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N° 2554

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 janvier 2020.

 

 

 

 

RAPPORT

 

 

FAIT

 

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la lutte contre les fraudes aux prestations sociales,

 

 

 

 

Par M. Pascal BRINDEAU,

Député.

 

——

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  2485.


 

 

 


 

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

travaux de la commission

Texte de la proposition de résolution

Article unique


—  1  —

 

    

   introduction

● Le président du groupe UDI, Agir et Indépendants, M. Jean-Christophe Lagarde, ainsi que le rapporteur et ses collègues du groupe ont déposé, le 5 décembre 2019, une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la lutte contre les fraudes aux prestations sociales (n° 2485).

L’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et les articles 137 à 144-2 du Règlement de l’Assemblée nationale fixent le régime de la création et du fonctionnement d’une commission d’enquête parlementaire.

L’article 140 dispose ainsi que « les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont renvoyées à la commission permanente compétente ». En l’occurrence, la présente proposition de résolution a donc été renvoyée à la commission des affaires sociales.

Dans le cadre de la procédure de droit commun, la commission saisie au fond doit, d’une part, vérifier si les conditions requises pour la création d’une commission d’enquête sont réunies et, d’autre part, se prononcer sur son opportunité. Dans l’hypothèse où la commission conclut positivement sur ces deux points, la création résulte dans un dernier temps du vote par l’Assemblée de la proposition de résolution déposée à cet effet.

Afin de renforcer l’expression des groupes minoritaires et d’opposition, le Règlement prévoit également l’application de dispositions spécifiques.

Ces groupes parlementaires sont ainsi fondés à exercer un « droit de tirage » dont la garantie a été sensiblement améliorée par la réforme du Règlement adoptée en novembre 2014 ([1]). L’article 141 prévoit en effet que « chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, la création d’une commission d’enquête ». En l’occurrence, le président du groupe UDI, Agir et Indépendants, par un courrier en date du 5 décembre 2019, a manifesté au Président de l’Assemblée nationale son intention d’exercer son « droit de tirage ».

Dans ce cas de figure, en application de l’article 140-2 du Règlement, le rôle de la commission saisie au fond se limite à vérifier si les conditions de recevabilité sont remplies. Elle n’a pas à se prononcer sur l’opportunité de la création de la commission d’enquête, aucun amendement n’étant par ailleurs recevable. Enfin, la Conférence des présidents prend acte de la création de la commission d’enquête si la commission saisie au fond conclut à la recevabilité de la proposition de résolution.

● Les articles 137 à 139 du Règlement fixent les conditions de cette recevabilité.

L’article 137 du Règlement prévoit que les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion ». Cette disposition est directement inspirée par l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 précitée.

En l’espèce, l’article unique de la proposition de résolution vise à créer une commission d’enquête ayant pour objet la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, en vue d’établir « un état des lieux des pratiques » ainsi que des « moyens mis en œuvre pour lutter contre ces fraudes ».

La question de la fraude fait régulièrement l’objet de travaux législatifs et de contrôle. La notion plus précise de fraude aux prestations sociales renvoie clairement à l’obtention intentionnelle et indue de transferts en espèces ou en nature permettant de couvrir différents risques sociaux ([2]), à l’exclusion donc de la fraude aux cotisations sociales.

Par ailleurs, la résolution fait directement suite aux difficultés rencontrées par Mmes Nathalie Goulet et Carole Grandjean dans le cadre de la mission que le Gouvernement leur avait confiée sur le même sujet ([3]), mission qui n’a pas permis de « chiffrer le montant de la fraude aux prestations sociales, faute de moyens techniques mis à leur disposition mais surtout en raison de l’absence voire du refus de répondre de certains responsables d’administrations », comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de résolution.

Cette dernière doit donc être regardée comme définissant précisément les faits sur lesquels porterait la commission d’enquête, au sens de l’article 137 du Règlement précité.

L’article 138 du Règlement prévoit quant à lui l’irrecevabilité de « toute proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ayant le même objet qu’une mission effectuée dans les conditions prévues à l’article 145-1 ou qu’une commission d’enquête antérieure, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l’une ou de l’autre ».

Dans le cas présent, l’Assemblée nationale ne s’est pas penchée sur la question de la fraude aux prestations sociales depuis neuf ans. Pour mémoire, la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) avait alors réalisé un rapport d’information sur la lutte contre la fraude sociale, remis en juin 2011 ([4]).

Aussi aucune commission d’enquête ni aucune mission d’information effectuée dans les conditions prévues à l’article 145-1 – c’est-à-dire qui s’est vue attribuer les prérogatives d’une commission d’enquête – ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois n’avait le même objet.

Enfin, l’article 139 précise qu’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête parlementaire ne peut être discutée lorsque « des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Cette disposition est également inspirée de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 précitée.

À cet effet, le dépôt de la proposition de résolution doit être notifié par le Président de l’Assemblée au garde des sceaux, ministre de la justice.

En l’espèce, interrogée par le Président de l’Assemblée nationale, Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, lui a fait savoir par lettre du 7 janvier 2020 que la « commission d’enquête parlementaire envisagée est susceptible de recouvrir pour partie plusieurs procédures judiciaires en cours, portant notamment sur les délits d’escroquerie et de déclaration fausse ou incomplète en vue d’obtenir le versement d’une prestation sociale indue » et, selon la formule désormais consacrée, la garde des sceaux d’appeler « ainsi son attention sur l’articulation de l’enquête parlementaire avec ces procédures judiciaires ».

Cette réponse atteste que la procédure signalée par la garde des sceaux ne fait pas en soi obstacle à la création de la commission d’enquête. Cette dernière devra veiller, comme toujours, à ce que ses investigations n’empiètent pas sur la compétence exclusive de l’autorité judiciaire.

En conséquence, le rapporteur estime que la proposition de résolution répond aux conditions fixées par l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée et par les articles 137 à 139 du Règlement de l’Assemblée nationale.

Aucun obstacle ne s’oppose donc à la création de la commission d’enquête.

 


—  1  —

 

   travaux de la commission

La commission examine, en application de l’article 140, alinéa 2, du Règlement, la proposition de résolution de M. Jean-Christophe Lagarde tendant à la création d’une commission d’enquête sur la lutte contre les fraudes aux prestations sociales (n° 2485).

Mme Michèle Peyron, présidente. Je rappelle que le groupe UDI, Agir et indépendants a fait usage à cette occasion du droit de tirage conféré par l’article 141 du Règlement aux groupes d’opposition ou minoritaires, qui leur permet de demander la création d’une commission d’enquête une fois par session ordinaire. En application de l’article 140, il revient dès lors à notre commission de vérifier que les conditions fixées par les articles 137 à 139 sont réunies.

M. Pascal Brindeau, rapporteur. Je tiens tout d’abord à vous remercier de m’accueillir au sein de votre commission. Je souhaitais défendre personnellement la création de cette commission d’enquête, proposée dans le cadre du droit de tirage du groupe UDI, Agir et Indépendants.

Les règles de création des commissions d’enquête sont soumises aux dispositions spécifiques de l’ordonnance du 17 novembre 1958 et du Règlement de notre assemblée. De manière générale, il appartient à la commission permanente compétente au fond d’examiner les conditions de recevabilité de la résolution et l’opportunité de la création de la commission d’enquête. Cependant, en application de l’article 141 de notre Règlement, chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, la création d’une commission d’enquête. En l’occurrence, mon collègue et président de groupe Jean-Christophe Lagarde a manifesté au Président de l’Assemblée nationale son intention d’exercer son droit de tirage, par un courrier en date du 5 décembre 2019. Notre rôle se borne donc, au regard de ces dispositions combinées, à vérifier que les conditions de recevabilité sont remplies. Si la commission des affaires sociales conclut en ce sens, la conférence des présidents pourra acter la création de la commission d’enquête très prochainement.

Les articles 137 à 139 du Règlement subordonnent la recevabilité à trois conditions. L’article 137 dispose que les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion ». En l’occurrence, l’article unique de la proposition de résolution vise à créer une commission d’enquête sur la « lutte contre les fraudes aux prestations sociales ». Il me semble que les notions de « fraudes » et de « prestations sociales » sont suffisamment claires pour que le périmètre de la commission d’enquête soit nettement défini. Il s’agit bien sûr de s’intéresser à des pratiques délibérées d’obtention de ces prestations, et non à de simples erreurs des bénéficiaires. L’emploi du pluriel vise à couvrir la très grande variété des pratiques frauduleuses, sans en stigmatiser aucune. La commission d’enquête a pour objet de faire le tour de la question, notamment afin d’évaluer l’ampleur du phénomène.

La notion de « prestations sociales », quant à elle, excède le strict champ des prestations versées par la sécurité sociale ; elle peut englober des versements de l’État, des collectivités territoriales ou encore des régimes paritaires – tels que l’assurance chômage ou la retraite complémentaire –, conformément aux définitions usuellement retenues par l’administration et les statistiques publiques.

Chacun aura par ailleurs compris que la commission d’enquête entend prolonger les travaux engagés par nos collègues Carole Grandjean et Nathalie Goulet, fort bien exposés à l’instant, et ainsi surmonter les difficultés qu’elles ont rencontrées pour accéder à certaines informations indispensables.

La proposition de résolution définit donc précisément les faits sur lesquels porterait la commission d’enquête.

L’article 138 du Règlement, pour sa part, rend irrecevable la création d’une commission d’enquête ayant le même objet qu’une commission d’enquête ou une mission d’information disposant des mêmes pouvoirs et ayant achevé ses travaux depuis moins d’un an. Dans le cas présent, l’Assemblée nationale ne s’est pas penchée sur la fraude aux prestations sociales depuis neuf ans – date des travaux que Dominique Tian avait menés dans le cadre de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS). Il n’a jamais été créé, sur cette question, de commission d’enquête ni de mission d’information disposant des prérogatives d’une commission d’enquête. La condition posée par l’article 138 est donc remplie : aucune commission d’enquête ni aucune mission d’information ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois n’avait le même objet.

Enfin, l’ordonnance du 17 novembre 1958 et l’article 139 du Règlement précisent qu’une commission d’enquête parlementaire ne peut être créée lorsque « des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Interrogée par le président de l’Assemblée nationale, Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, lui a fait savoir, par lettre du 7 janvier 2020, que la « commission d’enquête parlementaire envisagée est susceptible de recouvrir pour partie plusieurs procédures judiciaires en cours, portant notamment sur les délits d’escroquerie et de déclaration fausse ou incomplète en vue d’obtenir le versement d’une prestation sociale indue » et, selon la formule désormais rituelle, « appelle ainsi son attention sur l’articulation de l’enquête parlementaire avec ces procédures judiciaires ».

Dans la mesure où l’objet de la commission d’enquête n’est pas d’interférer avec ces procédures mais bien d’identifier, par les moyens qui lui sont dévolus, l’ampleur du phénomène des fraudes aux prestations ainsi que les réponses à y apporter, j’estime que la procédure mentionnée ne fait pas en soi obstacle à la création de la commission.

Je vous propose donc de constater que la proposition de résolution répond aux conditions fixées par l’ordonnance du 17 novembre 1958 et par les articles 137 à 139 du Règlement de l’Assemblée nationale et, en conséquence, qu’aucun obstacle ne s’oppose à la création de la commission d’enquête.

M. Patrick Hetzel. Je remercie notre collègue Brindeau pour sa présentation. La proposition de résolution étant issue du droit de tirage du groupe UDI, Agir et Indépendants, il ne revient pas aux autres groupes de se prononcer sur l'opportunité de la création d'une commission d'enquête, mais sur la recevabilité de la proposition de résolution. Notre groupe considère que les arguments qui viennent d'être développés plaident en faveur de cette recevabilité. C’est pourquoi nous soutiendrons la création de cette commission d'enquête, en espérant qu'elle permette de clarifier les termes du débat.

Nos échanges de ce matin l’ont souligné : nous ne savons rien du montant réel de la fraude. En outre, nous espérons que la commission d'enquête contribuera à rappeler aux responsables de nos administrations qu'ils doivent être au service du Parlement lorsque ce dernier enquête, et doivent donc répondre à toutes ses questions.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Bien sûr, notre groupe votera pour la proposition de résolution, d’autant qu’il s’agit de poursuivre les travaux menés par Mmes Carole Grandjean et Nathalie Goulet. Nous espérons tous que cette commission aura des moyens d’enquête suffisants pour aller plus loin et estimer de manière fiable le montant de la fraude. Peut-être pourra-t-elle alors faire des propositions pour y remédier.

Mme Carole Grandjean. Nous prenons acte de la création de la commission d’enquête. Je rappellerai simplement que de nombreux travaux ont déjà été menés, qui pourront alimenter les vôtres. En outre, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoit la réalisation d’un audit sur les bases de données. Ces dernières sont à l’origine des nombreuses difficultés de chiffrage que nous avons rencontrées.

M. le rapporteur. Bien entendu, les travaux déjà réalisés seront une base fondamentale pour l'enquête que nous allons mener dans les prochains mois.

*

*     *

 

En application de l’article 140 alinéa 2 du Règlement, la commission constate que les conditions requises pour la création de la commission d’enquête sur la lutte contre les fraudes aux prestations sociales sont réunies.

*

*     *

M. Patrick Hetzel. Quelle est la suite de la procédure ? Pouvez-vous déjà nous communiquer un calendrier ?

Mme Michèle Peyron, présidente. Non, mais la Conférence des présidents devrait prendre acte de la création de la commission d’enquête mardi prochain. Les groupes seront ensuite sollicités pour désigner ses membres.

 

 

 

 


   Texte de la proposition de résolution

Article unique

Une commission d’enquête, composée de trente députés, est créée en application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale. Cette commission sera chargée de réaliser un état des lieux des pratiques de fraudes aux prestations sociales, ainsi que des moyens mis en œuvre pour lutter contre ces fraudes.


([1]) Résolution n° 437 du 28 novembre 2014.

([2]) C’est par exemple la définition qu’utilise l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ou la direction de la recherche économique et des études statistiques (DREES) pour quantifier ces prestations sociales. Sont régulièrement retenues six catégories de risque : vieillesse et survie, santé, maternité-famille, perte d’emploi, difficultés de logement et pauvreté ou exclusion sociale.

([3]) Lettre de mission du Premier ministre en date du 28 mai 2019 confiant aux deux parlementaires une « mission d’évaluation de la fraude aux prestations sociales ».

([4]) Rapport réalisé par M. Dominique Tian, disponible ici : http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i3603.pdf.