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N° 1883

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 avril 2019.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi relative à la création du Centre national de la musique,

 

TOME I

AVANT-PROPOS ET SYNTHÈSE

 

 

Par MPascal BOIS,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  1813.

 


  1  

   

  SOMMAIRE

___

Pages

avant-propos

Synthèse

I. prÉsentation du projet de loi

1. La création du Centre national de la musique et la définition de ses missions

2. Les principes de gouvernance de l’établissement

3. L’affectation de la taxe sur les spectacles de variétés et les autres ressources du CNM

4. L’intégration dorganismes existants dans le CNM

II. les principaux apports de la commission

1. La concertation avec les professionnels et les collectivités territoriales

2. L’inclusion des variétés dans le domaine d’intervention du CNM

3. L’ajout de deux missions

4. La pérennisation législative du Fonds d’intervention pour la sécurité des sites et manifestations culturels

5. La création d’un conseil professionnel associé à la gouvernance du CNM

6. La garantie du respect de la liberté d’association pour l’intégration du FCM et de l’IRMA


  1  

   avant-propos

 

La musique constitue, aussi bien dans l’exercice que dans l’écoute, la première pratique culturelle des Français et demeure un puissant levier d’émancipation aussi bien pour les virtuoses que pour les néophytes. Elle nous apporte des émotions, nous apaise, nous fait découvrir d’autres cultures et d’autres langues. Avec elle, nous vivons nos moments festifs, elle ponctue aussi nos temps de commémoration et nous vibrons de manière collective aux paroles et à la mélodie de notre hymne national… qui n’en demeure pas moins la seule œuvre musicale – et même artistique –constitutionnalisée. En définitive, composée il y a des siècles ou issue des dernières tendances, la musique est un art vivant par excellence.

Son « poids » économique est aussi considérable : avec 8,7 milliards d’euros – dont à peine 10 % correspondent à la vente de musique enregistrée – et près de 240 000 emplois, elle est la deuxième industrie culturelle de notre pays et participe à son rayonnement international.

Toutefois, son potentiel n’est pas considéré à sa juste valeur par les politiques publiques : c’est ainsi le dernier art vivant qui ne dispose pas d’un centre national, à rebours d’autres disciplines telles que la danse, le livre, le théâtre, les arts de la rue et le cirque ou, bien sûr, le cinéma, avec le plus connu, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui fut créé dès 1946…

De plus, le secteur est morcelé, certaines instances disposent d’une gouvernance pléthorique et inefficiente et la filière ne dispose pas de moyens d’observation capable de lui permettre d’objectiver auprès de l’administration centrale l’impact des concours financiers, comme en témoignent les menaces ou les coups de rabot effectifs que ces derniers ont pu subir au gré des discussions budgétaires.

Enfin, le secteur a été lourdement et successivement impacté pas le piratage de masse (faut-il rappeler que le chiffre d’affaires de la musique enregistrée s’est effondré de 60 % en quinze ans ?), l’évolution des pratiques (via nos smartphones l’écoute est sans limite, à tous moments et en tous lieux) et la révolution numérique avec le phénomène de la lecture en flux (le streaming).

Néanmoins, si l’essor de ce phénomène permet à la filière de renouer avec la croissance, il est aussi porteur de menaces sur la diversité culturelle puisque les plateformes de streaming, essentiellement étrangères, ne font l’objet d’aucune régulation en termes de diffusion ou d’approvisionnement. En outre, les algorithmes de recommandation auxquels elles ont recours amplifient une concentration des écoutes sur les artistes déjà connus et les genres les plus populaires, au détriment des révélations et nouveaux talents.

*

À travers la création du Centre national de la musique, l’objectif est donc de créer les conditions d’un partenariat ambitieux entre les pouvoirs publics et une filière musicale structurée afin de promouvoir la création et le rayonnement de nos artistes – en soutenant les professionnels de la production, de l’édition, de la promotion, de la distribution et de la diffusion – et de garantir la diversité dans toutes les esthétiques et dans tous les modes d’expressions du spectacle vivant musical et de variétés.

Les enjeux sont nombreux :

– permettre au Gouvernement – seul à même de défendre l’intérêt général – de se doter d’une stratégie de long terme pour la politique publique de la musique qui constitue l’une des missions fondamentales du ministère chargé de la culture ;

– rassembler toute une filière, ses artistes, ses entreprises, ses organismes de gestion collective des droits d’auteur, ses services publics, en leur permettant de s’unir et de porter des réflexions autours d’enjeux communs ;

– doter la filière et l’État d’un observatoire, véritable outil d’intelligence économique et sociale lui permettant de produire et d’acquérir des données et des études pour mesurer la santé du secteur et orienter les politiques, notamment pour ce qui concerne les dispositifs de soutiens financiers (ceux à garder, ceux à éteindre ou ceux à initier) ;

– favoriser la création et la diversité en coordonnant les actions d’information, de formation et d’éducation artistique et culturelle, en partenariat avec les services déconcentrés de l’État ;

– accompagner le développement de la production de la musique « live » et enregistrée en anticipant les mutations technologiques et les contraintes de sécurité ;

– promouvoir l’innovation et se donner les moyens d’être offensifs face aux révolutions du numérique et du streaming qui ouvrent les portes de l’international avec d’immenses opportunités dont le France ne peut s’exclure.

*

C’est la somme de ces enjeux et de ces objectifs qui ont conduit le rapporteur au dépôt et à la défense de cette proposition de loi créant un Centre national de la musique (CNM). Ce texte s’inscrit dans le droit fil des conclusions du rapport qu’il a remis au Premier ministre, conjointement avec sa collègue députée Émilie Cariou ([1]), mais aussi des recommandations des précédentes missions menées sur ce sujet, notamment par M. Roch-Olivier Maistre ([2]).

Cette proposition de loi concrétise un projet au service des artistes dans la mesure où elle est la traduction législative d’un vœu quasi unanimement formulé par la filière musicale et des variétés, à travers l’ensemble des auditions et échanges réalisés depuis presqu’une année.

Le texte se veut efficace et concis car la plupart des dispositions relatives au fonctionnement d’un établissement public relèvent du domaine réglementaire, et non de celui de la loi. Il fixe les grands principes qui devront présider à l’action du Centre national de la musique.

Placé sous la tutelle du ministre de la Culture, le Centre national de la musique sera un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), comme l’actuel Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV).

Ses missions de soutien à l’ensemble du secteur, dans toute sa diversité esthétique et économique, porteront tant sur le spectacle vivant que sur la musique enregistrée et seront complémentaires de celles du ministère et des services déconcentrés.

À ce titre, il assumera la gestion des crédits d’impôt phonographique et spectacle vivant et cette connaissance du tissu créatif et économique lui permettra de progresser en cohérence et en efficacité. Ce soutien se déclinera aussi bien à l’échelon territorial, national qu’international, avec une attention particulière tant à l’exportation de la musique française à l’étranger qu’à l’innovation, qui constituent deux axes d’avenir essentiels pour la filière. À cette mission première de soutien, s’ajouteront également d’importantes missions d’observation, d’information et de formation.

S’agissant de sa gouvernance, la proposition de loi dispose simplement que le CNM doit être administré par un conseil d’administration et dirigé par un président nommé sur proposition du ministre de la culture. La composition des organes de gouvernance est renvoyée au décret.

Parallèlement à l’examen parlementaire de cette proposition de loi se tiennent, sous la présidence de Mme Catherine Ruggeri, des réunions de préfiguration du CNM rassemblant toutes les parties prenantes, dont les travaux doivent aboutir à la rédaction du décret relatif à son fonctionnement et permettre au futur centre d’être opérationnel au 1er janvier 2020, conformément à l’annonce du Premier ministre.

Le nouvel établissement regroupera de nombreux leviers d’action publique aujourd’hui assurés par différentes structures publiques et privées expérimentées, au bénéfice des artistes et de la filière. Le texte propose ainsi le regroupement du CNV, établissement public, et de deux associations, le Fonds pour la création musicale (FCM) et le Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA). Nous pourrions également y intégrer le Bureau export de la musique française, dit « Burex », association chargée du développement des artistes français à l’international.

L’intégration de ces associations dans l’établissement public ne sera possible qu’avec l’accord de leurs membres, au premier rang desquels les organismes de gestion collective des droits d’auteur, qui devront prendre la décision de dissoudre leur association, et éventuellement d’apporter des contributions financières.

En tout état de cause, l’intégration des différentes structures nécessite d’accorder une attention toute particulière à la question du transfert des personnels, dont les contrats de travail seront maintenus.

S’agissant du financement du CNM, la proposition de loi lui permet de bénéficier du produit de la taxe sur les spectacles, aujourd’hui affectée au CNV. Au-delà des ressources actuelles des structures qui seront rassemblées et des deux crédits d’impôt précités, le texte n’exclut aucune autre possibilité de ressources, mais ce sujet appartient au débat budgétaire.

Pour conclure, le rapporteur est fermement convaincu que la création d’un tel centre national, qui incarne la filière dans son ensemble et regroupe tous les artistes et les professionnels de la musique et des variétés, s’impose.

Plus que jamais, nous avons besoin d’une telle structure pour assurer le rayonnement de nos artistes et le développement d’un environnement garant d’une création riche et diversifiée, à la hauteur de notre principe d’exception culturelle.

 


  1  

   Synthèse

 

I.   prÉsentation du projet de loi

1.   La création du Centre national de la musique et la définition de ses missions

L’article 1er crée un établissement public industriel et commercial dénommé Centre national de la musique (CNM), dont le domaine d’intervention est la musique vivante et enregistrée.

Cet article détermine ses missions : il a une fonction générale de soutien au secteur professionnel de la musique et une série de missions plus précises avec des dispositifs d’intervention particuliers : le soutien à l’export, la gestion d’un observatoire, un rôle d’information et d’orientation, de formation professionnelle et de veille technologique.

L’article 3 permet au président de l’établissement de délivrer les agréments prévus pour le bénéfice des crédits d’impôts en faveur du secteur de la musique.

2.   Les principes de gouvernance de l’établissement

L’article 2 dispose que le CNM est administré par un conseil d’administration dont le président est nommé par décret, sur proposition du ministre de la Culture.

3.   L’affectation de la taxe sur les spectacles de variétés et les autres ressources du CNM

L’article 4 prévoit que le CNM bénéficie du produit de la taxe sur les spectacles de variétés ainsi que d’autres taxes, prélèvements et produits.

4.   L’intégration d’organismes existants dans le CNM

L’article 5 dispose que le CNM se substitue, dans leurs droits et obligations, à un établissement public  – le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) – ainsi qu’à deux associations – le Fonds pour la création musicale (FCM) et le Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA) –, au moment de leur dissolution.

Le CNM reprend tous les contrats et conventions passés par ces organismes pour l’accomplissement de leurs missions. Ces transferts sont effectués à titre gratuit.

Par coordination, l’article 7 supprime le CNV créé par l’article 30 de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.

II.   les principaux apports de la commission

1.   La concertation avec les professionnels et les collectivités territoriales

La commission a adopté un amendement à l’article 1er indiquant que le CNM exerce ses missions dans le cadre d’un processus permanent de concertation avec l’ensemble du secteur.

Par ailleurs, elle a adopté un amendement précisant que le CNM veille à associer les collectivités territoriales et leurs groupements à l’exercice de ses missions.

2.   L’inclusion des variétés dans le domaine d’intervention du CNM

La commission a précisé que les dispositifs d’intervention du CNM, prévus à l’alinéa 4 de l’article 1er, s’étendent au domaine des variétés, comme c’est le cas actuellement pour le CNV.

La commission a également ajouté la création parmi les activités bénéficiant des dispositifs d’intervention du CNM.

3.   L’ajout de deux missions

La commission a fixé deux missions supplémentaires au CNM (article 1er) :

– favoriser le développement territorial de l’écosystème musical ;

– valoriser le patrimoine musical.

4.   La pérennisation législative du Fonds d’intervention pour la sécurité des sites et manifestations culturels

La commission a adopté un amendement permettant au CNM de gérer le Fonds d’intervention pour la sécurité des sites et manifestations culturels. Ce fonds remplace le Fonds d’urgence créé par la loi de finances rectificative pour 2015 et géré par le CNV, qui était arrivé à échéance fin 2018. Ce fonds permet d’aider les salles de spectacle et les festivals à faire face aux dépenses de sécurité générées par les risques d’attentat. Il concerne tout le champ du spectacle vivant (musique, variétés, théâtre, danse,…).

5.   La création d’un conseil professionnel associé à la gouvernance du CNM

Afin d’associer les professionnels du secteur à la gouvernance de l’établissement, la commission a adopté un amendement à l’article 2 adjoignant au conseil d’administration un conseil professionnel, instance représentative de l’ensemble des organisations privées directement concernées par l’action du CNM.

6.   La garantie du respect de la liberté d’association pour l’intégration du FCM et de l’IRMA

La commission a réécrit l’ensemble de l’article 5 afin de clarifier le fait que l’intégration des associations FCM et IRMA au CNM ne pourra être opérée que dans le cadre d’une démarche volontaire de ces associations, dans le plein respect du principe de la liberté d’association.

 


([1]) Rapport au Premier ministre de la mission de préfiguration du Centre national de la musique confiée à Pascal Bois et Emilie Cariou, députés – novembre 2018 : https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2019/02/rapport_de_pascal_bois_et_emilie_cariou_-_mission_de_prefiguration_du_centre_national_de_la_musique_-_23.01.2019.pdf

([2]) Rapport remis à la ministre de la Culture en octobre 2017.