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N° 2029

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 juin 2019

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI

 

relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte ( 1907)

PAR M. Mansour KAMARDINE

Député

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1907.

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS............................................ 7

Première partie Les Mahorais dans la République française

A. Une géographie exiguë

B. Mayotte devenue département français

1. Une histoire particulière avec la France

2. Une volonté permanente dêtre et de demeurer des Français

C. Une situation démographique, économique et sociale complexe

D. Un trésor naturel à préserver

SECONDE partie La nécessité dun rattrapage, limpératif dun engagement fort de la nation aux côtés des Mahorais

A. Des lacunes criantes

1. Un droit social toujours dérogatoire au droit commun

2. Un territoire sous-doté par lÉtat

B. La question primordiale des infrastructures de transport

1. La piste de l’aéroport de Pamandzi et ses conséquences

2. La modernisation du port de Longoni

3. Des liaisons routières désormais inadaptées

4. Les conséquences sur l’approvisionnement du territoire et les coûts des denrées

C. Des équipements sous-dimensionnés qui étouffent le développement de Mayotte

1. Le centre universitaire de formation et de recherche

2. La gestion de la ressource en eau

3. Un approvisionnement énergétique peu respectueux de l’environnement

4. Le rendez-vous des Jeux des Îles de l’océan Indien 2027

Commentaire des articles de la proposition de loi

Titre Ier Dispositions générales

Article 1er  Effort de la Nation en faveur du Département de Mayotte

Article 2 Programme de développement pour la période 2020-2029

Article 3 Rapport d’application de la loi

Titre II Dispositions relatives aux infrastructures

Article 4 (art. 9 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique) Possibilité de porter de six à dix ans la durée des contrats de convergence applicables à Mayotte

Article 5 Contenu du contrat de convergence pour Mayotte en matière d’infrastructures

Titre III Dispositions relatives au droit à l’égalité sociale

Article 6 Application à Mayotte du code de la sécurité sociale de plein droit

Article 7 Rapport sur l’ouverture des dispositifs sociaux de droit commun et l’alignement des montants des minimas sociaux

Article 8 Assurance vieillesse à Mayotte

Titre IV Dispositions relatives aux dotations aux collectivités territoriales

Article 9 Recensement de la population de Mayotte

Article 10 Base des dotations aux collectivités territoriales de Mayotte versées à partir de 2020

Article 11 Fonds temporaire de dotations spéciales aux collectivités territoriales et syndicats intercommunaux de Mayotte

Titre V Dispositions relatives à la préservation de l’environnement et à l’inscription du territorie dans une trajectoire bas carbone

Article 12 Contenu du contrat de convergence pour Mayotte en matière de gestion de l’eau et des déchets

Article 13 Contenu du contrat de convergence pour Mayotte en matière de développement durable

Titre VI Dispositions relatives aux dotations aux collectivités territoriales

Article 14 Gage de recevabilité financière

Titre VII Dispositions diverses

Article 15 Décret d’application

Compte rendu des débats

Annexe : des inégalités persistantes dans les pRestations sociales versées à Mayotte

Personnes entendues


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Mesdames, Messieurs,

Cent-unième département français, Mayotte est confrontée à des difficultés d’une ampleur incomparable à celles que subissent les Français des autres départements d’Europe et d’outre-mer. Ce territoire, dont les destinées sont unies à la France depuis 1841, dont les hommes et les femmes revendiquent avec fierté leur statut de citoyen, est à mille lieux de l’économie développée qu’on imaginerait trouver sur le territoire d’une grande puissance.

Pourtant, les potentialités et les atouts de Mayotte sont exceptionnels : une biodiversité et un lagon parmi les plus beaux et les plus vastes du monde, une situation au cœur de flux économiques régionaux en pleine expansion, une position stratégique à l’entrée Nord du canal du Mozambique, un établissement au centre d’une zone économique exclusive de 450 000 km², des terres arables extrêmement fertiles, des ressources halieutiques très utiles lors des négociations de la politique agricole commune pour défendre les agriculteurs de métropole, une culture régionale forte, un attachement indéfectible à la France, une population jeune qui aspire au développement économique et social et au rayonnement de Mayotte sous les couleurs françaises dans le sud-ouest de l’océan Indien.

Néanmoins, mal équipée, destinataire avec retard des technologies modernes, Mayotte est victime de l’histoire. Quarante années après son incorporation volontaire dans la nation française, ses voisines – les îles d’Anjouan, de Grande-Comore et de Mohéli – ont été placées sous le protectorat de la France. Pour l’autorité coloniale, il était logique d’administrer ensemble ces territoires qui, pourtant, n’avaient jamais formé une entité politique unie. Dans la seconde moitié du XXe siècle, ces colonies ont voté à plus de 99 % pour leur indépendance. Mayotte, qui partageait avec la France un passé différent et plus profond, a confirmé son choix d’être et de demeurer française. Chacun aurait dû se satisfaire d’obtenir ce pour quoi il avait voté : l’indépendance pour les Comoriens, le drapeau tricolore pour les Mahorais.

Mais les bulletins de vote du vingtième siècle sont contestés par les flux migratoires du vingt-et-unième. Les Comoriens ont pu en nombre immigrer illégalement à Mayotte en l’absence d’une politique effective de maîtrise des frontières, notamment depuis 2012, de sorte que la population n’y était qu’à peine majoritairement française en 2017.

Pour les Mahorais, cette situation a des conséquences. Mayotte est une île pauvre, très en retard sur la moyenne nationale en termes de niveau de vie et de développement. L’arrivée massive sur son territoire d’une population plus pauvre encore ne peut qu’ajouter des difficultés aux difficultés. L’exaspération s’est manifestée en 2017 et en 2018, lorsque les Mahorais ont appelé l’État à, enfin, prendre ses responsabilités.

À la vérité, le Gouvernement a réagi. Dans le domaine régalien, la politique de lutte contre l’immigration clandestine (LIC) et l’insécurité a franchi un palier. Mais sa montée en puissance nécessite d’autres avancées qui peinent à se concrétiser, notamment la coordination annoncée pour mai 2019, sur le modèle du plan Harpie mené en Guyane, des forces de sécurité avec l’armée, ou encore la permanence des moyens à la mer de la LIC qui fait toujours défaut. En ce qui concerne la souveraineté française à Mayotte, une feuille de route intergouvernementale vers la reconnaissance internationale de la francité de Mayotte, établie à la demande et en association avec les élus mahorais, dont les premières actions commencent à porter ses fruits, est en cours de finalisation. Enfin, une refondation de l’aide publique française au développement aux Comores dotée de moyens conséquents et axée sur la fixation des populations comoriennes dans leurs îles d’origine est dans sa phase finale de négociation.

Concernant les autres secteurs de l’action publique, face au risque d’embrasement de l’île, un plan d’action pour l’avenir de Mayotte officiellement doté de 1,3 milliard d’euros d’ici à 2022 a été présenté en mai 2018. Cet engagement apparaît important à première vue. Hélas, il ne résiste pas à l’analyse.

En termes comptables, le plan du Gouvernement rassemble dans une même enveloppe des crédits différents. Certains étaient déjà prévus de longue date : pour le centre hospitalier par exemple, 172 des quelque 200 millions d’euros annoncés étaient en réalité fléchés depuis 2017. D’autres étaient certains dans leur principe, comme les installations scolaires dont la programmation financière est passée de 400 millions à 500 millions. Il y a donc loin de la coupe aux lèvres, les mesures nouvelles représentant environ 15% seulement de l’enveloppe financière annoncée.

En termes stratégiques, ensuite et surtout, le Gouvernement a conçu un plan pour répondre à son objectif principal de calmer le mécontentement, de restaurer l’ordre public. On ne saurait lui en faire grief dans la mesure où le retour au calme était, en effet, un préalable à toute politique publique.

Mais en édifiant des écoles primaires et des collèges, en améliorant le service d’obstétrique de l’hôpital de Mayotte, en élevant des logements sociaux pour les nouveaux arrivants, le gouvernement se limite à maintenir le statu quo. Les deux déterminants fondamentaux de la crise sont toujours présents : l’immigration irrégulière se poursuit, décourageant les Mahorais d’y construire leur avenir ; la pauvreté prévaut encore sans grand espoir de recul. En concentrant son action sur les services publics permettant l’intégration sociale des immigrés, le Gouvernement a entrepris de labourer la mer. Pire : si la délinquance, notamment les vols, a diminué sur un an, ce dont il faut se féliciter, les violences aux personnes de nature criminelle augmentent. Aussi le ressentiment perdure-t-il pour s’exprimer désormais par des voies institutionnelles qui ne sont pas forcément les moins dangereuses.

Le plan du gouvernement de 2018 est en cours de contractualisation à travers un contrat de convergence État-Mayotte 2019-2022 dont la signature est prévue prochainement. Les auditions, puis l’examen du texte en commission des Lois, ont permis d’établir le volume financier d’intervention de l’État dans le contrat de convergence : 1,1 milliard d’euros, soit 500 millions de valorisation et 600 millions de contractualisation. Au final, les mesures nouvelles sont très faibles en volume et en nombre. Le plan ne prévoit la programmation financière d’aucune des grandes infrastructures de désenclavement et de rayonnement régional. Il n’engage pas le relèvement des dotations aux collectivités qui sont pourtant très inférieures à la moyenne par habitant. En outre, il vise un objectif de production énergétique bas carbone particulièrement faible puisque la production d’électricité demeurerait carbonée à 80 % alors que la cible nationale pour 2022 est inférieure à 10 %. Enfin, les moyens dédiés à la préservation de l’environnement et de la biodiversité ne sont pas suffisants pour atteindre les normes et les objectifs français et européens.

La proposition de loi soumise à l’Assemblée nationale s’efforce d’exposer aux représentants de la nation qu’un autre avenir est possible pour Mayotte. Cette île ne doit pas demeurer dans la dépendance des quelques aides toujours insuffisantes qui lui sont envoyées de Paris. L’ambition des Mahorais n’est pas, ne sera jamais, de vivre d’aides sociales dans un logement social, sans aucun espoir de mettre en valeur le territoire sur lequel ils sont nés. Cependant, la convergence des droits sociaux, pourtant au cœur de la loi sur l’égalité réelle outre-mer du 28 février 2017 qui a institué les plans et les contrats de convergence, est d’une telle lenteur qu’on peine à la déceler sur le terrain, ce qui est vécu localement comme un déni de citoyenneté.

Ce qui est proposé ici, pour une somme finalement modérée puisqu’inférieure à cent millions d’euros par an sur dix ans, montant qu’abonderont dans un avenir proche les fonds structurels européens, est moins une alternative qu’un complément structurel à l’actuelle action de l’État. C’est une politique volontariste et ambitieuse qui tient en un seul mot : développement durable.

On est condamné à la misère quand on ne dispose pour aéroport que d’une piste que la plupart des appareils venus d’Europe ne peuvent emprunter. On est condamné à la relégation quand, en dépit d’un port naturel remarquable et d’une situation géographique privilégiée, le gouvernement persiste à dédaigner l’infrastructure portuaire de Longoni. On est condamné au dépérissement de l’environnement quand, malgré les investissements dans de superbes stations d’épuration, personne ne semble comprendre que la connexion des populations au tout-à-l’égout est un préalable absolu. On est condamné à la désolation quand on persiste à produire l’électricité à partir d’hydrocarbures dans une île où le soleil brille toute l’année. On est condamné à la précarité quand les collectivités ne reçoivent pas les dotations qui leur sont dues parce qu’une partie notable de la population échappe aux recensements officiels et qu’on discrimine très clairement nos concitoyens de Mayotte en leur refusant l’égalité sociale.

Les Mahorais n’en peuvent plus qu’on remette sans cesse à demain ce qui est prévu de longue date. Ils demandent que les infrastructures, pour certaines décidées il y a quinze ans, trouvent une programmation financière. Ils demandent un agenda clair et resserré de l’égalité sociale annoncée en 2014 pour 2019 par les plus hautes instances de l’État. Ils demandent de ne pas être laissés en marge de l’accélération promise en 2019 des politiques climatiques et environnementales.

Les Mahorais ont foi en la France et en leurs capacités de se développer. Ils sont prêts à tous les efforts pour accomplir leur part du chemin. Mais ils ont besoin d’outils, d’équipements, d’infrastructures pour enclencher le cercle vertueux d’un développement économique et social respectueux de l’environnement et pour concourir au rayonnement culturel de la France et de l’Europe dans une région du monde à fort potentiel.

Avec son plan de 2018 en cours de contractualisation via un contrat de convergence 2019-2022, le Gouvernement a mis Mayotte sur une jambe. Après quarante-cinq années durant lesquelles l’État central a décidé ce qui était bon pour les Mahorais, la présente proposition de loi vous propose, dans un esprit de coconstruction, de prendre en compte leurs priorités, en y adjoignant une deuxième jambe, celle qui permettra, enfin, de mettre Mayotte en marche.

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   Première partie
Les Mahorais dans la République française

A.   Une géographie exiguë

Mayotte est un archipel de deux îles et d’une trentaine d’îlots situé dans l’océan Indien, entre l’équateur et le tropique du Capricorne, à l’entrée nord du Canal du Mozambique. À 300 kilomètres de Madagascar et à 400 kilomètres de la côte du Mozambique, mais à 8 000 kilomètres environ du territoire européen de la France, elle est implantée dans l’archipel géologique des Comores également constitué des îles de Grande Comore, où se situe la capitale de l’Union des Comores, distante de 245 kilomètres, de Moheli et d’Anjouan – la plus proche d’elle, distante d’environ 70 kilomètres.

Mayotte et son environnement immédiat

D’une superficie de 375 kilomètres carré, Mayotte est le troisième département français le plus réduit en taille ([1]). Le faible espace dont disposent les Mahorais pour vivre et satisfaire aux exigences de leur développement n’est pas étranger aux difficultés économiques que rencontre la population.

Le climat, de type tropical humide, alterne deux saisons : une saison des pluies de novembre à avril et une saison sèche de mai à octobre. La moyenne annuelle des températures est de 25,6 °C.

D’origine volcanique, les deux îles principales sont séparées par un bras de mer d’environ 2 kilomètres, de sorte que les trajets de l’une à l’autre s’effectuent par voie maritime :

– Grande-Terre, appelée aussi Maore M’Bole en shimaoré ([2]), est l’île principale. D’une superficie de 359 km2, découpée et pentue, elle est formée de six massifs érodés dont le plus élevé, le Bénara, culmine à 660 mètres. Sa forme caractéristique évoque un hippocampe, qui est également devenu le symbole de Mayotte ;

– Petite-Terre, ou Maore Titi en shimaoré, compte seulement 15 kilomètres carré. Elle est ancrée sur la barrière de corail à l’est du lagon et reliée par une digue artificielle au rocher de Dzaoudzi.

La géographie formule ainsi plusieurs contraintes auxquelles doivent s’adapter les Mahorais. Outre l’insularité et ses conséquences immédiates en termes de difficulté de circulation et d’approvisionnement, le relief très accidenté de l’île principale provoque une concentration de la population dans les espaces plats, le plus souvent le long du littoral, ce qui ne facilite pas l’activité économique et la culture des terres ([3]).

B.   Mayotte devenue département français

1.   Une histoire particulière avec la France

Le peuplement originel de Mayotte est d’origine bantoue et austronésienne ; il aurait eu lieu entre les Ve et VIIIe siècles. Entre les XIIIe et XVe siècles, les invasions arabes qui frappent les îles des Comores y introduisent la culture swahilie et la religion musulmane ([4]). Des sultanats rivaux se créent dans l’archipel, qui n’a donc jamais constitué une entité politique unie.

En 1503, Mayotte est identifiée pour la première fois par une escadre portugaise. Elle est dénommée Île du Saint-Esprit en 1507 et cartographiée en 1527. Mais les contacts avec les Européens restent très limités jusqu’au XIXe siècle ([5]).

À la fin du XVIIIe siècle, le sultanat d’Anjouan tente à plusieurs reprises de conquérir Mayotte, mais ses entreprises se soldent par des échecs. Puis les razzias menées par des pirates malgaches, souvent commandités par les sultanats voisins, dépeuplent fortement lîle, qui ne compte alors plus que 3 000 habitants. Mayotte sert de plaque tournante pour les puissances régionales dans le commerce de l’esclavage.

Inquiet de la protection accordée à la monarchie malgache par le Royaume-Uni et afin de se protéger des velléités colonisatrices de ses voisins, le sultan d’origine malgache Andriantsouli prend la décision radicale de céder son territoire à la France, représentée par le commandant Pierre Passot, le 25 avril 1841. La France, à la recherche d’un abri maritime dans la région depuis la perte de l’Île de France (Maurice) à l’issue des guerres de la Révolution et de l’Empire, souhaite reprendre pied dans la région. Mayotte devient territoire français en droit en 1843 à l’occasion de la ratification du traité de cession.

Il convient, d’ores et déjà, de souligner trois éléments majeurs dans la relation franco-mahoraise :

–  Mayotte est devenue française dès la première moitié du XIXe siècle, près de vingt ans avant Nice et la Savoie ([6]), de sorte que le sentiment national a eu le temps de s’y enraciner ;

–  alors que Mayotte comptait, à la date de la prise de possession française, environ 3 000 habitants dont entre un tiers et la moitié avaient le statut d’esclaves en vertu de la traite arabe, l’abolition de lesclavage y est prononcée par l’ordonnance royale du 27 avril 1846 – soit deux ans avant le décret Schœlcher mettant fin au système servile sur l’ensemble du territoire national ([7]). Bien que la décision d’affranchir les Mahorais n’ait pas été dénuée de considérations économiques, la protection apportée par la France au territoire fait que les Mahorais associent la présence française à Mayotte à lidée de liberté individuelle et collective ;

–  enfin, c’est sur le fondement de la possession de Mayotte que la France est autorisée par la conférence de Berlin ([8]) à étendre son influence sur l’ensemble de l’archipel des Comores. Le protectorat établi sur Mohéli en 1886, sur Grande Comore et Anjouan en 1892, les place sous l’autorité du gouverneur de Mayotte. Il n’y a donc pas de cohésion politique de larchipel des Comores, sinon sur décision administrative du colonisateur français.

Des statuts divers se succédèrent ensuite jusqu’à ce que les Comores deviennent finalement un territoire d’outre-mer par une loi du 9 mai 1946 ([9]) et un décret du 24 septembre 1946 ([10]). Le chef-lieu est d’abord établi à Dzaoudzi, comme depuis la fin du XIXème siècle, sur l’île de Mayotte, puis à Moroni sur l’île de Grande-Comore à la veille des indépendances.

2.   Une volonté permanente d’être et de demeurer des Français

À rebours des possessions françaises dont les populations ont sollicité et obtenu l’indépendance, l’histoire de Mayotte au cours des soixante dernières années témoigne de la ferme résolution des Mahorais de demeurer des Français de plein droit.

Dès 1958, alors qu’était proposé aux possessions d’outre-mer d’opter, par référendum, pour l’indépendance, le statut de territoire d’outre-mer ou celui de département d’outre-mer, les quatre représentants des mahorais à l’assemblée territoriale des Comores avaient déposé une motion de départementalisation. Débattue le 11 décembre 1958, cette motion fut rejetée par l’assemblée territoriale qui estimait que, eu égard à leurs mœurs et coutumes particulières, les Comoriens « sintègreraient difficilement au statut français » ([11]).

Un référendum sur lindépendance des îles de l’Archipel des Comores est organisé le 22 décembre 1974 ([12]). Si le scrutin fait apparaître une quasi-unanimité en faveur de l’indépendance à Grande Comore, Anjouan et Mohéli avec plus de 99,9 % de « oui » sur chacune des trois îles, tel n’est pas le cas à Mayotte où, malgré les pressions et les irrégularités des opérations de votes imputables aux tenants de l’indépendance, plus de 63 % des Mahorais font le choix de demeurer français ([13]).

La déclaration unilatérale dindépendance des Comores, le 6 juillet 1975, est acceptée par la loi du 31 décembre 1975 ([14]) : les trois îles qui s’étaient prononcées en faveur de l’indépendance forment un État indépendant tandis que l’évolution institutionnelle de Mayotte donne lieu à deux consultations :

–  le 8 février 1976, la consultation demandant aux Mahorais sils souhaitent rester Français confirme la volonté de la population de maintenir Mayotte au sein de la République, avec un résultat positif de 99,4 % ([15]) ;

–  le 11 avril 1976, à la question « Désirez-vous que Mayotte conserve ou abandonne le statut de territoire doutre-mer ? », le statut de territoire d’outre-mer est rejeté par 97,47 % des suffrages exprimés. Mais près de quatre votants sur cinq ont déposé un bulletin réclamant la départementalisation, décompté comme nul. Mayotte est alors dotée d’un statut particulier, sur le fondement de l’article 72 de la Constitution autorisant le législateur à créer une collectivité sui generis ([16]).

L’appartenance de Mayotte à la République française et la citoyenneté française des Mahorais désormais hors de doute ([17]), il faut attendre le début du XXIe siècle pour voir aboutir la départementalisation tant réclamée. Le 27 janvier 2000, un accord sur lavenir de Mayotte est signé en ce sens entre le Gouvernement et le conseil général ainsi que les principaux partis politiques de l’île ([18]). Consultée le 2 juillet 2000, la population de Mayotte approuve le texte à plus de 72 %. Le législateur dote alors l’île du statut de « collectivité départementale » et lui confère un statut médian entre identité et spécialité législative ([19]).

Finalement, à la demande de leurs représentants élus et avec l’accord des autorités de l’État, les Mahorais ont été consultés le 29 mars 2009 quant à l’opportunité de faire de leur collectivité un département doutre-mer relevant de larticle 73 de la Constitution, qui exercerait en outre les compétences d’une région d’outre-mer. L’évolution a bénéficié d’un soutien massif, le « oui » recueillant 95 % des suffrages exprimés avec un taux de participation excédant 61 % des électeurs inscrits.

Le législateur a entériné cette évolution ([20]). Le 31 mars 2011, Mayotte est devenu le cent-unième département français et, à compter du 1er janvier 2014, une région ultrapériphérique de lUnion européenne sur le territoire de laquelle s’applique l’essentiel du droit européen.

Ainsi que le souligne un récent rapport présenté par le président de la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale ([21]) : « Cette départementalisation constitue laboutissement dune aspiration maintes fois exprimée par la population mahoraise, qui est celle ayant été conduite à sexprimer le plus souvent sur son appartenance à la République française et sur son statut au sein de celle-ci. Les résultats de ces consultations ont traduit lattachement indéfectible de Mayotte à la France. »

Votre rapporteur souscrit à cette position qu’il entend cependant compléter : si la départementalisation est certes un aboutissement, elle est aussi le début d’un nouveau processus, d’une nouvelle étape dans le développement de Mayotte au sein de la République qui doit permettre de parvenir à une égalité non seulement juridique mais aussi humaine, économique et sociale entre l’ensemble des Français et leurs concitoyens mahorais.

C.   Une situation démographique, économique et sociale complexe

La population de Mayotte a connu une croissance démographique extrêmement rapide. Si la population s’élevait en 1958 à 23 364 habitants, le dernier recensement disponible faisait apparaître que 256 518 personnes habitaient l’archipel en 2017, contre 212 645 lors du recensement de 2012 et 186 452 à l’occasion de celui de 2007. Mayotte est ainsi le département français dont la croissance démographique – 3,8 % par an – est la plus élevée.

En 2017, l’indicateur conjoncturel de fécondité à Mayotte s’élève à 5,0 enfants par femme. C’est, devant la Guyane (3,6) et bien au-delà du taux national (1,9), le département français où la fécondité est la plus élevée.

Comme l’indique l’Insee, « cette hausse est due pour l’essentiel au surcroît de naissances de mères d’origine étrangère arrivées récemment à Mayotte. La fécondité est près de deux fois plus élevée pour les femmes nées à l’étranger (6,0 enfants par femme en 2017) que pour celles nées à Mayotte (3,5) […]. Les trois quarts des bébés nés à Mayotte ont une mère de nationalité étrangère, principalement comorienne » ([22]). En 2017, avec 38 naissances pour 1 000 habitants, le taux de natalité est trois fois supérieur à celui de la métropole.

Évolution démographique de Mayotte

En nombre d’habitants recensés

Source : Insee, commission des Lois de l’Assemblée nationale.

Cette démographie est à la fois une force et une faiblesse du territoire. C’est une force car la jeunesse est prédominante à Mayotte où l’âge moyen des habitants s’élève à 23 ans, où la moitié de la population a moins de dix‑sept ans, où trois Mahorais sur dix ont moins de 10 ans. Les lancinants enjeux du vieillissement auxquels sont confrontés la plupart des autres départements français ne se posent pas ([23]). C’est aussi une faiblesse car cette jeunesse doit obtenir une formation, des conditions de vie décentes, des perspectives davenir qui exigent des investissements de la part de la collectivité, sous peine de générer des frustrations individuelles et d’attiser les colères collectives.

La question migratoire est particulièrement révélatrice du défi auquel le territoire est confronté. On ne saurait être abusé par le solde migratoire apparent faiblement positif identifié par l’Insee entre 2012 et 2017. Avec 5 600 arrivées de plus que de départs, la population de Mayotte augmente ainsi de 1 100 personnes par an du fait des migrations. Mais cette quasi-stabilité ne signifie pas une faiblesse des flux, bien au contraire :

–  le solde migratoire des natifs de Mayotte est très déficitaire avec 25 900 départs nets entre 2012 et 2017 après 14 900 départs nets entre 2007 et 2012. Principalement le fait de jeunes âgés de 15 à 24 ans, cette émigration traduit la désespérance des jeunes Mahorais devant l’absence de perspectives offertes sur le territoire qui les a vus naître ;

–  à l’inverse, le solde migratoire est fortement excédentaire pour les natifs de létranger avec 32 500 arrivées nettes, soit dix fois plus qu’entre 2007 et 2012. Cette immigration provient essentiellement des Comores, se justifie par des motivations de nature économique, sanitaire et éducative. Elle se caractérise par sa féminisation importante.

Répartition de la population de Mayotte en 2017

par lieu de naissance et nationalité

 

Nationalité française

Nationalité étrangère

Ensemble

Natifs de Mayotte

109 546

40 626

150 172

Natifs de France hors Mayotte

14 135

270

14 405

Natifs de l’étranger

10 060

81 881

91 941

Ensemble

133 741

122 777

256 518

Source : Insee, recensement de la population 2017

Du fait de l’immigration importante depuis les Comores et de l’émigration des natifs mahorais vers d’autres régions françaises, 48 % de la population est de nationalité étrangère en 2017. Cette part est en forte hausse depuis 2012 (+ 8 points) : le flux migratoire comorien vers Mayotte a été multiplié par dix entre 2013 et 2017 par rapport à la période 2007/2012.

Cette croissance démographique rapide donne à Mayotte la plus importante densité du territoire national à l’exception des départements franciliens avec 682 habitants par kilomètre carré ([24]). En outre, pour des raisons liées au relief et à l’urbanisation, la population se concentre fortement dans la zone de Mamoudzou qu’occupent 71 437 habitants, soit 27,8 % des Mahorais. Mamoudzou, Koungou et Petite-Terre concentrent la moitié de la population ([25]). L’exode comorien a nourri cette croissance urbaine qui se traduit par la progression des bidonvilles et par la généralisation d’habitats insalubres.

En 2017, 39 % des résidences principales du territoire sont en tôle, en bois, en végétal ou en terre. En corollaire, 59 % des résidences principales ne bénéficient pas du confort sanitaire de base ([26]). 29 % des ménages n’ont pas accès à un point d’eau à l’intérieur de leur résidence principale et une résidence principale sur dix reste dépourvue d’électricité.

Par ailleurs, les parts de résidences principales qui ne sont pas équipées de réfrigérateur, congélateur ou lave-linge sont quasi-stables depuis 2012 ; les ménages détiennent même moins souvent un téléviseur qu’en 2012. Un quart d’entre eux seulement dispose des moyens de se connecter à Internet.

Mayotte affiche un taux de chômage élevé puisqu’il frappe plus d’un tiers des actifs – 35 % d’entre eux, soit le taux de chômage le plus élevé de France ([27]). Les jeunes sont la catégorie la plus touchée avec un taux de chômage des 15-29 ans de 45,1 %. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant s’élevait à 9 220 euros en 2016 ; il reste très éloigné du niveau national qui est 3,5 fois plus important.

Selon la ministre des Outre-mer, Mme Annick Girardin, 84 % des Mahorais vivent sous le seuil de pauvreté ([28]). En 2012, l’indice de développement humain (IDH) pour Mayotte a été estimé à 0,75 ([29]), ce qui placerait Mayotte aux alentours de la centième place du classement mondial, derrière les Seychelles et Maurice. Mayotte reste donc le département le plus pauvre de France ([30]).

Indice de développement humain de Mayotte par rapport à la France et aux Îles de l’Océan Indien

 

Mayotte

La Réunion

France

Comores

Maurice

Madagascar

Seychelles

IDH

0,75

0,87

0,95

0,576

0,804

0,543

0,845

Rang (198 pays)

100e (estimation)

40e
(estimation)

8e

149e

87e

158e

63e

Source : Michaël Goujon et François Hermet, op. cit. (2012). 

Mayotte n’est cependant pas privée d’atouts. La jeunesse de la population est aussi une formidable potentialité pour l’avenir si le défi de la formation est correctement relevé. Par ailleurs, la solidarité nationale a vocation à continuer à s’exercer et à procurer aux Mahorais les moyens de leur développement. Le PIB par habitant progresse à un rythme régulier : + 7,6 % entre 2013 et 2014, + 3,2 % entre 2015 et 2016. L’islam exerce un rôle de régulateur social dans un territoire où 95 % de la population embrasse la foi musulmane, « un Islam tolérant dans un territoire où la pratique de la religion musulmane occupe une place majeure » ([31]).

Enfin, la chance de Mayotte réside peut-être précisément dans le fait qu’elle est un territoire dans lequel tout est à construire. Or, face aux enjeux du développement durable, il est plus facile de créer des infrastructures respectueuses de lenvironnement que de convertir aux normes de préservation de lenvironnement un système productiviste existant. Si la République est en capacité de doter les Mahorais des infrastructures dont ils ont besoin, de leur donner les outils nécessaires à la construction de leur futur dans leurs îles, et de réguler les flux migratoires qui rendent illusoire toute perspective de développement, alors il sera possible à Mayotte de se sentir pleinement un département français, peuplé de citoyens français jouissant des mêmes droits et remplissant les mêmes devoirs que leurs compatriotes des autres collectivités.

D.   Un trésor naturel à préserver

Mayotte est connue comme « île aux parfums » pour ses senteurs de vanille, de jasmin et d’ylang-ylang ou « île au lagon » en référence à son lagon fermé, réputé pour être l’un des plus beaux du monde et identifié de longue date comme un abri extraordinaire par les marins français. Il est délimité par un récif corallien de près de 160 kilomètres de long et dont l’ensemble comprend une biodiversité particulièrement riche. La faune marine, qui accueille nombre d’espèces emblématiques, côtoie des coraux magnifiques jusqu’à la double barrière de corail – phénomène rare puisqu’il n’en existe que dix au monde –, longue de près de 200 kilomètres, interrompue par douze passes réparties autour de l’île.

Le Département de Mayotte comme l’État ont assumé leur responsabilité pour la préservation de ce trésor naturel. Le parc naturel marin de Mayotte a été le premier créé outre-mer ([32]). Il recouvre la totalité de la zone économique exclusive, soit 68 800 kilomètres carré, dont les 1 100 kilomètres carré du lagon. Depuis 2016, avec le soutien l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), les autorités locales et déconcentrées ont installé un comité scientifique en vue de l’inscription du lagon au patrimoine mondial de l’Unesco ([33]).

Mayotte est un des trente-quatre « points chauds » de la biodiversité mondiale recensés par l'UICN, en mer mais également sur terre, ce qui a conduit M. Nicolas Hulot, alors ministre d’État en charge de la transition énergétique et solidaire, à annoncer, le 1er septembre 2017, son soutien à la création d’une réserve naturelle nationale des forêts publiques de Mayotte sur 3 000 hectares ([34]).

Le lagon de Mayotte : un patrimoine marin hors du commun 
inscriptible au patrimoine mondial de l’humanité ([35])

1 100 km², c’est la surface du lagon soit quatre fois celle des terres émergées de Mayotte

195 km de récifs sur 210 km de côtes

250 espèces de coraux répertoriées

7,3 km2 de mangroves et autant d’herbiers

2 300 espèces marines connues dont 760 espèces de poissons

Une vingtaine d’espèces de mammifères marins, soit ¼ de la diversité mondiale

Deux espèces de tortues marines (tortue verte et tortue imbriquée) présentes toute l’année et nombreux sites de pontes

Outre ses aménités environnementales, le lagon procure des ressources alimentaires et économiques indispensables aux Mahorais. La pêche professionnelle constitue la seconde activité économique de l’île et les pratiques vivrières sont encore très répandues ([36]). Mayotte est notamment le premier producteur de poissons d’élevage d’outre-mer.

Concilier protection du milieu marin et développement est donc un enjeu important. Le Parc naturel marin de Mayotte sensibilise la population, notamment la jeunesse, aux richesses du lagon. Depuis 2014, une charte d’approche respectueuse des mammifères marins est respectée par les prestataires nautiques de l’île, conscients que seule une démarche écologique permet de préserver leur présence dans les eaux mahoraises.

Le lagon et ses plages, les réserves forestières, la protection de la biodiversité conditionnent le développement durable du territoire et, accessoirement, d’une activité touristique pour l’heure limitée : Mayotte n’est une destination que pour quelques dizaines de milliers de personnes chaque année ([37]).

Répartition des écosystèmes marins côtiers de Mayotte

Source : Nicolas Pascal, Guillaume Leport, Michel AllenbacH et Cyril Marchand, Récifs coralliens, mangroves et herbiers de Mayotte : Valeur économique des services écosystémiques, Initiative française pour les récifs coralliens, janvier 2014, p. 27.

Votre rapporteur souligne l’importance fondamentale d’un développement du territoire qui réponde aux besoins de la population sans mettre en péril les équilibres écologiques du lagon. Tel n’est pas le cas aujourd’hui du fait des carences des politiques publiques : la pression démographique, l’urbanisation galopante, le traitement défaillant des eaux usées et pluviales, les imperfections du système de gestion des déchets… Une croissance spontanée et anarchique dans le plus grand dénuement na jamais permis à aucune population un développement harmonieux !

 

À Mayotte, des volcans naissent aussi !

Le caractère exceptionnel de Mayotte s’est enrichi, au cours des dernières semaines, d’un phénomène unique au monde. Troublé par une activité sismique jugée anormale depuis le 10 mai 2018, l’État a ordonné la conduite d’une mission scientifique au large de l’île qui a mis en évidence, à 50 kilomètres de Petite-Terre, l’apparition dun nouveau volcan sous-marin ([38]).

La mission scientifique était menée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) avec le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP), l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), l’université de la Réunion, l’Institut de physique du globe de Strasbourg (IPGS), l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), l’École normale supérieure (ENS), le Centre national d’études spatiales (CNES) et le Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM). Elle s’est doublée d’une campagne océanographique à bord du Marion Dufresne, le navire dédié de la Marine nationale.

Votre rapporteur appelle l’État à prendre toutes les mesures de surveillance et de prévention nécessaires devant ce phénomène géologique exceptionnel. Il invite également la communauté scientifique à construire à Mayotte les instruments et compétences requises pour sa meilleure compréhension.

 

 


— 1 —

 

   SECONDE partie
La nécessité d’un rattrapage, l’impératif d’un engagement fort de la nation aux côtés des Mahorais

La fin de la précédente législature a vu le Gouvernement prendre brutalement conscience des difficultés rencontrées par les populations doutre-mer, et adopter une série de mesures destinées à les réduire.

La loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite « loi ÉROM », procédait de cette volonté qu’exprimait son exposé des motifs : « Plus de soixante-dix ans après la loi du 19 mars 1946 ([39]), légalité avec lhexagone demeure, pour nombre des 2,75 millions de Français vivant outre-mer, une réalité parfois encore bien trop lointaine. En effet, en dépit des politiques publiques volontaristes menées par lÉtat et les collectivités territoriales des outre-mer, les écarts de niveaux de vie constatés entre les outre-mer et la France hexagonale restent considérables et affectent légalité des droits économiques et sociaux et des opportunités économiques que la République, par la solidarité nationale, doit garantir à tous les citoyens français. Cest tout lenjeu de laccomplissement de légalité réelle. Les différences observées pour ce qui concerne le produit intérieur brut (PIB) par habitant, lindice de développement humain, les inégalités de revenu, de pauvreté, de décrochage scolaire sont autant dindicateurs qui justifient une action vigoureuse en faveur de légalité réelle pour les outre-mer. Le PIB par habitant affiche en effet outre-mer, à lexception de Saint-Barthélemy, un niveau bien inférieur à celui de la moyenne hexagonale. En moyenne, il est inférieur de 40 % en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte et oscille entre 50 % et 90 % du niveau national dans les autres collectivités. Le taux de chômage comme celui de décrochage scolaire sont deux fois plus élevés que dans lhexagone. Les taux de pauvreté tout comme les inégalités de revenu y atteignent des niveaux sans commune mesure avec la France hexagonale. »

Le diagnostic posé par la loi ÉROM était juste. Beaucoup de ses mesures l’étaient également, mais elles ne sauraient suffire à répondre aux besoins des outre-mer en général, de Mayotte en particulier.

A.   Des lacunes criantes

1.   Un droit social toujours dérogatoire au droit commun

Parmi les départements ultramarins, la situation de Mayotte est singulière. La caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) gère, depuis 1977, le régime général de sécurité sociale. Elle est compétente pour l’ensemble des branches qui relèvent de caisses différentes en droit commun ([40]).

Contrairement aux autres départements ultramarins, le code de la sécurité sociale nest pas appliqué de plein droit. Le territoire est soumis à des règles dérogatoires contenues dans une ordonnance de 1996 ([41]). Toutefois, le processus de départementalisation a pour effet un alignement du droit applicable à Mayotte sur les dispositifs de droit commun ([42]).

Dans le cadre du rattrapage et pour une meilleure adaptation des entreprises, le décret du 17 octobre 2012 fixe l’évolution des taux de cotisations jusqu’en 2036. Quant au montant du plafond de la sécurité sociale à Mayotte, il est revalorisé depuis 2012 dans les mêmes proportions que celui de métropole majoré de 5,1 % jusqu’à parvenir à son niveau.

Il faut pourtant constater que légalité promise avec la départementalisation nest toujours pas à lœuvre, même si certaines dispositions de la loi ÉROM ont judicieusement permis d’accélérer le processus ([43]).

Le 22 août 2014, le Président de la République François Hollande prononçait un discours à Mayotte dans lequel il promettait que « le SMIC sera[it] au 1er janvier [2015], à Mayotte, au même niveau que partout en France », dans lequel il affirmait que le RSA était un droit qui devait être reconnu aux Mahorais. Près de cinq années plus tard, ces promesses n’ont pas été tenues. Nombre de prestations servies en droit commun n’existent pas à Mayotte et, lorsqu’elles sont versées, ne le sont que de façon parcellaire ([44]) :

  en ce qui concerne les prestations familiales, la prestation daccueil du jeune enfant (PAJE) n’existe pas à Mayotte alors même que le taux de natalité très supérieur à la moyenne nationale complique la subsistance d’un grand nombre de familles. Hormis pour les familles élevant un enfant unique, les allocations familiales s’établissent à un niveau très inférieur ([45]). Le revenu de solidarité active (RSA) et la prime dactivité sont réduits de moitié ;

–  pour ce qui est des prestations vieillesse, si l’allocation veuvage et la pension de réversion sont calculées selon des règles identiques, tel n’est pas le cas de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) divisée par deux. Les pensions de retraite servies sont également plus faibles, même si cette situation s’explique par le moindre nombre de trimestres exigé pour l’ouverture des droits de la personne pensionnée ;

–  enfin, le SMIC horaire brut atteint 10,03 euros en droit commun en 2019, mais seulement 7,57 euros à Mayotte.

Par ailleurs, les Mahorais viennent subir des ruptures de droit qui apparaissent injustifiées. Ainsi, si un Français titulaire de l’allocation adulte handicapé quitte son département – métropolitain ou d’outre-mer – pour s’installer à Mayotte, il subit une carence de versement pour une année.

Votre rapporteur retire de ses travaux sur la présente proposition de loi plusieurs convictions. La première d’entre elles est que le rattrapage doit être accéléré en matière de sécurité sociale et qu’il n’est pas envisageable d’attendre l’année 2036 pour parvenir enfin à l’égalité pour laquelle les Mahorais se sont prononcés par référendum en 2009. La seconde est que les contraintes financières ne peuvent justifier une plus longue attente pour les prestations de la branche vieillesse dans la situation démographique qui est celle de Mayotte : au vu du faible nombre de personnes âgées sur le territoire, l’instauration de l’égalité au plus tôt n’aurait guère de coût ([46]).

La définition d’un agenda clair et resserré d’établissement de l’égalité sociale est attendue par les Français de Mayotte, tant en ce qui concerne l’alignement des prestations existantes que l’ouverture des dispositifs de droit commun actuellement absents. La solidarité nationale ne peut plus s’exonérer de l’exigence républicaine d’égalité des citoyens.

Enfin, comme il est prévu pour la préfiguration de la couverture maladie universelle complémentaire, il convient que les prestations soient conditionnées à la régularité du séjour afin de ne pas encourager davantage les migrations vers l’île.

2.   Un territoire sous-doté par l’État

Les dotations que perçoivent les Mahorais de la part de l’État apparaissent trop faibles pour assurer le développement du territoire, mais également en-deçà de ce qu’elles devraient être dans une stricte perspective d’égalité.

a.   Des dotations liées à la population recensée

Votre rapporteur relève que les dotations versées par l’État aux collectivités territoriales sont servies à Mayotte selon des règles identiques à celles qui s’appliquent aux autres départements. Comme l’a indiqué la direction générale des collectivités locales, la dernière spécificité mahoraise a disparu avec l’attribution au Département d’une part régionale de dotation globale de fonctionnement ([47]).

Mais votre rapporteur tient à souligner que les montants versés sont calculés en fonction du nombre d’habitants que compte le territoire. Or, la situation migratoire et démographique de Mayotte a conduit nombre d’observateurs à douter de la réalité des chiffres officiels. On citera ainsi :

–  la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale dans son rapport précité du 18 décembre 2018 : « Toutefois, l’existence d’une forte immigration illégale conduit certains à estimer la population de Mayotte à 350 000, voire 400 000 habitants. »

–  la commission des Lois de l’Assemblée nationale dans son rapport précité du 22 janvier 2019 : « Encore ces chiffres sont-ils, vraisemblablement, très en deçà de la réalité : certains estiment la population de Mayotte à 350 000, voire 400 000 habitants. » ;

–  la commission des Lois du Sénat, dont les suspicions étaient évidentes dans son rapport précité du 18 juillet 2012 : « Selon plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs, il faut distinguer la population officielle, recensée par l'Insee, de la population réelle, nécessairement supérieure en raison de l'importance de l'immigration clandestine. Toutefois, comme l'a relevé M. Thomas Degos, préfet de Mayotte, la population illégale de l'île, principalement originaire des autres îles de l'archipel des Comores, est difficile à évaluer. Elle est estimée entre un quart et un tiers de la population totale de l'île. Ainsi, la population réelle de l'île oscillerait entre 230 000 et 264 000 habitants ([48]). À titre d'exemple, le chef-lieu de Mayotte, Mamoudzou, a une population officielle de 53 000 habitants alors que notre collègue, M. Abdourahamane Soilihi, sénateur-maire de cette commune, estime que la population réelle avoisinerait 80 000 habitants. »

Cette défiance des plus hautes instances du Parlement, à laquelle s’ajoute parfois la suspicion de la presse ([49]), ne saurait être balayée sans considération. Malgré tout le professionnalisme des personnes chargées du recensement et en dépit des moyens particuliers déployés par l’Insee à Mayotte, on ne peut ignorer les difficultés de l’action administrative à Mayotte. Ainsi la généralisation de la carte Vitale 2 sur l’île, décidée en 2004, n’a-t-elle été commencée qu’à partir de 2013 pour n’aboutir après six années qu’à la distribution de 44 000 cartes en raison des « adresses et des états civils peu fiables » : comment, alors, ajouter foi aux résultats du recensement ?

Comment, dans le cadre d’un recensement mis en œuvre sur le fondement d’une cartographie préalable du bâti, accompagner le rythme de construction des habitations précaires dans les bangas ? Comme le rapporte une dépêche de l’Agence France Presse publiée par Le Point, il semble que l’Insee ait eu du mal à se confronter à la situation ([50]).

On rappellera que Mayotte n’applique pas encore les modalités de recensement qui permettent, depuis 2009, d’actualiser tous les ans la population à prendre en compte dans le calcul des dotations de l’État ([51]). C’est l’article 147 de la loi ÉROM précitée qui a rendu ces prescriptions applicables sur l’île. Les chiffres issus de la nouvelle méthodologie ne seront cependant pas consolidés avant 2026 : dans l’intervalle, des projections donneront une estimation de l’évolution de la population.

b.   Des dotations inférieures à celles des autres départements et régions d’outre-mer

Lors de chaque exercice budgétaire, le document de politique transversale (DPT) consacré aux outre-mer présente aux parlementaires et aux citoyens une consolidation des crédits alloués par l’État aux différentes collectivités ultramarines. Si la publication officielle a parfois lieu à une date excessivement proche de l’examen des crédits en séance publique, elle est généralement sollicitée par les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis.

Votre rapporteur s’est intéressé aux deux derniers rapports pour avis déposés sur les crédits de l’outre-mer au nom de la commission des Lois, à laquelle il appartient, et plus précisément aux calculs effectués par les rapporteurs pour avis pour établir la somme consacrée à chaque habitant de chaque outre-mer par la puissance publique ([52]). Comme l’indique le tableau ci-dessous, ces résultats font apparaître une répartition des crédits peu favorable à Mayotte, qui est par deux fois la moins bien dotée des collectivités régie par l’article 73 de la Constitution et qui est même parfois moins favorisée que des collectivités de taille comparable bénéficiant de l’autonomie garantie par l’article 74 de la Constitution.

EFFORT BUDGÉTAIRE ET FINANCIER PAR DROM-COM ET PAR HABITANT

 

Population

retenue 2017

Crédits PLF 2018
(euros par habitant)

Population

retenue 2018

Crédits PLF 2019
(euros par habitant)

Guadeloupe

406 706

7 050

404 542

7 013

Guyane

254 845

8 396

262 381

7 990

Martinique

390 252

6 607

386 875

6 336

La Réunion

852 657

6 203

860 896

6 055

Mayotte

235 132 ([53])

4 704

‎256 518

5 096

Nouvelle-Calédonie

268 767

4 922

274 780

4 571

Polynésie française

272 800

5 080

287 881

4 522

Wallis et Futuna

12 197

10 534

11 899

11 112

Saint-Pierre-et-Miquelon

6 274

18 890

6 260

16 140

Saint-Martin

35 941

1 871

36 509

3 275

Saint-Barthélemy

9 567

252

9 743

432

Sources : commission des Lois de l’Assemblée nationale, ministère des Outre-mer, Insee.

Chaque année, les rapporteurs pour avis ont souligné la nécessité de crédits plus élevés pour le développement de Mayotte.

Pour notre collègue Huguette Bello, rapporteure en 2017, « alors même que le Département de Mayotte connaît une croissance démographique forte et que sa population se trouve confrontée à de considérables défis, l’investissement national sur le territoire demeure largement insuffisant : rapporté au nombre d’habitants, il n’atteint que 56 % des crédits attribués à la Guyane et 76 % de ceux alloués à La Réunion. Plus étonnant encore : tandis que la départementalisation du territoire est engagée depuis maintenant plus de six ans, la dépense publique nationale par habitant à Mayotte est inférieure à celle constatée en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, deux collectivités qui bénéficient d’une très large autonomie et d’un cadre fiscal dérogatoire au droit commun. Votre rapporteure pour avis appelle l’État à renforcer le soutien aux Mahorais. Le processus de départementalisation et la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite "ÉROM", s’opposent à ce que le Département de Mayotte, souffrant d’un sous-investissement manifeste dont les pénuries d’eau de l’année 2017 ont donné une nouvelle et triste illustration, attende plus longtemps la solidarité de la nation à laquelle elle a droit. »

Pour notre collègue Philippe Dunoyer, rapporteur en 2018, « il y a lieu de se réjouir de la progression des crédits alloués aux Mahorais, qui étaient inférieurs à 5 000 euros en 2018 : l’engagement résolu de la nation est indispensable au rattrapage économique et à l’édification des infrastructures dont ce département a besoin. »

La sous-évaluation sensible de la population réelle amplifie l’effet de sous-dotation. Ainsi, l’effort budgétaire et financier par habitant de moins de 60 ans se situe-t-il très probablement entre 3 500 et 4 000 euros, largement sous les 5 096 euros officiellement annoncés, loin des 6 300 euros de la moyenne nationale et très loin des 7 600 euros de la moyenne des départements d’outre-mer. Les conséquences en sont d’autant plus importantes que les transferts de l’État constituent la principale ressource des collectivités mahoraises, dont la part de recettes issue de la fiscalité locale est moitié moindre que pour leurs homologues de métropole.

Votre rapporteur ne peut qu’appeler à une plus grande égalité dans l’engagement financier de l’État en faveur de Mayotte, en portant les versements de fonds publics par habitant à Mayotte à un niveau comparable dans les autres départements et régions d’outre-mer. Population en croissance aux besoins d’équipement évidents, les Mahorais ne peuvent se développer par la seule force de leur volonté : la solidarité nationale leur est absolument nécessaire.

B.   La question primordiale des infrastructures de transport

L’accompagnement de la croissance démographique mahoraise, l’essor économique et le développement humain dans sa dimension sociale et culturelle supposent des infrastructures de transport correctement dimensionnées. Tel n’est pas le cas pour l’heure, d’où un surcoût, des pertes de temps et des occasions de développement manquées.

1.   La piste de l’aéroport de Pamandzi et ses conséquences

La principale infrastructure de transport de Mayotte est l’aéroport international de Dzaoudzi-Pamandzi, situé sur Petite-Terre. Sa première rotation commerciale remonte au 8 août 1977. Il était entièrement géré par l’État jusqu’en 2010, date à laquelle la société canadienne SNC Lavalin (aujourd’hui Edeis) a obtenu sa concession pour quinze ans. Le concessionnaire a notamment décidé la construction d’une nouvelle aérogare qui a ouvert le 14 mai 2014. Le terminal peut désormais accueillir près de 600 000 passagers par an contre un peu plus de 300 000 auparavant ([54]).

Trafic annuel de l’aéroport international de Dzaoudzi-Pamandzi

 

2014

2015

2016

2017

2018

Variation annuelle 2018/2017

Variation annuelle 2018/2014

Passagers

343 323

330 993

348 321

385 376

386 097

0, 2 %

3 %

Mouvements commerciaux

5 601

5 582

6 986

6 372

5 615

-11.9 %

0, 1 %

Source : Union des aéroports français et francophones associés.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, 386 000 personnes ont emprunté l’aéroport de Pamandzi en 2018. On pourrait donc considérer le dimensionnement adapté aux besoins actuels, mais il s’agirait là d’une analyse à courte vue : Mayotte n’est pas un territoire développé, richement doté, aux activités et à la population stable ; Mayotte est un territoire en croissance économique et démographique dont la population attend légitimement des équipements adaptés à ses besoins dans un avenir proche. Dans cette perspective, l’aéroport constitue un problème majeur dès lors que son infrastructure limite l’activité de l’île et ne permet pas entre les compagnies aériennes l’émergence d’une réelle concurrence dont pourraient bénéficier les Mahorais.

Une revendication déjà ancienne ([55])

Les Mahorais souhaitent n’être plus obligés de transiter par La Réunion pour rejoindre la métropole ; ils trouvent anormal d’avoir à inclure dans leur temps de trajet deux heures d’avion vers le sud-est avant de reprendre, après une escale de deux heures, un avion qui repassera, deux heures après un nouveau décollage, pratiquement au-dessus de leur point de départ ; ils demandent des vols sans escale pour Paris avec des tarifs du même ordre de grandeur que ceux qui sont pratiqués au départ de La Réunion, c’est-à-dire environ 800 euros aller-retour en classe économique (à comparer aux 1 300 euros qu’ils doivent, en général, débourser actuellement).

a.   La question de la piste longue

L’aéroport de Pamandzi dispose d’une unique piste dont la longueur – 1 934 mètres au total, soit une longueur effective efficace de 1 600 mètres – est insuffisante pour que les gros porteurs d’une capacité de plus de 350 passagers ([56]) effectuent une liaison directe entre Mayotte et l’Europe à pleine charge. Ainsi, tous les vols longue distance sont contraints à une escale technique intermédiaire – à La Réunion, à Madagascar ou au Kenya. Le projet de « piste longue », prévoyant une extension à 2 300 ou 2 600 mètres, est un enjeu en termes de désenclavement et de développement.

Dès 2001, les plus hautes autorités de l’État convenaient, en la personne du Président de la République, qu’il fallait « franchir une nouvelle étape en engageant sans tarder les études pour doter Mayotte des infrastructures aéroportuaires permettant d’accueillir les gros-porteurs nécessaires au développement touristique » ([57]). Force est de constater que ces réflexions se sont, depuis, multipliées jusqu’à la redondance.

Les études ont été menées de longue date puisque, dès 1986, le service technique des bases aériennes (STBA) diligentait une mission dont l’objet était de rechercher le site d’implantation d’une piste de 2 450 mètres pour des avions de type A300. La piste actuelle présentant l’inconvénient d’être pratiquement axée sur les agglomérations de Pamandzi et Labattoir, très proches et déjà très peuplées, la direction de l’équipement a recherché une autre solution. Elle a estimé possible, à coût raisonnable, de réaliser une piste d’environ 3 kilomètres sur le site de l’aéroport actuel, à condition de la concevoir décalée vers l’ouest. Il faudrait pour cela remblayer dans le lagon, à l’abri des houles océaniques, dans des zones qui émergent à marée basse.

En 2003, la filiale ingénierie et architecture d’Aéroports de Paris (ADPi) a produit une Étude des scénarios de réalisation d’une piste longue pour l’aéroport de Mayotte afin de proposer les travaux à réaliser pour permettre le décollage vers Paris sans escale d’avions gros porteurs à pleine charge. ADPi a estimé que cet objectif nécessitait une piste de 2 600 mètres. Trois scénarii ont ensuite été explorés :

–  l’allongement de la piste actuelle sur le récif corallien jusqu’à la longueur requise au prix de protections à la mer onéreuses et de destructions d’immeubles, notamment une mosquée. Ce scénario a été chiffré à 178 millions d’euros ;

–  la création d’une nouvelle piste dans le lagon, convergente avec la piste actuelle, ce qui nécessite des remblais sans protection à la mer particulière et présente l’avantage de ne plus faire survoler les habitations de Pamandzi par les appareils. Ce scénario a été chiffré à 131 millions d’euros ;

–  la création d’une nouvelle piste dans le lagon, parallèle à la piste actuelle, ce qui permet une construction sans perturbation du trafic aérien, mais requiert plus de remblais dans le lagon. Ce scénario a été chiffré à 154 millions d’euros.

L’option de la piste convergente a été présentée comme la plus performante. Elle a été retenue au cours d’une réunion interministérielle le 13 avril 2004.

Quelques années plus tard, à l’occasion d’un discours prononcé à Mayotte, le Président de la République engageait la parole de l’État sur la construction de la piste longue au plus tard en 2015.

Nicolas Sarkozy, Président de la République, Mamoudzou, 18 janvier 2010

Qu’il me soit permis de dire un mot sur le projet de piste longue de l’aéroport de Pamandzi. Je suis convaincu que cette infrastructure est essentielle pour le développement économique de Mayotte. Cette infrastructure nous la ferons parce qu’elle permettra à l’île de pouvoir accueillir des touristes en provenance directe de l’Europe, sans passer par La Réunion située, je le rappelle, à 1 400 kilomètres de Mayotte. Cet équipement permettra aussi de pouvoir acheminer du fret dans des conditions plus optimales qu’aujourd’hui, je pense par exemple aux produits de la pisciculture. Il est, en outre, le complément naturel du nouveau quai de Longoni, que je vous avais promis et que j’ai eu le plaisir d’utiliser ce matin.

Il faut donner à votre territoire les mêmes atouts dans le domaine aérien. Dans les semaines qui viennent, les études seront lancées, afin de préparer la déclaration d’utilité publique de la piste longue et le lancement des travaux fin 2011, début 2012. Ceux-ci dureront trois ans, pour une ouverture du nouvel aéroport avec sa piste longue en 2015.

En dépit de l’engagement d’un débat public conclu en 2012, le projet n’a cependant pas été mené à son terme. La commission Mobilité 21 l’a même renvoyé, en 2013, à un « horizon lointain » après l’avoir estimé entre 210 et 290 millions d’euros ([58]).

Le projet de piste convergente

Source : document de synthèse du dossier du débat public 2011, direction générale de l’aviation civile.

Certes, les obstacles sont connus. Il y a d’une part le coût du projet, désormais estimé entre 150 et 200 millions d’euros, et d’autre part l’impact environnemental sur le lagon et son récif corallien des travaux de remblaiement. Néanmoins, la piste longue convergente est la perspective qui affecte le moins l’écosystème car elle s’appuie sur un platier du récif frangeant de Pamandzi dépourvu de biodiversité animale et végétale. D’aucuns font aussi valoir les évolutions techniques du monde aéronautique qui réduisent la nécessité d’allonger la piste actuelle. En effet, la mise en place d’un vol direct reliant Paris à Dzaoudzi par la compagnie Air Austral a été possible grâce à la mise en service d’un nouvel avion, le Boeing 787-800 Dreamliner, capable de se poser sur des distances plus courtes. Dès lors, quelques travaux d’aménagements sur la piste actuelle, désormais équipée de lits d’arrêt pour un montant de 13 millions d’euros, sont présentés à la population mahoraise comme suffisants.

Votre rapporteur ne peut admettre ce pis-aller. En tant que parlementaire français attaché à l’industrie nationale, il juge particulièrement regrettable que l’autorité administrative encourage ainsi les compagnies aériennes désireuses de desservir Mayotte par des vols long-courrier à s’équiper auprès de l’avionneur concurrent d’Airbus, puisque seul le Dreamliner semble aujourd’hui en capacité d’utiliser la piste de l’aéroport de Pamandzi.

Ensuite et surtout, le choix d’en rester à la piste courte aura un impact direct sur la desserte de l’aéroport de Mayotte, sur la concurrence entre les compagnies et, au final, sur les tarifs imposés aux voyageurs mahorais par des opérateurs en situation de monopole.

Interrogée par votre rapporteur devant la commission des Lois il y a quelques mois, la ministre des outre-mer a déclaré que « l’État s’engage à poursuivre les études en vue du développement de l’aéroport, ce qui inclut la question de l’allongement de la piste » ([59]). Les Mahorais ont déjà signifié que leur patience était à bout ([60]). Il n’est plus temps désormais d’étudier, ce que la France fait depuis plus de trente ans : il est temps d’agir et de tenir les promesses de l’État.

b.   La question de la desserte de Mayotte

Cinq compagnies aériennes utilisent aujourd’hui l’aéroport de Mayotte : AB Aviation, Air Madagascar et Ewa Air pour la desserte régionale, Kenya Airways à destination de Nairobi, et Air Austral pour les liaisons vers Paris et La Réunion. Cette situation traduit un recul de la concurrence puisque, au cours des derniers mois, les compagnies XL Airlines et Corsair ont abandonné leurs rotations.

Mayotte est pourtant une destination en croissance et qui mériterait une meilleure desserte, mais deux éléments conduisent les opérateurs à s’orienter vers d’autres plateformes aéroportuaires :

–  comme évoqué précédemment, la longueur de la piste et la contrainte d’équipement qu’elle fait peser sur les acteurs économiques n’est pas étrangère à la désaffection dont souffre Mayotte. Expliquant les raisons du départ de sa compagnie, le directeur du réseau de Corsair se montrait explicite ([61]) : « En l’état de la piste de Mayotte et de la flotte de Corsair, non, les choses ne peuvent pas évoluer (…). Tant que nous restons dans la situation actuelle, tant sur la piste que sur les types d’avion, on ne peut pas espérer un changement de situation. » ;

–  les droits de trafic ([62]) dont doivent disposer les compagnies extra-européennes pour opérer dans le ciel français sont également une contrainte, dès lors que la France n’entend pas laisser un opérateur étranger entrer sur son marché sans contrepartie ou réciprocité. Cette exigence pourrait limiter la desserte de Mayotte par des opérateurs régionaux comme Air Mauritius ou par des compagnies africaines comme Kenya Airways ou Ethiopian Airlines.

Ces éléments techniques et juridiques expliquent le monopole dont bénéficie Air Austral dans les liaisons au départ de Mayotte et à destination de Paris et de La Réunion. Les prix excessifs qui en résultent et une qualité de service jugée insuffisante ont provoqué, il y a quelques semaines, une vague de protestation parmi les voyageurs mahorais ([63]). Enfin, avec des tarifs de fret de marchandises plus de deux fois supérieurs à ceux pratiqués dans la région, notamment de et vers l’Europe, le développement du transport aérien de marchandises est entravé malgré des potentialités, en particulier pour ce qui concerne l’exportation de produits agricoles certifiés « bio » à forte valeur ajoutée.

L’ancien directeur de l’aéroport de Mayotte, M. Yves Christophe, a partagé, par voie de presse, cet objectif d’instaurer une réelle concurrence pour permettre enfin une baisse des prix ([64]). « S’il s’agit de diminuer le prix du kérosène, c’est insuffisant. En le baissant de 10 % quand il pèse pour environ 40 % du prix du billet, la diminution sera de 4 %, ridicule sur un billet à 800 euros. La seule façon d’infléchir les prix, c’est la concurrence, et donc l’allongement de la piste. La taille des avions va suivre l’accroissement du nombre de passagers, il faut donc une piste de 2 500 mètres à 3 000 mètres. »

Dans le cadre du Grand débat national, le Président de la République a échangé avec des élus ultramarins le 1er février 2019. Interrogé sur la question de la piste longue par le président du conseil départemental de Mayotte, M. Soibahadine Ibrahim Ramadani, la presse a estimé qu’il « n’a pas réellement répondu » ([65]). Depuis, les journaux font état de la possibilité d’une annonce forte du Président de la République à l’occasion de sa venue sur l’île, prévue en octobre prochain ([66]). Votre rapporteur ne peut que le souhaiter.

2.   La modernisation du port de Longoni

Jusqu’à la création du port de Longoni, les approvisionnements destinés aux Mahorais étaient débarqués à Dzaoudzi. Les cargos étaient au mouillage et des rotations de boutres assuraient le transfert des marchandises à quai. Afin de doter l’île d’un véritable outil de développement, la décision a été prise en 1977 d’édifier un port au nord de Grande-Terre, dans la baie de Longoni, sur un site jugé propice par les marins français dès le XIXe siècle puisque protégé des coups de mer par les récifs. La première pierre est posée en 1981 par M. Paul Dijoud, secrétaire d’État aux départements et territoires d’outre-mer, et l’inauguration a lieu en 1992 en présence de son successeur, M. Louis Le Pensec. Entre 2004 et 2009, un terminal d’hydrocarbures et un second terminal à conteneurs ont été ajoutés pour répondre à la demande. Longoni possède désormais deux quais dont le principal peut accueillir des navires jusqu’à 215 mètres de long. C’est un port en eaux profondes, donc apte à accueillir les porte-conteneurs les plus massifs.

En novembre 2009, dans le cadre de la décentralisation, le Département s’est vu confier par l’État la gestion du port qu’il a délégué, en 2013, à l’entreprise Mayotte Channel Gateway (MCG) pour quinze ans. En effet, Mayotte est le seul département d’outre-mer qui ne soit pas doté d’un grand port maritime, établissement public de l’État.

Cette gouvernance apparaît problématique et la Cour des comptes l’a jugée « inadaptée » ([67]). Le rapport précité de la commission des Lois de l’Assemblée nationale soulignait « de graves difficultés : grèves à répétition, contentieux divers, dangers pour les personnes qui y travaillent, situations conflictuelles récurrentes » ([68]).

Le port accueille aujourd’hui seize escales par mois, auxquelles s’ajoute le passage d’un cimentier toutes les six semaines. Ces deux cents navires marchands transportent 99 % du volume des marchandises entrant sur le territoire chaque année.

 Le port de Longoni 

Source : http://www.pilotage.net

L’équipement apparaît tout à fait dimensionné pour répondre aux besoins de la population mahoraise. Votre rapporteur entend toutefois aller plus loin et considérer l’infrastructure portuaire, non comme un moyen de subsistance, mais comme un outil de développement.

Au tournant des années 1990, la rationalisation du transport maritime et le développement du commerce international emportant des volumes toujours croissants de marchandises ont poussé les armateurs internationaux à privilégier un modèle d’acheminement en deux temps :

–  les grandes distances sont couvertes par des navires de plus en plus puissants (liners) qui ne font escale que dans un nombre restreint de ports pour limiter leurs coûts et concentrer leur activité sur les infrastructures les plus performantes ;

–  une fois les conteneurs débarqués dans l’un de ces ports principaux, elles sont momentanément entreposées puis prises en charge par des navires plus petits (feeders) qui acheminent la cargaison au port de destination.

Les ports qui accueillent les liners servent de plates-formes d’éclatement : c’est le principe du transbordement. Longoni dispose des caractéristiques stratégiques lui permettant de devenir, à terme, la plateforme d’éclatement des marchandises de l’ensemble de la sous-région ([69]). En effet, Mayotte cumule les avantages dans la compétition pour la captation des flux internationaux, avantages que n’a pas manqué de souligner la Cour des comptes.

Les atouts portuaires de Mayotte vus par la Cour des comptes ([70])

Le port dispose d’une position favorable dans le canal du Mozambique ; il offre un des meilleurs tirants d’eau de la sous-région. De par son appartenance à la France, Mayotte bénéficie d’une plus forte stabilité institutionnelle que les autres territoires de la région. Ces caractéristiques sont propices au développement du transbordement de conteneurs depuis des navires long-courrier vers des caboteurs à destination d’autres ports.

Compte tenu, en effet, de la stabilité politique de Mayotte et de son emplacement géographique au cœur du canal du Mozambique, à proximité de Madagascar, des côtes de l’Afrique de l’Est, de l’Afrique du Sud, mais aussi non loin de la péninsule Arabique, le port de Mayotte peut espérer capter ces trafics. De plus, la découverte au large des côtes du Mozambique de réserves d’hydrocarbures considérables, qui devraient faire du pays le premier producteur africain de gaz dans un avenir proche, pourrait permettre la valorisation des atouts de Mayotte comme base arrière des majors pétrolières pour leurs activités offshore et des entreprises de fournitures et de services connexes, compte tenu de la sécurité, de l’état de droit et de la stabilité qu’offre un territoire français pour les investisseurs ([71]).

Le succès du développement du port de Mayotte, qui profiterait à l’ensemble de l’île, passe désormais par sa capacité à séduire les armateurs en proposant des conditions d’accueil au moins comparables à ses rivaux. Les travaux entrepris au cours des dernières années ont permis d’équiper le port de grues et de terminaux modernes et adaptés à la demande locale, mais qui sont sans doute de trop faible capacité pour espérer jouer un rôle international.

Votre rapporteur constate que l’activité de transbordement progresse fortement à Longoni ([72]). Même si Mayotte compte seulement pour 0,6 % du trafic maritime régional, cette part a vocation à croître. La mise en place de l’ISPS, le code international de sécurité-sûreté du transport maritime, devrait également apporter un supplément de crédibilité auprès des opérateurs économiques.

Alliant stabilité institutionnelle, environnement juridique sûr, positionnement géographique stratégique et qualités remarquables du point de vue maritime, Mayotte devrait pouvoir s’imposer comme la place portuaire régionale de l’Ouest de l’océan Indien. Il importe à cette fin de mettre un terme aux difficultés de gouvernance et de doter Longoni d’un troisième quai de débarquement en eaux profondes. Le projet d’un terminal flottant de 270 mètres de long sur 35 mètres de large, qui nécessiterait deux ans de travaux et 40 millions d’euros d’investissement, doit absolument recueillir le soutien de l’État.

Enfin, Longoni est le seul port d’outre-mer dont la gouvernance échappe totalement à l’État. Pourtant, le volume de marchandises qui y transite dépasse celui d’autres grands ports maritimes (GPM) comme celui de Guyane. La nationalisation du port de Mayotte, avec comme corollaire l’accès au statut de GPM, est plus que souhaitable, surtout dans la perspective d’en faire une plateforme portuaire d’intégration régionale.

3.   Des liaisons routières désormais inadaptées

Le réseau routier de Mayotte comprend 94 kilomètres de routes nationales et 139 kilomètres de routes départementales. Dimensionné pour mille véhicules par heure, il en accueille actuellement le double ([73]). La principale zone de difficulté réside dans les axes nord et sud de la commune chef-lieu de Mamoudzou, fréquemment congestionnés, au point que les Mahorais passent plusieurs heures chaque jour dans les embouteillages avant de rejoindre leur poste ou leur école.

La direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) est responsable de la gestion du réseau pour le compte de l’État (routes nationales) et du Département (routes départementales). Selon une étude de la DEAL, le volume de voiture à Mayotte est responsable à 50 % des difficultés de circulation et il ne serait pas judicieux de développer le réseau au risque d’inciter la population à s’équiper davantage en véhicules.

Sur la base de ces positions, l’État a associé les collectivités territoriales à l’élaboration d’un plan global transport et déplacement (PGTD). Il prévoit notamment la mise en place d’un réseau de transports en commun multimodal avec les équipements adéquats et l’aménagement de la voirie prenant en compte l’organisation du stationnement et la bonne circulation des transports en commun. D’après les informations recueillies par votre rapporteur, le contrat de convergence devrait allouer près de 150 millions d’euros au financement du PGTD au cours des quatre prochaines années – 47 millions d’euros de l’État, 83 millions d’euros du Département et 18 millions d’euros de l’Union européenne.

Carte routière de Mayotte

ttps://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4b/Mayotte_road_map-fr.png

Source : commission des Lois de l’Assemblée nationale.

S’il soutient évidemment le développement d’une offre de transports en commun, votre rapporteur ne peut admettre que le nombre d’automobiles détenues par les Mahorais soit responsable de la dégradation des conditions de circulation et qu’il faille, en conséquence, le limiter. Faut-il rappeler que le taux d’équipement en véhicules des ménages mahorais était d’à peine un quart en 2012, contre 70 % à La Réunion et plus de 83 % dans les départements de droit commun ? Faut-il répéter que la croissance démographique et la jeunesse de la population vont logiquement soutenir la demande d’automobiles ? Faut-il redire que les Français de Mayotte aspirent à une légitime augmentation de leur pouvoir d’achat ?

Le parc automobile de Mayotte a vocation à augmenter, ou plutôt à poursuivre sa montée en puissance ([74]). Face à cette perspective, le développement d’une offre multimodale de transport en commun mixant transports terrestre et maritime est nécessaire, mais pas suffisante. Le réseau routier, dont la conception remonte aux années 1970, doit être repensé et développé, notamment sur ses axes les plus fréquentés, pour un meilleur écoulement du trafic. Les Mahorais ne seront pas la seule population française privée d’automobile par la décision de l’administration !

4.   Les conséquences sur l’approvisionnement du territoire et les coûts des denrées

Les Mahorais subissent un effet de ciseau en matière de coût de la vie. Ils sont contraints d’acheter plus cher que leurs concitoyens alors que, paradoxalement, leurs revenus sont très inférieurs à la moyenne nationale.

84 % de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté. Le PIB par habitant est de 9 200 euros par an contre 32 900 euros en moyenne nationale. On pourrait donc légitimement espérer que les prix des denrées soient diminués en proportion.

Or, selon une étude de l’Insee publiée en 2015, le coût de la vie est plus élevé à Mayotte qu’il ne l’est en France métropolitaine ([75]). Les prix hors loyers sont de 6,9 % plus élevés qu’en métropole ; les produits alimentaires et boissons non alcoolisées consommés habituellement en métropole coûtent 42 % plus cher à Mayotte. Il en va de même pour la plupart des dépenses de la vie quotidienne : biens et services de communications (+ 35 %), loisirs et culture (+ 27 %), équipement (+ 25 %) et même services de santé (+ 12 %).

Les seuls prix avantageux pour les Mahorais le sont pour de mauvaises raisons : « le coût du transport est proche de la métropole (…) en l’absence de transports en commun » ; les charges liées au logement coûtent 9 % moins cher à Mayotte du fait de la généralisation de l’habitat précaire ; l’eau et l’électricité sont meilleur marché pour ceux qui ont la chance d’en disposer facilement.

À Mayotte comme dans les autres départements d’outre-mer, le sentiment de vie chère et les prix plus élevés sont des phénomènes susceptibles de recevoir diverses explications : les marges des importateurs et des distributeurs, le manque de concurrence dans le secteur de la grande distribution ou encore les taxes douanières. On ne saurait s’abstenir, cependant, de souligner le rôle joué par les coûts d’acheminement et du fret maritime, déjà pointé en 2011 par le rapport sénatorial précité. Le volume du chargement des navires à destination de Mayotte est en général faible et les bateaux repartent souvent presque à vide vers la métropole : les compagnies maritimes répercutent logiquement cette moindre rentabilité des chargements sur leurs tarifs ([76]). Cette charge supplémentaire pourrait être réduite si le port de Mayotte parvenait à quitter son statut actuel de desserte finale pour devenir plateforme d’éclatement.

Par ailleurs, votre rapporteur note que l’étude de l’Insee ne prend pas en considération le prix du billet aérien, plus élevé pour les Mahorais que pour d’autres lorsqu’il s’agit de rallier Paris ou La Réunion.

C.   Des équipements sous-dimensionnés qui étouffent le développement de Mayotte

Au-delà des infrastructures de transport, Mayotte pâtit également d’un sous-équipement dans l’accès aux principaux services publics. Des installations vieillissantes, insuffisantes ou tout simplement absentes obèrent le développement économique et mettent en péril le précieux écosystème mahorais alors même que l’île présente des conditions idéales pour des dispositifs innovants et respectueux de l’environnement.

1.   Le centre universitaire de formation et de recherche

À la rentrée 2018, Mayotte comptait 183 écoles, 21 collèges, et 11 lycées. 6 254 enseignants avaient la charge d’instruire 101 004 élèves, soit 4,2 % de plus que l’année précédente. On dénombre 54 746 écoliers, 29 636 collégiens et 16 662 lycéens. La démographie constitue un véritable défi puisque l’île enregistre 27 naissances quotidiennes, soit l’effectif d’une nouvelle classe chaque jour.

Le Plan d’action pour l’avenir de Mayotte, présenté par le Gouvernement en mai 2018, s’attache à répondre à cette situation en décidant la transformation du vice-rectorat de Mayotte en rectorat de plein exercice et en allouant 500 millions d’euros sur l’ensemble de la législature pour la construction d’équipements scolaires du premier et du second degrés. L’encadrement pédagogique a également été renforcé.

Votre rapporteur exprime son accord à cette politique volontariste au bénéfice des enfants, même si elle constitue à n’en pas douter un appel pour les aspirants à l’immigration qui sont ainsi certains que leurs enfants trouveront à Mayotte une scolarisation gratuite et de bon niveau. Il redoute néanmoins que l’engagement de l’État en faveur de l’éducation des Mahorais s’arrête au baccalauréat.

Or, lors de la session 2017, plus des trois quarts des candidats au bac général de Mayotte l’ont obtenu – dont 17 % avec une mention bien ou très bien. Le débouché naturel de ces jeunes étudiants est le centre universitaire de formation et de recherche (CUFR) de Mayotte ([77]).

Évolution des inscriptions au CUFR de Mayotte

Source : CUFR de Mayotte, projet d’établissement

À la rentrée 2018, le CUFR compte environ 1 300 étudiants, soit une augmentation de 120 % depuis 2012. Les effectifs stagnent depuis 2015 en raison de l’exiguïté des bâtiments, ce qui signifie que de jeunes Mahorais désireux de poursuivre leur formation sur leur île en ont été empêchés.

Comme l’a indiqué à votre rapporteur le directeur du CUFR, M. Aurélien Siri, le département de Mayotte a compté en 2018 près de deux mille bacheliers généraux et technologiques, alors même que le nombre de places offertes par le centre universitaire sera limité à 492. Toutes les filières de formation sont en tension, particulièrement le droit avec 800 demandes pour 100 places.

Si une enveloppe de 5,2 millions d’euros devrait être prochainement débloquée dans le cadre du contrat de plan État/région pour 2015‑2020, elle ne répondra que très partiellement aux besoins d’extension des locaux. Selon une première estimation, les sommes requises seraient probablement de l’ordre de 20 millions d’euros.

Votre rapporteur appelle l’État à ne pas oublier l’enseignement supérieur dans son action en faveur de l’éducation à Mayotte. Un investissement exclusif sur le premier et le second degrés et une saturation persistante du centre universitaire auraient un effet dévastateur sur l’évolution démographique de l’île, en incitant les candidats à l’immigration à venir scolariser leurs enfants aux frais de la France et en poussant les jeunes Mahorais bacheliers à quitter leur département pour poursuivre leur formation à La Réunion ou en Europe. Les investissements en faveur de la jeunesse de Mayotte doivent lui permettre de participer au développement du territoire.

2.   La gestion de la ressource en eau

L’eau à Mayotte provient essentiellement des eaux de surface. Deux retenues collinaires, à Combani (1,5 million de mètres cube) et Dzoumogné (2,5 millions de mètres cube), fournissent 80 % de la production. Le reste provient des forages (18 %) et d’une unité de dessalement de l’eau de mer à Petite-Terre.

Le déficit de pluviométrie qui a frappé l’île en 2016 et 2017 ainsi que la pénurie d’eau qui a suivi ont montré que ces installations n’étaient pas suffisantes, même avec des mesures exceptionnelles de rationnement de la consommation. L’État est intervenu en allouant une enveloppe de 25 millions d’euros dans le cadre du Plan d’urgence eau. Le dispositif comportait des actions de court terme, comme la rotation de navires citernes depuis La Réunion, mais aussi des perspectives de long terme avec le lancement de forages, la construction d’une seconde usine de dessalement et la création d’une troisième retenue collinaire.

Le Plan d’urgence eau s’est achevé il y a peu, permettant de reconstituer les capacités d’approvisionnement en eau de la population. Toutefois, ses ambitions de long terme ne se sont pas concrétisées. Le projet de troisième retenue collinaire fait toujours l’objet d’études préliminaires et, selon la préfecture, le choix du terrain reste à effectuer. Quant au dessalement de l’eau de mer, une extension de l’usine existante a finalement été préférée à l’édification d’un nouvel équipement ; un incendie est survenu sur les lieux en août 2018 et les installations se trouvent depuis à l’arrêt ([78]).

Un contrat de progrès a été signé le 25 juillet 2018. Financé par l’État, le conseil départemental, l’Union européenne et l’Agence française de la biodiversité, son volet « eau potable » mobilise 67,39 millions d’euros pour l’amélioration des points de captage, la mise à niveau des ouvrages de stockage, la sécurisation de l’adduction des eaux traitées et la mobilisation de ressources nouvelles.

Comme l’indique le rapporteur du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018, M. Oliver Serva, « il conviendra d’être particulièrement attentif à la réalisation de ces investissements (…), le syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte [SIEAM] a connu de graves difficultés de gestion qui l’ont empêché d’exercer ses compétences » par le passé ([79]). Votre rapporteur se félicite, de ce point de vue, de l’appui apporté par l’Agence française de développement au SIEAM pour l’accompagner dans sa conduite des projets, notamment en matière de maîtrise d’ouvrage.

État des cours d’eau et des eaux côtières de Mayotte

Légende : vert = bonne qualité, jaune = qualité moyenne, marron = qualité médiocre, rouge = mauvaise qualité.

Source : schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux 2016-2021.

Le contrat de progrès comprend également 73,13 millions d’euros destinés aux investissements en matière d’assainissement des eaux usées. Il prévoit notamment l’édification de quatre stations d’épuration de grande taille au sud de Mamoudzou, à Koungou, à Tsingoni, à Petite-Terre, la réhabilitation de la station Baobab de Mamoudzou et la construction de trois unités plus restreintes – une à Chirongui et les deux autres à Bouéni. Cette action volontariste est plus que nécessaire à l’heure où 80 % à 90 % des eaux usées sont déversées dans la nature et ruissellent dans le lagon sans traitement.

Votre rapporteur appelle également les autorités en charge de la politique de l’eau à prendre leurs responsabilités pour assurer l’approvisionnement des Mahorais. Il lui apparaît :

–  pour ce qui concerne les installations de captation de la ressource en eau, que la construction de la troisième retenue collinaire doit être élevée au rang de priorité et, à titre complémentaire, que le redémarrage de l’usine de dessalement de Petite-Terre, dont la montée à pleine charge était prévue en 2018, ne saurait davantage tarder ;

–  pour ce qui est de l’assainissement des eaux usées, que l’État répond à une situation exceptionnelle en finançant des équipements qui relèvent normalement des collectivités locales, mais que les stations d’épuration seront sans objet si les habitants aux ressources les plus limitées ne sont pas accompagnés pour se connecter aux réseaux ;

–  au regard de la protection de la ressource en eau, que la préservation des cours d’eau et des espaces côtiers de Mayotte doit revêtir une importance fondamentale, car la qualité des eaux pourrait être décisive pour la bonne santé des Mahorais ;

–  au vu de l’impératif de préservation pour les générations futures de l’exceptionnelle biodiversité du lagon, qu’un plan global de gestion des eaux pluviales de ruissellement doit être défini et mis en œuvre. Il ne peut y avoir de développement durable que dans le respect et la préservation de l’environnement.

3.   Un approvisionnement énergétique peu respectueux de l’environnement

La fourniture d’électricité à Mayotte est assurée par Électricité de Mayotte (EDM), opérateur unique pour l’île détenu à 50,01 % par le conseil départemental, à 24,99 % par Électricité de France (EDF), à 24,99 % par SAUR International et à 0,01 % par l’État ([80]).

La production d’électricité est à 95 % thermique, l’approvisionnement en combustible représentant entre 60 % et 80 % des coûts de production. Dix-sept moteurs diesel sont répartis entre la centrale des Badamiers sur Petite-Terre, mise en service en 1987, et la centrale de Longoni sur Grande-Terre, opérationnelle depuis 2009. Les puissances (de 750 kW à 8 MW) et les technologies différentes des moteurs permettent d’optimiser le fonctionnement du système au regard de ses besoins en base et en pointe ([81]).

Parc de production et réseau électrique mahorais

Source : Commission de régulation de l’énergie (2015).

Le parc est complété par des installations photovoltaïques réparties sur tout le territoire pour une puissance cumulée de 13 MWc. Les premiers panneaux ont été posés en 2009 dans le cadre du soutien tarifaire de l’État.

L’avenir immédiat de la centrale des Badamiers est longtemps demeuré incertain. Non conforme aux normes relatives aux émissions industrielles – pollution, bruit et brûlage des huiles usagées –, la centrale a fonctionné par dérogation temporaire acceptée par la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL). Électricité de Mayotte projette désormais son exploitation jusqu’à son obsolescence technique prévue en 2023. La centrale de Longoni a fait l’objet d’extensions avec de nouveaux moteurs afin de répondre à l’augmentation continue de la consommation due à la croissance démographique et économique soutenue.

Si la production des énergies renouvelables a augmenté progressivement, sa contribution au mix énergétique mahorais demeure très faible : 5,6 % de la production électrique et 1,4 % de la consommation d’énergie primaire. On compte peu de projets depuis l’implantation d’une ferme photovoltaïque près de la centrale de Longoni et de la ferme Corexsolar à Dzoumogné, qui fournit une alimentation dont la consommation équivaut à celle de plus de 2000 foyers/jour. Pourtant, verdir le bouquet énergétique fait partie des défis futurs que devra relever Mayotte, et le solaire représente sa meilleure perspective à cette fin.

Le potentiel de développement d’autres énergies renouvelables est faible. Deux projets de production de biomasse sont en cours. L’un est opérationnel ; il produit depuis décembre 2018 à partir des déchets de la décharge de Dzoumogné. L’autre est plus lointain, fondé sur la combustion de granulés de bois importés ([82]).

Votre rapporteur appelle à une mobilisation générale pour faire de Mayotte un territoire exemplaire en matière énergétique. Il est inadmissible que la quasi-totalité de la production électrique repose encore sur les hydrocarbures alors que le territoire bénéficie de conditions d’ensoleillement qui en font un terrain idéal pour les équipements photovoltaïques. Certes, l’exiguïté de l’île et les conflits d’usage ne devraient pas permettre de multiplier les fermes solaires particulièrement consommatrices de foncier. Mais il existe une autre solution avec l’intégration au bâti. Votre rapporteur a été heureux d’apprendre, à l’occasion de ses travaux, que le contrat de convergence en passe d’être signé prévoit de couvrir les retenues d’eau, les serres et les toits des équipements collectifs pour faire passer la part du photovoltaïque de 5 % à 20 % de la production d’électricité de l’île. C’est une première étape qui en appelle d’autres pour que le bouquet énergétique mahorais bascule durablement vers une production d’énergie bas carbone. L’effort doit être amplifié dès que possible et intégrer également le développement des transports à base de véhicules fonctionnant avec des énergies non ou peu carbonées.

4.   Le rendez-vous des Jeux des Îles de l’océan Indien 2027

Les Jeux des îles de l’océan Indien sont une compétition multisports où se rencontrent des athlètes des différentes îles du sud-ouest de l’océan Indien depuis 1979. Ils se déroulent tous les quatre ans. Sept délégations y prennent part :

–  cinq représentent des États indépendants (l’île Maurice, les Seychelles, l’Union des Comores, Madagascar et les Maldives) ;

–  deux émanent de départements français (La Réunion et Mayotte).

Si La Réunion prend part aux Jeux depuis leur création, les sportifs mahorais s’y rendent seulement depuis l’édition 2003 organisée à Maurice. Leur participation a d’abord eu lieu avec la délégation réunionnaise sous le nom de France de l’océan Indien, puis en tant que délégation mahoraise à partir des Jeux de 2007 à Madagascar.

Les Mahorais tiennent au drapeau français et à la Marseillaise ([83])

Mayotte a été le dernier territoire à intégrer les Jeux des Îles de l’océan Indien en 2006, et sous deux conditions de taille inscrites à la Charte JIOI rédigée par le Conseil International des Jeux des Îles (CIJ) : Mayotte n’a pas de droit de vote au CIJ et elle utilisera le drapeau des Jeux « et n’arborera aucun symbole de l’État français (hymne et drapeau) ». Des restrictions de taille qui gomment sa nationalité au profit d’une « pacification » des tensions avec l’Union des Comores, un des membres historiques.

En 2015, les Jeux étaient organisés à La Réunion. L’occasion pour la France de prendre position par la voix de son ministre des sports Patrick Kanner : « Le drapeau de Mayotte, c’est le drapeau français. La charte des jeux des Îles de l’océan Indien doit évoluer ». Hostiles au défilé des Mahorais sous le drapeau français et au son de la Marseillaise, les athlètes comoriens quittèrent la cérémonie d’ouverture et ne participèrent pas aux Jeux. « Il faut que l'Union des Comores comprenne que la position de la France est maintenant intangible, que nous avancerons, que Mayotte est française », a commenté M. Kanner ([84]).

Les prochains Jeux auront lieu à Maurice en juillet 2019. Pour votre rapporteur, il n’est pas envisageable, à cette occasion, que la délégation mahoraise soit contrainte de taire son appartenance à la nation française.

Mayotte a émis le souhait d’organiser les Jeux à l’occasion de l’édition 2027. Les investissements requis pour la mise aux standards internationaux des infrastructures sportives ont été estimés par le Département à 70 millions d’euros. Le taux d’équipement sportif à Mayotte est, en effet, vingt fois inférieur à la moyenne nationale pour chaque jeune de moins de vingt ans.

Votre rapporteur a appris au cours de ses travaux que le contrat de convergence sur le point d’être signé orientait 55 millions d’euros – soit 20 millions d’euros de l’État et 35 millions d’euros du Département – vers ces investissements d’ici à 2022. Quarante projets seraient concernés, dont certains cofinancés avec le rectorat pour une utilisation future dans un cadre scolaire.

Votre rapporteur se réjouit de ces bonnes nouvelles. D’une part, le reliquat de quinze millions d’euros pourra être apporté lors des exercices suivants de programmation. D’autre part, l’inscription de ces investissements sportifs dans une démarche partenariale avec l’éducation nationale garantit leur utilisation à l’avenir et la mobilisation de ressources en faveur de l’animation sportive. Il serait dommage, en effet, que cette opportunité ne soit pas saisie pour favoriser la pratique sportive sur le territoire mahorais, au bénéfice de la population et dans la perspective de former de futurs champions.

Aussi les Jeux des Îles de l’Océan Indien sont-ils un premier rendez-vous permettant une mobilisation des acteurs pour déclencher le rattrapage des équipements sportifs. Ce palier franchi, il sera plus aisé de construire un ensemble de pratiques sportives, tant en qualité qu’en quantité, tendant vers les standards nationaux et d’offrir ainsi à la jeunesse de Mayotte tous les bienfaits éducatifs et intégrateurs du sport.

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Commentaire des articles de la proposition de loi

Titre Ier
Dispositions générales

Article 1er
Effort de la Nation en faveur du Département de Mayotte

Rejeté par la Commission

L’article 1er de la proposition de loi détermine les objectifs de l’effort national en faveur du département de Mayotte : mettre à niveau les infrastructures de transport et d’interconnexion, réaliser l’égalité sociale, garantir la libre administration des collectivités territoriales, s’inscrire dans une trajectoire bas carbone, renforcer le développement économique endogène et sa position dans son environnement régional. Ces différents objectifs seront déclinés à horizon de trois, six ou dix ans selon les opérations qu’ils suscitent.

Ces priorités stratégiques ont été identifiées par les acteurs locaux. C’est donc dans une démarche de coconstruction que s’inscrit la présente proposition de loi, « pour la première fois de l’histoire des relations entre l’État et la collectivité de Mayotte » comme le souligne l’exposé des motifs. Son ambition consiste à déclencher un cercle vertueux de développement économique et social durable, et non à seulement gérer les conséquences du manque de maîtrise des frontières qui vaut à Mayotte d’être destinataire d’un flux illégal constant en provenance, principalement, de l’Union des Comores.

L’article 1er n’est pas sans faire écho à l’article 1er de la loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite « loi ÉROM », dont les premiers alinéas énoncent : « La République reconnaît aux populations des outre-mer le droit à l'égalité réelle au sein du peuple français. La République leur reconnaît le droit d'adopter un modèle propre de développement durable pour parvenir à l'égalité dans le respect de l'unité nationale. Cet objectif d'égalité réelle constitue une priorité de la Nation. À cette fin, et dans le respect des compétences dévolues à chacun et du principe de solidarité nationale, l'État et les collectivités mentionnées aux deuxième et troisième alinéas de l'article 72-3 de la Constitution engagent des politiques publiques appropriées visant à :

1° Résorber les écarts de niveaux de développement en matière économique, sociale, sanitaire, de protection et de valorisation environnementales ainsi que de différence d'accès aux soins, à l'éducation, à la formation professionnelle, à la culture, aux services publics, aux nouvelles technologies et à l'audiovisuel entre le territoire hexagonal et leur territoire ;

2° Réduire les écarts de niveaux de vie et de revenus constatés au sein de chacun d'entre eux. »

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 1er contre l’avis de votre rapporteur.

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Article 2
Programme de développement pour la période 2020-2029

Rejeté par la Commission

L’article 2 de la proposition de loi prévoit un effort exceptionnel de rattrapage pour les infrastructures et les dispositifs d’appui au développement économique et social durable. Il est chiffré à 99,5 millions d’euros par an en moyenne, sur une période de dix ans.

Comme l’indique l’exposé sommaire, ce versement exceptionnel de 995 millions d’euros sur dix ans « représente une augmentation d’à peine 9 % des transferts publics globaux vers Mayotte, tels qu’ils sont retracés dans le document de politique transversale (DCP) annexé à la loi de finances pour 2019 ». Des crédits supplémentaires sont inscrits à cette fin en surplus de ceux octroyés par la loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

Sont ainsi prévus les financements suivants :

–  80 millions d’euros pour les infrastructures portuaires, notamment pour la modernisation du port de Longoni et la construction d’un troisième quai ;

–  210 millions d’euros pour les infrastructures aéroportuaires, c’est-à-dire pour la construction de la piste longue de l’aéroport de Mayotte ;

–  170 millions d’euros pour le développement et la modernisation du réseau routier et le contournement de Mamoudzou ;

–  10 millions d’euros pour les infrastructures numériques ;

–  10 millions d’euros pour le financement de l’extension du centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte ;

–  25 millions d’euros pour la troisième retenue collinaire permettant la sécurisation des approvisionnements en eau du département ;

–  130 millions d’euros pour l’assainissement, dont 30 millions d’euros pour l’accompagnement des populations non raccordées au réseau ;

–  30 millions d’euros pour la gestion responsable des déchets :

–  30 millions d’euros pour la préservation des espaces naturels et agricoles, notamment le lagon et les cours d’eau intérieurs ;

–  70 millions d’euros pour les équipements sportifs destinés à accueillir les Jeux des Îles en 2027 ;

–  120 millions d’euros pour le redressement des dotations locales longtemps sous-évaluées ;

–  110 millions d’euros pour le développement des énergies renouvelables, dont 80 millions d’euros pour la filière photovoltaïque.

L’article 2 précise que ces sommes ont vocation à permettre le rattrapage des infrastructures, et qu’il appartiendra aux caisses de sécurité sociale de prendre en charge le financement de l’égalité sociale.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 2 contre l’avis de votre rapporteur.

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Article 3
Rapport d’application de la loi

Rejeté par la Commission

L’article 3 de la proposition de loi sollicite du Gouvernement la remise au Parlement d’un rapport annuel sur l’application de la présente loi. Ce rapport sera communiqué au conseil économique, social et environnemental de Mayotte, au conseil départemental de Mayotte, aux communes de Mayotte ainsi qu’à leurs établissements et syndicats de coopération intercommunale.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 3 contre l’avis de votre rapporteur.

Titre II
Dispositions relatives aux infrastructures

Article 4
(art. 9 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique)
Possibilité de porter de six à dix ans la durée des contrats de convergence applicables à Mayotte

Rejeté par la Commission

L’article 9 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite « loi ÉROM », prévoit que les plans de convergence conclus entre l’État et les collectivités territoriales ultramarines, d’une durée de dix à vingt ans, « sont déclinés en contrats de convergence, d'une durée maximale de six ans, ou en toutes autres mesures contractuelles nécessaires à leur mise en œuvre opérationnelle, pendant toute la durée de leur exécution ».

L’article 4 de la proposition de loi permet de porter à dix ans la durée du contrat de convergence à Mayotte, en cohérence avec l’article 2 prévoyant une programmation décennale et dans le but que le mouvement de rattrapage et de développement durable ne s’échoue pas, comme cela fut souvent le cas précédemment, sur l’écueil d’attitudes et de stratégies dilatoires.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 4 contre l’avis de votre rapporteur.

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Article 5
Contenu du contrat de convergence pour Mayotte en matière d’infrastructures

Rejeté par la Commission

L’article 5 de la proposition de loi prescrit l’intégration, au sein du contrat de convergence relatif à Mayotte, du financement des infrastructures aéroportuaires, portuaires et routières ainsi que du déploiement d’un réseau numérique haut débit. Il enjoint aussi l’inscription de crédits relatifs à la construction d’équipements sportifs et à la transformation du centre universitaire en université de plein exercice dotée d’un institut universitaire de technologie.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 5 contre l’avis de votre rapporteur.

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Titre III
Dispositions relatives au droit à l’égalité sociale

Article 6
Application à Mayotte du code de la sécurité sociale de plein droit

Rejeté par la Commission

Le code de la sécurité sociale n’est pas appliqué de plein droit à Mayotte, où de nombreuses prestations ne sont pas servies ou font l’objet d’une décote au regard des montants versés dans d’autres départements ([85]). Cette situation est difficilement compréhensible alors que le territoire abrite la population la plus pauvre de France, dont 84 % vit sous le seuil de pauvreté, tandis que le coût de la vie y est nettement plus élevé que la moyenne nationale. Si la solidarité nationale a vocation à s’exercer, c’est bien au bénéfice des Mahorais.

C’est pourquoi l’article 6 de la proposition de loi fixe au 1er janvier 2020 l’application de plein droit du code de la sécurité sociale à Mayotte.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 6 contre l’avis de votre rapporteur.

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Article 7
Rapport sur l’ouverture des dispositifs sociaux de droit commun et l’alignement des montants des minimas sociaux

Rejeté par la Commission

Afin de clarifier les modalités de mise en œuvre de l’égalité sociale, l’article 7 de la proposition de loi prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur les dates d’ouverture aux Mahorais des droits sociaux qui ne le sont pas encore et sur les dates d’alignement sur le droit commun des montants des prestations sociales qui font l’objet d’une décote. Ce rapport sera également transmis au conseil départemental de Mayotte et au conseil économique et social de Mayotte.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 7 contre l’avis de votre rapporteur.

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Article 8
Assurance vieillesse à Mayotte

Rejeté par la Commission

L’article 8 de la proposition de loi fixe les modalités de mise en œuvre de l’égalité sociale en matière de pension de retraite. Le minimum contributif est appliqué au 1er janvier 2020 pour les personnes justifiant de 160 trimestres d’activité professionnelle.

Les pensions de retraite et l’allocation de solidarité aux personnes âgées sont également alignées sur les conditions du droit commun au 1er janvier 2020.

La caisse de sécurité sociale de Mayotte, qui dégage un excédent annuel de 53 millions d’euros sur sa branche vieillesse, est appelée à financer ces mesures.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 8 contre l’avis de votre rapporteur.

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Titre IV
Dispositions relatives aux dotations aux collectivités territoriales

Article 9
Recensement de la population de Mayotte

Rejeté par la Commission

Les collectivités territoriales mahoraises souffrent de dotations insuffisantes puisque basées sur des données démographiques dont l’opinion générale est qu’elles sous-estiment sensiblement le nombre d’habitants en raison des évolutions rapides liées aux flux migratoires et de la forte proportion d’habitations précaires sur l’île de Mayotte. Comme l’indique l’exposé sommaire de la proposition de loi, on peut supposer que « les données du recensement général de la population de Mayotte de 2017 sont faussées par un refus de recensement d’une partie conséquente des étrangers en situation régulière et d’une partie majoritaire des étrangers en situation clandestine ». Le rythme jusque-là quinquennal du recensement, par ailleurs, n’a pas permis d’évoluer aussi vite que la population réelle de l’île.

L’article 9 de la proposition de loi prévoit la réalisation d’un audit sur le recensement réalisé en 2017 afin de détecter ses éventuelles imperfections et de les corriger à l’avenir. Cette mission permettra d’affiner l’estimation de la population réelle de Mayotte et d’identifier les collectivités territoriales qui n’auraient pas pu, en raison de ces erreurs, prétendre à des dotations auxquelles elles avaient droit.

Enfin, il est prévu que les prochains recensements soient effectués de façon glissante, décomptant chaque année une fraction donnée de la population afin d’estimer sa croissance globale, comme c’est le cas en droit commun et comme la loi ÉROM le prévoit pour Mayotte à partir de 2021. Cette date serait néanmoins anticipée au 1er janvier 2020.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 9 contre l’avis de votre rapporteur.

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Article 10
Base des dotations aux collectivités territoriales de Mayotte versées à partir de 2020

Rejeté par la Commission

L’article 10 de la proposition de loi ordonne, au 1er janvier 2020, que le calcul des dotations, subventions et péréquations dont bénéficient les collectivités territoriales mahoraises soit basé sur les conclusions de la mission d’audit prévue à l’article précédent. À partir de l’année suivante, les données utilisées seront celles du recensement glissant également prévu à l’article précédent.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 10 contre l’avis de votre rapporteur.

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Article 11
Fonds temporaire de dotations spéciales aux collectivités territoriales et syndicats intercommunaux de Mayotte

Rejeté par la Commission

L’article 11 de la proposition de loi institue, pour une période courant du 31 décembre 2019 au 31 décembre 2029, un fonds temporaire de dotations spéciales aux collectivités territoriales et syndicats intercommunaux de Mayotte. Il est doté de 120 millions d’euros, conformément aux dispositions de l’article 2, qui sont attribués pour moitié au conseil départemental, pour 35 % aux communes et pour 15 % aux syndicats de coopération intercommunale – au prorata du nombre de leurs habitants. Ces sommes ont pour objet de compenser l’insuffisance des dotations attribuées jusqu’à présent aux collectivités mahoraises sur le fondement d’une évaluation inexacte de leur population.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 11 contre l’avis de votre rapporteur.

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Titre V
Dispositions relatives à la préservation de l’environnement et à l’inscription du territorie dans une trajectoire bas carbone

Article 12
Contenu du contrat de convergence pour Mayotte en matière de gestion de l’eau et des déchets

Rejeté par la Commission

Sur le modèle de l’article 5 relatif aux infrastructures, l’article 12 de la proposition de loi prescrit l’intégration, au sein du contrat de convergence relatif à Mayotte, du financement des actions de préservation de l’environnement en matière de gestion de l’eau et des déchets. Sont ainsi concernés les réseaux de connexion à l’assainissement collectif, les dispositifs d’appui à l’assainissement individuel hors zone d’assainissement collectif, et les équipements de gestion écoresponsable et de valorisation des déchets. En effet, en raison de la forte croissance démographique de l’île et des flux migratoires qu’elle subit, l’urbanisation anarchique et le développement d’un habitat illégal – souvent en zone non constructible et classée à risques naturels – dégradent l’écosystème mahorais. Actuellement, 80 % à 90 % des eaux usées sont déversées dans la nature et ruissellent dans le lagon avant traitement. Le système de collecte et la valorisation des déchets, mis en œuvre récemment, est dépassé par le rythme de croissance du secteur. Il est nécessaire d’agir pour y remédier.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 12 contre l’avis de votre rapporteur.

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Article 13
Contenu du contrat de convergence pour Mayotte en matière de développement durable

Rejeté par la Commission

Sur le modèle de l’article 5 relatif aux infrastructures, l’article 13 de la proposition de loi prescrit l’intégration, au sein du contrat de convergence relatif à Mayotte, du financement des infrastructures de production d’énergie de source renouvelable – photovoltaïque et méthanisation – ainsi qu’à la préservation des espaces naturels, à la valorisation des espaces agricoles et à la suppression des polluants et substances chimiques. Mayotte est aujourd’hui alimentée en électricité à 95 % par des sources fossiles alors même qu’elle bénéficie de conditions climatiques et d’ensoleillement idéales pour le recours massif à une production solaire, respectueuse de l’environnement.

À cet égard, la proposition de loi s’intègre totalement dans les orientations les plus récentes du Gouvernement, notamment la « trajectoire Outre-mer 5.0 » présentée par la ministre des outre-mer le 31 janvier dernier, les annonces en matière de préservation de la biodiversité du Président de la République au palais de l’Élysée le 6 mai et les décisions du conseil de défense écologique du 23 mai.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 13 contre l’avis de votre rapporteur.

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Titre VI
Dispositions relatives aux dotations aux collectivités territoriales

Article 14
Gage de recevabilité financière

Rejeté par la Commission

L’article 14 de la proposition de loi a pour objet de compenser les charges qui pourraient résulter de la mise en œuvre des dispositions précédentes.

Il prévoit, à cette fin, élargissement aux transactions financières infra-journalières de la base de la taxe sur les transactions financières prévue à l’article 235 ter ZD du code général des impôts afin de compenser la charge créée pour l’État.

Il prévoit également la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs, prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, afin de compenser la charge créée pour les organismes de sécurité sociale.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 14 contre l’avis de votre rapporteur.

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Titre VII
Dispositions diverses

Article 15
Décret d’application

Rejeté par la Commission

L’article 15 de la proposition de loi prévoit la détermination des modalités de son application par voie de décret en Conseil d’État.

Lors de son examen de la proposition de loi, la commission des Lois a rejeté l’article 15 contre l’avis de votre rapporteur.

 


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   Compte rendu des débats

Lors de sa seconde réunion du mercredi 12 juin 2019, la Commission examine la proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte (n° 1907) (M. Mansour Kamardine, rapporteur).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7789874_5d00a0db192b9.commission-des-lois--orientation-et-programmation-relative-a-la-securite-interieure--programmation-12-juin-2019

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous allons procéder à l’examen de la proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte. Le rapporteur est M. Mansour Kamardine. Il s’agit d’un texte inscrit par le groupe Les Républicains à l’ordre du jour de sa journée réservée du jeudi 20 juin 2019.

M. Mansour Kamardine, rapporteur. Madame la présidente, chers collègues, 84 % de la population de Mayotte vit sous le seuil de pauvreté. Pourtant, le panier de la ménagère y est plus cher que la moyenne nationale de 73 %. La solidarité nationale s’y exprime moins que partout ailleurs dans les départements de métropole et des outre-mer.

Mayotte est un trésor environnemental de niveau mondial à valoriser, à préserver et à transmettre aux générations futures. Mais cet environnement est en danger, comme les trente-trois autres points chauds de la biodiversité mondiale répertoriés.

Mayotte est le seul département ultramarin dont l’aéroport ne possède pas de piste d’une longueur adéquate. Je suis persuadé que Mme la présidente et les deux vice-présidents de la Commission, qui nous ont fait l’honneur de leur visite, peuvent en témoigner : l’atterrissage est toujours assez sportif… Or, la population mahoraise sera la deuxième des outre-mer à l’horizon d’une génération et la position géographique de l’archipel est remarquable.

Mayotte est le seul département français d’outre-mer ne possédant pas de grand port maritime malgré une situation régionale stratégique reconnue de tous. C’est la porte d’entrée de la France et de l’Europe ainsi que de leurs entreprises en Afrique de l’Est et australe, où les perspectives de croissance économique sont importantes en comparaison avec la saturation des marchés européens.

Mayotte est la région française qui nécessite le plus d’investissements de la part des collectivités locales alors que les dotations de l’État par habitant sont, de loin, les plus faibles des départements français.

Mes chers collègues, Mayotte n’en peut plus des attitudes dilatoires qui consistent à remettre à après-demain ce qui avait été décidé hier. Mayotte souffre mais résiste et refuse de désespérer. Nos concitoyens de Mayotte rongent leur frein pour enfin être considérés pour ce qu’ils sont : des Français à part entière et non des citoyens de seconde zone. Les Mahorais demandent qu’on les libère des chaînes du sous-développement, des chaînes du sous-équipement, des chaînes de l’inégalité. Les Mahorais demandent qu’on libère leur énergie pour qu’ils puissent participer au développement économique et social de leur territoire, pour qu’ils puissent contribuer au destin de la nation et à la préservation de notre maison commune.

Il y a un an, l’État a présenté un plan de 1,3 milliard d’euros comme réponse à la grave crise sociale, migratoire et sécuritaire de 2017-2018. Dans ces conditions, pourquoi cette proposition de loi ? D’aucuns se posent la question. Ma réponse est simple : le plan gouvernemental de 2018 a répondu simplement à l’urgente nécessité de débrayer la colère sociale, mais il est resté muet sur la trajectoire d’un développement durable dont l’île a besoin.

Du reste, lorsque nous regardons de près ce plan de 1,3 milliard d’euros, nous notons qu’il ne comporte que 10 % à 15 % de mesures nouvelles en termes financiers. De plus, les axes principaux du plan gouvernemental visent à permettre l’intégration à travers l’accès à l’école et à l’hôpital des flux migratoires consécutifs à l’absence de maîtrise des frontières. Aussi, le plan de 2018 ne parle-t-il pas aux Mahorais car il ne tient pas compte de leurs priorités.

Tout le monde connaît ce proverbe probablement chinois : « Si tu veux nourrir un homme un jour, donne-lui un poisson ; si tu veux nourrir un homme toute sa vie, apprends-lui à pêcher. » Voilà ce que veulent les Mahorais : qu’on leur donne les moyens d’un développement durable endogène et la capacité d’être un moteur du développement régional.

Pour l’heure, je dirais que le Gouvernement s’évertue à livrer à Mayotte des poissons maigres en qualité et en quantité, mais en nombre suffisant pour attirer ceux qui dans la région peinent à survivre. L’État ne règle donc pas le problème ; en fait, il l’aggrave tout en allumant inconsciemment le feu des passions tristes, car on ne contraint des pauvres à partager la pauvreté avec plus pauvres qu’eux sans créer des ressentiments. N’oublions pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions !

Nous devons changer de paradigme. Ce n’est pas en maintenant Mayotte dans le sous-développement que nous enraierons la pression migratoire ; c’est en faisant de Mayotte un moteur puissant d’entraînement du développement régional que nous favoriserons le décollage économique et social de nos voisins et que nous désamorcerons la pompe infernale.

Voici l’objet de cette proposition de loi : doter Mayotte des infrastructures nécessaires à son développement durable et à son insertion régionale ; assurer la protection de son environnement ; rectifier la dotation de l’État aux collectivités locales.

Ce texte comporte un chiffrage clair de ce dont Mayotte a besoin pour casser la spirale de l’isolement, de la misère et du sous-équipement. Actuellement, nos infrastructures sont vieillissantes, insuffisantes ou détruites. Vieillissantes comme l’est la centrale électrique diesel des Badamiers dont la Commission de régulation de l’énergie disait déjà, en 2015, qu’elle n’était pas aux normes environnementales. Insuffisantes, comme l’est l’aéroport de Pamandzi où aucun Airbus ne peut se poser tellement elle est courte et où l’on maintient de ce fait un monopole aux conséquences tarifaires néfastes. Détruites, comme l’est l’usine de dessalement d’eau de mer de Petite-Terre qui a brûlé il y a un an et que personne ne semble vouloir réparer.

Je n’ai cité ici que quelques exemples marquants. Je vous invite à consulter le projet de rapport qui vous a été communiqué. Vous verrez que les routes sont dans un état si déplorable que des enfants se lèvent à quatre heures du matin pour arriver en classe à l’heure, alors que le collège ou le lycée n’est situé qu’à quelques kilomètres de leur domicile. Vous lirez que la population, la plus pauvre de France, se situe dans la dernière moitié des classements internationaux en termes d’indice de développement humain. Oui, mes chers collègues, Mayotte, terre de France, est derrière les Seychelles, l’Île Maurice, le Venezuela et Cuba en termes d’indice de développement humain !

Il faut sortir de ce cercle négatif dans lequel nous entraîne une croissance démographique incontrôlée. Quand on rencontre les statisticiens, ils disent que les flux entrants sont élevés parce que les arrivées depuis les Comores ne tarissent jamais. Ces flux ont même été multipliés par dix dans la période 2013-2017, comparée à la période 2008-2012, alors que les jeunes Mahorais, pourtant éduqués et de nationalité française mais désespérant de construire un avenir sur leur territoire, quittent Mayotte en masse pour rejoindre la métropole ou La Réunion. Entre 2013 et 2017, plus de 26 000 jeunes ont quitté le territoire parce qu’ils désespèrent de Mayotte.

Nous devons rétablir l’égalité républicaine pour favoriser le maintien à Mayotte des natifs qui le souhaitent. Dans ce texte, je vous propose d’instaurer l’égalité sociale, et pas en 2036 comme projeté actuellement. Je vous propose aussi de soutenir les collectivités territoriales confrontées à des défis d’investissements insolubles parce qu’elles reçoivent moins que ce qu’elles devraient de la part de l’État. Oui, il faut le dire : un Mahorais reçoit moins de l’État, en moyenne, qu’un métropolitain ou qu’un ultramarin. Ce n’est pas moi qui le dis : la Cour des comptes l’a écrit, de même que les deux derniers rapporteurs de notre commission des Lois sur le budget de la mission « Outre-mer » – Mme Huguette Bello et M. Philippe Dunoyer. Je n’invente donc rien en parlant de ce beau territoire que je porte en moi. Encore faut-il préciser que leurs calculs se fondent sur le recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques qui est bien moins fiable à Mayotte dans la mesure où une bonne partie de la population, en situation irrégulière, évite les contacts avec les agents recenseurs.

Nous devons aussi, et surtout, offrir des perspectives pour le futur. Mon texte vous propose un futur responsable écologiquement, sur la base de constats simples, en partant des réalités. Je vous donne un seul exemple : constatant que l’assainissement est défaillant, l’État va financer huit centrales d’épuration d’ici à 2022, mais comme le réseau des eaux usées est extrêmement lacunaire, voire inexistant dans les bidonvilles, nous savons que les déchets finiront immanquablement dans le sous-sol et dans le lagon… Il ne faut pas replâtrer ; il faut construire en ayant l’environnement toujours en tête. Les discours sur la préservation de la biodiversité et la lutte contre le réchauffement climatique, c’est bien. Je vous propose maintenant de passer aux actes.

Nous devons aussi profiter des atouts que la nature met à notre disposition. Depuis plus de cent cinquante ans, des marins français s’émerveillent devant la baie de Longoni qui est un port naturel absolument parfait. Nous sommes un territoire français, pauvre mais sûr, qui pourrait accueillir les investisseurs. Dans le modèle du commerce international maritime, nous devrions logiquement être la plateforme d’éclatement de toute la sous-région et rayonner sur l’ensemble du canal du Mozambique. Ce n’est pas le cas parce que le port est mal géré, parce que c’est le seul port outremer dans la gouvernance duquel l’État ne joue pas son rôle, parce que nous manquons d’infrastructures. J’ai déposé un amendement sur ce sujet, hélas incomplet pour cause de recevabilité financière, mais dont je vous reparlerai tout à l’heure.

Mes chers collègues, alors que les braises couvent et menacent comme l’attestent les résultats d’une élection récente, alors que notre maison commune brûle, les Mahorais vous demandent de ne pas regarder ailleurs. Pour une fois, pour la seule fois depuis 2017, il vous est proposé de prendre en compte globalement leurs aspirations. Les mots coconstruction, considération, projet partagé, intégration régionale, égalité républicaine, conquête des marchés internationaux, fraternité ne sont pas que des slogans. Osez en faire des réalités !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

M. Stéphane Mazars. Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte. Je tiens tout d’abord à saluer le travail de notre collègue Mansour Kamardine que l’on sait, comme les autres parlementaires mahorais que sont la députée Ramlati Ali et le sénateur Thani Mohamed Soilihi, particulièrement engagé sur les sujets qui concernent ce territoire et son devenir.

Nous partageons le constat dressé concernant la situation de Mayotte et ses besoins en termes de rattrapage et de développement. Il est indéniable que Mayotte affiche un retard par rapport aux autres départements de la République dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de la mobilité, de l’environnement ou de la sécurité. Il est vrai aussi que la forte pression migratoire, notamment en provenance des Comores, déstabilise l’équilibre de l’île et participe à ses nombreuses fragilités.

À titre personnel, j’ai pu me convaincre des réelles difficultés rencontrées par nos compatriotes mahorais lors d’un déplacement sur place au mois de septembre 2018 avec notre présidente Yaël Braun-Pivet et M. Philippe Gosselin. Nous avons livré le même état des lieux, le 22 janvier, lors de la présentation de notre rapport consécutif à ce déplacement.

Nos constatations et la nécessité de répondre rapidement à la situation mahoraise ont été et demeurent largement partagées par le Gouvernement. En effet, après le mouvement social important qui a paralysé l’île au début de l’année 2018, la ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin, a formulé au nom du Gouvernement un plan d’action pour l’avenir de Mayotte comportant 53 engagements et 125 actions.

S’agissant de sa mise en œuvre, un premier bilan peut être dressé. Les mesures semblent à la hauteur des enjeux locaux. Ainsi, sur le plan de la sécurité, le nombre d’effectifs des forces de l’ordre a-t-il augmenté avec plus de 170 policiers et gendarmes supplémentaires depuis 2018. Mayotte a également bénéficié de la mise en place de la police de sécurité du quotidien, tant en zone gendarmerie que police. Le nombre de réservistes de la gendarmerie et de la police a également été renforcé.

Sur le plan de la prévention de la délinquance, le Fonds d’intervention pour la prévention de la délinquance a été doublé.

Sur le plan de la lutte contre l’immigration illégale, l’état-major de lutte contre l’immigration clandestine créé par le Gouvernement est installé depuis le 25 mai 2018 et le groupe d’enquête sur la lutte contre l’immigration clandestine depuis le 20 juin. Ce groupe rassemble des personnels de la sécurité publique de la police aux frontières, de la gendarmerie, de la douane et des finances publiques. Ces efforts, tant en moyens qu’en organisation, ont conduit à 15 000 mesures d’éloignement en 2018, en dépit des mesures de suspension officielle des reconduites pendant huit mois. On note une moyenne de 2 300 éloignements par mois au cours du premier trimestre 2019, contre 1 000 en 2017. Ces engagements se sont également traduits par une hausse des interpellations à terre, en 2018 comme en 2019, ou encore par le démantèlement de filières de passeurs en 2018.

Sur le plan de l’emploi, la direction régionale de Pôle emploi a été créée le 1er avril 2019. Son directeur est déjà en poste. Le dispositif « Cadres avenir à Mayotte » est lancé depuis la rentrée 2018 : 2,2 millions d’euros ont été investis par l’État pour financer 486 entrées en formation supplémentaires.

Sur le plan de la santé, le Gouvernement a engagé, en plus de la mise en place d’une agence de santé de plein exercice à Mayotte, 20 millions d’euros de crédits en 2019 pour programmer des travaux d’urgence.

Sur le plan de l’éducation, un rectorat de plein exercice va être créé. 500 personnels seront recrutés sur cinq ans.

À ces premières mesures s’ajoutent celles du plan « Trajectoire outre-mer 5.0 », arrêté le 8 avril dernier, qui devrait être la concrétisation des objectifs de développement durable issus des assises de l’outre-mer et du Livre bleu.

Enfin, un contrat de convergence sera signé à la fin du mois de juin qui représentera la trajectoire budgétaire de l’État et des collectivités locales de 2019 à 2022. Les principaux engagements de ce contrat à venir sont les suivants : près de 200 millions d’euros sur le volet infrastructures de santé ; 140 millions d’euros pour l’eau et assainissement ; 450 millions d’euros pour les équipements scolaires ; plus de 230 millions d’euros pour le logement et la politique de la ville ; 45 millions pour les infrastructures sportives : 180 millions d’euros pour les transports et les mobilités ; 21,3 millions d’euros avec le dispositif du plan d’investissement des compétences pour la formation. Au total, l’État devrait doter ce contrat de convergence au bénéfice de Mayotte d’une somme de 1,1 milliard d’euros.

Aussi, cher Mansour Kamardine, si nous partageons le diagnostic quant à la situation de l’île et aux attentes de nos concitoyens qui y vivent, il est préférable de s’en remettre à l’action gouvernementale, particulièrement volontariste, ambitieuse et d’ores et déjà engagée, plutôt qu’à une proposition de loi dont les contours et le caractère définitif sont incertains.

Mayotte a toujours exprimé son amour à la République ; c’est à cette dernière qu’il appartient désormais de se montrer à la hauteur de l’attachement des Mahorais. C’est pourquoi, pour l’avenir de notre cent-unième département, le groupe LaREM s’en remettra, avec exigence mais confiance, aux engagements sans précédent pris pour cette île par le Gouvernement.

M. Philippe Gosselin. Je tiens à saluer notre collègue Mansour Kamardine pour le travail réalisé. Comme lui, Les Républicains ont à cœur d’assurer le développement économique, social, autonome des différents territoires ultramarins, et notamment de Mayotte. L’outre-mer, c’est la France, toute la France. Il ne doit pas y avoir des citoyens de seconde zone, il ne doit pas y avoir ceux qui seraient proches de la métropole et ceux qui vivraient dans des zones périphériques en difficulté.

Le Président de la République doit se rendre à l’automne à Mayotte. Pour notre part, nous sommes prêts dès maintenant à ce vrai plan Marshall de développement qui nous est proposé par notre collègue Mansour Kamardine, pour assurer une reprise en main d’un certain nombre d’infrastructures et d’investissements dans une île qui est devenue, en 2011, le cent-unième département de France.

Ce plan est assez ambitieux puisqu’il représente une centaine de millions d’euros chaque année pendant une dizaine d’années, soit au total 1 milliard d’euros. Mais si l’on rapporte ce montant au nombre d’habitants et aux besoins, cela ne me semble pas insurmontable, même si je note sans polémiquer que le Gouvernement a pris en compte ces derniers temps un certain nombre des questions qui se posent.

Nous soutiendrons ce texte car il s’agit d’assurer sur des bases saines le développement du territoire, l’égalité des droits économiques et sociaux, mais aussi le rayonnement culturel et économique de la France. Comme l’a indiqué le rapporteur, Mayotte a une situation géographique exceptionnelle aux portes de marchés en pleine expansion, ceux de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe. C’est l’occasion de faire entrer dans la modernité ce territoire qui a une vieille relation avec la France : je ne reviendrai pas sur les sultans batailleurs ni sur la cession de 1841, mais si certains territoires ont parfois eu des relations compliquées avec la métropole, ce n’est pas le cas de Mayotte. Aucun doute, Mayotte, c’est la France, c’est bien toute la France ! Nous avons pu le vérifier lorsque nous nous sommes rendus sur place en septembre dernier avec la présidente Yaël Braun-Pivet et le vice-président Stéphane Mazars, avant de partager ici même, au mois de janvier, ce diagnostic de la situation difficile, voire périlleuse de Mayotte.

De vraies questions se posent en matière d’infrastructures : les voies de communication sont saturées, les routes sont dans un état tel que les enfants doivent se lever très tôt pour rejoindre le collège ou le lycée – où le rythme n’est d’ailleurs pas le même que dans les autres départements français puisque ces établissements sont contraints de fonctionner en rotation, par demi-séquences pour accueillir tant bien que mal des jeunes qui ont besoin de formation professionnelle et intellectuelle. Or, plus de la moitié de la population à Mayotte a moins de vingt ans : si la jeunesse est une chance, elle crée aussi des difficultés de gestion à court terme puisque les infrastructures sont défaillantes et que cela exige des investissements.

Il convient aussi d’assurer les services de base et les services publics du quotidien. On note, comme l’a dit le rapporteur, des différences en ce qui concerne les régimes sociaux avec des décotes qui peuvent atteindre 50 % par rapport à ce qui se fait ailleurs. C’est vrai pour le revenu de solidarité active (RSA) et pour certaines pensions de retraite, ce qui n’est pas acceptable. Un plan de rattrapage s’impose.

En matière d’urbanisme, nous avons pu constater que les constructions partent dans tous les sens. Nul ne peut nier ni contester les difficultés liées à l’existence de bidonvilles. Certes, les gens ont peut-être une certaine philosophie de vie et savent s’adapter, mais on ne peut pas soutenir que cette situation est normale. De surcroît, tout rejaillit sur un environnement écologique fragilisé qu’il faudrait effectivement totalement intégrer dans la « Trajectoire outre-mer 5.0 » telle qu’elle a été définie, et aller au-delà.

En conclusion, le plan d’ensemble que propose le rapporteur ne me paraît pas en contradiction avec ce que fait le Gouvernement aujourd’hui, mais complémentaire et aller au-delà. C’est pourquoi nous devons soutenir ces efforts importants au profit de Mayotte.

M. Erwan Balanant. Le constat est indéniable et partagé par tous : le département de Mayotte connaît de nombreuses difficultés et un retard en matière d’infrastructures. Notre Commission est sensible à cette situation dont nous avons déjà discuté il y a quelques mois grâce au rapport d’information de notre présidente et de MM. Gosselin et Mazars, qui se sont penchés sur les problématiques régaliennes ainsi que sur le volet économique et social.

Je tiens à vous remercier, monsieur le rapporteur, pour cette proposition de loi qui est l’occasion de mettre en lumière les autres difficultés, notamment environnementales, de ce territoire. Toutefois, nous sommes en désaccord sur les solutions à apporter. Vous ne nous proposez qu’un axe de réponse : un effort de financement de 995 millions d’euros sur dix ans avec un fléchage en direction de certaines infrastructures. Si le groupe du Mouvement démocrate et apparentés reconnaît bien volontiers que certains projets que vous mettez en avant sont nécessaires et utiles au développement de Mayotte, la méthode nous paraît discutable : nous ne partageons pas cette logique selon laquelle il suffirait de financements supplémentaires pour régler la plupart des problèmes, car il faut aussi souvent lever des freins et des difficultés structurelles. C’est sur ces points qu’il nous faut insister et travailler.

Lors du printemps de l’évaluation et de l’examen de la mission Outre-mer, nous avons pu constater une sous-consommation des crédits sur l’exercice 2018, qui s’explique notamment par la difficulté à mettre en œuvre un projet efficace, viable et pragmatique.

Vous souhaitez inscrire dans une loi une grande partie du contenu du plan de convergence conclu entre l’État et le département de Mayotte. Cette approche ne nous paraît pas judicieuse. Nous préférons laisser aux acteurs locaux le soin de négocier les projets avec l’État et de mettre en œuvre prioritairement ces projets au sein du plan de convergence.

De plus, nous pensons qu’il est de notre devoir de parlementaires d’avoir une réflexion réaliste sur le financement de nos propositions. Vous proposez de financer 99,5 millions d’euros par an par la taxe sur les transactions financières infrajournalières. Je rappelle que cette taxe avait été inscrite dans la loi de finances de 2017 et supprimée par la loi de finances de 2018, juste avant son entrée en vigueur car il aurait été techniquement impossible de la mettre en œuvre. J’ajoute qu’elle avait été vivement critiquée par la Cour des comptes en raison d’un fort risque de contentieux avec les investisseurs étrangers.

Enfin, nous souhaitons rappeler que le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) est en mesure de financer une grande partie des projets que vous mettez en avant dans cette proposition de loi : Mayotte bénéficie tout particulièrement du FEI qui a été augmenté cette année de 70 millions d’euros. Notre groupe pense que plusieurs projets que vous soutenez pourront être mis en œuvre par ce biais.

Mme George Pau-Langevin. Monsieur le rapporteur, vous proposez de lutter contre les retards d’équipement et dans la mise en œuvre des droits sociaux à Mayotte, et d’en faire un territoire zéro carbone – objectif environnemental que nous ne pouvons que partager. Vous prévoyez une programmation financière pour un effort exceptionnel de rattrapage des infrastructures.

Bien entendu, les membres du groupe Socialistes et apparentés sont d’accord sur le caractère inacceptable des retards soulignés. Vous mettez en avant un certain nombre d’actions à mener, par exemple en matière d’infrastructures : le port en eau profonde de Longoni, le prolongement de la piste de l’aéroport à Pamandzi ou la construction d’une nouvelle piste convergente, dossiers que l’on connaît bien puisqu’ils sont en cours depuis longtemps. Vous préconisez également une amélioration des transports routiers et une augmentation des effectifs du centre universitaire de formation et de recherche supérieure à ce qui est prévu par le contrat de plan État-région. Vous soulignez aussi, à juste titre, les difficultés afférentes à la gestion de l’eau malgré le plan d’urgence eau, estimant que le contrat de progrès signé au mois de juillet 2018 n’apporte pas suffisamment de moyens.

Tout ce qui se dit concernant l’égalité sociale nous semble fondé. C’est vrai, Mayotte détient un triste record avec 84 % de la population sous le seuil de pauvreté, et le record de coût du panier moyen de consommation des produits de consommation courante. Mais si nous sommes tous conscients que Mayotte est un des territoires les plus pauvres et qu’il souffre d’un retard d’équipement, il ne faut pas oublier que c’est aussi le territoire qui est entré le plus tard, si je puis dire, dans l’ensemble français – c’était en 1841 – et qu’il est devenu un département français il y a seulement quelques années.

Pour rattraper ces retards, la loi de juillet 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique a affirmé le droit des Mahorais à vivre à égalité avec les autres. Elle a aussi défini une méthode pour y parvenir, celle des contrats de convergence, qui interviennent après un certain nombre d’accords contractuels qui existaient déjà : ainsi le projet Mayotte 2025, qui avait été élaboré après une large concertation sur les besoins de la population.

Au final, je ne suis ni pour ni contre votre proposition de loi. Sur le fond, vous avez sans doute raison. Mais je ne comprends pas comment les crédits énoncés dans la proposition de loi vont s’articuler avec ce qui est prévu dans la loi relative à l’égalité réelle outre-mer, avec les contrats de convergence signés l’année dernière et qui sont en cours, avec les contrats de plan eux aussi en cours et avec la loi de finances qui réajuste annuellement les crédits. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas encore une opinion définitive. Si je ne suis pas en désaccord avec de nombreux points que vous soulignez, je ne vois pas très bien ce qu’ils apportent de nouveau par rapport à la trajectoire financière définie contractuellement ni comment les crédits que vous proposez s’intègrent dans le dispositif arrêté entre les élus et l’État dans les contrats de convergence.

M. Philippe Dunoyer. À mon tour, je tiens à saluer la grande qualité et la grande exhaustivité du rapport qui accompagne cette proposition de loi. J’avoue sans honte que j’ai appris beaucoup de choses.

M. Erwan Balanant. Ça donne envie d’y aller !

M. Philippe Dunoyer. Effectivement, même si l’atterrissage est sportif, ai-je cru comprendre !

M. Mansour Kamardine, rapporteur. Vous êtes tous invités !

M. Philippe Dunoyer. En tant qu’ultramarin, je tiens à témoigner au rapporteur ma solidarité ultramarine tout à fait naturelle, mais sincère, sur les constats d’ordre général qui ont été faits avant de parler des constats propres au département de Mayotte. Beaucoup ici sont convaincus que les territoires d’outre-mer, tous statuts confondus, sont les plus atteints par les inégalités, encore aggravées par l’éloignement, la faiblesse de leur population et le coût de la vie. C’est particulièrement vrai à Mayotte, mais aussi en Nouvelle-Calédonie. Globalement, c’est dans ces territoires que les injustices et les inégalités sont les plus marquantes.

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec l’idée selon laquelle l’entrée récente de Mayotte dans le groupe des départements serait une des raisons qui explique son retard, 170 ou 180 ans après avoir rejoint la France. Comme l’a dit le rapporteur tout à l’heure, ayons le courage de reconnaître, toutes sensibilités confondues, que l’on a longtemps, trop souvent fermé les yeux sur la situation de ces territoires, loin des yeux loin du cœur… c’est un parallèle que je peux faire avec celui dont je suis élu. Cela dit, le Gouvernement actuel s’est engagé dans une voie différente. C’est tant mieux pour Mayotte.

Comme M. Balanant, j’ai toujours un peu de réticence à considérer qu’il faille présenter la situation de nos territoires de manière négative. Même si les inégalités sont présentes et qu’il faut procéder à des rattrapages, Mayotte et les autres territoires d’outre-mer ne sont pas des charges, mais bien des chances pour la France. Aussi convient-il d’aborder les problématiques de ces territoires, et notamment du vôtre, monsieur le rapporteur, de cette façon-là. C’est la raison pour laquelle, même si le prisme budgétaire est incontournable, je considère – mon cœur d’ultramarin saigne un peu, mais mon cœur de membre du groupe UDI-I et d’ancien rapporteur pour avis de la mission Outre-mer dans le budget 2019 un peu moins – que la réponse à la situation de Mayotte ne peut pas se trouver dans ces 995 millions d’euros. D’ailleurs, ce n’est pas ce que vous dites.

Je retiens de votre proposition de loi d’abord et surtout un appel à une attention particulière. Cette attention a déjà commencé à se concrétiser en 2019. Nous aurons l’occasion de le vérifier. À cet égard, je voudrais m’engager, à titre personnel, chaque fois que nous examinerons la mission Outre-mer, dans chaque prochain projet de budget, à vérifier si la trajectoire enclenchée est effectivement tenue dans la mesure où Mayotte nécessite, plus que nombre d’autres territoires, un rattrapage en termes d’infrastructures et d’inégalités sociales, mais également de développement économique endogène. Cela nous emmènera probablement beaucoup plus loin qu’à l’échéance de dix ans. Pour l’heure, votre proposition embrasse tous ces champs, et je crains que nous soyons confrontés à cette difficulté. « Qui trop embrasse mal étreint », comme dit l’adage populaire, ce qui m’amènera à exprimer, au nom du groupe UDI et Indépendants, une position quelque peu nuancée.

Enfin, le Président de la République a proposé qu’un axe indo-pacifique soit construit. Il passera par l’océan Indien et l’océan Pacifique, où Mayotte, La Réunion, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie seront les dernières portes d’entrée de l’Union européenne dans ces deux espaces colossaux, les cinq derniers territoires qui permettent à la France d’y être présente, bien au-delà de l’Hexagone. Je tenais à conclure mon propos par cette note positive : il faut que cet axe nourrisse à la fois votre réflexion et la nôtre afin que nous puissions donner, au-delà des moyens budgétaires, une capacité à la France de soutenir nos populations – notamment celle de Mayotte.

Mme Danièle Obono. Nous accueillons cette proposition de loi plutôt positivement car elle permet d’aborder le problème général du traitement des outremers, en particulier de Mayotte qui souffre de nombre de problèmes qui ne peuvent être attribués au seul fait qu’elle soit devenue un département français seulement en 2011. Ce texte nous permet aussi de réfléchir ensemble aux propositions qui permettraient aux concitoyens de ce territoire de bénéficier de l’ensemble de leurs droits et de voir leurs besoins économiques, sociaux et démocratiques reconnus.

Comme cela a été indiqué, le département de Mayotte connaît un taux de pauvreté extrêmement élevé puisque 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. C’est également un désert médical puisque 94 médecins sont inscrits à l’ordre des médecins pour 100 000 habitants. On note aussi une saturation hospitalière. Et comme la moitié des Mahorais ont moins de dix-huit ans, on assiste à une surpopulation scolaire qui empêche le bon déroulement des enseignements, mais également le développement du territoire dans la mesure où les élèves n’ont pas accès au savoir comme ils le devraient.

Le positionnement géographique de Mayotte devrait en faire un des territoires les plus en avance dans un certain nombre de domaines, ainsi en matière de transition écologique. Au mois de mai 2018, la ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin, avait présenté un plan de rattrapage sur le quinquennat, considéré comme une étape dans les réponses à apporter à la crise et à la mobilisation sociale importante du territoire au cours des dernières années. Ce débat s’est en fait beaucoup focalisé sur les questions d’immigration, qui sont réelles et nécessitent de notre point de vue une réponse différente de celle qui est apportée, et trop peu sur les besoins économiques et sociaux. Nous avions proposé de soutenir les demandes de l’association des maires de Mayotte de porter à 1,8 milliard d’euros le plan de rattrapage sur la période 2019-2020 : les besoins sont énormes, qu’il s’agisse des infrastructures ou du respect des droits sociaux qui doivent être les mêmes pour tous si l’on veut permettre le développement.

Si nous accueillons cette discussion de manière positive, nous nous interrogerons sur l’inscription de cette proposition de loi dans le cadre budgétaire général. Nous souhaiterions surtout savoir si elle complète ou si elle se substitue à ce qui a été mis sur la table par la ministre des outre-mer. Nous présenterons plusieurs amendements qui visent à conforter l’investissement et le soutien aux populations.

M. Paul Molac. La proposition de loi de notre collègue vise à compléter le plan de l’État en doublant les sommes allouées au département de Mayotte. On a beaucoup parlé à la fois de la pauvreté de la population et des retards de développement de ce territoire. Ce plan prévoit aussi la gratuité des soins et la construction de logements sociaux, mesures très attendues.

Mon interrogation porte sur plusieurs points, et d’abord sur le financement. Prendre des engagements est une chose ; encore faut-il les réaliser. Ceci ne pose pas toujours un problème au niveau local, mais relève quelquefois tout simplement de l’État : on vous explique que les travaux sont certes prévus mais que l’argent n’est pas là et qu’il va falloir attendre… Je pourrais vous donner un exemple assez marquant, celui de la route entre Rennes et Châteaulin prévue depuis 1968 et qui n’est toujours pas terminée.

M. Jean Terlier. Même à l’occasion d’un texte sur Mayotte, Paul Molac arrive à parler de la Bretagne ! (Sourires.)

M. Paul Molac. Heureusement, nous avons réussi à avoir certains engagements de l’État, au moins une partie. Je tenais à vous mettre en garde contre ce genre de pratique dont j’ai malheureusement l’habitude.

Un autre problème que rencontre Mayotte est celui de l’immigration clandestine très importante et qui entraîne des problèmes de délinquance, ce qui ne simplifie pas les choses.

Plus globalement, je m’interroge sur le mode de développement que l’on peut donner à ces territoires : en les liant économiquement à la métropole, on essaie finalement d’en faire des petites métropoles, ce qui fait qu’ils ont bien du mal à s’intégrer dans la zone économique à laquelle ils appartiennent dans la mesure où les produits qu’ils consomment viennent pour une bonne part de la métropole et non des pays voisins. Le même problème se pose pour la zone Caraïbes. C’est ce qui explique, me semble-t-il, que l’Union africaine ait reproché à la France de continuer à coloniser Mayotte et lui ait demandé de lui donner l’indépendance. Je n’ai pas de leçon à donner dans ce domaine-là, mais je constate que les difficultés demeurent et qu’elles seront très difficiles à régler.

M. Mansour Kamardine, rapporteur. Je remercie l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés. D’une manière générale, ils partagent le constat que nous faisons.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur l’articulation entre le plan du Gouvernement et nos propositions. Rappelons que le plan du Gouvernement a été décidé à la suite de la crise sociale majeure qui a secoué Mayotte pendant plusieurs mois – pas uniquement les samedis, mais quatre-vingt-dix jours d’affilée. Le Gouvernement a pris la mesure des choses ; le Premier ministre a reconnu que Mayotte accusait des retards considérables et qu’un effort inouï était nécessaire. Mme Annick Girardin a été la première à remarquer que plus de 84 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté.

Le Gouvernement a proposé un plan en huit points pour répondre aux questions de sécurité et d’immigration, à l’origine de la crise, améliorer l’offre de soins, relayer la solidarité nationale, remettre l’école et la formation à niveau, proposer de nouvelles mesures pour l’habitat et le locatif social, rendre les territoires plus performants, donner la priorité à l’action économique, enfin renforcer l’État et accompagner les collectivités. Ces mesures, qui visaient à répondre à l’urgence sociale, sont regroupées dans le plan « Mayotte au quotidien ». Le but est de calmer les tensions sachant que, sans paix sociale, on ne construira rien de durable.

De notre côté, que proposons-nous ? Ou bien nous continuons de gérer l’urgence jusqu’à la prochaine crise, ou bien nous posons les bases d’un véritable développement durable. Si nous engageons Mayotte dans un développement durable et que nous réalisons les infrastructures créatrices de richesses et d’emplois, il ne sera pas nécessaire de financer davantage le RSA – ce que j’appelle « l’argent facile » – puisque tout le monde aura du travail. C’est cette conception que je défends : elle est complémentaire du plan du Gouvernement car elle n’affecte pas les solutions aux problèmes du quotidien.

Notre collègue Stéphane Mazars démontre l’intérêt de faire partie de la majorité en donnant des informations que d’autres n’ont pas : je suis député élu à Mayotte, je sais qu’une négociation est en cours sur le contrat de convergence et j’ai demandé à en obtenir les éléments. Mais je ne les ai pas reçus. Je suis donc content d’apprendre que 1,1 milliard d’euros sera consacré au contrat de convergence, mais à quelles fins ces sommes seront-elles utilisées ? Près de 450 millions seront consacrés à l’école alors que 500 millions étaient déjà prévus par le plan d’urgence. Il est probable que 50 millions ont déjà été dépensés, et que le reliquat soit présenté de manière différente dans ce contrat de convergence. Au fond, aucune vraie mesure nouvelle ne vient s’ajouter au plan d’urgence, il a été restructuré et on y a rajouté quelques annonces pour en faire le contrat de convergence.

Je propose que ce contrat de convergence comporte un premier volet constitué des mesures d’urgence décidées par le Gouvernement, et un volet de développement durable constitué des mesures que je vous propose. Il n’y a pas d’incompatibilité entre le plan du Gouvernement et ma démarche, au contraire : l’un s’attache à régler l’urgence au quotidien, l’autre s’inscrit dans la durée.

Madame Pau-Langevin, il est vrai que Mayotte n’est département que depuis dix ans, mais nous n’allons pas en attendre soixante-dix pour qu’il atteigne le niveau des autres départements d’outre-mer… Mayotte est française depuis 1841 et fière de l’être.

Aussi longtemps que Mayotte sera laissée dans le sous-développement et soumise à l’immigration massive, on ne proposera que de partager la misère avec les résultats que l’on sait. Or, la misère ne se partage pas ; ce sont les richesses que l’on partage. La proposition que nous faisons, qui n’est pas incluse dans le plan du Gouvernement, ni en contradiction avec celui-ci, permet de mettre en œuvre un développement durable. Sachant nos difficultés économiques et notre balance commerciale, nous devons tirer parti de l’atout que constitue Mayotte. Situé à l’entrée du canal du Mozambique, c’est un point d’accès vers les côtes est-africaines et des champs gaziers dont l’exploitation va commencer. Tous les opérateurs économiques nous assurent que, si Mayotte se développait un peu, elle leur servirait de base arrière. C’est dire l’intérêt qu’il y aurait à nous accompagner dans notre démarche.

Je vous remercie toutes et tous pour la qualité et la teneur de vos propos auxquels je suis très sensible.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Titre IER
Dispositions générales

Article 1er : Effort de la nation en faveur du département de Mayotte

La Commission est saisie de l’amendement CL2 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Le texte fait référence à la trajectoire bas-carbone, à l’objectif zéro carbone, zéro déchet, zéro polluant agricole, tel que défini par le programme « Trajectoire outre-mer 5.0 ».

L’ambition de protection de l’environnement semble toutefois fragile au regard des objectifs de développement économique et de mise à niveau des infrastructures à un horizon de trois, six ou dix ans, selon les opérations. Un développement dans une période aussi brève doit être bien réfléchi : qu’on le veuille ou non, le développement économique et le développement d’infrastructures polluent. Si la priorité est de préserver l’environnement de Mayotte, il convient d’adjoindre au développement de l’économie et des infrastructures l’objectif d’un impact minimum sur l’environnement.

Le récif de corail de Mayotte détient plusieurs records. Il serait dommageable que des espèces disparaissent avant même d’avoir été découvertes en raison d’un développement soudain et exponentiel de l’économie. Celle de Mayotte doit être développée ; nous devons toutefois être très attentifs aux moyens pour y parvenir.

M. Mansour Kamardine, rapporteur. J’invite au retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Il nous conduirait à retirer la proposition de loi dans son ensemble alors que nous convenons tous de la nécessité de développer le territoire. Nous sommes attachés à la défense de l’environnement et à la biodiversité, surtout dans un territoire exceptionnel à cet égard. Mais nous ne pouvons pas gagner la bataille de l’environnement en mettant en place une écologie punitive. Il faut concilier écologie et développement économique ; c’est ce que nous vous proposons. Cet équilibre est satisfait par l’article 1er de la proposition de loi.

L’amendement est retiré.

La Commission rejette l’article 1er.

Après l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CL7 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Danièle Obono. Nous proposons de consacrer un droit à l’accès à l’eau garanti par la gratuité des 14,6 mètres cubes d’eau potable indispensables à la vie. Nous avons déjà formulé cette proposition auparavant et nous la présentons à nouveau.

À Mayotte, près de quatre habitants sur dix seraient concernés par le manque d’accès à l’eau potable, notamment du fait de la pollution de rivières. Cette situation est inacceptable.

M. Mansour Kamardine, rapporteur. Madame Obono, il m’aurait été agréable de vous donner satisfaction. Mais, en toute sincérité, cela me paraît très difficile. Votre proposition n’est pas nouvelle ; or, Mayotte n’a pas de problème de prix de l’eau mais d’accès à la ressource. Des dispositions ont été prises : des bornes fontaines publiques ont été installées – évidemment, on n’est pas dans le VIIe arrondissement de Paris – permettant aux personnes d’aller chercher de l’eau.

L’accès à la ressource fait partie des mesures d’urgence : le Gouvernement y pourvoit et il a mis en place un contrat de progrès avec le syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte pour répondre à ce problème.

Votre proposition peut être intéressante d’un point de vue social et philosophique ; je vous engage à déposer une proposition de loi sur cette question. Mais dans le cas d’espèce, je vous invite à retirer cet amendement.

Mme Danièle Obono. Je maintiens cet amendement car il s’inscrit dans la continuité de notre action. Nous tenions à appeler l’attention sur les problèmes d’accès à l’eau, de traitement et d’assainissement sans oublier la question de la gratuité : il faut y voir un amendement d’appel.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL5 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Danièle Obono. Nous demandons que le Gouvernement produise un rapport afin d’établir les besoins de formation par secteurs induits par la transition écologique. La situation de ce département, son potentiel et ses ressources le placent à l’avant-poste du grand défi de la transition écologique. Afin de recourir aux moyens adéquats, nous avons besoin de l’expertise la plus fine possible. Des moyens humains seront requis, et donc de la formation.

M. Mansour Kamardine, rapporteur. Avis favorable. Il s’agit d’un investissement sur les hommes ; pour réussir la transition écologique, nous aurons besoin de gens formés pour accompagner cette politique. Demander au Gouvernement un plan de formation pour la jeunesse mahoraise, sachant qu’elle représente la moitié de la population, est une bonne initiative.

La Commission rejette l’amendement.

Article 2 : Programme de développement pour la période 2020-2029

La Commission est saisie de l’amendement CL8 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Cet amendement présente un programme de rattrapage pour un budget de 1,8 milliard d’euros. Conformément à la proposition des maires mahorais, il serait étalé sur la période 2018-2028.

M. Mansour Kamardine, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est satisfait car les propositions formulées par l’Association des maires de Mayotte pendant la crise ont été reprises dans le plan proposé par le Gouvernement. Si l’on ajoute au plan du Gouvernement la proposition que nous présentons aujourd’hui, les sommes engagées vont au-delà des demandes de l’Association des maires.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 : Rapport d’application de la loi

La Commission rejette l’article 3.

Titre II
Dispositions relatives aux infrastructures

Article 4 (art. 9 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique) : Possibilité de porter de six à dix ans la durée des contrats de convergence applicables à Mayotte

L’amendement CL3 de Mme Marie-France Lorho est retiré.

La Commission rejette l’article 4.

Article 5 : Contenu du contrat de convergence pour Mayotte en matière d’infrastructures

La Commission est saisie de l’amendement CL4 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. La notion de développement durable ne peut pas être décorrélée de la question sanitaire. Mamoudzou est l’unique ville où se trouve un hôpital, et des annexes sont ouvertes à Dzaoudi, Chirongui, Kahani, et Dzoumogné. La capacité totale de cet hôpital est de quatre cent onze lits sur cinq sites, ce qui est peu pour une population variant entre 300 000 et 400 000 personnes en prenant en compte l’immigration clandestine. Le climat favorise les maladies tropicales qui nécessitent, pour être soignées, des moyens plus conséquents ; or on compte 0,18 médecin pour 1 000 habitants en moyenne contre 2 pour 1 000 en métropole. Le développement sanitaire doit donc être pris en compte par cette proposition de loi.

M. Mansour Kamardine, rapporteur. Cet amendement est satisfait car le plan d’urgence du Gouvernement prévoit une première dotation de 20 millions d’euros. En outre, 173 millions d’euros ont été votés dans la loi de finances pour 2018. Ils font également partie du contrat de convergence que nous évoquions tout à l’heure. Je vous invite donc à retirer cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL12 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Le développement durable n’est pas possible et n’a pas de sens si l’éducation n’est pas au rendez-vous. Toutes les mesures écologiques n’auront pas d’effet si l’on ne mène pas une politique humaine. En 2000, l’analphabétisme concernait 35 % des hommes et 40 % des femmes. Les données issues de la journée défense et citoyenneté de 2015 font apparaître que 50,9 % des jeunes sont en situation d’illettrisme. La situation éducative est préoccupante : le SNES annonce jusqu’à trente élèves par classe en collège classé REP+ et trente-huit au lycée. Tous les collègues étaient classés REP et REP+ pour la rentrée 2015.

L’éducation scolaire apportée à Mayotte par les enseignants n’est globalement pas à remettre en cause. Mais il est vain de vouloir développer un institut universitaire de technologie (IUT) si la moitié des Mahorais ne maîtrise par les principes de l’éducation élémentaire.

M. Mansour Kamardine, rapporteur. Une fois encore, avis défavorable. Le plan du Gouvernement a prévu 500 millions d’euros pour la période 2018-2022. Il faudra veiller à la bonne utilisation des crédits mais la réponse budgétaire est apportée. Votre amendement est donc satisfait.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 5.

Après l’article 5

La Commission est saisie de l’amendement CL13 du rapporteur.

M. Mansour Kamardine, rapporteur. Mayotte est le seul département dont le port n’a pas le statut de port d’État. Par le passé, on le considérait trop petit, mais la démonstration du contraire a depuis été faite : nous avons enregistré plus 1 100 000 tonnes de marchandises en 2017, ce qui dépasse de loin le trafic du grand port maritime de Guyane.

Si nous avons l’ambition de donner à ce port le rôle de plateforme d’éclatement, l’État doit y avoir toute sa place. C’est pour cela nous souhaitons que le Gouvernement réfléchisse à l’évolution de son statut et à l’investissement nécessaire afin que ce port puisse devenir une base arrière pour les investissements réalisés sur la côte africaine, ce qui profiterait à nos entreprises.

La Commission rejette l’amendement.

Titre III
Dispositions relatives au droit à l’égalité sociale

Article 6 : Application à Mayotte du code de la sécurité sociale de plein droit

La Commission rejette l’article 6.

Article 7 : Rapport sur l’ouverture des dispositifs sociaux de droit commun et l’alignement des montants des minima sociaux

La Commission rejette l’article 7.

Article 8 : Assurance vieillesse à Mayotte

La Commission rejette l’article 8.

Titre IV
Dispositions relatives aux dotations aux collectivités territoriales

Article 9 : Recensement de la population de Mayotte

La Commission rejette l’article 9.

Article 10 : Base des dotations aux collectivités territoriales de Mayotte versées à partir de 2020

La Commission rejette l’article 10.

Article 11 : Fonds temporaire de dotations spéciales aux collectivités territoriales et syndicats intercommunaux de Mayotte

La Commission rejette l’article 11.

Titre V
Dispositions relatives à la préservation de l’environnement et à l’inscription du territoire dans une trajectoire bas carbone

Article 12 : Contenu du contrat de convergence pour Mayotte en matière de gestion de l’eau et des déchets

La Commission rejette l’article 12

Article 13 : Contenu du contrat de convergence pour Mayotte en matière de développement durable

La Commission est saisie des amendements CL9 de Mme Danièle Obono et CL10 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Ces deux amendements ont pour objet de lancer une alerte concernant la méthanisation à outrance, qui pourrait aller à l’encontre de l’objectif de protection de l’environnement. Depuis plusieurs années, le nombre et la capacité des méthaniseurs augmentent fortement en France : 646 installations étaient recensées en juin dernier et un nombre important est en cours d’installation.

Si ce procédé peut constituer une solution alternative aux énergies fossiles, il n’en reste pas moins que des dérives néfastes pour l’environnement, la santé et la sécurité peuvent se produire. Le développement de la méthanisation à l’échelle industrielle pose question. Les méthaniseurs de plus en plus gros nécessitent d’aller chercher les substrats de plus en plus loin, ce qui entraîne un ballet de camions transportant des déchets organiques.

Pour toutes ces raisons, nous préconisons de supprimer l’alinéa 4 et nous demandons au Gouvernement de remettre un rapport sur les risques de la méthanisation à l’échelle industrielle.

M. Mansour Kamardine, rapporteur. Avis défavorable. Le ballet de camions auquel fait allusion Mme Obono n’est pas un risque à Mayotte ; c’est une petite île qui compte 160 kilomètres de routes. Il n’y a pas de grandes distances à parcourir et le risque pour l’environnement est faible. Aujourd’hui, 95 % de l’énergie utilisée à Mayotte est d’origine fossile. La méthanisation offre une solution de transition en attendant le développement de l’énergie photovoltaïque, essentielle dans un territoire qui compte 365 jours de soleil par an.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle rejette l’article 13.

Titre VI
Dispositions relatives aux dotations aux collectivités territoriales

Article 14 : Gage de recevabilité financière

La Commission est saisie de l’amendement CL11 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Nous proposons de porter le taux de la taxe sur les transactions financières à 0,5 % comme le recommandent de nombreuses associations comme Oxfam et Coalition Plus, en s’alignant sur le taux en vigueur en Grande Bretagne. Cela permettrait de dégager 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires actuellement, voire 8,5 milliards d’euros si l’on élargit la base de la taxe aux transactions infrajournalières comme proposé par la présente loi.

Une partie de ces recettes pourrait financer le programme que nous proposons. Le reste serait bienvenu pour le budget de l’État et tous les investissements nécessaires.

M. Mansour Kamardine, rapporteur. Je suis un peu ennuyé par cet amendement car j’interviens tous les ans dans la discussion budgétaire pour soutenir une augmentation de la taxe sur les transactions financières… C’est d’ailleurs pour la même raison que j’ai choisi de gager mes propositions sur cette hausse plutôt que sur l’alcool et le tabac comme le veut l’usage.

Cet amendement est cohérent avec celui que nos collègues ont présenté à l’article 2, qui prévoyait un programme d’investissements deux fois plus lourd que celui que je défends. On ne m’en voudra pas de rester attaché à ma vision du développement de Mayotte et de prévoir un gage à la hauteur de mes ambitions plutôt qu’à la hauteur de celles des autres. Je serai donc défavorable, par cohérence avec ma proposition de loi car, sur le fond, vous auriez pleinement mon soutien.

Pour ne parler que de Mayotte, mes travaux préparatoires m’ont laissé penser que nous pourrions obtenir davantage de fonds européens que prévu dans la prochaine programmation budgétaire de l’Union européenne. Je n’ai donc vraiment pas de raison de croire qu’il faudrait rehausser la valeur du gage prévu à l’article 14.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 14.

Titre VII
Dispositions diverses

Article 15 : Décret d’application

La Commission rejette l’article 15.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Tous les articles de la proposition de loi ayant été rejetés, il n’y a pas lieu de la mettre aux voix dans son ensemble.

M. Florent Boudié. Je veux regretter l’absence à cet instant des députés membres du groupe du rapporteur car la question de Mayotte est essentielle. Il y a quelques mois, nous avons été plusieurs à nous rendre dans ce département où notre collègue Mansour Kamardine nous a accueillis chaleureusement. Nous estimons que Mayotte est une cause nationale parce que l’État a failli par le passé. Le département est resté à l’abandon pendant très longtemps, au point que le rattrapage auquel il faut maintenant procéder sera long et difficile – d’autant plus que la question migratoire déstabilise profondément l’île.

Au nom du groupe La République en Marche, je tiens également à dire à nos compatriotes mahorais qui suivent ces débats que notre prise de position à l’égard de la présente proposition de loi ne saurait être comprise comme un solde de tout compte à l’égard de la cause mahoraise, ni comme un signe d’indifférence de notre part. Bien au contraire, nous considérons, mon cher collègue, que c’est à juste titre que vous avez souligné les inégalités qui persistent.

De votre côté, vous avez eu l’honnêteté de rappeler que ces inégalités ne datent pas d’hier et ne sont donc pas le fait de cette majorité : en réponse à certains amendements qui sous-entendaient que rien n’aurait été fait, ni même engagé ou promis récemment, vous n’avez jamais manqué de rappeler les engagements de l’État. Évidemment, nous devons continuer à travailler ensemble sur tous les points qui posent problème. Votre proposition de loi est utile en ce qu’elle constitue, de notre point de vue, une alerte que nous ne saurions ignorer. Certaines des mesures que vous avancez sont solides, d’autres peut-être moins. En tout état de cause, je nous encourage collectivement à travailler ensemble dans les semaines, les mois et les années à venir, parce que le département de Mayotte mérite mieux que la position qui a longtemps été celle de l’État.

M. Stéphane Mazars. Je veux vous remercier, monsieur le rapporteur, d’avoir porté ce débat important au sein de la Commission et de le faire à nouveau dans l’hémicycle la semaine prochaine. Si nous rejetons votre proposition, ce n’est pas au motif qu’elle ne serait pas opportune – au contraire, elle est très opportune – mais parce qu’elle télescope certaines mesures d’ores et déjà mises en œuvre par le Gouvernement. L’État est conscient de la situation de Mayotte – ce que vous avez l’honnêteté de reconnaître et je vous en remercie – et son engagement est appelé à monter en puissance avec le contrat de convergence.

Comme les autres parlementaires mahorais – la députée Ramlati Ali et le sénateur Thani Mohamed Soilihi –, vous êtes très investi dans la défense de Mayotte. Lorsque nous sommes venus à Mayotte, nous avons touché du doigt tout ce que vous avez dénoncé. C’est vrai, il y a du retard et il va falloir mettre beaucoup de moyens – il va d’ailleurs falloir le faire en urgence, parce que la situation s’aggrave de jour en jour du fait de la pression migratoire.

Cela dit, il y a aujourd’hui une prise de conscience partagée de la situation. Les mesures qui ont commencé à se mettre en place, ainsi que celles à venir, doivent nous permettre d’être optimistes sur l’avenir de ce territoire auquel nous sommes tous attachés. Chacun doit en tout cas savoir que Mayotte peut constituer une opportunité pour la France dans le cadre de son développement, notamment en Afrique – en particulier à l’est du continent.

Lors de notre visite, on nous a expliqué – j’espère avoir bien compris – qu’en mahorais, le futur ne se conjuguait pas. Je voudrais juste dire à notre ami Mansour Kamardine que j’espère de tout cœur que le Gouvernement va faire en sorte que Mayotte ait un avenir, et que nous puissions être optimistes pour son territoire.

M. Mansour Kamardine, rapporteur. Je veux d’abord dire à mon collègue et ami Florent Boudié que si mes collègues du groupe Les Républicains ne sont pas là, c’est parce qu’ils assistent en ce moment même à une autre réunion d’une grande importance. L’essentiel pour moi, c’est que mon groupe ait accepté de consacrer cette niche à une proposition de loi relative à Mayotte ; je sais que ses membres sont de tout cœur avec nous. J’en profite pour dire que, sans la formation politique à laquelle j’appartiens depuis une quarantaine d’années, Mayotte se conjuguerait aujourd’hui en comorien.

Cela étant dit, j’ai été très sensible aux mots aimables que vous avez eus l’un et l’autre à mon endroit. Je considère qu’à travers ma personne, c’est l’ensemble des parlementaires mahorais qui ont l’honneur de représenter Mayotte au sein du Parlement de la République, et notre île elle-même, que vous avez voulu honorer.

Je vous ai entendus dire que Mayotte était une cause nationale ; je ne désespère pas que le Gouvernement ait la même appréciation, sur la base du constat commun qu’à l’égard de Mayotte, l’État a failli, et qu’il est maintenant urgent de mettre en œuvre un programme de rattrapage.

S’il existe aujourd’hui une divergence de vues au sujet de Mayotte, elle porte sur ce rattrapage. Alors que le Gouvernement estime qu’il doit se faire essentiellement sur le terrain social, nous considérons pour notre part – comme la plupart des Mahorais, que vous pouvez interroger – que faire des écoles et du logement social, et mettre en place une exonération du ticket modérateur, c’est bien, mais ce sont des mesures qui s’adressent davantage à l’immigration qu’à nous. Par nature, un Mahorais n’ira jamais dans un logement social quelle que soit la qualité de son habitat ; construire des écoles, c’est adresser aux immigrants le message selon lequel la France est prête à les accueillir, eux et leurs enfants ; instaurer l’exonération du ticket modérateur pour permettre aux assurés sociaux d’aller se faire soigner en ville, c’est surtout permettre à ceux qui ne sont pas assurés d’aller à l’hôpital.

Les Mahorais ne se retrouvent pas dans le plan récemment mis en place par le Gouvernement. Ils considèrent que ce qu’il faut pour Mayotte, c’est le développement durable. À nos yeux, le plan du Gouvernement pour Mayotte au quotidien n’est qu’une réponse à l’urgence sociale ; cela étant, nous y adhérons, ne serait-ce que parce que nos entreprises vont pouvoir gagner des parts de marché, travailler et créer des emplois sur un territoire où le chômage frappe plus de 40 % de nos jeunes, ce qui n’est pas anodin.

La présente proposition de loi constitue, elle, une réponse en termes de développement durable du territoire. Même si je suis un politique comme vous tous, mes amis, je me refuse à faire de la politique politicienne. Je suis capable de regarder la réalité en face : je vois bien que, depuis quarante ans, c’est l’État qui a toujours dit ce qui était bon pour Mayotte – et cela vaut encore pour le plan récemment mis en place. Aujourd’hui, avec cette proposition de loi, les Mahorais considèrent que le temps est venu pour eux de faire savoir ce qui leur paraît essentiel au développement de leur île.

Je vous dis encore une fois un grand merci pour votre mobilisation et pour la qualité de vos interventions. Je me refuse à désespérer. Mayotte a toujours vécu d’espoir ; je veux croire, moi aussi, que d’ici au débat en séance publique, les situations évolueront et que le Gouvernement nous apportera des réponses plus convaincantes, qui permettront à Mayotte de continuer à espérer.

Vous avez vu comme moi, mes amis, ce qui s’est passé au cours des dernières élections européennes : alors que le Rassemblement national n’avait pas d’équipe pour faire campagne à Mayotte, ni de délégué dans les bureaux de vote, il a quand même obtenu un score de 46 %. Ça veut dire qu’il y a de la colère. Que nous trouvions ensemble les moyens d’apaiser cette colère, c’est aussi le sens de ma démarche.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Ce texte sera examiné en séance publique jeudi prochain, le 20 juin 2019.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte (n° 1907).

 

 


—  1  —

   Annexe : des inégalités persistantes dans les pRestations sociales versées à Mayotte

Nature de la prestation

Montant en euros (si différent)

Droit commun

Mayotte

Prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE)

prime à la naissance

Non servi à Mayotte

prime à l'adoption

Non servi à Mayotte

allocation de base

Non servi à Mayotte

complément de libre choix d'activité

Non servi à Mayotte

complément de libre choix du mode de garde

Non servi à Mayotte

enfant de moins de 3 ans

Non servi à Mayotte

enfant de 3 à 6 ans

Non servi à Mayotte

Allocations familiales 

1er enfant à charge

Non servi

57,28

2 enfants à charge

132,21

121,3

3 enfants à charge

301,61

173,32

4 enfants à charge

471

192,45

enfant supplémentaire

169,4

19,13

Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) 

allocation de base

Montant identique

Allocation de base complément 1ère catégorie

Montant identique

complément 2ème catégorie

Montant identique

complément 3ème catégorie

Montant identique

complément 4ème catégorie

Montant identique

complément 5ème catégorie

Montant identique

complément 6ème catégorie

Montant identique

Allocation journalière de présence parentale

couple

Non servi à Mayotte

personne seule

Non servi à Mayotte

Prestation spécifique de rentrée scolaire

primaire

Montant identique

collège

Montant identique

lycée

Montant identique

Complément familial (CF) 

non majoré

172,09

98,29

majoré

258,14

137,21

Allocation de rentrée scolaire (ARS) 

allocation

Montant identique

Prime d'activité (montant forfaitaires)

personne isolée sans enfant

551,51

275,56

couple sans enfant ou isolé avec 1 enfant

827,27

413,64

couple avec un enfant ou isolé avec 2 enfants

992,72

496,37

couple avec 2 enfants ou isolé avec 3 enfants

1 158,17

579,1

couple avec 3 enfants

1 378,77

661,83

Revenu de solidarité active (RSA) 

personne isolée sans enfant

559,74

279,87

couple sans enfant ou isolé avec 1 enfant

839,61

419,81

couple avec un enfant ou isolé avec 2 enfants

1 007,53

503,77

couple avec 2 enfants ou isolé avec 3 enfants

1 175,45

587,73

couple avec 3 enfants

1 399,35

671,69

Allocation de soutien familial (ASF)

enfant à charge si vous l'élevez seul

Non servi à Mayotte

enfant à charge si vous avez un enfant privé de l'aide de ses deux parents

Non servi à Mayotte

Allocation aux adultes handicapés (AAH) 

montant maximum

860

434,16

complément de ressources

179,31

89,66

majoration pour la vie autonome

104,77

52,39

Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA)

personne seule

868,2

434,1

couple

1 347,88

705,33 €

plafond de ressources : ASPA seul

1 0418,4

5 209,2

plafond de ressources : ASPA couple

1 6174,59

8 464,02

Allocation veuvage

allocation

616,65

616,65

Pension de retraite

plafond de sécurité sociale

3 377 euros

1 814,00

minimum contributif

Montant identique

durée d'assurance pour l’obtention du taux plein

172 trimestres

132 trimestres

taux de cotisation (parts patronale et salariale)

17,75 %

14,67 %

Pension de réversion

taux de réversion

Taux identique

Salaire minimum interprofessionnel de croissance

taux horaire brut

10,03

7,57

Source : caisse de sécurité sociale de Mayotte.


—  1  —

   Personnes entendues

Administrations centrales et agences de l’État

   Mme Gaëlle Nerbard, conseillère auprès de la ministre

   M. Mejdi Jamel, chargé de mission auprès du directeur général

   Mme Sandra-Élise Reviriego, conseillère parlementaire

   M. Nicolas Thiriet, sous-directeur des politiques internes et des questions institutionnelles

   M. Théo Barbe, rédacteur, direction de l’Union européenne

   M. Patrick Gandill, directeur général

   Mme Aline Pillan, sous-directrice des aéroports, direction du transport aérien

   M. Christophe Lenormand, adjoint au directeur des affaires maritimes

   M. Arnaud Menguy, sous-directeur des finances locales et de l’action économique

   M. Yohann Marcon, chef du bureau des concours financiers de l’État

   M. Lionel Espinasse, administrateur, chef de la division « organisation des recensements » à la direction générale

   M. Rémi Rioux, directeur général

   M. Charles Trottmann, directeur de cabinet

   Mme Anne de Soucy, directrice adjointe du département Trois océans

   M. Pascal Richer, responsable pays Mayotte au département Trois océans

   Mme Zolika Bouabdallah, chargée des relations avec le Parlement

Acteurs institutionnels et associatifs mahorais

   M. Dominique Sorain, préfet

   M. Saïd Omar Oili, président

   Mme Ymane Alihamidi, directrice

   M. Mohamed Ali Hamid, président de la chambre de commerce

   M. Salime Soumaila, président de la chambre des métiers et de l’artisanat

   M. Charif Abdallah, vice-président de la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture

   M. Moussa Bavi Mouhamadi, président

   M. Michel Jousset, directeur général des services

   M. Aurélien Siri, directeur

   M. Madi Vita, président du Comité régional olympique et sportif de Mayotte (CROS)

   M. Philippe Lemoine, directeur du comité régional olympique et sportif de Mayotte

   M. Hervé Curat, directeur régional de l’Union nationale du sport scolaire Mayotte (UNSS)

   Mme Cécile Perron, directrice déléguée du parc naturel marin de Mayotte

   Mme Kris Kordjee, directrice du conservatoire du littoral

   M. Nailane Attibou, vice-président de la fédération mahoraise des associations environnementales

   M. Chanfi Soibahadine et Mme Safina Soula, vice-présidents, M. Soufiane Malide, directeur, et M. Antufati Hafidhou, trésorier de l’Association des assoiffés de Mayotte

   M. Serge Prik, responsable du contrôle aérien

   M. Gauthier Demalet, directeur de l’aéroport

   Mme Kris Kordjee, présidente de l’association des usagers du transport aérien à Mayotte

   M. Djaidder Abdou Kaphet, délégué général

 

Contribution écrite

 


([1])  Paris compte 105 km² et le Val-de-Marne 245 km². À titre de comparaison, l’île de La Réunion, voisine de 1 400 km, s’étend sur 2 512 km². Mayotte ne représente que 0,4 % de la Guyane, la collectivité d’outre-mer à la superficie terrestre la plus vaste.

([2]) Le shimaoré, est une des deux principales langues parlées sur l’île de Mayotte. C’est une langue bantoue, apparentée au swahili, alors que le kibouchi est une langue austronésienne proche de celles employées à Madagascar.

([3]) Près des deux tiers de la surface de Grande-Terre se caractérisent par des pentes d’inclinaison supérieures à 15 % ou se situent à plus de 300 mètres d’altitude.

([4]) La mosquée de Tsingoni, sur Grande-Terre, remonte au XVIe siècle : elle est la plus vieille mosquée en activité de France.

([5]) L’article consacré à Mayotte dans L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert est particulièrement laconique : « Mayotte, ile, (Géog.) Mayota insula, cest la plus méridionale des îles Comorres (sic). Elle est située, selon M. de Lisle, dans le canal de Mozambique. »

([6]) Le traité de Turin du 24 mars 1860 a sanctionné le transfert de ces territoires du royaume de Sardaigne à l’Empire français. Les populations y ont consenti par plébiscite.

([7]) Décret relatif à l’abolition de l’esclavage dans les colonies et possessions françaises du 27 avril 1848. L’affranchissement entraîne le paiement par le Trésor d’une indemnisation financière aux propriétaires des esclaves libérés.

([8]) Du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, la conférence de Berlin marqua l’organisation et la collaboration européenne pour le partage et la colonisation de l’Afrique.

([9]) Loi n° 46-973 du 9 mai 1946 conférant l’autonomie administrative et financière à l’archipel des Comores.

([10]) Décret n° 46-2058 du 24 septembre 1946 portant organisation des pouvoirs publics aux Comores.

([11]) Mayotte : un nouveau département confronté à de lourds défis, rapport d’information n° 675 (2011-2012) de MM. Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplan, fait au nom de la commission des Lois du Sénat, déposé le 18 juillet 2012.

([12]) Loi n° 74-965 du 23 novembre 1974 organisant une consultation des populations des Comores.

([13]) Rapport d’information n° 388 (1974-1975) de MM. Baudouin de Hauteclocque, Charles de Cuttoli, Jean Geoffroy, Jean-Marie Girault, Louis Namy et Jacques Pelletier, fait au nom de la commission des Lois du Sénat, déposé le 13 juin 1975.

([14]) Loi n° 75-1337 du 31 décembre 1975 relative aux conséquences de l’autodétermination des îles des Comores.

([15]) Ce résultat, quoiqu’incontestable, n’a jamais été admis par les Comores, qui maintiennent leur prétention de souveraineté sur Mayotte.

([16]) Loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l’organisation de Mayotte.

([17]) La loi n° 79-1113 du 22 décembre 1979 relative à Mayotte proclame que « lîle de Mayotte fait partie de la République française et ne peut cesser dy appartenir sans le consentement de sa population ». La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, qu’avait saluée votre rapporteur en son temps, fait même apparaître Mayotte à l’article 72‑3 de la Constitution.

([18]) Le Gouvernement était représenté par le secrétaire d’État à l’Outre-mer, M. Jean-Jack Queyranne, et le conseil général par son président, M. Younoussa Bamana.

([19]) Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte. La loi organique n° 2007‑223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, tout en maintenant Mayotte dans le cadre des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et susceptibles de déroger au droit commun, a largement étendu les domaines dans lesquels les lois et règlements s’appliquent de plein droit à Mayotte.

([20]) Loi n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte, loi organique n° 2010‑1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte et loi n° 2010‑1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte.

([21]) Rapport d’information n° 1513 de MM. Bruno Studer et Régis Juanico en conclusion de la mission effectuée à Mayotte et à la Réunion pour la rentrée scolaire (16-21 septembre 2018) fait au nom de la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale, 18 décembre 2018.

([22]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/3713016

([23]) Les 11 000 personnes de 60 ans ou plus ne représentent que 4 % de la population soit six fois moins qu’en France métropolitaine. Du fait de cette jeunesse de la population, les décès sont peu nombreux à Mayotte. Avec 700 décès en 2017, le taux de mortalité est trois fois plus faible qu’en métropole.

([24]) À titre de comparaison, le second département d’outre-mer le plus densément peuplé est La Réunion avec 339 habitants par kilomètre carré, soit moins de la moitié de la densité mahoraise. Le Rhône, département européen le plus dense hors Ile-de-France, compte 555 habitants au kilomètre carré.

([25]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/3286558

([26]) Le confort sanitaire de base comprend l’accès à un point d’eau à l’intérieur du logement, la présence de toilettes et d’une baignoire ou d’une douche.

([27]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/3716585

([28]) https://www.nouvelobs.com/societe/social/20180307.OBS3237/crise-sociale-a-mayotte-4-questions-pour-tout-comprendre.html

([29]) Michaël Goujon et François Hermet, « L’indice de développement humain : une évaluation pour Mayotte », Région et Développement (n° 36), 2012, pp. 229-244. L’IDH prend en compte trois aspects essentiels du développement humain : la richesse monétaire, mais aussi la santé et l’éducation.

([30]) Rapport annuel 2017 de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM), p. 36.

([31]) Rapport d’information n° 1592 de Mme Yaël Braun-Pivet et MM. Philippe Gosselin et Stéphane Mazars en conclusion d’une mission effectuée à Mayotte du 24 au 28 septembre 2018 fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, 22 janvier 2019.

([32]) Décret n° 2010-71 du 18 janvier 2010 portant création du parc naturel marin de Mayotte.

([33]) http://patrimoinemondial.airesprotegees.fr/2016/03/04/le-lagon-de-mayotte-au-patrimoine-mondial-de-lunesco-installation-du-conseil-scientifique

([34]) https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/forets-lile-mayotte-vers-creation-dune-nouvelle-reserve-naturelle

([35]) http://www.aires-marines.fr/L-Agence/Organisation/Parcs-naturels-marins/mayotte

([36]) On compte à Mayotte mille pirogues, trois cents barques de pêche, trois palangriers professionnels et vingt thoniers senneurs. Trente mille plongées et douze mille sorties d’observation des mammifères marins sont effectuées chaque année.

([37]) Le tourisme à Mayotte est majoritairement affinitaire, composé de voyageurs rendant visite à des amis ou à de la famille. 42 500 personnes se sont déplacées pour ces motifs en 2017 contre 10 000 touristes d’agrément et 8 200 voyageurs d’affaires.

([38]) Le nouveau volcan est situé à 3 500 mètres de profondeur. Sa taille actuelle est évaluée à 800 mètres de hauteur avec une base de 4 à 5 kilomètres de diamètre. Le panache de fluides volcaniques de 2 kilomètres de hauteur n’atteint pas la surface de l’eau.

([39]) Loi n° 46-451 du 19 mars 1946 tendant au classement comme départements français de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française.

([40]) Maladie-maternité, invalidité, décès, vieillesse et veuvage, accidents du travail et maladies professionnelles, chômage et prestations familiales.

Depuis le 1er janvier 2015, les agriculteurs mahorais relèvent de la mutualité sociale agricole (sous la gestion de la MSA d’Armorique). Ils y bénéficient d’une action sanitaire et sociale spécifique ainsi que d’une couverture pour la maladie, la maternité, l’invalidité et la retraite de base. L’assurance accidents de travail-maladies professionnelles et la retraite complémentaire obligatoire seront mises en place en 2019.

([41]) Ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique, à l’assurance maladie, maternité, invalidité et décès, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte.

([42]) Ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011 relative à l’évolution de la sécurité sociale à Mayotte dans le cadre de la départementalisation et décret n° 2012-1168 du 17 octobre 2012 relatif au développement de la sécurité sociale à Mayotte.

([43]) Il s’agit notamment des dispositions sociales qui formaient le titre III de ladite loi. Parmi les prestations servies à Mayotte dans des conditions identiques au droit commun, on peut citer l’allocation de rentrée scolaire (ARS) ou encore l’allocation d’éducation de lenfant handicapé (AEEH).

([44]) Voir le tableau récapitulatif en annexe.

([45]) L’allocation est de 471 euros par mois pour quatre enfants à charge en métropole, mais de 192 euros seulement à Mayotte.

([46]) L’équivalent de la branche vieillesse de la caisse de sécurité sociale de Mayotte génère un excédent annuel de 50 millions d’euros.

([47]) Cette dotation est calculée au prorata des compétences régionales qu’exerce le Département de Mayotte. Elle s'élève à 800 000 euros environ en 2017.Ce montant a été calculé selon la méthode suivante. Tout d'abord, il a été déterminé que le département de Mayotte exerce les compétences dévolues aux régions en matière d'aménagement du territoire, d'environnement et de développement économique. Ces dépenses représentent respectivement en moyenne 4,8 % (aménagement des territoires), 1,9 % (environnement) et 7,3 % (action économique) des budgets régionaux. Un taux de 14 % a donc été appliqué au montant par habitant de la DGF des régions d'outre-mer, ce qui permet d'obtenir le montant de 800 000 euros.

([48]) À la date de la rédaction de leur rapport, le dernier recensement dont disposaient les sénateurs était celui de 2007, qui établissait la population mahoraise à 186 452 personnes.

([49]) En 2014, Mayotte Orange affirmait que les importations annuelles de riz à Mayotte trahissaient une population réelle très supérieure aux chiffres officiels. Quoique l’Insee ait contesté ensuite le raisonnement permettant d’aboutir à cette conclusion, la parution de telles nouvelles dans la presse révèle les doutes de la population sur les données du recensement (https://www.linfo.re/ocean-indien/mayotte/mayotte-record-de-consommation-de-riz).

([50])  « Sur le terrain, la croissance de population brouille les pistes : "Au départ, sur cette zone, nous avions 156 logements identifiés. À une semaine de la fin du recensement, nous en avons déjà 100 à 200 de plus", explique Dominique Etévenaux de l'Insee, superviseur pour le recensement à Mayotte. » (https://www.lepoint.fr/societe/mayotte-releve-le-defi-de-recenser-sa-population-dans-les-bidonvilles-26-09-2017-2160024_23.php)

([51]) Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

([52]) Rapports pour avis n° 278‑V de Mme Huguette Bello du 12 octobre 2017 et n° 1307‑VI de M. Philippe Dunoyer du 12 octobre 2018.

([53]) De façon significative, la rapporteure de la commission des Lois sur le projet de loi de finances pour 2017, Mme Huguette Bello, avait retenu pour ses calculs une estimation plutôt que les chiffres du recensement de 2012 manifestement dépassés. Le recensement de 2017, publié après la rédaction de son avis, montre que l’estimation était encore inférieure à la réalité à hauteur de 10 %.

([54]) Comme l’ont indiqué les opérateurs de l’aéroport à votre rapporteur, ce chiffre reste néanmoins théorique puisqu’il suppose un flux constant tout au long de l’année et non des variations saisonnières.

([55]) Jean-Pierre Lalande, Le développement de l’aéroport de Mayotte, Conseil général des ponts et Chaussées, rapport n° 5503‑1, septembre 2007.

([56]) Boeing 777-200 et Airbus A330-200 notamment.

([57]) Discours de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur le futur statut de Mayotte, sa situation économique, l'évolution de son régime administratif et son développement économique et social, Mamoudzou, le 19 mai 2001.

([58]) Rapport de la commission Mobilité 21, « Pour un schéma national de mobilité durable », 27 juin 2013, p.68 : « Lévaluation menée dans le cadre des travaux de la commission ne permet pas de faire ressortir que le projet constitue pour le système de transport une priorité à ce stade. La commission pointe en outre que le projet est controversé quant à son intérêt et ses enjeux. Dans ce contexte, la commission classe le projet dans la catégorie des projets plus lointains. Elle recommande dexaminer les travaux de modernisation qui pourraient être entrepris sur les axes existants pour faciliter les conditions de circulation. »

([59]) Commission des Lois de l’Assemblée nationale, 23 octobre 2018, compte-rendu n° 6.

([60]) « Une manifestation à Mayotte pour demander une piste longue pour l’aéroport », France Info, 20 janvier 2018, https://la1ere.francetvinfo.fr/manifestation-mayotte-demander-piste-longue-aeroport-551367.html

([61]) « La compagnie aérienne Corsair ne desservira plus Mayotte à partir du 9 février », France Info, 12 novembre 2018, https://la1ere.francetvinfo.fr/compagnie-aerienne-corsair-ne-desservira-plus-mayotte-partir-du-9-fevrier-648344.html

([62]) Le développement des services aériens ou services de transport aérien est encadré par des droits commerciaux appelés droits de trafic qui définissent les fréquences de vols, les points de dessertes et d’escales ou encore les possibilités de partages de codes. Ces droits sont définis historiquement dans le cadre d’accords bilatéraux entre États.

([63]) « Piste longue à Mayotte, ce que ça changerait, surtout pour Air Austral... », Imazpress, 8 juin 2019, http://www.ipreunion.com/actualites-reunion/reportage/2019/06/08/on-ne-sait-toujours-pas-si-ca-se-fera-piste-longue-de-la-mayotte-qui-y-gagne,103225.html

([64]) « La piste longue de Mayotte enterrée », Clicanoo, 27 juin 2018, https://www.clicanoo.re/Economie/Article/2018/06/27/La-piste-longue-de-Mayotte-enterree_537292

([65]) « Longoni, immigration, piste longue : Macron répond aux élus mahorais », Le Journal de Mayotte, 2 février 2019. La réponse du Président de la République aurait été la suivante : « On va continuer à investir. Quil ny ait pas de malentendus entre nous. Je viens en juin donc je pense quon peut finaliser tous ces travaux à cet horizon. Donc jy suis favorable. »

([66]) « La piste longue de Mayotte dans les bagages de Macron en octobre », Clicanoo, 21 mai 2019, https://www.clicanoo.re/Societe/Article/2019/05/21/La-piste-longue-de-Mayotte-dans-les-bagages-de-Macron-en-octobre_577897

([67]) Cour des comptes, référé n° P17-489 du 16 octobre 2017.

([68]) Rapport d’information n° 1592, op. cit.

([69]) Olivier Bensoussan, « La mer, menace ou espoir de développement pour Mayotte ? », Cahiers d’outre-mer, octobre-novembre 2009 (n° 248), pp. 489-512.

([70]) Cour des comptes, référé n° P17-489 du 16 octobre 2017.

([71]) Le chantier immense entamé à Afungi, pour un total de 50 milliards de dollars, est ainsi une source de retombées possibles pour l’économie du port et pour Mayotte.

([72]) Elle a augmenté de 92 % en 2016 et à nouveau de 60 % en 2017.

([73]) Rapport annuel 2017 de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM), p. 134.

([74]) En 2017, 3 116 véhicules neufs ont été commercialisés contre 2 814 en 2016, soit une hausse de 10,7 %.

([75]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/1908414

([76]) Le coût du fret représenterait, pour la plupart des produits, entre 5 et 15 % du prix de vente (avis 09-A-45 de l’Autorité de la concurrence relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer, 8 septembre 2009).

([77]) Créé par le décret n° 2011‑1200 du 12 octobre 2001 et installé sur le territoire de la commune de Dombéni, le CUFR prépare à des diplômes nationaux délivrés par les universités partenaires d’Aix-Marseille, Montpellier, Nîmes et La Réunion. L’offre de formation comprend six licences générales (droit, administration économique et sociale, géographie, lettres modernes, sciences de la vie et mathématiques) ainsi que deux licences professionnelles (développement de projets de territoire et management des organisations), une licence pluridisciplinaire de préparation au concours d’enseignant et deux diplômes d’établissement (animateur en santé communautaire, et société, langues et cultures de Mayotte). Un master est également proposé pour les aspirants aux métiers de l’enseignement.

([78]) « Incendie dans l’usine de dessalement en Petite Terre : suspension de l’alimentation en eau potable », Le Journal de Mayotte, 26 août 2018, https://lejournaldemayotte.yt/2018/08/26/incendie-dans-lusine-de-dessalement-en-petite-terre-suspension-de-lalimentation-en-eau-potable/

([79]) Rapport de M. Olivier Serva (n°1947) fait au nom de la commission des Finances sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018, 5 juin 2019.

([80]) Rapport sur la mission de la Commission de régulation de l’énergie à Mayotte et à La Réunion, juillet 2015.

([81]) Programmation pluriannuelle de l’énergie de Mayotte 2016-2018 / 2019- 2023, mars 2017.

([82]) « Énergies renouvelables : Mayotte se "fossilise" toujours à 95 % », Le Journal de Mayotte, 6 mars 2019, https://lejournaldemayotte.yt/2019/03/06/energies-renouvelables-mayotte-se-fossilise-toujours-a-95/

([83]) « Jeux des Îles de l’Océan Indien : l’impossible charte », Mayotte Orange, 27 octobre 2017, https://mayotte.orange.fr/actu/ocean-indien/jeux-des-iles-de-l-ocean-indien-l-impossible-charte.html

([84]) « Jeux des îles de l'océan Indien : le drapeau français divise Mayotte et les Comores », Le Point, 3 août 2015, https://www.lepoint.fr/sport/jeux-des-iles-de-l-ocean-indien-le-drapeau-francais-divise-mayotte-et-les-comores-03-08-2015-1954263_26.php

([85]) Voir annexe.