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N° 2301

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2019.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2020 (n° 2272),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur Général

Député

 

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ANNEXE N° 7
 

 

ANCIENS COMBATTANTS, mémoire ET LIENS AVEC LA NATION

 

 

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Jean-Paul DUFRÈGNE

 

Député

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   SOMMAIRE

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Pages

 

PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL ET DONNÉES CLÉS

I. des efforts sont nécessaires pour resserRer les liens entre la Nation et son armée

A. Les montants prÉvus pour les mesures à destination de la jeunesse sont imparfaitement renseignÉs

1. Le coût complet de la journée défense et citoyenneté est près de sept fois supérieur aux crédits renseignés dans la mission Anciens combattants

2. Le service militaire volontaire, une initiative efficace, mais dont le coût n’est pas détaillé

B. Une impulsion nouvelle doit être donnÉe À la politique de mÉmoire

II. le manque d’ambition du PROGRAMME 169 RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT

A. Une mesure de revalorisation bien modeste au regard de la contraction du nombre de bÉnÉficiaires

1. La pension militaire d’invalidité : une mesure de revalorisation de 0,6 million d’euros malgré des marges de manœuvre budgétaires conséquentes

2. Les dépenses en faveur de la retraite du combattant baissent malgré l’extension de la délivrance de la carte du combattant

3. La lisibilité des actions en faveur des rapatriés pourrait être améliorée.

B. Un prÉlÈvement important sur la trÉsorerie de l’ONAC-VG dont l’organisation Évolue

1. La mobilisation de la trésorerie de l’opérateur à hauteur de 17,5 millions d’euros ne bénéficie pas au monde combattant et brouille la lisibilité du programme 169

2. Une baisse des effectifs en attente d’une évolution de l’opérateur

III. LE PROGRAMME 158 INDEMNISATION DES VICTIMES DES PERSÉCUTIONS ANTISÉMITES ET DES ACTES DE BARBARIE

A. L’horizon budgétaire, comme le mode de fonctionnement des deux dispositifs en faveur des victimes des législations antisémites sont tout à fait différents

B. L’indemnisation des orphelins de victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale se poursuit

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, l’intégralité des réponses était parvenue au rapporteur spécial.

 

 

 


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   PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
ET DONNÉES CLÉS

La mission Anciens combattants traduit budgétairement le lien entre la société civile française et les soldats engagés dans les combats militaires menés par la France depuis le début du XXe siècle. Une dotation de 2,16 milliards d’euros est prévue pour 2020. La majeure partie de ces crédits bénéficiera au programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant (94,3 %). Le reste de la dotation est réparti entre le programme 167 Liens entre la Nation et son armée (1,4 %) et le programme 158 Indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale (4,3 %).

Les 2,15 milliards d’euros programmés pour 2020 représentent une baisse de 6,2 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2019. L’attrition régulière des dépenses en faveur du monde combattant est liée à la baisse structurelle de ses effectifs. Toutefois, les marges de manœuvre dégagées cette année ne bénéficient pas à des mesures de revalorisation. Le prélèvement de 17,5 millions d’euros sur la trésorerie du principal opérateur de la mission, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG), prévu pour 2020, répond à un objectif de maîtrise de la dépense publique.

Malgré les mesures de revalorisation consenties l’année dernière, comme l’extension de la carte du combattant aux personnes justifiant d’une présence en Algérie entre 1962 et 1964 et la mise en place d’un fonds de soutien en faveur des enfants de harkis début 2019, les crédits consentis aux anciens combattant s’amenuisent rapidement. Au regard de la baisse de la programmation pour 2020 de 142 millions d’euros, la seule mesure de revalorisation prévue, qui s’élève à 600 000 euros et concernera les pensions des conjoints survivants de grands invalides, paraît bien modeste.

Pourtant les attentes du monde combattant sont fortes et légitimes. La politique de la mémoire s’essouffle avec la fin du cycle de commémoration de la Première guerre mondiale. La baisse du nombre de bénéficiaires de la pension militaire et de la retraite du combattant s’accentue alors que les dernières améliorations apportées à leur pouvoir d’achat commencent à dater. La réparation pour les orphelins des victimes de persécutions antisémites ou d’actes de barbarie est bien avancée, mais des moyens supplémentaires devraient être accordés à la recherche et la réparation des victimes de spoliation durant la Seconde Guerre mondiale.


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Évolution des crédits par programme et du chiffrage des dépenses fiscales de la mission depuis 2015

(en millions d’euros)

Évolution des effectifs et des crÉdits de la retraite du combattant
depuis 2015

 

I.   des efforts sont nécessaires pour resserRer les liens entre la Nation et son armée

Les crédits du programme 167 Liens entre la Nation et son armée se réduisent. Le coût réel des dispositifs envers la jeunesse est bien supérieur aux dépenses consignées dans la mission. La politique de mémoire s’essouffle.

Évolution des crédits du programme 167 entre 2019 et 2020

Numéro et intitulé du programme et de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiements

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

Part du programme

01 – Liens armées-jeunesse

17 793

18 461

3,8 %

17 790

18 446

3,7 %

62,8 %

02 – Politique de mémoire

15 913

10 950

 31,2 %

15 913

10 950

 31,2 %

37,2 %

167 – Liens entre la Nation et son armée

33 706

29 411

 12,7 %

33 703

29 396

 12,8 %

 

A.   Les montants prÉvus pour les mesures à destination de la jeunesse sont imparfaitement renseignÉs

Pour mieux faire connaître les missions et les métiers des armées, le Gouvernement s’appuie sur la journée défense et citoyenneté (JDC) et le tout récent service militaire volontaire (SMV). L’action 1 Liens armées-jeunesse qui porte ces deux dispositifs n’est toutefois abondée que de 18,4 millions d’euros, bien loin du budget réel correspondant.

Évaluation du coÛt complet pour 2020 de la JDC et Du SMV ([1])

(en millions d’euros)

1.   Le coût complet de la journée défense et citoyenneté est près de sept fois supérieur aux crédits renseignés dans la mission Anciens combattants

Pour accueillir les 766 382 jeunes appelés pour la journée défense et citoyenneté (JDC) cette année, 15,9 millions d’euros sont prévus par le PLF 2020. Ce montant ne représente toutefois que 14 % du coût complet de cette journée. En effet, l’un des indicateurs de performance de l’action précise que le coût moyen par appelé s’établit à 140 euros ; soit une enveloppe globale de 107 millions deuros.

C’est que d’autres crédits concourent au financement de cette journée comme l’indiquent les précisions méthodologiques relatives à l’indicateur de coût. Le programme 212 de la mission Défense prévoit 93,7 millions d’euros en 2020, pour l’action 65 Journée défense et citoyenneté - Personnel travaillant pour le programme « Liens entre la Nation et son armée ». Aucune description de cette action n’est fournie dans le projet annuel de performance de la mission Défense.

Le ministère a indiqué au rapporteur spécial que le montant du soutien prévu par la mission Défense pour cette sous-action est estimé à 90,3 millions d’euros ; ce qui appelle deux remarques :

 l’indicateur de coût s’avère ici particulièrement pertinent ; c’est le seul permettant de comprendre que le coût réel de l’action est bien supérieur à celui présenté ;

– la diffusion de l’information relative à la JDC entre plusieurs programmes ne facilite pas le suivi des crédits d’une année sur l’autre.

Les programmes 167 et 212 étant tous les deux sous la responsabilité du secrétariat général pour l’administration du ministère des armées, le rapporteur spécial appelle à un transfert de l’action 65 du programme 212 dans la mission Anciens combattants. Le titre de cette dernière : Journée défense et citoyenneté - Personnel travaillant pour le programme « Liens entre la Nation et son armée » semble en effet suggérer qu’elle ne porte que des dépenses de personnel relatives à la JDC. Si toutefois ce n’était pas le cas, il serait nécessaire de renseigner plus précisément l’action 65 et l’indicateur de coût 1.2 du programme 167.

2.   Le service militaire volontaire, une initiative efficace, mais dont le coût n’est pas détaillé

Comme pour la JDC, seule une portion congrue des dépenses liées au service militaire volontaire (SMV) est contenue dans l’action 1. Toutefois, pour ce dispositif récent, il est impossible à la lecture seule des documents budgétaires de connaître son coût réel. Pour 2020, 2,5 millions d’euros sont crédités au titre du SMV sur le programme 167. Ce montant ne correspond qu’aux coûts de formation des volontaires et aux actions de recrutement et de promotion du dispositif.

Contrairement à la JDC pour laquelle l’indicateur de satisfaction de l’usager est complété par un indicateur de coût, le seul indicateur retenu pour le SMV renseigne le taux d’insertion professionnelle des volontaires. Le service militaire volontaire est mentionné incidemment à deux autres reprises au sein de la mission Défense, dans les crédits des programmes supports. Le ministère a indiqué au rapporteur spécial que le montant du soutien prévu par la mission Défense pour le SMV est de 48,5 millions d’euros.

Une meilleure information du Parlement est donc nécessaire pour suivre les évolutions des crédits alloués au SMV. Le rapporteur spécial propose à court terme qu’un indicateur de coût moyen par volontaire soit renseigné dès l’année prochaine. À terme, il conviendrait, comme pour la JDC, d’isoler les crédits relatifs au SMV et de les rapatrier sur la mission Anciens combattant.

Le service militaire volontaire, une initiative efficace en faveur
de l’insertion des jeunes en difficulté

Inspiré du service militaire adapté ([2]), le service militaire volontaire (SMV) a été créé, à titre expérimental en 2015 puis pérennisé par l’article 32 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025.

L’étude d’impact relative à cette loi ([3]) met en avant les niveaux élevés d’insertion professionnelle permis par le SMV ainsi que ses apports au niveau local. Le taux d’insertion constaté sur les premières promotions a dépassé les 74 %. Au niveau local, l’étude d’impact met en exergue 5,2 millions d’euros dans le développement économique.

Aujourd’hui, le service militaire volontaire se déploie sur six centres situés dans 5 régions différentes qui accueillent mille volontaires de 17 à 26 ans, répartis en deux catégories :

– les volontaires stagiaires, peu ou pas diplômés, éloignés de la formation et de l’emploi, souscrivant un contrat de six à douze mois pour une solde de 315 euros par mois ;

– les volontaires techniciens, diplômés sans emploi, souscrivant un contrat d’un an pour une solde de 740 euros par mois.

L’ensemble des volontaires est nourri, blanchi, et logé, et suit un parcours d’insertion socioprofessionnelle qui comprend une phase de remise à niveau et une phase de professionnalisation.


B.   Une impulsion nouvelle doit être donnÉe À la politique de mÉmoire

La concomitance de l’achèvement de plusieurs initiatives conduit à une baisse d’un tiers des crédits de paiement demandés pour l’action 2 Politique de mémoire du programme 167. Pour 2020, ils s’établissent à 11 millions d’euros contre 16 millions pour la LFI 2019. Le caractère modeste de ce montant s’explique ainsi par la conjonction de plusieurs événements : des manifestations mémorielles de moindre ampleur, la disparition du GIP en charge de la commémoration de la Grande guerre ([4]) et l’achèvement du mémorial dédié aux soldats morts pour la France en opérations extérieures prévu pour fin novembre.

Le ministère précise que cette baisse sera en partie compensée par une contribution de l’ONACVG prélevée sur sa trésorerie, à hauteur de 4 millions d’euros. Au total, la politique de mémoire mobiliserait donc 15 millions d’euros, soit 3,5 % de moins qu’en 2019.

Il faut remonter à 2012, soit la période qui a précédé la commémoration de la Grande guerre de 1914‑1918 pour retrouver des niveaux de crédits aussi faibles que ceux prévus pour 2020, ce qui est retranscrit par le graphique ci-après.

Évolution des crédits de paiement dÉvolus À la politique de mémoire

(en millions d’euros)

La transmission de la mémoire nationale devrait faire l’objet d’un redoublement d’effort à l’heure ou ceux qui ont été les témoins des grands événements passés se font moins nombreux. Le rapporteur spécial a donc déposé un amendement lors de l’examen des crédits de la mission Anciens combattants par la commission des finances pour demander une augmentation des crédits de la politique de mémoire. Il estime nécessaire de maintenir la dynamique positive engagée par le cycle des commémorations de la Première Guerre mondiale.

II.   le manque d’ambition du PROGRAMME 169 RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT

Les crédits de paiement prévus pour le programme 169 sont prépondérants au sein de la mission (94,3 %) et représentent 2,04 milliards d’euros pour 2020, soit une baisse de 5,8 % par rapport à la LFI pour 2019. Le rapporteur spécial regrette la platitude de la programmation pour 2020 qui se caractérise par la quasi-absence de mesures de revalorisation et une mobilisation importante de la trésorerie de l’office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG).

Évolution des crédits de paiement du programme 169 par sous actions

Crédits de paiement

(en million d’euros)

RAP 2016

RAP 2017

RAP 2018

LFI

2019

PLF

2020

Variation 2019/20

Action 1 - Dette viagère

1 943

1 875

1 808

1 674

1 572

 6,1 %

Sous-action 10 - PMI

1 201

1 134

1 069

965

912

 5,6 %

Sous-action 11 - Retraite du combattant

742

741

738

709

660

 6,8 %

Action 2 - Gestion droits PMI

147

139

132

130

121

 6,6 %

Sous-action 21 - Soins médicaux gratuits

57

52

48

51

45

 10,1 %

Sous-action 22 - Remboursement SNCF

3

3

2

2

2

 18,2 %

Sous-action 23 - Remboursement sécu. soc.

87

84

82

77

74

 4,0%

Action 3 - Solidarité

351

341

337

336

325

 3,0 %

Sous-action 31 - Majoration rentes mutualistes

251

245

237

235

226

 3,7 %

Sous-action 32 - Subventions associations

1

2

3

0

0

0,0 %

Sous-action 33 - Frais de pèlerinage

 

0

 

 

 

 

Sous-action 34 - Action sociale ONAC-VG

25

26

26

26

26

 1,5 %

Sous-action 35 - Subventions ONAC-VG

62

56

57

58

46

 21,0 %

Sous-action 36 - Subventions INI

12

12

13

15

26

74,4 %

Sous-action 37- Subventions CNCCL

-

 

 

2

2

0,0 %

Action 7 - Actions en faveur des rapatriés

17

19

19

23

19

 20,2 %

Total programme 169

2 457

2 374

2 297

2 162

2 037

 5,8 %

A.   Une mesure de revalorisation bien modeste au regard de la contraction du nombre de bÉnÉficiaires

Les crédits du programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, ainsi que chacune des actions qui le composent connaissent une baisse en 2020, en raison de la diminution prévisionnelle du nombre de bénéficiaires. Le Gouvernement demande ainsi pour ce programme 2,03 milliards d’euros de crédits de paiement pour 2020, contre 2,16 milliards en LFI 2019 - soit près de 125 millions d’euros de moins.

Le rapporteur spécial estime que cette tendance démographique devrait permettre, à budget constant, plus de solidarité au profit des anciens combattants, contrairement à la programmation présentée pour 2020. Une mesure de revalorisation symbolique est prévue pour la pension militaire d’invalidité, mais le niveau de la retraite du combattant stagne. 1. La lisibilité des crédits en faveur des rapatriés pourrait être améliorée.

1.   La pension militaire d’invalidité : une mesure de revalorisation de 0,6 million d’euros malgré des marges de manœuvre budgétaires conséquentes

La seule mesure nouvelle du programme 169 en 2020 concerne les conjoints survivants de grands invalides. Les 461 personnes concernées bénéficieront d’une majoration de pension accrue pour un total de 600 000 euros. Portée par l’action 1 Dette viagère, la faiblesse de ce montant est à mettre au regard des 53 millions de crédits de baisse des pensions militaires d’invalidité de victimes de guerre.

Évolution du nombre de BÉNÉFICIAIRES et des crÉdits DE PAIEMENT
de la PMI DEPUIS 2015

Source : données du ministère des armées.

Les crédits de l’action 2 Gestion des droits liés aux pensions militaires d’invalidité évoluent dans le même sens. Ils s’établissent à 121 millions d’euros en 2020 alors qu’ils étaient prévus à 130 millions d’euros en 2019

2.   Les dépenses en faveur de la retraite du combattant baissent malgré l’extension de la délivrance de la carte du combattant

En 2020, le Gouvernement prévoit 660 millions d’euros pour la retraite du combattant dont le budget est porté par l’action 1 Dette viagère. Cela correspond à une décrue de 48 millions d’euros, soit – 6,8 %.

Cette baisse intervient alors que depuis le 1er janvier, en application du PLF 2019, les personnes justifiant d’un engagement en Algérie, pendant une durée de 4 mois, dans le cadre des missions menées après l’indépendance du pays peuvent prétendre à la carte du combattant. Au total, le ministère estime que 50 000 cartes supplémentaires devraient être attribuées, dont 35 000 en 2019. Au 24 septembre 2019, 31 969 cartes du combattant ont été attribuées au titre de cette mesure, soit plus de 91 % de l’objectif fixé pour l’année. Cette réussite a été rendue possible grâce à la mobilisation sans faille de l’ONAC-VG et de son réseau de proximité. Un formulaire spécifique a, en effet, été mis en place pour réduire le délai de traitement des demandes ; ce qui a déjà permis de liquider, au 1er octobre 2019, environ 26 400 retraites du combattant. Le coût global de la mesure estimé pour 2020 est de 24 millions deuros ([5]).

Évolution du nombre de bÉnéficiaires et des crédits de la carte
du combattant depuis 2015

Source : données du ministère des armées.

En 2017-2018, les revalorisations de la retraite du combattant avec la hausse de 4 points d’indice et la revalorisation de la valeur de celui-ci constituaient des mesures de justice ([6]). Il s’agissait de rattraper le retard accumulé depuis 2012, date de la dernière hausse du point d’indice ([7]).

Le rapporteur spécial estime que nos anciens combattants doivent bénéficier des mesures de redistribution consenties ces derniers mois à une partie de la population. Le ministère lui a indiqué que la hausse d’un point d’indice au 1er juillet 2020 se traduirait par une augmentation de 3,2 millions d’euros pour le budget de l’année qui vient. Lors de l’examen des crédits de la mission en commission des finances le mercredi 23 octobre, le rapporteur a défendu un amendement visant à relever de deux points d’indice la retraite du combattant. Il a rappelé que les 6,4 millions d’euros que nécessiterait cette mesure étaient bien modiques au regard de la baisse de 48 millions d’euros prévue cette année. Cet amendement n’a malheureusement pas été adopté.

3.   La lisibilité des actions en faveur des rapatriés pourrait être améliorée.

Le ministère indique que les mesures en faveur des harkis sont poursuivies en 2020. Les crédits passent pourtant de 23,3 millions d’euros prévus en LFI 2019 à 18,6 millions d’euros dans le PLF 2020 pour l’action 7 Actions en faveur des rapatriés. À la dotation budgétaire s’ajoutent 3,1 millions d’euros qui seront financés par la trésorerie de l’ONAC-VG en faveur de cette action.

L’action 7 finance deux « opérations stratégiques » :

 les allocations de reconnaissance et viagère, versées respectivement aux harkis rapatriés âgés d’au moins soixante ans et à leurs conjoints ; ces allocations ont fait l’objet d’une revalorisation de 400 euros annuels par la LFI 2019. Les revalorisations expliquent en grande partie les augmentations de crédits consacrés à ces deux allocations, face à un nombre total de bénéficiaires en légère décrue. La dotation pour 2020 s’établit à 18,6 millions d’euros contre 13,7 millions en 2019.

 aucune dépense n’est prévue pour les autres mesures en faveur des rapatriés et pour la mise en application du nouveau dispositif d'aide à destination des enfants d'anciens harkis, moghaznis et supplétifs. Ils seront pris en charge par la trésorerie de l’ONAC-VG.

La subdivision en sous-action n’est pas de mise pour cette action. Or le rapporteur spécial souligne que la présentation par sous-action accroît fortement la lisibilité du programme 169 puisqu’elle permet de suivre l’évolution des crédits pour chacun des dispositifs de reconnaissance et de réparation. Le rapporteur spécial apprécierait que cette présentation soit reprise pour l’action 7. Les deux « opérations stratégiques » correspondraient aux deux nouvelles sous-actions.

B.   Un prÉlÈvement important sur la trÉsorerie de l’ONAC-VG dont l’organisation Évolue

Dans un but critiquable de maîtrise de la dépense public, un prélèvement de 17,5 millions d’euros sur la trésorerie de l’office national des anciens combattants et victimes de guerre est prévu en 2020. Par ailleurs, l’opérateur connaît une restructuration importante pour s’adapter à la baisse du nombre de ses ressortissants.

1.   La mobilisation de la trésorerie de l’opérateur à hauteur de 17,5 millions d’euros ne bénéficie pas au monde combattant et brouille la lisibilité du programme 169

Le prélèvement de 17,5 millions d’euros sur la trésorerie de
l’ONAC- VG est critiquable du fait de sa finalité et parce qu’il perturbe la lisibilité des crédits de la mission.

La mise à contribution des fonds propres de l’ONAC-VG a pour objectif la maîtrise des dépenses de l’État. La répartition des 17,5 millions d’euros prélevés se décline comme suit :

– 4,41 millions d’euros en faveur de la politique de mémoire (action 2 du programme 167) ;

– 3,1 millions d’euros pour maintenir les crédits des mesures destinées aux rapatriés (action 7 programme 169) ;

– 9,94 millions d’euros seront déduits de la subvention pour charges de service public de l’établissement (action 3 du programme 169).

Le principe d’un prélèvement sur la trésorerie de l’ONAC-VG n’est pas remis en cause tant qu’il ne place pas l’opérateur en difficulté financière. Comme le lui a indiqué au cours d’une audition la directrice de l’opérateur, Mme Véronique Peaucelle-Delelis, son niveau était relativement confortable depuis quelques années. À la fin de l’année 2018, il atteignait 44,5 millions d’euros et devrait s’établir à 36,1 millions d’euros fin 2019. Les projections pour les prochaines années sont plus préoccupantes (14,5 millions d’euros fin 2020 et 10 millions d’euros fin 2021). Il convient que cette mobilisation de trésorerie demeure exceptionnelle.

Le rapporteur spécial regrette l’usage qui est fait de ces fonds. Par ce biais, des économies sont effectuées sur les deux actions précitées. Les crédits ainsi libérés auraient été plus opportunément utilisés pour revaloriser des dispositifs existants. Une revalorisation d’un point d’indice de la retraite du combattant n’aurait coûté que 9,6 millions d’euros par exemple.

De plus, la lisibilité des actions en cause sera perturbée. Il sera en effet plus difficile de suivre l’exécution des crédits, et le suivi des moyens accordés à ces deux mesures d’une année sur l’autre nécessitera des retraitements. De ce point de vue, il aurait été préférable que le prélèvement sur la trésorerie ne porte que sur la subvention pour charge de service public de l’ONAC-VG.

2.   Une baisse des effectifs en attente d’une évolution de l’opérateur

L’ONAC-VG connaît des transformations non négligeables afin de s’adapter à la baisse du nombre de ses ressortissants.

L’ONAC-VG demeure le guichet unique pour la réparation de l’État envers le monde combattant. Il a su intégrer des missions nouvelles pour s’adapter à de nouveaux publics (quatrième génération du feu, populations rapatriées, victimes d’acte terroristes). Ces ajustements rapides n’ont été possibles que grâce au réseau de proximité sur lequel s’appuie l’opérateur. En plus de leurs missions, les 105 services de proximité animent, en effet, un vaste réseau de partenaires associatifs et institutionnels œuvrant dans les domaines de la mémoire, de la solidarité, de la reconnaissance et de la réparation.

L’office doit aujourd’hui faire face à l’accentuation de la baisse du nombre de ses ressortissants. Entre 2013 et 2018, ils sont passés de 2,98 à 2,35 millions ; en 2023, ils ne seraient plus que 1,83 million. La baisse de la subvention pour charge de service public a contraint l’établissement à demander son classement en restructuration (restructuration actée par arrêté ministériel du 1er octobre 2019). Elle prévoit, en 2020, la suppression nette de 42 emplois (33 ETPT), à laquelle s’ajoute le transfert de 4 emplois vers le ministère des affaires étrangères du fait de la fermeture programmée du service de Tunisie. 25 emplois seront supprimés dans les services départementaux, 10 en Algérie et Tunisie, et les 7 restants, au siège.

L’office conduit également une politique de dématérialisation d’une partie des procédures comme les demandes de carte du combattant ou de titre de reconnaissance de la nation. Il s’agit de faciliter les démarches pour les usagers et d’accélérer le traitement des demandes par les personnels de l’opérateur. Il est également proposé de compléter ces démarches en ligne par une plate-forme téléphonique nationale (basée à Caen) où les ressortissants pourraient obtenir des renseignements sur leurs droits.

Enfin, une mission d’inspection conjointe portant sur l’avenir de l’ONAC-VG est menée conjointement par l’inspection générale des finances, l’inspection générale de l’administration et le contrôle général des armées. Les recommandations de cette mission pourront être utilisées pour bâtir le futur contrat d’objectif de l’ONAC-VG. Auditionnée pour la préparation de ce rapport, la directrice générale de l’établissement, Mme Véronique Peaucelle‑Delelis, a manifesté son projet de services locaux davantage « mobiles », ciblant mieux les besoins spécifiques des régions d’implantation. Un partenariat avec les maisons France services est également envisagé.

Le rapporteur spécial insiste sur l’impératif de conserver le maillage territorial de l’ONAC-VG qui est le principal atout de l’opérateur dans l’exercice de ses missions. Le rapporteur spécial veillera donc à ce que les transformations envisagées pour l’office ne deviennent pas un prétexte pour réduire la présence de proximité ou dégrader la qualité des services pour les personnes accompagnées. La secrétaire générale pour l’administration, Mme Isabelle Saurat, lui a confirmé que le ministère était soucieux de préserver le réseau territorial de l’office.

III.   LE PROGRAMME 158 INDEMNISATION DES VICTIMES DES PERSÉCUTIONS ANTISÉMITES ET DES ACTES DE BARBARIE

Si le programme 158 ne représente qu’un peu plus de 4 % des crédits de la mission Anciens combattants, son poids symbolique y est considérable. Il rassemble trois dispositifs en faveur des victimes de la Seconde guerre mondiale ou de leurs ayants-cause. Il sera financé à hauteur de 93,5 millions d’euros en 2020, soit une baisse de 11,7 % par rapport à la LFI pour 2019.

Évolution des crÉdits de paiement du programme 169 par action

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme et de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiements

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

Part du programme

01 – Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation

53,47

42,48

 20,5 %

53,47

42,48

 20,5 %

45,4 %

02 – Indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale

52,44

51,05

 2,6 %

52,44

51,05

 2,6 %

54,6 %

158 – Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

105,90

93,54

 11,7 %

105,90

93,54

 11,7 %

 

L’architecture actuelle de l’action 1 associe le dispositif en faveur des orphelins des victimes des persécutions antisémites à celui de la réparation des victimes de spoliations. Ces deux dispositifs devraient être scindés en actions distinctes et les moyens en faveur de la réparation de la dette envers les victimes de spoliations méritent d’être étendus.

A.   L’horizon budgétaire, comme le mode de fonctionnement des deux dispositifs en faveur des victimes des législations antisémites sont tout à fait différents

Les deux politiques de réparation portée par l’action 1 du programme 158 peuvent s’adresser aux mêmes personnes mais présentent peu d’autres points communs.

Les crédits en faveur de l’indemnisation des victimes de spoliations peuvent varier considérablement. Ils s’élèvent à 7,8 millions d’euros cette année, soit 9 millions d’euros de moins que l’an dernier. En 2019, un arbitrage d’un montant équivalent était anticipé. L’importance de cet arbitrage démontre bien la rémanence d’une dette de l’État envers les victimes de spoliations de la Seconde guerre mondiale, qui ne doit pas être sous‑estimée.

À la suite de la mission Mattéoli ([8]), constituée dans le prolongement du discours du Président de la République M. Jacques Chirac, le 16 juillet 1995, lors de la commémoration de la rafle du Vél’ d’Hiv, une commission d’indemnisation des victimes de spoliations (la CIVS) a été créée en 1999. C’est elle qui se charge de l’instruction des dossiers des victimes de spoliations.

Le montant total des indemnisations recommandées par la commission depuis le début de ses travaux jusqu’au 31 décembre 2018 s’élève à 528 millions d’euros mis à la charge de l’État. Toutefois, le rapport du 6 juin 2018 de M. Marc Laménie ([9]) estime que « la CIVS ne réunit pas les conditions adéquates pour une résolution pleinement performante d’une dette de réparation dont la résorption appelle des moyens plus développés que ceux actuellement réunis ».

La réparation envers les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites progresse, quant à elle, plus linéairement. Ses crédits s’établissent à 34,7 millions d’euros. Les bénéficiaires ont le choix entre un capital au montant fixe de 27 440,82 euros ou une rente viagère dont le montant mensuel s’élève à 615,08 euros en 2020.

 

Selon les vœux des bénéficiaires, sur les 13 648 indemnisations accordées, 6 648 l’ont été sous forme de capital (49 %) et 7 000 sous forme de rente viagère (51 %) pour un montant total de 855 millions d’euros au 31 juillet 2019. La quasi-totalité des dossiers ont d’ores et déjà été traités et l’ONAC‑VG, chargé d’instruire les demandes reçues au titre du décret du 13 juillet 2000 ([10]), enregistre un nombre restreint de demandes nouvelles (12 en 2016, 11 en 2017, 11 en 2018).

Le rapporteur spécial appelle à revoir l’architecture budgétaire de ce programme et de scinder son action 1 en deux.

B.   L’indemnisation des orphelins de victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale se poursuit

L’action 2 concerne, quant à elle, la mise en œuvre du décret n° 2004‑751 du 27 juillet 2004 qui prévoit une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale.

Pour ces orphelins, l’aide financière prend la même forme que pour ceux des victimes de persécutions antisémites (capital de 27 440 euros ou rente viagère mensuelle 615,08 euros en 2020). Pour cela, 51,1 millions d’euros sont prévus cette année, soit 2,6 % de moins que pour la LFI 2019.

Au 31 juillet 2019, 39 000 bénéficiaires étaient indemnisés. Depuis le début de la campagne d’indemnisation, 22 754 décisions d’indemnisation ont été prises pour un coût complet de 1 085 millions d’euros.

 


—  1 —

   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 23 octobre 2019 soir, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Anciens combattants. Le compte rendu de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblé nationale ([11]).

Contrairement aux recommandations du rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission, après avoir adopté un amendement de crédit visant à compenser vingt-six personnes, membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun mais ne bénéficiant pas actuellement de l’allocation de reconnaissance.

 


—  1  —

   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) :

– Mme Véronique Peaucelle‑Delelis, directrice générale

Ministère des armées :

– Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l’administration

– M. Quentin Spooner, chargé de mission

– M. Christophe Magnenet, Chargé de mission


([1]) Source : ministère des armées.

([2]) Dispositif d’insertion socioprofessionnelle créé en 1961, au profit des jeunes adultes d’outre-mer âgés de 18 à 25 ans, sans formation et sans emploi

([3]) Étude d’impact du Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, 6 février 2018.

([4]) Créé par l’arrêté du 23 décembre 2015.

([5]) Source : données du ministère des armées.

([6]) Hausses du point d’indice en 2017 :

– 2 points d’indice, de 48 à 50, au 1er janvier 2017 (art 1 du décret n° 2016-1904 du 28 décembre 2016),

– 2 points d’indice, de 50 à 52, au 1er septembre 2017 (art 1 du décret n° 2016-1904 du 28 décembre 2016).

La valeur du point d’indice PMI est actuellement fixée à 14,45 euros (arrêté du 5 novembre 2018 avec effet rétroactif au 1er avril 2017).

([7]) 4 points d’indice, de 44 à 48, au 1er juillet 2012 (art. 116 de la loi de finances 2012).

([8]) Mission d’étude sur les spoliations perpétrées durant l’occupation contre les juifs résidant en France

([9]) Rapport d’information de M. Marc Laménie fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le bilan de l’action de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations

([10]) Décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 relatif à la réparation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites.  

([11]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/cr-cfiab/19-20/c1920018.pdf