cette question de l’information des consommatrices et des consommateurs. C’est grave.

M. Olivier Véran. Je ne connais pas plus vicieux que le neuromarketing à destination des enfants. Certains publicitaires conçoivent aujourd’hui leurs messages de manière qu’ils aient non seulement un impact visuel mais également un impact cognitif sur le cerveau des enfants, pour créer les conditions d’une addiction à la malbouffe – c’est particulièrement vicelard.

Lors des débats sur le Nutri-Score, j’avais ainsi expliqué que, lorsque on répète en boucle à un enfant : « Le tigre est en toi », on ne lui explique pas que les céréales qu’il va manger sont bonnes mais on lui envoie un message subliminal très fort. Moi qui ai deux enfants de cinq et huit ans, je mesure l’impact qu’a sur eux la publicité qui ponctue les dessins animés et la manière dont il va nous falloir ramer pour leur expliquer ensuite qu’il faut manger plus équilibré.

C’est la raison pour laquelle, autant je considère que l’article 3 tel qu’il est rédigé pose un certain nombre de problèmes, notamment juridiques, autant la proposition de la Haute Autorité de santé consistant à vouloir interdire à terme la publicité pour des produits dont le Nutri-Score est particulièrement mauvais dans les programmes destinés aux enfants me paraît intéressante. C’est cette idée que vous reprenez dans votre amendement, monsieur le rapporteur, et je suis prêt à en débattre en séance. Nous pourrions ainsi envoyer un signal fort sur notre volonté d’en finir avec le neuro-marketing.

J’ajoute que si nous débattons de cette idée en séance, il n’est pas impossible que j’en profite pour vous soumettre de nouveau l’idée de rendre obligatoire la mention du Nutri-Score dans toutes les publicités. Maintenant que de l’eau a coulé sous les ponts, j’espère que j’obtiendrai plus de dix-huit voix…

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Je souhaite que Mme Brocard retire son amendement pour que nous puissions avoir cette discussion. J’admets que ma rédaction initiale est un peu radicale, mais elle a au moins le mérite de poser une question dont M. Véran vient de confirmer qu’elle était très importante.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence l’article 3 est supprimé, et les amendements AS23 du rapporteur, et AS3 et AS4 de Mme Anne-Laurence Petel tombent.

Article 4
Introduction d’un apprentissage à la nutrition et à l’alimentation à l’école

La commission examine l’amendement de suppression AS8 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. C’est par l’éducation des enfants que nous arriverons à instaurer des bonnes pratiques. Cependant, bien que tout à fait louable comme toutes les autres, la proposition du rapporteur me semble déjà satisfaite. En effet, l’article L. 312-17-3 du code de l’éducation prévoit déjà qu’une information et une éducation à l’alimentation soient dispensées dans les établissements scolaires, de la maternelle au lycée. Elles sont donc inscrites dans les programmes et, partant, obligatoires, même si l’on peut souhaiter que les professeurs s’en emparent davantage et que, de manière transversale, cette éducation à l’alimentation soit abordée non seulement durant le temps scolaire mais également durant le temps périscolaire. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Les amendements de suppression se suivent et se ressemblent, et j’avoue que je suis de plus en plus perplexe.

Vous proposez de supprimer le quatrième article de la proposition de loi, en vous appuyant sur des arguments qui me paraissent erronés, puisque, contrairement à ce que vous écrivez dans votre exposé des motifs, l’éducation à l’alimentation n’est en rien obligatoire.

Si elle est inscrite dans le code de l’éducation, il s’agit d’un enseignement sans horaire défini, qui relève des activités périscolaires. L’article L. 312-17-3 indique en effet qu’ « une information et une éducation à l’alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire [...] sont dispensées dans les établissements d’enseignement scolaire, dans le cadre des enseignements ou du projet éducatif territorial mentionné à l’article L. 551-1 du présent code », celui-ci définissant les activités périscolaires.

Il revient donc aux écoles, aux collèges, aux lycées et aux équipes éducatives de déterminer la place qui y est consacrée. Concrètement, cela dépend des comités d’éducation, qui y consacrent des temps extrêmement variés, le plus souvent, uniquement en sixième et en cinquième. Malgré l’importance cruciale qui lui est reconnue par tous, cette éducation reste donc aujourd’hui encore très lacunaire.

Pour ne citer qu’eux, la représentante de la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) l’avait admis sans difficultés devant notre commission d’enquête, et notre collègue Guillaume Garot, président du Conseil national de l’alimentation (CNA) et ancien ministre de l’agriculture, avait été particulièrement sévère à ce sujet. C’est pourquoi le HCSP recommande de mettre en œuvre de nouvelles actions, après avoir constaté l’insuffisance du dispositif actuel.

Je tiens d’ailleurs à votre disposition, madame Brocard, les propos que vous avez vous-même tenus lors de la réunion finale de notre commission d’enquête, au cours de laquelle vous aviez voté le rapport et les propositions. Je vous cite : « En tant que mère de trois enfants, je suis bien placée pour savoir que l’intégration de l’éducation au bien-manger dans l’enseignement scolaire dépend du bon vouloir des enseignants. »

Vous comprendrez donc mon étonnement, aujourd’hui devant un changement d’attitude et d’analyse qui me paraît purement de circonstance. J’espère sincèrement qu’il ne correspond pas à ce que vous pensez réellement, et regrette que nous ne puissions nous entendre pour servir l’intérêt général, celui de nos enfants – des vôtres en particulier. Une approche transversale de l’éducation à l’alimentation est évidemment idéale, et c’est précisément toute l’ambition de l’article 4.

Permettez-moi enfin d’ajouter que la communauté scientifique ne partage pas votre avis. Je vous invite,  si vous avez encore besoin d’être convaincue que la nutrition est un sujet qu’il faut aborder dans le cadre de la scolarité, à rencontrer le professeur Hercberg à ce sujet.

Et puisque c’est sans doute l’une des dernières occasion que j’ai de m’exprimer ce matin, je tiens à redire mon dépit face à nos discussions – ou plutôt à notre absence de discussion – sur des sujets qui suscitent pourtant de notre part un constat unanime.

Avis défavorable.

Mme Danièle Obono. Cet amendement de suppression clarifie la sincérité d’un certain nombre d’interventions. Alors que tout le monde s’accorde pour insister sur la nécessité que nos concitoyens et concitoyennes soient informés sur la composition des produits qu’ils consomment, quel meilleur moyen, même s’il n’est pas le seul, peut-on trouver, que l’éducation scolaire, qui est, par ailleurs, un gage d’égalité devant l’apprentissage de ce qu’est un comportement alimentaire sain ?

Or je m’inscris en faux contre l’idée que cela est une pratique systématique dans l’éducation nationale. Ce n’est pas vrai, même s’il existe, ici ou là des initiatives en ce sens.  Les dispositifs en place ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux, et je puis en témoigner, élue dans une circonscription où les parents se mobilisent actuellement autour de la qualité de la restauration collective et de la composition des menus, dans une ville qui dispose pourtant d’un certain nombre de moyens éducatifs.

Je ne vois donc pas ce qui, à vos yeux, est problématique dans le fait de vouloir développer l’éducation à l’alimentation, non seulement chez les élèves mais aussi chez les enseignants, qui sont aussi des consommateurs et ne possèdent pas toujours les outils pour distinguer le bon du mauvais. Cela implique l’intervention de spécialistes, et il faut s’en donner les moyens. Sans doute est-ce cela que vous refusez.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Tout le monde sait que plus l’éducation à la santé commence tôt, plus elle est efficace, ainsi que nous l’avons largement souligné dans le rapport que nous avons rendu avec Ericka Bareigts. Votre idée est donc intéressante. L’éducation nationale prévoit pour cela un parcours éducatif en santé, qui n’est pas chiffré en heures et qui n’a pas été totalement finalisé mais dont on parle depuis quatre ou cinq ans et qui fait, par exemple, en région Auvergne‑Rhône‑Alpes, l’objet d’une grande expérimentation  touchant dix mille élèves.

Ce qui me gêne dans votre article 4, c’est qu’il ne concerne que l’alimentation alors que l’éducation doit concerner la santé dans sa globalité, c’est-à-dire non seulement l’alimentation mais l’ensemble des problématiques liées à la nutrition et à l’exercice physique.

En outre, éduquer les élèves implique d’avoir auparavant sensibilisé et formé les enseignants. Il me semble donc que vous prenez le problème à l’envers.

Mme Michèle Peyron. Pourquoi mettre toutes nos billes dans l’Éducation nationale ? Il y a aussi la Protection maternelle et infantile, qui accompagne les parents de très jeunes enfants ou les futurs parents, et leur dispense par exemple des cours, pour nourrir sainement leurs enfants.

En matière de prévention, il faut commencer par le début, dès le temps de la grossesse. Vous pourrez découvrir dans mon rapport sur la PMI ce qui se fait déjà et ce qui est envisagé pour progresser dans ce domaine.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 est supprimé, et l’amendement AS24 du rapporteur tombe.

Après l’article 4
 

La commission est saisie de l’amendement AS16 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Il est défendu.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Je ne reprendrai pas tout l’argumentaire sur la nécessité d’instaurer un enseignement sur l’alimentation qui soit obligatoire et de le sortir pour cela du cadre des activités périscolaires. En ce sens, je crois que votre proposition n’apporte pas de plus-value par rapport à ce qui existe déjà dans le code.

En outre, il me semble aussi que votre amendement prévoit des dispositions, notamment son premier alinéa, plus déclaratives que réellement normatives.

J’en profite pour insister sur le fait que, si certains d’entre vous ont mis en exergue la nécessité de sensibiliser les enseignants, j’irai plus loin en disant qu’il faut les former, et c’est bien en inscrivant l’obligation de l’enseignement sur l’alimentation dans la loi qu’on obligera l’éducation nationale à le faire.

Quant à la PMI, je me réjouis de constater que l’article 4, qui englobait l’éducation de la maternelle au collège, peut être étendu à la toute petite enfance, et je ne peux qu’appuyer le propos de Mme Peyron.

En ce qui concerne l’amendement AS16, j’en demande le retrait.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS25 du rapporteur.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Tel qu’il est rédigé, l’article L. 312‑17-3 du code de l’éducation ne confère pas de caractère obligatoire à l’enseignement concernant l’alimentation. L’article L. 551-1 auquel il renvoie traite en effet des activités périscolaires, dans le cadre duquel elles doivent s’inscrire.

C’est la raison pour laquelle le constat est unanime aujourd’hui sur la faiblesse de cet enseignement, qui, dans les faits, relève du bon vouloir des enseignants.

Cet amendement vient donc compléter l’article 4 de la proposition de loi et conforter le dispositif prévu.

Mme Blandine Brocard. Je comprends que nous n’avons pas du tout la même interprétation de l’article L. 312-17-3, qui pose selon moi une obligation. D’où le fait que je réitère mes arguments contre cet amendement.

Vous évoquiez tout à l’heure notre commission d’enquête. Je rappellerai que, auditionnée par la commission, Mme Véronique Gasté, cheffe du bureau de la santé, de l’action sociale et de la sécurité au ministère de l’éducation nationale, a expliqué que, dès lors que l’éducation à l’alimentation était inscrite dans les programmes, elle était obligatoire et que tous les élèves de France bénéficiaient donc, à un moment donné, de cet enseignement. Nous ne voterons donc pas cet amendement.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Il ne s’agit pas d’un problème d’interprétation. Il me semble qu’il est clairement fait référence dans l’article L. 551-1 à des activités périscolaires, qui prolongent le service public de l’éducation. C’est écrit noir sur blanc.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS17 de Mme Ericka Bareigts. 

Mme Ericka Bareigts. Il est défendu.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS21 de Mme Ericka Bareigts. 

Mme Ericka Bareigts. Il est défendu.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. J’en demande le retrait en vue de le retravailler pour la séance publique.

L’amendement AS21 est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS2 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Il s’agit d’une demande de rapport sur le suivi nutritionnel des enfants et des adolescents en milieu scolaire. En effet, l’obésité et le surpoids sont en hausse, année après année, tandis que, dans le même temps, le budget alloué à la santé scolaire se réduit. Nombreux sont les élèves de plus de six ans qui, hors du cadre scolaire, ne consulteront qu’exceptionnellement, un médecin, et la consultation d’un diététicien n’est pas remboursée par la sécurité sociale, ce qui peut entraîner un coût insurmontable pour certaines familles. C’est pourquoi ce rapport vise à évaluer l’opportunité de rendre gratuite et obligatoire la consultation d’un spécialiste diététicien, au moins une fois par cycle scolaire.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Le sujet que vous soulevez avec cet amendement est majeur. La malbouffe cause en effet des dégâts importants chez les enfants et les adolescents, qui se traduisent notamment en termes de surpoids et d’obésité. Je rappelle qu’aujourd’hui, 17 % de nos enfants sont en surpoids et 4 % souffrent d’obésité, chiffres qui ne cessent de croître.

Je suis donc tout à fait favorable à votre amendement, qui tend à améliorer le suivi en milieu scolaire des enfants, d’autant plus important que chacun sait le poids des déterminants sociaux dans ces problématiques.

La commission rejette l’amendement.

M. Loïc Prud’homme, rapporteur. Je voudrais dire pour terminer mon désarroi ou ma colère – je ne sais pas comment l’exprimer. Si je peux comprendre que mon travail, bien que sérieux, ne fasse pas l’unanimité, et que les propositions solides que je vous fais ne vous agréent pas, si vous considérez que défendre les 30 % de notre population qui sont touchés par des maladies chroniques et les 80 % de nos concitoyens qui s’intéressent à la qualité de ce qui est dans leur assiette n’est pas une priorité, il me semble néanmoins que vous avez un devoir de cohérence que démentent vos propos de ce matin, en totale contradiction avec vos engagements d’il y a quelques mois.

Je ne prétends porter ici aucun jugement moral, mais sachez seulement que la situation dans laquelle je suis aurait eu toutes les raisons de me mettre en colère, si je n’étais d’un flegme légendaire.

Mme Brigitte Bourguignon. Merci donc d’avoir gardé votre flegme légendaire monsieur Prud’homme.

*

*     *

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.


([1])  « Nombre et fractions de cancers attribuables au mode de vie et à lenvironnement en France métropolitaine en 2015 : résultats principaux », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 21, 26 juin 2018, page 443.

([2])  Audition du 5 février.

([3]) Audition du mardi 5 février.

([4])  « Propositions pour une politique nationale nutrition santé à la hauteur des enjeux de santé publique en France – PNNS 2017-2021 », Haut Conseil de la Santé Publique, septembre 2017.

([5]) « Une stratégie européenne pour les problèmes de santé liés à la nutrition, la surcharge pondérale et lobésité », 30 mai 2017.

([6]) Article L. 312-17-3 du code de l’éducation : « une information et une éducation à lalimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire (…) sont dispensées dans les établissements denseignement scolaire (…). ».

([7]) Considérant n° 7.

([8]) Audition de M. Charles Pernin, délégué général du Synabio, mercredi 6 février.

([9]) Audition du mardi 5 février

([10])  Audition du mercredi 6 février.

([11])  Audition du jeudi 7 février

([12])  Audition de M. Louis-Georges Soler, directeur de recherche à l’INRA.

([13])  Rapport n° 1266 sur « L’alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans lémergence des pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance », page 115.

([14])  Audition du 5 février.

([15])  « Propositions pour une politique nationale nutrition santé à la hauteur des enjeux de santé publique en France – PNNS 2017-2021 », Haut Conseil de la Santé Publique, septembre 2017, page 30.

([16])  Audition du 7 février.

([17])  Rapport au Parlement en application de l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 sur l’application de la charte alimentaire, CSA, octobre 2018.

([18])  « Agir sur les comportements nutritionnels, réglementation, marketing et influence des communications de santé, synthèse et recommandations », INSERM, expertise collective, mars 2017.

([19])  Audition du 5 février.

([20])  En adoptant en 2010 la résolution 63.14 de l’OMS sur la commercialisation des aliments et boissons non alcoolisées aux enfants.

([21]) Propositions pour une politique nationale nutrition santé à la hauteur des enjeux de santé publique en France – PNNS 2017-2021, Haut Conseil de la Santé Publique, septembre 2017, pages 52-54.

([22])  « Rapport n° 1266 sur l’alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l’émergence des pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance »

([23])  Recommandation n° 21, rapport n° 1266, page 157