N° 3011

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2020

RAPPORT

FAIT

 

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et dapprobation des comptes de lannée 2019 (n° 2899),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député,

——

 

ANNEXE N° 2
 

 

Action extÉrieure de lÉtat :

 

TOURISME

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Émilie BONNIVARD

 

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE et chiffres clÉs

RECOMMANDATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : Lexécution budgétaire 2019

I. UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE SATISFAISANTE

A. La bonne gestion de lopérateur Atout France

B. Des partenariats en hausse pour lannée 2019

C. Des dépenses fiscales très importantes

D. Des crédits encore dérisoires consacrés au tourisme au titre de la mission Économie

II. UNE ANNÉE TOURISTIQUE RÉUSSIE

SECONDE PARTIE : les conséquences dramatiques du Covid  sur le secteur touristique appellent des gestes forts

I. UN SECTEUR SINISTRÉ PAR LA CRISE SANITAIRE

A. Pertes de recetTes

B. Chute du tourisme international

C. Des perspectives de reprise à moyen terme inquiétantes

D. Les spécificités du domaine montagnard appellent des réponses adaptées au secteur

II. LE PLAN DE RELANCE DU GOUVERNEMENT

A. Description des plans de relance dans les pays européens

1. Près de 1 200 milliards deuros mobilisés en Allemagne pour sauver léconomie

2. Un plan plus mesuré pour lItalie, particulièrement touchée par la crise sanitaire

3. Une relance modérée en Espagne, où le tourisme de masse fait vivre léconomie

B. Le Plan français

1. La mise en place dun plan général de soutien aux entreprises de grande ampleur

2. La mise en place de mesures spécifiques pour accompagner la reprise du tourisme

3. Le rôle crucial de la Caisse des dépôts et consignation dans le plan de relance

III. LA NÉCESSITE DALLER PLUS LOIN

A. Il est indispensable de poursuivre la mise en place de mesures fortes spécifiquement dédiées au secteur touristique

1. Diminuer la TVA

2. Préserver la trésorerie des communes touristiques

3. Consolider le modèle économique des résidences de tourisme

B. Renforcer laction dAtout France

C. Saisir cette opportunité pour donner au secteur sa juste place

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

SOURCES UTILISÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE


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   SYNTHÈSE et chiffres clÉs

L’analyse budgétaire de la rapporteure spéciale du budget du tourisme porte sur les crédits de deux programmes :

– Au sein de la mission Action extérieure de l’État, le programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence, qui finance pour l’exercice 2019 le seul opérateur de la politique touristique de la France, Atout France, à hauteur de 31,9 millions d’euros.

– Au sein de la mission Économie, le programme 134 Développement des entreprises et régulations assure la mission d’aides associatives de la DGE à hauteur de 140 000 euros et finance l’activité de garantie des prêts aux entreprises de Bpifrance, à hauteur de 10 000 euros.

Le budget dédié à Atout France est une nouvelle fois bien dépensé par l’opérateur. La subvention de l’État de 37,4 millions d’euros a permis de lever 39,7 millions d’euros en 2018 sous la forme de partenariats publics (collectivités territoriales) et privés, ce qui marque un record historique pour l’opérateur. En 2019, comme en 2018, en 2017 et en 2016, le résultat est supérieur à l’objectif assigné par le projet annuel de performance : il est de 59 % contre un taux attendu de 55 %. La performance de l’opérateur  sa capacité à lever des financements complémentaires pour promouvoir la destination France  est donc plus que satisfaisante.

Par ailleurs, les objectifs quantitatifs en matière de nombre de touristes étrangers visitant la France sont plutôt en voie d’être atteints, avec 90 millions de touristes internationaux en 2019, contre 89,4% en 2018, et ce malgré un contexte social particulièrement tendu, notamment en début et en fin d’année. 

Les faibles crédits relevant du programme 134 ont également été rigoureusement gérés, mais témoignent du relatif éclatement du financement de la politique touristique. Cette situation n’est pas satisfaisante : la rapporteure déplore cette année encore l’absence d’un programme budgétaire dédié directement et entièrement au tourisme, alors même que le secteur représente près de 8 % de notre PIB.

La crise sanitaire liée au Covid-19 a produit des effets majeurs sur la conduite des politiques de la mission en matière de tourisme. Pour soutenir la relance du secteur, en complément des mesures générales à l’économie, le Gouvernement a prévu de nombreux dispositifs sectoriels ciblés en faveur des acteurs du tourisme. Il est impératif que l’État poursuive cette mobilisation exceptionnelle en renforçant encore ces mesures de soutien à la trésorerie des professionnels du tourisme.

 

Budgétairement, les conséquences de cet épisode seront particulièrement importantes pour Atout France, alors même que l’opérateur faisait face à une demande du Gouvernement d’une rationalisation accrue de son fonctionnement à hauteur de 4 millions d’euros, dans le cadre du projet de loi de finances 2020.

 

Alors qu’une part du produit de la recette additionnelle des droits de visa est attribuée annuellement à Atout France, l’opérateur verra son budget très réduit en 2020, en raison de la baisse des demandes de visas induites par la crise du Covid-19.

 

Par ailleurs, les activités d’Atout France de promotion du tourisme ont été particulièrement ralenties. Les partenariats, qui constituent également une large part des crédits de l’opérateur, risquent aussi de voir leur proportion largement diminuée sur l’année 2020. Atout France s’est également vu confier par le comité interministériel du Tourisme du 14 mai 2020, un redéploiement partiel de ses missions, - sans subvention supplémentaire - pour permettre la relance du marché domestique.

 

La rapporteure spéciale souligne qu’il est urgent de donner à l’opérateur des moyens à la hauteur des missions qui lui sont confiées et du rôle majeur qu’il jouera dans la sortie de la crise.

ÉVOLUTION DU RÉSULTAT ANNUEL D’ATOUT FRANCE
DEPUIS 2014

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Source : Atout France.

 

 

 

ÉVOLUTION PRÉVISIONNELLE DU MONTANT DES PARTENARIATS D’ATOUT FRANCE POUR 2020

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Source : Atout France.

 

ESTIMATION DU NOMBRE DE VOYAGES DES ÉTRANGERS EN FRANCE EN 2020

(en million d’euros)

Une image contenant capture d’écran

Description générée automatiquement

Source : Bpi France.

 

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   RECOMMANDATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

La rapporteure spéciale formule huit recommandations au terme de l’examen de l’exécution des crédits en 2019 et de l’évaluation de la gestion de la crise sanitaire.

Sur l’exécution 2019

– Améliorer la lisibilité des dépenses fiscales consacrées au tourisme et leur évaluation.

– Revoir la maquette budgétaire afin de doter le tourisme d’un programme dédié à part entière et améliorer la visibilité des crédits.

– Rétablir les crédits de soutien aux activités de la direction générale des entreprises et de garantie des prêts aux entreprises de BpiFrance.

Sur la gestion de la crise du Covid-19

 

– Apporter des réponses adaptées aux spécificités des territoires de montagne.

 

– Baisser le taux réduit de TVA sur l’hôtellerie et la restauration de 10 % à 5,5 %, à l’instar de ce qui a été mis en œuvre en Allemagne pour un an à compter du 1er juillet prochain (de 19 % à 7 %). 

 

– Préserver la trésorerie des communes touristiques en suspendant leur contribution au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales pour une durée de deux ans.

 

– Consolider le modèle économique des résidences de tourisme.

 

– Donner les moyens à Atout France de remplir ses missions urgentes de promotion du tourisme domestique en dégelant les crédits destinés à financer des ruptures de contrats, et accorder un moratoire d’un an à l’opérateur pour atteindre les économies décidées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

 

 


   INTRODUCTION

La France a accueilli 90 millions de touristes internationaux en 2019, poursuivant ainsi l’augmentation des arrivées annuelles engagée depuis plusieurs années. Le secteur touristique dans son ensemble représente toujours plus de 7 % du PIB, et demeure le secteur qui génère le plus d’emplois en France : environ 2 millions d’emplois directs et indirects.

Le tourisme constitue un levier crucial de développement économique et une véritable opportunité d’aménagement de nos territoires, notamment ruraux. Le principal opérateur en charge de sa promotion, Atout France, s’illustre à nouveau par sa gestion très satisfaisante des crédits attribués en 2019.

Dans cette perspective, le Gouvernement s’est fixé pour objectif d’atteindre le cap des 100 millions de touristes à horizon 2020 et des 60 milliards de recettes touristiques liées aux séjours des touristes étrangers en France.

Cependant, si l’année 2019 fut indéniablement une année réussie pour le tourisme français, le secteur du tourisme est malheureusement profondément impacté par le bouleversement inédit que provoque la pandémie de covid-19 depuis janvier 2020. La crise provoquera une perte de recettes historique pour le secteur touristique français sur l’année 2020, et les pertes de chiffre d’affaires sont déjà estimées pour le seul premier semestre à plus de 40 milliards d’euros, soit 60 % de baisse par rapport au premier semestre 2019.

Une chute drastique des arrivées internationales est également attendue en France en 2020, estimée à – 58 % par rapport à 2019, soit une perte de 52 millions d’arrivées. Les effets de la pandémie et du confinement de la population à partir du 16 mars 2020 sont particulièrement sévères pour les entreprises des cafés, de l’hôtellerie et de la restauration : le secteur estime entre 15 et 20 % la proportion d’établissements qui ne pourront malheureusement reprendre leur activité à l’issue de la levée totale des mesures d’interdiction.

Ainsi, le volet danalyse retenu dans le cadre de ce semestre de lévaluation des politiques publiques sattachera plus précisément à évaluer limpact de la crise sanitaire du covid-19 sur le secteur touristique français et la pertinence de la mobilisation de lÉtat, qui doit impérativement être poursuivie pour donner pleinement les moyens au secteur touristique de répondre efficacement à la demande dès lété 2020.


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   PREMIÈRE PARTIE : L’exécution budgétaire 2019

I.   UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE SATISFAISANTE

A.   La bonne gestion de l’opérateur Atout France

L’opérateur de l’État en charge de la promotion du Tourisme, Atout France, a pour mission de contribuer au renforcement de l’attractivité de la destination France et à la compétitivité de ses entreprises, filières et destinations en couvrant de nombreux champs d’intervention : l’observation et la veille touristique, l’ingénierie et l’assistance au développement, la promotion et l’aide à la commercialisation. Atout France est également chargé du classement des hébergements touristiques.

Dans le cadre de l’action 7 Diplomatie économique et développement du tourisme du programme 185 Diplomatie culturelle et dinfluence de la mission Action extérieure de lÉtat, le ministère de lEurope et des affaires étrangères a versé 37,4 millions deuros en autorisations dengagement (AE) et en crédits de paiement (CP) à Atout France sur lexercice 2018.

Dans cette perspective, la subvention pour charges de service public (SCSP) sélevait, en 2019, à 31,9 millions deuros, une somme constante ces dernières années. Pour mémoire, en 2018, la SCSP s’élevait également à 31,9 millions d’euros, à laquelle s’étaient ajoutés 1,5 million d’euros supplémentaires versés au titre du fonds pour la gastronomie, décidé en cours d’année.

Le montant des autres transferts correspond au reversement spécifique de la part du ministère de l’Europe et des affaires étrangères au titre des recettes liées aux visas. En 2019, conformément au décret n° 2018-693 du 2 août 2018 modifiant le décret n° 2015-1819 du 30 décembre 2015 portant attribution de produits au budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, la part du produit des recettes additionnelles des droits de visa à Atout France a été fixée, à compter de 2019, à 3 % des recettes des droits de visa de lannée N-1. Ce montant sest ainsi élevé à hauteur de 4,9 millions deuros pour lannée 2019, un montant stable par rapport à l’année 2018.

Complétée par des financements supplémentaires auprès des collectivités et du secteur privé, pour un montant de 253 000 euros, cette ressource a contribué à des actions de promotion de la destination France et de ses marques mondiales à l’international, en ciblant particulièrement les pays prioritaires pour le tourisme, définis en fonction du potentiel émetteur du marché.

Dans ce contexte, ce sont 2 400 opérations de promotion qui ont été menées par Atout France à destination du grand public, de la presse et des professionnels afin de faire rayonner la France à l’international. En 2019, 56 % des dépenses de l’opérateur sont consacrées à la promotion, un niveau stable depuis 2017.

État des dépenses réalisées par Atout France en 2017, 2018 et 2019

Source : Atout France.

Atout France a poursuivi ses efforts de gestion et de contrôle des dépenses qui ont permis une baisse des dépenses de personnel par rapport au budget initial (près de 6 %, soit 1,3 million d’euros) et par rapport à 2018 (– 1 million d’euros).

S’agissant des moyens humains de l’opérateur, le nombre total d’ETPT s’est élevé à 292 en 2019 contre 307 en 2018. 23 emplois en fonction dans l’organisme sont rémunérés par l’État, contre 27 en 2018. Cette baisse s’explique par une diminution de 5 ETPT sous plafond, 6 ETPT hors plafond (dont 2 contrats aidés) auxquels s’ajoute la baisse de 4 agents mis à disposition par le ministère de l’économie et des finances (départs à la retraite). Toutefois, selon la Cour des Comptes, cette diminution reste soutenable pour l’opérateur grâce à l’externalisation de certaines fonctions ainsi qu’à la régionalisation de certains emplois.

La rapporteure spéciale avait déjà alerté lannée dernière sur le seuil critique quAtout France a atteint en termes dETP, suite aux efforts considérables de rationalisation et de réorganisation fournis depuis plusieurs années. Rappelons qu’en 2009, lors de la fusion entre Maison de la France et ODIT, Atout France disposait de 435 ETP. Cest donc une baisse de plus de 150 contrats en moins de dix ans qui a été accomplie par lopérateur.

Enfin, Atout France a réalisé des efforts de rationalisation de ses coûts immobiliers à hauteur de 1,8 million deuros tant au niveau de son siège social – grâce à un déménagement effectué dans le 14e arrondissement de Paris – que de son réseau en réimplantant plusieurs bureaux selon des termes économiques plus favorables, dont Tokyo, New York, Los Angeles, Sao-Paulo, Amsterdam et Bombay. Si les dépenses de fonctionnement sont en légère hausse pour l’année 2019 suite à ces aménagements, elles induisent indéniablement une économie à venir pour les années suivantes.

Le contrat d’objectifs et de performance (COP) 2016-2018, signé entre le MEAE, le MEF et Atout France, a été prolongé en 2019. Un nouveau COP sera signé en 2020 entre Atout France et ses tutelles pour les années 2020-2022.

B.   Des partenariats en hausse pour l’année 2019

L’exécution 2019 a dépassé de 8,8 % le budget initial de l’opérateur grâce à un niveau exceptionnel de partenariats. En effet, le soutien renouvelé de l’État à Atout France en 2019 a permis datteindre un niveau de partenariats qui sétablit à 39,7 millions deuros contre 38,3 millions deuros en 2018 (soit + 3 %) et 34,6 millions d’euros en 2017.

État des produits générés par Atout France en 2017, 2018 et 2019

Source : Atout France.

En effet, l’opérateur est incité à rechercher des partenariats pour maintenir un financement paritaire associant une subvention pour charges de service public versée par le MEAE et les recettes de partenariat provenant des prestations commercialisées par l’opérateur. La part du partenariat dans le budget d’Atout France s’entend comme l’ensemble des produits du Groupement d’intérêt économique (GIE), à l’exclusion de la subvention pour charges de service public. Le réalisé 2019, soit 59 %, est supérieur à l’objectif assigné par le PAP 2019 (55 %).

Ce résultat s’explique en premier lieu par le maintien des partenariats conduits dans le cadre des actions habituelles dAtout France pour la promotion des destinations, l’accompagnement des destinations dans la qualification et le développement de l’offre, et l’ensemble des autres activités d’Atout France (développement professionnel des acteurs du tourisme, vente d’études, etc.). Plus encore, lors de l’année 2019, une campagne de remobilisation des partenaires a été lancée et lopérateur a continué de développer ses compétences en matière dingénierie touristique, conformément à la demande des tutelles en 2018.

Ce résultat traduit également l’efficacité du dispositif défini lors du 2e conseil interministériel du tourisme de janvier 2018, qui permet à Atout France de conduire des campagnes nouvelles en mobilisant des moyens publics et privés à lappui dune subvention spécifique accordée par lÉtat (actions dites « CIT » dans les comptes du GIE, qui correspond à la part des recettes visas affectées à Atout France).

Cette subvention, de 4,6 millions deuros en 2019, a permis de générer 9 millions deuros de partenariats dédiés à des actions spécifiques, souvent de grande envergure, assurant ainsi que pour 1 euro de financement public 3 euros dactions soient financées, en associant une ou plusieurs régions ou destinations françaises avec un ou plusieurs grands acteurs privés du secteur.

De plus, le dispositif France Tourisme Ingénierie, également lancé en 2018 et renforcé lors du Conseil interministériel du tourisme du 17 mai 2019 se décline en 3 programmes : l’appui à la rénovation de l’immobilier de loisir dans les stations touristiques (10 stations de montagne et 3 stations littorales), l’appui au montage de projets d’investissements structurants en région et la valorisation touristique de sites patrimoniaux. Les enjeux dinvestissement des projets structurants en région engagés dans le dispositif représentent plus de 500 millions deuros.

Enfin, les recettes de partenariats sur les opérations de promotion ont augmenté de 18 %. L’agence a activement participé à la diffusion de la nouvelle marque « Explore France », déclinaison de la marque « France ». Par ailleurs, Atout France a aussi accéléré son soutien au secteur de l’innovation notamment en signant un partenariat avec le Welcome City Lab, incubateur consacré au tourisme urbain.

C.   Des dépenses fiscales très importantes

En complément des dotations budgétaires, de nombreuses mesures fiscales, destinées à encourager l’orientation des comportements des acteurs économiques vers des dispositifs favorables au développement du tourisme, traduisent les engagements financiers de l’État en faveur de la politique touristique. Plus particulièrement, le rapport annuel de performances de la mission Économie recense un certain nombre de dépenses fiscales qui profitent au secteur du tourisme, parmi lesquelles le taux réduit de TVA de 10 % sur les prestations hôtelières.

Au total, ce sont 20 dépenses fiscales, pour un montant total de 4,6 milliards deuros, qui sont censées contribuer à la politique du tourisme. Il est toutefois très probable que ce chiffrage soit surévalué : comme l’indiquait la rapporteure spéciale dans son rapport spécial consacré au projet de loi de finances pour 2020, considérer que les 3 milliards d’euros de recettes générées par le taux réduit de TVA applicable à la restauration concourent dans leur intégralité au développement du tourisme est pour le moins discutable.

Par ailleurs, un certain nombre de ces dépenses fiscales demeurent non évaluées, y compris lorsque leurs coûts sont significatifs. Tel est par exemple le cas de celle relative à la restauration (taux de 10 % applicable aux ventes à consommer sur place, à l’exception des ventes de boissons alcooliques), dont le coût est estimé à plus de 2,9 milliards d’euros pour 2019.

 

Recommandation : outre le manque à gagner massif pour l’État, l’importance des dépenses fiscales contribue au manque de visibilité de la maquette budgétaire, alors même que l’effort de l’État en matière touristique est porté de manière globale par 21 programmes relevant de 13 missions différentes.

La rapporteure spéciale considère qu’il est essentiel d’améliorer la lisibilité des dépenses fiscales consacrées au tourisme et leur évaluation.

 

D.   Des crédits encore dérisoires consacrés au tourisme au titre de la mission Économie

Au sein de la mission Économie, le programme 134 Développement des entreprises et régulations assure la mission d’aides associatives de la direction générale des entreprises à hauteur de 140 000 euros et finance l’activité de garantie des prêts aux entreprises de Bpifrance, à hauteur de 10 000 euros. La difficulté principale de ce programme réside là encore dans sa lisibilité qui regroupe les instruments de soutien aux entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises des secteurs de l’industrie, du commerce, de l’artisanat, et des services du tourisme.

Concernant l’activité de garantie de Bpifrance, la budgétisation 2019 avait été marquée par la suppression de la dotation budgétaire allouée à lactivité garantie de prêts de Bpifrance Financement ( 40,9 millions deuros). En 2019, le financement de l’activité garantie repose donc entièrement sur le recyclage des dividendes de l’État issus de l’EPIC Bpifrance et sur la réutilisation des fonds disponibles dans certains fonds de garantie.

La rapporteure spéciale ne peut que renouveler son regret face à cette suppression, alors que lactivité de garantie bénéficie surtout aux très petites entreprises, notamment à celles du secteur du tourisme qui peinent à lever du crédit bancaire, comme dans le domaine de l’hôtellerie indépendante. Sans cette activité de garantie, nombre de projets, émanant de tous les territoires, n’auraient pu voir le jour, car considérés comme trop risqués par les financeurs privés.

Concernant les crédits octroyés à la direction générale des entreprises, ces derniers se sont traduits pour l’année 2019 sous la forme de subventions octroyées à deux associations : l’association « vacances ouvertes », à hauteur de 40 000 euros et l’association « vacances et familles », à hauteur de 100 000 euros.

Face au montant dérisoire de ces divers crédits et aux enjeux pourtant considérables quils supportent, il apparaît urgent de poursuivre la clarification de larchitecture des missions et des programmes concourant au soutien du secteur touristique.

 

 

Recommandation : la rapporteure spéciale alerte une nouvelle fois sur la nécessité de revoir la maquette budgétaire afin de doter le tourisme d’un programme dédié à part entière et améliorer la visibilité des crédits qui sont attribués à ce secteur.

 

 

Recommandation : face à la suppression de la majeure partie des crédits qui étaient encore consacrés au tourisme dans la mission Économie dans la loi de finances pour 2019, la rapporteure spéciale préconise le rétablissement des crédits de soutien aux activités de la direction générale des entreprises et de garantie des prêts aux entreprises de BpiFrance.

II.   UNE ANNÉE TOURISTIQUE RÉUSSIE

En 2019, 90 millions de touristes étrangers ont visité la France, un chiffre constant par rapport à lannée 2018. L’écart à la baisse de 1 million de touristes étrangers par rapport à la prévision s’explique notamment par les événements sociaux qui ont marqué l’année 2019 (notamment la crise des gilets jaunes et les grèves dans les transports).

En effet, lors du premier trimestre de 2019, la fréquentation touristique dans les hébergements collectifs a baissé de 2,5 % par rapport au premier trimestre 2018. Avec – 4,8 %, la diminution a été plus marquée pour les non-résidents, qui ont pu être découragés par le contexte social.

Pour autant, la fréquentation touristique a fortement augmenté au deuxième trimestre. Pour l’ensemble du premier semestre, les nuitées dans les hébergements collectifs de tourisme ont augmenté de 2 %, celles des résidents de 2,2 % et celles des non-résidents de 1,5 %.

La saison estivale, qui court davril à septembre, a enregistré 316 millions de nuitées (ou fréquentations), soit une augmentation de 2,2 % par rapport à 2018. La hausse du nombre de touristes français a compensé la diminution de la fréquentation internationale et permis une hausse de 2 % par rapport à 2018. Selon l’INSEE, le littoral reste encore fortement attractif avec 121,8 millions de nuitées et une évolution de + 2,1 % mais ce sont les massifs de montagnes qui connaissent la plus forte progression (+ 8,9 % avec 15,9 millions de nuitées).

Notons que lenquête de conjoncture estivale, produite par Atout France, constate limportance de la place prise par lhébergement collaboratif pour les destinations de proximité. Ainsi 1 million de Français ont utilisé Airbnb pour des séjours dans leur propre région, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Provence-Alpes-Côte dAzur, Île-de-France durant lété 2019.

Enfin, la fréquentation touristique a faiblement progressé au dernier trimestre 2019. D’octobre à décembre, la fréquentation des hébergements collectifs touristiques – exprimée en nuitées – a augmenté de 0,8 % sur une hausse plus fébrile que les deux années précédentes. Comme au trimestre précédent, la croissance a été tirée par la clientèle française (+ 2,7 %) alors que la fréquentation des touristes étrangers sest inscrite en retrait ( 3,8%), lorsque les mouvements sociaux ont pesé sur le secteur en fin d’année.

Notons que l’Île-de-France a accueilli plus de 50 millions de touristes en 2019, dépassant ainsi de peu le record de l’année 2018 malgré un contexte social difficile particulièrement présent dans la région. Les visiteurs ont dépensé près de 22 milliards d’euros, un montant à peu près équivalent à celui de 2018. Dans l’hôtellerie, avec 35,4 millions d’arrivées au cours de l’année 2019, la fréquentation est quasi stable (– 0,1% par rapport à 2018), la baisse des clientèles internationales (– 2,5%) étant là encore pratiquement compensée par la hausse de la clientèle française (+ 2,2 %). De leur côté, les meublés et locations saisonnières connaissent une augmentation des nuitées réservées de 7,6 %.

Lannée 2019 marque donc une année touristique réussie pour la France compte tenu du contexte social particulier du début et de la fin de lannée. Cette progression remarquable a notamment été permise par le dynamisme du tourisme domestique, en notable hausse par rapport aux années précédentes.

 

 

 

 


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   SECONDE PARTIE :
les conséquences dramatiques du Covid
sur le secteur touristique appellent des gestes forts

I.   UN SECTEUR SINISTRÉ PAR LA CRISE SANITAIRE

Le tourisme rassemble de nombreuses filières essentielles à l’économie française, à l’économie de proximité et à l’aménagement du territoire : hôtellerie, restauration, transports, filière de l’habillement, de l’artisanat et du luxe, filières qui font vivre deux millions de personnes dans l’ensemble du pays. Alors que la propagation du coronavirus a mis en péril l'économie mondiale, les conséquences sur le secteur du tourisme français sont particulièrement fortes, et s’illustreront pour l’année 2020 par une forte diminution des recettes et une chute amorcée du tourisme international, dans un contexte de reprise très inquiétant à moyen terme.

A.   Pertes de recetTes

La crise sanitaire entraînera indéniablement une forte baisse des recettes touristiques en France pour l’année 2020. Les objectifs fixés en 2020 seront profondément altérés, alors que le Conseil interministériel du tourisme avait réaffirmé lobjectif de faire progresser les recettes du tourisme international à 60 milliards deuros en 2020 en augmentant la dépense moyenne par touriste.

Ainsi, les pertes de chiffre daffaires sont déjà estimées pour le seul premier semestre à plus de 40 milliards deuros, soit 60 % de baisse par rapport au premier semestre 2019. Les professionnels du secteur estiment également que les entreprises ont dû supporter environ 30 % de leurs couts fixes pour les secteurs des cafés, restaurants, hôtels et discothèques durant la période de confinement.

Les difficultés relatives à lhôtellerie familiale et indépendante sont particulièrement préoccupantes. La crise sanitaire pourrait, malgré les diverses mesures d’urgence prises par le Gouvernement, être fatale à nombre de petites entreprises, qui avaient déjà de grosses difficultés à mettre leurs établissements aux normes et à effectuer des travaux de rénovation, trop coûteux par rapport à la capacité d’investissement des propriétaires. Le secteur estime à 20 % le nombre de professionnels de ces secteurs qui ne pourront reprendre leur activité une fois toutes les barrières administratives levées.

Tous les secteurs sont touchés par la crise sanitaire. Le secteur de l’hôtellerie en plein air est durement frappé par la crise, car il réalise 80 % de son chiffre d’affaires annuel au printemps et en été. Les voyagistes sont également très inquiets, avec une perte d’activité de l’ordre de 90 % en moyenne. Les stations de montagne ont été fermées à compter du 15 mars, soit environ six semaines avant la date de fermeture habituelle.

La perte globale de chiffre d’affaires des stations du fait de l’arrêt brutal de l’activité a été estimée à 1,8 milliard d’euros. Les musées et les monuments historiques ont clos leurs portes à compter de la mi-mars, de même que les casinos ou encore la filière thermale.

B.   Chute du tourisme international

Au niveau international, la crise sanitaire a provoqué une baisse de 22 % des arrivées de touristes internationaux au cours du premier trimestre 2020. La chute atteint 57 % au mois de mars, après le début du confinement dans de nombreux pays. Le secteur a ainsi perdu 80 milliards de dollars (74 milliards deuros) sur les trois premiers mois de lannée. L’Organisation mondiale du tourisme chiffre ainsi à entre 300 et 450 milliards de dollars (272 à 408 milliards deuros) la baisse des rentrées touristiques. Pour rappel, la dernière grande crise économique avait entraîné une baisse de 4 % du tourisme en 2009.

Alors que la France avait atteint un nouveau record en accueillant 89,3 millions d’arrivées de touristes étrangers en 2018, l’objectif du gouvernement qui souhaitait porter ce flux de touristes internationaux à 100 millions en 2020 semble, dans ce contexte fragile et incertain, particulièrement compromis. On attend une chute drastique des arrivées internationales en France en 2020 estimée à – 58% par rapport à 2019, soit une perte de 52 millions d’arrivées.

D’autant plus que l’horizon d’une sortie de crise est incertain, tant il est non seulement dépendant des politiques en matière de tourisme qu’adoptera chaque État, mais aussi tributaire de l’évolution de la propagation du Covid-19 dans les mois à venir.

La promotion de la France à linternational devra faire lobjet dune attention toute particulière à la sortie de la crise, non seulement pour attirer les touristes étrangers et regagner leur confiance, mais aussi pour prolonger la durée de leurs séjours alors même que la France, pourtant première destination touristique au monde, noccupe que la troisième place en matière de recettes tirées du tourisme, depuis 2015.

C.   Des perspectives de reprise à moyen terme inquiétantes

Au-delà de la baisse de fréquentation du territoire et des recettes touristiques françaises, les conséquences de cette crise sanitaire sur le tourisme sont dramatiques en ce quelles toucheront à long terme léconomie et lemploi du tourisme, et ce à toutes les échelles.

Les premiers effets de la crise ont été ressentis par les professionnels dès le début de lannée 2020. Ainsi, dès le mois de février, les hôtels de Paris et de sa région enregistrent des annulations en cascade de la part de la clientèle chinoise, frappée de plein fouet par la crise sanitaire sur son territoire dorigine. Et dans de nombreux pays aujourdhui, la crainte dune deuxième vague de contamination du Covid-19 perdure.

Lorsquils pourront à nouveau se déplacer, les Français auront très certainement une priorité́ forte : retrouver leurs proches. Ce sera aussi loccasion de profiter dune résidence secondaire. Les professionnels du secteur estiment que lhébergement non marchand, qui représente habituellement deux tiers des voyages personnels des Français en Métropole, sera ainsi le premier à rebondir.

Les clientèles européennes devraient être les premières à revenir en France, au mieux dans le courant de l’été́ pour les habitués frontaliers et les affinitaires, et à partir de l’automne pour les autres. Les destinations les plus internationales comme Paris et la Côte d’Azur, et les établissements haut de gamme, plus dépendants des clientèles internationales devront certainement attendre l’année prochaine pour espérer une reprise pérenne. En effet, la clientèle des marchés lointains (Amériques et Asie notamment) n’est pas attendue avant 2021.

À moyen terme, la clientèle étrangère sera dautant plus exigeante sur la qualité́ des infrastructures et sur lhygiène au sein des restaurants, hôtels, lieux de loisirs, alors que la France n’est pas encore reconnue sur ces critères par les touristes notamment américains et asiatiques.

Enfin, les professionnels du secteur craignent également que la consommation des Français ne soit pas au rendez-vous : le niveau d’épargne étant particulièrement important aujourd’hui, l’incertitude sanitaire à venir risque de perpétuer des comportements de restriction budgétaire.

Ces incertitudes pèseront d’autant plus sur les professionnels du tourisme qui ont déjà beaucoup souffert des fermetures administratives décidées par le Gouvernement. Une reprise rapide est indispensable à la préservation des plus petites entreprises, particulièrement fragilisées par le début de l’année 2020.

D.   Les spécificités du domaine montagnard appellent
des réponses adaptées au secteur

La rapporteure spéciale souhaite attirer l’attention sur le domaine montagnard français qui couvre 23 % du territoire national. Selon les estimations collectées par Atout France, le poids économique du tourisme en montagne représenterait environ 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires chaque année, dont 7 milliards d’euros pour la saison d’hiver.

La saison touristique en montagne, close précocement, a été durement touchée par la pandémie et ne pourra reprendre qu’à l’aune de la saison prochaine. En effet, un mois et demi sur une saison qui en dure cinq a donc été perdu, plongeant les entreprises de domaines skiables dans des difficultés économiques et sociales majeures. Les pertes de nuitées sont estimées à 800 000 dans l’hôtellerie, soit 23 % du volume de la saison. Les résidences de tourisme, quant à elles, enregistrent une perte de 2 millions de nuitées (28 % du volume de la saison) et les hébergements collectifs (centres de vacances, villages vacances) estiment leur perte à 1 million de nuitées (33 % du volume de la saison). Notons par ailleurs que Domaines skiables de France enregistre une perte de 15 % de son chiffre d’affaires (20 % pour les stations d’altitude).

Le manque à gagner total pour les territoires support de station, en additionnant lensemble des prestations touristiques non consommées en station (hébergement, location de ski, leçons de ski, commerces, restaurants...) sévalue à 1,5 milliard deuros.

Par ailleurs, les professionnels du tourisme en montagne doivent chaque été réaliser des opérations lourdes de maintenance des installations des domaines skiables pour maintenir leurs capacités de production des services. Par ailleurs, les mesures spéciales Covid-19 mises en place par les entreprises induisent indéniablement un véritable coût, au travers de la baisse de productivité, difficile à supporter à cette période de l’année. D’autant plus que les domaines skiables sont dans une situation particulière quant aux reports et éventuelle annulations de cotisations sociales étant donné qu’ils sont surtout exposés à ces charges en hiver.

 

 

Recommandation : la rapporteure spéciale souligne qu’aux vues des spécificités du domaine montagnard français, il est indispensable d’apporter rapidement des réponses adaptées aux professionnels touchés par la crise dans ces territoires, alors même que le secteur subit le pic de crise en pleine saison.

 

 

 


II.   LE PLAN DE RELANCE DU GOUVERNEMENT

A.   Description des plans de relance dans les pays européens

Au-delà du cas français, l’écosystème du tourisme mondial a été fortement touché par les importantes restrictions en matière de déplacement et de circulation imposées en raison de la pandémie de coronavirus. Nombre d’États ont adopté des mesures de politique budgétaire et de soutien afin de venir en aide aux divers secteurs touristiques particulièrement touchés et permettre une reprise rapide de l’activité. Dans cette perspective, la rapporteure spéciale s’est intéressée aux réponses apportées par trois pays voisins de la France : l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.

1.   Près de 1 200 milliards deuros mobilisés en Allemagne pour sauver léconomie

En Allemagne, où le coronavirus a causé la mort près de 8 000 personnes, le gouvernement fédéral, le Parlement et les Länder se sont mobilisés pour mettre en place un grand programme d’aide économique et sociale. Alliant dépenses budgétaires et garanties financières pour un montant global proche de 1 200 milliards deuros, ce plan vise principalement à limiter les défaillances dentreprises et dassurer un fonctionnement maximal pendant et après les mesures destinées à restreindre les contacts sociaux.

Ce plan se traduit plus concrètement par l’amélioration des conditions dans lesquelles les entreprises bénéficient du chômage partiel, un programme de subventions aux TPE et indépendants (Soforthilfe), des garanties de financements par la KfW à 80 % ou 90 % selon la taille des entreprises et jusqu’à 100 % pour les PME, un fonds pour la stabilisation de l’économie (d’un montant total de 600 milliards d’euros), ou encore une limitation de la pression fiscale et liée aux cotisations sociales par de possibles décalages.

Face à lampleur de la crise, des mesures ont également été prises spécifiquement en faveur du tourisme. La TVA appliquée dans le secteur de la restauration sera réduite à 7 % à partir du 1er juillet et jusqu’au 30 juin 2021 contre 19 % actuellement. Le coût estimé de cette mesure est de 5 milliards d’euros.

Les restaurants et cafés allemands sont visés par des mesures de fermeture administratives, décidées Land par Land mi-mars. S’ils ont pu rouvrir à partir du 18 mai dernier, avec des mesures adaptées destinées à permettre une hygiène suffisante, un retour à un chiffre d’affaires normal ne semble pas envisagé avant octobre par la filière. Pour les restaurants, le secteur craint la faillite dun tiers des entreprises du secteur.

 

Les hôteliers, quant à eux, semblent toujours espérer pouvoir profiter de la saison estivale, en particulier avec les restrictions qui pourraient s’appliqueront aux déplacements internationaux qui contraindront en grande partie les Allemands à rester en Allemagne.

2.   Un plan plus mesuré pour l’Italie, particulièrement touchée par la crise sanitaire

L’industrie touristique italienne est particulièrement touchée par la crise du Covid-19, alors que les activités directement imputables au tourisme représentent plus de 5 % du PIB (13 % indirectement, pour l’ensemble des branches concernées) et 6 % de l’emploi. À l’heure actuelle, la perte totale du chiffre daffaires des branches du tourisme sur lannée 2020 serait de lordre de 60 %, soit 107 milliards deuros environ. Pour soutenir la relance du secteur, en complément des mesures générales à l’économie, le gouvernement italien a prévu des dispositifs sectoriels ciblés.

Le décret Cura Italia du 17 mars 2020 prévoit que les industries touristiques bénéficieront des mesures transversales de soutien de la liquidité (moratoires, accès au crédit), et des reports dimpôts et taxes. En outre, des mesures ponctuelles ont été introduites comme la possibilité pour les agences de voyages de rembourser par des bons « vouchers » ou la suspension du paiement des charges sociales et patronales pour les hôtels, les agences et les voyagistes.

Le décret-loi Rilancio du 15 mai 2020, prévoit diverses mesures spécifiques :

– la création de plusieurs fonds : un fonds tourisme de 50 millions d’euros, pour l’achat, la rénovation et la valorisation des biens immobiliers destinés à l’hébergement touristique ; un fonds doté de 50 millions d’euros pour l’assainissement et les aménagements post Covid-19 des entreprises, établissements thermaux et balnéaires ; un fonds d’urgence de 25 millions pour les agences de voyage et les tour-opérateurs.

– des dégrèvements fiscaux (suppression de la première tranche de la taxe foncière pour les stations thermales et balnéaires et les hôtels, crédit d’impôt de 60 % sur les baux commerciaux des entreprises ayant subi une baisse de 50 % de leur chiffre d’affaires pour les mois de mars, avril et mai 2020).

Ce décret-loi renforce les mesures de soutien aux travailleurs du tourisme, déjà prévues. Les saisonniers continueront à percevoir une aide au revenu en avril et en mai. Le chômage partiel est étendu de 9 semaines supplémentaires.

Par ailleurs, pour soutenir la demande, le gouvernement italien a prévu d’affecter 2,4 milliards deuros à un chèque-vacances pour les ménages. Les familles, dont les revenus annuels n’excèdent pas 40 000 euros, pourront bénéficier d’un bon pour des prestations auprès des structures d’hébergement entre le 1er juillet et le 31 décembre 2020.

Pour soutenir la destination Italie, est également prévue la création d’un Fonds pour la promotion du tourisme en Italie de 20 millions deuros associant lENIT (agence nationale du tourisme), les collectivités locales et les associations professionnelles.

3.   Une relance modérée en Espagne, où le tourisme de masse fait vivre l’économie

La reprise économique en Espagne ne sera pas possible sans une reprise du secteur touristique tant le pays est dépendant de cette activité qui représente 12,2 % du PIB. Les pertes sont évaluées à 124 milliards deuros pour 2020, soit 81,4 % du revenu annuel.

Le gouvernement espagnol a annoncé en mars dernier garantir jusquà 100 milliards deuros de prêts aux entreprises afin de les aider à faire face aux conséquences économiques de la pandémie de coronavirus. Ces garanties couvriront les prêts à hauteur de 80 % pour les PME, et de 70 % pour les autres entreprises.

Parmi les autres mesures, l’État a mis en place une aide au maintien de lemploi, avec une simplification du mécanisme de mise en chômage partiel, accompagnée de 5 milliards d’aides via la prise en charge de cotisations sociales, à 100 % pour les petites structures et 75 % pour les entreprises de 50 salariés et plus, ainsi qu’une prestation extraordinaire et lexonération de cotisations pour les travailleurs indépendants qui peuvent accréditer une baisse dactivité de 75 %. Les travailleurs indépendants auront plus facilement accès à des indemnités chômage.

Les dépenses budgétaires nouvelles représentent 17 milliards deuros, soit seulement 1,4 % du PIB, sans viser spécifiquement les acteurs du tourisme. L’hôtellerie, la restauration et les agences de voyages semblent avoir fait aujourd’hui le deuil de la perte de la saison estivale, en particulier pour le tourisme international.

Par ailleurs, pour amorcer la reprise, le président du gouvernement Pedro Sanchez a dévoilé le 28 avril son dispositif de déconfinement appelé « plan pour la transition vers une nouvelle normalité », organisé en quatre phases.

La Confédération espagnole des hôtels et de lhébergement touristique (CEHAT) a été déçue par ce dispositif. Le secteur de la restauration (300 000 établissements, 8 % de l’emploi total et dans la plupart des cas des TPE) considère que ce plan nest pas opérant. Il estime que 35 % des entreprises ne pourront pas rouvrir. D’autant plus que les établissements hôteliers n’ouvriront pas tant que les déplacements inter-régions ne sont pas autorisés.

 

Parallèlement à ces critiques, les professionnels se sont mobilisés pour créer un label qualité « Safe Tourism Certified » pour susciter la confiance chez leurs clients. L’Espagne jouit en effet de l’expertise d’un Institut de la Qualité Touristique (ICTE), organisme indépendant à but non lucratif, qui a proposé d’élaborer des protocoles sanitaires pour 21 sous-secteurs en collaboration avec le secrétariat d’État au tourisme, et de créer un label unique à valoriser auprès des clients.

Si lEspagne semploie à faire revenir progressivement sur son sol, à partir du 22 juin, les touristes étrangers en provenance de pays considérés comme sûrs du point de vue de lépidémie de coronavirus, les mesures de relance du secteur touristique ne semblent pas satisfaire les attentes des professionnels.

B.   Le Plan français

1.   La mise en place d’un plan général de soutien aux entreprises de grande ampleur

Face à la gravité des conséquences de la crise sanitaire, l’État français a mis en place dès le mois d’un premier plan général de soutien aux entreprises afin de venir en aide aux divers secteurs d’activité du pays, par le biais notamment de :

– une aide à la mise en place de lactivité partielle accompagnée d’une meilleure indemnisation ;

 la possibilité de reports et dégrèvements de charges fiscales et sociales (diminuant dès lors les recettes de l’État pour 2020) ;

– une garantie accrue de prêts pour prévenir les accidents de trésorerie.

C’est également le cas de Bpifrance qui souhaite accompagner les entreprises avec le Prêt Tourisme, lancé en partenariat avec la Banque des Territoires en janvier 2020.

Quant aux entrepreneurs individuels tels que les propriétaires de maisons d’hôtes ou les guides conférenciers, ils pourront bénéficier du Fonds de solidarité de 1 500 euros, dispositif inscrit dans la loi de finances rectificative adoptée le 22 mars 2020.

En France, où le tourisme représente 7 à 8 % du PIB, les mesures prises par le Gouvernement en soutien aux entreprises sont particulièrement sollicitées par les acteurs touristiques. Dautant plus que les vacances de printemps sont habituellement le moment où le secteur de lhôtellerie-restauration réalise en un mois 12 à 15 % de son chiffre daffaires de la saison. Ainsi, en avril, plus de 550 millions deuros de prêts garantis par lÉtat avaient déjà été accordés à des entreprises du secteur touristique. Environ 11,5 % des dossiers déposés pour des prêts garantis concernent le secteur du tourisme, notamment des petites et moyennes entreprises.

Par ailleurs, deux ordonnances prises en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 intéressent le secteur touristique :

 lordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure, permettant aux professionnels de tourisme de proposer à leurs clients la délivrance d’un avoir valable 18 mois, en lieu et place du remboursement, correspondant à la totalité des sommes versées lorsque le voyage ou le séjour ne peut être fourni.

 lordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période durgence sanitaire et à ladaptation des procédures pendant cette même période, permettant d’adapter les procédures administratives d’Atout France durant la période d’urgence sanitaire, à savoir les immatriculations, classements et labellisation.

2.   La mise en place de mesures spécifiques pour accompagner la reprise du tourisme

Le 14 mai 2020, le Premier ministre a annoncé le lancement dun plan de soutien interministériel de grande ampleur à destination de lensemble du secteur touristique, élaboré par le Comité interministériel du tourisme.

Tableau de ventilation du Plan Tourisme

Une image contenant capture d’écran

Description générée automatiquement

Ont été tracées de premières priorités pour accompagner la reprise graduelle du secteur et le renouveau de l’attractivité touristique de la France et de ses territoires. Parmi les mesures présentées, il sagit de :

 maintenir lactivité partielle dans les mêmes conditions que celles mises en place pendant la période de confinement, et cela jusquà la fin de lannée 2020. Au-delà, lactivité partielle restera ouverte dans des conditions qui seront revues le cas échéant ;

 prolonger le fonds de solidarité au-delà du mois de mai pour les entreprises du secteur du tourisme, de l’événementiel, du sport et de la culture jusqu’à la fin de l’année 2020. Son accès est élargi à des entreprises de plus grande taille, celles qui ont jusqu’à 20 salariés et jusqu’à 2 millions d’euros de chiffre d’affaires. L’aide à laquelle il donne droit sera augmentée jusqu’à 10 000 euros ;

 exonérer les cotisations sociales pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) pendant la période de fermeture ou de très faible activité, au moins durant les mois de mars à juin, pour un montant estimé à 2,2 milliards d’euros. L’exonération s’appliquera automatiquement à toutes ces entreprises, qu’elles aient déjà acquitté ou non leurs cotisations. Aux exonérations de cotisations patronales s’ajoutera un crédit de cotisation égal à 20 % des salaires versés depuis février. Ce crédit de cotisation sera imputable sur l’ensemble des cotisations dues par l’entreprise et permettra de soutenir la reprise de l’activité ;

 mettre en place dun prêt garanti par lÉtat « saison » avec des conditions plus favorables que le PGE classique avec un plafond plus élevé (actuellement le prêt est plafonné à 25 % du chiffre d’affaires 2019, le plafond du « PGE saison » sera porté aux 3 meilleurs mois de l’année 2019 – ce qui pour des entreprises saisonnières fait une grande différence) ;

 annuler des loyers et redevances doccupation du domaine public dus aux bailleurs nationaux (État et opérateurs) pour les TPE et PME du secteur du tourisme et de l’événementiel sportif pour la période de fermeture administrative ;

 instaurer de possibles allègements de la taxe de séjour et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) à hauteur des deux tiers par les collectivités locales et financées à 50% par l’État ;

 créer un guichet unique numérique afin de simplifier et accélérer l’accès des entreprises des secteurs cafés, hôtels, restaurants, tourisme, événementiel, culture et sport aux dispositifs, accessible sur www.plan-tourisme.fr.

 permettre le report des échéances de crédit, allant jusquà 12 mois (au lieu de 6 mois actuellement) aux petites et moyennes entreprises du secteur ;

 augmenter le plafond journalier des tickets-restaurants de 19 à 38 euros. Leur utilisation sera autorisée les week-ends et jours fériés, à partir de leur date de réouverture et jusqu’à la fin de l’année 2020, uniquement dans les restaurants.

 renforcer le plan dinvestissement à hauteur de 3 milliards pour accompagner la reprise et la transformation du secteur :

● Le prêt Tourisme proposé par Bpifrance sera renforcé, pour atteindre 1 milliard deuros ;

● Environ 600 millions deuros de ressources du groupe Caisse des dépôts et consignations (BpiFrance, Banque des Territoires, La Banque Postale) seront mobilisés pour offrir des prêts de court et long terme ;

● Plus de 1,3 milliard deuros seront investis en fonds propres par la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance dans le secteur du tourisme, pour un effet attendu en matière d’investissement de 6,7 milliards d’euros ;

 Près de 1 500 entreprises et leurs dirigeants bénéficieront dun accompagnement spécifique par Bpifrance sappuyant sur du conseil, de la formation et des programmes daccélération, tandis que lappui aux territoires sera amplifié par la Banque des Territoires avec notamment un renforcement de la capacité de France Tourisme Ingénierie pour 29,5 millions deuros pour lensemble ;

● Dès 2020, le Fonds Tourisme Social Investissement sera triplé avec une augmentation de ses capacités d’investissement à hauteur de 225 millions deuros et des critères d’éligibilité assouplis.

Le CIT a également entendu fluidifier les conditions de la reprise de l’activité touristique estivale, en favorisant le recrutement saisonnier et en rassurant les touristes français. Une campagne de communication visant à favoriser les séjours en France intitulée « Cet été je visite la France » sera portée par Atout France, en coordination avec les régions, les territoires et les entreprises concernés. Elle informera sur les mesures sanitaires mises en place et valorisera loffre nationale de proximité pour la saison estivale 2020.

Il est impératif que l’État poursuive cette mobilisation exceptionnelle en renforçant encore ces mesures de soutien à la trésorerie des professionnels du tourisme, et en construisant un véritable plan de relance dédié au tourisme permettant de soutenir la demande dès l’été 2020 et de soutenir l’investissement.


3.   Le rôle crucial de la Caisse des dépôts et consignation dans le plan de relance

Soutien historique du tourisme français, la Caisse des dépôts et consignations joue un rôle crucial dans le plan de relance via sa Banque des Territoires et Bpifrance.

Partenaire historique de la filière, comme financeur, aménageur ou même opérateur, la Caisse des Dépôts et Consignations était déjà fortement mobilisée dans le cadre du dispositif gouvernemental de soutien aux entreprises grâce notamment au Prêt garanti par l’État (PGE).

Par le biais de sa Banque des Territoires et Bpifrance, il s’agira également de contribuer au renforcement de la situation financière des entreprises, au financement de leur développement et à l’investissement dans les hébergements et équipements touristiques, en mobilisant près d’1,6 milliard d’euros.

Dans le détail, la Banque des Territoires et Bpifrance doivent débloquer de concert une enveloppe de 200 millions d’euros pour des opérations en apport de fonds propres sous la forme d’obligations convertibles, d’un montant inférieur à 1 million. Une autre enveloppe d’un montant de 400 millions est envisagée pour des opérations de même nature, en obligations ou en actions, avec des tickets de 1 à 15 millions.

Par ailleurs, la Caisse des dépôts et consignations souhaite donner un nouvel élan au fonds TSI consacré à l’investissement dans les hébergements relevant du tourisme associatif et social. Créé en 2011 avec l’Agence Nationale pour les Chèques-Vacances (ANCV), il va percevoir 150 millions d’euros de la Banque des Territoires.

La Banque des Territoires prévoit, par ailleurs, de débloquer 300 millions en faveur de domaines de la filière tourisme loisirs dans lesquels la CDC est déjà active, à savoir la montagne, la plaisance, les parcs de loisirs et le thermalisme.

En outre, il est question de doubler la capacité daction du Prêt Tourisme de Bpifrance avec le soutien de la Banque des Territoires, en portant le montant des fonds disponibles à 500 millions deuros. Le dispositif permet d’octroyer des prêts de 50 000 à 1 million, avec un cofinancement extérieur, à raison de 1 euro pour 1.

Enfin, compte tenu de la multitude d’initiatives de la Caisse, il est aussi question de centraliser lensemble des informations dans un portail, sous la forme dun « guichet unique ».

 

La participation du secteur de l’assurance dans la gestion de la crise sanitaire

La rapporteure spéciale souhaite attirer l’attention sur le rôle du secteur de l’assurance dans la gestion de la crise sanitaire. Le Gouvernement a demandé que le secteur de l’assurance soit associé à l’effort d’indemnisation, de soutien et d’investissement en faveur des hôtels, cafés et restaurants et des entreprises du tourisme et de l’événementiel sportif et culturel. Les assureurs, qui ont été relativement épargnés par la crise du fait de la baisse de la sinistralité, ont été mis à contribution pour aider les entreprises du secteur touristique : la participation des assureurs au fonds de solidarité, initialement prévue à hauteur de 200 millions d’euros, a en conséquence été portée à 400 millions.

Les assureurs avaient jusqualors refusé de couvrir les pertes de revenus, évaluées à 60 milliards deuros, des établissements fermés par décision administrative. Suite à l’annonce du Plan tourisme par le Gouvernement, la Fédération française de lassurance a pris la décision de flécher jusquà 10 % de son programme dinvestissement de 1,5 milliard deuros visant à soutenir la reprise économique vers les ETI et PME du secteur touristique. Une part significative de ce montant concerne les hôtels, cafés et restaurants et la prise en charge notamment de leurs pertes d’exploitation, soit dans un cadre contractuel, soit dans le cadre de mesures de solidarité et de gestes commerciaux.

Certains établissements (CIC Assurance, filiale du Crédit Mutuel, Crédit Agricole) avaient déjà annoncé avoir mis en place un dispositif dindemnisation des pertes dexploitation à hauteur de 200 millions deuros. Financée sur le résultat du groupe et sur ses fonds propres, cette prime de « relance mutualiste » représentera un montant moyen de 7 000 euros (entre 1 500 et 20 000 euros). Si cette initiative va à l’encontre des recommandations de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), chargée de la surveillance de l’activité des banques et des assurances en France, le milieu touristique salue ce premier pas significatif vers une assurance pour les pandémies. Le secteur de l’assurance doit participer tant que possible à l’accompagnement de la filière touristique pour assurer une relance rapide et efficace du secteur.

 

 


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III.   LA NÉCESSITE D’ALLER PLUS LOIN

A.   Il est indispensable de poursuivre la mise en place de mesures fortes spécifiquement dédiées au secteur touristique

1.   Diminuer la TVA

Le contexte de crise sanitaire fragilisera sur le long terme nos infrastructures d’accueil touristique, qu’il s’agisse de l’hôtellerie, de la restauration ou des résidences de tourisme. La trésorerie des entreprises du tourisme se dégrade fortement : ces entreprises représentaient à la fin du mois davril 2020 plus de 10 % des prêts garantis par lÉtat (1,3 milliard deuros). La reprise est attendue pour l’été, mais le retour des capacités d’investissement n’est pas envisagé avant 2022.

Le secteur de l’hôtellerie-restauration a besoin de mesures fortes : s’ils étaient les premiers à l’arrêt, ils seront aussi les derniers à reprendre. Selon les estimations, 30 à 40 % des restaurants pourraient mettre la clé sous la porte si leur réouverture tardait à venir. Une fois celle-ci permise, les acteurs de l’hôtellerie-restauration devront limiter le nombre de leurs clients et leur modèle économique ne pourra être préservé.

Il est essentiel de conforter les nombreux commerces de proximité et les très petites entreprises présentes dans ce secteur qui font face à des difficultés structurelles exacerbées face à la crise sanitaire.

L’impératif de lutte contre la propagation du virus Covid-19 nécessite l’adoption de mesures d’envergure. Cest pour répondre aux difficultés exceptionnelles rencontrées spécifiquement par ces entreprises qui ne pourront reprendre leur activité encore pour de longues semaines que la rapporteure spéciale a déposé une proposition de loi ([1])  diminuant le taux applicable au secteur de lhôtellerie-restauration de 10 % à 5,5 %.

La baisse de 4,5 points du taux de la TVA sur ces services devrait permettre aux acteurs de ce secteur l’augmentation de leurs recettes directes, sans avoir recours à une augmentation des prix qui s’avérerait le cas échéant particulièrement pénalisante pour leur clientèle.

La rapporteure spéciale regrette que ce dispositif ait été écarté par la majorité lors de son examen en commission des finances.


Recommandation : pour accompagner la relance du tourisme, la rapporteure spéciale recommande une baisse du taux réduit de TVA sur l’hôtellerie et la restauration de 10 % à 5,5 %, à l’instar de ce qui a été mis en œuvre en Allemagne pour un an à compter du 1er juillet prochain (de 19 % à 7 %).

2.   Préserver la trésorerie des communes touristiques

Par ailleurs, dans le secteur du tourisme, la pandémie de Covid-19 se traduit par une chute générale de la demande, liée aux interdictions de circulation et à l’annulation d’un certain nombre de manifestations. Elle conduit les communes touristiques à une inquiétude financière fondée sur la saison touristique qui aurait déjà dû commencer pour beaucoup en avril avec les vacances de printemps et en mars pour les villes thermales.

Dès lors, ces territoires touristiques vont voir leurs recettes drastiquement diminuées dans les mois à venir. La crise sanitaire marque donc la fragilisation d’un secteur essentiel en matière d’hébergement pour lequel il est essentiel de légiférer rapidement.

Cest pour répondre aux difficultés exceptionnelles rencontrées par ces acteurs du tourisme que la rapporteure spéciale a déposé une proposition de loi visant ([2]) à suspendre leur contribution au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales pour une durée de deux ans.

Le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) prend ses contributions dans les blocs communaux ayant un potentiel financier agrégé (PFIA) important pour les redistribuer aux blocs communaux ayant un potentiel financier agrégé peu important. Les fonds pris et reversés par le FPIC sont répartis entre les intercommunales et communes même d’un même bloc communal, par des accords locaux. Le FPIC en 2016 représentait 2 % du budget des communes et des intercommunalités, soit plus de 1 milliard deuros.

 

Recommandation : face à la fragilisation de la trésorerie des communes touristiques, la rapporteure spéciale préconise de suspendre leur contribution au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales pour une durée de deux ans.

 

3.   Consolider le modèle économique des résidences de tourisme

Enfin, la rapporteure spéciale souhaite attirer lattention sur la situation particulière des résidences de tourisme, dont le modèle économique est mis en péril par la crise sanitaire.

Les loyers commerciaux représentent le premier poste de dépenses pour les résidences de tourisme. Or, depuis le début de l’épidémie, les professionnels des résidences de tourisme font face à des loyers, qui représentent parfois jusqu’à la moitié de leurs charges, sans pour autant percevoir de recettes. Ce sujet est particulièrement prégnant en montagne, où les résidences de tourisme représentent 30 % des séjours et plus de 300 000 lits. Le manque de visibilité à long terme et la persistance de charges fixes alors même que le secteur est à larrêt fragilisent fortement ces professionnels.

Face à la crise sanitaire qui oblige les résidences de tourisme à fermer, de nombreux exploitants ont informé les propriétaires qu’ils ne pourront pas verser les loyers dus pendant la période de la crise sanitaire. Les gestionnaires ont demandé à lÉtat de prendre une ordonnance pour annuler les loyers à compter du 13 mars 2020 et jusquà la fin de létat durgence sanitaire, plus un trimestre de sortie de crise. Cette situation pourrait mettre en difficulté les propriétaires investisseurs, surtout les particuliers, qui ont financé l’achat de leur bien en résidence de tourisme par des crédits auprès des banques. Une concertation a été organisée avec les acteurs du secteur par la DGE afin de permettre aux différents acteurs de s’accorder sur une solution équilibrée. Un accord était en passe d’être conclu entre les professionnels représentant les résidences de tourisme (SNRT/ANAT notamment) et les principales fédérations de bailleurs propriétaires particuliers, mais le Gouvernement s’est montré réticent à l’idée d’officialiser un tel accord dans un texte de loi.

Ce secteur rencontre de grandes difficultés pour se faire entendre, notamment en raison du partage persistant de la question touristique qui reste divisée entre Bercy et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

 

Recommandation : la rapporteure spéciale appelle à une consolidation rapide du modèle économique des résidences de tourisme pour accompagner la reprise des professionnels du secteur.

 

 


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B.   Renforcer l’action d’Atout France

En premier lieu, du point de vue des crédits budgétaires, les recettes de lunique opérateur Atout France seront particulièrement affectées. Alors qu’une part du produit de la recette additionnelle des droits de visa est attribuée annuellement à Atout France, lopérateur risque de voir son budget réduit en 2020, en raison de la baisse des demandes de visas induites par la crise du Covid-19.

Cette crise intervient alors même que l’opérateur faisait face à une demande du Gouvernement d’une rationalisation accrue de son fonctionnement à hauteur de 4millions d’euros dans le cadre du projet de loi de finances 2020.

Par ailleurs, les activités d’Atout France de promotion du tourisme sont fortement ralenties. Les partenariats, qui constituent également une large part des crédits de lopérateur, risquent aussi de voir leur proportion largement diminuée sur lannée 2020. En effet, on constate dores et déjà une nette diminution du niveau de partenariat encaissé au 30 avril ( 65 %, passant de 13,7 millions deuros à 4,8 millions deuros), qui saccompagne dune baisse importante des prévisions de recettes : les produits passeraient dun peu moins de 40 millions deuros à un peu moins de 24millions deuros. Rappelons que les principales entreprises partenaires sont les compagnies aériennes et les acteurs du tourisme, entreprises qui vont certainement revoir à la baisse leur participation.

Or, Atout France s’est également vu confier par le Comité interministériel du tourisme du 14 mai 2020, un redéploiement partiel de ses missions, sans subvention supplémentaire :

– une campagne de communication dès juin 2020, afin d’accompagner la reprise du secteur touristique et de favoriser les séjours en France.

– le soutien à lingénierie territoriale avec un renforcement de la capacité de France Tourisme Ingénierie, animé par Atout France.

– le soutien à linnovation et à la transformation numérique dans le secteur du tourisme, avec à court terme le lancement d’un appel à projets Innovation visant à identifier des solutions nouvelles aptes à optimiser les processus futurs de réassurance sanitaire et ajuster les modèles économiques des entreprises en abaissant les seuils de rentabilité.

Pour mener à bien l’ensemble de ces chantiers indispensables à l’accompagnement de la reprise du secteur du tourisme en 2021, il est impératif de fournir à Atout France les moyens nécessaires à une telle mobilisation, alors même que de nombreuses destinations internationales également impactées par la crise souhaiteront investir fortement au même moment afin d’organiser un rebond rapide.

D’autant plus que les crédits alloués par l’État à Atout France provenant du programme 185 Diplomatie culturelle et dinfluence, portés par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères dans le cadre de la mission Action extérieure de lÉtat sont mobilisés pour assurer le développement du tourisme international en France, mais non celui du tourisme national. Il convient de préserver ces moyens alloués à la promotion sur les marchés internationaux, et notamment les marchés européens, sur lesquels Atout France aura besoin de pouvoir mener des actions de promotion accrues en 2020 et 2021 dans le cadre de la relance du tourisme.

Sur un budget de 5,3 millions d’euros fonds visas octroyés à Atout France en 2020 pour des opérations de promotion, il reste à ce stade 1,2 million deuros à mobiliser sur la campagne domestique estivale, soit une somme profondément insuffisante dans ce contexte exceptionnel.

La mise en place dun plan de relance exceptionnel envers Atout France est indispensable pour permettre à lopérateur daccompagner la reprise sur le marché domestique, en complément des montants opérationnels (fonds visas) déjà disponibles et d’assurer la relance sur les marchés internationaux (pour compenser la baisse prévisible des recettes liées à la délivrance de visas en 2020), à l’image du fonds d’urgence qui avait été accordé suite aux attentats qui avaient frappé la France en 2015 (11,5 millions d’euros avaient été débloqués par l’État, permettant de conduire pour 21,4 millions d’euros d’actions grâce au modèle partenarial d’Atout France).

Il est urgent dagir, en soutien notamment à la future campagne digitale de lopérateur Cet été, je visite la France. Une campagne audiovisuelle a, semble-t-il, été envisagée puis écartée, malgré les enjeux et le faible coût de l’opération. La rapporteure spéciale déplore cette situation dautant plus regrettable quAtout France dispose des capacités de financer une telle campagne pour peu que soient dégelés des crédits destinés à financer des ruptures de contrats qui, de toute façon, ninterviendront pas cette année, crédits qui sélèvent à 2,6 millions deuros. Ces crédits viendraient très utilement compléter le beaucoup trop faible 1,2 million décidé à ce jour.

Enfin, l’effort de réduction des coûts de fonctionnement va se poursuivre en 2020 et 2021. Dans le contexte actuel, il apparaît indispensable que soit reportée à 2021 léconomie de 4 millions deuros demandée en 2020. Il conviendrait en particulier de reporter la fin programmée des contrats de mise à disposition au 31 décembre 2021. Cette dernière problématique fragilise la position des personnels concernés, alors qu’il s’agit en grande majorité́ de directeurs de bureaux, qui sont déjà et seront encore davantage sollicités dans la relance du tourisme français à l’international.


Recommandation : la rapporteure spéciale alerte sur l’urgente nécessité de donner les moyens à Atout France de remplir ses missions urgentes de promotion du tourisme domestique en dégelant les crédits destinés à financer des ruptures de contrats, et accorder un moratoire d’un an à l’opérateur pour atteindre les économies décidées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

C.   Saisir cette opportunité pour donner au secteur sa juste place

Les leçons économiques de cette crise ne doivent pas être oubliées. Il est essentiel d’agir dès maintenant pour redonner au secteur du tourisme sa juste place, alors même que la rapporteure spéciale déplore depuis plusieurs années le manque de visibilité et de crédibilité quant à la présentation budgétaire des crédits consacrés au tourisme et labsence dun véritable programme dédié au tourisme dans larchitecture budgétaire.

Alors que la rapporteure spéciale contestait encore dans son dernier rapport relatif au projet de lois de finances pour 2020 la réduction des dispositifs dédiés au tourisme de la mission Économie, démontrant que le tourisme ne fait pas partie des priorités de la politique économique du Gouvernement, la crise sanitaire met une nouvelle fois en exergue le fait que le tourisme ne se réduit aucunement à la promotion touristique à l’étranger.

La crise sanitaire porte à son paroxysme l’urgente nécessité de revoir l’arsenal des outils déployés par l’État en matière touristique. Le tourisme mérite plus que jamais dêtre accompagné par lÉtat, dans les mutations structurelles dont il a besoin, comme une filière économique à part entière.

 

 

 

 

 

 


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   EXAMEN EN COMMISSION 

 

Lors de sa réunion de 21 heures 30, le mercredi 3 juin 2020, la commission des finances, réunie en commission dévaluation des politiques publiques, a entendu Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale, sur les crédits de la mission Action extérieure de l’État : Tourisme.

 

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte rendu est également lisible en ligne.

 

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

 

Atout France 

– Mme Caroline Leboucher, directrice générale 

 

Direction générale des entreprises

– M. Nicolas Dupas, sous-directeur chargé du tourisme

 

UMIH-Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie * 

– M. Roland Héguy, président confédéral

– M. Hervé Becam, vice-président

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


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   SOURCES UTILISÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

– Rapport annuel de performance annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2019, mission Action extérieure de l’État, 2020.

– Rapport annuel de performance annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2019, mission Économie, 2020.

– Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 de la mission Action extérieure de l’État, mai 2020.

– Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 de la mission Économie, mai 2020.

– Comité international du Tourisme, Dossier de presse, mai 2020.

– BPI France, Étude Horwath HTL sur les perspectives de sortie de crise pour les secteurs du tourisme, mai 2020.

 

 


([1])http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3005_proposition-loi  

([2]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2935_proposition-loi#