1869

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

457

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale

Enregistré à la Présidence du Sénat

le 11 avril 2019

le 11 avril 2019

 

 

 

DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT

 

 

 


 

RAPPORT


relatif à l’activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l’année 2018

 

TOME I

 

Par

Mme Yaël BRAUN-PIVET,

Députée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale

par Mme Yaël BRAUN-PIVET

 

             Présidente de la délégation.

 

 

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Christian CAMBON

 

 

Premier vice-président de la délégation.

 

 

 


 

 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

  Pages

AVANT-PROPOS

chapitre IER :    les activités de la délégation  au cours de l’année ecoulée

Chapitre II :   l’évaluation et le contrôle parlementaires  de la politique publique de renseignement

I. Les enseignements tires de dix annees de contrôle parlementaire du renseignement

A. moderniser la gouvernance

B. renforcer les moyens

1. Les moyens humains

2. L’accès à l’information

a. La communication des rapports intéressant la délégation

b. Des moyens de télécommunication sécurisés

C. elargir le champ du contrôle parlementaire

II. observations sur la mise en œuvre de la politique publique de renseignement et de son contrôle

A. une vision partielle de la stratégie nationale et du plan national d’orientation du renseignement (PNOR)

B. Les rapports annuels d’activité des services spécialisés de renseignement et de synthèse des crédits qui leur sont consacrés

1. Les principales observations de ces rapports

a. La politique publique du renseignement

b. L’activité des services de renseignement

c. Les ressources consacrées au renseignement

d. Les coopérations

2. Un contenu en voie de consolidation

3. Le suivi des recommandations et des propositions de la délégation parlementaire au renseignement

C. Les autres documents transmis à la délégation

1. Les éléments d’appréciation relatifs à l’activité générale et à l’organisation des services spécialisés de renseignement et des services du second cercle

2. Les observations de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement

3. Les rapports de l’inspection des services de renseignement

ANNEXE : reprise des recommandations de la délégation parlementaire au renseignement au 1eravril 2019

chapitre III :  La lutte contre la radicalisation et le terrorisme : une adaptation permanente et nécessaire des services de renseignement à l’évolution de la menace

I. Bien qu’elle ait profondément changé de nature, la menace terroriste demeure élevée sur le territoire national

A. UnE menace exogène relativement réduitE depuis la chute du « califat »

1. L’État islamique : une organisation terroriste fortement affaiblie, mais qui demeure influente

2. Les returnees : une menace maîtrisée

B. La menace endogène, principale préoccupation des services de renseignement

II. Au cours des dernières années, les services de renseignement se sont structurés et ont vu leurs moyens renforcés pour faire face à la menace terroriste

A. Un engagement massif des services de renseignement pour mieux lutter contre la menace terroriste

1. Des services de renseignement dotés de moyens accrus

a. Des prérogatives juridiques élargies

2. Un investissement financier et humain majeur

3. Une activité largement orientée vers la lutte contre le terrorisme

B. Une organisation structurée et une coordination renforcée

1. Un dispositif structuré et coordonné de lutte anti-terroriste, du niveau national à l’échelon territorial

2. Le développement d’une coopération au-delà des frontières de la communauté du renseignement

3. Une rationalisation des structures qui doit se poursuivre

III. L’évolution de la menace terroriste confronte les services de renseignement à de nouveaux défis et nécessite de poursuivre les réformes engagées

A. L’évaluation et le suivi de la radicalisation : poursuivre l’adaptation des dispositifs pour mieux détecter les « signaux faibles »

1. Le dispositif global de suivi de la radicalisation

2. Des capacités d’évaluation des signaux faibles à renforcer

a. La mise en place récente d’une nouvelle doctrine de suivi des individus signalés pour radicalisation

b. Des recherches sur l’amélioration des capacités de détection des « signaux faibles » à approfondir

3. Perfectionner les outils de surveillance et d’entrave

a. Des fichiers perfectibles

i. Des ajustements du FSPRT à poursuivre

ii. Une simplification souhaitable des « fiches S »

b. Garantir l’effectivité des mesures d’entrave judiciaire et administrative

B. surveiller la radicalisation en détention : la nécessaire montée en puissance du renseignement pénitentiaire

1. Le renseignement pénitentiaire : un service en pleine mutation

a. Une structuration bienvenue du renseignement pénitentiaire

b. Un renforcement des effectifs à poursuivre

c. Un investissement technique à consolider

2. Une intégration réussie du renseignement pénitentiaire dans le dispositif de lutte contre le terrorisme et la radicalisation

Chapitre IV :  QUEL AVENIR POUR L’EUROPE DU RENSEIGNEMENT ?

I. UN PROCESSUS INACHEVÉ D’EUROPÉANISATION DU RENSEIGNEMENT

A. Des clubs d’expert à la formalisation d’un cadre européen de coopération

1. Les premières coopérations bilatérales et multilatérales, hors du cadre européen

2. L’intégration progressive de « l’acquis des clubs » dans un cadre institutionnel européen en construction

B. L’intensification de la menace terroriste a conduit l’Union à renforcer son arsenal normatif et opérationnel

1. La lutte contre le terrorisme s’est imposée comme une priorité de l’agenda politique européen

2. La capacité d’action de l’Union s’est adaptée à l’évolution de la menace

3. Le développement d’une capacité de renseignement extérieur à travers le développement de l’INTCEN

II. LE RENSEIGNEMENT EUROPEEN AU MILIEU DU GUÉ

A. Le mirage d’une CIA européenne

1. Une intégration plus poussée se heurte à la primauté des souverainetés nationales

2. Des améliorations au fonctionnement actuelles sont néanmoins souhaitables et possibles

B. Des initiatives récentes au service d’une culture commune du renseignement

1. La création d’un Collège européen du renseignement

2. L’instauration d’un « registre judiciaire européen antiterroriste » auprès d’Eurojust

3. La mise en réseau des communautés des contrôleurs

III. LE BREXIT ET SON IMPACT SUR LE RENSEIGNEMENT EUROPÉEN

A. L’ambivalence du Royaume-Uni à l’égard de l’Europe de la sécurité et de la défense

1. L’intérêt national britannique, principal aiguillon de l’engagement européen du Royaume-Uni

2. L’intérêt national français et l’intérêt général européen plaident en faveur d’une étroite coopération avec les services de renseignement britanniques

B. En matière de renseignement, la relation future du Royaume-Uni avec l’Union européenne doit s’envisager avec pragmatisme

1. Surmonter les paradoxes du Brexit

2. Avantages et contraintes du futur statut d’« État tiers »

Chapitre V :  La gestion des ressources humaines :  un enjeu strategique  pour la communaute du renseignement

I. Une augmentation importante des effectifs REELS mais plus lente qu’initialement prévue

1. Une montée en puissance moins rapide qu’annoncée et prévue.

2. Des effectifs importants à recruter

a. Une programmation insuffisante

b. L’obligation de compenser les départs nombreux au sein de leurs personnels.

II. Une transformation progressive des profils

III. Les principales difficultés en matière de recrutement et de fidélisation

A. L’attrition du vivier des armées

B. la sujÉTION AUX POLITIQUES GÉNÉRALES DE GESTION DES VIVIERS TRADITIONNELS

C. L’existence de freins à la mobilité des fonctionnaires et des militaires vers les services de renseignement

1. *****

2. Les contraintes de services qui ne sont pas compensées par des rémunérations suffisantes

3. La meilleure attractivité d’autres postes offerts dans les cadres d’origine :

4. L’absence de notoriété des services

5. L’absence de recrutement à la sortie des écoles de formation des cadres

6. L’éloignement et l’attractivité de certains sites

7. Les questions de logement

D. Une distorsion croissante entre l’évolution des métiers et les viviers de fonctionnaires et de militaires

1. Inexistence ou insuffisance des viviers de militaires et de fonctionnaires

2. L’indispensable recours aux contractuels

E. *****

1. *****

2. *****

3. *****

4. *****

5. *****

IV. Une prise de conscience des pouvoirs publics

A. La recherche de solutions au sein des services de renseignement et des ministères de tutelle.

1. *****

a. *****

b. *****

i. *****

ii. *****

iii. *****

c. *****

d. *****

e. *****

f. Amélioration des conditions d’accueil et de travail des agents

i. La densification des emprises

ii. La relocalisation partielle ou complète

2. L’utilisation de réservistes

3. Le développement de la formation

a. La structuration de l’offre

b. L’effort de formation continue des services

c. Le rapport de l’Inspection des services de renseignement

4. Le renforcement de la fonction RH au sein des entités

B. Une coordination interministérielle des politiques RH LABORIEUSE Mais prometteuse

1. La Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme s’est impliquée de façon plus active depuis 2017

2. La mise en place du Comité RH des services de renseignement

3. *****

4. Une attention particulière portée à la mobilité interservices

5. *****

a. La circulaire interministérielle en date du 21 mars 2017 relative à la gestion des ressources humaines dans les métiers du numérique et des systèmes d’information et de communication

b. La circulaire interministérielle relative à la gestion des ressources humaines dans les métiers ***** du renseignement et de la lutte contre le terrorisme *****

i. *****

ii. *****

iii. La fidélisation des agents appartenant la communauté du renseignement

iv. Le développement de la mobilité interservices

6. L’analyse des flux des départs, condition indispensable du suivi des effectifs

a. *****

b. *****

c. *****

7. La recherche d’incitations au recrutement et à la fidélisation doit être élargie

8. Des pistes à explorer à plus long terme

C. Veiller à la mobilisation des moyens budgétaires

chapitre vi : Commission de vérification des fonds spéciaux

Conditions d’emploi des fonds spéciaux au cours de l’exercice 2017  RAPPORT GÉNÉRAL

A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES FONDS SPECIAUX EN 2017

1. Des crédits en augmentation significative par rapport à l’exercice 2016

2. Des dépenses en forte progression, à un niveau jamais atteint

3. Des résultats d’exercice en sursis en 2017

B. OBSERVATIONS COMMUNES À L’ENSEMBLE DES SERVICES

1. Le périmètre des fonds spéciaux

2. L’accès de la CVFS à une information fiable et exhaustive

3. Le processus de contrôle interne des sources

4. La mutualisation des acquisitions techniques *****

5. La gestion des caisses

6. La persistance d’anomalies ponctuelles

C. SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE LA CVFS SUR L’EXERCICE 2016

D. RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES 2017 ÉMISES PAR LA CVFS

Recommandations de la Délégation parlementaire au renseignement au titre de son rapport annuel d’activité 2018

Examen par la délégation


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   AVANT-PROPOS

 

Mesdames, Messieurs,

L’année 2018, comme les précédentes, est restée marquée en France par la permanence d’une menace terroriste qui, tout en évoluant, est demeurée à un niveau élevé. Trois attentats ont encore endeuillé notre pays en 2018 à Trèbes, à Paris et à Strasbourg. Les attaques terroristes de ces dernières années ont placé la communauté du renseignement sous le feu des projecteurs et d’une opinion publique autant reconnaissante qu’exigeante au regard de ce qu’implique, dans une société démocratique, une surveillance renforcée.  Les révélations de l’affaire Snowden, le succès populaire de la série télévisée « le Bureau des légendes » ou encore le retentissement médiatique consécutif à l’empoisonnement d’un ex‑espion russe, ont mis sur la place publique des sujets et des débats longtemps réservés à un cercle d’initiés.

Chargée de contrôler l’action du Gouvernement en matière de renseignement et d’évaluer la politique publique en ce domaine, la Délégation parlementaire au renseignement exerce ses missions dans un contexte bien différent de celui qui prévalait lors de sa création. Une décennie s’est écoulée et pour son dixième anniversaire, la DPR a pris l’initiative d’un colloque qui s’est tenu le 22 novembre 2018 à l’Hôtel de Lassay, autour des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, des parlementaires et des principaux responsables de la communauté du renseignement, sur le thème : « Dix ans de contrôle parlementaire du renseignement : l’exigence démocratique est-elle satisfaite ? ».

Ce colloque a mis en évidence le chemin parcouru depuis dix ans pour construire entre les Services et la DPR une relation de confiance et une meilleure connaissance mutuelle qui n’excluent en rien le contrôle ; mais il a aussi souligné le chemin qui peut encore être parcouru pour affirmer davantage le rôle du Parlement en écho à la montée en puissance du renseignement dans la société française.

En quelques années, nos services de renseignement et de sécurité ont connu des évolutions majeures. Le renseignement pénitentiaire, quasiment inexistant il y a encore peu, est appelé à occuper une place de plus en plus importante avec le retour de djihadistes sur le territoire national et la sortie de prison de détenus radicalisés. La révolution numérique bouleverse les modalités d’action des services confrontés au défi du ciblage des données, aux cyberattaques et aux promesses de l’intelligence artificielle. Ces transformations font évoluer les métiers du renseignement, de plus en plus divers et de moins en moins  cloisonnés. Ceci n’est pas sans soulever d’importants enjeux en termes d’adaptation et de modernisation des politiques ayant trait aux ressources humaines. Enfin, la décennie qui s’achève restera marquée par une ouverture européenne et internationale croissante du monde du renseignement, au-delà des seules coopérations bilatérales. La mondialisation des menaces et l’interdépendance qui en résulte renouvelle notre rapport à l’exercice de la souveraineté. Les interrogations sur l’avenir de l’Europe, dans un contexte marqué par les incertitudes liées au Brexit, appellent à encourager l’émergence d’une communauté européenne du renseignement.

Ces différents sujets ont fait l’objet de réunions, d’auditions et déplacements de la DPR dont la synthèse des travaux figure dans le présent rapport, composé de six chapitres :

– le bilan d’activité de la délégation en 2018 (I) ;

– l’évaluation et le contrôle parlementaires de la politique publique de renseignement (II) ;

– la lutte contre la radicalisation et le terrorisme (III) ;

– l’avenir de l’Europe du renseignement (IV) ;

– l’enjeu des ressources humaines au sein de la communauté du renseignement (V) ;

– la présentation des travaux de la Commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS), établie par son président, M. Loïc Kervran, député, et portant sur l’exercice budgétaire 2017 (VI).

Nonobstant son souci de répondre aux légitimes attentes de transparence des citoyens, les membres de la DPR ont également conscience que certaines informations portées à leur connaissance doivent être soustraites à la curiosité de nos rivaux comme de nos adversaires. C’est pour parvenir à concilier ces deux impératifs antagonistes qu’il a été décidé de masquer quelques passages sensibles au moyen d’un signe typographique (*****), invariable quelle que soit l’ampleur des informations rendues ainsi illisibles.

Employé par le parlement britannique, ce procédé permet une synthèse entre des logiques ambivalentes. Nos concitoyens pourront ainsi apprécier le raisonnement déployé, sa cohérence, ses principales conclusions, tandis que certains détails resteront protégés sans que l’on puisse critiquer la vacuité du propos ou un « caviardage » excessif.

 


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   chapitre IER :  

les activités de la délégation
au cours de l’année ecoulée

 

Au cours de l’année 2018, la délégation parlementaire au renseignement (DPR) était ainsi composée :

– pour l’Assemblée nationale :

Mme Yaël Braun-Pivet, députée La République en Marche, présidente de la délégation, présidente de la commission des lois,

M. Jean-Jacques Bridey, député La République en Marche, second viceprésident de la délégation, président de la commission de la défense nationale et des forces armées,

M. Loïc Kervran, député La République en Marche, désigné par le président de l’Assemblée nationale,

M. Patrice Verchère, député Les Républicains, désigné par le président de l’Assemblée nationale ;

– pour le Sénat :

M. Christian Cambon, sénateur Les Républicains, premier viceprésident de la délégation, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées,

M. Philippe Bas, sénateur Les Républicains, président de la commission des lois,

M. Michel Boutant, sénateur Socialiste et républicain, désigné par le président du Sénat,

M. François-Noël Buffet, sénateur Les Républicains, désigné par le président du Sénat.

La composition est restée inchangée depuis les dernières élections législatives de juin 2017 – et ainsi reconduite à la suite des élections sénatoriales de septembre 2017. Seul le bureau de la délégation a été renouvelé en avril 2018.

La délégation a conduit ses travaux au cours des trois derniers trimestres de l’année 2018 et du premier trimestre de l’année 2019. Elle s’est réunie à quinze reprises.

À la différence des années précédentes, la délégation n’a pas concentré ses travaux sur un thème unique. Sans prétendre à l’exhaustivité, elle a défini son programme de travail au regard des principaux enjeux d’actualité qui ont concerné la communauté de renseignement en 2018. Dans ce cadre, trois sujets ont fait l’objet d’un examen approfondi :

– l’adaptation des services de renseignement à l’évolution de la menace terroriste et à la lutte contre la radicalisation ;

– l’avenir de l’Europe du renseignement dans le contexte du Brexit ;

– les enjeux stratégiques liés à la gestion des ressources humaines au sein de la communauté du renseignement.

Par ailleurs, afin d’être plus en prise avec l’actualité immédiate, la délégation a sollicité le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) afin qu’il participe régulièrement à des « auditions d’actualité », selon un rythme trimestriel. Ce nouveau format est, pour la délégation au renseignement, une façon plus réactive d’exercer son droit à l’information, à travers un dialogue permanent avec le CNRLT. La première audition d’actualité s’est tenue le 24 janvier 2019.

S’agissant des thématiques du présent rapport, la délégation a organisé tout au long de l’année de nombreuses auditions et déplacements en France et à l’étranger. Elle s’est ainsi rendue au siège du BRCP (le 12 juillet 2018), de la DGSE (le 11 octobre 2018) et de la DRM, sur le site de Creil (le 14 février 2019).

Le 8 novembre 2018, des membres de la délégation se sont déplacés à Bruxelles pour conduire des auditions sur le thème de la coopération européenne dans le domaine du renseignement ainsi que sur les conséquences du Brexit. Ils ont également rencontré le Président de la Commission de la Chambre des Représentants de Belgique chargée du suivi du Comité R ainsi que des membres de ce Comité R, l’organe de contrôle des services belges de renseignement.

La délégation a également consacré une réunion, le 24 janvier 2019, à l’examen et à l’adoption du rapport de la commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS), alors présidée par le député Loïc Kervan, sur les comptes de l’exercice 2017.

Par ailleurs, pour célébrer son dixième anniversaire, la délégation a organisé, le 22 novembre 2018, à l’Hôtel de Lassay, un colloque intitulé « 10 ans de contrôle parlementaire du renseignement : l’exigence démocratique est-elle satisfaite ? » (cf. actes du colloque en annexe). Sont intervenus à cette occasion :

– M. Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, et M. Gérard Larcher, président du Sénat ;

– des membres de la DPR, à savoir sa présidente, Mme Yaël Braun‑Pivet, son premier vice-président, M. Christian Cambon, son second vice‑président, M. Jean-Jacques Bridey, et M. Philippe Bas ;

– des membres de la CVFS, à savoir son président, M. Loïc Kervran, et M. Michel Boutant ;

– d’anciens parlementaires – Mme Patricia Adam, ancienne présidente de la DPR et rapporteure de la loi de programmation militaire 2014‑2019, et M. René Garrec, ancien sénateur et rapporteur de la loi du 9 octobre 2007 portant création de la DPR ;

– le préfet Pierre de Bousquet de Florian, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, ainsi que MM. Bernard Émié et Nicolas Lerner, respectivement DGSE et DGSI ;

– MM. Armin Schuster, député allemand et président du Parlamentarisches Kontrollgremium (PKgr, Allemagne), André Frédéric, député fédéral belge et membre de la commission parlementaire d’accompagnement du Comité R, et Hans Born, chef du département recherche du Democratic Control of Armed forces (DCAF) ;

– un universitaire spécialiste du renseignement, M. Philippe Hayez.

Ce colloque fut l’occasion pour la délégation de revenir sur sa genèse, qui a marqué l’émergence du contrôle parlementaire du renseignement, mais également de s’interroger sur les évolutions possibles de ce contrôle. Les actes du colloque constituent le Tome 2 du présent rapport.

La présidente de la délégation a en outre participé :

– à l’accueil des auditeurs du cycle supérieur de l’Académie du renseignement au cours d’une session organisée le 18 octobre 2018 à l’Assemblée nationale ;  

– et à un colloque sur le thème du droit du renseignement qui s’est tenu le 8 février 2019 à Paris, à l’initiative de l’Académie du renseignement.

Enfin, au titre ses activités internationales, la DPR a reçu plusieurs délégations étrangères :

– le 9 octobre 2018, M. Chagai Tzuriel, directeur général du ministère israélien du renseignement ;

– le 11 octobre 2018, une délégation parlementaire roumaine conduite par M. Iulian-Claudiu Manda, président de la commission parlementaire commune pour le contrôle de l'activité du service roumain de renseignement, vice-président du Sénat ;

– le 12 décembre 2018, une délégation des services de renseignement afghans.

Calendrier des réunions de la délégation parlementaire au renseignement
de mai 2018 à avril 2019

Réunion du 24 mai 2018 :

– audition du préfet Pierre de Bousquet de Florian, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme et Mme Agnès Deletang, conseillère juridique ;

– audition de M. Amin Boutaghane, chef de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) ;

– audition de M. Laurent Nuñez, directeur général de la sécurité intérieure (DGSI) ;

– audition de M. Thibault de Montbrial, avocat, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure.

Réunion du 13 juin 2018 :

– audition de M. Philippe Hayez, haut fonctionnaire et enseignant français, spécialiste du renseignement.

Réunion du 28 juin 2018 :

– audition de M. François Molins, procureur de la République de Paris.

Déplacement au siège du Bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP) du 12 juillet 2018 :

– audition de M. Stéphane Bredin, directeur de l’administration pénitentiaire, de Mme Charlotte Hemmerdinger, cheffe du BCRP, et de plusieurs cadres de son service.

Réunion du 18 juillet 2018 :

– audition de M. Amin Boutaghane, chef de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT).

Déplacement au siège de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) du 11 octobre 2018 :

– audition du directeur général, M. Bernard Émié, et de plusieurs cadres de son service.

Réunion du 18 octobre 2018 :

– audition du préfet Pierre de Bousquet de Florian, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme et Mme Agnès Delétang, conseillère juridique.

Déplacement à Bruxelles du 8 novembre 2018 :

– audition de M. Gerhard Conrad, directeur du Centre de l’Union européenne pour l’analyse des renseignements ;

– audition de M. Gilles de Kerchove, coordinateur de l’Union européenne dans la lutte contre le terrorisme ;

– échanges avec des représentants du Comité R et de la commission parlementaire de suivi, à l’invitation de Son Excellence Mme Claude-France Arnould, ambassadeur de France en Belgique ;

– audition de M. Guillaume de La Brosse, coordinateur des politiques à la task force pour la préparation et la conduite des négociations avec le Royaume-Uni en vertu de l’article 50 du traité sur l’Union européenne ;

– audition du préfet Jean Mafart, chef du service justice et affaires intérieures à la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne.

Réunion du 21 novembre 2018 :

– dîner de travail avec une délégation du PKGr (commision du Bundestag chargée du contrôle parlementaire des services de renseignement), présidée par M. Armin Schuster.

Réunion du 20 décembre 2018 :

– audition de M. Francis Delon, président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

Réunion du 24 janvier 2019 :

– audition du préfet Pierre de Bousquet de Florian, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme et Mme Agnès Deletang, conseillère juridique;

– présentation du rapport de la CVFS sur les comptes de l’exercice 2017.

Déplacement à la direction du renseignement militaire (DRM) du 14 février 2019 :

– audition du directeur, le général Jean-François Ferlet, et de plusieurs cadres de son service.

Réunion du 13 mars 2019 :

– audition de M. Nicolas Lerner, directeur général de la sécurité intérieure (DGSI).

Réunion du 4 avril 2019 :

– audition de M. Yann Drouet, secrétaire général de la Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme et Mme Agnès Deletang, conseillère juridique ;

– audition conjointe de MM. Philippe Le Moing-Surzur directeur de l’administration générale (DGSI), Nicolas Bouferguene, adjoint au chef du service de l’administration générale (DGSI), Charles MOREAU, directeur de l’administration de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), Philippe Ullmann, conseiller chargé de la communication et des affaires parlementaires (DGSE), Armand Apruzzese, chef du pôle Ressources humaines (DRM) et David Colon, adjoint au chef du pôle Ressources humaines (DRM). 

Réunion de travail du 11 avril 2019

– examen du rapport d’activité 2018


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   Chapitre II :

l’évaluation et le contrôle parlementaires
de la politique publique de renseignement

Il a fallu attendre les années 2000, avec la loi du 9 octobre 2007 créant la Délégation parlementaire au renseignement pour que le Parlement soit associé, de façon permanente, aux questions relatives au renseigne­ment. On avançait jusqu’alors une contradiction supposée entre la publicité des travaux parlementaires et le secret – ou a minima la confidentialité –  qui prévaut au sein de la communauté du renseignement.

De 2008 à 2013, l’activité de la DPR se limitait à un nombre limité de réunions et à la publication d’un rapport d’activité très succinct. Cette période n’en fut pas moins fructueuse car elle a permis aux parlementaires de tisser des liens de confiance avec la communauté du renseignement.

L’adoption, en 2013, de la loi de programmation militaire pour les années 2014-2019 a marqué une rupture en renforçant sensiblement le contrôle parlementaire du renseignement.

Alors qu’elle était jusque-là cantonnée au « suivi de l’activité générale et des moyens des services spécialisés », la DPR s’est en effet vue reconnaître une mission de « contrôle et d’évaluation de l’action du Gouvernement en matière de renseignement ». La LPM 2014-2019 a également fait de la commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS) une formation spécialisée de la DPR.

Puis la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a de nouveau étendu les prérogatives de la DPR, son accès à l’information et le champ de son contrôle.

Dans son précédent rapport d’activité, la délégation avait évoqué des pistes de réflexion sur l’avenir du contrôle parlementaire des services de renseignement. Le débat parlementaire sur la loi de programmation militaire 2019-2025 n’a pas permis de dégager de consensus sur les évolutions à apporter, à ce stade, au cadre juridique actuel. Dans ce contexte, le colloque organisé par la DPR à l’occasion de son dixième anniversaire fut l’occasion de dresser un bilan de l’exercice du contrôle parlementaire du renseignement et d’évoquer les correctifs à apporter au fonctionnement actuel.

I.   Les enseignements tires de dix annees de contrôle parlementaire du renseignement

Le dixième anniversaire de la délégation parlementaire au renseignement a représenté ce moment opportun pour dresser le bilan d’une décennie de contrôle parlementaire des services de renseignement. C’est à l’aune de cette expérience et des liens que la représentation nationale et la communauté du renseignement ont su forger au fil du temps que doit s’envisager l’avenir. L’intensification et la permanence des menaces qui pèsent sur notre société ont mis le sujet du renseignement au cœur du débat public. L’enjeu démocratique est majeur et le Parlement doit se donner les moyens de remplir, avec toute l’effectivité que cela requiert, sa mission de garant de l’État de droit.

A.   moderniser la gouvernance

La composition de la délégation parlementaire au renseignement, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, n’a pas évolué depuis sa création en 2007.

Ce format restreint est de nature à préserver la confidentialité des travaux, couverts par le secret de la défense nationale et qui, partant, ne font pas l’objet de comptes rendus publics. Les parlementaires ainsi que leurs collaborateurs sont à la fois sensibilisés et très attachés au respect de la confidentialité, inhérent au domaine du renseignement, qui leur a permis d’établir une relation de confiance réciproque avec les services spécialisés, comme l’ont fort justement souligné les différents intervenants du colloque consacré au dixième anniversaire de la délégation (cf. actes en annexe).

Article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958
relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (extrait)

[…]

II. – La délégation parlementaire au renseignement est composée de quatre députés et de quatre sénateurs. Les présidents des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées respectivement des affaires de sécurité intérieure et de défense sont membres de droit de la délégation parlementaire au renseignement. La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, membres de droit.

Les autres membres de la délégation sont désignés par le président de chaque assemblée de manière à assurer une représentation pluraliste. Les deux députés qui ne sont pas membres de droit sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les deux sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.

[…]

Par ailleurs, la présidence tournante de la délégation est nécessairement assurée par un membre de droit qui, en outre, préside une commission permanente ; cela accroît sensiblement la charge de travail, déjà très importante, qui lui incombe.

La montée en puissance de l’évaluation et du contrôle parlementaires de la politique publique du renseignement conduira nécessairement la délégation à adapter ses modes de fonctionnement internes et à solliciter l’augmentation de ses moyens.

B.   renforcer les moyens

Pour lui permettre d’exercer pleinement ses missions, et s’adapter à l’évolution de son périmètre d’activité, les moyens mis à la disposition de la délégation parlementaire au renseignement doivent être repensés et mis en cohérence.

1.   Les moyens humains

Actuellement, quatre ressources sont affectées auprès de la délégation parlementaire au renseignement :

– deux administrateurs et un administrateur-adjoint ([1]) du Sénat, affectés en outre auprès d’une commission permanente (la commission des lois ou celle des affaires étrangères et de la défense) ;

– un administrateur de l’Assemblée nationale, actuellement à mi‑temps.

L’Assemblée nationale avait, jusqu’en 2015, un mode de fonctionnement identique à celui du Sénat. À la demande de Mme Patricia Adam, présidente de la délégation en 2016, un administrateur exclusivement dédié à la DPR a été nommé depuis cette date.

Ces deux modes de fonctionnement sont complémentaires et présentent leurs avantages :

– l’Assemblée nationale met à la disposition de la délégation un fonctionnaire qui lui est pleinement consacré, et donc plus à même de se professionnaliser sur les sujets qui l’occupent ;

– au Sénat, les fonctionnaires affectés auprès de la délégation assistent également les sénateurs dans l’examen des textes législatifs relatifs au renseignement (aussi bien au fond que pour avis) ; leur droit d’en connaître favorise d’ailleurs une meilleure appréhension des enjeux de ces textes. Cette organisation est donc un gage d’efficience et assure une continuité dans le suivi des recommandations de la DPR.

Si le nombre de ces fonctionnaires est jugé satisfaisant et concourt, lui aussi, à la préservation du secret des travaux, tout en permettant une bonne diffusion de l’information entre les deux chambres, la quotité de travail consacrée à la DPR suscite, elle, des interrogations.

La question des ressources humaines propres à la délégation a été soulevée lors du colloque du 22 novembre 2018. La comparaison faite avec les structures homologues belge et allemande, bien mieux dotées en personnel que la DPR, a permis de mettre en lumière le retard accusé par la France en la matière.

La montée en puissance des services spécialisés de renseignement ne s’est pas traduite par un renforcement proportionnel des organes chargés de leur contrôle. Or, la modestie des moyens humains peut constituer une évidente limite à l’effectivité du contrôle parlementaire sur la politique publique de renseignement.

Pour répondre aux besoins de la délégation, chaque assemblée devrait, au minimum, lui consacrer un équivalent temps plein annuel travaillé (ETPT), en veillant à l’équilibre entre les deux chambres, chacune d’elles devant prendre fidèlement sa part. Leurs secrétaires généraux respectifs, voire leurs bureaux ([2]), doivent être saisis de ces difficultés ([3]).

Recommandation n° 1 : Renforcer les moyens humains affectés au secrétariat de la DPR en y affectant, au minimum, un ETPT au sein de chaque assemblée parlementaire.

2.   L’accès à l’information

a.   La communication des rapports intéressant la délégation

Eu égard aux moyens dont elle dispose, la délégation parlementaire au renseignement ne peut mobiliser les mêmes ressources que les services d’inspection pour conduire ses missions. Par conséquent, et dans un souci d’efficience, la DPR souhaite pouvoir s’appuyer sur les rapports déjà réalisés par ces services. Ces éléments constitueraient une base de travail précieuse, lui permettant de mieux orienter ses futurs travaux d’évaluation et de contrôle.

Cette possibilité est ouverte par l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100, qui dispose à cet égard que « la délégation peut solliciter du Premier ministre la communication de tout ou partie des rapports de l'inspection des services de renseignement ainsi que des rapports des services d'inspection générale des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence ». Encore faut-il, pour ce faire, que la DPR soit informée de l’existence de ces rapports.

En outre, le I du même article précise que la délégation est « destinataire des informations utiles à l'accomplissement de sa mission », avant d’énumérer une liste non exhaustive d’informations et de documents qui lui sont adressés. La DPR souhaiterait juger elle-même de la pertinence des documents utiles, voire indispensables, à l’exercice de son contrôle afin d’en solliciter la communication.

À titre d’illustration, la délégation a essuyé deux refus en 2018 :

– l’inspection générale des finances n’a pas donné suite à la demande officielle que lui avait adressée M. Philippe Bas, en sa qualité de président de la DPR, en vue de l’obtention d’un rapport de la mission sur la protection des entreprises stratégiques, en lien direct avec le thème de travail décidé de la délégation pour l’année 2017 ;

– le directeur général de la sécurité intérieure (DGSI) n’a pas autorisé la commission de vérification des fonds spéciaux à consulter le rapport établi par son service d’inspection interne sur la gestion des sources, ou du moins certains de ses extraits, malgré les demandes répétées du président Loïc Kervran.

En effet, toutes ces observations, faites au titre de la délégation parlementaire au renseignement, s’appliquent également à la commission de vérification des fonds spéciaux qui en émane. Cette commission, seul organe de contrôle externe de l’utilisation des fonds spéciaux, doit être en mesure d’auditer les différents niveaux de contrôle interne des services et, à cette fin, être autorisée à consulter l’ensemble de leurs rapports et comptes rendus.

Pour l’ensemble de ces raisons, la délégation renouvelle la recommandation qu’elle a déjà formulée en 2007 et en 2017, en la précisant davantage.

Recommandation n°2 : Communiquer à la délégation parlementaire au renseignement la liste des rapports des services d’inspection ministériels et interministériels, et des rapports des organes de contrôle interne des services de renseignement afin qu’elle puisse, en tant que de besoin, en solliciter la communication ou la consultation.

b.   Des moyens de télécommunication sécurisés

Afin d’être en mesure de communiquer et d’échanger plus facilement des informations classifiées avec la communauté du renseignement, la DPR a entrepris des démarches auprès du SGDSN et de l’ANSSI en vue de son raccordement aux réseaux sécurisés, aussi bien informatique (ISIS) que téléphonique (OSIRIS).

L’installation d’un terminal informatique – permettant d’accéder à la messagerie et à la bureautique du réseau – et d’une ligne téléphonique est prévue dans les salles sécurisées et homologuées dont disposent l’Assemblée nationale et le Sénat. La Haute Assemblée devrait disposer de ces matériels au cours du deuxième trimestre 2019 tandis qu’une procédure de demande est en cours à l’Assemblée nationale.

C.   elargir le champ du contrôle parlementaire

Si le format de la délégation n’est pas appelé à évoluer, son périmètre et ses prérogatives font quant à eux l’objet de débats internes.

Pour tenter d’en redéfinir les contours, plusieurs amendements avaient été déposés au Sénat dans le cadre de l’examen des deux derniers projets de loi de programmation militaire.

Lors de l’examen en commission du projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, le rapporteur du texte, M. Jean‑Louis Carrère, alors président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat et membre de la délégation parlementaire au renseignement, avait proposé des amendements visant notamment à :

– reconnaître à la délégation la possibilité, avec l’accord du Premier ministre, de connaître des informations et des éléments d’appréciation portant sur les activités opérationnelles des services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités, sous réserve que ces éléments ne portent pas sur les opérations en cours ou les échanges avec d’autres services étrangers ou des organismes internationaux ;

– reconnaître à la délégation la possibilité d’auditionner les agents des services de renseignement, autres que leurs directeurs ;

– autoriser la délégation à faire état, dans son rapport public, de « graves dysfonctionnements constatés dans l’action des services ».

Tous ces amendements avaient été rejetés, la commission préférant s’en tenir, dans ce domaine, au texte déposé par le gouvernement.

Lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat avait adopté un amendement reprenant les termes de la proposition de loi ([4]) déposé le 11 mai 2018 par MM. Philippe Bas, Christian Cambon et François-Noël Buffet, tous les trois membres de la délégation parlementaire au renseignement.

Cette proposition de loi visait à :

– autoriser l’accès de la DPR à certains documents tout en préservant la capacité de l’exécutif à restreindre ce droit d’accès pour certaines informations, sous réserve de motiver leur refus ;

– lui transmettre la liste des rapports des inspections générales des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence ;

– lui permettre d’entendre les personnels de ces services, sur leurs sites, afin de préserver leur anonymat ;

– prévoir la possibilité, pour la délégation, de désigner en son sein un rapporteur, auquel elle pourrait confier des missions d’évaluation et de contrôle sur des thématiques définies.

Faute de consensus entre les deux chambres, et au sein même de la délégation parlementaire au renseignement, la commission mixte paritaire a décidé de retirer ces dispositions du texte de la LPM. Lors des débats de la commission mixte paritaire, la présidente de la délégation a alors appelé la DPR « à travailler collectivement et sereinement au renforcement de ses pouvoirs ; la délégation a toujours souhaité que cela résulte d’une démarche conjointe. Je vous remercie donc particulièrement, messieurs les rapporteurs [de la LPM], de rendre possible cette réflexion conjointe entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement, et qui aboutira dans les années à venir. »

À cet égard, le colloque du 22 novembre 2018, organisé à l’Hôtel de Lassay, a constitué une première étape. Le besoin de faire évoluer la DPR a fait l’unanimité, aussi bien auprès des parlementaires qu’auprès des services de l’exécutif. En clôture de la seconde table ronde, consacrée précisément aux évolutions possibles du contrôle parlementaire du renseignement, le président Jean-Jacques Bridey a proposé aux parlementaires de travailler « avec l’exécutif afin, au travers de la loi sur le renseignement annoncée pour 2020, donc demain, d’amender et d’approfondir cette loi pour renforcer les pratiques de la délégation parlementaire au renseignement. Mais cela à la condition que nous, parlementaires, puissions lui donner les moyens de bien fonctionner et d’assurer les pouvoirs qui lui seront attribués par la nouvelle loi. »

Recommandation n° 3 : Engager un dialogue entre la DPR et le Gouvernement sur le renforcement des pouvoirs du contrôle du Parlement sur le renseignement, dans la perspective de la loi Renseignement de 2020.

Enfin, il est à noter que, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), la commission spéciale de l’Assemblée nationale avait adopté, en première lecture, un amendement créant une délégation parlementaire à la sécurité économique ([5]), faisant suite au rapport de la commission d’enquête sur les décisions de l’État en matière de politique industrielle.

Il était envisagé que les compétences de cette délégation, composée de quatre députés et de quatre sénateurs, s’exercent « sans préjudice des compétences des commissions permanentes », mais aussi « sous réserve des compétences de la délégation parlementaire au renseignement » ([6]).

La commission spéciale du Sénat a supprimé ce dispositif au motif, entre autres, qu’elle empiéterait sur le périmètre de plusieurs commissions et délégations, dont la DPR. Le dispositif n’a pas été rétabli à l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, ce dont se félicite notre délégation qui avait justement consacré, en 2017, l’essentiel de ses travaux au renseignement d’intérêt économique, en proposant plusieurs pistes de réflexion et de réforme.


—  1  —

II.   observations sur la mise en œuvre de la politique publique de renseignement et de son contrôle

A.   une vision partielle de la stratégie nationale et du plan national d’orientation du renseignement (PNOR)

La stratégie nationale du renseignement définit la politique du renseignement pour le quinquennat à venir. Elle est réévaluée chaque année en tant que de besoin.

Une présentation de cette stratégie est publiée sur le site internet de l’académie du renseignement afin de sensibiliser nos concitoyens aux enjeux de cette mission régalienne, qui constitue « un instrument de promotion et de défense des intérêts de la France dans le monde », et au rôle central joué par les services dans ce domaine.

Elle identifie cinq menaces majeures : le terrorisme, l’espionnage et l’ingérence économique, la prolifération des armes de destruction massive, les cyberattaques et la criminalité organisée.

La DPR n’a pas eu connaissance de l’actualisation de la stratégie nationale du renseignement alors même que le rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 semble commander sa révision, à la lumière des conclusions de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale rendues publiques le 13 octobre 2017.

Recommandation n° 4 : Transmettre à la DPR l’actualisation de la stratégie nationale du renseignement

La mise à jour de la stratégie nationale du renseignement s’accompagne nécessairement d’une actualisation du plan national d’orientation du renseignement (PNOR) ; le rapport annuel du CNRLT fait d’ailleurs état d’une évolution du PNOR pour les années 2017 à 2019, validée lors du conseil national du renseignement du 18 décembre 2017.

Ce document opérationnel, protégé par le secret de la défense nationale, fixe aux services de renseignement leurs axes de priorités. Il n’est pas intégralement communiqué à la délégation dans la mesure où il contient les instructions données par les pouvoirs publics aux services de renseignement, ce dont la DPR n’a pas à connaître. Des éléments d’information issus du PNOR lui sont néanmoins communiqués, comme le prévoit l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-110 du 17 novembre 1958.

La méconnaissance des éléments du PNOR est un frein au contrôle parlementaire qui incombe à la délégation. Il est donc essentiel que le CNRLT lui en fasse une présentation plus complète et actuelle afin que la DPR puisse avoir connaissance du PNOR sur les thématiques dont elle se saisit.  

Recommandation n° 5 : Transmettre à la DPR l’intégralité du PNOR, à l’exclusion des informations que le Gouvernement ne souhaiterait pas communiquer.

B.   Les rapports annuels d’activité des services spécialisés de renseignement et de synthèse des crédits qui leur sont consacrés

Comme chaque année depuis 2016, le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme a adressé à la délégation son rapport annuel, composé :

– d’un rapport d’activité des services spécialisés de renseignement et des services mentionnés à l’article L. 811-4 du code de la sécurité intérieure ;

– et d’un rapport de synthèse exhaustif des crédits consacrés au renseignement.

Ces documents, relatifs à l’année 2017, sont établis en vertu des dispositions de l’alinéa 3° de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

1.   Les principales observations de ces rapports

a.   La politique publique du renseignement

La première partie du rapport est consacrée à la gouvernance de la communauté du renseignement et aux évolutions organisationnelles des services concourant à cette politique publique.

*****

La coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme y présente également, à grands traits, son activité au cours de l’année 2017, marquée par un renforcement de ses missions conformément aux engagements du président de la République. Cette évolution s’est traduite par une augmentation de ses moyens humains, qui ont doublé, passant de 17 à 34 équivalents temps plein (ETP).

Cette première partie rend également compte des changements opérés dans l’organisation des services des premier et second cercles, ainsi que dans les structures apportant un appui à la politique publique du renseignement (groupement interministériel de contrôle, secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, etc.). Une description plus détaillée de leur organisation respective est annexée au rapport.

b.   L’activité des services de renseignement

La deuxième partie présente l’activité des services de renseignement suivant trois finalités : l’aide à la décision ; la prévention et la réduction des vulnérabilités ; l’entrave et la neutralisation des menaces.

L’augmentation de leur production écrite (+ 16,6 % par rapport à 2016), est à mettre à l’actif du nombre de « dossiers de renseignement actionnables » établis en vue de l’appui aux opérations militaires, qui a quasiment quintuplé en l’espace d’un an. Par ailleurs, un nouveau type de document d’aide à la décision est mentionné depuis 2017 dans le rapport d’activité : la note « flash ». Généralement rédigée par l’un des services en charge du renseignement territorial, cette note vise à informer, en temps réel, sur l’évolution d’une situation, d’un événement ou d’une action sur la voie publique.

Chaque production écrite est ensuite adressée à un ou plusieurs destinataires : présidence de la République (cabinet du président, état-major particulier, cellule diplomatique, CNRLT), cabinets ministériels et/ou administrations. Près de la moitié des destinataires relevait des services du ministère des armées, et plus du quart relevait des services du Quai d’Orsay. La diffusion auprès des ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur a connu un accroissement important, même si leur volume reste contenu.

*****

Enfin, le rapport dresse un bilan chiffré du nombre d’actions de prévention et de réduction des vulnérabilités, détaillées par nature, et du nombre de mesures d’entrave et de neutralisation à caractère administratif, également détaillées. Une analyse de ces données au regard des objectifs fixés par le PNOR est en outre proposée (cf. chapitre 3 sur la lutte contre la radicalisation et le terrorisme, page 37).

c.   Les ressources consacrées au renseignement

Ce troisième volet correspond, pour partie, au rapport de synthèse exhaustif des crédits consacrés au renseignement, aussi bien en fonds normaux qu’en fonds spéciaux.

Le budget consacré à la politique publique du renseignement y est présenté de manière agrégée, alors que dans la loi de finances, les crédits sont répartis au sein de plusieurs missions budgétaires. Une telle présentation permet de mesurer davantage l’effort consenti par notre pays en faveur de la montée en puissance des services de renseignement.

Crédits de paiement consacrés à la politique publique du renseignement,
en fonds normaux (en millions d’euros)

 

* Pour l’année 2018, les données correspondent à la dotation accordée.

L’enveloppe globale des crédits, en fonds normaux, consacrés au renseignement, a donc progressé de plus de 18 % entre 2014 et 2017. D’après les estimations communiquées par la CNRLT, ces crédits ont cru d’environ 32 % au cours des cinq dernières années.

Les missions « défense » et « sécurités » représentent désormais l’essentiel des crédits, soit plus de 90 % du budget total. Entre 2014 et 2018 :

– la part de la mission « défense » au sein du budget total est passée de 69 % à 60 % ; ses crédits sont en hausse de 14 % sur la même période ;

– la part de la mission « sécurités », qui regroupe les programmes « police nationale » et « gendarmerie nationale », est passée de 25,7 % à 30,4 % ; ses crédits ont augmenté de plus de moitié sur la même période.

Ces fonds normaux ont principalement été consommés par la communauté du renseignement ([7]) (environ 62 % du total en 2017), et plus particulièrement par les services de renseignement relevant du ministère des armées ([8]) (43 % du montant global).

S’agissant des fonds spéciaux ( ([9])), leur consommation est également en nette hausse (+ 43,3 % entre 2014 et 2017), mais leur volume est beaucoup plus restreint ; ils ne représentaient en effet que 3,33 % du total des crédits alloués, en 2017, à la politique publique du renseignement ([10]).

Depuis 2015, les services de renseignement ont vu leurs recrutements progresser de façon significative (cf. chapitre 5 traitant de la question des ressources humaines). Ainsi, entre 2014 et 2017, le nombre d’agents participant à la politique publique du renseignement est passé de 15 531 à 18 632, soit une hausse de 20 % des effectifs. Plus de la moitié des recrutements ont été réalisés au profit de la direction générale de la police nationale (+ 916 emplois) et la DGSI (+ 715 emplois). L’évolution constatée en 2017 est également la conséquence de l’entrée, dans le périmètre des services mentionnés à l’article L. 811-4 du code de la sécurité intérieure, du bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP) et des cellules interrégionales du renseignement pénitentiaire, dont les effectifs étaient de 349 agents.

Cette tendance s’est naturellement traduite par une hausse des dépenses de personnel (titre 2), qui s’élevaient, en 2017, à près de 58 % des dépenses en fonds normaux ([11]).

Les statistiques fournies dans le rapport offrent une vision assez large du profil de ces agents : statut (fonctionnaires, contractuels, militaires) et catégorie (A+, A, B ou C), âge et sexe. Les « flux de ressources humaines » (recrutements et départs) sont également commentés ; cette partie pourrait utilement être enrichie de données plus détaillées sur les mutations, au sein de la communauté du renseignement d’une part, et entre la communauté du renseignement et les autres services – y compris les structures d’appui – d’autre part. Ces statistiques pourraient ainsi mettre en évidence l’existence de « filières » de recrutement interservices, ou certaines difficultés de mobilité.

Pour ce qui concerne les ressources techniques, les statistiques communiquées par la CNRLT sur les techniques de recueil de renseignement soumises à autorisation, viennent compléter les informations publiées ou transmises par la CNCTR, et offrent un éclairage précieux à la délégation parlementaire.  *****

d.   Les coopérations

Le dernier volet du rapport est consacré à la mise en œuvre des coopérations interservices.

Les coopérations sont présentées de manière thématique, suivant les finalités du PNOR. Pour chaque finalité, une ou plusieurs structures (groupe de travail, cellule, etc.) ont été mises en place ; elles sont généralement pilotées par une seule entité (la CNRLT, le SGDSN, un service de renseignement, un service ministériel, etc.) et impliquent plusieurs administrations ou services. Leur objet est décrit de manière laconique.

La DPR relève l’intégration, à compter de 2017, du BCRP au sein de plusieurs structures concourant à la prévention du terrorisme (finalité 4 du PNOR).

Seule la cellule Allat, pilotée par la DGSI et dédiée à la prévention du terrorisme islamiste sur le territoire national, fait l’objet d’un focus, toutefois assez succinct. Outre le nombre de saisines, le rapport présente les modalités de fonctionnement de la cellule à travers la résolution d’un dossier concret et anonymisé. Il serait pertinent de disposer, pour chaque finalité du PNOR, d’un focus sur sa structure de coopération la plus importante avec des éléments plus précis sur ses ressources, sa production et son efficacité (ou sa plus-value).

Enfin, aucun élément concret n’est mentionné dans le rapport s’agissant des coopérations techniques et fonctionnelles. Aussi la DPR souhaiterait-elle, à l’avenir, être informée des conclusions des principaux programmes de coopération technique et de leurs calendriers de travail, et être destinataire d’éléments relatifs à la mutualisation des ressources linguistiques entre la DGSE, la DGSI et la DRM.

2.   Un contenu en voie de consolidation

La délégation parlementaire au renseignement salue, une nouvelle fois, le travail de synthèse réalisé par la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme. Les informations contenues dans son rapport sont très utiles aux parlementaires pour nourrir leur réflexion et dégager des axes de travail.

La DPR invite néanmoins la CNRLT à affiner les informations qu’elle lui transmet afin qu’elles répondent davantage à ses besoins. Les parlementaires souhaiteraient disposer d’informations pertinentes mettant en regard les ressources allouées aux services et leur niveau d’activité respectif. À cet égard, la délégation avait souhaité l’an dernier que l’inspection des services de renseignement soit chargée d’une mission sur la mise au point d’indicateurs de performance des services spécialisés, qui serviront à leur pilotage stratégique en dégageant les principales évolutions et les points d’attention.

Recommandation n° 6 : Travailler, en lien avec la délégation parlementaire au renseignement, à l’amélioration du rapport annuel de la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme. Ce rapport pourrait notamment contenir, dans son nouveau format, des indicateurs de performance des services, ainsi qu’une synthèse des crédits sur l’année en cours tels qu’ils sont inscrits dans la loi de finances initiale et une synthèse sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances soumis à l’examen du Parlement.

En outre, aux fins d’exploiter de façon optimale les informations qui lui sont transmises, la délégation souhaiterait que ce rapport lui soit remis avant le 15 septembre de chaque année. Une audition du CNRLT serait alors programmée en début de session parlementaire ordinaire, au cours de laquelle les parlementaires pourront l’interroger afin d’approfondir certains points du rapport et demander des précisions.

Dans son précédent rapport, la DPR demandait une transmission avant le 1er juillet de chaque année, ce qui est difficilement envisageable selon la coordination en raison du temps nécessaire au recueil et à la synthèse des informations communiquées par l’ensemble des services.

Recommandation n° 7 : Transmettre à la délégation parlementaire au renseignement le rapport annuel de la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, au plus tard le 15 septembre de l’année suivante.

3.   Le suivi des recommandations et des propositions de la délégation parlementaire au renseignement

Dans son précédent rapport d’activité, la délégation parlementaire au renseignement a formulé dix recommandations portant sur l’évaluation et le contrôle parlementaire du renseignement, et adressé onze propositions sur le renseignement d’intérêt économique.

D’après le bilan réalisé par la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, 16 d’entre elles ont été prises en compte, au moins pour partie, soit un taux de reprise de 76 %.

C.   Les autres documents transmis à la délégation

1.   Les éléments d’appréciation relatifs à l’activité générale et à l’organisation des services spécialisés de renseignement et des services du second cercle

La délégation parlementaire au renseignement a sollicité et obtenu plusieurs documents émanant des services de renseignement, tant du premier que du second cercle, afin de préparer ses travaux d’évaluation et de contrôle ainsi que son rapport annuel d’activité (réponses aux questionnaires écrits, entre autres).

2.   Les observations de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement

La délégation parlementaire au renseignement a auditionné, en fin d’année 2018, la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). À cette occasion, son président a procédé, comme l’année précédente, à une présentation des éléments contenus dans son rapport annuel d’activité.

Pour son deuxième rapport, l’autorité administrative indépendante a fait le choix d’élargir le champ des statistiques rendues publiques, afin de mieux informer nos concitoyens ; c’est à ce titre que la répartition des demandes de techniques de renseignement, par finalité, a été communiquée pour la première fois.

En revanche, les éléments par technique et par finalité n’y figurent pas, et n’ont pas vocation à l’être. Ces données sont néanmoins très utiles à la DPR pour l’éclairer sur les besoins des services de renseignement – et donc sur leurs priorités – et le cadre dans lequel les techniques de renseignement sont sollicitées ; cette communication mériterait ainsi d’être pérennisée.

Saisi par la DPR, le président de la CNCTR a indiqué, par courrier en date du 1er avril 2019, que la commission n’avait pas eu à faire usage, en 2018, de la faculté que lui donnent les articles L. 833-10 et L. 855-1 C du code de la sécurité intérieure d’adresser au Premier ministre, à tout moment, les observations qu’elle juge utiles.

Enfin, la DPR n’a encore jamais usé de sa faculté de saisine pour avis de la CNCTR en application de l’article L. 833-11 du même code.

3.   Les rapports de l’inspection des services de renseignement

Placée sous l’autorité du Premier ministre, l’inspection des services de renseignement (ISR) réalise « des missions de contrôle, d’audit, d’étude, de conseil et d’évaluation à l’égard des services spécialisés de renseignement » ainsi qu’en dispose le décret n° 2014-833 du 24 juillet 2014 en portant création.

L’inspection des services de renseignement ne constitue par un corps d’inspection en tant que tel ; ses membres, habilités au niveau « très secret défense », sont issus de différents corps d’inspections ministérielles, et désignés par le Premier ministre, sur proposition du ministre dont ils relèvent, et après avis du CNRLT.

Un chef de mission est désigné par le Premier ministre pour chaque mission confiée à l’ISR. Son secrétariat est assuré par la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme.

En application de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 précitée, « la délégation peut solliciter du Premier ministre la communication de tout ou partie des rapports de l’inspection des services de renseignement ».

La DPR a reçu, à ce titre, plusieurs rapports au cours des années précédentes :

– en 2015, un rapport lui a été transmis relatif au futur rapport d’activité des services de renseignement dont il précisait les contours, ainsi qu’un pré-rapport portant sur la mise en œuvre de la loi du 24 juillet 2015 en matière de techniques de recueil de renseignement ;

– en 2016, la DPR a été destinataire du rapport final consacré à la mise en œuvre de la loi de juillet 2015 ;

– enfin, en 2017, deux rapports lui ont été communiqués : le premier portait sur l’organisation et le fonctionnement de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris et ses interactions avec les autres acteurs du renseignement, et le second sur la formation des agents des services de renseignement.

Aucun rapport de l’ISR ne lui a été envoyé en 2018. En 2019, le Président de la Commission de vérification des fonds spéciaux a adressé au Premier ministre une demande de communication du rapport de l’ISR sur la gestion des fonds spéciaux, en cours d’instruction à la date d’examen du présent rapport.

ANNEXE :
reprise des recommandations de la délégation parlementaire au renseignement au 1eravril 2019

Rapport 2014

 

Complètement prise en compte

53

 

85*

Partiellement ou en cours de prise en compte

32

Non prise en compte

12

 

Non cotée

5

 

TOTAL

102

 

(*) dont 82 dès le 31 décembre 2015 notamment dans le cadre de la loi relative au renseignement.

Rapport 2015

 

Complètement prise en compte

18

 

24

Partiellement prise en compte

2

En cours de prise en compte

4

Non prise en compte

5

 

Non cotée

 

 

TOTAL

29

 

 

Rapport 2016

 

Complètement prise en compte

2

 

11

Partiellement prise en compte

4

En cours de prise en compte

5

Non prise en compte

2

 

Non cotée

 

 

TOTAL

13

 

 

Rapport 2017

 

Complètement prise en compte

12

 

16

Partiellement prise en compte

2

En cours de prise en compte

2

Non prise en compte

5

 

Non cotée

 

 

TOTAL

21

 


—  1  —

   chapitre III :

La lutte contre la radicalisation et le terrorisme : une adaptation permanente et nécessaire des services de renseignement
à l’évolution de la menace

Au cours de l’année 2018, le terrorisme a, à trois reprises, frappé notre pays, à Trèbes, le 23 mars, à Paris, le 12 mai et à Strasbourg, le 11 décembre, coûtant la vie à 10 personnes. Le 5 mars 2019, deux surveillants pénitentiaires de la prison de Condé-sur-Sarthe, en Mayenne, ont été attaqués au couteau par un détenu radicalisé.

Ces tragiques événements nous rappellent, si besoin en était, la prégnance de la menace qui, en dépit du recul indéniable de l’État islamique dans la zone syro-irakienne, pèse encore sur notre territoire.

Ils reflètent également l’évolution de cette menace, qui, depuis plusieurs années, tend à devenir principalement endogène et met à l’épreuve les dispositifs de lutte antiterroriste développés depuis plusieurs années.

Alors que le Gouvernement annonçait, en juillet 2018, la mise en œuvre d’un nouveau plan d’action contre le terrorisme, la délégation a souhaité se pencher sur les récentes adaptations apportées au dispositif de lutte antiterroriste et sur les enjeux auxquels il est aujourd’hui confronté ([12]).

I.   Bien qu’elle ait profondément changé de nature, la menace terroriste demeure élevée sur le territoire national

La défaite militaire de l’État islamique au Moyen-Orient, qui s’est achevée, le 23 mars 2019, avec la perte du réduit syrien de Baghouz, a considérablement réduit les capacités de l’État islamique à fomenter des opérations terroristes d’ampleur en Europe.

Pour autant, la menace terroriste, désormais principalement endogène, demeure élevée sur le territoire national.

A.   UnE menace exogène relativement réduitE depuis la chute du « califat »

1.   L’État islamique : une organisation terroriste fortement affaiblie, mais qui demeure influente

En dépit de ses défaites militaires et de la perte de la totalité de ses assises territoriales, l’État islamique n’a pas perdu sa capacité de nuisance.

Avec la chute du « califat », l’État islamique a basculé dans la clandestinité et adopte désormais une logique insurrectionnelle, conduisant des attaques ciblées. Selon les informations communiquées à la délégation au cours de ses travaux, des cellules dormantes de l’État islamique demeureraient ainsi actives dans certains territoires libérés, en Irak et en Syrie, principalement à Raqqa.

Qui plus est, de l’avis de nombreux experts, il n’est pas à exclure que l’organisation terroriste, forte de sa maîtrise de la clandestinité et de sa capacité de régénération, soit en mesure de se réorganiser, voire de se reconstituer. Pour Thomas Pierret, chercheur, « malgré sa défaite, l’État islamique reste un acteur politique et militaire. […] L’État islamique a une longue expérience de la clandestinité, ce groupe peut se maintenir dans les contextes les plus défavorables. On constate que des celles djihadistes parviennent déjà à mener avec succès des attaques dans l’est de la Syrie et dans certaines régions d’Irak. Certes, il ne s’agit pas d’une insurrection de grande ampleur mais il ne faut pas négliger les capacités de réorganisation dont l’État islamique a fait preuve par le passé. Ses chefs ont des procédures établies qui leur permettent de reconnecter des cellules éparses après une défaite et de reconstruire des chaînes de commandement efficaces » ([13]). Dans ce contexte, la DGSI n’exclut pas la possibilité d’exfiltration de djihadistes par la frontière turque, qui demeure poreuse.

Pour autant, les services du renseignement, en particulier la DGSI, estiment que le risque d’opérations d’ampleur similaire à celle des attaques du 13 novembre 2015 est désormais plus réduit. L’affaiblissement de l’État islamique, qui ne dispose plus, depuis la perte du réduit syrien de Baghouz le 23 mars 2019, d’emprise territoriale au Moyen-Orient, aurait ainsi considérablement réduit ses capacités de projections en Europe.

2.   Les returnees : une menace maîtrisée

Si la question des returnees a très largement focalisé l’attention au cours des derniers mois, elle ne constituerait pas, pour les services de renseignement, la principale source de menace à laquelle la France est aujourd’hui confrontée.

Les services de renseignement n’estiment en effet pas probable le scénario d’un retour massif de ressortissants français vers le territoire national.

Sur les quelques 1 328 individus ([14]) qui auraient rallié la zone depuis le début du phénomène en 2012, 709 ressortissants ou résidents français formellement identifiés étaient, au 8 mars 2019, encore présents en zone syro‑irakienne, parmi lesquels 129 détenus (54 hommes et 75 femmes).

Pour l’heure, les velléités de retour de ce contingent français sont demeurées mesurées. Seuls 270 individus auraient ainsi regagné volontairement le territoire national. Sur les trois dernières années, le nombre de retours a été de 24 en 2016, 10 en 2017, 10 en 2018 et 2 depuis le début de l’année 2019.

De l’avis des services de renseignement, si la défaite de l’État islamique pourrait faire évoluer la situation et inspirer une plus grande volonté de rapatriement, les difficultés pratiques à quitter la Syrie et l’efficacité des mesures d’entrave réduiraient, pour l’heure, les risques de fuite et de retours non contrôlés.

B.   La menace endogène, principale préoccupation des services de renseignement

En raison de la réduction des risques d’attaques fomentées depuis l’extérieur du territoire national, la préoccupation de la communauté du renseignement demeure aujourd’hui principalement orientée vers la menace endogène.

Affaiblie sur le plan territorial, l’État islamique conserve en effet, par le biais d’une propagande particulièrement active, la capacité de provoquer sur notre territoire, directement ou indirectement, des attaques dites « inspirées » ou d’initiative. Qui plus est, les services de renseignement constatent une relance de la propagande médiatique de l’organisation Al‑Qaeda.

Tous les passages à l’acte depuis les attentats du 13 novembre 2015 ont été commis par des individus isolés, radicalisés et ne s’étant pas rendus en zone‑syro‑irakienne.

Cette évolution de la menace place les services de renseignement face à des difficultés importantes dans la caractérisation des éléments déclencheurs d’un passage à l’acte. Pour la DGSI, s’il est possible de déceler des similitudes dans les profils des terroristes – pour la plupart aux profils instables, souvent délinquants multirécidivistes issus d’un environnement sensible à l’idéologie radicale -, il n’en demeure pas moins complexe, pour les services, d’appréhender leur dangerosité effective. 

II.   Au cours des dernières années, les services de renseignement se sont structurés et ont vu leurs moyens renforcés pour faire face à la menace terroriste

Pour répondre à une menace terroriste toujours plus forte, la France s’est dotée, au cours des dernières années, d’un dispositif structuré et renforcé de lutte contre le terrorisme, au sein duquel les services de renseignement se sont vus attribués une place centrale.

A.   Un engagement massif des services de renseignement pour mieux lutter contre la menace terroriste

1.   Des services de renseignement dotés de moyens accrus

Depuis 2014, les moyens d’action des services de renseignement, tant juridiques qu’humains et financiers, ont été sensiblement élargis, au gré des diverses interventions du législateur et de la mise en place, par les Gouvernements successifs, d’une politique ferme de lutte contre le terrorisme.

a.   Des prérogatives juridiques élargies

La loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement a permis de doter les services de renseignement d’un cadre d’action sécurisé et renforcé.

Tout en posant un cadre juridique précis et protecteur des droits et libertés individuels, elle a élargi la liste des techniques de renseignement pouvant légalement être mises en œuvre par les services.

Par ailleurs, en conférant une valeur juridique aux renseignements collectés, elle a ouvert la possibilité de les exploiter dans le cadre de procédures judiciaires, et ainsi d’assurer une plus grande efficacité de l’activité de renseignement.


La loi a accordé à la lutte contre le terrorisme une place particulière. Il s’agit en effet de la seule finalité, parmi les sept finalités listées à l’article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure ([15]), pour laquelle l’ensemble des techniques de renseignement créées est autorisé.

Les techniques de renseignement susceptibles d’être mises en œuvre par les services de renseignement pour lutter contre le terrorisme

La prévention du terrorisme est la seule finalité pour laquelle toutes les techniques de renseignement prévues par le titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure sont susceptibles d’être mises en œuvre par les services de renseignement.

Si la plupart des techniques sont communes à plusieurs finalités, deux sont limitées à la seule prévention des actes de terrorisme, eu égard à l’atteinte portée aux droits et libertés individuels :

 

– le recueil en temps réel des données de connexion (art. L. 851-2 du code de la sécurité intérieure) ;

– la technique dite de « l’algorithme », qui consiste à mettre en œuvre un traitement automatisé de données destiné, en fonction de paramètres précisés, à détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste.

Il peut par ailleurs être noté que certains services de renseignement dits du « second cercle » peuvent,  sous certaines conditions et pour certaines finalités, être autorisés à recourir à des techniques de renseignement.  Il s’agit par exemple de la sous-direction anti-terroriste et de la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée, de la direction centrale de la police judiciaire ou encore de la sous-direction de l’anticipation opérationnelle de la gendarmerie nationale.

Si la loi de 2015 n’a pas été profondément modifiée à ce jour, les modifications qui lui ont été apportées depuis sa promulgation sont allées dans le sens d’un renforcement des moyens juridiques à disposition des services de renseignement, en particulier aux fins de prévention des actes de terrorisme.

Ainsi, la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense a modifié le régime applicable à la surveillance des communications internationales, de manière à permettre aux services de renseignement d’exploiter les communications de personnes communiquant depuis la France mais interceptées dans le cadre d’une communication internationale. Cette évolution avait pour principal objectif de mieux prendre en compte le caractère transnational des menaces, en particulier de la menace terroriste

Parallèlement, le législateur, par plusieurs textes successifs ([16]), a ouvert la voie à une montée en puissance du renseignement pénitentiaire, dont le rôle en matière de lutte contre la radicalisation et le terrorisme a été sensiblement renforcé (voir infra).

2.   Un investissement financier et humain majeur

Les moyens budgétaires et humains alloués à la lutte contre le terrorisme ont été sensiblement augmentés au cours des dernières années, au gré de l’adoption de plusieurs plans gouvernementaux : le plan de lutte contre le terrorisme (PLAT) de 2014, le pacte de sécurité (PDS) de 2015 et le plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PRAT) de 2016.

Il peut tout d’abord être observé que, sans qu’il soit possible d’isoler les financements spécifiquement alloués aux actions de contre-terrorisme, les budgets des services spécialisés de renseignement ont augmenté de manière importante (voir tableau). Entre 2014 et 2018, les fonds normaux alloués aux services de renseignement du premier et du deuxième cercle ont augmenté de plus de 11 %.

Les services du renseignement intérieurs, visés à titre principal par les différents plans de lutte contre le terrorisme, ont connu l’augmentation des moyens la plus forte. Le budget en fonds normaux de la DGSI est ainsi passé de 289,2 millions d’euros en 2014 à 403,2 millions d’euros en 2018, soit une augmentation de près de 40 %. L’augmentation de sa dotation en fonds spéciaux a été encore plus significative, dans la mesure où elle a plus que triplé sur la même période.

Les services du renseignement territorial ont également vu leurs moyens augmenter de manière importante. Ainsi, le budget des services de renseignement rattachés à la DGPN a augmenté de plus de 50 % entre 2014 et 2018.

Parallèlement, les services spécialisés de renseignement ont vu leurs moyens humains progresser de manière conséquente. Si tous les services de renseignement spécialisés ont vu leurs effectifs renforcés, la DGSI, eu égard au renforcement de sa mission de lutte contre le terrorisme, a connu la hausse la plus importante. Entre 2013 et 2017, 802 personnels supplémentaires lui ont ainsi été affectés.

Au-delà des services du premier cercle, un effort important a été conduit pour renforcer les services de renseignement territorial, qui jouent un rôle majeur dans la détection et le suivi des individus présentant des « signaux faibles » de radicalisation.

Les effectifs du service central du renseignement territorial sont ainsi passés, entre 2013 et 2017, de 2 757 personnels à 3 738, soit une augmentation de 981 emplois sur l’ensemble du territoire national. De même, les services de la direction générale de la gendarmerie nationale affectés au renseignement territorial ont gagné 80 personnels supplémentaires sur la même période, pour atteindre, en 2017, un total de 178 effectifs.

Le renseignement territorial

À la suite de l’affaire Merah, le renseignement territorial a fait l’objet d’une refonte d’ampleur, qui s’est principalement traduite par la création en 2014, au sein de la direction générale de la police nationale, du service central du renseignement territorial (SCRT). Rattaché à la direction centrale de la sécurité publique, le SCRT est chargé de la centralisation, de l’évaluation et de l’analyse des informations intéressant la sécurité publique sur tout le territoire national.

Son maillage territorial est important : son organisation repose sur 87 services de renseignement territorial, 63 antennes locales et 8 antennes aéroportuaires. Sa compétence ne s’exerce toutefois pas sur le territoire de l’agglomération parisienne, Paris et les trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne), qui relèvent de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris.

Parallèlement, la gendarmerie s’est également dotée d’une structure de renseignement, la sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO), créée en 2013. Celle-ci a pour mission de coordonner et d’analyser les renseignements collectés par les services de la gendarmerie en complément de sa mission au sein du SCRT.

*****

3.   Une activité largement orientée vers la lutte contre le terrorisme

Depuis 2015, l’activité des services spécialisés de renseignement est majoritairement orientée vers la finalité de prévention du terrorisme. 

Cet engagement massif de la communauté du renseignement s’illustre dans plusieurs statistiques relatives à l’activité des services du premier et du second cercle, transmises chaque année par la CNRLT à la délégation dans le rapport annuel d’activité des services de renseignement.

Ainsi, 20 % des productions écrites des services spécialisés et 59 % des productions produites par les services du deuxième cercle correspondent à l’axe « prévention du terrorisme » du plan national d’orientation du renseignement (PNOR).

Une grande majorité des actions de prévention et de réduction des vulnérabilités des services de renseignement est par ailleurs orientée vers la finalité de prévention du terrorisme. En 2017, cela représentait 62 % des actions menées par les services spécialisés et 99 % des services de renseignement du second cercle.

*****

B.   Une organisation structurée et une coordination renforcée

Au cours des dernières années, les services de renseignement ont été profondément restructurés pour répondre à la menace terroriste.

La coopération et la coordination interservices ont été considérablement renforcées et institutionnalisées à compter de 2015, sous l’impulsion des différents plans gouvernementaux de lutte contre le terrorisme. 

1.   Un dispositif structuré et coordonné de lutte anti-terroriste, du niveau national à l’échelon territorial

Plusieurs fois remanié et adapté depuis 2014, le dispositif national antiterroriste a fait l’objet, depuis 2017, d’une refonte destinée à garantir une meilleure coordination entre les services. Il s’articule désormais en trois niveaux.

Au niveau stratégique, la mise en place d’une coordination renforcée entre services s’est traduite par la transformation, à compter de juin 2017, de la coordination nationale du renseignement (CNR) en coordination nationale du renseignement et de la lutte antiterroriste (CNRLT) et par la création, en son sein, du centre national de contre-terrorisme ([17]).

Cette structure, placée sous l’autorité du Président de la République, est chargée d’informer en temps réel les plus hautes autorités de l’État sur l’évolution de la menace terroriste visant le territoire national ou les intérêts français à l’étranger. Lui a été confiée la définition, avec l’ensemble des ministères concernés, d’une doctrine de la lutte contre le terrorisme.

Elle assure également la coordination stratégique entre les services de renseignement, du premier cercle comme du deuxième cercle. À cet effet, elle est chargée de décliner les orientations stratégiques en priorités et en actions, pour chaque service. Elle veille également à favoriser le partage d’informations entre services ainsi que la mutualisation des outils techniques et d’analyse qu’ils développent. Elle anime le comité stratégique de la lutte contre le terrorisme qui réunit plusieurs fois par an l’ensemble des services, des directions centrales de ministères impliqués dans la lutte contre le terrorisme.

La communauté du renseignement s’est également structurée, sur le plan opérationnel, pour mieux lutter contre le terrorisme.

La DGSI a été désignée chef de file de la lutte antiterroriste sur le territoire national. Elle assure, à cet égard, la coordination opérationnelle du renseignement et reçoit les informations collectées par l’ensemble des services de renseignement qui concernent soit la sécurité nationale, soit qui mettent en cause des ressortissants français ou résidents à l’étranger. Ce chef de filât s’exerce également envers les services judiciaires spécialisés en charge de la lutte anti-terroriste dans la phase pré-judiciaire de leurs investigations.

Depuis 2015, elle accueille en son sein une cellule de collaboration opérationnelle interservices, dite cellule « ALLAT ». Celle-ci regroupe des représentants de l’ensemble de dix services de renseignement impliqués dans la lutte contre le terrorisme ([18]) et s’est, plus particulièrement intéressée au suivi de la zone syro-irakienne. D’autres modes de coordination thématiques ont été créées.

Afin de parfaire la coopération entre services, à tous les niveaux, ces cellules de coordination ont été supplées par la création de nouvelles instances de coopération intégrée.

 *****

Parallèlement à ces structures, l’Unité centrale de lutte antiterroriste (UCLAT), structure intermédiaire créée en 1984 et rattachée au directeur général de la police nationale, assure, en vertu des textes qui la régissent ([19]), un rôle de coordination et d’animation de l’action des services chargés de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Son action, qui s’exerce « sans préjudice du rôle de la direction générale de la sécurité intérieure », revêt, dans les faits, principalement la forme d’une coordination administrative.

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L’effort de coordination du renseignement antiterroriste ne s’est pas limité au niveau central. Au niveau territorial, des structures de coordination de l’activité des services de renseignement ont été développées afin de promouvoir une meilleure fluidité dans les échanges d’informations entre les services.

Depuis décembre 2012, soit à la suite de « l’affaire Merah », des bureaux de liaison entre les services de renseignement relevant du ministère de l’intérieur – la DGSI et les services du renseignement territorial –, les Bureaux zonaux de liaison et de coordination (BZLC) ont été créés.

Ces structures intégrées de coopération, composées d’agents rattachés à la DGSI, assurent une transmission à double sens des informations collectées par les services. Elles sont, d’une part, destinataires de l’intégralité de la production du SCRT, aux fins d’analyse et de transmission, aux services de la DGSI, des informations entrant dans son champ de compétence. D’autre part, elles sont chargées de communiquer au SCRT tous les renseignements collectés par la DGSI nécessaires à l’exercice de leurs missions.

Depuis 2014, une coopération plus opérationnelle des services de renseignement s’est mise en place au niveau départemental dans le cadre des groupes d’évaluation départementale (GED). Créés par une instruction de la garde des Sceaux, ministre de la justice, et du ministre de l’intérieur du 25 juin 2014, les GED réunissent au moins toutes les deux semaines, sous l’autorité du préfet de département, les antennes territoriales des services de sécurité et de renseignement ([20]). Peuvent y être associés par le préfet, en tant que de besoin, d’autres services susceptibles d’apporter une aide dans le suivi des individus.  

Les GED ont trois missions :

– organiser le décloisonnement de l’information entre services au niveau départemental ;

– s’assurer que chaque personne signalée pour radicalisation violente fasse l’objet d’une évaluation et, le cas échéant, d’un suivi effectif par un service de renseignement ;

– valider les stratégies opérationnelles et décider des mesures administratives nécessaires pour entraver les individus radicalisés.

Dans la droite ligne de la réforme structurelle engagée par le Gouvernement dès 2017 pour renforcer la coordination du dispositif de lutte antiterroriste, le fonctionnement et l’organisation des GED ont fait l’objet d’une nouvelle circulaire du ministre de l’intérieur du 14 décembre 2018 ([21]). Se fondant sur le constat que « des disparités subsistent, tant dans la composition, le fonctionnement des GED ou dans les modalités de suivi des personnes radicalisées », elle formalise les règles de composition, de fonctionnement et de doctrine en vue d’homogénéiser des pratiques. Elle rappelle notamment les règles relatives à la fréquence des réunions (a minima une fois tous les 15 jours), au déroulement des séances et au relevé des décisions. Y est également fixée une nouvelle doctrine de suivi des personnes radicalisées.

2.   Le développement d’une coopération au-delà des frontières de la communauté du renseignement

Parce que leur action s’inscrit dans une stratégie plus globale, les services de renseignement ont également développé des coopérations renforcées avec d’autres acteurs publics, impliqués, plus ou moins directement, dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation.

Ainsi, dans le cadre de la stratégie territoriale de lutte contre la radicalisation, les services de renseignement territorial participent aux cellules départementales de suivi pour la prévention de la radicalisation et l’accompagnement des familles (CPRAF). Créées par une circulaire du ministre de l’intérieur du 29 avril 2014, ces cellules, instituées de manière complémentaire aux GED, ont deux objectifs : d’une part, accompagner les familles qui signalent un proche en raison de sa radicalisation, suspectée ou avérée ; d’autre part, prendre en charge, dans un cadre pluridisciplinaire, les personnes signalées en voie de radicalisation.

Présidées par le préfet, les CPRAF réunissent, sur une base mensuelle, plusieurs catégories d’acteurs, relevant des services de l’État (éducation nationale, protection judiciaire de la jeunesse, pôle emploi, agences régionales de santé, etc.), des collectivités territoriales (services sociaux des conseils départementaux, aide sociale à l’enfance) ou du réseau associatif.

En tant que chef de file de la lutte antiterroriste sur le territoire national, la DGSI a également mis en place, conformément aux orientations du dernier plan de lutte contre le terrorisme, une collaboration étroite avec les organismes de sécurité sociale, en matière de suspension des prestations sociales. Le suivi régulier effectué par ce biais par les organismes de sécurité sociale permet à la DGSI d’obtenir des informations quant aux individus ayant quitté le territoire national et susceptible de revenir.

3.   Une rationalisation des structures qui doit se poursuivre

Profondément renforcée et rationnalisée, l’organisation du dispositif national antiterroriste paraît, dans l’ensemble, être arrivée à maturité et présenter une certaine cohérence. L’ensemble des acteurs entendus par la délégation s’accorde également pour reconnaître la qualité de la coopération et des échanges entre services, qui se sont multipliés et profondément fluidifiés au cours des dernières années.

Selon les informations communiquées à la délégation, le récent Comité de pilotage opérationnel aurait ainsi d’ores et déjà permis de perfectionner la coopération opérationnelle interservices à plusieurs niveaux, en :

– contribuant à consolider la circulation des productions écrites et des informations entre les différents services en charge de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation ;

– assurant un rôle de conseil auprès de l’ensemble des services de la communauté du renseignement pour la définition et la mise en œuvre d’actions d’entrave à l’encontre des individus présentant une menace avérée ;

– élaborant des travaux de doctrine communs à l’ensemble des services, notamment sur les thématiques d’évaluation de la dangerosité des personnes et sur la prise en charge des individus sortant de détention.

Les réformes engagées, dès lors qu’elles incitent à une collaboration et des échanges renforcés entre tous les acteurs impliqués, contribuent, sans aucun doute, à l’efficacité de la production et de l’exploitation du renseignement antiterroriste.

Pour autant, la délégation attire l’attention sur la nécessité de ne pas superposer les structures de coordination mises en œuvre. À cet égard, elle s’interroge sur la place actuellement occupée par l’UCLAT dans le dispositif global de lutte contre le terrorisme. Si sa mission de pilotage dans le suivi des signalements de la radicalisation est, à ce jour, correctement identifiée, il est, en revanche, moins aisé de comprendre son articulation avec le nouveau centre national de contre-terrorisme. Force est en effet de constater que, bien que rattachée à des autorités différentes, ces deux structures présentent, officiellement du moins, des fonctions identiques. Ainsi sont-elles toutes deux chargées de faciliter les échanges d’information entre les services de renseignement, de coordonner l’action desdits services ou encore de procéder à des évaluations de la menace terroriste.

En pratique, il ressort des travaux de la délégation que l’UCLAT a perdu, en grande partie, sa fonction originelle de coordination opérationnelle des services de renseignement, au profit de nouvelles structures, en particulier de la DGSI qui, à travers l’ensemble des instances collectives de partage de l’information qu’elle anime, organise sa propre coordination opérationnelle avec ses services partenaires en matière de renseignement antiterroriste. Le positionnement institutionnel de l’UCLAT, rattaché non au ministre de l’intérieur, mais au directeur général de la police nationale, constitue, sans aucun doute, un frein à l’affirmation de cette entité au sein de la communauté du renseignement.

Aussi, la délégation estime-t-elle souhaitable de clarifier le positionnement de l’UCLAT dans le dispositif de lutte contre le terrorisme et de redéfinir ses missions.

Recommandation n° 8 : Clarifier le positionnement de l’UCLAT dans le dispositif national de lutte contre le terrorisme.

À terme, elle estime souhaitable que puisse être confiée à l’inspection générale des services de renseignement une mission d’évaluation du dispositif organisationnel de la lutte antiterroriste. Celle-ci pourrait notamment être chargée de faire le bilan des multiples réformes conduites depuis 2014 et de réfléchir aux éventuels gains d’efficacité encore possibles dans la production du renseignement antiterroriste.

Recommandation n° 9 : Confier à l’inspection des services de renseignement une mission d’évaluation du dispositif organisationnel de la lutte antiterroriste.

Enfin, la délégation note qu’une coopération intégrée des services de renseignement pourrait, au-delà de l’échange d’information, également se traduire par une plus grande mutualisation technique et capacitaire entre les services. Si cet enjeu dépasse, sans aucun doute, la seule problématique de la lutte contre le terrorisme, la mutualisation, ou à tout le moins l’apport d’un appui technique des plus gros services, permettrait de rationaliser les investissements effectués et de permettre à certains services, moins dotés technologiquement, de perfectionner leurs méthodes de surveillance sous réserve de certaines mises à niveau techniques. La délégation note que plusieurs initiatives ont d’ores et déjà été initiées en ce sens par la DGSI au profit par exemple du bureau du renseignement pénitentiaire. Elle se félicite, à cet égard, qu’ait récemment été confiée à l’inspection générale des services de renseignement une mission portant sur cette thématique. La délégation émet le souhait, en cohérence avec sa recommandation n° 1, que les conclusions de l’ISR puissent lui être transmises dès l’achèvement de la mission.

 


—  1  —

III.   L’évolution de la menace terroriste confronte les services de renseignement à de nouveaux défis et nécessite de poursuivre les réformes engagées

En dépit des efforts consacrés au cours des dernières années, l’évolution de la menace terroriste place les services de renseignement face à de nouveaux enjeux et met à l’épreuve les dispositifs mis en œuvre.

Au vu de l’actualité, la délégation a choisi de concentrer ses travaux, au cours de l’année passée, sur deux thématiques spécifiques : d’une part, l’évaluation et le suivi des individus radicalisés ; d’autre part, la surveillance des individus radicalisés à leur sortie de détention.

A.   L’évaluation et le suivi de la radicalisation : poursuivre l’adaptation des dispositifs pour mieux détecter les « signaux faibles » 

1.   Le dispositif global de suivi de la radicalisation

En réponse à la montée de la radicalisation à caractère islamiste et à l’augmentation du nombre de personnes tentant de rejoindre les organisations terroristes établies en zone syro-irakienne, l’État a structuré, à compter du milieu de l’année 2014, un dispositif national de prévention et de suivi de la radicalisation, dans lequel les services de renseignement sont pleinement impliqués.

Le dispositif repose sur une collecte et un suivi administratif centralisé des signalements d’individus radicalisés susceptibles de basculer dans l’action violente. Il est animé au plan central par l’UCLAT et au plan local par les préfets de département par le biais des GED. Depuis 2015, ces signalements sont recensés dans un traitement de données à caractère personnel dédié, le Fichier de traitement des Signalements pour la Prévention de la Radicalisation à caractère Terroriste (FSPRT). Ce fichier, destiné à centraliser l’ensemble des informations relatives aux personnes résidant sur le territoire national et suivies pour radicalisation, est alimenté par trois vecteurs :

– les signalements émis par des particuliers au centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation, soit par téléphone, soit par un site internet dédié. Les signalements reçus par ce biais constituent environ 30 % des personnes fichées. Ils font, préalablement à leur inscription au FSPRT, l’objet d’un processus de validation par des équipes dédiées de l’UCLAT ;

– les signalements effectués par les services territoriaux (services déconcentrés de l’État, Éducation nationale, associations, élus locaux, etc.), via les états-majors de sécurité de chaque préfecture. Ces signalements représentent environ 37 à 38 % des personnes inscrites au FSPRT ;

– les signalements effectués par les services de renseignement, directement inscrits, par eux, dans le fichier. 30 à 32 % des individus inscrits au FSPRT le sont par ce biais.

Les signalements effectués par ces trois canaux sont inscrits au FSPRT sur décision des GED, après une première évaluation des profils. À titre exceptionnel, certains objectifs peuvent ne pas être inscrits au FSPRT, pour des raisons opérationnelles limitativement énumérées, qu’il s’agisse de la nécessité de protéger des sources ou des relations avec des partenaires étrangers ou que cela concerne des personnels radicalisés exerçant des missions de sécurité, de défense ou de souveraineté.

Conçu comme un outil de travail collaboratif, le FSPRT a pour principal objectif de faciliter les échanges de données entre services de renseignement et le suivi des personnes signalées pour radicalisation.

La fiche S et le FSPRT : des outils aux finalités distinctes

Sous-ensemble du fichier des personnes recherchées (FPR), la fiche S constitue un outil de renseignement essentiel qui permet, à l’instar d’autres techniques de renseignement, de collecter et de remonter à un service prescripteur des informations sur une personne : signalement d’un passage de frontière, contrôle de police routier, informations relatives aux personnes accompagnant l’individu, etc. Elle a pour principale finalité, au même titre que les 20 autres catégories de mesures de surveillance du FPR, de faciliter les recherches, les surveillances et les contrôles effectués par les services de police, de gendarmerie ou de Tracfin, à l’occasion d’opérations de police administrative ou judiciaire. À ce jour, la douane n’a pas d’accès direct à ce fichier même s’il est prévu qu’elle en bénéficie.

Par opposition au FSPRT, la fiche S n’est pas un outil de suivi de la radicalisation. L’appartenance à la mouvance islamiste radicale constitue certes un des principaux motifs d’inscription au FPR avec une fiche S, mais il n’est pas le seul. Les services de renseignement y recourent également pour recueillir des informations sur des personnes appartenant aux mouvements hooligans, aux mouvances ultras, etc.

 Par ailleurs, toutes les personnes faisant l’objet d’une fiche S ne sont pas des objectifs des services de renseignement. Y figurent ainsi non seulement des « personnes faisant l’objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État », mais aussi les personnes entrant régulièrement en relation avec ces individus, y compris lorsqu’elles ne présentent aucune menace. Aussi le simple fait d’être inscrit au FPR avec une fiche S ne constitue–t-il pas un indicateur de la dangerosité de la personne concernée.

Dans la mesure où il ne s’agit pas d’un outil de suivi, mais d’alerte, la fiche S comprend un nombre réduit d’informations. Y figurent l’état civil de la personne, l’objet du signalement, la photographie, les motifs de la recherche adresse de résidence de l’individu).

Y est attachée une conduite à tenir, c’est-à-dire les consignes adressées par le service prescripteur de la fiche aux services procédant aux contrôles, qu’il s’agisse d’un recueil de renseignement ou encore d’une invitation à contacter immédiatement le service prescripteur. 

Une fois inscrit au FSPRT, chaque individu signalé fait l’objet d’une évaluation de son degré de radicalisation par un service, désigné comme service menant, qui ne peut excéder quatre mois. À l’issue de cette évaluation, le signalement prend la dénomination d’objectif et un niveau de suivi lui est attribué.

Le suivi de chaque individu est confié à un service « chef de file », chargé d’assurer, à titre principal, son suivi. Au total, 9 services sont actuellement impliqués dans le suivi des personnes inscrites au FSPRT.

La DGSI assure le suivi et la surveillance des individus présentant le niveau de radicalisation le plus élevé (« haut du spectre »), qui s’inscrivent dans une logique de pré-terrorisme, à savoir : les individus qui ont manifesté une volonté de départ vers une zone de djihad, les individus présentant un lien avéré avec un projet ou un réseau terroriste, les individus signalés comme islamistes radicalisés et présentant un niveau de dangerosité avérée. Ces individus nécessitent en effet des moyens opérationnels de surveillance lourds, dans l’optique de mise en œuvre d’entraves judiciaires, que seule la DGSI est en capacité de mettre en œuvre.

Les personnes pour lesquelles la radicalisation religieuse est avérée mais qui présentent des signaux faibles de radicalisation violente sont, pour la plupart, suivis par les services du renseignement territorial, qu’il s’agisse du service central du renseignement territorial, de la gendarmerie nationale ou de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris. La DGSI conserve néanmoins, pour tout individu suivi, un droit d’évocation lorsqu’elle estime que le niveau de menace le justifie.

La DRPP assure, sur son ressort territorial, le suivi des objectifs relevant des catégories suivies par la DGSI et par le renseignement territorial.

Les services du renseignement pénitentiaire sont, quant à eux, amenés à assurer le suivi des individus détenus condamnés pour des faits de terrorisme, ainsi que des individus condamnés pour des faits de droit commun mais qui présentent des signes de radicalisation.

Trois services de police judiciaire, la DGSI, la sous-direction anti‑terroriste de la DCPJ et la section anti-terroriste de la PJ de la PP peuvent être amenés à assurer le suivi des personnes placées sous main de justice pour des faits de terrorisme, lorsqu’elles ne sont pas placées en détention provisoire.

Enfin, la DRSD est compétente pour le suivi des militaires d’active radicalisés, à l’exception des gendarmes. Dans ce cas, au moins un service du ministère de l’Intérieur est alors désigné comme service concourant.

En sus du service « chef de file », le préfet a également la possibilité de désigner un ou plusieurs services concourants, lorsque cela se révèle utile sur le plan opérationnel. Certains services, dès lors qu’ils ont un intérêt légitime à en connaître, peuvent également disposer d’un accès simple à certains dossiers du FSPRT.

Répartition dans le FSPRT par statut et par chef de file (mars 2019)

Service "chef de file"

Portefeuille des services

Hors portefeuille

Total

Fiches actives

Clôturés

Pris en compte

En veille

Attribué - poursuite de l'évaluation

Sous-total

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TOTAL

10 623

564

191

11 378

9 489

20 867

Source : UCLAT.

2.   Des capacités d’évaluation des signaux faibles à renforcer

Le changement de nature de la menace terroriste, désormais principalement endogène et résultant de passages à l’acte le plus souvent isolés, a conduit la communauté du renseignement à engager, au cours des derniers mois, une réflexion sur le renforcement des capacités d’évaluation et de détection des risques de basculement vers l’action violente.

Les derniers attentats qui ont frappé le territoire national, commis, pour la plupart d’entre eux, par des individus signalés en raison de leur radicalisation et connus des services de renseignement, ont en effet mis en lumière la difficulté de ces derniers à identifier, pour certains profils, les risques de passage à l’acte.

En réponse à ce constat, plusieurs évolutions ont récemment été initiées en vue d’adapter le dispositif de prévention et de suivi de la radicalisation et d’améliorer la détection des signaux dits faibles.

a.   La mise en place récente d’une nouvelle doctrine de suivi des individus signalés pour radicalisation

Au mois de décembre 2018 a été engagée, en application de la circulaire du ministère de l’intérieur du 14 décembre 2018 précédemment évoquée, une évolution de la doctrine d’évaluation et de suivi des personnes signalées pour radicalisation.

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Cette réforme vise également à assurer une meilleure visibilité des profils à risque, pour lesquelles une surveillance continue doit être assurée.

En second lieu, il a été décidé de renforcer le suivi de l’ensemble des individus signalés au FSPRT, y compris de ceux ne présentant aucun signe de radicalisation active et soumis jusque-là à un suivi très allégé. Tous les individus inscrits dans le FSPRT sous le statut « en veille » seront ainsi, à terme, redistribués dans chacune des trois catégories de suivi précédemment évoquées, de manière à faire l’objet d’une réévaluation régulière de leurs profils.

Chaque service de renseignement a décliné sous formes d’instructions internes les mesures nouvelles à mettre en œuvre et, sous la coordination de la DGSI, élaboré une doctrine opérationnelle pour définir les critères de classification des objectifs ainsi que dresser la liste de mesures opérationnelles recommandées pour chacun d’entre eux, et ce afin d’harmoniser les méthodes de suivi mises en œuvre sur le territoire national.

Répartition des individus signalés au FSPRT
par niveau de suivi (mars 2019)

Service "chef de file"

Niveau 1

Niveau 2

Niveau 3

Pas de niveau de suivi

Total

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TOTAL

233

2 488

4 278

2 330

9 329

Source : UCLAT.

La délégation prend acte de ces évolutions, qui tendent à apporter des réponses concrètes aux limites constatées à l’occasion des derniers attentats. En homogénéisant les pratiques des GED et en s’assurant d’un suivi régulier de l’ensemble des individus signalés pour radicalisation, la réforme engagée répond au souci d’améliorer la détection des signaux faibles de radicalisation, au plus proche du terrain.

La Délégation note que les réformes sont encore en cours de mise en œuvre, plus de 3 600 individus signalés pour radicalisation n’ayant toujours pas fait l’objet d’une réévaluation et ne s’étant pas vu affecter un niveau de suivi, conformément à la nouvelle doctrine. Il lui apparaît, dès lors, prématuré d’en tirer un quelconque bilan. Elle recommande néanmoins qu’une évaluation rapide de ces dispositifs soit réalisée, afin notamment de s’assurer du respect des termes de la circulaire au niveau de chaque département.

Dès à présent, la délégation estime nécessaire, dans un souci d’améliorer la détection des signaux faibles, que les préfets soient incités, conformément à la doctrine définie dans la circulaire de décembre 2018, à élargir le périmètre des GED aux services susceptibles d’apporter des éléments utiles à l’évaluation des profils des individus signalés.  *****

Recommandation n°10 : Inciter les préfets à élargir le périmètre des GED aux services susceptibles d’apporter des éléments utiles à l’évaluation des profils des individus signalés pour radicalisation.

S’il lui apparaît, dès lors, prématuré d’en tirer un quelconque bilan, elle recommande qu’une évaluation rapide de ces dispositifs soit réalisée.

b.   Des recherches sur l’amélioration des capacités de détection des « signaux faibles » à approfondir 

Parallèlement à la mise en œuvre d’une nouvelle doctrine de suivi des individus signalés pour radicalisation, plusieurs groupes de travail ont été créés en vue d’améliorer les capacités de détection des signaux faibles de radicalisation par les services de renseignement.

Selon les informations communiquées à la délégation, les travaux conduits par l’État-major permanent de la DGSI et le CPO ont permis d’établir une première grille d’évaluation des menaces reçues. De l’avis même de la DGSI, cet outil demeure toutefois encore perfectible dans la mesure où il se fonde principalement sur la fiabilité de la source à l’origine de l’information transmise concernant l’existence d’un risque de menace.

Conformément à la mesure 2 du plan d’action contre le terrorisme, il a par ailleurs été confié à la sous-direction anti-terroriste de la direction centrale de la police judiciaire la conduite d’une réflexion sur l’analyse psychologique des auteurs d’attentats et sur les évènements déclencheurs des passages à l’acte. Le rapport devrait être rendu d’ici à la fin de l’année.

Enfin, l’UCLAT a indiqué à la délégation travailler, en interne, au lancement d’un projet de recherche en vue d’élaborer un outil spécifique, destiné à évaluer la dangerosité des personnes entrées dans un processus de radicalisation et à apporter une aide aux services de renseignement dans la priorisation des suivis.

Ces initiatives, pertinentes, méritent d’être portées à leur terme. La délégation s’interroge toutefois sur l’articulation des différentes réflexions engagées, actuellement pilotées par des structures différentes, en dépit de la similitude de leurs champs de recherche respectifs.

Aussi, de manière à garantir la cohérence des projets initiés et une stabilité des financements alloués, préconise-t-elle qu’une stratégie nationale de recherche soit établie, sous l’égide de la CNRLT, sur la thématique spécifique de l’évaluation de la radicalisation et de la dangerosité.

Pourrait y être associé le conseil scientifique sur les processus de radicalisation, conformément au rôle qui lui a été confié par le plan national de prévention de la radicalisation. Cette stratégie de recherche devrait utilement intégrer une logique européenne et internationale, afin de tirer parti des expériences conduites à l’étranger. Enfin, la délégation estime souhaitable que la recherche universitaire puisse être associée aux projets conduits par la communauté du renseignement, de manière à enrichir les outils mis en place des résultats des études scientifiques les plus récentes.

Recommandation n° 11 : Confier à la CNRLT la définition et le pilotage d’une stratégie nationale de recherche sur l’évaluation de la radicalisation et des risques de passage à l’acte, à laquelle devrait être associée la recherche universitaire.

3.   Perfectionner les outils de surveillance et d’entrave

Au-delà des réformes doctrinales et opérationnelles à l’œuvre, le perfectionnement des outils de surveillance à disposition des services de renseignement mérite d’être poursuivi.

a.   Des fichiers perfectibles

i.   Des ajustements du FSPRT à poursuivre

Confrontés à des volumes exponentiels de données et d’informations collectées, les services de renseignement sont, légitimement, demandeurs de toute évolution susceptible de simplifier les recherches et de générer des alertes utiles à leur surveillance. C’est dans cette optique que l’UCLAT a initié un processus en vue d’interconnecter ou de rapprocher le FSPRT avec d’autres fichiers existants.

Depuis 2017, le FSPRT est ainsi rapproché du fichier Agrippa, qui recense les propriétaires et possesseurs d’armes. Ce croisement des informations a facilité le prononcé de plusieurs mesures d’entrave à l’encontre de personnes signalées pour radicalisation.

D’autres souhaits d’interconnexion ou de rapprochement ont été émis, sans qu’il ait, pour l’heure, été possible de les mettre en œuvre. De manière à assurer une meilleure prise en compte et un meilleur suivi des personnes radicalisées présentant des troubles psychiatriques, est actuellement à l’étude le rapprochement du FSPRT et du fichier recensant les personnes ayant subi des soins psychiatriques sans consentement, HOPSYWEB, dont les accès ont récemment été élargis ([22]) ([23]). Dans un avis du 15 janvier 2019, partiellement communiqué à la délégation, le Conseil d’État, sans s’y opposer sur le principe, a estimé qu’une telle interconnexion nécessitait une évolution législative afin d’une part, d’autoriser l’insertion de nouvelles catégories de données dans le FSPRT, d’autre part d’autoriser d’autres agents que le préfet du lieu d’hospitalisation à avoir accès à cette information.

Tout en reconnaissant qu’il existe des limites juridiques à l’automatisation des mises en relation de fichier, la délégation comprend l’intérêt d’une telle interconnexion et recommande qu’il soit procédé aux évolutions législatives nécessaires au sein du code de procédure pénale et du code de la santé publique.

Recommandation n°12 : Procéder aux évolutions législatives nécessaires à l’interconnexion du FSPRT et du fichier HOPSYWEB.

Selon les informations communiquées à la délégation, une extension des accès du FSPRT à de nouveaux services, en particulier aux douanes et à Tracfin, serait également envisagée. Sans que ces services soient chargés d’un quelconque suivi opérationnel, il s’agirait de leur permettre de contribuer à l’évaluation des situations et des profils signalés au FSPRT. La délégation encourage une telle évolution, dont elle estime qu’elle pourrait contribuer à faciliter la détection des « signaux faibles ».

 

De manière générale, la délégation estime nécessaire qu’une attention particulière soit accordée aux remontées d’informations en provenance d’acteurs du terrain, qui peuvent se révéler particulièrement utiles dans l’évaluation des profils des personnes radicalisées et des risques de passage à l’acte.

Recommandation n° 13 : Confier à l’UCLAT le pilotage d’une réflexion en vue d’étendre l’accès au FSPRT aux services susceptibles de contribuer utilement à l’évaluation de la menace et des risques de passage à l’acte.

ii.   Une simplification souhaitable des « fiches S »

S’il ne constitue pas un outil de suivi de la radicalisation, la fiche S n’en est pas moins, pour les services de renseignement, un instrument utile de collecte d’informations dans le cadre de la politique de lutte contre le terrorisme.

Plusieurs conduites à tenir ont d’ailleurs été spécifiquement créées dans le fichier des personnes recherchées, pour les individus fichés pour islamisme radical. La conduite S14 est appliquée à tous les individus ayant quitté le territoire national pour une zone de djihad ; la conduite S16 concerne les individus suspectés de radicalisation et sollicite des services contrôleurs la recherche de renseignements.

À l’instar de toute technique de renseignement, l’efficacité de la fiche S est intimement liée à sa confidentialité. Or les services de renseignement déplorent des comportements inadéquats de la part de certains agents des forces de police et de gendarmerie. Il est ainsi régulièrement constaté un manque de discrétion à l’occasion des contrôles, conduisant les personnes à être informées qu’elles font l’objet d’une fiche S. Ces situations sont particulièrement dommageables en ce qu’elles amènent les personnes fichées à développer des comportements d’évitement, voire de dissimulation, dont pâtit nécessairement le suivi mis en œuvre par les services de renseignement. La délégation observe que ces comportements inadéquats, s’ils peuvent dénoter un manque de prudence, sont surtout le fait d’une connaissance insuffisante de l’outil par les services utilisateurs du fichier des personnes recherchées.

En conséquence, elle estime souhaitable que la formation des agents utilisateurs du fichier, en particulier des forces de police et de gendarmerie, soit renforcée. Celle-ci pourrait se traduire, a minima, par la diffusion aux services concernés d’une doctrine d’emploi explicitant chacune des conduites à tenir associées aux fiches S et formulant des orientations sur les interrogatoires à mener.

Au demeurant, une telle doctrine pourrait se révéler utile pour expliciter aux services utilisateurs les attentes des services prescripteurs de la fiche. Force est en effet de constater que les conduites à tenir peuvent se révéler complexes à mettre en œuvre dans la pratique. Ainsi, la conduite S16 sollicite à la fois le recueil de tous renseignements sur le domicile, les occupations, les ressources, la manière de vivre, les moyens de locomotion, la téléphonie, la tenue vestimentaire, la photographie et les personnes avec lesquelles la personne fichée est en relation, et une totale discrétion de l’agent procédant au contrôle.

Recommandation n° 14 : Diffuser auprès des services utilisateurs du fichier des personnes recherchées (FPR) une doctrine d’emploi sur l’usage des fiches S, explicitant les conduites à tenir et formulant des orientations sur les interrogatoires à mener.

Il apparaîtrait également utile de procéder à un toilettage des conduites à tenir associées aux fiches S. Sur les 11 conduites à tenir actuellement en vigueur, plusieurs se révèlent en réalité très proches. Cela introduit une complexité inutile dans l’outil et n’en facilite pas la lecture par les services utilisateurs.

Recommandation n° 15 : Simplifier la liste des conduites à tenir associées aux fiches S de manière à améliorer la lisibilité de l’outil pour les services utilisateurs.

b.   Garantir l’effectivité des mesures d’entrave judiciaire et administrative

Au gré des évolutions législatives récentes, le Parlement a multiplié les instruments judiciaires et administratifs permettant d’entraver les individus radicalisés présentant des risques importants de passage à l’acte. L’introduction, en 2017 ([24]), de nouvelles mesures administratives destinées à prévenir la commission d’actes de terrorisme a ainsi permis de compléter un arsenal pénal jugé efficace par la plupart des acteurs.

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Recommandation n° 16 : Modifier, dans les plus brefs délais, le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées afin d’y prévoir l’inscription des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.

B.   surveiller la radicalisation en détention : la nécessaire montée en puissance du renseignement pénitentiaire

La prison constitue, depuis quelques années, un foyer important de radicalisation, dont a encore malheureusement témoigné l’attaque au couteau commise par un détenu à l’encontre d’un surveillant dans le centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, le 2 mars 2019.

Au 26 mars 2019 étaient ainsi décomptés 1 019 détenus de droit commun radicalisés inscrits au FSPRT et 514 détenus condamnés pour des faits en lien avec le terrorisme islamo-djihadiste (TIS).

La prégnance du phénomène de radicalisation en détention présente, eu égard aux caractéristiques spécifiques du milieu carcéral, un enjeu majeur de sécurité publique et une priorité pour la politique de lutte contre le terrorisme.

Il est en effet communément admis que la concentration d’individus dans un espace clos et de proximité accroît les risques de « contagion » des idées radicales à l’égard du reste de la détention. Cette position a été résumée par la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Mme Adeline Hazan, dans un avis 2015, qui soulignait : « L’importance de la surpopulation carcérale, dont les pouvoirs publics semblent avoir pris la mesure mais sans y apporter de réponse suffisante, a un impact direct sur les conditions de prise en charge des personnes détenues ; promiscuité, cohabitation de personnes détenues plus ou moins ancrées dans un processus de délinquance, pratiques de « caïdat » et pression sur les plus faibles, absence d’accès au travail et de chances de réinsertion. Les phénomènes de prosélytisme s’y développent à l’évidence beaucoup plus facilement ».

Au demeurant, la concentration d’individus condamnés pour des faits de terrorisme serait susceptible de renforcer certains réseaux islamistes, voire de faciliter la planification de projets terroristes.

Dans ce contexte, l’action du renseignement pénitentiaire constitue un pilier essentiel, dont il apparaît aujourd’hui nécessaire de poursuivre la montée en puissance.

1.   Le renseignement pénitentiaire : un service en pleine mutation

a.   Une structuration bienvenue du renseignement pénitentiaire

Créé en 1981, le renseignement pénitentiaire a connu une montée en puissance importante au cours des dernières années, notamment pour répondre à l’explosion du phénomène de radicalisation en détention et à l’incarcération de détenus condamnés pour des faits de terrorisme.

Service d’administration centrale historiquement assigné à la prévention des évasions et au maintien du bon ordre des établissements, le renseignement pénitentiaire a été récemment institutionnalisé, à mesure que ses finalités et ses prérogatives étaient élargies.

Longtemps resté un service d’administration centrale, le renseignement pénitentiaire a été profondément restructuré à compter du 1er février 2017 ([25]). Il repose actuellement sur une organisation en trois niveaux.

Au niveau central a été institué un bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP). Celui-ci est notamment chargé d’élaborer, annuellement, un plan de renseignement qui fixe les principaux objectifs et la doctrine du renseignement pénitentiaire, de produire des notes de renseignement au profit des autorités compétentes et d’animer le suivi individuel des détenus particulièrement signalés et des détenus terroristes. Le BCRP constitue également le point de contact des services de renseignement partenaires et des autorités judiciaires.

Actuellement rattaché au directeur de l’administration pénitentiaire, le BCRP devrait prochainement être transformé en service à compétence nationale. Cette évolution, actée dans le plan d’action contre le terrorisme de juillet 2018, vise à conférer au service une autonomie fonctionnelle. Il s’agit également de clarifier, auprès des services partenaires, le positionnement du renseignement pénitentiaire.

Au niveau territorial, des délégations locales au renseignement pénitentiaire (DLRP) et les cadres référents du renseignement pénitentiaire (CRRP), chargés de la collecte du renseignement, ont été créées au sein des établissements pénitentiaires.

Elles sont animées, au niveau de chaque région, par des cellules interrégionales du renseignement pénitentiaire (CIRP), qui exploitent et analyse les informations et renseignements remontés et assurent le suivi individuel des détenus de droit commun susceptible de radicalisation.

Il convient par ailleurs de souligner que depuis la loi du 3 juin 2016, le service du ministère de la justice en charge du renseignement pénitentiaire est autorisé à mettre en œuvre certaines techniques de renseignement initialement pour deux finalités, la prévention du terrorisme et la prévention de la délinquance et de la criminalité organisées, auxquelles s’est ajoutée, en 2017, une troisième, la prévention des évasions et le maintien de la sécurité ou du bon ordre des établissements pénitentiaires ([26]).

La loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice est venue renforcer les capacités de surveillance du BCRP en l’autorisant désormais à avoir recours à de nouvelles techniques de renseignement que sont les interceptions de communications échangées par voie hertzienne et les captations d’images et de paroles. Ces techniques étaient déjà ouvertes à ce service, mais pour des finalités limitées à la lutte contre le terrorisme et contre la criminalité organisée.

b.   Un renforcement des effectifs à poursuivre

Cette réforme profonde du renseignement pénitentiaire s’est, logiquement, accompagnée d’une augmentation de ses moyens, notamment humains.

 En 2017, la loi de finances initiale a ainsi autorisé la création de 51 emplois au titre du plan d’action contre le terrorisme et la radicalisation (PART), dont 10 ont été attribués au niveau central (BCRP) et 41 au niveau interrégionale (CIRP).

La loi de programmation quinquennale pour la justice 2018-2022 a prévu une nouvelle augmentation de 109 postes supplémentaires sur trois ans, dont 35 en 2018, 39 en 2019 et 35 en 2020. D’un effectif de 216 agents en 2017, les effectifs du renseignement pénitentiaire devraient donc atteindre, en 2020, 325.

Les 35 postes créés en 2018 ont été affectés à l’échelon local, pour recruter des délégués locaux du renseignement pénitentiaire. Il y avait, en effet, une nécessité à renforcer les cellules locales du renseignement pénitentiaire, chaque établissement pénitentiaire ne bénéficiant pas, jusqu’alors, de postes sanctuarisés d’officiers traitants dédiés à la collecte du renseignement.

Il a été indiqué à la délégation que l’effort de recrutement porterait, au cours des exercices 2019 et 2020, sur les CIRP et le BCRP. En effet, la professionnalisation et l’augmentation des effectifs locaux ont conduit à une croissance forte des remontées de renseignements et d’informations à analyser vers les échelons supérieurs.

Si elle se félicite des créations de postes annoncées, la délégation attire l’attention du Gouvernement sur la nécessité de veiller à l’adéquation des moyens humains à l’évolution tant des missions confiées au renseignement pénitentiaire que du contexte. Or, à cet égard, force est de constater que les services du renseignement pénitentiaire, en dépit du renforcement conséquent de leurs effectifs, demeurent soumis à une charge de travail excessive, qui ne leur permet pas un suivi adéquat des objectifs qui leur sont assignés. Au niveau central et interrégional, chaque analyste est actuellement chargé du suivi de 70 à 120 objectifs, soit un ratio bien supérieur à celui observé dans d’autres services de renseignement, qui s’élève en moyenne à 40. Au niveau des DLRP, le ratio d’objectifs suivis par agent atteint 40 dans certains établissements, et ce malgré les renforts déjà effectués, alors qu’il est admis qu’au-delà de 15 objectifs une priorisation des missions est nécessaire. S’ils amélioreront sans aucun doute la pratique, les renforts annoncés ne paraissent pas suffisants pour assurer un suivi optimal de chaque objectif.

Au demeurant, la délégation note que la consolidation des moyens humains du renseignement pénitentiaire est rendue nécessaire pour répondre non seulement à la prégnance du phénomène de radicalisation en prison, mais également à sa mission historique de sécurité pénitentiaire. L’évasion spectaculaire de Redoine Faïd du centre pénitentiaire de Réaux le 1er juillet 2018 rappelle que si la lutte contre la radicalisation doit constituer une priorité, elle ne saurait se faire au détriment des autres finalités assignées au renseignement pénitentiaire.

En conséquence, la délégation préconise de procéder, dès 2020, à une réévaluation des besoins en effectifs du renseignement pénitentiaire pour lui permettre de satisfaire à l’ensemble de ses missions.

Recommandation n°17 : Réévaluer, dès 2020, les besoins en effectifs du renseignement pénitentiaire en fonction de l’évolution de ses missions et du contexte carcéral.

La délégation observe par ailleurs que la structuration d’une filière professionnelle du renseignement au sein de l’administration pénitentiaire, actée par le plan d’action contre le terrorisme de juillet 2018, nécessitera la création d’une filière indemnitaire adaptée, de nature d’une part à garantir l’attractivité des postes ouverts, d’autre part à garantir une fidélisation des agents. Elle se félicite que des réflexions aient été engagées à ce sujet au sein du BCRP pour que cette proposition se traduise dans les faits le plus rapidement possible.  

c.   Un investissement technique à consolider

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Recommandation n° 18 : *****

La Délégation se félicite enfin que le BCRP bénéficie, depuis le 1er janvier 2019, d’une enveloppe de fonds spéciaux, sur laquelle la commission de vérification des fonds spéciaux avait jugé nécessaire de réfléchir. *****

De même que pour les dotations budgétaires en fonds normaux, la Délégation invite le Gouvernement à garantir, au cours des prochains exercices, une évolution de la dotation en fonds spéciaux du BCRP adaptée à la croissance de son activité et de ses besoins opérationnels.

Recommandation n° 19 : Garantir une évolution de la dotation en fonds spéciaux allouée au BCRP adaptée à la croissance de son activité de ses besoins opérationnels.

2.   Une intégration réussie du renseignement pénitentiaire dans le dispositif de lutte contre le terrorisme et la radicalisation

Depuis la loi du 3 juin 2016, les services du renseignement pénitentiaire sont pleinement intégrés à la communauté du renseignement et reconnus, dans le code de la sécurité intérieure, comme un service de renseignement du « second cercle ».

Dans la pratique, cette consécration du renseignement pénitentiaire au sein de la communauté du renseignement s’est traduite par un renforcement important de sa coordination avec ses services partenaires, notamment dans le cadre du dispositif intégré de lutte contre le terrorisme.

L’émergence du phénomène de radicalisation en détention a en effet conduit à faire du renseignement pénitentiaire un acteur majeur de la lutte contre le terrorisme. C’est à cet égard que, dès la création en 2017, un représentant du BCRP a été intégré au sein de la cellule « Allat » de la DGSI. De même, le BCRP est représenté au sein de l’État-major permanent de la DGSI, créé en 2019, ainsi que dans le comité de pilotage opérationnel.

Les premières sorties de prison d’individus condamnés pour des faits de terrorisme ou de détenus de droit commun radicalisés ont par ailleurs conduit à l’instauration d’un dispositif de coordination dédié, au sein duquel les services du renseignement pénitentiaire exercent un rôle majeur.

L’UCLAT organise désormais chaque mois une réunion spécifique sur les sorties de prison rassemblant l’ensemble des acteurs concernés, à savoir les services spécialisés de renseignement, le BCRP, la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF), le parquet et la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l’intérieur. Ces réunions ont pour objectif d’anticiper la sortie de prison des détenus condamnés pour des faits de terrorisme ou des détenus condamnés pour des faits de droit commun et radicalisés, et de s’assurer de leur prise en charge par un service à leur sortie de détention.

L’UCLAT a également mis en place une procédure spécifique afin de garantir, en cas de libération non anticipée d’un individu, une information rapide des services de renseignement et une prise en charge immédiate.

De manière à préparer au mieux les sorties et à garantir la mise en œuvre d’un suivi adapté à l’issue de la détention, le BCRP s’est, en interne, organisé pour assurer une transmission complète et efficace de l’information dont elle dispose à ses partenaires.  

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Recommandation  20 : *****

 


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   Chapitre IV :

QUEL AVENIR POUR L’EUROPE DU RENSEIGNEMENT ?

Loïc Kervran, député, et Michel Boutant, sénateur, ont effectué le 8 novembre 2018 un déplacement à Bruxelles au cours duquel ils ont conduit plusieurs entretiens sur le thème de la coopération européenne dans le domaine du renseignement.

Ils se sont ainsi entretenus avec MM. Gerhard Conrad, directeur du centre de l’Union européenne pour l’analyse des renseignements (IntCen), Gilles de Kerchove, coordonnateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, Guillaume de la Brosse, membre de la task force chargée des négociations avec le Royaume-Uni dans le cadre de la préparation du Brexit, et Jean Mafart, préfet, chef du service « justice et affaires intérieures » au sein de la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne.

I.   UN PROCESSUS INACHEVÉ D’EUROPÉANISATION DU RENSEIGNEMENT

Depuis les attentats de Madrid du 11 mars 2004, le continent européen est particulièrement exposé à la menace terroriste, dont la dimension transnationale, appelle à une réponse concertée à l’échelle de l’Union européenne.

Un sondage « Eurobaromètre » de juin 2016 ([27]) révèle que la lutte contre le terrorisme doit être, pour 82 % des Européens, une priorité de l’Union européenne. Selon cette même étude, 83 % des Français interrogés demandent une plus grande action de l’Union en matière de lutte contre le terrorisme.

Néanmoins, sur un sujet qui relève éminemment de la compétence régalienne et souveraine des États membres, la réponse européenne se construit par petits pas, dans le temps long, et s’appuie des outils juridiques et des instruments de coopération en constante évolution.

A.   Des clubs d’expert à la formalisation d’un cadre européen de coopération

1.   Les premières coopérations bilatérales et multilatérales, hors du cadre européen

La nature fortement transnationale des menaces qui pèsent sur l’Europe (terrorisme, espionnage, criminalité organisée, etc.) exige de longue date une coopération internationale permanente entre les services de renseignement et de sécurité des pays européens. 

Si la convention de Naples avait prévu dès 1967 la mise en place, à terme, d’un réseau d’information entre les douanes pour accompagner le développement du marché commun européen, la coopération en matière de renseignement a d’abord été initiée par les services eux-mêmes. Cette coopération a pris la forme, cours des années 1970, de « clubs » qui permirent le développement de réseaux informels et confidentiels.

Le premier de ces clubs fut celui de Berne, initié en 1971, et qui regroupait des policiers de Suisse et des pays membres de la CEE autour des questions de sécurité intérieure et de coopération judiciaire

Cinq ans plus tard, en 1976, le Club de Trevi devint l’enceinte de coopération sur la lutte contre le terrorisme. Pour répondre à la menace terroriste d'extrême gauche, les ministres européens de neuf États membres ainsi que ceux des États associés décidèrent ainsi de se réunir régulièrement autour de trois objectifs principaux : favoriser la coopération policière, prévenir la criminalité internationale et l’immigration clandestine et assurer une meilleure répression des crimes et délits. Dans ce cadre, six conférences ministérielles se sont tenues entre 1975 à 1985.

Enfin, en 1979, le groupe de Vienne s’est constitué autour de cinq pays (France, Autriche, Allemagne, Suisse et Italie) d’abord sur le sujet du terrorisme palestinien avant de se recentrer sur les questions relatives à l’immigration et à la libre circulation des personnes et des biens.

Il est difficile de mesurer la valeur ajoutée véritable de ces réseaux eu égard à la dimension très confidentielle, voire secrète, de leur activité. Pour autant, il ne fait pas de doute que cette culture et cet « acquis » des clubs ont posé les jalons d’une coopération plus institutionnelle qui est venue structurer, à partir des années 1990, l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice.

2.   L’intégration progressive de « l’acquis des clubs » dans un cadre institutionnel européen en construction

Les accords de Schengen puis leur mise en œuvre à travers la convention d’application de 1990 vont marquer un tournant dans l’approche européenne en ce sens que la création d’un espace européen sans frontières devait trouver son corollaire dans le renforcement de la coopération policière et douanière. Les années 1990 vont alors se traduire par l’intégration progressive dans le corpus institutionnel européen de « l’acquis des clubs ». La coopération Schengen va ainsi constituer un laboratoire de la construction européenne dans le champ de la sécurité aux frontières extérieures et à l’intérieur de l’Europe.

Le traité de Maastricht, entrée en vigueur en 1993, crée le pilier intergouvernemental « justice et affaires intérieures » et intègre le groupe de Trévi. Puis le traité d’Amsterdam (1997) fait entrer la coopération Schengen dans le cadre juridique communautaire et instaure « l’espace de liberté, de sécurité et de justice ». Dans la foulée, Europol est créé en 1998 puis Eurojust en 2002 ; Frontex suivra en 2004.

En 2007, une nouvelle étape est franchie avec la signature du traité de Lisbonne qui communautarise les questions liées à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Pour autant, l’article 4.2 du traité sur l’Union européenne dispose que « la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre » et l’article 72 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne décline ce principe : « Le présent titre [titre V relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice] ne porte pas atteinte à l’exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure ».

Ce principe de primauté de la souveraineté étatique étant posé, l’articulation entre l’échelon national et le niveau européen s’effectue autour de trois axes :

La montée en puissance des agences européennes que sont Europol, Eurojust et Frontex. Ces agences apportent une expertise et des capacités techniques et exercent un rôle de mise en relation des États membres entre eux, mais aussi avec les partenaires de l’Union européenne. L’intérêt des agences, c’est qu’elles n’agissent pas à la place, mais en soutien des autorités nationales. L’exemple d’Europol est significatif : ses effectifs ont considérablement augmenté ces dernières années pour atteindre aujourd’hui plous de 900 collaborateurs et accueillir 185 officiers de liaison des États membres. Son activité est très soutenue puisque l’agence est concernée chaque année par près de 20 000 enquêtes transfrontalières. 

Bien qu’Europol ait vu des prérogatives et ses moyens sensiblement augmenter depuis sa création, l’agence ne dispose d’aucune pouvoir propre d’investigation ni d’aucune compétence dans le domaine du renseignement. De même, Eurojust demeure une agence intergouvernementale qui ne dispose d’aucun pouvoir judiciaire propre. Elle consiste en un collège de 28 bureaux nationaux, chaque bureau national représentant son pays et ses autorités. Le rôle de l’agence est néanmoins central en particulier pour faciliter la mise en œuvre d’instruments judiciaires internationaux tels que le mandat d’arrêt européen. 

L’adoption d’instruments normatifs pour gagner en efficacité à l’échelle européenne, comme la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière pénale et le mandat d’arrêt européen.

La création et le développement de systèmes de surveillance et de bases de données pour la collecte et le partage d’informations, qu’il s’agisse du système d’Information Schengen (SIS I et II), de VIS (système d’information sur les visas), d’EUROSUR, d’ETIAS, d’EURODAC et, plus récemment, du fichier PNR (Passenger Name Record).

B.   L’intensification de la menace terroriste a conduit l’Union à renforcer son arsenal normatif et opérationnel

1.   La lutte contre le terrorisme s’est imposée comme une priorité de l’agenda politique européen

Bien que la lutte contre le terrorisme relève d’abord de la compétence nationale, l’action de l’Union européenne n’a cessé de se développer ces deux dernières décennies. Le point départ de la stratégie européenne remonte à la Déclaration de Tampere adoptée en octobre 1999 par les Chefs d’État et de Gouvernement pour poser les jalons d’un espace européen de sécurité, dans le prolongement de l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam. Mais les attentats du 11 septembre 2001 et les conséquences géopolitiques qui ont suivi ont accéléré la prise de conscience quant à l’urgence et la nécessité d’une réponse européenne en soutien aux États membres. Dès 2002, les Européens se sont dotés d'une définition commune du terrorisme. Suivront les programmes de La Haye pour la période 2005-2009 puis de Stockholm (2009-2014) qui prévoit l’élaboration d’une stratégie de sécurité intérieure qui englobe la coopération policière, la cyber-sécurité, la gestion intégrée des frontières extérieures et la sécurité civile. Une nouvelle feuille de route est adoptée par le Conseil en juin 2015 pour la période 2015-2020 avec un accent mis sur la lutte contre le terrorisme et la radicalisation.

À travers ces stratégies successives, des avancées majeures se sont concrétisées depuis le début des années 2000. L’intensité de la menace terroriste a fait bouger les lignes. La création du mandat européen est une réponse claire au 11 septembre 2001 tandis qu’au lendemain des attentats de Madrid du 11 mars 2004, le Conseil a adopté la stratégie de l’Union européenne visant à combattre le terrorisme à l’échelle mondiale et à rendre l’Europe plus sûre. Cette stratégie, révisée en 2014, repose sur quatre piliers : la prévention, la protection, la poursuite et la réaction. Un poste de coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, qu’occupe le belge Gilles de Kerchove, est alors créé pour s’assurer la mise en œuvre de cette stratégie et veiller à sa cohérence globale.

La multiplication des attentats commis sur le sol européen, en particulier depuis 2015, a eu pour effet de débloquer les négociations longtemps enlisées sur la directive PNR. De même, la crise migratoire consécutive au conflit syrien a permis, sous la pression, de progresser vers la constitution d’un corps de gardes-frontière européen.

Au total, depuis 2001, ce sont ainsi près d’une centaine d’initiatives législatives européennes qui ont été prises en lien avec la lutte contre le terrorisme.

2.   La capacité d’action de l’Union s’est adaptée à l’évolution de la menace

Dès le lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les États membres ont structuré la mise en réseau de leurs services de renseignement, dans un cadre intergouvernemental, hors les institutions de l’Union, à travers la création du groupe antiterroriste (GAT). Dans le prolongement du club de Berne, le GAT comprend les services de renseignement intérieur des 28 États membres ainsi que de la Suisse et de la Norvège. Il s’est récemment doté d’une cellule spécialisée dans la lutte contre le djihadisme en Syrie et en Irak.

Au cours de la décennie écoulée, les Européens ont mis en place un ensemble d’outils pour décliner concrètement les engagements politiques pris au plus haut niveau. À côté du coordonnateur européen chargé de la lutte contre le terrorisme, la Commission a décidé de confier à l’un des membres du collège un portefeuille spécifiquement dédié à la sécurité, permettant une approche globale et transversale des problématiques. C’est, jusqu’au Brexit, le Britannique Julian King qui occupe ce poste.

La capacité d’action renforcée de l’Union repose tant sur la création de structures dédiées que sur le développement de nouveaux réseaux et la mise en place d’instruments financiers.

À la suite des attentats du 13 novembre 2015, Europol a renforcé son dispositif de lutte contre le terrorisme en créant, en son sein, en janvier 2016, le Centre européen de lutte contre le terrorisme (CECT). Composé d’experts nationaux, ce centre a notamment pour but de faciliter le partage d'informations entre les États membres sur les combattants étrangers, le financement du terrorisme et la propagande terroriste en ligne. Par ailleurs les pouvoirs d'Europol ont été élargis en mai 2017 pour permettre à l'agence d’échanger des informations avec des entités privées telles que des entreprises, notamment les GAFA.

Le développement de nouveaux réseaux thématiques est également mis au service de la stratégie européenne de sécurité :

Le réseau Airpol a pour objectif d’augmenter la sécurité générale des aéroports européens ainsi que de l’aéronautique civile grâce à une collaboration plus systématique et plus structurée entre les États membres ;

Le réseau Atlas réunit toutes les forces d’intervention des pays de l’Union européenne ainsi que la Suisse et la Norvège. Des entraînements conjoints sont régulièrement organisés. Pour la France, il s’agit du GIGN et du RAID.

Le réseau de sensibilisation à la radicalisation (RAN), constitué en 2011, met en relation et soutient les acteurs engagés dans la lutte contre la radicalisation violente et le recrutement de personnes à des fins terroristes. Après les attentats de 2015, la Commission a décidé de renforcer le RAN en le dotant d’un centre d’excellence et en portant son budget à 25 millions d’euros pour la période 2015-2020 pour mieux soutenir le réseau de praticiens.

Enfin, des instruments financiers ont été mis en place.

Le Fonds de sécurité intérieure (FSI), qui poursuit trois objectifs : accroître les échanges d’informations entre les États membres de l’Union, intensifier les opérations conjointes transnationales et renforcer les capacités d’intervention et de prévention du crime. Ce fonds sera doté de 2,5 milliards d’euros sur la période 2021-2027.  

Le Fonds asile, migration et intégration (FAMI), qui a pour objectif général de contribuer à la gestion efficace des flux migratoires ainsi qu'à la mise en œuvre, au renforcement et au développement de la politique commune en matière d'asile.

3.   Le développement d’une capacité de renseignement extérieur à travers le développement de l’INTCEN

C’est en 2001 que Javier Solana, alors Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires extérieures, suggère la création d’un service d’intelligence à l’échelle de l’Union. Un centre de situation (SitCen) est alors instauré, qui procède du transfert de compétences de l’UEO à l’UE dans le cadre du traité de Nice, et dont la mission est de réaliser des notes de situation à partir de sources ouvertes. Des personnels d’organes étatiques de renseignements des États européens, en général des analystes, sont détachés en son sein, marquant le début de la coopération et de l’échange d’informations dites sensibles.   

À la suite des attentats de Madrid du 11 mars 2004 et d’une décision du Conseil européen de décembre de cette même année, le SitCen devient compétent en matière de contre-terrorisme.  

À partir de 2007, le SitCen est autorisé à traiter de sujets transversaux au-delà du seul domaine de la PESC. Puis avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le SitCen s’intègre au sein du service européen d’action extérieure (SEAE), en charge de relier les composantes civiles et militaires de l’UE : il prend alors sa forme actuelle sus le nom d’IntCen pour Intelligence Center. La diffusion de notes d’analyse sur la base des renseignements transmis par les Etats membres se fait ainsi désormais au profit du SEAE et sous l’autorité du Haut Représentant pour la PESC.

Du SitCen à l’IntCen l’évolution sémantique n’est pas neutre si l’on considère que l’on est passé d’un centre « de situation » à un centre couvrant également le renseignement. Cette nouvelle dénomination renvoie au passage par la phase du renseignement dans le processus décisionnel. L’IntCen s’apparente désormais davantage à un « fusion center » permettant de produire, d’analyser et de diffuser du renseignement « toute source » au profit du SEAE et du HR.

L’IntCen reçoit chaque année plusieurs milliers de contributions des États membres et produit autour de 800 notes par an qui sont distribuées à environ 450 destinataires, dont le Président du Conseil européen, le SEAE, les commissaires, les DG et directeurs, mais aussi un certain nombre d’experts. L’IntCen a accès à 89 services dans les 28 États membres. Des passerelles existent entre les sphères civiles et militaires. En effet, 90 % de la production du renseignement européen est commune au militaire et au civil.

L’IntCen aide les États membres à se forger une vision minimale sur l’ensemble des sujets. Le COPS considère les analyses de l’IntCen comme base commune. Par exemple, sur la situation en Ukraine, c’est l’IntCen qui a produit cette base commune. Cela intervient comme une aide à la décision. En pratique, on constate une convergence de vues et d’analyse, à part quelques sujets ponctuels.

II.   LE RENSEIGNEMENT EUROPEEN AU MILIEU DU GUÉ

Faut-il créer une « CIA européenne » ? Cette question revient régulièrement dans le débat. En 2010, Catherine Ashton alors HautReprésentante avait suggéré la fusion de l’IntCen avec le centre de crise de la commission européenne. À chaque attentat commis sur le sol européen, le sujet est remis sur la place publique. Si à première vue, l’idée pourrait paraître séduisante de doter l’Union européenne d’une capacité autonome de renseignement, force est de constater qu’elle révèle surtout une méconnaissance tant du fonctionnement même des services de renseignement nationaux que de celui de l’Union européenne.

A.   Le mirage d’une CIA européenne

1.   Une intégration plus poussée se heurte à la primauté des souverainetés nationales

Le facteur principal qui entrave l’émergence d’un authentique renseignement européen institutionnalisé est lié à une réalité politique simple : l’absence de confiance, voire la méfiance et parfois même la défiance entre les États sur des sujets qui touchent à des intérêts nationaux stratégiques. Si le partage est la règle s’agissant des activités de contre-terrorisme, tout ce qui a trait à la contre-prolifération et au contre-espionnage demeure très largement du ressort national. L’échange de renseignements entre services doit se faire en cohérence avec les grandes lignes de la diplomatie nationale, tout en prenant en compte les exigences pratiques de la coopération bilatérale ou multilatérale. C’est pourquoi les services de renseignement donneront toujours la priorité aux échanges bilatéraux de nature opérationnelle, car ce sont ceux qui garantissent la meilleure protection des sources humaines et techniques ; et c’est là une condition sine qua non du succès des opérations de renseignement et de la capacité de tout service à se faire reconnaître comme partenaire légitime au sein de la communauté internationale du renseignement pour pouvoir continuer à échanger.

La DGSI assure que si les échanges d’informations entre les services de renseignement fonctionnent très bien, c’est justement parce qu’ils s’effectuent en dehors du cadre institutionnel des structures européennes. La DGSI considère même que c’est l’excellence de la coopération entre services qui avait rendu inutile, dès la rédaction du Traité sur l’Union européenne, l’attribution à l’Union d’une compétence en matière de sécurité nationale et, par voie de conséquence, de renseignement de sécurité intérieure.

La question d’une intégration européenne renforcée des services de renseignement renvoie somme toute à une réflexion sur deux sujets : d’une part, la juste application du principe de subsidiarité et d’autre part l’articulation entre l’affirmation des souverainetés nationales et la recherche d’une souveraineté européenne.

Le principe de subsidiarité, s’il est correctement appliqué, veut qu’une décision soit prise à l’échelon le plus pertinent pour en assurer la meilleure efficacité. Appliquée à la coopération entre services de renseignement, deux approches de la subsidiarité sont envisageables : celle d’une intégration verticale  top-down ») ou alors d’une intégration verticale (« bottom-up »). Cette dernière supposerait l’existence d’un leadership, assuré soit par un État membre, soit par l’Union directement, ce que les traités, dans leur rédaction actuelle, ne permettent pas. Mais au-delà de l’obstacle juridique – même si l’article 73 du TFUE n’interdit pas aux États membres de créer entre eux des formes de coopération – la dynamique du renseignement européen repose avant tout sur la connaissance du terrain ainsi que sur le partage des méthodes opérationnelles et des techniques collectives de travail.

La création d’une superstructure européenne, plus ou moins calquée sur le modèle de la CIA, reviendrait à méconnaître la réalité de l’Union européenne qui, à la différence des États-Unis d’Amérique, n’est pas un État fédéral mais s’apparente davantage à une « fédération d’États-nations » pour reprendre la formulation inventée par Jacques Delors. Mais surtout, proposer une CIA européenne ajouterait de la technocratie et de la rigidité à un système qu’il s’agit au contraire de simplifier. Si, aux États-Unis comme en France ou ailleurs en Europe il est difficile pour un gouvernement de faire collaborer ses propres services nationaux, comment imaginer qu’une agence européenne puisse aisément faire collaborer des dizaines de services nationaux ? En l’espèce, et dans ces conditions, la juste application du principe de subsidiarité plaide donc pour le choix de l’horizontalité, selon une logique de mise en réseau d’une « communauté européenne du renseignement » plutôt que d’un « service européen de renseignement ».

Le second sujet que soulève la question d’un renseignement européen intégré concerne l’articulation entre les souverainetés nationales et l’émergence d’une possible souveraineté européenne. Dans son discours de La Sorbonne du 26 septembre 2017, le Président de la République a livré sa vision d’une Europe souveraine, capable de décider elle-même de son destin. Cette souveraineté européenne que le Chef de l’État appelle de ses vœux ne doit pas se comprendre comme la négation des souverainetés nationales mais comme leur prolongement dans une société mondialisée et interdépendante. C’est à l’aune de cette réalité que les Européens doivent inventer cette « conjugaison positive » des souverainetés au service de notre sécurité collective. 

2.   Des améliorations au fonctionnement actuelles sont néanmoins souhaitables et possibles

Mieux faire fonctionner l’existant plutôt que de s’engager dans la création de nouvelles structures : c’est l’enjeu qui sous-tend les réflexions actuelles pour optimiser la collecte, le partage et l’analyse de renseignements au sein de l’Union européenne.

Le rapport de la Commission spéciale du Parlement européen sur le terrorisme, présenté en session plénière en décembre 2018, formule de nombreuses recommandations. Les députés européens soulignent ([28]) le besoin d’établir de nouvelles formes de coopération, incluant un partage systématique d’informations, au moyen de solutions techniques permettant un transfert automatisé des informations des systèmes nationaux vers les systèmes européens, et reconnaissant à Europol le rôle de centralisateur de ces données 

Pour sa part, la DPR considère que les voies d’amélioration devraient poursuivre les objectifs suivants :

Renforcer l’interopérabilité des outils existants : les systèmes d’information mis en place par l’Union européenne tels que le Système d’information Schengen, la directive Passenger Name Record, ETIAS, EURODAC… sont d’une importance considérable et ont fait la preuve de leur utilité. Or actuellement, toutes ces bases de données européennes ne sont pas raccordées entre elles : les informations sont conservées séparément dans les différents systèmes, ce qui cloisonne ceux-ci et les rend complexes et difficiles à utiliser. Dans son discours sur l’état de l’Union de septembre 2016, le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait insisté sur l'importance de remédier aux insuffisances dont souffre actuellement la gestion des données et d'améliorer l'interopérabilité des systèmes d'information actuels. Les attentats successifs ont mis ce point encore plus en évidence, révélant l'urgence à rendre les systèmes d'information interopérables et à supprimer les angles morts existants qui se caractérisent par le fait que des personnes soupçonnées d'être des terroristes peuvent être enregistrées sous différents pseudonymes dans plusieurs bases de données non reliées entre elles. C’est ainsi que la Commission européenne a présenté en décembre 2017 une proposition de règlement européen visant introduire de nouvelles règles en matière d’interopérabilité des systèmes d’information de l’UE dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Un accord provisoire sur ce projet de texte est intervenu en février 2019 entre la présidence du conseil de l’Union et le Parlement européen.

Recommandation n° 21 : Poursuivre et amplifier les initiatives permettant d’améliorer l’interopérabilité des systèmes d’information de l’Union en matière de sécurité intérieure.

Élargir les compétences du Parquet européen pour y inclure la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme. La Commission européenne a présenté une proposition en ce sens en septembre 2018. Cette extension du champ de compétence du Parquet européen lui permettra de mener des enquêtes et de diriger les différentes autorités des États membres et agences de l’Union traitant les affaires de terrorisme affectant plusieurs États membres. Fort de sa structure intégrée, le Parquet européen serait ainsi en mesure d’accéder aux informations émanant des États membres par l’intermédiaire des procureurs européens membres du collège du Parlement européen ou des procureurs européens délégués. Il serait ainsi le mieux placé pour recueillir et partager des informations sur tout le territoire de l’Union, y compris avec Eurojust et Europol, ainsi qu’avec les États tiers.

Recommandation n° 22 : Élargir les compétences du Parquet européen à la criminalité organisée et au terrorisme

Clarifier le cadre juridique applicable à la conservation des données, en excluant du champ de compétence communautaire les activités des services de renseignement. Par son arrêt Tele2 Sverige du 21 décembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que les États membres ne pouvaient pas imposer une obligation générale de conservation de données aux fournisseurs de services de communications électroniques. Le juge de Luxembourg laisse toutefois la porte ouverte à « une réglementation permettant, à titre préventif, la conservation ciblée des données relatives au trafic et des données de localisation, à des fins de lutte contre la criminalité grave, à condition que la conservation des données soit, en ce qui concerne les catégories de données à conserver, les moyens de communication visés, les personnes concernées ainsi que la durée de conservation retenue, limitée au strict nécessaire ». Ainsi, selon la jurisprudence de la Cour, la conservation des données ne doit pas être « généralisée et indifférenciée », c’est-à-dire qu’elle doit être ciblée, mais aussi que l’accès des autorités aux données conservées, nécessairement sur le territoire de l’Union, doit être limité aux seules fins de lutte contre la criminalité grave, et être subordonné à un contrôle préalable par une juridiction ou une autorité administrative indépendante. Il convient néanmoins de clarifier la portée de cet arrêt au regard de l’article 4-2 du TFUE selon lequel « la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre ». Dans ces conditions, et pour protéger l’action des services de renseignement, le projet de règlement ePrivacy en cours de négociation devrait exclure le traitement de données visant exclusivement la sécurité publique, la défense et la sûreté de l’État,

Recommandation n° 23 : Conformément à l’article 4-2 du Traité sur l’Union européenne (TUE), exclure du champ d’application du futur règlement européen ePrivacy la conservation des données visant exclusivement la sécurité publique, la défense et la sûreté de l’État.

Simplifier la gouvernance : l’architecture européenne de sécurité demeure à ce stade complexe et fragmentée, faisant appel à de nombreux acteurs : le coordonnateur européen de la lutte contre le terrorisme, le commissaire à la sécurité européenne, le directeur de l’IntCen, les directeur(trice)s des agences Europol, Eurojust et Frontex, le comité permanent de sécurité intérieure… À l’instar de la recommandation formulée par le Parlement européen dans le rapport de sa commission spéciale sur le terrorisme, la DPR appelle à conforter le rôle des agences en leur donner des moyens supplémentaires leur permettant de faire face à l’augmentation de leur charge de travail. Par ailleurs, si chaque structure répond à des logiques spécifiques, il est nécessaire de renforcer leur mise en réseau car elles contribuent, chacune à leur niveau, à la poursuite d’objectifs communs. Il serait également souhaitable de doter le GAT d’une présidence plus stable, l’instar de ce qui existe par exemple pour l’Eurogroupe. Enfin, il paraît nécessaire de clarifier le mandat et le statut du coordonnateur européen de la lutte contre le terrorisme ; actuellement rattaché au secrétaire général du Conseil de l’Union, il pourrait utilement être placé directement auprès du Président du Conseil européen.

Recommandation n° 24 : Simplifier la gouvernance européenne en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme et clarifier le rôle du coordinateur pour la lutte contre le terrorisme, lien entre les institutions de l’Union et les services de renseignement des États membres.

B.   Des initiatives récentes au service d’une culture commune du renseignement

1.   La création d’un Collège européen du renseignement

Le 5 mars 2018 à Paris s’est tenue à Paris la séance inaugurale du Collège du renseignement en Europe, devant des hauts-cadres de 66 services de renseignements intérieurs, extérieurs et militaires d’une trentaine de pays.

Dans son discours inaugural, le Chef de l’État a évoqué les deux grands principes qui sous-tendent la création de cette structure : d’un côté le partage et l’ouverture, et de l’autre le rayonnement.

À travers ce collège européen du renseignement, il s’agit ainsi de promouvoir une culture commune du renseignement. La valeur ajoutée du collège résidera au moins autant dans le partage du « savoir-faire », des expériences et des réflexions stratégiques des cadres du renseignement issus des communautés de renseignement militaire, civil, intérieur et extérieur des 24 pays partenaires à ce jour du projet, que dans le « faire savoir » aux cadres nationaux et européens. Un des objectifs du collège sera de jouer un rôle dans la prise en compte des problématiques de la communauté du renseignement par les décideurs nationaux et européens, qui doivent être au fait de l’existence des coopérations, des potentiels mais aussi des limites et contraintes qui pèsent sur les services.

Après l’événement inaugural, l’enjeu consiste à concrétiser ces objectifs. Un premier séminaire sera organisé en Allemagne à l’automne prochain. Le secrétariat permanent, basé à paris, est responsable de la mise en œuvre d’un programme de travail en cours d’élaboration en partenariat avec les 24 pays membres du Collège. La DPR se félicite de la création de ce Collège européen du renseignement. La mise en place d’outils de prévention du terrorisme au plan européen ne peut en effet pas être efficace sans une connaissance partagée des enjeux du renseignement. Une meilleure compréhension de ce qu’est le renseignement permettra à la fonction renseignement en tant que telle d’être mieux intégrée dans la prise de décision politique et la mise en œuvre des politiques nationales et européennes. 

2.   L’instauration d’un « registre judiciaire européen antiterroriste » auprès d’Eurojust

Le 20 juin 2018, la France, l’Allemagne, l’Espagne et la Belgique adoptaient une déclaration commune appelant à la création d’un « registre judiciaire européen antiterroriste », regrettant la lenteur de mise en œuvre d’une décision européenne du 20 septembre 2005 qui prévoyait la transmission d’informations à Eurojust en matière de terrorisme. Il faut en effet rappeler que depuis 2015, les autorités judiciaires de l’Union européenne ont ouvert auprès d’Eurojust plus de 250 procédures nouvelles en matière de terrorisme, en particulier dans les dossiers des attentats du Bardo et de Sousse en Tunisie, l’attaque dans le Thalys, les attentats de Paris et Saint-Denis, Bruxelles et Zaventem, Nice, Berlin, Stockholm et Cambrils ainsi que Turku en Finlande. Des équipes communes d’enquête ont été signées dans le cadre de ces coopérations judiciaires, afin de coordonner les enquêtes et de soutenir en temps réel les actions sur le terrain.

C’est pourquoi les signataires de la Déclaration soulignaient l’enjeu d’une meilleure coordination au niveau des enquêtes et la nécessité d’agir en synergie avec le centre européen anti-terroriste d’Europol.

Quelques semaines plus tard était annoncée à Paris, le 5 novembre 2018, la création de cet outil. L’Italie, le Luxembourg et les PaysBas ayant rejoint les États signataires de la Déclaration, ce sont ainsi 7 nations qui se sont accordées sur la mise en place de ce registre, dans les meilleurs délais.

Ce registre unique permettra des transmissions d'information accélérées par des circuits sécurisés et sera précieux pour analyser les réseaux terroristes, en recoupant et en identifiant notamment les liens entre les personnes mises en cause dans les enquêtes en cours.

3.   La mise en réseau des communautés des contrôleurs

L’Union européenne est une communauté de droit au sein de laquelle une attention particulière est portée au respect des droits fondamentaux. La recherche du juste équilibre entre les mesures nécessaires à la sécurité publique d’un côté, et le respect des droits et libertés fondamentales de l’autre, est une préoccupation constante des sociétés démocratiques.

Depuis les attaques terroristes de 2015, de nombreux États membres de l’Union ont fait évoluer leur législation. D’importantes réformes relatives au cadre juridique du renseignement ont été conduites en particulier en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Finlande accompagnées de garanties en matière de contrôle et transparence. Néanmoins, les législations des 28 États membres en matière de renseignement demeurent à la fois extrêmement différentes et complexes. Le droit international des droits de l’homme exige que le mandat et les pouvoirs des services de renseignement soient inscrits dans une législation claire, prévisible et accessible. La culture des services secrets est par nature celle du secret, mais la société exige de plus en plus de transparence. L’élément clé de l’existence des services secrets réside dans la confiance en ce sens où la société doit être certaine que les services agissent dans le respect de la loi.  

Dans ce contexte, les organes de contrôle organisent leur coopération, à l’instar des services de renseignement. À titre d’exemple, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) a pris l’initiative avec son homologue Belge (le « Comité R ») de réunir à Paris, le 7 décembre 2018, les organismes nationaux de contrôle de la légalité des activités de renseignement en Europe. Quatorze délégations étaient présentes.

La conférence a réuni des représentants d’organes de contrôle administratifs ou judiciaires aux missions et aux compétences comparables. Le but de cette première rencontre était de favoriser la connaissance mutuelle des législations nationales en matière de contrôle du renseignement et de partager les pratiques de mise en œuvre, dans le respect du secret et sans porter sur l’évaluation de la politique du renseignement qui relève de la responsabilité des parlements nationaux.

Qu’il s’agisse ainsi des autorités juridictionnelles, des autorités administratives indépendantes ou des Parlements nationaux à travers leurs commissions chargées du contrôle des services de renseignement, c’est ainsi la communauté des contrôleurs qui se structure progressivement. Cela participe d’une culture commune qui se développe à l’échelle européenne et qui vient donner du crédit à l’émergence progressive d’une communauté européenne du renseignement.

Dans ce cadre, les Parlements nationaux et le Parlement européen doivent prendre toute leur place au sein de la communauté des contrôleurs. À l’instar de ce qui existe sur de nombreux sujets, une conférence interparlementaire réunissant les organes chargés du contrôle parlementaire du renseignement pourrait se réunir périodique – par exemple tous les deux ans – autour du partage d’informations et de l’échange de bonnes pratiques.

Recommandation n° 25 : Réunir, sur une périodicité bisannuelle, une conférence interparlementaire composée des organes de contrôle parlementaire des services de renseignement des Parlements nationaux et du Parlement européen, autour du partage d’informations et de l’échange de bonnes pratiques.

La coopération européenne dans le domaine du renseignement se construit progressivement et dans le respect des compétences régaliennes des États membres. Si la lutte contre le terrorisme a eu l’effet d’un catalyseur pour développer de nouveaux instruments juridiques et de coopération, force est de constater que la persistance de menaces souveraines, à l’image de l’espionnage et de ses nouveaux modes d’action, semble constituer, en l’état du droit et en l’absence de volonté politique commune, le rempart infranchissable à de nouveaux horizons de coopération transnationale.

 


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III.   LE BREXIT ET SON IMPACT SUR LE RENSEIGNEMENT EUROPÉEN

Le Brexit, annoncé puis différé, est-il une menace pour la sécurité européenne ? La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est-elle de nature à remettre en cause les liens de confiance avec les services de renseignement britanniques ? S’il est vrai que la coopération des services de renseignement s’opère dans un cadre exclusivement intergouvernemental, il apparaît cependant que les Britanniques ont eu un recours accru ces dernières années aux outils juridiques et opérationnels mis en place par l’Union européenne.  

A.   L’ambivalence du Royaume-Uni à l’égard de l’Europe de la sécurité et de la défense

1.   L’intérêt national britannique, principal aiguillon de l’engagement européen du Royaume-Uni

Le niveau de participation du Royaume-Uni à l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice est une illustration de l’approche britannique restrictive de la construction européenne, envisagée comme résiduelle, ou du moins subsidiaire, au regard de l’exercice de la souveraineté nationale. Aussi, c’est pour ne pas empêcher les pays qui souhaitaient aller de l’avant pour progresser sur le chemin de l’intégration européenne dans les domaines de la coopération policière et judiciaire, que le scénario d’une Europe « à la carte » a été imaginé avec des systèmes d’opt in et d’opt out, certes juridiquement très encadrés, mais permettant de choisir ses politiques.

À ce jour, quatre États membres appliquent une option de retrait sur une ou plusieurs politiques de l’Union européenne. Outre le Royaume-Uni, il s’agit de l’Irlande, du Danemark et de la Pologne.

S’agissant du Royaume-Uni, les opt-out portent sur la nonparticipation à l’espace Schengen, à l’Union économique et monétaire et à l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice. Le Royaume-Uni ne reconnaît pas non plus de valeur juridique à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et n’est pas signataire du traité établissant le pacte budgétaire européen.

En ce qui concerne plus spécifiquement l’espace de liberté, il est constitué d’un corpus de 133 mesures parmi lesquelles seules 35 ont été adoptées par le Royaume-Uni dans le cadre d’un « opt back in » activé en 2014. Parmi ces trente-cinq mesures, figurent notamment Europol, Eurojust, les équipes communes d’enquête, le mandat d’arrêt européen, la reconnaissance mutuelle des décisions de confiscation et des peines d’emprisonnement, les échanges d’informations issues du casier judiciaire ; le Royaume-Uni a également obtenu un régime dérogatoire lui permettant d’avoir accès au système d’information Schengen (SIS) sans être membre de l’espace Schengen. 

Guidé par son intérêt national, le Royaume-Uni prend finalement une part active à la coopération européenne et fut même l’un des principaux promoteurs de la directive PNR. Comme cela est mentionné dans le Livre blanc du Gouvernement britannique de février 2017 sur la sortie du pays de l’Union européenne, le Royaume-Uni participe aux 13 projets opérationnels prioritaires d'Europol et gère près de la moitié des projets d'Europol contre les formes graves de criminalité organisée. Le Royaume-Uni est également le quatrième plus important utilisateur du Système européen d'information sur les casiers judiciaires (ECRIS). Sur la période 2015-2016, la majorité des plus de 155 000 demandes de condamnations pénales à l'étranger ont été communiquées aux pays de l'Union par le biais d'ECRIS. Les États membres partenaires bénéficient également des messages de notification fournis à propos de leurs ressortissants condamnés au Royaume-Uni, la grande majorité des plus de 46 000 notifications ayant été effectuées par ECRIS.

Il est enfin à souligner que la perspective du Brexit n’altère pas la volonté britannique d’approfondir cette coopération puisque le Gouvernement britannique a, postérieurement au référendum du juin 2016, signifié son souhait d’intégrer le mécanisme de coopération transfrontalière en matière de police érigée par les « accords de Prüm » de 2008. Par ailleurs, en annonçant en novembre 2016 leur volonté d’ « opt-in » au nouveau règlement Europol, les Britanniques ont clairement signifié leur volonté de continuer à contribuer à la coopération policière européenne puisque sans « opt-in », le RoyaumeUni aurait de facto cessé d’appartenir à Europol dès l’entrée en vigueur de son nouveau règlement en mai 2017.

Les Britanniques ont aussi activement participé aux négociations sur certains instruments de coopération pénale future, notamment sur la proposition de règlement sur le gel et la confiscation des avoirs criminels, ou sur les textes liés à l’European Criminal Record Information System – Third Country National (ECRIS-TCN) sur le système d’interconnexion des données de condamnations judiciaires pour les ressortissants d’Etats tiers de l’Union européenne.

2.   L’intérêt national français et l’intérêt général européen plaident en faveur d’une étroite coopération avec les services de renseignement britanniques

« Nos capacités de renseignement – uniques en Europe – ont déjà sauvé d’innombrables vies. Après le Brexit, le Royaume-Uni entend être un bon ami et voisin, à tous les niveaux, et cela implique de défendre la sécurité de tous nos citoyens ( …). Un accord punitif contre Londres constituerait un acte calamiteux de la part de l’Union européenne qui se nuirait à elle-même »

Theresa MAY, Première ministre britannique

Les services de renseignement du Royaume-Uni existent depuis plus d’un siècle. Le MI5, agence nationale dédiée à la sécurité intérieure, a été créé en 1909 et dispose d’une expertise reconnue en matière de lutte contre le terrorisme, du fait en particulier du conflit passé nord-irlandais. Les services de renseignement britanniques ont développé une coopération très étroite avec leurs homologues américains, canadiens, australiens, néo-zélandais, dans le cadre de ce qui est communément appelé les « Fives Eyes ». L’appartenance à ce club fermé qui comporte des avantages en termes de mutualisation de capteurs et d’informations, mais aussi des contraintes s’agissant du partage limité de renseignement à des nations tierces, pourrait s’analyser à premier venue comme incompatible avec une coopération européenne plus soutenue dans les domaines de la sécurité et de la défense. Il convient pourtant de nuancer ce jugement.

Depuis 2015, le Royaume-Uni est l’un des pays d’Europe le plus touché par le terrorisme, et le Gouvernement britannique a pris la mesure de l’enjeu d’une coopération plus étroite dans le domaine de la sécurité européenne, sans pour autant que celle-ci s’opère forcément dans le cadre de l’Union européenne. C’est le fait que la coopération avec le Royaume-Uni soit incontournable qui a d’ailleurs déjà pu conduire les Etats de l’Union à accepter des compromis significatifs dans la mise en œuvre des outils, par pragmatisme et dans un souci d’efficacité. Ceci explique que le Royaume-Uni bénéficie d’un statut particulier au sein de l’Union, au regard de sa participation à l’espace Schengen ou de la coopération en matière judiciaire.

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Les échanges, qui concernent de nombreux sujets, se concentrent dernièrement sur la zone syro-irakienne qui s’est imposée depuis 2013 comme la principale préoccupation commune du fait de la menace visant nos deux pays, touchés de façon similaire par le phénomène des filières syriennes, le Royaume-Uni étant le deuxième pays occidental le plus impacté, après la France.

Au niveau multilatéral, le dispositif européen est d’autant plus performant qu’il est utilisé par le Royaume-Uni. L’exemple du mandat d’arrêt européen est révélateur ; En effet, si l’extradition de Rachid Ramda – sous le régime des conventions d’extradition qui prévalait avant le mandat d’arrêt européen – a abouti après neuf ans de procédure, celle du Britannique Jeremy Forrest – encadrée par le régime du mandat d’arrêt européen – n’aura pris que vingt-quatre heures. Au-delà de l’efficacité intrinsèque de l’instrument, le Royaume-Uni prend une part active à cet outil de collaboration judiciaire à l’échelle européenne. Depuis 2010, le Royaume-Uni a ainsi extradé 6 514 suspects et a obtenu en retour l’extradition de 800 suspects provenant d’autres pays européens. S’agissant plus particulièrement de la coopération franco-britannique, au cours de l’année 2017, 25 personnes ont été remises par les autorités britanniques à la France, contre 8 personnes remises par les autorités françaises. Et si l’on prend l’exemple de la coopération policière, le Royaume-Uni est aujourd’hui le deuxième contributeur, mais aussi le deuxième Etat qui consulte le plus le système d’information Schengen II (539 000 consultations pour la seule année 2017).

B.   En matière de renseignement, la relation future du Royaume-Uni avec l’Union européenne doit s’envisager avec pragmatisme

1.   Surmonter les paradoxes du Brexit

Les questions relatives à la sécurité font partie de sujets consensuels dans les négociations de négociation du projet d’accord de retrait. Tant du côté britannique qu’au niveau de l’Union européenne, les positions sont convergentes.

Le Conseil européen, lors de la réunion extraordinaire du 29 avril 2017, a adopté la déclaration suivante selon laquelle « l’Union européenne se tient prête à établir des partenariats dans les domaines non liés aux échanges commerciaux, notamment la lutte contre le terrorisme et la criminalité internationale, ainsi que la sécurité, la défense et la politique étrangère ». Cette position est réaffirmée dans les conclusions du Conseil européen du 28 mars 2018 selon lesquelles l’Union « est déterminée à avoir un partenariat aussi étroit que possible avec le Royaume-Uni à l’avenir, [ …] notamment [dans] la lutte contre le terrorisme et la criminalité internationale ». Le rapport de la Commission spéciale du Parlement européen sur la lutte contre le terrorisme de décembre 2018 estime également essentiel de « garantir la continuité de la coopération mutuelle et de l’échange de renseignements en matière de sécurité entre l’Union et le Royaume-Uni après sa sortie de l’Union » (point 99).

Le point de vue du Gouvernement britannique n’est pas différent, et présenté ainsi dans le Livre Blanc sur le nouveau partenariat envisagé après la sortie de l’Union :

« Nous poursuivrons notre collaboration avec l'UE pour préserver la sécurité du Royaume-Uni et de l'Europe, pour lutter contre le terrorisme et pour défendre la justice en Europe.

La sécurité du public britannique est la priorité absolue du gouvernement. Le Royaume-Uni a toujours été, et continuera d'être un acteur mondial majeur dans la lutte contre les menaces à la sécurité. Avec la menace en constante évolution, notre réponse doit être de collaborer plus étroitement avec nos partenaires, y compris l'UE et ses États membres, en partageant les informations et en se soutenant mutuellement dans la lutte contre les menaces posées par ceux qui souhaitent nous nuire. Nous continuons à coopérer étroitement avec nos partenaires européens en matière de politique étrangère et nous appuyons fermement la lutte contre la menace terroriste. Cette coopération s'est déjà intensifiée dans la foulée des récentes attaques à Paris, Bruxelles et Berlin. Il est de notre intérêt à tous de poursuivre notre étroite coopération avec l'UE et ses États membres pour faire face ensemble à ces menaces ».  

Livre blanc du Gouvernement britannique
sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union – février 2017

Le projet d’accord de sortie de l’Union et la déclaration politique qui l’accompagne traduisent cette volonté de maintien d’une coopération étroite.

L’article 117 de la Déclaration politique énonce ainsi que « les parties devraient coopérer dans les domaines de la lutte contre le terrorisme, de l'extrémisme violent et des menaces émergentes afin de faire progresser leur sécurité commune et leurs intérêts communs. Reconnaissant l'avantage mutuel du dialogue collectif et de la coopération opérationnelle, le partenariat devrait soutenir:

a) le partage des meilleures pratiques et de l'expertise sur des questions et thèmes clés;

b) la coopération avec les organismes d'analyse du renseignement appropriés pour assurer un partage efficace des évaluations entre les parties, y compris en matière de lutte contre le terrorisme ;

 c) un dialogue étroit sur les menaces émergentes et les nouvelles capacités ».

Dans cette attente, le projet d’accord de sortie prévoit ainsi la poursuite de la participation du Royaume-Uni à Eurojust et Europol, au mandat d’arrêt européen et conserve son droit d’accès aux différentes bases de données, dont le système d’information Schengen.

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Le futur statut d’État tiers qu’aura le Royaume-Uni emportera des conséquences juridiques qui sont loin d’être neutres pour l’avenir de la coopération policière et judiciaire en Europe.

2.   Avantages et contraintes du futur statut d’« État tiers »

Que le Royaume-Uni ratifie ou non l’accord de retrait de l’Union européenne, que l’on se dirige vers un Brexit soft ou dur, le futur statut d’État tiers emportera des conséquences importantes s’agissant des modalités de la participation britannique aux outils et aux instances de l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice.

La participation aux agences de l’Union – en l’espèce Europol et Eurojust – restera possible même si le statut d’État tiers ne permettra plus au Royaume-Uni de participer aux organes de gouvernance desdites agences.

S’agissant d’Europol, deux types d’accords existent déjà avec des pays tiers, conclus sur la base de l’article 218 du TFUE relatif à la procédure de conclusion d’accords internationaux : des accords dits « stratégiques » (notamment avec la Russie, la Turquie et l’Ukraine) mais qui excluent tout échange de données personnelles, et des accords dit « opérationnels » (c’est le cas notamment avec les États-Unis, le Canada, la Suisse et la Norvège) qui autorisent l’échange de données personnelles mais ne permettent pas aux États tiers d’accéder à la base de données d’Europol. L’intérêt pour le RoyaumeUni serait néanmoins de conclure un accord le plus large possible pour pouvoir continuer à accéder à la base de données d’Europol, ce qui a deux corollaires : le Royaume-Uni devra prouver qu’il garantit un niveau suffisant de protection des données personnelles et il devra aussi reconnaître la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne appelée à connaître des recours formés en matière de traitement des données personnelles. 

Au titre de la coopération policière, le Traité de Prüm, qui facilite la coopération transfrontalière et qui fut initialement élaboré en dehors du cadre communautaire, devrait également pouvoir continuer à s’appliquer au Royaume-Uni sous la forme d’un accord bilatéral.

Dans le domaine de la coopération judiciaire, la participation à Eurojust pourra également se poursuivre sur une base conventionnelle. De même, il n’y a pas d’obstacle à ce que le Royaume-Uni puisse continuer à participer aux équipes communes d’enquête ainsi qu’aux échanges d’informations entre les casiers judiciaires dans le cadre du système européen ECRIS.

En revanche, la situation est plus problématique sur deux sujets : l’accès au système d’information Schengen (SIS II) et la participation du Royaume-Uni au mandat d’arrêt européen.

S’agissant de l’accès au SIS II, ce n’est pas la qualité d’État tiers qui est en soi un obstacle, mais le fait que le Royaume-Uni ne soit pas partie de l’espace Schengen. Si l’article 39 du règlement du SIS II exclut toute possibilité de coopération avec des États tiers, ces derniers peuvent toutefois prendre part à cette base de données par la reconnaissance de l’acquis Schengen, qui englobe le SIS II. C’est ainsi que la Norvège, l’Islande et la Suisse ont accès, parce que ces pays participent à l’espace Schengen, à la base SIS II.

Le Royaume-Uni bénéficie depuis 2015 d’un accès totalement dérogatoire puisqu’il n’est pas partie aux accords de Schengen. S’il se place au 7e rang des contributeurs de la base, il en est en revanche le 4e utilisateur. En perdant sa qualité d’État membre de l’Union européenne, le Royaume-Uni verra son accès au SIS II interdit. La fin de l’accès au SIS II aura par ailleurs des conséquences sur la mise en œuvre du PNR puisque ce dernier, relié au SIS II, permet d’alerter sur les déplacements de passagers faisant l’objet de signalement. Par ailleurs, le projet multilatéral de PNR ferroviaire, devant couvrir les frontières entre la Belgique, les Pays-Bas, la France et le Royaume-Uni, pourrait également être remis en cause par la fin de l’accès britannique à certains fichiers européens (PNR, ETIAS, EURODAC…).

En ce qui concerne enfin le mandat d’arrêt européen, celui-ci reposant sur le principe de reconnaissance mutuelle entre États membres, il ne peut de facto être ouvert aux États tiers. Du point de vue de l’Union européenne, c’est un recul dès lors qu’il ne sera plus possible pour tout État membre de formuler auprès du Royaume-Uni une demande d’extradition dans le cadre du mandat d’arrêt européen. Les Britanniques seront également pénalisés par le fait que certains États membres de l’Union l’Allemagne et l’Italie notamment – ne permettent l’extradition de leurs propres ressortissants que vers d’autres pays de l’Union européenne. Ces pays devront modifier leur Constitution s’ils veulent, après le Brexit, continuer à pouvoir extrader leurs ressortissants vers le Royaume-Uni.

Le Brexit, avec ou sans accord, se traduira donc en cette matière par un recul significatif. Certes, il existera toujours la possibilité de conclure un accord de coopération dédié à la remise des personnes recherchées, à l’instar de ce que la Norvège a signé avec l’Union européenne. Mais de tels accords, qui s’apparentent davantage à des procédures d’extradition simplifiée, sont sans commune mesure avec l’efficacité du mandat d’arrêt européen.

D’une façon plus générale, le droit international – Interpol, la Convention de Palerme en matière de criminalité organisée, les conventions du Conseil de l’Europe, etc.) pourrait voler au secours de la coopération policière et judiciaire ; Mais ces alternatives de collaboration n’offrent que des substitutions de coopérations réduites, comparées aux dispositifs bien plus performants déployés au sein de l’Union européenne.

Dans ces conditions, et au regard des intérêts communs des États membres de l’Union européenne et du Royaume-Uni, la notion d’État tiers avec les conséquences juridiques qu’elle implique aujourd’hui, fragilise l’acquis des leviers d’action mis en place ces dernières années au service de notre sécurité collective. Dans ces conditions, il serait souhaitable d’étudier la pertinence d’un « partenariat privilégié » entre l’Union européenne et le Royaume-Uni en matière de sécurité, pour autoriser des coopérations stratégiques au-delà du cadre très limité lié au statut d’État tiers du RoyaumeUni.

Recommandation n° 26 : Étudier la faisabilité juridique d’un « partenariat privilégié » entre l’Union européenne et le Royaume-Uni dans le domaine de la sécurité pour maintenir la participation du Royaume-Uni, malgré son futur statut futur d’État tiers, à la base de données SIS2 et au mandat d’arrêt européen.


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   Chapitre V :

La gestion des ressources humaines :
un enjeu strategique
pour la communaute du renseignement

Pour la DPR, la thématique des ressources humaines des services de renseignement est stratégique. « De sa prise en compte dépendent la modernisation de ces administrations et le nécessaire saut qualitatif à opérer dans un monde toujours plus complexe et où le tri ainsi que l’analyse de l’information sont déterminantes », écrivait-elle dans son rapport d’activité 2014 ([29]).

Depuis 2015, la communauté du renseignement a été dotée de moyens en personnel importants. Cette montée en puissance était rendue nécessaire par l’évolution des menaces notamment de la menace terroriste, à la suite des attentats qu’a connus la France depuis 2015, par la mise en œuvre des lois n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement et n° 2015‑1556 du 30 novembre 2015 relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationale, mais aussi par les évolutions technologiques qui rendent nécessaires des investissements importants dans le domaine du numérique, de la cyberdéfense et du traitement des données.

Elle résulte de plusieurs plans de renforcement annoncés au lendemain des attentats terroristes de 2015 et 2016 mais également, s’agissant des services placés sous la responsabilité du ministre de la défense, des lois de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 actualisée en 2015 ([30]) et n° 2018-607 du 13 juillet 2018 pour les années 2019 à 2025.

La DPR a souhaité trois après l’annonce des premières mesures faire le point sur ses importantes créations de postes qui s’ajoutent à des flux d’entrées et sorties parfois significatifs, sur la manière dont les services et le GIC ont relevé ce défi, les difficultés qu’ils ont rencontrées et les moyens de les surmonter mais aussi sur leurs conséquences en termes de gestion des ressources humaines et d’organisation.

Avant d’exposer les résultats de ses réflexions, la DPR observe, de façon liminaire, la persistance de la grande hétérogénéité de l’exercice de la fonction RH au sein des services de la communauté du renseignement qu’elle avait déjà mis en exergue dans son rapport d’activité pour 2014.

Cette hétérogénéité est le fruit de l’histoire.

 *****

À relire les observations et recommandations de la DPR dans son rapport d’activité pour 2014, on mesure le chemin parcouru, l’énergie et l’opiniâtreté déployée pour réaliser quelques avancées, mais aussi le chemin qu’il reste à parcourir pour faire bouger les lignes dans des administrations ancrées dans leur mode de fonctionnement et culturellement peu enclines à accepter la mise en œuvre d’orientations interministérielles susceptibles de bouleverser les équilibres internes.

Seule la DGSE dispose d’une compétence générale absorbant la quasi-totalité des fonctions RH dans le cadre néanmoins du pilotage budgétaire et RH du ministère de la défense. Elle est la seule à disposer d’une véritable direction des ressources humaines.

Les autres services ont mis en place au sein de leurs administrations des divisions ou des pôles qui n’assurent qu’une partie des fonctions. Ils ne disposent pas de la maîtrise de leurs RH et doivent en permanence mendier les recrutements, mutations, affectations, rémunérations de leurs agents auprès de leurs DRH centrales.

Adossé au SGDSN, responsable de budget opérationnel de programme (BOP) tout en bénéficiant du statut d’unité opérationnelle, le GIC ne dispose d’une faible latitude dans l’exercice de la fonction RH ([31]) et reste très dépendant de la mobilité interministérielle et de la capacité des armées de le doter en personnel militaire. Les autres services sont plus ou moins dépendants d’autres entités qui pilotent une large partie du recrutement, des mutations, des carrières des personnels militaires et civils des services et organisations : la DRSD est très dépendante de la capacité du ministère des armées à pourvoir aux emplois qu’elle propose ; la DRM enchâssée dans l’État-major des armées est très dépendante de la capacité des DRH des différentes armées à la doter en personnel militaire et de la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) s’agissant des personnels civils, elle dispose néanmoins d’une certaine latitude pour le recrutement de contractuels ; la gestion des RH de la DNRED est assurée par la direction générale des douanes et des des droits indirects (DGDDI). S’appuyant en majeure partie sur des personnels douaniers (99 % des effectifs), la DNRED ne conserve en son sein que la formation et la gestion de proximité ([32]) ; la DGSI, dont les RH sont issues à 69 % des cadres de la police nationale ([33]), est très dépendante de la direction générale de la police nationale (DGPN) qui gère l’ensemble de ces cadres ([34]) et l’assimile à une direction centrale (4 000 agents à la DGSI contre 155 000 gérés par la DGPN) ; TRACFIN ne dispose que d’un petit pôle RH au sein de son département des affaires administratives et financières assurant une animation de proximité et le dialogue avec les DRH des administrations dont sont issus ces personnels

L’emploi dans un service de renseignement est donc pour la plupart des fonctionnaires des cadres de la police ou des douanes, ou des militaires, et plus encore pour les officiers, un passage ([35]). S’ajoute désormais une part croissante de personnels contractuels dont la majorité est recrutée sur les CDD. Il serait intéressant de réaliser une étude sur la durée d’affectation des personnels au sein des services de renseignements et de suivre son évolution dans le temps.

Recommandation n° 27 : Réaliser une étude sur la durée d’affectation des personnels dans les services de renseignement.

La plupart des services gèrent des flux de personnel et ne disposent que de stocks réduits pour capitaliser de l’expérience, des savoirs et des savoir-faire. La durée de ce passage est largement conditionnée par la capacité à poursuivre une carrière ascendante dans le cadre d’origine ce qui est mieux garanti au sein des entités plus nombreuses et sous l’autorité de lignes hiérarchiques directes.

Ensuite, l’exercice de la fonction RH est nécessairement différent selon que le service comporte une forte composante déconcentrée comme la DGSI qui compte 50 % de son effectif (essentiellement des personnels actifs de police) en direction régionale, ou comme, dans une moindre proportion, la DNRED ou la DRSD. La DGSE et la DRM sont principalement des administrations centrales même si elles disposent de postes à l’étranger et d’unités projetées en opérations extérieures. TRACFIN comme le GIC ([36]) sont exclusivement des administrations centrales.

En outre, à cette hétérogénéité s’ajoute un souci bien compris de discrétion qui limite les informations directement accessibles. *****

Le fait que certains services ne disposent pas d’une grande autonomie dans la programmation et la gestion de leurs moyens, et que celle-ci soit la résultante d’un dialogue avec d’autres directions générales de leur ministère ne doit pas avoir pour conséquence de réduire la visibilité nécessaire à leur direction pour accomplir leur mission et à la représentation nationale, à travers un organe spécifique, d’en assurer le contrôle. La DPR a bien noté que les directions de ces services, conscientes de la difficulté de répondre en temps utile aux demandes d’information de la DPR, ont « à cœur d’améliorer cette situation pour les prochaines années ».

Enfin cette hétérogénéité des modes d’organisation laisse apparaître des méthodes de computation des données différentes selon les services ce qui peut rendre approximatives voire incertaines certaines comparaisons.

Recommandation n° 28 : Tenir en permanence et accessibles directement dans les services spécialisés de renseignement, des statistiques fiables sur les effectifs dont ils sont pourvus et sur les schémas prévisionnels d’emplois, ainsi que sur les crédits de titre 2 correspondants. Sous l’égide du CNRLT, engager une réflexion méthodologique afin de disposer de données fiables et comparables devant aboutir à la mise en place d’un observatoire statistique des ressources humaines.

I.   Une augmentation importante des effectifs REELS mais plus lente qu’initialement prévue

 

2014

2015

2016

2017

2018

DGSE

5112

5216

5335

5372

5627

DGSI

3250

3548

3812

3999

4043

DRM

1557

1640

1722

1808

1861

DRSD

1076

1142

1189

1242

1330

DNRED

726

737

760

774

763

TRACFIN

104

119

133

151

166

Total Services spécialisés

11825

12402

12951

13346

13790

GIC

138

126,5

134

162,5

197

Source : réponses des services au questionnaire de la DPR ([37]).

Les éléments transmis en réponse au questionnaire adressé par la DPR sur la période 2014-2018 confirment la tendance exposée pour 2013-2017 dans le rapport d’activité des services pour 2017. 1968 postes ont été créés soit une progression de 16,6 %. Cette augmentation est imputable pour la plus grande part (40,3 %) à la DGSI (+ 793) dont l’effectif a cru de 24,4 %. Sur la même période, l’effectif de la DRM et celui de la DRSD ont également fortement progressé, respectivement + 304 agents (+19,8 %) et + 254 agents (+23,6 %). L’effectif de la DGSE et de la DNRED ont progressé dans des proportions moindres respectivement (+ 515, +10,1 %) et (+ 37, +5,1 %). Limitée en nombre d’agents, la progression de l’effectif de TRACFIN est remarquable en proportion (+ 40,4%, soit 42 agents en quatre ans). Au sein des services d’appui, la montée en puissance du GIC (+ 59 agents, +42,7 %) est importante comme le doublement de l’effectif de la CNRLT.

Cette tendance se retrouve dans l’évolution des crédits de titre 2 qui retracent les dépenses de personnel.

Crédits de Titre 2 affectés aux services de renseignement et au GIC

(en millions d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

2018

DGSE ([38])

290,49

297,31

306,70

319,27

336,51

DGSI ([39])

159,90

166,10

176,80

191,60

203,50

DRM ([40])

n.c

n.c

n.c

n.c

n.c

DRSD ([41])

81,78

69,26

84,69

105,54

121,38

DRNED

53,21

53,95

58,31

60,24

61,55

TRACFIN ([42])

7,01

8,24

9,22

10,44

12,0

Total ([43])

592,39

594,86

635,72

687,09

734,94

GIC ([44])

 

 

0,98

8,38

10,05

Ces crédits progressent de 24,06 % de 2014 à 2018 soit plus rapidement que les effectifs ce qui traduit, sur la période, une augmentation de la rémunération des agents dont on trouvera les causes (voir infra) dans l’augmentation du niveau de formation académique et dans le renchérissement des rémunérations consécutif à la tension existant, pour certaines spécialités, sur le marché du travail.

1.   Une montée en puissance moins rapide qu’annoncée et prévue.

Dans son rapport pour l’année 2017, la DPR, sur la base du focus réalisé par la CNRLT dans le rapport d’activité pour 2016 sur la mise en œuvre des différents plans de renforcement des effectifs de 2014 à 2019, avait observé que les objectifs très ambitieux tendaient à être de moins en moins tenus en raison des tensions que le recrutement des services fait peser sur le vivier des candidats qualifiés ainsi qu’à des difficultés que rencontrent certains services dans le recrutement d’agents contractuels.  

*****

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Plafond d'emploi (ETPT)

5 068

5 302

5 461

5 530

5 726

5 815

Évolution en valeur absolue

77

234

158

69

197

89

Crédits inscrits au Titre 2

290 491 940 €

297 314 911 €

306 700 836 €

319 271 190 €

336 509 712 €

349 603 919 €

Évolution en %

 

2,35%

3,16%

4,10%

5,40%

3,89%

Emplois programmés

5 111

5 217

5 339

5 389

5 600

5 689

Emplois pourvus

5 112

5 216

5 335

5 372

5 627

 

 

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Plafond d'emploi (ETPT)

1137

1101

1148

1328

1525

510

Évolution en valeur absolue

-21

-36

47

180

197

-15

Crédits inscrits au Titre 2

81 780 612 €

69 256 505 €

84 694 268 €

105 547 900 €

121 383 805 €

120 081 993 €

Évolution en %

-1,6%

-15,3%

22,3%

24,6%

15%

-1,07%

Emplois programmés

1066

1 134

1193

1319

1458

1490

Emplois pourvus

1076

1141

1189

1242

1330

 

 

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Plafond d'emploi (ETPT)

1559

1661

1776

1914

2011

2036

Évolution en valeur absolue

 

+ 102

+ 115

+ 138

+ 97

+ 25

Crédits inscrits au Titre 2

123,31

127,38

134,19

138,87

145,66

 

Evolution en %

 

+3,3%

+5,34%

+ 3,5%

+ 4,89 %

 

Emplois programmés

1637

1671

1789

1923

2046

2075

Emplois pourvus

1551

1640

1703

1803

1858

 

Cette situation est préoccupante car des objectifs ambitieux restent à réaliser en termes d’effectifs et qu’en outre le turn-over au sein des services est important. L’enjeu du recrutement et de la fidélisation des personnels est essentiel pour le développement capacitaire des services de renseignement. Certains services doivent à la fois rattraper les retards sur leur trajectoire d’effectifs, pourvoir aux emplois nouveaux et assurer le remplacement d’une part importante de leurs personnels. 

Parallèlement dans le cadre de cette montée en puissance des objectifs qualitatifs doivent être atteints qui prolongent les tendances observées au cours des dernières années à savoir la croissance des personnels d’expertise ou d’encadrement (officiers et fonctionnaires de catégories A ou assimilés) et l’évolution des métiers, conséquence des évolutions technologiques en cours.

2.   Des effectifs importants à recruter

 

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

DGSE

5 689

5 754

5 814

5 910

6 102

6 237

6 372

DGSI

4 535

4 735

4 985

5 285

5 585

5 645

5 645

DRM

2 036

2 058

2 079

2 101

2 151

2 210

2 249

DRSD

1 490

1 522

1 548

1 584

1 650

1 662

1 674

GIC

190,5

211,5

225

238

250

250

250

a.   Une programmation insuffisante

La DPR avait demandé aux services une programmation prévisionnelle de leurs effectifs jusqu’en 2025.

Seuls la DGSE, la DRM, la DRSD et le GIC ont été en mesure de fournir ce document ([45]), qui permet de mesurer le cadencement des créations de postes attendues.

Sans doute, la LPM fournit-elle un cadre de programmation pour les services relevant du ministère des armées, mais on aurait pu imaginer a minima que la programmation pluriannuelle des finances publiques aurait permis un exercice du même ordre, et jusqu’en 2022, pour les autres services.

Ce défaut de programmation traduit bien la faible autonomie de ces services par rapport aux directions gestionnaires de leurs personnels.

*****

Recommandation n° 29 : Mettre en place une programmation pluriannuelle des effectifs de l’ensemble des services spécialisés de renseignement à l’instar de ce qui est réalisé par le ministère des armées dans le cadre de la LPM, a minima sur la durée triennale de la loi annuelle de programmation des finances publiques. Cette programmation constituerait un outil de pilotage utile aux directeurs de ces services et permettrait un suivi plus précis par le CNRLT et par la DPR.

b.   L’obligation de compenser les départs nombreux au sein de leurs personnels.

Les entités doivent prendre en considération un turn-over important, le plus souvent en progression. Elles doivent en outre faire face à une transformation de leurs schémas d’emplois exigeant un niveau de recrutement plus important de leur personnel (importance croissante des emplois de catégorie A et des officiers et décroissance des emplois de catégorie C et des militaires du rang) et la croissance de certaines spécialités techniques, notamment dans le domaine de l’informatique et du numérique qui se heurte à l’insuffisance ou à la faiblesse des viviers ou à une vive concurrence sur le marché de l’emploi avec des effets inflationnistes en termes de rémunération.

L’hétérogénéité des réponses aux questionnaires montre que certains services ne disposent pas d’outils suffisamment fiables pour estimer de façon précise le turn-over des effectifs des différentes catégories de personnel qu’ils emploient.

Ceci rend difficile la gestion prévisionnelle des effectifs et ne les aide guère dans le dialogue à conduire avec les administrations gestionnaires de leurs ministères de rattachement.

Recommandation n° 30 : Mettre en place un outil de suivi des effectifs au sein des services qui en sont dépourvus.

*****

Recommandation n° 31 : *****

*****

II.   Une transformation progressive des profils

Le rapport d’activité 2017 établi par la CNRLT fournit une appréciation de l’évolution par catégories pour l’ensemble des services suivis (services spécialisés, autres services, et structures d’appui). Il relève une très légère diminution de la proportion des personnels de catégories A de 2013 (35,3 %) à 2017 (34,3 %), une augmentation de celle des agents intermédiaires (de 47,2 à 51,5 %) et une érosion de celle des agents d’exécution passant de 17,1 à 14,1 %.

Les réponses aux questionnaires de la DPR qui se limitent aux 6 services spécialisés et au GIC offrent une autre image et montrent une proportion croissante des personnels de catégorie A (encadrement ou experts) dans tous les services sauf la DNRED et la DGSI ([46]) (ou la proportion d’agents intermédiaires progresse davantage) et une érosion de la catégorie des agents d’exécution.

Au sein de ces services, globalement le niveau académique de recrutement augmente, fruit de l’évolution des métiers avec davantage d’analyste du renseignement et davantage de scientifiques et d’ingénieurs pour assurer la montée en puissance des techniques de renseignement.

 *****

III.   Les principales difficultés en matière de recrutement et de fidélisation

Les services de renseignement et le GIC connaissent des difficultés en matière de recrutement et de gestion de leurs ressources humaines. Cette gestion est également impactée par les conséquences durables de décisions politiques majeures, comme la politique de déflation des effectifs dans les armées, ce qui a conduit à une « civilianisation » partielle des services rattachés au ministère des Armées.

La difficulté à puiser dans les viviers traditionnels est surtout patente pour le GIC et pour les services dépendant du ministère des Armées. Elle semble moindre pour les services dotés par la police nationale ([47]) ou les douanes, sous réserve d’expertise car les données transmises sont incomplètes ou encore pour TRACFIN dont les viviers sont plus diversifiés (finances, justice, police).

Reste que l’ensemble des services et organisations sont confrontés au décalage croissant des viviers traditionnels (militaires et civils) avec les besoins de nouvelles compétences ce qui conduit à un recrutement très important de contractuels.

Ils se trouvent également confrontés, en phase de montée en puissance de leurs effectifs, à des freins à la mobilité au sein des administrations qu’il convient d’identifier.

Enfin, le recrutement des contractuels est encadré par des règles inadaptées aux besoins des services, notamment pour les métiers où existent des tensions sur le marché du travail sur lequel s’exerce une vive concurrence entre employeurs du secteur public comme du secteur privé (métiers du numérique, de la cyberdéfense, de l’intelligence artificielle et du traitement des données) voire entre administrations de l’État (y compris entre les services), mais aussi pour des spécialités plus rares comme les linguistes par exemple.

A.   L’attrition du vivier des armées

Les Armées ont longtemps constitué un vivier important pour le recrutement au sein des services spécialisés qui constituent une part importante de la communauté du renseignement (3 services sur 6, plus de 60 % de l’effectif total des services spécialisés du 1er cercle).

L’attrition du vivier militaire pour les services du ministère des Armées et pour le GIC en raison de la déflation des effectifs des armées et d’incitation au départ des militaires (pécule) opérées dans le cadre de la loi de programmation militaire pour 2008-2013 et jusqu’en 2016 par la loi de programmation militaire pour 2014-2019, a eu pour conséquence une diminution de la proportion des militaires au sein des services du ministère des Armées et du GIC au profit des personnels civils, et principalement des personnels contractuels.

DGSE

 

2014

2018

Proportion 2014

Proportion 2018

Évolution

Évolution en %

Civil CS

*****

*****

48,9 %

45,7 %

*****

+2,7 %

Contractuels

*****

*****

24,5 %

31,2 %

*****

+39,9 %

Total civil

*****

*****

73,5 %

76,9 %

*****

+15,1 %

Militaires

*****

*****

26,5 %

23,1 %

*****

(-4,0 %)

Total

*****

*****

100 %

100 %

*****4) sont gérés par les Armées qui a vu ses personnels militaires (hors service action)t de l'tre pour sa part une proportion cr

+10,7 %

DRSD

 

2014

2018

Proportion 2014

Proportion 2018

Évolution

Évolution en %

Civil CG

*****

*****

17,6 %

17,9 %

*****

+25,3 %

Contractuels

*****

*****

2,8 %

8,3 %

*****

+266,6 %

Total civil

*****

*****

20,4 %

26,2 %

*****

+58,2 %

Militaires

*****

*****

79,6 %

73,8 %

*****

+14,7 %

Total

*****

*****

100 %

100 %

*****

+23,7 %

DRM

 

2014

2018

Proportion 2014

Proportion 2018

Évolution

Évolution en %

Civil

*****

*****

18,5 %

30,9 %

*****

+100,3 %

Militaires

*****

*****

81,5 %

69,1 %

*****

+1,2 %

Total

*****

*****

100 %

100 %

*****

+19,5 %

GIC

 

2014

2018

Proportion 2014

Proportion 2018

Évolution

Évolution en %

Civil

*****

*****

25,4 %

18,3 %

*****

+ 2,8%

Contractuels

*****

*****

5,5 %

57,3 %

*****

+ 130,6 %

Total Civils

*****

*****

60,9 %

75,6 %

*****

+ 77,4 %

Militaires ([48])

*****

*****

39,1%

24,4%

*****

(11,1%)

Total

*****

*****

100%

100%

*****

+ 42,7%

Ainsi entre 2014 et 2018, la DGSE (hors service action qui est géré par les Armées) a perdu 87 militaires essentiellement des sous-officiers, la proportion de militaire passant de 26,5% à 23,1% ([49]). À la DRSD, la proportion de militaires a baissé de 79,6 % à 73,8 % ([50]) et à la DRM de 80,7 % à 68,9 %, les effectifs ont progressé mais de façon moindre que le personnel civil. Le GIC a perdu 6 militaires (de fait 15 dans son cœur de métier car l’effectif englobe 9 gendarmes qui ont des fonctions de sécurité des emprises), la proportion de militaires est passée de 39,1 % à 24,4 %.

Les services dépendant le plus du vivier militaires (DRM et DRSD) ont en réalité été les plus affectés car ils n’étaient pas préparés à cette transformation qui nécessite une évolution des organisations et des modes de fonctionnement et représente un changement culturel important tant en interne que pour les organisations pourvoyeuses qui, paradoxalement acceptent difficilement la transformation d’emplois militaires en emplois civils (perte d’opportunités ou de débouchés de carrière) même si elles sont dans l’incapacité de présenter de bons candidats pour ces postes.

Ainsi, de 2014 à 2018, la part des personnels civils est passée de 73,5 % à 76,9 % à la DGSE, de 20,4 % à 26,2 % à la DRSD, de 18,5 % à 30,9 % à la DRM. Au GIC, la proportion de personnels civils est passée de 60,9 % à 75,6 %.

Ce constat est partagé par le rapport d’activité établi par le CNRLT pour 2017, pour un ensemble plus large comprenant des services du « second cercle » et l’ensemble des structures d’appui qui montre une érosion du personnel militaire qui est passé de 24 % fin 2013 à 20,2 % fin 2017.

Les deux lois de programmation militaire (LPM 2014-2019 après sa révision en 2015, et 2019-2025) devraient conduire à une augmentation progressive et durable de l’effectif militaire des Armées, notamment dans les services de renseignement et réduire ce phénomène d’attrition du vivier principal. Cependant, l’effet escompté tardera à se réaliser compte tenu du fait que les armées n’ont pas atteint les objectifs en termes de cibles d’effectifs assignées par la DRH-MD depuis 2 ans. En outre, les états-majors d’armée ont tendance à pourvoir en priorité leurs propres entités. S’y ajoute le fait que la génération de la ressource militaire n’est pas immédiate car, au-delà du temps de formation, cette catégorie de personnel est affectée dans les services en deuxième partie de carrière après une première expérience opérationnelle dans les forces. Ainsi, la relance rapide d’une politique d’augmentation ne suffira‑t‑elle pas à combler immédiatement le manque persistant de sous‑officiers compte tenu du temps incompressible nécessaire à la génération d’une ressource humaine expérimentée.

 *****

B.   la sujÉTION AUX POLITIQUES GÉNÉRALES DE GESTION DES VIVIERS TRADITIONNELS

Si elle n’a pas été mise en avant dans les réponses des services, l’attrition d’autres viviers en raison de mesures de réduction générale ou particulière des effectifs de la fonction publique, pourrait avoir les mêmes effets sur le recrutement des services, si les ministères de rattachement ne reconnaissaient pas ou insuffisamment, en raison de concurrence des priorités politiques ou de la nécessité de préserver une forme d’équilibre entre les différents employeurs du ministère, la prévalence et la spécificité du renseignement. Les services au recrutement peu diversifié comme la DNRED ou la DGSI ([51]) y sont les plus exposés.

Les objectifs des plans de renfort initiaux et post-attentats anti terro ont été satisfaits en 2019 avec une année de retard sur le calendrier prévu.

 

*****

 

Recommandation n° 32 : *****

C.   L’existence de freins à la mobilité des fonctionnaires et des militaires vers les services de renseignement

Ces freins affectent principalement les services employant des personnels encadrés par des règles strictes dont ils n’ont pas la maîtrise, celles-ci étant le résultat de statut ou de règles de gestion de populations plus nombreuses dont le passage dans les services de renseignement n’est qu’une étape dans une carrière qui se poursuivra dans cet ensemble plus large.

Il en va ainsi des services qui, comme la DGSI, la DRM ([52]), la DRSD, TRACFIC, le GIC ou la DNRED ([53]) ne recrutent, ni n’affectent, ni ne gèrent, la majeure partie de leurs agents. En effet, ils sont tributaires d’autres directions ministérielles ou des gestionnaires militaires (Armée de Terre, Armée de l’air et Marine nationale) ([54]) pour abonder leurs postes. Ces directions conservent également un certain nombre de leviers de fidélisation (primes, indemnités).

Seule la DGSE, qui dispose d’un statut autonome pour ses agents civils, échappe pour partie à ces règles, sauf peut-être pour son personnel militaire pour lequel, elle dépend des capacités et de la volonté des gestionnaires RH des Armées à honorer les contrats d’objectifs.

La DGSE constitue dès lors une exception

Le recrutement de fonctionnaires à la DGSE, qui se fait essentiellement par voie de concours et accessoirement de détachements, ne rencontre pas de difficultés globales particulières. Le Service organise ainsi chaque année des concours externes destinés à recruter des agents de catégorie A, B et C. Les candidats s’avèrent satisfaisants en quantité comme en qualité pour les concours d’attachés et de secrétaires administratifs spécialisés dans les domaines géopolitique et administratif. En revanche, malgré un effort de communication, trop peu de candidats s’inscrivent dans les filières linguistiques et techniques obligeant le Service à recourir à des contrats.

*****

1.   *****

 *****

Recommandation n° 33 : *****

2.   Les contraintes de services qui ne sont pas compensées par des rémunérations suffisantes

Certains services mettent en avant le fait que leurs personnels ne disposent d’aucun régime indemnitaire particulier ([55]) alors qu’ils travaillent dans un environnement très contraint.

3.   La meilleure attractivité d’autres postes offerts dans les cadres d’origine :

La DGSI relève la difficulté à fidéliser et à recruter en raison de la concurrence pouvant exister en termes d’offres de postes en Ile-de-France (services centraux en périmètre police nationale ou Secrétariat général, préfecture de police de Paris), et la concurrence du privé, notamment sur les postes techniques à forte valeur ajoutée. 

4.   L’absence de notoriété des services

Certains services de petite taille et de faibles notoriétés (DRSD, GIC) exposent des difficultés concernant leurs personnels administratifs (catégories B et C). Les démarches de candidature auprès du service demeurent individuelles. Faute de notoriété suffisante ces entités peinent à recruter des fonctionnaires, souvent peu mobiles. Par ailleurs, la complexité et les délais de la procédure de mobilité, notamment pour les mobilités interministérielles, ajoutent des difficultés supplémentaires.

5.   L’absence de recrutement à la sortie des écoles de formation des cadres

C’est le cas des armées qui n’autorisent la mobilité des officiers et sous-officiers qu’après une expérience en unité opérationnelle. La DGSI ne bénéficie plus à ce stade de sorties d’écoles de la police nationale.

6.   L’éloignement et l’attractivité de certains sites

La DRM constate que l’affectation dans une petite ville comme Creil peut être dissuasive pour certains officiers. La DGSI relève que la localisation des sites actuels ***** n’est pas forcément très attractive ([56]), tout comme la DNRED *****. La DGSE*****, la DRSD ***** et TRACFIN ***** ne mentionnent pas ces localisations comme des freins.

Lors d’un déménagement, le choix du site d’accueil est crucial aux yeux des personnels et peut s’avérer une source de complexité accrue (demandes de mutation, difficultés de recrutement, mécontentements…). C’est un enjeu auquel sont confrontés actuellement le GIC qui va installer son nouveau site d’exploitation dans un département de la première couronne et la DRM avec le déménagement du CFIAR de Strasbourg à Creil ([57])

7.   Les questions de logement

Ainsi les difficultés de logement en Ile-de-France peuvent dissuader certains candidats de venir servir au sein des services implantés à Paris ou en région parisienne.


L’affectation dans un nouveau service peut de surcroît faire perdre le bénéfice d’un avantage ce qui est dissuasif ([58])

Recommandation n° 34 : Établir une cartographie de l’ensemble des freins à la mobilité vers les services de renseignement afin d’y apporter des réponses appropriées compte tenu des priorités définies par les autorités politiques en faveur du renforcement des services de renseignement.

D.   Une distorsion croissante entre l’évolution des métiers et les viviers de fonctionnaires et de militaires

L’ensemble des services et organisations sont confrontés au décalage croissant des viviers traditionnels (militaires et civils) avec les besoins de nouvelles compétences ce qui conduit à un recrutement très important de contractuels.

1.   Inexistence ou insuffisance des viviers de militaires et de fonctionnaires

Pour les services, à l’exception de la DGSE qui dispose d’un statut particulier pour ses agents civils (titulaires et contractuels) (voir supra), les fonctionnaires (catégorie A, B et C) sont recrutés par la voie de concours de recrutement dans les cadres ministériels ou interministériels de la fonction publique. Ainsi en va-t-il des fonctionnaires de cadre interministériel (administrateur civil ou attaché d’administrations centrales, des personnels civils des ministères des armées (articles L. 4139-2 et L. 4139-3 du code de la défense (attaché d’administration, ingénieurs et techniciens d’études et de fabrications), de ceux de la police nationale, de ceux des douanes. Il n’y a pas de spécialité proprement « renseignement » dans ces concours.

Globalement, dans les services relevant du ministère des armées (DRM, DRSD) et à la DGSI, le personnel civil fonctionnaire est surtout représenté dans le domaine des fonctions supports, des systèmes d’information et de communication (SIC) mais aussi dans la filière exploitation du renseignement.

Cette situation peut être la résultante d’une attrition ou d’une insuffisance de viviers traditionnels (voir supra), elle est aussi la conséquence de l’évolution des métiers dans le domaine du renseignement ou des besoins des services, mais aussi plus généralement de certaines évolutions technologiques.

2.   L’indispensable recours aux contractuels

La faiblesse de la mobilité des fonctionnaires et des militaires vers les services de renseignement et l’absence, dans les corps de fonctionnaires existants, de spécialistes du domaine du renseignement dont les services ont besoin ont conduit au recours à des contractuels dont le recrutement est autorisé par le statut de la fonction publique soit lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires pour assurer les fonctions recherchées, soit lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient et que le recrutement de fonctionnaires s’est révélé infructueux.

Certains métiers se sont davantage spécialisés et nécessitent des connaissances et des compétences acquises au cours d’une formation au sein de cycles universitaires spécialisés.

 *****

Proportion de personnels contractuels
dans les services de renseignement

 

2014

2018

Proportion 2014

Proportion 2018

Évolution

Évolution
en %

DGSE

*****

*****

24,5%

31,2%

*****

+39,9%

DGSI

*****

*****Iortion de personnels contractuels dans les services de renseignementéhes, soit lorsque la nature de sfonctions ou les besoins

8,3 %

15,5 %

  *****

+132,1%

DRM

*****

*****

5,33 %

13,06

*****

+292,77

DRSD

*****

*****

2,8 %

8,3 %

*****

+266,6 %

DRNED

*****

*****

0,2 %

0,1 %

*****4)sont gérés par les Armées qui a vu ses personnels militaires (hors ervice action)t de l'tre pour sa part une proportion cr

- 50,0 %

TRACFIN

*****

*****

10,6 %

18,7 %

*****

+182 %

Total

 

 

 

 

 

 

GIC

*****

*****

35,5 %

57,3 %

*****

+130,6 %

Ce phénomène est plus marqué dans les services subissant l’attrition de leur vivier traditionnel, notamment ceux dépendant du ministère des armées (DRSD 2,8 %, en 2014, 8,3 % en 2018, DRM 5,33 % en 2014, 13,06 % en 2018, et DGSE où ils représentent désormais plus de 30 % de l’effectif total) et au GIC (57,3%), il est observable également à la DGSI (8,3 % en 2014, 15,1 % en 2018) le vivier traditionnel ne permettant pas de pouvoir tous les postes et à TRACFIN (10,5 % en 2014, 18,7 % en 2018) mais pas à la DNRED qui reste essentiellement armée (à 99 %) par du personnel fonctionnaire des douanes.

Ce constat est partagé par le rapport d’activité établi par le CNRLT pour 2017, pour un ensemble plus large comprenant des services du « second cercle » et l’ensemble des structures d’appui qui montre la progression des personnels contractuels passant de 10,7 % (fin 2013) à 14,5 % (fin de 2017) soit 1 081 postes créés.

Pour autant le recours à cette catégorie n’est pas sans difficultés notamment pour certains métiers qui sont l’objet de tensions sur le marché du travail et d’une vive concurrence entre les employeurs.

E.   *****

 *****

1.   *****

*****

Recommandation n° 35 : *****

 *****

2.   *****

*****

3.   *****

*****

4.   *****

Recommandation n° 36 : *****

5.   *****

Recommandation n° 37 : *****

IV.   Une prise de conscience des pouvoirs publics

Dans ce contexte et compte tenu des enjeux, les services eux-mêmes avec l’appui de leurs ministères de tutelle se sont efforcés de rechercher des solutions à ces difficultés en tirant partie tant bien que mal des marges de manœuvre existant dans la réglementation en vigueur.

Pour autant, devant l’importance des enjeux, prenant en compte l’hétérogénéité de la situation des services qui pouvait freiner leur montée en puissance programmée et conduire à des situations de concurrence, le CNRLT, appuyé par le Premier ministre a souhaité mettre en place une coordination interministérielle plus efficiente dans ce domaine.

Modeste dans ses ambitions, respectueuse des modes d’organisation existants, elle a au cours de l’année 2018 dynamiser le dialogue entre les services et entre les ministères et abouti à la production de documents de références dont les orientations devront être mises en œuvre par les services et les DRH des ministères qui les soutiennent et à la constitution d’une instance de gouvernance qui a pour mission d’approfondir ces travaux et d’en évaluer la mise en œuvre (voir infra).

La DPR suivra attentivement ces développements, car elle considère l’enjeu des ressources humaines comme crucial pour le maintien et le renforcement des capacités des services de renseignement et des services de soutien comme le GIC.

A.   La recherche de solutions au sein des services de renseignement et des ministères de tutelle.

Dans le respect des règles statutaires, budgétaires et comptables, les services et ministères de tutelle ont mis en œuvre des politiques destinées à utiliser et à assouplir l’ensemble des possibilités offertes par la réglementation actuelle afin de faciliter le recrutement et la fidélisation des agents.

Ils ont conforté la mise à disposition de réservistes.

Ils ont produit un effort dans le domaine de la formation.

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Recommandation n° 38 : *****

f.   Amélioration des conditions d’accueil et de travail des agents

L’accroissement des effectifs entraîne une saturation des locaux actuels et oblige à des constructions nouvelles. Pour les services qui en disposent, une densification des emprises actuelles est envisagée. Pour d’autres, il faut envisager la création d’autres sites voire des projets de relocalisation. Ces projets ont des coûts qui doivent être inscrits au budget de l’État. Leur réalisation conditionne la montée en puissance des services mais aussi leur attractivité.

i.   La densification des emprises

L’accroissement des effectifs employés sur les différentes emprises de la DGSE, ***** et le développement des moyens techniques impliquent des opérations immobilières d’envergure car les capacités d’accueil arrivent à saturation et certaines d’entre elles en raison de leur hétérogénéité et de leur vétusté ne correspondent plus aux besoins de l’activité du service qui doit permettre une meilleure fluidité, la mise en place de réseaux informatiques et d’installations techniques fortement consommatrices d’énergie et de froid, tout en assurant la résilience et la sécurité. Cet ensemble saturé oblige à une rénovation sans interruption d’activité en utilisant autant que faire se peut des bâtiments provisoires modulaires. Ceci altère de surcroît l’attractivité du service pour des personnels en mesure de trouver dans le secteur privé des conditions de travail plus confortables et pourrait à terme avoir des conséquences sur le recrutement et la fidélisation des cadres. Un plan ambitieux de restructuration des infrastructures a été programmé sur la durée de la LPM 2019-2025 d’un montant supérieur à 900 M €.

Un projet majeur a été lancé afin de doter la DRSD d’un nouveau bâtiment à horizon 2023, plus adapté à ses spécificités et qui disposera de l’ensemble des fonctionnalités attendues pour un service de renseignement qui remonte en puissance. Cette opération d’envergure visant à regrouper les services opérationnels et experts et à accueillir les personnels attendus, permettra de remettre à niveau le site du fort de Vanves et de le rendre attractif pour répondre au défi RH du Service. Cette opération de construction financée par la DPMA a été évaluée plus de 60 M€.

ii.   La relocalisation partielle ou complète

L’acquisition d’un nouveau site pour héberger l’ensemble du personnel de la DGSI (site unique) serait de nature à permettre une amélioration des conditions de travail, sous réserve de capacité foncière (m² dédiés aux agents, aménagements de lieux de vie et cohésion, sport, …). Cette question est régulièrement évoquée par ce service devant la DPR. La rareté des emprises répondant aux besoins exprimés et le coût du foncier en région parisienne n’ont pas permis, à ce jour, la concrétisation de ce projet. Il n’en reste pas moins nécessaire.

Les implantations actuelles du GIC sont devenues insuffisantes pour faire face à la croissance de ses effectifs et aux besoins des personnels des services qui exploitent le renseignement. Une solution pérenne a été recherchée en remplacement du second site parisien pour regrouper ces personnels et une équipe du GIC dans un même bâtiment. L’acquisition d’un bâtiment a été réalisée à la fin de l’année 2018 sur les crédits du compte d’affectation spéciale « gestion du patrimoine immobilier de l’État » qui financera également la majeure partie des aménagements. L’installation des personnels est attendue pour la mi-2020. Dans l’intervalle, avant l’été 2019, il sera procédé à la mise en place de bâtiments modulaires sur le site principal du GIC pour accueillir 35 postes de travail.

2.   L’utilisation de réservistes 

Certains services de renseignement, notamment ceux placés sous la tutelle du ministère des Armées bénéficient de l’apport de militaires de réserve opérationnelle et de la réserve citoyenne. Cette possibilité avait été ouverte après la recommandation du rapport de M. Jérôme Michel en 2013, reprise par la DPR dans son rapport de 2014. La réserve citoyenne est en mesure lorsqu’elle est bien utilisée d’apporter les compétences de cadres de haut niveau des entreprises ou des administrations publiques.

Quelques éléments sur la contribution des réserves au sein des services de renseignement.

Cette contribution est importante à la DGSE. *****

La DRSD dispose actuellement de 163 réservistes qui ont effectué 5 382 jours en 2018. Cette mobilisation représente 24 ETP essentiellement employés dans le cœur de métier du renseignement. Un effort particulier est demandé à cette population pour intervenir au profit du centre national des habilitations.

Les réserves de la DRM comportent les réserves opérationnelles et les réserves citoyennes. Le REO 2019 compte 345 postes de réservistes opérationnels. Au 31 décembre 2018, le taux de réalisation du plan d’armement des réserves opérationnelles s’élève à 75,2 % (245 postes pourvus en grande partie (164) des officiers. La ressource de sous-officiers de réserve (profil technique) reste faible (77). La plupart (152) sont des officiers (57) ou des sous-officiers (75) d’active, 67 (essentiellement des officiers) sont issus d’un recrutement initial et 26 (officiers) sont des spécialistes recrutés ès-qualités. Le domaine renseignement, cœur de métier de la DRM, représente près de 70 % des postes de réservistes. Ils sont présents dans l’ensemble des domaines (RENS, SIC, ADM). La majorité des officiers est employée dans le domaine renseignement. Afin de pouvoir projeter en opérations extérieures certains de ses personnels civils, la DRM les intègre dans la réserve militaire opérationnelle.

La DGSI ne fournit aucun élément chiffré mais formule quelques observations qu’il serait souhaitable d’examiner. « La dotation pour les réservistes est effectuée en 2 fois, ce qui ne permet pas d’anticiper le volume d’emploi sur une année entière. Les réservistes sont employés au regard de l’enveloppe allouée, et non en fonction d’une expression de besoin préalable. L’enveloppe allouée est insuffisante pour satisfaire tous les besoins des services, tant en administration centrale que dans les zones ».

Le GIC pourrait employer des réservistes pour autant qu’ils soient habilités « Secret Défense ». Le dispositif n’est pas utilisé actuellement.

La DNRED et TRACFIN n’ont pas apporté de réponses au questionnaire de la DPR.

3.   Le développement de la formation

Au regard de la spécificité des métiers, la formation continue des agents est l’une des conditions indispensables de la performance des services. Ceux-ci s’efforcent de mettre en place des parcours de formation en cohérence avec les parcours professionnels. La construction de parcours professionnels dans le cadre du renouvellement de la GRH doit conduire à une certaine rationalisation de la formation continue.

a.   La structuration de l’offre

En fonction de leur taille et de leur spécialisation, l’offre de formation des services est plus ou moins étendue et la capacité de la réaliser en interne plus ou moins développée. Néanmoins, les services rattachés à des ministères importants bénéficient de l’appui des centres de formation internes à ces ministères. Toutefois, la carrière de leurs personnels pouvant être effectuée principalement en dehors du service dans les autres entités du ministère (cas des militaires, des personnels civils, y compris dans les services actifs de police et les douanes…), la formation continue sera articulée entre ces deux pôles et devra s’intégrer dans les parcours de formations compatibles avec les parcours professionnels de ces personnels ; elle sera dès lors sensiblement orientée par les directions RH de ces ministères ou armées ([59]).

S’agissant des compétences « transverses » (management, langues, bureautique, finances et budget, soutien logistique et formations réglementaires), les ressources sont accessibles en sollicitant généralement des prestataires extérieurs ou en recourant aux organismes internes du ministère comme le centre de formation de la défense (CFD) et le centre de formation au management de la défense (CFMD), ou dans la sphère économique et financière de l’Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE), l’École des finances publiques.

Pour les compétences « cœur de métier » (recherche, recueil et exploitation de renseignements de sources technique, humaine et opérationnelle), elles seront le plus souvent organisées en interne, en s’appuyant sur l’offre d’autres services spécialisés ou par l’Académie du renseignement. *****

Les formations dispensées par l’Académie du renseignement

Créé en 2010, l’Académie du renseignement met en place des cycles de formation délivrés dans le cadre interministériel de la communauté nationale du renseignement permettant d’acculturer au renseignement les agents nouvellement recrutés ou d’approfondir les connaissances des agents expérimentés et à haut potentiel. Les formations de l’Académie du renseignement se déclinent en 3 cycles de formation (initial, supérieur et cours de carrière). L’Académie propose également des séminaires spécialisés, des matinales ainsi que des rencontres ponctuelles portant sur des thématiques cœurs de métier renseignement. Des présentations du contrôle parlementaire des services de renseignement sont incluses dans ces formations et assurés régulièrement par des membres de la délégation.

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L’Académie est aussi un lieu d’échange et de réflexion ouvert sur le monde universitaire et la recherche. Elle organise des colloques ouverts comme celui qui s’est déroulé le 8 février 2019 sur le droit du renseignement.

L’Académie est ouverte désormais aux agents du second cercle.  *****

b.   L’effort de formation continue des services

Le rapport d’activité pour 2017 établi par la CNRLT montre que le nombre de journées de formation organisées au sein des services de la communauté du renseignement s’est établi en 2017 à 18 414, en nette progression par rapport à son niveau des exercices précédents ’14 902 en 2014). Ces 18 414 journées de formation ont bénéficié à 9 773 agents différents, soit 74,9 % du nombre total des agents recensés en fin d’exercice. La part des agents ayant bénéficié d’une formation durant l’exercice a ainsi continué de croître (56,1 % en 2014) Entre 2014 et 2017, l’effort de formation exprimé en jour stagiaire (j/s) est passé de 84 101 j/s en 2014 à 101 829 en 2017j/s, soit une hausse de 20 % en quatre ans.

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c.   Le rapport de l’Inspection des services de renseignement

Si la formation continue peut agir comme un levier de la fidélisation des agents, elle est inopérante sur le recrutement des agents pour l’exercice de métiers en tension, notamment de profils scientifiques. Il est extrêmement difficile d’utiliser les viviers internes pour recruter ces agents. Le niveau académique élevé et le fruit d’une expérience de travail en entreprise ou en laboratoire sont les critères principaux de ces recrutements qui sont opérés à l’issue de la formation initiale ou d’une expérience en entreprise.

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Par lettre du 9 mars 2017, le directeur de cabinet du Premier ministre a confié une mission à l’inspection des services de renseignement sur les moyens d’optimiser les pratiques actuelles, sur la place de l’Académie du renseignement, et sur les voies et moyens de la poursuite de la mutualisation des formations aux métiers communs des différents services.

Ce rapport a été remis le 24 juin 2017. De ce rapport, il ressort que :

– la formation est conduite est de façon « hétérogène, endogène et peu coordonnée » alors que des actions de formation mutualisées sont conduites de façon décentralisée à l’initiative des services ;

– l’effort de formation est proche de la moyenne observée dans le reste de la fonction publique de l’État ;

– la disparité de taille et de moyens des services et leur inégal degré de maturité en matière de gestion des RH, les conduisent à consacrer des efforts différents en matière de formation, en valeur absolue, mais aussi relative, dans une fourchette de un à quatre ;

– la grande majorité des formations est conduite en interne ;

– l’Académie du renseignement joue un rôle réduit en matière de gouvernance de cette formation (« le comité d’évaluation qui en définit les contours ne s’est pas réuni depuis plus de deux ans »). Son rôle dans la mutualisation reste peu développé : les formations mutualisées concernent moins de 20 % des offres de l’Académie.

L’inspection des services de renseignement estime que des marges de progression existent. Elles passent par une démarche méthodique de descriptions des métiers au sein des services, une plus grande synergie entre les services et le monde universitaire, un pilotage transverse orienté par une gouvernance renforcée. *****

Recommandation n° 39 : *****

4.   Le renforcement de la fonction RH au sein des entités

Les services spécialisés et le GIC ont connu et vont continuer à connaître pour la plupart, dans les prochaines années, une augmentation sensible de leurs effectifs accompagnant celle de leur activité. Cette montée en puissance a été réalisée en limitant les effectifs des personnels de soutien. Cette politique atteint ses limites notamment dans le domaine des ressources humaines.

Afin d’accompagner la montée en puissance des effectifs et d’assurer la fidélisation de leurs meilleurs agents, il est apparu nécessaire aux services de mettre en place un nouveau mode de gouvernance et de pilotage des ressources humaines.

Le renforcement des fonctions RH est une condition de la poursuite de cette montée en puissance, elle doit néanmoins être réalisée de façon efficace, tout en évitant un dérapage des comptes publics. Elle doit donc poser clairement les questions d’organisation qu’ils s’agissent de la répartition des compétences et des leviers entre les DRH centrales des ministères et les DRH des services spécialisés, ou des capacités de mutualisation de certaines missions spécifiques aux métiers du renseignement avec au besoin la mise en place d’un pilotage interministériel.

La modernisation des fonctions RH au sein des services de renseignement

DGSE

Un service de la gestion des ressources humaines (SGRH) a été créé en mai 2017. ***** Il a vocation de mettre en place une gestion unifiée et la plus intégrée possible, qui se traduise pour chaque agent par un « guichet unique » pour la gestion de son statut, de sa carrière comme de sa mobilité. La nouvelle organisation doit ainsi permettre d’affronter au mieux les grands enjeux RH, que ce soit en matière de recrutement, de gestion des parcours professionnels, de pilotage des ressources humaines et d’administration du personnel civil comme militaire et de mettre en place une gestion RH professionnalisée et unifiée. Les travaux ayant conduit à la nouvelle organisation ont également mis en exergue la nécessité de se doter, à l’instar des grandes administrations de l’État, d’un dispositif dédié à son encadrement supérieur.

 

DRSD 

La fonction RH a été réorganisée avec un ajustement achevé en 2016 de la division des ressources humaines autour de quatre bureaux : les Bureaux « administration et gestion du personnel militaire » et « recrutement mobilité du personnel militaire » créé en 2014, sont appelés à fusionner en 2019, unifiant ainsi la gestion, le recrutement et la mobilité du personnel militaire (75 % des effectifs), le Bureau « personnel civil » et le Bureau pilotage des effectifs responsables de la conduite des travaux liés à l’organisation, à la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences. Les effectifs de la division des ressources humaines représentent 4 % des effectifs du Service ; ils ont vocation à se stabiliser en volume.

 

DRM

Le pôle RH est responsable de la politique d’organisation et de ressources humaines pour l’ensemble de la DRM et des organismes extérieurs. Il est également chargé de la politique et de l’organisation de la formation du personnel relevant de la fonction interarmées du renseignement (FIR). Il est organisé en trois bureaux : le bureau « politique, organisation, méthodes » le bureau « gestion du personnel » ([60]), interlocuteur direct de la DRHMD et des DRH d’armées pour les actes de gestion, le bureau « formation », un secrétariat général et une cellule « environnement humain » ***** Une réflexion est en cours sur son organisation interne  dans le cadre de la modernisation de la gestion des ressources humaines.

 

DNRED

Si la gestion courante des agents de la DNRED qui appartiennent, pour la quasi‑totalité, au corps des agents des douanes, est réalisée par le service des ressources humaines de direction, les décisions d’affectation, de mutation, de détachement ou de mise à disposition, sont de la compétence réglementaire et juridique de la DGDDI. Le pôle de Gestion des Ressources Humaines de la DNRED composé d’un service dédié à la « Fonction Ressources Humaines Locales » (FRHL), d’une cellule de « Formation Professionnelle », ainsi que d’une correspondante sociale ***** Il est en relation avec les bureaux de la DGDDI, le Centre de service des Ressources Humaines, ainsi que la DNRFP.

 

DGSI

La sous-direction des personnels et de la formation de la DGSI est en pleine consolidation. Elle est divisée en deux divisions : la division de la formation et la division des personnels en charge des missions suivantes : gestion administrative et des carrières des personnels actifs ; gestion administrative et des carrières des personnels administratives, techniques et SIC ; gestion des contractuels et des vacataires ; gestion des affaires transversales de la direction, notamment le suivi du dialogue syndical,  gestion des effectifs et des emplois. Un bureau de la prospective et du recrutement qui devra notamment finaliser le référentiel des emplois-types de la DGSI, et établir des relations avec les établissements d’enseignement supérieur pour générer de futures candidatures. Sont également rattachés à cette division des psychologues qui assurent une mission de conseil en recrutement et de suivi des personnels. *****

 

GIC

La fonction RH est partagée entre le GIC qui assure une fonction de proximité avec 3 personnes (soit un taux d’encadrement global de 1,5) et le SGDSN qui assure les fonctions support sur les procédures suivantes : recrutement, gestion administrative des personnels non titulaires, formation, avancement, évaluation professionnelle des personnels civils, chancellerie des personnels militaires, décorations. Le renforcement de cette fonction le permettrait un suivi et une prévision plus fins de la consommation des crédits de titre 2, l’amélioration du suivi des congés et permissions, la gestion du compte épargne-temps et le décompte des arrêts-maladie, afin d’optimiser l’organisation du travail, le meilleur suivi des actions de médecine de prévention et la mise en place des projets d’amélioration de la sécurité au travail adaptés. Des évolutions peuvent également être envisagées, avec le responsable de BOP sur la répartition des responsabilités dans les actions de recrutement des personnels.

B.   Une coordination interministérielle des politiques RH LABORIEUSE Mais prometteuse

La gestion des RH des services spécialisés de renseignement a été suivie à l’échelon interministériel de façon récurrente depuis 2009.

On rappellera qu’à la suite du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 qui avait promu la fonction « connaissance et anticipation » au rang des fonctions stratégiques, le coordonnateur national du renseignement avait commandé un rapport à M. Bernard Pêcheur, conseiller d’État, ancien directeur général de l’administration et de la fonction publique ([61]). De même en juin 2013, son successeur, missionné par le Conseil national du renseignement avait sollicité M. Jérôme Michel, maître des requêtes au Conseil d’État de poursuivre la réflexion ([62]).

D’autres études plus précises ont été réalisées depuis 2015 :

– « l’emploi et la mobilité du personnel du renseignement » (rapport de Mme Anne Riegert, inspectrice civile de la Défense - 12 novembre 2015) ;

– « le personnel militaire des services de renseignement du ministère de la Défense (rapport du Centre d’audit des armées – 2016) ;

– «  la gestion des ressources humaines et la mobilité au sein de la communauté du renseignement » (rapport du contre-amiral Bruno Durteste, CNR – 27 septembre 2016) ;

– « la formation des agents des services de renseignement » (inspection des services de renseignement - 24 juillet 2017 – voir supra) ;

– « les gestions des ressources humaines et budgétaires de la DGSDI (inspection générale de l’administration – décembre 2017) ;

– « la dynamisation de la mobilité des agents au sein des services de renseignement » (rapport de M. Jean-Simon Merandat, CNRLT – avril 2018).

La DPR a appris l’existence de la plupart de ces études au cours de la dernière audition de la CNRLT, le 4 avril. Elle n’a pu en prendre connaissance dans le cadre de ce travail et approfondir sa réflexion sur les bases de leurs conclusions. Ceci ne facilite pas l’exercice de sa mission d’évaluation de la politique publique du renseignement et de contrôle des services.

Recommandation n° 40 : Informer systématiquement la DPR de la liste des études commandées par le Premier ministre ou la CNRLT, ou réalisées à leur demande, concernant l’organisation et la gestion des RH des services de renseignement, afin qu’elle puisse, autant que de besoin, en prendre connaissance dans le cadre de ses travaux.

Un certain nombre de recommandations avaient été formulées par ces rapports, la DPR elle-même avait apporté sa propre contribution dans son rapport d’activité pour 2014.

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1.   La Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme s’est impliquée de façon plus active depuis 2017

Cette implication renforcée est la conséquence d’une instruction du président de la République d’améliorer la gestion des ressources humaines des services de renseignement, notamment en termes d’attractivité et de fidélisation des agents sur les métiers en tension.

Elle part également du constat que l’objectif sous-jacent des plans de renforcement successifs de porter l’effectif des services de la communauté à environ 15 000 agents (hors service action de la DGSE) d’ici à 2019 ne sera pas vraisemblablement pas atteint.

La Coordination a accompagné les services dans leur réflexion sur ces problématiques, favorisant l’expression de leurs besoins ainsi que l’intensification et la densification de leurs relations sur l’ensemble des questions relatives aux ressources humaines.

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2.   La mise en place du Comité RH des services de renseignement

Une première étape a consisté à mettre en place, en mai 2018, le Comité RH des services de renseignement (CRHSR).

On rappellera que la mise en place d’un comité de suivi des ressources humaines du renseignement était une préconisation (n° 11) du rapport Pêcheur de 2009 et que cette fonction avait été confiée au CNR en juin 2013.

Ce Comité est placé à un niveau d’autorité important. Il est présidé par le CNRLT ce qui confirme et conforte la mission que lui a confiée le Conseil national du renseignement en 2013. Il implique le cabinet du Premier ministre, les cabinets ministériels concernés (Armées, Intérieur, Action et Comptes publics, Justice), le SGDSN ([63]), la DGAFP.

Il a un périmètre large qui s’étend aux services de renseignement des 1er et 2d cercles.

Il implique également, outre les directions des services, les DRH ministérielles concernées, ce qui est indispensable compte tenu de l’autonomie réduite de certains services dont la politique RH doit s’intégrer dans celle de leur ministère de rattachement, l’Académie du renseignement, et autant que de besoin, la direction du budget et les contrôleurs budgétaires et comptables des ministères. Toutes les parties prenantes sont donc membres de ce Comité.

Ce Comité s’est donné comme objectif d’animer la gestion RH des services, de piloter la dynamisation des mobilités interservices et de favoriser l’attractivité et la fidélisation sur les métiers en tension du renseignement.

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Enfin, il offre une instance de rencontre entre professionnels des différents services, fluidifie les échanges et permet une sorte de transfert de bonnes pratiques des services mieux armées et plus expérimentées vers les services qui ne disposent pas du même niveau de ressources et de compétences.

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4.   Une attention particulière portée à la mobilité interservices

La coordination nationale du renseignement s’est saisie dès 2016 de cet enjeu, condition du développement et symbole de cette nouvelle culture collaborative, jusqu’ici insuffisamment développée et qui s’est imposée dans la lutte contre le terrorisme avec la création de cellules de collaboration et d’échange. Le développement de la mobilité interservices déjà préconisé par le rapport Pêcheur de 2009 avait pour objectif de développer une connaissance croisée des services, de développer une culture commune, des passerelles et des échanges entre les services, propres à rendre leur action plus efficace.

À la différence des autres mobilités externes répondant essentiellement à des opportunités d’ordre individuel, les mobilités interservices visent à répondre à des besoins opérationnels et techniques dans le cadre des coopérations qu’impliquent les enjeux sécuritaires partagés. Elles permettent ainsi un apport de compétences mutuellement enrichissantes pour les services, tout en offrant des débouchés complémentaires aux agents.

En l’état actuel, cette mobilité reste marginale.  

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Recommandation n° 41 : Élargir la bourse à l’emploi du renseignement à des services d’appui *****.

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Recommandation n° 42 : Faire figurer dans le rapport d’activité un tableau synthétique de suivi des mobilités interservices.

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a.   La circulaire interministérielle en date du 21 mars 2017 relative à la gestion des ressources humaines dans les métiers du numérique et des systèmes d’information et de communication

Cette problématique commune aux services de renseignement, mais également à l’ensemble des administrations publiques (ANSSI, DGNum, DSI des ministères) a conduit le Premier ministre à publier une circulaire interministérielle en date du 21 mars 2017 relative à la gestion des ressources humaines dans les métiers du numérique et des systèmes d’information et de communication ([64]).

Principales dispositions de la circulaire interministérielle du 21 mars 2017

Rappel de la vocation interministérielle du corps des ingénieurs des systèmes d’information et de communication (ISIC) du ministère de l’Intérieur. Ce corps à vocation à devenir le principal vivier interministériel de ressources en matière de numérique et de systèmes d'information et de communication.

Mise au point d’une cartographie interministérielle par métiers et compétences en ciblant en priorité les métiers les plus en tension, sous le pilotage de la DINSIC et de la DGAFP.

Mobilisation de toute la palette d'outils de recrutement et de fidélisation qu'offre l'état du droit :

– pour les métiers à compétences rares de même qu'en l'absence de corps de fonctionnaires, le recrutement en CDI sans obligatoirement attendre une période de 6 ans doit être privilégié lorsque qu'il s'avère un levier majeur de motivation et que l'employabilité à long terme du candidat a été démontrée par l'employeur. Ainsi, une CDisation en cours de CDD, ou un primo recrutement en CDI pourront être utilisés. Il en sera de même pour le recours à la CDisation, au terme des 6 ans de contrat des agents ;

– la mobilité au sein de la filière doit être renforcée en facilitant le recrutement en CDI d'agents publics déjà en CDI ou les congés mobilités des contractuels ;

– possibilité de maintenir la rémunération perçue avant la nomination en qualité de fonctionnaire pour les contractuels nommés dans un corps de fonctionnaire  dans le respect de l'équilibre général du corps ;

– mise en place par la DINSIC et la DGAFP d’un référentiel des rémunérations par métier NSIC des agents titulaires et contractuels afin d’éviter des politiques de concurrence entre ministères ;

– possibilité pour les employeurs de conduire une politique indemnitaire permettant de revaloriser les métiers NSIC pour fidéliser les compétences rares. pour les fonctionnaires, utilisation du régime (RIFSEEP) qui permet de valoriser l’expertise et la prise de responsabilités afin de valoriser les parcours NSIC. Pour les contractuels, possibilité de réévaluation de la rémunération pour répondre à des conditions d’évolution de responsabilité, de compétences ou des résultats de l’entretien professionnel sans attendre une échéance particulière.

Cette circulaire fait l’objet d’instructions ministérielles. Ainsi depuis le 19 décembre 2017, une nouvelle instruction détermine les principes de recrutement et d’emploi des agents contractuels dans les ministères économiques et financiers. Elle est mise en œuvre par TRACFIN.

b.   La circulaire interministérielle relative à la gestion des ressources humaines dans les métiers ***** du renseignement et de la lutte contre le terrorisme *****

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iii.   La fidélisation des agents appartenant la communauté du renseignement

Cet article invite à la création de véritables parcours professionnels en s’inspirant du modèle mis en place par le ministère des armées pour la famille professionnelle « renseignement », en identifiant des parcours professionnels et en s’appuyant sur des référentiels d’emplois.

Ces parcours doivent constituer un outil d’aide à la gestion des RH en offrant une visibilité sur les possibilités de carrière et offrir des passerelles vers d’autres familles professionnelles.

Il invite également à une dynamisation des carrières et suggère d’introduire pour certains métiers à forte technicité des paliers de progression en fonction de l’expérience et des formations reçues, permettant de définir de nouvelles catégories d’emplois comme le pratiquent certains cabinets de conseil (junior, senior, expert).

Il considère que les contraintes et sujétions pesant sur les agents des services doivent être prises en compte dans le cadre de leur rémunération globale. Pour les contractuels, il délie l’évolution de la rémunération de l’échéance de renouvellement dès lors qu’elle répond à des conditions d’évolution, de responsabilité, de compétences et des résultats de l’entretien professionnel.

Plus largement, il incite à utiliser pleinement les possibilités offertes par les régimes indemnitaires afférents afin de valoriser l’expertise et la prise de responsabilités en listant un certain nombre de dispositifs propres à chaque catégories et en ouvrant leur utilisation aux agents des services concernés, en liaison avec les CBCM.

Il renouvelle les objectifs déjà exprimés en matière de politique de formation, appelle à des efforts dans le management de proximité notamment des jeunes agents, en particulier les contractuels et à la mise en place de plan de formation destiné aux cadres appelés aux fonctions de management.

iv.   Le développement de la mobilité interservices

Cet objectif constitue le troisième axe en s’appuyant sur la définition de règles communes *****

Il promeut également l’élaboration d’un répertoire interministériel des emplois du renseignement d’ici la fin du premier semestre 2019, ce qui semble la proposition la plus ambitieuse de cette circulaire, dans la mesure où cette cartographie des métiers et des compétences afférentes participera à la construction d’une politique de mobilité mais pourra également constituer un appui dans la gestion des RH des différents services et constituer un référentiel permettant de guider les évolutions statutaires et en terme de rémunération.

Cette ambition doit être poursuivie avec opiniâtreté car il est la condition essentielle du développement d’une gestion moderne des RH au sein des services et un point crucial pour le développement de la mobilité interservices et de la mutualisation de la formation, voire de certaines fonctions. La DPR rappelle l’échec des travaux entrepris jusqu’ici.

Recommandation n° 43 : Mener à son terme la réalisation d’un répertoire interministériel des emplois du renseignement et s’assurer de sa mise en œuvre dans les services.

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6.   L’analyse des flux des départs, condition indispensable du suivi des effectifs

Depuis 2013, les services de renseignement ont bénéficié de plans de renforcement des effectifs. Ces différents plans avaient pour objectif sous‑jacent de porter les effectifs des services de la communauté de 12 000 à 15 000 agents de 2014 à 2019.

Pour les pourvoir, les services ont accru leur attractivité, notamment en termes de recrutement. En 2017, la communauté a accueilli 1916 nouveaux agents et 1968 en 2018 plus que jamais auparavant.

Cependant parallèlement, le nombre de départs a augmenté.  

*****

a.   *****

*****

b.   *****

*****

Recommandation n° 44 : *****

c.   *****

*****

Recommandation n° 45 : *****

7.   La recherche d’incitations au recrutement et à la fidélisation doit être élargie

*****

– l’utilisation des réservistes (voir supra). La perspective d’étendre l’utilisation de réservistes de la réserve opérationnelle et citoyenne doit être examinée à l’aune de la montée en puissance de la « garde nationale » et des capacités que ces statuts peuvent offrir pour intégrer des services hors périmètre des armées et à celle de la mise en place du service national universel qui pourrait constituer un cadre de prospection et d’information pour les gestionnaires RH ;

Recommandation n° 46 :  *****

 

*****

8.   Des pistes à explorer à plus long terme

Le travail sur les ressources humaines ne doit pas pour autant dispenser d’une réflexion prospective au sein des services et en interministérielle sur de nouveaux modes d’organisation du travail et de fonctionnement.

 *****

C.   Veiller à la mobilisation des moyens budgétaires

Les mesures incitatives prévues par les circulaires du Premier ministre sont utiles mais elles devront être accompagnées d’une revalorisation des crédits de Titre 2 des services. La levée des freins réglementaires restera, en effet insuffisante et sans effet, si dans un contexte légitime de maîtrise de la masse salariale, les crédits ne sont pas disponibles pour rémunérer les candidats au profil recherché.

Une attention particulière devra également être portée à l’évolution concomitante des crédits de fonctionnement et d’investissement pour permettre l’accueil de ces nouveaux effectifs dans les services dans des conditions acceptables. La vétusté des locaux, la saturation des sites peuvent être des critères importants dans le choix des candidats.

Recommandation n° 47 : *****

 


—  1  —

   chapitre vi :
Commission de vérification des fonds spéciaux

Conditions d’emploi des fonds spéciaux au cours de l’exercice 2017

RAPPORT GÉNÉRAL

Le contrôle de l'utilisation des fonds spéciaux a été confié par le législateur (loi de finances pour 2002) à la Commission de vérification des fonds spéciaux dont la composition a été modifiée par la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 qui en fait une formation spécialisée de la Délégation parlementaire au renseignement.

La CVFS, composée de deux députés et deux sénateurs membres de la Délégation parlementaire au renseignement est chargée de « s’assurer que les crédits [en fonds spéciaux] sont utilisés conformément à la destination qui leur a été assignée par la loi de finances ».

Depuis juillet 2017, sa composition est la suivante :

 M. Loïc Kervran, député (LREM) du Cher, Président 

 M. Michel Boutant, sénateur (SOC) de la Charente

 M. François-Noël Buffet, sénateur (LR) du Rhône

 M. Patrice Verchère, député (LR) du Rhône.

Pour mener sa mission et réaliser son rapport, la CVFS s’est déplacée au siège de chacune de structures bénéficiaires de fonds spéciaux pour y réaliser des contrôles sur place et sur pièces.

Elle s’est ainsi rendue :

– Au Groupement interministériel de contrôle (GIC), le 21 mai 2018 ;

– À la DGSE, les 31 mai, 6 septembre et 13 décembre 2018

– À TRACFIN le 21 juin 2018

– À la DRM, le 28 juin 2018

– À la DGSI, les 5 juillet, 26 septembre et 23 octobre 2018.

– À la DNRED, le 19 juillet 2018

– À la DRSD, le 26 juillet 2018

Au cours de ces visites, la Commission a auditionné les principaux responsables des services et a systématiquement procédé à un contrôle par échantillon des pièces comptables. 

La CVFS a également effectué un déplacement au sein de la direction zonale de la DGSI à Lille, le 25 juillet 2018.

Elle a également effectué un déplacement à l’étranger, du 17 au 20 septembre 2018, pour visiter des postes de la DGSE  *****

______

 

 

 


—  1  —

A.   PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES FONDS SPECIAUX EN 2017

1.   Des crédits en augmentation significative par rapport à l’exercice 2016

Les services spécialisés de renseignement et le GIC ont disposé en 2017 d’un montant plus important de ressources en fonds spéciaux, en comparaison avec l’exercice précédent. Le total s’élève à *****, soit une hausse de plus de 20 % par rapport à 2016 *****. Ce montant se rapproche du pic enregistré en 2015 ***** du fait du lancement cette année-là d’investissements pluriannuels très consommateurs de fonds spéciaux.

La trajectoire des fonds spéciaux est cohérente avec celle de l’enveloppe totale des crédits en fonds normaux consacrés au renseignement, qui s’est établie à 2 412,90 M€ en 2017, soit une progression de près de 20 % depuis 2014.

 *****

En additionnant la dotation initiale avec les abondements en cours d’exercice et les autres produits, on observe qu’en 2017, quatre des six services spécialisés de renseignement disposent désormais de ressources significatives en fonds spéciaux, supérieures au million d’euros. 

*****

2.   Des dépenses en forte progression, à un niveau jamais atteint

En 2017, le montant des fonds spéciaux dépensés dans l’année a continué de progresser à un rythme très soutenu ***** D’après le rapport annuel 2017 de synthèse exhaustif des crédits consacrés au renseignement, transmis par le CNRLT à la DPR en novembre 2018, cette tendance devrait se maintenir, voire s’accélérer en 2018 *****

La hausse des dotations en fonds spéciaux enregistrée en 2017 ne suffit pas à couvrir la hausse des dépenses puisque l’on constate un écart défavorable de 3,11 M€. Néanmoins, si l’on se limite aux six services spécialisés de renseignement, donc en excluant le GIC, le montant des ressources est légèrement supérieur à celui des dépenses, à hauteur de 1,30 M€.

*****

Cette augmentation des dépenses en fonds spéciaux est d’autant plus notable qu’elle intervient dans une période de basculement d’une partie des fonds spéciaux vers les fonds normaux qui concerne tant le GIC, que la DGSE et dans une moindre mesure la DGSI. À l’inverse, la hausse de la dotation allouée à la DNRED s’est traduite par le basculement en fonds spéciaux de dépenses jusqu’alors effectuées en fonds normaux, sources de vulnérabilités pour les activités opérationnelles, faute de moyens suffisants en fonds spéciaux.

 *****

3.   Des résultats d’exercice en sursis en 2017

Du fait de l’augmentation des ressources, les résultats d’exercice des services spécialisés de renseignement sont moins dégradés en 2017 qu’ils ne l’avaient été en 2016. Si l’on ne tient pas compte du GIC, le déficit global s’élevait à 9,49 M€ en 2016 alors que l’exercice 2017 se révèle excédentaire à hauteur de 1,30 M€.

*****

L’excédent de 1,30 M€ constaté sur l’exercice 2017 doit néanmoins être fortement relativisé pour au moins trois raisons :

D’une part, il ne tient pas compte de la situation du GIC qui connaît un résultat courant déficitaire de 4,55 M€ et voit sa trésorerie baisser à 2 M€.

D’autre part, le niveau de trésorerie total (hors GIC) des services spécialisés de renseignement a diminué *****

Enfin, les prévisions annoncées pour l’exercice 2018 laissent supposer un déficit global supérieur à 30 M€ du fait ***** d’un niveau de dépenses ***** supérieur au montant de ses ressources.

*****

On constate un quasi-doublement du montant de trésorerie disponible entre 2016 et 2017, ***** pouvant illustrer une volonté des services de prévoir une capacité de réponse suffisante à des demandes de missions en augmentation croissante dans un contexte continu d’augmentation des menaces. Ceci n’est pas sans interroger sur le juste calibrage du montant des dotations allouées en 2017.

S’agissant des trésoreries immobilisées et gagées, la CVFS réitère sa recommandation formulée dans son précédent rapport consacré à la gestion des fonds spéciaux au cours de l’exercice 2016, à savoir que l’existence de reliquats accumulés au cours des exercices antérieurs, si elle peut justifier d’ajuster le niveau de la dotation annuelle en fonds spéciaux, ne saurait toutefois conduire à amputer la part immobilisée ou gagée de la trésorerie des services. En conséquence, la Commission invite les services à définir précisément leur niveau de trésorerie immobilisée et gagée afin que le montant de leur dotation en fonds spéciaux soit fixé à un niveau correspondant à leurs besoins réels.

B.   OBSERVATIONS COMMUNES À L’ENSEMBLE DES SERVICES

L’examen des comptes en fonds spéciaux des six services spécialisés de renseignement et du GIC permet à la CVFS de disposer d’une vision globale et transversale de la gestion des fonds spéciaux. S’il existe des spécificités propres à chaque structure, il n’en demeure pas moins que des réflexions et des problématiques communes interpellent la Commission.

1.   Le périmètre des fonds spéciaux

Dans ses précédents rapports, la CVFS a toujours souligné la nécessité de ne recourir aux fonds spéciaux que dans les cas où l’utilisation de fonds normaux se révélait inappropriée. C’est ainsi qu’elle***** a invité les services spécialisés de renseignement bénéficiaires de fonds spéciaux à basculer en fonds normaux toutes les dépenses qui pouvaient l’être. La CVFS se félicite de la mise en œuvre progressive de sa recommandation par les services concernés.

Si le bénéfice des fonds spéciaux est jusqu’à présent réservé aux services spécialisés de renseignement du premier cercle, la CVFS s’interroge sur la pertinence du périmètre d’éligibilité aux fonds spéciaux.

En effet, d’un côté *****

De l’autre côté, le récent Bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP) ne dispose pas de fonds spéciaux malgré des besoins dans ce domaine qui l’obligent à recourir aux services de la DGSI pour certains achats.  

***** En parallèle, on constate l’émergence de nouveaux besoins – par exemple au BCRP –, ce qui devrait conduire à se questionner sur l’évolution du périmètre des services de renseignement éligibles aux fonds spéciaux (Recommandation générale n° 1).

Quelle que soit l’interprétation que l’on puisse avoir sur le périmètre des fonds spéciaux, la Commission considère qu’il importe :

Que les fonds soient attribués pour un usage conforme à la doctrine d’emploi gouvernant les fonds spéciaux progressivement élaborés par la CVFS et donc ne constituent pas un moyen d’échapper aux règles gouvernant les crédits généraux.

Que le service attributaire soit clairement identifié, qu’il tienne le compte d’emploi des fonds attribués et se dote une réglementation de gestion et d’un mode de contrôle interne.

Qu’il n’existe pas de subdélégation de fonds spéciaux et que le service utilisateur soit le service attributaire.

Que la CVFS effectue sur ce service un contrôle de même nature que celui réalisé sur les autres services et selon les modalités définies à l’article 154 de la loi de finances pour 2002.

Que le Parlement soit informé des modifications de périmètres des fonds spéciaux et que le vote des lois de finances soit éclairé en conséquence.

2.   L’accès de la CVFS à une information fiable et exhaustive

Les données transmises à la CVFS d’un exercice sur l’autre ne sont pas toujours présentées sous un format comparable. Il serait souhaitable d’établir une grille d’indicateurs similaires d’un exercice sur l’autre et de faire converger les indicateurs élaborés par les différents services.

Par ailleurs, la CVFS a, dans le cadre des auditions menées sur l’exercice budgétaire 2017, eu connaissance d’événements significatifs ayant impacté les fonds spéciaux sur des exercices antérieurs, qui ne lui avaient pas été transmis au moment de son contrôle.

*****

Aussi, la CVFS rappelle l’obligation qui incombe aux services de lui communiquer spontanément toute anomalie constatée dans la gestion des fonds spéciaux (Recommandation générale n° 2).

Enfin, la CVFS regrette s’être vu refuser, à l’occasion de l’un de ses contrôles, la communication d’un rapport d’audit interne, ou du moins de certains de ces extraits. Elle émet en conséquence le souhait de pouvoir accéder, à l’avenir, aux rapports d’inspection et d’audit interne nécessaires à sa pleine information et à l’exercice de son contrôle.

3.   Le processus de contrôle interne des sources

***** les fonds spéciaux affectés à la gestion des sources représentent près d’un quart des dépenses totales. ***** le renseignement d’origine humaine demeure éminemment stratégique. Or les sources humaines concentrent également les risques les plus importants d’un point de vue financier et comptable.

Faute de règles communes à l’ensemble des services, il s’agit pour la CVFS de s’assurer de la capacité des dispositifs de contrôle mis en place à garantir une prévention efficace contre d’éventuelles fraudes financières.

La CVFS observe que ***** la gestion des sources relève principalement du niveau opérationnel et ne fait l’objet, au niveau central que d’un contrôle interne limité.

Le contrôle des sources repose en effet essentiellement sur les officiers traitant de la source ainsi que sur leurs chefs de service. Le turn-over des officiers traitant, tous les trois ou quatre ans, est un facteur important pour empêcher le développement de systèmes frauduleux car le niveau central ne dispose pour sa part que d’une visibilité limitée sur l’état des sources et leur production, au-delà d’un bilan périodique qui peut être effectué.

Sur le plan financier, c’est la plupart du temps un contrôle purement comptable qui est exercé sur les dépenses liées à la gestion des sources humaines.

Au vu des informations collectées auprès des services à l’occasion de ses contrôles sur place et sur pièces, la CVFS recommande la définition de principes de contrôle interne communs à l’ensemble des services spécialisés de renseignement s’agissant de la gestion des sources : turn-over régulier des agents, élaboration d’indicateurs au niveau central, séparation des fonctions de gestion et de contrôle, etc. (Recommandation générale n° 3).

4.   La mutualisation des acquisitions techniques *****

Une part de plus en plus importante des fonds spéciaux est destinée à l’acquisition d’équipements *****. Il s’agit, pour les services spécialisés de renseignement, d’être en capacité ***** face à la vitesse des évolutions technologiques.

*****

5.   La gestion des caisses

À l’occasion de ses contrôles effectués dans des directions zonales de la DGSI ou au sein des postes de la DGSE, la CVFS a constaté des méthodes disparates s’agissant de la gestion des caisses et sous-caisses, sans pour autant avoir observé de quelconques irrégularités.

Il a notamment été indiqué à la CVFS que n’était effectué, dans le cadre des arrêtés d’encaisse, qu’un inventaire des dépenses justifiées, et non de l’ensemble des mouvements réels de caisse, comme cela devrait être le cas. Ces difficultés de méthode dans la gestion des caisses ainsi que dans la réalisation des arrêtés d’encaisse ne sont pas satisfaisantes.

*****

Aussi la Commission invite-t-elle les services à définir une doctrine claire et précise pour la gestion des caisses et sous-caisses ainsi que pour la réalisation des contrôles et des arrêtés d’encaisse, et à adapter ses formulaires d’arrêté d’encaisse en conséquence.

6.   La persistance d’anomalies ponctuelles

Dans le cadre de ses contrôles sur place et sur pièces réalisés en 2018, la CVFS a examiné de nombreuses pièces comptables. Si les fonds spéciaux font globalement l’objet d’une gestion très rigoureuse, la Commission continue néanmoins de relever un certain nombre d’anomalies ponctuelles.

*****

Des failles observées dans les processus d’anonymisation

Le secret est au cœur de la raison d’être des fonds spéciaux, et justifie la mise en œuvre de procédures d’anonymisation rigoureuses. La plupart du temps, l’absence d’anonymisation fait de facto tomber la justification du recours aux fonds spéciaux.

Dans son rapport sur l’exercice 2016, la CVFS avait déjà révélé un certain nombre de d’anomalies qui soulignaient aussi la situation inégale des services en termes de capacités d’anonymisation.

Si des progrès ont été accomplis, des dysfonctionnements, certes moins nombreux, persistent. La CVFS a en effet mis une nouvelle fois en évidence le défaut d’anonymisation de certaines pièces justificatives établies au nom de l’agent ou du service.

*****

***** les nombreux constats dressés par la CVFS soulignent la difficulté à mettre en œuvre des procédures complètes d’anonymisation qui peuvent être coûteuses à l’échelle d’un service ne manipulant pas un montant élevé de fonds spéciaux. Il s’agit de cas d’achats sur Internet, d’achat de clef d’activation, de réservation hôtelière pour lesquelles un numéro de carte bancaire et une pièce d’identité sont exigés, du respect des règles légales limitant le montant des paiements en espèces. Aussi, la CVFS recommande que le Coordonnateur du renseignement et de la lutte contre le terrorisme favorise les échanges d’expérience et de pratiques entre les services de la communauté afin de faire bénéficier les « petits allocataires » de l’expérience des utilisateurs les plus aguerris dans l’utilisation des fonds spéciaux (Recommandation générale n° 6).

C.   SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE LA CVFS SUR L’EXERCICE 2016

Dans son rapport général sur l’exercice budgétaire 2016, la CVFS avait formulé 17 recommandations générales et 21 recommandations spécifiques destinées aux services spécialisés de renseignement et au GIC.

S’agissant des 21 recommandations spécifiques, 12 ont été mises en œuvre tandis que 9 ne l’ont pas encore été ou seulement partiellement.

S’agissant des 17 recommandations générales, 6 ont été mises en œuvre et 11 demeurent ouvertes ou partiellement ouvertes.

Les 6 recommandations mises en œuvre sont les suivantes :

 Informer les Services sur l’échéancier des versements de leur dotation et leur montant précis (Recommandation générale n° 16-03)

 En 2017, les versements des dotations ont été versés selon le calendrier indiqué sans les retards qui avaient pu créer, l’exercice précédent, des difficultés de trésorerie pour certains services.

 L’analyse globale sur le transfert d’une partie des fonds spéciaux et les fonds normaux et la transmission à la CVFS d’un calendrier de mise en œuvre de ce transfert (Recommandation générale n°16-08 à destination des Services)

***** La DGSI a pour sa part poursuivi en 2017 la mise en œuvre du basculement de certaines dépenses des fonds spéciaux vers les fonds normaux. Le GIC a quant à lui précisément justifié dans sa note ***** le recours aux fonds spéciaux.

 Afin de garantir la sécurité des agents, privilégier autant que possible les modes de paiement alternatifs au transport d’espèces (Recommandation générale n° 16-12)

Au cours de contrôles sur place et sur pièces, les services ont indiqué à la CVFS limiter au maximum les transports d’espèces.

 Confier à l’ISR une mission relative à l’effectivité du dispositif de contrôle interne applicable aux règles de gestion des fonds spéciaux et, plus généralement, développer des interventions de l’ISR sur les fonds spéciaux (Recommandation générale n° 16-14 à destination du CNRLT)

L’ISR s’est vue confier au printemps 2018 l’élaboration d’un rapport sur la gestion des fonds spéciaux, dans le prolongement du rapport de la CVFS sur l’exercice 2016. Les rapporteurs de l’ISR ont rencontré à deux reprises le président de la CVFS et la publication du rapport est prévue en janvier 2019. La CVFS demande à en être destinataire.

 Allonger la durée de la présidence de la CVFS pour favoriser une approche pluriannuelle de son contrôle (Recommandation générale n° 16-15 à destination de la CVFS)

Au cours de leur réunion du 12 avril 2018, les membres de la CVFS ont décidé de reconduire pour une année supplémentaire M. Loïc Kervran, député, à la présidence de la CVFS. Les membres de la CVFS ont ainsi souhaité que la présidence de leur commission couvre désormais deux exercices budgétaires.

 Prévoir une ligne budgétaire autonome au sein des budgets des assemblées parlementaires afin de pouvoir rembourser l’exécutif des frais de fonctionnement et de mission engendrés par la CVFS et actuellement payés sur fonds spéciaux (Recommandation générale n° 16-17 à destination du législateur)

Un amendement de M. Loïc Kervran à la LPM 2019-2025 a été adopté qui prévoit que désormais frais de fonctionnement et de déplacement de la CVFS sont imputés aux budgets des assemblées parlementaires.

Les 11 recommandations qui demeurent ouvertes ou partiellement ouvertes concernent :

 Inviter les Services à définir plus précisément leur trésorerie immobilisée et gagée afin de fixer le montant de leur dotation en fonds spéciaux à un niveau correspondant à leur besoin réel (Recommandation générale n° 1-01)

 L’exclusion des fonds spéciaux de l’assiette du calcul de la réserve de précaution du Programme 129 (Recommandation générale n° 16-02)

 Mieux définir les besoins des Services en fonds spéciaux afin d’éviter des réintégrations trop importantes de crédits non consommés d’un exercice sur l’autre (Recommandation générale n° 16-04)

 En cas de recours à des crypto-monnaies, définir des règles précises d’achat d’utilisation de ces actifs, établir des états au moins trimestriels des stocks, à la fois en nombre et en valeur et recenser les frais financiers engendrés par le démarquage (Recommandation générale n° 16-05)

 Définir un cadre commun sur la définition et la mise en œuvre de règles minimales de démarquage communes à l’ensemble des Services (Recommandation générale n° 16-06)

 Constituer un groupe de travail sur les possibilités de démarquage existantes dans le logiciel CHORUS (Recommandation générale n° 16-07)

 Augmenter la dotation en fonds normaux à due proportion des montants transférés en fonds spéciaux (Recommandation générale n° 16-09)

 Assouplir l’exigence de production de pièces justificatives pour les menues dépenses dont le montant est laissé à l’appréciation des Services (Recommandation générale n° 16-10)

 Constituer un groupe de travail sur les modalités de conservation et d’archivage des comptabilités en fonds spéciaux, incluant le sujet de la dématérialisation, afin d’homogénéiser des pratiques actuellement très différentes d’un service à l’autre (Recommandation générale n° 16-11)

 Renforcer et formaliser les environnements de contrôle interne – en particulier dans les Services bénéficiant d’une augmentation significative de leur dotation en fonds spéciaux – et établir à l’attention de la CVFS une synthèse documentée sur les contrôles mis en œuvre et leurs résultats (Recommandation générale n° 16-13)

 Engager une réflexion sur un renforcement des moyens de contrôle et des ressources humaines mis à la disposition de la CVFS en termes d’expertise et de connaissance des services spécialisés de renseignement (Recommandation générale n° 16-16).

Cet état de mise en œuvre appelle une observation de la CVFS quant au rôle plus important que devrait jouer, selon elle, le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) en matière de gestion des fonds spéciaux.

Le CNRLT est en effet le seul – avec la CVFS – à avoir une vision transversale des fonds spéciaux alloués aux différents services spécialisés de renseignement. Aussi, il devrait exercer un rôle au-delà de la seule définition des dotations. C’est pourquoi la CVFS recommande de renforcer les fonctions du CNRLT en matière de pilotage global des fonds spéciaux : identification des besoins, coordination, évaluation. Dans ce cadre, il reviendrait également au CNRLT d’assurer le suivi des recommandations de la CVFS et d’adresser à la commission une note annuelle sur l’état de leur mise en œuvre. (Recommandation générale n° 7).


D.   RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES 2017 ÉMISES PAR LA CVFS

 

 

Ces recommandations générales s’adressent
au Coordonnateur national du renseignement
et de la lutte contre le terrorisme

 

 

Recommandation générale n° 1 : Au vu des évolutions des structures et des besoins, re-questionner le périmètre des services éligibles aux fonds spéciaux.

Recommandation générale n° 2 : Rappeler aux services bénéficiaires l’obligation d’informer systématiquement la CVFS de toute anomalie constatée dans la gestion des fonds spéciaux.

Recommandation générale n° 3 : Définir des principes et des outils communs à l’ensemble des services spécialisés de renseignement s’agissant du contrôle interne de la gestion des sources : turn over régulier des agents, élaboration d’indicateurs au niveau central, séparation des fonctions de gestion et de contrôle, etc.

Recommandation générale n° 4 : Encourager la mise en place d’un travail interservices pour définir un cadre de mutualisation en matière d’acquisitions techniques et expertiser les outils de mutualisation les plus appropriés.

Recommandation générale n° 5 : *****

Recommandation générale n° 6 : *****

Recommandation générale n° 7 : Renforcer les fonctions du CNRLT en matière de pilotage global des fonds spéciaux : identification des besoins, coordination, évaluation et suivi des recommandations de la CVFS.

 

Délibéré par la Commission de vérification des fonds spéciaux lors de sa réunion du 20 décembre 2018


   Recommandations de la Délégation parlementaire au renseignement au titre de son rapport annuel d’activité 2018

Évaluation et contrôle parlementaires de la politique publique de renseignement

 

Recommandation n° 1 : Renforcer les moyens humains affectés au secrétariat de la DPR en y affectant, au minimum, un ETPT au sein de chaque assemblée parlementaire.

Recommandation n° 2 : Communiquer à la délégation parlementaire au renseignement la liste des rapports des services d’inspection ministériels et interministériels, et des rapports des organes de contrôle interne des services de renseignement afin qu’elle puisse, en tant que de besoin, en solliciter la communication ou la consultation.

Recommandation n° 3 : Constituer un groupe de travail commun au Parlement et au Gouvernement sur le renforcement du contrôle parlementaire du renseignement en vue de son inscription dans la future loi renseignement prévue en 2020. 

Recommandation n° 4 : Transmettre à la DPR l’actualisation de la stratégie nationale du renseignement.

Recommandation n° 5 : Transmettre à la DPR l’intégralité du PNOR, à l’exclusion des informations que le Gouvernement ne souhaiterait pas communiquer.

Recommandation n° 6 : Travailler, en lien avec la délégation parlementaire au renseignement, à l’amélioration du rapport annuel de la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme. Ce rapport pourrait notamment contenir, dans son nouveau format, des indicateurs de performance des services, ainsi qu’une synthèse des crédits sur l’année en cours tels qu’ils sont inscrits dans la loi de finances initiale et une synthèse sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances soumis à l’examen du Parlement.

Recommandation n° 7 : Transmettre à la délégation parlementaire au renseignement le rapport annuel de la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, au plus tard le 15 septembre de l’année suivante.

 

Lutte contre la radicalisation et le terrorisme

Recommandation n° 8 : Clarifier le positionnement de l’UCLAT dans le dispositif national de lutte contre le terrorisme.

Recommandation n° 9 : Confier à l’inspection des services de renseignement une mission d’évaluation du dispositif organisationnel de la lutte antiterroriste.

Recommandation n° 10 : Inciter les préfets à élargir le périmètre des GED aux services susceptibles d’apporter des éléments utiles à l’évaluation des profils des individus signalés

Recommandation n° 11 : Confier à la CNRLT la définition et le pilotage d’une stratégie nationale de recherche sur l’évaluation de la radicalisation et des risques de passage à l’acte, à laquelle devrait être associée la recherche universitaire.

Recommandation n° 12 : Procéder aux évolutions législatives nécessaires au rapprochement du FSPRT et du fichier HOPSYWEB.

Recommandation n° 13 : Confier à l’UCLAT le pilotage d’une réflexion en vue d’étendre l’accès au FSPRT aux services susceptibles de contribuer utilement à l’évaluation de la menace et des risques de passage à l’acte.

Recommandation n° 14 : Diffuser auprès des services utilisateurs du fichier des personnes recherchées (FPR) une doctrine d’emploi sur l’usage des fiches S, explicitant les conduites à tenir et formulant des orientations sur les interrogatoires à mener.

Recommandation n° 15 : Simplifier la liste des conduites à tenir associées aux fiches S de manière à améliorer la lisibilité de l’outil pour les services utilisateurs.

Recommandation n° 16 : Modifier, dans les plus brefs délais, le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées afin d’y prévoir l’inscription des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.

Recommandation n° 17 : Réévaluer, dès 2020, les besoins en effectifs du renseignement pénitentiaire en fonction de l’évolution de ses missions et du contexte carcéral.

Recommandation n° 18 : *****

Recommandation n° 19 : Garantir une évolution de la dotation en fonds spéciaux allouée au BCRP adaptée à la croissance de son activité de ses besoins opérationnels.

Recommandation n° 20 : *****

 

Coopération européenne

Recommandation n° 21 : Poursuivre et amplifier les initiatives permettant d’améliorer l’interopérabilité des systèmes d’information de l’Union en matière de sécurité intérieure.

Recommandation n° 22 : Élargir les compétences du Parquet européen à la criminalité organisée et au terrorisme

Recommandation n° 23 : Conformément à l’article 4-2 du Traité sur l’Union européenne (TUE), exclure du champ d’application du futur règlement européen ePrivacy la conservation des données visant exclusivement la sécurité publique, la défense et la sûreté de l’État.

Recommandation n° 24 : Simplifier la gouvernance européenne en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme et clarifier le rôle du coordinateur pour la lutte contre le terrorisme, lien entre les institutions de l’Union et les services de renseignement des États membres.

Recommandation n° 25 : Réunir, sur une périodicité bisannuelle, une conférence interparlementaire composée des organes de contrôle parlementaire des services de renseignement des Parlements nationaux et du Parlement européen, autour du partage d’informations et de l’échange de bonnes pratiques.

Recommandation n° 26 : Étudier la faisabilité juridique d’un « partenariat privilégié » entre l’Union européenne et le Royaume-Uni dans le domaine de la sécurité pour maintenir la participation du Royaume-Uni, malgré son futur statut futur d’État tiers, à la base de données SIS2 et au mandat d’arrêt européen.

Politique des ressources humaines

Recommandation n° 27 : Réaliser une étude sur la durée d’affectation des personnels dans les services de renseignement.

Recommandation n° 28 : Tenir en permanence et accessibles directement dans les services spécialisés de renseignement, des statistiques fiables sur les effectifs dont ils sont pourvus et sur les schémas prévisionnels d’emplois, ainsi que sur les crédits de titre 2 correspondants. Sous l’égide du CNRLT, engager une réflexion méthodologique afin de disposer de données fiables et comparables devant aboutir à la mise en place d’un observatoire statistique des ressources humaines.

Recommandation n° 29 : Mettre en place une programmation pluriannuelle des effectifs de l’ensemble des services spécialisés de renseignement à l’instar de ce qui est réalisé par le ministère des armées dans le cadre de la LPM, a minima sur la durée triennale de la loi annuelle de programmation des finances publiques. Cette programmation constituerait un outil de pilotage utile aux directeurs de ces services et permettrait un suivi plus précis par le CNRLT et par la DPR.

Recommandation n° 30 : Mettre en place un outil de suivi des effectifs au sein des services qui en sont dépourvus.

Recommandation n° 31 : *****

Recommandation n° 32 : *****

Recommandation n° 33 : *****

Recommandation n° 34 : Etablir une cartographie de l’ensemble des freins à la mobilité vers les services de renseignement afin d’y apporter des réponses appropriées compte tenu des priorités définies par les autorités politiques en faveur du renforcement des services de renseignement.

Recommandations n° 35 : *****

Recommandation n° 36 : *****

Recommandation n° 37 : *****

Recommandation n° 38 : *****

Recommandation n° 39 : *****

Recommandation n° 40 : Informer systématiquement la DPR de la liste des études commandées par le Premier ministre ou la CNRLT, ou réalisées à leur demande, concernant l’organisation et la gestion des RH des services de renseignement, afin qu’elle puisse, autant que de besoin, en prendre connaissance dans le cadre de ses travaux.

Recommandation n° 41 : Élargir la bourse à l’emploi du renseignement à des services d’appui *****

Recommandation n° 42 : Faire figurer dans le rapport d’activité un tableau synthétique de suivi des mobilités interservices.

Recommandation n° 43 : Mener à son terme la réalisation d’un répertoire interministériel des emplois du renseignement et s’assurer de sa mise en œuvre dans les services.

Recommandation n° 44 : *****

Recommandation n° 45 : *****

Recommandation n° 46 : Evaluer les capacités d’emploi de réservistes par les services de renseignement et les modalités de leur participation à leurs activités.

Recommandation n° 47 : Apporter aux services de renseignement les moyens nécessaires à la mise en œuvre des mesures arrêtées pour favoriser le recrutement et la fidélisation de leurs agents.

 


   Examen par la délégation

 

Réunie le jeudi 11 avril 2019 sous la présidence de Mme Yaël BraunPivet, la Délégation a procédé à l’examen du rapport annuel.

Après un exposé de sa présidente, la Délégation a adopté son rapport pour 2018 (chapitres 1 à 5), en application du VI de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958.

Par ailleurs, elle avait entendu, le jeudi 24 janvier 2019, la présentation du rapport de la Commission de vérification des fonds spéciaux en application du VI de l’article 154 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002 (chapitre 6).


([1]) Ce poste a été créé en 2017, à l’initiative de MM. Jean-Pierre Raffarin et Philippe Bas, sénateurs, présidents de commission et membres de la délégation parlementaire au renseignement.

([2]) Le « bureau » est l’organe décisionnel de chaque assemblée parlementaire.

([3]) Un courrier tendant à cette fin a été adressé, en février 2019, aux autorités administratives du Sénat. Au sein de la Haute Assemblée, le temps consacré par ses fonctionnaires aux travaux de la délégation doit être prise en compte dans leur charge annuelle de travail.

([4]) Proposition de loi n° 470 (2017-2018) de MM. Philippe Bas, Christian Cambon, FrançoisNoël Buffet et plusieurs de leurs collègues, tendant à renforcer le contrôle parlementaire du renseignement.

([5]) Amendement n° 1831 de M. Adrien Taquet.

([6]) Sous-amendement n° 2397 de M. Guillaume Kasbarian à l’amendement n° 1831 précité.

([7]) La communauté du renseignement regroupe les six services du premier cercle (DGSE, DGSI, DRM, DRSD, DNRED et Tracfin), la CNRLT et l’académie du renseignement.

([8]) DGSE, DRM et DRSD.

([9]) Cf. chapitre 6 consacré au rapport général de la commission de vérification des fonds spéciaux au titre de l’exercice 2017.

([10]) Fonds normaux et fonds spéciaux confondus.

([11]) À titre de comparaison, les dépenses d’investissement (titre 3) représentaient plus de 29 % des fonds normaux consommés.

([12]) Le présent rapport a été adopté par la DPR le 11 avril 2019. Postérieurement à cette date, des évolutions ont été apportées par l’exécutif au dispositif de lutte anti-terroriste sans que la DPR n’en ait eu connaissance au jour de l’examen de ce rapport.

([13]) Propos recueillis par le journal Le Monde, le 25 mars 2019.

([14]) Un nombre élevé de français ou d’étrangers résidant en France, estimé, au 8 mars 2019, à 312, serait par ailleurs décédé sur place.

([15]) L’article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure énumère sept finalités pour la défense desquels les services de renseignement appartenant au premier cercle sont autorisés à recourir aux techniques de renseignement : 1° L’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale ; 2° les intérêts majeurs de la politique étrangère, l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère ; 3° les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France ; 4° la prévention du terrorisme ; 5° la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des actions tendant au maintien et à la reconstitution de groupements dissous en application de l’article L. 212-,1 ou des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ; 6° la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ; 7° la prévention de la prolifération des armes de destruction massive.

([16]) La loi du 3 juin 2016 a ouvert la possibilité pour les services du renseignement pénitentiaire de recourir à des techniques de renseignement. La loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique

([17]) Décret n° 2017-1095 du 14 juin 2017 relatif au coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, à la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme et au centre national du contre-terrorisme.

([18]) Y sont représentés, outre la DGSI, la DGSE, la DRM, la DRSD, Tracfin, la DNRED, le BCRP, le SCRT, la DRPP et la SDAO.

([19]) L’organisation et les missions de l’UCLAT sont fixées par l’arrêté du ministre de l’intérieur du 2 août 2018 portant organisation de l’unité de coordination de la lutte antiterroriste.

([20]) Y participent en particulier le procureur de la République, les déclinaisons territoriales des services de renseignement (DGSI, SCRT et DRPP à Paris), la gendarmerie départementale, les services de police judiciaire, l’administration pénitentiaire, la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne sur le ressort de la préfecture de police (hors de l’agglomération parisienne, les services de sécurité publique sont représentées par le SCRT), la police aux frontières, la Douane et la gendarmerie des transports aériens sur le ressort de compétence du groupe d’évaluation aéroportuaire de Roissy‑ Charles de Gaulle, Orly et Le Bourget.

([21]) Circulaire INTK1824920J du ministre de l’intérieur du 14 décembre 2018 relative au pilotage opérationnel de la lutte anti-terroriste et de la nouvelle doctrine de fonctionnement des groupes d’évaluation départementaux.

([22]) La DPR a été informée en juin 2019, postérieurement à l’adoption par ses membres du présent rapport le 11 avril 2019, de l’intégration envisagée de l’UCLAT à la DGSI.

([23]) Le plan de lutte contre la radicalisation présenté par le Gouvernement le 23 février 2018 prévoyait, parmi les 60 mesures proposées, un élargissement de l’accès au fichier HOPSY aux fins de prévention de la radicalisation. Le décret n° 2018-383 du 23 mai 2018 autorisant les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement élargit, en conséquence, les possibilités de communication des données contenues à plusieurs autorités nationales (préfets, procureurs, etc.) et allonge leur durée de conservation.

([24]) Loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

([25]) Arrêté du 16 janvier 2017 modifiant l’arrêté du 30 juin 2015 fixant l’organisation en bureaux de l’administration pénitentiaire.

([26]) Art. L. 855-1 du code de la sécurité intérieure.

([27]) Parlement européen, « Les Européens en 2016 : perceptions et attentes, lutte contre le terrorisme et la radicalisation », juin 2016.

([28]) La position du Gouvernement français ne rejoignait pas l’ensemble des recommandations de ce rapport.

([29]) Rapport d’activité DPR pour l’année 2014, page 89.

([30]) Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015.

([31]) La fonction RH est partagée entre le GIC qui assure la gestion de proximité avec 3 personnes, et le SGDSN qui assure les fonctions support.

([32]) La DNRED dépend  de la direction générale des douanes. La sous-direction des ressources humaines et des relations sociales autorise et coordonne les opérations d'affectation des personnels en liaison avec notamment le SG des ministères économiques et financiers. Par conséquent, la procédure de recrutement d'un contractuel est conduite par la direction générale sur la base des propositions de la DNRED (profil, niveau de diplômes,..).

([33]) Cette proportion est de 84% pour l’ensemble de la DGPN.

([34]) La DGSI a été créée en 2014 par transformation de la DCRI – direction centrale du renseignement intérieur. Cette transformation s’est traduite par une autonomie opérationnelle vis-à-vis du DGPN : le DGSI ne dépend que du ministre, auquel il rend compte directement. Par contre, concernant sa gestion, la DGSI reste gérée par les structures de gestion de la police nationale : la DRCPN – direction des ressources et des compétences de la police nationale pour la gestion RH et les finances ; la DCRFPN – direction centrale du recrutement et de la formation pour ces autres domaines.

([35]) hors personnels affectés à la DGSE qui peut compte tenu de sa taille proposer des parcours diversifiés.

([36]) Les centres d’exploitation du GIC en région sont maintenus par des équipes mobiles du siège.

([37]) On relèvera que pour plusieurs services et entités (DGSI, DRM, GIC) les chiffres fournis varient par rapport à ceux qui figurent  dans le rapport annuel d’activité pour 2017 établi par le CNRLT. Ces différences ne remettent pas en question la tendance observée d’une augmentation conséquente des effectifs dans tous les services.

([38]) Hors service action et hors CAS pension (action 50-01 du programme 212).

([39]) Hors CAS pension.

([40]) Action 54-06 du programme 212.

([41]) Dont 25% de CAS pension (action 50-02 du programme 212).

([42]) Hors cas pension.

([43]) Hors DRM.

([44]) Hors CAS pension (PAP 129) le montant des crédits indiqués pour 2016 et 2017 est celui inscrit dans le rapport annuel de performance en consommation des crédits de titre 2. Pour 2016, le transfert des 60 contractuels hors plafond a été effectué au 1er mai. En 2017 est intervenu le transfert des fonctionnaires, militaires et contractuels comptabilisés jusqu’alors dans les effectifs de la DGSE.

([45]) Les documents fournis est tout à fait complet retraçant l’évolution prévisionnelle par catégories (A, B, C) et par statuts (civils, militaires, contractuels).

([46]) Sous réserve de la prise en compte des contractuels.

([47]) La politique de recrutement prioritaire de sous-officiers et de gardiens de la paix au sein de la police nationale n’a pas d’effets majeurs en effectif sur la DGSI, mais elle conduit à une évolution sensible de sa structure d’emploi (voir supra).

([48]) Y compris 9 gendarmes du COMSOP affectés pour la sécurité des emprises parisiennes à partir de 2017.

([49]) Potentiellement 20 % seulement en 2025 si la tendance se poursuit.

([50]) La DRSD escompte néanmoins une légère remontée de la proportion de militaires par rapport au personnel civil dès 2019 pour se stabiliser jusqu’en 2025 aux alentours de 75%.

([51]) C’est ainsi a contrario que la DGSI qui a connu pour des raisons non précisées une forte diminution de son effectifs de personnels actifs de catégorie A (- 100) de 2014 à 2018, espère à terme, bénéficier de la reprise des recrutements d’officiers dans la police nationale en 2019 (200 postes ouverts contre 70 l’année précédente). La DGSI ne bénéficie plus d’affectations à la sortie d’écoles.

([52]) La DRM ne maîtrise pas les durées d’affectation du personnel militaire qui répondent à des règles de gestion propres à chaque armée, chaque catégorie de personnel, voire chaque spécialité (ex : un officier supérieur sert en moyenne 3 ans sur un poste à responsabilité, un militaire du rang de l’armée de terre ne changera d’affectation qu’à sa demande).

Par ailleurs, suivant les besoins de gestion des armées et les desiderata des militaires, l’ensemble du personnel mutable étudié ne fait pas forcément l’objet d’une mutation (possibilité de maintien en poste).Enfin, un personnel militaire peut, à tout moment, être retenu pour suivre une formation de cursus, être affecté SHM/PPE ou quitter l’institution.

([53]) L’essentiel (78% en 2018) des recrutements de la DNRED est réalisé dans le cadre du tableau des mutations au sein de la DGDDI.

([54]) La mobilité du personnel militaire répond à des règles de gestion propres à chaque armée, chaque catégorie de personnel, voire chaque spécialité. Le militaire est informé de la cartographie des postes ouverts à sa spécialité ou son certificat de gestion.

([55]) Les aménagements de rémunération sont très limités dès lors que la DGSI est rattachée au programme 176 de la police nationale et soumise aux règles de gestion statutaires classiques : RIFSEEP, NBI limitée en volume et nombre de postes impactés chez les administratifs, peu de promotions au choix compte tenu du poids de la DGSI dans le volume des agents de la police nationale ou du secrétariat général. Cela conduit de nombreux agents administratifs, notamment pour les agents C, à renoncer à candidater à la DGSI malgré une envie initiale, trouvant plus simple de candidater sur le périmètre des autres services où les contraintes professionnelles sont moindres, pour un même salaire.

([56])  « Au bout de la ligne 3 du métro, réseau SNCF et absence de capacité à héberger les véhicules personnels des agents ».

([57]) Il s’agit désormais mobiliser les efforts nécessaires à la réussite du transfert tout en préservant la qualité et la quantité des actions de formations actuellement dispensées par le CFIAR.

([58]) On citera à titre d’exemples le cas des candidats gendarmes logés à proximité du fort de Vanves qui doivent déménager lorsqu’ils sont affectés au sein de la DRSD et celui des personnels civils de la DGSE, ressortissant du ministère des Armées qui bénéficiaient de l’accès aux logements du parc défense. Ce droit n’est plus ouvert pour les nouveaux recrutements du GIC en provenance de l’extérieur, mais il est également perdu pour les personnels civils du ministère des armées qui souhaitent rejoindre le GIC. Conséquence inattendue, mais très pénalisante pour le recrutement, entraînées par le transfert des personnels de la DGSE qui soutenaient le GIC jusqu’en 2016 vers les services du Premier ministre

([59]) Ainsi la plan annuel de formation de la DNRED s’appuie sur le plan national de formation qui priorise les orientations stratégiques de la DGDDI et structure l’offre de formation autour des évolutions en matière réglementaire, organisationnelle et informatique au service de la réalisation des objectifs de la DGDDI (exemple pour 2019 : BREXIT et loi ESSOC). En tant que service actif de la police nationale, la politique de formation de la DGSI s’inscrit dans le cadre de la politique du ministère et plus particulièrement la politique de formation portée par la DCRFPN. 

([60]) Le conseiller orientation carrière lui est directement rattaché.

([61]) « Les ressources humaines dans le domaine du renseignement » Rapport en date du 31 juillet 2009.

([62]) «  La mise en œuvre des décisions du conseil national du renseignement du 10 juin 2013 confiant au coordonnateur le suivi des questions relatives aux ressource humaines – Constats et préconisations. » Rapport en date  du 6 février 2014

([63]) On peut s’étonner de l’absence du GIC au sein de ce Comité RH car ces problématiques RH sont assez voisines des services dont il assure le soutien et que l’administration à laquelle il est rattaché et qui assure en partie la gestion de ses RH, le SGDSN est membre de ce Comité.

([64]) http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2017/03/cir_41952.pdf