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N° 3011

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2020

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et dapprobation des comptes de lannée 2019 (n° 2899),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 9
 

 

COHÉSION DES TERRITOIRES :

 

POLITIQUE DES TERRITOIRES

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Mohamed LAQHILA

 

Député

____

 



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SOMMAIRE

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SYNTHÈSE, chiffres-clés et RECOMMANDATIONS

PREMIÈRE PARTIE : EXÉCUTION des crÉdits demandÉs

I. Le programme 112 Impulsion et coordination de la politique damÉnagement du territoire

A. Analyse de lexÉcution budgÉtaire

1. Lexécution de 2019 marquée par une sous-consommation en CP en raison de la réduction des moyens consacrés à la prime daménagement du territoire (PAT)

2. Les rythmes de consommation de crédits variables pour les actions contractualisées

B. Les points dattention du rapporteur

1. Des dépenses fiscales dynamiques

2. Le nouveau projet « maisons France Services »

a. Un nouveau cadre financier

b. Une année de transition pour permettre lamélioration des structures

II. Le programme 162 interventions territoriales de lÉtat

A. Lexécution du programme exceptionnel dinvestissements en faveur de la Corse (PEI corse) : une gestion complexe et des besoins importants

B. Le plan chlordÉcone

C. Les autres actions

III. Le programme 147 Politique de la ville

A. Une misE en œuvre moins rapide quespÉrée du plan de mobilisation nationale

1. Le recalibrage du volume des AE destinées au NPNRU

2. Le démarrage prudent des Cités éducatives et la sous-exécution récurrente du dispositif adulte-relais

a. Les Cités éducatives

b. Le dispositif adulte-relais

B. La HAUSSE trompeuse des dÉpenses fiscales

Seconde partie : Les conséquences budgétaires du covid-19

I. Les conséquences du covid-19 pour lamÉnagement du territoire et les quartiers prioritaires de la politique de la vie (QPV)

A. les disparités territoriales à la lumière de la crise pandémique

1. Des difficultés sociales, économiques et sanitaires exacerbées en QPV

2. Des problématiques différentes selon les territoires

B. les consÉquences du ralentissement des projets et de lactivitÉ Économique

1. Larrêt des chantiers

2. Le report des municipales

C. Des conséquences budgétaires encore incertaines

1. Un rythme de consommation des crédits potentiellement décalé par le ralentissement de projets

2. Les conséquences éventuelles dune crise économique

II. Le plan durgence pour les quartiers

1. Le soutien aux associations

2. Laccompagnement des élèves dans les QPV

3. Un impact budgétaire limité

III. penser le plan de relance

A. des besoins importants dans les territoires

1. Les remontées font état de besoins importants

2. Des programmes porteurs, outils dune relance

a. Territoires dindustrie

b. Action cœur de ville

c. Petites villes de demain

3. La nouvelle génération des contrats de plan État-région (CPER) 2021-2027

B. Une action spécifique à destination des qpv est nécessaire

1. La Mobilisation pour les habitants des quartiers à amplifier

2. De nouveaux axes prioritaires

3. Un plan de soutien aux associations

Examen en commission

Personnes auditionnÉes par le rapporteur spÉcial

SOURCES utilisées par le rapporteur spécial


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   SYNTHÈSE, chiffres-clés et RECOMMANDATIONS

Appréciation globale sur lexécution :

La dette de lÉtat vis-à-vis des organismes de sécurité sociale au titre de la compensation des exonérations de charges sociales accordées aux entreprises implantées dans les zones franches urbaines (ZFU) avant le 31 décembre 2014 atteignait 37,5 millions deuros en 2018. Elle a été entièrement résorbée en 2019.

Le plan de Mobilisation nationale pour les habitants des quartiers a connu une montée en puissance poussive sur le programme 147.

Les dépenses fiscales rattachées aux programmes 112 et 147 représentaient 2,3 milliards deuros en 2018 soit plus de trois fois le montant des crédits budgétaires alloués aux deux programmes. Le rapporteur regrette labsence destimation pour 2019 du montant de la dépense liée au taux de TVA à 5,5 % pour laccession sociale à la propriété dans le rapport annuel de performance du programme 147. Cette dépense représentait plus de 80 % du montant total des dépenses fiscales des deux programmes en 2018. Plus généralement, le rapporteur sinterroge sur lefficacité des dépenses fiscales en labsence dévaluation de lefficacité de ces dispositifs.

Principaux constats relatifs à la crise sanitaire du Covid-19

Ladministration de lÉtat a su faire preuve de réactivité dans les quartiers prioritaires de la ville pour assurer la continuité pédagogique et venir en soutien des populations socialement les plus en difficulté.

Recommandation : Dans le cadre du plan de relance, l’État pourrait accompagner davantage les collectivités territoriales dans leurs opérations d’aménagement et faciliter le déploiement opérationnel des différents programmes soutenus par l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

 

 

 

 

Évolution de la mission Politique des territoires (en cP)

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

 

 

dette de l’État vis-À-vis des organismes de sÉcuritÉ sociale
au titre du dispositif zones franches urbaines (zfu)

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

 


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   PREMIÈRE PARTIE : EXÉCUTION des crÉdits demandÉs

Les crédits consommés par les programmes 112 Impulsion et coordination de la politique daménagement du territoire, 162 Interventions territoriales de lÉtat et 147 Politique de la ville au titre de la partie Politique des territoires de la mission Cohésion des territoires atteignent en 2019 712,6 millions deuros ([1]) en autorisations dengagement (AE) et 750 millions deuros en crédits de paiement (CP). Ils sont en augmentation de 11 % en AE et 8 % en CP par rapport à 2018.

 

L’exécution 2019 des crédits de la mission

(en millions d’euros)

 

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution/
prévision (en valeur absolue)

Taux d’exécution (en pourcentage)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 112

216,1

257,6

202,5

229,3

+ 13,6

– 28,3

93,7 %

89,0 %

Programme 162

55,6

45,7

38,5

47,4

– 17,1

+ 1,7

69,2 %

103,7 %

Programme 147

669,3

509,3

471,6

473,3

– 197,7

– 36

70,5 %

92,9 %

Total

941

812,6

712,6

750,0

– 201,2

– 62,6

87,7 %

92,3 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires après retraitement des données.

évolution de l’exécution depuis 2017

(en millions d’euros)

 

Exécution 2017

Exécution 2018

Exécution 2019

Évolution
2018-2019 (valeur absolue)

Évolution 2018-2019 (en pourcentage)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 112

322,6

214,9

191,8

240,4

202,5

229,3

+ 10,7

– 11,1

+ 6 %

– 5 %

Programme 162

43,3

47,1

49,2

55,7

38,5

47,4

– 0,7

– 8,3

– 22 %

– 15 %

Programme 147

366,4

368,6

400,2

399,2

471,6

473,3

+ 71,4

+ 74,1

+ 18 %

+ 19 %

Total

732,4

630,6

641,2

695,3

712,6

750,0

+ 51,3

+ 54,7

+ 11 %

+ 8 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires après retraitement des données.

Si le taux d’exécution en CP est globalement satisfaisant (92,3 %), il cache des redéploiements importants au niveau du programme 147. La lente montée en charge du plan de Mobilisation pour les habitants des quartiers a permis le redéploiement de crédits pour purger la dette accumulée de lÉtat vis-à-vis de lACOSS au titre de la compensation des exonérations de cotisations sociales en zones franches urbaines (ZFU) pour les entreprises implantées avant le 1er janvier 2015. Lécart entre les AE budgétées en loi de finances initiale pour 2019 (LFI 2019) et les AE réellement consommées sexpliquent par le recalibrage opéré pour le financement du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) sur le programme 147. Les autorisations non engagées destinées à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ont été reportées en 2020.

Les dépenses fiscales rattachées aux programmes 112 et 147 représenteraient, d’après les prévisions du tome II Voies et moyens du projet de loi de finances pour 2020 (PLF 2020), 2 334 millions deuros en 2019, 31 millions d’euros de plus qu’en 2018. Cest trois fois le montant des crédits budgétaires alloués à la mission entière. Un seul dispositif, le taux de 5,5 % applicable aux logements en accession sociale à la propriété, représente à lui seul plus de 60 % de ces dépenses fiscales. Il nest cependant pas estimé pour 2019 dans le rapport annuel de performance. La très forte augmentation de cette dépense dès 2018 est liée à une nouvelle comptabilisation de la dépense. Le rapporteur souhaite renforcer lévaluation de lefficacité des dépenses fiscales rattachées aux programmes 112 et 147.

I.   Le programme 112 Impulsion et coordination de la politique damÉnagement du territoire

Le programme 112 (202,5 millions d’euros en AE et 229,3 millions d’euros en CP) est composé en majorité de dépenses d’intervention discrétionnaires. Elles appuient l’action d’aménagement du territoire des collectivités locales et des autres porteurs de projet locaux dans un cadre souvent contractualisé et pluriannuel.

Plus de 75 % des crédits du programme 112 transitent par le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) qui financent entre autres les contrats de plan État-région (CPER), les contrats de convergence et de transformation ainsi que les Maisons de service au public (MSAP). Le programme porte également les CP des contrats de ruralité et du pacte État-métropoles pour les engagements de la seule année 2017 ainsi que ceux alloués à la prime d’aménagement du territoire (PAT). Concernant les opérateurs, le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), remplacé par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) depuis le 1er janvier 2020, est financé par le programme tandis qu’une subvention est allouée à titre subsidiaire à Business France.

Deux enseignements peuvent être tirés de l’exécution budgétaire 2019 :

– l’année 2019 aura été une année de transition pour les MSAP appelées à basculer vers le dispositif maisons France Services en 2020. Le gel des labellisations a ainsi permis la montée en gamme des structures déjà ouvertes ;

– la PAT a connu une sous-exécution importante liée à des difficultés administratives et à l’extinction programmée du dispositif. Elle a participé à l’importante annulation de crédits qui a contraint la fin d’exercice.

A.   Analyse de l’exÉcution budgÉtaire

exécution 2019 du programme 112

(en million d’euros)

 

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Évolution 2018/2019

Exécution / prévision

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 1 : Attractivité économique et compétitivité des territoires

55,2

76,1

60,3

81,7

57

58,5

3,3 %

– 23,1 %

– 5,5 %

– 28,4 %

Action 2 : Développement solidaire et équilibré des territoires

107

134,3

125,2

145,1

115,6

143,4

8,0 %

6,8 %

– 7,7 %

– 1,2 %

Action 4 : Instrument de pilotage et d’études

29,6

29,9

30,7

30,7

29,9

27,4

1,0 %

– 8,4 %

– 2,6 %

– 10,7 %

Total

191,8

240,3

216,2

257,6

202,5

229,3

5,6 %

– 4,6 %

– 6,3 %

– 11,0 %

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires (en gras les chiffres ayant fait l’objet d’un retraitement).

Les chiffres des documents budgétaires ne coïncident pas avec ceux présentés par le rapporteur. En effet, les données retracées dans le rapport annuel de performance ne permettent pas de retranscrire le niveau réel d’AE consommées : 20,1 millions d’euros (soit 12,1 pour l’action 1 et 8 millions pour l’action 2) doivent s’ajouter aux AE consommées au titre de la clôture d’engagements juridiques n’ayant pas fait l’objet d’une autorisation de recyclage.


Le retrait et la clôture des autorisations d’engagement

Le « recyclage » d’AE consiste à rendre disponible des AE par le retrait d’engagements juridiques devenus sans objet. Pour les exercices antérieurs, ce recyclage est interdit par larticle 160 du décret GBCP afin de ne pas porter atteinte au principe de sincérité du vote annuel des crédits par le Parlement. Il est autorisé de manière exceptionnelle (erreur comptable, changement de tiers bénéficiaires) après validation du contrôleur budgétaire.

Le responsable de programme signale que des retraits d’engagement juridique sur le programme 112 sont inévitables dans le cadre de projets pluriannuels et ce, afin d’ajuster l’engagement à la réalité de la dépense : un projet peut être achevé à un coût inférieur au montant estimé lors de son engagement voire tout simplement annulé et ne donner lieu à aucune dépense correspondante. Or sur l’application budgétaire utilisée par les services de l’État Chorus, les clôtures ou réductions d’engagements juridiques sans autorisation de recyclage baissent d’autant le montant des crédits engagés la même année.

En outre, une dépense imputée à l’action 1 (1,1 million d’AE et 0,25 million de CP) doit en réalité l’être à l’action 2.

1.   L’exécution de 2019 marquée par une sous-consommation en CP en raison de la réduction des moyens consacrés à la prime d’aménagement du territoire (PAT)

La consommation des crédits en 2019 s’établit à 202,5 millions d’euros en AE et 229,3 millions d’euros en CP soit une hausse de 5,6 % en AE et une baisse de 4,6 % en CP par rapport à 2018. La sous-exécution en CP par rapport aux prévisions de la LFI 2019 est à souligner ( 28,3 millions deuros). Elle trouve sa source dans lextinction de la prime daménagement du territoire (PAT).

Ce dispositif permet normalement de subventionner des projets industriels à fort potentiel économique (création d’emplois, innovation, etc.) dans les zones prioritaires. La LFI prévoyait 9,7 millions deuros en AE et 19,1 millions deuros en CP pour la PAT, soit des montants déjà en deçà des demandes du responsable de programme (30 millions d’euros en AE, 20,6 millions d’euros en CP). Lannée 2019 a été caractérisée par une très forte sous-exécution des CP puisque seuls 7,6 millions deuros ont été décaissés. Si la quasi-totalité des AE a été consommée, le nombre de projets primés baisse chaque année depuis 2017 : 36 en 2017, 23 en 2018, 19 en 2019 pour un nombre d’emplois créés également décroissant (3 910 emplois en 2017 pour 1 610 emplois en 2019).

Le responsable de programme avance les difficultés d’instruction et de suivi des dossiers par les pôles 3E des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) en pleine réorganisation. Une instruction a été donnée aux secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) afin que ceux-ci reprennent le suivi des dossiers dans les régions où il n’était plus assuré.

En réalité, on constate le rôle de variable dajustement de la PAT pour 2019 dont les crédits non consommés ont fortement contribué au haut niveau dannulation de crédits en fin de gestion. Lannulation de 23,5 millions deuros en CP (soit presque le double de la réserve de précaution) a conduit à ne pas honorer des demandes de paiement en fin dexercice au titre de la PAT : on constate une forte hausse des charges à payer, qui atteignent 8 millions deuros au 31 décembre 2019.

Par ailleurs, un projet qui avait localement reçu un avis favorable du préfet (aide sollicitée de 5 millions deuros) na pas pu être financé en raison de linsuffisance budgétaire en AE. Le saupoudrage des aides et la diminution de leur effet levier auraient affaibli lefficacité du dispositif selon le responsable de programme.

Le rapporteur prend acte de lextinction progressive du dispositif qui nest pas le résultat dun manque de projets. Il rappelle limportance de mécanismes incitant les entrepreneurs à investir dans les territoires fragiles alors que la relocalisation productive est aujourdhui une priorité politique. La PAT avait le mérite dêtre évaluée objectivement par des indicateurs de performance dans les documents budgétaires (RAP et PAP).

Il est donc attentif à la mise en œuvre du programme « territoires d’industrie » qui constitue une alternative. Le rapporteur exprime son intérêt en particulier pour le financement d’études dites de « sites clés en main », correspondant à du foncier directement exploitable, opérationnel et purgé d’un certain nombre de contraintes administratives et environnementales (archéologie préventive, dépollution, etc.). Ces sites doivent notamment permettre d’attirer de nouveaux investisseurs dans les territoires les plus fragiles.

2.   Les rythmes de consommation de crédits variables pour les actions contractualisées

Le rythme de consommation des AE et CP des différents contrats liant l’État aux collectivités territoriales (contrats de plan État-région – CPER –, contrats de convergence et de transformation, contrats de ruralité, pacte État-métropoles) est difficilement prévisible : malgré des efforts de programmation, les différences de rapidité de mise en œuvre des projets affectent le rythme d’engagement et de décaissement des crédits.

Grâce à la fongibilité des crédits entre dispositifs, un arbitrage est réalisé en fonction de l’avancement et de la priorité des projets portés au niveau local. Ainsi, les CPER et les contrats de ruralité ont pu compenser en 2019 la moindre consommation constatée au niveau d’autres opérations comme le pacte État-métropoles.

Par ailleurs, la sous-consommation en AE constatée au niveau des CPER et des contrats de convergence et de transformation s’explique par la mise en réserve de crédits pour la prise en charge par le CGET du financement du système d’information Synergie.

B.   Les points d’attention du rapporteur

1.   Des dépenses fiscales dynamiques

Les vingt dépenses fiscales rattachées à titre principal au programme 112 représentent 596 millions deuros, soit 34 millions de plus quen 2018 (+ 6 %).

Cette augmentation est liée au dynamisme de deux dépenses fiscales :

– le taux de TVA réduit en Corse (210 millions d’euros, + 10 millions d’euros par rapport à 2018) ;

– le crédit d’impôt pour investissement en Corse (100 millions d’euros, + 18 millions d’euros).

Le rapporteur souhaite attirer l’attention sur deux points :

 les cinq dépenses fiscales relatives aux successions et donations ainsi quaux droits denregistrement et de timbre ne font lobjet daucun chiffrage depuis leur création ;

 les dépenses fiscales étaient évaluées à 478 millions deuros pour 2018. En fin dexercice, elles se révèlent être supérieures de 84 millions deuros (562 millions deuros) avec les chiffres consolidés. L’augmentation du coût s’explique selon le responsable de programme par une réévaluation du nombre de bénéficiaires de certains dispositifs (exonération d’impôt sur les bénéfices dans les zones de revitalisation rurale, exonération des bénéfices réalisés par les entreprises créées entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2020 dans les zones d’aide à finalité régionale).

Labsence dévaluation de lefficacité des dépenses fiscales et les variations importantes entre estimations initiales et données consolidées sans justification des documents budgétaires nuisent à la lisibilité des dépenses fiscales du programme.

2.   Le nouveau projet « maisons France Services »

a.   Un nouveau cadre financier

La convention qui liait depuis 2015 les différents opérateurs à l’État pour le financement des Maisons de service au public (MSAP) est arrivée à échéance en 2019. Le modèle de financement des MSAP non postales reposait jusqu’en 2019 à 50 % sur les porteurs de projet (collectivités et associations), à 25 % sur les crédits budgétaires du programme 112 et à 25 % sur le fonds interopérateurs (FIO) au travers d’un fonds de concours rattaché au programme.

Des difficultés de financement sont apparues dès 2018. Le FIO s’est retrouvé incapable d’honorer ses engagements en raison du retrait de plusieurs opérateurs et de la croissance du nombre des MSAP victimes de leur succès. L’accord-cadre national France Services du 2 novembre 2019 solde la dette du FIO. Il réitère l’objectif d’un financement paritaire porté pour moitié par les crédits budgétaires du programme et pour moitié par les opérateurs du FIO renforcé par l’arrivée du ministère de l’intérieur et de celui de l’action et des comptes publics.

En 2019, le financement de l’État s’est élevé à 14,2 millions d’euros en AE et CP (dont 2,1 millions au titre du remboursement de la dette FIO 2018). Les rattachements de fonds de concours au programme, correspondant à la participation des opérateurs nationaux (Pôle emploi, Mutualité sociale agricole, Caisse nationale des allocations familiales, Caisse nationale d’assurance vieillesse et Caisse nationale d’assurance maladie) se sont élevés à 10 millions d’euros. À ce montant doivent être ajoutés les transferts de crédits correspondant à la contribution du ministère de l’action et des comptes publics et du ministère de l’intérieur, à hauteur de 4,4 millions d’euros.

Le rapporteur sera vigilant quant au respect du principe de financement paritaire entre le FIO et lÉtat réaffirmé par laccord-cadre du 2 novembre 2019.

b.   Une année de transition pour permettre l’amélioration des structures

Outre la redéfinition du cadre financier, l’année 2019 a été l’occasion de marquer une pause dans l’augmentation du nombre de MSAP. Un gel des nouvelles labellisations (1 344 MSAP au 1er janvier 2019) a été décidé en vue d’un basculement vers le dispositif France Services. La cible fixée par l’indicateur de performance dédié à 90 % des habitants de communes de moins de 30 000 habitants en 2019 à avoir accès à une MSAP en moins de 20 minutes au lieu de 72 % en 2018 n’a donc pas pu être atteinte.

L’absence de nouvelles labellisations est liée :

– au constat de « l’hétérogénéité du réseau tant en termes de qualité que d’offre de service » ([2]) qui appelait une remise à niveau ;

– à l’impasse financière précédemment décrite.

Afin de permettre une montée en gamme du réseau MSAP existant, la circulaire n° 6094-SG du 1er juillet 2019 a acté le principe d’un financement forfaitaire de 30 000 euros par MSAP en 2019 et prévoit des critères de sélection renforcés pour bénéficier du label France Service à partir de 2020.

Le rapporteur souhaite rappeler son attachement à un lieu plébiscité par la population des territoires ruraux. Il sera attentif à la montée en gamme des structures qui pourrait faire lobjet dun indicateur de performance dans le PAP 2021 tout comme à la création de nouvelles structures afin datteindre les objectifs fixés pour le quinquennat : un accès pour tous les Français à une France Services en moins de 30 minutes.

II.   Le programme 162 interventions territoriales de lÉtat

Le programme 162 regroupe les crédits de cinq actions caractérisées selon les documents budgétaires par « la nécessité d’une rapidité d’action de l’État ou d’accélération d’un plan complexe » : eau et agriculture en Bretagne, programme exceptionnel d’investissements en faveur de la Corse (PEI Corse), plan gouvernemental sur le Marais poitevin, plan chlordécone pour les Antilles, plan Littoral 21.

Le volume des crédits portés par le programme est limité : 47,7 millions deuros en CP en 2019 soit seulement 6,3 % du volume des trois programmes.

Recommandation : rattacher le programme 162 au programme 112, dans un objectif de cohérence des politiques publiques en lien avec l’aménagement du territoire.

La nette diminution par rapport à 2018, 22 % en AE et 15 % en CP, traduit une consommation moindre que prévu du PEI Corse qui porte 82 % des CP et 66 % des AE du programme.

ExÉcution du programme 162

(en millions d’euros)

 

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Évolution

2018-2019

Exécution/
prévision

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 2 – Eau – Agriculture en Bretagne

6,7

6,1

2,3

1,8

7

7,5

4 %

23 %

204 %

317 %

Action 4 – PEI Corse

38,5

45,6

47,3

37,8

25,4

33,8

– 34 %

– 26 %

– 46 %

– 11 %

Action 6 – Plan gouvernemental sur le Marais poitevin

0,9

1,7

-

1,6

-

1,5

-

– 12 %

-

– 6 %

Action 8 – Plan Chlordécone

2,1

2,1

2

2

2,2

2,3

5 %

10 %

10 %

15 %

Action 9 – Plan littoral 21

1

0,2

4

2,5

3,9

2,3

290 %

1 050 %

– 3 %

–  8 %

TOTAL

49,2

55,7

55,6

45,7

38,5

47,4

– 22 %

– 15 %

– 31 %

4 %

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.


— 1 —

 

A.   L’exécution du programme exceptionnel d’investissements en faveur de la Corse (PEI corse) : une gestion complexe et des besoins importants

Le PEI Corse mis en place en 2002 pour permettre un rattrapage des équipements et infrastructures publics de l’île prévoit la programmation d’opérations jusqu’à fin 2022 et les décaissements jusqu’à fin 2026. Le rythme de la mise en œuvre des mesures du PEI dépend des discussions menées avec la collectivité territoriale de Corse.

Le PEI fait l’objet d’un pilotage particulier dans la mesure où une distinction est opérée entre les crédits alloués en LFI pour les mesures du noyau budgétaire et ceux versés par voie de fonds de concours de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) en ce qui concerne les mesures routières, ferroviaires et portuaires.

Ainsi un double constat peut être dressé en 2019.

Les crédits du noyau budgétaire ont d’abord été fortement sollicités pour un taux d’exécution de 98 % en AE (26,8 millions d’euros) et 100 % en CP (17,8 millions d’euros). Le responsable de l’action considère que faute de crédits disponibles, 3,82 millions d’euros de projets supplémentaires prêts à être engagés en 2019 ont été retardés. Le stock total d’opérations programmées sur crédits budgétaires est supérieur à la prévision d’AE. Une attention particulière doit donc être portée à la soutenabilité financière du programme.

A contrario, les crédits du fonds de concours ont été consommés à un niveau moindre que prévu (taux d’exécution de 22 % en AE et de 57 % correspondant pour la plupart à des reports de 2018 à 2019) et cela pour plusieurs raisons :

– l’exécution des crédits du fonds de concours AFITF a connu un important retard en 2019 dû à la programmation retardée de plusieurs opérations (6,3 millions d’euros ont été engagés alors que 16,9 millions d’euros étaient disponibles) ;

– le niveau escompté des fonds de concours (20 millions d’euros en AE et CP en LFI) n’a pas été atteint : seuls 16,9 millions d’euros ont été effectivement versés. La chute des recettes issues des amendes générées par les radars automatiques aurait mis en difficulté les ressources de l’AFITF ;

– le rattachement tardif des crédits au fonds de concours en raison du calendrier interne de l’agence, ce qui oblige à des reports importants chaque année. Les reports de 2019 à 2020 s’élèvent à 27,4 millions d’euros en AE et 12,1 millions d’euros en CP soit un niveau supérieur à ceux de 2018 à 2019 (ayant atteint 8,9 millions d’euros en AE et 11,7 millions d’euros en CP).

Le rapporteur se félicite néanmoins de la diminution des restes à payer sur le PEI Corse (182,4 millions fin 2019 contre 190,7 fin 2019). Le PEI fait lobjet dun pilotage serré de la part du secrétariat général aux affaires corses facilitant lévaluation précise des besoins en AE et en CP jusquen 2026.

B.   Le plan chlordÉcone

La participation de l’État via le programme des interventions territoriales de l’État (action 8 du programme 162) au Plan Chlordécone III a dépassé les engagements pris en LFI 2019 avec 2,3 millions d’euros. Elle est appelée à monter en puissance avec un financement de 3 millions d’euros par an prévu à partir de 2020. C’est une bonne nouvelle : la commission d’enquête sur le chlordécone, qui a rendu ses travaux en novembre dernier ([3]), a montré que les crédits dédiés aux plans avaient été systématiquement sous-utilisés par le passé. Elle a également mis en lumière l’importance du programme 162 qui intervient dans 13 des 21 actions du Plan Chlordécone III (accompagnement des professionnels, information, recherche et contrôle sanitaire) : « au plus près des territoires, il est le véritable levier de la lutte contre la pollution au chlordécone »([4]).

Le rapporteur souhaite que soient corrigés les deux principaux défauts des plans successifs mis en lumière par la commission d’enquête notamment en vue de la conception du quatrième Plan Chlordécone : un pilotage du programme trop vertical et éloigné de la société civile et des compétences éclatées notamment dans l’exécution des contrôles. Le rapporteur est également sensible à la nécessité de renforcer les actions de recherche dont une partie est financée par le programme.

Il souligne par ailleurs l’absence de lisibilité de l’indicateur de performance mesurant les taux de non-conformité de chlordécone. Cet indicateur qui regroupe trois taux appliqués aux denrées végétales, aux denrées animales et à la production halieutique connaît d’importantes variations interannuelles. Les changements dans les protocoles et dispositifs de mesure ne sont pas neutralisés d’une année sur l’autre ce qui empêche d’évaluer les effets de la lutte contre le chlordécone alors même que les contrôles ont été renforcés.

C.   Les autres actions

Pour la deuxième année consécutive, l’action 02 Eau et agriculture en Bretagne a bénéficié d’un transfert en gestion de 5,5 millions d’euros en provenance du programme 149 Compétitivité et durabilité de lagriculture, de lagroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de laquaculture : le ministère de la transition écologique et solidaire et le ministère de l’agriculture et de l’alimentation ont décidé que l’importance du soutien de l’État au second plan de lutte contre les algues vertes devait se traduire par un engagement financier complémentaire.

L’extinction du plan gouvernemental pour le Marais poitevin est prévue pour 2020 avec le décaissement des derniers crédits de paiement.

Concernant le plan littoral 2021, le rapporteur regrette à nouveau labsence dindicateur de performance alors que le programme monte en puissance.

III.   Le programme 147 Politique de la ville

Le rapporteur regrette la montée en charge prudente de la Mobilisation nationale pour les habitants des quartiers, même si cela aura permis de purger la dette de l’État vis-à-vis de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) au titre des compensations dues pour l’exonération de charges sociales à destination des entreprises implantées en zones franches urbaines avant le 1er janvier 2015. Il souligne également l’absence de visibilité quant aux dépenses fiscales portées par le programme.

A.   Une misE en œuvre moins rapide qu’espÉrée du plan de mobilisation nationale

Le président de la République s’est engagé pour un grand plan de Mobilisation nationale pour les habitants des quartiers autour trois axes majeurs : garantir les mêmes droits aux habitants des quartiers, favoriser l’émancipation, faire République.              

Cette mobilisation s’est traduite budgétairement par un effort financier supplémentaire en direction des 1 514 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) qui concentrent les difficultés sociales et économiques du pays. La LFI 2019 a en effet augmenté fortement les crédits alloués au programme 147 par rapport à la LFI 2018 : + 240,3 millions d’euros en AE, + 80,3 millions d’euros en CP. Cette augmentation correspond aux mesures nouvelles annoncées par le Gouvernement le 18 juillet 2018.

Le bilan est en demi-teinte :

 le taux dexécution des AE est particulièrement faible (70 %) et trouve son origine dans le recalibrage opéré pour le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), en réalité sans effet sur lavancée des projets ;

 si le taux dexécution des CP est plus satisfaisant (93 %), il cache en réalité dimportants redéploiements de crédits.

1.   Le recalibrage du volume des AE destinées au NPNRU

Fin janvier 2020, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) avait validé les projets de renouvellement urbain de 381 quartiers sur les 480 que compte le programme grâce à une forte accélération en fin d’année. 9,7 milliards d’euros ont ainsi été mis à disposition des collectivités territoriales et des bailleurs sociaux pour lancer les chantiers sur leur territoire, permettant la réalisation de projets dont le montant est estimé à près de 33 milliards d’euros tous financeurs confondus. La participation de l’État dans le financement du NPNRU est de 24,3 millions d’euros en AE et en CP en 2019.

Un niveau très élevé d’AE pour accompagner la montée en charge du NPNRU (185 millions d’euros) avait été inscrit en LFI, bien au-delà des besoins de l’ANRU pour 2019. Le choix a été fait d’engager le seul montant nécessaire pour le paiement de l’annualité 2019 afin de faciliter la gestion. Cette mesure ne remet pas en cause l’engagement pris par l’État mais elle permet de lier le versement des crédits aux besoins de trésorerie de l’ANRU. Il a été ainsi décidé de reporter les AE non consommées en 2020 à hauteur de 155 millions d’euros.

2.   Le démarrage prudent des Cités éducatives et la sous-exécution récurrente du dispositif adulte-relais

Les moyens supplémentaires inscrits en LFI 2019 devaient permettre de financer les actions suivantes :

– l’expérimentation de Cités éducatives (34 millions d’euros) ;

– le développement d’une plateforme dédiée pour faciliter la recherche de stages de 3ème pour les jeunes des quartiers (2 millions d’euros) ;

– le renforcement de l’accompagnement des jeunes des quartiers dans leur insertion professionnelle (parrainage, tutorat, etc.) (3 millions d’euros) ;

– la création de 1 000 postes d’adultes-relais pour un objectif global de 5 000 adultes-relais soutenus par l’État (20 millions d’euros supplémentaires) ;

– le doublement du nombre de postes de coordinateurs associatifs dans les quartiers (de 760 à 1 520) financés par le FONJEP (Fonds jeunesse et éducation populaire) (7 millions d’euros supplémentaires) ;

– une hausse du soutien financier de l’État aux associations nationales les plus structurantes dans le champ de la politique de la ville (15 millions d’euros).

Seule la moitié des crédits supplémentaires (41,3 millions deuros) ont finalement été consommés fin 2019. Certains dispositifs sont rapidement montés en charge : cest le cas des aides du FONJEP ou les dispositifs daccompagnement des jeunes des quartiers. À linverse, les cités éducatives (8 millions deuros consommés sur 34 millions deuros budgétés en LFI) et le dispositif adultes-relais (66,9 millions deuros consommés contre 83 millions deuros inscrits au PLF) ont connu un déploiement plus lent.

a.   Les Cités éducatives

Concernant les cités éducatives, ces dispositifs ambitieux ont nécessité en 2019 un temps de préfiguration du dispositif comme préalable à la sélection des 80 cités. Une première enveloppe de 100 000 euros a été attribuée à chacune des cités éducatives lauréates qui se sont vues attribuer le label en septembre 2019, soit 8 millions d’euros. Selon le responsable de programme, la notification en 2020 à chaque cité éducative du montant attribué sur 3 ans permettra l’engagement total des crédits. La sous-exécution en 2019 s’expliquerait ainsi par un décalage dans le temps, nécessaire à la mise en place du dispositif.

Le rapporteur sera vigilant concernant la montée en charge du dispositif en 2020 alors que 100 millions deuros ont été prévus pour abonder le dispositif dici 2022.

Recommandation : créer un indicateur de performance pour évaluer l’efficacité des Cités éducatives

b.   Le dispositif adulte-relais

La sous-exécution du dispositif adulte-relais est récurrente. Alors que le plafond du nombre de postes est passé de 4 000 à 5 000, le nombre d’ETPT en 2019 (3 694) reste relativement faible.

Le responsable de programme évoque des difficultés de recrutement qui conduisent à un décalage important entre l’attribution du poste à un porteur (association ou collectivité territoriale) et le recrutement d’une personne donnant lieu au versement de l’aide. Les conditions d’âge et de résidence (personne de moins de 30 ans résidant en QPV) pour être embauché comme adulte-relais cumulées à la nécessité de sélectionner des agents capables d’assurer des missions de médiation, complexifient les recrutements notamment en période de reprise économique comme en 2019.

Le rapporteur entend les explications avancées par le responsable de programme mais est obligé de constater les décalages récurrents entre les crédits annoncés en LFI et la réalité de lexécution budgétaire. Cet écart persistant nuit à la sincérité et à la transparence de la programmation budgétaire.


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Le redéploiement des crédits a permis le remboursement de la dette de l’État détenue par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

dette de l’État vis-À-vis des organismes de sécurité sociale au titre du dispositif zones franches urbaines (zfu)

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

La dette de l’État vis-à-vis des organismes de sécurité sociale (ACOSS) s’est accumulée depuis 2015 en raison de l’écart important entre la prévision et la réalisation de la compensation due au titre des exonérations de charges sociales accordées aux entreprises dans le cadre du dispositif des zones franches urbaines (ZFU). Elle atteignait 37,5 millions d’euros au 31 décembre 2018. Sur la base des prévisions des caisses de sécurité́ sociale actualisées tout au long de l’année, la dette de l’État aurait dû s’élever fin 2019 à près de 53 millions d’euros.

Le redéploiement des crédits non consommés a permis de procéder à une suppression de la dette de l’État vis-à-vis des organismes de sécurité sociale, conformément aux engagements du Commissariat général à l’égalité des territoires.

Le rapporteur se félicite de lextinction de cette dette et espère quà lavenir le pilotage du programme en sera facilité.


B.   La HAUSSE trompeuse des dÉpenses fiscales

Le coût total des dépenses fiscales pour le programme 147 a été corrigé en 2018 : lestimation sélève à 1 819 millions deuros au lieu des 434 millions deuros indiqués dans le RAP 2018 (+ 419 %). Les coûts prévisionnels de 2019 et 2020 ne sont pas indiqués dans le RAP 2019.

Cela sexplique principalement par la nouvelle comptabilisation du coût du taux limité de TVA de 5,5 % pour les logements en accession sociale à la propriété dans les quartiers prioritaires. La dépense fiscale relative au taux limité de cette dépense fiscale est passée d’un montant de 150 millions d’euros en 2017 à 1 490 millions d’euros en 2018. Cette augmentation résulte d’un élargissement du périmètre de la dépense fiscale : le taux réduit recouvre dorénavant l’ensemble des opérations relevant du logement social et de l’accession sociale à la propriété bénéficiant de la TVA à 5,5 % (livraison de logement dans le cadre d’un prêt social de location-accession, opérations destinées à la conclusion d’un bail réel solidaire), au-delà des seules opérations en zone ANRU et dans les quartiers prioritaires.

L’article 30 de la loi de finances pour 2020 a modifié de nouveau le périmètre des taux réduits de TVA applicables à la livraison de logements sociaux. Elle a abaissé le taux de TVA de 10 % à 5,5 % à de nouvelles opérations comme les livraisons de logements locatifs sociaux financées par des prêts locatifs aidés d’intégration. Cette dépense fiscale risque donc d’augmenter à nouveau. Compte tenu des difficultés de chiffrage rencontrées par la DLF, celle-ci a jugé plus prudent d’indiquer que les coûts prévisionnels 2019 et 2020 sont « non chiffrables ».

Le rapporteur comprend difficilement que lélargissement du taux de TVA réduit à 5,5 % soit rattaché au programme 147 alors que cette dépense fiscale inclut des dispositifs qui ne sont pas exclusivement destinés à la politique de la ville. Il regrette labsence destimation du coût de la dépense fiscale pour 2019 et réitère son souhait dune évaluation de lefficacité de lensemble des dépenses fiscales.

 

Recommandation : évaluer les dépenses fiscales rattachées au programme 147 et détailler dans le RAP les modifications de comptabilisation de leur coût


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   Seconde partie :
Les conséquences budgétaires du covid-19

Avec le report des élections municipales et l’arrêt des chantiers, la crise sanitaire a eu pour effet direct d’interrompre les projets d’aménagement du territoire et de rénovation urbaine. Cela pourrait entraîner notamment pour le programme 112 Impulsion et coordination de la politique daménagement du territoire un report de consommation des crédits vers le second semestre de l’année sans conséquence budgétaire certaine.

Un soutien spécifique de 15 millions d’euros à destination des quartiers, opéré grâce à un redéploiement de crédits sur le programme 147 Politique de la ville, est venu en soutien de l’action des associations de proximité et a permis de donner aux élèves sans ressource informatique et numérique les moyens de poursuivre l’enseignement à distance.

L’aménagement du territoire sous toutes ses facettes (couverture numérique dans les zones rurales, relocalisation productive dans les territoires, dynamisation des centres-villes) doit constituer un axe majeur du projet de relance attendu par le rapporteur. Les collectivités territoriales, qui portent la majeure part de l’investissement public, devront être soutenues par l’État. De nombreux programmes pourront être amplifiés avec le concours de la nouvelle Agence de cohésion des territoires (ANCT). Le président de la République a également annoncé en janvier dernier un grand plan pour les associations : la crise sanitaire peut être l’occasion d’accélérer sa préparation alors que ces dernières ont joué un rôle crucial dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville durant la crise.

I.   Les conséquences du covid-19 pour l’amÉnagement du territoire et les quartiers prioritaires de la politique de la vie (QPV)

Si la crise sanitaire a des conséquences directes sur les actions menées par les collectivités territoriales et les autres porteurs de projet, les conséquences budgétaires devraient être limitées.


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A.   les disparités territoriales à la lumière de la crise pandémique

La crise du covid-19 a mis en lumière les disparités fortes entre les différents territoires en métropole et dans les Outre-mer.

1.   Des difficultés sociales, économiques et sanitaires exacerbées en QPV

Les QPV concentrent par définition des populations plus vulnérables. La crise actuelle a parfois aggravé des situations déjà délicates :

– les mesures de confinement ont rendu plus difficile la vie quotidienne des foyers qui subissent des conditions de logement dégradées. Le sentiment de densité et de promiscuité s’est renforcé ;

– l’impact du chômage partiel et du chômage structurel, la non-reconduction des contrats courts ainsi que l’assèchement des ressources provenant de l’économie informelle ont eu pour effet de diminuer significativement les revenus et le pouvoir d’achat des habitants.

La dégradation de la situation économique et sociale à l’échelle nationale risque de frapper de plein fouet les quartiers. On observe déjà un impact négatif dans la faible dynamique des dispositifs d’insertion depuis le confinement dont bénéficient traditionnellement de nombreux résidents des QPV. Les prescriptions d’emplois francs ont par exemple baissé de moitié et les contrats aidés de 60 % sur la période.

Le rapporteur tient à souligner la mobilisation des habitants des QPV durant la crise sanitaire : nombreux à composer la « première » et la « seconde » ligne (personnels d’entretien, caissiers, aides-soignantes, éboueurs, livreurs, etc.) les habitants des quartiers ont été contraints de continuer à se déplacer sur leur lieu de travail, fréquemment placés en situation de contact avec la clientèle ou les usagers. Grâce au relais et à linvestissement des acteurs de proximité (associations, collectivités territoriales, etc.), les tensions, parfois réelles, ont été limitées.

2.   Des problématiques différentes selon les territoires

L’arrêt de la production va fortement affecter certaines régions industrielles. Pour le seul secteur de la sous-traitance automobile, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a déjà identifié treize territoires fortement dépendants et potentiellement en souffrance. Des territoires de l’ouest de la France, jusque-là épargnés notamment dans le secteur de l’aéronautique, pourraient être en difficulté.

Concernant les territoires ruraux, la crise sanitaire a montré l’importance de disposer d’une couverture numérique de qualité. Certains acteurs associatifs et économiques dans les zones rurales fragiles et de montagne ou dans le secteur du tourisme et de l’artisanat pourraient souffrir de la crise.

B.   les consÉquences du ralentissement des projets et de l’activitÉ Économique

L’arrêt des chantiers et le report de la date second tour des élections municipales dorénavant fixée au 28 juin 2020 ont fortement ralenti l’avancée des projets aussi bien dans leur phase de conception que dans leur déploiement opérationnel.

1.   L’arrêt des chantiers

Les remontées du terrain font état de 70 % à 90 % de chantiers à l’arrêt durant la période de confinement ([5]). Ce taux pourrait même être plus élevé pour les chantiers publics, souvent plus lourds et complexes. Une reprise légère a été observée fin avril suite à la publication du guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des chantiers par la Fédération française du bâtiment (FFB). Le ministre chargé du logement et de la ville a annoncé mi-mai la reprise de plus de 70 % des chantiers.

Ce ralentissement temporaire a donc affecté les actions des programmes 112, 162 et 147 impliquant des travaux publics. Concernant les chantiers dont l’ANCT assure la maîtrise d’ouvrage et qui sont en cours ou en instance de démarrage (9 projets commerciaux et artisanaux), une hypothèse de retard de 3 à 6 mois est envisagée. Elle tient compte de l’arrêt mais aussi des règles de limitation de la co-activité imposant de détendre les plannings. Des retards sont également programmés pour les opérations du PEI Corse sur le programme 162.

Enfin, concernant l’activité de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l’achèvement du premier programme de renouvellement urbain (PNRU) prévu pour 2020 pourrait s’étendre au-delà alors que le lancement des chantiers du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) des projets déjà conventionnés pourrait être reporté.

2.   Le report des municipales

Le report des élections municipales a constitué un frein important à l’avancée des projets alors que les trois programmes s’inscrivent dans des actions contractualisées avec les collectivités territoriales.

L’exemple du programme soutenu par l’ANCT « Action cœur de ville » est parlant : 123 communes devront procéder à un second tour, sur un total de 234 villes parties prenantes du dispositif. Or, sur les 80 avenants finalisés, 46 villes n’ont pas d’élus au premier tour. Sur les 100 avenants non finalisés, 50 villes n’ont pas d’équipe municipale renouvelée. En l’absence d’installation des équipes municipales, les comités de projet ne peuvent plus se réunir et les conventions ne peuvent être validées.

Le programme « Société Numérique » constitue un autre exemple : l’appel à projets « Pass Numérique » à destination des collectivités territoriales a été décalé à fin juillet 2020 et le déploiement effectif des « Pass Numériques » dans les territoires pourrait être repoussé à 2021.

Concernant le NPNRU, un effort important a été consenti avant mars 2020 pour valider le maximum de conventions de renouvellement urbain, la période des élections étant traditionnellement une période creuse pour l’ANRU. Début mars, 85 % des projets nationaux et régionaux avaient été validés, soit une attribution de crédits atteignant 10 milliards d’euros (sur les 12 milliards d’euros prévus pour le NPNRU).

C.   Des conséquences budgétaires encore incertaines

1.   Un rythme de consommation des crédits potentiellement décalé par le ralentissement de projets

D’un point de vue budgétaire, les conséquences de ce ralentissement sont incertaines.

Des décalages dans les décaissements de CP ou des reports d’engagement sont actuellement constatés : Sur le programme 112, les secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) indiquent un glissement de l’activité administrative en matière d’engagement et de paiement des mois d’avril et mai vers les mois de juin et juillet. Mais ces retards devraient être rattrapés durant le deuxième semestre selon le responsable de programme. Un nombre restreint d’annulations de projets ont été enregistrées. Pour le programme 147, les dates limites d’engagement et de solde ayant une échéance pour le NPNRU pourraient être reportées par l’ANRU tout comme la date de fin de paiement pour le PNRU prévue au 31 décembre 2020.

En tout état de cause, la fongibilité des crédits, notamment dans le cadre du fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNDAT) sur le programme 112, permet aux autorités déconcentrées de s’adapter à la situation. Un ajustement des programmations a été réalisé afin de financer en priorité les porteurs de projets les plus fragiles (ceux rencontrant de fortes difficultés de trésorerie par exemple dans les zones rurales et de montagne dépendant du tourisme) et de flécher les crédits en vue d’accélérer les projets les plus avancés.

La perte de productivité engendrée par le respect des règles sanitaires pourrait entraîner des surcoûts importants dans les chantiers qui devront être négociés entre les différents acteurs. L’impact budgétaire sur les crédits des programmes 112, 162 et 147 n’est cependant pas certain et dépendra de la durée d’application des nouvelles règles. Pour les derniers chantiers du PNRU et les opérations du NPNRU déjà lancées, la question d’une répartition des coûts supplémentaires entre les différents contributeurs de l’ANRU (Action logement, bailleurs sociaux, État) ne se pose pas immédiatement.

2.   Les conséquences éventuelles d’une crise économique

La crise économique pourrait avoir des conséquences directes sur l’exécution budgétaire des programmes 112 et 147 indépendamment de mesures de relance. Le rapporteur note deux points :

– la vente des centres commerciaux repris par l’ANCT au titre des activités de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) se ralentira vraisemblablement. L’agence envisage également d’accorder des remises de loyers aux commerçants qui ont dû cesser toute activité durant la période de confinement. Le directeur de programme souligne lattention particulière qui sera portée à lANCT qui dispose dune faible trésorerie pour sa première année dexistence et pourrait avoir besoin dune dotation supplémentaire ;

– des économies sont à prévoir concernant le montant des exonérations dans le cadre du dispositif ZFU à compenser à l’ACOSS (estimé à 8 millions d’euros en LFI pour 2020). Le recours massif à l’activité partielle et les défaillances possibles impliquant le non-versement des cotisations sociales réduiraient dans ce cas le montant à compenser à l’ACOSS.

II.   Le plan d’urgence pour les quartiers

Le gouvernement a agi rapidement pour répondre au défi pédagogique dans les QPV et à la détresse économique et sociale parfois exprimée.

Certaines mesures transversales en réponse à la crise du Covid-19 concernent directement les ménages modestes présents en QPV :

– l’aide exceptionnelle de 150 euros pour les foyers allocataires du revenu de solidarité active relayée par les services de l’État au sein des QPV ;

– la distribution de chèques-services renforcée à partir du 19 avril en réponse aux demandes d’aide alimentaire des familles les plus fragiles ;

– le développement d’un réseau d’information et d’écoutes afin d’éviter l’expansion de « fake news » à travers des campagnes d’information sur les réseaux sociaux déployées depuis fin mars.

Concernant le programme 147 et l’aide spécifique aux habitants des QPV, la priorité a été donnée au soutien aux associations de proximité et à la continuité éducative.

1.   Le soutien aux associations

Les échanges hebdomadaires avec les associations nationales d’élus et les associations de professionnels de la politique de la ville ont permis de coordonner les mesures gouvernementales et les initiatives locales dans les quartiers prioritaires.

Pour répondre à la mobilisation forte des associations de proximité, une enveloppe de 50 000 euros a été déléguée à la main des préfets de département pour soutenir leur action dans les QPV durant la période de crise sanitaire (soit une enveloppe globale denviron 5 millions deuros). Celles-ci pourront bénéficier d’un soutien exceptionnel de 2 500 euros au maximum pour faire face aux dépenses de fonctionnement engagées pour poursuivre leur action.

L’ensemble des leviers visant à la simplification des procédures de dépôt et d’instruction des dossiers ont été mobilisés durant la crise. Les préfets ont reçu des instructions en vue d’accélérer le déploiement de crédits au bénéfice des associations de proximité pour garantir la pérennité de leurs interventions et leur adaptation au contexte du confinement : la totalité des crédits notifiés ont été mis à disposition des BOP régionaux dès le 26 mars.

Outre cette mesure d’urgence, les dispositions habituelles de soutien aux associations ont été garanties. Le versement de laide FONJEP, aide au poste octroyée aux associations déducation populaire, a été accéléré (versement des aides des deux premiers trimestres en mars 2020 au lieu d’un versement trimestriel). La campagne de demande de subvention pour 2020 a débuté selon le calendrier habituel, ce qui facilitera la reconstitution de la gestion ou reconstitution de leur trésorerie.

2.   L’accompagnement des élèves dans les QPV

Les difficultés inhérentes à l’enseignement à distance ont été exacerbées pour les élèves issus des QPV, notamment pour ceux qui ne disposent pas d’un environnement informatique et numérique adéquat. Des mesures exceptionnelles ont été engagées par le ministre en charge de la ville et du logement afin de pallier ces carences :

– la mobilisation de 15 % des crédits alloués aux 80 cités éducatives (soit 4,3 millions deuros) pour l’achat et la mise à disposition de matériel permettant aux élèves de suivre les enseignements à distance (achats de clés 4G et de tablettes numériques) ;

– une enveloppe de 5 millions deuros supplémentaires pour les QPV non couverts par une cité éducative a été déléguée aux préfectures aux fins de financer l’achat de matériel.

Les associations de proximité, les établissements scolaires et les collectivités territoriales jouent un rôle important dans la mise à disposition du matériel informatique. D’autres initiatives ont été prises pour accompagner les élèves des QPV :

– le plan « 1 000 livres dans les cités éducatives » a été doublé fin avril pour chacun des dix quartiers prioritaires choisis, atteignant ainsi 20 000 livres : ces quartiers ont reçu une dotation de mille livres jeunesse supplémentaires en provenance de l’association Biblionef ;

– le programme de mentorat est amplifié grâce aux initiatives lancées par les collectifs associatifs spécialisés dans le tutorat. L’objectif est d’assurer le suivi de 30 000 jeunes d’ici le mois de juillet, soit un doublement des élèves suivis actuellement.

Les autres actions éducatives du programme 147 font l’objet d’un suivi minutieux du responsable de programme : les équipes des programmes de réussite éducative sont restées pleinement engagées pour maintenir un accompagnement pédagogique et un contact avec les élèves suivis.

3.   Un impact budgétaire limité

Les mesures exceptionnelles liées au soutien des associations de proximité et au plan de continuité éducative sont chiffrées à 15 millions deuros. Si certains redéploiements entre les actions du programme sont prévisibles, ils ne devraient pas modifier fondamentalement l’équilibre d’ensemble du programme 147.

III.   penser le plan de relance

Linvestissement public en France est porté traditionnellement à plus des deux tiers par les collectivités territoriales. L’investissement public local contribuera donc à la reprise de l’activité économique dans les territoires alors que le secteur du bâtiment représente en France presque 400 000 entreprises, 1,5 million de salariés et 8 % du PIB français. L’État doit être un soutien aux opérations d’aménagement et de soutien aux territoires en difficulté. La relance de l’économie doit être, pour le rapporteur, l’occasion d’enclencher de nouvelles dynamiques et de s’emparer à bras-le-corps des enjeux de demain : révolution numérique, transition écologique, relocalisation industrielle, etc.

Le soutien aux QPV sur le plan éducatif, économique et social sera également crucial pour traverser une probable crise économique douloureuse dans les quartiers prioritaires. Les porteurs de projets, associations et collectivités territoriales devront être accompagnés dans cette démarche.

Dans ce contexte, le rapporteur est favorable à ce que laménagement du territoire et la politique de la ville occupent une place importante dans le plan de relance. Les circonstances doivent permettre daccélérer le caractère opérationnel des projets menés par les acteurs locaux.

A.   des besoins importants dans les territoires

Si, dans l’immédiat, le confinement a eu pour effet de freiner l’avancement des projets, des besoins complémentaires d’ici la fin de l’année ont déjà été identifiés par les SGAR. Le responsable de programme le souligne : il ny a pas aujourdhui de déficit de projets à financer sur le programme 112.

1.   Les remontées font état de besoins importants

Les projets daménagement du territoire ont naturellement vocation à soutenir linvestissement public et lactivité dans les territoires fragilisés par la crise. Par exemple, des crédits supplémentaires à lauto-développement en montagne (ADM) soutiendraient des structures associatives essentielles à lactivité des territoires de montagne qui se trouvent aujourdhui fragilisés. Le financement des actions daménagement via les contrats de plan État-région (CPER) permettrait dapporter une réponse coordonnée avec les régions. À cet effet, le FNADT pourrait être abondé pour financer les projets des CPER 2015-2020 qui nont pas pu lêtre faute de moyens.

Le responsable de programme indique que le montant des projets prêts à être engagés dans les trois mois, dans une logique de relance, sélèverait à plus de 230 millions deuros au titre du programme 112.

2.   Des programmes porteurs, outils d’une relance

Certains programmes présentent des caractéristiques particulièrement favorables en temps de crise. Pour accompagner et développer ces différents programmes, un renforcement de lingénierie de lANCT (dotée dune enveloppe de 10 millions deuros en 2020) pourrait être envisagé.

a.   Territoires d’industrie

Les territoires les plus résilients après la crise économique de 2008 étaient dotés d’un fort « capital social », avec une tradition de coopération entre acteurs industriels (prêts interentreprises, prêts de main-d’œuvre, etc.) en lien étroit avec les acteurs publics et les élus. Le programme « Territoires d’industrie » présente ces caractéristiques. 1 281 projets ont déjà été co-construits en 2019. Le taux de déploiement est aujourd’hui de l’ordre de 57 %. Selon le responsable de programme, il est possible d’aller plus loin en investissant dans le tissu productif et leur résilience : transition énergétique, sécurisation de l’emploi et préservation des savoir-faire, développement des industries 4.0.

Le rapporteur souligne limportance de la redynamisation du tissu productif local alors que la prime daménagement du territoire est en voie dextinction.

Le programme « Territoire d’industries » est aussi l’occasion d’identifier des sites industriels rapidement opérationnels. Dans l’optique d’un redémarrage rapide de l’économie, le financement renforcé des « sites clés en main » permettrait d’accélérer les études de site facilitant la décision d’investir et ainsi d’attirer de nouveaux investisseurs dans les territoires les plus touchés par la crise.

Le rapporteur est sensible au caractère opérationnel des « sites clés en main » et espère un déploiement rapide.

b.   Action cœur de ville

L’opération « Action cœur de ville » comptabilise 900 projets prêts à être lancés (réhabilitations, logements, locaux commerciaux, voiries, équipements publics, etc.) en 2020 et 2021 pour un montant total de 1,2 milliard d’euros à engager par les différents partenaires publics et privés. Le programme apporte un soutien financier et opérationnel efficace pour soutenir l’activité et la vitalité des centres-villes qui seront affaiblis par la fermeture des commerces durant le confinement. Il pourrait ainsi être amplifié. L’ANCT souhaite d’ores et déjà renforcer les objectifs du programme concernant les aspects de transition écologique et d’adaptation au changement climatique.

c.   Petites villes de demain

Contrairement aux deux précédents, le programme « Petites villes de demain » n’est pas encore déployé. Selon l’ANCT, il pourrait dynamiser l’activité dans les petites villes en contribuant au développement des filières courtes et des initiatives d’économie sociale et solidaire. Il répond aux enjeux de rénovation de l’habitat, de transition écologique, de mobilités et d’aménagement des espaces. Le report provisoire de son lancement doit permettre de tirer les enseignements de la crise sanitaire.

3.   La nouvelle génération des contrats de plan État-région (CPER) 2021-2027

La crise a provoqué une interruption du calendrier d’élaboration des CPER 2021-2027 dont le cycle final de négociation devait débuter au début du mois d’avril et se conclure avant la fin de l’été 2020. L’achèvement de l’élaboration conjointe des projets par les services de l’État et les régions à partir des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) est donc légèrement retardé.

La nouvelle génération des CPER pourrait réadapter ses thématiques d’intervention et accentuer, y compris financièrement, les volets de soutien des systèmes de soins, de relocalisation industrielle et de lutte contre le changement climatique. À l’échelle infra-régionale, les nouveaux contrats pourraient être orientés vers des pactes de résilience pour les territoires les plus fragiles et les contrats de ruralité prolongés pour financer des projets immédiatement opérationnels.

B.   Une action spécifique à destination des qpv est nécessaire

Le plan de relance devra inclure un volet social. Si les habitants des QPV n’en seront pas les uniques bénéficiaires, une attention particulière pourrait leur être portée.

1.   La Mobilisation pour les habitants des quartiers à amplifier

Le plan de Mobilisation pour les habitants des quartiers devra connaître une forte montée en puissance en 2020. Le rapporteur sera notamment vigilant à ce que les crédits à disposition soient pleinement exploités.

2.   De nouveaux axes prioritaires

Le rapporteur envisage plusieurs axes prioritaires qui pourraient faire l’objet de financements particuliers dans le cadre des contrats de ville :

– la continuité éducative qui a déjà donné lieu à des actions fortes en faveur des quartiers ;

– la santé (avec le déploiement rapide des maisons de santé) ;

– l’emploi (avec le renforcement de l’accompagnement des jeunes des quartiers) ;

– la rénovation urbaine avec l’accélération de la mise en œuvre du Nouveau programme national de renouvellement urbain.

3.   Un plan de soutien aux associations

Les associations des quartiers prioritaires ont joué un rôle essentiel durant la crise sanitaire. Leur rôle d’intermédiaire et de soutien aux personnes les plus fragiles doit être souligné alors même que leur activité était rendue plus difficile.

Leur action sera au moins aussi importante dans les prochains mois quand les conséquences, sociales, économiques et sanitaires du covid-19 apparaîtront. Il faut donc sanctuariser leur financement et protéger les structures les plus en difficulté, affaiblies dans le passé par la suppression des emplois aidés. Le président de la république avait appelé à un « grand plan » pour les associations en janvier dernier. Pour le rapporteur, les circonstances actuelles rendent nécessaire de poser dès maintenant les premiers jalons de ce plan. La demande récurrente de la part des associations d’un accroissement de l’engagement pluriannuel de l’état, mais aussi des collectivités territoriales au travers des conventions pluriannuelles d’objectifs (cpo) constitue une piste à approfondir. Pourrait être aussi envisagée la montée en puissance du subventionnement de fonctionnement en lieu et place du recours aux appels à projets source de lourdeurs administratives.


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   Examen en commission 

Lors de sa réunion de 21 heures 30, le mercredi 3 juin 2020, la commission des finances, réunie en commission dévaluation des politiques publiques, a entendu M. Mohamed Laqhila, rapporteur spécial sur les crédits de la mission Cohésion des territoires ; Politique des territoires.

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte rendu est également lisible en ligne.

 

 

 

 

 


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   Personnes auditionnÉes par le rapporteur spÉcial

 

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

– M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités territoriales,

– M. Olivier Benoist, sous-directeur de la cohésion et de l’aménagement du territoire

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) 

– M. Yves Le Breton, directeur général,

– M. François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville,

– Mme Catherine Lacaze, secrétaire générale,

– Mme Florence Rognard, conseillère chargée des relations institutionnelles

Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) 

– M. Nicolas Grivel, directeur général,

– M.  Ranger, directeur des relations publiques et de la communication

 

 

 

 

 

 

   SOURCES utilisées par le rapporteur spécial

– Rapports annuels de performance de la mission Cohésion des territoires 2017, 2018 et 2019 ;

– Rapport (n° 2440, XVe législature) de Mme Justine Benin au nom de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d’une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires, novembre 2019,

– Réponses du Secrétariat général du ministère de l'intérieur au questionnaire du rapporteur spécial ;

–  Notes d’analyse de l’exécution budgétaire (NEB) de la mission Cohésion des territoires 2019 et 2020 

 

 


([1]) Après retraitement des autorisations d’engagement recyclées, voir infra.

([2])  Cf. Circulaire n° 6094-SG du 1er juillet 2019 relative à la création de France Services.

([3]) Rapport (n° 2440, XVe législature) de Mme Justine Benin au nom de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d’une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires, novembre 2019.

([4]) Idem, p. 101.

([5])  Source : ANCT.