N° 3011

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2020

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019 (n° 2899),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 13
 

 

DÉfense :

 

PRÉPARATION DE L’AVENIR

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. François CORNUT-GENTILLE

 

Député

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SOMMAIRE

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SYNTHÈSE

INTRODUCTION

A. L’exécution des crédits de la mission Défense dans son ensemble

B. L’exécution des crédits du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense

C. L’exécution des crédits du programme 146 Équipement des forces

CONCLUSION

EXAMEN EN COMMISSION

SOURCES UTILISéES PAR LE RAPPORTEUR SPéCIAL

ANNEXE : EXÉCUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 146 ÉQUIPEMENT DES FORCES


— 1 —

 

  SYNTHÈSE

L’évaluation de l’exécution des crédits de la mission Défense en 2019 et des politiques menées par le ministère des armées n’a pu être réalisée dans des conditions satisfaisantes.

Le budget de la défense a bénéficié en 2019 d’une hausse de 1,7 milliard d’euros, conformément à la loi de programmation militaire pour les années 2019-2025. Son exécution a été globalement conforme à la prévision.

Néanmoins, les crédits du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense font toujours l’objet d’une sous-exécution, au détriment notamment des études amont.

Par ailleurs, le report de charges de 2019 à 2020 s’est établi à un niveau très supérieur à celui de l’année précédente. Il est très incertain que le ministère des armées puisse respecte les objectifs fixés par la LPM afin de réduire le report de charges dans les prochaines années.

En tout état de cause, la crise sanitaire et ses conséquences économiques et budgétaires viendront bouleverser un budget déjà très contraint et fragile, et remettront en cause la trajectoire de la LPM à peine entamée.

 


— 1 —

 

   INTRODUCTION

Comme il était prévisible, la crise sanitaire qui s’est déclarée au début du mois de mars sur notre territoire aura perturbé fortement la séquence du Printemps de l’évaluation 2020. Cet aspect peut paraître anecdotique. Il n’en démontre pas moins la fragilité des pouvoirs du Parlement lorsque surviennent des événements graves et soudains.

Force est de constater que, depuis trois mois, les rapporteurs spéciaux n’ont pu mener ni contrôle ni évaluation de façon un tant soit peu efficace. L’impossibilité de conduire des auditions dans des conditions normales est une chose. La désorganisation des services ministériels et l’indifférence du Gouvernement vis-à-vis des attentes des parlementaires en sont une autre. Le rapporteur spécial n’a reçu que le vendredi 29 mai au soir les réponses – du reste incomplètes et souvent imprécises – au questionnaire sur l’exécution 2019 du budget de la défense. Ce questionnaire avait été pourtant envoyé au tout début du mois de mars.

En outre, les réunions des commissions d’évaluation des politiques publiques se sont tenues à distance et sans que puissent être recueillies les explications du Gouvernement.

La crise que nous traversons aurait dû conduire à une intensification des échanges entre le Parlement et l’exécutif. Il n’en a rien été. Tout s’est organisé autour de la communication gouvernementale. Comment aurait-il pu en être autrement, alors que notre Assemblée s’est trouvée contrainte de réduire son régime de fonctionnement bien au-delà, et bien plus longuement, que ce qu’auraient exigé des précautions sanitaires par ailleurs bien légitimes ?

Alors que, juridiquement, le pouvoir de contrôle des parlementaires s’est trouvé renforcé au fil des ans, il est paradoxal de constater qu’il s’est amenuisé dans la pratique.

Par la force des choses, le présent rapport sur l’exécution 2019 consistera en un simple commentaire de la documentation budgétaire sur la mission dans son ensemble et sur les programmes 144 Environnement et prospective de la politique de défense et 146 Équipement des forces.

A.   L’exécution des crédits de la mission Défense dans son ensemble

L’exercice 2019 est le premier de la période couverte par la nouvelle loi de programmation militaire. Il faut saluer l’effort qui a été fait pour assurer une entrée en LPM sur des bases plus sincères qu’elles ne l’avaient été auparavant, à la fois du point de vue de la sécurisation des ressources, de l’intégration d’une provision pour surcoûts OPEX en hausse et de la définition d’objectifs plus clairs en matière de programmes d’armement et d'entretien des matériels.

Les crédits ouverts en LFI, en hausse de 1,7 milliard d’euros, ont été exécutés de façon globalement satisfaisante, moyennant cependant, comme l'année précédente, une internalisation de la couverture des surcoûts OPEX-MISSINT résiduels, soit un montant de 406 millions d’euros. Une sous-consommation des crédits de titre 2, ainsi qu’une sous-réalisation des programmes immobiliers du ministère et des retards pris dans certains programmes d’armement, ont permis d’absorber cette charge.

Le graphique ci-dessous fait apparaître la très légère sous-exécution constatée en fin d’exercice.

De la LFI à l’exécution 2019

(en millions d’euros de CP, CAS Pensions inclus)

Si les dépenses de fonctionnement progressent de façon sensible, ce sont cependant les dépenses d’investissement qui absorbent la plus grande partie de la hausse de CP de 1,7 million d’euros, ainsi que le montrent le graphique et le tableau reproduits ci-après.

 

 

Dépenses de la mission Défense Par titre

(en millions d’euros de CP)

 

Décomposition de l’augmentation des crédits de paiement de la mission défense entre LFI 2018 et LFI 2019

 

B.   L’exécution des crédits du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense

Comme à l’accoutumée, les crédits alloués en LFI au programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense ont été sous-exécutés. L’intégralité des crédits de paiement mis en réserve en début d’exercice a été annulée, pour un montant de 40 millions d’euros.

Le tableau ci-après montre également que l’exécution a été très contrastée selon les actions et sous-actions du programme.

Programme 144 : Écart entre les crédits votés en LFI et l’exécution

(en millions d’euros, y.c. FdC et AdP)

 

 

LFI 2019

 

 

Exécuté 2019
(RAP)

 

Écart
Exécution - LFI

Numéro et intitulé du programme de l'action et de la sous-action

 

AE

CP

 

AE

CP

 

AE

CP

144 / Environnement et prospective de la politique de défense

 

1 629,79

1 476,38

 

1 586,33

1 459,76

 

-42,46

-16,62

Action 3 : Renseignement

 

349,41

358,91

 

407,33

412,13

 

57,92

53,22

03.31 – Renseignement extérieur

 

333,71

343,15

 

391,82

396,72

 

58,11

53,57

03.32 – Renseignement de sécurité de défense

 

15,70

15,76

 

15,51

15,41

 

– 0,19

– 0,35

Action 7 : Prospective de défense

 

1 240,78

1 078,12

 

1 142,63

1 011,25

 

 98,15

 66,87

07.01 – Analyse stratégique

 

10,18

9,69

 

8,90

8,60

 

– 1,28

– 1,09

07.02 – Prospective des systèmes de forces

 

22,56

21,82

 

11,36

26,04

 

– 11,20

4,22

07.03 – Études amont

 

919,89

758,46

 

837,90

691,16

 

– 81,99

– 67,30

07.04 – Gestion des moyens et subventions

 

288,16

288,16

 

284,46

285,45

 

– 3,70

– 2,71

Action 8 : Relations internationales

 

38,60

39,35

 

36,37

36,38

 

 2,23

 2,97

Source : ministère des armées.

S’agissant de la sous-action Renseignement extérieur, qui porte les crédits de la direction générale du renseignement extérieur (DGSE), le ministère des armées indique que « les écarts entre la LFI et l’exécution budgétaire ne constituent pas une surconsommation : ils s’expliquent par l’effet structurant du solde des décrets de transfert et de virement permettant le financement de projets ministériels et interministériels ».

En revanche, les études amont, incluses dans le programme 144 et dont la LPM prévoit de rehausser significativement les crédits, ont connu des annulations substantielles. La sous-exécution est de 12,5 % en AE et de 9,7 % en CP. Il conviendra de vérifier si elle n’est pas le signe de retards inquiétants pris dans la préparation de programmes de long terme prévus par la LPM.

La documentation budgétaire est muette sur le fonctionnement et le financement de l’Agence de l’innovation de défense, créée à la fin de 2018 et sur laquelle le rapporteur souhaiterait travailler plus particulièrement cette année. Cette entité ayant pour mission d’orienter et de piloter de nombreuses dépenses du ministère, il serait plus que souhaitable d’obtenir des éclaircissements à ce sujet. Là aussi, les questions du rapporteur adressées au ministère sont restées sans réponse.

C.   L’exécution des crédits du programme 146 Équipement des forces

Les crédits consommés du programme 146 Équipement des forces s’établissent à 10, 83 milliards d’euros. Ils sont très légèrement inférieurs (une soixantaine de millions d’euros) aux crédits votés en LFI. L’annulation, pour un montant de 167 millions d’euros, de 37 % des crédits mis en réserve en début d’exercice, a été en partie compensée par des fonds de concours et attributions de produits perçus (94,3 millions d’euros) supérieurs à la prévision.

La sous-consommation des autorisations d’engagement est beaucoup plus prononcée (plus de 1 milliard d’euros). Elle s’explique principalement, selon le ministère des armées, par le report en 2020 du programme européen de drone MALE et par l’anticipation en 2018 du besoin d’affectation pour l’opération « successeur MICA ([1]) »

Le tableau retraçant le détail de l’exécution du programme figure en annexe du présent rapport.

Par ailleurs, le montant du report de charges de 2019 sur 2020 s'élève à 3,88 milliards d'euros pour la mission Défense (dont 2,64 milliards pour le seul programme Équipement des forces), contre 3,4 milliards l’année précédente, soit une hausse de plus de 14 %. Les deux tableaux ci-après en montrent le détail à la fin de 2018 et à la fin de 2019.

Report de charges 2018/2019 de la mission Défense

(en millions d’euros)

PROGRAMMES

Charges à payer

(CAP)

 

a

Dettes fournisseurs

(DF)

 

b

Report de charges

(CAP + DF)

 

c = a + b

P144

99,1

100,9

200,0

P146

536,7

1 541,3

2 078,0

P178

623,5

285,6

909,1

P212

113,7

103,3

217,0

Total général

1 373,0

2 031,1

3 404,1

Source : ministère des armées.

 

 

Report de charges 2019/2020 de la mission Défense

(en millions d’euros)

PROGRAMMES

Charges à payer

(CAP)

 

a

Dettes fournisseurs

(DF)

 

b

Report de charges

(CAP + DF)

 

c = a + b

P144

84,8

99,4

184,2

P146

451,1

2 185,1

2 636,2

P178

460,0

378,5

838,4

P212

88,0

140,9

228,8

Total général

1 083,8

2 803,9

3 887,7

Source : ministère des armées.

En pourcentage des crédits de la mission hors titre 2, on passe de 15,3 % à 16 %. Le ministère des armées respecte donc tout juste la norme de 16 % fixée par la LPM pour le report de 2019 sur 2020. Il lui sera certainement difficile de respecter l’objectif de 15 % à la fin de cette année.


— 1 —

 

   CONCLUSION

Au total, l’exécution du budget 2019 est globalement conforme. Il faut toutefois souligner que cette réussite n’est possible que grâce à la persistance d’une anomalie. La sous-exécution chronique du titre 2 n’est pas une bonne nouvelle pour les armées. Or tout semble indiquer que cette situation perdurera en 2020.

Il est certain que la crise que nous traversons viendra bouleverser un budget déjà très contraint et fragile, et qu’elle remettra en cause la trajectoire de la LPM à peine entamée.

Interrogé par le rapporteur spécial lors des questions au Gouvernement le 12 mai 2020, le Premier ministre n’a pas souhaité s’engager sur la hausse prévue de 1,7 milliard d’euros pour le prochain budget. Mais il a posé une partie des termes du débat : « Ne se trouve modifiée aucune des raisons ayant présidé aux choix formulés par le Président de la République lors de la campagne présidentielle et qui ont donné lieu, année après année, à des décisions budgétaires et opérationnelles fortes, consistant à faire repasser l’effort de la France en faveur de la défense à un niveau raisonnable (...). Comment allons-nous construire le budget 2021 ? Quelque chose me dit que l’exercice sera intéressant – c’est une litote. (…) Les enjeux collectifs – non seulement en matière de défense, mais aussi en matière de santé, d’éducation ou d’infrastructures, la nécessité de faire repartir notre économie, notre industrie et nos services, celle de construire notre sécurité demain –, tout cela devra être tranché dans un cadre profondément transformé par l’absence de recettes d’un côté et par l’augmentation des dépenses de l’autre. »

Cette réponse habile mais peu satisfaisante doit être mise en regard avec celle du chef d’état-major des armées, à qui le journal La Croix demandait le 27 mai : « L’armée française aura-t-elle les moyens de ses ambitions après la crise de l’épidémie de coronavirus ? » Cette réponse était la suivante : « Quelle que soit l’origine d’une crise, l’une de ses traductions est l’ensauvagement et le repli des États sur eux-mêmes. Le monde est de plus en plus instable et dangereux. Renoncer aux moyens de sa puissance et de sa protection serait de la folie. Depuis 2015, nos responsables politiques ont identifié qu’il fallait reconstruire nos armées. Je n’imagine pas que cela changera, mais il y aura beaucoup de priorités. »

À l’évidence, nous sommes à la veille d’échéances capitales pour le ministère des armées. Cela rend plus que jamais nécessaires des débats à la hauteur des enjeux. Le rapporteur spécial émet le souhait que le Gouvernement aura la volonté de les aborder devant le Parlement sans faux-semblants et suffisamment tôt pour que nos échanges puissent être utiles.

 


— 1 —

 

   EXAMEN EN COMMISSION 

Lors de sa réunion de 10 heures 30, le mardi 2 juin 2020, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial des crédits de la mission Défense : Préparation de l’avenir.

 

 

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte rendu est également consultable en ligne.

 

 


— 1 —

 

   SOURCES UTILISéES PAR LE RAPPORTEUR SPéCIAL

 

– Rapport annuel de performances (mission Défense) annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2019 ;

– Rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable ministériel près le ministère le ministère des armées relatif à l’exécution budgétaire et à la situation financière et comptable ministérielle de l’année 2019 ;

– Réponses au questionnaire adressé par le rapporteur spécial à la ministre des armées sur l’exécution budgétaire 2019.

– Cour des comptes : Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 (mission Défense).

 

 

 

 


— 1 —

 

   ANNEXE : EXÉCUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 146 ÉQUIPEMENT DES FORCES

(en million d’euros)

Source : ministère des armées.


([1]) Missile d’interception, de combat et d’autodéfense.