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N° 2030

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 juin 2019

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI

 

d’orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure ( 1933)

PAR M. Éric CIOTTI

Député

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 Voir le numéro :

Assemblée nationale : 1933

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-Propos............................................. 5

Commentaire des articles de la proposition de loi

Article 1er  Orientations de la politique de sécurité intérieure

Article 2 Programmation des moyens de la politique de sécurité intérieure

Article 3 (art. 81 quinquies [nouveau] du code général des impôts) Paiement des heures supplémentaires

Article 4 (art. 132-18-1 et 131-19-1 [nouveaux] du code pénal) Instauration de « peines planchers » à l’égard des auteurs de crimes et délits contre les forces de l’ordre ou les sapeurs-pompiers

Article 5 (art. 131–30 du code pénal) Peine d’interdiction du territoire français en cas de crime ou délit  commis à l’encontre des forces de l’ordre

Article 6 (art. L. 521–1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) Expulsion du territoire en cas de crime ou délit commis à l’encontre des forces de l’ordre

Article 7 (art. 20 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante) Levée de l’excuse de minorité pour les mineurs de plus de 16 ans coupables d’un crime ou d’un délit contre les forces de l’ordre ou les sapeurspompiers

Article 8 (art. 222-68 du code pénal) Création d’un délit spécifique d’injure publique contre les forces de l’ordre

Article 9 (art. 20 du code de procédure pénale) Octroi de la qualité d’agent de police judiciaire  aux directeurs de police municipale

Article 10 (art. 78–2 du code de procédure pénale) Habilitation des agents de police municipale à réaliser des contrôles d’identité

Article 11 Gage de recevabilité financière

Compte rendu des débats

personnes entendues


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Mesdames, Messieurs,

Près de dix ans après l’adoption de la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, il était indispensable que soit de nouveau engagée une réflexion programmatique sur la sécurité. Dans un contexte marqué par la permanence de la menace terroriste, la radicalisation des mouvements contestataires, la crise migratoire et l’affaiblissement de l’autorité républicaine, la sécurité doit plus que jamais être la première des libertés.

Cette proposition de loi de programmation, déposée par plusieurs députés du groupe Les Républicains, a pour ambition de s’inscrire dans le temps long, loin des simples réponses ponctuelles visant à répondre à des problèmes immédiats sans logique d’ensemble. Une planification sincère des moyens permettra de fixer un cadre stable et d’améliorer concrètement et durablement la situation de nos forces de sécurité, et donc la sécurité des Français.

Elle poursuit une triple ambition.

● Il s’agit d’abord de redonner des marges de manœuvre budgétaire à nos forces de l’ordre pour leur permettre d’exercer pleinement leurs missions.

Comment expliquer que la part du budget allouée à une mission aussi régalienne que la sécurité de nos concitoyens ait pu baisser au point qu’elle ne représente plus aujourd’hui que 0,85 % du PIB ? La sécurité n’a peut-être pas de prix, mais elle a un coût. Or, aujourd’hui, pour 1 000 euros de dépenses publiques, seuls 25 euros lui sont consacrés.

La France s’honorerait d’accorder des conditions de travail plus dignes à ceux qui la protègent au quotidien, parfois au péril de leur vie. L’état de l’immobilier est trop souvent vétuste, l’équipement des forces de l’ordre n’est pas à la hauteur avec « des voitures qui tombent en panne en pleine rue » ou encore « lobligation dacquérir ses propres chaussures et sa propre ceinture tant la qualité des fournitures officielles laisse à désirer » ([1]).

À cet effet, une dotation supplémentaire de 15 milliards d’euros sur la période 2020–2025 est prévue par les articles 1er et 2 de la proposition de loi. Cette augmentation doit en particulier permettre le recrutement sur cette période de 15 000 agents.

L’article 3 vise à remédier à une situation intolérable, le non–paiement des heures supplémentaires. Les policiers sont soumis à une pression opérationnelle inédite depuis plusieurs années, qui a entraîné une forte progression des heures supplémentaires. Un important stock de ces heures n’est actuellement pas payé.

● Par ailleurs, cette proposition de loi vise à rendre luniforme inviolable. Plusieurs mesures prévoient une plus grande automaticité des sanctions ainsi que des peines plus sévères en cas d’agression contre les forces de l’ordre ou les pompiers.

L’attaque de policiers au cocktail Molotov à Viry–Chatillon en octobre 2016 n’est, hélas, que l’un des nombreux exemples d’agressions à l’encontre des forces de sécurité intérieure. Ces dernières sont de plus en plus souvent prises pour cible, en particulier lors des opérations de maintien de l’ordre. On dénombre chaque jour pas moins de 78 agressions contre les dépositaires de l’autorité publique. Les personnes entendues par votre rapporteur ont déploré le fait que de nombreux policiers ont peur d’exercer leur métier, car les forces de sécurité sont devenues des cibles directes.

Dans ces conditions :

– l’article 4 propose l’instauration de peines minimales de prison pour les personnes reconnues coupables de crimes ou délits commis contre un gendarme, un policier, un sapeur-pompier ou un douanier, en s’inspirant des « peines planchers » qui existaient dans notre droit entre 2007 et 2014 et qui avaient fait leur preuve ;

– l’article 5 rend obligatoire le prononcé d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français à l’encontre de toute personne de nationalité étrangère ne justifiant pas d’un séjour régulier en France ou de tout étranger séjournant de façon régulière en France depuis moins de cinq ans et qui est déclaré coupable des mêmes crimes ou délits ;

– l’article 7 tire les conséquences du nombre croissant de mineurs impliqués dans ces affaires en écartant l’application de l’excuse de minorité à l’égard des auteurs âgés de plus de 16 ans.

La rédaction de ces dispositions, en laissant à la juridiction de jugement la possibilité d’y déroger par décision spécialement motivée, est parfaitement conforme aux exigences constitutionnelles applicables en la matière.

Pour être respectés, nos policiers et gendarmes ne doivent plus être l’objet, comme c’est hélas aujourd’hui trop souvent le cas, d’injures publiques laissées sans réponse. C’est pourquoi l’article 8 transfère de la loi de 1881 vers le code pénal ce délit, pour le réprimer plus efficacement sur le plan procédural et sanctionner plus sévèrement leurs auteurs, au-delà de la peine d’amende – dérisoire – de 12 000 euros aujourd’hui encourue, identique à la peine prévue en cas d’injure publique envers un particulier !

● Le troisième volet, enfin, concerne le renforcement des prérogatives des policiers municipaux, dans le cadre du continuum qu’il convient de privilégier entre les différentes forces de sécurité intérieure.

Les polices municipales ont connu au cours des dernières années une importante montée en puissance et leurs prérogatives ont été progressivement étendues. Très présentes sur le terrain, au plus près des populations, elles constituent de facto la police de sécurité du quotidien. Leur rôle essentiel dans la coproduction de sécurité doit être mieux valorisé.

Cela peut notamment passer par l’attribution de nouvelles prérogatives de police judiciaire. À cet effet, l’article 9 confère aux directeurs de police municipale la qualité d’agent de police judiciaire dans des conditions très encadrées. L’article 10 habilite les agents de police municipale, agents de police judiciaire adjoints, à réaliser des contrôles d’identité, sous le contrôle des officiers de police judiciaire.

Notre Nation ne protège pas suffisamment ses forces de l’ordre et ne mobilise pas assez de moyens budgétaires pour se protéger, compte–tenu de l’accroissement durable des menaces. Cette proposition de loi de programmation doit permettre de pallier ces lacunes.


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Commentaire des articles de la proposition de loi

Article 1er
Orientations de la politique de sécurité intérieure

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à approuver le rapport annexé à la proposition de loi qui définit les orientations de la politique de sécurité intérieure pour les années 2019‑2025.

       Dernières modifications législatives intervenues

La dernière loi de programmation en matière de sécurité est la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

       Position de la Commission

Contre l’avis de votre rapporteur, la Commission a rejeté cet article.

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Le rapport annexé à la proposition de loi, qu’il est proposé d’approuver, définit les grandes orientations de la politique de sécurité intérieure jusqu’en 2025 autour de six axes :

– le combat contre le terrorisme islamiste, dans le contexte d’une menace permanente sur le pays tout entier ;

– la lutte contre la délinquance, dont le niveau élevé touche les Français au quotidien (atteintes aux biens et violences aux personnes) et crée une contrainte forte sur les services de police judiciaire et d’investigation, chargés d’élucider les centaines de milliers de faits en cause ;

– la gestion de la crise migratoire importante que connaissent l’Europe et la France depuis plusieurs années, qui fragilise les mécanismes traditionnels du droit d’asile et ajoute une contrainte supplémentaire aux blocages structurels d’une politique d’immigration qui n’est plus maîtrisée ;

– le rétablissement de l’autorité républicaine, car les agressions continues dont sont victimes les représentants de la force publique correspondent à une contestation de tout maintien de l’ordre, ce qui n’est pas acceptable ;

– la lutte contre l’existence de zones du territoire mises sous la coupe de criminels et de trafiquants qui y développent une économie parallèle et un contre-modèle de société contraire aux lois de la République ;

– la lutte contre la radicalisation des mouvements contestataires.

Ces orientations s’inscrivent dans le cadre d’une programmation budgétaire ambitieuse, inscrite sur plusieurs années, seule susceptible de fournir un cadre crédible et efficace à nos forces de sécurité intérieure. Cette programmation est détaillée à l’article 2 de la présente proposition de loi.

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Article 2
Programmation des moyens de la politique de sécurité intérieure

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article détaille la programmation des moyens correspondant aux grandes orientations en matière de sécurité intérieure définies à l’article 1er de la proposition de loi.

Il établit l’évolution annuelle des crédits de la mission « Sécurités » et des créations nettes d’emplois du ministère jusqu’en 2025.

       Dernières modifications législatives intervenues

La dernière loi de programmation en matière de sécurité est la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

       Position de la Commission

Contre l’avis de votre rapporteur, la Commission a rejeté cet article.

I.   L’état du droit

L’article 34 de la Constitution dispose que des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État. Néanmoins, seules les lois de finances initiales ou rectificatives emportent un engagement de dépenses.

Pour revêtir un caractère véritablement effectif, les dispositions prévues par les lois de programmation doivent être « confirmées » chaque année par une loi de finances. Elles ne créent pas en soi une charge pour l’État.

II.   Le dispositif proposé

Le rapport annexé à la présente proposition de loi prévoit les conditions d’un réarmement budgétaire de nos forces de sécurité par une dotation supplémentaire de 15 milliards d’euros en cumul sur six ans.

Budget de la mission « Sécurités »

Loi de finances du 28 décembre 2018 pour 2019

(En euros)

Sécurités

20 961 488 764

20 134 577 245

Police nationale

10 958 856 548

10 743 911 962

Dont titre 2

9 607 931 109

9 607 931 109

Gendarmerie nationale

9 502 074 981

8 811 856 543

Dont titre 2

7 489 870 819

7 489 870 819

Sécurité et éducation routières

42 781 626

41 686 024

Sécurité civile

457 775 609

537 122 716

Dont titre 2

183 317 063

183 317 063

 

Cette dotation supplémentaire doit concerner plusieurs priorités clairement identifiées.

 Les effectifs

Les forces de sécurité intérieure ont connu une augmentation de leurs effectifs depuis 2012, liée à différents plans (plan de lutte anti-terroriste, pacte de sécurité, plan migrants, plan de sécurité publique), afin de faire face à l’augmentation de l’activité opérationnelle.

Pour la période 2013-2016, le total des créations d’emplois a été de 6 551 équivalents temps plein (ETP), auxquels s’ajoutent 2 286 ETP prévus par la loi de finances pour 2017, soit 8 837 sur cinq années, entre les 31 décembre 2013 et 2017 ([2]).

Le rythme de recrutement doit continuer de croître sur le quinquennat actuel, puisque le Président de la République s’est engagé à créer 10 000 emplois sur la période 2018–2022 pour renforcer les forces de sécurité intérieure. Dans ce cadre, la police nationale bénéficiera de 7 500 ETP et la gendarmerie nationale de 2 500 ETP.

La présente proposition de loi s’inscrit dans le cadre de cette hausse des effectifs en proposant de l’amplifier. 15 000 postes seraient créés dici à 2025. La répartition de ces nouveaux effectifs tiendrait naturellement compte des défis identifiés à l’article 1er :

– 8 500 ETPT dans les services actifs de la police nationale, dont 2 500 affectés à la police aux frontières et 1 000 aux compagnies républicaines de sécurité (CRS). Cette augmentation est essentielle pour renforcer la présence des forces de l’ordre sur le terrain. Elle permettra notamment de contribuer au rétablissement de l’ordre républicain dans certains quartiers mis sous la coupe de criminels et de trafiquants. Le renforcement des effectifs des CRS doit leur permettre de sécuriser des manifestations au cours desquelles des débordements et des violences dus à des groupes radicalisés sont de plus en plus fréquents ;

– 500 ETPT constitués de personnels affectés au soutien juridique des policiers. Pour que la réponse pénale soit à la hauteur des efforts déployés sur le terrain par nos forces de sécurité, il importe que les procédures mises en œuvre dans le domaine pénal soient parfaitement respectées ;

– 1 000 ETPT affectés à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Le renforcement de nos moyens humains de renseignement est en effet crucial pour répondre aux enjeux liés à la permanence de la menace terroriste, notamment à l’heure où plusieurs dizaines de détenus radicalisés ou condamnés pour des faits de terrorisme sortent de prison ;

– 5 000 ETPT en gendarmerie, y compris des personnels affectés au soutien juridique pour le suivi des procédures, dont 1 500 pour les escadrons de gendarmerie mobile. Ces personnels permettront de mieux assurer la sécurité des territoires ruraux, qui souffrent également de la délinquance ;

– 500 ETPT dans les services des douanes. Cela doit permettre de renforcer les capacités d’action des services destinés à contrôler les flux migratoires et à participer aux opérations de lutte contre les trafics et la fraude.

Les recrutements seront concentrés sur les trois premières années de la programmation afin que les entrées en formation puis l’affectation dans les services interviennent dans les délais les plus rapprochés.

 Les investissements techniques et les équipements

Comme l’a justement souligné la commission d’enquête sénatoriale précitée, la hausse des effectifs ne s’est pas accompagnée d’une augmentation concurrente des dépenses d’équipement. Au contraire même, « depuis 2006, les dépenses de personnel ont augmenté de 31 %, tandis que les autres dépenses ont connu une baisse de 4,98 % au sein des deux forces » ([3]).

Il est donc prévu d’allouer 300 millions d’euros en moyenne chaque année pour les équipements. Cela permettra de développer le potentiel d’investigation et de renforcer les capacités judiciaires. Il est déterminant que la France s’approprie les opportunités offertes par la révolution numérique.

 Le parc automobile

Le vieillissement du parc automobile des deux forces est préoccupant. Un total de 3 400 véhicules, soit 10 % du parc automobile de la police nationale, a plus de dix ans. On peut lire dans le rapport de notre collègue sénateur François Grosdidier des exemples effarants en matière de vétusté de l’état du parc automobile. Ainsi, « des policiers affectés en Île-de-France (…) ont indiqué que les cas de portières coulissantes tombant lors dintervention ne sont pas exceptionnels » ! ([4])

La rénovation du parc automobile exige une programmation sérieuse, qui doit permettre d’éviter que ces investissements ne pâtissent de la régulation budgétaire en cours d’année. Ainsi, pour Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, « il est nécessaire que leffort de rénovation du parc soit conduit dans la durée, afin de planifier la réalisation des programmes (...). Ces dernières années, le remplacement annuel de près de 3 000 véhicules nous paraissait satisfaisant. Néanmoins, en raison de la régulation budgétaire intervenue cette année, seuls 1 700 véhicules ont été commandés. » ([5]).

La programmation budgétaire doit donc concerner l’essentiel du parc automobile : 28 000 véhicules pour la police nationale et 30 000 pour la gendarmerie nationale.

 Le parc immobilier

Le parc immobilier de la police et de la gendarmerie nationales constitue une préoccupation majeure des personnels. Si la situation s’est améliorée grâce aux crédits débloqués à la suite des mouvements revendicatifs de policiers de l’automne 2016, elle reste encore problématique à de nombreux endroits. Ce n’est pas acceptable, des locaux dégradés nuisent directement à la sécurité et aux conditions de travail de nos forces de l’ordre et, s’agissant des gendarmes, à leurs conditions de vie et à celle de leurs familles.

La programmation financière prévue par la présente proposition de loi renforce la dotation annuelle pour le renouvellement des actifs immobiliers. Ainsi, police et gendarmerie nationales bénéficieront d’un plan pluriannuel global d’investissement immobilier sur la période 2020-2025, respectivement de 3,3 et 3,5 milliards d’euros.

Ces crédits importants permettront un rattrapage devenu indispensable. Dans la police, l’inventaire des bâtiments révèle l’existence de près de 500 bâtiments vétustes et dégradés sur l’ensemble du territoire, ce qui représente 41 % du parc immobilier de la police nationale. L’effort d’investissement immobilier dans la police nationale aura pour principal objectif de rénover ou de construire les infrastructures nécessaires aux services, de sorte que ces derniers disposent d’équipements modernes et fonctionnels. Il vise également à favoriser le regroupement de services parfois éparpillés sur différents sites.

L’âge moyen des logements en gendarmerie est de quarante ans et des locaux de service de cinquante ans. 220 casernes sont identifiées comme très dégradées par la gendarmerie. La dotation exceptionnelle d’investissement en immobilier permettra à la gendarmerie de faire face à cette urgence et d’initier des projets neufs.

 La création de places en centres de rétention administrative

Les centres de rétention administrative (CRA) sont des bâtiments surveillés par les forces de police dans lesquels sont retenus les étrangers en situation irrégulière qui font l’objet d’une procédure d’éloignement forcé et dont il y a lieu de craindre qu’ils se soustraient audit éloignement en l’absence de mesure de surveillance.

Vingt-quatre centres de rétention sont répartis sur tout le territoire français, dont cinq en Île-de-France et quatre en outre-mer, pour une capacité totale de 1 823 places. En 2016, 45 937 étrangers sont passés dans un centre ou un local de rétention, dont près de la moitié outre-mer.

La présente proposition de loi propose la création de 2 000 places supplémentaires, soit le doublement de la capacité actuelle, pour accompagner la mise en œuvre des nouvelles dispositions relatives au contrôle des flux migratoires. Réalisé d’abord prioritairement sous la forme de structures modulaires plus rapidement disponibles, ce programme pourra comprendre des constructions nouvelles.

La durée maximale de retenue dans ces CRA a été portée de 45 à 90 jours par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.


 

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Article 3
(art. 81 quinquies [nouveau] du code général des impôts)
Paiement des heures supplémentaires

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit les modalités de paiement des heures supplémentaires effectuées par les personnels de la police nationale.

       Position de la Commission

Contre l’avis de votre rapporteur, la Commission a rejeté cet article.

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Comme le souligne le rapport de la commission d’enquête sénatoriale précitée, le stock des heures supplémentaires non récupérées travaillées, après avoir diminué de près de 7 % entre 2010 et 2014, a connu une très forte hausse depuis 2015, de près de 19 % en trois ans. Ce stock s’élevait, à la fin 2017, à 21,82 millions d’heures, niveau jamais atteint à ce jour. La non-indemnisation de ces heures travaillées mais non récupérées génère une forte incompréhension parmi les personnels de la police nationale ([6]).

Cette hausse s’explique par un contexte très particulier, caractérisé par la concomitance de trois phénomènes distincts :

– une menace terroriste qui se maintient à un niveau élevé sur le territoire national depuis les attentats qui ont frappé la France en 2015. Cette menace a nécessité une mobilisation inédite des forces de sécurité intérieure afin de sécuriser le pays : gestion de l’état d’urgence, multiplication des gardes statiques, augmentation des contrôles lors des événements sportifs, culturels et festifs ;

– une pression migratoire forte, qui, bien qu’en diminution par rapport au pic de 2015, continue de se maintenir à un niveau élevé ([7]). Ainsi, le rétablissement des contrôles aux frontières terrestres et aériennes internes à l’espace Schengen depuis novembre 2015 et la révision du code frontières Schengen en mars 2017 ont nécessité une mobilisation exceptionnelle, par son ampleur et par sa durée, des effectifs de la police aux frontières ;

– la radicalisation de la contestation sociale au cours des dernières années, avec la présence de plus en plus fréquente de groupes violents qui a entraîné une évolution de la doctrine de maintien de l’ordre et une mobilisation d’effectifs très importants.

Il est donc proposé d’introduire un article 81 quinquies au sein du code général des impôts visant à prévoir que toute heure supplémentaire effectuée par les personnels de la police nationale ouvre droit à leur paiement dans l’année suivant leur réalisation.

La programmation financière prévue à l’article 2 prévoit par ailleurs un apurement du stock d’heures supplémentaires.

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Article 4
(art. 132-18-1 et 131-19-1 [nouveaux] du code pénal)
Instauration de « peines planchers » à l’égard des auteurs de crimes et délits contre les forces de l’ordre ou les sapeurs-pompiers

Rejeté par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article propose l’instauration de peines minimales de prison, dites « peines planchers », à l’égard des personnes reconnues coupables d’un crime ou d’un délit commis contre un gendarme, un policier, un sapeur-pompier ou un douanier, sauf décision contraire de la juridiction.

  Dernières modifications législatives intervenues

Initialement prévues pour les seuls auteurs d’infractions récidivistes par la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, les « peines planchers » ont été étendues aux auteurs non récidivistes des violences les plus graves par la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, avant d’être abrogées par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

  Position de la Commission

Contre l’avis de votre rapporteur, la Commission a rejeté cet article.

I.   L’état du droit

Le code pénal fixe, pour chaque infraction, la peine maximale encourue. Il appartient au juge d’adapter cette peine – la durée de celle-ci s’agissant d’une peine privative de liberté – aux circonstances de l’infraction et à la personnalité de l’auteur des faits.

Il n’existe pas, en l’état de notre droit, de peine minimale de prison pour les auteurs d’infractions, à l’exception du dispositif prévu par l’article 132-18 du code pénal, aux termes duquel, lorsque la cour d’assises reconnaît une personne coupable d’un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité, elle ne peut prononcer une peine inférieure à deux ans de prison ou un an si la peine encourue est la réclusion criminelle à temps.

Tel n’a pas toujours été le cas : entre 2007 et 2014, la liberté des juridictions dans la fixation du quantum des peines de prison prononcées a été limitée par le mécanisme connu sous le nom de « peines planchers ».

A.   Le mécanisme des « peines planchers »

En 2007 ([8]), le législateur avait décidé que les auteurs de crimes ou délits commis en état de récidive légale ([9]) ne pourraient plus être punis d’une peine de prison inférieure à certains seuils, fixés, par les articles 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal, au tiers environ du maximum encouru.

Peines minimales applicables pour les crimes et délits
commis en état de récidive légale

(abrogées par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014)

Peine encourue

Peine minimale devant être prononcée par le juge, sauf décision contraire

Crimes (article 132-18-1 du code pénal)

Réclusion ou détention à perpétuité

Quinze ans

Trente ans de réclusion ou de détention

Dix ans

Vingt ans de réclusion ou de détention

Sept ans

Quinze ans de réclusion ou de détention

Cinq ans

Délits (article 132-19-1 du code pénal)

Dix ans d’emprisonnement

Quatre ans

Sept ans d’emprisonnement

Trois ans

Cinq ans d’emprisonnement

Deux ans

Trois ans d’emprisonnement

Un an

En matière délictuelle, la juridiction ne pouvait pas prononcer une peine autre que l’emprisonnement lorsque l’auteur des faits commettait, une nouvelle fois en état de récidive légale, certains délits d’une particulière gravité (violences volontaires, délit commis avec la circonstance aggravante de violences, agression ou atteinte sexuelle et délit puni de dix ans d’emprisonnement).

Les « peines planchers » étaient également applicables aux mineurs récidivistes, sans préjudice du principe de réduction de moitié de la peine encourue pour les mineurs de plus de treize ans. Cette règle, dite de l’excuse atténuante de minorité, pouvait être écartée par la juridiction, notamment lorsque le délit était commis par un mineur de plus de seize ans avec la circonstance aggravante de violences, ou devait l’être par principe, sauf décision contraire de la juridiction, dans le cas d’un mineur de plus de seize ans se trouvant une nouvelle fois en état de récidive légale pour une infraction grave.

En 2011 ([10]), le législateur avait étendu ce système aux auteurs des violences les plus graves ([11]) en fixant, à l’article 132-19-2 du code pénal, un seuil minimal d’emprisonnement correspondant à environ le cinquième de la durée maximale de la peine encourue, soit deux ans pour un délit puni de dix ans d’emprisonnement et dix-huit mois pour un délit puni de sept ans d’emprisonnement.

Il avait également appliqué cette règle aux mineurs, avant que le Conseil constitutionnel censure cette disposition pour méconnaissance des exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs.

Toutefois, les articles 132-18-1, 132-19-1 et 132-19-2 précités ne privaient pas le juge de toute faculté d’individualiser le quantum de la peine de réclusion ou d’emprisonnement prononcée :

– le juge pouvait prononcer une peine inférieure à ces seuils ou, en matière délictuelle, une peine autre que l’emprisonnement, « en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci » ;

– dans le cas où une seconde infraction était commise en état de récidive légale, la juridiction pouvait prononcer une peine inférieure à ces seuils si le prévenu présentait « des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion » ;

– le juge souhaitant déroger aux « peines planchers » en matière délictuelle devait se prononcer par une décision spécialement motivée.

B.   Un mécanisme conforme à la Constitution

À l’exception de la disposition visant à appliquer des peines minimales à des mineurs auteurs de violences graves qui n’auraient jamais été auparavant condamnés pour un crime ou un délit, le Conseil constitutionnel a jugé ce système conforme à la Constitution ([12]).

D’une part, au regard du principe de nécessité des peines, les infractions visées, soit parce qu’elles étaient commises en état de récidive légale, une ou plusieurs fois, soit parce qu’elles étaient constitutives d’atteintes aggravées à l’intégrité physique des personnes et punies d’une peine d’au moins sept ans d’emprisonnement, se caractérisaient par des éléments d’une gravité particulière et suffisante.

D’autre part, le principe d’individualisation des peines ([13]) ne faisait pas « obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions », dans la mesure où la juridiction de jugement conservait la possibilité de déroger aux seuils établis par la loi ou d’assortir la peine de prison prononcée d’un sursis.

C.   Un mécanisme abrogé en 2014

Ces dispositions ont été abrogées par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, au motif qu’elles auraient contribué à aggraver la surpopulation carcérale et n’auraient pas permis de lutter efficacement contre la récidive.

Pour le Gouvernement et la majorité parlementaire de l’époque, cette abrogation se justifiait plus précisément par trois constats :

– « un double effet d’allongement de la durée des peines d’emprisonnement prononcées et d’aggravation de la surpopulation pénitentiaire », avec une durée moyenne des peines prononcées en matière correctionnelle en état de récidive passée de 9 mois entre 2004 et 2006 à 15,6 mois sur la période 2008-2010 ainsi qu’une augmentation du taux d’occupation des établissements pénitentiaires sur la période 2007-2014 de 115,4 % à 116,6 % ;

– l’inefficacité des « peines planchers » sur la réduction de la récidive et des violences, en se fondant sur un constat de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, sur une étude, limitée dans le temps, de l’évolution du nombre de personnes condamnées en état de récidive légale depuis les années 2000 et des enquêtes de victimation ;

– l’incompatibilité de la quasi-automaticité de ces peines avec l’exigence d’individualisation de celles-ci et le pouvoir de libre appréciation du juge ([14]).

Votre rapporteur avait eu l’occasion, lors des débats ayant précédé cette abrogation, de souligner l’« approche idéologique et quantitative » ayant présidé à ce choix – privilégier la probation et désengorger les prisons – ainsi que les limites de l’argumentation le fondant. Il avait notamment dénoncé l’analyse partielle et partiale qui avait été faite des études statistiques en matière de récidive :

– l’augmentation avancée du nombre de condamnations en état de récidive légale durant la période où s’appliquaient les « peines planchers », loin de refléter une explosion de la récidive au sens criminologique, s’expliquait davantage par les changements législatifs intervenus pour élargir progressivement le champ des infractions prises en compte dans la définition de l’état de récidive légale ;

– cette augmentation était aussi la conséquence d’un changement des pratiques des juridictions, encouragées à systématiser l’enregistrement de l’état de récidive, ce qui était moins le cas auparavant ([15]).

Aujourd’hui, l’état de récidive légale demeure une cause aggravante de la peine, entraînant un doublement des peines d’emprisonnement et d’amende encourues pour la seconde infraction, sous réserve des règles applicables aux crimes, la limitation à un ou deux du nombre de sursis avec mise à l’épreuve portant sur l’intégralité de la peine susceptibles d’être successivement prononcés, la possibilité ou l’obligation de prononcer à l’égard de l’auteur des faits des peines complémentaires spécifiques ainsi qu’une augmentation du délai d’attente avant de pouvoir demander une libération conditionnelle.

II.   Le dispositif proposé

Afin de restaurer le rôle dissuasif de la peine, le présent article vise à restaurer le mécanisme des « peines planchers » dont votre rapporteur est convaincu de l’utilité et de l’efficacité. En cohérence avec l’objet de la présente proposition de loi, ce rétablissement ne concernerait que les crimes et délits commis à l’encontre des membres des forces de l’ordre et des sapeurs-pompiers.

L’évolution du nombre d’agressions commises à l’encontre de ces personnes, dont les derniers chiffres disponibles datent de 2016, suffit à démontrer la nécessité de renforcer la sévérité de la réponse pénale dans ce domaine, tout comme le souvenir de ces seize personnels de la police et de la gendarmerie nationales décédés, cette même année, en opération de police et deux dans le cadre d’attaques terroristes, Jean-Baptiste Salvaing, commandant adjoint du commissariat des Mureaux, et sa compagne Jessica Schneider, agent administratif du commissariat de Mantes-la-Jolie.

Les agressions contre les forces de l’ordre et les sapeurs-pompiers

Parmi les 4 100 militaires de la gendarmerie nationale blessés lors d’une mission de police en 2016, près de 2 000 l’avaient été à la suite d’une agression, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2015 ; la même année, sur les 5 767 policiers blessés en mission de police, 12 % l’avaient été par une arme, soit 60 % de plus que l’année précédente. Par ailleurs, 2 280 sapeurs-pompiers déclaraient avoir été victimes d’une agression au cours d’une intervention, contre 1 939 en 2015, ce qui représentait une augmentation du nombre d’agressions de près de 18 % en une année. 414 véhicules de pompiers étaient également endommagés – un nombre en hausse de plus de 45 % par rapport à 2015 – pour un préjudice estimé de 284 000 euros.

Nombre de sapeurs-pompiers agressés de 2008 à 2016

Source : ministère de l’Intérieur, DGSCGC, traitement ONDRP

En 2016, pas moins de 4 009 condamnations pour violences, 43 pour destructions et dégradations, 2 723 pour menaces et intimidations ainsi que 7 993 pour outrages contre personne dépositaire de l’autorité publique avaient été prononcées en infractions principales. À l’exception de l’outrage, leur nombre est à la hausse depuis 2003, où l’on dénombrait 3 411 condamnations pour violences, 26 pour destructions et dégradations, 428 pour menaces et intimidations ainsi que 9 381 pour outrages.

Une tendance similaire est observable pour les sapeurs‑pompiers victimes de violences, de menaces et d’actes d’intimidation. Enfin, le nombre de condamnations, en infraction principale, pour actes de rébellion est passé de 2 425 en 2003 à 3 740 en 2016.

Évolution des condamnations pour rébellion, violences délictuelles, menaces et actes d’intimidation en infractions principales (2003-2016)

Source : ministère de la Justice, SG, SDSE, exploitation statistique du casier judiciaire national.

Dans ce contexte, il importe que les auteurs de ces agressions, lorsqu’ils en sont reconnus coupables, soient sanctionnés par des peines de réclusion ou d’emprisonnement à la hauteur de la gravité des actes commis.

Le dispositif proposé rétablit à cette fin les articles 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal, dont le champ serait limité respectivement aux crimes et délits commis contre :

– un militaire de la gendarmerie nationale ;

– un fonctionnaire de la police nationale ;

– un sapeur-pompier professionnel ou volontaire ;

– un policier municipal ;

– ou un agent des douanes.

L’échelle des peines minimales de réclusion et d’emprisonnement prévues pour ces crimes et délits, fixées à la moitié environ du quantum maximum encouru, serait la suivante :

Peines minimales PROPOSÉES pour les crimes et délits
commis contre les forces de l’ordre et les pompiers

Peine encourue

Peine minimale devant être prononcée par le juge, sauf décision contraire

Crimes (article 132-18-1 du code pénal)

Réclusion ou détention à perpétuité

Vingt ans

Trente ans de réclusion ou de détention

Quinze ans

Vingt ans de réclusion ou de détention

Dix ans

Quinze ans de réclusion ou de détention

Sept ans

Délits (article 132-19-1 du code pénal)

Dix ans d’emprisonnement

Cinq ans

Sept ans d’emprisonnement

Quatre ans

Cinq ans d’emprisonnement

Trois ans

Trois ans d’emprisonnement

Dix-huit mois

Conformément aux exigences constitutionnelles en matière d’individualisation des peines, la juridiction de jugement conserverait toutefois la faculté de prononcer, par une décision spécialement motivée en matière délictuelle, des peines inférieures à ces seuils « en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci ». Cette faculté serait limitée, en cas d’infraction commise en état de récidive légale, au cas où « l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion ».

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*     *

Article 5
(art. 131–30 du code pénal)
Peine d’interdiction du territoire français en cas de crime ou délit
commis à l’encontre des forces de l’ordre

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit que le prononcé d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français (ITF) sera obligatoire – sauf décision motivée du juge – à l’encontre de toute personne de nationalité étrangère ne justifiant pas d’un séjour régulier en France ou de tout étranger séjournant de façon régulière en France depuis moins de cinq ans et qui est déclaré coupable d’un crime ou d’un délit à l’encontre des forces de l’ordre ou des pompiers, pour une durée variable selon le quantum de la peine encourue.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, a introduit, par les articles 131‑30-1 et 131-30-2 du code pénal, des protections de plusieurs catégories d’étrangers contre les mesures d’ITF. La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a apporté quelques changements à ce dispositif en allongeant notamment la durée de mariage requise pour qu’un étranger puisse se prévaloir de certaines des exceptions au prononcé de l’ITF.

       Position de la Commission

Contre l’avis de votre rapporteur, la Commission a rejeté cet article.

I.   L’état du droit

La peine d’interdiction du territoire français est une peine complémentaire, prévue à l’article 131–30 du code pénal, qui peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit.

Il s’agit bien d’une peine complémentaire et non d’une « double peine », qui est d’ailleurs interdite en droit français en application du principe « non bis in idem ». Cette interprétation a été confirmée à plusieurs reprises par la chambre criminelle de la Cour de Cassation (Cass.crim., 30 mai 2001, n° 99-84.867).

L’ITF entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l’expiration de sa peine d’emprisonnement ou de réclusion.

Lorsque l’interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d’exécution de la peine. Elle reprend, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin.

Les articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal prévoient les cas où la peine d’interdiction du territoire français ne peut pas être prononcée ou bien doit être spécialement motivée, au regard de la situation personnelle de l’intéressé.

Les restrictions légales au prononcé de la peine complémentaire d’ITF

Si la peine d’interdiction du territoire français est, par principe, facultative, les juges n’étant pas tenus de motiver spécialement leur décision pour son prononcé, ce principe comporte des restrictions.

1. Cas dans lesquels lITF doit être spécialement motivée

L’article 131–30–1 prévoit cinq cas dans lesquels – en matière correctionnelle – le tribunal ne peut prononcer l’ITF que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale de l’étranger lorsqu’est en cause :

– un étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;

– un étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation ;

– un étranger qui justifie par tous moyens qu’il réside habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s’il a été, pendant toute cette période, titulaire d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ;

– un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s’il a été, pendant toute cette période, titulaire d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ;

– un étranger titulaire d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %.

2. Cas dans lesquels l’ITF ne peut être prononcée sauf exceptions

L’article 131-30-2 du code pénal énumère cinq cas dans lesquels la juridiction correctionnelle ou criminelle ne peut prononcer l’ITF en raison de la situation personnelle de l’intéressé. Il en est ainsi lorsqu’est en cause :

– un étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu’il a atteint au plus l’âge de treize ans ;

– un étranger qui réside habituellement en France depuis plus de vingt ans ;

– un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins quatre ans avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française ;

– un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;

– un étranger qui réside habituellement en France sous couvert du titre de séjour temporaire délivré à l’étranger résidant en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire.

Aux termes du dernier alinéa de l’article 131-30-2 du code pénal, les cas d’exclusion précités ne sont pas applicables aux :

– atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation : trahison et espionnage, attentat et complot, mouvement insurrectionnel, usurpation de commandement, levée de forces armées et provocation à s’armer illégalement, atteintes à la sécurité des forces années et aux zones protégées intéressant la défense nationale, atteintes au secret de la défense nationale ;

– infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous ;

– actes de terrorisme ;

– infractions en matière de fausse monnaie.

Ainsi, l’étranger condamné pour l’une des infractions précitées peut être interdit du territoire même s’il se trouve dans l’un des cas énumérés aux cinq premiers alinéas de l’article 131-30-2 du code pénal.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article complète l’article 131-30 du code pénal afin de prévoir le prononcé obligatoire de la peine complémentaire d’ITF à l’encontre de tout étranger ne justifiant pas d’un séjour régulier en France ou de tout étranger séjournant de façon régulière en France depuis moins de cinq ans et qui est déclaré coupable d’un crime ou d’un délit puni d’une peine d’un an d’emprisonnement, commis à l’encontre d’un gendarme, d’un policier national ou municipal, d’un sapeur-pompier ou d’un agent des douanes.

La durée de l’ITF ne pourra être inférieure aux seuils suivants.

Seuils proposés de l’ITF

Durée de l’ITF

Peine encourue

6 mois

1 an d’emprisonnement

1 an

3 ans d’emprisonnement

18 mois

5 ans d’emprisonnement

30 mois

7 ans d’emprisonnement

4 ans

10 ans d’emprisonnement

6 ans

15 ans de réclusion ou de détention

8 ans

20 ans de réclusion ou de détention

10 ans

30 ans de réclusion ou de détention

Afin de tenir compte de la jurisprudence constitutionnelle en matière d’individualisation des peines, il est toutefois prévu que la juridiction pourra, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine ou de la prononcer pour une durée inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

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Article 6
(art. L. 521–1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Expulsion du territoire en cas de crime ou délit
commis à l’encontre des forces de l’ordre

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article ouvre la possibilité d’une expulsion de l’étranger condamné à une peine de prison supérieure ou égalité à cinq ans pour un crime ou un délit commis contre les forces de l’ordre ou un sapeur–pompier.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a durci le dispositif de l’expulsion en allongeant notamment la durée de mariage requise pour qu’un étranger puisse se prévaloir de certaines des exceptions aux décisions d’expulsion.

       Position de la Commission

Contre l’avis de votre rapporteur, la Commission a rejeté cet article.

I.   L’état du droit

L’expulsion, régie par les articles L. 521-1 à L. 524-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, concerne l’étranger qui vit régulièrement en France et qui représente une menace grave pour l’ordre public appréciée par l’administration en fonction de son comportement. L’appréciation du niveau de cette menace ne requiert pas nécessairement un fondement sur des décisions de nature pénale devenues définitives.

Certains étrangers bénéficient d’une protection suivant l’importance et l’ancienneté de leurs liens en France.

La protection peut être relative, c’est-à-dire qu’elle peut être levée en cas de nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique, ou après une condamnation définitive à une peine de cinq ans de prison ferme. En bénéficient l’étranger régulièrement présent depuis plus de dix ans en France (sauf au moyen d’une carte de séjour « étudiant »), l’étranger monogame marié depuis trois ans à un Français, l’étranger non-polygame parent d’un enfant français mineur résidant en France à l’éducation duquel il contribue, et l’étranger bénéficiaire d’une rente française d’accident du travail ou de maladie professionnelle incapable au moins à 20 %.

La protection est dite « quasi absolue » lorsqu’elle ne peut être levée qu’en cas de comportement terroriste ou compromettant les intérêts fondamentaux de l’État, ou à la suite d’actes de provocation délibérée à la discrimination, la haine ou la violence. En bénéficient l’étranger malade en l’absence d’un traitement approprié dans son pays, l’étranger résidant en France depuis l’âge de treize ans, l’étranger monogame résidant régulièrement en France depuis dix ans et marié depuis quatre ans sans rupture de la communauté de vie à un Français qui a conservé la nationalité française ou à un étranger qui vit en France depuis l’âge de treize ans, et l’étranger résidant régulièrement en France depuis dix ans et parent d’un enfant français résidant en France dont il contribue à l’éducation.

L’étranger mineur ne peut pas faire l’objet d’un arrêté d’expulsion.

La décision d’expulsion est prise par le préfet du lieu de résidence ou, en cas d’urgence absolue ou s’il s’agit d’un étranger protégé, par le ministre de l’intérieur. L’arrêté peut être exécuté par la force et justifier des mesures privatives de liberté telles que la rétention et l’assignation à résidence.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article complète l’article L. 521–1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de préciser que la menace grave pour l’ordre public représentée par l’étranger peut être constituée par sa condamnation à une peine d’emprisonnement supérieure ou également à cinq ans pour un crime ou un délit commis contre un gendarme, un policier national ou municipal, un sapeur-pompier ou un agent des douanes.

Cette précision importante permettra de sécuriser les procédures d’expulsion en prévoyant explicitement le motif d’agression à l’encontre d’un membre des forces de sécurité intérieure ou d’un pompier.

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Article 7
(art. 20 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante)
Levée de l’excuse de minorité pour les mineurs de plus de 16 ans coupables d’un crime ou d’un délit contre les forces de l’ordre ou les sapeurspompiers

Rejeté par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article étend les conditions dans lesquelles l’excuse atténuante de minorité doit être écartée par les juridictions pour mineurs aux cas de crimes et délits commis par un mineur de plus de 16 ans à l’encontre d’un gendarme, d’un policier, d’un sapeur-pompier ou d’un douanier, sauf décision contraire de la juridiction.

  Dernières modifications législatives intervenues

Les conditions dans lesquelles les juridictions pour mineurs peuvent lever l’excuse atténuante de minorité à l’égard de mineurs de plus de 16 ans ont été étendues par les lois du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, avant d’être de nouveau cantonnées à des cas exceptionnels par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

  Position de la Commission

Contre l’avis de votre rapporteur, la Commission a rejeté cet article.

I.   L’état du droit

L’âge est un critère important dans la détermination de la sanction encourue par un mineur qui commet une infraction.

En vertu des articles 122-8 du code pénal et 2 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante :

– sans préjudice des « mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation appropriées » dont ils peuvent faire l’objet, les mineurs de moins de 13 ans sont en principe irresponsables pénalement, aucune peine ne pouvant être prononcée à leur égard ;

– toutefois, des sanctions éducatives peuvent être imposées aux mineurs de 10 à 13 ans, comme la confiscation d’un objet, une interdiction de paraître, une obligation de suivre un stage, une mesure de placement ou un avertissement ([16]) ;

– seuls les mineurs âgés de 13 à 18 ans encourent, en plus des sanctions éducatives, une véritable peine, « en tenant compte de l’atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge ».

A.   La cause atténuante de responsabilité

Les conditions d’atténuation de responsabilité des mineurs de 13 à 18 ans, plus connue sous le nom d’excuse atténuante de responsabilité, sont précisées par les articles 20-2 à 20-9 de l’ordonnance du 2 février 1945 précitée.

L’article 20-2 prévoit, s’agissant de la peine de prison, que les mineurs âgés de plus de 13 ans ne peuvent pas être condamnés à une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue ou à vingt ans de réclusion si la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité.

B.   Les dérogations à cette cause

Toutefois, en l’état du droit, cette règle peut être écartée à l’égard d’un mineur âgé de plus de 16 ans « à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation ».

Les situations dans lesquelles l’excuse de minorité peut être levée par la juridiction de jugement ont évolué dans le temps.

Jusqu’en 2007, celle-ci pouvait être écartée par le juge « à titre exceptionnel, et compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur ».

Le législateur, en 2007, avait supprimé le caractère exceptionnel de cette faculté et ajouté deux nouvelles circonstances susceptibles de justifier une telle décision, toutes deux fondées sur des faits d’une particulière gravité commis en état de récidive légale : outre les crimes d’atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique ([17]), étaient visés les délits de violences volontaires, d’agressions sexuelles ainsi que tous les délits commis avec la circonstance aggravante de violences ([18]).

Ces deux circonstances ont été supprimées en 2014 ([19]), à la suite de l’abrogation des « peines planchers » qui avaient été rendues également applicables aux mineurs récidivistes.

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a précisé que lorsque la juridiction écarte l’excuse atténuante de minorité dans le cas où la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, « la peine maximale pouvant être prononcée est la peine de trente ans de réclusion ou de détention criminelle ».

II.   Le dispositif proposé

La part des mineurs dans les violences dont est l’objet les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public est loin d’être négligeable, comme le démontrent les derniers chiffres dévoilés par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales en janvier 2019.

Ainsi, près de trois mis en cause sur dix pour des violences volontaires sur ces personnes en 2016 et 2017 étaient âgés de moins de 18 ans, cette proportion s’établissant à 20 % dans le cas où la victime est une personne dépositaire de l’autorité publique (policier, gendarme, pompier…) et 49 % dans le cas de violences contre une personne chargée d’une mission de service public (enseignant, agent d’un réseau de transports publics, agents de surveillance de la voie publique…) ([20]). Le rôle aujourd’hui joué par les mineurs dans les exactions dont sont victimes les forces de l’ordre rejoint les tendances observées sur le long terme dans ce domaine dans la mesure où 25 % des personnes poursuivies pour outrages, rébellions et violences entre 1965 et 2003 étaient des mineurs ([21]).

Tirant les conséquences du nombre important de mineurs impliqués dans de tels faits, le présent article crée un nouveau cas dans lequel la juridiction pour mineurs devrait écarter l’excuse atténuante de minorité dès lors que le mineur est reconnu coupable d’une infraction commise à l’encontre des forces de l’ordre ou des sapeurs-pompiers.

Serait concerné par cette disposition tout mineur de plus de 16 ans « coupable d’un crime ou d’un délit puni d’une peine d’au moins un an d’emprisonnement commis à l’encontre d’un militaire de la gendarmerie nationale, d’un fonctionnaire de la police nationale, d’un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, d’un policier municipal ou d’un agent des douanes ».

À la différence de ce que prévoit aujourd’hui l’article 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, la levée de l’excuse atténuante de minorité ne serait pas une faculté laissée à la libre appréciation du tribunal pour enfants ou de la cour d’assises des mineurs mais une obligation, à laquelle il serait toutefois possible de déroger sur « décision spécialement motivée prise en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci ».

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Article 8
(art. 222-68 du code pénal)
Création d’un délit spécifique d’injure publique contre les forces de l’ordre

Rejeté par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réprime de manière plus sévère et en dehors de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse l’injure publique commise à l’encontre d’un gendarme, d’un policier, d’un sapeur-pompier ou d’un douanier, afin d’appliquer à cette infraction la procédure pénale de droit commun.

  Dernières modifications législatives intervenues

Plusieurs lois ont été adoptées entre 2004 et 2017 afin de moduler l’application du régime procédural particulier de la loi du 29 juillet 1881 à certaines infractions de presse d’une gravité particulière (principalement celles à caractère discriminatoire), sans toutefois jamais concerner l’injure publique à personne dépositaire de l’autorité publique.

  Position de la Commission

Contre l’avis de votre rapporteur, la Commission a rejeté cet article.

I.   L’état du droit

En l’état du droit, l’injure publique contre une personne dépositaire de l’autorité publique (policier, gendarme, douanier, magistrat, sapeur-pompier…) est poursuivie sur le fondement de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et est punie d’une amende de 12 000 euros ([22]).

C’est donc le régime procédural très protecteur de la liberté d’expression qui s’applique à cette infraction, et notamment les règles suivantes :

– comme en matière de presse, l’action publique se prescrit par trois mois (au lieu d’un an en matière contraventionnelle et trois ans en matière délictuelle) ;

– certains moyens d’enquête sont exclus, comme la comparution immédiate et la détention provisoire ;

– ni la juridiction de jugement, ni le juge d’instruction ne peuvent modifier la qualification des faits telle que fixée par l’acte de saisine, sauf s’il s’agit de substituer une qualification de droit commun à une qualification prévue par la loi de 1881, ce qui a pour effet d’entraîner de nombreuses nullités pour des faits mal ou insuffisamment qualifiés.

Les critiques régulièrement adressées à ce régime procédural, susceptible de bénéficier à des auteurs de faits d’une certaine gravité, a déjà conduit le législateur à exclure son application, en totalité ou en partie, pour certaines infractions.

En 2004 ([23]) et 2014 ([24]), le délai de prescription de l’action publique de trois mois a été porté à une année pour l’injure, la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence et les diffamations adressées à une personne à raison de son origine, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son handicap ou de son appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion ([25]), afin de pouvoir appréhender ces comportements pendant une durée suffisante au rassemblement des preuves. Le même allongement du délai de prescription a été opéré, en 2012 ([26]), pour les délits de provocation au terrorisme et d’apologie du terrorisme, qui se sont dans le même temps ajoutés aux infractions pour lesquelles la détention provisoire est possible.

Par ailleurs, à partir de 2011 ([27]), les enquêteurs ont été autorisés à mettre en œuvre l’enquête sous pseudonyme pour la poursuite des actes de provocation au terrorisme ou d’apologie de tels actes commis par un moyen de communication électronique, avant que la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice n’étende récemment l’usage de cette technique d’enquête à la constatation de tous les crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement commis sur internet.

Tirant le constat de l’inadaptation du régime procédural de la loi de 1881 à la poursuite efficace de ces infractions, le législateur, en 2014 ([28]), a transféré dans le code pénal les délits de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie de tels actes.

Enfin, la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a rendu inapplicables aux injures, diffamations et provocations à caractère discriminatoire certaines spécificités de la loi de 1881 en vue de rapprocher du droit commun le régime applicable à ces infractions ([29]).

II.   Le dispositif proposé

Le présent article vise à remédier à la multiplication des propos injurieux adressés aux forces de l’ordre, non constitutifs d’outrages, en particulier sur les réseaux sociaux.

Car, en l’état du droit, l’injure publique envers des dépositaires ou agents de l’autorité publique est seulement punie d’une peine d’amende, identique à celle encourue en cas d’injure publique envers un particulier, alors même que ces deux catégories de faits ne sont manifestement pas de même gravité. De surcroît, la circonstance aggravante de récidive ne peut être relevée, à la différence d’autres infractions de presse ([30]) et le prononcé de peines complémentaires spécifiques n’est pas possible.

C’est pourquoi le présent article extrait de la loi de 1881 sur la liberté de la presse la répression du délit d’injure publique commis envers un gendarme, un policier national ou municipal ou un agent des douanes et la transfère au sein d’un nouvel article 222-68 du code pénal.

Ce délit serait désormais puni d’un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Le transfert de la répression de cette infraction aurait pour effet de ne plus lui rendre applicables les règles procédurales spécifiques de la loi de 1881.

L’aggravation proposée des peines encourues pour de tels faits se justifie pleinement par l’atteinte qu’ils portent à l’autorité des personnes visées. Elle peut d’ailleurs se prévaloir, pour votre rapporteur, de la protection reconnue à ces personnes par la Cour européenne des droits de l’homme, pour laquelle « les fonctionnaires doivent, pour s’acquitter de leurs fonctions, bénéficier de la confiance du public sans être indûment perturbés, et il peut dès lors s’avérer nécessaire de les protéger particulièrement contre des attaques verbales offensantes lorsqu’ils sont en service » ([31]).

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Article 9
(art. 20 du code de procédure pénale)
Octroi de la qualité d’agent de police judiciaire
aux directeurs de police municipale

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article confère aux directeurs de police municipale la qualité d’agent de police judiciaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 73 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale a octroyé la qualité d’agent de police judiciaire aux élèves-gendarmes affectés en unité opérationnelle.

       Position de la Commission

Contre l’avis de votre rapporteur, la Commission a rejeté cet article.

I.   L’état du droit

Prévus aux articles L. 511-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, le statut et les missions des polices municipales ont été à l’origine définies par la loi n° 99-291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales avant que d’autres textes ne viennent par la suite élargir les compétences de ces agents.

Les agents de police municipale bénéficient de deux catégories de prérogatives. Ils exercent, d’une part, des missions de protection de l’ordre public et sont chargés de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques. Ils sont chargés d’assurer l’exécution des arrêtés de police du maire et de constater les contraventions à ces arrêtés. Ils peuvent, d’autre part, être autorisés, lorsqu’ils sont affectés à la sécurité d’une manifestation sportive, récréative ou culturelle ou d’un périmètre de protection ou à la surveillance d’un bâtiment communal, à procéder à l’inspection visuelle de bagages et, avec le consentement des personnes concernées, à la fouille de leurs bagages et à des palpations de sécurité.

En application de l’article 21 du code de procédure pénale, les policiers municipaux ont le statut d’agent de police judiciaire adjoint. Ils disposent ainsi d’un pouvoir de constatation des contraventions, mais uniquement lorsque la loi le prévoit spécifiquement. Ils sont notamment autorisés à constater un grand nombre de contraventions au code de la route ainsi que certaines contraventions au code pénal ne nécessitant pas des actes d’enquête et ne réprimant pas des atteintes à l’intégrité des personnes.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article modifie l’article 20 du code de procédure pénale afin d’octroyer la qualité d’agent de police judiciaire (APJ), dans certaines conditions, au directeur des services de la police municipale.

Une telle habilitation permettra d’améliorer la coordination entre les polices municipales et la police et la gendarmerie nationales. En effet, un APJ peut seconder dans l’exercice de leurs fonctions les officiers de police judiciaire (OPJ) et constater tout crime, délit ou contravention, ce que ne peuvent pas faire les policiers municipaux qui, lorsqu’ils constatent une infraction ne relevant pas de leurs compétences, peuvent seulement rendre compte à un OPJ.

Le présent article encadre cependant fortement l’attribution de la qualité d’APJ aux fonctionnaires de police municipale :

– seul le directeur de la police municipale lui-même en bénéficierait. Ces personnels sont des agents de catégorie A, recrutés selon des modalités particulières (âge, expérience professionnelle, qualifications…) ;

– ce grade implique une police municipale d’une certaine importance ;

– l’attribution de cette qualité ne serait pas de droit, elle résulterait de la convention de coordination prévue à l’article L. 512–4 du code de la sécurité intérieure, elle impliquerait donc l’accord du préfet, et l’avis préalable du procureur de la République ;

– en tant qu’APJ, le directeur de police municipale ne pourrait seconder dans l’exercice de leurs fonctions que des OPJ de la police ou de la gendarmerie nationales. Ce principe de subordination des policiers municipaux à l’officier de police judiciaire territorialement compétent et au procureur de la République dès lors qu’ils exercent des prérogatives de police judiciaire devrait permettre de satisfaire à l’article 66 de la Constitution qui impose que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire.

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Article 10
(art. 78–2 du code de procédure pénale)
Habilitation des agents de police municipale à réaliser des contrôles d’identité

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article habilite les agents de police municipale, agents de police judiciaire adjoints, à réaliser des contrôles d’identité.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 68 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a élargi la possibilité permise par l’article 78–2 du code de procédure pénale de procéder à des contrôles d’identité dans le département de Mayotte.

       Position de la Commission

Contre l’avis de votre rapporteur, la Commission a rejeté cet article.

I.   L’état du droit

Aujourd’hui, les policiers municipaux peuvent seulement recueillir verbalement l’identité de toute personne ayant commis un crime ou un délit qu’ils ne peuvent pas verbaliser, ou relever l’identité de toute personne ayant commis une infraction qu’ils sont habilités à verbaliser dans le cadre de l’article 78-6 du code de procédure pénale. Ces procédures ne permettent pas d’utiliser la contrainte pour obtenir la présentation de documents d’identité : en cas de refus de la personne concernée, les policiers municipaux doivent recourir à l’assistance d’un agent habilité à procéder à un contrôle d’identité.

Contrairement aux agents de police judiciaire adjoints appartenant à la police nationale, les policiers municipaux ne peuvent pas procéder à des contrôles d’identité, prévus par l’article 78-2 du code de procédure pénale, sous la responsabilité des officiers de police judiciaire. Cette anomalie doit pouvoir être corrigée.

II.   Le dispositif proposé

Cet article permet aux policiers municipaux de participer à des opérations de contrôle d’identité dans le cadre d’opérations conjointes avec la police ou la gendarmerie nationales, sous la responsabilité d’un OPJ issu d’une de ces deux forces.

S’il est logique de ne pas permettre aux policiers municipaux de mener des contrôles d’identité de leur propre initiative puisqu’ils n’ont pas la qualité d’OPJ, il est en effet utile de leur permettre de le faire dans le cadre d’opérations conjointes afin de développer les complémentarités entre les différentes forces.

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Article 11
Gage de recevabilité financière

Rejeté par la Commission

L’article 11 de la présente proposition de loi a pour objet de compenser les charges pour l’État qui pourraient résulter de sa mise en œuvre. Il prévoit, à cette fin, la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs, prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Contre l’avis de votre rapporteur, la Commission a rejeté cet article.


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   Compte rendu des débats

Lors de sa première réunion du mercredi 12 juin 2019, la Commission examine la proposition de loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure (n° 1933) (M. Éric Ciotti, rapporteur).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7789874_5d00a0db192b9.commission-des-lois--orientation-et-programmation-relative-a-la-securite-interieure--programmation-12-juin-2019

M. Stéphane Mazars, président. Mes chers collègues, je vais suppléer, à sa demande, pour l’examen de ce texte, la présidente de notre Commission.

Nous ouvrons en effet nos travaux par l’examen de la proposition de loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure, inscrite par le groupe Les Républicains à l’ordre du jour de la journée réservée du jeudi 20 juin. Sans attendre, je laisse le rapporteur Éric Ciotti nous présenter ce texte.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Cette proposition de loi que j’ai l’honneur de rapporter au nom du groupe Les Républicains, au-delà du message de reconnaissance, se veut un engagement à l’égard de ceux qui nous protègent et assurent notre sécurité au quotidien, au péril de leur vie. Depuis de très nombreuses années, et plus encore depuis cinq ans, nos policiers, nos gendarmes, nos policiers municipaux ont subi des épreuves extrêmement lourdes. En témoigne malheureusement le chiffre terrifiant de 31 suicides de policiers depuis le 1er janvier.

Depuis 2015, ils sont en ligne de front contre le terrorisme et confrontés à une société de plus en plus violente : près de 2 000 policiers et gendarmes ont été blessés depuis le début des manifestations le 17 novembre dernier. Sans oublier la crise migratoire. Alors que les risques auxquels ils s’exposent ne cessent d’augmenter, ils subissent des contraintes matérielles de plus en plus incompréhensibles pour eux, et qui doivent l’être tout autant pour nous.

Près de dix ans après l’adoption de la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, il est indispensable d’engager à nouveau une réflexion programmatique sur la sécurité qui dépasse les lois qui répondent à un problème ponctuel, des lois que l’on pourrait dire de circonstance, adoptées sous le coup de l’émotion.

Nous vous proposons une méthode différente, une programmation qui embrasse plusieurs perspectives sur le moyen terme. Nous proposons une réponse matérielle à la crise, car rien ne pourra évoluer sans moyens supplémentaires très importants pour les forces de l’ordre ; nous proposons aussi une protection accrue pour ceux qui portent l’uniforme de la République et qui, de ce fait, détiennent une parcelle de l’autorité publique.

En 1965, en incluant la défense nationale, les dépenses régaliennes représentaient 6,5 % de la richesse nationale ; cinquante ans plus tard, elles sont tombées à 3,15 %. L’effort de protection consacré par la Nation a donc été divisé par deux. Les dépenses liées à la sécurité – police nationale, gendarmerie, sécurité civile et sécurité routière – totalisent à peine 0,85 % du produit intérieur brut (PIB) en 2018. Ce chiffre peut paraître abstrait : cela veut tout simplement dire que pour 1 000 euros de dépenses publiques, l’État mobilise à peine 25 euros pour la sécurité et 4 euros pour la justice. C’est dire l’ampleur de la difficulté à laquelle nous sommes confrontés ; c’est dire la faiblesse des moyens accordés à la protection de nos concitoyens. Mais c’est dire aussi que l’effort que nous vous proposons est bien modeste par rapport aux dépenses publiques qui n’ont cessé de progresser. Ainsi, quand les dépenses en faveur de l’État régalien diminuaient, celles de l’État que l’on pourrait qualifier de social, de redistributif ou de providence ont doublé, passant de 16 % à 32 % du PIB. L’État social est devenu obèse quand l’État régalien devenait squelettique. Nous en payons malheureusement le prix.

Cette proposition de loi poursuit une triple ambition. Il s’agit d’abord, et prioritairement, de redonner des marges de manœuvre budgétaire à nos forces de l’ordre, afin qu’elles puissent exercer pleinement et efficacement leurs missions. Je le dis solennellement – et je l’espère, de façon consensuelle : la France doit accorder des conditions de travail plus dignes à ceux qui protègent la nation et nos concitoyens au quotidien, très souvent au péril de leur vie. Le patrimoine immobilier de la police et de la gendarmerie est trop souvent vétuste – 400 bâtiments ont été recensés comme étant en situation de vétusté pour la seule police nationale et c’est malheureusement aussi le cas pour la gendarmerie, chère à notre collègue Jean-Louis Masson. L’équipement des forces de l’ordre n’est pas à la hauteur, les voitures tombent trop souvent en panne : leur durée de vie est en moyenne de dix ans.

À cet effet, cette proposition de loi propose, dans le cadre d’une démarche programmatique, cette vision à moyen terme à laquelle nous sommes très attachés, un engagement supplémentaire de 15 milliards d’euros sur la période 2020-2025, détaillé dans le rapport annexé à l’article 1er de la proposition de loi, avec notamment une augmentation des effectifs de 15 000 policiers et gendarmes – incluant, je le précise, les 10 000 annoncés par le Gouvernement.

L’article 3 vise à remédier à une situation intolérable : le non-paiement des 25 millions d’heures supplémentaires. Les policiers sont soumis à une pression opérationnelle inédite et renforcée depuis plusieurs années, qui a entraîné une forte progression des heures supplémentaires, dont une proportion énorme n’est toujours pas payée.

Ensuite, et cette volonté doit être unanimement partagée, il s’agit de rendre l’uniforme inviolable en prévoyant une plus grande automaticité des sanctions et des peines plus sévères en cas d’agression contre les forces de l’ordre, mais également les pompiers. L’attaque de policiers au cocktail Molotov à Viry-Chatillon en octobre 2016 – véritable guet-apens – n’est, hélas ! qu’un des nombreux exemples d’agressions à l’encontre des forces de sécurité intérieure. Ces dernières sont de plus en plus souvent prises pour cible, en particulier lors des opérations de maintien de l’ordre. En 2016, près de 2 000 gendarmes et 2 280 sapeurs-pompiers ont été blessés à la suite d’une agression. Précisons qu’un quart des mis en cause sont des mineurs – en tout cas au moment des faits.

Dans ces conditions, nous avons la volonté de proposer des dispositions précises pour renforcer la force dissuasive de la sanction. Nous devons réaffirmer avec détermination qu’il est impossible de toucher à un policier, à un gendarme, à un policier municipal, à un pompier sans être menacé d’une sanction systématique, lourde, à la hauteur de l’agression commise à l’encontre d’un dépositaire de l’autorité publique, mais également contre le pacte républicain. Si nous ne protégeons pas ceux qui nous protègent, c’est tout l’édifice républicain qui est altéré, c’est toute la force dissuasive de la loi qui est affaiblie.

L’article 4 instaure des peines minimales de prison pour les personnes reconnues coupables de crimes ou délits commis contre un gendarme, un policier, un sapeur-pompier ou un douanier, sur le modèle des peines planchers qui existaient dans notre droit entre 2007 et 2014 et qui avaient fait leur preuve, à cette différence près que la peine minimale s’appliquera non pas en cas de récidive légale, mais dès la première infraction. Ce n’est donc pas la récidive qui entraîne l’application de la peine minimale, mais le fait de porter atteinte à une autorité qualifiée.

L’article 5 rend obligatoire le prononcé d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français à l’encontre de toute personne de nationalité étrangère ne justifiant pas d’un séjour régulier en France ou de tout étranger séjournant de façon régulière en France depuis moins de cinq ans et déclaré coupable des mêmes crimes ou délits. Là encore, le principe est simple : vous venez en France, vous bénéficiez d’un titre de séjour ; si vous commettez une agression contre un policier ou un gendarme, il n’y a plus aucune raison que la France vous conserve sa confiance.

L’article 7 tire les conséquences du nombre croissant de mineurs impliqués dans ces affaires en écartant l’application de l’excuse de minorité à l’égard des auteurs âgés de plus de seize ans.

Je précise qu’en laissant la possibilité à la juridiction de jugement d’y déroger par décision spécialement motivée, la rédaction de ces dispositions est conforme aux exigences constitutionnelles.

Pour être respectés, nos policiers et gendarmes ne doivent plus être l’objet, comme c’est, hélas ! devenu trop souvent le cas, d’injures publiques laissées sans réponse. L’injure s’est banalisée, elle est devenue commune. C’est pourquoi l’article 8 transfère ce délit de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse vers le code pénal, pour le réprimer plus lourdement et plus efficacement sur le plan procédural et sanctionner plus sévèrement ses auteurs, au-delà de la peine d’amende actuelle – dérisoire – de 12 000 euros, par une peine de prison.

Enfin, et c’est le troisième pilier de cette proposition de loi, il s’agit de renforcer les prérogatives des policiers municipaux, dans le cadre d’un continuum de sécurité que nos collègues Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot ont parfaitement décrit et qu’il convient de privilégier entre les différentes forces de sécurité intérieure – certaines dispositions de notre texte s’inspirent du reste de leur excellent rapport.

Au cours des dernières années, les polices municipales ont connu une importante montée en puissance ; leurs prérogatives ont été progressivement étendues, mais pas suffisamment. Très présentes sur le terrain, au plus près des populations, elles constituent de fait la police de sécurité du quotidien. Leur rôle est essentiel dans la coproduction de sécurité et doit être mieux valorisé. Nous proposons à cet effet de leur attribuer de nouvelles prérogatives de police judiciaire : l’article 9 confère aux directeurs de police municipale la qualité d’agent de police judiciaire dans des conditions très encadrées ; l’article 10 habilite les agents de police municipale – agents de police judiciaire adjoints (APJA) – à réaliser des contrôles d’identité sous le contrôle des officiers de police judiciaire.

J’aurai également l’occasion de vous proposer d’autres évolutions législatives, qui résultent de propositions formulées au cours des auditions et me semblent de nature à recueillir un large consensus.

Voilà, mes chers collègues, l’essence de cette proposition de loi de programmation. La méthode trouve ses limites dans le cadre dans lequel elle est débattue – sa durée d’examen sera brève. Nous aurions pu inclure la justice, mais avons volontairement limité notre ambition aux forces de sécurité intérieure, même si je suis persuadé qu’une grande loi de programmation sur la sécurité intérieure et la justice serait de nature à répondre à l’ensemble des problématiques auxquelles sont confrontés ceux qui assurent notre sécurité. Certes, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, adoptée récemment, participe à la lutte contre la paupérisation de la justice, mais de façon beaucoup trop modeste et imparfaite.

Cette méthodologie nouvelle, nous la devons à ceux qui assurent la protection de nos concitoyens. Il ne suffit pas d’adresser des messages de reconnaissance et parfois, hélas ! d’hommage après un drame. Cette reconnaissance et ces hommages doivent changer de dimension, afin que les contingences matérielles ne limitent plus l’action des forces de l’ordre. La violence, la délinquance, la menace terroriste, la pression migratoire exposent nos policiers et nos gendarmes. Nous leur devons une réponse globale et mieux adaptée ; c’est l’ambition de cette proposition de loi.

Mme Alice Thourot. Cher collègue, je vous remercie de mettre à l’honneur et à l’ordre du jour nos forces de l’ordre. La République en Marche tient à souligner leur engagement particulièrement soutenu au cours des derniers mois et à renouveler son soutien à toutes celles et ceux qui assurent la sécurité des Français.

Dès le début de son mandat, le Président de la République a affirmé que la sécurité comptait parmi ses priorités. Beaucoup a déjà été fait, beaucoup est en cours mais il reste encore plus à faire.

Votre proposition de loi évoque tour à tour le budget, les réformes structurelles puis le continuum de sécurité sur lequel nous avons largement travaillé avec mon collègue Jean-Michel Fauvergue – je vous remercie d’en avoir fait état. Vous évoquez les polices municipales, la sécurité privée n’étant malheureusement pas abordée.

Concernant le budget, je rappellerai quelques éléments de contexte : dès 2018, les crédits de la mission Sécurité ont augmenté de 206 millions d’euros. Cette hausse a connu une accélération dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, à 344 millions d’euros. Mille postes supplémentaires ont été annoncés – il faut évidemment attendre la formation des agents et leur sortie d’école. Ainsi, au commissariat de Montélimar, je me félicite de l’ouverture de sept postes. Rappelons que les CRS et le renseignement seront prioritairement pourvus. Mais il ne faut pas oublier qu’entre 2007 et 2012, 12 000 postes avaient été supprimés parmi les policiers et les gendarmes…

Des efforts importants sont réalisés depuis deux ans : 230 millions d’euros de crédits d’équipement ont été débloqués, 6 000 nouveaux véhicules ont été mis en service, de même que 9 400 caméras piétons et 80 000 tablettes et smartphones NEO. Le plan immobilier 2018-2020 est ambitieux : 300 millions d’euros y sont alloués chaque année. Évidemment, c’est encore insuffisant et beaucoup reste à faire, vous avez raison : le parc immobilier est à l’abandon depuis des années, il faut absolument y remédier. Il y a de grandes choses à faire, mais également de plus petites : ainsi la climatisation de certains commissariats. Les policiers et les gendarmes du sud de la France notamment comprendront ce à quoi je fais référence…

S’agissant des heures supplémentaires, les négociations ont été menées par le ministre de l’Intérieur dès le mois de janvier 2019. Leur règlement est en cours, mais ces 25 millions d’heures supplémentaires représentent a minima 250 millions d’euros ; c’est énorme, et cela nécessite de prévoir un calendrier pour leur règlement. C’est ce qui est en cours.

Je serai plus brève sur les réformes structurelles. Le ministre a évoqué un futur projet de loi de programmation, ambitieux, qui organisera à long terme la politique de sécurité intérieure et donnera plus de visibilité à nos forces de l’ordre, qui le demandent. Les concertations actuellement menées au ministère de l’Intérieur devraient aboutir à la publication d’un livre blanc avant la fin de l’année 2019, puis à la présentation d’un projet de loi de programmation dès le premier semestre 2020. Notre méthode diffère donc de la vôtre : nous privilégions la concertation, l’écoute des besoins de celles et ceux qui sont sur le terrain, à l’écriture du texte de loi et aux auditions.

En outre, l’ampleur de notre réforme sera sans commune mesure avec votre proposition de loi. Vous abordez différents sujets – et je vous en remercie – mais beaucoup d’autres mériteraient d’être évoqués. Nous pourrons probablement nous rejoindre sur ce point.

S’agissant des polices municipales, je vous remercie pour les propos élogieux que vous avez eus sur le rapport que nous avons rendu en septembre au Premier ministre. Peut-être conviendrait-il d’intégrer la sécurité privée, dans une vision plus globale. Nous avons besoin des 160 000 agents de sécurité privée et en aurons encore plus besoin avec les prochaines échéances – je pense en particulier aux Jeux olympiques.

Avec Jean-Michel Fauvergue et le ministre de l’Intérieur, nous réfléchissons à un projet ou une proposition de loi beaucoup plus ambitieux, qui couvre à la fois les polices municipales et la sécurité privée. Je vous propose d’y travailler ensemble.

M. Raphaël Schellenberger. Je tiens à souligner la qualité du travail de rédaction et des auditions réalisées par le rapporteur. Ce travail de fond est essentiel. Notre État est fragilisé de toutes parts par ces failles dans les moyens accordés à son système de sécurité.

Ce travail de fond était ambitieux et je remercie Éric Ciotti de l’avoir mené à bien. C’est pourquoi le groupe Les Républicains a décidé d’inscrire cette proposition de loi dans sa journée parlementaire, afin de remettre sur la table plusieurs sujets liés à notre sécurité, près de dix ans après le vote de la dernière loi de programmation.

La situation a profondément évolué depuis 2011. La menace terroriste a explosé ; la remise en cause du rôle des forces de sécurité est devenue un fait quotidien dans nos territoires. En conséquence, l’article 1er redéfinit les priorités. Dans ce contexte, nos forces de sécurité intérieure ont besoin de davantage de moyens ; c’est l’ambition de l’article 2. L’oratrice du groupe La République en Marche a exposé les quelques avancées opérées et à venir. Malheureusement, nous n’avons pas besoin d’ajustements cosmétiques, mais bien d’une reprise en main de l’ensemble de notre système de sécurité en mettant en place des moyens conséquents pour rattraper les retards accumulés au cours des sept dernières années.

Nous souhaitons que les femmes et les hommes qui exercent des missions de protection de nos concitoyens tout au long de l’année, qu’ils soient sapeurs-pompiers, policiers ou gendarmes, reviennent au cœur des préoccupations de l’État et du Gouvernement. Or ils sont parfois méprisés par notre administration et cumulent des centaines d’heures supplémentaires que nous sommes incapables de leur payer. La priorité pour le Gouvernement doit être de rendre à ces femmes et à ces hommes la dignité du travail qu’ils font, au service de nos compatriotes.

Il faut aussi les protéger, eux qui, tous les jours, mettent leur vie en danger pour nous et sont confrontés à des mineurs qui les insultent ou à des étrangers qui méprisent l’État français et vont jusqu’à s’attaquer à nos forces de l’ordre. De telles circonstances doivent être aggravantes. Les auteurs de tels délits doivent être punis plus sévèrement que les autres. C’est l’objet des articles 5 à 8 qui visent à alourdir les peines en cas d’atteinte aux forces de sécurité – policiers, sapeurs-pompiers, gendarmes.

Enfin, nous souhaitons prendre en compte la réalité de l’évolution de la répartition des différentes missions et la montée en puissance de la police municipale. Le rapporteur Éric Ciotti l’a évoqué : elle est devenue la police de proximité. Bien entendu, la sécurité reste une compétence régalienne et une prérogative de l’État, auxquelles nous croyons fortement. Mais avec la décentralisation, il est nécessaire que chacun œuvre à la sécurité des Français dans les territoires, d’autant que des besoins spécifiques sont apparus. Les exemples ne manquent pas : dans mon département, les brigades vertes font un travail formidable de sécurité et de police de l’environnement. Les articles 9 et 10 visent à mieux reconnaître le statut des policiers municipaux.

J’entends que certaines questions doivent encore être abordées au cours de la discussion parlementaire : Les Républicains auront une attitude très ouverte vis-à-vis des propositions de la majorité visant à enrichir la proposition de loi – contrairement à sa position de rejet quasi-systématique de nos amendements sur les textes qu’elle présente. Lorsque nous le jugerons nécessaire, nous serons très heureux d’accepter certains amendements visant à améliorer le texte ou renforcer les prérogatives de nos policiers, de nos sapeurs-pompiers et de nos gendarmes dans les territoires.

M. Philippe Latombe. Le groupe MODEM considère que cette proposition de loi n’est pas forcément le bon vecteur et ne vient pas au bon moment. En outre, le calendrier n’est pas approprié : nous avons déjà discuté de ces sujets lors des débats sur les précédents projets de loi. Les policiers municipaux notamment ont fait l’objet de très longues discussions au sein de cette commission. Remettre le sujet sur le tapis sous cette forme ne nous paraît pas opportun. Nous serons donc dans une position d’écoute de ce moment d’expression de l’auteur de la proposition et de ses cosignataires. Mais nous ne la soutiendrons pas.

Mme Cécile Untermaier. Je remercie notre collègue Éric Ciotti pour cette proposition de loi qui arrive à un moment où les forces de l’ordre ont besoin d’entendre notre préoccupation concernant leurs conditions de travail et notre reconnaissance pour leur engagement. Les suicides en disent long sur le parcours de souffrance de certains d’entre eux. Le contexte de terrorisme, les gilets jaunes, la négation du rôle des policiers ou des gendarmes nous obligent à revenir très régulièrement sur ces questions.

Nous sommes évidemment favorables à la poursuite des efforts budgétaires engagés par Bernard Cazeneuve, afin de sortir de la crise financière. Ces efforts sont poursuivis par l’actuel Gouvernement. Il paraît difficile de taire le nombre important de postes de policiers supprimés avant 2012, qui nous a contraints à un exercice compliqué pour remettre sur le terrain des gendarmes et des policiers. Sans oublier la police de proximité, que nous aurions également aimé ne pas voir supprimée…

La vétusté des locaux est réelle. C’est la conséquence d’un retard accumulé pendant des années, dont il est temps de prendre conscience : les dépenses régaliennes doivent changer de dimension. Nous connaissons tous dans nos circonscriptions des gendarmeries et des commissariats vétustes, comme celui de Châlon-sur-Saône, particulièrement dégradé.

Vous envisagez de réintroduire les peines planchers sous une autre forme. Mises en place en 2007, elles visaient à fixer une peine minimale en cas de récidive. Les promoteurs de la loi considéraient – à tort, on a pu le vérifier – que les peines planchers constituaient une mesure dissuasive. Quelle que soit la sanction pénale, elle ne dissuade pas le délinquant d’agir… Les possibilités de dérogation avec motivation du juge ont d’ailleurs été appliquées de manière intelligente par les magistrats pour les lourdes peines.

En 2014, nous avons débattu de la suppression des peines planchers au motif qu’elles n’étaient pas dissuasives, qu’elles n’étaient pas un outil efficace de lutte contre la récidive – même si ce n’est pas votre objectif dans la proposition de loi –, qu’elles dérogeaient à un principe fort d’individualisation de la peine et qu’elles réduisaient le pouvoir du juge. Au demeurant, les circonstances aggravantes existent déjà en cas de délits ou crimes contre les forces de l’ordre. Enfin, elles étaient à l’origine de l’allongement de la durée des courtes peines et ont favorisé l’accroissement de la surpopulation carcérale. Elles participent enfin à une culture de l’enfermement dont nous devons nous écarter de manière intelligente.

Sur la fin de l’excuse de minorité pour les mineurs de seize à dix-huit ans, déclarés coupables d’un crime ou d’un délit contre les forces de l’ordre, je comprends la mesure, mais je ne la soutiens pas. La réforme de l’ordonnance de 1945 confirme les principes fondateurs que sont la primauté de l’éducatif sur le répressif, l’atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge et la spécialisation de la justice des mineurs – disons des enfants. Ces principes fondamentaux ont été reconnus par les lois de la République et ont démontré leur efficacité dans la prise en charge pénale des mineurs. La justice des mineurs fonctionne bien au regard des moyens qui lui sont attribués. L’âge de la majorité pénale, c’est-à-dire l’âge à partir duquel un délinquant est soumis au droit pénal commun, s’établit à dix-huit ans. Certains mineurs de plus de seize ans peuvent, dès à présent, être assimilés à des majeurs sur le plan pénal, comme le dispose l’article 20‑2 de l’ordonnance, soit compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur, soit parce que les faits constituent une atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne et qu’ils ont été commis en état de récidive légale. Ce dispositif peut convenir, sans qu’il soit besoin de modifier son équilibre, qui repose sur une appréciation motivée et dérogatoire par le juge.

M. Philippe Dunoyer. Parce que les questions liées à la sécurité sont au cœur des préoccupations des Français, le législateur doit prendre les mesures qui s’imposent. Néanmoins, l’avis du groupe UDI et Indépendants sur cette proposition de loi sera nuancé. Je souscris, avec l’ensemble de mes collègues, à l’attention particulière que nécessitent les forces de l’ordre. Si je dois prendre malheureusement un mauvais exemple, celui de mon territoire, la Nouvelle-Calédonie, les forces de l’ordre, notamment les gendarmes, y sont les plus victimes des violences avec armes, ce qui est intolérable. Nous leur devons attention et protection. Aussi le premier volet du texte augmente-t-il significativement le budget dédié aux forces de l’ordre. Il est appuyé par un rapport qui fixe les orientations de la politique de sécurité intérieure.

Nous partageons le constat d’une sous‑dotation de moyens pour l’ensemble de nos forces de l’ordre, en dépit de l’augmentation de leurs missions sur tous les fronts et des menaces croissantes d’une gravité inédite qui pèsent sur notre société et sur leurs épaules. Les premières auditions de la commission d’enquête de notre groupe sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu’il s’agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale n’ont malheureusement fait que confirmer cet état des lieux. C’est pourquoi, sur ce premier point, nous saluons l’initiative prise, qui répondrait aux réels besoins des forces de sécurité, constamment mobilisées au quotidien pour la protection de notre société.

Les différentes mesures proposées par les premiers articles participeraient au renforcement des capacités opérationnelles des forces de l’ordre et, partant, au maintien de la sécurité intérieure et de l’ordre public, en traitant également de la question délicate, mais absolument nécessaire, de la résolution des 25 millions d’heures supplémentaires encore dues à nos forces de l’ordre. Toutefois, des interrogations subsistent sur les moyens financiers prévus à cet effet. Certains orateurs ont déjà fait remarquer que la tendance des moyens attribués aux forces de l’ordre était à la hausse. Si l’on comprend qu’elle soit renforcée dans son intention, nous ne voyons pas comment elle serait financée. Il serait intéressant d’entendre le Gouvernement, au-delà de la décision de principe, sur sa capacité objective à doter les forces de l’ordre de ces moyens supplémentaires : rien ne serait pire qu’une annonce qui ne serait pas suivie d’effets.

Concernant le second volet de cette proposition de loi, qui renforce l’arsenal juridique par un alourdissement des peines prévues pour les infractions commises à l’encontre des forces de l’ordre, sans nier leur gravité et la condamnation unanime qu’elles doivent susciter, nous ne pourrons adhérer aux mesures proposées. Il est prévu d’écarter l’excuse de minorité pour les mineurs âgés de seize à dix-huit ans, déclarés coupables d’un crime ou d’un délit commis à l’encontre des forces de l’ordre ; ce serait revenir sur le principe de spécialisation de la justice pénale des mineurs. Or l’enfance délinquante et son traitement particulier nécessitent un accompagnement spécifique ; il ne peut, selon nous, être porté atteinte aux grands principes gouvernant la justice pénale des mineurs, sans que cela ne signifie une plus grande tolérance à leur égard.

De même, il est proposé de mettre en place un dispositif de peine minimale de privation de liberté ou d’interdiction de territoire français pour des crimes et délits commis contre les forces de l’ordre sans récidive. Ces différentes règles, certes protectrices à l’égard de la police et de la gendarmerie, nous paraissent toutefois revêtir un caractère manifestement contraire au principe de proportionnalité des peines reconnu par le Conseil constitutionnel.

S’agissant enfin du continuum de sécurité, nous partageons les préoccupations du rapporteur, des signataires de la proposition de loi et des deux coauteurs du rapport remis l’année dernière : il faut se demander comment doter de moyens complémentaires d’intervention les policiers municipaux. La question se pose dans ma circonscription, qui, en matière de sécurité routière, fait partie des plus mauvais élèves européens, voire mondiaux. Il faudra trouver les moyens de ces adaptations nécessaires au renforcement des prérogatives qui pourraient être allouées aux policiers municipaux. Nous n’avons pas trouvé de mention sur les dispositifs d’encadrement ou de formation qui devraient présider à cette prérogative supplémentaire. Si l’idée mérite notre attention, sa mise en œuvre concrète ne semble pas aboutie.

Bien que le renforcement de la sécurité intérieure soit un objectif que nous partageons, compte tenu des questions restant sans réponse, qu’elles soient d’ordre budgétaire, juridique ou technique, notre groupe ne peut pas soutenir cette proposition de loi.

M. Jean-Félix Acquaviva. Nous sommes tous d’accord : la menace terroriste couplée aux manifestations hebdomadaires des derniers mois a mis à rude épreuve les forces de l’ordre, dont il convient, avant tout, de saluer l’engagement dans ce contexte particulièrement lourd. Pour autant, nous ne sommes pas sûrs qu’il faille une énième loi sécuritaire. Nous estimons que, depuis le début du quinquennat, il y a eu suffisamment de lois dans ce domaine : loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ; loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie ; loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. C’est pourquoi, de manière générale, nous ne soutenons pas votre proposition de loi.

Plusieurs de ses dispositifs ne sont pas en adéquation avec notre vision de la sécurité, de la prévention et des solutions pénales, mais également avec la séparation des fonctions entre les différents services de police. Si nous convenons que les heures supplémentaires des fonctionnaires de police doivent être payées, pourquoi limiter le dispositif aux seules forces de l’ordre, sans l’étendre à tous les fonctionnaires, qui sont nombreux à s’investir au-delà du temps de travail légal ? Des concessions ont été faites au mois de décembre dernier aux salariés du privé, alors que rien n’a été décidé pour les fonctionnaires. Il serait peut-être temps de penser à réparer cette injustice.

Instaurée dans le droit français par la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite de substances vénéneuses, l’interdiction du territoire visait à l’origine, comme chacun sait, les étrangers condamnés pour les infractions les plus graves à la législation sur les stupéfiants, avant de voir son champ d’application progressivement étendu à quelque deux cents infractions définies par le code pénal : atteintes aux personnes, atteintes aux biens commises avec violence, atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation. Cette peine discriminatoire peut être qualifiée de double peine pour la personne condamnée. Si nos voisins européens ont le même cadre législatif que le nôtre concernant l’expulsion des étrangers, il ne nous semble pas utile de durcir nos dispositifs de sanction qui ne préviendraient en rien les atteintes évoquées.

La suppression de l’excuse de minorité pour les mineurs de seize à dix-huit ans nous semble incohérente. Elle doit s’appliquer, pour nous, à tous les mineurs, que le délit ou le crime soit commis à l’encontre des forces de l’ordre ou non.

Concernant les mesures relatives à la police municipale, l’institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Île‑de‑France observe, par exemple, dans une note datée de janvier 2019, que sur les 21 500 policiers municipaux recensés à la fin de l’année 2016, 84 % étaient armés et que 44 % d’entre eux étaient équipés d’armes à feu contre 39 % à la fin 2015. Cet équipement auparavant réservé à la police nationale dote déjà la police municipale de moyens conséquents que doivent par ailleurs supporter les budgets des municipalités. Si police municipale et police nationale sont deux entités distinctes, ce n’est pas, selon nous, pour en effacer toutes les frontières, chacune ayant un rôle précis différent de l’autre. En proposant de conférer de nouvelles attributions aux policiers municipaux, il nous semble que la proposition de loi vise en fait à opérer progressivement une fusion des deux corps. Or les formations ne sont pas les mêmes, et les concours d’entrée sont également différents.

Enfin, aucune proposition stable permettant de compenser l’augmentation budgétaire évoquée, même si elle est louable, ne nous est proposée.

Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés et territoires émettra un avis défavorable sur cette proposition de loi.

Mme Emmanuelle Ménard. Cette proposition de loi relative à la sécurité intérieure intervient à un moment où le mal-être de nos forces de l’ordre n’a jamais atteint un tel degré. Nos forces de sécurité ont trop souvent l’impression d’être les oubliées, les parents pauvres de notre société. Quand le malaise se fait trop visible, on a recours à du saupoudrage et des mesures sparadraps, à coups d’augmentations de salaire ponctuelles ou de dotations en matériel pour les plus chanceux. Mais rien en profondeur ! Il fallait donc prendre les choses à bras-le-corps, comme le fait cette proposition de loi dont je souscris à l’esprit, et bien souvent, je l’avoue, à la lettre.

Je salue notamment l’article 3 qui s’attaque à l’épineux problème des heures supplémentaires de nos policiers nationaux. Je salue également les dispositions visant à mieux réprimer les agressions contre nos forces de l’ordre, qui se sont banalisées et bien trop souvent aggravées. Je vous proposerai de renforcer encore les dispositions concernant la police municipale ainsi que les gardes champêtres, qui sont trop souvent oubliés.

Les polices municipales prennent dans certaines communes un poids important, non parce que les maires souhaitent jouer les shérifs, comme on l’entend souvent, mais bien parce qu’un besoin s’est fait sentir, à un moment donné, et qu’il a fallu pallier les carences de l’État en matière de sécurité. Aujourd’hui, notre pays doit pouvoir optimiser les compétences et les moyens de cette force de police, d’autant que l’engagement de nombreuses communes à équiper leurs agents avec du matériel de défense et de sécurité moderne et la connaissance de leur territoire en font une force moderne, particulièrement bien formée et source d’informations pour la lutte contre les délinquances.

Actuellement force d’appoint, la police municipale doit devenir une véritable force auxiliaire de la police nationale et de la gendarmerie. Je vous proposerai des amendements leur permettant l’accès à certains fichiers – le fichier des objets et des véhicules volés (FOVES) et le fichier des personnes recherchées (FPR) notamment –, ainsi qu’un élargissement de leurs prérogatives en matière de sécurité routière et d’autres qui leur accorderont, en certaines circonstances, la possibilité d’intervenir sur le terrain en civil. J’ai bien noté l’esprit d’ouverture qui prévaut à l’examen de cette proposition de loi et je ne doute donc pas que mes propositions seront accueillies avec bienveillance.

M. Stéphane Mazars, président. Nous en venons aux interventions des orateurs.

M. Philippe Gosselin. Je salue une forme de convergence qui s’est fait jour dans les interventions des uns et des autres. Même s’il existe des désaccords sur un certain nombre de dispositifs et de moyens, c’est un signe qui me paraît relativement nouveau et témoigne de la prise de conscience des besoins de nos forces de l’ordre. Si nous convergeons sur ce point, nous avancerons. Je n’ai évidemment pas la naïveté d’envisager le vote de la proposition de loi : j’entends bien nos collègues qui renvoient à une nouvelle loi de programmation en 2020. Reste qu’il y a vraiment urgence : Les forces de l’ordre sont exsangues et à bout de souffle, le problème n’étant d’ailleurs pas tant matériel que psychologique. Nous devons les accompagner, non seulement par le biais de moyens budgétaires, mais également en mettant en avant une autre forme de reconnaissance.

La proposition de notre collègue va dans le bon sens. Si les discours sont peut-être ambitieux, en réalité, les moyens sont extrêmement limités : comme il l’a rappelé, ils ont été divisés par deux en cinquante ans, alors que, dans le même temps, les budgets sociaux explosaient. Il ne s’agit évidemment pas d’opposer les uns aux autres, dans la mesure où ils participent d’un équilibre global ; mais, alors que le terrorisme est bien présent, qu’il y a de vraies difficultés dans certains quartiers et que même nos campagnes connaissent une montée des violences, des trafics et des vols, on ne peut pas se contenter d’une politique à la petite semaine. Il y a des marges de manœuvre budgétaires à dégager. Comme l’a dit Éric Ciotti, l’état du personnel et des bâtiments est très préoccupant. Il faut rendre l’uniforme inviolable. On ne peut que se désoler de voir que la protection de certains personnels – je pense aussi aux pompiers – n’est pas suffisamment assurée. Cela ne passe pas par une augmentation des moyens budgétaires, mais par des sanctions fortes et réellement appliquées.

Pour ce qui est de la question de la police de proximité et, plus largement, de la sécurité de proximité, qui semble évoluer depuis quelques années, je crois que nos policiers municipaux ne sont pas des sous‑agents de l’État, des gens sous‑responsables. Ils ont toutes les compétences et les qualités pour avoir davantage de responsabilités, que ce soit sous le contrôle d’officiers de police judiciaire ou par le biais d’autres modes, non pas de tutelle, mais d’encadrement. Cette possibilité ne me choque pas, dans la mesure où c’est la cohérence d’ensemble qui importe. Nous devons avancer, et les propositions faites vont dans ce sens. Pour tendre la main à Alice Thourot, je reconnais que le sujet des agents de sécurité privée se pose de façon récurrente. Nous pourrons, en bonne intelligence, sur ce texte – je l’espère – ou sur d’autres, avancer. La question ne concerne pas que les Jeux olympiques ou d’autres grands événements de ce type : ils remplissent au quotidien de très nombreuses tâches, ce qui parfois donne lieu à quelques débats, sans que plus personne ne conteste leur utilité ni leur complémentarité avec des forces régaliennes, étatiques ou municipales.

M. Arnaud Viala. Je remercie le rapporteur pour son exposé et son travail. Deux points me semblent devoir être soulignés.

Tout d’abord, les Français ont souvent perçu un très grand décalage entre la solidarité massive exprimée en diverses occasions à l’égard des forces de l’ordre et de sécurité, à la suite d’événements particulièrement marquants ces dernières années, et l’absence, en tout cas la timidité de la réponse politique apportée aux demandes de ces mêmes personnels, pour disposer de moyens humains et matériels et de la reconnaissance indispensables à l’exercice de leur mission. Le Parlement se doit de tenir compte de l’incompréhension des Français face à ce décalage, sans attendre qu’un nouvel événement ne vienne nous rappeler à l’ordre. Ce véhicule législatif, modeste par sa nature même, devrait nous permettre de mettre fin à l’attente et de prendre un certain nombre de mesures. Il y a quelques semaines, avec des collègues du groupe Les Républicains, nous avons défendu une proposition de loi sur les sapeurs‑pompiers, dans laquelle nous avions également souhaité introduire un article relatif au respect indispensable dû à ces personnels. La majorité et le Gouvernement nous ont demandé d’attendre, en nous renvoyant à un texte en préparation pour l’été sur les sapeurs‑pompiers. Quoique le laisse penser la météo, l’été est bien là, contrairement au texte ! Nous avons un devoir d’efficacité.

Par ailleurs, il n’y a pas que les forces de l’ordre et de sécurité des grands centres urbains et des métropoles qui ont été frappées par des actes de terrorisme. La détresse s’exprime aussi dans les petites villes et dans les zones rurales, en zone gendarmerie notamment, où la tension qui s’est manifestée ailleurs a été ressentie, moins par solidarité corporatiste que parce que les astreintes et les services en ont été affectés et que cela a fait écho à des problèmes que les services rencontrent au quotidien. Plus que jamais, à mes yeux, la sécurité des Français passe par une réflexion politique sur le maillage des forces de l’ordre et de sécurité et sur les moyens mis à disposition partout.

Pour toutes ces raisons, j’appelle de mes vœux qu’à défaut d’adopter la proposition de loi, notre Commission et l’Assemblée examinent ses mesures les plus pertinentes et les plus efficaces dans les plus brefs délais.

Mme Laurence Vichnievsky. Je tiens d’abord à saluer tous les collègues pour leur travail, dont bien sûr Éric Ciotti. Nous sommes en réalité tous d’accord pour dire que les conditions matérielles et de travail sont très difficiles pour nos forces de l’ordre, qu’il s’agisse de la police, de la gendarmerie ou de forces qui ne sont pas dotées de pouvoirs de police judiciaire – les pompiers ou la police municipale. Mais nous n’avons pas besoin d’une loi pour que leurs moyens soient augmentés et mieux distribués. Le problème de leur financement est effectivement une priorité. Cet après-midi, nous allons écouter la déclaration de politique générale du Premier ministre ; nous savons bien que l’un des sujets majeurs est le financement des différentes mesures. S’il faudra peut-être prendre ici pour donner là, un véhicule législatif n’est en rien indispensable.

Cher Philippe Gosselin, la considération ne nécessite pas, elle non plus, une loi : elle est déjà acquise à nos forces de police. Pour avoir travaillé avec elles pendant quarante ans, je sais bien que les textes n’y font rien.

Sur les dispositions à caractère législatif, notamment les peines minimales, que nos collègues du groupe Les Républicains souhaiteraient remettre au goût du jour, rappelez-vous qu’elles ont existé et que, si je me place sur le seul plan de l’efficacité, elles n’ont pas produit d’effet. Laissons l’autorité judiciaire apprécier, après un débat contradictoire, le type de dispositif qu’elle appliquera. S’agissant des faits commis contre les forces de l’ordre, les circonstances aggravantes sont majeures et les magistrats, dans leurs réquisitions, font montre d’une grande sévérité – je parle d’expérience.

Sur la fin de l’excuse de minorité, Cécile Untermaier a rappelé les dispositifs aggravants qui existent d’ores et déjà. D’une manière générale, on ne peut, sans perdre l’espoir que l’on doit placer dans notre jeunesse, imaginer de la supprimer.

Enfin, je veux appeler votre attention sur la police municipale et les agents de sécurité. Pour pallier l’absence de forces étatiques, les communes se sont souvent trouvées dans l’obligation de recourir à ces forces d’appoint. Mais, et Jean-Félix Acquaviva l’a rappelé, leur formation n’est pas la même : si elles sont armées, prenons garde à maintenir un équilibre entre les risques et les atteintes aux libertés individuelles et la nécessité de préserver l’ordre public. Ces observations ont encore plus de sens dans le cas des agents de sécurité, au sujet desquels nous devrons conduire un travail immense, parce que je sais d’où ils viennent bien souvent : il faut les former, les encadrer et les responsabiliser, avant de leur donner des prérogatives de police.

M. Guillaume Vuilletet. Personne ne contestera ici à Éric Ciotti son implication et son expertise sur les problèmes de sécurité, ce qui ne vaut pas forcément approbation de toutes les options qu’il propose. Mais force est de reconnaître le sérieux de son travail. La proposition de loi nous offre l’occasion de saluer nos forces de sécurité, de manière générale, dans un moment très sensible, la période étant particulièrement tendue depuis 2015. Les forces de sécurité qui assurent le secours et la sûreté de nos concitoyens sont toutes concernées – pensons au récent sacrifice des sauveteurs en mer.

Cela étant, Philippe Gosselin a rappelé avec une sorte de fatalisme lucide l’exercice auquel nous avons affaire. Paradoxalement, je verrais plutôt cette proposition de loi comme une forme de reconnaissance du travail fait par le Gouvernement, dans la mesure où elle prend en compte sa volonté de mener une concertation avec les forces de police et l’ensemble des acteurs de la sécurité, pour réussir à bâtir à long terme une politique de sécurité. Pour la première fois depuis fort longtemps, nous assistons à un redressement tant sur le plan du budget que sur celui des effectifs et des moyens, même si je vois bien la subtile façon que vous avez de dire que cela ne date que de 2012, alors que cela fait plus longtemps que nos forces de sécurité sont globalement délaissées.

Le débat mérite d’être mené : c’est pour cela que nous ne voterons pas les amendements de suppression. Sur le reste, je vois bien que notre collègue Éric Ciotti a aussi repris des thèmes sur lesquels il travaille depuis longtemps, afin de développer des mesures auxquelles il tient. Je ne suis pas sûr que nous y tenions tous ; au contraire, nous sommes assez critiques. Pour ne prendre qu’un seul exemple, les peines complémentaires pour les étrangers qui commettent des délits sont aussi des peines collectives qui touchent éventuellement leur famille. C’est pourquoi ce point doit être rédigé de façon beaucoup plus circonstanciée. Je crois que ce débat trouvera sa place dans la loi de programmation qui arrivera bien vite.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, si d’autres orateurs l’ont dit avant moi, je voudrais insister sur le fait que, pour Les Républicains, cette proposition de loi, préparée sous la direction d’Éric Ciotti, est absolument fondamentale, parce qu’elle est la démonstration de ce que nous sommes d’abord et avant tout un parti de propositions au service des Français. Nous sommes dans l’opposition, comme nous aurons l’occasion de le rappeler cet après-midi ; mais être dans l’opposition, ce n’est pas seulement s’exprimer au jour le jour face à un gouvernement, c’est s’inscrire dans la durée comme une force de propositions au service de la nation. C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi est extrêmement importante, et singulièrement ses trois premiers articles.

Avec Éric Ciotti et l’ensemble des collègues des Républicains, nous sommes convaincus qu’il est nécessaire d’engager un véritable réarmement au service de la sécurité des Français. Ce réarmement a un certain nombre d’aspects juridiques, mais il a surtout une colonne vertébrale opérationnelle, qui passe par un effort budgétaire. C’est tout l’intérêt de ce texte : mettre sur la table des propositions d’une extrême précision. Dans les annexes I et II, sur l’ensemble des sujets de la sécurité intérieure, vous voyez que nous avançons des propositions qui s’inscrivent dans la durée ; et si par bonheur elles étaient adoptées, elles permettraient de réarmer nos forces de sécurité, de donner à la police et à la gendarmerie plus d’agilité, de faire entrer les forces de sécurité intérieure dans le XXIe siècle, de leur donner une meilleure capacité technologique et opérationnelle. Cela suppose de se tourner vers l’avenir. Les débats des années 2000 et même ceux de la précédente législature sont complètement derrière nous ; nous sommes en 2019 et devons inscrire dans cet effort budgétaire et opérationnel les bases d’une nouvelle décennie pour les forces de sécurité intérieure. J’appelle nos collègues à réfléchir à deux fois avant d’écarter cette proposition de loi : au-delà du consensus apparent qui s’est dessiné dans la discussion générale, …

M. Jean Terlier. Il y avait plutôt un consensus pour rejeter le texte !

M. Guillaume Larrivé.… il y aura une vérité des votes. Je ne comprendrais pas que la majorité refuse d’adopter une trajectoire budgétaire et opérationnelle nouvelle, qui dessine des perspectives nécessaires pour la sécurité des Françaises et des Français.

Pour conclure, je remercie vraiment Éric Ciotti pour son travail d’une grande précision, d’une grande conviction et d’une grande cohérence au service de la nation.

M. Alain Tourret. Je tiens à avouer que je suis un peu étonné par les paroles de Guillaume Larrivé, qui parle de réarmer chaque Français…

M. Guillaume Larrivé. Réarmer la nation !

M. Alain Tourret. Faut-il réarmer tous les membres du Conseil d’État qui abandonneront la dictature de la loi, pour celle du colt ? J’ai du mal à comprendre jusqu’où il veut aller… Je vois très bien ce qui se passe dans le modèle américain qui lui est cher…

M. Guillaume Larrivé. Je parlais de réarmer la nation ! Que me faites-vous dire ?

M. Alain Tourret. Mais j’aurais préféré que cette dictature de la loi soit celle d’un esprit avisé et non pas cette proposition, me semble‑t‑il totalement funeste, d’un réarmement sans plus de précision.

M. Philippe Gosselin. On fait dans le détail, dans la subtilité…

M. Sacha Houlié. Cette proposition de loi témoigne de la conversion des Républicains à l’écologie : on assiste à un recyclage de toutes les mesures qui n’ont pas été adoptées dans un pot‑pourri qui n’a pas vocation à l’être… Il est fait fi de tout ce qui a été construit dans le cadre de la police de sécurité du quotidien. En rembobinant un peu la cassette et en regardant ce qui s’est passé entre 2007 et 2012, rien de ce qui est demandé pour réarmer nos forces de police n’a été mis en œuvre, lorsque Les Républicains étaient au pouvoir. Au contraire : les forces de police ont été largement démunies, puisque près de 10 000 postes ont été supprimés au ministère de l’Intérieur ou dans la gendarmerie. Ce qui a été fait sous le précédent quinquennat pour réarmer une partie des forces de police – la création de 6 900 postes d’agents – a été largement insuffisant. La criminalité, la délinquance et le terrorisme ont muté, le cyberterrorisme a évolué. Le renforcement de services comme la Direction générale de la sécurité intérieure a mobilisé une grande partie des agents et des investissements. Grâce à la création de la police de sécurité du quotidien, en 2020, pour la première fois, nous reviendrons à des effectifs de police équivalents à ceux de 2007. On ne peut pas défendre une ambition pour nos forces de l’ordre quand on a été, d’une certaine façon, les fossoyeurs du maintien de l’ordre, de la présence de la police et de la gendarmerie dans les territoires – il y a une forme d’incohérence. Votre déclaration ne comporte pas que de bonnes intentions.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Je voudrais remercier les orateurs des différents groupes qui se sont exprimés, et qui, à quelques exceptions près, ont souligné la pertinence et la nécessité collective de se retrouver sur ces sujets.

On peut considérer que chaque gouvernement ou chaque groupe a une filiation avec une majorité passée ou présente, soutenir que l’on détient la vérité, estimer que ce qu’on a fait est formidable, et que ce qu’ont fait ses prédécesseurs est lamentable... Il serait temps de sortir de ce cadre quelque peu binaire et, pardonnez-moi monsieur Houlié, un peu simpliste.

Nous avons un devoir : la situation est grave. Je me suis attaché à mettre en perspective les cinquante dernières années au cours desquelles l’effort de protection a été divisé par deux. Ce constat s’impose à tous et implique tout le monde. Je reconnais bien volontiers la responsabilité de chacun et de tous dans l’affaiblissement de ces moyens de protection, y compris la nôtre lorsque nous-mêmes étions dans la majorité, même si l’on peut mettre à son crédit des efforts importants : la méthodologie que je propose aujourd’hui reprend celle des lois d’orientation et de programmation voulues par Nicolas Sarkozy : la LOPSI de 2002, qui prévoyait plus de 2,5 milliards d’euros de programmation, et la LOPPSI 2 en 2011, avec 2,5 milliards d’euros. Mais les efforts n’ont pas été à la hauteur de l’évolution des menaces, quand bien même les différents gouvernements ont entrepris de recalibrer les moyens dans des proportions très importantes après les attentats de 2015, et Bernard Cazeneuve n’a pas fait exception.

Il est grand temps de sortir la sécurité d’un cadre qui a toujours été contradictoire et polémique, pour en faire une priorité nationale. Dans certains pays, on observe un consensus sur l’ambition de sécurité. Chez nous, pendant des années, pour des raisons idéologiques, nous avons entretenu de longs débats ; ainsi la vidéosurveillance, devenue vidéoprotection, au cours de la législature 2007-2012, avait fait apparaître des clivages très importants : ils ont été abolis, et c’est heureux. Les exemples de ce type sont légion. Aujourd’hui, nous pouvons nous accorder sur le déficit de moyens ; nous l’avons tous dit en intervenant, et chacun a fait référence à des exemples très concrets, dans sa circonscription, de commissariats vétustes, de véhicules obsolètes, de gendarmeries indignes d’héberger les militaires comme d’accueillir du public.

Face à ce déficit de moyens, nous savons que les menaces se sont considérablement accrues. C’est pourquoi notre devoir, en tout cas la méthodologie que nous vous proposons consiste à établir une véritable programmation pour les six années à venir, au lieu de gérer au cas par cas, de chercher après chaque drame des moyens et des recrutements supplémentaires. Cela vaut pour la sécurité mais, comme je l’ai dit en préambule de mon intervention, je considère qu’il serait nécessaire de globaliser la sécurité et la justice dans la mesure où il existe naturellement un continuum de la sécurité. On nous parle de surpopulation carcérale record ; c’est surtout à une sous-capacité carcérale record qu’il faut remédier. Là aussi, une programmation est nécessaire pour assurer la sécurité.

Voilà ce que globalement je vous propose. Je veux à ce propos sincèrement remercier Alice Thourot et Guillaume Vuilletet, orateurs de la majorité, qui ne contestent pas cette problématique et nous présentent une perspective intéressante : un livre blanc et une loi de programmation, annoncée pour 2020 ; mais cela signifie qu’elle sera promulguée à la fin de l’année 2020 et ne sera vraisemblablement appliquée qu’à la fin de cette législature… Autrement dit, beaucoup de temps aura été perdu. Alors que si nous approuvions collectivement cette proposition de loi d’orientation et de programmation, au-delà d’un vote législatif engageant une programmation budgétaire, nous émettrions un véritable signe concret de soutien et bien entendu de reconnaissance. Mais, au-delà de la reconnaissance qui s’exprime par les mots, ce que chacun a fait ici légitimement, que nous devons naturellement à ceux qui protègent la nation et nous-mêmes, nous l’exprimerions de façon bien plus pertinente si elle se traduisait concrètement.

Sur le reste de vos interventions enfin, je comprends qu’il puisse y avoir des débats plus classiques sur les mesures de protection que je propose, notamment les peines minimales. Ce sont des sujets récurrents, sur lesquels nous aurons peut-être un peu plus de mal à nous accorder, mais je vous propose d’en reparler à l’occasion de l’examen des articles.

Article 1er : Orientations de la politique de sécurité intérieure

La Commission est saisie de l’amendement CL25 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Le groupe La France insoumise considère que le service public de la sécurité, comme de nombreux autres services publics, doit être renforcé et le nombre de ses agents augmenté. Depuis le début de la législature, nous avons formulé de nombreuses propositions dans ce sens, notamment dans le cadre des débats budgétaires. Nous préparons d’ailleurs des propositions de loi sur ce sujet.

Toutefois, nous assumons d’être en total désaccord avec la philosophie et peut-être le consensus célébré par de nombreux collègues autour de cette proposition de loi. Nous ne partageons pas en effet les constats posés, qui sont assez cohérents avec une certaine conception de ce que doivent être la sécurité nationale et le rôle de l’État, présentée comme faisant l’unanimité au sein de la société, ce que nous contestons.

Nous reconnaissons une totale cohérence avec les diverses lois de programmation adoptées au cours des dernières années, qui participent d’un état d’esprit partagé par la nouvelle majorité qui a confirmé son ancrage dans une droite autoritaire, comme le prouvent les textes adoptés depuis le début de cette législature. Nous contestons cette logique et nous ne sommes pas les seuls ; je tiens à rappeler que des textes du même ordre sont dénoncés par de nombreuses associations de défense des droits humains ainsi que par de nombreux magistrats et avocats.

Le bilan de ces politiques montre que, non seulement elles n’ont pas porté leurs fruits en matière de sécurité, mais qu’elles pèsent aussi sur les agents concernés. C’est pourquoi nous sommes opposés à la logique générale de ce texte, même si nous pourrions être favorables à certains de ses articles. D’où cet amendement de suppression.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Mon avis sur cet amendement sera à l’évidence défavorable puisque vous proposez de supprimer purement et simplement le pilier porteur de ce texte, en l’occurrence la programmation des moyens budgétaires supplémentaires telle que décrite dans l’article 1er et le rapport annexé.

Je m’étonne cependant de la rédaction de l’exposé des motifs de votre amendement, aux termes duquel les objectifs mis en avant dans notre proposition de loi participeraient d’une « rhétorique de l’extrême droite ». Il me semble que la sécurité des Français ne participe d’aucune rhétorique, mais d’une obligation. Et si je retourne votre argumentation, il me semble que la défiance à l’égard des policiers que vous exprimez fréquemment participe, elle, de la rhétorique de l’extrême gauche.

Mme Danièle Obono. Nous assumons, monsieur Ciotti, d’avoir une autre vision de la sécurité. Et je me permets de vous corriger : nous ne professons pas une défiance à l’encontre des agents ; nous nous opposons à votre logique politique, qui est aussi celle de la majorité, de la droite autoritaire et de l’extrême droite. Nous nous opposons à cette conception de la société, des rapports de force au sein de la société, du rôle de l’État, de la puissance publique et de l’usage de la violence légitime. Et cela, nous l’assumons ; fort heureusement nous ne sommes pas les seuls dans ce cas, et nous continuerons à nous y opposer.

M. Raphaël Schellenberger. Cet article propose des choses sérieuses, des dispositions parfaitement mesurées. Nous ne sommes pas dans l’agitation politicienne, mais face à un constat : en dix ans, la menace a beaucoup changé, la société aussi a changé, l’environnement international a changé, il nous faut donc adapter nos moyens.

J’entends, madame Obono, que vous remettiez en cause ce qu’est un État : en dénonçant une forme de violence légitime, vous reprenez notamment la théorie de la sociologie de l’État de Max Weber qui considère que l’État exerce le monopole de la violence légitime à l’intérieur de ses frontières. En utilisant de tels termes, vous remettez en cause l’existence même de l’État.

Il est dommage de nous retrouver dans ce débat alors que nous proposons des aménagements techniques tendant à rendre plus efficace au quotidien le travail de nos forces de l’ordre dans nos territoires pour la protection des Français.

La Commission rejette l’amendement.

M. Guillaume Larrivé. Je voudrais relever que le groupe La République en Marche vient de voter favorablement sur l’amendement présenté par le groupe La France insoumise. (Protestations sur les bancs du groupe La République en Marche.) J’ai particulièrement observé Sacha Houlié, cadre dirigeant du parti La République en Marche, qui a voté pour l’amendement de suppression.

Je pense qu’il y a une vérité des votes : il est assez intéressant de voir, au-delà des mots et des postures de pseudo-ouverture, la volonté de l’équipe dirigeante de La République en Marche d’écarter d’un revers de main le programme budgétaire opérationnel que nous soumettons, dans une démarche d’intérêt général. Du reste, cette position ne m’étonne guère de la part de Sacha Houlié qui a toujours été un jeune socialiste rebelle, un homme de gauche déterminé à privilégier sur ces questions une posture de gauche traditionnelle. (Protestations sur les bancs du groupe La République en Marche.)

M. Erwan Balanant. Malgré tout son talent, Sacha Houlié n’incarne pas à lui seul la majorité : celle-ci s’est bel et bien abstenue sur cet amendement et certains de ses membres ont même voté contre, comme ne manquera pas de le relever le compte rendu de cette séance.

M. Guillaume Vuilletet. Je confirme que notre groupe s’est abstenu, Sacha Houlié a souhaité voter autrement. Le vote de notre groupe est bien conforme à la position que j’avais indiquée.

Mme Alice Thourot. On me permettra un mot de soutien à notre respectable collègue Houlié, après vos propos peu élogieux et plutôt malvenus, monsieur Larrivé ; ils étaient également faux puisque la majorité n’a pas voté pour l’amendement du groupe La France insoumise. Notre ligne, nous l’avons déjà expliqué, est que le débat portant sur la sécurité intérieure doit être plus ambitieux et qu’il aura lieu lors de la présentation de la grande loi de programmation de la sécurité intérieure, au début de l’année 2020. Raison pour laquelle nous nous sommes abstenus.

Mme Danièle Obono. J’observe que, malgré les efforts du député Larrivé pour se donner une posture d’opposition, il y a bel et bien, de fait, une convergence entre la droite LRM et la droite LR.

M. Jean Terlier. Il faudrait savoir…

Mme Danièle Obono. Vous devrez donc accepter, monsieur Larrivé, que le groupe La République en Marche est désormais installé dans votre espace politique autoritaire, quand bien même il peut subsister quelques restes d’une vision démocratique et humaniste chez certains de ses membres… Les deux années passées et les mois à venir vous obligent à accepter désormais La République en Marche dans votre grande famille politique ; les débats à venir ne manqueront pas de le montrer.

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2 : Programmation des moyens de la politique de sécurité intérieure

La Commission examine l’amendement CL24 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Cet amendement propose que priorité soit donnée à la restauration et l’amélioration des bâtiments déjà existants pour l’exercice des missions de service public, avant l’acquisition de nouveaux biens immobiliers.

Certains commissariats et certaines gendarmeries de notre France rurale tombent littéralement en ruine, les personnels exercent souvent leurs missions dans des conditions très dégradées. La qualité d’un service public passe également par la qualité du moral de ses agents. Le logement en caserne ainsi que des bureaux de qualité favorisent un bon état d’esprit ou, à l’inverse, portent préjudice à la qualité du travail et au mental lorsqu’ils sont vétustes. Si l’on doit débloquer des crédits, il faudrait les consacrer en priorité à la restauration et à l’amélioration des infrastructures existantes.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Madame Lorho, votre amendement est satisfait, car la programmation proposée prévoit d’importants crédits affectés au programme immobilier de la police nationale comme de la gendarmerie. Fondée sur le constat d’un patrimoine immobilier très dégradé que nous avons tous à l’esprit, cette programmation prévoit des constructions neuves pouvant être indispensables, mais aussi, naturellement, des travaux de rénovation. C’est pourquoi je vous propose de le retirer.

M. Raphaël Schellenberger. Je me réjouis que, grâce au travail du rapporteur, l’article 2 aborde cette problématique essentielle à la qualité du quotidien et donc du travail de nos forces de l’ordre.

La préoccupation, légitime, de Mme Lorho est satisfaite par la rédaction proposée ; nous connaissons tous dans nos circonscriptions de tels exemples. Dans ma circonscription, la gendarmerie de Burnhaupt-le-Haut est depuis sept ans dans l’attente d’un programme de reconstruction. Alors même que les collectivités territoriales, du fait de la carence de l’État, sont prêtes à s’engager concrètement sur ce sujet, les autorisations tardent à venir.

Je me réjouis donc qu’avec l’adoption de cette programmation de moyens, nous puissions enfin concrètement dans nos territoires, dans chacune de nos circonscriptions, donner aux forces de l’ordre les moyens nécessaires à leur action.

Mme Alice Thourot. Je rappelle qu’un plan immobilier pour les années 2018-2020 est en cours, qui prévoit chaque année 300 millions d’euros d’investissement, consacrés à de nouveaux projets mais aussi à des opérations de rénovation.

Il est vrai que le parc immobilier est à l’abandon depuis des années et que cela exige beaucoup de travail ; nous tâchons de faire de plus en plus chaque année, et nous remercions par avance ceux qui voudront nous soutenir à l’occasion du prochain budget, sur ce sujet comme sur d’autres. Ces besoins dans le domaine de l’immobilier ont été évoqués dans le détail, et continuent à l’être par les forces de l’ordre dans le cadre de la commission d’enquête sur les moyens des forces de sécurité qui est en cours, à laquelle participe un certain nombre d’entre nous.

M. Jean-Michel Fauvergue. En tant que rapporteur pour avis sur le budget de la police et de la gendarmerie, je partage les propos d’Alice Thourot.

Précisons qu’au sein de ce budget, 87 % des crédits alloués à la police sont consacrés aux dépenses de rémunérations accessoires et directes des fonctionnaires, et 84 % du budget de la gendarmerie nationale à la rémunération des militaires. Ce qui signifie qu’il faudra du temps, même si le budget est régulièrement augmenté, pour remettre à niveau les infrastructures et les véhicules ; c’est pourquoi cette loi de programmation sera nécessaire dans les années à venir.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements CL52, CL53 et CL54 du rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. L’amendement CL52 vise à abonder le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), destiné à financer notamment la réalisation des plans de prévention de délinquance conduits en contractualisation entre les collectivités locales et l’État.

Les auditions que nous avons conduites ont mis en évidence la faiblesse de ces outils de prévention, mais également du financement d’équipements. En effet, pendant longtemps le FIPD a été le premier financeur des dispositifs de vidéoprotection mis en place par les communes ; les représentants syndicaux, notamment des polices municipales, ont souligné la nécessité de développer également les outils dont disposent certaines d’entre elles.

Je propose donc de procéder, dans le tableau de programmation qui vous est soumis, à une réaffectation d’un montant de 10 millions d’euros au profit du FIPD. Les amendements CL53 et CL54 tirent les conséquences de cette réaffectation budgétaire.

La Commission rejette successivement les amendements CL52, CL53 et CL54.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 (art. 81 quinquies [nouveau] du code général des impôts) : Paiement des heures supplémentaires

La Commission examine l’amendement CL26 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Cet amendement d’ajustement propose que les heures supplémentaires ouvrent droit à paiement dès l’année suivant leur réalisation, ce qui permettrait qu’en 2019 des policiers et policières puissent réclamer le paiement d’heures supplémentaires effectuées en 2017. On sait que cela répond à une demande forte exprimée par les agents et par leurs représentants, compte tenu du volume des heures supplémentaires non rétribuées. Cette situation n’est pas sans influer sur l’état d’esprit général actuel des agentes et des agents de police ; c’est pourquoi nous proposons d’y remédier au plus tôt.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Je suis favorable à l’esprit de cet amendement, mais sa rédaction aboutirait à l’effet inverse de celui que vous poursuivez. Ces 25 millions d’heures supplémentaires dues, qui représentent un montant sans doute supérieur à 250 millions d’euros, créent une situation totalement anormale, illégitime et quelque part immorale à l’égard des policiers, qui doit impérativement être corrigée. Les négociations en cours au sujet du paiement de ces heures supplémentaires sont d’ailleurs loin de satisfaire les représentants des policiers : le montant du paiement proposé, très insuffisant, diminue considérablement la rémunération horaire due aux policiers.

En revanche, votre amendement prévoit que le paiement doit intervenir dès l’année suivant celle au cours desquelles les heures supplémentaires ont été effectuées, ce qui conduirait précisément à payer des heures supplémentaires effectuées en 2018 à partir de 2019. La rédaction de l’article 3 prévoit que le paiement intervient dans l’année suivante, c’est-à-dire à partir du jour qui suit le moment où ces heures supplémentaires ont été effectuées ; dans l’esprit, votre amendement est ainsi satisfait.

Mme Alice Thourot. Un rappel des chiffres : 23 millions d’heures supplémentaires impayées à ce jour, soit au minimum 250 millions d’euros à verser. Je l’ai dit et je le répète ; les négociations sont en cours avec les organisations syndicales, cela fait partie du programme de travail du ministère de l’Intérieur. Précisons toutefois que cette dette nous a été laissée en héritage par nos prédécesseurs, elle ne date pas de l’année dernière ; le travail effectué doit donc en effet, et c’est bien normal, être payé, compensé ou récupéré.

M. Jean-Michel Fauvergue. Ces heures supplémentaires impayées posent deux problèmes : celui du flux et celui du stock. On vient de parler du stock, mais le flux aussi commence à être important, compte tenu des nombreuses missions de maintien de l’ordre effectuées ces derniers temps. Mais, avant de pouvoir commencer à payer ces heures supplémentaires, encore faut-il pouvoir gérer et contrôler la façon dont elles sont comptabilisées. Il faut donc travailler sur le flux avant de s’attaquer au stock ; ce qu’il faudra cependant faire assez rapidement.

M. Raphaël Schellenberger. Je suis quelque peu surpris par la conclusion de l’intervention de M. Fauvergue. Nous sommes d’accord sur le fait qu’il y a à la fois le flux et le stock ; mais considérer que tant qu’une solution satisfaisante n’a pas été trouvée pour le flux, on ne peut pas s’intéresser au stock, n’arrangera rien à la situation : cela ne pourra que l’empirer, enfler davantage la dette de l’État vis-à-vis des services de sécurité intérieure. C’est pourquoi je pense au contraire qu’il faut en quelque sorte solder le stock tout en s’assurant qu’il ne se reconstitue pas, en mettant en place des mesures propres à régler la question du flux au fur et à mesure.

M. Éric Ciotti, rapporteur. J’entends bien, madame Thourot et monsieur Fauvergue, que vous considérez que le problème va être réglé ; il est certes ancien et a précédé le gouvernement actuel, même si la situation s’est aggravée depuis. Mais cette situation est la conséquence de la sollicitation opérationnelle majeure dont les forces de l’ordre font l’objet, notamment depuis les attentats qui ont frappé notre pays au début de l’année 2015 : Charlie Hebdo, l’Hyper Casher et l’assassinat de la jeune policière municipale Clarissa Jean-Philippe. La pression sur les policiers sur les gendarmes s’est encore accrue depuis la crise migratoire très importante de 2015, qui mobilise nos forces de maintien de l’ordre à la frontière, mais aussi avec l’affaire de Notre-Dame-des-Landes, les manifestations contre la loi travail et enfin le mouvement des gilets jaunes. C’est cette sollicitation opérationnelle permanente qui a conduit à cette situation totalement injuste et illégitime et amorale au regard de la reconnaissance que nous devons à nos policiers.

Outre le fait qu’elle est moralement inacceptable, cette dette à l’égard de ceux qui servent la nation désorganise aussi les services, dans la mesure où de nombreux policiers auxquels n’ont pas été payées ces heures supplémentaires partent en retraite beaucoup plus tôt, quelquefois un ou deux ans avant la date prévue, tout en restant comptabilisés dans les effectifs ; du coup, les augmentations d’effectifs sont souvent purement virtuelles, dans la mesure où nombre de policiers partis en retraite continuent d’occuper, en termes budgétaires, des postes alors qu’ils ne sont plus en service.

C’est pourquoi il est urgent que l’on décide enfin de régler cette situation ; 250 millions d’euros représentent certes une somme importante, mais on a bien su engager sans attendre 10 milliards d’euros dans des plans récents. Ne peut-on en faire autant pour régler ce problème et accepter un effort supplémentaire de nation ? C’est ce que qui me paraît légitime et c’est ce que je vous propose.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 3.

Article 4 (art. 132-18-1 et 131-19-1 [nouveaux] du code pénal) :
instauration de « peines planchers » à l’égard des auteurs de crimes et délits contre les forces de l’ordre ou les sapeurs-pompiers

La Commission examine l’amendement CL28 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. L’article 4 prévoit la mise en place d’un dispositif de peines minimales de privation de liberté : les peines planchers. Nous sommes opposés à cette logique, et nous souhaitons en rester au principe d’individualisation des peines. D’où cet amendement de suppression.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis défavorable ; nous n’allons peut-être pas ouvrir aujourd’hui le débat sur les peines planchers. Au cours de la discussion générale, plusieurs collègues ont exprimé leurs réticences ou leur opposition ; mon avis est exactement contraire, ce qui ne vous étonnera pas.

Je considère que ce dispositif, mis en place en 2007 sous l’autorité du Président Nicolas Sarkozy, était utile et pertinent et a fait ses preuves. On peut toujours regarder la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. On nous dit que la moitié seulement de ces peines ont été décidées par les formations de jugement ; certes, mais cela montre bien que le principe d’individualisation des peines, que certains utilisent pour motiver leur opposition, a été garanti.

Le dispositif avait été soumis, par le groupe socialiste à l’époque, à la censure du Conseil constitutionnel, qui l’a validé ; il est donc juridiquement correct. Il peut être contesté sur le plan politique, mais c’est un autre débat.

Face à la montée des agressions contre les dépositaires de l’autorité publique, il est important que notre nation émette un signe de protection de nos policiers, un signe de résistance contre la violence. Nous ne pouvons pas laisser nos policiers se faire agresser, il faut porter un coup d’arrêt brutal – j’utilise le mot à dessein – à cet engrenage, il faut adresser un message. J’ai la faiblesse de croire que le message de fermeté, la quasi-certitude de la peine de prison ferme pour celui qui commettra un délit contre un policier, constituera un puissant ressort de prévention de ces actes proprement insupportables. Car si on porte atteinte à ceux qui nous protègent, plus aucune règle ne peut être admise et il ne peut plus y avoir de « vivre ensemble » – pour reprendre une expression un peu galvaudée que je n’aime pas beaucoup. Il ne peut plus y avoir de société qui se respecte avec des lois et des règles, si ceux qui sont réputés les faire respecter ne sont pas respectés eux-mêmes.

M. Didier Paris. Vous dites, monsieur Ciotti, qu’il n’y a pas lieu de reprendre ce débat sur les peines planchers, mais c’est vous-même qui l’engagez ; il est donc normal d’en redire deux mots. Nous en avions largement débattu à l’occasion de l’examen du projet de loi de programmation de la justice.

Je m’inscris dans le prolongement des propos de Cécile Untermaier tout à l’heure : s’il s’agit de lutter contre la récidive, nous savons par les constats établis en 2014, qui avaient entraîné l’annulation des dispositions dites « Sarkozy » auxquelles vous faisiez référence, que leur efficacité avait été jugée toute relative. Si maintenant il s’agit d’une disposition que vous souhaitez afficher de manière toute symbolique, nous pouvons le comprendre : nous sommes tout autant que vous attachés à ce que l’uniforme soit protégé, quel qu’il soit et quelles que soient les circonstances. Il n’y a aucun doute là-dessus.

Toutefois, ce souci de symbole me paraît déjà en quelque sorte satisfait, dans la mesure où toutes les atteintes portées aux forces de l’ordre font dès à présent l’objet de pénalités aggravées. Le législateur a d’ores et déjà prévu de renforcer la protection des policiers ou des gendarmes, notamment par l’aggravation des peines.

Dès lors, l’utilité de rajouter du symbole au symbole ne m’apparaît pas clairement, à moins de ne vouloir faire que de la politique… Qui plus est, cela vous oblige à rappeler l’évidence, en l’occurrence les principes de la liberté du magistrat et de l’autonomisation des peines. Mais pourquoi reprendre un principe qui existe déjà ? Chaque magistrat doit agir, comme vous l’écrivez dans votre proposition de loi, en prenant en considération les circonstances de l’infraction, la personnalité de son auteur ou les garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

Entre le symbole, celui de l’aggravation de la peine, et la capacité reconnue à chaque magistrat d’individualiser celle-ci en fonction des circonstances de fait, il me semble que la boucle est bouclée, sans qu’il soit besoin d’une nouvelle disposition telle que celle que vous proposez.

M. Guillaume Larrivé. Je regrette vraiment beaucoup que, sur cet article, la majorité de La République en Marche – pardonnez-moi de le dire aussi directement – s’inscrive dans la totale continuité des lois dites « Taubira » dont nous avons débattu et que nous avons combattues sous la législature précédente…

M. Alain Tourret. Elles étaient excellentes !

M. Guillaume Larrivé.… et l’intervention à la fois technique et politique de Didier Paris à l’instant le démontre.

Ce que nous souhaitons faire avec cet article proposé par Éric Ciotti et les députés du groupe Les Républicains n’a rien d’un acte symbolique, cher collègue Paris : c’est un acte opératoire. Vous nous dites, à raison, que les magistrats du siège sont naturellement libres de leur décision ; nous respectons évidemment le principe constitutionnel d’individualisation des peines. Mais nous plaidons aussi pour une véritable politique pénale. Si cet article de la proposition de loi entre en vigueur demain, il donnera à la garde des Sceaux la faculté, si elle le désire, de donner une instruction générale aux parquets pour que le dispositif de peines planchers soit la règle – sauf si, par exception, les magistrats du siège décident d’y déroger, comme ils en ont la faculté.

On voit bien que deux conceptions assez différentes s’opposent – nous n’allons pas refaire les débats que nous avons depuis longtemps. Vous voudriez éviter une rupture avec le droit des années Hollande-Taubira, mais nous sommes absolument convaincus de la pertinence du dispositif que nous proposons. Nous entendons les réticences – elles sont très fortes chez certains syndicats de magistrats –, mais nous pensons qu’il y a de la place pour que le législateur s’exprime en prévoyant des peines planchers, et que la garde des Sceaux conduise, comme elle en a l’autorité, une vraie politique pénale en donnant instruction aux parquets de les requérir.

Mme Alexandra Louis. Les propos de Didier Paris ne s’inscrivent pas, me semble-t-il, dans la continuité de la loi Taubira, mais bien dans le prolongement de la loi sur la justice que nous avons adoptée récemment. Je ne vais pas revenir sur l’inefficacité des peines planchers, maintes fois démontrée : ce dispositif n’a fait ses preuves nulle part dans le monde.

Vous avez dit en substance, monsieur le rapporteur, que la force dissuasive de la sanction réside dans la sévérité de la peine. Je pense qu’elle découle surtout de la certitude et de la promptitude de la peine. Les chantiers de la justice et la loi sur la justice vont précisément dans ce sens : il s’agit de réfléchir sur le sens et sur l’efficacité de la peine. On doit faire en sorte qu’elle soit prononcée, et adaptée, dans le cadre de son individualisation, mais aussi exécutée.

Nous partageons la volonté de mieux protéger nos forces de l’ordre et de mieux condamner les auteurs des violences les concernant. Il faut des sanctions plus efficaces, pas nécessairement plus sévères. Par ailleurs, il n’y a pas que la force dissuasive de la sanction : bien d’autres aspects doivent être pris en compte. Si l’on veut lutter contre la récidive et contre ce type d’infractions, sans même attendre la récidive, qui elle-même est signe d’échec – il faut être efficace dès la première sanction –, on a besoin d’une meilleure efficacité. C’est ce qui a été fait dans le cadre de la loi sur la justice.

L’autre difficulté avec les peines planchers tient au fait qu’elles manifestent, d’une certaine manière, une défiance à l’égard de notre justice et surtout à l’égard de nos magistrats. Je crois profondément au principe de l’individualisation des peines dès lors que les magistrats ont toute une palette de mesures à leur disposition, à plus forte raison depuis le vote de la loi sur la justice.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Votre intervention est très intéressante, madame Louis, et j’en partage certains aspects, mais pas tous.

Vous avez raison de souligner qu’il faut que toute peine soit exécutée, et d’une manière prompte et certaine – Beccaria y insistait déjà dans son traité de droit pénal. Nous sommes confrontés à un problème dans ce domaine et la loi sur la justice ne l’a absolument pas réglé. Ce texte s’est, en effet, inscrit dans une totale continuité avec la loi pénitentiaire que la majorité à laquelle j’appartenais à l’époque a défendue : j’ai été le seul membre de mon groupe à ne pas la voter. Guillaume Larrivé n’était pas encore député, et je l’exonère donc : je suis persuadé que, s’il l’avait été, il aurait naturellement été sur la même ligne que moi (Sourires.), puisqu’il s’opposait au projet du ministère de la Justice depuis le cabinet du ministre de l’Intérieur.

M. Guillaume Larrivé. Absolument !

M. Éric Ciotti, rapporteur. C’est un grand classique de notre organisation politique.

Il faut que la peine soit sévère, pour être dissuasive, et bien entendu qu’elle soit exécutée. On entre là dans un débat qui aurait dû conduire à une loi de programmation beaucoup plus ambitieuse pour la justice. Pourquoi les peines ne sont-elles pas exécutées ou pas assez rapidement ? Parce que nous avons un déficit majeur sur le plan de notre capacité carcérale. Nous ne sommes pas dans une situation de surpopulation dans ce domaine – même si c’est vrai statistiquement, puisque le taux d’occupation des prisons est de 117 % – mais plutôt de sous-capacité. De tous les États membres du Conseil de l’Europe, nous sommes celui qui a le plus faible nombre de places de prison pour 100 000 habitants. Telle est la réalité.

Tant qu’on n’aura pas réglé ce problème, on se contentera de subterfuges, comme ceux qui ont été utilisés, d’une façon idéologique, par Mme Taubira, ou, d’une manière moins idéologique mais suivant la même conception, par Mme Belloubet, et qui consistent à dire qu’il y a des substituts à la peine. Non, les peines sont prononcées par des formations de jugement, elles doivent s’appliquer. Elles doivent être exécutées rapidement, au lieu d’être déconstruites. Sinon, elles n’ont plus de force dissuasive.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL59 du rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le champ d’application des peines minimales. La proposition de loi prévoit que soient concernés les crimes commis contre les militaires de la gendarmerie nationale et les fonctionnaires de la police nationale, ce qui laisse de côté, à tort, certains agents, notamment les personnels administratifs, techniques et scientifiques. Afin d’y remédier, je propose de remplacer « fonctionnaire » par « agent ». Je rappelle qu’un des deux policiers assassinés à Magnanville était un agent administratif. Cette affaire a causé un choc extrêmement violent : les policiers ont été pris pour cible par des terroristes chez eux, à leur domicile. L’amendement CL59 permettra de prendre en compte l’ensemble des personnes travaillant au service de notre nation.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 4.

Article 5 (art. 131-30 du code pénal) : peine d’interdiction du territoire français en cas de crime ou délit commis à l’encontre des forces de l’ordre

La Commission est saisie de l’amendement CL50 du rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Dans le même esprit que précédemment, cet amendement vise à assurer une protection identique à tous les agents, quel que soit leur statut.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite l’article 5.

Article 6 (art. L. 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : expulsion du territoire en cas de crime ou délit commis à l’encontre des forces de l’ordre

La Commission rejette l’amendement de coordination CL49 du rapporteur.

Elle rejette ensuite l’article 6.

Article 7 (art. 20 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante) : levée de l’excuse de minorité pour les mineurs de plus de 16 ans coupables d’un crime ou d’un délit contre les forces de l’ordre ou les sapeurs‑pompiers

La Commission examine l’amendement CL60 du rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. C’est un autre amendement de cohérence avec ce que je vous ai proposé tout à l’heure.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 7.

Article 8 (art. 222-68 du code pénal) : création d’un délit spécifique d’injure publique contre les forces de l’ordre

La Commission est saisie de l’amendement CL61 du rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Comme les précédents, l’amendement CL61 vise à étendre le périmètre de cet article à l’ensemble des agents qui doivent tous être protégés contre les injures publiques.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL22 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. De nombreuses injures publiques sont proférées à l’égard des personnes exerçant dans le service public – les gendarmes, les fonctionnaires de la police municipale et de la police nationale ou encore les agents des douanes. Ce sont des cibles faciles. L’injure publique est aujourd’hui définie par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». Les injures à l’égard des agents du service public sont devenues très fréquentes sur les réseaux sociaux et lors de l’exercice des missions de service public. Mon amendement permettra de sortir la définition de l’injure de la loi de 1881 pour l’inscrire dans le droit commun, afin d’élargir son champ d’application.

M. Éric Ciotti, rapporteur. La proposition de loi transfère déjà les dispositions prévues par la loi de 1881 afin de sanctionner l’injure publique, jusqu’à présent de nature contraventionnelle, en créant un délit spécifique au sein du code pénal. La définition de l’injure prévue par la loi de 1881 n’est pas pertinente dans ce cadre, et je ne peux être que défavorable à la nouvelle définition que vous proposez, tant sur le fond que sur la forme.

L’amendement CL22 est retiré.

La Commission rejette l’article 8.

Après l’article 8

La Commission examine l’amendement CL62 du rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Mon amendement est le fruit des auditions que nous avons conduites : il vise à assouplir les conditions de mise en œuvre des mesures de protection de l’identité des policiers et des gendarmes. J’ai évoqué tout à l’heure l’affaire de Magnanville. Les policiers ont réclamé, et partiellement obtenu, ce qu’on appelle une procédure d’anonymisation. Elle est, en principe, réservée aux procédures portant sur des crimes ou des délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement. L’audition de responsables de la direction générale de la police nationale a permis de constater que le ministère de l’Intérieur considérait, lorsque ce dispositif a été prévu, qu’il n’était pas nécessaire, opportun ou légitime d’effectuer une distinction selon que les faits sont passibles de plus de trois ans de prison ou non : une menace tout aussi violente peut provenir d’un mis en cause passible d’une peine inférieure – l’actualité récente l’a montré. C’est pourquoi je vous propose d’étendre à tous les types de délits la procédure actuelle d’anonymisation des procédures.

M. Didier Paris. La question de l’anonymisation a été déjà abordée à plusieurs reprises et a du reste beaucoup évolué au fil du temps. À l’origine, cela ne concernait que les faits de terrorisme ; puis la loi renforçant la sécurité intérieure a étendu le dispositif en 2017, et nous avons prévu une nouvelle évolution dans le cadre de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : ces mesures ne s’appliquent plus seulement aux personnes qui signent les procédures mais aussi à celles qui interviennent en la matière, ce que demandaient, sans aucun doute, les services enquêteurs et ce qui était assez cohérent et logique compte tenu des risques.

Souvenons-nous de nos débats : nous avions considéré, et j’en reste persuadé, que l’extension du dispositif ne pouvait pas se faire à n’importe quel prix. Il faut, en particulier, respecter des principes généraux du droit, en l’occurrence les droits de la défense et le principe du contradictoire. Le seuil des crimes et délits passifs de trois ans d’emprisonnement que nous avons retenu dans la dernière réforme me semble bon : l’anonymisation est réservée aux procédures que l’on peut considérer comme présentant une certaine gravité ; cela ne concerne pas toutes les procédures, faute de quoi nous entrerions dans une situation dans laquelle, les enquêtes et la justice elle-même devenant anonymes, les droits essentiels que sont le respect des droits de la défense et le principe du contradictoire ne seraient plus que résiduels, voire réduits à néant.

Je comprends l’esprit de cet amendement, qui vise à prolonger les décisions qui ont été progressivement prises dans ce domaine, mais il ne me semble pas devoir prospérer. Il faut conserver une différence entre des poursuites concernant des faits d’une certaine gravité, qui doivent conduire à une réelle protection des agents, et des poursuites beaucoup plus banales, pour lesquelles nos principes fondamentaux doivent être préservés.

M. Guillaume Larrivé. Nous avons accompagné depuis 2017 les différentes évolutions législatives, qui vont vers davantage d’anonymisation des procédures.

Sur le plan juridique, notre collègue Didier Paris explique, au fond, qu’il est nécessaire de protéger les droits de la défense et que l’abaissement du seuil de l’anonymisation leur porterait atteinte. Je pense vraiment que l’argument du seuil, du point de vue des droits de la défense, est inopérant : je ne vois pas en quoi les droits de la défense seraient plus ou moins menacés selon que l’on anonymise des procédures relevant du champ correctionnel, au dessus ou en deçà d’un seuil de trois ans.

À certains égards, et pour manier le paradoxe jusqu’au bout, c’est presque la situation actuelle qui menacerait le plus les droits de la défense, par rapport à une situation où l’on déciderait que l’ensemble des délits doivent faire l’objet d’une procédure d’anonymisation. Pour le dire autrement, un délit puni de plus de trois ans de prison est plus grave qu’un délit puni de moins de trois ans. À supposer que les droits de la défense soient remis en cause par l’anonymisation, ce serait déjà le cas…

Mais le problème, pour moi, n’est pas là. Celui qui nous occupe est extrêmement opérationnel, et c’est pourquoi je suis très favorable à la mesure proposée par Éric Ciotti. Je le dis avec gravité : je suis convaincu que cet amendement peut sauver des vies car il protégera des militaires de la gendarmerie et des fonctionnaires de police dont la vie est menacée dans la mesure où leur nom est révélé. Je demande vraiment à nos collègues de la majorité de réfléchir à deux fois avant d’écarter cette mesure.

M. Éric Ciotti, rapporteur. J’aimerais arriver à convaincre la majorité sur ce point. Je vais citer ce qui nous a été dit pendant l’audition de responsables de la direction générale de la police nationale : « le dispositif actuel ajoute de la complexité et laisse une dangereuse marge d’appréciation aux policiers ». Les dispositions en vigueur n’ont d’ailleurs « guère de sens, le législateur ayant très récemment permis cette protection à l’ensemble des agents recevant des plaintes, sans aucune restriction ».

Ce que je vous propose, c’est de modifier le mécanisme. Il peut y avoir un danger pour des agents de police dans le cadre de procédures portant sur des faits passibles d’une peine inférieure à trois ans de prison. Le danger n’est pas lié au quantum de peine, mais plutôt à la personnalité de l’auteur des faits. Par ailleurs, je tiens à rappeler la procédure en vigueur : une autorisation du supérieur hiérarchique peut être donnée au policier qui demande la protection de son identité, étant entendu qu’un magistrat a toujours la possibilité de lever l’anonymat a posteriori, pendant une enquête, une information judiciaire ou un procès.

Le terme d’anonymisation est d’ailleurs un peu dévoyé : il est toujours possible d’identifier l’enquêteur, notamment par son matricule, à tout moment de la procédure judiciaire. Il n’y a donc pas de problématique majeure sur le plan des droits de la défense. Un avocat peut toujours demander la levée de la protection de l’identité et un magistrat peut y faire entièrement droit.

Mon amendement vise à donner un outil unanimement réclamé par les syndicats de police – je crois qu’il faut aller dans leur sens compte tenu des menaces subies – mais aussi par la hiérarchie policière, à travers la direction générale de la police nationale, que nous avons entendue.

M. Jean-Michel Fauvergue. Ce sont des officiers de police judiciaire et des agents de police judiciaire qu’il est question, ceux qui sont chargés de rédiger les procédures. Or des policiers et des gendarmes sont attaqués en tant que tels, même s’ils n’ont pas rédigé de procédures judiciaires, tout simplement parce qu’ils sont connus dans leur quartier : c’est exactement ce qui s’est passé à Magnanville, dans une affaire qui m’est, malheureusement, très familière.

La Commission rejette l’amendement.

Article 9 (art. 20 du code de procédure pénale) : octroi de la qualité d’agent de police judiciaire aux directeurs de police municipale

La Commission examine l’amendement CL56 du rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Mon amendement vise à étendre la qualité d’APJ aux agents de police municipale. La proposition de loi prévoit actuellement d’octroyer cette qualité aux seuls directeurs. Or les auditions me conduisent à proposer d’élargir la mesure à l’ensemble des policiers municipaux. Cela s’inscrit dans la volonté de donner plus de prérogatives à ces policiers qui, je veux le souligner, assurent aujourd’hui une véritable police de proximité ou du quotidien – les termes importent peu – et se retrouvent en première ligne face à la délinquance. Ils sont souvent les primo-intervenants ; il faut leur permettre d’engager des procédures judiciaires.

M. Guillaume Larrivé. Pardon de faire une incise, mais je voudrais répondre à Jean-Michel Fauvergue. Ce qu’il a dit est exact : il y a des policiers et des gendarmes qui ne figurent pas dans des procédures mais qui sont attaqués. C’est extrêmement regrettable et il faut trouver les moyens de mieux les protéger. Mais ce n’est pas une raison pour rejeter l’anonymisation de ceux qui sont impliqués dans des procédures : c’est encore un argument totalement inopérant, je le dis avec tout le respect que l’on doit à un collègue député et à un ancien policier.

Je ne comprends pas cette posture. Il y a des cas, en effet, où les policiers et les gendarmes n’étaient pas cités dans des procédures, mais là n’est pas la question. On vous dit que tous ceux qui apparaissent dans des procédures, même des agents de premier niveau dans la chaîne hiérarchique, doivent faire l’objet de cette protection. Je voudrais vraiment qu’il y ait une convergence de vues d’ici à nos débats dans l’hémicycle. Éric Ciotti et moi-même allons aussi en parler au ministre de l’Intérieur et au secrétaire d’État. Nous vous soumettons un véhicule législatif : prenez-le et avançons ensemble, dans l’intérêt général. Il n’y a aucun argument, ni juridique ni pratique, qui s’oppose à une protection supplémentaire pour les policiers et les gendarmes.

M. Jean-Michel Fauvergue. Merci pour ces précisions relatives à l’anonymisation, cher collègue ; je reviens pour ma part à l’amendement CL56.

Nous avons étudié la question de la qualification judiciaire des policiers municipaux et de leurs directeurs dans le cadre du rapport sur le continuum de sécurité que j’ai rédigé avec Alice Thourot, à l’issue de nombreux échanges avec des représentants, des syndicats et des agents de la police municipale. Nous avons estimé que devenir des APJ ou des OPJ – les policiers municipaux sont actuellement des APJ adjoints – ne leur apporterait pas d’avantages particuliers, si ce n’est qu’ils pourraient rédiger des procédures, dont les policiers et les gendarmes connaissent la lourdeur, pour les flagrants délits et pour les procédures qu’ils initient eux-mêmes, et hériter à ce titre de centaines voire de milliers de « pièces parquet », c’est-à-dire d’instructions adressées par des magistrats en vue de compléter des enquêtes… Les agents des polices municipales se retrouveraient de ce fait, comme la police et la gendarmerie le sont aujourd’hui, littéralement scotchés à leurs bureaux et ne réaliseraient plus, sur le terrain, leurs missions de sécurité, notamment celles du quotidien.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 9.

Article 10 (art. 78-2 du code de procédure pénale) : habilitation des agents de police municipale à réaliser des contrôles d’identité

La Commission rejette l’article 10.

Après l’article 10

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL57 du rapporteur et les amendements CL7, CL8, CL9 et CL10 de M. Michel Vialay.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Les amendements CL7 à CL10 concernent l’armement des anciens policiers, gendarmes, douaniers, militaires, d’active ou de réserve, et réservistes de la police et de la gendarmerie qui sont à la retraite ainsi que le port d’arme hors service par les policiers municipaux et les douaniers en activité. Je laisserai à Michel Vialay le soin de les défendre plus longuement en séance.

Mon amendement CL57 vise à inverser la logique qui prévaut pour les policiers municipaux : en l’état actuel du droit, leur armement n’est possible que sur demande motivée du maire. Je vous propose d’inverser cette logique en rendant l’armement systématique, sauf opposition de l’autorité municipale. La libre administration des collectivités locales, qui est un principe constitutionnel majeur, serait ainsi respectée. Il s’agirait dans un premier temps d’une expérimentation.

La Commission rejette successivement les amendements CL57, CL7, CL8, CL9 et CL10.

Puis elle est saisie de l’amendement CL58 du rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Mon amendement vise à faire en sorte que les polices municipales puissent prendre en charge les cas d’ivresse publique et manifeste, qui mobilisent d’une façon extrêmement importante les policiers et les gendarmes – il faut notamment conduire les personnes concernées à l’hôpital, pour voir un médecin : c’est une mission particulièrement contraignante et lourde. Je propose qu’elle soit partagée avec les policiers municipaux, eux-mêmes très fréquemment, sans doute même encore plus, confrontés à ces situations. C’est une proposition concrète et pratique, comme l’est la proposition de loi, qui vise à apporter des réponses pragmatiques, en dehors de toute forme d’idéologie, pour améliorer la situation sur le plan matériel mais aussi opérationnel, c’est-à-dire en ce qui concerne l’intervention des forces de l’ordre. Ceux qui, comme certains d’entre nous, connaissent la réalité du quotidien des forces de police mesurent bien la difficulté de cette problématique.

Mme Alice Thourot. La question de l’ivresse publique et manifeste se pose sous l’angle du temps mobilisé du côté des forces de l’ordre, en particulier la nuit. Cela représente notamment des heures d’attente aux urgences, avec des personnes ivres. Nous partageons le diagnostic : il faut donner la possibilité aux forces de l’ordre de récupérer du temps et de l’efficacité. Nous vous proposons de reprendre ce débat lors du moment que nous choisirons pour parler du continuum de sécurité, dans le cadre d’un texte plus ambitieux, car il n’y a pas que cette mesure qui permettra aux forces de la police nationale et de la gendarmerie de gagner du temps. Par ailleurs, je pense qu’il faudra associer les services sociaux à la réflexion et aux propositions sur ce sujet.

M. Philippe Dunoyer. Je tiens à intervenir pour soutenir l’amendement du rapporteur. Il correspond à une problématique que beaucoup d’entre nous connaissons. Nouméa, qui se trouve dans ma circonscription, détient, et de très loin, le record de France en matière d’ivresse publique et manifeste. Cela embolise l’action des forces de police – la Nouvelle-Calédonie étant une zone de police – et on ne peut pas, dans ces conditions, traiter tous les cas d’ivresse publique et manifeste. Pour ce type d’interventions, je pense que les agents de la police municipale, dûment formés et encadrés, devraient pouvoir soulager nos forces de l’ordre, appelées à agir dans d’autres cadres.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL55 du rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. L’amendement CL55 tend à permettre aux policiers municipaux d’accéder directement, dans des conditions qui seront strictement définies, au fichier des personnes recherchées (FPR), où figurent les trop fameuses fiches « S », et au fichier des objets et des véhicules signalés (FOVES). Je considère qu’il n’y a aucune raison légitime et pragmatique que les policiers municipaux se voient interdire l’accès à ces fichiers. C’est une question de bon sens et de logique.

Mme Alice Thourot. L’accès aux fichiers est une question fondamentale. Je rappelle que Didier Paris a remis un excellent rapport sur ce sujet, qui s’inscrit dans une perspective plus générale. Il serait important, en effet, que les policiers municipaux puissent accéder au FOVES – avec une traçabilité, naturellement. En ce qui concerne le FPR, en revanche, je crois qu’il faut rester très prudent, en donnant un accès qui pourrait être seulement partiel, à certaines fiches et à certains profils – c’est un autre débat que nous devons avoir. Si l’on ouvre trop un fichier, il n’est plus rempli. Il faut vraiment être très vigilant sur ce point. Nous ne voterons donc pas pour cet amendement.

M. Guillaume Larrivé. Sans trop m’avancer par rapport à ce que le rapporteur va répondre, je pense que la rédaction de l’amendement répond à l’objection, pertinente, de Mme Thourot : les agents de police municipale n’auraient accès au FPR que « pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées et dans la limite du besoin d’en connaître ». Cela appellerait, de mon point de vue, une précision dans le décret d’application de cette disposition, si elle est adoptée, quant aux catégories du FPR auxquelles pourraient avoir accès les agents de police municipale dûment habilités et spécialement désignés.

M. Didier Paris. S’il n’est pas nouveau, le débat sur la manière dont le contrôle de criminalité peut s’organiser en France par des forces municipales, est assez important. La mission que j’avais menée dans ce domaine m’a laissé le souvenir de l’extraordinaire difficulté avec laquelle tout le monde aborde le sujet, et aussi de la faible demande des policiers municipaux et des élus en matière d’accès direct à ces fichiers. Nous avons également eu une discussion sur la manière dont les maires, qui sont eux-mêmes des officiers de police judiciaire, peuvent, à défaut d’avoir un accès direct, partager le renseignement avec l’autorité préfectorale. Cette évolution a été intégrée.

Il est proposé ici de descendre d’un niveau et d’inclure le policier municipal. Guillaume Larrivé a raison : cela supposerait un encadrement, une autorisation, une habilitation, un contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Nous ne sortons pas du cadre mais, quand bien même ces dispositions seraient respectées, il me semble assez incongru que les policiers municipaux de terrain puissent avoir un accès direct à des fichiers auxquels les élus eux-mêmes n’accéderaient pas.

Enfin, comme l’a souligné Alice Thourot, nous nous heurtons aussi à des questions de fond : comment intégrer la fiche S dont les nombreux éléments ne portent pas tous sur la radicalité ? À la lecture de cette fiche, comment réagiront les policiers municipaux qui ne travaillent pas dans les mêmes conditions opérationnelles que des policiers ou des gendarmes ? On peut craindre une rupture de faisceau, l’utilisation d’informations à un mauvais moment et dans de mauvaises conditions. En définitive, le danger pourrait être supérieur à la sécurité apportée à nos concitoyens.

M. Raphaël Schellenberger. Les arguments de M. Paris vont dans le sens exactement inverse à ses conclusions…

Premièrement, il faut souligner que les policiers municipaux exercent avec un grand professionnalisme des missions différentes de celles de policiers nationaux. La rédaction de l’amendement du rapporteur est claire : l’accès au fichier serait réservé à certains agents de police municipale, individuellement désignés et habilités, ce qui présente des garanties nécessaires et suffisantes.

Deuxièmement, il convient d’apporter une réponse sécurisante, d’un point de vue légal, aux coopérations de bon sens qui se sont installées dans les territoires. Certaines informations circulent parce que le préfet est habilité à donner certains éléments à un maire, qui lui-même en fera éventuellement part à son outil opérationnel, en l’occurrence sa police municipale, laquelle n’est pas habilitée à être informée de ces éléments… Cette situation crée un flou juridique et insécurise les agents de police municipale. Cet amendement permettrait de clarifier le statut des informations qui vont nécessairement circuler – même si c’est de façon contrôlée et modérée – du fait de la nécessaire coopération entre les services sur les territoires et qui font peser un risque sur les agents de police municipale.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Sur la qualité juridique de l’amendement, je crois que nous avons reçu l’avis du Conseil d’État par la voix de Guillaume Larrivé. (Sourires.)

M. Alain Tourret. Son parrain d’honneur !

M. Éric Ciotti, rapporteur. Reste à en évoquer les considérations pratiques, pragmatiques.

Sincèrement, je ne peux pas non plus adhérer à votre argumentation, cher Didier Paris. Il existe un protocole pour traiter les fiches S, qui précise notamment le comportement que doit adopter un fonctionnaire qui lit cette fiche en présence de la personne concernée. Ce protocole peut être appliqué par les policiers municipaux, ce qui permettrait d’avoir une traçabilité plus fine et un repérage plus serré.

Si je peux comprendre l’existence d’objections sérieuses – même si je ne les fais pas miennes – en ce qui concerne le fichier FPR, pour ce qui concerne le fichier des objets et véhicules volés ou signalés, c’est une question de pur pragmatisme.

Mme Alice Thourot. Là-dessus, on est d’accord.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Nous devrions tous pouvoir soutenir une telle mesure.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle passe à l’amendement CL51 du rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. La mesure prévue dans cet amendement est l’une des propositions de l’excellent rapport de nos collègues Thourot et Fauvergue, ce qui va naturellement les conduire à l’approuver avec d’autant plus de détermination…

L’amendement CL51 vise à élargir la possibilité de procéder à une inspection visuelle des bagages par les policiers municipaux dans les manifestations de moins de 300 personnes. Actuellement, cette faculté est réservée aux manifestations mobilisant plus de 300 personnes, y compris pour la sécurité privée. Ce seuil n’est pas pertinent : une manifestation de moins de 300 personnes peut malheureusement présenter les mêmes menaces. Manifestement, les deux collègues qui ont signé ce rapport n’ont pas davantage que moi compris l’objet de cette césure.

Mme Alice Thourot. Merci cher collègue Ciotti pour le pont d’or que vous faites à notre rapport.

M. Philippe Gosselin. Quand c’est bon, ça ne se discute pas !

Mme Alice Thourot. Comment ne pas être d’accord avec votre proposition qui, finalement, reprend la nôtre ?

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas sûr encore ?

Mme Alice Thourot. C’est donc avec un petit pincement au cœur que nous allons voter contre cet amendement.

M. Philippe Gosselin. Quel dommage ! Cela commençait pourtant bien !

Mme Alice Thourot. L’introduction est toujours importante.

Pourquoi allons-nous voter contre ? Nous l’avons dit, nous le répétons : nous allons proposer un texte sur le continuum de sécurité. Il reste de nombreuses réflexions à conduire, notamment sur l’articulation de certaines mesures entre elles. Les fichiers renvoient à leur contrôle, à leur consultation, aux sanctions en cas d’abus. On ne peut pas isoler les thèmes.

Nous vous proposons un débat et nous vous tendons la main. J’espère que vous serez là pour nous soutenir et pour parler, évidemment en bien, de toutes les propositions que nous allons faire dans le cadre de ce texte.

M. Raphaël Schellenberger. Madame Thourot, lorsque vous voudrez bien proposer ce texte, nous serons évidemment disposés à travailler avec vous en toute intelligence et nous déposerons des amendements inspirés de notre réflexion, comme cet amendement du rapporteur a été inspiré par votre travail.

Je constate néanmoins que ce sujet, dit prioritaire depuis presque deux ans, n’a toujours pas donné lieu à un texte de la majorité. À chaque fois que nous défendons une idée que vous jugez pertinente, vous nous expliquez que nous n’avons pas à nous en faire parce qu’elle sera traitée dans l’un de vos textes à venir, qui sera donc forcément meilleur que le nôtre. À un moment donné, il faudrait que tous ces textes arrivent à l’ordre du jour de notre commission et de l’Assemblée nationale.

M. Jean-Michel Fauvergue. On en a beaucoup voté depuis deux ans !

M. Raphaël Schellenberger. Sur ces sujets-là, il serait temps d’y aller. L’adoption de cet amendement du rapporteur serait un bon signe pour avancer très concrètement sur ces thèmes qui font l’unanimité de notre assemblée.

M. Guillaume Larrivé. À ce stade, chers collègues du groupe majoritaire, vous avez voté contre toutes les propositions que nous avons émises. Pardon de le faire remarquer, mais cette situation contraste avec celle que nous avons vécue lors de la législature précédente.

Laissez-moi faire une parenthèse qui n’est pas hors sujet. Il y a trois ans, quasiment jour pour jour, j’étais l’auteur d’une proposition de loi sur la lutte contre les violences sportives. Avec le soutien du Premier ministre Manuel Valls, les députés républicains et socialistes de l’époque avaient rédigé un texte d’intérêt général, approuvé à l’unanimité à l’Assemblée nationale et au Sénat, au terme d’une navette, d’une coconstruction parlementaire.

Dès lors que les propositions émanent des groupes d’opposition, de telles coconstructions sont impossibles sous le quinquennat actuel. Je le constate avec regret. Le macronisme parlementaire se caractérise par une sorte de sectarisme invraisemblable : on nous oppose toujours une position de totale fermeture qui contraste tellement avec le discours présenté à l’opinion publique.

M. Raphaël Gauvain. On vient de voter la loi sur les manifestations !

M. Guillaume Larrivé. Nous aurions pu nous entendre sur des sujets d’intérêt général, notamment dans le champ des politiques de sécurité publique. Je constate hélas que des textes très construits, très précis, très réfléchis venant du groupe Les Républicains comme force de proposition au service de l’intérêt général, sont rejetés d’un revers de main par la majorité aux ordres de l’Élysée.

M. Sébastien Huyghe. J’abonde dans le sens de Guillaume Larrivé qui est intervenu avec beaucoup de force. Cette situation est incompréhensible. Vous allez jusqu’à voter contre un amendement qui émane de l’une de vos propositions et, en quelque sorte, vous déjuger.

Vous nous dites que la mesure sera reprise dans un autre texte. Dans ce cas, votez pour l’amendement ! De toute manière, vous userez probablement d’une motion de procédure pour faire en sorte que le texte ne soit pas discuté dans l’hémicycle. Adopter cet amendement dans le cadre de la commission des lois serait une manière symbolique de dire qu’il vous plaît, qu’il va dans le bon sens. Puisqu’il provient de l’opposition, vous allez voter contre et faire en sorte qu’il n’existe pas.

J’en suis à mon quatrième mandat et c’est la première législature où je vois les propositions de l’opposition systématiquement battues en brèche. C’est vraiment en contradiction avec votre posture politicienne. Vous clamez que vous n’êtes ni de droite ni de gauche, ou de droite et de gauche, ou je ne sais quoi encore. En réalité, ce ne sont que de belles paroles car vous faites preuve d’un sectarisme sans nom. Je ne doute pas qu’à un moment donné, nos concitoyens en prendront véritablement conscience.

M. Alain Tourret. Je suis interpellé par les observations qui sont faites. Lors de mon dernier mandat, j’ai déposé des textes avec Georges Fenech, alors membre du groupe Union pour un Mouvement Populaire – UMP. Nous avons déposé une proposition de loi sur la révision des décisions pénales, adoptée à l’unanimité, qui a tout de même abouti à la création d’une chambre spéciale au sein de la Cour de cassation et à la modification de la procédure. Nous avons aussi déposé une proposition de loi portant sur la prescription en matière pénale, un sujet qui avait fait l’objet de quinze propositions en vingt ans. Notre texte a été adopté à l’unanimité.

Nous devons tous écouter ce qui vient d’être dit. Sur certains sujets, nous devons retrouver et proposer ensemble des textes législatifs ; et cela doit se faire par le biais de propositions de loi et non pas de projets de loi. Nous devons, en particulier, faire en sorte d’être entendus par le Conseil d’État. Pour de telles propositions de lois, l’intervention du Conseil d’État est nécessaire et pratiquement obligatoire. Cela avait été le cas pour la proposition de loi sur la prescription en matière pénale.

C’est une simple observation qui, je l’espère, sera suivie d’effet.

M. Mansour Kamardine. Et inspirera de la sagesse !

Mme Alice Thourot. Une petite note d’humour pour commencer : vous m’excuserez de ne pas être nostalgique des précédentes législatures… N’y ayant pas participé et je ne saurai faire de comparaisons !

Cher collègue Larrivé, vous trouvez que nous ne sommes pas dans une démarche de coconstruction. Pour ma part, j’ai été rapporteure sur le texte concernant les violences pendant les manifestations, une proposition de loi venant de la droite du Sénat.

Je note aussi que vous n’étiez pas présent aux débats sur la modification du Règlement de l’Assemblée nationale, alors que de nouveaux droits ont été accordés à l’opposition.

M. Philippe Gosselin. Nous n’étions pas absents ! Nous sommes mis en cause, je réclame un droit de réponse !

Mme Alice Thourot. Vous avez brillé par votre absence, reconnaissez-le !

M. Raphaël Schellenberger. Tous nos amendements ont été repoussés !

Mme Alice Thourot. Acceptez que nous répondions à vos questions et à vos observations.

Je vous invite à voter la confiance au Premier ministre cet après-midi – pour montrer l’exemple…

M. Sébastien Huyghe. Pour l’instant, vous ne nous y invitez pas !

Mme Alice Thourot. Enfin, le délai n’est pas de deux ans en ce qui concerne la présentation du texte sur le continuum de sécurité. Le rapport a été rendu au mois de septembre. Qu’avons-nous fait depuis cette date ? Nous l’avons présenté un peu partout aux professionnels du secteur, aux policiers municipaux et aux acteurs de la sécurité privée. Nous voulons écouter et prendre l’avis de ceux qui sont sur le terrain car ce texte est une base de travail. Nous serons aussi très heureux de pouvoir échanger avec vous sur ce texte.

M. Sébastien Huyghe. Seulement échanger !

M. Guillaume Vuilletet. J’entends les remarques mais je voudrais allonger la liste des cas où les choses ne se passent pas si mal, cher collègue Larrivé : on peut également citer la proposition de loi de Serge Letchimy sur les outre mer, qui a abouti. Il me semble aussi qu’il n’y aura pas de position négative à l’égard de la proposition de loi, examinée dans le cadre de votre propre niche, et visant à réintroduire des dispositions de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite ELAN, qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel.

S’agissant de la réforme du règlement, je ne vais pas revenir sur les conditions du débat, sur lesquelles nous aurions, les uns et les autres, beaucoup à dire. J’estime cependant que personne ne peut nier que les journées réservées seront mieux valorisées et protégées qu’elles ne l’étaient auparavant. C’est une avancée significative.

Ne cherchons pas les effets de manche. La majorité n’a aucune volonté de brider le débat, mais nous pouvons tous reconnaître que l’examen de la proposition de loi de notre collègue Ciotti nous offre l’occasion d’une sorte de galop d’essai puisque le Gouvernement s’est engagé sur la loi de programmation et sur le Livre blanc. C’est une posture que notre collègue Gosselin a décrite avec beaucoup de lucidité et un peu de fatalisme ; les effets de manche ne sont pas absolument nécessaires.

M. Stéphane Mazars, président. Après l’intervention de M. Gosselin, nous allons peut-être procéder au vote et passer à l’examen du texte suivant. Au passage, je me permets tout de même une remarque : si cet amendement était adopté, le texte qui serait examiné la semaine prochaine dans l’hémicycle ne contiendrait plus que ce seul article… Je ne pense pas qu’il soit dans l’intérêt des membres du groupe Les Républicains que nous adoptions cet amendement aujourd’hui.

M. Philippe Gosselin. C’est le sort réservé aux propositions de loi… C’est toujours très délicat.

En ce qui concerne le règlement, je ne vais pas relancer la machine car le débat, hélas, a eu lieu. En revanche, je ne peux pas laisser dire par notre collègue Thourot que nous n’étions pas présents dans l’hémicycle, que nous étions absents des débats. Nous avons d’abord participé aux débats avant de les boycotter, compte tenu de différentes attitudes sur les bancs de la majorité et de la présidence de l’Assemblée. Nous n’avons pas, non plus, souhaité prendre part au vote. Nous avons boycotté le vote, c’est très clair. Ne laissez pas croire que nous étions partis faire autre chose. Ce n’est pas du tout pareil. Il s’agissait de notre part d’une démarche parfaitement cohérente et que nous assumons totalement. Je tenais à le rappeler sans vouloir remettre une pièce dans la machine… Ce n’était pas la peine, non plus, de le faire de votre côté.

M. Éric Ciotti, apporteur. Je vais répondre à Mme Thourot et aux intervenants de la majorité et puis, si vous le permettez, formuler une conclusion à ces débats.

Chers collègues de la majorité, vous aviez d’abord indiqué que vous ne participeriez pas au vote, ce que j’aurais pu comprendre. Malheureusement, vous vous êtes laissé entraîner dans cette forme de logique un peu binaire qui vous guide depuis deux ans : vous êtes les détenteurs de la vérité et tout ce qui ne vient pas de vous participe de l’expression de l’erreur, de la faute. Dans d’autres temps, mais c’était dans des législatures que, je crois, personne d’entre nous n’a connues, on évoquait la différence entre l’ombre et la lumière… Vous adoptez un peu cette logique, à l’opposé de l’esprit d’ouverture dont on vous entend parler dans tous les discours. Cela démontre bien que nous sommes face à une stratégie de communication totalement fictive, virtuelle, irréelle et opposée à tout caractère pragmatique.

Cet amendement est le symbole de cette attitude. À la limite, pour des raisons de forme, vous pourriez ne pas participer au vote, mais vous allez voter contre une disposition que vous avez vous-même formulée… J’y vois la quintessence d’une forme de fermeture, d’autres ont parlé de sectarisme : vous votez contre une proposition parce qu’elle vient d’un membre de l’opposition, quand bien même elle s’inscrit dans une démarche que vous avez vous-même initiée. J’avoue être quand même assez stupéfait par cette attitude qui vous conduit à voter contre votre propre proposition, simplement pour des raisons de logique politicienne qui sont à l’inverse de ce que vous prônez en permanence et de ce que veut essayer de traduire cette majorité. Si nos policiers ou nos concitoyens écoutaient ces débats, ils ne pourraient pas raisonnablement comprendre que vous vous opposiez à une mesure qui vient de vous.

D’une façon plus générale, pour conclure l’examen de ce texte, je répète que nous avons besoin d’un consensus sur ces sujets : je l’appelais de mes vœux en introduction. Si ce Livre blanc prévoit des moyens et conduit à une loi de programmation, j’aurai naturellement envie de l’approuver. J’ai voté en faveur des treize lois proposées par le gouvernement socialiste au cours de la précédente législature. Vous n’étiez pas là, madame Thourot. M. Fauvergue, lui, était directement exposé à la menace terroriste. Dans un cadre d’unité nationale, j’ai personnellement voté en faveur de toutes les lois proposées.

Nous pourrions faire œuvre utile pour une fois. Nous nous rejoignons tous, y compris dans ces circonstances dramatiques, dans les hommages à nos policiers et à nos gendarmes qui ont payé un lourd tribut. Il s’agit de protection de la nation. Mme Obono mise à part, nous sommes à peu près tous d’accord sur la nécessité de conférer plus de moyens à nos forces de l’ordre. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de mieux protéger l’uniforme – nos pompiers, nos policiers. Qui peut tenir un discours inverse, dire qu’il faut moins de protection et que tout va bien ?

Vous refusez de bouger en faisant valoir un texte potentiel, éventuel, qui pourrait être présenté dans quelques mois et appliqué au cours de la prochaine législature. Ce n’est pas très responsable. On peut ne pas être d’accord sur tout, mais j’avoue ne pas comprendre votre logique de fermeture. Compte tenu de la reconnaissance et de l’engagement que nous devons à nos forces de l’ordre, je trouve que votre attitude, dictée par des raisons très politiciennes, est un peu déplacée.

La Commission rejette l’amendement.

Article 11 : Gage de recevabilité financière

La Commission rejette l’article 11.

M. Stéphane Mazars, président. Tous les articles de la proposition de loi ayant été rejetés, il n’y a pas lieu, dès lors, de procéder à un vote sur l’ensemble du texte, qui est rejeté. Le débat aura lieu en séance publique sur le texte initial.

Je vous remercie pour la qualité de ces débats, que nous devons aux forces de l’ordre.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de République vous demande de rejeter la proposition de loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure (n° 1933).

 


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   personnes entendues

    M. Gérard Clerissi, directeur des ressources et des compétences

   Mme Stéphanie Cherbonnier, conseillère judiciaire

   M. Ludovic Jacquinet, conseiller stratégie coopérations de sécurité – prévention

   M. Stéphane Jarlegand, adjoint du Préfet, secrétaire général pour l'administration de la Préfecture de Police

   M. Philippe Castanet, directeur des finances, de la commande publique et de la performance de la Préfecture de Police

   Mme Anne‑Charlotte Jond, chargée de mission

CFDT Interco

   Mme Christelle Felix, brigadier-chef principal de la police municipale de Sannoy

   M. Serge Haure, secrétaire fédéral chargé des forces de sécurité publique

   M. Hervé Jacq, policier municipal

FO police municipale

   M. Patrick Lefevre, secrétaire national

FA-FPT Police municipale - SAFPT Police municipale

   M. Fabien Golfier, secrétaire national

FSMI – FO

   M. Guy Dalier, secrétaire national

   M. Jean Pascal Stadler, délégué national

Alliance police nationale (CFE-CGC)

   M. Loïc Lecouplier, secrétaire administratif général adjoint

   M. Pascal Disant, délégué national « Analyse prospective et communication »

Alternative Police (CFDT)

   M. Denis Jacob, secrétaire général

   M. Julien Morcrette, secrétaire général adjoint

   M. Bruno Caruso, conseiller technique national

UNSA-FASMI

   M. Jérémie Dumont

   M. Claude Fourcaulx

   M. Thomas Toussaint

   M. Nicolas Pucheux

    


([1]) Sénat, Commission d’enquête relative à l’état des forces de sécurité intérieure, n° 612, juin 2018, p. 17.

([2]) Sénat, rapport n° 612, op. cit., p.52.

([3]) Sénat, rapport n° 612, op. cit., p.53.

([4]) Sénat, ibid, p.54.

([5]) Sénat, rapport n° 612, op. cit., p.57.

([6]) Sénat, rapport n° 612, op. cit., p.77.

([7]) Sénat, ibid, p.77 : « La police aux frontières constate la persistance de la pression migratoire aux frontières françaises, principalement sous l’effet des flux dits secondaires, c’est-à-dire en provenance d’autres pays de la zone Schengen. Ainsi, le nombre d’entrées irrégulières est passé de 111 074 en 2015 à 92 478 en 2016 et à 94 421 en 2017 ».

([8]) Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

([9]) La récidive légale est le fait pour un individu, déjà condamné de manière définitive, de commettre une nouvelle infraction dans les conditions fixées par la loi. Elle suppose une première condamnation pénale, devenue définitive au jour où la seconde infraction est commise (premier terme) et la commission d’une seconde infraction, identique ou assimilée (second terme).

Elle se distingue de la réitération (lorsqu’une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale) et de la récidive au sens large, qui regroupe la récidive légale et la réitération.

([10]) Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

([11]) Les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, les violences aggravées ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) pendant plus de huit jours, les violences aggravées par trois circonstances ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune ITT, les violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne vulnérable ayant entraîné une ITT pendant plus de huit jours, les violences, commises, en bande organisée ou avec guet-apens, avec usage ou menace d’une arme sur une personne dépositaire de l’autorité publique n’ayant pas entraîné une ITT pendant plus de huit jours et l’embuscade en réunion.

([12]) Décision n° 2007-554 DC du 9 août 2007, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, cons. 2 à 20 et décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, cons. 20 à 25.

([13]) Principe dont la valeur constitutionnelle a été reconnue pour la première fois en 2005 (décision n° 2005‑520 DC du 22 juillet 2005, Loi précisant le déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, cons. 3).

([14]) Rapport (n° 1974, XIVe législature) fait par M. Dominique Raimbourg au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, mai 2014, pp. 172-183.

([15]) Voir le compte rendu intégral de la deuxième séance du jeudi 5 juin 2014.

([16]) Article 15-1 de l’ordonnance  45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

([17]) Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

([18]) Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

([19]) Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

([20]) Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, « Les personnes mises en cause pour violences à dépositaires de l’autorité publique et chargés d’une mission de service public », note n° 31, janvier 2019, p. 3.

([21]) F. Jobard et M. Zimolag, Quand les policiers vont au tribunal : analyse d’un échantillon de jugements rendus en matière d’infraction à personnes dépositaires de l’autorité publique dans un TGI parisien (19652003), 2005.

([22]) L’injure publique contre personne dépositaire de l’autorité publique est à distinguer de l’outrage, qui consiste dans des paroles, gestes, menaces, écrits ou images ou dans l’envoi d’objets, directement adressés à la personne dans l’exercice de ses fonctions, non rendus publics et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à sa fonction. Défini par l’article 433-5 du code pénal, ce délit est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

([23]) Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

([24]) Loi n° 2014-56 du 27 janvier 2014 visant à harmoniser les délais de prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.

([25]) Article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

([26]) Loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.

([27]) Loi  2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

([28]) Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

([29]) Notamment en permettant le prononcé de la peine de stage de citoyenneté à l’égard des auteurs de ces actes, en alignant la sanction encourue en répression d’une injure publique à caractère raciste ou discriminatoire sur celles prévues pour les diffamations et provocations à la haine, en supprimant l’excuse de provocation dont bénéficiaient les auteurs d’injures publiques discriminatoires ou en ouvrant la possibilité pour la juridiction de requalifier les délits de provocation, diffamation et injure.

([30]) Article 63 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

([31]) CEDH, 21 janvier 1999, Janowski c. Pologne, n° 25716/94.