Logo2003modif

N° 2724

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 février 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi pour des cantines vertueuses,

 

TOME I

AVANT-PROPOS, COMMENTAIRES D’ARTICLES ET ANNEXE

 

 

Par Mme Clémentine AUTAIN,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  2597.

 


 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 Pages

Avant-propos

Principaux apports de la commission

Commentaire des articles

Article 1er (supprimé) Principe de gratuité du service public de restauration scolaire

Article 2 Conséquence de la gratuité sur la tarification de la restauration scolaire

Article 3 (supprimé) Formation des professionnels de la restauration collective aux enjeux de la bifurcation écologique et solidaire

Article 4 Amélioration de la qualité des produits servis en restauration collective publique

Article 5 Instauration d’une dotation relative au soutien à une restauration scolaire saine et durable

Article 6 (supprimé) Gage

Article 7 (supprimé) Gage

Article 8 (nouveau) Gage

annexe : LISTE DES TEXTES SUSCEPTIBLES DÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À LOCCASION DE LEXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI


—  1  —

   Avant-propos

 

Chaque année, plus d’un milliard de repas sont servis dans les cantines scolaires. Prise dans son ensemble, la restauration collective représente près de quatre milliards de repas par an, pour un chiffre d’affaires de 16 milliards d’euros.

Ce levier considérable n’est pas mis au service de la société comme il devrait l’être. Face à l’urgence climatique, aux inégalités, aux dangers de la malbouffe, à une chaîne de valeur de plus en plus déséquilibrée au détriment des producteurs, les cantines ont un rôle à jouer.

La présente proposition de loi a pour ambition de les rendre vertueuses.

Des cantines vertueuses, ce sont d’abord des cantines accessibles à tous. Tel n’est pas le cas aujourd’hui à l’école, où existent de fortes inégalités entre les élèves selon leur origine sociale dans l’accès à la cantine. En 2016, 40 % des élèves issus de familles très défavorisées n’étaient pas inscrits à la restauration collective de leur établissement d’enseignement, contre 17 % pour les élèves issus de familles aisées. Dans les établissements classés en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+), la proportion de non-inscrits parmi les élèves de familles modestes atteignait 75 % ([1]).

Si des dispositifs de tarification sociale existent dans certaines communes, ceux-ci demeurent minoritaires et ne couvrent en définitive qu’une petite partie du territoire. En 2013, 69 % des communes ne proposaient pas de tarifs différenciés selon les revenus ou la composition du ménage ([2]).

Ouvrir les cantines à tous les enfants est aussi un enjeu de santé publique. La cantine est l’endroit où les enfants, quelle que soit leur origine sociale, peuvent profiter d’une nourriture saine et apprendre de bonnes pratiques alimentaires, loin des produits ultra-transformés et du grignotage. Comme le relevait dès 2001 une circulaire interministérielle, « les habitudes alimentaires sacquièrent dès le plus jeune âge. Il est donc important de commencer léducation nutritionnelle quand les comportements et les attitudes nont pas encore été établis. […] [Lécole] doit aider [les enfants], en complémentarité avec les familles, à choisir leurs propres aliments chaque fois quils peuvent le faire en dépit des tendances, des médias et des traditions et leur faire connaître les effets de lalimentation sur leur santé » ([3]).

Cet apprentissage est particulièrement important pour lutter contre le fléau de l’obésité infantile, qui touche en premier lieu les plus démunis. Dans une étude parue en 2015, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des solidarités et de la santé relevait que les enfants d’ouvriers étaient plus de quatre fois plus touchés par l’obésité que les enfants de cadres, et ce dès la grande section de maternelle ([4]).

Agir pour des cantines scolaires gratuites et de qualité devrait être une évidence pour les pouvoirs publics : c’est au service de cette évidence que se place cette proposition de loi, dont les articles 1er et 2 prévoient l’inscription, dans le code de l’éducation, du principe de gratuité du service de restauration scolaire.

Des cantines vertueuses, ce sont ensuite des cantines au service de la société.

Depuis la loi « Égalim » de 2018, les repas servis dans les cantines doivent comprendre une proportion minimale de 50 % de produits labellisés, et 20 % de produits issus de l’agriculture biologique ([5]).

Il s’agit certes d’un premier pas. Mais il n’est pas suffisant. Dans un récent référé, la Cour des comptes a souligné l’impasse dans laquelle se trouve la stratégie du Gouvernement en matière de sortie du glyphosate ([6]). Même repoussée à l’échéance de 2025, la promesse confirmée en avril 2019 de diminuer l’utilisation de 50 % du glyphosate par rapport aux niveaux de 2010 ne sera pas tenue.

En portant à 80 % la part de produits bio devant être servis dans les cantines, l’article 4 de cette proposition de loi engage pleinement la restauration collective dans la bifurcation écologique. Elle agit également en faveur d’une alimentation saine, en rehaussant à 70 % la part des produits devant répondre à au moins un critère de qualité (notamment label rouge, pêche durable ou produit de pays) ou de respect de l’environnement.

Il ne sera toutefois pas possible de mettre en œuvre ces engagements sans la pleine coopération des personnels œuvrant dans les cantines d’une part et des collectivités territoriales d’autre part.

C’est pourquoi l’article 3 prévoit de mettre en place une formation initiale et continue à destination des acteurs de la restauration scolaire, afin de former les cuisiniers, les gestionnaires, les acheteurs publics et les nutritionnistes aux enjeux de la bifurcation écologique : lutte contre le gaspillage et l’usage excessif de plastique, sensibilisation à l’achat de produits respectueux des sols et équitables pour les producteurs.

L’article 5 prévoit quant à lui l’institution d’une dotation de soutien aux communes investissant dans une restauration saine et durable, afin de permettre aux communes éligibles à la fraction cible de la dotation de solidarité rurale ou à la dotation de solidarité urbaine de mettre en œuvre les investissements nécessaires.

Les dispositions de la présente proposition de loi sont financées par des mesures simples et en accord avec les attentes des Français, à rebours de la politique de cadeaux fiscaux aux plus riches menée par le Gouvernement. L’article 6 prévoit le rétablissement de l’impôt sur la fortune, dont la suppression coûte chaque année 3,5 milliards d’euros aux finances publiques. L’article 7 institue une taxe acquittée par les entreprises commercialisant des pesticides, d’un montant maximal de 3 % du chiffre d’affaires. Ces deux articles permettront à l’État de compenser intégralement les coûts supplémentaires pour les collectivités territoriales, évalués à 3,2 milliards d’euros.

 


—  1  —

  
Principaux apports de la commission

Lors de son examen de la présente proposition de loi, mercredi 26 février 2020, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation a supprimé les articles 1er, 3, 6 et 7.

Elle a adopté, avec modifications, les articles 2, 4 et 5.

À l’article 2, elle a adopté un amendement de rédaction globale de M. Gaël Le Bohec, modifié par un sous-amendement de M. Bruno Studer. Ainsi, un nouvel article L. 533-3 du code de l’éducation prévoit que les collectivités territoriales fixent les tarifs de la restauration scolaire, qui ne peuvent être supérieurs au coût de revient du service par usager pour la collectivité territoriale, et qu'un barème progressif peut être mis en place. Lorsqu’il est mis en place, ce barème doit comporter au moins trois tranches et être calculé sur la base du dernier revenu imposable du foyer fiscal. Le plafond de revenus pour l’éligibilité à la tranche la plus basse ne peut dépasser 7 800 euros à l’échelle du foyer, ce montant étant indexé chaque année sur la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Le tarif applicable pour la première tranche doit être inférieur ou égal à un euro. En conséquence, l’inscription à l’article L. 533-1 du code de l’éducation du principe de gratuité des tarifs de la restauration scolaire, prévu dans le texte initial de la proposition de loi, est supprimée.

À l’article 4, la commission a adopté un amendement de M. Le Bohec de suppression du deuxième alinéa, qui prévoyait l’élévation de la part obligatoire de produits répondant à certains critères (dont produits bénéficiant de labels de qualité ou respectueux de l’environnement) et de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective publique.

L’article 5 a été modifié par un amendement de rédaction globale de M. Le Bohec. La nouvelle rédaction prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement avant le 1er janvier 2021 un rapport relatif au financement par l’État de la tarification sociale des cantines par les collectivités territoriales. Ce rapport devra notamment faire état des communes et établissements de coopération intercommunale bénéficiaires d’un soutien financier de l’État, et du montant des crédits alloués. L’amendement se substitue ainsi au texte initial de la proposition de loi, qui prévoyait la création d’une dotation de soutien aux communes fragiles dans la mise en œuvre d’investissements en faveur d’une restauration scolaire saine et durable.

La commission a enfin inséré, après l’article 7, sur amendement de M. Le Bohec, un nouvel article de gage, les gages initialement prévus ayant été supprimés.

 


—  1  —

   Commentaire des articles

Article 1er (supprimé)
Principe de gratuité du service public de restauration scolaire

Supprimé par la commission

Le présent article inscrit dans la loi un principe de gratuité du service de restauration scolaire. Il élargit le champ du droit d’inscription à la cantine des écoles primaires, en lui substituant un droit d’accès à la restauration collective de tout établissement, incluant ainsi collèges et lycées.

I.   Le droit existant : un système de restauration scolaire socialement discriminant

Les enfants de familles défavorisées font face à des difficultés d’accès considérables à la restauration scolaire.

A.   Un droit d’inscription à la cantine inscrit dans la loi mais limité aux écoles primaires

1.   La restauration scolaire, un service public facultatif annexe de celui de l’enseignement

● La restauration scolaire dans chaque établissement d’enseignement relève de la compétence de la collectivité territoriale responsable de l’établissement. Il s’agit d’un service public facultatif, qui ne compte pas parmi les missions obligatoires des collectivités.

S’agissant de l’enseignement primaire, le code général des collectivités territoriales ne place pas la restauration scolaire parmi les dépenses obligatoires de la commune ([7]). Ce caractère facultatif a été confirmé par voie jurisprudentielle, le Conseil d’État estimant que la création d’une cantine scolaire n’était « pas au nombre des obligations incombant à [la] commune pour le fonctionnement du service » ([8]). Le Conseil constitutionnel a validé cette interprétation dans une décision du 26 janvier 2017, considérant que les dispositions introduites par la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté en matière de restauration scolaire ([9]) n’avaient « ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la création dun service public de restauration scolaire dans les écoles primaires » ([10]).

Le caractère obligatoire ou non de la restauration scolaire est resté plus longtemps en suspens pour l’enseignement secondaire, en raison du flou entourant les dispositions en vigueur. La loi de décentralisation du 13 août 2004, qui prévoyait le transfert de compétences liées à l’enseignement scolaire aux départements (pour les collèges) et aux régions (pour les lycées), se borne à indiquer que le département assure, entre autres, « la restauration […] dans les collèges dont il a la charge », de même pour les régions s’agissant des lycées ([11]). Reprises aux articles L. 213-2 et L. 214-6 du code de l’éducation, ces dispositions ont parfois été interprétées comme créant une obligation pour les collectivités responsables de mettre en place une cantine dans l’établissement. Il en résultait la conception que le service de restauration scolaire était facultatif dans les écoles, mais obligatoire dans les collèges et lycées ([12]).

Cette interprétation a été infirmée par un arrêt récent du Conseil d’État. Ce dernier a en effet jugé qu’il n’existait aucune obligation pour le département de mettre en place un service de restauration collective, estimant qu’il ne résultait pas de la loi de 2004 « que le législateur ait entendu, à cette occasion, transformer ce service public administratif, jusqualors facultatif, en service public administratif obligatoire ». La responsabilité de la collectivité ne peut dès lors être engagée pour avoir refusé de le prendre en charge financièrement ce service ([13]).

S’appliquant aux départements, cette jurisprudence devrait également et selon toute logique valoir pour les régions, dont la compétence pour les lycées obéit à des dispositions strictement similaires à celles en vigueur pour les départements.

● Lorsqu’il est mis en place, le service de restauration scolaire est un service public annexe à celui de l’enseignement. Il est dès lors soumis aux mêmes principes que les autres services publics, et notamment au principe d’égalité des usagers devant le service public ([14]). Si ce principe admet la pratique d’une tarification différenciée selon des critères sociaux basés sur les revenus du foyer, il ne peut donner lieu à des restrictions d’accès sans rapport avec l’objet du service public en cause, selon les termes du Conseil d’État ([15]). Ce dernier a ainsi suspendu en référé l’exécution d’une délibération municipale limitant à un jour par semaine l’accès à la restauration scolaire des enfants dont un parent ne travaille pas ([16]).

2.   Un droit d’inscription limité aux écoles primaires

Désormais inscrit dans la loi, le droit d’accès de tout enfant à la restauration scolaire se limite aux écoles primaires et ne s’applique pas aux cantines des collèges et des lycées.

La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté précitée a institué, en son article 186, un droit pour chaque enfant à être inscrit à la cantine de son école primaire chaque fois que ce service a été mis en place. L’article L. 131-13 du code de l’éducation dispose ainsi désormais que « linscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés », précisant par ailleurs qu’ « il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ».

Introduit par amendement en commission lors de l’examen du texte en première lecture à l’Assemblée nationale ([17]), cet article visait à mettre fin aux situations d’exclusion auxquelles faisaient face un certain nombre d’élèves. Jusqu’alors, un chef d’établissement du premier degré pouvait en effet refuser l’inscription d’un élève à la cantine, au motif que la capacité des installations ne permettait pas d’accueillir l’élève en question.

Dans sa décision du 26 janvier 2017 mentionnée précédemment, le Conseil constitutionnel a confirmé que ces nouvelles dispositions instauraient bien un « droit daccès » au service de restauration scolaire, dès lors que ce service existe. Le tribunal administratif de Besançon en a par ailleurs précisé l’effectivité, estimant que les termes de la loi « impliquent que les personnes publiques ayant choisi de créer un service de restauration pour les écoles dont elles ont la charge sont tenues de garantir à chaque élève le droit dy être inscrit ». Le jugement précise par ailleurs que les communes « doivent adapter et proportionner le service à cette fin et ne peuvent, au motif du manque de place disponible, refuser dy inscrire un élève qui en fait la demande » ([18]). Cette interprétation a été validée en appel par la cour administrative d’appel de Nancy ([19]).

Ce droit demeure toutefois trop limité dans son champ dapplication, et ne remédie pas aux inégalités daccès à la restauration scolaire.

B.   Des inégalités d’accès persistantes selon le revenu des familles

Le droit à être inscrit à une cantine scolaire, malgré son inscription dans la loi, ne signifie pas que les élèves puissent toujours y avoir accès. Au contraire : l’accès à la cantine est aujourd’hui fortement discriminant envers les familles les plus modestes. Le coût élevé de la restauration scolaire dissuade les parents d’y inscrire leur enfant, avec des conséquences inacceptables en termes de justice sociale et de santé publique.

1.   Un accès inégal des enfants à la restauration scolaire

La compétence des collectivités en matière de restauration scolaire a pour conséquence une grande liberté en matière de gestion, et notamment dans la fixation des tarifs. L’article R. 531-52 du code de l’éducation précise ainsi que « les tarifs de la restauration scolaire fournie aux élèves des écoles maternelles, des écoles élémentaires, des collèges et des lycées de lenseignement public sont fixés par la collectivité territoriale qui en a la charge ». La seule limite à cette liberté des tarifs, d’origine jurisprudentielle puis reprise par voie réglementaire, est que le tarif maximal payé par un usager ne peut être supérieur au coût de revient du repas pour le service de restauration, « après déduction des subventions de toute nature bénéficiant à ce service » ([20]).

Les prix sont variables selon les établissements et le niveau d’enseignement. Dans un rapport de 2013, le Défenseur des droits estime que le coût pour la commune d’un repas servi et encadré en école maternelle ou primaire s’inscrit dans une fourchette allant de 6,50 euros à 10 euros, pour un prix facturé aux familles situé entre 3,50 euros et 4 euros ([21]). S’agissant des collèges, une enquête de l’Assemblée des départements de France (ADF) publiée la même année évalue à entre 7 euros et 9 euros le coût individuel d’un repas pour les départements, pour un prix moyen de 2,97 euros ([22]). À l’année, le coût moyen de fréquentation de la cantine par enfant s’élèverait à environ 400 euros dans l’enseignement primaire et 580 euros dans l’enseignement secondaire ([23]).

Ce coût élevé demandé aux familles les plus défavorisées a pour conséquence la faible fréquentation des cantines par leurs enfants. En labsence daides, les ménages du premier décile consacraient en effet 18,3 % de leurs revenus mensuels à la cantine de leurs enfants en collège dans lEssonne et 22,4 % dans les Landes, contre respectivement 5,3 % et 5,9 % pour les ménages du cinquième décile ([24]).

Il en résulte un niveau très faible de fréquentation des cantines dans certains établissements. Ainsi, si seulement 23 % des élèves des collèges publics hors éducation prioritaire ne fréquentent jamais la cantine de leur établissement, cette proportion grimpe à 59 % pour les élèves de collèges publics en éducation prioritaire. Au sein même des collèges relevant de l’éducation prioritaire, 73 % des élèves n’utilisent jamais la cantine dans les établissements classés en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) contre 53 % dans les établissements classés en réseau d’éducation prioritaire (REP) ([25]).

Source : Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), 2017.

Cette différence de fréquentation de la cantine selon le niveau de revenus des parents se vérifie dans tous les catégories d’établissements, en réseau d’éducation prioritaire ou non. Ainsi, pour l’ensemble des collèges publics et privés, on compte 17 % d’élèves ne fréquentant jamais la cantine chez les élèves dont l’origine sociale est « très favorisée » contre 40 % pour les élèves issus de familles modestes. Une étude de 2017 menée par le Haut Conseil de la Santé Publique constatait plus généralement la « désaffection des quartiers populaires » pour les cantines scolaires, au détriment des enfants qui y sont scolarisés ([26]).

 

Source : Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), 2018.

2.   La tarification sociale, une possibilité trop peu répandue

Si la loi permet aux collectivités de pratiquer une tarification sociale modulée selon les revenus et la composition du foyer de lélève, cette pratique demeure trop faiblement répandue.

L’article L. 533-1 du code de l’éducation autorise les collectivités territoriales à « faire bénéficier de mesures à caractère social tout enfant sans considération de létablissement denseignement quil fréquente ». L’article 147 de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions précise les critères pouvant être retenus pour la modulation des prix pratiqués, en disposant que les tarifs des services publics facultatifs (tels que celui de la restauration scolaire) « peuvent être fixés en fonction du niveau du revenu des usagers et du nombre de personnes vivant au foyer » ([27]).

Ces deux critères doivent être appréciés de façon objective, de façon à ne pas conduire à traiter différemment des personnes placées dans une situation similaire. Ainsi, l’article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales précise que « lorsquils attribuent des aides sociales à caractère individuel, en espèces ou en nature, ou un avantage tarifaire dans laccès à un service public, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les groupements de collectivités et les organismes chargés de la gestion dun service public veillent à ce que les conditions dattribution de ces aides et avantages nentraînent pas de discrimination à légard de personnes placées dans la même situation, eu égard à lobjet de laide ou de lavantage, et ayant les mêmes ressources rapportées à la composition du foyer ».

En réalité, on constate des disparités très importantes dans la pratique de modulation des tarifs.

S’agissant des écoles publiques primaires, la tarification différentielle demeure peu utilisée. Comme le relevait l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) dans un rapport de janvier 2019, « cette option est loin dêtre généralisée et reste même minoritaire, à lexception des communes de taille moyenne ou grande » ([28]). Dans une étude de 2014 menée auprès de 1 700 communes et EPCI, l’Union nationale des associations familiales (UNAF) notait pour sa part que seulement 31 % des collectivités offraient un service de restauration scolaire à tarification différenciée ([29]).

Les familles défavorisées sont dès lors très inégalement soutenues pour le financement de la restauration scolaire, avec d’importantes inégalités selon la taille de la commune. En région Nouvelle Aquitaine, une enquête du quotidien Sud-Ouest concluait à un tarif moyen annuel de 369,10 euros pour les familles du dernier décile dans les communes de moins de 1 500 habitants, contre 56,40 euros dans les communes de plus de 50 000 habitants ([30]).

Cette inégalité s’observe sur l’ensemble du territoire français. Selon l’étude de l’UNAF précitée, si l’intégralité des communes de plus de 100 000 habitants proposait en 2014 une tarification différenciée, ce n’était le cas que de 10 % des communes de 100 à 400 habitants.

Les différences de politique tarifaire sont également très marquées dans l’enseignement secondaire. Le CNESCO évaluait en octobre 2017 à 55 % la proportion de collèges et de lycées ne proposant pas de politique tarifaire spécifique selon les revenus du foyer. Ainsi, et au détriment du plus grand nombre des élèves, seule une minorité d’établissements (40 %) pratique des tarifs différenciés.

Handicap et accès à la restauration scolaire : une tarification différenciée source de discriminations

 

Le principe de liberté tarifaire autorise les communes à fixer des tarifs préférentiels pour les enfants dont les parents résident sur son territoire, et par conséquent des tarifs plus élevés pour ceux n’y résidant pas.

Cette pratique est source d’injustices pour les élèves scolarisés en Unités locales pour l’inclusion scolaire (ULIS), qui accueillent les élèves en situation de handicap sur décision de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Toutes les écoles n’offrant pas de classes ULIS, l’école accueillant l’enfant peut être située dans une commune qui n’est pas celle de sa résidence. Il arrive ainsi que des enfants scolarisés en ULIS se voient appliquer un tarif de restauration majoré, ce qui constitue, comme le relevait le Défenseur des droits dans son rapport de mai 2019, « une discrimination indirecte fondée sur le handicap des enfants » ([31]).

Le Défenseur des droits préconise que ces différences de tarification pour les enfants scolarisés en ULIS ne s’appliquent pas dans leur cas, et a rendu une décision en ce sens le 3 mai 2018 ([32]). En septembre 2019, un collectif de parents a obtenu de la ville d’Épinal qu’elle considère les élèves d’une classe d’ULIS comme ses résidents, et donc qu’ils ne soient pas soumis aux tarifs majorés, quand bien même ils seraient issus d’une commune différente ([33]). Le sujet a également été porté à l’attention du Gouvernement par le biais d’une question écrite déposée par le député Stéphane Viry en juillet 2019. Dans sa réponse, la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a indiqué que l’État n’envisageait pas de mettre en place un fonds national de solidarité en la matière, au motif que le choix du tarif de cantine des élèves scolarisés en ULIS relève de la responsabilité des collectivités territoriales ([34]).

3.   Un soutien étatique insuffisant

Les dispositifs censés permettre aux ménages modestes de financer la cantine de leurs enfants sont insatisfaisants, qu’il s’agisse des fonds sociaux ou de l’opération « cantine à 1 euro » lancée par le Gouvernement dans le cadre de son « plan pauvreté » ([35]).

Venant en complément des bourses nationales, le fonds social pour les cantines et les fonds sociaux collégien et lycéen ont été créés dans les années 1990 pour aider les familles à faire face aux dépenses liées à la scolarité de leurs enfants ([36]).

Selon les termes de la circulaire l’instituant, le fonds social pour les cantines « a pour objet de faciliter laccès à la restauration scolaire du plus grand nombre de collégiens, de lycéens, délèves dErea et dERPD, et tout particulièrement ceux en situation de précarité » ([37]). L’aide, dont le montant vient en déduction du tarif dû par la famille pour les frais de restauration, est accordée à l’élève après demande de ses représentants légaux et sur décision du chef d’établissement, dans la limite des crédits dont il dispose.

Si les fonds sociaux collégien et lycéen n’ont pas vocation à financer la restauration scolaire, ils peuvent venir compléter le fonds social pour les cantines en cas d’épuisement des crédits accordés à l’établissement au titre de ce dernier.

Laide apportée par ces fonds est aujourdhui trop faible pour permettre aux familles de faire face aux dépenses de restauration scolaire. Il est ainsi à noter que les crédits accordés à ces fonds ont diminué depuis 2001, passant de 73 millions d’euros à 65 millions d’euros en 2016 – soit une baisse considérable une fois l’inflation prise en compte ([38]).

En outre, et comme le précise la circulaire, « la gratuité de la restauration ne pourra être accordée quà titre exceptionnel et pour une durée limitée ». Le fonds ne permet donc en aucun cas aux familles de soustraire complètement de leur budget les dépenses de cantine.

Quant à lopération « cantine à 1 euro » lancée par le Gouvernement, son efficacité reste à démontrer.

Annoncée en avril 2019 dans le cadre du « plan pauvreté », l’opération repose sur le versement par l’État à certaines communes d’une aide de 2 euros par repas. En contrepartie, le service de restauration scolaire doit proposer une tarification sociale comportant au moins trois tranches, le tarif pour la plus basse ne pouvant dépasser 1 euro. Le montant de 2 euros retenu pour l’aide repose sur des chiffres avancés par une note publiée en août 2018 par le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), selon laquelle le coût moyen facturé aux parents dans le premier degré pour un repas serait entre 2,5 et 3 euros. Après comptabilisation de l’aide, la commune pourrait donc théoriquement facturer un repas à moins de 1 euro à coût budgétaire égal.

Ce dispositif présente toutefois des faiblesses majeures.

La rapporteure constate en premier lieu l’absence de fiabilité des données avancées par le HCFEA au sujet du prix des cantines dans le premier degré. La seule source avancée par le Haut conseil est en effet un site internet ([39]), « cité par le Défenseur des droits et un rapport parlementaire » – sans qu’il soit indiqué par ailleurs de quel rapport parlementaire il s’agit. Aussi, et en l’absence de garantie que le tarif facturé par les communes soit toujours inférieur à 3 euros, on ne peut que remettre en question le bien-fondé du dispositif.

L’opération est ensuite entièrement facultative. Comme le précise la Foire aux questions diffusée par la Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, « il ne sagit pas dune nouvelle obligation mise à la charge des communes. Celles qui souhaitent recourir au dispositif le peuvent, celles qui ne le souhaitent pas nont aucune obligation de modifier leur tarification des cantines » ([40]).

Enfin, le périmètre de l’aide suscite des interrogations. Seules sont en effet concernées les communes bénéficiaires de la « fraction cible » de la dotation de solidarité rurale (DSR) ayant conservé la compétence cantines, et les EPCI disposant de la compétence cantines dont les deux tiers de la population habitent dans une commune éligible à la fraction cible de la DSR. Ce périmètre recouvre au total 10 000 communes potentiellement bénéficiaires, comptant toutes moins de 10 000 habitants ([41]).

Le ciblage de l’aide exclut donc de son bénéfice de nombreuses familles modestes, dès lors qu’elles résident dans des communes classées comme « riches », voire même simplement urbaines.

4.   Un enjeu majeur de santé publique

Les conséquences des inégalités daccès aux cantines en matière de santé publique sont préoccupantes.

La cantine scolaire est en effet un lieu où les enfants peuvent bénéficier d’un repas complet et équilibré, et ainsi parfois compenser une alimentation insuffisante ou inadaptée sur le reste de la journée. Ce besoin est particulièrement saillant chez les enfants de familles modestes, plus vulnérables que les autres à la malnutrition. Comme le relevait un rapport au gouvernement sur la politique de l’enfance en 2012, « les enfants de parents sans emploi en ont un besoin particulier, car il leur permet davoir un repas équilibré par jour, ce quils nont malheureusement pas toujours à leur domicile ; il y a là un enjeu de santé publique essentiel » ([42]). L’Inspection générale de l’éducation nationale relevait quant à elle en 2015 que pour beaucoup d’élèves, « le repas pris à la cantine constitue souvent le seul apport nutritionnel de la journée » ([43]).

D’autres études soulignent les bénéfices de la restauration scolaire sur la santé et la réussite des enfants. Ainsi, un rapport du CNESCO de 2017 mettait en évidence un lien de corrélation négatif entre la proportion de repas pris à la cantine et la possibilité de développer ultérieurement un surpoids chronique ([44]). Une étude menée en Angleterre constatait pour sa part un lien entre la fréquentation de la cantine et la réussite scolaire, les élèves étant plus facilement attentifs et disposés à apprendre lorsqu’ils bénéficient d’un repas complet.

Les exemples étrangers ne manquent pourtant pas pour illustrer la faisabilité de cantines scolaires gratuites : il en est notamment ainsi en Finlande et en Suède, aussi bien dans l’enseignement primaire que dans l’enseignement secondaire. C’est également le cas en Angleterre pour les enfants de 4 à 7 ans, et de 5 à 7 ans en Écosse depuis 2015 ([45]).

Il est donc aujourdhui urgent doffrir à tous les enfants de repas sains, équilibrés et nutritifs, et de mettre fin à linjustice à laquelle font face les plus défavorisés dentre eux.

II.   Le dispositif proposé : des cantines accessibles à tous

● Le présent article modifie l’article L. 131-13 du code de l’éducation relatif à l’inscription en cantine scolaire dans les écoles primaires.

Le 1° inscrit au début de l’article le principe général selon lequel la restauration scolaire est un service public gratuit.

Le 2° remplace la notion d’inscription à la cantine par celle d’accès à la restauration collective, et élargit ce droit d’accès à l’ensemble des établissements d’enseignement, y compris aux collèges et aux lycées.

Ainsi, aucun refus ne pourra être opposé à un élève souhaitant accéder à la cantine de son établissement. La mention selon laquelle ce droit est subordonné à l’existence du service de restauration scolaire est conservée. La mise en place d’un service de restauration scolaire demeure donc facultative.

*

 

Article 2
Conséquence de la gratuité sur la tarification de la restauration scolaire

Adopté par la commission dans une nouvelle rédaction

Le présent article confirme le principe de gratuité de la restauration scolaire, en précisant que les tarifs des services de restauration scolaire doivent en tenir compte.

● L’état du droit existant est développé dans le commentaire de l’article 1er (cf. supra).

● Le présent article renforce le principe de gratuité établi à l’article 1er, en l’inscrivant également à l’article L. 533-1 du code de l’éducation. Cet article autorise aujourd’hui les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les caisses des écoles à faire bénéficier tout enfant de mesures à caractère social sans considération de l’établissement d’enseignement qu’il fréquente.

Il est complété par un nouvel alinéa prévoyant explicitement la gratuité des repas fournis aux élèves des écoles maternelles, des écoles élémentaires, des collèges et des lycées de l’enseignement public, en raison de leur caractère indispensable.

Ce nouvel alinéa est plus restrictif que le premier alinéa, qui ouvre la possibilité d’accorder des aides à tous élèves, y compris des établissements privés.

*

Article 3 (supprimé)
Formation des professionnels de la restauration collective aux enjeux de la bifurcation écologique et solidaire

Supprimé par la commission

Le présent article confie à l’État, au titre du service public d’éducation, la mise en place de dispositifs de formation initiale et continue à destination des acteurs de la restauration collective en vue de les sensibiliser aux enjeux de la bifurcation écologique et solidaire.

I.   Les missions de l’État dans le cadre du service public de l’éducation

Aucune formation aux enjeux écologiques nest aujourdhui prévue pour les acteurs de la restauration scolaire, malgré le potentiel considérable que ceux-ci représentent en termes de changement de pratiques alimentaires.

Aux termes de l’article L. 211-1 du code de l’éducation, l’éducation « est un service public national dont lorganisation et le fonctionnement » relèvent principalement de l’État et subsidiairement des collectivités territoriales. Ces dernières sont en effet, selon ce même article, « associ[ées] au développement de ce service public ». L’État se voit donc conférer une compétence de principe dont le fondement s’appuie sur l’alinéa 13 du Préambule de la Constitution de la IVe République qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité. Cet alinéa dispose que « la Nation garantit légal accès de lenfant et de ladulte à linstruction, à la formation professionnelle et à la culture. Lorganisation de lenseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de lÉtat ». Les compétences transférées par le législateur constituent des dérogations à cette mission de principe.

● S’agissant de l’État, l’article L. 211-1 mentionne cinq missions relevant de sa responsabilité :

– « la définition des voies de formation, la fixation des programmes nationaux, lorganisation et le contenu des enseignements » ;

– « la définition et la délivrance des diplômes nationaux et la collation des grades et titres universitaires » ;

– « le recrutement et la gestion des personnels qui relèvent de sa responsabilité » ;

– « la répartition des moyens quil consacre à léducation, afin dassurer en particulier légalité daccès au service public » ;

– « le contrôle et lévaluation des politiques éducatives ».

● S’agissant des collectivités territoriales, les compétences ont été successivement transférées par les lois de décentralisation.

Les collectivités territoriales sont d’abord responsables de l’implantation et de la gestion des écoles et établissements scolaires publics.

L’article L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales dispose ainsi que « le conseil municipal décide de la création et de limplantation des écoles et classes élémentaires et maternelles denseignement public après avis du représentant de lÉtat dans le département ». Aux termes de l’article L. 213-1 du code de l’éducation, « le conseil départemental arrête après avis du conseil départemental de léducation nationale, en tenant compte de critères déquilibre démographique, économique et social, la localisation des établissements, leur capacité daccueil, leur secteur de recrutement et le mode dhébergement des élèves ». L’article L. 214-5 du même code prévoit des dispositions similaires pour la région s’agissant « des lycées, des établissements déducation spéciale et des lycées professionnels maritimes ».

Les collectivités territoriales assument également les charges de gestion des établissements. L’article L. 212-4 dispose que la commune a la charge des écoles publiques et en précise la portée : propriétaire des locaux, elle « en assure la construction, la reconstruction, lextension, les grosses réparations, léquipement et le fonctionnement ». Des dispositions similaires sont prévues par les articles L. 213-2 et L. 214-6 respectivement pour les départements s’agissant des collèges et les régions s’agissant « des lycées, des établissements déducation spéciale et des lycées professionnels maritimes ».

Les départements et les régions assurent également le recrutement et la gestion des « personnels techniciens, ouvriers et de service » qui exercent leurs missions dans les collèges ou les lycées (articles L. 213-2-1 et L. 214-6-1 du code de l’éducation).

On notera cependant que l’État est habilité par la loi à pourvoir aux carences des collectivités territoriales. L’article L. 211-3 dispose qu’il « peut créer exceptionnellement des établissements denseignement public du premier et du second degré » dans la mesure où cette création pallie la carence de la collectivité compétente qui « refuse de pourvoir à une organisation convenable du service public ».

À titre plus anecdotique, et sur le fondement de l’article L. 211-1 du code de l’éducation, l’État assume également la charge de quelques établissements relevant du ministère de l’agriculture ou du ministère de l’éducation nationale et dont la liste est fixée par décret. Par ailleurs, l’article L. 211-5 dispose que « lÉtat exerce la responsabilité des établissements denseignement relevant du ministère de la défense, du ministère de la justice et du ministère des affaires étrangères ».

II.   Une nouvelle mission : former les acteurs de la restauration scolaire aux enjeux de la bifurcation écologique et solidaire

Il ne pourra y avoir de tournant vers une alimentation saine et durable dans les cantines scolaires sans une entière mobilisation des acteurs.

C’est pourquoi l’article 3, en complétant l’article L. 211-4 du code de l’éducation, confie à l’État une nouvelle mission de mise en place de dispositifs de formation initiale et continue des acteurs de la restauration collective.

Cette formation s’attacherait aux personnels suivants : cuisiniers, gestionnaires, acheteurs publics et nutritionnistes.

La formation permettrait de mobiliser l’ensemble des personnels pour réaliser de façon concrète, à l’échelle des écoles, une bifurcation écologique et solidaire. À cet effet, les formations devront proposer « un volet écologique » destiné à sensibiliser les personnels à :

– la lutte contre le gaspillage alimentaire ;

– la limitation des contenants en plastique ;

– l’achat de produits issus de systèmes agricoles respectueux des sols ;

– l’obligation d’intégrer dans les repas des produits labellisés et issus de l’agriculture biologique, correspondants aux critères définis par l’article 24 de la loi du 30 octobre 2018 ([46]), et inscrits à l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime. Ces objectifs font l’objet de modifications prévues par l’article 4 de la présente proposition de loi (cf. infra).

*

Article 4
Amélioration de la qualité des produits servis en restauration collective publique

Adopté par la commission avec modifications

Cet article rehausse les exigences fixées par la loi « Égalim » en matière de produits de qualité et de produits biologiques dans les repas servis en restauration collective publique (et notamment scolaire), en portant leur part à respectivement 70 % et 80 %. Il précise que les produits pour lesquels est pris en compte leur coût pour l’environnement, qui comptent parmi les produits de qualité mentionnés ci-dessus, peuvent être issus de projets alimentaires territoriaux, ces derniers favorisant l’approvisionnement en circuits courts et respectant la saisonnalité des produits.

I.   Le « bio » et la qualité dans la restauration collective publique : une démarche engagée, des exigences à renforcer

Les termes de restauration collective désignent les services de restauration proposant des repas à des personnes d’un organisme déterminé, à un prix inférieur à celui de la restauration commerciale.

Les exigences en matière de qualité des produits bio fixés en 2018 pour la restauration collective publique entreront en vigueur en 2022. Ces standards doivent aujourd’hui être renforcés, afin d’engager pleinement le secteur dans une alimentation saine et durable.

A.   Des obligations nouvelles depuis la loi ÉGAlim

1.   Des dispositions programmatiques non contraignantes jusqu’en 2018

Le législateur a progressivement élevé les exigences en matière de qualité des produits servis dans la restauration collective, de façon toutefois peu contraignante jusqu’à la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Égalim ».

La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, ou loi « Grenelle I », ne s’était ainsi emparée de cette question qu’à titre programmatique. Son article 48 fixait à l’État le double objectif de recourir, dans l’approvisionnement de ses services de restauration collective :

– d’une part, « à des produits biologiques pour une part représentant 15 % des commandes en 2010 et 20 % en 2012 » ;

– d’autre part, et pour une part identique, « à des produits saisonniers, des produits à faible impact environnemental eu égard à leurs conditions de production et de distribution, des produits sous signe didentification de la qualité et de lorigine ou des produits issus dexploitations engagées dans une démarche de certification environnementale » ([47]).

La loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a inscrit à l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime une obligation pour les gestionnaires, publics et privés, de services de restauration collective, « de respecter des règles, déterminées par décret, relatives à la qualité nutritionnelle des repas quils proposent et de privilégier, lors du choix des produits entrant dans la composition de ces repas, les produits de saison » ([48]). Sont concernés par ces dispositions les services de restauration scolaire et universitaire ainsi que les services de restauration des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires.

Par ailleurs, cette même loi attribue au programme national pour l’alimentation (PNA) nouvellement instauré la mission, reprise à l’article L. 230-1 du même code, de prévoir les actions à mettre en œuvre en matière « dapprovisionnement en produits agricoles locaux dans la restauration collective publique comme privée » ([49]).

La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a par la suite modifié cette nouvelle mission, remplaçant la mention de produits locaux par celle de « produits de saison » et ajoutant parmi les produits concernés les « produits sous signe didentification de la qualité et de lorigine, notamment issus de lagriculture biologique » ([50]).

Dépourvues d’effet contraignant, ces dispositions ont produit des résultats très limités. L’agriculture biologique ne représentait ainsi que 3 % des produits consommés dans la restauration collective en 2017 ([51]).

2.   Les objectifs fixés par la loi Égalim

La loi « Égalim », a pour la première fois instauré l’obligation, pour la restauration collective publique, d’utiliser une part minimale de produits bénéficiant d’un label de qualité et de produits bio dans les repas servis.

Créé par l’article 24 de la loi, l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit désormais qu’à l’échéance du 1er janvier 2022, l’ensemble des repas servis « dans les restaurants collectifs dont les personnes morales ont la charge » comprennent une part au moins égale, en valeur, à 50 % de produits labellisés, dont une part au moins égale à 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. Il est à noter que ces dispositions ne s’appliquent pas seulement à la restauration scolaire, mais également à la restauration dans les établissements de santé ou dans les établissements pénitentiaires par exemple.

S’agissant des produits concernés par le minimum de 50 %, il s’agit :

– de produits acquis « selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie », cette formulation devant, selon le Gouvernement, favoriser les produits locaux dans le respect du droit européen de la concurrence ;

– ou issus de l’agriculture biologique, qui doivent à eux seuls représenter 20 % ;

– ou bénéficiant des signes de qualité ou mentions valorisantes prévus à l’article L. 640-2 ([52]), pour ceux dont « lutilisation est subordonnée au respect de règles destinées à favoriser la qualité des produits ou la préservation de lenvironnement » ;

– ou bénéficiant du label « pêche durable », mentionné à l’article L. 644‑15 ;

– ou bénéficiant du label « régions ultrapériphériques » de valorisation des productions ultramarines, prévu à l’article 21 du règlement (UE) n° 228/2013 du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2013 ;

 ou, jusquau 31 décembre 2029, issus dune exploitation ayant fait lobjet de la certification prévue à larticle L. 611-6 et satisfaisant à un niveau dexigences environnementales au sens du même article, cet article prévoyant trois niveaux de certification de « haute valeur environnementale » pour les exploitations agricoles utilisant des modes de production particulièrement respectueux de lenvironnement ;

– ou, à compter du 1er janvier 2030, issus des exploitations ayant fait l’objet du plus haut niveau de certification prévu à l’article L. 611-6 ;

– ou satisfaisant, au sens de l’article 43 de la directive 2014/24/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, de manière équivalente, aux exigences définies par ces signes, mentions, écolabel ou certification.

Un décret du 23 avril 2019 est venu préciser les modalités d’application de ces dispositions. Ainsi, les signes et mentions pris en compte sont le label rouge, l’appellation d’origine, l’indication géographique, la spécialité traditionnelle garantie, les mentions fermières, la mention « issus d’une exploitation de haute valeur environnementale » et, jusqu’au 31 décembre 2029, la certification environnementale de deuxième niveau mentionnée à l’article D. 617-3 du code rural et de la pêche marine ([53]).

Faisant référence au code de la commande publique, le même décret précise que les « coûts imputés aux externalités environnementales pendant son cycle de vie » peuvent inclure le coût des émissions de gaz à effet de serre et dautres émissions polluantes ainsi que dautres coûts datténuation du changement climatique ([54]).

B.   Une ambition trop limitée

Il est indispensable de revoir ces exigences légales à la hausse, tant l’urgence climatique et sanitaire appelle la mobilisation de tous les leviers existants.

1.   La restauration collective, un levier pour la bifurcation écologique

La restauration collective occupe une place importante dans le quotidien des Français, et représente une masse financière considérable. Selon un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), on comptait ainsi en 2016 environ 80 000 services de restauration collective en France, pour un total de 3,65 milliards de repas servis et un chiffre d’affaires de 16 milliards d’euros dont 5,4 milliards d’achats alimentaires hors boissons ([55]).

2.   Des résultats en deçà du nécessaire

En dépit des contraintes légales entrant prochainement en application, les produits issus de lagriculture biologique demeurent insuffisamment consommés dans nos restaurants collectifs. Selon lAgence bio, la part de produits biologiques dans la restauration collective sélevait à seulement 4,5 % en 2018 ([56]). Sil sagit dune croissance par rapport aux 3 % observés en 2017, cette proportion demeure largement en deçà de lobjectif de 20 % fixé par la loi à lhorizon 2022. Il est également à noter que si 65 % des établissements achetaient du bio en 2018, une proportion aussi significative que 12 % dentre eux indiquait navoir pas lintention den acheter en 2020.

L’insuffisance de l’offre de produits bio est particulièrement sensible sur certaines catégories de produits, à l’instar des produits frais de volaille pour laquelle seuls 41 % des établissements se fournissent en bio, ce taux tombant à 12 % pour la volaille surgelée.

Il est d’autant plus urgent de proposer davantage de bio dans les cantines qu’il s’agit là d’une attente d’une grande majorité de Français. D’après l’Agence bio, ce sont ainsi 85 % des parents qui souhaitent voir du bio à la cantine de leurs enfants, et 74 % des actifs pour la cantine sur leur lieu de travail.

Plus généralement, lutilisation de pesticides demeure largement trop répandue, comme la Cour des comptes en a fait le constat lors dun récent référé ([57]). Le recours aux produits phytopharmaceutiques a en effet progressé de 12 % entre 2009 et 2016, soit une contradiction totale avec l’objectif annoncé par le Gouvernement en 2010 de diminution de 50 % en dix ans. Il apparaît d’ores et déjà que cette promesse, déjà reportée en 2016 à l’horizon 2025, puis confirmée en avril 2019, ne pourra être tenue.

Le recours à des produits locaux, dans le respect de la saisonnalité, est également une attente majeure des Français. 71 % d’entre eux ont recours aux circuits courts pour l’achat de leurs produits alimentaires. Un sondage IPSOS révélait pour sa part qu’en 2014, 59 % de Français souhaitaient consommer davantage de produits locaux ([58]).

L’approvisionnement de proximité est également de plus en plus recherché par les organismes de restauration collective. Selon l’Agence bio, 65 % d’entre eux favorisent les produits locaux dans leurs appels d’offres, en utilisant les critères des circuits courts et de la fraîcheur pour respectivement 77 % et 75 % d’entre eux.

L’approvisionnement local doit aujourd’hui être mieux soutenu par la loi, car l’importation demeure encore trop souvent la règle. En 2015, 67 % de la viande bovine distribuée en restauration hors domicile était importée ([59]). La part de produits locaux dans le total des produits consommés en restauration collective a également parfois connu un recul notable. La région Île-de-France relevait ainsi en 2016 que la part des exploitations en circuits courts dans la restauration collective avait chuté de 31 % en 10 ans, en raison tant du déclin des productions maraîchères et arboricoles en Île-de-France que de la tendance à la spécialisation en grandes cultures ([60]).

Enfin, circuits courts et produits biologiques ne sont pas incompatibles, bien au contraire : 72 % des produits bio achetés en restauration collective en 2018 étaient d’origine française, et 50 % d’origine régionale ([61]).

Agir pour le bio, cest aussi agir pour les circuits courts, et réciproquement ; cest agir pour une alimentation de qualité, engagée dans la préservation de lenvironnement.

Les projets alimentaires territoriaux sont un levier pour la promotion des circuits courts, et doivent à ce titre être davantage utilisés.

Les projets alimentaires territoriaux

 

Introduits par l’article 39 de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, les projets alimentaires territoriaux (PAT) « sont élaborés de manière concertée avec lensemble des acteurs dun territoire et répondent à lobjectif de structuration de léconomie agricole et de mise en œuvre dun système alimentaire territorial » ([62]).

Élaborés à l’initiative de l’État, de collectivités territoriales, d’associations ou encore d’agriculteurs, les PAT ont pour objet de recentrer l’agriculture et l’alimentation à l’échelle territoriale en s’appuyant notamment sur des circuits courts et, en particulier, sur des produits issus de la production biologique. Ils s’appuient sur un diagnostic commun de l’agriculture et de l’alimentation sur un territoire donné, et font l’objet d’un contrat entre les parties prenantes. Ils peuvent également répondre aux enjeux sociaux, environnementaux, économiques et de santé locaux.

À titre d’exemple, Toulouse Métropole a lancé en 2018 un PAT avec l’ADEME Occitanie et la Direction Régionale de lAlimentation, de lAgriculture et de la Forêt (DRAAF) Occitanie, qui lui a valu dêtre lauréate du programme national pour l’alimentation 2017-2018. Ce PAT sappuie sur huit objectifs opérationnels, parmi lesquels un approvisionnement des cantines en produits bio et locaux facilité par lorganisation de rencontres entre fournisseurs et acheteurs.

https://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/schema3.jpg

Ensemble des acteurs participant à lélaboration dun PAT

Source : agriculture.gouv.fr

 

 

Il est possible de passer au bio et aux circuits courts sans surcoût, comme le prouvent de nombreux exemples dans nos territoires.

Depuis 2012, la commune de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) approvisionne ses cantines scolaires en produits issus à 100 % de l’agriculture biologique locale, chaque produit étant cultivé à moins de 200 kilomètres des établissements.

À Paris, la caisse des écoles du cinquième arrondissement a engagé une transition vers une alimentation saine et durable à partir de 2011. Elle sert aujourd’hui des repas préparés à partir de 70 % de produits bio, 74 % de produits issus de circuits d’alimentation durable, et 75 % de circuits courts. Cette démarche n’a pas engendré de surcoût pour les familles : le prix des repas est fixé à 1,76 euro par enfant, soit un tarif inférieur au tarif moyen pratiqué dans les écoles parisiennes ([63]).

II.   Le dispositif proposé : des cantines bio tournées vers les productions locales

L’article 4 modifie les dispositions de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, de façon à rehausser les proportions minimales de produits labellisés et de produits bio dans les repas servis en restauration collective publique.

Le 1° modifie le premier alinéa de l’article L. 230-5-1 pour porter à 70 % la proportion de produits répondant à l’un des critères listés au même article, contre 50 % actuellement. Il élève par ailleurs de 20 % à 80 % la part de produits issus de l’agriculture biologique.

Le 2° complète le 1° de l’article L. 230-5-1, en précisant que les produits « acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie » peuvent être issus de projets alimentaires territoriaux, ces derniers favorisant notamment l’approvisionnement en circuits courts et respectant la saisonnalité des produits.

*

 

Article 5
Instauration d’une dotation relative au soutien à une restauration scolaire saine et durable

Adopté par la commission dans une nouvelle rédaction

Le présent article instaure une dotation de lÉtat versée à certaines communes pour les aider à financer les investissements destinés à atteindre les objectifs dune alimentation saine et durable dans la restauration collective.

I.   Les dotations aux communes les plus modestes

Deux dotations de l’État sont versées aux communes dont le potentiel financier est trop limité pour pouvoir assumer le coût de leurs obligations légales.

● Aux termes de l’article L. 2334-20 du code général des collectivités territoriales, la dotation de solidarité rurale (DSR) « est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants et à certains chefs-lieux darrondissement de moins de 20 000 habitants pour tenir compte, dune part, des charges quils supportent pour contribuer au maintien de la vie sociale en milieu rural, dautre part, de linsuffisance de leurs ressources fiscales ». Elle est composée de trois fractions respectivement définies par les articles L. 2334-21, L. 2334-22 et L. 2334-23 du même code :

– la première fraction est attribuée aux « communes dont la population représente au moins 15 % de la population du canton, aux communes sièges des bureaux centralisateurs, ainsi quaux communes chefs-lieux de canton au 1er janvier 2014 » ;

– la deuxième fraction « est attribuée aux communes dont le potentiel financier par habitant […] est inférieur au double du potentiel financier moyen par habitant des communes appartenant au même groupe démographique » ;

– la troisième fraction, qui est habituellement désignée par les termes de « fraction cible », regroupe les communes visées par la proposition de loi. Elle est attribuée aux « dix mille premières communes de moins de 10 000 habitants, parmi celles éligibles au moins à lune des deux premières fractions de la dotation de solidarité rurale, classées en fonction décroissante dun indice synthétique », ce dernier calculant le potentiel financier de la commune et le revenu moyen par habitant de la même commune au regard des données nationales.

● Prévue par l’article L. 2334-15, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSUCS) concerne les « communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées » et vise à contribuer à l’amélioration de leurs conditions de vie.

Elle bénéficie aux « deux premiers tiers des communes de 10 000 habitants et plus, classées, chaque année, en fonction dun indice synthétique de ressources et de charges » ainsi qu’au « premier dixième des communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants, classées, chaque année, en fonction dun indice synthétique de ressources et de charges ».

Cette dotation vise également à financer les établissements publics de coopération intercommunale « lorsque deux tiers au moins de leur population habitent dans une commune éligible » à la DSR ou à la DSUCS.

II.   Une nouvelle dotation aux communes en faveur d’une alimentation durable

Cet article vise à créer une recette supplémentaire, sous la forme d’une dotation, au profit de certaines communes afin de financer les actions d’investissement destinées à assurer une alimentation saine, durable et accessible à tous.

À cet effet, il insère une nouvelle section, composée d’un nouvel article L. 2335-17, au sein du chapitre V du titre III du Livre III du code général des collectivités territoriales. Ce chapitre regroupe l’ensemble des dotations, subventions et fonds divers autorisés au titre des recettes communales. Ses 7 sections prévoient notamment des recettes affectées à des dépenses précises telles que « la dotation particulière relative aux conditions dexercice des mandats locaux », les « subventions au titre du fonds daide pour le relogement durgence » ou encore la « dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité ».

La nouvelle section instaure une dotation relative au soutien à une restauration scolaire saine et durable, bénéficiant aux communes éligibles à la troisième fraction de la DSR (fraction cible) ou à la dotation de solidarité urbaine.

D’un montant de 15 millions d’euros, cette dotation sera répartie à compter du 1er janvier 2021 entre les communes mentionnées précédemment en proportion des investissements qu’elles réaliseront en direction d’une restauration collective respectueuse des objectifs fixés par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 ([64]). Il s’agit ici de viser les investissements consacrés à l’amélioration de la composition des « repas servis dans les restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge » dans les conditions fixées par l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime (cf. supra, commentaire de l’article 4).

*

 

Article 6 (supprimé)
Gage

Supprimé par la commission

Le présent article prévoit un gage pour compenser les charges résultant des articles 1er et 2 de la proposition de loi. Il rétablit à cette fin l’impôt sur la fortune (ISF) dans sa version antérieure à la loi de finances pour 2018, qui a institué l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Il compense les charges pour les collectivités territoriales par une hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

 

● En prévoyant la gratuité du service de restauration scolaire, les articles 1er et 2 créent une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales concernées. Le présent article prévoit donc une compensation en recettes par le rétablissement de limpôt sur la fortune, tel que remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

Cet article prévoit également la prise en charge par l’État des charges induites pour les collectivités territoriales, au moyen d’une majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

*

Article 7 (supprimé)
Gage

Supprimé par la commission

Le présent article vise à gager les charges résultant des articles 3 à 5 de la proposition de loi par l’instauration d’une taxe sur les entreprises commercialisant des produits phytopharmaceutiques (pesticides). Il compense également les charges pour les collectivités territoriales résultant de ces articles par une hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

 

L’article 3, qui prévoit la mise en place de dispositifs de formation aux enjeux de la bifurcation écologique à destination d’acteurs de la restauration collective, est susceptible de créer une charge pour l’État.

L’article 4 est quant à lui susceptible de créer une charge pour les collectivités territoriales en raison des éventuelles dépenses supplémentaires induites par la hausse de la proportion de produits biologiques et répondant aux conditions fixées à l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime dans les repas servis en restauration collective publique.

En instituant une dotation spécifique visant à soutenir les communes dans leurs investissements en faveur d’une restauration collective respectant les engagements fixés dans la loi Égalim du 30 octobre 2018, l’article 5 crée une charge pour l’État.

Afin de compenser ces charges, le présent article prévoit une hausse de recettes publiques par linstitution dune taxe visant les entreprises commercialisant des produits phytopharmaceutiques (pesticides). Plafonnée à 3 % du chiffre d’affaires global, cette taxe sera acquittée par les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions d’euros en France. Les entreprises concernées sont celles bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’un permis de commerce parallèle de produits phytopharmaceutiques, en application du règlement (CE) n° 1107/2009 sur le marché des produits pharmaceutiques et de l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime.

Larticle prévoit également que lÉtat compense à due concurrence les charges créées par les articles 3 à 5 de la proposition de loi pour les collectivités territoriales, au moyen dune majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

*

Article 8 (nouveau)
Gage

Inséré par la commission

Cet article additionnel prévoit que la perte de recettes pour les collectivités territoriales résultant des dispositions de la proposition de loi est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement, et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits relatifs au tabac.

 

*

 

 


—  1  —

   annexe :
LISTE DES TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS
OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN
DE LA PROPOSITION DE LOI

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées ou abrogées

Article

Codes et lois

Numéro d'article

2

Code de l'éducation

L533-3 [nouveau]

4

Code rural et de la pêche maritime

L230-5-1

 

 


([1]) Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), « L’accès à la cantine scolaire : un droit pour tous les enfants, un droit essentiel pour les enfants de familles pauvres ? », note, 2018.

([2]) Union nationale des associations familiales (UNAF), « Fiscalité et tarification des services locaux : enquête sur la prise en compte des familles dans les communes et les structures intercommunales », avril 2014.

([3]) Circulaire interministérielle n° 2001-118 du 25-6-2001,

([4]) Olivier Chardon, Marie-Christine Delmas Nathalie Guignon, Jean-Paul Guthmann, Louis-Marie Paget, Anne-Laure Perrine, Marine Ragot, Thibaut de Saint Pol, Bertrand Thélot, 2015, « La santé des élèves de grande section de maternelle en 2013 : des inégalités sociales dès le plus jeune âge », Études et Résultats, n° 920, juin 2015.

([5]) Article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime.

([6]) Cour des comptes, 27 novembre 2019, Le bilan des plans Ecophyto, n° S2019-2659.

([7]) Article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales.

([8]) CE, Sect., 5 octobre 1984, Préfet de l’Ariège, n° 47875.

([9]) Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

([10]) Conseil constitutionnel, décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, paragraphe 125.

([11]) Article 82 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

([12]) Voir par exemple : Sénat, rapport n° 220 de M. Jean-Claude Carle et Mme Françoise Laborde sur la proposition de loi visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire, session ordinaire 2015-2016.

([13]) Conseil d’État, 24 juin 2019, Commune des Fondettes, n° 409659.

([14]) Conseil d’État, Sect., 9 mars 1951, Société des concerts du conservatoire, n° 92004.

([15]) Conseil d’État, 2 décembre 1987, Commune de Romainville, n° 71028.

([16]) Conseil d’État, 23 octobre 2009, FCPE c. Commune dOllins, n° 329076.

([17]) Amendements identiques CS46 de M. Roger Gérard-Schwartzenberg et CS649 de Mme Maud Olivier.

([18]) Tribunal administratif de Besançon, 7 décembre 2017, Mme G. c/ Commune de Besançon, n° 1701724.

([19]) Cour administrative d’appel de Nancy, 5 février 2019, Mme G. c/ Commune de Besançon, n° 18NC00237.

([20]) Conseil d’État, 2 décembre 1987, Commune de Romainville, n° 71028.

([21]) Défenseur des droits, « L’égal accès des enfants à la cantine de l’école primaire », 28 mars 2013.

([22]) https://www.francetvinfo.fr/societe/education/depense-annuelle-pour-un-collegien-les-departements-font-leur-calcul_404053.html

([23]) Ministère de l’éducation nationale, DEPP, « Les dépenses des familles pour la scolarisation des enfants », Note d’information, n° 29, septembre 2015.

([24]) Jessica Labrador, « Cantines des collèges de lEssonne : une fréquentation sensible au revenu des familles », Insee Île-de-France, n° 392, juin 2012.

([25]) Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), « Qualité de vie à lécole. Enquête sur la restauration et larchitecture scolaires », octobre 2017.

([26]) Laurent Visier et Geneviève Zoïa, « Cantines scolaires : la désaffection des quartiers populaires », Actualités et dossier en santé publique, n° 99, juin 2017, Haut Conseil de la Santé Publique, La Documentation Française.

([27]) Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, article 147.

([28]) Antoine Math, « L’accès à la cantine scolaire pour les enfants de familles défavorisées : un état des lieux des enjeux et des obstacles », document de travail, IRES, janvier 2019.

([29]) Union nationale des associations familiales (UNAF), « Fiscalité et tarification des services locaux : enquête sur la prise en compte des familles dans les communes et les structures intercommunales », avril 2014.

([30]) https://www.sudouest.fr/dossiers/prix-des-cantines/

([31]) Défenseur des droits, rapport, « Un droit à la cantine scolaire pour tous les enfants. Intérêt supérieur de l’enfant, égalité des droits et non-discrimination », mai 2019

([32]) Défenseur des droits, décision n° 2018-095, 3 mai 2018, URL : https://www.faire-face.fr/wp-content/uploads/2018/05/de%CC%81cision-ULIS-Cantine-2018-095.pdf

([33]) Handicap.fr, « Cantine : des tarifs discriminatoires dans les classes Ulis ? », 9 septembre 2019, URL : https://informations.handicap.fr/a-cantine-tarifs-discriminatoires-classes-ulis-12176.php

([34]) Question écrite n° 21699 de M. Stéphane Viry au Gouvernement, 23 juillet 2019, URL : http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-21699QE.htm

([35]) https://www.gouvernement.fr/lancement-de-la-cantine-a-1-euro-pour-les-familles

([36]) 1991 pour le fonds social lycéen public, 1995 pour le fonds social collégien public, 1997 pour le fonds social cantines.

([37]) Circulaire n° 2017-122 du 22 août 2017.

([38]) HCFEA, « L’accès à la cantine scolaire : un droit pour tous les enfants, un droit essentiel pour les enfants de familles pauvres ? », note, 2017.

([39]) https://www.cantinescolaire.net

([40]) https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/diplp_-_tarification_sociale_des_cantines_-_faq_-_20160626.pdf

([41]) Article L.2334-22-1 du code général des collectivités territoriales.

([42]) Dominique Versini et Pierre-Yves Madignier, « Pour une politique de l’enfance au service de l’égalité de tous les enfants », Rapport remis à la ministre déléguée à la réussite éducative et à la ministre déléguée à la famille, 2012.

([43]) Jean-Paul Delahaye, « Grande pauvreté et réussite scolaire. Le choix de la solidarité pour la réussite de tous », Rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale, mai 2015

([44]) Agnès Florin et Philippe Guimard, « La qualité de vie à l’école. Comment l’école peut-elle proposer un cadre de vie favorable à la réussite et au bien-être des élèves ? », Rapport scientifique, CNESCO, 2017.

([45]) Eurydice, « School meals in Europe. Report by the Polish Eurydice Unit », 2016. https://www.dcu.ie/sites/default/files/edc/pdf/meals_report_polish_eurydice_2.pdf

([46]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([47]) Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de lenvironnement, art. 48.

([48]) Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, art. 1.

([49]) Id.

([50]) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, art. 1.

([51]) https://www.agencebio.org/sites/default/files/upload/dossier_de_presse-agence_bio_16_nov-def.pdf

([52]) Il sagit des signes « label rouge », de lappellation dorigine (AOP-AOC), de lindication géographique protégée (IGP), de la spécialité traditionnelle garantie (STG), de la mention agriculture biologique, de la mention « montagne », du qualificatif « fermier », de la mention « produit de montagne », des termes « produits pays » dans les territoires doutre-mer, et de la mention « issu dune exploitation de haute valeur environnementale ».

([53]) Décret n° 2019-351 du 23 avril 2019 relatif à la composition des repas servis dans les restaurants collectifs en application de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, art. 1.

([54]) Articles R. 2152-9 et R. 2152-10 du code de la commande publique.

([55]) CGAAER, « Sociétés de restauration collective en gestion concédée, en restauration commerciale et approvisionnements de proximité », Rapport, janvier 2017.

([56]) Agence bio, « État des lieux du bio en restauration hors domicile un an après la promulgation de la loi Égalim », novembre 2019.

([57]) Cour des comptes, 27 novembre 2019, Le bilan des plans Ecophyto, n° S2019-2659.

([58]) Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (PIPAME), « Prospective. Économie sociale et solidaire : les circuits courts alimentaires », 2017.

([59]) Institut de l’élevage, « Où va le bœuf ? les couples produits/marchés de la viande bovine en 2014 », 2015. Disponible ici : https://www.groupealtitude.fr/actualites/Documents/ETUDE_OU_VA_BOEUF.pdf

([60]) Agence régionale énergie climat Île-de-France (ARENE), « Les produits locaux dans la restauration collective », 25 et 26 janvier 2016.

([61]) Agence bio, « État des lieux du bio en restauration hors domicile un an après la promulgation de la loi Égalim », novembre 2019.

([62]) Article L111-2-2 du code rural et de la pêche maritime.

([63]) Sénat, Rapport n° 570 (2017-2018) de M. Michel Raison et Mme Anne-Catherine Loisier sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 13 juin 2018.

([64])  Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.