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N° 2722

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 février 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi visant à promouvoir et démocratiser l’accès aux colonies de vacances,

 

TOME II

COMPTE RENDU

 

 

Par Mme Sabine RUBIN,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  2598.

 


 

 


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SOMMAIRE

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Réunion du mercredi 26 février 2020 à 9 heures 30 ()

I. Discussion générale

II. Examen des articles


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Réunion du mercredi 26 février 2020 à 9 heures 30 ([1])

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine la proposition de loi visant à promouvoir et démocratiser l’accès aux colonies de vacances (n° 2598) (Mme Sabine Rubin, rapporteure).

I.   Discussion générale

Mme Sabine Rubin, rapporteure. J’ai l’honneur et le plaisir de présenter ce matin à la commission des Affaires culturelles une proposition de loi tendant à promouvoir et à démocratiser l’accès aux colonies de vacances.

Notre propos n’est pas ici de renouer avec l’âge d’or des colonies de vacances de l’après-guerre, qui s’est notamment traduit par la création d’une direction de la jeunesse et des sports placée sous l’égide de l’Éducation nationale. Cet âge d’or, bien qu’il relève dans une certaine mesure du mythe, a vu la consécration des valeurs et des mouvements de l’éducation populaire. Il s’agit surtout de remédier aux conséquences néfastes que comporte l’effacement d’acteurs importants de l’éducation populaire qui, grâce à un savoir-faire accumulé au fil des générations, peuvent proposer un cadre propice, d’une part, à l’affirmation et à l’émancipation de jeunes êtres en devenir, et, d’autre part, à l’apprentissage de la vie en collectivité.

La société française cherche les moyens de retisser les liens ayant longtemps permis à ses membres de se retrouver sur l’essentiel. À bien des égards, les tensions qui agitent la communauté nationale révèlent aussi l’affaiblissement d’institutions qui ont œuvré à l’intégration de populations en réalité diverses. De notre point de vue, les colonies de vacances font partie de ces institutions. Par conséquent, il importe de supprimer les obstacles qui conduisent de nombreuses familles des classes moyennes et populaires à se détourner de ce mode de loisir.

Ce mode de loisir souffre d’une certaine désaffection. Pour l’exercice 2018‑2019, les chiffres du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse font état de 1,45 million de départs en colonies de vacances. Cela traduit un assez net recul par rapport au pic de fréquentation observé en 1995, et il n’y a pas de perspective de retournement durable. La baisse est lente mais continue depuis plus de vingt ans ; elle se mesure tant du point de vue du nombre de séjours proposés que de leur durée – en dix ans, ceux-ci sont passés respectivement de 30 000 à 25 000 et de 7,2 jours à 6,74.

Les raisons de cette désaffection sont diverses. Les premières sont d’ordre sociologique et liées aux ferments de transformation de la société française. Je pense ici à l’accroissement du temps libéré pour la vie de famille et aux attentes nouvelles à l’égard de l’offre de loisirs et de vacances – bien que l’on constate une forme de regain pour le scoutisme. Il faut aussi prendre en considération l’impact des politiques publiques et de l’action des comités d’entreprise, qui ont cherché à répondre à l’évolution de la demande sociale en ce qui concerne les modes de garde des enfants et la pratique des loisirs. Je me réfère en la matière aux travaux réalisés en 2013 par le député Michel Ménard, dont les constats demeurent d’actualité. Ils ont montré qu’il y avait une réorientation des aides des collectivités territoriales et des caisses d’allocations familiales (CAF) vers le soutien à des accueils de loisirs sans hébergement et de proximité. À cela s’ajoute un rapport plus distancié aux colonies de vacances. Certains parents, faute d’en avoir eux-mêmes fait l’expérience, n’envisagent tout simplement pas d’y inscrire leurs enfants. Le retentissement médiatique d’accidents ou d’affaires de pédophilie alimente parfois aussi, malgré leur nombre infime, les craintes quant à la sécurité physique et morale d’enfants qui sont jugés – à juste titre – trop jeunes pour se défendre.

La présente proposition de loi ne saurait prétendre à dissiper toutes les réticences et les préventions liées à la perception biaisée des colonies de vacances. En revanche, elle peut contribuer à remédier à un problème dont nul ne peut raisonnablement contester la réalité, je veux parler des restrictions liées au coût croissant des colonies de vacances. De fait, les séjours organisés dans ce cadre représentent désormais un véritable secteur économique. On y trouve de nombreuses associations et de nombreux organismes à but non lucratif qui, bon an mal an, entretiennent la tradition des mouvements de l’éducation populaire. Mais d’autres opérateurs raisonnent selon une logique de marché et misent sur le développement d’offres de séjour fondées sur une surenchère d’activités supposées valorisantes. Il en résulte une concurrence nouvelle qui, avec le relèvement des normes d’accueil et la charge de l’entretien du patrimoine immobilier, constitue un facteur essentiel du renchérissement des séjours en colonie de vacances.

Certains de nos collègues semblent estimer que l’existence de multiples dispositifs d’aide et l’action des CAF suffisent à répondre aux besoins des classes moyennes et populaires face à l’augmentation du coût des colonies de vacances. Mais si on considère le profil des enfants qui les fréquentent, on voit que la réalité est tout autre. En 2011, déjà 88 % des familles interrogées déclaraient qu’elles n’auraient jamais pu faire partir leur enfant en colonie de vacances sans un soutien financier extérieur. L’étude réalisée en 2009 par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) et par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse ne dément vraiment pas le besoin d’un apport supplémentaire de financement. Elle établit que si 28 % des enfants dont les parents gagnent 6 000 euros par mois partent en colonie de vacances, ce pourcentage n’est plus que de 10 % à 12 % lorsque le revenu mensuel des parents est inférieur à 3 000 euros. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. C’est précisément le constat de ces entraves financières qui motive les deux principales dispositions du texte déposé par le groupe La France insoumise.

En premier lieu, cette proposition de loi comporte la création d’une aide au départ en colonie de vacances, attribuée aux familles sous conditions de ressources, pour les enfants et adolescents de 4 à 17 ans. En second lieu, afin de sanctuariser les ressources nécessaires à une politique d’égalité dans l’ensemble du territoire, notre texte propose de créer un fonds national de solidarité dont le financement reposerait sur l’affectation d’une taxe portant sur l’hôtellerie de luxe.

J’ai lu et j’entends déjà les objections que pourrait soulever l’instauration d’une telle structure et d’un tel mode de financement, mais il ressort très clairement de l’ensemble de mes travaux que le soutien actuel au départ en vacances, et a fortiori en colonie de vacances, se révèle finalement assez modeste et, surtout, tributaire de la politique suivie par les CAF, les communes et les comités d’entreprise.

S’agissant de la mise à contribution de l’hôtellerie de luxe, l'honnêteté serait de reconnaître qu’il ne s’agit en rien d’une novation : le Parlement a en effet adopté le principe d’une taxe de 2 % sur la location de chambres et les prestations de pension et de demi-pension d’une valeur supérieure ou égale à 200 euros par nuitée dans le cadre de la loi de finances rectificative du 19 septembre 2011. Cette proposition de loi propose un prélèvement progressif ayant la même assiette. Dès lors, je ne pense pas que l’on puisse juger cette mesure déraisonnable ou d’un poids disproportionné pour le secteur de l’hôtellerie. D’autant qu’année après année, la France confirme son statut de première destination touristique mondiale et la situation de ce secteur apparaît autrement plus florissante qu’à l’issue de la grande crise de 2008.

Dans un même souci de mesure et d’exactitude, je vous proposerai tout à l’heure un certain nombre d’amendements visant à garantir l’efficacité du dispositif. Il s’agit notamment de réécrire l’article 3 qui tend à créer un guichet unique d’information des familles sur les colonies de vacances et les aides existantes. Nous n’entendons pas méconnaître les difficultés pratiques qui pourraient résulter de la centralisation de l’information pour les établissements scolaires. Néanmoins, il importe de s’assurer qu’il existe en tout point du territoire un dispositif solide qui permette à chacun de prendre connaissance des séjours proposés par les colonies de vacances et du soutien apporté par les collectivités publiques en la matière. C’est pourquoi nous proposons un schéma grâce auquel les familles pourront accéder aux informations dans des lieux qu’elles fréquentent.

Mes chers collègues, selon une formule célèbre, « l’art de gouverner ne consiste pas à rendre souhaitable ce qui est possible. Il consiste à rendre possible tout ce qui est souhaitable. » J’espère que vous saurez faire vôtre cette maxime et que vous adopterez sans ambages un texte inspiré par trois valeurs d’humanité que nous pouvons tous partager : la réduction des inégalités, l’éducation et le soutien à la jeunesse, dans la perspective d’apprendre très tôt à vivre ensemble.

Mme Cécile Rilhac. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à « promouvoir et démocratiser l’accès aux colonies de vacances ». En réalité, la problématique est beaucoup plus vaste : elle concerne le droit aux vacances pour tous, qui est depuis trop longtemps insatisfait. Il y a encore en France trois millions d’enfants qui ne partent jamais ni en colonie de vacances ni même, tout simplement, en vacances.

Comme Mme la rapporteure l’a rappelé, la plupart des colonies de vacances ont pour particularité d’être organisées par des associations à but non lucratif, souvent peu subventionnées, qui proposent des prestations très variées, dans un but aussi bien caritatif que commercial.

La « colo » – outre son caractère ludique et les joies qu’elle procure – est un lieu de cohésion, d’apprentissage et de mixité sociale. Elle éveille notre jeunesse aux valeurs du partage et de la solidarité en permettant de les expérimenter dans le cadre de la vie en collectivité. Elle favorise aussi la découverte d’autres lieux, l’altruisme et l’accès à une pratique sportive et culturelle.

Or, les colonies de vacances souffrent aujourd’hui de plusieurs maux. Il s’agit, en particulier, d’une logique commerciale nuisible, qui privilégie la concentration des grandes structures au détriment d’associations plus modestes, des prescriptions réglementaires qui s’appliquent trop souvent de manière uniforme – sans faire de distinction entre les modes d’accueil et d’hébergement – ce qui n’est pas sans conséquence pour ce secteur, notamment les petites structures.

Je voudrais réaffirmer notre vision pour la jeunesse et rappeler toutes les mesures que l’État a prises depuis notre arrivée aux responsabilités en ce qui concerne l’accessibilité des colonies de vacances partout et pour tous. Le ministère chargé de la Jeunesse travaille en collaboration avec les associations, notamment la Jeunesse au plein air (JPA), et des partenaires tels que l’Union nationale des associations de tourisme (UNAT) et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Ce ministère, soutenu par notre majorité, travaille avec détermination à promouvoir la mixité sociale, qui est le terreau de l’égalité des chances. Nous travaillons sur l’accès de tous aux « colos » justement, afin que les enfants et les adolescents aient droit à des vacances, notamment en valorisant ces structures auprès des collectivités territoriales. L’État poursuit trois objectifs principaux : favoriser le départ en vacances collectives et l’accès aux loisirs pour le plus grand nombre ; promouvoir des vacances répondant à certains critères qualitatifs, dont les mixités ; accompagner le secteur associatif dans le changement des pratiques pédagogiques mais aussi organisationnelles. Tout cela montre notre volonté et notre attachement à la promotion du droit aux vacances pour tous.

Dans ce contexte, la proposition de loi ne me paraît pas répondre totalement aux besoins actuels dans ce domaine qui est essentiel pour notre jeunesse. Dans sa version actuelle, elle n’apporte pas les réponses adéquates au constat dressé depuis plusieurs années par l’ensemble de la représentation nationale. C’est pourquoi la majorité a déposé quelques amendements afin de l’améliorer.

Néanmoins, ce texte a le mérite de comporter des propositions intéressantes, en particulier l’instauration, à l’article 1er, d’un fonds national pour le financement d’une aide au départ en séjours collectifs d’accueil de mineurs.

L’article 2 prévoit une mesure pour financer ce dispositif, mais la solution proposée n’est pas satisfaisante en l’état. Si le texte devait être adopté par la commission, je pense qu’il faudrait retravailler sur cette disposition. Est-il possible, madame la rapporteure, de revenir sur le mécanisme de taxation que vous proposez d’instituer ?

L’article 3, qui tend à créer un guichet unique pour centraliser les informations relatives aux colonies de vacances dans chaque établissement scolaire, public ou privé sous contrat, du premier et du second degrés, semble être une fausse bonne idée. Je défendrai, avec mes collègues du groupe La République en Marche, un amendement qui vise à modifier la rédaction de cet article en gardant l’idée d’un guichet unique mais en supprimant la référence aux établissements scolaires.

Cette proposition de loi conduit à engager un débat nécessaire sur la question des colonies de vacances. Mon groupe accepte volontiers ce débat sur le fond et discutera dans le détail l’ensemble des articles du texte.

M. Frédéric Reiss. L’objectif de cette proposition de loi est tout à fait louable. Favoriser l’accès des mineurs aux séjours collectifs et aux colonies de vacances contribue à ce que les jeunes puissent devenir des citoyens responsables. On peut se poser la question : comment faire société au XXIe siècle dans un pays traversé par de multiples inégalités ? Cette question renvoie au contrat social – qui est le fondement du vivre ensemble – des droits et des devoirs, du respect des différences et de l’éveil à la démocratie.

Je suis d’une génération qui a connu ce qu’on appelle « l’âge d’or des colonies de vacances » – qui s’est terminé dans les années 1960. J’ai connu les deux facettes des batailles de polochon dans les dortoirs : celle des colons et celle des moniteurs. Je ne peux que souscrire aux arguments développés dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi : les « colos » sont une école de citoyenneté et d’émancipation.

Le groupe Les Républicains (LR) partage votre analyse en ce qui concerne l’essoufflement relatif des structures historiques, comme les mouvements d’éducation populaire, mais aussi les obligations de plus en plus contraignantes qui existent en matière de patrimoine. Les comités d’entreprise, les associations et les collectivités locales ont d’ailleurs du mal à entretenir des locaux dont il faut notamment garantir l’accessibilité, la sécurité et l’isolation thermique.

Un aspect me semble essentiel : la formation à la responsabilité des encadrants. Hormis une référence au « regard bienveillant d’accompagnateurs responsables, permettant l’acquisition de règles de sociabilité propre à la vie commune », je n’ai pas l’impression que ce soit une préoccupation des auteurs de cette proposition de loi.

Les « colos » sont aujourd’hui remplacées soit par des vacances en famille
– vous savez que nous accordons, au sein du groupe LR, une grande importance aux familles –, soit par des centres de loisirs sans hébergement (CLSH), soit par rien. Dans ce dernier cas, l’obstacle financier est souvent invoqué.

L’idée d’un guichet unique est plutôt bonne : on pourrait ainsi délivrer des informations complètes au sujet des aides disponibles dans le cadre des comités d’entreprise, des chèques vacances, des CAF, des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS et CCIAS), des comités des œuvres sociales ou encore des bourses départementales.

Nous ne sommes pas favorables, en revanche, à l’institution d’une taxe sur les établissements hôteliers. Je vais citer, une fois n’est pas coutume, les propos que j’ai tenus quand nous avons examiné, lors de la précédente législature, le rapport de la mission d’information conduite par Michel Ménard : « Nous ne soutenons pas la proposition [...] qui prévoit la création d’un Fonds national d’aide au départ en vacances collectives des jeunes qui ne partent pas, en le faisant financer par un impôt supplémentaire – une taxe sur l’hôtellerie de luxe – alors que la pression fiscale s’est déraisonnablement accrue depuis un an ». C’était en 2013. Le contexte n’est peut-être plus tout à fait le même, mais nous n’avons pas changé d’avis. Nous avons donc déposé, à l’article 2, un amendement pour défendre l’hôtellerie et le tourisme.

M. Bruno Fuchs. Nous savons à quel point ces modes de vacances sont un élément important pour l’émancipation des jeunes. C’est indéniablement un moyen de participer à la découverte de notre pays, de sa richesse culturelle, patrimoniale ou encore environnementale, et c’est aussi un mode d’apprentissage et d’épanouissement personnel. Chacun est également conscient qu’il contribue à un brassage social permettant à des enfants d’origines diverses de vivre des moments ensemble.

Cette proposition de loi vise à relancer la participation aux colonies de vacances en rendant leur financement plus aisé. La création d’un fonds national de solidarité pour le départ en séjours collectifs aurait, en effet, le mérite de regrouper l’ensemble des aides actuelles pour les rendre plus lisibles et plus efficaces. Vous proposez, en outre, d’instituer un guichet unique qui serait adossé aux établissements scolaires. Le fonds pourrait être abondé par une taxe sur les établissements hôteliers de luxe.

Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés abordera la discussion de ce texte en laissant de côté les propositions polémiques ou purement politiques, afin d’essayer d’avancer sur un sujet que nous considérons comme central. En ce qui concerne la « biodiversité sociale », nous estimons qu’il est nécessaire de recréer des lieux de rencontre entre les jeunes. C’est pourquoi nous soutenons fermement le service national universel (SNU) – dont c’est en partie la vocation. Donner à chacun une chance de vivre une expérience fondatrice pour son développement personnel et sa construction sociale est au cœur de notre réflexion politique. Nous considérons que les colonies de vacances peuvent participer à cette ambition. Nous militerons donc pour que notre commission puisse contribuer à avancer sur ce sujet et pour qu’une concertation soit organisée.

Le groupe MODEM soutient la mise en place du SNU et du fonds de soutien prévu par cette proposition de loi. Nous proposons de placer le guichet unique auprès des maisons France services et non pas directement au sein des établissements scolaires. Enfin, nous demandons que l’on supprime la taxe proposée et que l’on organise, à la place, une concertation qui devra aboutir à des solutions de financement pour les colonies de vacances.

M. Régis Juanico. Le groupe Socialistes et apparentés soutient cette proposition de loi de La France insoumise qui vise à promouvoir et à démocratiser l’accès aux colonies de vacances. Ce texte s’inscrit dans la lignée des travaux que Michel Ménard, ancien député de la Loire-Atlantique, a conduits en 2013. Comme certains de nos collègues, j’ai participé à des auditions qui étaient passionnantes. On pourrait regretter – comme pour beaucoup de rapports d’information – que les préconisations alors formulées n’aient pas vraiment été suivies par les gouvernements qui se sont succédé – je suis un peu critique mais j’inclus naturellement le Gouvernement de cette époque.

La proposition de loi reprend deux idées clefs : la création d’un fonds national de solidarité pour l’aide au départ en vacances et – ce qui est très intéressant – un financement grâce à une taxe – qui existe déjà – sur l’hôtellerie de luxe. Selon cette logique de taxe affectée, le tourisme de luxe finance les vacances pour tous – ce qui est très bien sur le plan symbolique.

Le présent texte s’inscrit aussi dans le prolongement de deux propositions de loi que j’ai déposées en 2001 : la première visait à sécuriser le statut du volontariat de l’animation ; la seconde concernait l’aide au départ en vacances – il s’agissait de créer une allocation minimale de 200 euros pour les mineurs qui n’ont pas accès aux vacances. Cette dernière proposition de loi avait reçu le soutien de cinquante-huit associations, dont ATD Quart Monde, le Secours populaire et la JPA, qui font partie du collectif pour le droit aux vacances, comme notre rapporteure.

Trois millions d’enfants ne partent pas en vacances. C’est une injustice majeure, un facteur d’inégalité sociale considérable. Le droit aux vacances est pourtant reconnu par l’article 31 de la convention internationale des droits de l’enfant, que nous avons ratifiée en 1990. Il figure aussi dans la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, qui a été adoptée en 1998 à l’initiative de Martine Aubry. Si 36 % des Français ne partent pas en vacances, il faut souligner que 64 % de ceux gagnant entre 1 et 2 SMIC n’ont pas les moyens de le faire. La question financière est donc cruciale. Une semaine de « colo » coûte entre 400 et 600 euros. Seulement 20 % des familles, ou des enfants, sont en réalité aidés par les mécanismes relevant des CAF, des collectivités territoriales ou des comités d’entreprise.

Hormis le repos bien mérité, les séjours collectifs ont des bienfaits remarquables. Loin du folklore et de l’ambiance militaire du service national universel, ils sont un facteur d’épanouissement, un temps de vie collective propice à l’autonomie, à la découverte des autres, du respect, de la citoyenneté avec un changement de cadre de vie. Mais il y a aussi l’impact sur l’économie et nos territoires : le tourisme social et le tourisme en milieu rural peuvent bénéficier des centres et des colonies de vacances. Et ce sont des emplois non délocalisables.

Par ailleurs, j’aimerais connaître l’engagement de la SNCF en ce qui concerne le droit aux vacances pour tous, mais je ne sais pas si vous avez auditionné ses représentants.

C’est pourquoi mon groupe votera en faveur de la proposition de loi et participera naturellement à la discussion des amendements.

Mme Béatrice Descamps. Près de 40 % des Français ne partiraient pas en vacances chaque année. C’est un chiffre d’autant plus éloquent qu’on peut imaginer que cela concerne essentiellement les Français ayant les revenus les plus modestes. D’ailleurs, vous l’avez souligné dans l’exposé des motifs, Mme la rapporteure, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ne produit plus de données sur le nombre de Français partant en vacances chaque année. C’est un peu comme si les politiques publiques avaient abandonné le terrain et ne cherchaient même plus à permettre au plus grand nombre de partir.

La proposition de loi tend à créer un fonds national de solidarité pour le départ en séjours collectifs, dont l’objet est de financer le départ en colonie de vacances de mineurs, ayant entre 4 et 17 ans, qui sont issus de familles aux revenus modestes. Le groupe UDI, Agir et Indépendants est en total accord avec le principe se dégageant de ce texte de permettre aux mineurs de partir en vacances au moins une fois dans l’année. Créer un cadre favorable au retour des colonies de vacances est un bel enjeu, une chance formidable pour nos enfants.

Les séjours organisés dans ce cadre sont un appel à l’ouverture, à la découverte des richesses dont regorge notre pays, des territoires, de la biodiversité et des pratiques sportives et culturelles. Ces séjours favorisent surtout la cohésion et l’ouverture à l’autre. Nous considérons que de tels moments de partage participent à l’émancipation individuelle et fondent la personnalité. Il y a encore quelques années, les colonies de vacances avaient un très grand succès auprès des familles. Elles étaient un bon moyen d’offrir des vacances aux enfants à moindre frais. Toutefois, l’offre est de moins en moins importante et les collectivités territoriales doivent sans cesse composer avec la stagnation de leurs dotations, après avoir connu des années de baisse drastique.

Si nous sommes favorables à la création d’un fonds destiné à financer les séjours collectifs de mineurs, nous sommes très réservés quant à son financement. Ce que vous appelez un « fonds national de solidarité » n’en serait pas un, en réalité, car il ne reviendrait pas à la solidarité nationale de financer le dispositif, mais exclusivement aux établissements hôteliers. Cette proposition semble avoir été formulée sans que vous ayez étudié l’impact sur le secteur concerné. Peut-on dire qu’un établissement facturant la nuit 200 euros est « de luxe » ? En pratique, cette taxe pourrait déséquilibrer tout un secteur d’activité. La logique voudrait qu’il revienne à la solidarité nationale de financer la mesure que vous proposez, car celle-ci devrait s’inscrire dans un projet de société fédérant l’ensemble des citoyens au lieu d’opposer les uns aux autres.

Nous exprimons également des réserves au sujet de l’article 3, qui prévoit l’installation d’un guichet dans chaque établissement scolaire. Nous vous rejoignons en ce qui concerne la nécessité de mieux informer les parents sur les dispositifs existants en matière de séjours collectifs, mais pas en installant un guichet dans les établissements scolaires. Un travail est déjà réalisé par des associations et des collectivités territoriales. Il convient de ne pas le remettre en cause mais plutôt d’aider ces acteurs à mieux diffuser l’information.

Pour toutes ces raisons, notre groupe aborde ce débat avec beaucoup de doutes et de questions. Nous y participerons en défendant un amendement.

M. Bastien Lachaud. Soutenir la possibilité, pour tous les enfants, de partir en colonie, c’est faire vivre le droit aux vacances. Aujourd’hui, près de trois millions d’enfants n’en bénéficient pas dans notre pays. Pour eux, les vacances sont synonymes, au mieux, d’ennui. Ils n’ont pas hâte d’être en vacances, car ils savent que personne ne pourra vraiment s’occuper d’eux pendant cette période ; ils ont plutôt hâte que l’école reprenne afin que leur isolement soit rompu. Quelle tristesse de voir ces enfants abandonnés à eux-mêmes alors que cela pourrait être un temps d’éducation par le jeu, et quel constat terrible pour tous ceux qui se souviennent avec quel enthousiasme ils ont eu la chance d’attendre les vacances ! Tous n’ont pas cette chance ! La proposition de loi vise à leur offrir.

Les enfants dont nous parlons sont enfermés dans leur lieu de vie, leur quartier et leur village. Ils n’en sortent jamais ou alors exceptionnellement : ils n’ont jamais vu la mer, jamais vu la montagne, jamais visité la grande ville à côté de chez eux – même quand ils habitent dans sa banlieue la plus proche. Ils n’ont jamais pris un escalator, le bus – en dehors du ramassage scolaire –, le train et encore moins l’avion, parce que les parents n’ont pas les moyens de partir en famille ou n’ont pas eux-mêmes de vacances en même temps que leurs enfants, voire ne sont jamais partis eux-mêmes en vacances, ou si peu.

Les colonies de vacances permettent de rompre avec le quotidien et de s’éloigner d’un environnement parfois difficile. C’est un moment privilégié pour l’éducation populaire, l’émancipation et la construction des futurs citoyens. Le droit aux vacances, particulièrement sous la forme des colonies de vacances, participe pleinement de la conception républicaine de la vie en commun : au-delà des activités proposées, les enfants apprennent ce qu’est la vie en collectivité, y compris dans ses aspects quotidiens. Les rencontres qu’ils font sont un moment privilégié pour l’apprentissage concret de la citoyenneté.

Par la liberté que les colonies de vacances octroient, loin des familles mais dans un cadre sécurisé et rassurant, les enfants découvrent de nouveaux horizons et se découvrent parfois eux-mêmes. Les voyages forment certes la jeunesse, mais tous n’ont pas cette occasion de grandir, d’apprendre à quitter temporairement leur domicile et leur famille. Car partir est un apprentissage et contribue pleinement à l’émancipation que notre système éducatif républicain aspire à réaliser, c’est-à-dire permettre à tous les enfants de s’arracher au déterminisme social pour faire leurs propres choix et vivre la vie qu’ils auront décidé de mener, indépendamment de leur milieu initial, qui est celui des parents. Cette promesse est trop rarement tenue, mais elle nous montre l’objectif. Nous devons mettre en œuvre les moyens permettant de l’atteindre.

Les colonies de vacances peuvent être un moment privilégié pour assurer un apprentissage dans un cadre collectif, au lieu d’encourager encore l’individualisme forcené dont notre société souffre tant. Les colonies de vacances font vivre l’égalité, car pendant ce temps les origines géographiques et sociales sont atténuées voire oubliées. Les enfants participent aux mêmes activités collectives et se font de nouveaux amis qui viennent souvent d’horizons différents. Alors que la carte scolaire suffit rarement à créer une véritable mixité sociale au sein de l’école républicaine, les colonies de vacances peuvent y contribuer largement. En réunissant dans un même lieu des enfants venant de différentes régions, elles permettent d’appréhender simplement des façons de vivre différentes de celles qu’ils connaissent.

Je pense que nous sommes largement d’accord sur les objectifs de cette proposition de loi. Je voudrais revenir sur les points que certains n’approuveront sans doute pas. Offrir cette liberté à tous les enfants a un prix que toutes les familles ne peuvent pas payer. Nous ne voulons abandonner aucun enfant. Aussi nous proposons de financer les colonies de vacances grâce à un fonds gagé par une taxe sur l’hôtellerie de luxe. C’est ainsi la solidarité nationale qui permettra aux enfants de partir en vacances. Ceux qui ont les moyens de s’offrir des vacances de luxe paieront pour les vacances des enfants dont les familles n’ont pas les moyens de financer un séjour même court. C’est la fraternité que nous voulons réaffirmer par cette mesure, ailleurs que sur les frontons de nos écoles et de nos mairies. La fraternité n’est pas un principe déclaratoire et abstrait : c’est l’organisation d’une solidarité concrète par laquelle les plus riches paient pour que les enfants pauvres puissent aussi partir en vacances.

Mme Elsa Faucillon. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) partage totalement l’ambition de cette proposition de loi. Les colonies de vacances permettent aux enfants d’apprendre la socialisation, l’autonomie, la citoyenneté et la liberté, d’une façon très éloignée de ce qui est proposé aujourd’hui dans le cadre du SNU – qui a, en effet, un côté extrêmement militaire. Les colonies de vacances représentent aussi le dépaysement, la découverte de nouveaux paysages et de nouvelles activités. Après-guerre, les maires communistes ont apporté une forte contribution à leur développement. C’est souvent une marque du communisme municipal qui reste, dans certaines villes, le seul chemin vers la mer, vers la montagne, vers d’autres paysages pour beaucoup d’enfants. Il faut dire, néanmoins, à quel point la baisse des dotations aux collectivités a parfois grevé la volonté politique de continuer les colonies de vacances. Je tiens à rappeler l’importance de ces dernières pour la construction de nos enfants et à souligner aussi l’importance de l’éducation populaire – dont les colonies de vacances sont un élément essentiel.

La rapporteure a fait état d’un affaiblissement considérable de ce secteur, qu’il faut enrayer. Outre l’aspect financier – qui est essentiel – la culture des colonies de vacances disparaît. On voit que les séjours thématiques, de plus en plus chers, montent en puissance et que l’on privilégie, par ailleurs, les centres de loisirs – qui coûtent moins cher aux collectivités territoriales mais sont différents des centres de vacances.

Cette proposition de loi s’attaque à la problématique financière, par la création d’un fonds de solidarité qui me paraît une excellente idée. De nombreux dispositifs existent – c’est vrai – mais force est de constater qu’ils manquent d’accessibilité et de lisibilité. C’est pour cette raison que nous sommes d’accord avec l’idée d’un guichet unique, même si nous trouvons qu’il serait plus pertinent de le créer au niveau des collectivités territoriales plutôt qu’au sein de l’éducation nationale. C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement déposé en ce sens par la rapporteure. Par ailleurs, il ne me semble pas que la taxe proposée mette en péril les hôteliers. Nous soutenons donc cette mesure.

Je voudrais profiter de l’examen du présent texte pour vous alerter sur les conditions de travail des personnels d’animation, qui dérogent bien souvent au droit commun. Dans le cadre des contrats d’engagement éducatif, des femmes et des hommes généralement jeunes sont rémunérés à un taux horaire largement inférieur au SMIC alors qu’ils ont des temps de travail et des responsabilités d’une grande importance – et qu’ils font souvent face à une forte pression de la part des parents. C’est une question qu’il faut aborder.

Le groupe GDR soutient la proposition de loi et encourage l’ensemble de nos collègues à regarder ce sujet de près. Le droit aux vacances est en danger pour un grand nombre d’enfants dans nos circonscriptions.

M. Stéphane Testé. La création d’un guichet unique est une idée qui peut se comprendre, mais je m’interroge – comme Cécile Rilhac – sur la pertinence de son positionnement dans les établissements scolaires. Il est évident que cela suscitera une surcharge de travail pour les personnels. On a vu récemment – et de manière tragique – combien elle est déjà importante. Avez-vous réalisé une étude d’impact pour évaluer la charge de travail supplémentaire pour les directeurs d’établissement et les personnels de l’éducation nationale qui pourrait être liée à la création d’un guichet unique dans les établissements scolaires ?

M. Maxime Minot. J’ai grand plaisir à entendre parler des colonies de vacances – cela me rappelle les années où j’étais directeur de « colo » l’été. Je remercie Mme Rubin d’avoir mis en lumière ce sujet, mais je suis assez embêté par la création d’une nouvelle taxe : cela ne me paraît pas une bonne proposition, notamment pour le secteur hôtelier « de luxe » – il n’y a pas que des établissements de luxe à partir de 200 euros. Je suis aussi gêné par l’idée d’un guichet unique dans les établissements scolaires. Une fois n’est pas coutume, je voterai en faveur de l’amendement proposé, sur ce point, par le groupe majoritaire.

Mme Danièle Cazarian. Vous proposez d’accorder laide du fonds national de solidarité pour le départ en séjours collectifs d’accueil des mineurs sous condition de ressources pour les enfants âgés de 4 à 17 ans. De nombreux foyers seront donc concernés. Si cette mesure a pour objectif de réduire les inégalités, ne pensez-vous pas qu’une telle allocation pourrait avoir pour conséquence, à terme, d’augmenter le prix de ces séjours ?

Mme Emmanuelle Anthoine. L’exposé des motifs de la proposition de loi mentionne les classes de découverte de l’éducation nationale pour en souhaiter la systématisation. Il note, à juste titre, que l’initiative en est laissée au bon vouloir des enseignants, que leur coût pose problème et que ces classes doivent s’insérer dans le projet éducatif des enseignants.

Or, leur préparation est chronophage pour ces derniers, qui sont déjà très sollicités et qui voient leur liberté pédagogique se réduire en pratique. Dès lors, pourquoi contraindre les enseignants à organiser des classes de découverte ? L’éducation nationale en a-t-elle véritablement les moyens ?

Mme Sandrine Mörch. Les scouts, les rabbins, les curés, les imams, les maires communistes ont entraîné des milliers d’enfants sur les sommets, les rivages et dans les campagnes, leur apprenant la débrouille, le risque, l’effort, la joie d’être ensemble. Puis, on a laissé choir cet outil de sociabilisation joyeuse, à coups de mises aux normes et avec les problèmes de financement. Personne n’a pris en considération l’alarme des encadrants et des associations. On découvre aujourd’hui que les enfants ne peuvent pas se contenter d’un paillasson pour jardin, ni d’une tablette pour loisir, et que c’est peut-être l’une des causes de leurs dysfonctionnements. Inversement, se frotter à la nature garantit une meilleure santé mentale et prévient l’obésité voire la délinquance. Partir en « colo », c’est aussi pouvoir parler de questions intimes, que l’on n’aborde jamais à la maison – la sexualité, la pornographie sur internet, le harcèlement. C’est une pause dans le piège des réseaux sociaux. Bref, la « colo », c’est très rentable.

Les enfants de l’aide sociale à l’enfance, qui sont aujourd’hui les moins concernés par les départs en vacances, sont-ils associés à ce mouvement de réengagement dans les colonies de vacances ?

Mme Émilie Bonnivard. Je salue l’initiative de cette proposition de loi, qui met en lumière les départs d’enfants en séjours collectifs. Élue d’un territoire de montagne, je veux souligner l’apport des colonies de vacances à toute une économie et aux emplois de ces territoires, notamment des stations. Certaines villes, telles Colombes ou Sannois, étaient propriétaires de maisons de colonies dans ma circonscription, dont elles ont dû se séparer en raison de contraintes budgétaires. Les enfants qui y sont passés, devenus grands, reviennent fréquemment à la montagne avec leurs enfants. Je souhaiterais donc mettre en lumière l’apport des colonies aux territoires et le fait que les jeunes qui partent en vacances sont sensibilisés à la diversité naturelle du territoire national.

S’agissant, en revanche, du fonds national de solidarité, j’ai déposé des amendements pour discuter d’autres alternatives, car la solution retenue par la proposition de loi ne me paraît pas appropriée.

M. Raphaël Gérard. L’intéressante proposition de loi de Mme Rubin renvoie à l’accessibilité des vacances à tous les enfants. Un flou entoure toutefois certaines dispositions, qui méritent une clarification.

M. Juanico a évoqué les impacts économiques ; Mme Faucillon a parlé de la précarité. Si l’on envoie tous les enfants de ce pays en colonie de vacances, on risque de précariser l’ensemble des animateurs. M. Minot a mentionné son passé de directeur de colonie, vraisemblablement lorsqu’il était étudiant. Madame la rapporteure, comment, connaissant votre aversion pour le travail des étudiants, parvenir à créer des colonies de vacances à grande échelle sans précariser davantage les animateurs ? Quelles solutions envisagez-vous pour éviter cet écueil ?

S’agissant du financement prévu à l’article 2, lors de l’examen de l’article du projet de loi de finances relatif au mécénat, vous avez voté contre une disposition qui permettait aux très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) de financer les associations locales. Nous nous sommes privés là d’une importante source de financement, plus intéressante que l’impôt, qui permettait d’associer les entreprises au financement des loisirs des enfants dans les territoires.

M. Gaël Le Bohec. Vous avez parlé d’une désaffection potentielle des colonies, en raison de leur coût et du prix pour les familles. Je me réjouis qu’un grand nombre de familles puissent accéder à nouveau à ces vacances, grâce aux augmentations de salaires de ces deux dernières années.

Vous n’avez pas abordé la complexité administrative liée à ces séjours, qui peut entraîner un coût supplémentaire. Des enseignants qui partent encadrer des colonies de vacances à l’étranger, évoquent la simplicité des démarches administratives qui leur offre de meilleures conditions de séjour. Cette complexité administrative, très française, a-t-elle été soulevée lors des auditions que vous avez menées ?

Mme Carole Bureau-Bonnard. Pour en avoir bénéficié moi-même et en avoir fait bénéficier mes enfants, je connais l’intérêt des colonies de vacances. Avez‑vous interrogé les hôteliers sur votre proposition de loi, et si oui, quelle réponse avez-vous obtenue en retour ?

À Noyon, où j’habite, les enfants ne participent pas aux colonies, malgré les prix très intéressants des séjours de quelques jours, parce que les parents n’en ont pas eu l’habitude et qu’ils envisagent difficilement une séparation. En conséquence, ne faudrait-il pas financer davantage les centres de loisirs des villes ?

Mme Céline Calvez. Carole Bureau-Bonnard a souligné que l’aventure pouvait se trouver au bout de la rue. Les séjours sans hébergement peuvent aussi offrir cette ouverture, cette émancipation et cette vie collective.

Si donc l’on a le choix du type de vacances, encore faut-il pouvoir financer les séjours. Gaël Le Bohec a souligné que la hausse du pouvoir d’achat facilite ce choix. Plusieurs aides existent aussi. Outre votre proposition d’alimenter un fonds national par une taxe, nous devons discuter d’autres solutions – mécénat ou dons en nature de la part des hôteliers.

Quant au choix que vous avez évoqué, encore faut-il pouvoir se repérer dans des offres multiples. L’idée d’un guichet unique reste aussi à explorer. Comment trouver le bon équilibre entre un choix collectif d’une société qui veut des vacances pour tous, sans imposer un seul modèle ?

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à ce sujet et nous pouvons partager plusieurs objectifs. L’examen des amendements donnera l’occasion de répondre aux différentes questions soulevées, notamment sur le financement du fonds ou les classes vertes.

La proposition de loi vise précisément à favoriser le départ dans des séjours longs
– même si j’en ai évoqué les difficultés, pour les parents comme pour les enfants, pour des raisons sociales ou personnelles. Le débat porte, non pas sur l’opportunité des centres de loisirs, mais bien sur les colonies de vacances. S’agissant du guichet unique, je propose une réécriture de l’article 3 à la suite des auditions.

L’examen des amendements donnera l’occasion de répondre à toutes ces interrogations et d’en débattre de façon précise.


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II.    Examen des articles

Article 1er : Consécration du rôle des colonies de vacances et création d’un fonds national destiné au financement d’une aide au départ

La commission examine l’amendement AC2 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Le texte est infiniment louable. Il est bien malheureux que des enfants ne puissent pas partir en vacances, mais je veux rappeler les nombreux dispositifs existants pour aider les familles les moins aisées à envoyer leurs enfants en colonie de vacances : les paiements en plusieurs fois sans frais ; les chèques vacances – dont j’ai moimême bénéficié ; les aides au temps libre des CAF sous forme de bons vacances ou d’aides aux vacances enfants (AVE) ; les aides des comités d’entreprise qui existent dans les structures de plus de 50 salariés – dont le montant varie suivant le département et en fonction des frais de séjour ; les bourses JPA accordées aux boursiers de l'établissement public après étude d’un dossier ; les aides journalières des municipalités et conseils départementaux avec des critères sociaux. La promotion et la démocratisation de l’accès aux colonies de vacances ne passent donc pas forcément par la création d’un énième dispositif supplémentaire. La question se pose bien davantage en termes d’organisation et de financement des systèmes déjà existants.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Vous objectez qu’une multitude d’aides existe déjà. Cependant, ces aides ne sont pas fléchées précisément vers les colonies de vacances, la forme de séjour que nous souhaitons démocratiser et promouvoir.

Vous avez vous-même souligné dans l’exposé des motifs l’hétérogénéité territoriale de ces aides, qui sont proposées par certains départements et communes et pas par d’autres, ou encore par des comités d’entreprise – qui n’existent pas chez tous les employeurs et ne concernent donc pas tous les jeunes. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons créer ce fonds spécifique, à la fois national et qui cible les colonies de vacances.

Les différents interlocuteurs que nous avons rencontrés ont mis en évidence le frein que représente le coût financier des séjours pour certaines familles. Si l’aide du fonds pouvait s’ajouter à ces autres aides, cela permettrait aux 3 millions d’enfants qui ne partent pas en vacances de bénéficier de ce type de séjours. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC22 de la rapporteure.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Cet amendement rédactionnel vise à assurer la codification des principales dispositions de la proposition de loi dans le code de l’action sociale et des familles.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC6 de M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Il s’agit de clarifier la rédaction actuelle de la deuxième phrase en précisant que les colonies de vacances « favorisent l’apprentissage de la vie collective et la mixité sociale ».

Mme Sabine Rubin, rapporteure. La phrase ajoutée est moins déterminante que la notion de « vecteur essentiel ». Toutefois, si l’amendement permettait de créer un consensus sur l’intérêt des colonies de vacances comme moyen de favoriser la vie collective et la mixité, je lui donnerais un avis favorable.

Mme Cécile Rilhac. Nous partageons l’avis de la rapporteure sur ce point : la proposition de M. Reiss amoindrit la portée politique de la rédaction actuelle de l’article. Nous lui sommes donc opposés, alors que nous serions plus favorables à l’amendement AC8.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC7 de M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Les colonies de vacances sont un vecteur d’apprentissage de la vie sociale et politique, mais elles ne sont qu’un vecteur parmi d’autres, tels les haltes-garderies ou les centres de loisirs sans hébergement des écoles. Cet amendement vise donc à supprimer le mot « essentiel ».

Mme Sabine Rubin, rapporteure. S’il est vrai que les colonies de vacances ne sont pas le seul vecteur de l’apprentissage de la vie collective et de la mixité, si elles n’ont pas l’exclusivité de cet apprentissage, elles en sont bien un vecteur principal et essentiel. C’est la raison pour laquelle je donnerai un avis défavorable à l’amendement AC7.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC8 de M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. L’expression « vie collective » semble plus explicite que les termes : « en collectif ».

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC9 de M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Les colonies de vacances me semblent promouvoir la mixité sociale plutôt que la « mixité sociale de la Nation ».

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC17 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. La Nation est aussi un territoire. C’est pourquoi, en plus d’amender le titre de la proposition de loi pour l’élargir aux classes de découverte, je souhaitais ajouter à l’article 1er que « Les colonies de vacances et classes de découverte favorisent également la connaissance de la diversité naturelle et culturelle de la France chez les jeunes. »

Il s’agit de souligner l’apport des colonies, qui permettent aux jeunes de prendre en compte la diversité des territoires, un horizon fondamental pour leur apprentissage de la Nation.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je comprends bien l’intention d’élargir la finalité des colonies de vacances à la connaissance de la diversité naturelle et culturelle de la France. Tous les séjours n’ont cependant pas cette vocation pédagogique. À la différence des classes vertes, les colonies ne poursuivent pas toutes un objectif d’apprentissage et d’enseignement. La loi peut donc difficilement assigner un tel objectif aux colonies. Avis de sagesse

Mme Cécile Rilhac. La réglementation de l’accueil collectif de mineurs est assez nébuleuse. Les activités périscolaires et les classes de découverte sont soumises au régime juridique des établissements scolaires. Au contraire, le statut des accueils de loisirs sans hébergement – comme celui des séjours de vacances – dépend du code de l’action sociale et des familles, hormis les centres d’accueil des moins de 6 ans qui relèvent du régime particulier de la petite enfance. Parce qu’il apparaît difficile de mélanger réglementairement les colonies de vacances et les classes vertes, je serai défavorable à l’amendement.

M. Régis Juanico. Nous pourrions passer plusieurs heures à décrire l’ensemble des bienfaits de l’accueil collectif de longue durée de mineurs. Pour les centres de loisirs, il faut distinguer les accueils sans hébergement des séjours de quelques jours avec hébergement, dont les bienfaits sont identiques à ceux des colonies. Ce qui compte, c’est d’être durablement éloigné de son domicile.

Il est réducteur de ne pas décrire tous les accueils de mineurs, mais seulement les classes de découverte. Je serais donc d’avis de ne pas modifier la rédaction de l’article 1er.

M. Bruno Fuchs. La phrase que Mme Bonnivard souhaite ajouter insiste sur l’effet résultant des colonies. On pourrait aussi bien souligner la construction personnelle ou l’épanouissement personnel. L’amendement semble donc superflu.

M. Raphaël Gérard. L’amendement me paraît intéressant en tant qu’il évoque la diversité naturelle, alors que le changement climatique et la prise en compte de la biodiversité sont les grands enjeux des années à venir. En remplaçant « également » par « notamment », il est possible d’en réduire la portée et de parvenir à un consensus.

Mme Émilie Bonnivard. Retirer la mention des classes de découverte de l’amendement ne me pose pas de problème. En revanche, la connaissance de la diversité naturelle et culturelle de la France ne me semble pas être un effet parmi d’autres des séjours en colonies de vacances : elle est constitutive des colonies, qui donnent aux jeunes un nouvel horizon et l’occasion d’être éloignés de leur milieu, pour connaître un environnement différent. Elle doit donc en être le fondement.

M. Juanico l’a dit, le séjour en colonie n’est pas un accueil en centre de loisirs. Il s’agit de faire découvrir un environnement naturel différent. La notion de culture peut être retirée de la phrase, mais la référence à la nation se justifie par la diversité de territoires que celle-ci recouvre.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je maintiens l’avis de sagesse que j’ai donné. Cela étant, les objectifs de la classe de découverte doivent être distingués de ceux des colonies. Je suis donc favorable à une réécriture de l’amendement, pour retirer la mention des classes de découverte.

L’amendement AC17 est retiré.

La commission examine l’amendement AC3 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Il est bien malheureux que des enfants ne puissent pas partir en vacances, mais je veux rappeler les nombreux dispositifs existants pour aider les familles les moins aisées à envoyer leurs enfants en colonie de vacances. La promotion et la démocratisation de l’accès aux colonies de vacances ne passent donc pas forcément par la création d’un énième dispositif supplémentaire. La question se pose bien davantage en termes d’organisation et de financement des systèmes déjà existants.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons qu’à l’amendement précédent. Les aides des territoires sont hétérogènes et ne ciblent pas nécessairement les colonies de vacances.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC23 de la rapporteure.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Il s’agit de préciser, d’une part, la catégorie des organismes dont les séjours peuvent donner lieu à versement d’une aide au départ en colonie de vacances – les centres d’accueil de mineurs qui proposent un hébergement de plus de cinq jours – et, d’autre part, la tutelle du Fonds national de solidarité pour le départ en séjours collectifs d’accueil de mineurs. Pour assurer la gestion de ce fonds, nous avons choisi la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui dispense déjà de nombreuses aides pour encourager les départs en vacances.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC33 de la rapporteure.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Il s’agit de revenir sur la tranche d’âge des enfants concernés. L’aide pourra bénéficier à des enfants et adolescents âgés de 6 à 18 ans, au lieu de 4 à 17 ans. Les craintes des parents et les difficultés de séparation sont un frein important au départ en vacances – ce qui exclut les enfants de 3 ou 4 ans, qui découvrent la séparation avec l’école. Par ailleurs, l’accueil des enfants de moins de 6 ans nécessite des aménagements spécifiques, qui peuvent alourdir les conditions de départ.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AC10 de M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. En cohérence avec la loi pour une école de la confiance, qui en a avancé l’âge à 3 ans, il s’agit de faire référence à l’âge de la scolarité obligatoire.

Par ailleurs, l’amendement exclut les bénéficiaires de plus de 16 ans car, dès 17 ans, il est possible de passer le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA). La proposition de loi ne contient d’ailleurs aucune disposition d’aide au BAFA, alors que le coût de cette formation constitue un obstacle pour certains étudiants. De plus, l’âge de 16 ans marque la fin de la scolarité obligatoire.

Mme Cécile Rilhac. Avec l’amendement précédent, celui-ci soulève la question de l’âge des bénéficiaires, à laquelle nous pourrions réfléchir d’ici à la séance.

Il n’est pas possible d’aller jusqu’à 18 ans, comme le propose Mme Rubin, car les modalités d’accueil des mineurs et des majeurs sont bien distinctes. Le seuil de 17 ans révolus doit donc être conservé.

Quant à la proposition de M. Reiss sur l’âge minimal des enfants, elle est tout à fait valide, si l’on considère qu’elle s’aligne sur l’âge de la scolarité obligatoire. En retenant ces deux éléments, on pourrait trouver une rédaction convenable ciblant la bonne tranche d’âge d’ici à la séance. À partir de 17 ans, M. Reiss l’a dit, on commence à se former au BAFA. Être colon et animateur dans la même année constitue un joli passage de flambeau.

Mme Sylvie Charrière. Je souhaitais revenir sur la disposition que nous avons votée s’agissant de la formation obligatoire des jeunes de 16 à 18 ans. Les séjours en colonie offrent un levier très intéressant pour le raccrochage et le travail sur l’estime de soi que l’on peut proposer à ces jeunes. Il ne serait donc pas absurde d’opter pour le seuil de 18 ans.

M. Régis Juanico. Pour avoir été des deux côtés de la barrière, et avoir passé le BAFA, je me demande, comme Frédéric Reiss, si le fonds national de solidarité apportera une aide financière aux jeunes qui souhaitent se former et doivent acquitter deux fois 500 euros. Certaines collectivités territoriales offrent ponctuellement des aides – on le sait – mais cette offre est très inégale. Il serait donc utile de retravailler la question de l’âge d’ici à la séance.

Comme tout lieu d’accueil des enfants, les colonies effraient en raison, non pas tant de la sécurité sur place que de faits divers de pédo-criminalité, qui sont également rapportés dans le monde de l’école ou du sport. Il faut donc travailler sur l’image des colonies de vacances, et assurer un contrôle d’honorabilité, le plus strict possible, des animateurs, des encadrants, des directeurs. La proposition de loi doit aborder ce sujet.

La commission rejette l’amendement AC10.

Elle est saisie de l’amendement AC24 de la rapporteure.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Il s’agit d’assurer l’efficacité du dispositif de l’aide au départ. À cette fin, les critères de son attribution sont précisés en reprenant la terminologie du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les personnes susceptibles de prétendre à une prestation sociale destinée au soutien à la parentalité et concourant à l’action sociale au sens large. Il est précisé que l’aide est ainsi versée, non pas aux familles mais aux « personnes et aux ménages qui assument la charge effective et permanente d’un ou plusieurs enfants ». Elle est de plus attribuée « au titre de leur inscription à un séjour organisé dans le cadre d’un accueil de mineurs préalablement déclaré à l’autorité administrative ». Les centres devront donc faire l’objet d’un agrément, comme c’est déjà le cas actuellement, puisque la CAF agrée certains séjours.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC25 de la rapporteure.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Les modalités de réévaluation de l’aide au départ en colonie de vacances sont précisées en tenant compte du besoin de prévisibilité des acteurs. Il s’agit de considérer l’évolution du coût moyen de prise en charge dans le cadre d’un accueil de mineurs en colonie.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Institution d’une taxe affectée au financement de l’aide au départ en vacances et conditions d’attribution de l’aide

La commission est saisie de l’amendement de suppression AC14 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Le présent amendement vise à supprimer l’article 2, car il n’est pas pertinent de créer une nouvelle taxe sur l’hôtellerie pour financer le fonds de solidarité.

Le tissu de l’hôtellerie familiale et indépendante en France est particulièrement fragile. Chaque année, la France perd des centaines d’hôtels qui, pourtant, maillent le territoire et constituent un outil d’aménagement. Ces structures sont confrontées à une fiscalité inadaptée, à des problématiques de mises aux normes et de transmission qui, trop souvent, conduisent à leur fermeture. Une taxe supplémentaire fragiliserait encore ce type d’hébergement sur laquelle pèsent déjà de nombreuses contraintes.

En lieu et place de cette taxe, il conviendrait de réfléchir à un fonds mixte, qui pourra être doté de fonds publics et privés, par l’État, les collectivités territoriales volontaires – la région Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, finance des billets de train pour les classes de neige et de découverte, et accompagne les investissements des centres de vacances –, par l’Agence nationale pour les chèques vacances (ANCV) et des acteurs privés, qui pourraient également y investir au titre du mécénat. Solidarité nationale et financement privé me paraissent plus adaptés qu’une taxe sur l’hôtellerie de luxe.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Une taxe sur l’hôtellerie de luxe a déjà été approuvée par le Parlement à l’initiative du gouvernement Fillon, en septembre 2011. Son application a été reportée du seul fait d’un relèvement du taux de TVA sur l’hôtellerie. La taxe a été de nouveau proposée par le groupe socialiste au Sénat, en 2013, elle devait être affectée au financement d’une allocation transitoire de solidarité pour demandeurs d’emploi ayant eu une carrière longue.

Le dispositif de taxation que nous proposons est progressif et le montant défini comme plancher est celui qui avait été adopté en 2011. À cette époque, l’hôtellerie de luxe se trouvait toutefois dans une situation moins favorable.

Les arguments opposés à cette proposition ne sont donc pas vraiment fondés.

Mme Cécile Rilhac. Je suis assez sensible aux arguments de Mme Bonnivard, mais voter cet amendement de suppression nous empêcherait de poursuivre la discussion, alors que l’examen des amendements à l’article 2 aurait apporté des réponses aux questions que nous nous posons. Ne serait-ce que pour cette raison, les députés du groupe La République en Marche s’abstiendront.

M. Raphaël Gérard. L’hôtellerie de luxe, fréquentée en grande partie par une clientèle d’affaires, fait partie des secteurs subissant de plein fouet les effets des épidémies de type SRAS, coronavirus ou grippe aviaire. La solution consistant à faire reposer l’intégralité du financement du dispositif de cette proposition de loi sur une taxation de l’hôtellerie de luxe me semble donc assez précaire.

M. Bruno Fuchs. Le groupe Mouvement Démocrate et apparentés a voté l’article 1er ayant pour objet de créer un fonds national destiné au financement d’une aide au départ. En revanche, il ne s’associe pas à la volonté d’asseoir la création de ce fonds de solidarité nationale sur la taxation d’une activité économique ne présentant qu’un lointain rapport avec les colonies de vacances, à savoir la thématique de l’hébergement. On pourrait tout aussi bien imaginer une taxe sur l’ensemble des activités économiques de notre pays.

Pour notre part, nous proposons d’engager une réflexion collective sur un financement de ce fonds ayant vocation à être assis sur la solidarité nationale et non sur une activité économique de marché. Cette dernière solution nous semble contraire à l’objectif et au sens mêmes de cette proposition de loi. Nous voterons donc contre l’article 2.

M. Bastien Lachaud. Le groupe La France insoumise votera contre l’amendement de Mme Bonnivard. Il est ici question de l’hôtellerie de luxe, c’est-à-dire de nuitées d’un prix supérieur à 200 euros, et pouvant aller jusqu’à 800 euros. Par ailleurs, la taxe qu’il est proposé de créer serait progressive. Rien ne me semble donc menacer ce que l’on appelle l’hôtellerie familiale et indépendante.

Nous n’avons peut-être pas la même notion du luxe, mais je ne pense vraiment pas qu’une personne disposée à payer 200 euros pour une nuitée renonce à son projet au motif que le prix passerait à 202 euros. Sans aller jusqu’à parler de mauvaise foi de la part de la majorité, force est de constater que nous avons des visions différentes : pour notre part, nous estimons que faire payer 202 euros plutôt que 200 euros aux clients de l’hôtellerie de luxe, afin de permettre à tous les enfants de partir en colonie de vacances, ne constitue pas un réel problème.

Mme Émilie Bonnivard. L’hôtellerie de luxe ne se définit pas en fonction de critères de prix, mais du nombre d’étoiles. Dans certains territoires très touristiques, des hôtels deux étoiles tenus par des indépendants, dans le cadre d’une activité familiale exercée depuis plusieurs générations, peuvent afficher des nuitées à 200 euros. Si vous voulez faire reposer le financement de la taxe que vous proposez sur l’hôtellerie de luxe, votre article est mal rédigé : c’est le nombre d’étoiles qu’il devrait viser, et non le prix des nuitées. S’il aboutit à taxer les deux étoiles, il peut avoir pour effet de fragiliser l’hôtellerie familiale et indépendante.

En outre, cela va renforcer les grandes chaînes d’hôtels, qui disposent d’importantes capacités financières. Elles ne souffriront pas de la taxe que vous voulez instaurer, mais celle‑ci risque de fragiliser tout un tissu d’établissements familiaux et indépendants – de moins en moins nombreux –, ayant fait le choix de la qualité quatre étoiles, en réalisant pour cela des investissements conséquents.

Qui plus est, en 2011, la TVA n’était pas au même niveau qu’aujourd’hui – vous l’avez dit vous-même, Madame Rubin. On peut donc penser que le dispositif proposé à l’époque était plus supportable par les hôteliers qu’il ne le serait actuellement. Dans ces conditions, il conviendrait, avant de mettre en place la taxation que vous proposez, de diminuer la TVA applicable au secteur de l’hôtellerie.

M. Bruno Fuchs. Pour nous, il existe une incohérence entre l’instauration d’un fonds dit de solidarité nationale et l’assiette sur laquelle reposerait le fonctionnement de ce fonds, à savoir une activité économique de marché. Je confirme donc que nous voterons en faveur de l’amendement de suppression de l’article 2.

Mme Clémentine Autain. Je suis assez abasourdie : il me paraît incroyable d’opposer les intérêts du monde du luxe à ceux des enfants !

Mme Émilie Bonnivard. N’importe quoi !

Mme Clémentine Autain. C’est bien ce que vous faites quand vous nous expliquez que, pour protéger l’industrie du luxe, il faut renoncer à lui appliquer une taxe qui permettrait de financer des colonies de vacances pour les enfants. Pour ma part, je trouve cela assez choquant.

Par ailleurs, l’argument consistant à dire que la taxe proposée aurait pour effet de menacer des emplois dans l’industrie du luxe n’est pas très convaincant, puisque cette taxe est d’un montant modeste, et que son principe, déjà imaginé en d’autres temps par le gouvernement Fillon ainsi que par des gouvernements socialistes, n’a rien d’extraordinairement novateur : au contraire, il est assez banal de proposer de ponctionner légèrement l’hôtellerie de luxe.

Récemment, les personnels des grands hôtels se sont mobilisés et ont souligné, à cette occasion, que les établissements de luxe dégagent d’énormes marges, qui permettraient de payer correctement les salariés. Ce n’est donc pas la ponction de 2 % proposée par ce texte qui empêchera d’offrir un salaire décent aux salariés de l’hôtellerie de luxe. Cela n’a rien à voir.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je veux réaffirmer la nécessité de voir le fonds créé à l’article 1er doté de ressources pérennes – ce que le mécénat ne permet pas.

Par ailleurs, il me semble pour le moins contradictoire d’être d’accord avec la création d’un fonds, sans prévoir les moyens par lesquels il sera financé.

Mme Émilie Bonnivard. C’est à cause de l’article 40, on ne peut pas faire d’autres propositions !

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je suis ouverte à toute proposition, hors mécénat, qui soit de nature à pérenniser les ressources du fonds.

Enfin, ce n’est pas la première fois qu’il est proposé d’instaurer une taxe affectée portant sur un segment de l’économie et visant à permettre de mener une politique publique. En l’occurrence, nous avons opté pour une cohérence symbolique, celle des vacances. Je ne vois donc pas pourquoi un dispositif voté en 2011 devrait aujourd’hui être repoussé, alors même que le tourisme, notamment de luxe, se porte mieux que jamais dans notre pays.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et les amendements AC1, AC26, AC27, AC28, AC11, AC29, AC30, AC31 et AC32 tombent.

Article 3 : Mise en place de guichets uniques d’information dans les établissements scolaires sur les colonies de vacances et les aides au départ

La commission est saisie de l’amendement AC4 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Il n’est pas du rôle de l’école de participer à l’organisation des vacances de leurs élèves. Il est à la fois inopportun et coûteux de créer un guichet uniquement voué à cette mission dans chaque établissement. Le bon sens pratique voudrait plutôt qu’il n’y ait qu’un guichet par ville, géré, par exemple, par le service jeunesse déjà existant de la mairie.

L’action sociale relevant d’ailleurs de l’action de la commune ou de l’intercommunalité, il n’appartient pas au Parlement de s’immiscer dans l’organisation interne des écoles et des mairies. Il y va du respect du principe de subsidiarité, qui doit toujours primer sur l’élaboration de lois ayant une incidence sur la politique des collectivités.

Pour ces raisons, je propose de supprimer l’article 3.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AC34 de la rapporteure et AC15 de Mme Cécile Rilhac.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. À la suite des auditions que nous avons effectuées, nous avons été conduits à réexaminer les conditions, d’une part, de la collecte d’informations, d’autre part, de leur diffusion auprès des jeunes et de leurs familles.

L’amendement AC34 vise à organiser la centralisation des informations relatives aux colonies de vacances et aux aides financières susceptibles de permettre la participation aux séjours organisés dans ce cadre. Il tient compte des inconvénients pratiques que peut comporter l’établissement d’un guichet unique au sein des établissements scolaires, notamment au regard de la charge d’activité supplémentaire pour les enseignants. Aussi nous proposons de réorganiser le dispositif afin que la diffusion de cette information repose sur les locaux et personnels mis à disposition par les communes, les établissements publics intercommunaux, les caisses d’allocations familiales, les centres d’action sociale et, le cas échéant, associe les services du ministre chargé de l’éducation, ainsi que les établissements du premier et du second degrés sous statut public ou ayant conclu un contrat d’association avec l’État.

Mme Cécile Rilhac. Les établissements scolaires n’ont pas vocation à gérer les activités périscolaires et péri-éducatives. Toutefois, l’idée de mettre en place un lieu unique centralisant les informations concernant les colonies de vacances – afin d’en faciliter l’accès et de mieux communiquer avec les familles sur les possibilités existantes – semble pertinente.

L’amendement AC15 propose une réécriture un peu plus globale afin que cette mesure soit mise en œuvre par l’État et les collectivités territoriales selon des modalités qu’ils définiront eux-mêmes. Et pour cela, nous préférons évidemment notre rédaction à celle proposée par Mme Rubin.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Nous avons en commun l’objectif d’associer des acteurs tels que les communes et les intercommunalités, si ce n’est que notre proposition est plus globale, puisqu’elle vise avec ce schéma l’ensemble des acteurs permettant de centraliser les informations relatives aux colonies de vacances et aux aides financières s’y rapportant. Nous visons une diffusion plus vaste.

Mme Cécile Rilhac. Votre rédaction nous semble trop contraignante. Pour notre part, nous préférons parler d’une « interface de référence » qui, grâce à une plus grande souplesse, est de nature à permettre aux collectivités territoriales d’adapter cette interface en fonction des moyens se trouvant déjà à leur disposition.

Mme Sylvie Charrière. Notre amendement vise, dans l’esprit des maisons France Services, à combattre le phénomène de non-recours aux aides proposées aux familles.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je me demande bien ce qu’est une « interface de référence »…

La commission rejette l’amendement AC34.

Elle adopte l’amendement AC15 et l’article 3 est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement AC5 tombe.

Après l’article 3

La commission est saisie de l’amendement AC12 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. L’amendement vise à insérer, après l’article 3, un article précisant que « l’hébergement de séjour collectif d’accueil des mineurs peut faire l’objet d’un jumelage entre les communes ou les départements. »

Il s’agit de favoriser des liens culturels, mais aussi une forme d’entraide entre les départements. Le jumelage peut permettre de mettre à disposition des bâtiments, notamment des pensionnats d’école, afin d’accueillir les colonies de vacances de la ville jumelée, et inversement. Le système d’échange qui pourrait être mis en place – j’insiste sur le fait qu’il ne s’agirait que d’une possibilité – aurait la vertu de réduire les coûts d’hébergement.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je ne dispose d’aucun élément qui montrerait l’incapacité juridique des collectivités à organiser de telles coopérations en l’état des compétences que leur confère la loi. En outre, on mesure mal, à ce stade, quelles pourraient être les implications pratiques d’un tel jumelage et les garanties que sa mise en œuvre nécessiterait du point de vue du partage des charges ou de l’exercice des responsabilités.

Avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC16 de Mme Sylvie Charrière.

Mme Sylvie Charrière. L’amendement AC16 est un amendement d’appel portant sur les projets éducatifs territoriaux (PEDT).

Les colonies de vacances constituent un temps éducatif et pédagogique complémentaire à celui de l’école et participent de la réussite éducative de l’enfant. Elles permettent notamment à l’enfant à apprendre à vivre en collectivité et à développer son autonomie, et constituent un temps de découverte participant à son épanouissement.

Les PEDT sont des dispositifs centrés autour de l’intérêt de l’enfant et permettent son épanouissement dans le cadre d’activités culturelles ou sportives organisées pendant son temps libre et dans la continuité du service public de l’éducation.

Le présent amendement vise à donner la possibilité aux acteurs des PEDT d’y inclure des activités extrascolaires telles que les séjours collectifs de mineurs. Ce sont, en effet, ces acteurs qui sont les plus à même d’identifier les besoins des jeunes pouvant exister sur le territoire. Dans le cadre du PEDT, ils pourront ainsi coordonner efficacement leurs actions dans un cadre précis et concerté. Cette intégration faciliterait également l’attribution, aux séjours collectifs ou à leurs organisateurs, de subventions venant des collectivités ou des fonds de l’État.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Les PEDT sont soumis à une réglementation distincte de celle des activités extrascolaires, qui relève de l’éducation nationale. Je suis donc défavorable à cet amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC19 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Je retire également l’amendement AC19, dont l’objectif était d’inclure dans la formation des enseignants l’organisation de classes de découverte, classes de neige et classes de mer, puisque ces activités ne sont pas prises en compte par la présente proposition de loi.

L’amendement est retiré.

Article 4 : Gage

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC21 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 4 modifié.

Après l’article 4

La commission examine l’amendement AC20 de la rapporteure.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. L’amendement AC20 vise à prendre en considération les délais nécessaires à la mise en place du fonds national destiné au financement de l’aide au départ en colonie de vacances, ainsi qu’à l’organisation de la centralisation des informations relatives aux colonies de vacances et aux aides au départ.

La commission rejette l’amendement.

Titre

L’amendement AC18 de Mme Émilie Bonnivard est retiré.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

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En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 

 Texte adopté par la commission :

http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta-commission/r2722-a0.asp

 Texte comparatif :

http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r2722-aCOMPA.pdf

 


([1]) Lien vidéo : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8831630_5e562aaa7aea3.commission-des-affaires-culturelles-et-de-l-education--acces-aux-colonies-de-vacances--cantines-ve-26-fevrier-2020