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N° 1990

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2019

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018 (n° 1947),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 14
 

 

DÉfense :

 

BUDGET OPÉRATIONNEL DE LA DÉFENSE

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Olivier GAILLARD

 

Député

____

 


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SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION

I. Une exécution budgétaire cohérente

1. L’exécution globale

2. Le programme 178 Préparation et emploi des forces et l’internalisation du financement des surcoûts OPEX-MISSINT

3. Le programme 212 Soutien de la politique de la défense

II. L’enjeu du recrutement et de la fidélisation

1. Une remontée des effectifs plus faible que prévu

2. Des départs plus nombreux que prévu et des difficultés de recrutement accrues

3. Réponses ciblées et réponses globales

4. La mise en œuvre du plan Famille

TRAVAUX DE LA COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL


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   INTRODUCTION

Après les soubresauts de 2017, l’année 2018 aura été pour la mission Défense une année d’accalmie.

Il faut s’en féliciter, car la programmation militaire votée par le Parlement en juin 2018 pour les années 2019 à 2025 ([1]) ne peut s’envisager que dans un cadre budgétaire maîtrisé et apaisé. L’entrée en programmation militaire, que tous les interlocuteurs du rapporteur au sein de la communauté militaire disaient attendre avec impatience, supposait le rétablissement dès 2018 d’une trajectoire lisible et crédible. On peut affirmer aujourd’hui que, globalement, c’est chose faite.

Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire, la Cour des comptes parle ainsi, à juste titre, de « cohérence retrouvée ».

Cette amélioration tient d’abord à la volonté du Président de la République d’engager dès 2018 le processus de remontée en puissance qui s’étendra tout au long de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025.

Le Parlement a en effet voté en loi de finances pour 2018 une hausse de 1,8 milliard d’euros des crédits de la mission Défense. Ceux-ci ont ainsi été portés à 34,2 milliards hors compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, auxquels se sont ajoutés 190 millions d’euros de recettes issues de cessions. Les ressources de la mission se sont donc élevées à 34,4 milliards d’euros hors CAS Pensions et à 43,3 milliards au total.

Selon le ministère des armées, l’effort de défense rapporté au PIB est donc passé à 1,82 % en 2018, contre 1,77 % en 2017.

Sur le plan opérationnel, l’engagement de nos armées est resté intense dans la bande sahélo-saharienne (opération Barkhane), tant en matière de lutte contre les groupes terroristes qu’en matière de formation des forces du G5 Sahel. En revanche, la pression a été moindre au Levant (opération Chammal) du fait des victoires remportées contre Daech en 2017, notamment la libération de Raqqa et de Mossoul, et de l’amenuisement continu des territoires contrôlés par cette organisation tout au long de 2018.

Au total, grâce à un meilleur provisionnement en loi de finances initiale (LFI) et à une baisse en valeur absolue, les besoins de financement additionnel pour couvrir les surcoûts des opérations extérieures (OPEX) et des missions intérieures (MISSINT) ont connu une baisse sensible en 2018.

Il convient toutefois de relever que ce financement s’est opéré sans recours à la solidarité interministérielle, contrairement à ce que prévoyait la LPM 2013-2019 et à ce que prévoit toujours la LPM 2019-2025.

Dans ce cadre budgétaire plus favorable, le ministère des armées a engagé deux chantiers importants sans attendre l’entrée en LPM 2019-2025.

Le premier vise à restructurer l’entretien programmé des matériels (EPM) et le maintien en condition opérationnelle (MCO) dans le domaine aéronautique, avec la création de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) le 18 avril 2018. Le second vise à doter le ministère des armées d’un dispositif efficace couvrant l’ensemble des domaines de l’innovation, avec la création de l’Agence de l’innovation de défense le 1er septembre 2018.

Par ailleurs, l’année 2018 aura été marquée par des difficultés de recrutement et de fidélisation du personnel, que traduit une sous-consommation des crédits de titre 2. Alors que la LPM 2019-2025 prévoit une remontée des effectifs de 6 000 équivalents temps plein (ETP) sur l’ensemble de la période, cette tendance ne laisse pas d’inquiéter et doit être analysée. Dans un contexte de tension accrue sur le marché du travail et de forte concurrence du secteur privé, le risque est de voir compromettre cette trajectoire d’effectifs ambitieuse.

Le présent rapport s’articulera donc en deux parties.

L’exécution des crédits de 2018 sera examinée dans un premier temps, notamment ceux alloués aux programmes 178 Préparation et emploi des forces et 212 Soutien de la politique de la défense.

Dans un second temps seront analysées les difficultés de recrutement et de fidélisation. Elles seront mises en regard de l’exécution du plan Famille, dispositif mis en place au début de l’année 2018 et qui devrait, par les mesures d’amélioration de la condition militaire qu’il comporte, améliorer l’attractivité des carrières.


I.   Une exécution budgétaire cohérente

L’année 2017 avait été marquée par d’importants mouvements en gestion et l’incertitude avait pesé jusqu’au dernier moment sur le dégel d’importants montants mis en réserve.

Pour rappel, le décret du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance avait annulé 850 millions d’euros de crédits de paiement sur le programme 146 Équipement des forces. Il avait ouvert parallèlement, au titre du financement interministériel des surcoûts OPEX et MISSINT, 643 millions d’euros en AE et CP sur le programme 178 Préparation et emploi des forces.

Toujours par décret, la solidarité interministérielle avait été mobilisée pour le financement de ces surcoûts à hauteur de 150 millions fin novembre.

Enfin, quatre jours avant la fin de l’année, le Gouvernement procédait au dégel de quelque 700 millions d’euros au bénéfice des programmes 146 et 178.

Par contraste, l’exécution 2018 est d’une cohérence inédite s’agissant du budget de la défense.

1.   L’exécution globale

La mission Défense bénéficie en 2018 d’une hausse de 1,76 milliard d’euros de crédits budgétaires par rapport à la LFI 2017. Les ressources exceptionnelles prévues lors de la programmation 2018 se limitent aux ressources issues de cessions de matériels militaires (50 millions d’euros) et de cessions immobilières (140 millions d’euros CAS Immobilier).

Alors que le décalage avait été constant entre la LPM 2013-2019 et les lois de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019, la LFI pour 2018 est en cohérence avec la LPFP 2018-2022 ([2]) : les crédits ouverts en LFI 2018 pour la mission Défense, hors CAS Pensions et hors ressources exceptionnelles, sont égaux à l’annuité prévue par la LPFP, soit 34,2 milliards d’euros.

Les variations d’exécution de ces crédits votés en loi de finances pour 2018 sont retracées dans le graphique ci-après.

 

 

 

De la LFI à l’exécution 2018

(en millions d’euros de CP)

La colonne « FdC et AdP » représente le total des fonds de concours et attributions de produits rattachés aux programmes de la mission Défense, en incluant les FdC et AdP tardifs (13,7 M€)

Source : Cour des comptes d’après données Chorus.

La quasi-intégralité des crédits ouverts a donc été consommée. Quant à la réserve de précaution, établie pour la première fois à 3 % et non plus à 8 % (ce qui a grandement facilité la gestion infra-annuelle) elle a été levée dans sa presque totalité en fin de gestion.

Le tableau ci-dessous retrace la consommation par programmes.

exécution des crédits par programmes

(en millions d’euros)

Programme

LFI (y. c. FDC et ADP prévus)

Exécution 2018

144  Environnement et prospective de la politique de défense

1 396

1 395

178  Préparation et emploi des forces

8 443

8 963

212  Soutien de la politique de la défense

23 144

22 919

146  Équipement des forces

10 310

10 010

Total

43 293

43 287

Source : rapport annuel de performances.

S’agissant du report de charges, les données reportées dans le tableau ci-dessous révèlent un nouvel accroissement en valeur absolue comme en pourcentage des crédits hors titre 2 de la mission. Le rapporteur appelait l’année dernière à une vigilance accrue en la matière.

En tout état de cause, il serait souhaitable d’entamer une trajectoire de réduction dès la fin de 2019, même si la LPM prévoit des cibles échelonnées à partir d’un niveau relativement haut : 16 % des crédits hors titre 2 en 2019, 15 % en 2020, 14 % en 2021, 12 % en 2022, pour arriver en fin de programmation au taux estimé comme incompressible de 10 %.

Report de charges hors titre 2 de la Mission défense

(en millions d’euros)

 

Au 31/12/2014

Au 31/12/2015

Au 31/12/2016

Au 31/12/2017

Au 31/12/2018

Programme 144

171

193

230

207

200

Programme 146

2 258

1 917

1 672

1 799

2 078

Programme 178

821

778

904

932

909,1

Programme 212

112

98

204

211

218,2

Total mission Défense

3 362

2 986

3 010

3 149

3 405,3

Rapporté à la mission Défense hors T2

18,3 %

16,5 %

14,6 %

15,1 %

15,3 %

Source : Cour des comptes d’après données ministère des armées.

2.   Le programme 178 Préparation et emploi des forces et l’internalisation du financement des surcoûts OPEX-MISSINT

Le tableau ci-dessous retrace par actions l’exécution des crédits initiaux du programme 178 en 2018 et l’évolution par rapport à 2017.

exécution des crédits du programme 178

(en millions d’euros, y. c. FDC et ADP)

 

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Exécution. 2018 / Exécution 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

Action

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 Planification des moyens et conduite des opérations

464,3

433,8

527,6

530,4

548,2

525,2

+ 18,1 %

+ 21,1 %

+ 3,8 %

– 1,0 %

02 Préparation des forces terrestres

1 557,3

1 452,3

1 406,7

1 331,9

1 581,4

1 526,0

+ 1,5 %

+ 5,1 %

+ 11 %

+ 12,7 %

03 Préparation des forces navales

1 831,4

2 217,5

2 448,4

2 268,9

2 256,2

2 359,2

+ 23,2 %

+ 6,4 %

– 8,5 %

+ 3,8 %

04 Préparation des forces aériennes

2 687,9

2 307,8

2 711,3

2 235,2

2 145,8

2 342,9

– 20,2 %

+ 1,5 %

– 26,4 %

+ 4,6 %

05 Logistique et soutien interarmées

1 692,0

1 669,4

1 665,5

1 642,0

1 725,2

1 739,0

+ 2,0 %

+ 4,2 %

+ 3,5 %

+ 5,6 %

06 Surcoûts liés aux opérations extérieures

454,2

456,4

435,0

435,0

471,9

470,5

+ 3,9 %

+ 3,1 %

+ 7,8 %

+ 7,5 %

Total

8 687,0

8 537,3

9 194,5

8 443,4

8 728,7

8 962,8

+ 0,5 %

+ 5,0 %

 5,3 %

+ 5,8 %

Source : rapport annuel de performances 2018.

L’exécution des crédits de paiement du programme 178 en 2018 (8 962,8 millions d’euros) est significativement supérieure à la somme des crédits ouverts en LFI (8 066,9 millions d'euros) et des fonds de concours, produits issus de cession et autres attributions de produits attendus (376,5 millions d’euros). Cet écart important s’explique par le mécanisme de financement des surcoûts OPEX-MISSINT.

Contrairement aux années précédentes, ces surcoûts ont été financés en interne, notamment par redéploiement de crédits de titre 2 et de crédits issus du programme 146 Équipement des forces. La loi de finance rectificative de fin d’année a été le vecteur de cette opération, alors que les années précédentes le financement par la solidarité interministérielle s’était opéré via un décret d’avance.

La LFI pour 2018 comprenait un provisionnement destiné à couvrir les surcoûts OPEX-MISSINT à hauteur de 650 millions d’euros (+ 200 millions par rapport à l’année précédente), montant auquel il faut ajouter 100 millions de masse salariale réservée à ces surcoûts.

Le montant total de la provision pour 2018 était donc de 750 millions d’euros ([3]).

Le niveau des surcoûts constatés s’est élevé à 1,36 milliard d’euros, laissant, après déduction des remboursements des organisations internationales (32 millions d’euros), un montant de 578 millions d’euros à financer.

La Cour des comptes retrace dans le graphique reproduit ci-après l’évolution de ces financements depuis 2011.

Couverture des surcoûts OPEX-MISSINT par la dotation budgétaire initiale, les remboursements des organisations internationales, les financements interministériels et l’auto-assurance de la mission Défense

(en millions d’euros de CP)

En plus des 404 millions alloués en loi de finances rectificative (LFR) au programme 178 (moyennant une annulation des crédits d’une réserve de précaution d’un montant équivalent sur les autres programmes), le financement des 174 millions de différence a été couvert par la mission en auto-assurance. Ces redéploiements internes ont notamment mobilisé à hauteur de 148 millions d’euros l’excédent de crédits de personnel constaté en fin d’année.

Par manière de contrepartie, les crédits de la mission Défense ont été préservés de la contribution interministérielle au redressement des finances publiques.

Cependant, cette internalisation du financement des surcoûts OPEX-MISSINT contrevient au principe de solidarité interministérielle établi par la LPM 2013-2019 et réaffirmé par la LPM 2019-2025.

 

 

 

Interrogée à ce sujet devant la commission des finances réunie en commission d’évaluation des finances publiques le 3 juin 2019, la ministre des armées a indiqué :

« J’aimerais que cela reste une exception, d’autant plus que 2018 était la dernière année d’exécution de la précédente loi de programmation militaire. La nouvelle réaffirme ce principe de solidarité interministérielle, tout en le précisant. De telles dispositions n’ont donc pas vocation à rester lettre morte.

« J’y vois néanmoins un risque – ou une tentation, pour ne pas m’exprimer comme Bercy : si le coût des opérations extérieures et des missions intérieures reste à peu près stable au niveau actuel, plus le niveau de la provision va s’élever, plus on risque de nous opposer que le reste à financer est si modeste qu’il s’apparente à l’épaisseur du trait ! L’histoire n’est pas encore écrite et je compte beaucoup sur vous – et sur votre vigilance – pour que cela reste une exception et ne devienne pas la règle. »

3.   Le programme 212 Soutien de la politique de la défense

Le tableau ci-dessous retrace par actions l’exécution des crédits initiaux du programme 212 en 2018 et l’évolution par rapport à 2017.

exécution des crédits du programme 212 par titre et catégorie

(en millions d’euros)

 

AE

CP

Titre et catégorie

Consommées en 2017 *

Ouvertes en LFI pour 2018

Consom-mées
en 2018 *

Évol. 2017/2018 en %

Évol.
LFI/LR en %

Consom-més
en 2017

Ouverts
en LFI pour 2018

Consom-
més
en 2018 *

Évol. 2017/2018 en %

Évol. LFI/LR en %

Titre 2  Dépenses de personnel

20 122,3

20 287

20 365

+ 1,2 %

+ 0,4 %

20 122,3

20 287

20 365

+ 1,2 %

+ 0,4 %

Titre 3  Dépenses de fonctionnement

1 360,4

948

1 482,8

+ 8,3 %

+ 36,1 %

1 324,9

944,7

1 426,2

+ 7,1 %

+ 33,8 %

Titre 5  Dépenses d’investissement

938,8

1 909,9

1 157,7

+ 18,9 %

– 65,0 %

861,6

1 556,5

1 059,4

+ 18,7 %

– 46,9 %

Titre 6  Dépenses d’intervention

15,6

24,8

12,3

– 26,8 %

– 101,6 %

26

24,8

25,8

– 0,8 %

+ 3,9 %

Titre 7  Dépenses d’opérations financières

40,8

7,9

16,4

– 148,8 %

+ 51,8 %

11,3

32,8

42,7

+ 73,5 %

+ 23,2 %

Total hors FDC et ADP

 

23 177,7

 

 

 

 

22 845,7

 

 

 

Ouvertures et annulations : titre 2*

 

+ 186,8

 

 

 

 

+ 186,8

 

 

 

Ouvertures et annulations : autres titres*

 

+ 685,2

 

 

 

 

– 6,8

 

 

 

Total*

22 477,9

24 049,6

23 034,2

+ 2,4 %

 4,4 

22 346

23 025,7

22 919,1

+ 2,5 %

 0,5 

* y. c. FDC et ADP

Source : rapport annuel de performances 2018.

Les crédits hors titre 2 du programme 212 avaient été portés en LFI 2018 à 2 558,7 millions d’euros, soit une hausse de 19,3 % par rapport à la LFI 2017.

En particulier, les crédits de l’opération stratégique « infrastructure » étaient prévus en forte hausse, en passant de 974,9 millions d’euros en LFI 2017 à 1 361,7 millions d’euros en LFI 2018, soit + 39,7 %. Ainsi que le rappelle la Cour des comptes, le ministère des armées soulignait dans sa présentation du PLF 2018 que cette hausse devait permettre de « renforcer les unités opérationnelles et leur soutien, de poursuivre les investissements d’accueil des grands programmes d’armement, ainsi que de renforcer la protection des emprises militaires ».

La Cour remarque toutefois que la hausse constatée dans l’exécution des crédits de cette opération stratégique en 2018 est moins élevée que celle affichée en programmation, même si elle reste significative (+ 225,1 millions d’euros soit 21 % de plus qu’en 2017). Ces crédits ont en effet été touchés par les annulations et redéploiements dont le total atteint 113,8 millions, notamment pour le financement des surcoûts OPEX-MISSINT.

Les surcoûts OPEX et MISSINT imputés sur le programme 212

Les accessoires de rémunérations versés (hors agents de recrutement local) imputés sur le budget opérationnel de programme (BOP) OPEX et MISSINT sont les suivants :

 accessoires de rémunération « MISSINT » :

o ISC : indemnité de service en campagne ;

o AOPER : indemnité de sujétion d’alerte opérationnelle.

Ces indemnités sont versées aux agents sur la base d’un taux journalier attribué au regard du nombre de jours passés en opération. Concernant les ISC, le taux appliqué peut différer en fonction du grade et de la situation matrimoniale du militaire en mission.

 accessoires de rémunération « OPEX » :

o ISSE : indemnité de sujétions pour service à l’étranger (et suppléments).

À l’image des indemnités de MISSINT, le montant des ISSE versé à l’agent est fonction du nombre de jours passé en opérations extérieures. Sa règle de calcul diffère cependant en ce sens que l’ISSE versée correspond à un ratio fixe appliqué sur la solde de base brute. Ce ratio, commun à toutes les catégories de militaires, est de 1,5.

Source : direction des ressources humaines du ministère des armées.

S’agissant des crédits de titre 2, la sous-exécution constatée de la masse salariale s’est élevée à 211 millions d’euros hors redéploiements pour couvrir les surcoûts OPEX-MISSINT. Cette sous-exécution s’explique, pour l’essentiel, par le fait que le nombre des départs a dépassé de 4 000 celui que la loi de finances initiale avait prévu dans le schéma d’emplois qui sous-tendait le budget.

De fait, l’excédent a permis d’atténuer les effets de l’internalisation du financement des surcoûts OPEX-MISSINT. Il traduit cependant une difficulté qui nécessite un examen approfondi.


—  1  —

 

II.   L’enjeu du recrutement et de la fidélisation

L’exécution 2018 confirme une tendance déjà sensible en 2017. Il convient d’en analyser les causes et d’examiner comment le plan Famille, qui connaît en 2018 sa première année d’exécution, peut apporter des solutions.

1.   Une remontée des effectifs plus faible que prévu

Après l’actualisation de la LPM en 2015 et les décisions du Conseil de défense du 6 avril 2016, la trajectoire des effectifs de la mission défense s’est inversée. Dès le PLF pour 2017, le plafond d’emplois avait été rehaussé de 2 433 ETPT. Dans sa note d’analyse de l’exécution du budget 2017, la Cour des comptes notait déjà que « cette nouvelle trajectoire peine […] à être réalisée, l’écart entre le plafond en LFI et l’exécution se creuse, – 6 017 ETPT en 2017 contre – 5 746 ETPT en 2016 ».

Ce creusement s’est confirmé en 2018. En dépit d’un nouveau plafond d’emplois fixé en LFR, en application de l’article 11 de la LPFP 2018-2022 ([4]), à 271 253 ETPT contre 274 580 ETPT en LFI 2018 (soit – 3 327 ETPT), la sous-exécution se poursuit en 2018 (– 3 059 ETPT).

En réalisation 2018, les effectifs étaient donc de 268 195 ETPT, alors que la trajectoire établie à l’article 6 de la LPM 2019-2025 pose un point de départ à 268 936 ETPT. Un rattrapage devra être effectué en gestion 2019, faute de quoi la programmation se trouverait durablement déséquilibrée.

La trajectoire d’effectifs 2019-2025
(article 6 de la Loi de programmation militaire)

« L'augmentation nette des effectifs du ministère des armées s'effectuera selon le calendrier suivant :

(en équivalents temps plein)

« Conformément à cette évolution, les effectifs du ministère des armées s'élèveront à 271 936 équivalents temps plein en 2023 et à 274 936 équivalents temps plein en 2025 hors apprentis, volontaires du service militaire volontaire et effectifs éventuellement nécessaires au service national universel. […] ».

 

En tout état de cause, la remontée amorcée en 2016 se trouve ainsi sensiblement atténuée en 2018 comme en 2017, ainsi qu’on le voit dans le graphique suivant.

Évolution des effectifs de la mission Défense Depuis 2006

(en ETPT)

Source : annexes aux PLR 2006-2018.

2.   Des départs plus nombreux que prévu et des difficultés de recrutement accrues

Ainsi que l’a indiqué au rapporteur le directeur des ressources humaines du ministère des armées, le vice-amiral Philippe Hello, et ainsi que l’a confirmé la ministre des armées devant la commission des finance réunie en CEPP, quelque 4 000 départs – dont la moitié concerne des sous-officiers – ont été constatés
au-delà du schéma d’emploi établi en prévision.

Dans le détail, le schéma d’emplois validé en LFI s’élevait à + 518 ETP. En cours de gestion, il est également apparu que le schéma d’emploi de 2017 avait été sous-exécuté à hauteur de 411 ETP.

Afin de rattraper ce déficit, le schéma d’emplois cible défini en suivi de gestion a donc été porté à + 929 ETP.

Au regard de cet objectif, la sous-exécution s’est établie à – 583 ETP. Le sous-effectif des personnels militaire en 2018 (– 952 ETP) a été partiellement compensé par un sureffectif (+ 369 ETPE) du personnel civil.

Le rattrapage à réaliser en 2019 est précisé dans le tableau suivant.

Rattrapage à réaliser entre effectif réel et effectif théorique

(en ETPT)

 

ER au 31/12/2018

ET 2018


Rattrapage
ER/ET 2018
 

ET 2019
(cadrage final)

Officiers

33 240

33 353

113

33 644

Sous-officiers

92 610

92 954

344

92 530

Militaires du rang

79 327

79 489

162

79 766

Volontaires

1 825

2 158

333

1 537

Total personnel militaire

207 002

207 954

952

207 477

Catégorie A

12 889

12 680

- 209

14 202

Catégorie B

13 121

13 469

348

12 982

Catégorie C

20 812

20 559

- 254

21 042,78

Ouvriers de l’État

14 516

14 262

- 254

13 489

Total personnel civil

61 338

60 969

- 369

61 390

Total

268 340

268 923

583

269 192

Source : direction des ressources humaines du ministère des armées.

Les difficultés de recrutement et de fidélisation sont particulièrement sensibles pour les militaires du rang et pour les sous-officiers, ainsi que pour les compétences rares (cyberdéfense, renseignement, atomiciens, techniciens). La rotation des effectifs militaires, on le sait, est considérable (environ 28 000 militaires par an sur un effectif total de 207 000). C’est la condition du maintien d’une armée jeune et opérationnelle. Mais les déséquilibres s’en trouvent considérablement amplifiés dès que le contexte se modifie – en l’occurrence, un marché de l’emploi plus dynamique et plus concurrentiel.

Par ailleurs, il est possible que la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre (FOT) de 66 000 à 77 000 soldats entre 2015 et 2017 ait eu pour effet de diminuer provisoirement le vivier de recrues potentielles.

Sur le long terme, le Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) estime que « le volume global de candidats au recrutement reste solide et démontre l’intérêt des jeunes français pour les carrières militaires, notamment pour les carrières de militaire du rang, même si l’on ne peut pas exclure l’existence d’un effet “attentats de 2015” ».

Le graphique ci-après montre toutefois que le nombre de candidats par voie externe connaît une baisse tendancielle s’agissant des sous-officiers.

Évolution du nombre de candidats au recrutement par voie externe
dans les armées, par catégorie, de 2001 à 2017

Source : réponses à un questionnaire adressé aux armées et à la gendarmerie par le HCECM.

Champ : armée de terre (hors Légion étrangère), marine, armée de l’air.

Les travaux du HCECM ont également porté sur la sélectivité du recrutement. Celle-ci reste solide pour les officiers (16,5 candidats pour un emploi en 2017) mais fléchit pour les emplois de sous-officier (pour lesquels la proportion est de 2,6).

C’est pour les emplois de militaire du rang qu’elle est la plus basse ; selon le Haut Conseil, « c’est celle qui inquiète le plus. Elle se situe en 2017 à 1,6, ce qui est faible sans qu’elle n’atteigne toutefois les seuils bas du début des années 2000, au plus fort de la professionnalisation. »

Le graphique ci-après en retrace l’évolution depuis 1997.

Évolution de la sélectivité du recrutement de militaires du rang
par voie externe, dans les armées, de 1997 à 2017

Source : réponses à un questionnaire adressé aux armées par le HCECM.

Champ : armée de terre (hors Légion étrangère), marine et armée de l’air.

3.   Réponses ciblées et réponses globales

Pour répondre à ces difficultés, le ministère des armées s’engage dans une politique de recrutement plus ciblée. La ministre a ainsi indiqué lors de son audition du 3 juin 2019 que « dans les spécialités vraiment très critiques et s’agissant de personnels dont les compétences sont elles-mêmes très critiques, nous pouvons proposer des primes atteignant 25 000 euros afin d’essayer de retenir ces personnels au sein de l’institution militaire ».

Parmi les mesures nouvelles du plan catégoriel de 2018 figurent des mesures indemnitaires à hauteur de 3,1 millions d’euros, dont 1,8 million d’euros consacrés à l’augmentation du contingent de la prime haute technicité (PHT) en faveur des sous-officiers pour des métiers émergents ou sous tension. On relève également des mesures de revalorisation indemnitaire destinées aux praticiens du service de santé des armées (revalorisation de l’indemnité de gardes hospitalières, création d'une indemnité d'astreintes hospitalières), afin de réduire l’écart avec le régime indemnitaire pratiqué dans le civil.

Par ailleurs, la réforme du statut d’ouvrier de l’État menée en 2016 a permis au ministère des armées de poursuivre les recrutements dans les professions en tension. Depuis 2017, les recrutements en qualité d’ouvrier de l’État sont autorisés dans 7 branches et 21 professions, conformément au décret n° 2016-1993 du 30 décembre 2016 – notamment dans l’aéronautique, la pyrotechnie ou la mécanique (frigoriste, soudeur ou diéséliste).

En 2018, 415 ouvriers de l’État ont été recrutés par essai professionnel au ministère des armées, dont 138 au titre du service industriel de l’aéronautique (SIAé). Ces recrutements visent à compenser une partie des départs naturels dans les professions ouvertes au recrutement et à répondre aux besoins opérationnels des employeurs. Les départs d’ouvriers de l’État intervenant dans une des professions fermées au recrutement sont quant à eux compensés par des recrutements d’agents fonctionnaires. Étant ainsi ciblés sur des métiers prioritaires, les recrutements d’ouvriers de l’État ne remettent pas en cause la tendance à la diminution de cette population.

Plus globalement, le ministère a mis en place par le décret n° 2019-470 du 20 mai 2019 une prime de lien au service qui se substitue à cinq primes à caractère particulier. Cette prime peut être proposée par les gestionnaires de personnels à tout militaire (de carrière ou contractuels, officiers ou non-officier) s'engageant à servir pour une période donnée dans des conditions précisées par le gestionnaire. Elle est versée en contrepartie d'un engagement à servir qui peut être général (disposition réservée aux militaires sous contrat) ou spécifique (c'est-à-dire au titre d'une spécialité, d'un emploi ou d'une compétence identifié comme présentant un sous-effectif ou un risque de sous-effectif). En cas de rupture de cet engagement par le bénéficiaire, elle fait l'objet d'un remboursement total ou partiel.

Ce dispositif préfigure le chantier de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), qui vise à simplifier le régime indemnitaire et à permettre une gestion des ressources humaines plus dynamique et plus adaptée aux besoins.

S’agissant enfin des retraites, le rapporteur spécial a perçu au cours des auditions qu’il a menées une inquiétude réelle quant à l’avenir du régime particulier des pensions militaires. Sachant que ce régime est une composante importante de l’attractivité des carrières, il conviendra de s’assurer que sa singularité sera préservée dans le cadre de la réforme globale annoncée par le Gouvernement.

4.   La mise en œuvre du plan Famille

Le « plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires 2018-2022 », dit plan Famille, a été présenté par la ministre des armées le 31 octobre 2017. Ce dispositif intégré et modulable d’amélioration des conditions de vie et de travail des militaires et de leurs familles vise notamment à apporter, au-delà des mesures indemnitaires, une réponse globale aux difficultés de recrutement et de fidélisation. Un de ses objectifs est de mettre autant qu’il est possible en adéquation les conditions offertes par la vie militaire et les aspirations des jeunes gens qui intègrent nos armées.

Initialement, les mesures nouvelles du plan Famille devaient représenter 300 millions d’euros de crédits nouveaux sur cinq ans.

La loi de programmation militaire a confirmé le dispositif et étendu sa durée à la période 2019-2025, en prévoyant un effort financier de près de 530 millions d’euros.

Le ministère des armées a mis en place un dispositif de suivi très précis permettant d’évaluer l’application des différentes actions prévues, y compris celles qui n’ont pas de traduction budgétaire.

En 2018, année de démarrage, plus de 80 % des 46 actions du plan ont connu des réalisations concrètes. Peuvent notamment être cités :

– le wifi gratuit en garnison ;

– le portail e-social des armées depuis le 20 juin 2018 ;

– la maison numérique du blessé ;

– la prestation sociale d’absence du domicile ;

– les actions en faveur des enfants (nouvelles places en crèches et « kit enfants mission ») ;

– l’augmentation des crédits d’amélioration des conditions de vie en garnison ;

– la création de trois premières cellules d’information et d’accueil des familles dans les bases de défense de Nancy, Mourmelon-Mailly et Brest-Lorient.

Il faut également mentionner l’action qui prévoit que plus de 80 % des ordres de mutation soient édités cinq mois avant la date d’affectation. En 2018, cette mesure a été réalisée pour la plus grande partie des forces armées et des formations rattachées (armée de terre : 70 % ; marine : 88 % ; armée de l’air : 82 %).

Sur le plan budgétaire, le montant des dépenses exécutées au titre du plan Famille en 2018 s’élève à 23,47 millions d’euros en crédits de paiement, soit environ 85 % de plus que la prévision initiale de 12,7 millions. Cette surexécution s’explique principalement par la mise en œuvre anticipée de certaines mesures emblématiques comme le déploiement du wifi en garnison (6,75 millions dépensés en 2018).

Les mesures relatives au logement et à l’hébergement ont elles aussi fait l’objet d’une surexécution, le montant de la dépense s’élevant à 12,5 millions d’euros contre 5,4 millions en prévision.

En revanche, les mesures relatives à la formation professionnelle du conjoint n’ont pas encore trouvé de véritable traduction concrète, le nombre de dossiers déposés étant encore très faible par rapport à l’objectif d’accompagnement de 1 000 personnes pour un budget de 2,5 millions d’euros.

Après une première année d’exécution où de multiples chantiers ont été ouverts, le plan Famille, emblématique du modèle d’armée « à hauteur d’homme » de la LPM 2019-2025, est appelé à monter en puissance. Cette approche intégrée et attentive aux évolutions de la société est d’une importance capitale pour répondre aux défis stratégiques, opérationnels, humains et technologiques des prochaines années.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion de 21 heures, le lundi 3 juin 2019, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu Mme Florence Parly, ministre des armées, et Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

 

Le compte rendu et la vidéo de cette réunion sont disponibles sur le site de l’Assemblée nationale.

 

 

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

 

Ministère des armées :

– Vice-amiral d’escadre Philippe Hello, directeur des ressources humaines du ministère des armées ; colonel Olivier Lapray, adjoint au chef de service PRH ; lieutenant-colonel Pierre-Yves Mesplède, chargé de mission auprès du DRH-MD

– Mme Véronique Peaucelle-Delelis, administratrice générale, chargée de mission Plan famille

Conseil supérieur de la fonction militaire :

M. le contrôleur général des armées Olivier Schmit, secrétaire général ; MM. Philippe Charollais, Jean-Charles Lucas, Jean-Philippe Ménard, Mme Marine Messager, MM. Grégory Minet, Michal Nowakowski, Mme Nadège Tirel

Haut Comité d'évaluation de la condition militaire :

M. Francis Lamy, président ; M. Olivier Maigne, contrôleur général des armées

Table ronde avec les associations professionnelles nationales de militaires représentatives :

APN AIR : capitaine Lionel Hillaireau, président ; APNM-Commissariat : commissaire principal Alexia Bertrand, président, commissaire en chef Frédéric Rémy, trésorier ; France Armement : ingénieur en chef Olivier Robert

 


([1]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([2]) Loi  n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([3]) Pour rappel, la provision hors masse salariale a été portée à 850 millions d’euros en loi de finances pour 2019 et la LPM prévoit une stabilisation à 1,1 milliard d’euros à partir de 2020, la provision de masse salariale restant au même niveau de 100 millions d’euros.

([4]) « À compter de l'exercice 2019, le plafond des autorisations d'emplois prévu en loi de finances initiale, spécialisé par ministère, conformément à l'article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d'emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l'incidence des schémas d'emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus. »