N° 1990

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2019

RAPPORT

FAIT

 

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et dapprobation des comptes de lannée 2018 (n° 1947),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 2
 

 

Action extÉrieure de lÉtat :

 

TOURISME

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Émilie BONNIVARD

 

Députée

____


 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Principales observations de la rapporteure spÉciale Et données clés

introduction

I. Les crédits consacrés à lopérateur atout France dans le programme 185

A. la subvention pour charge de service public, constante, doit le rester

B. des partenariats en hausse, une analyse de la performance très satisfaisante

C. des dépenses très contrôlées

D. Un plan social chez Atout France en 2020 ?

II. le retrait de lÉtat de la politique de structuration de loffre touristique

A. un désengagement total de Bercy en matiÈre de politique touristique

B. lExpérimentation en cours « France tourisme ingÉnierie » : dexcellentes initiatives locales, comme a la grande-motte par exemple

C. mais aucun dispositif fiscal incitatif national permettant de répondre À la problématique des « lits froids »

D. des outils financiers inadaptés À la préservation de l’hÔtellerie familiale et indépendante, outil de maillage touristique territorial

E. une réforme de la taxe de séjour trop complexe : une réelle simplification est nécessaire sous peine d’importantes erreurs de calculs et de collecte

Travaux de la commission

annexe 1 : personnes auditionnées par la rapporteure spéciale

annexe 2 : sources utilisées par la rapporteure spéciale


—  1  —

   Principales observations de la rapporteure spÉciale
Et données clés

L’analyse budgétaire de la rapporteure spéciale du budget du tourisme porte sur les crédits de la seule action 7 Diplomatie économique et développement du tourisme du programme 185, intitulé Diplomatie culturelle et d’influence, de la mission Action extérieure de l’État. En ce qui concerne l’exercice 2018, cela correspond à un budget de 37,4 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) pour le seul opérateur de la politique touristique de la France, Atout France.

Cette situation n’est pas satisfaisante : il s’agit des crédits d’une seule petite action, pas même d’un programme dédié directement et entièrement au tourisme. La rapporteure spéciale le regrettait déjà l’année dernière : il n’est pas concevable, selon elle, alors que le secteur représente près de 8 % de notre PIB, que la politique touristique ne dispose pas même d’un programme dans notre architecture budgétaire. Sa proposition permettrait notamment aux parlementaires d’exercer pleinement leur droit d’amendement en matière budgétaire.

Ce petit budget dédié à Atout France est bien dépensé par cet opérateur. La subvention de l’État de 37,4 millions d’euros a permis de lever 38,4 millions d’euros en 2018 sous la forme de partenariats publics (collectivités territoriales) et privés, ce qui est exceptionnel. La part de ces partenariats dans le budget d’Atout France fait d’ailleurs l’objet d’un sous-indicateur de performance. En 2018, comme en 2017 et en 2016, le résultat est supérieur à l’objectif assigné par le projet annuel de performance : il est de 58 % contre un taux attendu de 51,23 %. La performance de l’opérateur – sa capacité à lever des financements complémentaires pour promouvoir la destination France – est donc plus que satisfaisante.

Par ailleurs, les objectifs quantitatifs en matière de nombre de touristes étrangers visitant la France sont plutôt en voie d’être atteints, avec 89,4 millions de touristes internationaux en 2018. Toutefois, un point de vigilance sera à apporter aux effets des manifestations des « gilets jaunes » sur la fréquentation de 2019. C’est la raison pour laquelle la rapporteure spéciale défend le maintien des moyens d’Atout France, dont la mission consiste essentiellement à promouvoir l’image de la France à l’étranger.

Elle s’oppose à ce titre à la diminution de 4 millions d’euros de son budget prévue par le Gouvernement, soit une diminution de 12,5 % de l’effort de l’État pour ce budget déjà très restreint dédié au tourisme, et ce alors même que depuis 10 ans, l’opérateur a rationalisé son fonctionnement, avec une baisse de de plus de 130 contrats notamment. Cette décision n’est ni opportune eu égard au contexte, ni juste eu égard au poids du tourisme dans notre économie.

 

Par ailleurs, le tourisme ne doit-il plus que se réduire à une politique de « promotion »  dans un pays tel que la France, ou mérite-t-il d’être accompagné par l’État, dans les mutations structurelles dont il a besoin, comme une filière économique à part entière ? Plus aucune action concrète directe et volontaire du Gouvernement n’est entreprise en faveur de la structuration des offres touristiques, en faveur de la rénovation et de la remise en marché de l’hébergement touristique.

Force est de constater que le Gouvernement a décidé de ne pas investir le tourisme comme filière économique ou outil d’aménagement du territoire, puisqu’il a supprimé en 2018 le budget dédié au tourisme dans la mission Économie relevant du ministère de l’économie et des finances.

La rapporteure spéciale regrette que le Gouvernement renonce à agir en État stratège et en investisseur dans le domaine touristique, aux côtés des acteurs locaux, pour adapter et construire les offres touristiques de demain.


Programme 185 – action 7 : subventions et transferts en 2017 et 2018

(en millions d’euros)

 

Réalisation 2017 (RAP)

LFI 2018

Réalisation 2018

Programme intéressé ou nature de la dépense

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

185 Diplomatie culturelle ou d’influence

31 106

36 106

34 191

34 191

37 366

37 366

Subventions pour charges de service public (Atout France)

31 106

31 106

32 691

32 691

33 307

33 307

Transferts

 

5 000

1 500

1 500

4 059

4 059

Total

31 106

36 106

34 191

34 191

37 366

37 366

Source : RAP, PLR 2018.

Évolution de la part du partenariat dans le budget d’Atout France
depuis 2016

Source : RAP, PLR 2016, 2017 et 2018.

Évolution des charges d’Atout France depuis 2015

 

 

Source : Atout France, mai 2019.


—  1  —

  introduction

La France a accueilli 89,4 millions de touristes internationaux en 2018 ; elle est, en nombre d’arrivées, la première destination touristique mondiale. Ces touristes étrangers ont généré 56,2 milliards de recettes en 2018.

Le Gouvernement s’est fixé pour objectifs, au travers de deux indicateurs de performance (2.2.4 et 2.2.5 dans le rapport annuel de performance), d’atteindre le cap des 100 millions de touristes à horizon 2020 et des 60 milliards de recettes touristiques liées aux séjours des touristes étrangers en France ([1]).

Le secteur touristique dans son ensemble représente plus de 7 % du PIB, soit un chiffre d’affaires d’environ 167,8 milliards d’euros réalisés par plus de 303 000 entreprises. C’est le premier secteur économique en France, qui enregistre une croissance soutenue depuis plusieurs années.

Le tourisme est le secteur qui génère le plus d’emplois en France : environ 2 millions d’emplois directs et indirects.

Or, la rapporteure spéciale estime que le Gouvernement actuel considère que le rôle de lÉtat nest pas nécessaire dans cette économie qui apparaît comme une économie « de rente ». Pourtant, le tourisme constitue un levier crucial de développement économique et une véritable opportunité daménagement de nos territoires, notamment ruraux.

Ainsi, les deux volets d’analyse retenus pour ce semestre de l’évaluation des politiques publiques concernent :

– les moyens réels accordés au seul opérateur de l’État dédié à la politique touristique : Atout France, agence pour la promotion de la France à l’étranger ;

– les moyens dédiés par l’État à la structuration de l’offre touristique, c’est-à-dire les moyens mis en place pour adapter l’offre française à la demande touristique nationale et internationale, notamment en matière de qualité de l’hébergement.

 

I.   Les crédits consacrés à l’opérateur atout France dans le programme 185

A.   la subvention pour charge de service public, constante, doit le rester

Dans le cadre de l’action 7 Diplomatie économique et développement du tourisme du programme 185 Diplomatie culturelle et dinfluence de la mission Action extérieure de lÉtat, le ministère de lEurope et des affaires étrangères a versé 37,4 millions deuros en autorisations dengagement (AE) et en crédits de paiement (CP) à Atout France sur lexercice 2018.

La subvention pour charges de service public (SCSP) s’élève, en 2018, à 31,9 millions d’euros. 1,5 million d’euros supplémentaires ont été versés au titre du fonds pour la gastronomie décidé en cours d’année, auxquels il faut ajouter 4 millions de transferts correspondant à un reversement spécifique au titre des recettes liées aux droits de visas.

Pour mémoire, en 2017, la SCSP s’élevait à 31,1 millions d’euros, à laquelle s’ajoutaient 5 millions d’euros de CP de l’exercice 2016, correspondant au versement du solde du plan d’urgence lancé début 2016 pour un montant total de 10 millions d’euros. Le produit de la recette additionnelle des droits de visas attribué à Atout France était nul en 2017, du fait du solde négatif de ces recettes entre 2017 et 2016.

Programme 185 – action 7 : subventions et transferts en 2017 et 2018

(en millions d’euros)

 

Réalisation 2017 (RAP)

LFI 2018

Réalisation 2018

Programme intéressé ou nature de la dépense

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

185 Diplomatie culturelle ou dinfluence

31 106

36 106

34 191

34 191

37 366

37 366

Subventions pour charges de service public (Atout France)

31 106

31 106

32 691

32 691

33 307

33 307

Transferts

 

5 000

1 500

1 500

4 059

4 059

Total

31 106

36 106

34 191

34 191

37 366

37 366

Source : RAP, PLR 2018.

Les 4 millions de transferts en 2018 ont permis de lever plus de 8 millions d’euros de partenariats auprès des collectivités et du secteur privé, en plus des 30,4 millions d’euros d’autres partenariats réguliers.

B.   des partenariats en hausse, une analyse de la performance très satisfaisante

Avec 38,4 millions deuros, lannée a ainsi été exceptionnelle en termes de partenariats, en hausse de 3,8 millions deuros par rapport à 2017 (34,6 millions d’euros) et de plus de 6 millions par rapport à 2016 (32,3 millions d’euros).

Cette part des partenariats dans le budget d’Atout France fait d’ailleurs l’objet d’un sous-indicateur (3.1.4 dans le rapport annuel de performance) : en 2018, comme en 2017 et 2016, il est supérieur à l’objectif assigné par le projet annuel de performance de 2018, s’établissant à 58 % contre 51,23 % attendus.

Évolution de la part du partenariat dans le budget d’Atout France
depuis 2016

Source : RAP, PLR 2016, 2017 et 2018.

 

58 % des partenariats sont institutionnels mais les participations des adhérents privés sont en hausse marquée en 2018, comme l’illustrent les graphiques ci-dessous.

Répartition de la part du partenariat en 2018

 

Source : Atout France, mai 2019.

 

Les comités régionaux de tourisme (CRT) participent à hauteur de 38 % du chiffre daffaires en 2018, en augmentation en montant depuis 2016. Par exemple, le CRT de Paris Île-de-France participe à hauteur de près de 1,4 million d’euros, au même niveau qu’Air France.

Le graphique ci-dessous présente l’évolution globale des produits d’Atout France depuis 2016.

Évolution des produits d’Atout France depuis 2016

 

 Source : Atout France, mai 2019.

C.   des dépenses très contrôlées

Dans le budget global d’Atout France, dont le montant total s’élève donc à 76,4 millions d’euros en 2018, il est possible de distinguer différents postes :

– 43 millions d’euros sont consacrés à la promotion ;

– 12 millions d’euros au fonctionnement ;

– 18 millions d’euros en salaires et charges sociales.

Évolution des charges d’Atout France depuis 2015

 

Source : Atout France, mai 2019.

En 2018, pour la seule promotion touristique, l’opérateur a réalisé près de
2 700 actions de marketing et communication dans le monde ciblant le grand public, les professionnels du voyage et les prescripteurs. Un accent particulier a été mis sur la promotion de la destination sur internet, en particulier sur le site France.fr, lancé en décembre 2017, traduit en 15 langues et adapté en 28 versions pour mieux correspondre aux attentes des marchés ciblés.

La rapporteure spéciale a pu constater limpressionnant travail réalisé sur ce site France.fr. Elle salue particulièrement la qualité des contenus et la réactivité des équipes pour parvenir à un résultat qui lui semble tout à fait à la hauteur des attentes de publics divers (marchés européens matures, marchés lointains matures, marchés émergents).

Ce site remplit parfaitement, selon elle, son triple objectif de :

– susciter l’envie d’expériences et de voyages immédiats ;

– inviter à la découverte d’une France en mouvement permanent ;

– mettre à l’honneur les talents, la création française, la vitalité de nos territoires autour des marques mondiales de destination.

Ainsi, au total, ce sont 57 % des dépenses qui sont consacrées à la promotion, au même niveau qu’en 2017 (contre 50 % en 2016 et 2015).

D.   Un plan social chez Atout France en 2020 ?

S’agissant des moyens humains d’Atout France, ils n’ont cessé de diminuer depuis 10 ans.

Atout France a assuré en 2018 une nouvelle baisse très sensible des salaires et des charges de plus de 650 000 euros par rapport à 2017 (données incluant les indemnités de départ versées). Entre 2017 et 2018, l’opérateur a, à nouveau, réduit ses effectifs de plus de 24 ETPT.

En 2009, lors de la fusion entre Maison de la France et ODIT, Atout France disposait de 435 équivalents temps plein. En 2018, Atout France regroupe 302 ETPT. Cest donc une baisse de plus de 130 contrats en moins de dix ans qui a été accomplie par Atout France.

Leffort de rationalisation, de réorganisation et dexternalisation consenti par lopérateur est donc considérable.

Dans ce contexte, lannonce par le Gouvernement dune nouvelle demande déconomie de 4 millions deuros de sa masse salariale (soit 12,5 % de la subvention pour charge de service public) en 2020 paraît déraisonnable, à un moment où limage de la France à létranger est, de plus, particulièrement dégradée par la crise des « gilets jaunes ». Il s’agit, en outre, de la masse salariale du réseau d’Atout France à l’étranger, déjà réduite, qui constitue le cœur de l’activité de l’opérateur dans les destinations cibles.

Dans un premier temps, début mars 2019, il avait été évoqué dans une note diplomatique une réduction de la masse salariale exclusivement dans les bureaux à l’étranger, dès 2019.

Puis, le 22 mars, à l’occasion d’un conseil d’administration extraordinaire, M. Jean-Baptiste Lemoyne a précisé aux administrateurs que la réduction demandée porterait sur le budget de fonctionnement d’Atout France.

Sur la forme, selon la rapporteure spéciale, cette entrée en matière paraît déjà contestable : le Gouvernement ne peut agir ainsi en catimini, au mépris du vote du Parlement en lois de finances sur le budget de l’opérateur.

Depuis, cest la cacophonie sur ce sujet, lÉtat ayant porté plusieurs positions dans ses réponses publiques, notamment :

– dans une interview de M. Jean-Baptiste Lemoyne à la presse spécialisée (TourMag) en date du 26 mars 2019 :

« ● TourMaG.com : « Mais malgré tout, si je comprends bien, vous demandez une nouvelle organisation en supprimant un tiers de la masse salariale ? »

● J-B. Lemoyne : « Jai bien précisé que je parlais de fonctionnement. Le fonctionnement, cest plus général que la masse salariale. Ça peut comprendre de la masse salariale, mais aussi dautres éléments, tout simplement liés au soutien, à linfrastructure, à limmobilier, etc.

Je sais quAtout France est en mesure de faire des économies de ce point de vue-là. Ils en ont fait lexemple en déménageant leur siège, ce qui a généré des économies substantielles.

Ce même type de réflexion, de même que les emprises immobilières à létranger peut contribuer efficacement aux objectifs définis par le Premier Ministre.

Mais je pense que penser en termes de fonctionnement permet de ne pas se focaliser sur la masse salariale parce que nous avons aussi besoin des femmes et des hommes dAtout France pour faire rayonner nos destinations. » ;

– en réponse à la question orale de la rapporteure spéciale lors des questions au Gouvernement à lAssemblée nationale le 26 mars 2019, M. Jean-Baptiste Lemoyne a répondu : « Sagissant des outils de la promotion de la France, je tiens à vous rassurer pleinement : sous lautorité du Premier ministre, nous avons fait le choix de leur accorder 5 millions supplémentaires grâce aux recettes des visas. La bonne nouvelle est que ces 5 millions vont devenir 8 millions dici à quelques mois grâce à laugmentation des visas Schengen.» ;

– dans une réponse écrite émise le 23 avril 2019, à M. le Député Luc Carvounas : « Il est attendu dAtout France de nouveaux efforts de gestion dici à fin 2020, impliquant une économie de 4 millions deuros, ce qui représente de lordre de 5 % des dépenses de lopérateur. Lorientation fixée par lÉtat doit marquer le point de départ dune réflexion globale à conduire au sein de lopérateur pour actualiser sa stratégie et optimiser ses interventions. En effet, les objectifs déconomies fixés ne doivent pas affecter les activités et performances dAtout France. »

– dans une réponse publiée le 9 mai 2019 au Journal officiel du Sénat, à une question écrite du Sénateur M. Rachid Temal, il est indiqué : « Il est attendu dAtout France de nouveaux efforts de gestion dici à fin 2020, impliquant une réduction de 17 % de sa masse salariale, à hauteur de 4 millions deuros. » ;

– dans le dossier de presse du 4e Comité interministériel du tourisme (CIT) du 17 mai 2019 : « avant la fin 2020, Atout France produira un effort de réduction de 4 millions deuros de sa masse salariale ».

Dans le même temps, le 18 mars dernier, dans un article du Monde intitulé
« L’effet "gilets jaunes" menace la reprise du tourisme », M. Jean-Baptiste Lemoyne indiquait : « Nous allons augmenter de 25 % les crédits de communication des trois acteurs Atout France, Région Ile-de-France et Ville de Paris ».

La rapporteure spéciale se demande donc légitimement quelle est la position de lÉtat sur la valorisation de son seul opérateur en charge de la promotion du tourisme et de limage de la France à létranger : est-il lheure de lancer un plan social chez Atout France ou faut-il conforter les moyens de la seule agence en mesure de promouvoir la destination France ?


II.   le retrait de l’État de la politique de structuration de l’offre touristique

A.   un désengagement total de Bercy en matiÈre de politique touristique

Les crédits qui étaient encore consacrés au tourisme en 2017 (pour un montant modeste de 1,26 million d’euros) dans la mission Économie ont été, purement et simplement, supprimés en 2018.

Il ny a plus aucune ligne budgétaire pour soutenir les actions de la Direction générale des entreprises (DGE) en faveur du tourisme.

La DGE soutenait pourtant, pour des montants qui semblaient bien peu élevés – 140 000 euros –, des associations œuvrant pour faciliter le départ en vacances de familles modestes.

Elle développait également des marques de structuration de l’offre, comme « Qualité tourisme » (en association avec CCI France et Tourisme et Territoires, visant à améliorer la qualité de l’accueil des visiteurs et à professionnaliser l’hospitalité française), ou « Tourisme & Handicap ».

Elle avait aussi participé à la création de « Data tourisme », une plateforme nationale de collecte, d’uniformisation et de diffusion en open data des données touristiques institutionnelles.

Pour mémoire, en 2017, les crédits qui étaient portés par l’action 21 Développement du tourisme du programme 134 Développement des entreprises et du tourisme servaient à « promouvoir limage touristique de la France et de ses savoir-faire, de structurer loffre touristique, de soutenir les filières et les métiers dans leurs actions damélioration de la qualité et de faciliter le départ en vacances de tous les publics, notamment les personnes handicapées, les seniors et les personnes défavorisées » (extrait du projet annuel de performance d’octobre 2017).

Depuis lannée dernière, la rapporteure spéciale exprime sa plus vive opposition à la suppression totale des crédits alloués à la DGE. Même si ce budget était modeste, il permettait à l’État de maintenir un lien avec les problématiques d’offre touristique et de rester investi dans cette filière économique nationale.

La rapporteure spéciale a déposé lors de l’examen de la dernière loi de finances de nombreux amendements de rétablissement des crédits, lors de l’examen des crédits de la mission Économie au sein de la commission des finances, puis en séance.

Seule sa prise de position sur le rétablissement de 140 000 euros pour les associations œuvrant pour le départ en vacances de familles modestes a finalement été suivie, un amendement gouvernemental ayant été adopté.

Au final, la rapporteure spéciale a appris que certaines actions avaient finalement été financées par redéploiement de crédits au sein du programme 134 : c’est de la pure réallocation interne, qui traduit une responsabilité réelle de la DGE dans le suivi de ses missions, mais ce ne peut pas être une solution satisfaisante de manière pérenne !

En supprimant tous les crédits d’intervention consacrés au tourisme dans la mission Économie, il y a matière à considérer, selon la rapporteure spéciale, qu’il y a un vrai abandon de l’État en matière d’aménagement et de structuration de l’offre touristique. C’est un désengagement complet.

En comparaison, en 2018, les crédits de paiement en faveur du commerce, de l’artisanat et des services se sont élevés à plus de 60 millions d’euros (action 2 du programme 134) ; les actions en faveur des entreprises industrielles (action 3) à 248 millions d’euros.

Ce positionnement politique est confirmé dans le dossier de presse du 4e Comité interministériel du tourisme (CIT) du 17 mai 2019 : l’État considère désormais son rôle comme « subsidiaire » en matière touristique.

Venant d’une région où les « plans Neige », décidés au plus haut niveau de l’État dans les années 1960, ont créé et aménagé des stations de sports d’hiver de haute montagne, offrant durablement de l’emploi et des perspectives d’avenir à ces territoires, la rapporteure spéciale regrette que le Gouvernement renonce à être un État stratège et investisseur en matière touristique, aux côtés des acteurs locaux, pour construire une offre touristique pour lavenir.

B.   l’Expérimentation en cours « France tourisme ingÉnierie » : d’excellentes initiatives locales, comme a la grande-motte par exemple

Dans un contexte de réduction des droits à construire et de préservation du foncier, le vieillissement du parc des résidences de tourisme et la sortie de ces lits du marché locatif fragilisent tout le tissu économique des territoires touristiques. Sont ainsi appelés communément « lits froids et volets clos » les lits touristiques qui sont occupés moins de 4 semaines par an dans des résidences de tourisme souvent vieillissantes car peu ou pas rénovées.

Avec 785 000 lits, ces résidences représentent près de 30 % du parc d’hébergement touristique, pourcentage qui dépasse 50 % dans les départements les plus touristiques, que ce soit à la mer ou la montagne. Or, on estime chaque année les sorties de baux locatifs à 1 à 2 % des lits, à la mer et à la montagne, ce qui représente 5 000 à 10 000 lits chaque année au total qui sortent du parc locatif.

L’enjeu du maintien de ces lits sur ce marché est plus vital encore en montagne où le modèle économique des domaines skiables (et les milliers d’emplois qui y sont liés) dépend exclusivement du nombre de forfaits vendu, qui lui-même dépend pour l’essentiel du nombre de lits touristiques.

Dans certaines stations, les copropriétés traditionnelles sont aussi concernées ; le sujet ne concerne pas uniquement les seules résidences de tourisme.

Le Gouvernement a mis en place en janvier 2018 une expérimentation appelée « France Tourisme Ingénierie », pilotée par Atout France en partenariat avec la Banque des territoires.

Ce dispositif comprend notamment un volet visant à accélérer la rénovation de l’immobilier de loisirs et la transition énergétique de 13 stations pilotes : Alpe d’Huez, La Plagne, Les Deux Alpes, Ax-les-Thermes, Le Lioran, Les Orres, Saint-Gervais, Saint-Lary-Soulan, Valfréjus, Villard-de-Lans, La Baule, Océan-Marais de Monts, La Grande-Motte.

Ce programme, d’une durée de 18 mois, est à mi-chemin. À ce stade, il apparaît en premier lieu que l’expérimentation a permis des avancées méthodologiques nécessaires, permettant à chaque station de mieux connaître son parc d’hébergement (composition des propriétés immobilières de la commune, nature des propriétaires, type d’usage, valeur foncière, date de dernière mutation, etc.). Un outil conçu avec le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) pourrait être utilement déployé à plus grande échelle pour donner une cartographie précise du parc d’immobilier de loisir de chaque commune qui le demande.

La rapporteure spéciale s’est rendue en déplacement à la Grande-Motte, l’une des stations-pilote du littoral, pour échanger avec le maire,
M. Stéphan Rossignol, et ses équipes sur ce qu’il avait mis en œuvre dans sa commune en matière de réhabilitation de l’immobilier de loisir.              

La construction ex nihilo d’une ville balnéaire : La Grande-Motte

Sortie des sables de Camargue à la fin des années 1960, la Grande-Motte est la pièce maîtresse de la « mission Racine » décidée par le Général de Gaulle, qui eut pour objectif d’aménager les côtes du Languedoc-Roussillon pour éviter que les touristes français ne préfèrent les plages espagnoles.

La nouvelle ville balnéaire est confiée à l’architecte-philosophe Jean Balladur, qui consacra 20 années exclusives à ce projet pharaonique. Inspiré par les pyramides de Teotihuacan au Mexique, par Oscar Niemeyer, l’architecte de la ville de Brasilia, Jean Balladur imagina des immeubles-pyramides : les deux premiers sortirent de terre en 1968. Il inventa une architecture-sculpture unique et invita sculpteurs et paysagistes à créer une ville où 70 % des espaces sont des espaces verts !

Si la Grande-Motte a pâti de l’image négative des grands ensembles de banlieue construits à la hâte après la guerre, elle est reconnue aujourd’hui comme une œuvre d’art totale, « Patrimoine du XXe siècle » depuis 2010.

Il ressort de cette journée d’échanges qu’au départ de tout projet de réhabilitation réussie, il y a une volonté politique forte et claire. Élu en 2008, M. Rossignol a d’emblée insufflé à la commune un esprit de renouveau : 100 millions d’euros ont été investis par la ville entre 2008 et 2014, ce qui a incité les acteurs privés à suivre en investissant 60 millions d’euros dans le même temps. En 2010, le maire a lancé les premières Journées du patrimoine de la ville, l’année même où l’œuvre de Jean Balladur a été reconnue au titre de « Patrimoine du XXe siècle », grâce au travail conjoint de la DRAC et des services de la mairie. Le maire a recruté en outre un directeur de station, imposé un ravalement des immeubles tous les dix ans afin de préserver la qualité architecturale de la ville, lancé la marque « LGM » en 2012, obtenu une « 3e fleur ». Tous ces efforts conjugués ont permis de renverser l’image que l’opinion publique avait de la Grande-Motte.

Concernant le volet « valorisation des meublés de loisirs », la Grande-Motte au sein du programme « France Tourisme Ingénierie » est en train de mettre en place un grand chantier qui porte sur la stimulation des propriétaires à réaliser des travaux de rénovation. L’idée est de montrer aux propriétaires via des dispositifs spécifiques d’accompagnement en quoi un réinvestissement calibré dans la décoration ou la rénovation de leur appartement pourrait constituer un levier de valorisation patrimoniale et de plus forte attractivité touristique de leur bien.

Cette initiative prend la forme de « packages d’investissement » (enveloppes cibles de 5 000, 7 000, 10 000 euros), préformatés avec des décorateurs d’intérieur et des artisans de proximité. Le cofinancement public mobilisé est celui de la commune et de la région, qui participent à hauteur de 15 % environ de l’enveloppe de rénovation totale, via une part négociée avec les professionnels due à un effet volume attendu, et via une subvention en tant que telle. En échange, les engagements restent légers pour les propriétaires, puisqu’il s’agit de les inciter à louer un minimum de 6 semaines pendant trois ans.

Cette solution relativement simple mais très opérationnelle a le mérite de « faire envie » aux propriétaires via un investissement en définitive assez léger mais qui leur assure une meilleure rentabilité de leur appartement. Par « désir mimétique » entre voisins, un effet volume pourrait être attendu d’une telle méthode.

Une autre réflexion en cours à la Grande-Motte consiste à faire des propriétaires les « ambassadeurs » de la station, via des avantages au sein de la ville, par exemple des remises sur l’offre de loisirs de la station.

C.   …mais aucun dispositif fiscal incitatif national permettant de répondre À la problématique des « lits froids »

Au niveau global, la rapporteure spéciale salue tous les efforts déployés par les collectivités concernées et l’accompagnement d’Atout France, mais elle regrette surtout que le Gouvernement ne fasse que commander des études d’ingénierie et ne mobilise aucun levier financier étatique pour dupliquer à grande échelle ce genre d’actions innovantes de valorisation immobilière. Les résultats doivent être plus que cosmétiques : il faut une politique forte et volontaire de l’État sur la réhabilitation de l’immobilier de loisirs.

En proposant par exemple une incitation fiscale à la rénovation de leurs biens par les propriétaires, ne serait-ce qu’à une faible hauteur, l’État soutiendrait en outre tout le secteur économique de la rénovation et de la transition énergétique. Il s’assurerait dans le même temps des recettes fiscales importantes (en TVA, en impôt sur les sociétés, etc.). Les retombées économiques lui seraient très largement favorables.

La rapporteure spéciale a déposé lors de l’examen de la dernière loi de finances des amendements, puis une proposition de loi, proposant une incitation fiscale pour que les propriétaires rénovent leur bien et y trouvent un intérêt économique. Elle s’est heurtée à une fin de non-recevoir catégorique de la part de Bercy.

Pour mémoire, dans la loi de finances pour 2017, le législateur avait décidé de réorienter le dispositif dit « Censi-Bouvard » en créant une réduction d’impôt sur le revenu en faveur de la réhabilitation du parc existant des résidences de tourisme, centré sur des travaux de grande ampleur portant sur l’ensemble de la résidence et adoptés en assemblée générale de copropriété entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019.

Ce nouveau ciblage n’a eu qu’une attractivité très faible, compte tenu du caractère très limité des travaux exigibles et des conditions de réalisation de ceux-ci. D’après les informations communiquées à la rapporteure spéciale, cette aide fiscale n’a pas été utilisée et n’a donc, à ce jour, rien coûté à l’État.

Le rapport annuel de performances de la mission Économie recense un certain nombre de dépenses fiscales qui profitent au secteur du tourisme, parmi lesquelles le taux réduit de TVA de 10 % sur les prestations hôtelières. Le coût de cette dépense fiscale est évalué à 730 millions d’euros en 2018. Ce taux réduit est un enjeu de compétitivité et d’attractivité de l’hôtellerie française, mais il s’applique indépendamment d’une démarche de classement pour les hôtels, ce qui n’incite donc pas à améliorer la qualité de l’offre.

 

Le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances de l’année 2019 (que les députés reçoivent chaque année, malheureusement, après l’examen des crédits consacrés au tourisme en commission des finances) dresse une liste très large de dépenses fiscales, recensant ainsi près de 4 milliards de dépenses fiscales concourant à la politique transversale du tourisme (dont 2,8 milliards correspondant au taux réduit de TVA dans la restauration).

La Cour des comptes notait en 2017 dans un rapport sur les politiques publiques en faveur du tourisme : « Les outils budgétaires et fiscaux consacrés au tourisme illustrent les défauts de pilotage de la politique touristique. (…) Le constat est plus sévère encore du côté des dépenses fiscales, car il n’existe pas à ce jour de véritable politique fiscale en matière de tourisme. Faute de stratégie claire et concertée, les outils fiscaux sont additionnés les uns aux autres et reconduits sans véritable évaluation de leur efficacité. (…) L’absence de stratégie consolidée et d’administration pilote en matière fiscale limite les capacités d’adaptation des dispositifs actuels aux évolutions structurelles du secteur touristique (…). »

En définitive, aucun dispositif national ne répond à ce jour à grande échelle à la problématique de la rénovation de l’immobilier de loisirs, ce qui est extrêmement regrettable.

Selon la rapporteure spéciale, en supprimant tous les crédits consacrés au tourisme dans la mission Économie, en mettant fin à toute politique d’investissement national et en refusant d’inciter fiscalement les propriétaires de meublés de tourisme, il y a matière à considérer qu’il y a un vrai abandon de l’État en matière d’aménagement et de structuration de l’offre touristique.

D. des outils financiers inadaptés À la préservation de l’hÔtellerie familiale et indépendante, outil de maillage touristique territorial

En ce qui concerne l’hôtellerie familiale et indépendante, qui a le mérite de couvrir le territoire national, la situation est comparable : il n’y a aucun outil adapté de l’État pour sauver ce type d’offre d’hébergement en déclin dans certains territoires.

Ces hôtels ferment et ne se transmettent plus en raison de droits de succession trop élevés et inadaptés à des reprises. Comme l’indique l’ensemble des représentants de l’hôtellerie aujourd’hui, il coûte aussi cher de transmettre que de vendre son hôtel. Par ailleurs, les mises aux normes et les travaux de rénovation sont trop coûteux par rapport à la capacité d’investissement des propriétaires, qui peinent en outre à trouver des repreneurs et gestionnaires compétents.

 

La rapporteure spéciale estime qu’il conviendrait d’étudier des pistes telles qu’une exonération partielle de droits de successions en contrepartie de travaux et d’une transmission d’activité. Elle a ainsi déposé lors du dernier examen du projet de loi de finances, un amendement qui proposait de créer un pacte Dutreil renforcé pour les seules activités hôtelières. Cet amendement visait à relever de 75 % à 90 % l’exonération des droits de mutation à titre gratuit afin de répondre à la situation spécifique de la reprise de l’hôtellerie familiale et indépendante. Cette exonération de droits de mutation ou de succession à hauteur de 90 % serait uniquement conditionnée à un investissement – au sein de la société reprise – d’un montant au moins équivalent à 60 % des droits normalement dus, et ce dans un délai maximum de 36 mois à compter de la mutation ou de la succession. Ces investissements seraient en outre générateurs de TVA et soutiendraient l’emploi direct et indirect.

Cet amendement n’a pas été adopté. Il s’agissait surtout d’un amendement d’appel pour inciter le Gouvernement à se saisir de la question qui est cruciale quand on voit que l’hôtellerie familiale et indépendante stagne globalement et continue de chuter dans des zones à forte densité touristique et saisonnières (‑ 4 % en Auvergne Rhône-Alpes, – 6 % en nouvelle Aquitaine).

La durée des prêts « hôtellerie » mis en place par Bpifrance pour faire face aux enjeux de réhabilitation lourde paraît en outre trop courte – 15 ans en moyenne –, et ce de l’avis même du directeur général de Bpifrance interrogé par la rapporteure spéciale sur ce sujet en réunion de la Commission des finances. Selon la rapporteure spéciale, il conviendrait que cette durée soit allongée à 25 ans pour tenir compte du modèle économique de ces établissements, de l’importance des travaux qu’ils ont à engager et de la saisonnalité de leur activité. C’est possible si l’État ou la Banque des territoires mettent en place des dispositifs de contre‑garantie adaptés.

Invités en audition à l’Assemblée nationale par la rapporteure spéciale, M. Fabrice Galland, président, et M. Karim Soleilhavoup, directeur général de la Fédération internationale des Logis, ont clairement assuré que le modèle économique de l’hôtel-restaurant rural avec plus de 20 chambres est encore viable.

Leur Fédération met notamment en place des actions extrêmement utiles pour permettre à ces hôteliers-exploitants de mieux vendre leurs chambres, notamment en ligne, former leurs collaborateurs, rénover leur établissement, etc. Elle lance également le concept d’ « Auberges de pays » dans les villages de moins de 3 000 habitants, l’idée étant de transformer ce qui est souvent le dernier commerce du village en véritable lieu de vie à destination des habitants et touristes.

Au total, le réseau Logis représente aujourd’hui 16 % de l’hôtellerie française et 39 % des établissements de moins de 20 chambres, principalement en espace rural, soit 2 400 hôtels, 45 000 chambres et 18 000 employés et apprentis.

Le dynamisme de ce groupe montre que cette catégorie d’offre touristique a encore de l’avenir, contrairement aux discours fatalistes trop souvent entendus par ailleurs.

E. une réforme de la taxe de séjour trop complexe : une réelle simplification est nécessaire sous peine d’importantes erreurs de calculs et de collecte

La loi de finances rectificative pour 2017 a modifié le régime juridique applicable en matière de taxe de séjour à compter du 1er janvier 2019.

D’une part, les hébergements sans classement ou en attente de classement sont désormais taxés proportionnellement au coût par personne de la nuitée et non plus en fonction du barème tarifaire défini par le législateur.

D’autre part, les professionnels qui agissent pour le compte de loueurs non professionnels en qualité d’intermédiaire de paiement sont obligatoirement chargés de collecter la taxe de séjour à la place des hébergeurs.

Pour assurer la mise en œuvre de la réforme, les communes et les EPCI devaient fixer le taux applicable aux hébergements non classés, compris entre 1 % et 5 %, avant le 1er octobre 2018 pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2019.

Certaines communes et certains EPCI n’ont pas délibéré avant le 1er octobre 2018 pour adopter le taux applicable aux hébergements sans classement ou en attente de classement à compter de 2019. Pour assurer la continuité de la perception de la taxe de séjour, le législateur a prévu que pour les communes et les EPCI qui percevaient la taxe de séjour en 2018 et qui n’ont pas délibéré avant le 1er octobre 2018, un taux de 1 % s’applique de plein droit au coût par personne de la nuitée des hébergements sans classement ou en attente de classement en 2019.

Le tarif obtenu par application de ce taux reste plafonné soit au tarif le plus élevé adopté par la collectivité en 2018 soit, s’il est inférieur, au tarif plafond applicable aux hôtels de tourisme 4 étoiles.


Le tableau ci-dessous présente le barème et les taux applicables en 2019.

Barème et taux applicables pour 2019

Catégories d’hébergement

Tarif plancher

Tarif plafond

Tarif moyen adopté*

Palaces

0,70 €

4,00 €

2,61 €

Hôtels de tourisme 5 étoiles, résidences de tourisme 5 étoiles, meublés de tourisme 5 étoiles

0,70 €

3,00 €

1,79 €

Hôtels de tourisme 4 étoiles, résidences de tourisme 4 étoiles, meublés de tourisme 4 étoiles

0,70 €

2,30 €

1,32 €

Hôtels de tourisme 3 étoiles, résidences de tourisme 3 étoiles, meublés de tourisme 3 étoiles

0,50 €

1,50 €

0,93 €

Hôtels de tourisme 2 étoiles, résidences de tourisme 2 étoiles, meublés de tourisme 2 étoiles, villages de vacances 4 et 5 étoiles

0,30 €

0,90 €

0,67 €

Hôtels de tourisme 1 étoile, résidences de tourisme 1 étoile, meublés de tourisme 1 étoile, villages de vacances 1, 2 et 3 étoiles, chambres d’hôtes

0,20 €

0,80 €

0,56 €

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 3,4 et 5 étoiles et tout autre terrain d’hébergement de plein air de caractéristiques équivalentes, emplacements dans des aires de camping‑cars et des parcs de stationnement touristiques par tranche de 24 heures

0,20 €

0,60 €

0,45 €

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 1 et 2 étoiles et tout autre terrain d’hébergement de plein air de caractéristiques équivalentes, ports de plaisance

0,20 €

0,20 €

Hébergements sans classement ou en attente de classement

1 %

5 %

3,5 %

* Calculé à partir des tarifs effectivement adoptés par les collectivités

Source : articles L. 2333-30 et L. 2333-41 du code général des collectivités territoriales version en vigueur au 1er janvier 2019, calculs Direction générale des collectivités locales

Il ressort de toutes les auditions menées par la rapporteure spéciale au printemps 2019 que tous les acteurs du tourisme se plaignent d’une trop grande complexité du dispositif. Les communes et les professionnels chargés de la collecte considèrent que « c’est un enfer de difficultés pour collecter la taxe de séjour » ; les particuliers ne comprennent pas quel taux appliquer ; les offices de tourisme doivent faire face à une surcharge administrative réelle liée aux nombreuses demandes d’aides au calcul.

 

 

 

Au vu des premières simulations de collecte, il apparaît des cas où :

– les plateformes semblent encaisser la taxe de séjour pour toutes les catégories d’hébergement classés ou sans classement au tarif à la proportionnelle, et non pas en fonction du barème pour les meublés classés ;

– elles ne font pas de distinction entre les adultes et les enfants ;

– dans certains cas, elles n’encaissent aucune taxe de séjour.

S’il convient d’attendre la fin d’année pour réaliser un premier bilan global coûts/bénéfices, et notamment pour savoir si au final les communes dans leur ensemble recevront plus ou moins de recettes de taxes de séjour en 2019, il apparaît d’ores et déjà qu’il y a une unanimité contre un système jugé illisible donc difficilement applicable.

La rapporteure spéciale estime que le rééquilibrage à l’origine du dispositif voté par le législateur, qui visait à éviter la concurrence déloyale des plateformes de location en ligne, était nécessaire mais le système actuel pose tant de difficultés qu’il apparaît dans tous les cas crucial de le simplifier.

 


—  1  —

   Travaux de la commission

Lors de sa réunion de 15 heures, le lundi 3 juin 2019, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

 

 

 

Le compte rendu et la vidéo de cette réunion sont disponibles sur le site de l’Assemblée nationale.

 

 

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   annexe 1 :
personnes auditionnées par la rapporteure spéciale

(par ordre chronologique)

 

Association pour un Hébergement et un Tourisme professionnel (AhTop)*

M. Quentin Michelon, délégué général

Action logement*

M. Nicolas Bonnet, directeur régional Auvergne-Rhône-Alpes

Atout France

M. Christian Mantei, directeur général

M. Philippe Maud’hui, directeur de l’ingénierie et du développement des territoires

Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV)* 

M. Timothée de Roux, président

M. Philippe Bauer, directeur des affaires publiques du groupe Expedia / HomeAway

M. Arthur Gachet, conseil en affaires publiques

Fédération Internationale des Logis

M. Fabrice Galland, président

M. Karim Soleilhavoup, directeur général

Association nationale des élus des territoires touristiques (ANETT) 

M. Philippe Sueur, président

Mme Géraldine Leduc, directrice générale

M. Simon Lebeau, chargé de mission

 

Direction générale des entreprises (DGE) du ministère de léconomie et des finances

Mme Emma Delfau, cheffe du service tourisme, commerce, artisanat et services

M. Dimitri Grygowski, sous-directeur du tourisme

 

Visite du siège dAtout France :

M. Christian Mantei, directeur général

M. Yann Delaunay, secrétaire général

M. Philippe Maud’hui, directeur de l’ingénierie et du développement des territoires

Mme Sophie Lacressonière, directrice marketing

M. Jean-Baptiste Cazaubon, chef de mission communication corporate et relations publiques

Déplacement à la Grande-Motte :

M. Stéphan Rossignol, maire et président de l’agglomération du Pays de l’Or

M. Antoine Roger, directeur de cabinet du maire

Mme Julie Pronost, adjointe au maire, déléguée au tourisme

M. Jérôme Arnaud, directeur de station

M. Jacques Mestre, président général de l’UMIH Languedoc-Roussillon

Mme Christine Guichardan, directrice de l’agence Interhome de la Grande-Motte

M. Cyril Caffin, gérant principal des agences Sogeclub (à La Grande-Motte et à Tignes)

 

La rapporteure spéciale remercie les personnes auditionnées pour léclairage quelles lui ont apporté.

Elle remercie tout particulièrement pour leur accueil et leur grande disponibilité M. Mantei, directeur général dAtout France, et M. Rossignol, maire de la Grande-Motte.

 

 

* Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


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   annexe 2 :
sources utilisées par la rapporteure spéciale

 

 

Cour des comptes, La politique fiscale en matière de tourisme, novembre 2017.

Atout France, La réhabilitation de l’immobilier de loisir dans les stations de montagne, actualisation 2019, janvier 2019.

France Tourisme Ingénierie, Réhabilitation de l’immobilier de loisir et transition énergétique des stations, séminaire / compte-rendu, janvier 2019.

Direction générale des entreprises, Mémento du tourisme, édition 2018, avril 2019.

Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2018 de la mission Action extérieure de l’État, mai 2019.

Direction générale des collectivités locales / Direction générale des entreprises, Guide pratique sur les taxes de séjour, édition mise à jour de mai 2019.

 


([1]) Pour mémoire, l’objectif initial était fixé à 50 milliards d’euros de recettes, mais en 2018, la Banque de France a annoncé une importante révision des recettes de la France issues du tourisme international, dans le poste « services de voyages » de la balance des paiements. Les recettes issues du tourisme international s’en trouvent augmentées d’environ 10 milliards d’euros par an. Ce gain de précision dans les statistiques a été obtenu grâce à une adaptation de l’enquête aux nouveaux marchés émetteurs émergents, particulièrement asiatiques, à une meilleure exploitation des données bancaires, au recours à de nouveaux modes de mesures basés sur de nouvelles données, en particulier issues de la téléphonie mobile, ainsi qu’à l’utilisation de données « miroir » en collaboration avec de nouveaux pays.