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N° 2311

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2019

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

 

tendant à la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de Paris le jeudi 3 octobre 2019 (n°2290)

PAR M. Guillaume VUILLETET,

Député

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SOMMAIRE

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Pages

 

AVANT-PROPOS............................................ 5

 

Compte rendu des débats


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MESDAMES, MESSIEURS,

M. Éric Ciotti a déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la Préfecture de police le jeudi 3 octobre 2019.

Lors de la Conférence des Présidents du 8 octobre dernier, M. Christian Jacob, président du groupe Les Républicains, a indiqué qu’il faisait usage, pour cette proposition, du « droit de tirage » que le deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale reconnaît à chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire ([1]), une fois par session ordinaire.

Par conséquent, et conformément au second alinéa de l’article 140 du Règlement, il revient à la commission des Lois, à laquelle a été renvoyée la présente proposition de résolution, de vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies. Il ne lui appartient pas de se prononcer sur l’opportunité d’une telle création.

De même, la proposition de résolution ne sera pas soumise au vote de l’Assemblée nationale : en effet, en application du deuxième alinéa de l’article 141 précité, la Conférence des Présidents « prend acte de la création de la commission d’enquête » dès lors que cette création répond aux exigences fixées par l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et au chapitre IV de la première partie du titre III du Règlement.

Ces exigences sont présentées ci-après.

Extraits du Règlement de lAssemblée nationale

Article 137

Les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont déposées sur le bureau de l’Assemblée. Elles doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion. Elles sont examinées et discutées dans les conditions fixées par le présent Règlement.

Article 138

1.  Est irrecevable toute proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ayant le même objet qu’une mission effectuée dans les conditions prévues à l’article 145-1 ou qu’une commission d’enquête antérieure, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l’une ou de l’autre.

2.  L’irrecevabilité est déclarée par le Président de l’Assemblée. En cas de doute, le Président statue après avis du Bureau de l’Assemblée.

Article 139

1.  Le dépôt d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête est notifié par le Président de l’Assemblée au garde des Sceaux, ministre de la Justice.

2.  Si le garde des Sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. Si la discussion est déjà commencée, elle est immédiatement interrompue.

3.  Lorsqu’une information judiciaire est ouverte après la création de la commission, le Président de l’Assemblée, saisi par le garde des Sceaux, en informe le président de la commission. Celle-ci met immédiatement fin à ses travaux.

● En premier lieu, les propositions de résolution tendant à la création de commissions d’enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion », en application de l’article 137 du Règlement de l’Assemblée nationale.

En l’occurrence, les faits sur lesquels la commission d’enquête devra se pencher semblent définis avec une précision suffisante puisque, selon l’article unique de la proposition de résolution, elle serait chargée d’examiner les conditions dans lesquelles une personne présentant des signes de dangerosité a pu être employée au sein de la préfecture de police de Paris et d’évaluer les dispositifs de détection de la radicalisation dans les services de l’État et plus particulièrement dans les services de sécurité.

● En second lieu, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont recevables sauf si, dans l’année qui précède leur discussion, a eu lieu une mission d’information ayant fait usage des pouvoirs dévolus aux rapporteurs des commissions d’enquête demandés dans le cadre de l’article 145-1 du Règlement ou une commission d’enquête ayant le même objet ([2]).

Or ce n’est pas le cas ici, la proposition de résolution visant un évènement dramatique s’étant déroulé au cours des derniers jours. La proposition de résolution remplit donc le deuxième critère de recevabilité.

● Enfin, en application de l’article 139 du Règlement de l’Assemblée nationale, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux « fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Le troisième alinéa du I de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit, quant à lui, que la mission d’une commission d’enquête déjà créée « prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter ».

Interrogée par le Président de l’Assemblée nationale conformément au premier alinéa de l’article 139 précité, Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice, lui a fait savoir, dans un courrier en date du 14 octobre 2019, que le périmètre de la commission d’enquête envisagée était « susceptible de recouvrir pour partie l’enquête judiciaire en cours ». La commission devra donc veiller, tout au long de ses travaux, à ne pas faire porter ses investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l’autorité judiciaire.

Sous cette réserve, il apparaît que la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la Préfecture de police le jeudi 3 octobre 2019 est juridiquement recevable.

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   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du 15 octobre, la Commission examine la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la Préfecture de police le jeudi 3 octobre 2019 (n° 2290) (M. Guillaume Vuilletet, rapporteur).

M. le vice-président Stéphane Mazars. Nous examinons, ce matin, une proposition de résolution de M. Éric Ciotti tendant à la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la Préfecture de police le jeudi 3 octobre 2019.

Le groupe Les Républicains fait usage, sur cette proposition de résolution, du « droit de tirage » que le deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale lui reconnaît. Conformément au deuxième alinéa de l’article 140 du Règlement, il revient à notre commission de vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies. Désormais, nous n’avons plus à nous prononcer sur l’opportunité d’une telle création. Je vous propose, en conséquence, de nous en tenir aux seules questions de recevabilité.

Notre rapporteur, M. Guillaume Vuilletet, qui vous a préalablement envoyé son projet de rapport, va nous faire part de ses conclusions.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur. Notre collègue Éric Ciotti a déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la Préfecture de police le jeudi 3 octobre 2019.

Lors de la Conférence des Présidents du 8 octobre dernier, M. Christian Jacob, président du groupe Les Républicains, a indiqué qu’il faisait usage, pour cette proposition, du « droit de tirage » que le deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale reconnaît à chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire, une fois par session ordinaire.

Par conséquent, et conformément au second alinéa de l’article 140 du Règlement, il revient à la commission des Lois, à laquelle a été renvoyée la présente proposition de résolution, de vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies. Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur l’opportunité d’une telle création.

De même, la proposition de résolution ne sera pas soumise au vote de l’Assemblée nationale : en effet, en application du deuxième alinéa de l’article 141 précité, la Conférence des Présidents « prend acte de la création de la commission d’enquête » dès lors que cette création répond aux exigences fixées par l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et au chapitre IV de la première partie du titre III du Règlement.

Mon rapport s’est donc concentré sur l’examen des conditions de recevabilité.

En premier lieu, les propositions de résolution tendant à la création de commissions d’enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion », en application de l’article 137 du Règlement de l’Assemblée nationale.

En l’occurrence, les faits sur lesquels la commission d’enquête devra se pencher me semblent définis avec une précision suffisante puisqu’elle serait chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de Paris le 3 octobre 2019.

En second lieu, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont recevables sauf si, dans l’année qui précède leur discussion, a eu lieu une mission d’information ayant fait usage des pouvoirs dévolus aux rapporteurs des commissions d’enquête demandés dans le cadre de l’article 145-1 du Règlement ou une commission d’enquête ayant le même objet.

Or ce n’est pas le cas ici, la proposition de résolution visant un évènement dramatique s’étant malheureusement déroulé au cours des derniers jours. La proposition de résolution remplit donc le deuxième critère de recevabilité.

Enfin, en application de l’article 139 du Règlement de l’Assemblée nationale, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux « fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Le troisième alinéa du I de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit, quant à lui, que la mission d’une commission d’enquête déjà créée « prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter ».

Interrogée par le Président de l’Assemblée nationale conformément au premier alinéa de l’article 139 précité, Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice, lui a fait savoir, dans un courrier en date du 14 octobre 2019, que le périmètre de la commission d’enquête envisagée était « susceptible de recouvrir pour partie l’enquête judiciaire en cours ». La commission devra donc veiller, tout au long de ses travaux, à ne pas faire porter ses investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l’autorité judiciaire.

Sous cette réserve, il me semble, mes chers collègues, que la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la Préfecture de police le jeudi 3 octobre 2019 est juridiquement recevable.

M. Éric Ciotti. Monsieur le rapporteur, je prends acte avec satisfaction des conclusions de votre rapport portant sur la recevabilité de notre commission d’enquête, souhaitée par le groupe Les Républicains, présidé par M. Christian Jacob, suite à ma proposition de résolution.

Les évènements tragiques du 3 octobre dernier à la préfecture de police ont sidéré notre pays puisque, pour la première fois, c’est une institution majeure de la République qui a été touchée en son sein par un acte terroriste commis par un membre de son personnel et qui a entrainé la mort de quatre fonctionnaires de police. Cette affaire, au-delà de son caractère tragique et des conséquences terrifiantes pour les familles concernées doit conduire à s’interroger sur nos mécanismes de protection puisque c’est un service de renseignement, engagé dans la lutte contre le terrorisme, qui a été frappé. Il a été frappé, et ce sera l’objet de notre commission d’enquête, parce que le terroriste était membre de la préfecture de police depuis plusieurs années. Alors même qu’il présentait des signes évidents de radicalisation, l’attaquant n’a pas été empêché de commettre son sinistre forfait.

Ce que nous souhaitons par cette commission d’enquête parlementaire, conformément au texte de l’article unique de la proposition de résolution qui élargit le champ d’investigation, c’est évaluer le mécanisme de détection et de prévention de la radicalisation au sein de l’État et en particulier des professions sensibles. Notre objectif est de faire progresser les mécanismes de sécurité.

Il ne s’agit pas de faire un procès politique à quiconque. Le débat a eu lieu. Il ne s’agit pas d’empiéter sur l’enquête judiciaire en cours sous l’autorité du parquet national antiterroriste. Loin des polémiques, nous évaluerons les dispositifs actuels de détection.

Une mission d’information s’est déjà penchée récemment sur ce sujet. Elle a été très bien menée par nos collègues Éric Diard et Éric Pouillat mais aucune conclusion à ce jour n’a été tirée par les autorités compétentes.

Nous comptons mener rapidement nos travaux afin de formuler des propositions qui, je l’espère, pourront conduire à des traductions législatives ou réglementaires, ou à des modifications organisationnelles. Certes, le risque zéro n’existera jamais mais nous voulons faire progresser nos outils de protection.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur. Je prends acte que vous souhaitez travailler sereinement dans un contexte qui ne l’a pas forcément été jusqu’à présent.

Vous l’avez rappelé M. Ciotti, nous disposons déjà des travaux menés par Éric Diard et Eric Pouillat très récemment. Il faudra demander à l’exécutif dans quelle mesure il travaille sur les propositions formulées.

Cette commission d’enquête devra composer avec deux limites, celle du secret défense et celle du secret de l’instruction mais l’objectif sera de faire progresser la cause que vous venez d’évoquer.

Mme Marie Guévenoux. Pour rebondir sur les propos de MM. Vuilletet et Ciotti, je comprends de cette résolution que la commission d’enquête va travailler à établir les dysfonctionnements et les failles de service.

Pour être crédibles, il nous faudra faire preuve de rigueur, ce qui suppose de respecter scrupuleusement le secret de la défense nationale qui participe de la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation et le principe de la séparation des pouvoirs, auquel nous sommes sensibles en tant que législateur et que citoyen en application de l’article 16 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.

S’agissant de l’élargissement de la résolution à la détection de la radicalisation dans les services de l’Etat, il faudra faire preuve de vigilance. Les « services de l’Etat » me semblent être un champ très large, même si vous mentionnez particulièrement les services de sécurité. Il conviendra de ne pas être redondant avec la mission de nos collègues MM. Pouillat et Diard.

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La Commission, en application de l’article 140, alinéa 2, du Règlement, constate que sont réunies les conditions requises pour la création de la commission d’enquête demandée par le groupe Les Républicains sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la Préfecture de police le jeudi 3 octobre 2019.


([1]) Aux termes du deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement, « chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, la création d’une commission d’enquête satisfaisant aux conditions fixées aux articles 137 à 139 ».

([2]) Article 138 du Règlement de l’Assemblée nationale.