N° 3011

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2020

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019 (n° 2899),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 27
 

 

GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L’ÉTAT

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Jean-Paul MATTEI

 

Député

____

 


 

 


— 1 —

 

SOMMAIRE

___

SYNTHÈSE et chiffres clés

Recommandations du rapporteur spécial

SUIVI DES PRINCIPAles RECOMMANDATIONs FORMULÉES À L’ISSUE Des PRINTEMPS DE L’Évaluation 2018 et 2019

introduction

PREMIÈRE PARTIE : L’EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2019

I. un exercice 2019 marquÉ par le niveau exceptionnel des recettes et un retour du cas À l’excÉdent

A. un EXCÉDENT INÉDIT PERMIS PAR LA RÉALISATION DE CESSIONS EXCEPTIONNELLES

B. Un NIVEAU ÉLEVÉ DE RECETTES À L’ORIGINE D’UNE FORTE HAUSSE DES ENGAGEMENTS, QUI DEMEURENT MAÎTRISÉS

II. UNE SITUATION PARTICULIÈRE QUI NE DOIT PAS OCCULTER LA FRAGILITÉ STRUCTURELLE DU MODÈLE DU CAS

A. la consolidation des recettes issues des redevances domaniales ne peut suffire À compenser l’Épuisement À venir du produit des cessions

1. Les redevances domaniales, une recette d’appoint devenue indispensable à l’équilibre du CAS

2. Le produit des cessions immobilières, une ressource en voie d’épuisement ?

3. Une situation qui explique la confirmation, en 2019, d’un mouvement de baisse tendancielle des dépenses en CP

B. Une RÉFLeXION À INTENSIFIER QUANT À L’AVENIR DU MODÈLE DU CAS ET à son rôle dans LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT

1. L’atteinte des objectifs assignés au CAS : un bilan contrasté

2. Une utilisation « détournée » du CAS qui interroge sur sa place au sein de la politique immobilière de l’État

3. La nécessité de faire aboutir les travaux de réflexions sur l’évolution du modèle économique du CAS

SECONDE PARTIE : LES EFFETS DE LA CRISE SANITAIRE DE 2020

I. LA CRISE SANITAIRE ACTUELLE AURA D’IMPORTANTES RÉPERCUSSIONS SUR L’ENCAISSEMENT ET LE NIVEAU DES RECETTES DU CAS EN 2020

A. lES MESURES SANITAIRES ONT FORTEMENT PERTURBÉ LE CALENDRIER DES CESSIONS

B. un RATTRAPAGE TOTAL DES RECETTES NON ENCAISSÉES EN RAISON DE LA CRISE SANITAIRE EST PEU PROBABLE

II. les consÉquences envisageableS de la crise sanitaire sur les opÉrations immobiliÈres FINANCÉes par le cas

A. l’impact sur les opÉrations immobiliÈres devrait demeurer restreint À court terme

B. la crise pourrait en revanche affecter durablement LES EXERCICES À VENIR

III. Vers une transformation des usages ?

EXAMEN EN COMMISSION


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   SYNTHÈSE et chiffres clés

L’exercice budgétaire 2019 fait apparaître un excédent du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État de 343 millions d’euros, ce qui porte son solde global au 31 décembre 2019 à plus d’un milliard d’euros.

Ce résultat, qui diffère considérablement des exercices précédents, s’explique pour l’essentiel par un niveau de recettes particulièrement élevé, permis par des cessions immobilières exceptionnelles. Il s’est établi à 729 millions d’euros, soit une progression de plus de 84 % par rapport à l’exercice précédent et un dépassement de près de 78 % du montant inscrit en LFI. À lui seul, le produit des cessions de l’îlot de Saint-Germain (368 millions d’euros) et de l’hôtel de Seignelay (61 millions d’euros) représente plus de 70 % du produit total des ventes de l’année 2019.

Ce niveau de recettes a permis une forte progression de la consommation des autorisations d’engagement, dont le montant s’est établi à 598 millions d’euros (+ 53 % par rapport à la prévision en LFI). Un tel niveau d’engagement devrait permettre, à court terme, de corriger la baisse tendancielle des dépenses du CAS en CP, observée depuis plusieurs exercices et à laquelle l’année 2019 ne fait pas exception.

Néanmoins, le CAS est structurellement fragile. Son équilibre demeure menacé par le risque d’épuisement des produits de cessions immobilières. Les redevances domaniales, plus stables, ne sont pour l’instant que des recettes d’appoint.

La crise sanitaire risque de peser de manière significative sur les recettes du CAS en 2020. Les procédures de cessions ont été entièrement suspendues entre le 16 mars et le 11 mai 2020, ce qui aura des répercussions sur le calendrier des cessions. Si les opérations immobilières en cours et celles prévues à court terme ne sont pas menacées, les effets de la crise pourraient affecter les exercices à venir. Enfin, face à l’accroissement de la dette publique, la réouverture du programme 721 Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État ne saurait être entièrement exclue à ce stade.

 

 

 

 

recettes et dépenses exécutées et solde de trésorerie

(en millions d’euros)


Source : Cour des comptes

 

 


— 1 —

   Recommandations du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial recommande :

– de repenser l’équilibre du financement du compte d’affectation spéciale, notamment en procédant à une extension de la part des redevances domaniales qui est affectée à ses recettes ;

– dans le cadre des missions actuellement menées concernant le rôle et l’avenir du compte d’affectation spéciale, de conserver en tout état de cause cet instrument, seul à même d’assurer une gestion pluriannuelle et interministérielle du patrimoine de l’État ;

– de revoir le procédé par lequel le compte d’affectation spéciale contribue au grand plan d’investissement, qui se restreint actuellement à une « labellisation » de dépenses de performance énergétique financées par son intermédiaire ;

– de mener une réflexion globale sur les usages du patrimoine immobilier de l’État à la lumière des changements de pratique qui se sont fait jour durant la crise sanitaire (télétravail, accélération de la transformation numérique dans les relations avec les administrés), dans la perspective d’une rationalisation des emprises et d’une diminution des surfaces utilisées, notamment dans les centres-villes.

 

 


— 1 —

SUIVI DES PRINCIPAles RECOMMANDATIONs FORMULÉES À L’ISSUE
Des PRINTEMPS DE L’Évaluation 2018 et 2019

Dans le cadre du Printemps de l’évaluation 2018, il avait été proposé à la commission des finances une évaluation de la décote permise par la loi n° 2013‑61 du 18 janvier 2013 ([1]) (dite « décote Duflot »).

Après l’adoption, par l’Assemblée nationale, de la proposition de résolution à l’initiative du rapporteur spécial ([2]), le Parlement a adopté un amendement au projet de loi de finances modifiant l’article L. 3211‑7 du code général de la propriété des personnes publiques ([3]). Cette modification visait à prendre en considération deux nouveaux critères : d’une part, l’existence de réserves foncières susceptibles de permettre la réalisation de programmes comportant la construction de logements sociaux à un prix de revient équivalent à celui qui résulterait de l’application de la décote ; d’autre part, le coût moyen de la construction de logements sociaux dans la commune ou l’agglomération.

À l’issue du Printemps de l’évaluation 2019, votre rapporteur spécial recommandait de mener à bien les travaux nécessaires à l’échelle interministérielle afin de permettre la publication du décret d’application de l’article 274 de la loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, de manière à donner une traduction réglementaire à la réévaluation des conditions du recours à la décote

Le décret n° 2019-1460 du 26 décembre 2019 relatif au plafonnement de la décote, fruit de ce travail interministériel, a été publié au Journal officiel du 27 décembre 2019. Votre rapporteur ne dispose pas, à ce jour, des éléments permettant d’évaluer l’efficacité du dispositif et de son impact sur les recettes du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

Par ailleurs, votre rapporteur recommandait, en vue de l’examen du projet de loi de règlement du budget 2018, de repenser l’équilibre de financement du compte d’affectation spéciale, notamment en complétant les recettes d’appoint de celui-ci. À la suite du deuxième comité de la transformation publique du 29 octobre 2018, une mission visant à étudier les modalités d’une meilleure valorisation locative des biens inutilisés a été lancée. Ces travaux de réflexion, au regard des conclusions rendues à l’été 2019, ont été prolongés au premier semestre 2020 afin d’examiner la viabilité de différents scénarios mêlant plusieurs modes de gestion.

 


— 1 —

   introduction

La mission Gestion du patrimoine immobilier de l’État constitue le cadre de gestion des ressources tirées du produit des cessions de biens ou d’actifs immobiliers de l’État et mutualisées à l’échelle du budget général aux fins de financement de sa politique immobilière aux échelons central et local. Elle se confond d’un point de vue budgétaire avec le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

Crée par la loi de finances initiale pour 2006 ([4]) et placé sous la responsabilité de la direction de l’immobilier de l’État (DIE), le CAS porte les dépenses d’investissement et de fonctionnement en rapport avec des opérations immobilières ou d’entretien du propriétaire réalisées par l’État sur des biens immobiliers dont il est propriétaire ou figurant à l’actif de son bilan. Il pourvoit également aux dépenses d’investissement et de fonctionnement correspondant à des opérations de cession, d’acquisition ou de construction d’immeubles du domaine de l’État, ainsi qu’à des opérations d’entretien du propriétaire réalisées par des établissements publics et d’autres opérateurs.

En application de la loi de finances pour 2017 ([5]), le CAS assure le financement des dépenses relatives à l’entretien du propriétaire portées par l’ancien programme 309 Entretien des bâtiments de l’État. L’exécution des dépenses immobilières des administrations centrales et déconcentrées (toute nature confondue) relève désormais d’un programme unique : le nouveau programme 723 Opérations immobilières et entretiens des bâtiments de l’État. Celui-ci incorpore les opérations relevant auparavant du programme 724 Opérations immobilières déconcentrées, en conséquence de la simplification des circuits d’exécution budgétaire opérée par la loi de finances initiale pour 2018 ([6]).

Quoique conservé au sein de la maquette budgétaire, le programme 721 Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État se révèle aujourdhui sans véritable objet. En effet, la loi de finances pour 2017 a supprimé le caractère obligatoire de ladite contribution et le Parlement a résolu de mettre fin au versement d’une partie du produit des cessions d’actifs immobiliers pour participer au désendettement de l’État. Le maintien de ce programme répond à la prescription formelle de l’article 20 de la LOLF selon lequel un compte d’affectation spéciale constitue une mission au sens de l’article 7 de cette même loi – « un ensemble de programme concourant à une politique publique définie » –, devant donc comporter au moins deux programmes.

Par ses ressources comme par son champ d’intervention, le CAS ne saurait évidemment prétendre au premier rôle dans le financement de la politique immobilière de l’État. L’exercice 2019 et les crédits ouverts en 2020 confirment la modestie de la contribution du CAS : les autorisations d’engagement (AE) du CAS ne représentent ainsi que 11,3 % de celles ouvertes au budget général pour 2020 au titre des dépenses de l’État propriétaire (3,6 milliards d’euros en 2020). La politique immobilière de l’État continue à s’appuyer, en priorité, sur les programmes supports des ministères et sur le programme 348 Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants, créés en 2018 au sein de la mission Action et transformation publiques et doté de 1 milliard d’euros sur cinq ans qui sont consacrés à la rénovation des sites multi-occupants.

Néanmoins, par la généralité des opérations éligibles dans son périmètre, le CAS demeure le seul support budgétaire de la gestion interministérielle du patrimoine immobilier de l’État. En 2019, la refondation de cette nouvelle politique, engagée en application des orientations consacrées par la communication du Conseil des ministres du 20 janvier 2016, s’est poursuivie et consolidée.

L’exercice 2019 se solde par un excédent plus de 343,2 millions d’euros, un résultat inédit depuis le premier exercice du CAS en 2006. Toutefois, ce résultat, qui s’explique par la réalisation de cessions immobilières exceptionnelles, ne doit pas occulter la fragilité structurelle du compte. Se pose une nouvelle fois la question de la pérennité du financement d’opérations structurantes pour le patrimoine immobilier de l’État assis sur la cession de ses actifs. Le maintien d’une dépendance de l’équilibre du CAS aux produits de cessions, par nature irréguliers, doit conduire à envisager de nouveaux modes de valorisation de ce patrimoine confronté à l’amenuisement prévisible de cette source principale de recettes.

La crise sanitaire que traverse le pays depuis le mois de mars 2020 vient amplifier cette interrogation au moins sous deux aspects :

– au-delà du quasi-gel des transactions pendant plusieurs mois, il est possible que le marché de l’immobilier subisse une récession comparable à celle de l’économie en général. L’impact pourrait également être significatif en ce qui concerne les redevances.

– les modalités de travail des administrations et des services publics en général sont actuellement, par la force des choses, profondément modifiées, tout comme la relation avec les usagers. La crise est susceptible de jouer un rôle d’accélérateur dans des évolutions déjà en cours comme la numérisation de nombreux services et le recours au télétravail, qui correspondent par ailleurs aux aspirations d’une grande partie des usagers et des agents. Cette transformation de long terme devra s’accompagner d’une réflexion de fond sur les usages du patrimoine immobilier de l’État et, sans doute, d’une rationalisation des emprises et d’une diminution des surfaces utilisées, notamment dans les centres-villes.


— 1 —

   PREMIÈRE PARTIE : L’EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2019

L’exercice 2019 est atypique à plusieurs égards. Cependant, la hausse ponctuelle des recettes ne saurait masquer la fragilité structurelle du compte d’affectation spéciale.

I.   un exercice 2019 marquÉ par le niveau exceptionnel des recettes et un retour du cas À l’excÉdent

L’exercice 2019 fait apparaître un excédent du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État de 343,24 millions d’euros. Ce résultat intervient à la suite de cinq exercices consécutifs marqués par un déficit : ainsi que le montre le tableau ci-après, le dernier exercice s’étant soldé par un excédent du CAS remonte à 2015 (+ 124 millions d’euros).

Ce résultat diffère considérablement de celui de l’exercice précédent, qui s’était soldé par un déficit de 84,45 millions d’euros. Cet écart s’explique par une sous-consommation des crédits de paiement (inférieure de près de 100 millions d’euros à la consommation de 2018), mais aussi et surtout par un niveau de recettes particulièrement élevé (en augmentation de 84 % par rapport à 2018), permis par des cessions immobilières exceptionnelles.

ExÉcution budgÉtaire
du CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État depuis 2013

(en millions d’euros)

Années

Produits de cession

Recettes

Dépenses

Résultat

Redevances domaniales

Versement du budget général

Fonds de concours

Total

Dépenses immobilières

Contribution au désendettement

Total

2013

391,0

SO

5,9

9,5

406,4

494,35

76,11

570,46

– 164,08

2014

505,98

SO

10,83

15,61

532,42

499,30

76,55

575,85

– 43,43

2015

609,23

SO

8,93

3,85

622,01

411,47

86,24

497,71

+ 124,30

2016

559,52

SO

6,73

7,49

573,74

315,95

180,90

496,85

+ 76,90

2017

339,62

86,26

3,85

4,02

433,75

457,55

60,11

517,66

 83,91

2018

281,34

89,15

10,45

15,24

396,18

480,63

SO

480,60

 84,45

2019

(prév. LFI)

613,46

320

107,07

90

4,63

4,09

729,1

410

385,81

483

SO

385,81

483

+ 343,24

 73

Source : commission des finances à partir des projets annuels de performances de 2013 à 2019.

 

 

Le résultat de l’exercice 2019 se démarque également de l’exercice 2018 par un fort décalage entre l’exécution et les prévisions de la loi de finances initiale pour 2019. Les produits de cessions (613 millions d’euros) sont presque deux fois plus élevés que ce qui était prévu en LFI ; de même, les dépenses sont inférieures aux prévisions de 20 % en CP (385,8 millions d’euros contre 483 millions prévus) et supérieures de 53 % en AE (598,30 millions d’euros contre 381,30 millions prévus).

Graphique n° 1 : recettes et dépenses exécutées

(en millions d’euros)

Graphique n° 2 : évolution du solde de trésorerie


(en millions d’euros)

Source : Cour des comptes.

Le solde cumulé du CAS au 31 décembre 2019 s’élève à 1,046 milliard d’euros, comme le montre le graphique n° 2 ci-dessus. Cette originalité de l’exercice 2019 tient pour l’essentiel à la réalisation d’un nombre restreint de cessions de biens immobiliers pour des montants exceptionnellement élevés, qui ont mécaniquement entraîné une forte hausse de la consommation des autorisations d’engagement.

A.   un EXCÉDENT INÉDIT PERMIS PAR LA RÉALISATION DE CESSIONS EXCEPTIONNELLES

Au terme de l’exécution 2019, les recettes propres du CAS s’élèvent à un peu plus de 729 millions d’euros. La somme perçue dépasse de près de 78 % le montant inscrit en loi de finances initiale. Elle constitue une progression des ressources de plus de 84 % par rapport au résultat 2018 (396,18 millions d’euros).

Cet écart de plus de 319 millions d’euros par rapport aux prévisions procède pour l’essentiel d’une progression des cessions significatives (supérieures à un million d’euros), qui représentent 5,6 % du nombre des ventes réalisées mais 90 % du total des prix de vente.

Le produit des deux principales cessions représente à lui seul près de 70 % du produit total des ventes de l’année 2019. Il s’agit de la cession de :

– l’îlot de Saint-Germain (7ème arrondissement de Paris), cédé le 17 juin 2019 pour un montant de 368,1 millions d’euros (l’offre retenue, soumise par le groupe qatari Constellation Hotels, vise à la réalisation d’un projet hôtelier) ;

– l’hôtel de Seignelay (également situé dans le 7ème arrondissement), cédé le 13 février 2019 pour un montant de 61 millions d'euros.

À ces deux cessions s’ajoute une autre vente significative : celle du site occupé par l’ENS Cachan, dont le prix s’est élevé 31,75 millions d’euros. Le montant total de ces trois cessions s’élève à 480,65 millions d’euros, soit près de trois quarts du produit total des cessions (74 %), et 63,2 % du montant total des recettes.

L’écart avec les prévisions de la loi de finances initiales pour 2019 s’explique essentiellement par une sous-appréciation des valeurs de marché de l’îlot de Saint-Germain (estimé entre 198 et 222 millions d’euros) et de l’hôtel de Seignelay (estimé à 37 millions d’euros) par le service local du Domaine de Paris. En outre, le nombre de cessions a progressé par rapport à 2018 (704 biens cédés en 2019 contre 626 en 2018) et le prix de vente moyen a été tiré à la hausse par les importantes cessions mentionnées (887 000 euros en 2019 contre 371 000 euros en 2018).

Si le montant des recettes du CAS pour l’exercice 2019 s’établit à un niveau particulièrement élevé, cela s’explique par des ventes exceptionnelles qui, par définition, constituent des produits irréguliers. L’exercice 2019 n’échappe donc pas au constat régulier selon lequel l’équilibre et la capacité du CAS à financer les opérations structurantes et l’entretien du patrimoine immobilier de l’État sur le long terme reposent sur des produits exceptionnels, ce qui soulève la question de la soutenabilité de ce modèle économique.

B.   Un NIVEAU ÉLEVÉ DE RECETTES À L’ORIGINE D’UNE FORTE HAUSSE DES ENGAGEMENTS, QUI DEMEURENT MAÎTRISÉS

Dans le périmètre du nouveau programme 723, les autorisations d’engagement exécutées en 2019 s’élèvent à un peu plus de 598,3 millions deuros. Il s’agit là d’un montant en progression de près de 65 % par rapport à la consommation d’AE sur l’exercice 2018. La consommation des AE avait en effet connu un coup d’arrêt au cours de l’exercice précédent après plusieurs exercices de hausse.

crédits ouverts et consommés sur le programme 723 en 2019

(en millions d’euros)

 

Consommé(e)s
en 2018

Ouvert(e)s
en LFI 2019

Consommé(e)s
en 2018

Autorisations d’engagement

362,5

391,3

598,3

Crédits de paiements

480,6

483,0

385,8

Source : Cour des comptes.

Le niveau de consommation des AE en 2019 est très supérieur à la prévision de la loi de finances pour 2019 (598,3 millions d’euros pour 391,3 millions d’euros ouverts, soit un dépassement de 53 %), ainsi que le montre le tableau ci-dessus. Selon l’analyse de la Cour de comptes, cette augmentation s’explique par les importants encaissements issus des cessions immobilières exceptionnelles. En effet, la charte de gestion du CAS conditionne le lancement toute nouvelle opération immobilière à des encaissements.

Cette forte hausse du niveau d’engagement est, d’après le rapport annuel de performance (RAP) de 2019, essentiellement imputable aux budgets opérationnels de performance (BOP) centraux. Il convient en particulier de mentionner :

– le ministère des armées, dont la consommation est en forte hausse (passant de 19,60 millions d’euros à 139,80 millions en 2019), « compte tenu des modalités qu’il met en œuvre pour respecter les objectifs annuels de dépenses qui lui sont assignés sur le CAS en exécution de la loi de programmation militaire 20192025 ». Le poids du BOP armées varie très fortement au gré des exercices : il représente 25 % de la consommation globale d’AE en 2019 contre seulement 5 % en 2018.

– le ministère de l’intérieur, essentiellement pour le financement de l’acquisition de deux terrains à Saint-Ouen (pour un montant de 113,7 millions d’euros) ainsi que pour la réalisation de travaux à la caserne de gendarmerie nationale de Drancy-Pichard pour 4,4 millions d’euros ;

– le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui a financé différentes opérations de construction, des acquisitions et le regroupement et aménagement de services et de postes diplomatiques à l’étranger, ainsi que des travaux de sécurité pour un montant total de 19 millions d’euros.

– les services du Premier ministre, qui ont engagé 20,7 millions d’euros pour l’opération de réhabilitation de l’immeuble « All » à Montrouge.

– le ministère de la culture, qui a financé le projet CAMUS (pour un montant de 22 millions d’euros), lequel consiste à regrouper sur trois sites des agents d’administration centrale du ministère travaillant aujourd’hui sur sept sites.

Il faut en outre noter que la consommation d’AE sur le BOP régional de la Nouvelle Aquitaine s’élève à plus de 30 millions d’euros, en raison d’une importante consommation de la préfecture pour l’acquisition d’un bâtiment neuf destiné au relogement de la direction régionale de l’INSEE de Bordeaux, pour 24 millions d’euros.

Un autre facteur explicatif de cette importante consommation d’AE résulte de ce que deux des opérations mentionnées ci-dessus (le relogement de la direction régionale de l’INSEE à Bordeaux ainsi qu’une partie du financement du projet Camus du ministère de la culture), initialement programmées en 2020, ont été anticipées en 2019.

Évolution des restes à payer du programme 723

(en millions d’euros)

Reste à payer

Solde au
31 déc.2018

AE consommées en 2019

CP consommés en 2019

Solde au
31 déc.2019

sur AE consommées avant 2019

sur AE consommées en 2019

PAP 2019

350,0

391,3

– 280,0

– 203,0

258,3

Exécution 2019

309,0

598,3

– 206,0

– 179,8

522,1

Source : Cour des comptes.

Conséquence de cette forte hausse de la consommation d’AE, le solde de restes à payer fin 2019 excède largement la prévision du projet annuel de performance (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2019. Cela s’explique par le fait que ladite prévision reposait sur un rythme de consommation des AE et CP proche de celui observé, en moyenne, par le passé.

Au 31 décembre 2019, les restes à payer du programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État s’élèvent donc à 522,1 millions d’euros avant travaux de fins de gestion postérieurs au RAP 2019, et à un peu plus de 519 millions après ces travaux. Cela correspond à une hausse de 212,5 millions d’euros par rapport au montant des restes à payer au 31 décembre 2018 (309,60 millions d’euros avant travaux de fin de gestion).

Selon la Cour des comptes, le solde combiné des restes à payer et des AE affectées atteint en 2019 61,9 % de la trésorerie disponible, soit une progression de plus de 48 % d’une année à l’autre. Toutefois, le solde des restes à payer exprimé en nombre de jours de consommation est stable à 314 jours, ce qui confirmerait que le niveau d’engagement est maîtrisé.

L’ensemble de ces constats relatifs à l’évolution des AE nous renvoie ainsi à une contrainte fondamentale : dès lors que la charte de gestion du CAS conditionne l’engagement de toute nouvelle dépense immobilière à la perception d’une recette, l’évolution du produit de cession ne peut que contraindre la capacité de financement de nouvelles opérations sur le patrimoine de l’État. Si, pour l’exercice 2019, ce produit a permis le financement de plusieurs opérations d’envergure, ce constat demeure valable pour les exercices à venir.

II.   UNE SITUATION PARTICULIÈRE QUI NE DOIT PAS OCCULTER LA FRAGILITÉ STRUCTURELLE DU MODÈLE DU CAS

Le caractère exceptionnel de l’exécution 2019, essentiellement lié à des encaissements extraordinaires, ne doit pas dissimuler la fragilité structurelle du modèle du CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État, sur laquelle le rapporteur spécial attire l’attention depuis plusieurs exercices. Cette situation appelle à poursuivre les travaux de réflexion engagés concernant le modèle économique du CAS ainsi que sa place au sein de la politique immobilière de l’État.

A.   la consolidation des recettes issues des redevances domaniales ne peut suffire À compenser l’Épuisement À venir du produit des cessions

Les recettes du CAS ont, en 2019, atteint un niveau particulièrement élevé (721,1 millions d’euros), mais rien n’indique que ce résultat soit amené à être stable dans le temps.

recettes du CAS en 2019

(en millions d’euros)

 

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Total des recettes

370,5

410,0

729,1

Cessions immobilières

255,6

320,0

613,3

Redevances domaniales et loyers

89,2

90,0

107,1

Versements du budget général

10,5

– 

4,6

Fonds de concours

15,2

– 

4,1

Source : Cour des comptes.


Si les redevances domaniales s’affirment comme une recette d’appoint essentielle pour le CAS, et dont l’importance s’est accrue à l’occasion de l’exercice 2019, la part des produits de cession dans le total des recettes (84 %) demeure prépondérante. À cet égard, l’érosion programmée de cette ressource n’est pas remise en cause par le niveau exceptionnel de la recette en 2019 ; et cet épuisement ne saurait, en l’état, être compensé par les redevances domaniales. Cette situation se répercute sur le niveau des dépenses, qui suit une tendance à la baisse.

1.   Les redevances domaniales, une recette d’appoint devenue indispensable à l’équilibre du CAS

Récente à l’échelle de la création du CAS, cette recette affectée à compter de l’exercice 2017 afin d’étayer les ressources du CAS avait initialement pour assiette le produit des redevances domaniales ou loyers perçus par l’État et provenant des concessions ou autorisations de toute nature de la compétence du représentant du ministre chargé du Budget dans le département, des concessions de logement dont la puissance publique est propriétaire ou locataire et des locations d’immeubles de son domaine privé, à l’exclusion des redevances ou des loyers de son domaine militaire. Cette nouvelle affectation a été concomitante avec la suppression du caractère obligatoire de la contribution du CAS au désendettement de l’État.

Dans l’optique de renforcer cette ressource régulière au profit du CAS, l’article 93 de la loi de finances pour 2019 a prévu l’extension des recettes du CAS aux redevances et loyers du domaine public et privé dont le ministre des armées est gestionnaire.

L’exercice 2019 confirme le caractère indispensable de ces recettes pour le CAS. La LFI pour 2019 faisait l’hypothèse d’une stabilité des recettes issues des redevances, en prévoyant un encaissement à hauteur de 90 millions d’euros, soit un montant identique à celui de 2018. Le produit s’est finalement révélé légèrement supérieur à la prévision, avec un montant arrêté à 107,1 millions d’euros – ce qui correspond à une progression non négligeable de près de 19 %. Il est à noter que la disposition précitée de la LFI 2019 (article 93) a conduit à rattacher 9 millions d’euros de redevances supplémentaires.

Sur l’exercice 2019, le produit des recettes domaniales a permis de couvrir plus du quart de la consommation des crédits de paiement (28 %), ce qui est de nature à démontrer leur importance pour l’équilibre du CAS. Ce constat prend d’autant plus de sens qu’il est fait dans le contexte d’incertitude qui entoure l’avenir du financement du CAS par le seul produit cessions immobilières.

Le rapporteur spécial recommande donc de poursuivre cette démarche d’extension de la part des redevances domaniales réservée au CAS, afin de consolider ses recettes régulières et, partant, de renforcer la soutenabilité de son modèle économique.

2.   Le produit des cessions immobilières, une ressource en voie d’épuisement ?

Le produit des cessions immobilières a connu ces dernières années de très fortes fluctuations. Après avoir subi une régression spéculaire en 2018, atteignant alors son plus faible niveau depuis la création du CAS (255,6 millions d’euros), il s’établit à 613,3 millions d’euros en 2019, soit son plus haut niveau depuis l’exercice 2007.

Les recettes des cessions immobilières font plus que doubler d’une année à l’autre, à l’inverse donc de la tendance observée depuis 2015. Au total, 663 biens ont été cédés en 2019 (+ 5,9 % par rapport à 2018).

Il convient cependant de relativiser ce constat, puisque sans la réalisation d’un nombre limité d’opérations exceptionnelles, les recettes du CAS se situeraient à un niveau très inférieur à celui constaté et sur une trajectoire constante de décrue, ce qu’illustre le graphique ci-dessous.

évolution des recettes du CAS

(en millions d’euros)

Source : Cour des comptes.

De même, le prix de vente moyen a été « artificiellement » tiré à la hausse par les cessions exceptionnelles – il s’établit à 887 282 euros pour l’exercice, contre 371 287 euros en 2018 – ce qui met fin à une trajectoire de diminution sans que l’on puisse, pour autant, en tirer des conclusions optimistes pour les exercices à venir.

En outre, l’unique indicateur du programme 723 confirme de manière flagrante le constat d’un épuisement à venir de cette recette. En effet, il fait apparaître une forte augmentation du stock global des surfaces de bureaux remis au Domaine depuis plus de 36 mois : il passe de 59 526 en 2017 à 90 038 en 2019 (+ 51 %). La part de ces biens remis au Domaine depuis plus de trois ans atteint 34,87 % de l’ensemble de la surface des bureaux en 2019, alors que la prévision du PAP annexé à la LFI pour 2019 fixait un objectif de 21 %. Il s’agit d’un accroissement du volume des biens complexes à céder, qui pourrait à terme grever les recettes du CAS.

Comme indiqué précédemment, les produits issus des cessions immobilières représentent encore 84 % de recettes du CAS en 2019, d’où la nécessité d’agir face à l’épuisement progressif de cette ressource. L’impact de la crise du covid-19 sur le marché immobilier à compter du mois de mars 2020 devrait peser sur la politique de cession de l’État, ce qui, combiné à la raréfaction des biens aisément valorisables, devrait confirmer l’érosion de cette recette pour les exercices à venir.


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L’EFFORT FINANCIER CONSENTI PAR L’ÉTAT AU TITRE
DE LA « DÉCOTE DUFLOT » EN 2019

En 2019, 12 biens domaniaux ont été vendus dans le cadre du dispositif de décote, pour un produit encaissé de 22 millions d’euros ; le montant total de la décote consenti par l’État au titre de l’année 2019 s’est donc élevé à 17 millions d’euros. Cela porte le taux de décote global sur cette période à 43 %.

Depuis sa création (2013-2019), 115 fonciers domaniaux ont fait l’objet d’une application de ce dispositif, pour un effort financier total de plus de 222 millions d’euros. À ceux-ci il convient d’ajouter 9 biens qui appartenaient au ministère de la défense et ont été, au cours de cette même période, cédés à l’euro symbolique, avec donc un taux de décote de 100 %, représentant une décote de 21,279 millions d’euros.

Au total, le coût cumulé du dispositif depuis son existence s’élève à 273,86 millions d’euros et a permis la réalisation de plus de 11 000 logements, dont près de 8 200 logements sociaux.

À plusieurs reprises, le rapporteur a souligné les pertes de recettes significatives engendrées par ce dispositif qui a, en contrepartie, contribué à un nombre relativement limité de logements sociaux. Pour cette raison, à son initiative, l’Assemblée nationale avait approuvé un amendement (article 274 de la LFI pour 2019) visant à retoucher ce dispositif afin de prendre en considération de nouveaux critères pour l’octroi de ladite décote. À cet égard, il ne peut que regretter que la publication du décret d’application, paru au Journal officiel du 27 décembre 2019 (décret n° 2019‑1460), ait été aussi tardive.

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire budgétaire adressé à la direction de l’immobilier de l’État (DIE).

On remarque dans le tableau ci-dessus que l’opération de Toulouse représente à elle seule 70 % de la décote totale sur l’année. Il sera intéressant de suivre le détail de la création de logements sociaux dans les prochaines années.

3.   Une situation qui explique la confirmation, en 2019, d’un mouvement de baisse tendancielle des dépenses en CP

En 2019, la consommation des CP suit une tendance inverse de celle des AE, ce qui s’explique par la nature des opérations financées sur le CAS : en matière immobilière, les délais sont souvent longs entre l’engagement d’une dépense, sa liquidation et son paiement.

De fait, le montant des CP consommés passe de 480,6 millions d’euros en 2018 à 385,8 millions d’euros en 2019, soit une baisse de 20 %. Il convient, là encore, de signaler l’important écart entre la prévision en LFI pour 2019 et la réalisation : le montant de cette dernière est inférieur de près de 100 millions d’euros à la prévision (qui était fixée à 483 millions d’euros).

La loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019 a annulé 93 millions d’euros de crédits de paiement sur le programme 723, ce qui a ramené le plafond de consommation de CP à 390 millions d’euros. Cela correspond, in fine, au niveau consommation atteint pour 2019.

Si les BOP régionaux présentent un niveau de consommation en légère hausse par rapport à 2018 (passant de 102,5 à 123 millions d’euros), les BOP ministériels ont fortement réduit leur consommation, qui est passée de 378,2 millions d’euros en 2018 à 262,8 millions en 2019. Cette baisse tient en particulier à une diminution du niveau de dépenses des services du Premier ministère, des ministères des armées, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, ou encore de l’éducation nationale et de la jeunesse.

CP consommés en 2019 au titre du programme 723

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé de l’action

Prévision LFI

Exécution

Exécution

Prévision

(en %)

11 – Opérations structurantes et cessions

322

215

– 106,96

12 – Contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics

22

22,7

+ 0,7

13 – Maintenance à la charge du propriétaire

44

48,9

+ 4,9

14 – Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

95

99,2

+ 4,2

Total programme 723

483

385,8

 97,2

Source : commission des finances à partir du rapport annuel de performance 2019.

Comme on le constate dans le tableau ci-dessus, l’écart par rapport à la prévision en 2019 est quasi exclusivement imputable à l’action 11 Opérations structurantes et de cessions, avec une différence de plus de 100 millions d’euros (322 millions ouverts pour 215 millions consommés).

À l’inverse, en ce qui concerne les différents programmes concernant l’entretien à la charge du propriétaire dit « entretien lourd », (actions 12 Contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics, 13 Maintenance à la charge du propriétaire et 14 Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état), la consommation de CP se maintient à un niveau conforme à ce que la LFI avait envisagé. Le rapporteur ne peut que saluer cette « sanctuarisation » des crédits alloués et consommés pour des dépenses d’entretien du propriétaire.

À l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement du budget pour 2018, le rapporteur constatait une baisse tendancielle des dépenses, laquelle intervient essentiellement pour compenser l’attrition des produits de cession. Comme cela a déjà été souligné, l’absence de corrélation entre AE et CP s’explique par la durée des opérations structurantes ; ainsi le fort niveau d’engagement en 2019 devrait-il se répercuter sur la consommation de CP des prochains exercices. Néanmoins, cette hausse des dépenses aura également pour origine le produit élevé des cessions immobilières en 2019. Cela conduit, une nouvelle fois, à souligner les « effets de bord » des règles de gestion du CAS : les dépenses étant conditionnées à l’existence de produits de cessions – par nature incertains –, les gestionnaires disposent d’une marge de manœuvre restreinte.

B.   Une RÉFLeXION À INTENSIFIER QUANT À L’AVENIR DU MODÈLE DU CAS ET à son rôle dans LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT

L’analyse de l’exercice 2019 conduit à réaffirmer la nécessité de renforcer la cohérence de l’usage du compte d’affectation spéciale.

1.   L’atteinte des objectifs assignés au CAS : un bilan contrasté

Vecteur budgétaire de la politique immobilière de l’État, le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État constitue avant tout un outil au service de la rationalisation de ce patrimoine immobilier. Or, cet objectif prioritaire de rationalisation du parc immobilier est loin d’être atteint, comme le révèle l’évolution du seul indicateur attaché CAS : la surface utile nette par poste.

Pour l’ensemble des bâtiments et bureau, la cible est fixée à 12 mètres carrés, ou 10 mètres carrés en zone tendue, pour une surface utile brute de respectivement 20 et 18 mètres carrés. Elle permet de mesurer l’optimisation du parc domanial et son adaptation aux besoins de l’État, et donc les efforts réalisés pour densifier les surfaces de bureaux. Pour 2019, la réalisation effective s’établit à 14,4 mètres carrés. Cela est certes proche de la cible fixée par le PAP annexé à la LFI pour de 2019 (14,3 mètres carrés) ; mais le rapporteur constate une stagnation de cet indicateur à long terme, laquelle peut en partie s’expliquer par la réduction des effectifs qui augmente le « mitage » des surfaces occupées (« effet ciseaux »).

Évolution des indicateurs de performance du CAS

G:\02.Commission\02.2. Examen des textes\02.2.6. Projets de loi de règlement\LR POUR 2019\27- gfp patri immo etat\6- Rapport\Tableaux\RS27- Evolution indicateurs CAS.PNG(en mètres carrés)

Source : Cour des comptes.

L’indicateur du programme 723 est également révélateur de l’existence de difficultés dans l’entreprise de rationalisation et de valorisation du patrimoine immobilier, puisque la part de bureaux inoccupés remis au Domaine depuis plus de 36 mois s’est fortement accrue. Elle s’élève à près de 35 % de la surface totale, alors que la prévision du PAP annexé à la LFI pour 2019 était de 21 %. La cible de 20 % à l’horizon 2020 ne sera vraisemblablement pas atteinte, ce qui démontre que le volume des biens complexes à céder est en accroissement.

D’autre part, depuis 2018, le CAS contribue à la réalisation du Grand plan d’investissement (GPI) du quinquennat, en mettant en œuvre l’une des priorités du Gouvernement : la transition énergétique. À ce titre, les opérations d’entretien du propriétaire et les projets immobiliers comportant une dimension de transition écologique financés sur le programme 723 sont comptabilisés comme contribuant au GPI. Une telle démarche implique un suivi budgétaire spécifique. Selon l’enquête du ministère de la transition écologique et solidaire effectuée pour déterminer la part des crédits « rattachables » au GPI en 2018, ce montant s’élevait à 192 millions d’euros en CP en 2018.

S’agissant de l’exercice 2019, l’enquête annuelle auprès des responsables de budget opérationnel de programme (RBOP) ministériels et préfectoraux a abouti à un résultat consolidé de 134 millions d’euros en AE (+ 28 millions par rapport à la prévision en LFI pour 2019) et 97 millions d’euros en CP (– 65 millions par rapport à cette même prévision).

 

 

Le rapporteur s’interroge sur la pertinence d’un tel procédé, par lequel des dépenses de performance énergétique – qui seraient en tout état de cause réalisées  sont « rangées » a posteriori parmi les investissements de l’État en matière de transition énergétique. Cela conduit à une sorte de « labellisation », qui gagnerait à être davantage justifiée ; actuellement, aucun indicateur ne permet de mesurer de façon satisfaisante la performance des dépenses en question.

2.   Une utilisation « détournée » du CAS qui interroge sur sa place au sein de la politique immobilière de l’État

Le fonctionnement du CAS, vecteur budgétaire interministériel de la politique immobilière de l’État, repose sur la règle suivante : les produits de cessions sont répartis à égalité entre les anciens ministères occupants et le CAS. Ce principe de mutualisation de la moitié du produit ne s’applique toutefois pas aux biens du ministère des armées et aux biens à l’étranger du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. L’objectif de cette règle est de mutualiser les recettes au profit des dépenses d’entretien du propriétaire et d’inciter les ministères à respecter les principes de la politique immobilière de l’État.

Cependant, le rapporteur observe que le CAS est parfois utilisé par les ministères occupants au mépris de ses règles de gestion. D’une part, les ressources ne sont pas systématiquement mutualisées : tel fut le cas du projet du plateau de Saclay, pour lequel les produits tirés de la cession des locaux des structures ayant décidé de rejoindre le plateau n’ont pas été mutualisés mais entièrement reversés au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Formellement, les crédits correspondant à ces cessions ont été reversés sur le CAS puis directement fléchés vers le ministère.

D’autre part, plusieurs avances ont été octroyées via le CAS, gageant ainsi des opérations immobilières sur des cessions futures. Ainsi, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères s’est vu accorder une avance de 100 millions d’euros au titre de l’action 11 du programme 723, laquelle devra être remboursée par des cessions devant intervenir entre 2021 et 2025. Il y a lieu de s’interroger sur la pertinence du recours à un tel mécanisme, dans la mesure où les produits de cession du ministère sont en constante diminution depuis 2015 et sont attendus à seulement 30 millions d’euros pour 2020. Cela pourrait l’inciter à céder dans des conditions peu optimales de prestigieuses emprises à l’étranger afin de dégager des ressources suffisantes au remboursement de cette avance. Cette somme de 100 millions d’euros est, de surcroît, affectée à la sécurisation des emprises à l’étranger, dépense qui ne présente pas un caractère exceptionnel et relève de dépenses régulières d’entretien du réseau diplomatique français.

Au titre de l’action 14 Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en l’état, une avance de 5,62 millions d’euros a été accordée en 2019 au profit de la Présidence de la République pour des travaux de rénovation et d’aménagement du palais de l’Alma, inscrits dans le schéma directeur immobilier de l’Élysée. Le coût total de la première phase de ces travaux étant évalué à 11,5 millions, une avance complémentaire de 6 millions d’euros sera réalisée au titre de l’année 2020.

Outre le risque que ferait peser sur l’équilibre du CAS la multiplication de telles avances, celle-ci pose la question de la place du CAS au sein de la politique immobilière de l’État. La Cour des comptes relève que pour des projets immobiliers de grande ampleur, le recours à d’autres supports budgétaires pourrait être préféré. Le comité de transformation publique du 29 octobre 2018 soulignait en effet que le modèle d’une valorisation du parc par la seule cession n’est pas soutenable et tend actuellement à s’essouffler, d’où la nécessité de poursuivre les travaux de réflexion engagés en ce qui concerne l’avenir du modèle du CAS.

3.   La nécessité de faire aboutir les travaux de réflexions sur l’évolution du modèle économique du CAS

Malgré un niveau élevé de recettes, l’exercice 2019 démontre une nouvelle fois la précarité d’un modèle fondé sur le « tout-cession ». Ainsi que le rapporteur l’a déjà souligné à l’occasion de son rapport sur le projet de loi de finances pour 2020, il apparaît aujourd’hui nécessaire de sortir de l’alternative réductrice entre conservation et vente des biens.

La mission « valorisation » lancée à l’issue du comité de transformation publique du 29 octobre 2018 et destinée à étudier les modalités d’une meilleure valorisation locative des biens inutilisés a été prolongée après le rendu de ses premières conclusions à l’été 2019. Sont actuellement examinés plusieurs scénarios qui allient différents modes de gestion et de détention des actifs concernés ; dans cette optique, il s’agirait de doter le CAS de recettes récurrentes et adaptées au financement d’opérations immobilières pluriannuelles.

La Cour des comptes estime qu’à défaut de trouver un modèle économique soutenable sur le long terme, il pourrait s’avérer « nécessaire d’examiner la pertinence de ce support budgétaire ». Le rapporteur spécial convient qu’un effort particulier doit être mené pour s’inscrire dans une trajectoire soutenable. Pour autant, il juge impératif de maintenir le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État, seul instrument budgétaire à même d’assurer une gestion pluriannuelle et interministérielle du patrimoine de l’État.

 


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   SECONDE PARTIE : LES EFFETS DE LA CRISE SANITAIRE DE 2020

À court terme, la crise affecte directement les activités de cession et d’achat dont le compte d’affectation spéciale est le support. Elle pourrait également avoir des effets de long terme sur la gestion de l’immobilier de l’État.

I.   LA CRISE SANITAIRE ACTUELLE AURA D’IMPORTANTES RÉPERCUSSIONS SUR L’ENCAISSEMENT ET LE NIVEAU DES RECETTES DU CAS EN 2020

La trajectoire fixée en LFI semble d’ores et déjà hors de portée en ce qui concerne les cessions.

A.   lES MESURES SANITAIRES ONT FORTEMENT PERTURBÉ LE CALENDRIER DES CESSIONS

La loi de finances pour 2020 a fixé les recettes du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État à 380 millions d’euros, dont 280 millions (soit près des trois quarts) issus des produits de cessions, et 100 millions d’euros de redevances domaniales perçues par l’État.

À ce stade, il est permis de penser que l’encaissement de recettes qui sera réalisé au titre de l’exercice 2020 s’établira à un niveau inférieur à cette prévision. En effet, à compter du 16 mars 2020 – date de début du confinement –, en application des décisions prises par le Gouvernement en réponse à la crise sanitaire, l’intégralité des procédures de cession a été suspendue. Par conséquent, entre le 16 mars et le 11 mai 2020, l’État a retiré l’ensemble des annonces de biens à vendre publiées sur son site dédié (cessions.immobilier-etat.gouv.fr). Depuis le 11 mai, les procédures de cession, dont sont responsables les services déconcentrés de la direction de l’immobilier de l’État (DIE), ont progressivement repris.

Alors qu’il était prévu de vendre 240 biens au cours du premier trimestre 2020 (estimation en 8 janvier 2020) pour une valorisation brute totale de 51 millions d’euros, seuls 116 biens ont été effectivement cédés, pour un prix de vente total de 17,2 millions d’euros.

Ces cessions non réalisées – dont la date prévisionnelle est d’ores et déjà dépassée – représentent un manque à gagner conséquent pour les recettes du CAS, ainsi que le montre le tableau comparatif ci-après.


Montant des encaissements sur le CAS
au cours du premier quadrimestre en 2019 et 2020

(en millions d’euros)

Année

Janvier

Février

Mars

Avril

Total

2019

16 034 365

73 246 310

4 851 327

8 406 284

102 538 287

2020

102 538 287

18 628 107

10 258 558

0

64 042 976

Source : direction de l’immobilier de l’État (DIE).

Le montant total des encaissements au cours du premier quadrimestre s’est établi à 102,5 millions d’euros en 2019, contre seulement 64 millions en 2020. Cet écart est en partie imputable au fait qu’aucun encaissement n’a pas être réalisé au cours du mois d’avril 2020. Toutefois, il convient de préciser que le montant des encaissements en 2019 a été particulièrement élevé dès le premier quadrimestre en raison de la cession de l’hôtel de Seignelay (61 millions d’euros) intervenue en février 2019. Il n’en demeure pas moins qu’au total, au 20 avril 2020, 384 biens dont la date de cession prévisionnelle était fixée au premier ou deuxième trimestre sont toujours « à vendre » ; leur valorisation totale s’élève à 96 millions d’euros.

Selon la DIE, il est probable, en outre, que le montant d’encaissement des redevances domaniales soit inférieur à la prévision pour 2020, notamment en raison du risque de défaillances d’occupants du Domaine. Cette situation, si elle venait à se confirmer, irait également dans le sens d’une diminution des recettes du CAS en 2020.

B.   un RATTRAPAGE TOTAL DES RECETTES NON ENCAISSÉES EN RAISON DE LA CRISE SANITAIRE EST PEU PROBABLE

Il est vraisemblable que l’effet de rattrapage concernant les cessions réalisées par les services de la DIE, s’il se produit, ne suffira pas à atteindre un montant de recettes conforme aux prévisions de la loi de finances pour 2020.

En premier lieu, les cessions non réalisées et retardées pourraient ne pas être conclues dans leur totalité avant la fin de l’année en raison d’une reprise seulement « progressive » des procédures de cessions. Les visites de biens immobiliers mis en vente par l’État devront également être conduites conformément aux consignes de sécurité sanitaire, ce qui peut nécessiter un temps d’adaptation.

En second lieu, une part importante des biens dont la vente était prévue au cours du deuxième trimestre sont classés dans la catégorie des biens dont la cession est réputée « difficile » ou « très difficile ». Comme le montre le tableau ci-après, ils sont respectivement au nombre de 140 et 78 sur un total de 303 biens ; ils représentent donc 72 % des biens dont la cession était planifiée sur la même période.

Ces biens difficiles à céder constituent en outre ceux pour lesquels la valorisation est la plus importante. Pour ces raisons, il paraît assez peu probable qu’un rattrapage du retard engendré par la crise sanitaire puisse être complet. On verrait alors s’accroître le stock de biens difficiles à vendre remis au Domaine depuis plus de 36 mois, alors même que cet indicateur s’est déjà dégradé de façon importante au cours de l’exercice 2019.

Biens à vendre au deuxième trimestre 2020
classés par niveau de difficulté

(en euros)

Difficulté de cession

Nombre de biens

Valorisation totale

0 - Certaine

9

3 134 156

1 - Facile

76

13 535 945

2 - Difficile

140

29 549 256

3 - Très difficile

78

35 074 714

Total résultat

303

81 294 071

Source : direction de l’immobilier de l’État (DIE).

En dernier lieu, la période de suspension des cessions devrait se répercuter sur les ventes dont la réalisation était initialement planifiée au cours du quatrième trimestre de l’année 2020. Selon la DIE, à la date du 20 avril 2020, 34 biens présentent une valorisation supérieure à 10 millions d’euros, dont 20 affichent une date prévisionnelle de cession au quatrième semestre 2020. La valorisation totale brute de ces 20 biens s’élève à 340 millions d’euros. Il est fort probable que la date de leur cession soit repoussée en raison de la crise sanitaire actuelle, ce qui amputerait fortement le montant des recettes du CAS en 2020 par rapport à la prévision arrêtée en loi de finances initiale.

La situation sanitaire exceptionnelle que connaît la France menace donc l’équilibre du CAS. À titre de comparaison, entre 2008 et 2009, en raison de la crise économique et financière, le CAS était passé d’un excédent de 40 millions d’euros à un déficit de 284 millions d’euros. Si la crise actuelle est d’une autre nature et devrait emporter des conséquences différentes sur le déploiement de la politique immobilière de l’État et les crédits y afférent, ce chiffre offre un aperçu des répercussions que peut entraîner une perturbation du marché immobilier sur l’équilibre du CAS.

II.   les consÉquences envisageableS de la crise sanitaire sur les opÉrations immobiliÈres FINANCÉes par le cas

La crise doit également être envisagée du point de vue de ses effets sur les dépenses du compte d’affectation spéciale.

A.   l’impact sur les opÉrations immobiliÈres devrait demeurer restreint À court terme

Le fonctionnement particulier du CAS et la nature des opérations qu’il finance induisent nécessairement un décalage entre l’engagement d’une dépense et sa liquidation. Ainsi le financement par le programme 723 est-il lié non pas aux recettes à venir mais aux recettes d’ores et déjà encaissées sur le CAS.

Dans ces conditions, l’éventuelle diminution des recettes encaissées au titre de l’année 2020 n’est pas de nature à remettre en cause les projets en cours. Les projets immobiliers sont, en effet, déjà financés avec une consommation d’AE correspondant aux engagements juridiques. Si la quasi-totalité des projets en cours a été suspendue à compter de l’entrée en vigueur des mesures de confinement (le 16 mars 2020), ils reprennent progressivement depuis le début déconfinement le 11 mai. Le calendrier prévisionnel pourrait donc s’en trouver affecté, mais pas la poursuite desdits projets.

Parallèlement, le haut niveau de recettes encaissé par le CAS en 2020 a permis une importante consommation d’AE, laquelle se répercute sur les exercices suivants en termes de consommation de CP. Dès lors, les dépenses d’entretien du propriétaire et les opérations immobilières devraient être assurées à court terme.

Dans l’hypothèse où certaines opérations ne seraient pas remises en cause mais retardées, une annulation de crédits par le biais d’une loi de finances rectificative en 2020 n’est pas à exclure. Pour rappel, la dégradation du marché de l’immobilier consécutive à la crise financière de 2008 avait donné lieu à une annulation de crédits – par la loi de règlement du budget de 2009 – d’un montant de 582 millions d’euros en CP et de 225 millions d’euros en AE du fait de recettes de cessions moins importantes que prévues.

Néanmoins, il demeure difficile d’anticiper les véritables effets de la crise sanitaire sur la valeur du patrimoine de l’État.


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B.   la crise pourrait en revanche affecter durablement LES EXERCICES À VENIR

Dans la mesure où elle repose encore largement sur l’encaissement de produits de cession, la part de la politique immobilière de l’État financée par le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État pourrait être compromise à moyen terme par une dégradation des produits de cession encaissés.

En effet, le mouvement de baisse tendancielle des dépenses du CAS, souligné depuis plusieurs exercices par le rapporteur spécial, s’explique en partie par l’attrition progressive des recettes issues des produits de cessions. Dans l’hypothèse où la crise sanitaire actuelle affecterait durablement les recettes du CAS, un mouvement de baisse prolongée des dépenses pourrait de nouveau s’amorcer à compter de l’exercice 2020, après la légère augmentation de 2019.

En outre, si la direction de l’immobilier de l’État indique qu’elle n’est pas en mesure d’évaluer l’hypothèse d’une réouverture du programme 721 Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État, cette éventualité ne saurait être définitivement exclue à ce stade.

Face à l’accroissement de la dette publique consécutif aux mesures prises en réponse à la crise économique et financière de 2008-2009, la loi de finances pour 2009 (article 195) a fixé la contribution au désendettement de l’État des cessions à un minimum de 15 %. Ultérieurement, la loi de finances pour 2011 a posé l’objectif d’un accroissement de la contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État en prévoyant une augmentation progressive du taux plancher de contribution, jusqu’à atteindre 30 % en 2014. Ce dispositif est demeuré en vigueur jusqu’en 2015, avant que le programme 721 ne soit privé, dans la loi de finances initiale pour 2018, de toute inscription. Dans un contexte de forte augmentation du déficit et de la dette publics, il n’est pas possible à ce stade de savoir si le CAS sera mis à contribution pour le redressement des finances publiques.

III.   Vers une transformation des usages ?

La crise sanitaire et l’observation des adaptations qu’elle a suscitées en matière de travail et de relation aux usagers devront conduire l’exécutif à inventorier les usages existants et à tracer les évolutions possibles la gestion globale de l’immobilier de l’État.

En quelques mois, le télétravail a connu un développement sans précédent, de même que la dématérialisation des relations entre administrations et usagers et le recours massif aux réunions à distance. Il conviendra d’analyser en profondeur quelles sont les évolutions qui répondent aux aspirations des agents et des administrés, et quelles sont celles qui n’y répondent pas. En tout état de cause, cette analyse ne sera pas sans conséquences sur la façon dont sont envisagées la gestion et la valorisation de l’immobilier de l’État.


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   EXAMEN EN COMMISSION

 

Lors de sa réunion de 15 heures, le mercredi 3 juin 2020, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Jean-Paul Mattei, rapporteur spécial des crédits de la mission Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

 

 

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale. Le compte-rendu le sera très prochainement.

 

 


([1]) Loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

([2]) Texte n° 1039 – Proposition de résolution de M. Jean-Paul Mattei pour un usage plus proportionné et pertinent de la décote applicable aux cessions de biens et actifs immobiliers du domaine privé de l’État.

([3]) Amendement n° II‑CF309, présenté par M. Mattei, rapporteur. Article 274 de la loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([4]) Article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([5]) Article 42 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([6]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.