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N° 1818

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 mars 2019

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI

 

 

visant à soutenir le fonctionnement des services départementaux

d’incendie et de secours et à valoriser la profession

de sapeur-pompier professionnel et volontaire (n° 1649 rect)

 

PAR M. Arnaud Viala
Député

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              Voir le numéro :

Assemblée nationale : 1649 rect.

 


 


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SOMMAIRE

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Pages

 

AVANT-PROPOS.................................................... 5

I. Un modÈle en péril

A. UN modÈle spÉcifique et performant

1. Un niveau de performance dû à l’engagement des citoyens

2. Une organisation spécifique mais pas unique en Europe

B. Un modèle en crise

1. Une crise des vocations

2. Une hausse des agressions

3. La menace du droit européen

4. Des réformes récentes qui peinent à être mises en œuvre

II. La nécessaire revalorisation du statut des sapeurs-pompiers

A. AccroÎtre l’attactivité du volontariat

1. Soutenir les employeurs

2. Faciliter la conciliation entre vie professionnelle ou étudiante et engagement

B. Protéger et garantir l’engagement DES sapeurs-pompiers professionnels et volontaires dans la durée

1. Renforcer la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires

2. Soutenir les sapeurs-pompiers dans leur engagement

C. moderniser les services de secours et d’incendie

1. Améliorer le traitement des appels d’urgence

2. Mutualiser les systèmes d’information des SDIS

Commentaire des articles de la proposition de loi

Chapitre Ier Mesures sociales pour pallier le manque d’effectif

Article 1er (art. L. 241-13 du code de la sécurité sociale) Allègement des cotisations à la charge des employeurs de sapeurs-pompiers volontaires

Article 2 (art. L. 723-11 du code de la sécurité intérieure, art. L. 3142-89 du code du travail) Fixation d’une durée minimale d’autorisation d’absence

Article 3 (art. L. 6313-3, L. 6323-4, L. 6323-6, L. 6331-1, L. 6331-3 du code du travail)  Formation des sapeurs-pompiers volontaires

Article 4 (art. L. 241-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre) Accès aux emplois réservés

Article 5 (art. 2 de la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service)  Extension de la couverture sociale des sapeurs-pompiers volontaires

Article 6 (art. 12 de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers) Bonification de trimestres de retraite

Chapitre II Mesures structurelles pour faciliter l’exécution des missions

Article 7 (art. L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation) Accès aux logements sociaux

Article 8 (art. L. 1424-9 du code général des collectivités territoriales) Dérogation à la correspondance grade-emploi

Article 9 (art. L. 6153-1-1 [nouveau]) Stage d’étudiants en médecine au sein des SDIS

Article 10 (art. 433-5 du code pénal) Sanction des outrages adressés aux sapeurs-pompiers

Article 11 (art. L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques) Utilisation du 112 comme numéro unique d’urgence

Article 12 (art. L. 1424-36-2 du code général des collectivités territoriales) Dotation en faveur du projet NexSIS

Article 13 (art. L. 723-4 du code de la sécurité intérieure) Statut des sapeurs-pompiers volontaires au regard du droit européen

Article 14 (art. 575 et 575 A du code général des impôts) Gage de charges

COMPTE RENDU DES DÉBATS

Personnes entendues

 


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Mesdames, Messieurs,

Le groupe Les Républicains a fait le choix d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le jeudi 4 avril, journée réservée à ses initiatives conformément au cinquième alinéa de l’article 48 de la Constitution, une proposition de loi visant à soutenir le fonctionnement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et à valoriser la profession de sapeur-pompier professionnel et volontaire. Ce texte est le fruit du rapprochement de différentes initiatives parlementaires et a fait l’objet, avant même son dépôt, d’une première concertation avec les acteurs concernés. Cette consultation s’est poursuivie lors de la préparation de son examen par la commission des Lois, à l’occasion de laquelle de nombreuses améliorations ont été suggérées à votre rapporteur.

Il s’agit de répondre à une situation grave et urgente.

Notre système de sécurité civile repose, en effet, sur le dévouement de 40 000 sapeurs-pompiers professionnels et 195 000 sapeurs-pompiers volontaires accompagnés par 11 250 personnels administratifs et techniques (PATS). Chaque année les interventions des sapeurs-pompiers bénéficient à environ 5 % de la population française (3,8 millions de victimes en 2017).

Or, au cours de la période récente, l’équilibre qui faisait des services d’incendie et de secours français un modèle a été fragilisé. Trois raisons l’expliquent.

D’abord, une perte de reconnaissance et un manque de protection : en 2017, les sapeurs-pompiers ont été victimes de 2 800 agressions et 382 de leurs véhicules ont été endommagés.

Ensuite, un manque de moyens et d’investissements en faveur de la modernisation des SDIS dont le matériel se dégrade et dont les systèmes d’information sont désormais dépassés.

Enfin, une crise des vocations qui résulte des deux points précédents et d’une évolution démographique qui demande plus d’interventions dans des zones où demeurent de moins en moins de personnes actives.

Le défi qui se présente à nous est prioritaire car il en va de la sécurité de nos concitoyens. Dans ce domaine plus que dans tout autre, le maillage territorial se doit d’être le plus fin possible. Mais l’enjeu est plus large. Il s’agit aussi, par la garantie de la présence des secours de proximité, de préserver nos territoires ruraux, leur attractivité et leur activité économique.

Certes, le Gouvernement a commandé des rapports et a fait des annonces. Mais, alors que nombreux sont ceux qui s’alarment d’une situation qui se dégrade, leur mise en œuvre est sans cesse reportée tandis que l’inquiétude des effectifs s’accroit. La dernière réforme relative aux services d’incendie et de secours, qui intègre les personnels administratifs, techniques et spécialisés au sein des conseils d’administration des SDIS, est d’ailleurs issue d’une initiative de la sénatrice du groupe Les Républicains Catherine Troendlé ([1]).

Il est urgent d’agir pour obtenir de nouvelles avancées, au-delà des divergences politiques entre les uns et les autres. La volonté qui sous-tend ce texte est d’améliorer le quotidien des personnes qui, chaque jour, risquent leur vie pour sauver celle des autres.

La présente proposition de loi contient donc des mesures diverses qui sont destinées à rendre le volontariat plus attractif, à permettre une meilleure conciliation entre vie professionnelle et engagement volontaire et à renforcer la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires.

Elle vise également à protéger et soutenir les sapeurs-pompiers professionnels en renforçant leur protection contre les agressions, en facilitant leurs conditions d’accès au logement et en accélérant la modernisation des SDIS dont ils seront les premiers bénéficiaires.

À ces conditions, le modèle français de sécurité civile pourra reprendre son souffle et se tourner vers de nouveaux défis, notamment à l’échelle européenne où le statut des sapeurs-pompiers volontaires est aujourd’hui menacé.

La réponse qui est apportée par cette proposition de loi en vue de protéger le volontariat et de revaloriser les missions de tous les sapeurs-pompiers relève d’un véritable choix de société, en faveur de la promotion de l’engagement au service de ses concitoyens.

La commission des Lois a toutefois rejeté l’ensemble des articles de la proposition de loi.

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I.   Un modÈle en péril

A.   UN modÈle spÉcifique et performant

1.   Un niveau de performance dû à l’engagement des citoyens

Les effectifs des sapeurs-pompiers sont constitués de 16 % de sapeurs-pompiers professionnels et de 79 % de sapeurs-pompiers volontaires. Sur 248 000 sapeurs-pompiers, 12 500 sont des militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et du bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM). Les sapeurs-pompiers sont appuyés par les services de santé et de secours médical qui regroupent 5 % des effectifs. Enfin, le fonctionnement des SDIS repose également sur des personnels administratifs, techniques et spécialisés (PATS) qui assurent la gestion quotidienne des SDIS et la maintenance techniques des engins et des équipements.

Le modèle français repose sur l’alliance efficace entre les sapeurs-pompiers professionnels et les sapeurs-pompiers volontaires qui les soutiennent. Les sapeurs-pompiers volontaires assurent 66 % des heures d'intervention. Leur importance dans le dispositif est le fruit d’une longue histoire puisque, dès le Moyen-Âge, en 1254, une ordonnance de Louis IX confiait la lutte contre les incendies à des veilleurs « professionnels », le guet royal, qui pouvaient s’appuyer, en cas de sinistres, sur un « guet bourgeois » (ou « guet des métiers ») composé de volontaires appartenant à diverses corporations (charpentiers, maçons…). Le premier corps spécialisé dans la lutte contre les incendies est celui des gardes-pompes, créé en 1716 par ordonnance royale. À partir de 1804, les communes suffisamment peuplées furent dotées de compagnies de pompiers et, en 1811, à la suite de l’incendie qui ravagea l’ambassade d’Autriche, Napoléon Ier créa à Paris un corps militaire de sapeurs-pompiers. Cette spécialisation n’a pas fait disparaitre les volontaires puisqu’il était prévu que les membres de la Garde nationale puissent venir soutenir les sapeurs-pompiers en cas de nécessité.

Le modèle français est performant : en moyenne, 12 minutes et 58 secondes s'écoulent entre l'appel et l'arrivée des secours, dont 2 minutes et 14 secondes pour le traitement de l'alerte (décroché, écoute, analyse, décision, ordre) et 10 minutes et 44 secondes pour l’arrivée des secours (de la diffusion de l'alerte à l'arrivée du premier véhicule). De tels délais exigent un maillage territorial fin et une disponibilité exemplaire. En 2017, les sapeurs-pompiers sont intervenus 4,6 millions de fois, soit 12 744 interventions par jour. C’est ainsi 5 % de la population qui a pu bénéficier, cette année-là, du secours des sapeurs-pompiers.

2.   Une organisation spécifique mais pas unique en Europe

L’alliance des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires est historiquement au cœur du modèle français. Elle offre aux citoyens un moyen de s’engager au service de la population.

Ce modèle n’est pas unique. En Allemagne, en Autriche, en Suisse ou encore en Pologne, les sapeurs-pompiers volontaires sont également majoritaires. En Allemagne, le phénomène est encore plus important qu’en France puisque 94 % des sapeurs-pompiers sont des volontaires ([2]). Au total, environ 2,2 millions de sapeurs-pompiers en Europe ont un statut comparable à celui des sapeurs-pompiers volontaires français.

Nombre et proportion des sapeurs-pompiers volontaires
dans l’union européenne

Nombre de sapeurs-pompiers volontaires en Europe

Source : Comité technique international de prévention et d'extinction du feu (CTIF), 2017.

Les sapeurs-pompiers français se distinguent néanmoins par la nature de leurs interventions qui sont de plus en plus orientées vers le secours aux personnes. En 2017, le secours à victime a représenté 84 % des interventions (soit 3,9 millions de sorties), contre 19 % pour les incendies.

B.   Un modèle en crise

1.   Une crise des vocations

Les SDIS rencontrent des difficultés croissantes à recruter des sapeurs-pompiers, alors que les besoins s’accroissent. Le vieillissement de la population est en partie à l’origine du problème : les attentes et les interventions sont en augmentation constante tandis que le public au sein duquel peut s’opérer le recrutement stagne. Les inégalités géographiques et l’apparition de zones rurales isolées rendent également plus difficile le maintien du maillage territorial.

Ils peinent également à fidéliser les sapeurs-pompiers volontaires. La durée moyenne d’engagement augmente (11 ans et 8 mois en 2016, contre 9 ans et 11 mois en 2007) mais le nombre de sapeurs-pompiers qui arrêtent leur engagement au cours des cinq premières années s’accroit : il se situe désormais entre 30 % et 40 %. Il s’agit pourtant d’un enjeu crucial compte tenu de l’investissement initial (démarches administratives, formation, équipement).

2.   Une hausse des agressions

Selon la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des risques (DGSCGC) ([3]), le nombre de sapeurs-pompiers victimes d’agressions est en nette augmentation : 2 800 agressions en 2018 contre 1 939 en 2015 (+ 44 %) ; 1 613 journées d’arrêt de travail contre 1 186 (+ 36 %). Les SDIS sont également victimes de vols et de dégradations qui grèvent leurs budgets. En 2017, plusieurs centaines de véhicules ont ainsi été endommagés.

Selon les représentants des sapeurs-pompiers et des SDIS auditionnés, ces agressions ont désormais lieu sur l’ensemble du territoire et non plus seulement dans les quartiers difficiles ou en zone urbaine. Votre rapporteur estime qu’une réaction des pouvoirs publics est urgente car il en va du droit de l’ensemble des personnes à être secourues sur l’intégralité du territoire.

3.   La menace du droit européen

Les acteurs des services d’incendie et de secours s’inquiètent de la transposition annoncée de la directive européenne sur le temps de travail (DETT), votée en 2003 ([4]). Cette directive procède à l’harmonisation de certaines règles du droit du travail, notamment en matière de temps de repos et de congé. Or, les sapeurs-pompiers volontaires ne sont actuellement pas considérés, en droit français, comme des travailleurs en cumul d’activité. Leur engagement peut s’effectuer y compris sur leur temps de repos, ce qui ne serait plus possible de la même manière s’ils étaient soumis à cette directive. La reconnaissance du statut de travailleur aux sapeurs-pompiers volontaires français aurait des conséquences lourdes sur l’organisation et le financement des services de secours.

Rien n’indique que les dérogations prévues pour les personnes « ayant un pouvoir de décision autonome », « pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d’assurer la protection des biens et des personnes » ou pour les « circonstances […] anormales et imprévisibles, ou des événements exceptionnel» ([5]) s’appliquent aux sapeurs-pompiers volontaires. Dans l’arrêt Rudy Matzak ([6]), la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) estime que les sapeurs-pompiers volontaires belges ont le statut de travailleurs et sont soumis aux droits et obligations qui s’y rattachent.

L’article 13 de la proposition de loi vise donc à renforcer le faisceau d’indices au regard duquel la CJUE serait susceptible d’évaluer l’applicabilité de la DETT aux sapeurs-pompiers volontaires. Il s’agit également d’alerter le Gouvernement sur l’urgence de porter ce sujet à la connaissance des institutions européennes avec les autres États-membres concernés.

4.   Des réformes récentes qui peinent à être mises en œuvre

Plusieurs rapports sur les sapeurs-pompiers ont été commandés par les gouvernements successifs et les annonces ont été nombreuses, mais les préconisations et les engagements tardent à être suivis d’effet. On peut se satisfaire de la réforme de la filière entamée en 2012, qui s’achèvera en 2020, mais les effectifs sont inquiets quant aux prochaines réformes, notamment la mise en place du système d’information mutualisé, NexSIS, dont le financement n’est pas assuré, la création d’une plateforme unique de traitement de l’ensemble des appels d’urgence et la généralisation du numéro unique d’urgence, le 112.

La présente proposition de loi apporte, pour chacune des difficultés soulevées, des réponses pragmatiques pour faciliter le quotidien des SDIS et accélérer les grandes transformations nécessaires.

II.   La nécessaire revalorisation du statut des sapeurs-pompiers

A.   AccroÎtre l’attactivité du volontariat

1.   Soutenir les employeurs

75 % des sapeurs-pompiers volontaires exercent en parallèle une activité professionnelle, 64 % ont un employeur. Il apparait donc indispensable de prendre davantage en considération la situation des employeurs qui doivent être mieux informés des contreparties auxquelles ils peuvent prétendre et de leurs obligations. Aujourd’hui, trop de sapeurs-pompiers continuent de dissimuler leur engagement auprès de leur employeur, ce qui peut avoir des conséquences graves (licenciements, sanctions, moindre protection sociale…).

Il existe d’ores-et-déjà des avantages fiscaux et des compensations financières pour les entreprises qui emploient des sapeurs-pompiers volontaires. Les employeurs peuvent bénéficier de divers avantages sur leur prime d’assurance dommages incendie, sur leur contribution au financement de la formation professionnelle ou au titre du mécénat. Lorsque l’employeur conclut une convention de disponibilité avec le SDIS, il peut obtenir des compensations financières au-delà d’un seuil d’absence défini au préalable ([7]).

répartition des sapeurs-pompiers par activités connues

Source : Mission sapeurs-pompiers volontariat, mai 2018.

L’article 1er de la proposition de loi renforce et clarifie ces incitations en prévoyant une majoration de l’exonération de cotisations patronales pour les entreprises qui emploient des sapeurs-pompiers volontaires. Les organisations d’employeurs rencontrées par votre rapporteur y sont favorables et se sont engagées pour leur part à accroitre l’effort de communication et d’information en direction des chefs d’entreprise pour promouvoir le volontariat.

2.   Faciliter la conciliation entre vie professionnelle ou étudiante et engagement

Il est nécessaire d’encadrer les droits des sapeurs-pompiers dans l’exercice de leur engagement. L’article 2 de la proposition de loi prévoit ainsi d’aligner les autorisations d’absence pour formation ou pour situation de crise à 8 jours minimum par an. Il en va de la clarté des obligations des employeurs qui ont besoin de lisibilité.

Les organisations d’employeurs estiment que cette mesure est une juste contrepartie aux exonérations proposées par l’article 1er.

La formation est une autre problématique importante. Les autorisations d’absence vont permettre aux sapeurs-pompiers volontaires d’y accéder plus facilement et plus régulièrement. En complément, l’article 3 de la proposition de loi prévoit que les droits à formation accumulés sur le compte personnel de formation doivent pouvoir être mobilisés par les sapeurs-pompiers volontaires pour renforcer leurs compétences et par les salariés qui souhaiteraient s’engager. Il prévoit également la possibilité pour les entreprises de « flécher » leurs contributions au financement de la formation professionnelle vers les SDIS qui assureraient ces formations. Cette mesure pourrait favoriser le volontariat puisqu’elle rendrait facilement accessible à tout détenteur d’un CPF les formations de sapeurs-pompiers volontaires.

Environ 17 % des sapeurs-pompiers volontaires sont des étudiants. Leur engagement pourrait être mieux valorisé s’il était davantage compatible avec la poursuite de leurs études et si les conditions pour effectuer des stages au sein des SDIS étaient facilitées. Cela semble particulièrement pertinent pour certaines professions en lien avec le secours. L’article 9 de la proposition de loi a pour objet de permettre aux étudiants en médecine d’effectuer un de leurs stages obligatoires au sein du service de santé et de secours médical d’un SDIS.

Ces différentes mesures ont pour objet de susciter l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires en facilitant l’accès aux formations et les démarches permettant de cumuler un emploi ou des études avec le volontariat.

B.   Protéger et garantir l’engagement DES sapeurs-pompiers professionnels et volontaires dans la durée

1.   Renforcer la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires

Les missions des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels induisent par ailleurs un niveau de fatigue important et présentent des risques élevés.

La fréquence des accidents avec arrêts de travail est importante : la moyenne annuelle est de 13 accidents avec arrêts de travail pour 1 000 sapeurs-pompiers volontaires.

Fréquence et répartition des causes des accidents dont sont victimes les sapeurs-pompiers volontaires

Source : DGSCGC, Statistiques des services d’incendie et de secours, édition 2018.

Les sapeurs-pompiers volontaires bénéficient d’un régime de protection sociale spécifique pour les accidents survenus ou les maladies contractées en service ([8]). Ce régime complète ou remplace leur protection au titre de leurs autres activités.

La loi du 31 décembre 1991 prévoit que la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires dans le cadre de leurs missions est assurée par le SDIS, ou par la collectivité qui l’emploie si le sapeur-pompier volontaire est un agent territorial. Dans ce dernier cas, l’agent a la possibilité de se tourner vers le SDIS pour bénéficier du remboursement de ses frais de santé.

Le SDIS prend également en charge le ticket modérateur. En revanche, il ne procède au remboursement qu’à hauteur des tarifs applicables en matière d’assurance maladie (« le tarif sécurité sociale »). Les dépassements d’honoraires, le forfait social et les différentes franchises ne sont donc pas couverts. L’objet de l’article 5 de la proposition de loi est de les inclure dans la prise en charge par le SDIS. Il s’agit à la fois de reconnaître le niveau élevé de risque auquel les sapeurs-pompiers sont confrontés et de ne pas décourager les nouveaux volontaires ni les volontaires en exercice.

Un nombre croissant d’accidents dont sont victimes les sapeurs-pompiers en intervention est le fait d’agressions. Pour y parer, l’article 10 de la proposition de loi vise à renforcer les sanctions pour les outrages aux sapeurs-pompiers en les alignant sur celles qui punissent les outrages aux personnes dépositaires de l’autorité publique.

En outre, la valorisation de la durée d’engagement est indispensable à la continuité des services d’incendie et de secours. La durée d’engagement est actuellement récompensée par la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR). Réformée en 2017 ([9]), cette prestation ne prend toutefois qu’imparfaitement en compte la fatigue résultant du volontariat, en particulier lorsqu’il est cumulé avec un emploi, puisqu’elle ne permet pas de partir plus tôt à la retraite. L’article 6 de la proposition de loi prévoit donc un autre mécanisme consistant à attribuer une bonification de trimestres aux sapeurs-pompiers volontaires au fur et à mesure de leur engagement. Une telle mesure n’est pas synonyme de professionnalisation : il s’agit d’une bonification fondée sur l’ancienneté telle qu’elle pourrait également être envisagée pour d’autres activités au service de la Nation comme le bénévolat dans certaines associations ou la réserve opérationnelle de l’armée ou de la gendarmerie.

2.   Soutenir les sapeurs-pompiers dans leur engagement

Les exigences en termes de disponibilité et de conciliation du volontariat avec la vie professionnelle et familiale exigent des ajustements.

Pour les sapeurs-pompiers volontaires, il est parfois difficile de trouver un emploi compatible avec leur engagement. L’article 4 de la proposition de loi propose d’élargir l’accès aux emplois réservés de la fonction publique à l’ensemble des sapeurs-pompiers volontaires, à titre non prioritaire, comme c’est le cas pour les militaires.

Enfin, le logement est un enjeu crucial en raison des exigences de disponibilité auxquelles sont soumis les sapeurs-pompiers volontaires et professionnels. Or il est parfois difficile pour certains d’entre eux de trouver un logement à proximité de leur caserne, notamment pour les plus jeunes qui sont encore étudiants et ont quitté le domicile familial. Afin d’y remédier, l’article 7 de la proposition de loi prévoit la possibilité pour les sapeurs-pompiers, y compris professionnels, de prétendre à un logement social sans être soumis aux critères financiers d’éligibilité lorsqu’un parc est situé à moins de trois kilomètres d’une caserne. L’objectif n’est pas de rendre les sapeurs-pompiers prioritaires sur d’autres publics mais d’encourager par la loi la conclusion de conventions entre les organismes d’habitations à loyer modéré et les SDIS comme cela existe dans certains départements.

C.   moderniser les services de secours et d’incendie

Pour faire face à l’accroissement de l’activité des casernes, l’organisation des services d’incendie et de secours doit s’adapter et se moderniser. Dans un contexte où les moyens sont contraints, il apparait nécessaire de tirer profit des opportunités offertes par les nouvelles technologies pour améliorer les conditions de travail en particulier des sapeurs-pompiers professionnels qui y exercent au quotidien.

1.   Améliorer le traitement des appels d’urgence

Face aux difficultés rencontrées par nos concitoyens pour joindre certains numéros d’urgence, beaucoup se tournent désormais systématiquement vers le 18. En effet, le numéro du SAMU, le 15, ne répond en moyenne que cinq fois sur six (et même une fois sur deux à Paris). L’afflux d’appels vers les SDIS est un problème de sécurité publique dès lors que leur mauvaise orientation conduit à un ralentissement pouvant être fatal du traitement des demandes.

Il semble donc impératif de mettre enfin en œuvre, à l’instar de plusieurs pays européens (Danemark, Pays-Bas, Portugal), un numéro unique d’urgence. Cela permettrait un gain en lisibilité pour les citoyens qui, dans l’urgence, n’ont pas toujours le réflexe de joindre le bon numéro, ainsi qu’un gain de temps pour les services de secours. Les appels seraient dirigés vers une plateforme unique qui les répartirait selon le champ d’intervention des différents services de secours. Les prémices de ces plateformes existent déjà puisque certains SDIS ont créé des plateformes communes avec le SAMU.

L’article 11 de la proposition de loi propose de consacrer l’existence d’un seul numéro d’urgence, le 112, afin d’encourager les pouvoirs publics à accélérer la mise en œuvre de la mutualisation du traitement des appels d’urgence.

2.   Mutualiser les systèmes d’information des SDIS

Les SDIS se sont constitués de façon dispersée dans le temps à l’initiative des collectivités. Par exemple, le SDIS de Dordogne a été créé en 1942 et celui du Bas-Rhin en 1997. Il n’existe donc pas d’uniformité d’organisation et de pratiques. L’une des conséquences de cette situation est la diversité des systèmes d’information. La plupart d’entre eux ne sont pas interopérables ce qui freine la coopération entre les SDIS. La progression des moyens de communication et de traitement des données permettrait désormais de tirer bénéfice d’un système unifié.

Cette volonté s’est traduite à partir de la loi de finances pour 2017 ([10]) par la création d’une dotation de soutien aux investissements structurants des services d'incendie et de secours. Son objet est de financer le lancement d’un système d’information unifié, NexSIS : ce moteur de recherche centralisera les informations et assurera la continuité des systèmes d’information d’un département à l’autre, notamment en cas de panne. L’État s’est engagé à prendre en charge 25 % du coût de ces investissements, soit environ 37 millions d’euros.

Deux problèmes persistent. D’une part, certains SDIS peinent à préfinancer le dispositif ou ont récemment investi dans de nouveaux produits qu’ils souhaitent désormais amortir. D’autre part, le Gouvernement n’a pas provisionné les crédits sur lesquels il s’était engagé. L’article 12 de la proposition de loi, qui prévoit le versement immédiat de la participation de l’État lorsqu’un SDIS s’engage dans des investissements structurants, vise à pérenniser la mise en œuvre du projet.

 

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   Commentaire des articles de la proposition de loi

Chapitre Ier
Mesures sociales pour pallier le manque d’effectif

Article 1er
(art. L. 241-13 du code de la sécurité sociale)
Allègement des cotisations à la charge des employeurs
de sapeurs-pompiers volontaires

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article permet aux employeurs de sapeurs-pompiers volontaires de bénéficier d’un allégement de cotisations patronales. Il vise à faciliter l’accès à l’emploi des sapeurs-pompiers volontaires et à inciter les employeurs à soutenir leurs salariés souhaitant s’engager en tant que sapeurs-pompiers volontaires.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté l’article 1er de la proposition de loi.

1.   L’état du droit

a.   Les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires disposent de certains avantages

Les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires bénéficient d’un abattement de 10 % sur la prime d’assurance dommages incendie dès lors qu’ils ont établi une convention de disponibilité signée avec le SDIS. Cette convention peut leur permettre d’obtenir des compensations financières au-delà d’un seuil d’absence préalablement défini ([11]).

Au titre du mécénat, les employeurs du secteur privé peuvent bénéficier, dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires, d’un abattement d’impôt sur le revenu égal à 60 % de la rémunération du sapeur-pompier volontaire si le salaire a été maintenu pendant la mise à disposition du salarié à titre gratuit durant son temps de travail effectif.

Enfin, les employeurs ont la possibilité de comptabiliser, dans leur contribution au financement de la formation professionnelle, la part de la rémunération et des charges sociales correspondant à l’absence pour formation du sapeur-pompier volontaire pendant son temps de travail effectif.

b.   Les exonérations des cotisations de charges patronales peuvent être augmentées pour certains salariés

L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale prévoit les conditions dans lesquelles les cotisations à la charge des employeurs font l’objet d’une réduction. Le III de cet article précise que « le montant de la réduction est calculé chaque année civile, pour chaque salarié et pour chaque contrat de travail […]. Il est égal au produit des revenus d'activité de l'année […] et d'un coefficient […] déterminé par application d’une formule fixée par décret ».

Le IV du même article indique que ce coefficient peut être « corrigé, dans des conditions fixées par décret, d'un facteur déterminé en fonction des stipulations légales ou conventionnelles applicables » pour certaines catégories de salariés :

– les salariés soumis à un régime d'heures d'équivalences payées à un taux majoré en application d'une convention ou d'un accord collectif étendu en vigueur au 1er janvier 2010 ;

– les salariés auxquels l'employeur est tenu de verser une indemnité compensatrice de congé payé en application de l'article L. 1251-19 du code du travail ;

– les salariés des professions dans lesquelles le paiement des congés et des charges sur les indemnités de congés est mutualisé entre les employeurs affiliés aux caisses de congés mentionnées à l'article L. 3141-32 du même code.

2.   Le dispositif proposé

Environ 40 % des sapeurs-pompiers volontaires dont l’activité est connue sont des salariés du secteur privé ([12]). Or, il arrive encore que des salariés ne déclarent pas leur engagement de sapeurs-pompiers auprès de leur employeur. Afin d’inciter les employeurs à recruter des salariés ayant un engagement de sapeur-pompier volontaire et à ne pas dissuader les salariés de devenir sapeur-pompier, l’article 1er de la proposition de loi prévoit que la majoration du coefficient de réduction prévu au III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale puisse s’appliquer aux salariés exerçant une activité de sapeur-pompier volontaire. Le dispositif complète ainsi la liste établie au IV du même article.

Le montant de cette correction serait fixé par décret, en fonction des stipulations légales ou conventionnelles applicables.

Un amendement en ce sens avait été adopté par le Sénat le 13 novembre 2018 lors de l’examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ([13]). Il avait été supprimé ultérieurement par l’Assemblée nationale.

Cette disposition ne relève pas du domaine exclusif des lois de financement de la sécurité sociale puisqu’il s’agit de l’augmentation d’une exonération de cotisations compensée par une dotation budgétaire.

3.   La position de la Commission

La Commission a rejeté l’article 1er de la proposition de loi.

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Article 2
(art. L. 723-11 du code de la sécurité intérieure, art. L. 3142-89 du code du travail)
Fixation d’une durée minimale d’autorisation d’absence

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article octroie une autorisation d’absence minimale de huit jours par an (cinq pour les petites et moyennes entreprises) à tout salarié ayant souscrit un engagement de sapeur-pompier volontaire afin que celui-ci puisse se rendre disponible pour assister à des formations et intervenir dans les situations de crise telles que les événements climatiques.

La situation des sapeurs-pompiers volontaires serait ainsi alignée sur celle des salariés ayant fait le choix de s’engager dans la réserve opérationnelle.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 17 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense a étendu les autorisations d’absence des salariés ayant souscrit à un engagement dans la réserve opérationnelle de cinq à huit jours.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté l’article 2 de la proposition de loi.

1.   L’état du droit

L’article L. 723-12 du code de la sécurité intérieure défini les activités ouvrant droit à autorisation d'absence du sapeur-pompier volontaire pendant son temps de travail. Il s’agit des « missions opérationnelles concernant les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes et leur évacuation, ainsi que la protection des personnes, des biens et de l'environnement, en cas de péril [et] des actions de formation, dans les conditions fixées par l'article L. 723-13 ». Ces autorisations d'absence ne peuvent être refusées au sapeur-pompier volontaire que lorsque les nécessités du fonctionnement de l'entreprise ou du service public s'y opposent. Ce refus doit être motivé, notifié à l'intéressé et transmis au SDIS.

L’article L. 723-11 du code précité prévoit la possibilité pour les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires de conclure une convention de disponibilité avec le SDIS « afin de préciser les modalités de la disponibilité opérationnelle et de la disponibilité pour la formation des sapeurs-pompiers volontaires ». Cette convention « veille notamment à s'assurer de la compatibilité de cette disponibilité avec les nécessités du fonctionnement de l'entreprise ou du service public ». L’employeur peut également, à sa demande, se faire communiquer « la programmation des gardes des sapeurs-pompiers volontaires » ([14]).

Cette convention présente un double intérêt pour l’employeur puisqu’elle précise les activités et conditions ouvrant droit aux autorisations d’absence et détermine un seuil au-delà duquel les nouvelles autorisations donnent lieu à des compensations financières.

La conclusion d’une telle convention n’est toutefois pas obligatoire et le droit en vigueur ne prévoit pas de durée minimale d’autorisation d’absence pour les sapeurs-pompiers volontaires comme cela est prévu pour les militaires de la réserve opérationnelle. La durée de cette autorisation d’absence a été récemment renforcée par la loi de programmation militaire ([15]), renforçant une inégalité injustifiée entre les différentes formes d’engagement. L’article L. 3142-89 du code du travail dispose désormais que « tout salarié ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve opérationnelle bénéficie d'une autorisation d'absence de huit jours par année civile au titre de ses activités dans la réserve ». Ce même article précise que « pour les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés, l'employeur peut décider, afin de conserver le bon fonctionnement de l'entreprise, de limiter ce temps à cinq jours ».

2.   Le dispositif proposé

L’article 2 de la proposition de loi étend aux sapeurs-pompiers volontaires la durée minimale d’autorisation d’absence dont bénéficient les salariés engagés dans la réserve opérationnelle : huit jours, cette durée pouvant être ramenée à cinq jours dans les entreprises de moins de 250 salariés, ce qui semble raisonnable et proportionné.

L’engagement en tant que sapeur-pompier volontaire est donc mentionné dans la même disposition que celle applicable à la réserve opérationnelle, à l’article L. 3142-89 du code du travail.

Ce dispositif doit inciter les employeurs à conclure la convention prévue à l’article L. 723-11 du code de la sécurité intérieure, qui est également modifié dans cette perspective.

3.   La position de la Commission

Votre rapporteur a soumis à la Commission un amendement précisant les types d’activités susceptibles de faire bénéficier aux sapeurs-pompiers volontaires des autorisations d’absence prévues par le présent article. Ces activités n’ont pas vocation à concerner les opérations habituelles pour lesquelles les sapeurs-pompiers volontaires sont inscrits sur un planning et ne partent que s’ils sont appelés : les autorisations d’absence serait réservées aux actions de formation ou aux situations de crise, par exemple lorsque des événements climatiques mobilisent les secours plusieurs jours de suite.

La Commission a toutefois rejeté cet amendement ainsi que l’article 2 dans son ensemble.

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Article 3
(art. L. 6313-3, L. 6323-4, L. 6323-6, L. 6331-1, L. 6331-3 du code du travail)
Formation des sapeurs-pompiers volontaires

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à encourager la formation des sapeurs-pompiers volontaires à l’exercice de leurs missions mais aussi à renforcer leur droit à formation :

– en ajoutant aux objectifs de la formation professionnelle celui de former les personnes engagées en tant que sapeurs-pompiers volontaires ;

– en permettant aux SDIS d’abonder le compte personnel de formation des sapeurs-pompiers volontaires ;

– en rendant éligible au compte personnel de formation les actions permettant aux sapeurs-pompiers d’acquérir les compétences nécessaires à leurs missions.

Le 4° et le 5° de l’article 3 prévoient la possibilité pour les entreprises de reverser aux SDIS une partie de leurs contributions au financement de la formation professionnelle puisque ces derniers pourraient organiser des actions de formation.

       Dernières modifications législatives intervenues

De nombreuses modifications législatives sont intervenues dans le champ de la formation professionnelle. On retiendra notamment :

– la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ;

– l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l'exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention ;

– la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté l’article 3 de la proposition de loi.

1.   L’état du droit

Les sapeurs-pompiers volontaires reçoivent une formation initiale d’une trentaine de jours au cours des trois premières années de l'engagement, dont au moins dix jours la première année. Au-delà des trois premières années, ils ont une obligation de formation de cinq jours par an. Ces jours de formations constituent pour le salarié un motif d’autorisation d’absence au même titre que les missions d’intervention.

Formation initiale des sapeurs-pompiers volontaires

La formation initiale du sapeur-pompier volontaire est constituée de plusieurs modules :

Un module transverse : socle de connaissances communes, notamment en matière de prompt secours

-          UV 1.1 : équipier prompt secours

-          UV 1.2 : moyens radio

-          UV 1.3 : préservation du potentiel physique et psychologique

-          UV 1.4 : organisation et missions du SDIS

Un module secours à personnes : secours en équipe

-          UV 2.1 : équipier au VSAV

Un module secours routier : secours sur réseaux routiers

-          UV 3.1 : équipier secours routier

Un module incendie :

-          UV 4.1 : protection individuelle et collective

-          UV 4.2 : sauvetages et mises en sécurité

-          UV 4.3 : alimentation, établissements, extinction

-          UV 4.4 : moyens élévateurs aériens

Un module opérations diverses : protection des personnes, des biens et de l’environnement

-          UV 5.1 : interventions diverses

-          UV 5.2 : interventions animalières

Les sapeurs-pompiers volontaires bénéficient également de la possibilité de faire procéder à la validation des acquis de l’expérience (VAE) pour obtenir l’équivalence d’un baccalauréat professionnel « sécurité et prévention ».

Malgré les récentes réformes de la formation professionnelle qui ont élargi ses objectifs et ses moyens, il n’existe pas de disposition reliant les SDIS, et plus largement le volontariat, avec le système de la formation professionnelle.

2.   Le dispositif proposé

Le dispositif proposé tend à renforcer le droit à la formation des sapeurs-pompiers volontaires, tant pour l’accomplissement de leurs missions que pour leur vie professionnelle, et donc à accroitre l’attractivité de leur statut.

Le 1° de l’article 3 complète la liste des objectifs attribués à la formation professionnelle, définis par la loi du 5 septembre 2018 ([16]) : retour à l’emploi, mobilité professionnelle, reconversion et réduction des risques de perte d’emploi.

Le 2° ajoute les SDIS à la liste des organismes pouvant abonder le compte personnel de formation (CPF) pour financer une formation dont le coût est supérieur au montant des droits inscrits sur le compte. Un sapeur-pompier volontaire pourrait ainsi s’appuyer sur son SDIS pour financer une formation s’il est en situation de reconversion ou de recherche d’emploi.

Le 3° vise à intégrer les formations aux missions de sapeurs-pompiers parmi les formations éligibles au CPF. Ainsi, un salarié ou un sapeur-pompier volontaire pourrait utiliser les droits dont il dispose sur son CPF pour acquérir les compétences nécessaires. Certaines de ces compétences peuvent par ailleurs être valorisables dans un autre contexte professionnel compte tenu de la diversité des missions exercées par les sapeurs-pompiers volontaires.

Les 4° et 5° visent à autoriser les entreprises à reverser aux SDIS – désormais intégrés dans le système de la formation professionnelle en tant que financeur (2° du présent article) ou en tant que prestataire (3° du présent article) – une part de leur contribution au financement de la formation professionnelle. L’article L. 6331-1 ouvre cette possibilité aux entreprises de moins de onze salariés et l’article L. 6331-1 aux entreprises de onze salariés et plus.

3.   La position de la Commission

La Commission a rejeté l’article 3 de la proposition de loi.

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Article 4
(art. L. 241-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre)
Accès aux emplois réservés

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article permet à l’ensemble des sapeurs-pompiers volontaires d’accéder aux emplois réservés de la fonction publique à titre non prioritaire. Cette mesure faciliterait leur accès à l’emploi au sein de la fonction publique.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté l’article 4 de la proposition de loi.

1.   L’état du droit

Le dispositif des emplois réservés est un mode d’accès dérogatoire à la fonction publique, ouvert à certaines catégories de bénéficiaires. On distingue les publics prioritaires et non-prioritaires :

– ont accès aux emplois réservés à titre prioritaire les personnes désignées à l’article L. 241-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il s’agit des invalides de guerre, des victimes civiles de guerre, des victimes d’un acte de terrorisme ainsi que des « sapeurs-pompiers volontaires victimes d'un accident ou atteints d'une maladie contractée en service ou à l'occasion du service » ;

– ont accès aux emplois réservés à titre non prioritaire les personnes désignées à l’article L. 241-5 du code précité. Il s’agit des militaires et des anciens miliaires « autres que ceux mentionnés à l’article L. 241-2 » ([17]). Contrairement aux personnes désignées à l’article L. 241-2, l’accès des personnes désignées à l’article L. 241-5 s’effectue dans « dans les conditions d'âge et de délai fixées par décret en Conseil d'État » ([18]).

Actuellement, les sapeurs-pompiers volontaires n’ont donc pas accès aux emplois réservés à titre non prioritaire.

2.   Le dispositif proposé

L’article 4 de la proposition de loi modifie l’article L. 241-5 précité afin d’inclure les sapeurs-pompiers volontaires – autres que ceux qui sont mentionnés à l’article L. 241-2 – dans la liste des publics non-prioritaires pouvant prétendre aux emplois réservés. Un décret en Conseil d’État précisera les conditions d’âge et de délai dans lesquelles ils pourront se porter candidats à ces emplois.

Cette disposition faciliterait l’accès des sapeurs-pompiers volontaires à la fonction publique et la conciliation du volontariat avec leur vie professionnelle.

3.   La position de la Commission

Votre rapporteur a soumis à la Commission un amendement prévoyant que la durée d’engagement du sapeur-pompier volontaire devait être supérieure à cinq ans pour qu’il puisse candidater à un emploi réservé dans le cadre prévu par l’article L. 241-5 précité, afin d’éviter d’éventuels abus.

La Commission a toutefois rejeté cet amendement ainsi que l’article 4 dans son ensemble.

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Article 5
(art. 2 de la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service)
Extension de la couverture sociale des sapeurs-pompiers volontaires

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article accroit la prise en charge des frais engendrés par un accident survenu ou une maladie contractée en service par un sapeur-pompier volontaire. L’intégralité de la participation de l’assuré, et non plus seulement le ticket modérateur, serait pris en charge par le SDIS.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté l’article 5 de la proposition de loi.

1.   L’état du droit

L’article 2 de la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 ([19]) prévoit déjà que le SDIS prend en charge le ticket modérateur ainsi que le forfait journalier. De plus, les praticiens et les pharmaciens ne peuvent demander le versement d'aucun honoraire ou frais au sapeur-pompier qui présente une feuille d'accident.

Restent néanmoins à la charge des sapeurs-pompiers volontaires :

– la franchise médicale qui s’applique aux médicaments ;

– la participation forfaitaire d’un euro ;

– le forfait à 18 euros pour les actes dépassant un certain tarif ;

– les dépassements autorisés des tarifs.

2.   Le dispositif proposé

La couverture maladie dont bénéficient les sapeurs-pompiers volontaires est donc importante mais incomplète. Or les sapeurs-pompiers volontaires sont exposés à un risque élevé de recours aux soins.

Le présent article prévoit la prise en charge de l’intégralité du reste à charge par le SDIS dans lequel le sapeur-pompier volontaire exerce habituellement ses missions. Le dispositif permet une meilleure prise en compte de la dangerosité des missions qui leur sont confiées et constituerait une garantie supplémentaire pour tout citoyen qui hésiterait à s’engager.

3.   La position de la Commission

Votre rapporteur a soumis à la Commission un amendement tendant à unifier le régime de protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires victimes d'un accident ou ayant contracté une maladie en service.

L’article 19 de la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 précitée prévoit actuellement que « les sapeurs-pompiers volontaires qui sont fonctionnaires, titulaires ou stagiaires, ou militaires bénéficient, en cas d'accident survenu ou de maladie contractée dans leur service de sapeur-pompier, du régime d'indemnisation fixé par les dispositions statutaires qui les régissent ». Ce même article dispose que les sapeurs-pompiers volontaires peuvent, s’ils le souhaitent, bénéficier du régime d’indemnisation prévu par la loi pour l’ensemble des sapeurs-pompiers volontaires.

Cette situation conduit les SDIS à s’assurer pour leurs sapeurs-pompiers volontaires qui sont couverts, par ailleurs, par la collectivité publique qui les emploie. Cette double protection des sapeurs-pompiers volontaires travaillant au sein de la fonction publique est aussi inefficace que coûteuse. L’amendement proposait donc l’abrogation de l’article 19 de la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 précitée.

La Commission a toutefois rejeté cet amendement ainsi que l’article 5 dans son ensemble.

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Article 6
(art. 12 de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat
dans les corps de sapeurs-pompiers)
Bonification de trimestres de retraite

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article octroie aux sapeurs-pompiers volontaires ayant effectué plus de quinze ans de service une bonification de trimestres de retraites. Il s’agit de prendre en compte la fatigue engendrée par les missions des sapeurs-pompiers volontaires exercées en parallèle avec leur activité professionnelle dans le calcul de l’âge de départ à la retraite.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les articles 1 à 4 de la loi du 27 décembre 2016 relative aux sapeurs-pompiers professionnels et aux sapeurs-pompiers volontaires ont engagé une réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires. Elle s’est matérialisée dans un décret du 9 mai 2017 ([20]).

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté l’article 6 de la proposition de loi.

1.   L’état du droit

Depuis 2005 ([21]), les sapeurs-pompiers volontaires bénéficient d’une « prestation de fidélisation et de reconnaissance » (PFR). Ce régime permet de garantir à chaque sapeur-pompier volontaire ayant accompli au moins 20 ans de services effectifs une rente annuelle complémentaire versée après sa fin d’activité, à partir de 55 ans. Son montant augmente selon l’ancienneté du sapeur-pompier volontaire. Elle est versée par le SDIS, une fois par an.

Un décret du 9 mai 2017 a mis en place la « nouvelle PFR » qui intervient en application de la loi du 27 décembre 2016 précitée. Cette réforme instaure une majoration progressive au-delà de 35 ans de service, une meilleure réversion en cas de décès et une revalorisation plus régulière.

tableau des Montants annuels de la prestation de fidÉlisation et de reconnaissance selon la durÉe d’engagement

Durée d’engagement

20 à 24 ans

25 à 29 ans

30 à 34 ans

35 ans et plus

Montants 2016

469,13 €

938,25 €

1.407,38 €

1.876,50 €

Montants 2017

472,04 €

944,07 €

1.416,11 €

1.888,13 €

Montants 2018

476,76 €

953,51 €

1.430,27 €

1.907,01 €

2.   Le dispositif proposé

La prestation de fidélisation et de reconnaissance constitue un apport financier élevé et votre rapporteur insiste sur l’importance de conserver cet acquis. Cependant, elle n’intervient pas sur la durée de cotisation. Or, les sapeurs-pompiers volontaires, compte tenu de la fatigue générée par leur engagement, mériteraient de pouvoir partir plus tôt à la retraite.

Le présent article prévoit donc, au-delà d’une certaine durée d’engagement, que les sapeurs-pompiers volontaires bénéficient d’une bonification de trimestres de retraite qui réduirait d’autant leur durée de cotisation au titre de l’activité professionnelle qu’ils exercent en parallèle.

Cette mesure récompenserait l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et valoriserait la fidélité et la durabilité de leur engagement.

3.   La position de la Commission

Votre rapporteur a soumis à la Commission un amendement précisant le dispositif prévu par le présent article en fixant le nombre de trimestres attribués aux sapeurs-pompiers volontaires.

La bonification serait déclenchée à partir de quinze ans d’engagement. En atteignant ce seuil, le sapeur-pompier volontaire obtiendrait trois trimestres de bonification. Pour chaque période supplémentaire de réengagement de cinq ans, il bénéficierait de deux trimestres supplémentaires. Après trente ans de volontariat, un sapeur-pompier pourrait ainsi partir trois ans plus tôt à la retraite.

La Commission a toutefois rejeté cet amendement, ainsi que l’article 6 dans son ensemble.

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Chapitre II
Mesures structurelles pour faciliter l’exécution des missions

Article 7
(art. L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation)
Accès aux logements sociaux

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à faciliter l’accès des sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires, à un logement social situé à proximité du centre de secours au sein duquel ils exercent leurs missions. Les critères financiers d’attribution ne seraient pas pris en compte dès lors que le logement est situé à moins de trois kilomètres d’un centre de secours. À cette fin, l’article prévoit que les SDIS puissent signer des conventions avec les bailleurs sociaux.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ([22]), dite ELAN, a réformé le secteur du logement social. Son article 114 a notamment complété la liste des publics prioritaires dans l’accès aux logements sociaux.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté l’article 7 de la proposition de loi.

1.   L’état du droit

Les logements sociaux sont attribués par les organismes d’habitations à loyer modéré (OHLM) dans des conditions fixées par décret. Une commission d’attribution composée de représentants du bailleur, dont un représentant de ses locataires, d’un représentant de la mairie où se trouve le logement et d’un représentant de l’Etat se réunit à intervalles réguliers et examine les dossiers des candidats répondant aux critères pour chaque logement disponible.

L’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation fixe les critères d’attribution et les publics prioritaires.

Les critères d’attribution prévoient la prise en compte :

– du patrimoine, de la composition, du niveau de ressources et des conditions de logement actuelles du ménage ;

– de l'éloignement des lieux de travail et de la mobilité géographique liée à l'emploi ;

– de la proximité des équipements répondant aux besoins des demandeurs ;

– du montant de l'aide personnalisée au logement ou des allocations de logement à caractère social ou familial ;

– de l'activité professionnelle des membres du ménage lorsqu'il s'agit d'assistants maternels ou d'assistants familiaux agréés.

Les publics prioritaires sont regroupés en treize catégories rassemblant les personnes rencontrant des difficultés à se loger (personnes sans logement, menacées d’expulsion ou exposées à des situations d’habitat indigne), les personnes victimes de violences conjugales ou de traite humaine et les personnes en situation de handicap qui nécessitent un logement adapté.

Le croisement de ces critères ne permet pas à la plupart des sapeurs-pompiers volontaires de prétendre à un logement social. Or, dans certaines zones, le coût des logements environnant un centre de secours est élevé ce qui contraint le sapeur-pompier à vivre loin de celui-ci. Il est alors obligé d’effectuer des trajets supplémentaires aux dépens de sa disponibilité et de sa vie professionnelle et personnelle.

2.   Le dispositif proposé

L’article 7 de la proposition de loi prévoit la prise en compte du statut de sapeur-pompier dans l’attribution du logement. Une telle dérogation est prévue pour les assistants maternels ou les assistants familiaux âgés.

Ainsi, lorsqu’un parc de logements est situé à moins de trois kilomètres d’un centre de secours, il ne serait pas tenu compte de critères financiers pour les sapeurs-pompiers volontaires qui feraient une demande. Ni le patrimoine, ni le niveau de ressources, ni les conditions de logement présentes de la personne et de son ménage ne seraient alors examinés.

Afin de faciliter la mise en place de ce régime de priorité, le présent article prévoit la possibilité pour les SDIS de signer des conventions avec les bailleurs sociaux qui pourraient consister à fixer le nombre de logements ainsi attribués.

De telles conventions ont déjà été signées. Par exemple, l'Union sociale pour l'habitat a co-signé, le 22 juillet 2015, une convention pour faciliter l'accès des sapeurs-pompiers volontaires à des logements sociaux situés près de leur centre de secours d'affectation et d’autres organismes ont élevé cet objectif au rang de bonne pratique. Il s’agirait par cette disposition d’inscrire cette pratique dans la loi afin d’inciter davantage d’OHLM à y recourir.

3.   La position de la Commission

La Commission a rejeté l’article 7 de la proposition de loi.

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Article 8
(art. L. 1424-9 du code général des collectivités territoriales)
Dérogation à la correspondance grade-emploi

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise les SDIS à déroger aux règles de concordance entre le grade et l’emploi déterminées par la réforme de la filière des sapeurs-pompiers professionnels, engagée en 2012 et qui entrera pleinement en vigueur en 2019. Cette dérogation serait conditionnée à un niveau de formation suffisant et à l’insuffisance réelle, au niveau du service départemental, de sapeurs-pompiers aux grades requis.

Ce dispositif permettrait de pourvoir l’ensemble des emplois, y compris lorsqu’ils sont réservé à des grades dont les effectifs sont insuffisants.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté l’article 8 de la proposition de loi.

1.   L’état du droit

Les modalités d’avancement et de formation des sapeurs-pompiers font l’objet de dispositions spécifiques au sein de la fonction publique. Les sapeurs-pompiers professionnels sont des agents de la fonction publique territoriale. À ce titre, ils sont soumis aux mêmes dispositions législatives en matière de recrutement, d’avancement et de formation ([23]) que le reste de la fonction publique territoriale. La loi permet toutefois, par décret en Conseil d’Etat, de « déroger aux dispositions […] qui ne répondraient pas au caractère spécifique des corps de sapeurs-pompiers et des missions qui sont dévolues à ces derniers » ([24]).

En 2012, une série de décrets est venue réformer la filière des sapeurs-pompiers professionnels. Ils définissent, pour chaque grade, les fonctions pouvant lui être associées ([25]). Une période transitoire de sept ans, prenant fin au 31 décembre 2019, a été prévue pour permettre aux sapeurs-pompiers professionnels exerçant des fonctions correspondant à des grades supérieurs au leur d’accéder à ce grade ([26]).

Plusieurs directeurs de SDIS ont fait part, néanmoins, à votre rapporteur de difficultés induites par cette réorganisation. Il leur est notamment impossible de pourvoir certains emplois car ils sont réservés à des sapeurs-pompiers professionnels officiers dont les effectifs sont insuffisants. Certaines personnes auditionnées jugent « irréaliste » de confier chaque poste de chef de salle à des lieutenants au 1er janvier 2020.

2.   Le dispositif proposé

Face aux problèmes d’effectifs rencontrés, le ministre de l’Intérieur, en réponse à une question écrite en date du 7 juin 2016, indiquait qu’une séance de travail avec les organisations syndicales s’était tenue sur ce point le 7 avril 2016. Elle a abouti au lancement d’une « enquête au niveau national et de travaux pour expertiser le statut des personnels susceptibles de servir dans les salles opérationnelles » ([27]). Néanmoins le référentiel ne semble toujours pas répondre à cette préoccupation, malgré l’actualisation en février 2017 ([28]) des modalités de classement lors des nominations et de déroulement de carrière.

Tableau de concordance des emplois et des grades ([29])

Grade

Emploi/fonction

Sapeur de 2e/1e classe

Équipier

Opérateur de salle opérationnelle

Caporal / caporal-chef

Équipier

Chef d'équipe

Opérateur de salle opérationnelle

Chef opérateur de salle opérationnelle

Sergent

Chef d'agrès une équipe

Adjoint au chef de salle opérationnelle

Adjudant

Chef d'agrès tout engin

Adjoint au chef de salle opérationnelle

Sous-officier de garde (effectif de sapeurs-pompiers postés inférieur à 10)

Lieutenant

Officier de garde (effectif de sapeurs-pompiers postés supérieur ou égal à 10)

Chef de bureau en centre d'incendie et de secours

Chef de groupe

Chef de salle opérationnelle

Officier expert

Adjoint au chef de centre d'incendie et de secours

Adjoint au chef de service

Chef de centre d'incendie et de secours (effectif de sapeurs-pompiers professionnels supérieur à 9)

Adjoint au chef de groupement

Chef de service (effectif d'agents inférieur ou égal à 5)

Capitaine

Officier de garde

Chef de bureau en centre d'incendie et de secours

Chef de colonne

Officier expert

Adjoint au chef de service

Adjoint au chef de centre d'incendie et de secours

Chef de centre d'incendie et de secours (effectif de SPP supérieur à 30)

Adjoint au chef de groupement

Chef de service (effectif d'agents supérieur à 15)

Chef de groupement

Lieutenant-colonel

Chef de site

Chef de centre d'incendie et de secours (effectif de sapeurs-pompiers professionnels supérieur à 100)

Chef de groupement

Chef de service (effectif d'agents supérieur à 50)

Commandant

Chef de colonne

Chef de site

Adjoint au chef de centre d'incendie et de secours

Chef de centre d'incendie et de secours (effectif supérieur à 50)

Adjoint au chef de groupement

Chef de groupement

Adjoint au chef de service

Chef de service (effectif d'agents supérieur à 30)

Colonel

Chef de site

Chef de groupement

Directeur départemental adjoint

Directeur départemental

Le présent article prévoit d’autoriser, sous certaines conditions, la nomination de sapeurs-pompiers professionnels à des emplois ne correspondant pas à leur grade. Deux conditions cumulatives sont requises :

– les effectifs de sapeurs-pompiers professionnels à un certain grade sont insuffisants pour occuper l’ensemble des emplois qui relèvent de ce grade ;

– le sapeur-pompier professionnel nommé à cet emploi dispose de la formation adéquate pour en assumer les responsabilités.

Le présent article modifie en ce sens l’article L. 1424-9 du code général des collectivités territoriales, relatif à la gestion des personnels des SDIS.

3.   La position de la Commission

Votre rapporteur a été attentif au point de vue des professionnels qui estiment que la réforme de la filière engagée en 2012 est une avancée. Les SDIS disposait d’une période transitoire s’achevant en 2020 pour aligner les grades de leurs sapeurs-pompiers avec la fonction qu’ils occupent.

Permettre la dérogation à la correspondance entre le grade et l’emploi pour les sapeurs-pompiers non-officiers serait un mauvais signal, en particulier vis-à-vis des SDIS qui ont « joué le jeu » de la réforme. En revanche, il existe des SDIS dans lesquels les effectifs de sapeurs-pompiers officiers sont effectivement trop réduits pour pourvoir tous les emplois. L’amendement soumis à la Commission proposait donc de restreindre l’autorisation de dérogation aux seuls sapeurs-pompiers officiers.

La Commission a toutefois rejeté cet amendement ainsi que l’article 8 dans son ensemble.

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Article 9
(art. L. 6153-1-1 [nouveau])
Stage d’étudiants en médecine au sein des SDIS

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article ouvre aux étudiants en deuxième cycle des études médicales la possibilité d’effectuer un stage de six mois au sein d’un SDIS, notamment dans les services de santé et de secours médical.

Ce dispositif doit permettre aux étudiants de s’engager en tant que sapeurs-pompiers volontaires et de bénéficier des avantages qui se rattachent à ce statut. Il vise également, en tissant des liens plus étroits entre le monde médical et celui de la sécurité civile, à créer des vocations et à renforcer les effectifs et la capacité d’intervention des SDIS.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté l’article 9 de la proposition de loi.

1.   L’état du droit

Les dispositions relatives aux stages que doivent effectuer les futurs médecins au cours de leur scolarité sont prévues par les articles R. 6153-47 et suivants du code de la santé publique.

Au cours du deuxième cycle de leurs études, les étudiants en médecine doivent accomplir au moins un stage ambulatoire qui se déroule chez un ou plusieurs praticiens agréés maîtres de stage des universités. Les étudiants hospitaliers accomplissent également un stage obligatoire entre la validation du deuxième cycle des études médicales et leur nomination en qualité d'interne.

Certains stages sont d’ores-et-déjà encadrés au niveau législatif. Par exemple, l’article L. 4131-7 du code de la santé publique prévoit que « les étudiants de troisième cycle de médecine générale peuvent être autorisés à effectuer une partie de leurs stages pratiques auprès de praticiens généralistes agréés, dans des conditions fixées par décret ».

Actuellement, les médecins, dès le deuxième cycle des études médicales, peuvent s’engager dans les services de santé et de secours médical en tant que médecin sapeur-pompier volontaire mais cet engagement n’est pas reconnu comme un stage.

2.   Le dispositif proposé

L’article 9 de la proposition de loi vise à permettre aux étudiants en médecine d’effectuer des stages au sein des SDIS, en particulier dans les services de santé et de secours médical. Ces stages présenteraient un triple bénéfice : mettre en situation les étudiants en médecine, leur permettre d’associer leurs études avec un engagement citoyen et fournir aux SDIS des recrues disposant de compétences utiles au cours des interventions. Les stagiaires bénéficieraient du statut de sapeur-pompier volontaire et donc des indemnités et avantages qui s’y rattachent. Cette expérience serait susceptible d’encourager ces futurs médecins à s’engager durablement.

3.   La position de la Commission

Votre rapporteur a soumis à la Commission deux amendements élargissant le champ des étudiants pouvant prétendre à ces stages et entourant leur durée de davantage de souplesse.

Le premier amendement prévoyait de permettre à l’ensemble des étudiants en santé, définis à l’article L. 6153-1 du code de la santé publique, d’effectuer un de leurs stages obligatoires au sein d’un SDIS. Les étudiants en odontologie, maïeutique et pharmacie pourraient en effet apporter un soutien utile aux services de santé et de secours médical.

Le second amendement proposait de retirer la référence à une période de stage de six mois car les études de médecine ne prévoient pas de stage d’une telle durée.

La Commission a toutefois rejeté ces amendements ainsi que l’article 9 dans son ensemble.

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Article 10
(art. 433-5 du code pénal)
Sanction des outrages adressés aux sapeurs-pompiers

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article renforce les sanctions applicables en cas d’outrage à un membre des services de secours et d’incendie. Il les aligne sur celles prévues pour les outrages aux personnes dépositaires de l’autorité publique, soit un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amendes.

       Dernières modifications législatives intervenues

Afin de renforcer la protection des sapeurs-pompiers lors de leurs interventions, la loi n° 2018-697 du 3 août 2018 relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique permet, à titre expérimental, aux sapeurs-pompiers de procéder à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident de nature à mettre en péril leur intégrité physique.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté l’article 10 de la proposition de loi.

1.   L’état du droit

L’outrage se définit comme « les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l'envoi d'objets adressés à une personne chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie » ([30]).

Le délit d’outrage est proche de celui de l’injure privée mais il est sanctionné plus sévèrement en raison de la fonction de la personne à laquelle il est adressé. À titre de comparaison, les injures non publiques à caractère raciste ou discriminatoire sont des contraventions de la 5ème classe et non des délits ([31]). L’outrage se caractérise par son caractère non public. Sinon, c’est le régime des injures publiques et de la diffamation, encadré par la loi du 28 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui s’applique.

Actuellement, les sapeurs-pompiers bénéficient de la protection couvrant l’ensemble des personnes chargée d'une mission de service public. L’auteur d’un outrage à leur encontre encourt une peine de 7 500 euros d’amende.

La sanction encourue par l’auteur d’un outrage est renforcée dans certaines situations :

– lorsque l’outrage est adressé à une personne dépositaire de l’autorité publique (un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende) ;

– lorsque l’outrage est commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif ou à ses abords, à l'occasion des entrées ou sorties des élèves (six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende) ;

– lorsque l’outrage est commis en réunion (six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende et jusqu’à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende si l’outrage est adressé à une personne dépositaire de l’autorité publique).

2.   Le dispositif proposé

L’article 10 de la proposition de loi aligne les sanctions pour outrage à un sapeur-pompier sur celles applicables lorsque l’outrage est adressé à une personne dépositaire de l'autorité publique. La sanction encourue passerait de 7 500 euros d’amende à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Elle pourrait aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende si l’outrage est commis en réunion.

Cette mesure répond en priorité à un objectif de protection des sapeurs-pompiers dans le cadre de leurs interventions. En effet, s’ils ne sont pas dépositaires de l’autorité publique comme les forces de l’ordre, leurs interventions sont parfois simultanées (en cas d’accident ou d’agression par exemple) et leurs agresseurs confondent parfois leurs missions de secours avec des missions de police.

Le soutien des pouvoirs publics aux sapeurs-pompiers et le droit des personnes d’être secourues sur l’intégralité du territoire seraient ainsi réaffirmés. Selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, le nombre de sapeurs-pompiers victimes d’agression est en nette augmentation : 2 800 agressions en 2018 contre 1 939 en 2015 (+ 44 %) et 1 613 journées d’arrêt de travail en 2018 contre 1 186 en 2015 (+ 36 %).

3.   La position de la Commission

Votre rapporteur a soumis à la Commission un amendement visant à intégrer dans le texte la proposition de loi de M. Patrick Kanner relative au renforcement de la sécurité des sapeurs-pompiers, telle qu’elle a été adoptée par le Sénat en première lecture le 6 mars dernier.

L'objectif initial de cette proposition de loi était de permettre aux sapeurs-pompiers de pouvoir porter plainte anonymement, afin d’éviter que des menaces ne pèsent sur eux. Le Sénat a estimé qu’un tel dispositif posait des difficultés au regard des droits de la défense tels qu’ils sont garantis par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’Homme.

En revanche, le Sénat a adopté la possibilité pour les témoins d'une infraction commise sur un sapeur-pompier de garder l'anonymat lors de leur audition et dans le dossier de procédure. Votre rapporteur estime qu’il s’agit d’ores et déjà d’une avancée notable et que l’intégrer à ce véhicule législatif permettrait un gain de temps considérable.

La Commission a toutefois rejeté cet amendement ainsi que l’article 10 dans son ensemble.

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Article 11
(art. L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques)
Utilisation du 112 comme numéro unique d’urgence

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à rendre accessible l’ensemble des services d’urgence via un numéro unique, le 112, numéro commun à l’ensemble des États-membres de l’Union européenne.

       Dernières modifications intervenues

Un décret du 8 octobre 2018 ([32]) a créé l’Agence du numérique de la sécurité civile, chargée d’assurer la conception, le déploiement, la maintenance et le fonctionnement des systèmes d’information et applications nécessaires notamment au traitement des alertes issues des numéros d’appels d’urgence 18 et 112, aux communications entre la population et les services de secours d’urgence, ainsi qu’à la gestion opérationnelle assurée par les services d’incendie et de secours et la sécurité civile.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté l’article 11 de la proposition de loi.

1.   L’état du droit

Le droit en vigueur place le 18 et le 112 au même niveau, par exemple lorsqu’il définit les compétences de l’Agence du numérique de la sécurité civile ([33]). En effet ces deux numéros sont aujourd’hui utilisables pour joindre gratuitement les sapeurs-pompiers. L’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques impose aux opérateurs l’acheminement gratuit des appels d’urgence.

Depuis 1991, le 112 est le numéro unique d’urgence, accessible gratuitement, partout dans l’Union européenne et dans d’autres pays du monde (Inde, Russie, Afrique du Sud, Turquie, Egypte…). Depuis un téléphone mobile, le 112 est prioritaire sur tous les autres appels et il est acheminé par le premier réseau disponible dans la zone. L’accès au 112 nécessite la présence d’une carte SIM dans le téléphone portable, celle-ci permettant de repérer l’origine de l’appel. Le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède et la Roumanie ont même choisi le 112 comme principal numéro d’urgence national. En France, malgré les demandes répétées de services de secours, le 112 ne s’est pas encore substitué aux numéros nationaux.

Il existe donc en France des dizaines de numéros d’appel d’urgence, parmi lesquels le 15 pour le SAMU, le 17 pour police secours, le 18 pour les sapeurs-pompiers, le 114 pour les personnes sourdes et malentendantes, le 115 pour le SAMU social, le 119 pour l’enfance maltraitée, le 191 pour les urgences aéronautiques, le 196 pour les urgences maritimes, etc. Le 112 redirige les appels vers l’ensemble de ces numéros mais ne permet pas de les traiter directement.

Cette situation n’est pas sans conséquence sur l’efficacité des interventions des services de secours et en premier lieu des sapeurs-pompiers. En 2018 ([34]), 18,9 millions d’appels ont été reçus par les sapeurs-pompiers, dont seulement 32% via le numéro unique d’urgence, le 112 (contre 68% via le 18). Or, de nombreux appels vers le 18 ne relèvent pas des compétences des sapeurs-pompiers. À l’échelle des 2 minutes et 21 secondes consacrées en moyenne au traitement de l’alerte (décroché, écoute, analyse, décision, ordre), une mauvaise orientation peut avoir de lourdes conséquences.

L’afflux d’appels vers le 18 résulte notamment de la difficulté croissante du SAMU à répondre à l’ensemble des sollicitations. En moyenne, le SAMU ne répond plus à un appel sur six (un appel sur deux à Paris). Les personnes s’orientent donc vers les SDIS pour obtenir une réponse. Pour cette raison, certains SDIS ont développé des centres d’appel commun avec le SAMU afin de mieux répartir les appels. Cette mutualisation, source de synergie et de coopération entre les services de secours, pourrait être accélérée.

2.   Le dispositif proposé

L’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques concerne les règles auxquelles sont soumis les opérateurs téléphoniques dont celle d’acheminer gratuitement les appels d’urgence. La modification qui y est apportée rappelle l’objectif de n’avoir qu’un numéro d’appel d’urgence, le 112.

À terme, il semble indispensable que l’ensemble des numéros d’urgence ou, a minima, le 18 et le 15 convergent vers une plateforme unique, le 112, avant une redistribution la plus pertinente possible. Votre rapporteur se prononce, en outre, en faveur de la mise en place de plateformes de réception départementales du 112.

Cette simplification, demandée par les sapeurs-pompiers depuis plusieurs années, présenterait un double avantage : accélérer l’intervention des services de secours et rationaliser les coûts liés à la prise en charge des appels d’urgence. Il conviendra également de mettre en œuvre les campagnes d’information nécessaires pour encourager les citoyens à utiliser ce numéro.

3.   La position de la Commission

Votre rapporteur a soumis à la Commission deux amendements définissant le champ du décret d’application prévu par le présent article et prévoyant son entrée en vigueur différée.

Le premier amendement visait à s’assurer que le traitement unifié des appels d’urgence serait maintenu au niveau de plateformes départementales, comme cela est le cas aujourd’hui dans certains départements.

Le second amendement prévoyait que l’entrée en vigueur du présent article serait différée au 1er janvier 2020 afin de laisser au Gouvernement un délai suffisant pour mettre en œuvre le numéro unique d’urgence.

La Commission a toutefois rejeté ces amendements ainsi que l’article 11 dans son ensemble.

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Article 12
(art. L. 1424-36-2 du code général des collectivités territoriales)
Dotation en faveur du projet NexSIS

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

NexSIS est un système de mutualisation des données en temps réel entre les SDIS. Il doit permettre de résoudre les difficultés résultant de l’hétérogénéité des logiciels utilisés et rendre possibles des économies d’échelles.

L’article 12 de la proposition de loi vise à faciliter sa mise en œuvre en préfinançant, dès la conception du projet, les SDIS qui s’engagent à le mettre en œuvre. Plusieurs SDIS estiment en effet qu’ils n’ont pas les moyens de procéder à ce préfinancement et sont inquiets quant à la participation promise par l’État qui n’a toujours pas été abondée.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 17 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 a prévu la création d’une dotation spécifique de soutien aux investissements structurants des services d'incendie et de secours, notamment pour participer au financement du système NexSIS.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté l’article 12 de la proposition de loi.

1.   L’état du droit

a.   NexSIS est un projet nécessaire encore en cours d’élaboration

La loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 prévoyait le lancement d’un système d’information unifié afin que les centres de traitement des appels et les centres opérationnels des SDIS soient équipés de logiciels interopérables. Le moteur de recherche NexSIS centralisera les informations et assurera la continuité des services d’un département à l’autre, y compris en cas d’incident.

L’article D. 732-11-21, créé par décret du 9 janvier 2019 ([35]), prévoit que ce système d’information est destiné à mettre en œuvre « les systèmes et applications nécessaires : 1° au traitement des alertes reçues au travers des numéros d'appel d'urgence 18 et 112 ; 2° Aux communications entre la population et les services de secours d'urgence ; 3° À la gestion opérationnelle et à la gestion de crise assurées par les services d'incendie et de secours et ceux de la sécurité civile ; 4° À l'interopérabilité avec les systèmes d'information des organismes publics et privés concourant à la sécurité civile, notamment ceux des services de sécurité publique et de santé. »

La conception, la réalisation et le déploiement de ce dispositif ont été confiés à une agence du numérique de la sécurité civile par un décret du 8 octobre 2018 ([36]). La mise en œuvre de ce système devrait se poursuivre jusqu’en 2027 car certains SDIS ont besoin d’amortir des investissements préalablement engagés.

b.   Le caractère pérenne du dispositif est menacé par le niveau et les modalités de son financement

Le coût de ce projet sur la période 2017-2027 est évalué à 180 millions d'euros. La participation de l’État devait s’élever à 36,6 millions d'euros, assurée en début de programme à hauteur de 5 à 7 millions d'euros par an au moyen de la dotation de soutien aux investissements structurants des services d'incendie et de secours ([37]). L’article 17 de la loi n° 2016-1867 du 27 décembre 2016 relative aux sapeurs-pompiers professionnels et aux sapeurs-pompiers volontaires prévoit ainsi une dotation spécifique de « soutien aux investissements structurants des services d'incendie et de secours » ([38]).

Cette participation reste toutefois insuffisante pour garantir le déploiement intégral du projet NexSIS, pourtant prévu pour 2021. Pour le moment, la mise en œuvre du projet repose sur une participation volontaire des SDIS au titre d’un préfinancement. Or certains SDIS s’interrogent sur leur capacité à assumer ce préfinancement en attendant un remboursement ultérieur par déduction des contributions au système d’information commun une fois celui-ci mis en œuvre.

Plus inquiétant encore, les moyens annoncés par l’État ne sont toujours pas garantis. Dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2018, la sénatrice Catherine Troendlé soulignait « la baisse brutale des crédits destinés à abonder cette dotation dans le projet de loi de finances pour 2018, de l'ordre de 60 %, puisque son montant passerait de 25 millions d'euros à seulement 10 millions d'euros en autorisations d'engagement. Cette baisse est d'autant plus dommageable que les crédits affectés à cette dotation ne représentaient pas une aide nouvelle de l'État, mais bien un redéploiement de crédits déjà affectés aux missions de sécurité civile » ([39]). Le constat est le même dans le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2019 : « Les économies réalisées par l'État lors de la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance versée aux sapeurs-pompiers volontaires et qu'il avait été décidé de sanctuariser pour financer des investissements des services départementaux d’incendie et de secours seront détournées cette année encore. Comme en 2018, la dotation de soutien aux investissements structurants des services d'incendie et de secours ne s'élèvera qu'à 10 millions d'euros, soit 17 millions d'euros de moins que l'économie qui devrait être réalisée par l'État en 2019 du fait de la réforme » ([40]).

2.   Le dispositif proposé

En modifiant l’article L. 1424-36-2 du code général des collectivités territoriales, le présent article garantit le financement du système NexSIS dès sa conception pour éviter aux SDIS volontaires de devoir préfinancer sa mise en œuvre et inciter l’État à abonder la dotation de soutien aux investissements structurants des services d'incendie et de secours comme il s’y était initialement engagé.

3.   La position de la Commission

La Commission a rejeté l’article 12 de la proposition de loi.

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Article 13
(art. L. 723-4 du code de la sécurité intérieure)
Statut des sapeurs-pompiers volontaires au regard du droit européen

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réaffirme le caractère non professionnel de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Malgré les garanties attachées à leur statut, ces derniers ne peuvent être considérés comme des travailleurs.

Ce rappel est un signal pour protéger la spécificité de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires, notamment au regard du droit européen.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté l’article 13 de la proposition de loi.

1.   L’état du droit

Les représentants des sapeurs-pompiers ont fait part à votre rapporteur de leurs vives inquiétudes quant à l’avenir du statut des sapeurs-pompiers volontaires. Ils craignent, en effet, que ces derniers entrent dans le champ de la directive européenne sur le temps de travail ([41]).

Cette directive prévoit des exceptions pouvant concerner les sapeurs-pompiers volontaires puisqu’il peut y être dérogé :

– pour les personnes « ayant un pouvoir de décision autonome » ;

– « pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d’assurer la protection des biens et des personnes » ;

– pour « des circonstances qui sont étrangères [aux employeurs], anormales et imprévisibles, ou des événements exceptionnels, dont les conséquences n'auraient pu être évitées malgré toute la diligence déployée » ([42]).

Néanmoins, aucune de ces exceptions ne garantit que les sapeurs-pompiers volontaires soient exclus de la catégorie des « travailleurs » au sens de cette directive. En effet, la notion de « travailleurs » a une portée autonome en droit de l’Union européenne et les définitions nationales ne sont pas prises en compte par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La notion de travailleur est entendue largement par la Cour et recouvre toute personne qui effectue un travail effectif sous la direction d’une autre personne et pour lequel elle perçoit une rémunération ([43]). Cette définition exclut donc toutes les considérations liées à la nature des missions. La seule exception admise par la Cour concerne les activités de réinsertion qui bénéficient d’un régime dérogatoire ([44]). La définition du travailleur peut également évoluer d’une directive à une autre, c’est pourquoi il est difficile d’anticiper la position qu’adopterait la CJUE sur le statut des sapeurs-pompiers volontaires si elle devait se prononcer comme elle a dû le faire dans le cas de la Belgique ([45]).

En 2018, dans sa décision Ville de Nivelles contre Rudy Matzak, la CJUE s’est interrogée sur l’applicabilité de la directive sur le temps de travail aux sapeurs-pompiers volontaires. Elle a estimé que la directive « doit être interprétée en ce sens que les États membres ne peuvent pas déroger, à l’égard de certaines catégories de sapeurs-pompiers recrutés par les services publics d’incendie, à l’ensemble des obligations découlant des dispositions de cette directive, y compris l’article 2 de celle-ci, définissant notamment les notions de "temps de travail" et de "période de repos" ». Concernant la définition de la notion de « temps de travail », elle a précisé que « l’article 2 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens que le temps de garde qu’un travailleur passe à domicile avec l’obligation de répondre aux appels de son employeur dans un délai de 8 minutes, restreignant très significativement les possibilités d’avoir d’autres activités, doit être considéré comme "temps de travail" ».

Cette décision, si elle devait être confirmée par la Cour dans le cas français, mettrait gravement en danger l’existence des sapeurs-pompiers volontaires. En effet, dès lors que le volontariat est considéré comme du temps de travail au sens de la directive, cela emporte une série de conséquences – en matière de temps de repos en particulier – qui rendraient presque impossible le cumul avec une activité professionnelle.

La question de la non-application du statut de travailleur aux sapeurs-pompiers volontaires est une question de société car elle remet en question la manière dont les citoyens peuvent s’engager. Ce problème ne concerne pas seulement la France puisqu’il existe environ 2,2 millions de sapeurs-pompiers au sein de l’Union européenne dont le statut est comparable à celui des volontaires.

2.   Le dispositif proposé

En raison des règles du droit européen, exclure expressément les sapeurs-pompiers volontaires du statut de travailleur au sens du droit de l’Union n’aurait aucun impact étant donné que seuls les critères objectifs que la CJUE a retenus permettent de déterminer le champ d’application de la directive. Toutefois, la CJUE se fonde sur un faisceau d’indices sur lequel le législateur peut influer.

L’article L. 723-5 du code de la sécurité intérieure prévoit que « l'activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres ». Le présent article propose donc de réaffirmer les spécificités du statut des sapeurs-pompiers volontaires en précisant, à l’article L. 723-4 du code de la sécurité intérieure, que leur engagement est « altruiste et généreux ». Par cette qualification, le législateur rappellerait que, contrairement au travailleur, le sapeur-pompier volontaire consacre une partie de son temps libre à cet engagement, au même titre qu’il pourrait le faire dans une association par exemple. Il ne reçoit pas de rémunération mais une indemnité et il ne bénéficie d’une protection sociale spécifique qu’au titre des risques qu’il encourt.

Plus largement, votre Rapporteur souhaiterait que le signal ainsi émis soit perçu par le Gouvernement comme un encouragement à défendre une position ambitieuse devant les instances de l’Union européenne. Il apparaît nécessaire, dans l’hypothèse où la Cour ne reviendrait pas sur sa jurisprudence, que soit mis en place un statut européen spécifique pour les sapeurs-pompiers volontaires, concerté avec nos voisins européens qui sont confrontés à la même problématique.

3.   La position de la Commission

La Commission a rejeté l’article 13 de la proposition de loi.

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Article 14
(art. 575 et 575 A du code général des impôts)
Gage de charges

Rejeté par la Commission

Le présent article prévoit que les charges résultant, pour l’État et pour les collectivités territoriales, de l’application de la loi ainsi que la perte de recette pour les organismes de sécurité sociale sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur le tabac, prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Il a été rejeté par la Commission.


    

   COMPTE RENDU DES DÉBATS

Lors de sa première réunion du mercredi 27 mars 2019, la Commission examine la proposition de loi visant à soutenir le fonctionnement des services départementaux d’incendie et de secours et à valoriser la profession de sapeur-pompier professionnel et volontaire (n° 1649) (M. Arnaud Viala, rapporteur).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à soutenir le fonctionnement des services départementaux d’incendie et de secours et à valoriser la profession de sapeur-pompier professionnel et volontaire, inscrite par le groupe Les Républicains dans sa journée réservée du jeudi 4 avril et dont M. Arnaud Viala est le rapporteur.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Le groupe Les Républicains a choisi d’inscrire à l’ordre du jour cette proposition de loi visant à soutenir le fonctionnement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et à valoriser la profession de sapeurs-pompiers professionnels et l’engagement de sapeurs-pompiers volontaires. Ce texte est l’aboutissement d’un long travail mené avec plusieurs de mes collègues ; à cet égard, je tiens à saluer particulièrement Valérie Lacroute qui m’a accompagné tout au long de ce travail en assistant à l’ensemble des auditions que nous avons organisé, et qui a même animé des auditions auxquelles moi-même je n’ai pas pu participer.

Avec cette proposition de loi, nous souhaitons alerter sur une situation grave et urgente et proposer des solutions. Notre système de sécurité civile repose sur le dévouement de 40 000 sapeurs-pompiers professionnels, 195 000 sapeurs-pompiers volontaires et 11 250 personnels administratifs et techniques (PATS). Chaque année, les interventions des sapeurs-pompiers viennent au secours d’environ 5 % de la population française. Pourtant depuis plusieurs années, l’équilibre qui faisait des services d’incendie et de secours français un modèle a été fragilisé par plusieurs phénomènes. En premier lieu, on observe une perte de reconnaissance et un manque de protection des intéressés : en 2017, les sapeurs-pompiers ont été victimes de 2 800 agressions et 382 de leurs véhicules ont été endommagés. Alors que le nombre d’interventions croît sans cesse, nous ne prenons pas suffisamment en compte la fatigue et les risques qu’encourent nos sapeurs-pompiers dans l’exercice de leurs missions. En outre, on ne peut que constater un manque de moyens et d’investissement en faveur de la modernisation de certains SDIS dont le matériel se dégrade et les systèmes d’information sont désormais dépassés.

Il en résulte une difficulté croissante à recruter. Cette crise des vocations est aggravée par la démographie de notre pays dont le vieillissement de la population conduit inévitablement à davantage interventions dans des zones où demeurent de moins en moins de personnes actives susceptibles d’être volontaires.

Qui plus est, le droit européen ne prend pas correctement en compte les spécificités du volontariat. Le 21 février 2018, dans un arrêt dit « Matzak », la Cour de Justice de l’Union européenne, a estimé que la directive du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail s’appliquait aux sapeurs-pompiers volontaires belges. Or les implications de cette directive rendent quasiment impossible la conciliation du volontariat avec un emploi, menaçant ainsi l’existence même du volontariat. Il est urgent que le Gouvernement intervienne, même s’il est difficile pour la France de demander la renégociation d’une directive dont elle a été à l’initiative…

Mais notre pays n’est pas le seul dans cette situation. En Europe, 2,2 millions de sapeurs-pompiers ont un statut comparable à celui de nos sapeurs-pompiers volontaires. À titre d’exemple, en Allemagne, 94 % des sapeurs-pompiers sont des volontaires. Il est donc indispensable d’engager de toute urgence une initiative européenne sur ce point.

Le défi qui se présente à nous est prioritaire : il y va de la sécurité de nos concitoyens et de l’égalité entre les territoires. Dans ce domaine plus que dans tout autre, le maillage territorial se doit d’être le plus fin possible. Il s’agit aussi par la garantie de la présence des secours de proximité de préserver nos territoires ruraux, leur attractivité et leur activité économique.

Le Gouvernement annonce des rapports et des groupes de réflexion, mais la mise en œuvre des propositions est sans cesse reportée. Comme le disait Clemenceau, si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission… Cela ne doit pas être la stratégie du Gouvernement. Au-delà des divergences politiques, il est donc urgent d’agir pour répondre à l’inquiétude de nos sapeurs-pompiers et obtenir de nouvelles avancées.

La volonté qui sous-tend ce texte est d’améliorer le quotidien des personnes qui chaque jour risquent leur vie pour sauver celles des autres. La présente proposition de loi est donc composée de quatorze articles visant à accroître l’attractivité du volontariat en accompagnant les entreprises qui emploient des sapeurs-pompiers volontaires, en soutenant la formation et en permettant à davantage d’étudiants d’effectuer des stages au sein des SDIS pour susciter les vocations. Ensuite, elle tend à protéger et à soutenir les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, aussi bien en matière de protection sociale, en réduisant leur durée de cotisation, qu’en matière de sécurité en renforçant les sanctions pour les outrages dont ils peuvent faire l’objet. Enfin, elle entend faciliter la modernisation des SDIS afin d’améliorer les conditions de travail des sapeurs-pompiers professionnels, en particulier par la mutualisation des systèmes d’information et la mise en œuvre du numéro unique d’urgence.

Ainsi, nous pourrons garantir une meilleure conciliation entre l’exigence des missions, la vie personnelle et la vie professionnelle des sapeurs-pompiers. Hier a été adoptée la proposition de loi relative à la représentation des personnels administratifs, techniques et spécialisés de notre collègue Catherine Troendlé ; je souhaite que nous abordions ce texte dans le même esprit constructif, car cette proposition de loi porte sur un sujet qui nous concerne tous et dépasse les clivages politiques. Il s’agit d’un véritable enjeu de société : la promotion de l’engagement des citoyens. Notre objectif est également d’interpeller le Gouvernement sur les inquiétudes des sapeurs-pompiers. J’espère donc que nous aurons un vrai débat en séance publique le 4 avril prochain.

M. Fabien Matras. Le sujet de l’engagement citoyen est au cœur du quinquennat actuel : valorisation de l’engagement associatif, service civique, gestes qui sauvent, proposition de loi relative à la représentation des PATS au sein des conseils d’administration des services départementaux d’incendie que nous avons adoptée hier, autant de sujets qui font l’objet de travaux et de propositions tant du Gouvernement que de l’Assemblée nationale ou du Sénat.

Le volontariat chez les sapeurs-pompiers n’échappe pas à cette volonté de mettre en avant l’implication de nos compatriotes pour une société plus altruiste et plus fraternelle. Rappelons que certaines avancées ont déjà été obtenues grâce à un travail en commun de la majorité et l’opposition, je pense particulièrement à la gratuité des péages pour les services de secours, à la présence de PATS au sein des conseils d’administration des SDIS ou à la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations adoptée hier.

En 2017 et 2018, à la demande de M. Gérard Collomb, alors ministre de l’intérieur, j’ai participé aux travaux de la mission pour la relance du volontariat. Un rapport comportant 42 propositions avait alors été rendu ; la présente proposition de loi en reprend un certain nombre et je me félicite de constater la volonté de collaboration dont fait preuve le groupe Les Républicains pour mettre en œuvre les préconisations que j’ai défendues.

Le ministre s’était d’ailleurs engagé à donner corps à l’ensemble des propositions qui relèvent du domaine réglementaire. Ce travail se poursuit au ministère de l’intérieur : M. Christophe Castaner a confié au Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires (CNSPV) le soin de travailler sur certains sujets abordés par cette mission pour la relance du volontariat. Parallèlement, un travail de concertation est en cours, auquel participent la fédération des sapeurs-pompiers, le ministère de l’Intérieur et moi-même afin de trouver un consensus sur les sujets législatifs dont beaucoup sont abordés dans votre proposition de loi.

Il est très heureux que vous puissiez ainsi mettre sur la table des propositions portant sur ces sujets : cela permettra d’entamer ce débat dans notre assemblée, d’autant plus que la récente création d’un groupe d’études sur les sapeurs-pompiers volontaires, que je coprésiderai avec M. Pierre Morel-À-L'Huissier, doit nous permettre d’aller encore plus loin dans cette nécessaire consultation. Votre proposition de loi aborde des sujets majeurs comme les violences envers les sapeurs-pompiers, clairement intolérables – elles ont d’ailleurs fait l’objet d’un durcissement du régime pénal il y a peu. Sont aussi visées les disponibilités des sapeurs-pompiers volontaires, qui s’ajoutent à leur activité professionnelle, ce qui complique souvent cette forme d’engagement, surtout en cas de départ intempestif durant les heures de travail ; il y a là une difficulté à laquelle nous devons remédier.

Les mécanismes de compensation pour les employeurs qui font l’effort d’embaucher des sapeurs-pompiers volontaires devront être traités. Nous ne devons pas oublier que le sapeur-pompier volontaire est impliqué dans une relation contractuelle tripartite avec son employeur et le SDIS, même si une éventuelle baisse des charges sociales me semble davantage relever de la loi de finances. Par ailleurs, la protection sociale des sapeurs pompiers volontaires, qui fait à l’heure actuelle l’objet d’un double régime, mérite d’être réexaminée ; elle doit toutefois être abordée en gardant à l’esprit la nécessité de préserver un haut niveau de protection pour les intéressés. Enfin, la mise en place d’un numéro d’appel unique, que vous abordez également, constitue un sujet extrêmement important. Il fait l’objet d’un travail intense en interministériel, comme l’avait demandé le Président de la République.

Cette proposition de loi est à saluer et même si les solutions proposées ne suffisent pas à régler les difficultés rencontrées par les sapeurs-pompiers, elle nous oblige à nous interroger collectivement et sans approche partisane, vous l’avez dit et je partage cette volonté, sur l’une des exceptions françaises que constitue son modèle de sécurité civile. Nous devons bien cela à ceux qui s’engagent pour leurs compatriotes au risque de leur vie, qui donnent sans compter et qui font notre fierté collective. Je crois néanmoins que ce texte mérite d’être travaillé davantage avec le Gouvernement et l’ensemble des groupes de notre assemblée afin de parvenir à des solutions plus efficientes et conformes aux attentes et besoins des sapeurs-pompiers. Nombre de sujets sont encore en discussion, et le groupe La République en Marche estime prématuré de voter ce texte sans laisser la concertation se poursuivre.

Mme Valérie Lacroute. Je vous remercie, madame la présidente, de m’accueillir au sein de votre Commission aujourd’hui.

Les sapeurs-pompiers volontaires et professionnels ainsi que les PATS des SDIS sont les piliers de notre modèle de sécurité civile. Par leur courage, leur rigueur, leur dévouement, leur engagement volontaire et désintéressé, ces hommes et ces femmes incarnent, à plus d’un titre, les valeurs de notre République. En plus d’être chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies, ils assurent un maillage territorial inégalé, de multiples missions, concourent à la protection et à la lutte contre les accidents, sinistres et catastrophes, à l’évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu’aux secours d’urgence.

Les sapeurs-pompiers sont les garants de l’un des services publics les plus appréciés des Français et pourtant, ils sont menacés par une certaine précarité, notamment due à d’importantes baisses d’effectifs, ainsi qu’à leurs conditions d’exercice parfois extrêmes.

Comme l’a souligné le rapporteur, cette proposition de loi résulte d’un travail commun réalisé ces six derniers mois avec plusieurs de nos collègues, M. Patrick Hetzel, M. Stéphane Viry et M. Jean-Louis Thieriot. Elle représente l’essence de nos cinq propositions de loi initiales enrichies des consultations et auditions que nous avons menées tant dans nos départements respectifs qu’auprès d’experts. Comme l’a souligné le contrôleur général Éric Faure, ancien président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), ce texte contient des avancées nouvelles et participe d’une démarche ambitieuse. Il propose treize mesures très concrètes et constitue l’amorce d’un travail minutieux et de longue haleine qu’il faudra bien évidemment poursuivre.

L’objectif prioritaire est de consolider les moyens octroyés à cette force d’intervention, mais aussi de renforcer la protection de ceux qui administrent les premiers secours. Le groupe Les Républicains a souhaité qu’une attention toute particulière soit portée aux volontaires. Dans un pays en pleine mutation, force est de noter que des jeunes, des adolescents et des adultes prennent de leur temps pour les autres, souvent en marge de leur vie professionnelle et au détriment de leur vie personnelle et familiale à travers un engagement citoyen qui fait honneur à notre Nation.

Si la baisse des effectifs des volontaires peut-être imputable à la montée de l’individualisme et de l’égocentrisme, le volontariat est soumis aux mouvements démographiques dus à la désertification rurale, au renforcement des contraintes professionnelles, au regroupement des centres de secours, à la diminution de leur nombre, à la judiciarisation de l’action des sapeurs-pompiers et aux actes de violence auxquels ils peuvent être confrontés. Des mesures doivent être prises sans tarder pour endiguer ce phénomène. L’ambition est donc de développer une véritable culture du partenariat, en adaptant le management aux besoins et aux contraintes spécifiques de l’engagement volontaire, ce qui suppose une formation adaptée, la reconnaissance des acquis, l’organisation de la disponibilité opérationnelle, la nomination aux grades et fonctions d’officier supérieur.

Il est donc urgent de faire prendre conscience à nos concitoyens du caractère infiniment précieux et irremplaçable des services rendus par les sapeurs-pompiers volontaires ; la noblesse de leur engagement ne doit jamais être sous-estimée.

Évoquer les volontaires, c’est également pointer la menace que constituerait l’application de la directive européenne du 4 novembre 2003 du Parlement européen et du Conseil, dite directive européenne du temps de travail (DETT), sur l'exercice de leurs missions par les sapeurs-pompiers volontaires. Si les sapeurs-pompiers volontaires étaient assimilés à des travailleurs au sens de la directive européenne du temps de travail, ses dispositions leur deviendraient applicables, notamment le repos de sécurité quotidien entre deux séances de travail, la durée maximale hebdomadaire de 48 heures, et un repos hebdomadaire minimal de 24 heures consécutives. Il en résulterait que l'engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire ne serait plus compatible avec une autre activité professionnelle.

Or le modèle français d'organisation de la sécurité civile repose en grande partie sur cet engagement. L’application de la directive dégraderait ainsi le niveau d’efficacité des SDIS.

L’inquiétude n’est pas que française : nombreux sont nos voisins européens dont le modèle de secours repose aussi sur le volontariat. Cette problématique avait déjà été évoquée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019 au cours duquel notre groupe, par la voix d’Éric Ciotti, avait alerté sur le coût insoutenable que devraient supporter les finances publiques.

Le second axe sur lequel il nous est apparu nécessaire de renforcer l’arsenal juridique est celui des agressions. Les incivilités prennent différentes formes – les guets-apens constituant le type d’attaques le plus fréquent – mais les sapeurs-pompiers doivent faire face à de plus en plus de violences individuelles. C’est pourquoi il est proposé de qualifier de manière uniforme toute atteinte morale à la dignité et au respect d’un sapeur-pompier.

M. Vincent Bru. C’est la deuxième fois en quelques jours que l’on aborde la question des SDIS et c’est une très bonne chose, comme ce fut le cas la semaine dernière pour la représentation des PATS dans leur conseil d’administration.

La proposition de loi que nous examinons ce matin a pour but de soutenir le fonctionnement des services départementaux d’incendie et de secours et de valoriser la profession des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Selon le groupe MODEM, ce texte poursuit un objectif très noble : nous savons la difficulté qu’il y a à recruter des sapeurs-pompiers volontaires et ceux-ci soulignent régulièrement la précarité de leur situation. Il convient donc de réfléchir à la manière dont on peut rendre plus attractive cette fonction essentielle pour la vie en société, mais également leur offrir des possibités d’évolution significativement plus intéressantes.

Dans cette proposition de loi, un certain nombre de thèmes extrêmement séduisants sont abordés : l’allégement des charges patronales pour favoriser l’engagement des employés comme pompiers volontaires, mais également la possibilité de bénéficier d’autorisations d’absence pour des activités dans la réserve. La volonté de lutter contre les violences exercées dans de nombreuses villes et de nombreux quartiers à l’encontre de sapeurs-pompiers professionnels et volontaires par une partie de la population est aussi bienvenue, de même que la mise en place d’un numéro unique d’appel. Tout cela va effectivement dans le bon sens.

Le projet de loi aborde encore un certain nombre d’autres sujets – le régime des retraites des sapeurs-pompiers volontaires par bonifications, les dérogations pour l’attribution de logements sociaux habituellement destinés à des emplois réservés dans la fonction publique ou encore le problème des restes à charge de frais médicaux, qu’il est proposé de faire supporter par les SDIS – dont nous ne contestons pas l’intérêt : ils méritent à l’évidence d’être mis sur la table, mais les solutions proposées ne sont peut-être pas forcément appropriées ni suffisamment évaluées dans leurs conséquences financières. Il serait préférable, nous semble-t-il, de les appréhender de manière plus globale, en concertation avec le Gouvernement et les groupes de travail qui vont être organisés à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

Nous restons donc extrêmement réservés sur cette proposition de loi, quand bien même, je le répète, elle a le mérite de poser un certain nombre de problèmes réels. Mais les solutions proposées ne sont pas forcément de nature à les résoudre. Nous devons donc repenser d’une manière beaucoup plus globale le fonctionnement des SDIS, la valorisation du métier de sapeur-pompier, et notamment le statut des sapeurs-pompiers volontaires.

C’est la raison pour laquelle le groupe MODEM ne soutiendra pas ce texte, même si cette proposition de loi aura le mérite d’appeler l’attention des parlementaires sur la nécessité qu’il y a de légiférer ou de prendre des décrets afin de toujours mieux attirer les jeunes, en particulier, vers cette activité d’intérêt général dont les sapeurs-pompiers volontaires ont la charge.

Mme Cécile Untermaier. Le groupe Socialistes et apparentés félicite le rapporteur et son équipe pour le travail accompli.

Nous tenons à rappeler que les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires effectuent un travail formidable sur l’ensemble du territoire. Ces hommes, ces femmes, qui font montre d’un sens supérieur du devoir et de l’intérêt général et n’hésitent pas à mettre leur vie en péril pour protéger celle de leurs concitoyens, ont été mis à rude épreuve ces dernières années à travers des crises exceptionnelles, attentats et catastrophes naturelles, mais aussi au quotidien. Comme sous d’autres majorités, nous avons cherché lors de la précédente législature à améliorer leur situation, notamment par la loi du 27 décembre 2016 relative aux sapeurs-pompiers professionnels et aux sapeurs-pompiers volontaires, qui avait reçu le soutien de l’ensemble des syndicats des sapeurs-pompiers. Comme votre proposition de loi, ce texte s’attachait à préserver le modèle français reposant sur la complémentarité entre professionnels et volontaires.

Toutefois, cette complémentarité est sérieusement interrogée par la récente décision de la Cour de Justice de l’Union européenne qui, dans l’arrêt Matzak du 21 février 2018, a considéré que les sapeurs-pompiers volontaires ne pouvaient être totalement exclus de l’application de la directive du 4 novembre 2003 relative à l’aménagement du temps de travail. Cette préoccupation est largement partagée au niveau local par l’ensemble des professionnels et des volontaires.

La proposition de loi examinée aujourd’hui répond à l’objectif de valoriser l’engagement des sapeurs-pompiers, auquel, bien sûr, nous souscrivons. Certains articles vont dans le bon sens et méritent toute notre attention. Nous soutenons notamment les mesures visant à lutter contre le manque d’effectifs – la France a en effet perdu plus de 11 000 volontaires en un peu plus d’une décennie. La proposition de loi prévoit non seulement des allégements de charges patronales lors de l’embauche d’un sapeur-pompier volontaire, mais aussi la facilitation des absences en entreprise. Quant à l’article visant à ouvrir aux sapeurs-pompiers volontaires l’accès aux emplois réservés de la fonction publique, nous ne pouvons qu’y être favorables. Remarquons toutefois, sans malignité, que l’application de cette proposition serait rendue difficile par la suppression des 500 000 postes de fonctionnaires défendue par Les Républicains au cours de la campagne présidentielle…

Toutefois, l’ensemble des syndicats auditionnés par vos soins a exprimé quelques réserves sur certaines des dispositions proposées. La bonification de trimestres de retraite proposée à l’article 6 pourrait conduire à assimiler l’engagement volontaire du sapeur-pompier à un travail : au moment où l’on veut contredire la directive européenne relative à l’aménagement du temps de travail, mieux vaut rester prudent… D’autres moyens doivent donc être mis en œuvre pour encourager et reconnaître l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Par ailleurs, la nomination à un certain emploi d’un sapeur-pompier professionnel d’un autre grade, prévue à l’article 8, est dénoncée par les sapeurs-pompiers professionnels comme un recul de la réforme de leur filière mise en œuvre en 2012, et appréciée comme telle.

Enfin, certaines mesures proposées gagneraient à être encadrées et approfondies. La volonté de faciliter l’hébergement des professionnels à proximité des centres de secours part d’une bonne intention ; il faudrait cependant garantir l’accès prioritaire des personnes pouvant prétendre à un logement social, en particulier dans les zones tendues où, précisément, la question du logement se pose aussi pour les sapeurs-pompiers.

Par ailleurs, l’article 9 relatif à la possibilité pour des étudiants en médecine de faire un stage dans un SDIS est tout à fait louable, mais elle se voit compliquée par le fait que les SDIS ne disposent pas toujours, hélas, de médecins professionnels, ce qui pose la question de l’encadrement. Enfin, ce dispositif pourrait être utilement élargi à l’ensemble des professionnels de santé ; rien ne nous interdit de le faire dans le cadre de cette commission ou dans l’hémicycle.

Cette proposition de loi procède d’une intention que nous partageons tous : soutenir les sapeurs-pompiers dans leur dévouement à l’intérêt commun. Il faut encourager l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Ce volontariat est le socle d’un dispositif d’exception auquel nous sommes tous très attachés. Mais à ce stade il me semble que des précisions et des modifications doivent être apportées à ce texte ; c’est précisément le rôle de cette commission et tout l’intérêt du travail dans l’hémicycle.

Je souhaite à ce propos vous alerter sur le mouvement de concentration des services de secours que nous constatons dans plusieurs départements, particulièrement en Saône-et-Loire. Cette tendance à la réduction de services publics de proximité, ces centres de premières interventions, se poursuit malgré les appels incessants de la population locale et des sapeurs-pompiers volontaires à les maintenir au plus près des besoins. Ce n’est pas non plus le meilleur moyen, me semble-t-il, de favoriser l’engagement des volontaires qui ont plaisir à se retrouver dans leurs communes ou dans la commune voisine, à partager des moments de convivialité, à faire du sport le samedi ou en soirée et à trouver un lieu de vie et d’engagement près de chez eux. L’engagement volontaire passe sans doute par cela aussi. La loi ne peut pas tout et les autorités départementales devraient davantage en tenir compte.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, je souhaite remercier notre collègue Arnaud Viala de son heureuse initiative.

Toutefois, contrairement à ce que l’on entend ici ou là, le problème n’est pas nouveau. Une commission « Ambition volontariat », constituée en 2009, a produit un travail considérable que j’ai soutenu pendant deux ans et qui a abouti à la loi du 20 juillet 2011 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires, laquelle a fixé un cadre juridique qui n’existait pas jusqu’alors. L’article 1er, qui définit le sapeur-pompier volontaire, a nécessité près de quatre heures de travail au Conseil d’État, en Assemblée générale.

Le problème n’est donc pas nouveau et la directive européenne sur le temps de travail date de 2003. En revanche, ce qui est nouveau, c’est l’arrêt de la Cour de Justice européenne qui est venu dernièrement fixer un cadre et un statut de travailleur. C’est bien cela qui pose problème aujourd’hui, mais le sujet avait déjà été largement abordé en 2011. Prenons garde, du reste, à ne pas confondre dans des propositions de loi sapeurs-pompiers professionnels et sapeurs-pompiers volontaires : contrairement au sapeur-pompier professionnel, le statut de sapeur-pompier volontaire n’est pas une profession, c’est un engagement, et nous avions essayé de trouver une définition à même de passer sous les fourches caudines de la Commission européenne.

Ensuite en 2013 a été adopté le plan d’action pour les sapeurs-pompiers volontaires, signé par M. Valls, et en 2018, une mission a été confiée à quelques parlementaires, qui ont formulé un certain nombre de propositions. En 2017, la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR), élément de la retraite des sapeurs-pompiers, a été réformée, non sans mal. La Cour des comptes vient de remettre un rapport sur la situation des SDIS. Elle est très critique au sujet de ce qui s’y passe et souligne d’ailleurs un problème entre sapeurs-pompiers volontaires au sens strict du terme et ceux que l’on appelle les « pro-vos », autrement dit qui ont la double qualité de sapeur-pompier professionnel et de sapeur-pompier volontaire. Ce double statut n’est pas sans poser une difficulté sur le plan juridique. Il serait utile de demander au Conseil d’État de se pencher sur ce texte. C’est d’ailleurs ce que j’avais fait en 2011, à la demande de M. Jean-Luc Warsmann, alors président de la commission des Lois, et bien m’en avait pris…

Plusieurs dispositifs prévus dans cette proposition de loi sont très intéressants, notamment en ce qui concerne les employeurs ; encore conviendra-il d’en évaluer les incidences sur le plan financier.

Enfin, il faudra bien, à un moment donné, sortir de l’ambiguïté et savoir ce que veut faire l’État s’agissant des SDIS, dont le financement incombe aux départements. L’État pourrait par exemple financer de grandes campagnes de promotion à l’adresse des citoyens ou encore des écoles de jeunes sapeurs-pompiers (JSP) – il y en a quelques-unes dans l’éducation nationale.

Plus généralement, le problème est de savoir ce que l’on veut faire de l’engagement citoyen. Une réflexion doit être engagée. Aujourd’hui se pose le problème du statut juridique au sens communautaire. Dès lors qu’il y a un lien de subordination et que les sapeurs-pompiers volontaires perçoivent des indemnités – auparavant, on parlait de vacations –, ne serait-ce qu’un euro, l’Europe les considère comme des travailleurs. À un moment ou un autre, il va falloir « crever l’abcès ». Le travail que nous allons mener, avec M. Fabien Matras, dans le cadre du groupe d’études sur les sapeurs-pompiers volontaires, devrait permettre de trouver des solutions juridiques.

M. Ugo Bernalicis. Pour les membres du groupe La France insoumise, cette proposition de loi est la bienvenue. Elle permet de poursuivre le débat, sachant que le législateur se penche sur ce sujet depuis déjà plusieurs années. Force est de constater que les difficultés perdurent... Notre attention s’est focalisée sur l’arrêt Matzak qui pose la question du statut de sapeur-pompier volontaire ; mais il faut savoir que, sans sapeurs-pompiers volontaires, beaucoup de casernes ne pourraient plus fonctionner tout simplement parce que nous manquons de sapeurs-pompiers professionnels. Qui plus est, je n’en ai pas tellement entendu parler ici, 50 % des sapeurs-pompiers professionnels sont aussi des sapeurs-pompiers volontaires, ce qui a des effets pervers, notamment en termes de temps de repos où l’on est à la limite de l’acceptable. Dans certains départements, des chefs de caserne ont même pris l’initiative d’installer un compteur commun pour avoir une vision du nombre d’heures que chaque pompier volontaire ou professionnel effectue, afin d’éviter d’aller trop loin. Finalement, on en vient à se demander quelle est la cible du volontariat, à qui on permet de devenir sapeur-pompier volontaire. Il faudra à l’évidence adapter l’arrêt Matzak, mais on ne peut ignorer que le nombre de sapeurs-pompiers professionnels a baissé de 5 500 entre 2005 et 2015 et que les casernes comme les matériels souffrent du manque d’investissements. Qui plus est, ma collègue Cécile Untermaier l’a souligné, les procédures de rationalisation et de mutualisation des casernes ont mis à mal ce maillage territorial qui permettait d’avoir un vivier de volontaires à proximité : les astreintes sont plus supportables quand on vit à proximité du centre de secours. Désormais, les temps d’intervention qui s’allongent obligent à caserner de plus en plus les volontaires, avec toutes les difficultés que cela entraîne en termes de rémunération, de contraintes familiales, etc.

Les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires sont parfois, avec la police et les urgences, le dernier service public présent sur un territoire. Tout le reste a disparu. On sait que si le nombre des interventions des sapeurs-pompiers volontaires a augmenté massivement, c’est parce qu’ils font davantage d’interventions sociales, qu’ils sont amenés à gérer la misère qui gagne du terrain en raison du recul du tissu associatif et des politiques des départements, et du fait que certains services publics ne sont plus rendus. Les pompiers finissent par être les derniers à intervenir dans des domaines qui ne sont pas leur cœur de métier, en tout cas pas leur vocation principale.

J’ai entendu des syndicats parler d’incohérences vis-à-vis du système ambulancier. On est tellement en recul en matière de volontariat que si demain on devait activer le plan blanc à cause d’une catastrophe sanitaire, comme il y a beaucoup de volontaires parmi les personnels soignants, je ne sais pas comment on ferait puisqu’on ne peut pas puiser deux fois dans le même vivier… Il va donc falloir se pencher sur cette question.

Pour en revenir au texte, nous sommes favorables au dispositif d’autorisation d’absence prévu, mais défavorables à l’exonération des charges patronales proposées : je ne vois pas bien ce que cette mesure vient faire ici. Vous souhaitez ouvrir aux sapeurs-pompiers volontaires l’accès aux emplois réservés de la fonction publique ; pour notre part, il nous semble qu’il serait préférable de prévoir des mesures visant à faciliter l’accès aux concours. Enfin, vous proposez de faciliter l’accès des sapeurs-pompiers volontaires aux logements sociaux situés à proximité des centres de secours ; mieux vaudrait, je crois, signer des conventions avec des bailleurs sociaux, privés ou publics, afin de leur réserver des places.

M. Paul Molac. Le système de secours, dont la pierre angulaire est le volontariat, est très important. Comme on l’a dit tout à l’heure, 80 % des interventions en milieu rural sont faites par des volontaires. Ma circonscription compte quinze centres de secours, ce qui permet d’intervenir en vingt minutes. Pour visiter régulièrement les centres de secours, je peux dire qu’ils sont bien entretenus. Il convient de conserver ce système très efficient, y compris dans des territoires relativement peu peuplés. Nous avons la chance d’avoir des personnes qui s’engagent en tant que pompiers volontaires.

Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi a le mérite d’exister. Pour sa part, M. Pierre Morel-À-L’Huissier a rappelé les différentes lois qui existent déjà. Lors de la précédente législature, nous avons voté une loi, parce que la nature du volontariat change. En effet, concilier à la fois vie professionnelle et vie privée, loisirs et engagement volontaire, procède d’une alchimie parfois difficile à mettre en place. Les chefs de centre de secours me disent régulièrement que si autrefois l’engagement volontaire passait avant le reste, parfois même avant la famille ou les loisirs, aujourd’hui il leur faut négocier, ce qui crée une difficulté supplémentaire pour trouver des volontaires.

Votre proposition de loi comporte des mesures concrètes visant à encourager les volontaires à s’engager en contrepartie d’un certain nombre d’avantages, ce qui paraît assez normal au vu des services qu’ils rendent à la collectivité. Toutefois, vos mesures sont parfois imprécises et incomplètes : ainsi, l’article 9 prévoit de donner automatiquement le statut de sapeur-pompier à une personne qui aura effectué des stages au sein d’un SDIS. Peut-être faudrait-il attendre qu’elle en fasse la demande, et prévoir un engagement du stagiaire. Quant à l’article 4 qui prévoit d’ouvrir aux sapeurs-pompiers volontaires l’accès aux emplois réservés de la fonction publique, nous y sommes favorables à condition de le subordonner à un engagement pérenne, faute de quoi il pourrait être tentant de rompre son engagement de pompier une fois l’emploi réservé intégré… Certaines collectivités ont déjà mis en place des postes qui sont réservés à condition d’avoir un engagement citoyen et d’être pompier.

Je crains que la future loi sur les retraites ne rende caduc l’article 6. Nous avons déjà été interpellés par l’association Sauvegarde Retraites : elle estime que les fonctionnaires sont trop bien rémunérés à la retraite et pointe certaines catégories comme les militaires, les policiers et les pompiers… On se demande donc à quelle sauce seront mangés ces derniers.

À l’article 7, vous proposez de donner aux pompiers la priorité d’accès aux logements sociaux situés à proximité des centres de secours. Je crains qu’ajouter une catégorie à une liste déjà assez longue ne serve plus à grand-chose : au final, le public prioritaire correspondra quasiment à toute la population…

L’article 13 pose, à juste titre, la question du volontariat chez les pompiers. La Cour européenne de justice, on l’a dit, a requalifié le volontariat en l'assimilant pratiquement à du travail dissimulé. Je sais que le Gouvernement travaille sur cette question : peut-être avez-vous, madame la présidente, des informations en la matière ? Si ces pistes ne sont pas secrètes, il serait bon que la représentation nationale en soit informée.

Le groupe Liberté et Territoires pense voter cette proposition de loi en espérant que l’ensemble des députés ici présents contribueront à l’améliorer.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous en venons aux questions des députés.

Mme Emmanuelle Ménard. Que ferions-nous sans nos sapeurs-pompiers ? Prévention, évaluation des risques de sécurité civile, organisation des moyens de secours, lutte contre les incendies, protection des personnes, des biens et de l’environnement sont autant de domaines dans lesquels nos sapeurs-pompiers volontaires œuvrent au quotidien et bien souvent au péril de leur vie.

Si nous avons besoin d’eux, aujourd’hui ce sont eux qui ont besoin de nous car ils sont inquiets pour deux raisons notamment.

D’abord, à cause des agressions dont ils sont victimes et qui sont malheureusement en progression constante. C’est inadmissible. Il y a encore quelques années, on n’entendait jamais parler d’agression ou de guet-apens à l’encontre des sapeurs-pompiers ; ils étaient quasi sanctuarisés pour nos concitoyens. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui : pas une semaine ne passe sans que les médias ne se fassent l’écho de telles agressions. Nous ne devons pas laisser faire. Cet engrenage de la violence doit être combattu avec fermeté.

Deuxième sujet d’inquiétude, la menace de la directive européenne sur le temps de travail qui considérerait le sapeur-pompier volontaire comme un travailleur et non comme un citoyen engagé et altruiste pour la population et nos territoires. L’article 13 de ce texte est donc le bienvenu.

Cette proposition de loi doit être soutenue pour ces deux raisons principales. En tout cas, c’est ce que je ferai bien volontiers.

M. Dino Cinieri. Je veux tout d’abord rendre hommage aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels qui accomplissent chaque jour un travail formidable sur le terrain, parfois au péril de leur vie. Ils sont en première ligne pour porter assistance et aide aux personnes confrontées à des situations d’urgence et de détresse. La sécurité civile de notre pays, particulièrement en zone rurale, repose en grande partie sur les sapeurs-pompiers volontaires et rien de ce qui touche à la sécurité des personnes et des biens ne pourrait se faire sans eux.

Depuis que j’ai été élu député, j’ai cosigné toutes les propositions de loi permettant de valoriser ou faciliter l’action des sapeurs-pompiers volontaires. En 2011, avec notre collègue Pierre Morel-À-L’Huissier, nous avons longuement travaillé sur une proposition de loi relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique, qui a été inscrite à l’ordre du jour et votée dans l’hémicycle le 30 mai 2011. Ce très bon texte a permis d’améliorer encore la qualité de notre système de sécurité. Mais il faut désormais aller plus loin pour soutenir l’engagement des sapeurs-pompiers et susciter des vocations chez les jeunes.

Le dispositif de sécurité civile en France, fondé principalement sur les SDIS et les sapeurs-pompiers volontaires, est probablement l’un des meilleurs au monde. Sa qualité, son efficacité et son rapport qualité-prix s’expliquent par la présence de près de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires aux côtés des 40 000 sapeurs-pompiers professionnels et militaires. En effet, 68 % de l’activité opérationnelle est assumée en France par les sapeurs-pompiers volontaires qui assurent 80 % de la couverture territoriale.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre très bonne présentation. Bien évidemment, nous soutiendrons sans réserve cette excellente proposition de loi.

M. Éric Diard. Je voudrais saluer le pragmatisme de notre rapporteur sur ce dossier. Cette proposition de loi est le fruit d’un certain nombre d’auditions et d’un travail collectif, notamment avec Mme Valérie Lacroute. Les desiderata des sapeurs-pompiers ont été entendus.

Chacun s’accorde ici à reconnaître qu’il y a une crise de vocation, notamment de sapeurs-pompiers volontaires. Le volet de cette proposition de loi qui concerne la protection sociale me semble intéressant. De même, je suis favorable à l’article 10 qui prévoit de qualifier toute atteinte à la dignité ou au respect d’un sapeur-pompier d’une sanction relevant du délit d’outrage. Nous avons été nombreux ici à rappeler que beaucoup trop de sapeurs-pompiers font l’objet de violences, sont agressés – plusieurs d’entre eux ont même trouvé la mort.

La directive européenne mettant à mal le travail de nos sapeurs-pompiers volontaires, l’article 13 nous paraît également le bienvenu.

Pour conclure, nous sommes en présence d’un texte qui se veut pragmatique et peut encore être retravaillé, comme le reconnaît le rapporteur. N’attendez donc pas les ordres de l’exécutif, chers collègues de la majorité ! (Protestations sur les bancs des commissaires de la République en Marche.) Si la loi anti-casseurs a été adoptée, c’est parce que le Premier ministre a donné son feu vert. Je vous fais ce clin d’œil sympathique : soyez comme les pompiers, allez de l’avant et faites preuve de courage ! (Mêmes mouvements.)

M. Arnaud Viala, rapporteur. Je remercie tous les orateurs qui viennent de s’exprimer. On peut constater, au travers de leurs interventions, à quel point la sécurité de nos concitoyens, et singulièrement de nos sapeurs-pompiers, préoccupe les députés puisque nous sommes au contact des territoires sur lesquels nous sommes élus et sollicités en permanence pour essayer d’apporter des solutions aux risques qui pèsent sur ce modèle de sécurité civile.

Cher collègue Pierre Morel-À-L’Huissier, je connais votre engagement sur ce sujet. Je n’ai jamais prétendu que le problème était nouveau et que les solutions que nous souhaitions apporter avec Mme Valérie Lacroute étaient révolutionnaires ou extraordinaires, au sens premier du terme. C’est justement parce que le problème est ancien et qu’il est resté longtemps sans solution que nous avons jugé opportun d’essayer de rassembler des propositions qui répondent à des enjeux globaux. À cet égard, j’en citerai quatre.

Le premier point tient tout simplement au modèle français de sécurité civile. Si celui-ci fait reposer sur un engagement bénévole ou volontaire une grande partie de la sécurité de nos concitoyens et de leurs biens, ce n’est pas par volonté de faire des économies. C’est l’héritage d’un passé qui s’est constitué au fil des décennies, et c’est cela qui fait que, dans chacune de nos casernes de pompiers, cohabitent, coexistent, travaillent ensemble des professionnels et des volontaires. Les sapeurs-pompiers eux-mêmes, quel que soit leur statut, sont très attachés à la pérennité de ce modèle. Les Français dans leur ensemble, qui connaissent parfaitement bien la nuance entre les sapeurs-pompiers professionnels et les sapeurs-pompiers volontaires, tiennent absolument à ce qu’il perdure et notre volonté a été de trouver des garde-fous pour ce faire.

Bien évidemment, l’arrêt Matzak, qui fait suite à l’application de la directive sur le temps de travail de 2003, met en question la capacité de la France à maintenir ce dispositif. Nous voulons, au travers de cette proposition de loi, faire en sorte que la prise de conscience politique soit la plus large possible et qu’une solution soit rapidement trouvée afin d’éviter que l’application de la directive « temps de travail » stricto sensu n’aboutisse à une crise, autrement dit à l’arrêt immédiat du volontariat dans nos casernes. Cet élément me paraît suffisamment fédérateur, même si la tâche ne sera peut-être pas facile pour notre Gouvernement dans la mesure où c’est la France qui est à l’origine de cette directive sur le temps de travail – on n’en avait alors peut-être pas mesuré tous les contours. En tout état de cause, n’attendons pas qu’un arrêt de la Cour de Justice nous tombe dessus pour allumer un contre-feu.

Le deuxième point concerne la réalité de l’exercice des fonctions de sapeurs-pompiers dans nos territoires. Le département de l’Aveyron a la chance de compter un grand nombre de centres de secours, dont dix-sept dans ma circonscription. Chaque année, j’essaie d’assister aux dix-sept fêtes de la Sainte-Barbe de ma circonscription, et chaque fois j’entends parler de l’augmentation constante du nombre d’interventions, essentiellement en matière de secours à personnes. Cela montre un besoin accru de sapeurs-pompiers dans les territoires. Cette évolution est probablement amenée à s'accélérer dans la mesure où, globalement, notre population vieillit ; mais d’autres facteurs entrent en ligne de compte : la discussion dans l’hémicycle, la semaine dernière, du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, laisse à penser que l’organisation des secours de proximité se traduira par un recours accru aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels dans de nombreux cas. Nous avons donc le devoir d’apporter une réponse à cette question.

Tout à l’heure, M. Paul Molac a souligné que le nombre de vocations était en diminution parce que les gens devraient arbitrer entre leur vie privée et leur vie professionnelle. C’est probable, mais ce genre d’engagement a toujours supposé de faire des choix et de trouver un équilibre entre différentes activités. Il n’est pas du tout question de remettre en cause le volontariat, et les mesures que l’on pourrait prendre doivent d’abord être considérées comme la manifestation d’une reconnaissance de la société à l’égard de bénévoles volontaires, et non comme une forme de compensation en réponse à une demande qui, du reste, n’a jamais été exprimée. Et si nous proposons un dispositif d’allégement des charges patronales sur les entreprises, monsieur Bernalicis, c’est tout simplement pour que l’entreprise accepte que son salarié puisse partir en intervention. Mme Valérie Lacroute et moi-même pensons que le terme « entreprise » recouvre différentes réalités et que ce dispositif s’adresse principalement aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME). Par exemple, lorsqu’un des deux salariés d’une TPE doit partir en intervention, le chantier sur lequel ils travaillent est au mieux retardé, au pire totalement arrêté.

J’en viens à mon troisième point. Cette proposition de loi intervient alors que le maillage territorial est plus que jamais indispensable, comme l’a dit Mme Cécile Untermaier, et que les finances publiques des collectivités territoriales sont on ne peut plus tendues. En effet, les conseils départementaux, auxquels sont adossés les SDIS qu’ils financent en grande partie avec les autres collectivités locales, rencontrent parfois des difficultés pour faire face aux besoins de modernisation des équipements. Ils seraient pour la plupart dans l’incapacité totale de salarier l’intégralité des effectifs si d’aventure on devait remettre en cause le principe même du volontariat.

Enfin, et c’est mon quatrième point, si le groupe Les Républicain fait le choix de défendre cette proposition de loi dans le cadre d’une journée réservée, c’est tout simplement parce qu’il considère que le moment est venu de passer à l’acte. Une mission sur les sapeurs-pompiers a été mise en place depuis le début du quinquennat, mais elle n’a jusqu’à présent produit aucune mesure concrète. Nous souhaitons que cette proposition de loi soit un véhicule à la disposition des parlementaires que nous sommes, par-delà les sensibilités politiques, pour mettre en œuvre un certain nombre de mesures qui revêtent un caractère d’urgence.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier a fait allusion, de manière courtoise, à la terminologie, et je l’en remercie. C’est un point que nous avons noté d’emblée. Je présenterai un amendement pour éviter tout amalgame et ne laisser planer aucune équivoque entre la profession de sapeur-pompier professionnel et l’engagement de sapeur-pompier volontaire.

Monsieur Bru, vous dites que les mesures que nous proposons devraient être abordées de manière globale mais que notre proposition de loi est trop exhaustive. Il me semble que cela ne va pas ensemble… Nous avons souhaité avoir une approche globale et proposer plusieurs mesures qui balaient l’essentiel des problèmes – pas tous car il ne faut pas être prétentieux – qui se posent aujourd’hui au modèle de sécurité civile français.

Monsieur Molac, je suis conscient qu’il ne faut pas faire d’amalgame entre des avantages et une rémunération. Ce que nous voulons, c’est tout simplement une reconnaissance par la loi de l’engagement de sapeur-pompier volontaire.

Enfin, la majorité nous a interrogés sur les allégements de charges que nous proposons. Si cette proposition de loi est adoptée, il faudra en tirer les conséquences dans la prochaine loi de finances, mais il est important que la nation consente un effort budgétaire lorsque des Français s’engagent volontairement et quasiment bénévolement pour assurer la sécurité de nos concitoyens et de leurs biens. Je crois que « le jeu en vaut la chandelle ».

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Chapitre Ier
Mesures sociales pour pallier le manque d’effectif

Article 1er (art. L. 241-13 du code de la sécurité sociale) : Allègement des cotisations à la charge des employeurs de sapeurs-pompiers volontaires

La Commission est saisie de l’amendement CL28 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Il s’agit d’un amendement de suppression, en cohérence avec ce que j’ai expliqué dans la discussion générale. Nous nous opposons à l’affaiblissement de notre sécurité sociale, qui est basée sur la solidarité et les cotisations. L’efficacité d’une baisse des cotisations patronales pour les employeurs de salariés exerçant l’activité de sapeur-pompier volontaire n’est pas démontrée. Vous nous expliquez, chers collègues, que, lorsqu’un volontaire salarié d’une petite entreprise part en mission, le chantier de l’entreprise doit s’arrêter, mais même avec une exonération de cotisations patronales, le travail s’arrêtera. Un allègement représente peut-être une compensation, bien maigre, mais cela ne me semble pas être une justification suffisante : en tout état de cause, cela ne changera rien. Du reste, cette exonération n’existait pas jusqu’à présent, et l’on trouvait tout de même des volontaires.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Vous nous prêtez des intentions que nous n’avons pas. Il ne s’agit pas du tout, par cette disposition, de compenser « au sou le sou » le fait d’avoir dans une entreprise un ou plusieurs sapeurs-pompiers volontaires. C’est précisément la logique inverse qui nous conduit à proposer cette disposition, qui recueille d’ailleurs le soutien tant des syndicats de sapeurs-pompiers que des représentants des employeurs : il s’agit d’être sûr de pouvoir compter dans tous les territoires sur un vivier suffisant de sapeurs-pompiers volontaires pour continuer de faire fonctionner notre modèle. On se rend compte aujourd’hui – vous vous en rendrez compte si vous organisez des auditions dans votre circonscription – qu’il peut se présenter un obstacle au moment de l’embauche car, lorsqu’un salarié est obligé de s’absenter de manière récurrente pour aller en intervention, cela pose des problèmes. L’allégement de charges n’est qu’une maigre reconnaissance de l’engagement de l’employeur pour le bien collectif des citoyens. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL37 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement vise à aller plus loin que ce que propose le rapporteur, en prévoyant que les entreprises qui recrutent des sapeurs-pompiers volontaires bénéficient d’une exonération de cotisations patronales totale pour les heures du salarié effectuées hors de l’entreprise, dans l’hypothèse bien sûr où aucune convention particulière ne suspendrait toute rémunération.

Pour moi, il ne s’agit pas, comme pour M. Ugo Bernalicis, d’aborder la question sous l’angle pratique ou sous celui d’une compensation. C’est une simple question de justice : on ne voit pas pourquoi les entreprises paieraient des cotisations patronales pour des heures qui ne sont pas effectuées dans le contexte de l’entreprise mais pour une mission de service public – on pourrait évidemment gloser sur une possible substitution de l’État. Quoi qu’il en soit, c’est tout simplement une mesure rationnelle qui vise à mieux délimiter ce qui relève de l’activité professionnelle et ce qui relève de l’activité volontaire ; elle pourrait aussi nous aider dans le différend que nous avons avec la CJUE, en montrant clairement que, lorsque le sapeur-pompier est en dehors de l’entreprise, il n’est salarié de personne.

M. Arnaud Viala, rapporteur. J’en profite pour remercier Julien Aubert du travail qu’il accomplit sur ce sujet, puisqu’il a lui-même récemment déposé une proposition de loi.

Comme je l’ai exposé, notre souhait est d’apporter une reconnaissance à la fois aux sapeurs-pompiers volontaires engagés et aux chefs d’entreprise qui, lorsqu’ils ont dans leur entreprise des sapeurs-pompiers volontaires, sont parfois eux-mêmes sapeurs-pompiers volontaires ou en tout cas très engagés en faveur de notre modèle de sécurité civile. Vous proposez, cher collègue, d’aller plus loin que nous ; je souhaiterais que nous puissions en discuter d’ici à la séance. Je vous invite ainsi à retirer votre amendement pour que nous ajustions « nos violons ».

M. Julien Aubert. Dans tout bon orchestre, il y a un premier violon. N’ayant pu fusionner ma proposition de loi avec celle de mes collègues, je retire cet excellent amendement, en espérant que cela permettra d’aboutir à une harmonie plutôt qu’à une cacophonie.

L’amendement est retiré.

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2 (art. L. 723-11 du code de la sécurité intérieure, art. L. 3142-89 du code du travail) : Fixation d’une durée minimale d’autorisation d’absence

La Commission est saisie de l’amendement CL43 du rapporteur.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Certains d’entre vous ont fait valoir que des précisions méritaient d’être apportées à l’article 2. C’est l’objet de cet amendement, qui vise à définir précisément les activités pour lesquelles les sapeurs-pompiers volontaires peuvent bénéficier d’une autorisation d’absence.

Pour rappel, l’article 2 consiste à fixer une durée minimale d’autorisation d’absence aux salariés, même s’ils ne sont pas couverts par une convention de disponibilité. Par définition, ces autorisations d’absence ne peuvent concerner les opérations habituelles pour lesquelles le sapeur-pompier volontaire est inscrit sur un planning et ne part que s’il est appelé. Il nous a donc semblé nécessaire de préciser que ces autorisations d’absence sont valables pour participer à des formations ou encore en situation de crise – consécutive à des évènements climatiques, par exemple.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL22 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Le présent amendement vise à étendre aux sapeurs-pompiers volontaires, pour les interventions liées aux situations de crise, le régime légal d’autorisation d’absence à l’égard des employeurs applicable aux réserves opérationnelles composées de citoyens chargés d’appuyer les forces armées et formations rattachées, notamment à l’occasion d’événements exceptionnels ou de crises de toutes natures sur le territoire national.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Votre amendement prévoit de restreindre le champ d’application de l’autorisation d’absence aux seules situations de crise. Je vous demande de le retirer pour que nous nous accordions sur la rédaction de l’article d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

La Commission rejette l’article 2.

Article 3 (art. L. 6313-3, L. 6323-4, L. 6323-6, L. 6331-1, L. 6331-3 du code du travail) : Formation des sapeurs-pompiers volontaires

La Commission rejette l’amendement rédactionnel CL44 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 3.

Après l’article 3

La Commission est saisie de l’amendement CL2 de M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte. Il s’agit de permettre à un volontaire en service civique auprès d’un centre d’incendie et de secours de recevoir la formation initiale permettant d’intégrer le corps des sapeurs-pompiers volontaires, sous réserve de la souscription d’un engagement. Cela permettrait de dispenser une formation rapide, alors qu’aujourd’hui celle-ci est généralement très longue et exige une grande disponibilité qui peut parfois décourager des candidats.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Nous comprenons parfaitement l’objectif de votre amendement mais l’article L. 1424-37 du code général des collectivités territoriales dispose déjà que : « Tout sapeur-pompier volontaire ou tout volontaire en service civique des sapeurs-pompiers bénéficie, dès le début de sa période d’engagement, d’une formation initiale et, ultérieurement, d’une formation continue. » Votre amendement me semble donc satisfait. Je vous propose que nous le vérifiions ensemble d’ici à la séance, si vous le retirez.

M. Fabien Matras. L’idée est intéressante. Il y a d’autres sujets, plus larges, sur le service civique et une discussion a actuellement lieu avec le ministre en charge de ces questions. Ce que vous proposez fait déjà l’objet d’une expérimentation dans le SDIS du Morbihan, qui pourrait être élargie. Il faut parvenir à une solution concertée qui s’inscrive pleinement dans le service national universel (SNU) à venir. Nous ne voterons pas cet amendement car ce n’est pas le moment, mais cela peut être évoqué dans un débat futur.

Mme Valérie Lacroute. Même si une réflexion plus large a été engagée sur les sapeurs-pompiers volontaires, cette proposition est l’occasion d’adopter des mesures sans tarder. Voyez ce qu’il en est de la décision de rendre les péages gratuits pour les véhicules prioritaires, prise il y a plusieurs mois : elle n’est toujours pas mise en œuvre. Cette proposition de loi, même si elle n’est ni parfaite ni complète, devrait être adoptée car cela permettrait des avancées non négligeables, notamment sur la formation, sans attendre, compte tenu de l’inquiétante longueur des délais de publication des décrets, que vous ayez terminé ce travail minutieux et de longue haleine qui englobe beaucoup d’autres sujets.

M. Julien Aubert. Mme Valérie Lacroute vous l’a dit de manière très aimable, mais il faut savoir mettre les pieds dans le plat : sur plusieurs textes, par exemple sur l’agriculture, on nous a expliqué que notre idée était excellente, mais qu’il est urgent d’attendre et que nous aurons un « véhicule » adapté dans les mois à venir. C’est très mauvais en termes d’image car cela donne le sentiment que le Parlement n’est qu’un lanceur d’alerte, sans jamais entrer dans les aspects concrets et pratiques. Cela donne en outre à penser que la réflexion n’a pas lieu entre la majorité et l’opposition mais au sein de la seule majorité ou, pire, en dehors du Parlement, au sein de l’administration. J’appelle votre attention sur ce point : les Français ne continueront pas longtemps à payer une danseuse qui ne danse pas…

Il peut nous arriver de nous opposer sur des sujets très politiques, mais l’idée de M. Rémi Delatte est de bon sens : permettre à quelqu’un qui signe un contrat de service civique de bénéficier d’une formation initiale de sapeur-pompier volontaire peut donner lieu à consensus. Si vous ne pouvez pas voter pour, il vous est toujours possible de vous abstenir ; cela permettrait que nous ayons dans l’hémicycle un véritable débat sur ce sujet qui intéresse les Français.

M. Rémi Delatte. Je maintiens l’amendement.

M. Rémy Rebeyrotte. Il me semble que notre objectif à tous est d’échapper à la logique de la directive européenne ou plutôt, et c’est le travail engagé par le ministère de l’intérieur, de travailler avec l’Union européenne afin d’être en mesure, ou bien de continuer à déroger à la directive, ou bien de faire reconnaître le statut spécifique du sapeur-pompier volontaire, pas seulement en France mais aussi en Belgique et dans d’autres pays. L’enjeu est là, et déstabiliser notre droit à ce moment serait prendre le risque de ne pas pouvoir plaider dans le bon sens pour aboutir à une solution efficace. Cette solution demande quelques mois. Le ministère de l’intérieur travaille avec les instances de l’Union européenne, notamment la Commission, pour aboutir à un accord.

Cette proposition de loi comporte des mesures intéressantes mais il s’agit aujourd’hui de temporiser et de sortir par le haut d’une situation qui, rappelons-le, est un « effet de bord » d’une directive européenne de 2003 sur les conditions de travail qui avait été voulue par la France… Je ne souhaite pas polémiquer mais cela montre comment de bonnes idées peuvent parfois créer des situations impossibles. Stabiliser le droit et prendre le temps de la négociation avec l’Union européenne me paraît donc essentiel ; et une fois le moment venu, il faudra avancer sur ce terrain et reprendre ces propositions très intéressantes.

M. Arnaud Viala, rapporteur. La discussion sur cet amendement en dépasse largement la portée. Nous ne pouvons pas être taxés, monsieur Rebeyrotte, de vouloir déstabiliser le modèle français de sécurité civile : nous souhaitons au contraire contribuer à sa pérennisation et à l’optimisation des moyens mis à sa disposition pour qu’il fonctionne correctement. Si nous avons choisi, et c’est délibéré, de déposer cette proposition de loi maintenant, c’est pour deux raisons. Nous voulons tout d’abord apporter notre soutien et celui du Parlement à la France pour qu’elle obtienne gain de cause dans la reconnaissance du statut de sapeur-pompier volontaire auprès de l’Europe, avec cette difficulté que la directive est issue de notre pays, ce qui nous s'oblige à faire preuve de subtilité… Ensuite, il nous semble qu’en complément de ce débat sur le statut de sapeur-pompier volontaire et donc le modèle de sécurité civile, partout s’exprime l’urgence de reconnaître et d’encourager le volontariat si nous voulons, sans modification du droit européen, que le modèle tienne dans la durée, car le nombre de sollicitations augmente, celui des volontaires stagne ou diminue, et la plupart des SDIS sont « dans le rouge ».

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL9 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à prendre en compte l’engagement de sapeur-pompier volontaire comme critère prioritaire dans les procédures de mutation des fonctionnaires, au même titre que le rapprochement familial ou les situations de handicap.

M. Arnaud Viala, rapporteur. L’amendement me semble très pertinent car il répond aux trois objectifs que nous nous fixons : reconnaître les exigences du volontariat, valoriser et récompenser les sapeurs-pompiers volontaires, inciter le plus grand nombre à s’engager comme volontaires. Toutefois, il serait utile d’aller un peu plus loin dans l’analyse car les différentes catégories de fonction publique n’ont pas les mêmes critères de mise en œuvre des mutations. Énoncer simplement le principe de priorité pourrait conduire, là encore, à des effets de bord. Je souhaiterais donc que nous précisions l’amendement d’ici à la séance.

M. Fabien Matras. Vous ne pouvez reprocher à la majorité de renvoyer systématiquement la discussion à des travaux en cours : dans le cas de la gratuité des péages, nous l’avons votée avec M. Ciotti, et certains d’entre vous présents ce matin avaient d’ailleurs cosigné ma tribune parue dans le journal Le Monde au mois de février pour dire que la faute incombait aux sociétés d’autoroute et non au Gouvernement, qui essaye de la mettre en œuvre. Nous avons en outre adopté hier une proposition de loi sur les PATS venant du Sénat et des Républicains. Mais le présent texte mérite selon nous un travail plus approfondi, de même que cet amendement, qui me semble intéressant mais qui implique de prévoir quelques conditions sur ces facilités de mutation plutôt que de poser un principe général qui s’appliquerait de la même manière à tout le monde.

M. Raphaël Schellenberger. Vous avez beau vous réfugier derrière toutes les approximations juridiques et politiques possibles, le problème est bien celui de l’incapacité du Gouvernement à faire appliquer la loi. Nous avons voté la gratuité des péages dans le consensus, et l’on peut s’en satisfaire, mais une fois que la loi est votée, c’est au Gouvernement de l’appliquer. On peut espérer des acteurs, que ce soient des citoyens, des entreprises, des porteurs d’initiatives, etc., qu’ils anticipent les règles d’application de la loi, ce serait une bonne chose pour la qualité du vivre-ensemble. On peut regretter que les sociétés d’autoroute n’aient pas décidé d’elles-mêmes d’appliquer la loi ; reste que ce qui manque aujourd’hui au texte sur la gratuité des autoroutes pour nos sapeurs-pompiers, ce sont les décrets d’application, qui sont à la charge du Gouvernement.

À raconter tout et n’importe quoi, on contribue à créer la confusion dans l’esprit des Français sur le fonctionnement de nos institutions. Notre rôle est d’être responsables, d’expliquer comment se passent les choses et où sont les blocages. Nous avons voté un texte que le Gouvernement refuse d’appliquer.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Monsieur Matras, il ne faut pas faire l’amalgame entre le travail de fabrique de la loi que nous sommes en train de conduire et la mise en application de la loi une fois celle-ci votée. Placer sur le même plan notre travail sur la présente proposition et la non-application d’un texte adopté il y a plusieurs mois n’est pas de bon aloi.

Par ailleurs, la promesse du « nouveau monde », c’était l’ouverture et ce que les Français ont compris comme devant être la prise en compte de points de vue pragmatiques et allant dans le bon sens, d’où qu’ils viennent. Vous démontrez une fois de plus que cette promesse, loin d’être tenue, est totalement reniée, alors même que, par notre travail, nous vous tendons la main pour accompagner des dynamiques portées par le Gouvernement qui nous paraissent devoir être soutenues, en particulier sur le modèle de sécurité civile française. Nous montrons dans ce travail que nous ne faisons preuve d’aucun parti-pris idéologique ; j’émets par exemple des avis sur les amendements sans faire de différence entre ceux de mes amis politiques et les autres.

La Commission rejette l’amendement.

Article 4 (art. L. 241-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre) : Accès aux emplois réservés

La Commission est saisie de l’amendement CL29 de Mme Danièle Obono.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement prévoit un dispositif différent de celui proposé en améliorant la possibilité pour les sapeurs-pompiers volontaires d’accéder à la fonction publique sans passer par le dispositif des emplois réservés. Il s’agirait de passer, à partir d’un minimum d’ancienneté en tant que sapeur-pompier volontaire, des concours par la voie interne dans les trois fonctions publiques. Nous pensons que le statut des emplois réservés doit rester restreint à la liste actuellement en vigueur.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Je ne suis pas certain que votre présentation soit l’exact reflet du contenu de votre amendement… Quoi qu’il en soit, j’émets un avis défavorable pour deux raisons. Tout d’abord, tout en partageant votre volonté de favoriser l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires, je pense que les autoriser à participer aux concours internes de la fonction publique, alors que nous voulons distinguer volontariat et statut de travailleur, serait un mauvais signal. Ensuite, vous proposez de revenir sur la durée d’engagement minimal ; alors que vous venez de gloser sur le fait qu’il ne fallait pas récompenser outre mesure un engagement par essence volontaire, votre proposition n’est guère cohérente avec ce point de vue.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL45 du rapporteur.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision. L’article 4 permet à tous les sapeurs-pompiers volontaires de postuler aux emplois réservés de la fonction publique à titre non prioritaire. Actuellement, seuls les sapeurs-pompiers volontaires blessés en service y ont accès, à titre prioritaire en ce qui les concerne.

Cette disposition ne présente aucun coût supplémentaire et facilitera l’accès à l’emploi des sapeurs-pompiers volontaires et la conciliation entre leur vie professionnelle et leur engagement.

Le présent amendement vise à éviter tout risque d’abus en prévoyant une durée d’engagement minimale de cinq ans pour pouvoir candidater à ces emplois.

M. Fabien Matras. Encore une fois, l’idée est intéressante, mais je crois que ce n’est pas suffisamment encadré, même avec une durée de cinq ans ; il faudrait poser d’autres conditions. Ce sont des sujets évoqués dans la discussion que je mène avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. Nous ne sommes pas encore assez avancés dans les travaux pour prendre une décision définitive.

M. Julien Aubert. Puisque vous parlez d autres conditions, monsieur Matras, quelles conditions devraient selon vous être incluses, et pourquoi ?

M. Fabien Matras. On pourrait par exemple réserver aux sous-officiers les concours d’accès aux grades de catégorie B et aux officiers ceux aux grades de catégorie A… Ce sont des discussions qu’il faut avoir avec les représentants des sapeurs-pompiers volontaires, mais également avec les syndicats de la fonction publique, qui ont aussi leur mot à dire sur ces questions.

M. Arnaud Viala, rapporteur. À ceci près que que ce que vous évoquez, monsieur Matras, ne relèvera pas de la loi, puisque c’est de niveau réglementaire…

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite l’article 4.

Après l’article 4

La Commission examine l’amendement CL8 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à généraliser le bénéfice des emplois publics réservés aux sapeurs-pompiers volontaires ayant au moins cinq années d’engagement – et non plus seulement à ceux qui ont été victimes d’un accident ou d’une maladie –, à l’instar des anciens militaires ayant accompli au moins quatre ans de service.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Je comprends parfaitement le sens de l’amendement mais nous avons un sujet de préoccupation sur le 2°, visant les « sapeurs-pompiers volontaires servant ou ayant servi en France à titre étranger ». Il n’existe pas à l’heure actuelle de condition de nationalité pour être sapeur-pompier, ni volontaire ni professionnel, et nous n’avons pas réussi à identifier les cas où un sapeur-pompier aurait exercé à l’étranger. Je vous demande de retirer votre amendement pour que nous y retravaillions ensemble.

L’amendement est retiré.

Article 5 (art. 2 de la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service) : Extension de la couverture sociale des sapeurs-pompiers volontaires

La Commission est saisie de l’amendement CL46 du rapporteur.

M. Arnaud Viala, rapporteur. L’article 5 garantit l’intégralité de la couverture des frais de santé liés au service pour les sapeurs-pompiers volontaires.

Cet amendement supprime l’article 19 de la loi du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires, en vertu duquel les sapeurs-pompiers volontaires, qu’ils soient fonctionnaires – titulaires ou stagiaires – ou militaires, bénéficient de la protection liée à leur emploi en cas d’accident survenu ou de maladie contractée dans leur service de sapeur-pompier.

Cette distinction entre les sapeurs-pompiers volontaires est importante : selon qu’ils sont salariés du secteur privé ou des collectivités publiques, leur couverture sociale n’est pas identique. Les salariés des collectivités publiques sont couverts par ces dernières lorsqu’ils ont un accident dans le cadre de leur mission de sapeur-pompier, non par le SDIS.

Mais cet article 19 prévoit également qu’un sapeur-pompier volontaire peut se tourner vers son SDIS pour être couvert.

Offrir un tel choix conduit à faire porter le risque financier lié aux frais de santé du sapeur-pompier volontaire à la fois sur le SDIS et sur son employeur. Si bien que l’employeur public, notamment dans de petites collectivités territoriales, est inquiet d’employer un sapeur-pompier volontaire et que le SDIS s’assure au cas où le sapeur-pompier volontaire se tournerait vers lui, ce qui entraîne une double couverture dans bien des cas.

La suppression de l’article 19 placerait l’ensemble des sapeurs-pompiers volontaires dans la même situation : ils seraient couverts par leur SDIS pour les frais de santé liés à leur service.

Lors des auditions, nous avons approfondi ce point avec les représentants des responsables des SDIS. Deux cas de figure coexistent : soit le SDIS est assuré, auquel cas l’assurance porte sur la totalité de son personnel sans distinction de statut ; soit il ne l’est pas, auquel cas le nombre de sapeurs-pompiers salariés des collectivités est très faible et le surcoût facilement absorbable par les SDIS.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 5.

Article 6 (art. 12 de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers) : Bonification de trimestres de retraite

La Commission examine l’amendement CL48 du rapporteur.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Cet amendement apporte une précision au dispositif qui octroie aux sapeurs-pompiers volontaires une bonification des cotisations pour la retraite à partir de quinze ans d’engagement. Les sapeurs-pompiers qui atteindraient quinze ans d’engagement bénéficieraient de trois trimestres, soit un an de cotisation supplémentaire, puis de deux trimestres supplémentaires pour chaque période de cinq ans. Un sapeur-pompier dont l’engagement durerait trente ans pourrait ainsi partir trois ans plus tôt à la retraite, ce qui nous semble tout à la fois mérité et raisonnable compte tenu de la lourdeur de l’engagement.

M. Fabien Matras. C’est une idée intéressante, et le Président de la République ainsi que M. Jean-Paul Delevoye, qui est en charge de la réforme des retraites, se sont prononcés en faveur de la prise en compte de l’engagement comme sapeur-pompier volontaire dans le nouveau système. Cette mesure va voir le jour, mais faut-il prévoir une bonification aujourd’hui, alors que la réforme des retraites est imminente ? Il est plus pertinent d’attendre la présentation de cette réforme et d’y intégrer ces avantages. Nous pourrions voter cette mesure aujourd’hui pour donner un signal, mais le temps qu’elle soit appliquée, la réforme des retraites sera présentée.

M. Éric Diard. Non, je ne crois pas !

M. Fabien Di Filippo. Permettez-moi de douter de la dernière affirmation de notre collègue : vu la situation, la réforme des retraites est très loin d’aboutir… Quoi qu’il en soit, il n’est pas simplement question de régler une situation liée à la directive « travail » de 2003 et à son interprétation par la CJUE, mais d’encourager le bénévolat et le volontariat. Il est urgent d’aider les petits centres de secours dans les petites communes – qui assurent une proximité permettant parfois de sauver des vies – à continuer de recruter.

Cette mesure va dans le bon sens, et j’ai rédigé une proposition de loi qui étendrait son champ d’application à l’ensemble des bénévoles reconnus dans différents dispositifs. Il n’est pas nécessaire d’attendre un, deux ou cinq ans un engagement hypothétique qui n’est pas tenu aujourd’hui. Si vous étiez d’accord là-dessus, votre engagement moral devrait vous amener à voter en votre âme et conscience et soutenir cette disposition.

M. Julien Aubert. L’argumentation de notre collègue Fabien Matras révèle un problème tenant à l’organisation de nos institutions. La loi est soit à l’initiative des parlementaires, soit à l’initiative du Gouvernement. Mais la part de l’initiative des parlementaires est résiduelle.

En filigrane, M. Fabien Matras laisse entendre que lorsque le Gouvernement réfléchit à un projet, le Parlement devrait s’abstenir de légiférer sur le même sujet car le moment est mal choisi. Or la démarche actuelle consiste à ouvrir tous les chantiers en même temps. Dès lors, à l’échelle d’un quinquennat, le Parlement ne doit consacrer sa part résiduelle de l’initiative des lois qu’aux sujets qui n’ont pas été abordés par le Gouvernement, ce qui, de facto, réduit les propositions de lois à des sujets tout à fait mineurs.

Autre argument : le Parlement serait bien inspiré de s’abstenir d’intervenir lorsqu’un sujet est débattu entre la Commission européenne et le Gouvernement pour ne pas fragiliser notre position à Bruxelles… C’est oublier le caractère politique que peut donner un Parlement : à travers lui, c’est la Nation française, qui est souveraine, qui émet un signal. Je pense que cela aide nos négociateurs, que cela peut montrer que le sujet n’est pas uniquement administratif et qu’il existe un consensus politique sur cette question, nonobstant la remarque du rapporteur sur l’effet boomerang d’une directive voulue par la France sur le statut des sapeurs-pompiers volontaires.

Pour que les journées réservées aient un intérêt, encore faut-il qu’elles ne soient pas réduites à la portion congrue, sinon il suffirait à un gouvernement de prendre la parole sur un sujet pour nous réduire au silence :

M. Fabien Matras. Ce n’est pas ce que j’ai dit : je maintiens que l’idée peut être intéressante, mais qu’elle devrait s’inscrire dans une réforme globale à venir. C’est ma conviction, non celle du Gouvernement, qui ne s’est du reste pas prononcé sur cette proposition de loi. Je pense que nous devrions attendre de discuter du texte consacré aux retraites pour discuter de la retraite des sapeurs-pompiers volontaires.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 6.

Chapitre II
Mesures structurelles pour faciliter l’exécution des missions

Article 7 (art. L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation) : Accès aux logements sociaux

La Commission rejette l’article 7.

Article 8 (art. L. 1424-9 du code général des collectivités territoriales) : Dérogation à la correspondance grade-emploi

La Commission est saisie de l’amendement CL47 du rapporteur.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Cet amendement restreint le champ de la dérogation à la correspondance entre les grades et les emplois prévue à l’article 8.

La réforme de 2012 a fait correspondre à chaque emploi un grade, et elle permet aux sapeurs-pompiers d’aligner leur grade sur la fonction qu’ils occupent sur une période courant jusqu’en 2020.

Permettre cette dérogation pour les non-officiers reviendrait à récompenser les SDIS qui n’ont pas joué le jeu de la réforme de 2012 et n’ont pas fait monter en grade leurs effectifs.

La dérogation reste en revanche pertinente pour les officiers, car les effectifs d’officier sont plus restreints, et certains SDIS éprouvent de réelles difficultés à disposer du nombre d’officiers suffisant pour pourvoir tous les emplois.

Mme Valérie Lacroute. De nombreux SDIS sont effectivement confrontés à des difficultés pour confier certaines fonctions à des sapeurs-pompiers professionnels officiers, du fait de la carence d’effectifs pour certains grades. Cette situation résulte d’une révision récente des correspondances entre les grades et les fonctions, et de la fin de la période transitoire de sept ans. Les décrets récemment adoptés ne permettent pas de résoudre les problèmes rencontrés.

Le législateur peut cependant agir pour prévoir des dérogations à l’exigence de correspondance entre la fonction et le grade. Deux conditions cumulatives sont nécessaires pour ne pas affecter le bon fonctionnement du service des sapeurs-pompiers professionnels. Sans entrer dans le détail, cet article ouvre au président du conseil d’administration du SDIS et à l’autorité compétente de l’État la possibilité de nommer à un certain emploi un sapeur-pompier professionnel d’un autre grade, dès lors que la formation nécessaire a été reçue, afin de pallier les manques d’effectif.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 8.

Article 9 (art. L. 6153-1-1 [nouveau]) : Stage d’étudiants en médecine au sein des SDIS

La Commission est saisie de l’amendement CL51.

M. Arnaud Viala, rapporteur. L’article 9 étend la possibilité d’effectuer des stages dans des SDIS pouvant être comptabilisés comme des stages obligatoires à tous les étudiants en santé.

Cette possibilité doit être ouverte au-delà des seuls étudiants en médecine car d’autres professions peuvent être utiles aux services de santé et de secours médical. L’amendement CL51 mentionne donc l’ensemble des étudiants en santé tels qu’ils sont définis à l’article L. 6153-1 du code de la santé publique, à savoir les étudiants en médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL52 du rapporteur.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Cet amendement adapte le dispositif au fonctionnement des études de médecine. Nous avons consulté le président de la conférence des doyens des facultés de médecine ; il a jugé l’idée très intéressante, mais nous a signalé que le stage ne pouvait pas durer six mois. Je propose donc de ne pas prévoir de durée, afin de laisser plus de souplesse à ce dispositif dont nous fixons ici uniquement le principe.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 9.

Après l’article 9

La Commission examine en discussion commune les amendements CL36 de M. Julien Aubert, CL13 de M. Éric Pauget, et CL1 de M. Rémi Delatte.

M. Julien Aubert. Mon amendement CL36 tend à exonérer les SDIS de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Les SDIS sont redevables de plein droit de cette taxe alors que la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 rend possible une exonération partielle pour certaines utilisations, notamment les ambulances.

En zone rurale, faute de prestataires privés, les sapeurs-pompiers prennent en charge le transport sanitaire dit « non urgent ». Le remboursement aux SDIS des frais d’intervention s’effectue sur la base d’un forfait dont le montant est très éloigné du coût réel de la prestation, ce qui affecte évidemment l’équilibre financier des SDIS.

M. Éric Pauget. Je propose également par mon amendement CL13 d’exonérer les SDIS de la TICPE, à l’instar d’un certain nombre de professions. Je rappelle que les marins-pêcheurs, par exemple, bénéficient de cette exonération. Un certain nombre de professions bénéficient d’un taux réduit, notamment dans le domaine de l’agriculture. Les navires, autres que ceux de loisirs et de plaisance, bénéficient aussi de cette exonération, de même que les avions.

Au vu des contraintes financières et budgétaires qui pèsent sur les SDIS et de leurs missions de secours républicain, cette exonération est justifiée, d’autant qu’elle permettrait de dégager des marges de manœuvre pouvant être investies dans la mise à niveau du parc de véhicules.

M. Rémi Delatte. Mon amendement CL1 prévoit également d’exonérer de TICPE le carburant utilisé par les SDIS, au même titre que les ambulances et les véhicules militaires. Ce serait une manière efficace de soutenir les capacités d’investissement de nos services départementaux d’incendie et de secours. Les volumes concernés sont importants, ces véhicules consomment beaucoup et eu égard à l’importance des missions confiées à nos sapeurs pompiers, il paraît juste d’accorder cette exonération.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Notre groupe a proposé à plusieurs reprises cette exonération, et à chaque fois le Gouvernement se cache derrière le droit européen ou d’autres arguments. Pourtant le carburant utilisé par les forces armées est exonéré de TICPE au moyen d’un remboursement. L’article 5 de la directive autorise aussi des dérogations pour les transports publics locaux. On ne voit donc pas du tout pourquoi les SDIS ne pourraient pas en bénéficier.

Cette exonération est d’autant plus urgente que la TICPE augmente régulièrement, ce qui grève les budgets des SDIS, et indirectement les finances des départements. En somme, ce sont les contribuables des départements qui vont, une fois de plus, payer pour des décisions de l’État. Avis favorable à ces amendements.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL32 de M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. En octobre 2017, un amendement, que j’avais déposé et qui a été sous-amendé à l’initiative de M. Fabien Matras, a été adopté à l'unanimité dans le cadre de l’examen de la loi de finances. Il a prévu la gratuité des péages pour « les véhicules d’intérêt général prioritaires » du SAMU, de la gendarmerie, de la police et des pompiers. Dix-huit mois après son vote, le décret d'application de cette mesure n’a toujours pas vu le jour. Nous sommes confrontés à un véritable scandale qui traduit un mépris profond du Parlement et affaiblit la valeur normative de la loi, expression de la volonté générale.

J’ai entendu dire que cela ne relevait pas de la compétence du Gouvernement. Au contraire, cela relève de la capacité du Gouvernement à faire respecter la loi. Seul le Gouvernement, aujourd’hui, peut faire respecter la loi aux concessionnaires d’autoroutes qui refusent de le faire.

Ce scandale, je le répète, affaiblit le Parlement, humilie les parlementaires, et démontre la faiblesse du Gouvernement à l’égard des intérêts financiers. Il traduit le manque de respect pour nos grands services publics : policiers, gendarmes et pompiers qui accomplissent une mission d’intérêt général reconnue systématiquement sitôt qu’un drame se produit. Mais lorsqu’il s’agit de témoigner de la considération, la détermination s’amoindrit. De grands groupes financiers ont tiré des profits considérables de la privatisation des concessions autoroutières et refusent aujourd’hui le moindre effort en faveur de nos sapeurs-pompiers. Nous ne pouvons l’accepter.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Je souscris entièrement à la demande d’Éric Ciotti. Il est ahurissant qu’une disposition adoptée par le législateur il y a dix-huit mois ne soit toujours pas suivie d’effets, surtout qu’elle était le fruit d’un compromis avec la majorité.

La demande adressée au Gouvernement de remettre un rapport est très pertinente : ce n’est certes qu’un pis-aller, mais cela va permettre de faire la lumière sur la situation et au Gouvernement d’expliquer ce qu’il a réellement demandé aux concessionnaires d’autoroutes. Il permettra aussi à la majorité d’obtenir des réponses sur ce point, puisqu’elle avait voté ces dispositions et devrait, autant que nous, se demander pourquoi elles ne sont pas appliquées. Avis favorable.

M. Fabien Matras. Analysons la question en droit. Nous avons voté la gratuité des péages pour les véhicules d’urgence prioritaires en intervention. Mais les concessions d’autoroutes, signées en 2003 sous une majorité différente, prévoient des compensations dans ce cas. L’État pourrait imposer cette gratuité, mais les sociétés d’autoroutes menacent alors de faire un recours et d’exercer les voies de droit à leur disposition. C’est pourquoi j’avais proposé la cosignature d’une tribune, publiée dans Le Monde, et je remercie encore les nombreux députés Les Républicains qui l’ont signée.

Il ne faut pas se tromper de cible : le problème ne vient pas du Gouvernement, qui est confronté à une difficulté légale car les concessions prévoient des compensations financières. En votant la gratuité, nous ne voulions pas que l’État paye à la place des départements…

Les sociétés d’autoroutes doivent jouer le jeu et faire preuve d’un minimum de civisme en s’abstenant de brandir la menace d’un recours devant le Conseil d’État. C’était le sens de la tribune publiée dans Le Monde, que vous avez été nombreux à signer. Je regrette aujourd’hui qu’au sein de cette commission, on en revienne à imputer la responsabilité au Gouvernement plutôt qu’aux sociétés d’autoroutes. D’un point de vue juridique, il est clair que le blocage vient des sociétés d’autoroutes.

Mme Valérie Lacroute. Qu’il s’agisse de l’amendement sur la TICPE ou de la gratuité des péages, nous voyons que la discussion porte sur des aspects budgétaires, et sur les transports. Le projet de loi d’orientation des mobilités, actuellement en discussion au Sénat, viendra dans quelques semaines devant l’Assemblée nationale. Nous pouvons espérer que ces deux dispositions, qui ne seront malheureusement pas votées aujourd’hui, pourront y trouver leur place.

Leur mise en œuvre relève du Gouvernement, et particulièrement de la ministre des transports. Monsieur Matras, vous évoquiez la possibilité d’un recours de la part des sociétés d’autoroutes ; je pense que la discussion se situe au niveau de la ministre des transports, qui entretient des relations fréquentes avec ces sociétés. Elle peut revenir sur la question des péages dans le cadre plus global de ces échanges.

La loi d’orientation des mobilités sera bientôt débattue à l’Assemblée nationale, et les députés Les Républicains reviendront sur ces questions. J’invite le Gouvernement à accepter les amendements qui permettront d’exonérer de TICPE les sapeurs-pompiers et de mettre en œuvre concrètement la gratuité des péages pour les SDIS.

M. Julien Aubert. Pour une fois, je rejoins M. Fabien Matras : nous avons conclu des accords avec les sociétés concessionnaires des autoroutes extrêmement avantageux, bétonnés juridiquement, et du coup créé un État dans l’État. Après quatre ou cinq ans, l’emprunt que ces sociétés avaient contracté pour acheter ces concessions a été remboursé, elles sont désormais assises sur une rente et s’abritent derrière ces contrats pour exciper différents arguments. La majorité précédente avait tenté de rectifier le tir, elle s’était cassé les dents, je ne vous jette donc pas la pierre.

J’observe néanmoins que pendant la crise des gilets jaunes, la gratuité s’est installée parfois et nous sommes arrivés à faire reculer les sociétés d’autoroutes lorsqu’elles ont eu la très bonne idée de prétendre qu’elles allaient rattraper le montant perdu. C’est la preuve que lorsque la pression est suffisamment importante, elles comprennent vite où est leur intérêt.

Je rappelle par ailleurs que vous êtes en train de négocier la privatisation d’Aéroport de Paris (ADP), que nous avons combattue, dossier dans lequel certains concessionnaires d’autoroutes sont quémandeurs. Peut-être qu’en plus du rapport demandé par Éric Ciotti, qui serait un excellent signal pour montrer que nous ne rigolons pas sur la question de la gratuité, nous pourrions ouvrir un débat sur l’avenir de ces concessions : faudrait-il en raccourcir la durée si les sociétés concessionnaires ne comprennent pas que pour un motif d’intérêt général, elles devraient gagner un petit peu moins ? Ce sacrifice ne remettrait pourtant nullement en cause leur équilibre financier, et montrerait qu’il n’y a pas un État dans l’État en France.

M. Rémy Rebeyrotte. Je rejoins M. Aubert lorsqu’il a la dent dure à l’égard des conditions de concession qui ont été faites à l’époque. Nous sommes nombreux à partager ce point de vue, et cette expérience doit nous instruire en vue des futurs contrats de concession. Il faudra vraiment que nous fassions attention à la dimension « intérêt général » dans les futurs contrats de concession. Lorsque cette dimension n’est pas suffisamment prise en compte, il est extrêmement difficile de revenir en arrière sur des contrats aussi bétonnés et extrêmement bien calibrés, car ces sociétés savent s’entourer des meilleurs experts du droit. Cette situation doit nous pousser à être extrêmement vigilants pour l’avenir.

M. Paul Molac. Je ne suis pas sûr que notre acte de contrition intéresse véritablement nos concitoyens. Ils vont nous dire que tout cela, c’est de l’histoire, et que nous devons maintenant assumer les erreurs passées et faire revenir dans l’ordre normal des choses cette situation qui leur semble incompréhensible.

Nous sommes tout de même face au capitalisme aux dents longues : les sociétés d’autoroutes ne veulent même pas comprendre que le secours à personnes suppose de leur part un petit effort. Vu les bénéfices substantiels et juteux qu’elles font – de l’ordre de 20 %, je ne sais pas quelle autre entreprise peut se targuer de tels résultats, s’il s’agissait d’un prêt on parlerait d’usure... je trouve passablement écœurant de les voir pleurer de la sorte.

M. Éric Ciotti. Toutes les interventions vont dans le même sens : nous devons émettre un signal. La Cour des comptes assimile la situation des sociétés concessionnaires des autoroutes à une rente. C’est une question parfaitement symbolique : nous parlons de 15 millions d’euros à la charge des services d’urgence alors que les sociétés en question réalisent quelque 3 milliards de bénéfices annuels dans la plus grande opacité ! Au-delà de leur contrat, ces concessionnaires ne font même pas le geste de comprendre à quel point leur comportement est immoral. La tribune de M. Fabien Matras était très bien, mais il faut selon moi aller au-delà. Cette demande de rapport n’est qu’une légère marque de rébellion du Parlement face à cette inaction. Il appartiendra ensuite au Gouvernement de faire son travail et j’imagine qu’il s’y emploie malgré les difficultés juridiques. Mais mettons-nous au moins d’accord pour envoyer ce message : nous voulons que la loi que nous avons votée à l’unanimité s’applique d’ici à la fin de l’année et que ceux qui sont chargés de son application rendent des comptes. Ce n’est tout de même pas un acte d’opposition frontale au Gouvernement !

M. Arnaud Viala, rapporteur. J’ajoute, pour conclure, qu’il faut considérer ce rapport comme une aide apportée au Gouvernement afin de faire entendre cette voix. Le simple fait que ce débat ait lieu, ce dont je me réjouis, alertera non seulement nos concitoyens mais aussi les sociétés autoroutières quant au caractère inadmissible de leur volonté de refuser la gratuité du passage des véhicules de secours. Je ne comprendrais pas que nous ne votions pas à l’unanimité en faveur de la remise de ce rapport.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous remercie pour vos interventions ; vous avez tous raison. Au-delà de la demande de rapport, nous devons nous saisir de cette question. J’interrogerai le Gouvernement pour savoir où en sont ses négociations avec les sociétés autoroutières ; nous pourrions également les convoquer pour qu’elles viennent s’expliquer devant nous. En tout état de cause, nous ne pouvons pas nous désintéresser de l’application des lois que nous votons, a fortiori lorsqu’elles sont adoptées à l’unanimité. Je m’engage à revenir vers vous pour vous indiquer ce que la commission des Lois peut faire en la matière.

M. Fabien Matras. Nous vous remercions pour votre initiative, madame la présidente. Nous ne voterons donc pas en faveur du rapport, mais nous attendons avec impatience de pouvoir auditionner les sociétés autoroutières ici même.

La Commission rejette l’amendement.

Article 10 (art. 433-5 du code pénal) : Sanction des outrages adressés aux sapeurs-pompiers

La Commission examine l’amendement CL4 de M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte. L’article 10 vise à étendre le délit d’outrage aux menaces et écrits portant atteinte à la dignité des sapeurs-pompiers. En l’état du droit, la qualification du délit d’outrage est liée au fait que ces atteintes ne sont pas rendues publiques. Dès qu’elles le sont, d’une manière ou d’une autre et quelle qu’en soit l’ampleur, elles relèvent alors du régime applicable à l’injure publique qui est beaucoup moins sévère et ne permet pas d’adopter certaines mesures procédurales comme la comparution immédiate, par exemple.

C’est pourquoi mon amendement CL4 vise à étendre la qualification d’outrage indépendamment de son caractère public ou non. Je ne vous cache pas que cette mesure prendrait un relief particulier en cette période troublée et enverrait un signal fort aux pompiers et, plus largement, à toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Avis favorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements identiques CL49 du rapporteur et CL40 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

M. Arnaud Viala, rapporteur. L’amendement CL49 vise à intégrer dans ce texte la proposition de loi de M. Patrick Kanner relative au renforcement de la sécurité des sapeurs-pompiers, qui a été adoptée par le Sénat le 6 mars dernier et qui a été transmise le lendemain à l’Assemblée nationale.

L’objectif initial consistait à permettre aux sapeurs-pompiers de porter plainte anonymement, car ils font parfois l’objet de menaces dans les quartiers où ils interviennent. Nous y sommes naturellement très favorables mais le Sénat est d’avis que ce dispositif présente des difficultés d’ordre constitutionnel et conventionnel.

Dans sa rédaction issue du Sénat, la proposition de loi ouvre la possibilité aux témoins d’une infraction commise sur un sapeur-pompier de garder l’anonymat lors de son audition et dans le dossier de procédure. C’est une avancée qui nous semble essentielle. Nous gagnerions beaucoup de temps en l’adoptant.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. L’amendement CL40 est identique ; il vise à étendre aux sapeurs-pompiers l’anonymisation des plaintes, déjà prévue pour les policiers et les gendarmes.

M. Éric Diard. L’anonymisation des plaintes est une bonne chose : elle permettrait de mettre fin aux abus de ces voyous qui font la loi dans certains quartiers difficiles et aux côtés desquels les sapeurs-pompiers doivent hélas intervenir. Cette mesure serait un pas dans la bonne direction.

M. Julien Aubert. Je constate qu’au fil de l’examen des derniers amendements, la majorité est devenue bien silencieuse… Je regrette que nous passions à côté du débat, d’autant plus que je pressens la présentation d’une motion de renvoi dans l’hémicycle, qui empêchera toute discussion intéressante sur le fond. Il serait donc préférable que nous puissions l’avoir en commission, en particulier sur la question de l’anonymat. D’excellents amendements ont été proposés tout à l’heure ; ils ont été rejetés en bloc. Ceux-ci n’affectent ni la réforme des retraites ni celle de la fonction publique. C’est une mesure de bon sens : l’anonymisation des témoins permettrait de mieux protéger les sapeurs-pompiers.

M. Fabien Matras. Je ne suis pas silencieux, cher collègue. L’anonymisation peut effectivement être une bonne solution, peut-être même plus efficace que le durcissement des peines sanctionnant les agressions commises à l’encontre des sapeurs-pompiers. Ma seule interrogation – je n’ai pas encore la réponse – porte sur la constitutionnalité de cette mesure. Le droit de la défense suppose qu’un plaignant puisse connaître l’identité de son agresseur. La commission des Lois doit avoir ce débat, y compris avec le ministère de la justice, pour trouver une solution.

Évitons les caricatures : tous les membres de cette Assemblée et toutes les majorités précédentes ont essayé de régler le problème des agressions de sapeurs-pompiers et adopté plusieurs textes à ces fins sans toujours y parvenir. La volonté est donc unanime. Je crois cependant que nous ne sommes pas prêts à voter une telle mesure dont je crains qu’elle ne passe pas le filtre du Conseil constitutionnel.

M. Julien Aubert. Elle n’aura aucune chance de le passer si nous ne l’adoptons pas…

M. Raphaël Schellenberger. Au fond, ou bien nous discutons de sujets déjà examinés ailleurs et nous n’avons donc pas de légitimité pour le faire, ou bien il faudrait en discuter davantage, mais le moment n’est pas venu de le faire… C’est invraisemblable ! M. Fabien Matras vient de nous demander de nous saisir de ce sujet au sein de la commission des Lois : c’est ce que nous faisons ! Allons-y, prenons ce risque ! La mesure risque d’être anticonstitutionnelle ? Contraire aux droits de la défense ? Peut-être. Discutons-en, prenons même un risque juridique et politique en adoptant ce texte. Si la majorité estime que c’est trop risqué pour elle, elle n’aura qu’à déposer un recours auprès du Conseil constitutionnel pour obtenir une réponse ferme et définitive ; nous serons alors fixés. Allons-y : votons ce texte !

M. Stéphane Peu. Je souscris à ces remarques ; j’observe que si ce risque d’inconstitutionnalité avait été invoqué au titre de la loi dite anti-casseurs, celle-ci n’aurait pas été examinée, et finalement le Président de la République l’a déférée devant le Conseil constitutionnel. L’argument ne saurait valoir dans un sens sans valoir dans l’autre ! Il ne nous appartient ni de préjuger ni de présager de la décision du Conseil. J’ai moi-même défendu avec plusieurs collègues notre cause auprès du Conseil sur la loi relative à la justice, dont plusieurs articles ont été censurés. Je n’ai pas entendu la majorité refuser de s’aventurer dans tel ou tel article en raison du risque de censure, qui s’est pourtant avéré la semaine dernière !

Mme Valérie Lacroute. Au-delà des aspects juridiques, rappelons les chiffres : les agressions visant les pompiers ont connu une augmentation de plus de 44 % entre 2015 et 2018. Il ne vous a d’ailleurs pas échappé que la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France a lancé en janvier 2018 une campagne intitulée « Touche pas à mon pompier » afin que chaque citoyen puisse témoigner de sa solidarité et de son soutien à l’égard des pompiers. Ces agressions ne se produisent pas seulement dans les quartiers sensibles éligibles à la politique de la ville mais un peu partout sur le territoire. Il me semble important que l’État et notre commission prennent pleinement conscience de cette situation et que la réaction soit immédiate, grâce à cet amendement et, tout simplement, à cette proposition de loi.

M. Fabien Matras. Votre proposition est intéressante mais elle mérite d’être étudiée davantage. Je ne vous dis pas qu’il ne faut pas en discuter, bien au contraire : c’est ce que nous faisons. Vous avez-vous-même résumé le problème : faut-il ou non prendre le risque ? À mon sens, mieux vaut poursuivre la concertation et trouver une solution dont nous serons sûrs qu’elle passera le filtre du Conseil constitutionnel ou d’une éventuelle question prioritaire de constitutionnalité que prendre un risque en adoptant un texte qui ne servira finalement à rien parce qu’il aura été censuré. Un groupe d’études sur les sapeurs-pompiers volontaires a été créé ; tous les groupes politiques y sont représentés. La question des violences commises à l’égard des sapeurs-pompiers mérite d’y être traitée. Je suis d’accord sur l’urgence, mais sommes-nous à deux ou trois mois près pour trouver une solution sûre pouvant être appliquée directement ? Je n’en suis pas certain.

Mme Valérie Lacroute. Il ne s’agit pas de trois mois, mais de bien plus !

M. Arnaud Viala, rapporteur. En effet, il n’appartient pas au Parlement de se substituer au Conseil constitutionnel – à moins que la majorité ne nourrisse le désir de le supprimer lui aussi pour en confier les missions à l’Assemblée nationale, auquel cas nous deviendrions nos propres censeurs.

J’ajoute, monsieur Matras, que vous avez induit la commission en erreur : nous ne discutons pas de l’anonymisation des plaintes, mais de l’anonymisation des témoins. Le Sénat, dont on ne peut guère supposer que les travaux ne sont ni sérieux ni juridiquement étayés, a jugé que l’anonymisation des plaintes pouvait constituer un élément de fragilité mais que celle des témoins, en revanche, ne l’était pas. Les amendements que nous examinons en ce moment visent donc à entériner la mesure adoptée par le Sénat, à savoir l’anonymisation des témoins d’actes commis à l’égard de sapeurs-pompiers. Ne nous trompons pas de débat. Nous viendrons dans un instant aux amendements que d’autres députés ont déposés pour aller plus loin et anonymiser les plaintes ; mais pour l’heure, nous débattons de l’anonymisation des témoins.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle rejette l’article 10.

Après l’article 10

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL23 de Mme Laurence Trastour-Isnart et les amendements CL34 et CL33 de M. Éric Ciotti.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Nous assistons depuis plusieurs années à une recrudescence des agressions de sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Pour l’année 2018, le ministère de l’intérieur a fait état de 153 jets de projectiles, 346 agressions simples et 66 agressions avec arme à l’encontre des sapeurs-pompiers. Le département des Alpes-Maritimes n’est hélas pas épargné par ce fléau puisqu’il a connu l’an dernier une hausse de 42 % de ces violences. Ces agressions sont tout simplement inacceptables. Elles visent des femmes et des hommes dont la mission est de secourir, de protéger et de sauver des vies. En les agressant, ce n’est pas seulement leur vie que l’on met en danger mais aussi celle des victimes prises en charge.

Il convient donc de prendre des mesures fermes et répressives à l’encontre de ces agresseurs. Il faut inscrire dans la loi des indications claires quant à la volonté du législateur de ne plus les tolérer. C’est pourquoi l’amendement CL23 vise à rétablir un système de peines minimales de privation de liberté en cas de crime ou de délit puni de plus de cinq ans d’emprisonnement lorsqu’il a été commis à l’encontre de sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires. Il reprend partiellement le dispositif de la loi de 2007 sur les peines plancher en le recentrant sur les agressions des sapeurs-pompiers. Il vise également à aller plus loin en appliquant les seuils dès la première comparution, et non plus seulement en cas de récidive, et en prévoyant en matière criminelle des peines minimales plus élevées qu’en 2007. Toutefois, pour respecter le principe de l’individualisation des peines, il est suggéré de laisser une marge d’appréciation au juge.

M. Éric Ciotti. Mon amendement CL34 s’inscrit dans le même esprit : nous devons affirmer dans la loi une volonté générale de sanctionner plus et mieux ceux qui portent atteinte à l’autorité publique, à l’intégrité physique d’un policier, d’un gendarme ou d’un pompier – en clair, de quiconque porte un uniforme de la République et, de ce fait, est dépositaire d’une parcelle de l’autorité publique. Porter atteinte à un uniforme, c’est porter atteinte à la République tout entière. Si nous connaissons, dans certains territoires de la République, les dérives actuelles et l’explosion de violences qui, hélas, augmentent depuis de trop nombreuses années, c’est sans doute parce que nous n’avons pas su y donner un coup d’arrêt. Le premier coup d’arrêt à donner consisterait à faire respecter ceux qui sont chargés de faire respecter la loi. Nous devons être extrêmement fermes et déterminés pour protéger ceux qui nous protègent. Tel est l’esprit de cet amendement qui rétablit des peines plancher pour les crimes et délits commis à l’encontre des policiers, des gendarmes et des sapeurs-pompiers.

M. Arnaud Viala, rapporteur. J’émets un avis favorable au rétablissement de peines plancher en cas de crimes commis à l’encontre de sapeurs-pompiers et de personnes dépositaires de l’autorité publique. Il va de soi qu’il est indispensable d’affirmer la spécificité de ces infractions qui doivent être sanctionnées avec plus de sévérité. J’ajoute que dans le contexte que nous connaissons depuis plusieurs semaines, je ne peux qu’encourager les commissaires aux lois à adopter ces amendement.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Pouvons-nous considérer que votre amendement CL33 est défendu, monsieur Ciotti ?

M. Éric Ciotti. C’est un amendement de repli, qui ne concerne plus que les sapeurs-pompiers. Je regrette sincèrement que la majorité refuse systématiquement tous les actes concrets qui vont dans le sens d’une meilleure protection des policiers et des gendarmes. La violence augmente depuis plusieurs mois. Or, dès que nous proposons une mesure visant à mieux protéger ceux qui portent l’uniforme de la République et, ce faisant, à leur signifier notre respect, notre reconnaissance et notre considération, la majorité s’y oppose. Nos concitoyens devront mesurer et apprécier en toute clarté que la majorité En Marche s’oppose à mieux protéger les pompiers, les policiers et les gendarmes !

M. Rémy Rebeyrotte. Tout ce qui est excessif est insignifiant.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Avis favorable.

La Commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement CL14 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Dans le prolongement de ce qui vient d’être dit, je rappellerai à mon tour quelques chiffres : les Alpes-Maritimes ont connu en 2017 et 2018 une hausse de 42 % des agressions commises à l’encontre des pompiers. La succession des samedis montre malheureusement que ces acteurs du secours républicain sont constamment et de plus en plus souvent agressés. Pour remédier à cet état de fait, le présent amendement tend à accroître le quantum de peines visées par des circonstances aggravantes. Surtout, il intègre une catégorie de sapeurs-pompiers trop souvent oubliée, celle des sapeurs-pompiers militaires, qui s’ajoute à Marseille et à Paris à celles des professionnels et des volontaires.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Avis favorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL39 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement sera l’occasion d’avoir le débat que M. Fabien Matras a évoqué tout à l’heure, puisqu’il a fusionné l’anonymisation des témoins avec ce dont il est question ici, à savoir l’anonymisation du sapeur-pompier lorsqu’il dépose plainte. Cette anonymisation ne serait pas automatique : elle ferait l’objet d’une autorisation nominative délivrée par le procureur de la République ou par le juge d’instruction statuant par une décision motivée sur proposition d’un responsable hiérarchique de niveau suffisant, défini par décret. L’agent concerné pourrait ainsi être identifié par un numéro d’immatriculation administrative.

À titre préventif et pour parer à d’éventuels arguments, je souligne que lors d’une confrontation faisant suite au dépôt d’une plainte, la victime se retrouve face à son agresseur et le policier décline son nom, son prénom et son adresse. Or on n’a pas forcément envie de s’exposer à d’éventuelles représailles, notamment dans certains quartiers. D’où l’intérêt de l’anonymat.

Se pose ensuite la question constitutionnelle. On nous a dit que nous ne pouvions en débattre en raison du rôle de la commission, parce que le Gouvernement y réfléchit ou à cause d’un risque de sanction par le Conseil constitutionnel. Je ne plussoie pas cet argument pour la simple et bonne raison que refuser de voter la loi par peur de la sanction du Conseil constitutionnel revient à refuser de jouer un match de football par peur de l’arbitre – ou à commettre un suicide par peur de la mort, comme le disait Bismarck à sa manière. C’est en effet un suicide législatif puisque l’épée de Damoclès du Conseil constitutionnel pèse toujours au-dessus de la tête du législateur : si nous n’attendons même plus la sanction pour nous censurer nous-mêmes, c’est de l’autocensure et nous ne saurons finalement jamais si la mesure en question est constitutionnelle ou pas.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat par anticipation ; avis favorable.

M. Fabien Matras. Je réitère quant à moi la position que j’ai déjà exprimée tout à l’heure – dans un mauvais français, sans doute. Je me répète donc : je ne prétends pas qu’il ne faille pas débattre de la mesure au motif qu’elle est anticonstitutionnelle, bien au contraire : il faut en débattre.

M. Éric Ciotti. Voilà la différence entre vous et nous : vous, vous parlez, nous, nous agissons !

M. Fabien Matras. Il existe toutefois une différence entre débattre et voter. En ce moment, nous débattons ; tout à l’heure, peut-être nous opposerons-nous à votre proposition.

M. Éric Diard. Ce n’est jamais réciproque !

M. Fabien Matras. J’espère que le groupe Les Républicains se ralliera à ma proposition de tenir un débat élargi au sein d’un groupe d’études dans lequel tous les groupes politiques de l’Assemblée nationale sont représentés. Je ne souhaite pas que vous meniez votre concertation dans votre coin pour ensuite nous présenter vos solutions et, si nous ne les adoptons pas, nous reprocher de refuser la discussion.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je signale que cela fait deux heures et demie que nous débattons de ce texte. Prétendre que nous ne discutons pas de ces dispositions est d’une mauvaise foi absolue !

M. Arnaud Viala, rapporteur. Le groupe majoritaire encourage souvent les groupes d’opposition, monsieur Matras, à apporter leur soutien aux textes par un vote favorable à l’issue des débats, en commission comme en séance publique ; souffrez que nous fassions de même. Par ailleurs, je trouve ahurissant d’entendre un responsable de la majorité nous dire que le débat doit désormais avoir lieu dans le cadre des groupes d’études ! Je n’ai rien contre ces instances mais elles ne se substitueront jamais aux commissions permanentes de l’Assemblée nationale ni aux travaux en séance publique.

M. Julien Aubert. Ne coupons pas le débat alors qu’il débute ! M. Fabien Matras craint le risque d’anticonstitutionnalité. Sur la base de quelle décision du Conseil constitutionnel et de quel principe juridique inscrit dans la Constitution a-t-il cette certitude ?

M. Fabien Matras. Sur la base des droits de la défense.

M. Julien Aubert. D’autre part, je vous rappelle, chers collègues, qu’en novembre 2018, ce Parlement n’a pas hésité à s’opposer au Gouvernement en votant pour l’anonymisation des officiers de police recevant les plaintes : c’est la preuve que nous sommes parfois capables de nous écarter de la voie indiquée par l’Exécutif.

Enfin, le débat doit se poursuivre, nous dit-on. Je sais que le mot est à la mode, mais permettez-moi une fois de plus de vous rafraîchir la mémoire : le 4 décembre 2017, M. Gérard Collomb, alors ministre de l’intérieur de La République en Marche, s’était déclaré favorable à l’anonymisation du dépôt de plainte par des sapeurs-pompiers. Nous sommes en mars 2019 : je ne peux pas croire qu’en deux ans, vous n’ayez pas progressé sur ce point. Ou alors, discutons-en et expliquez-nous pourquoi c’est impossible ! J’ai compris le principe juridique que vous avez soulevé, mais des exceptions sont parfaitement possibles au nom de l’intérêt général. En l’occurrence, il me semble possible d’invoquer un motif d’intérêt général.

M. Rémy Rebeyrotte. Cette institution rencontre parfois des problèmes de méthode. Je m’explique : un groupe d’études est créé pour mener un travail de fond en associant les différents groupes politiques de l’Assemblée ; en l’espèce, c’est la première fois qu’il se crée un groupe d’études sur les sapeurs-pompiers volontaires. La logique voudrait que l’on laisse travailler le groupe d’études, qu’il formule des propositions – sur lesquelles nous serions d’accord ou non – et que nous élaborions nos textes à partir de ce travail. Ce n’est pas la première fois que ce problème se pose : lorsqu’un groupe est créé pour travailler sur un sujet, nous avons tendance à nous saisir en cours de route de textes qui portent sur le même sujet, et il nous faut alors demander que l’on laisse le groupe de travail, puisqu’il existe, travailler avant que nous ne tranchions…

M. Pierre Cordier. Cela fait deux ans qu’il travaille !

M. Rémy Rebeyrotte. Cette logique semble imperturbable : nous pourrions peut-être même nous mettre d’accord sur l’intérêt qu’il y aurait à étudier le sujet dans un premier temps pour, ensuite, formuler des propositions et, dans un troisième temps, voter.

M. Julien Aubert. C’est ce qu’on appelle des études longues…

M. Rémy Rebeyrotte. Non, au contraire, cette maison se caractérise par une certaine efficacité – comme d’autres, d’ailleurs : je souligne souvent la qualité du travail effectué par le Sénat dans le cadre des études préalables. Appuyons-nous sur ces travaux pour délibérer dans de bonnes conditions ! C’est ce que propose M. Fabien Matras ; il me semble que cela peut aboutir à un certain consensus !

M. Arnaud Viala, rapporteur. Dans ce cas, monsieur Rebeyrotte, mieux vaudrait voter l’allongement des mandats présidentiel et législatif à trente ou quarante ans afin de laisser une chance aux mesures d’aboutir au cours d’une même législature !

La Commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je précise, chers collègues, que nous venons de consacrer deux heures et demie à ce texte, qu’il nous reste quelques amendements à examiner puis une proposition de loi de M. Pierre Cordier que j’aurais souhaité examiner ce matin et, enfin, deux textes sur la Polynésie dont chacun connaît l’importance. Je ne crois pas que nous ayons bâclé les débats relatifs à cette proposition de loi, et je vous invite désormais à accélérer un peu.

Article 11 (art. L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques) : Utilisation du 112 comme numéro unique d’urgence

La Commission examine l’amendement CL50 du rapporteur.

M. Arnaud Viala, rapporteur. L’article 11 a trait au numéro unique pour les appels d’urgence. L’amendement vise à définir les conditions dans lesquelles le traitement du numéro unique d’urgence sera mis en œuvre. À l’issue des auditions que nous avons menées avec Valérie Lacroute, il nous a semblé préférable que le traitement des appels se fasse au niveau des plateformes départementales associant les sapeurs-pompiers et les membres des autres services de secours, comme le Samu, que certains SDIS ont déjà mis en place avec succès. Il nous semble important que cela soit pris en compte dans la rédaction du décret en Conseil d’État, qui organisera la mise en œuvre progressive du numéro unique.

M. Raphaël Schellenberger. Ce sujet est trop important pour ne pas en discuter et laisser passer les propos cyniques de M. Rémy Rebeyrotte…

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Monsieur Schellenberger, votre intervention ne concerne pas l’amendement CL50 !

M. Raphaël Schellenberger. Nous avons droit à deux minutes !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Pour discuter des amendements !

M. Raphaël Schellenberger. Vous ne pouvez pas avoir une façon de donner la parole à la majorité et une autre pour l’opposition ! C’est scandaleux !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL53 du rapporteur.

M. Arnaud Viala, rapporteur. L’amendement CL53 vise à différer au 1er janvier 2020 l’entrée en vigueur de l’article 11.

M. Raphaël Schellenberger. Ce débat sur la temporalité est d’autant plus intéressant qu’il se trouve qu’un nouveau groupe d’études sur les sapeurs‑pompiers est né au sein de notre assemblée, voilà quelques jours, comme pour anticiper ce débat… À peine créé, ce groupe d’études devient un argument de la majorité pour ne pas discuter d’un texte sur lequel nous avons travaillé. Les groupes d’études n’ont pas le monopole du travail législatif ! Si son existence est une très bonne chose, commencer par régler certains problèmes identifiés par notre groupe et le rapporteur permettrait de lui dégager du temps, qu’il pourrait consacrer à d’autres sujets pour faciliter le travail et l’engagement des sapeurs‑pompiers volontaires.

M. Fabien Matras. La question du numéro unique est un sujet fondamental qui a été abordé plusieurs fois par le Président de la République et le ministre de l’intérieur. Un travail est d’ailleurs en cours entre le ministère de la santé et celui de l’intérieur.

M. Raphaël Schellenberger. Vous ne parlez pas de l’amendement ! C’est hors‑sujet !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous en sommes à l’amendement CL53, monsieur Matras.

M. Fabien Matras. Mais l’amendement CL53 porte bien sur l’article 11… Je considère qu’il faut différer encore plus l’application de cet article, dans la mesure où un travail est mené actuellement dans un cadre interministériel. Il fallait me laisser finir ! Je ne crois pas à l’omniscience des députés, des sénateurs ni de quiconque. Sur ce sujet, les professionnels de la santé et du monde des secours ont des propositions à nous faire, plus que nous n’avons de solutions à leur apporter.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 11.

Article 12 (art. L. 1424-36-2 du code général des collectivités territoriales) : Dotation en faveur du projet NexSIS

La Commission rejette l’article 12.

Article 13 (art. L. 723-4 du code de la sécurité intérieure) : Statut des sapeurs-pompiers volontaires au regard du droit européen

La Commission rejette l’article 13.

Article 14 (art. 575 et 575 A du code général des impôts) : Gage de charges

La Commission examine les amendements identiques CL5 de M. Dino Cinieri et CL38 de M. Julien Aubert.

M. Dino Cinieri. L’amendement CL5 vise à conférer aux sapeurs-pompiers volontaires un statut juridique stable et protecteur, en leur permettant de bénéficier du statut de collaborateur occasionnel du service public, comme le prévoyait l'article 5 de l’excellente proposition de loi déposée par notre collègue M. Julien Aubert le 6 mars 2019. Du fait de leur mission, les sapeurs-pompiers volontaires doivent pouvoir bénéficier du statut protecteur de collaborateur occasionnel du service public, comme les réservistes.

M. Julien Aubert. Tout à l’heure, notre collègue Rémi Rebeyrotte, qui a été maire d’Autun, citait une phrase de Talleyrand, en disant que tout ce qui est excessif est insignifiant. J’ai l’impression qu’il fallait mieux citer ses Mémoires : « Mieux vaut remettre au lendemain ce que l’on ne peut bien faire aujourd’hui. » Bien faire aujourd’hui, ce serait envoyer un signal juridique. Le Parlement français peut encore choisir la façon dont il veut caractériser les sapeurs‑pompiers volontaires ! La seule manière de sortir du piège de l’approche professionnalisante et perverse, qui est celle de la juridiction européenne, c’est bel et bien de les qualifier de collaborateurs occasionnels du service public, comme le propose mon amendement CL38. Ainsi, pour plagier Sieyès, nous pourrons dire : « Qu’est-ce que le Parlement ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? À être quelque chose. »

M. Arnaud Viala, rapporteur. Avis favorable.

M. Fabien Matras. Monsieur Aubert, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre amendement, parce que je n’avais pas du tout pensé à ce statut de collaborateur occasionnel du service public. Néanmoins, je crains qu’il ne pose plus de problèmes qu’il n’en résolve. Les indemnités, par exemple, sont pour l’instant nettes de toute charge ; si le statut changeait, le SDIS devrait régler certaines cotisations, ce qui alourdirait sensiblement ses charges. À la suite de l'arrêt Matzak de la CJUE du 21 février 2018, ne faudrait-il pas plutôt réfléchir à une directive européenne consacrée à toutes les formes d’engagement citoyen afin qu’elles n’entrent plus dans le champ de la directive sur le temps de travail ?

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Cette question a déjà été tranchée, puisque le Conseil d’État avait émis, en 1993, un avis faisant des sapeurs‑pompiers volontaires des collaborateurs occasionnels du service public. Lorsque le débat a eu lieu, en 2011, sur ma proposition de loi relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique, on a essayé de tordre le statut comme on le pouvait, afin qu’ils ne relèvent ni du statut de la fonction publique, ni du statut de droit privé. Votre proposition est donc très dangereuse.

M. Julien Aubert. À mon sens, la question n’est pas seulement juridique. S’agissant de la proposition de M. Fabien Matras, si j’étais commissaire européen, je me dirais que la solution la plus simple serait de prendre une directive pour corriger la directive actuelle, qui traite de ces cas spécifiques. Mais nous sommes le Parlement, et notre rôle est politique : nous devons montrer que nous ne souhaitons pas que le statut du sapeur-pompier volontaire soit professionnalisant. L’argument de M. Pierre Morel-À-L’Huissier se défend tout à fait sur le plan juridique : en votant la loi, nous risquons de nous retrouver en contradiction avec une directive. Mais, alors qu’on ne cesse d’expliquer aux gens que leurs élus ne peuvent prendre aucune décision, parce qu’ils ne peuvent pas s’opposer à un droit dérivé, qui est en réalité une réglementation élaborée par des fonctionnaires, et que nous, élus de la Nation, sommes les derniers à nous exprimer sur le modèle que nous souhaitons dans notre pays, ce serait un pied de nez juridique assumé. Si le Parlement français se montre droit dans ses bottes, cela nous permettra d’engager un bras de fer politique.

La Commission rejette ces amendements.

Puis elle rejette l’article 14.

Titre

La Commission examine les amendements identiques CL42 du rapporteur et CL21 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

M. Arnaud Viala, rapporteur. L’amendement CL42 vise à corriger l’équivocité du titre actuel, en insérant après la dernière occurrence du mot « et », « l’engagement de sapeur-pompier ».

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. L’amendement CL21 a le même objet. La notion de « profession », présente dans le titre, est une bévue qu’il faut corriger. Le volontariat s’est créé en France par le biais d’amicales, qui se sont ensuite associées sous la forme d’unions départementales. Aujourd’hui, c’est ce système associatif qui constitue le corps même de la sécurité civile.

Pour revenir sur ce qu’a dit Dino Cinieri, qui nous a beaucoup aidés ces dernières années sur la question des pompiers volontaires, le dispositif actuel ne coûte pas cher : cinquante‑huit euros par habitant, bien moins que les redevances d’ordures ménagères, par exemple.

S’agissant de la question communautaire, le problème qui se pose aujourd’hui, et qui s’était posé lorsque l’on avait discuté de l’aspect juridique, c’est l’évolution du volontariat dans notre pays. Il y a une quarantaine d’années, les volontaires ne touchaient pas d’argent. Depuis, sociologiquement, les choses ont bien changé. Aujourd’hui, ils touchent des indemnités. Or participer à un système qui instaure des rapports de subordination et des indemnités fait de vous un travailleur. La France devra se positionner sur ce problème juridiquement très complexe. Je ne pense pas qu’il faille faire le procès du Gouvernement. Cela fait dix ans que la France, l’Allemagne ou l’Italie tentent d’expliquer à la Commission européenne qu’il faut trouver un système sui generis pour les pompiers volontaires. C’est loin d’être gagné !

La Commission rejette ces amendements.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Tous les articles de la proposition de loi ayant été rejetés, il n’y a pas lieu de procéder à un vote sur l’ensemble du texte. Celui-ci sera examiné en séance le jeudi 4 avril, dans sa version initiale.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de ladministration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi visant à soutenir le fonctionnement des services départementaux d’incendie et de secours et à valoriser la profession de sapeur-pompier professionnel et volontaire (n° 1649).

 

 


—  1  —

Personnes entendues

   M. Hugues Deregnaucourt, vice-président

   M. Philippe Huguenet, secrétaire général

   M. Guillaume Bellanger, directeur de cabinet

   M. Jean François Gouy, vice-président, directeur départemental des services d’incendie et de secours d’Eure et Loir

   M. Olivier Richefou, président du conseil départemental de la Mayenne, président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, membre de l’Assemblée des départements de France

   Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère chargée des relations avec le Parlement à l’Assemblée des départements de France

   M. Jacques Merino, conseiller chargé des questions de sécurité à l’Assemblée des départements de France

   M. Éric Faure, directeur, co-rapporteur de la mission interministérielle sur le volontariat

   M. Emmanuel Juggery, chef du bureau du pilotage des acteurs du secours

   M. Sébastien Alvarez, chef du bureau des sapeurs-pompiers volontaires et de l'engagement citoyen

   M. Rémi Capart, adjoint au chef du bureau des sapeurs-pompiers volontaires et de l'engagement citoyen

   M. Yann-Aël Moysan, sapeur-pompier professionnel

   M. Bruno Gibert, sapeur-pompier professionnel

 

   M. Thierry Pibernat, président

   M. Philippe Ringalle, trésorier

   M. Alain Bousiquier, secrétaire général

   M. Sébastien Delavoux

   M. Peter Gurruchaga

   M. Olivier Charpentier, secrétaire général

   Robert Canellas, conseiller

   M. Jean-François Piquet

   M. Thierry Vogne

   M. Régis Vidal

   M. Eric Ferret, vice-président

   M. Yaël Lecras, vice-président

   M. William Moreau

   M. Jean-Philippe Gallian, conseiller social

   M. Pierre Brajeux, vice-président

   M. Franck Le Floch, directeur-adjoint des affaires publiques

 


([1])              Proposition de loi de Mme Catherine Troendlé relative à la représentation des personnels administratifs, techniques et spécialisés au sein des conseils d’administration des services départementaux d’incendie et de secours, adoptée par le Sénat le 30 octobre 2018 et, sans modification, par l’Assemblée nationale le 26 mars 2019.

([2])              IFRASEC, « Organisation des services d’incendie et de secours d’urgence en Allemagne », septembre 2015, p. 2.

([3])              DGSCGC, Statistiques des services d’incendie et de secours, édition 2018.

([4])              Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

([5])              Article 17 de la directive précitée.

([6])              CJUE, n° C-518/15, 21 février 2018, Ville de Nivelles contre Rudy Matzak.

([7])              Articles L. 723-11 et suivants du code de la sécurité intérieure.

([8]) Loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service.

([9])              Décret n° 2017-912 du 9 mai 2017 relatif aux différentes prestations de fin de service allouées aux sapeurs-pompiers volontaires.

([10]) Article 17 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([11])              Article               L. 723-11 du code de la sécurité intérieure.

([12])              Rapport de la mission volontariat sapeurs-pompiers, 2017, p. 24.

([13])              Amendement n° 121 rect., déposé par Mme Catherine Troendlé le 12 novembre 2018.

([14])              Articles L. 723-11 et suivants du code de la sécurité intérieure.

([15])              Article 17 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([16])              Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([17])              Article L. 241-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

([18])              Ibidem.

([19])              Loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service.

([20])              Décret n° 2017-912 du 9 mai 2017 relatif aux différentes prestations de fin de service allouées aux sapeurs-pompiers volontaires.

([21])              Décret n° 2005-1150 du 13 septembre 2005 relatif à la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires.

([22])              Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

([23])              Articles 13 et 22 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

([24])              Article 117 de la loi précité.

([25])              Cf. tableau page suivante.

([26])              Voir par exemple l’article 23 du décret n° 2012-521 du 20 avril 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des sous-officiers de sapeurs-pompiers professionnels.

([27])              Question écrite au Gouvernement n° 92167 du 22 décembre 2015 par M. Eric Ciotti et réponse du ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire du 7 juin 2016.

([28])              Décret n° 2017-164 du 9 février 2017 modifiant le décret n° 2012-520 du 20 avril 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des sapeurs et caporaux de sapeurs-pompiers professionnels.

([29])              Annexe au décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 portant dispositions communes à l'ensemble des sapeurs-pompiers professionnels.

([30])              Article 433-5 du code pénal.

([31])              Article R. 625-8-1 du code pénal.

([32])              Décret n° 2018-856 du 8 octobre 2018 portant création de l'Agence du numérique de la sécurité civile.

([33]) Par exemple, à l’article R. 732-11-2 du code de la sécurité intérieure.

([34])              DGSCGC, Statistiques des services d’incendie et de secours, édition 2018.

([35])              Décret n° 2019-19 du 9 janvier 2019 relatif au système d'information et de commandement unifié des services d'incendie et de secours et de la sécurité civile « NexSIS 18-112 ».

([36])              Décret n° 2018-856 du 8 octobre 2018 portant création de l'Agence du numérique de la sécurité civile.

([37])              Commission des finances du Sénat, rapport général sur le projet de loi de finances pour 2018 (Sécurité civile).

([38])              Article L. 1424-36-2 du code général des collectivités territoriales.

([39])              Commission des lois du Sénat, rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2018 (Sécurité civile).

([40])              Commission des lois du Sénat, rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2019 (Sécurité civile).

([41]) Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

([42])              Article 17 de la directive 2003/88/CE.

([43]) CJCE, n° C-66/85, 3 juillet 1986, « Lawrie Blum ».               

([44])              CJCE, n° C-344/87, 31 mai 1989, « Bettray ».

([45])              CJUE, n° C-518/15, 21 février 2018, Ville de Nivelles contre Rudy Matzak.