N° 3011

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2020

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019 (n° 2899),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 19
 

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT et MOBILITÉ durables :

 

INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE TRANSPORTS

 

CHARGE DE LA DETTE DE SNCF RÉSEAU REPRISE PAR L’ÉTAT

 

SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉS DE VOYAGEURS

 

CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS

 

 

Rapporteurs spéciaux : Mme Anne-Laure CATTELOT et M. Benoît SIMIAN

 

Députés

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SOMMAIRE

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Synthèse ET chiffres-clés

Recommandations

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : EXÉCUTION des crÉdits demandÉs

I. Le programme 203 Infrastructures et services de transports

A. En 2019, le programme 203 a disposé de moyens renforcÉs

1. La consommation des crédits en hausse tendancielle

2. L’importance des fonds de concours

3. Des restes à payer en augmentation

B. Des crédits qui bénéficient majoritairement au transport ferroviaire et au transport routier

1. Les crédits consacrés au transport ferroviaire sont en hausse

a. Les redevances d’accès en hausse malgré l’annulation des concours fret

b. Un réinvestissement record des dividendes de SNCF Mobilités dans la maintenance du réseau ferroviaire

2. Les dépenses d’entretien et de régénération du réseau routier

3. Des difficultés dans l’exécution des dépenses contractualisées entre l’État et les régions préjudiciables pour les infrastructures

a. Des retards significatifs dans l’exécution des contrats de plan Étatrégions pour 2015-2020

b. La nécessité de débloquer la nouvelle route du littoral à La Réunion

C. Une dépense qui demeure fragmentée

1. Les dépenses des opérateurs globalement en baisse en 2019

a. L’Agence de financement des infrastructures de transport de France

b. La Société du Grand Paris

c. Voies navigables de France

d. La Société du canal Seine nord Europe

e. L’établissement public de sécurité ferroviaire

2. Des dépenses fiscales en forte augmentation

II. Le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

A. La stabilité des recettes tirées des taxes ferroviaires

B. Des dépenses inférieures aux prévisions

III. Le compte d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres

A. Les recettes du « malus automobile » en baisse

B. Les dépenses du « bonus automobile » en hausse

C. La suppression du COMPTE d’affection spÉciale

IV. Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens

A. Des recettes portées par la hausse du trafic aérien

1. Les recettes tirées des redevances en légère baisse

2. Le produit des taxes en forte augmentation

3. Aucun emprunt réalisé en 2019

B. Les dépenses du BACEA en 2019

1. La masse salariale continue de peser lourdement

2. Des dépenses de fonctionnement stables

3. Des dépenses d’investissement inférieures aux prévisions

SECONDE PARTIE : LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE DU COVID–19 SUR L’EXÉCUTION 2020

I. Le programme 203 confrontÉ À des baisses de recettes significatives

A. Le faible impact de la crise sur le programme 203

1. Les dépenses du programme 203 peu affectées

2. Le programme 203 mobilisé de manière marginale

B. Des baisses de recettes SIGNIFICATIVES

1. Le soutien au transport routier de marchandises

2. L’impact de la crise sur les recettes de l’AFITF

3. L’impact de la crise sur les recettes de VNF et sur le transport fluvial

4. Le versement mobilité

C. L’impact de la crise sur les opérations de maintenance et de développement des infrastructures

II. Le programme 355 et l’impact de la crise sur la situation financière du groupe SNCF

A. Des pertes importantes pour SNCF Mobilités

1. L’effondrement du transport de voyageurs

2. Le transport médicalisé opéré par la SNCF

3. La situation contrastée du fret ferroviaire

B. Des baisses de recettes et des moindres dépenses pour SNCF Réseau

C. Le nécessaire soutien de l’État à ces entreprises stratégiques

III. Le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs FRAgilisÉ

A. Un impact sensible sur l’exploitation des trains d’Équilibre du territoire

B. Une possible remise en cause du compte d’affectation spÉciale en 2021

IV. Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens touchÉ par l’effondrement du transport aÉrien

A. Des prévisions initiales en hausse

B. Une baisse de recettes massive compensée par l’emprunt

C. Un impact sur les dépenses qui reste encore à déterminer

D. Les conséquences sur l’investissement à moyen terme

E. Les conséquences budgétaires sur le transport aérien en dehors du BACEA

1. Toutes les dépenses de transport aérien ne sont pas retracées dans le BACEA

2. Les mesures de soutien aux compagnies aériennes

a. Le plan de soutien au groupe Air FranceKLM

b. Les autres mesures envisagées

3. Les mesures de soutien aux groupes aéroportuaires

EXAMEN EN COMMISSION

AUDITIONS ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES  SOLLICITÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

annexe : Sources utilisÉes


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   Synthèse ET chiffres-clés

Sur l’exécution 2019

L’exécution du programme 203 en 2019 est conforme à la prévision (5,22 milliards d’euros de CP consommés, dont 39 % de fonds de concours). Les annulations de crédits, très préjudiciables puisque 70 % des dépenses sont obligatoires, sont restées modérées, mais le concours fret n’a pu être versé.

Les rapporteurs spéciaux s’inquiètent toutefois des retards constatés dans l’exécution des contrats de plan État-régions pour 2015‑2020. Ils appellent aussi à un déblocage rapide de la nouvelle route du littoral à La Réunion, en conciliant les impératifs économiques, sociaux et environnementaux.

Les rapporteurs saluent la hausse des ressources des opérateurs rattachés au programme 203, mais soulignent que la pérennité des recettes fiscales affectées à l’AFITF (2,5 milliards d’euros en 2019) et à la SGP (662 millions d’euros) demeure un point d’attention.

Les rapporteurs constatent aussi l’augmentation des dépenses fiscales (1,55 milliard d’euros en 2019), liées à l’évolution des dispositifs dérogatoires de TICPE et de TICFE, et appellent à en évaluer les effets.

Longtemps fragile, la soutenabilité du CAS Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs est confortée par les efforts de productivité de SNCF Mobilités, formalisés dans la convention 2016-2020.

La hausse des recettes du budget annexe Contrôle et exploitation aériens a permis de ne pas recourir à l’emprunt en 2019 et de ramener la dette à 667 millions d’euros, son niveau le plus bas depuis vingt ans.

Néanmoins, l’exécution du BACEA est marquée par une nette sous‑exécution des dépenses d’investissement de la navigation aérienne
(– 49 millions d’euros), ce qui soulève des interrogations quant à la capacité de la DGAC à mener ses projets d’investissement dans les années à venir.

Sur l’impact de la crise liée à l’épidémie de Covid-19

Si les dépenses du programme 203 sont peu affectées, la crise entraîne des pertes de recettes significatives, notamment pour le versement mobilité, mais aussi pour l’AFITF (– 400 millions d’euros). Cette dernière ne pourra maintenir ses investissements et contribuer à la mission prioritaire de régénération des réseaux que si des mesures de compensation sont mises en place.

La crise a également provoqué un ralentissement des chantiers ainsi que des opérations de maintenance et de développement des réseaux, qui pourrait entraîner des retards et donc des surcoûts financiers. Dans tous les domaines, le calendrier des chantiers et des mesures d’exploitation associées devra être revu.

Malgré la baisse de ses moyens humains et financiers en 2020, VNF s’est efforcé de contenir la baisse du trafic fluvial de marchandises (– 25 %) et de poursuivre sa mission de gestion des ressources hydrauliques.

Il convient de saluer la mobilisation des opérateurs de transport dans la gestion de la crise, notamment la SNCF qui a financé les TGV médicalisés et les entreprises du fret qui ont contribué au transport de matériel médical.

La crise n’a pas d’impact sur la charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État. Toutefois, elle affecte gravement les activités de transport de voyageurs et de fret ferroviaire. La question du soutien de l’État au groupe SNCF se pose de manière différente dans le contexte de l’ouverture à la concurrence, mais pourrait contribuer à la transition écologique.

S’agissant du CAS Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs, les pertes de SNCF Mobilités pourraient conduire à augmenter la contribution versée par l’État au titre de la couverture du déficit d’exploitation des lignes conventionnées et il faut s’attendre à un fort déséquilibre en 2021.

En raison de l’effondrement du trafic aérien, le BACEA est confronté à des baisses de recettes massives (– 1,4 milliard d’euros, soit – 66 %) qui ont conduit à augmenter sa capacité d’emprunt (+ 1,2 milliard d’euros). L’impact de la crise sur les dépenses courantes reste encore à déterminer mais devrait conduire à revoir le programme des investissements de la navigation aérienne.

L’évolution des recettes du BACEA en 2020

Des mesures de soutien pour les compagnies aériennes, les groupes aéroportuaires et les entreprises chargées de la sûreté aérienne s’imposent et constituent une opportunité pour investir dans la transition écologique.


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   Recommandations

 Recommandation  1 : Améliorer le suivi des fonds de concours qui contribuent au programme 203 et des flux budgétaires entre l’État et l’AFITF.

Recommandation  2 : Réformer les dispositifs de soutien au fret ferroviaire du programme 203.

Recommandation  3 : Mettre en place des conseils régionaux d’orientation des infrastructures afin d’améliorer la gouvernance des CPER.

Recommandation  4 : Améliorer le suivi et évaluer les effets des dépenses fiscales rattachées au programme 203.

Recommandation  5 : Mettre en place des mesures visant à compenser la baisse des recettes de l’AFITF afin de permettre à l’opérateur de maintenir le niveau de ses investissements.

Recommandation n° 6 : Accompagner VNF dans la gestion de la baisse du trafic fluvial de marchandises, dans sa mission de gestion des ressources hydrauliques et dans la relance du tourisme fluvial.

Recommandation  7 : Conditionner les mesures de soutien au groupe SNCF à des engagements en termes de rentabilité économique et de transition écologique.

Recommandation  8 : Mettre en œuvre un plan de soutien au fret ferroviaire pour favoriser le report modal et contribuer à la transition écologique.

Recommandation  9 : Supprimer le CAS Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs au terme de la convention 2016-2020.

Recommandation  10 : Faire des investissements qui contribuent le plus directement et le plus efficacement aux objectifs de développement durable du transport aérien une priorité.

Recommandation  11 : Conditionner les aides aux compagnies aériennes à des engagements accus en faveur de la transition écologique et de la réduction des gaz à effet de serre.

 


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   INTRODUCTION

Le présent rapport spécial s’inscrit dans le cadre du Printemps de l’évaluation 2020. Il analyse les crédits de l’État consacrés aux infrastructures et services de transports. Il porte donc sur :

– le programme 203 Infrastructures et services de transports et le programme 355 Charges de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État de la mission Écologie, développement et mobilité durables ;

– le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ;

– le compte d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres, supprimé au 1er janvier 2020 ;

– le budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

Ces crédits sont mis en œuvre, au sein du ministère de la transition écologique et solidaire, par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) et, en ce qui concerne le transport aérien, par la direction générale de l’aviation civile (DGAC). Ils reposent aussi largement sur les financements de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFTIF).

Conformément aux orientations du bureau de la commission des finances, le rapport spécial :

– analyse l’exécution des crédits au cours de l’année 2019 ;

– évalue l’impact de la crise du Covid-19 sur l’exécution des crédits prévus par la loi de finances pour 2020 ([1]).

 


— 1 —

 

   PREMIÈRE PARTIE : EXÉCUTION des crÉdits demandÉs

L’augmentation des moyens consacrés aux infrastructures et services de transports en 2019 procède à la fois des dépenses accrues du budget général, à travers le programme 203 et les opérateurs qui y sont rattachés, mais aussi des comptes d’affectation spéciale consacrés au transport ferroviaire et routier ainsi que du budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

  1. Le programme 203 Infrastructures et services de transports

Le programme 203 Infrastructures et services de transports porte les moyens de l’État au titre de la politique nationale des transports dans les domaines du transport routier, ferroviaire, fluvial, maritime ([2])  et aéroportuaire. En 2019, il a disposé de moyens globalement en hausse.

A.   En 2019, le programme 203 a disposé de moyens renforcÉs

La loi de finances pour 2019 ([3]) a doté le programme de 3,37 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 3,19 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). À périmètre courant, ces crédits étaient en hausse, respectivement, de 4,9 % et de 1,7 % par rapport à la loi de finances pour 2018.

Le montant des crédits ouverts en gestion (6,19 milliards d’euros en AE et 5,27 milliards d’euros en CP) a largement excédé la prévision, en raison des reports de crédits et, surtout, des ouvertures par fonds de concours (2,26 milliards d’euros en AE et 2,05 milliards d’euros en CP).

1.   La consommation des crédits en hausse tendancielle

Le montant des CP consommés en 2019 s’élève à 5,22 milliards d’euros, en baisse de 3 % par rapport à 2018, après deux années de forte augmentation.

Crédits de paiement du programme 203

(en millions d’euros)

 

Exécution 2017

Exécution 2018

Exécution 2019

Évolution
2018-2019

Crédits budgétaires

2 942

3 085

3 196

+ 111

+ 3,6 %

Fonds de concours

1 691

1 988 ([4])

2 026

+ 38

+ 1,9 %

Total

4 633

5 073

5 222

+ 149

+ 2,9 %

Source : Commission des finances d’après les rapports annuels de performances.

Toutefois, le haut niveau des CP en 2018 comprenait 326 millions d’euros correspondant au remboursement en une fois de l’indemnité de résiliation du contrat de l’écotaxe pour les poids lourds versée par l’État à la société Écomouv’. En neutralisant cette dépense exceptionnelle, le montant des CP consommés augmente de 2,9 % entre 2018 et 2019. Pour la deuxième année consécutive, le taux d’exécution des CP est supérieur à 99 %.

Les opérations de régulation budgétaire sont restées limitées en 2019. Si les annulations de crédits en fin d’exercice ont excédé la réserve initiale, elles demeurent du même ordre qu’en 2018, à hauteur de 3 % des crédits initiaux. Les rapporteurs spéciaux rappellent que la réserve de précaution et les annulations de crédits sont très préjudiciables au programme 203, compte tenu de la structure de ses dépenses, composées de plus de 70 % de dépenses obligatoires après application de la réserve.

2.   L’importance des fonds de concours

En 2019, le programme 203 a bénéficié de 2,03 milliards d’euros de fonds de concours, soit 63 % des CP consommés et 39% du montant total des dépenses. Ces fonds proviennent en premier lieu de l’AFITF (1,31 milliard d’euros), des dividendes de SNCF Mobilités reversés à l’État (537 millions d’euros) et des collectivités territoriales au titre des contrats de plan État-régions. Ils bénéficient à neuf des onze actions du programme 203 et financent notamment les investissements routiers et ferroviaires.

L’importance des fonds de fonds complique le suivi des crédits du programme. L’exercice 2019 a une nouvelle fois donné lieu à une fongibilité infra-annuelle entre fonds de concours et crédits budgétaires, notamment pour couvrir des dépenses de l’AFITF lorsque l’agence n’était pas en mesure de le faire. En conséquence, les rapporteurs spéciaux forment le vœu que le suivi des fonds de concours et des flux budgétaires vers le programme 203 soit amélioré.

Recommandation  1 : Améliorer le suivi des fonds de concours qui contribuent au programme 203 et des flux budgétaires entre l’État et l’AFITF.

3.   Des restes à payer en augmentation

Les restes à payer du programme 203 s’élèvent à 3,91 milliards d’euros en 2019, en hausse de 5 % par rapport à l’exercice 2018, un montant qui, comme les années précédentes, est supérieur au niveau des CP ouverts en loi de finances initiale (116 % en 2019).

Toutefois, le montant des charges à payer, qui s’établit à 62,83 millions d’euros en 2019, est en diminution de 21 % par rapport à 2018. Cette diminution provient essentiellement d’une baisse des charges à payer automatiques due à l’absence de surgels de crédits en cours d’exercice ainsi qu’à une date de fin de gestion plus tardive que les années précédentes.


— 1 —

 

B.   Des crédits qui bénéficient majoritairement au transport ferroviaire et au transport routier

Les dépenses d’intervention représentent le premier poste de dépense du programme 203, avec 3,58 milliards de CP consommés en 2019. La diminution des dépenses d’investissement (997,6 millions d’euros) s’explique par le versement exceptionnel, en 2018, de l’indemnité de résiliation du contrat de l’écotaxe pour les poids lourds (295 millions d’euros sur le titre V).

Le programme 203 ne supporte aucune dépense de personnel. Les crédits de titre II sont en effet retracés dans l’action 8 Personnels œuvrant pour les politiques du programme Infrastructures et services de transports du programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables (594 millions de CP consommés en 2019).

1.   Les crédits consacrés au transport ferroviaire sont en hausse

Les crédits retracés dans l’action 41 Ferroviaire reposent principalement sur des financements versés au gestionnaire des infrastructures ferroviaires.

a.   Les redevances d’accès en hausse malgré l’annulation des concours fret

Les concours de l’État à SNCF Réseau, pour l’essentiel obligatoires, représentent 45 % des dépenses du programme et même 77 % après application de la réserve de précaution.

Concours de l’État à SNCF Réseau

(CP en millions d’euros)

 

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Taux d’exécution

Évolution 2018‑2019

Redevance d’accès TER

1 668,4

1 697,0

1 697,5

100 %

+ 1,7 %

Redevance d’accès TET

527,7

536,6

536,9

100,1 %

+ 1,7 %

Compensation fret ferroviaire

76,7

108,0

97,9

90,6 %

+ 27,6 %

Concours fret ferroviaire

10,0

78,0

0,0

0 %

– 100 %

TOTAL

2 282,7

2 419,6

2 332,3

+ 2,17 %

Source : Commission des finances d’après la note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 de la Cour des comptes.

Il s’agit, d’une part, des redevances d’accès au réseau ferroviaire visant à compenser les coûts d’utilisation non couverts par les péages ferroviaires au titre des trains d’équilibre du territoire (TET) et des trains express régionaux (TER). Ces dépenses, obligatoires, ont été entièrement exécutées en 2019 et sont en hausse de 1,7 % par rapport à 2018.

Les concours consistent, d’autre part, dans un soutien au fret ferroviaire, qui se décompose en une part obligatoire et une part non obligatoire :

– la première est la « compensation fret », qui couvre la différence entre les redevances facturées aux entreprises de fret ferroviaire et le coût marginal d’utilisation du réseau ferroviaire. Son montant est fixé sur avis conforme de l’Autorité de régulation des transports (ART), en fonction des trafics. En 2019, elle a été acquittée à hauteur de 90,6 %, en hausse de 27,6 % par rapport à 2018, et atteint son montant le plus élevé depuis 2015.

– la seconde est le « concours fret », qui constitue une dotation complémentaire non obligatoire visant à couvrir une partie de la quote-part des coûts fixes de SNCF Réseau imputable au fret ferroviaire. Contrairement à 2018 mais comme de 2012 à 2017, le concours fret n’a pas été versé en 2019. Le dispositif étant non obligatoire, il sert de variable d’ajustement budgétaire, atténuant ainsi la sincérité de la programmation des crédits du programme 203.

Le dispositif de « concours fret », non reconduit dans la loi de finances pour 2020, doit être remplacé. Compte tenu des difficultés rencontrées par le secteur, les rapporteurs spéciaux réitèrent leur appel à une réforme plus large des dispositifs de soutien au fret ferroviaire.

Recommandation  2 : Réformer les dispositifs de soutien au fret ferroviaire.

b.   Un réinvestissement record des dividendes de SNCF Mobilités dans la maintenance du réseau ferroviaire

Depuis 2017, les articles L. 2102‑19 et L. 2102‑20 du code des transports et le contrat de performance conclu entre l’État et SNCF Réseau pour la période 2017‑2026 prévoient le reversement des dividendes de SNCF Mobilités perçus par l’État à SNCF Réseau, afin de contribuer au financement des opérations d’entretien et de régénération du réseau ferroviaire.

En 2019, le transfert de dividendes s’est établi à 537 millions d’euros, contre 274 millions d’euros en 2018, soit une augmentation de 96 % et un niveau record depuis la mise en place du dispositif. L’amélioration du résultat net de SNCF Mobilités résulte notamment de la révision à la baisse de l’indexation des péages pour les TGV et d’une augmentation de la productivité.

Toutefois, il convient de noter que ce mode de financement, reconduit en 2020, repose sur une anticipation des dividendes futurs du groupe SNCF, par nature aléatoires. Le nouveau contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau pour la période 2020-2029, en cours de négociation, gagnerait à réviser les modalités de financement de l’entretien et de la régénération du réseau ferroviaire.


2.   Les dépenses d’entretien et de régénération du réseau routier

En 2019, la consommation des crédits en faveur du réseau routier s’élève à 1,47 milliard d’euros en AE et 1,39 milliard d’euros en CP, respectivement en hausse de 8,5 % et en baisse de 7 % rapport à 2018. La diminution des CP consommés s’explique par la baisse des investissements relatifs au développement du réseau routier, portés par l’action 01 du programme 203, qui s’établissent à 559,6 millions d’euros en 2019 ([5]).

Toutefois, les dépenses d’entretien et de régénération du réseau routier non concédé, portées par l’action 04, sont en hausse. Elles atteignent 869,3 millions d’euros en AE (+ 7 %) et 838,7 millions d’euros en CP (+ 3 %).

Dépenses en faveur du réseau routier

(en millions d’euros)

 

AE

CP

2018

2019

Évolution 2018-2019

2018

2019

Évolution 2018-2019

Action 01 Routes-Développement

546

604,2

+ 10,7 %

688,4 ²

559,6

– 18,7 %

Action 04 Routes-Entretien

812

869,3

+ 7,1 %

814,4

838,7

+ 3,0 %

Total

1 358

1 473,5

+ 8,5 %

1 502,8

1 398,3

– 7,0 %

Source : Note d’analyse de l’exécution 2019 de la Cour des comptes.

L’exécution du budget 2019 confirme donc la priorité accordée à la régénération du réseau routier, longtemps en retrait par rapport aux projets de développement routier. Les rapporteurs spéciaux se félicitent de ces efforts, qu’ils avaient appelés de leurs vœux, car tout déficit d’entretien contribue à renchérir les dépenses ultérieures.

Toutefois, les rapporteurs constatent que les dépenses ne produisent toujours pas de résultat visible. En 2019, le sous-indicateur relatif à l’état des structures de chaussées sur le réseau routier non concédé est maintenu à son niveau de 2018 (16,05 sur 20). L’absence d’évolution positive de cet indicateur depuis plusieurs exercices amène à se demander si le niveau des crédits est suffisant, mais aussi si ces crédits sont bien utilisés.


3.   Des difficultés dans l’exécution des dépenses contractualisées entre l’État et les régions préjudiciables pour les infrastructures

Les rapporteurs spéciaux avaient initialement prévu d’évaluer le volet « Mobilité multimodale » des contrats de plan État-régions (CPER) pour la période 2015‑2020 et, malgré les perturbations liées à l’épidémie de Covid-19, ils tiennent à présenter leurs travaux.

a.   Des retards significatifs dans l’exécution des contrats de plan État‑régions pour 2015-2020

L’exercice 2019 a confirmé la sous-exécution manifeste des CPER. Même si leur rythme d’avancement s’accélère depuis 2018, le taux d’exécution des CPER par l’État s’est établi à la fin de l’année 2019 à seulement 51,1 % en AE et 26 % en CP. Selon les données disponibles avant la crise du Covid-19, ces chiffres ne devaient pas dépasser 64 % en AE et 39 % en CP fin 2020.

Comme ont pu le constater les rapporteurs spéciaux, les retards accumulés ne vont pas sans créer quelque dissension entre l’État et les régions concernées, qui s’inquiètent du manque de maintenance des réseaux ainsi que du risque de fermeture des « petites lignes » ferroviaires.

Les contributions de l’État aux CPER sont intégralement issues de fonds de concours de l’AFITF, qui peine à débloquer les financements nécessaires. Les rapporteurs soulignent une nouvelle fois que le budget de l’AFITF ne comporte pas d’échéancier lié aux CPER et que l’agence signe annuellement des conventions avec l’État, pour chaque financement, sans s’engager sur une programmation pluriannuelle des crédits.

En raison de ces retards, le volet « Mobilité multimodale », qui représente plus de la moitié du montant total des CPER 2015‑2020, a été prolongé jusqu’en 2022. Dans les collectivités d’outre‑mer, les CPER ont été remplacés par des contrats de convergence et de transformation, conclus en juillet 2019 pour la période 2019‑2022. La prochaine génération de CPER pour 2021‑2027, en cours de négociation, ne comportera donc pas de volet transport.

Quelles que soient les futures modalités de contractualisation entre l’État et les régions, les rapporteurs appellent à un meilleur respect des engagements pris ainsi qu’à une réforme de la gouvernance des CPER. Cette dernière pourrait prendre la forme de conseils régionaux d’orientation des infrastructures, qui permettraient de mieux associer toutes les parties prenantes et renforceraient la coordination des moyens nécessaire à l’avancement des projets.

Recommandation  3 : Mettre en place des conseils régionaux d’orientation des infrastructures afin d’améliorer la gouvernance des CPER.


b.   La nécessité de débloquer la nouvelle route du littoral à La Réunion

La nouvelle route du littoral (NRL) est une voie rapide en cours de construction à La Réunion, constituée d’un ensemble de digues et de viaducs, qui doit relier Saint‑Denis à La Possession. Le projet poursuit un objectif avant tout sécuritaire. La NRL a vocation à remplacer l’actuelle route du littoral, construite au pied de la falaise, qui est exposée à des éboulements dangereux. Il poursuit aussi un objectif économique : il s’agit de réduire les embouteillages fréquents sur un axe vital pour l’île et son économie.

Le projet, lancé en 2013, devait initialement être achevé en 2020. À l’heure actuelle, 10 des 12,7 km sont terminés. Toutefois, la portion de route restant à réaliser, longue de 2,7 km entre La Grande Chaloupe et La Possession, nécessite la construction d’une nouvelle digue.

Le coût initial du projet était de 1,6 milliard d’euros, soit 130 millions d’euros par kilomètre. Le projet est financé par le protocole de Matignon signé le 14 octobre 2010, qui répartit les coûts entre la région (669 millions d’euros), l’État via l’AFITF (532 millions d’euros), le Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (248 millions d’euros) et le Fonds européen de développement régional (151 millions d’euros). Toutefois, le retard pris par le projet entraîne des surcoûts importants, estimés provisoirement à 400 millions d’euros.

Le projet de NRL est principalement ralenti par des difficultés d’approvisionnement en roches massives, qui empêchent la construction de la portion de digue restante. Différents recours déposés par des associations de riverains et de défense de l’environnement ont empêché l’exploitation des carrières de pierre, notamment la carrière située à la Ravine du Trou – Bois Blanc près de la commune de Saint Leu qui devait couvrir 85 % des besoins ([6]). En outre, un rapport du Conseil national de la protection de la nature de 2018 a mis en évidence des risques d’atteinte à l’environnement et à la biodiversité.

La situation de blocage ne va pas sans créer des tensions. L’ajournement des travaux, faute de matériaux suffisant, par le groupement d’entreprises attributaires du chantier et le risque de résiliation du marché de construction de la digue se heurtent à l’opposition des acteurs du BTP et aux transporteurs routiers qui menacent de faire grève et de bloquer l’île.

Pour les rapporteurs spéciaux, deux scénarios sont envisageables pour sortir du blocage :

– scénario 1 : poursuivre la construction de la digue et, en attendant le déblocage des carrières, trouver de nouvelles sources d’approvisionnement en roches massives (notamment l’épierrage et la collecte des andains qui affleurent dans les champs et les terrains en friche, voire l’importation de roches) ;

– scénario 2 : renoncer à la construction de la digue et réaliser la portion de route restante sous forme de viaduc. Cela supposerait de résilier le marché de construction de la digue et de relancer une enquête publique ainsi qu’un appel d’offres pour la construction d’un nouveau viaduc, ce qui pourrait entraîner une incertitude sur la durée et sur le coût final du projet.

Placé en position d’arbitre, l’État doit accompagner les acteurs dans la sortie de crise. Quel que soit le scénario retenu, il importe de terminer le chantier le plus rapidement possible, car les délais supplémentaires sont source de surcoût financier, tout en veillant à l’acceptabilité sociale et environnementale du projet et en maximisant les retombées économiques locales pour La Réunion.

C.   Une dépense qui demeure fragmentée

La seule consommation des CP du programme 203 ne suffit pas pour analyser la dépense relative aux infrastructures et services de transports. Il faut y ajouter les dépenses des opérateurs et les dépenses fiscales.

1.   Les dépenses des opérateurs globalement en baisse en 2019

Les financements de l’État aux infrastructures et services de transports reposent aussi sur les dépenses des opérateurs rattachés au programme 203 qui, pour l’essentiel, ne sont pas financés par des crédits budgétaires mais à partir de recettes fiscales affectées.

a.   L’Agence de financement des infrastructures de transport de France

L’AFITF est financée par des recettes fiscales affectées, pour un total de 2,48 milliards d’euros en 2019, en hausse de 11 % par rapport à 2018.

Évolution des recettes de l’AFITF

(en millions d’euros)

 

2017

2018

2019

Évolution
2018-2019

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

1 124

1 028

1 205,8

+ 177,6

+ 17,3 %

Taxe d’aménagement du territoire

516

472

523

+ 51

+ 10,8 %

Redevances domaniales

351

347

355

+ 10

+ 2,9 %

Produit des amendes-radars

409

248

226

– 20

– 8,1 %

Contribution exceptionnelle des sociétés concessionnaires d'autoroutes (protocole 2015)

0

100

60

– 40

– 0,0 %

Autres recettes exceptionnelles

0

35

108

-

-

Total des recettes

2 400

2 231

2 478

+ 232

+ 11,1 %

Source : Commission des finances d’après les données de l’AFITF.

Les recettes progressent du fait de l’augmentation des deux taxes dont le plafond avait été relevé par la loi de finances initiale, à savoir la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la taxe d'aménagement du territoire (TAT). Toutefois, l’AFITF étant dernière affectataire du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers, elle subit la baisse du produit des amendes-radars.

La mise à disposition de l’agence d’une partie des recettes de TICPE plus tôt dans l’année a facilité la gestion en trésorerie et permis, par rapport aux années précédentes, de limiter l’utilisation de crédits budgétaires pour couvrir des dépenses devant être soutenues en fonds de concours par l’AFITF.

En 2019, les dépenses de l’AFITF ont atteint 2,46 milliards d’euros en CP. Les concours de l’AFITF versés à l’État ont atteint 1,31 milliard d’euros en 2019 (53,2 % des dépenses), presque intégralement au profit du programme 203. Les autres dépenses de l’AFITF ont bénéficié aux collectivités territoriales (16,7 %), au groupe SNCF (24,6 %) ainsi qu’aux autres opérateurs du programme 203 (VNF, SCSNE).

Les dépenses de l’AFTIF ont principalement bénéficié aux infrastructures de transport ferroviaire interurbain (43,9 % des CP consommés en 2019) et au réseau routier (38,4 %). Depuis 2017, les financements de l’agence portent prioritairement sur la régénération et la sécurisation des infrastructures existantes ainsi que sur le développement des transports du quotidien.

Les engagements de l’AFITF, qui s’élèvent à 3,5 milliards d’euros en 2019, sont en nette augmentation par rapport à 2018 (+ 1 milliard d’euros). Le réseau fluvial concentre l’essentiel de cette augmentation, en raison du financement du projet de canal Seine nord Europe.

Par ailleurs, l’AFITF a réduit le montant de ses charges à payer, qui s’établit à 125 millions d’euros en 2019 contre 224 millions d’euros en 2018. Les rapporteurs spéciaux se félicitent de la baisse des charges à payer, essentiellement constituées de dettes envers SNCF Réseau qui avait avancé la part de l’État sur des chantiers de ligne à grande vitesse, car elles sont susceptibles d’entraîner des pénalités financières importantes.

Toutefois, les restes à payer de l’AFITF atteignent 12,86 milliards d’euros en 2019, en hausse de 946 millions d’euros. Si la trajectoire budgétaire de l’AFITF semble compatible avec le niveau de ses engagements, la pérennisation des ressources de l’opérateur demeure un point d’attention.

b.   La Société du Grand Paris

L’exécution 2019 confirme la montée en charge du Grand Paris Express. Les dépenses de la Société du Grand Paris (SGP), chargée de son financement, ont atteint 2,99 milliards d’euros, en hausse de 13 % par rapport à 2018. Il s’agit principalement de dépenses d’investissement (2,36 milliards d’euros), liées aux chantiers de génie civil sur la ligne 15 Sud, sur la ligne 16 et sur le prolongement de la ligne 14 Sud. Les crédits sont toutefois nettement inférieurs au budget initial, en raison d’un retard d’exécution de ces travaux.

Pour financer ces dépenses, la SGP a levé des emprunts à hauteur de 3,26 milliards d’euros en 2019 (contre 2,4 milliards d’euros en 2018). La dette financière de l’opérateur a dépassé les 6 milliards d’euros en août 2019. Pour rappel, le coût total du projet a été réévalué en 2018 à 35,6 milliards d’euros, nécessitant un renforcement des moyens humains et financiers de l’opérateur.

Recettes fiscales affectées à la SGP

(en millions d’euros)

 

Exécution 2018

Exécution 2019

Évolution
2018-2019

Taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement (TSB)

382

473

+ 88

+ 23 %

Taxe spéciale d’équipement (TSE)

117

117

Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) sur le matériel roulant des lignes de transport en commun

65

74

+ 9

+ 13,8 %

Taxe additionnelle régionale à la taxe de séjour

1,5

+ 1,5

+ 100 %

Total

564

662,5

+ 98,5

+ 17,5 %

Source : Commission des finances d’après les rapports annuels de performances.

La pérennité des ressources de la SGP est donc un enjeu crucial, puisqu’elles garantissent le montant des emprunts. En 2019, les ressources ont atteint 702 millions d’euros, dont 662 millions d’euros de recettes fiscales affectées (+ 17,5 %), grâce aux mesures adoptées dans la loi de finances pour 2019 (élargissement de l’assiette de la TSB, hausse du plafonnement de l’IFER, création d’une taxe additionnelle à la taxe de séjour). Ce renforcement n’a été que partiellement possible dans la loi de finances pour 2020 ([7]).

c.   Voies navigables de France

En 2019, les dépenses de Voies navigables de France (VNF), qui gère le réseau de voies navigables ainsi que la ressource en eau, ont atteint 550,2 millions d’euros, un montant en baisse par rapport à 2018. Il demeure toutefois supérieur à la prévision en raison d’un dépassement des dépenses d’investissement de l’axe de destination « Infrastructures, eau et environnement », qui porte l’entretien et l’exploitation du réseau ainsi que les travaux sur les infrastructures.

Les dépenses de personnel sont légèrement inférieures à la prévision (124,3 millions d’euros contre 125,2 millions d’euros en CP). Conformément à la loi de finances initiale, les effectifs de l’opérateur sont en baisse (– 96 ETP).

Le budget de VNF

(en millions d’euros)

 

Exécution 2017

Exécution 2018

Exécution 2019

Ressources :

523

525,8

600,9

– Subvention pour charges de service public

245

248,2

248,2

– Taxe hydraulique

132,8

112,9

127,5

– AFITF

70

80

96

– Ressources propres et autres

76

84,7

129,2

Charges :

542

560,7

550,2

– Dépenses de personnel

257

254,1

252,1

– Dépenses d’investissement

161

164,3

173,8

– Dépenses de fonctionnement

124

142,3

124,3

Solde

 19

 34,9

50,7

Source : Commission des finances d’après les rapports annuels de performances.

Les recettes de VNF se sont établies à 600,9 millions d’euros, en forte hausse par rapport à 2018, portées par une hausse significative du trafic fluvial de marchandises (hausse de 10,5 % en t.km et de 9 % en tonnes). L’établissement public est le seul opérateur à percevoir du programme 203 une subvention pour charges de service public qui, en 2019, s’est élevé à 248,2 millions d’euros en AE et en CP, un montant stable par rapport à 2018.

L’autre ressource importante de VNF réside dans les recettes de la taxe hydraulique, dont le montant a atteint 127,5 millions d’euros en 2019, en hausse après une année de creux. Cette recette fiscale, fragilisée depuis plusieurs exercices, sera remplacée en 2020, par une redevance de prise et de rejet d’eau.

VNF a également bénéficié de 96 millions d’euros versés par l’AFITF pour financer des investissements de régénération du réseau fluvial en vieillissement, un montant en hausse de 16 millions d’euros par rapport à 2018. Les autres recettes correspondent aux ressources propres de VNF, qui viennent de redevances domaniales et des péages fluviaux (46 millions d’euros) ainsi que de cofinancements de l’Union européenne et des collectivités territoriales.

d.   La Société du canal Seine nord Europe

L’exercice 2019 a été marqué par la signature, le 22 novembre 2019, de la convention de financement du canal Seine nord Europe reliant les bassins de la Seine et de l'Oise au réseau européen à grand gabarit, et dont la construction est confiée à la Société du canal Seine nord Europe (SCSNE). Les 5 milliards d’euros nécessaires incombent à l’État via l’AFITF (1,1 milliard d’euros), aux collectivités territoriales concernées (1,1 milliard d’euros) et au mécanisme pour l’interconnexion en Europe (2 milliards d’euros). Les 800 millions d’euros restant proviendront de futures ressources fiscales à assiette locale.

En 2019, les dépenses ont été sous-exécutées, en raison du démarrage progressif des dépenses d’investissement, dû à l’inertie qui accompagne les projets d’une telle ampleur. En conséquence, les dépenses de personnel sont aussi inférieures à la prévision car tous les recrutements n’ont pas été réalisés.

La SCSNE est sortie du champ des opérateurs de l’État le 1er avril 2020, en application de la loi d’orientation des mobilités ([8]). Elle est désormais rattachée à la région Hauts-de-France et aux départements du Nord, de l’Oise, du Pas‑de‑Calais et de la Somme. L’État demeure un acteur de la gouvernance du projet via une présence minoritaire au conseil de surveillance.

e.   L’établissement public de sécurité ferroviaire

L’établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) est principalement financé par des taxes affectées (10,2 millions d’euros en 2019), notamment le « droit de sécurité » qui consiste en une taxe de 0,5 % sur les péages ferroviaires, ainsi que par diverses redevances perçues à l’occasion de l’instruction des demandes d’autorisations qui lui sont soumises par les entreprises ferroviaires.

Les 13,6 millions d’euros de CP consommés sont légèrement inférieurs à la prévision. Ils ont notamment permis à l’EPSF d’accompagner les entreprises ferroviaires dans la mise en œuvre du quatrième paquet ferroviaire européen.

2.   Des dépenses fiscales en forte augmentation

Les dépenses fiscales du programme 203 représentent 1,55 milliard d’euros en 2019, soit 45 % des dépenses fiscales de la mission Écologie, développement et mobilité durables, contre 19 % en 2008.

La progression des dépenses fiscales du programme 203 procède principalement de l’évolution des dispositifs dérogatoires de la TICPE :

– ainsi, le coût du tarif réduit appliqué au gazole pour le transport routier de marchandises supérieur à 7,5 tonnes est passé de 295 millions d’euros en 2008 à 1,55 milliard d’euros en 2019 ;

– le coût du tarif réduit appliqué au gazole pour le transport public collectif de voyageurs est passé de 26 millions d’euros en 2008 à 219 millions d’euros en 2019.

Par ailleurs, le coût du taux réduit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) pour l'électricité consommée par les transports collectifs ferroviaires et routiers, créé en 2015, s’élève à 198 millions d’euros en 2019.

Malgré le renoncement du Gouvernement aux hausses de la composante carbone de la TICPE en 2019, les dépenses fiscales rattachées au programme 203 ont progressé entre 2018 et 2019. Compte tenu de l’augmentation continue des dépenses fiscales du programme 203, les rapporteurs spéciaux invitent à en évaluer les effets avec plus de précision.

Recommandation  4 : Améliorer le suivi et évaluer les effets des dépenses fiscales rattachées au programme 203.


II.   Le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs (SNTCV) a pour objet de financer les charges liées aux trains d’équilibre du territoire (TET), dont l’État est l’autorité organisatrice et dont les lignes sont opérées par SNCF Mobilités sous la marque « Intercités ».

Au 31 décembre 2019, le solde cumulé du compte d’affectation spéciale (CAS) est de 11,3 millions d’euros en CP.

Longtemps fragile, sa soutenabilité est confortée par les efforts de productivité de SNCF Mobilités, formalisés dans la convention signée avec l’État pour 2016‑2020. Cette dernière a fait l’objet d’un avenant le 1er février 2019 qui prévoit une amélioration du déficit des TET de près de 110 millions d’euros entre 2017 et 2020.

Évolution des recettes et des charges
du compte d’affectation spéciale SNTCV

(en millions d’euros)

 

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Écarts à la prévision

Taxe d’aménagement du territoire

141,2

117,2

117,2

 

 

Contribution de solidarité territoriale

56

16

16,1

+ 0,1

+ 0,6 %

Taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires

452

226

226

 

 

Reports de crédits

91,4

 

32,6

+ 32,6

 

Total recettes

740,6

359,2

391,9

+ 32,7

+ 9,1 %

Programme 785 – Exploitation

545,4

286,2

265,8

– 20,4

– 7,1 %

Programme 786 – Matériel roulant

162,6

73

73

 

 

Total dépenses

708

359,2

338,8

 20,4

– 5,7 %

Source : Commission des finances d’après les rapports annuels de performances.

A.   La stabilité des recettes tirées des taxes ferroviaires

Les recettes du compte d’affectation spéciale ont été exécutées conformément aux montants inscrits dans la loi de finances pour 2019. Elles s’élèvent à 391,9 millions d’euros et se décomposent entre :

– le produit de la contribution de solidarité territoriale, qui est due par les entreprises de transport ferroviaire non conventionné de voyageurs et qui, dans les faits, ne repose que sur l’activité des lignes TGV de SNCF Mobilités (16 millions d’euros) ;

– le produit de la taxe sur les résultats des entreprises ferroviaires, dont sont redevables les entreprises de transport ferroviaire de voyageurs dont le chiffre d’affaires est supérieur à 300 millions d’euros et qui, dans les faits, ne concerne que SNCF Mobilités (226 millions d’euros) ;

– une part du produit de la taxe d’aménagement du territoire acquittée par les sociétés concessionnaires d’autoroutes (117 millions d’euros).

B.   Des dépenses inférieures aux prévisions

Les dépenses du CAS ont atteint 338,8 millions d’euros en 2019.

Les dépenses du programme 785 Exploitation des services nationaux de transport conventionnés, qui s’établissent à 262,3 millions d’euros en AE et 265,8 millions d’euros, sont inférieures aux prévisions de la loi de finances initiale.

Ces financements ont couvert :

– la contribution de l’État à SNCF Mobilités pour l’exploitation des services nationaux de transport conventionnés (action 01), qui comprend le paiement du solde de la compensation d’exploitation conventionnelle pour l’année 2018 ainsi qu’un acompte prévisionnel de 90 % pour l’année 2019. Les moindres dépenses engendrées par la révision à la baisse du montant de la compensation d’exploitation à la fois pour 2018 et pour 2019 expliquent l’essentiel de l’écart à la prévision ;

– les frais d’enquêtes et d’études de l’État en tant qu’autorité organisatrice (action 02) pour un montant de 756 000 euros, légèrement inférieur à la prévision mais supérieur à 2018 en raison du lancement des études relatives à l’ouverture à la concurrence des lignes Nantes‑Lyon et Nantes-Bordeaux et au lancement d’une étude relative aux moyens de remédier à la saturation des grands nœuds ferroviaires ;

– les contributions versées par l’État aux régions au titre de l’exploitation des services nationaux de transport antérieurement conventionnées et repris par elles depuis 2017 (action 03). Le montant de 88,2 millions d’euros prévu et exécuté est en augmentation de 15 millions d’euros par rapport à 2018 en raison des compensations versées pour les lignes Paris-Amiens‑Boulogne et Paris‑Saint Quentin‑Maubeuge / Cambrai reprises par les Hauts-de-France en 2019.

Les dépenses du programme 786 Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés s’élèvent à 73 millions d’euros en AE et en CP, conformément aux prévisions de la loi de finances initiale. Ces versements à SNCF Mobilités correspondant à la contribution de l’État à la maintenance et à la rénovation du matériel roulant existant.

Le renouvellement du matériel roulant sur les lignes TET, qu’elles soient conservées par l’État ou reprises par les régions, est assuré via l’AFITF, en dehors du compte d’affectation spéciale. En 2019, la contribution financière de l’AFITF a atteint 696 millions d’euros en AE (financement de nouvelles rames sur les lignes Paris-Clermont-Ferrand et Paris‑Limoges‑Toulouse) et 397 millions d’euros en CP (renouvellement du matériel roulant de la région Normandie, de la région Centre Val‑de‑Loire et des Hauts‑de‑France).


III.   Le compte d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres

La loi de finances pour 2019 a restreint le champ du CAS Aides à l’acquisition de véhicules propres (AAVP) en rattachant le financement de la « prime à la conversion » au programme 174 Énergie climat et après-mines de la mission Écologie, développement et mobilités durables.

A.   Les recettes du « malus automobile » en baisse

L’intégralité des recettes du CAS AAVP provient du produit du « malus automobile », dont il est l’affectataire unique. Ce malus imposé aux véhicules les plus polluants prend la forme d’une taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules prévue à l’article 1011 bis du code général des impôts.

En 2019, les recettes du CAS se sont élevées à 493,1 millions d’euros, un montant inférieur à la prévision (610 millions d’euros), mais aussi aux recettes de 2018 (558,9 millions d’euros). Sur un total de 2,24 millions de véhicules neufs immatriculés en 2019, seuls 755 600 soit 34 % ont fait l’objet d’un malus.

B.   Les dépenses du « bonus automobile » en hausse

L’intégralité des dépenses réalisées en 2019 correspond au « bonus automobile » qui consiste, en application de l’article L. 251‑1 et des articles D. 251‑1 à D. 251‑13 du code de l’énergie, dans le versement d’une aide financière à l’acquisition d’un véhicule neuf peu émetteur de dioxyde de carbone.

Les dépenses du CAS ont été plus dynamiques qu’attendues à la fois en ce qui concerne les aides à l’acquisition d’un véhicule propre au bénéfice des particuliers (programme 797) et les aides au bénéfice des personnes morales (programme 798). Elles ont atteint 326 millions d’euros en 2019, dont 150 millions d’euros sur le programme 797 (+ 14 % par rapport à la prévision) et 176 millions d’euros sur le programme 798 (+ 33 %).

Dépenses du cAS Aides à l’ACQUISITION de vÉhicules propres

(en millions d’euros)

 

Programme 797

Programme 798

 

AE

CP

AE

CP

Crédits ouverts en LFI pour 2019

132,0

132,0

132,0

132,0

Crédits ouverts / annulés en cours d'exécution

24,0

18,1

44,0

45,1

Total des crédits consommés

152,3

150,1

176,0

176,0

Crédits ouverts - crédits consommés

3,7

0,01

0,0

1,1

Source : Commission des finances d’après les rapports annuels de performances.

Par rapport à 2018, les dépenses du CAS sont en baisse de 41 %. Toutefois, hors prime à la conversion, elles sont en hausse de 75 %.

C.   La suppression du COMPTE d’affection spÉciale

Comme attendu depuis le transfert de la prime à la conversion, les recettes du CAS sont déséquilibrées par rapport à ses dépenses. Malgré des recettes en baisse et des dépenses en hausse, le solde cumulé du CAS est de + 213,1 millions d’euros au 31 décembre 2019.

Afin d’améliorer les marges de manœuvre en gestion, la loi de finances pour 2020 a supprimé le CAS AAVP pour rattacher l’ensemble du dispositif au budget général, au sein du programme 174 de la mission Écologie, développement et mobilités durables. Les rapporteurs ont pris bonne note de ces raisons, même s’ils soulignent que l’existence du CAS améliorait la lisibilité des politiques publiques visant à diminuer la pollution générée par le parc automobile.


IV.   Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens

Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA) finance les activités de régulation menées par la DGAC, notamment la navigation aérienne, le contrôle aérien, la sûreté et la sécurité des vols, la formation des pilotes, la lutte contre les nuisances sonores et les émissions polluantes ainsi que l’activité réglementaire dans le cadre fixé au niveau européen et international. Malgré des recettes en hausse, les dépenses du BACEA ont diminué en 2019.

A.   Des recettes portées par la hausse du trafic aérien

Les recettes du BACEA sont portées par un trafic aérien national en forte croissance (+ 3 % de moyenne annuelle entre 2008 et 2018 et + 4,2 % en 2019). En 2019, elles ont atteint 2,23 milliards d’euros, en légère hausse (+ 1,1 %). Les recettes d’exploitation s’élèvent à 2,19 milliards d’euros. Elles sont nettement supérieures aux prévisions (+ 6,9 %) et en légère hausse par rapport à 2018 (+ 0,5 %), portées par l’évolution dynamique du trafic aérien.

Recettes d’exploitation du BACEA

(en millions d’euros)

 

2017

2018

2019

Évolution
2018-2019

Redevance de route

1 373,68

1 351,15

1 326,82

– 24,3

– 1,8 %

RSTCA pour la métropole

216,21

213,93

214,86

+ 0,9

+ 0,4 %

RSTCA pour l'outre-mer

45,21

45,79

33,34

– 12,4

– 27,2 %

Redevances de surveillance et certification

29,99

29,76

30,62

+ 0,9

+ 2,9 %

Taxe de l’aviation civile

436,6

464,32

482,4

+ 18,1

+ 3,9%

Contribution Bâle-Mulhouse

0

7,58

4,80

– 2,8

– 36,7 %

Taxe de solidarité (hors plafond)

14,56

31,65

57,65

+ 26,0

+ 82,1 %

Autres recettes

62,32

39,92

39,28

– 0,6

– 1,6 %

Total

2 178,57

2 184,1

2 194,58

+ 10,5

+ 0,5%

Source : Commission des finances d’après les rapports annuels de performances.

1.   Les recettes tirées des redevances en légère baisse

Les redevances versées par les compagnies aériennes en contrepartie des prestations livrées par la DGAC ont atteint 1,59 milliard d’euros en 2019 (74 % des recettes). Elles reposent principalement sur quatre redevances qui rémunèrent la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) pour ses prestations : la redevance de route (60,5 % des recettes d’exploitation), la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA) en métropole (9,8 %) et en outre‑mer (2,2 %) et la redevance océanique (0,7 %).

Le BACEA perçoit aussi une douzaine de redevances en contrepartie des prestations de surveillance et de certification dans les domaines de la sécurité et de la sûreté livrées par la DGAC. Elles représentent 1,9 % du total des redevances.

Malgré la hausse du trafic aérien, les redevances sont en baisse de – 1,3 % par rapport à 2018, tout en étant supérieures à la prévision (+ 1,4 %). La diminution résulte de la régulation des sur‑recouvrements constatés sur les exercices précédents en application des règlements européens dits « ciel unique », mais aussi d’une moindre augmentation du trafic aérien qu’attendu.

2.   Le produit des taxes en forte augmentation

Le produit des taxes destinées à financer les activités du BACEA qui ne peuvent donner lieu à redevance est en nette augmentation (25 % des recettes).

Le produit de la taxe de l’aviation civile, qui est reversée en intégralité au BACEA, augmente de 18,1 millions d’euros en 2019 pour atteindre 482,4 millions d’euros (+ 3,9 % par rapport à 2018). Il est supérieur de 45,7 millions d’euros (+ 10 %) aux prévisions de la loi de finances initiale.

Les recettes tirées de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, dont la fraction du produit qui excède 210 millions d’euros est reversée au BACEA, s’élèvent à 57,6 millions d’euros (+ 82 % par rapport à 2018).

3.   Aucun emprunt réalisé en 2019

Le plafond des autorisations d’emprunt du BACEA en loi de finances pour 2019 s’élevait à 59,7 millions d’euros (contre 87,2 millions d’euros en loi de finances pour 2018). Toutefois, pour la deuxième fois depuis 2006, le BACEA n’a pas recouru à l’emprunt. En conséquence, les remboursements d’emprunts atteignent 137,7 millions d’euros, dépassant la prévision, et leur part dans le total des dépenses du BACEA passe sous la barre des 10 % (9,2 % en 2019 contre 10,6 % en 2018). L’encours total de la dette est ramené à 667,4 millions d’euros au 31 décembre 2019, son niveau est le plus bas depuis le 31 décembre 2000.

Les rapporteurs spéciaux saluent la poursuite de la trajectoire de désendettement du budget annexe, qui favorise le maintien d’un niveau de prélèvements compatible avec la compétitivité des compagnies aériennes, notamment françaises, et dégage des marges de manœuvre pour l’avenir.


B.   Les dépenses du BACEA en 2019

En 2019, le montant des dépenses du BACEA a atteint 2,17 milliards d’euros en AE et 2,13 milliards d’euros en CP. La consommation des AE est similaire à l’exercice 2018 (– 0,3 %) mais la consommation des CP est en baisse (– 2,2 %), principalement en raison d’une sous-consommation des crédits d’investissements de la navigation aérienne.

Les dépenses du BACEA sont réparties entre trois programmes :

– le programme 613 Soutien aux prestations de l’aviation civile finance les fonctions support des services de la DGAC et permet une gestion mutualisée des ressources humaines ainsi que des moyens matériels, notamment immobiliers et informatiques. Il regroupe l’ensemble des dépenses de personnel du BACEA ;

– le programme 612 Navigation aérienne finance les activités de la DSNA pour ses prestations d’opérateur de la navigation aérienne ;

– le programme 614 Transports aériens, surveillance et certification finance les actions menées en faveur de la sécurité du transport aérien, les activités de régulation économique du secteur ainsi que les actions visant à réduire les nuisances sonores et les émissions polluantes.

Évolution des dépenses du BACEA en crédits de paiement

(en millions d’euros)

 

Exécution 2017

Exécution 2018

Exécution 2019

Évolution
2018-2019

Programme 613 – Soutien aux prestations de l’aviation civile

1 551,1

1 517,3

1 498,9

– 18,4

– 1,2 %

Programme 612 – Navigation aérienne

572,7

606,8

578,3

– 28,5

– 4,7 %

Programme 614 – Transports aériens, surveillance et certification

42,7

50,0

48,6

– 1,4

– 2,7 %

Total

2 166,6

2 174,1

2 125,8

– 48,3

– 2,2 %

Source : Commission des finances d’après les rapports annuels de performances.

1.   La masse salariale continue de peser lourdement

L’exécution des dépenses du BACEA reste fortement contrainte par des dépenses de personnel, qui représentent plus de la moitié des dépenses (56,2 %). En 2019, elles ont atteint 1,19 milliard d’euros (+ 0,8 % en 2019). Le coût moyen par ETPT est en hausse de 0,9 %.

L’année 2019 constitue la quatrième et dernière année de mise en œuvre du protocole social 2016-2019. Son coût s’est élevé à 7 millions d’euros en 2019, mais certaines des mesures dont l’application était prévue en 2019 ont été reportées en 2020 pour un montant de 3 millions d’euros. Même s’il implique des contreparties en matière de productivité, le protocole réduit les marges de manœuvre du BACEA. En conséquence, les rapporteurs invitent à une évaluation exhaustive du protocole 2016-2019 avant la mise en place du nouveau protocole 20202024.

Le plafond d’emplois du BACEA a été fixé à 10 545 ETPT en loi de finances initiale. La DSNA emploie à elle seule près de 7 400 personnes sur l’ensemble de ses plateformes d’activité, dont 3 400 contrôleurs aériens et 1 300 personnels de maintenance. Bien qu’il soit en baisse de 132 ETPT par rapport à la loi de finances pour 2018, le plafond d’emplois demeure de facto non contraignant, car encore largement sous-exécuté à 10 440 ETPT en 2019. Il pourrait être à nouveau revu à la baisse pour lui donner un caractère contraignant.

Le schéma d’emploi, fixé à 0 ETP comme prévu par le protocole social 2016‑2019, a été exécuté conformément à la prévision. Toutefois, les niveaux d’entrées et de sorties sont très supérieurs aux prévisions en programmation avec un écart de 101 ETP. Les écarts réguliers sur les derniers exercices montrent qu’il existe des marges d’amélioration quant à la qualité et la sincérité de la programmation du schéma d’emploi.

2.   Des dépenses de fonctionnement stables

En 2019, les dépenses de fonctionnement du BACEA ont atteint 586,5 millions d’euros, soit 27,6 % des CP consommés. Elles augmentent de 1,4 % par rapport à 2018.

Elles sont supérieures de 113 millions d’euros par rapport à la prévision (+ 24 %). Cette sur-exécution est récurrente en raison d’une pratique constante de la DGAC consistant à catégoriser en titre V dans la loi de finances initiale certaines dépenses qui sont ensuite exécutées en titre III. En réponse à une recommandation de la Cour des comptes, la DGAC et la direction du budget ont accepté de préciser dans les documents budgétaires les crédits concernés par cette pratique, afin d’améliorer la lisibilité de ces dépenses.

Les dépenses de fonctionnement, majoritairement rattachées au programme 612 (68 %), correspondent aux dépenses courantes de la DGAC (fonctionnement des services centraux et locaux, action sociale, informatique, formation) ainsi qu’aux prestations versées à des organismes extérieurs (Météo France, Eurocontrol).

Elles comprennent aussi la subvention pour charges de service public versée par le programme 613 à l’École nationale de l’aviation civile (ENAC), qui forme aux métiers du transport aérien. En 2019, le montant de la subvention a atteint 96 millions d’euros, en hausse de 1,8 %, décomposée entre une subvention d’exploitation (91 millions d’euros) et une subvention d’investissement (5 millions d’euros). L’opérateur du BACEA est fortement dépendance de cette subvention qui représente 71 % de ses ressources. Toutefois l’ENAC a renforcé le montant de ses ressources propres qui s’élèvent à 39 millions d’euros en 2019, un montant supérieur à 2018 et à la prévision.

3.   Des dépenses d’investissement inférieures aux prévisions

En 2019, les dépenses d’investissement ont atteint 332,5 millions d’euros en CP. Elles sont nettement inférieures aux 428,2 millions prévus dans la loi de finances pour 2019.

Hors remboursements d’emprunt, les dépenses d’investissement s’élèvent à 194,8 millions d’euros pour 346,6 millions d’euros de crédits ouverts, soit un taux de consommation de 56,2 %. Même si la majeure partie de cette sous‑exécution résulte du glissement en exécution d’une partie des dépenses de titre V vers le titre III (103 millions d’euros), il reste cependant une sous‑exécution de l’ordre de 49 millions d’euros.

C’est sur le programme 612 Navigation aérienne que se concentrent 92,7 % des dépenses d’investissement réalisées (180,5 millions d’euros) et donc la majeure partie de la sous-exécution constatée. Selon la DSNA, la sous‑consommation des crédits résulte du décalage de certains projets du programme technique annuel, dont les marchés ont été engagés mais n’ont pas fait l’objet de paiements faute de constatation des services faits, des retards de facturation de certains fournisseurs et d’un rattachement tardif de certains crédits.

Cette sous-exécution des dépenses d’investissement peut soulever des interrogations quant à la capacité de la DGAC et la DSNA à mener ces ambitieux projets d’investissements dans les années à venir. En effet, le dynamisme des dépenses d’investissement crée des engagements budgétaires importants, qui devront être honorés sur les exercices futurs. La soutenabilité à moyen terme de ces investissements nécessite donc un suivi attentif.

 

 


— 1 —

 

   SECONDE PARTIE : LES CONSÉQUENCES DE
LA CRISE DU COVID–19 SUR L’EXÉCUTION 2020

La crise du Covid-19 a eu un impact considérable sur le secteur des transports. Le transport aérien est le plus lourdement touché, avec une perte de trafic de plus de 90 % durant la période de confinement. Toutefois, tous les modes de transport sont affectés avec, par exemple, une circulation des TGV réduite à 7 % et pas moins de 80 % des entreprises du transport routier de marchandises qui se sont retrouvées à l’arrêt partiel ou total.

Ce drame mondial aura, à court et à moyen termes, des conséquences économiques et sociales majeures, d’autant que la reprise ne s’annonce que très progressive en raison de la nécessité de respecter les consignes sanitaires.

I.   Le programme 203 confrontÉ À des baisses de recettes significatives

La loi de finances initiale 2020 a doté le programme 203 Infrastructures et services de transport de 3,14 milliards d’euros en AE et de 3,17 milliards d’euros en CP. Aux crédits budgétaires s’ajoutent des fonds de concours à hauteur de 2,34 milliards en AE et de 2,55 milliards d’euros en CP.

Les crédits du programme 203 prévus dans la loi de finances pour 2020

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

Crédits budgétaires

FDC
attendus

Crédits budgétaires

FDC
attendus

Action 01 - Routes-Développement

0

608

0

671,18

Action 04 - Routes-Entretien

286,73

566,4

303,51

566,4

Action 41 - Ferroviaire

2 386,4

877

2 387,8

906,2

Action 42 - Voies navigables

250,47

1,4

250,47

1,8

Action 43 - Ports

100,06

32,35

100,06

43,57

Action 44 - Transports collectifs

21,65

190

21,65

311,73

Action 45 - Transports combinés

27,11

21

32,11

6

Action 47 - Fonctions support

29,4

1,85

29,4

1,85

Action 50 - Transport routier

5,64

0

5,64

0

Action 51 - Sécurité ferroviaire

0

40

0,18

40

Action 52 - Transport aérien

35,59

0

36,85

0

Total programme 203

3 143,04

2 338

3 167,66

2 548,72

5 481,04

5 716,38

Source : Commission des finances.

A.   Le faible impact de la crise sur le programme 203

Malgré l’impact de la crise du Covid-19 sur le secteur des transports, les conséquences budgétaires sur les crédits du programme 203 sont limitées.

1.   Les dépenses du programme 203 peu affectées

Les concours de l’État à SNCF Réseau (redevances d’accès pour les TET et les TER, compensation pour le fret ferroviaire), qui représentant 77 % des crédits du programme après application de la réserve de précaution, sont contractualisées et forfaitisées et constituent de fait des dépenses obligatoires sur lesquelles la DGITM n’a aucune marge de manœuvre.

Les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs rattachés au programme, vitales pour ces organismes, sont maintenues, notamment pour VNF (250,5 millions d’euros prévus sur l’action 42 Voies navigables) et pour l’ART (11,4 millions d’euros sur l’action 47 Fonctions support).

Il en va de même du financement de certains services de transport, notamment les transports combinés (action 45), dont une partie est déjà mobilisée en trésorerie et qui est essentiel à l’équilibre des services concernés.

Le financement de l’activité générale du personnel relevant du programme 203 n’est pas touché. Les dépenses de personnel et le nombre d’ETP retracés dans l’action 8 du programme 217 n’ont pas lieu d’évoluer, même si l’impact des rémunérations sur service fait, dans un contexte d’activité restreinte liée aux plans de continuité d’activité, devra être analysé.

À ce stade, les mesures de régulation budgétaire, qui sont antérieures à la crise sanitaire, se limitent à l’application d’une réserve de 4 %, y compris sur les concours versés à SNCF Réseau qui sont pourtant des dépenses obligatoires.

2.   Le programme 203 mobilisé de manière marginale

La crise du Covid-19 induit une diminution de certaines dépenses de fonctionnement (déplacements, carburant, formation), mais aussi des dépenses supplémentaires liées à des besoins d’équipements spécifiques, notamment la fourniture de matériel informatique pour les agents en télétravail et le déblocage des moyens nécessaires au respect des consignes sanitaires (masques, nettoyage des locaux, plateaux‑repas). À ce stade, les surcoûts sont pris en charge par les moyens généraux du ministère.

Il convient également de noter l’avance des frais relatifs au maintien de la continuité territoriale avec les territoires d’outre-mer et notamment aux évacuations sanitaires. Ces opérations, mises en œuvre par la DGAC, ont été prises en charge sur l’action 52 Transport aérien du programme 203. Toutefois, les coûts seront couverts ultérieurement par un transfert de crédits du programme 123 Conditions de vies outre-mer vers le programme 203.

Une partie des vols ayant été assurés par les compagnies aériennes dans les conditions du marché, le financement de l’État a surtout permis la mise en place de ponts aériens avec Mayotte, La Réunion, la Guadeloupe, Saint Martin et Saint Barthélémy, sous la forme de délégations de service public temporaires, à la fois pour le fret et pour le transport de voyageurs. Les dépenses supplémentaires identifiées à ce stade sont estimées à 6 millions d’euros par la DGAC.

Si le plan de financement du « plan vélo » annoncé en avril n’est pas encore définitivement arrêté, il pourrait s’agir d’un fonds de concours de l’AFITF au programme 203. Initialement doté de 20 millions d'euros, le fonds a été récemment porté à 60 millions d'euros. Il doit inciter les Français à la pratique du vélo durant la phase de « déconfinement », afin d'éviter, dans un contexte d’engorgement des transports en commun, un report modal vers la voiture individuelle. Il financera notamment une aide forfaitaire de 50 euros pour la remise en état d'un vélo.

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux saluent les mesures d’urgence mises en place par le Gouvernement au secteur du fret ferroviaire, notamment le versement anticipé de l’aide aux transports combinés, mobilisée sur l’action 45 du programme 203 pour un montant de 27 millions d’euros, qui vient soulager la trésorerie des opérateurs.

B.   Des baisses de recettes SIGNIFICATIVES

Si les dépenses du programme 203 sont peu affectées, la crise du Covid-19 entraîne néanmoins des baisses de recettes importantes, qui résultent de l’effondrement du trafic mais aussi des mesures de soutien spécifiques accordées aux acteurs de la filière en difficulté.

1.   Le soutien au transport routier de marchandises

Les entreprises de la logistique et du transport routier de marchandises (TRM) sont particulièrement touchées par la crise. Selon les données fournies aux rapporteurs par la fédération nationale du transport routier (FNTR), plus de 80 % des entreprises du TRM se sont retrouvées en arrêt total ou partiel du fait des mesures de confinement.

Face à une telle situation, le Gouvernement a annoncé un plan de soutien d’urgence visant à soutenir la trésorerie des acteurs du transport routier en 2020. Les 390 millions d’euros mobilisés reposent sur deux mesures principales :

– un remboursement accéléré de la part exonérée de TICPE pour 300 millions d’euros. Actuellement remboursée chaque semestre, elle sera exceptionnellement remboursée tous les trimestres ([9]) ;

– un report du paiement de la taxe sur les véhicules routiers (TSVR) pour 90 millions d’euros. La prochaine échéance, qui devait être payée au plus tard le 1er septembre 2020, est reportée de trois mois.

Les rapporteurs spéciaux saluent ces mesures, dont le coût n’affecte pas directement le programme 203, et qui doivent permettre au secteur du TRM non seulement de surmonter la crise, mais aussi de poursuivre ses efforts en matière de transition écologique.

2.   L’impact de la crise sur les recettes de l’AFITF

Si les recettes de l’AFITF, fixées à 2,98 milliards d’euros en 2020, sont en hausse de 20 % par rapport à 2019, elles proviennent en intégralité de taxes affectées et seront, à l’évidence, inférieures à la prévision.

Les ressources de l’AFITF reposent pour moitié sur les recettes issues d’une fraction de TICPE, fixées à 1,59 milliard d’euros en 2020 (+ 31 %). Or, les recettes de TICPE, attendues à 14,5 milliards d’euros en loi de finances pour 2020, sont affectées par la baisse de la consommation de carburant. Les prévisions de recettes ont été réduites de 1,5 milliard d’euros dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 ([10]). En cas de baisse supplémentaire, le risque pour les ressources de l’AFITF n’est pas négligeable. Toutefois, à ce stade, la DGITM indique qu’aucune baisse des recettes de TICPE n’est envisagée.

Évolution des recettes de l’AFITF

(en millions d’euros)

 

2019

2020

Évolution
2018-2019

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

1 205,8

1 586,7

+ 380,9

+ 31,6%

Taxe d’aménagement du territoire (TAT)

523,0

551,7

+ 28,7

+ 5,5%

Redevances domaniales

355,0

360,0

+ 5,0

+ 1,4%

Taxe sur les billets d'avion

-

230,0

Amendes-radars

226,0

192,9

– 33,1

– 4,6 %

Contribution exceptionnelle des sociétés concessionnaires d'autoroutes (protocole 2015)

60,0

60,0

Autres recettes exceptionnelles

108,0

0,3

Total des recettes

2 477,8

2 981,6

+ 503,8

+ 20,3%

Source : Commission des finances d’après les données de l’AFITF.

Il n’en reste pas moins, compte tenu de l’effondrement du trafic aérien, que la part de taxe de solidarité sur les billets d’avion reversée au budget de l’AFITF en application de la loi de finances pour 2020, qui devait s’élever à 230 millions d’euros, devrait être réduite à zéro.

La baisse du trafic routier aura également un impact sur les recettes de l’agence. Les recettes issues des sociétés concessionnaires d’autoroute, qui dépendent directement du trafic, seront revues à la baisse. Selon la DGITM, avec une hypothèse de 70 % de perte de trafic pendant la durée du confinement, les pertes de TAT et des redevances domaniales pourraient atteindre 35 millions d’euros. De même, l’AFITF subira aussi la diminution des recettes issues des amendes-radars. Avec une hypothèse de 50 % de perte de trafic, ces pertes sont estimées à plus de 30 millions d’euros par mois.

Au total, le risque de pertes de recettes est, jusqu’ici, estimé par la DGITM entre 350 et 400 millions d’euros, soit 13 % des ressources initialement prévues. L’AFITF n’a pas l’autorisation de s’endetter, le financement des investissements dans les infrastructures de transports par l’AFITF, y compris par versement de fonds de concours au programme 203, sera compromis, de même que la trajectoire budgétaire prévue dans la loi d’orientation des mobilités ([11]) (LOM).

L’impact de la crise du Covid-19 sur les recettes de l’AFITF

Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires.

Les rapporteurs spéciaux rappellent que la pérennisation des ressources de l’AFITF était déjà un point d’attention avant la crise. Ils recommandent que des mesures compensatoires soient adoptées, permettant de rééquilibrer les recettes de l’AFITF, afin de ne pas remettre en cause les investissements prévus, notamment en ce qui concerne la priorité accordée aux opérations de régénération des réseaux prévue dans la LOM.

Recommandation  5 : Mettre en place des mesures visant à compenser la baisse des recettes de l’AFITF afin de permettre à l’opérateur de maintenir le niveau de ses investissements.


3.   L’impact de la crise sur les recettes de VNF et sur le transport fluvial

La crise du Covid-19 n’a pas épargné le trafic fluvial, entraînant une baisse du trafic de marchandises et la suspension de la navigation de plaisance.

Durant le confinement, VNF s’est efforcé de garantir la continuité de la navigation de marchandises, en s’adaptant aux besoins des professionnels. L'intégralité du réseau à grand gabarit a été maintenue ouvert, mais l’amplitude journalière a été réduite. Sur le petit gabarit, une offre à la demande a été organisée. Dans l’ensemble, le fret fluvial a connu une baisse de trafic de 25 %. Ce fléchissement est lié pour l’essentiel à la chute des importations et à l’arrêt des chantiers, car le secteur du BTP représente 45 % du trafic en temps ordinaire. Néanmoins, l’activité a pu se maintenir grâce à un report vers l’agroalimentaire.

Dans le cadre de sa mission de gestion hydraulique, VNF a également maintenu ses opérations d’exploitation et de maintenance des ouvrages, afin de garantir l’approvisionnement en eau et assurer la sécurité des personnes et des biens (notamment en termes de prévention des crues). Toutefois, le risque de sécheresse n’est pas écarté.

L’établissement public n’a pas rencontré de problème de trésorerie à court terme, mais pourrait subir une baisse de ses recettes commerciales (47 millions d’euros prévus en 2020), en raison de la baisse du trafic et de la suspension des péages pendant la période de confinement (pertes estimées à 1,7 million d’euros sur 9,2 millions d’euros pour les péages fret et à 1,3 million d’euros sur 6,9 millions d’euros pour les péages plaisance).

La baisse des redevances domaniales, du fait du ralentissement des activités économiques liées au tourisme, pourrait atteindre 1 million d’euros. L’absence de visibilité sur la reprise du trafic et les remises gracieuses accordées aux professionnels en difficulté pourraient encore alourdir ces pertes. Enfin, la navigation touristique et de plaisance pourrait être affectée par la nécessité de respecter les consignes de distanciation sanitaire, particulièrement difficiles à tenir dans les petites embarcations.

L’impact de la crise sur les dépenses devrait par contre rester limité. Le coût des mesures visant au respect des consignes sanitaires et les économies réalisées dans les dépenses de fonctionnement ne sont pas encore déterminés. La difficulté principale vient du ralentissement des travaux de maintenance du réseau, qui pourrait certes entraîner des économies à court terme, mais aussi des surcoûts et des délais supplémentaires à moyen terme, ainsi qu’une baisse des cofinancements acquis par VNF auprès de l’AFITF, des régions et de l’Union européenne.

Malgré la baisse de ses ressources et de ses emplois dans la loi de finances pour 2020, VNF a fait preuve d’une gestion de crise exemplaire. L’établissement doit être accompagné face aux défis de la baisse du trafic fluvial de marchandises et du tourisme fluvial ainsi que dans sa mission de gestion des ressources hydrauliques.

Recommandation  6 : Accompagner VNF dans la gestion de la baisse du trafic fluvial de marchandises, dans sa mission de gestion des ressources hydrauliques et dans la relance du tourisme fluvial.

4.   Le versement mobilité

Outre les opérateurs rattachés au programme 203, une attention particulière doit être portée aux autorités organisatrices de la mobilité, au premier rang desquelles les collectivités territoriales, qui sont confrontées à une diminution de leurs recettes commerciales mais aussi du versement mobilité.

Le versement mobilité est destiné à financer les transports en commun. Y sont assujettis les employeurs des secteurs public et privé qui emploient au moins onze salariés et qui se situent soit en région Île‑de‑France, soit dans le périmètre d'une autorité organisatrice de la mobilité où a été institué le versement mobilité.

Les recettes du versement mobilité devaient rapporter 9,4 milliards d'euros sur l’ensemble de l’année 2020, dont la moitié en région Île-de-France. Elles sont évidemment affectées par le ralentissement de l’activité économique, le recours massif à l’activité partielle et les difficultés rencontrées par les entreprises. Une note de la commission des finances du Sénat du 14 avril 2020 évalue la perte à l’échelle de la France entière entre 860 millions d’euros et 1,9 milliard d’euros en 2020.

Quoi qu’il en soit, la chute des recettes est susceptible de déstabiliser le financement des transports du quotidien par les collectivités territoriales, c’est pourquoi les rapporteurs forment le vœu que des solutions adaptées soient mises en œuvre aussi bien du côté des autorités organisatrices que des opérateurs de transport pour garantir l’équilibre des contrats.

C.   L’impact de la crise sur les opérations de maintenance et de développement des infrastructures

La quasi-totalité des chantiers relatifs aux infrastructures de transports en cours dans le domaine routier, ferroviaire et fluvial ont été suspendus à la suite de l'annonce du confinement. Certains d’entre eux ont pu progressivement reprendre, dans le respect des consignes sanitaires édictées par l’Organisme de prévention professionnelle du bâtiment et des travaux publics, grâce à l’engagement des professionnels du BTP.

Les travaux de maintenance des réseaux, notamment l’entretien courant, ont pu être partiellement assurés. Ainsi, dans le domaine routier, le chantier de la RN 116 dans les Pyrénées-Orientales, fermée à la circulation depuis février suite à un glissement de terrain, a pu rapidement reprendre. Ce fut aussi le cas, dans le domaine ferroviaire, des travaux sur la ligne N à Sèvres et sur la LGV Est, toutes deux interrompues suite à un effondrement localisé du talus de déblai les bordant.

À l’inverse, les travaux de régénération et les opérations de développement des infrastructures ont pour l’essentiel été gelés durant la période de confinement et ne reprendront que graduellement. Ainsi, tous les chantiers réalisés sur le réseau ferroviaire se sont arrêtés pendant la deuxième quinzaine de mars et la production du mois d’avril est estimée à 10 % par rapport à une situation normale.

Les retards accumulés durant la crise seront, pour beaucoup, difficiles à rattraper, ce qui pourrait reporter l’achèvement de certaines opérations, voire générer des délais supplémentaires et donc des surcoûts. En outre, le respect des consignes sanitaires engendrera des dépenses imprévues qu’il est difficile d’estimer à ce stade. La DGITM a fourni aux rapporteurs un ordre de grandeur provisoire de 8 % à 10 %. En tout état de cause, la crise nécessitera un temps d’échanges avec les cofinanceurs des opérations concernées.

Dans tous les domaines, le calendrier des chantiers et des mesures d’exploitation associées devra être revu. Dans le domaine ferroviaire, SNCF Réseau a déjà commencé un important travail de reprogrammation et de priorisation des chantiers, qu'il s'agisse d’entretien, de modernisation ou de développement, afin de minimiser les conséquences sur la qualité de service offerte aux usagers. Cet exercice est particulièrement difficile car les opérations ferroviaires nécessitent d’anticiper la planification deux à trois ans à l’avance. Par ailleurs, la priorité accordée à la circulation des trains de marchandises durant la période de crise a pu conduire à différer certains chantiers.

Dans le secteur fluvial, la spécificité des travaux en milieu aquatique entraînera également des retards significatifs, certains travaux ne pouvant être menés qu'en période de basses eaux. De même, la planification des interruptions de navigation avec les transporteurs fluviaux entraînera d'autres reports pour ne pas pénaliser les transports de marchandises dans la situation actuelle. Pour résorber les retards, VNF s’emploie à déterminer quelles seront les opérations prioritaires, notamment en termes de robustesse du réseau ou de respect des engagements, notamment vis-à-vis des différents financeurs.

Le ralentissement des chantiers pourrait aussi entraîner un retard et des surcoûts pour le Grand Paris Express. La SGP dispose d’un niveau de liquidités solide et d’un accès robuste aux marchés de financement, même si elle pourrait subir des baisses de recettes, notamment sur la taxe additionnelle régionale à la taxe de séjour et sur la TSB. Les chantiers des lignes 15 Sud et 16, qui avaient été arrêtés le 18 mars, n’ont pu reprendre que la semaine du 20 avril 2020. D’autres chantiers ont repris, au moins partiellement, début mai. La consultation des entreprises sur les autres chantiers, notamment pour ce qui concerne les lignes 15 Ouest et 15 Est en conception-réalisation, a pu continuer, avec néanmoins quelques retards. L’impact de la mise en œuvre des mesures sanitaires sur le rythme d’avancement des chantiers reste encore à déterminer. La SGP considère qu’une première évaluation des retards pourrait être réalisée d’ici la fin du mois de juin.

II.    Le programme 355 et l’impact de la crise sur la situation financière du groupe SNCF

La crise du Covid-19 touche un secteur ferroviaire dans le contexte très particulier de l’ouverture à la concurrence puisque, en application de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire ([12]), le groupe SNCF et ses filiales SNCF Mobilités et SNCF Réseau sont devenus au 1er janvier 2020 des sociétés anonymes à capitaux publics.

Pour accompagner cette évolution, l’État s’est engagé, dans la loi de finances pour 2020, à reprendre une partie de la dette de SNCF Réseau à hauteur de 25 milliards d’euros dès 2020 puis 10 milliards d’euros en 2022. En 2020, le coût de la dette inscrit dans le nouveau programme 355 Charges de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État de la mission Écologie, développement et mobilité durables est estimé à 408 millions d’euros.

La crise du Covid-19 n’a quasiment aucun impact sur le programme 355, dont la dépense est fixée par les caractéristiques de la dette reprise au 1er janvier 2020. Cette dette est composée d’emprunts à taux fixes pour 91 % de son encours, d’emprunts à taux indexés sur l’inflation pour 4 % et d’emprunts à taux variables pour 5 %. À ce stade, les mouvements de taux et d’inflation ont un impact mineur sur la prévision de dépense pour 2020.

Néanmoins, du fait de la forte baisse du trafic ferroviaire, la crise du Covid‑19 affecte lourdement le groupe SNCF, qui connaît des recettes quasi nulles, tandis que ses coûts fixes sont inchangés. Ces difficultés viennent s’ajouter aux perturbations liées aux mouvements sociaux contre la réforme des retraites ainsi qu’aux surcoûts liés à la recherche d'un substitut pour le glyphosate dans l'entretien des rails pour désherber les voies. Au total, les pertes du groupe pour l’année 2020 sont estimées à environ 4 milliards d’euros ([13]).

A.   Des pertes importantes pour SNCF Mobilités

SNCF Mobilités est confrontée à des pertes importantes du fait de la baisse des activités de transport de voyageurs et, dans une moindre mesure, du ralentissement des activités de fret ferroviaire.

1.   L’effondrement du transport de voyageurs

Le transport de voyageurs, géré par SNCF Voyageurs, s’est effondré durant la période de confinement, au cours de laquelle n’ont circulé que 7 % des TGV, seulement 15 % des TER et 5 % des TET ainsi que, en région parisienne, 30 % des Transilien.

L'État a accepté de prendre à sa charge une grande partie des cheminots sous le régime du chômage partiel, mais cela n’a compensé que très marginalement l’effondrement des recettes commerciales.

La crise entraîne aussi des surcoûts, notamment pour ce qui concerne l’entretien indispensable des rames inemployées et le respect des consignes sanitaires. La situation est d’autant plus préoccupante que la reprise ne devrait être que très progressive, notamment pour le transport ferroviaire interurbain.

2.   Le transport médicalisé opéré par la SNCF

Au‑delà de ces pertes, les rapporteurs spéciaux tiennent à souligner l’importante contribution de la SNCF au transport de patients durant la crise.

Si tous les modes de transport ont été mis à contribution pour déplacer des patients d’une région à une autre et décharger les hôpitaux les plus touchés par la pandémie, la plupart des transferts ont été opérés dans des TGV médicalisés qui, de l’avis même des professionnels de santé, constituaient le moyen de transport le plus sûr et le plus efficace (jusqu’à 24 patients en réanimation par train, contre 4 par vol militaire). Les TGV médicalisés ont été spécialement affrétés par la direction générale de la santé et la SNCF. Entre le 16 mars et le 7 avril 2020, pas moins de 202 patients ont été transportés par une dizaine de TGV.

Les rapporteurs attirent l’attention sur le fait que le financement des TGV médicalisés a été intégralement pris en charge par la SNCF, qui n’a pas demandé de contrepartie. Des centaines de cheminots ont été mobilisées pour tracer le parcours des trains, assurer le suivi en centre opérationnel, équiper les gares pour y accueillir les TGV dans les meilleures conditions, mettre à disposition les rames et les modifier, les décontaminer, les conduire et les mettre en sécurité. Ils n’ont donc rien coûté au budget des transports.

3.   La situation contrastée du fret ferroviaire

Si plus de 60 % des trains de marchandises ont continué à circuler durant la période de confinement, le fret ferroviaire n’en est pas moins confronté à de lourdes pertes. La crise entraîne des difficultés supplémentaires pour un secteur dont la situation financière était déjà fragile, non seulement pour Fret SNCF, mais aussi pour toutes les entreprises de fret ferroviaire, qui avaient déjà été particulièrement pénalisées lors des mouvements sociaux de décembre 2019 et janvier 2020.

Les rapporteurs spéciaux tiennent à souligner que le fret ferroviaire a su être à la hauteur durant la crise et montrer toute son utilité. Les commandes ont été honorées, notamment dans la filière des céréales et dans les secteurs de l’industrie agroalimentaire et de l’industrie chimique alimentant l’industrie pharmaceutique, qui ont ainsi pu poursuivre leur activité.


B.   Des baisses de recettes et des moindres dépenses pour SNCF Réseau

L’impact de la crise sur SNCF Réseau est plus contrasté. Certes, la diminution du trafic ferroviaire entraîne une baisse des recettes des péages. Toutefois, le ralentissement des activités de maintenance du réseau ferroviaire, déjà évoqué dans le présent rapport, réduit les charges supportées par le gestionnaire des infrastructures ferroviaires.

Par ailleurs, la crise entraîne des surcoûts, principalement du fait du nécessaire respect des consignes sanitaires. En outre, l’adaptation de la trajectoire économique du groupe SNCF, qui devra être réalisée à l’issue de la crise, pourrait avoir un impact sur le niveau des dividendes reversés à SNCF Réseau pour l’entretien et la régénération du réseau ferroviaire.

À court terme, la perte de recettes et la diminution des investissements sur le réseau pourraient se compenser. D’après les informations fournies par la DGITM aux rapporteurs, il n’y a donc pas lieu de s’attendre à une hausse de l’endettement d’ici la fin du premier semestre 2020.

À moyen terme, l’impact financier de la crise sur SNCF Réseau est donc difficile à estimer, car il dépend des conditions de sortie de crise, et notamment de la durée pendant laquelle des mesures sanitaires, génératrices de surcoûts, devront être mises en œuvre sur les chantiers. Comme pour SNCF Mobilités, la reprise du trafic des TGV, dont les recettes représentent une part importante des profits, sera un élément essentiel.

C.   Le nécessaire soutien de l’État à ces entreprises stratégiques

Le groupe SNCF et ses filiales étant désormais des sociétés anonymes, dans le cadre de l’ouverture des services ferroviaires à la concurrence, la question du rôle et de l’intervention de l’État se pose à l’évidence de manière différente.

Toutefois, comme l’ont indiqué la ministre de la transition écologique et solidaire et le secrétaire d’État chargé des transports, le 5 mai 2020, la SNCF est une « entreprise stratégique et doit pouvoir continuer à investir, puisque c’est la condition d’un service de qualité rendu aux Français » ([14]).

Les rapporteurs spéciaux tiennent à saluer cet engagement. S’il est difficile de préjuger de ce que sera la reprise du trafic ferroviaire dans les mois qui viennent, la trajectoire financière de la SNCF devra faire l’objet d’un suivi attentif et, si nécessaire, l’entreprise ferroviaire devra bénéficier d’un soutien de l’État, qui demeure son seul et unique actionnaire.

Un éventuel soutien de l’État à la SNCF n’irait évidemment pas sans contreparties en termes de rentabilité économique, mais aussi en matière de transition écologique. À ce titre, la crise offre de réelles opportunités pour développer des mobilités plus durables, auxquelles le transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises doit apporter sa pleine contribution, en conciliant développement économique et protection de l’environnement.

Dans cette perspective, les rapporteurs spéciaux tiennent à exprimer leur soutien au développement de trains plus légers, en particulier des trains fonctionnant à l’hydrogène, sur lesquels ils ont déjà eu l’occasion de travailler ([15]). Le plan de relance pour sortir de la crise du Covid-19 constitue une réelle opportunité pour investir massivement dans cette filière d’avenir et lui permettre de franchir un cap en allant vers une production locale et « zéro carbone ». L’intérêt d’une telle solution est autant écologique qu’économique, puisque le recours à des matériels plus légers permettrait, sur les lignes à faible trafic comme les lignes de desserte fine du territoire, d’alléger les coûts d’entretien et de régénération du réseau.

Recommandation  7 : Conditionner les mesures de soutien au groupe SNCF à des engagements en termes de rentabilité économique et de transition écologique.

S’agissant du transport de marchandises, les rapporteurs spéciaux forment le vœu que des solutions pérennes soient trouvées pour améliorer la situation financière du secteur et favoriser le report modal vers le fret ferroviaire qui est bien plus favorable à l’environnement que le transport routier de marchandises, notamment s’agissant des trajets internationaux. Le plan de sortie de crise pourra s’appuyer sur les acteurs français du fret ferroviaire, qui portent de grandes ambitions en la matière, ainsi que sur le « green deal » européen, qui peut permettre de trouver les financements nécessaires à la modernisation des infrastructures et à la réorganisation des flux.

Recommandation  8 : Mettre en œuvre un plan de soutien au fret ferroviaire pour favoriser le report modal et contribuer à la transition écologique.


III.   Le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs FRAgilisÉ

Dans la loi de finances pour 2020, les dépenses du CAS sont fixées à 312,7 millions d’euros, répartis entre 246,1 millions d’euros pour le programme 785 Exploitation des services nationaux de transport conventionnés et 66,6 millions d’euros pour le programme 786 Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés. La diminution des dépenses de 46,5 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2019 s’explique par des transferts de lignes de l’État aux régions et par la réévaluation du déficit prévisionnel des TET de 110 millions d’euros sur la période 2017‑2020.

Les prévisions de recettes du CAS sont ramenées à 312,7 millions d’euros. Le produit de la contribution de solidarité territoriale (CST) et de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) est stable, mais la part du produit de la taxe d’aménagement du territoire (TAT) reversée au CAS est réduite.

Évolution des recettes et des charges
du compte d’affectation spéciale SNTCV

(en millions d’euros)

 

Exécution 2019

LFI 2020

Écarts à la prévision

TAT

117,2

70,7

– 46,5

– 39,7 %

CST

16

16

 

 

TREF

226

226

 

 

Total recettes

359,2

312,7

 46,5

– 12,9 %

Programme 785

265,8

246,1

– 19,7

– 7,4 %

Programme 786

73

66,6

– 6,4

– 8,8 %

Total dépenses

338,8

312,7

 26,1

– 7,7 %

Source : Commission des finances d’après les rapports annuels de performances.

A.   Un impact sensible sur l’exploitation des trains d’Équilibre du territoire

La crise du Covid-19 ne devrait pas affecter les prévisions de recettes. L’intégralité de la fraction de la TAT, acquittée par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, a en effet déjà été affectée au CAS SNTCV. En outre, l’assiette de la CST et de la TREF, qui pèsent sur SNCF Mobilités, correspond respectivement au chiffre d’affaires et au résultat de l’année N – 1. Leur montant est donc inchangé.

Néanmoins, la crise a un impact sensible sur l’exploitation des TET, dont le niveau a été réduit à 5 % de l’offre habituelle durant toute la durée du confinement. En conséquence, les recettes perçues par SNCF Mobilités, d’environ 20 millions d’euros par mois, ont été quasiment nulles sur la période, alors même que la plupart des charges d’exploitation continuaient d'être supportées par l’opérateur.

L’impact total de la crise sur le CAS ne peut être évalué avec précision, puisqu’il dépend en grande partie des conditions de reprise de l’activité, qui ne devrait être que très progressive. L’offre devrait se limiter à 30 % de l’offre nominale jusqu’au mois de septembre. Les recettes continueront d’être inférieures à la prévision.

Des discussions ont été ouvertes entre l’État et SNCF Mobilités sur les modalités d’application de la convention relative à l’exploitation des TET. Le montant de la contribution versée par l’État au titre de la couverture du déficit d’exploitation de ces lignes pourrait être revu à la hausse en 2020.

Dans le cas où la contribution d’exploitation devait être revue à la hausse par rapport aux prévisions initiales, il serait proposé de lever les mesures de gel opérées en début d’année sur le CAS (de l’ordre de 15 millions d’euros en AE et de 16 millions d’euros en CP), voire d’ouvrir des crédits supplémentaires.

Les autres dépenses du CAS SNTCV ne sont pas impactées par la crise sanitaire. Les accords conclus avec les régions pour la reprise de certaines lignes TET prévoient que les contributions versées par l’État au titre de la participation aux coûts d’exploitation de ces lignes sont forfaitaires, soit une contribution totale de 76,7 millions d’euros à verser en 2020 aux régions Grand Est, Occitanie, Centre-Val-de-Loire, Nouvelle Aquitaine et Hauts-de-France.

B.   Une possible remise en cause du compte d’affectation spÉciale en 2021

Avant même la crise du Covid-19, on pouvait légitimement s’interroger sur l’existence du CAS SNTCV, qui conduit à faire financer par l’exploitant des services de transport conventionnés de voyageurs la plus grande partie de la subvention que l’autorité organisatrice doit lui verser.

La crise pourrait entraîner un fort déséquilibre du CAS en 2021. Selon toute vraisemblance, le manque à gagner de SNCF Mobilités en 2020 produira, en 2021, une difficulté majeure pour la perception de la TREF, qui est assise sur le résultat de l’opérateur majoré des dotations aux amortissements. Le produit de la taxe sera donc fortement réduit, voire nul. Or, le rendement de la TREF représente 226 millions d’euros, soit plus de 70 % des recettes du CAS.

Cette difficulté, attendue pour 2021, pose plus structurellement la question du mode de financement du CAS SNTCV, dans un avenir proche qui risque de ne pas traduire un retour à la normale immédiat. Compte tenu de la situation, il paraîtrait opportun de supprimer le CAS au terme de la convention 2016‑2020.

Recommandation  9 : Supprimer le CAS Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs au terme de la convention 2016-2020.


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IV.   Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens touchÉ par l’effondrement du transport aÉrien

Le transport aérien est incontestablement un des secteurs les plus touchés par la crise du Covid-19. Selon les dernières prévisions de l’association internationale du transport aérien (IATA), la crise pourrait conduire à une chute du trafic aérien de 48 % en 2020 et à une perte de chiffre d’affaires de 314 milliards de dollars (environ 290 milliards d’euros) pour les compagnies aériennes, ce qui représente 55 % de leurs revenus de 2019.

Les compagnies aériennes sont d’autant plus en difficulté qu’elles n’ont pas obtenu la suspension de leur obligation de rembourser aux passagers le prix des billets d’avion annulés dans un délai de sept jours, malgré leur souhait de bénéficier d’un dispositif d’avoir valables sur le modèle de celui mis en place au profit des professionnels du tourisme. Les enjeux financiers sont considérables : l’IATA les a estimés à 35 milliards de dollars, dont 9,2 milliards d’euros rien qu’au niveau européen.

En France, les pertes pour les compagnies aériennes pourraient atteindre 14,3 milliards de dollars, avec 80 millions de passagers en moins. L’enjeu est de taille pour un secteur qui représente plus de 100 000 emplois, dont 65 000 dans les compagnies aériennes et 45 000 au sein du seul groupe Air France.

Les conséquences sur le transport aérien sont d’autant plus importantes qu’il sera probablement affecté dans la durée. Un temps envisagé, le scénario d’une courbe « en V », avec une forte chute d’activité suivi d’un rebond rapide, semble écarté. La reprise devrait être très graduelle et le transport aérien pourrait ne pas retrouver son rythme d’avant la crise avant une ou plusieurs années. De surcroît, il n’est pas exclu que la crise produise des effets persistants dans la durée, notamment un changement des comportements de consommation, à la fois sur le plan personnel (tourisme) et professionnel (télétravail, report modal).

Les acteurs du transport aérien, notamment la centaine de compagnies aériennes françaises, ont bénéficié, comme les autres entreprises françaises, du prêt garanti par l’État, du mécanisme de soutien de l’activité partielle et du report de certaines cotisations sociales. Toutefois, des mesures de soutien spécifiques au transport aérien ont été mises en place, qui ne sont pas sans impact sur le BACEA.

 

 

 

A.   Des prévisions initiales en hausse

Le montant total des recettes du BACEA inscrites à l’état A de la loi de finances initiale pour 2020 s’élève à 2,12 milliards d’euros. Ce montant est en hausse de 3 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2019. Les prévisions de recettes d’exploitation issues de taxes et redevances s’élèvent à 2,07 milliards d’euros, légèrement supérieures à celles de 2019 (+ 0,6 %). La capacité d’emprunt du budget annexe est fixée à 50 millions d’euros.

En dépenses, les crédits votés en loi de finances initiale s’élèvent à 2,14 milliards d’euros, en hausse de 0,9 % par rapport à la loi de finances pour 2019 et 0,7 % par rapport aux dépenses exécutées en 2019.

Les dépenses de personnel demeurent le premier poste de dépense, pour un coût de 1,22 milliard d’euros porté par le programme 613, soit 57 % du total de la mission. Le nombre d’emplois rémunérés par le budget annexe est fixé à 10 544 ETPT pour 2020, un montant stable par rapport à la loi de finances pour 2019.

Le montant global de la subvention pour charges de service public versée à l’ENAC, porté par le programme 613, s’élève à 95 millions d’euros, un montant légèrement inférieur à 2019.

Évolution des dépenses du BACEA en crédits de paiement

(en millions d’euros)

 

Exécution 2019

LFI 2020

Évolution
2018-2019

Programme 613  Soutien aux prestations de l’aviation civile

1 498,9

1 501,1

+ 2,2

+ 0,1%

Programme 612  Navigation aérienne

578,3

595,4

+ 17,1

+ 3,0%

Programme 614  Transports aériens, surveillance et certification

48,6

44,9

­ 3,7

­ 7,6 %

Total

2 125,8

2 141,4

+ 15,6

+ 0,7%

Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires.

B.   Une baisse de recettes massive compensée par l’emprunt

Selon les chiffres fournis par la DGAC, l’activité des vols commerciaux a chuté de plus de 90 % durant la période de confinement et ne reprend que très progressivement. Sur l’ensemble de l’année 2020, la perte de trafic avoisinerait les 50 %. L’effondrement du trafic a pour conséquence une baisse sans précédent des recettes du BACEA, qui dépendent du nombre de vols et de passagers.

En outre, pour soutenir les compagnies aériennes confrontées à de fortes difficultés de trésorerie, le Gouvernement a annoncé le report du paiement de plusieurs taxes et redevances aéronautiques :

– concernant la taxe de l’aviation civile et la taxe de solidarité sur les billets d’avion, payées par les compagnies aériennes sous pavillon français, les paiements exigibles du 1er mars au 31 décembre 2020 seront étalés sur vingt‑quatre mois du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022 ;

– s’agissant des redevances pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA) pour la métropole et pour l’outre-mer et la redevance océanique, payées par toutes les compagnies aériennes opérant en France, les paiements exigibles du 1er mars au 31 décembre 2020 seront étalés sur vingt‑quatre mois du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022 ;

– en application d’une décision prise par les États membres d’Eurocontrol, les paiements de la redevance de route des mois d’avril à juillet 2020 sont reportés sur les mois de novembre 2020, février 2021, mai 2021 et août 2021.

Les deux premières lois de finances rectificatives pour 2020 ([16])  ont réduit les prévisions de recettes du BACEA de 1,4 milliard d’euros, soit une baisse de 66 % par rapport à la loi de finances initiale.

Cette diminution s’accompagne d’une augmentation de la capacité d’emprunt du budget annexe, qui passe de 50 millions d’euros à 1,25 milliard d’euros. Des crédits sont ouverts à due concurrence sur le programme 824 du compte de concours financiers Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics.

Compte tenu de la situation de trésorerie du BACEA, ce niveau d’emprunt devrait permettre de couvrir les charges du budget annexe jusqu’en novembre. En fonction de l’évolution de la situation, la DGAC n’exclut pas de demander une autorisation d’emprunt complémentaire pour couvrir les charges de décembre voire, en cas de dégradation durable du trafic aérien, celles de 2021.

L’évolution des recettes du BACEA en 2020

Source : commission des finances d’après les lois de finances rectificatives pour 2020.

Les rapporteurs spéciaux se félicitent de la gestion optimisée mise en œuvre par la DGAC lors des derniers exercices budgétaires, qui a permis au BACEA d’aborder la crise dans une situation améliorée. À la fin de l’année 2019, l’encours de dette du budget annexe s’élevait à 667 millions d’euros, son niveau le plus bas depuis l’an 2000.

Il n’en demeure pas moins qu’un recours à l’emprunt à hauteur de 1,25 milliard d’euros en 2020 portera l’endettement du BACEA à 1,9 milliard d’euros, dépassant nettement son pic historique de 1,3 milliard d’euros atteint en 2014. Le BACEA joue ainsi un rôle d’amortisseur de la crise, contribuant ainsi à soutenir le secteur du transport aérien.

Cet endettement pèsera sur les charges du BACEA des futurs exercices, dont l’équilibre sera l’objet des prochaines discussions budgétaires.

C.   Un impact sur les dépenses qui reste encore à déterminer

La crise a un impact sur l’exécution des dépenses du BACEA qui est toutefois sans commune mesure avec l’effondrement des recettes.

Les dépenses de personnel, qui s’élèvent à 1,22 milliard d’euros en loi de finances pour 2020, sont le poste le plus important (57 % des dépenses), sur lequel il n’existe qu’une faible marge de manœuvre. Selon les informations fournies par la DGAC, un report de charges d’environ 15 millions d’euros pourra être réalisé sur l’exercice 2021, dont 10 millions d’euros au titre du projet de protocole social 2020-2024 dont la négociation a dû être suspendue et dont le financement est reporté en 2021.

S’agissant des dépenses de fonctionnement, certains postes sont en diminution par rapport aux prévisions initiales, notamment les dépenses de déplacement, de carburant ou de formation. Toutefois, les économies induites devraient être compensées par des dépenses non prévues, liées notamment à la fourniture de matériel bureautique aux agents en télétravail, au nettoyage des postes et des locaux ainsi qu’aux mesures visant le respect des distances de sécurité sanitaire (micro-casques, lingettes, gel hydroalcoolique, plateaux-repas).

Il faut s’attendre à une baisse des ressources propres de l’ENAC, ce qui, d’après la DGAC, nécessitera une augmentation de sa subvention pour charges de service public d’environ 15 millions d’euros supplémentaires.

Les dépenses d’investissement sont le poste le plus affecté par la crise, notamment pour ce qui concerne les investissements de navigation aérienne. Le télétravail imposé par les mesures de confinement, tant pour les agents de la DSNA que pour les industriels et les partenaires, conduit à des retards dans la plupart des programmes de modernisation des équipements techniques, qui entraîneront une baisse des prévisions de dépenses sur l’exercice 2020, voire des reports de crédits de 2020 sur 2021.

Évolution des prévisions de recettes du BACEA en 2020

(en millions d’euros)

Intitulé de la recette

LFI 2020

LFR
23 mars 2020

LFR
25 avril 2020

Prévisions
actualisées

Variation
LFI / LFR

Ventes de produits fabriqués et marchandises

0,63

– 0,15

 

0,47

– 24,2 %

Redevances de route

1 293

– 312,69

– 549,38

430,93

– 66,7 %

Redevance océanique

13

– 3,14

– 6,61

3,25

– 75 %

RSTCA pour la métropole

214

– 51,75

– 115,99

46,25

– 78,4 %

RSTCA pour l'Outremer

31

– 7,49

– 15,75

7,75

– 75 %

Redevances de surveillance et de certification

30,35

– 7,34

– 9,35

13,66

– 55 %

Prestations de service

1,2

– 0,29

 

0,91

– 24,2 %

Autres recettes d'exploitation

1,8

– 0,44

 

1,36

– 24,2 %

Subventions d'exploitation

 

 

 

 

 

Autres produits de gestion courante

0,09

– 0,02

 

0,068

– 24,2 %

Taxe de l'aviation civile

472

– 114,15

– 200,13

157,72

– 66,6 %

Frais sur taxes perçues pour le compte de tiers

6,54

– 0,58

– 2,77

2,19

– 66,6 %

Taxe de solidarité (hors plafond)

 

 

 

 

 

Produits financiers

0,43

– 0,10

 

0,033

– 24,2 %

Produits exceptionnels hors cessions

1,5

– 0,36

 

1,14

– 24,2 %

Produit de cession des immobilisations affectées à la dette (art. 61 LFI 2011)

2

– 0,48

 

1,52

– 24,2 %

Produit brut des emprunts

50

+ 500

+ 700

1 250

+ 2400 %

Total

2 117,54

0

– 200

1 917,54

– 9,4 %

Source : Commission des finances d’après les lois de finances pour 2020.


En attendant d’avoir une meilleure visibilité sur l’actualisation de son plan d’investissement, la DSNA a identifié un certain nombre d’engagements à sécuriser en priorité, en particulier en ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle de ses systèmes critiques et les activités nécessaires à la poursuite du programme 4‑FLIGHT. Au total, la baisse des dépenses d’investissement de navigation aérienne est estimée à 40 millions d’euros sur l’année 2020, en complément de la baisse de 20 millions d’euros au titre de l’absence de levée des crédits mis en réserve en début de gestion.

L’effet cumulé de ces différents facteurs est difficile à évaluer avec précision. À ce stade, la DGAC s’attend à une diminution des dépenses du budget annexe de l’ordre de 80 millions d’euros pour une prévision initiale de 2,21 milliards d’euros. La réserve de 30 millions d’euros pour aléa de gestion qui avait été constituée lors de l’ouverture de la gestion 2020 ne devrait pas être levée.

D.   Les conséquences sur l’investissement à moyen terme

Si l’exécution 2019 a confirmé les difficultés de la DGAC à consommer l’intégralité des crédits d’investissement qui lui sont affectés, la crise du Covid‑19 et les effets durables qu’elle induit pour le transport aérien et les recettes du BACEA pourraient également affecter le niveau des investissements de la navigation aérienne à moyen terme.

En manque de visibilité, la DSNA s’emploie à renforcer le pilotage de ses investissements afin de préserver sa feuille de route de modernisation technique. Elle a commencé le passage en revue de son programme d’investissement et examine tous les projets afin d’évaluer l’impact d’un éventuel retard, voire d’un arrêt total, en fonction de six critères pondérés (impact sur le maintien en conditions opérationnelles des systèmes critiques, surcoûts financiers associés, risque de pertes de financement ou d’opportunité de revenu ou de financements européens, contribution à la conformité réglementaire et aux engagements internationaux de la France, impact sur le maintien de compétences industrielles sensibles, risque stratégique).

L’objectif est de pouvoir fixer des priorités et d’établir, en lien avec la direction du budget et l’ensemble des parties prenantes de la DSNA (direction des transports aériens, Eurocontrol, SESAR, représentants des personnels, compagnies aériennes), un nouveau plan d’investissement pour la période 2020‑2022. Selon les informations transmises aux rapporteurs, la priorité stratégique de la DSNA restera la mise en service du système 4‑FLIGHT dans les centres pilotes, même si la crise a d’ores et déjà induit un retard sur les activités de ce programme, ne permettant plus de garantir l’objectif d’une mise en service début 2022.

Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux forment le vœu que la DSNA priorise de manière encore plus affirmée qu’auparavant les investissements qui contribuent le plus directement aux objectifs de développement durable du transport aérien.

La crise du trafic aérien ne doit pas être un obstacle à la généralisation des mesures opérationnelles les plus efficaces sur le plan environnemental (amélioration des trajectoires de décollage des avions, optimisation des trajectoires de navigation, diminution des retards de vol à l’origine de gaspillage de carburant).

À ce titre, la DSNA a confirmé aux rapporteurs sa volonté de poursuivre ses échanges avec l’IATA concernant la mise en œuvre des procédures satellitaires de navigation (dites « performanced based navigation »). Elle étudie également la possibilité d’accélérer son calendrier de déploiement des espaces dit « free route » dans le contexte d’un trafic aérien faible en 2020 et d’une reprise sans doute très progressive.

Recommandation  10 : Faire des investissements qui contribuent le plus directement et le plus efficacement aux objectifs de développement durable du transport aérien une priorité.

E.   Les conséquences budgétaires sur le transport aérien en dehors du BACEA

Certaines des mesures de soutien aux compagnies aériennes mises en place ou envisagées n’ont pas d’impact sur les dépenses publiques, comme par exemple le moratoire sur les créneaux horaires concédés dans les aéroports, instauré au niveau européen. Quant au coût des mesures ayant un impact budgétaire, il n’est pas toujours supporté par le BACEA.

1.   Toutes les dépenses de transport aérien ne sont pas retracées dans le BACEA

Les difficultés rencontrées par le transport aérien s’étendent bien au-delà des conséquences de la crise sur le BACEA. Le budget annexe ne représente en effet qu’un tiers de l’ensemble des moyens consacrés à la politique publique du transport aérien. Sur les 6,96 milliards d’euros dépensés en 2019, il faut ajouter, outre les dépenses du BACEA (2,13 milliards d’euros), les crédits du budget général de l’État gérés par la DGAC (119 millions d’euros), notamment l’action 52 Transport aérien du programme 203 évoquée précédemment, les taxes affectées aux aéroports, à savoir la taxe d’aéroport et la taxe sur les nuisances sonores aériennes (1,04 milliard d’euros) et l’exonération de TICPE pour le carburant des aéronefs (3,67 milliards d’euros).

En tout état de cause, certaines des dépenses liées à la gestion de crise ne devraient pas peser sur les dépenses du budget annexe.

Ainsi, le coût du rapatriement des ressortissants français et européens qui se trouvaient à l’étranger au début de la crise ne pèse pas sur le BACEA. Une partie du coût des vols organisés par l’État avec plusieurs compagnies aériennes a été prise en charge par le mécanisme européen de protection civile (jusqu’à 70 % de l’affrètement) ainsi que, dans une moindre mesure, par les passagers eux‑mêmes, qui ont cependant bénéficié de prix préférentiels. À ce titre, il convient de saluer l’engagement des compagnies aériennes dans l’organisation de plus de cent vingt vols entre le 16 mars et le 11 mai 2020.

Il en va de même des dépenses résultant du pont aérien mis en place pour acheminer du matériel médical, notamment des masques, depuis la Chine, organisé avec plusieurs entreprises du transport aérien et de la logistique, avec au minimum huit vols hebdomadaires durant la période de confinement. Si le ministère de la transition écologique et solidaire a été sollicité pour organiser le dispositif, et notamment pour négocier des prix trois fois inférieurs à ceux du marché, les vols ont été directement affrétés par le ministère de la santé au travers de Santé publique France.

2.   Les mesures de soutien aux compagnies aériennes

Les premières mesures de soutien aux entreprises mises en place par l’État ont eu pour objectif d’assurer la liquidité des entreprises fragilisées par la crise du Covid-19. La crise entraînant des pertes parfois irrattrapables, des mesures de renforcement des fonds propres voire d’augmentation de capital pourraient être envisagées, dans un deuxième temps, afin d’assurer la solvabilité des entreprises et leur permettre de reprendre et développer leurs activités.

a.   Le plan de soutien au groupe Air France‑KLM

Dans cette perspective, les gouvernements français et néerlandais ont annoncé un plan de soutien au groupe Air France‑KLM, qui doit encore être validé par la Commission européenne. Air France devrait bénéficier d’une enveloppe de 7 milliards d’euros, composée de 4 milliards d’euros de prêts bancaires garantis à 90 % par l’État et de 3 milliards d’euros de prêt direct de l’État via le CAS Participations financières de l’État. KLM bénéficierait de 2 à 4 milliards d’euros d’aides publiques. Au total, le groupe pourrait recevoir 9 milliards à 11 milliards d’euros, un montant équivalent à celui dont bénéficient ses principaux concurrents internationaux.

En contrepartie de ce plan de soutien, le groupe Air France‑KLM s’est engagé, d’une part, à améliorer sa rentabilité et, d’autre part, à renforcer ses efforts en matière de transition écologique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

À ce titre, les rapporteurs soulignent que le plan de sortie de crise constitue une réelle opportunité pour les compagnies aériennes de contribuer à la transition écologique en investissant dans des avions moins polluants. Selon l’IATA, les avions de dernière génération consomment 15 % à 20 % de carburant en moins. Tandis que la crise pourrait contraindre certaines compagnies à une refonte sans précédent de leur réseau court-courrier et, sans doute, à se séparer de certains de leurs appareils, il est essentiel qu’elles puissent continuer à investir dans l’acquisition de matériels plus respectueux de l’environnement.

En outre, cela pourrait bénéficier à l’ensemble de la filière aéronautique et favoriser des innovations industrielles ambitieuses sur le plan climatique, comme par exemple dans le domaine des biocarburants.

Recommandation  11 : Conditionner les aides aux compagnies aériennes à des engagements accus en faveur de la transition écologique et de la réduction des gaz à effet de serre.

b.   Les autres mesures envisagées

Toutefois, les aides aux compagnies aériennes ne se réduisent pas uniquement à ce plan de soutien. Selon les informations fournies par la DGAC, un régime d’aides sectorielles au profit des compagnies aériennes françaises est en discussion avec le ministère des finances. Les pistes à l’étude portent sur :

– une garantie de prêt complémentaire qui viendrait compléter les prêts garantis l’État pour les compagnies aériennes ;

– une compensation des pertes subies pendant la crise limitée au préjudice identifié. Ce type de régime juridique a déjà été mis en œuvre après les attentats du 11 septembre 2001. Il est envisagé d’en faire bénéficier les compagnies desservant les collectivités d’outre-mer ou qui concourent au désenclavement des territoires en France métropolitaine. L’objectif d’une telle mesure est de maintenir une concurrence saine entre plusieurs compagnies proposant des vols long‑courriers ;

– une aide directe, même modeste, pour les petites entreprises actives dans les territoires, visant notamment à renforcer leur trésorerie.

Pour les compagnies aériennes détenues par une autorité publique (notamment Air France, Air Austral, Air Tahiti Nui et Aircalin), des solutions de montée au capital et de prêt d’actionnaires pourraient être envisagées en complément. Le cas d’Air France, entreprise stratégique, est traité sous l’égide de l’Agence des participations de l’État.

Les modalités précises de l’utilisation des 20 milliards d’euros débloqués en application de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 ne sont donc pas encore arrêtées en ce qui concerne le transport aérien. En tout état de cause, le Parlement doit être informé de toute opération excédant un milliard d’euros. En outre, il est prévu que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de douze mois, un rapport sur l’utilisation des ressources supplémentaires attribuées au CAS Participations financières de l’État, détaillant l’usage des crédits et l’état de mise en œuvre des objectifs fixés aux entreprises bénéficiaires.

 

3.   Les mesures de soutien aux groupes aéroportuaires

Le soutien au transport aérien ne concerne pas uniquement les compagnies aériennes, mais aussi les groupes aéroportuaires, qui ont eux aussi subi l’effondrement du trafic aérien et la baisse des recettes qu’ils facturent aux compagnies aériennes. Ainsi, le groupe Aéroports de Paris (ADP), a vu son chiffre d’affaires diminuer de 15 % sur les trois premiers mois de l’année et estime ses pertes entre 2 et 2,5 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année. L’aéroport d’Orly, fermé le 31 mars, ne devrait pas rouvrir avant la fin juin.

Les groupes aéroportuaires ont eux-mêmes pris des mesures pour accompagner les entreprises du transport aérien et leurs sous-traitants. Ainsi, ADP a décidé de suspendre les redevances de stationnement pour les avions immobilisés sur les plates-formes parisiennes du fait de la crise ainsi que les charges locatives des locaux situés dans les terminaux fermés qui sont inoccupés.

Les rapporteurs tiennent aussi à alerter sur la situation des entreprises chargées d’une mission de service public relative à la sûreté aérienne et aéroportuaire. L'arrêt brutal du transport aérien a mis en difficulté les compagnies aériennes et donc les aéroports, qui ne peuvent plus assurer le paiement dû aux entreprises de sécurité, lequel est en temps normal assuré par les taxes d’aéroports prélevées lors de la vente des billets d’avion.

Bien que la DGAC ait assumé une partie de ce financement, la compensation demeure insuffisante et des difficultés de trésorerie se font jour. C'est pourquoi les rapporteurs spéciaux ont sollicité un soutien du secrétaire chargé des transports, en demandant à ce que les taxes d’aéroport soient partiellement ou intégralement compensées par l’État.

Le soutien aux compagnies aériennes, aux groupes aéroportuaires et aux entreprises chargées de la sûreté aérienne est d’autant plus important que ces sociétés porteront une responsabilité importante dans l’après crise. En effet, il leur reviendra de faire respecter des consignes sanitaires et de créer les conditions d’une reprise durable, en redonnant un sentiment de confiance dans les transports.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION 

 

Lors de sa réunion de 15 heures, le mercredi 3 juin 2020, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu Mme Anne-Laure Cattelot et M. Benoît Simian, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables : infrastructures et services de transports, charge de la dette de SNCF réseau reprise par l’état, services nationaux de transport conventionnés de voyageurs, contrôle et exploitation aériens.

 

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte rendu est également lisible en ligne.

 

 

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   AUDITIONS ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES
SOLLICITÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

 

Ministère de la transition écologique et solidaire : M. Jean‑Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports.

Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer : M. Marc PAPINUTTI, directeur général, responsable du programme 203 Infrastructures et services de transports, du compte d’affectation spéciale et des programmes du compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs.

Direction générale de l’aviation civile : M. Patrick GANDIL, directeur général, responsable des programmes du budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

Association des régions de France : M. Jules Nyssen, directeur général.

Région Nouvelle-Aquitaine : M. Alain Rousset, président du conseil régional ; Mme Fabienne Buccio, préfète de région.

La Réunion : M. Dominique Fournel, Vice-président délégué à la mise en œuvre des grands chantiers réunionnais ; Mme Fabienne Couapel Sauret, Conseillère régionale déléguée aux déplacements, aux transports et au schéma d’aménagement régional ; M. Jacques Billant, préfet de région.

Fédération nationale des travaux publics : M. Bruno Cavagné, président.

 


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   annexe : Sources utilisÉes

 

Documents annexés au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2019 :

– Rapport annuel de performances sur la mission Écologie, développement et mobilité durables ;

– Rapport annuel de performances sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens ;

– Rapport annuel de performances sur le compte d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres ;

– Rapport annuel de performances sur le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs.

 

Documents publiés par la Cour des comptes :

– Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 sur la mission Écologie, développement et mobilité durables ;

– Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens ;

– Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 sur le compte d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres ;

– Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 sur le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs.

 

Documents divers :

– Rapport d’activité de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France pour l’exercice 2019.

 


([1])  Loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([2])  Les crédits de l’action 43 Ports sont analysés dans l’annexe n° 17 relative aux affaires maritimes.

([3])  Loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([4])  En tenant compte de l’indemnité de résiliation du contrat de l’écotaxe pour les poids lourds, le montant des fonds de concours exécuté en 2018 s’élève à 2 314 millions d’euros.

([5]) En incluant le remboursement de l’indemnité de résiliation du contrat de l’écotaxe pour les poids lourds, le montant des CP consommés en 2018 sur l’action 01 s’élève à 983,4 millions d’euros.

([6]) En mai 2018, la Cour d’appel de Bordeaux a annulé le schéma départemental des carrières de 2014. En avril 2019, les arrêtés préfectoraux d’exploitation ont été annulés par le tribunal administratif.
Ces décisions ont été confirmées par le Conseil d’État.

([7]) Outre une hausse du taux et du plafond d’affectation de la TSB, la LFI 2020 avait prévu de créer un prélèvement sur les droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements de la région Île‑de‑France, fixé à 75 millions d’euros en 2020 puis 60 millions d’euros les années suivantes. Cette mesure a été censurée par le Conseil constitutionnel (décision n°2019-796 DC).

([8]) Voir la loi n° 2019‑1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités et le décret n° 2020‑228 du 10 mars 2020 modifiant le décret n  2017‑427 du 29 mars 2017 relatif à la SCSNE.

([9]) Voir le décret n° 2020-665 du 2 juin 2020 relatif au remboursement trimestriel de la taxe intérieure de consommation sur le gazole aux transporteurs routiers de marchandises et aux exploitants de transport public routiers de voyageurs.

([10]) Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

([11]) Loi n° 2019‑1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

([12]) Loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.

([13]) Chiffre donné par le secrétaire d’État chargé des transports lors de son audition par les rapporteurs spéciaux et lors d’une interview à la radio accordée le 4 juin 2020.

([14]) Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, et M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État chargé des transports, lors de leur audition par la mission d’information de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Covid-19.

([15])  Voir le rapport de M. Benoît Simian, « Le verdissement des matériels roulants du transport ferroviaire en France. Comment répondre aux défis de la sortie du Diesel et se tenir à la pointe de l’innovation technologique pour assurer la transition énergétique ? », novembre 2018, rédigé dans le cadre d’une mission confiée par le Gouvernement.

([16]) Voir la loi n° 2020‑289 du 23 mars 2020 ainsi que la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.