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N° 3058

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juin 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à alléger temporairement les cotisations sociales à la charge des entreprises afin de remplacer progressivement le dispositif dactivité partielle,

 

 

 

Par MÉric WOERTH,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  3001.

 

 


— 1 —

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Tout faire pour éviter un million et demi de chômeurs en plus : Activer le chÔmage partiel par sa transformation en baisse de charges sociales

I. Accompagner la sortie du dispositif dactivité partielle

A. Le recours À lactivité partielle a permis de pallier les conséquences de la crise sanitaire sur le marché de lemploi

B. un dispositif extrÊmement coÛteux

C. Les risques liés À la sortie de lactivité partielle

II. LallÉgement de cotisations sociales : un dispositif Éprouvé, rapide et efficient

A. Un effet incontestable sur le retour et le maintien en emploi

B. Une rÉactivité adaptée aux conditions actuelles du marché du travail

III. ÉViter la « trappe À chômage » : une mesure adaptÉe

A. La cohÉrence : Un champ comparable À celui de lactivitÉ partielle

B. Un coÛt moitiÉ moins ÉlevÉ que celui de lactivitÉ partielle

C. LefficacitÉ : une condition de retour À lemploi rapide

D. LagilitÉ : un dispositif adaptÉ À la situation spÉcifique de certains secteurs professionnels

E. Les gains pour les entreprises : une illustration

commentaire darticle

Article unique Exonération de cotisations sociales pour les salariés qui cessent dêtre placés en position dactivité partielle

COMPTE RENDU DES TRAVAUX


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Tout faire pour éviter un million et demi de chômeurs en plus : Activer le chÔmage partiel par sa transformation en baisse de charges sociales

● La crise sanitaire du covid-19 nous entraîne dans des terres inconnues économiquement jusqu’ici, et touche particulièrement notre pays :

– en termes de croissance, d’abord. La chute du PIB de 8 % pour 2020, telle que le prévoit le Gouvernement au titre de la dernière loi de finances rectificative, pourrait constituer un plancher de ce qui attend réellement l’économie française. Le ministre de l’Économie a en effet annoncé, au moment de l’examen de la présente proposition de loi et avant la présentation d’un troisième projet de loi de finances rectificative devant la commission des finances, que la récession pourrait finalement atteindre 11 %.

Cette chute est inédite dans l’histoire économique moderne de la France, puisque la baisse du PIB de 5,8 % pour le premier trimestre de 2020 est la plus forte depuis le début des enregistrements trimestriels en 1949. Elle dépasse de 0,5 point de PIB les conséquences des grèves de 1968 et s’accompagne de l’effondrement des moteurs de l’économie, comme l’investissement en repli de plus de 11 %.

– en termes d’emploi ensuite. Ici encore, les chiffres associés à la crise que nous traversons sont sans commune mesure avec ce qui avait pu être vécu pendant les crises précédentes dans le monde. L’Organisation internationale du travail prévoyait dès mars 2020 une augmentation potentielle du chômage mondial de l’ordre de 25 millions de personnes supplémentaires, contre 22 millions pour l’ensemble de la crise de 2008‑2009. D’une manière aggravée, la baisse du nombre d’heures travaillées, selon une estimation du 29 avril 2020, devrait être de 10,5 % par rapport à 2019, représentant l’équivalent de 305 millions d’emplois à temps plein au niveau mondial ([1]).

● Les dernières estimations confirment ces prévisions de long terme. Ce 28 mai, Pôle Emploi et la DARES ont estimé que le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A ([2]) en France avait crû de 843 000 personnes en avril 2020, soit une hausse de 22,6 % par rapport à mars. La période des trois derniers mois a vu 1 065 200 demandeurs d’emploi supplémentaires enregistrés dans cette catégorie. Compte tenu des effets liés au transfert de chômeurs des catégories B et C vers la catégorie A, l’effectif des catégories A, B, C s’accroît au total de 209 300 au mois d’avril (soit +3,6 %). Le graphique ci-dessous permet de saisir l’ampleur de cette hausse sans précédent depuis le début de la série d’enregistrement en 1996 ([3]).

● La France, moins bien préparée économiquement que ses partenaires, encore grevée par un marché du travail sclérosé, subit davantage les conséquences de cette crise que ses voisins. Les prévisions économiques de la Commission européenne pour 2020 sont patentes : le PIB français chuterait de 8,2 % en 2020, contre 6,5 % en Allemagne, 6,8 % aux Pays-Bas ou 7,2 % en Belgique, reléguant la France dans des situations comparables à celles de l’Espagne et l’Italie, durement frappées par le virus. En 2020, le taux de chômage atteindrait 10,1 % en France contre 4 % en Allemagne, un écart tristement historique ici aussi. La France serait alors le cinquième pays avec le plus haut taux de chômage de l’ensemble de l’Union européenne.

● Le rapporteur acte que la réaction du Gouvernement, sur le front du soutien aux salariés, a été satisfaisante. Le recours aux dispositifs d’activité partielle dans les économies touchées par la crise sanitaire, a été salué et encouragé par la plupart des cercles économiques internationaux.

Il faut toutefois convenir que la France est partie avec une situation économique toujours dégradée par rapport à ses voisins. Il suffira ici simplement de rappeler que le taux de chômage au sein de la zone euro, selon une publication Eurostat du 1er avril 2020 ([4]), était, en février 2020, de 7,3 % en moyenne. La France, avec un taux de 8,1 % était déjà le quatrième pays le plus touché au sein de lUnion européenne, quand lAllemagne affichait un taux de 3,2 % et les Pays-Bas de 2,9 %.

La France a également abordé la crise sanitaire avec des finances publiques dégradées. Les statistiques d’Eurostat sont à ce titre également éloquentes : la moyenne du déficit public au sein de la zone euro comme au sein de l’Union européenne en 2019 était de 0,6 % du PIB, tandis que la moyenne des dettes publiques était respectivement de 84,1 % et de 77,8 % ([5]). Cette même année, seuls deux États ont affiché un déficit supérieur ou égal à 3 % du PIB : la France et la Roumanie. La France était également le cinquième État le plus endetté, affichant un ratio de dette/PIB de 98,1 %, quand l’Allemagne atteignait un niveau inférieur à 60 % ([6]).

Il s’agit désormais de sortir de ce système conçu dans et pour l’urgence, par lequel un tiers des salariés du secteur privé sont subventionnés par la puissance publique, qui prend en charge l’ensemble de leurs rémunérations. Outre les effets d’aubaine que la prolongation excessive d’un recours dérogatoire à l’activité partielle pourrait engendrer, le coût pour les finances publiques d’un tel système ne peut être reporté indéfiniment. Notre pays ne peut supporter trop longtemps une telle « nationalisation » des salaires.

Il faut donc encourager massivement et rapidement nos entreprises à recourir aux formes antérieures de l’emploi et éviter la transformation de l’activité partielle en chômage total, même pour une minorité des salariés qui sont actuellement dans cette position. Les effets d’hystérèse du chômage de masse ne sont que trop bien connus ; l’inertie politique entraînerait la France dans un nouveau cycle de millions de chômeurs supplémentaires, condamnant notre économie pour la décennie à venir et entraînant de graves dangers pour notre cohésion sociale.


I.   Accompagner la sortie du dispositif d’activité partielle

A.   Le recours À l’activité partielle a permis de pallier les conséquences de la crise sanitaire sur le marché de l’emploi

● Le dispositif d’activité partielle a été l’une des principales réponses de la France aux conséquences économiques de la crise du covid-19.

Le dispositif de lactivité partielle face à lépidémie de covid-19

Le dispositif de l’activité partielle peut faire habituellement l’objet d’un recours par les entreprises connaissant des difficultés temporaires. Régi par les articles L. 5122-1 et suivants du code du travail, le placement en position d’activité partielle résulte de la fermeture totale ou partielle de l’établissement ou de la réduction de l’horaire de travail pratiqué dans l’établissement.

Les demandes, en application de l’article R. 5122-1 du code du travail, sont émises par l’employeur. Celui-ci reçoit une allocation équivalant à une part de la rémunération du salarié, soit un taux horaire de 7,74 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés et de 7,23 euros pour les entreprises de plus de 250 salariés. Le salarié perçoit, quant à lui, une indemnité horaire versée par son employeur correspondant à 70 % de sa rémunération brute, soit environ 84 % de sa rémunération nette.

L’indemnité d’activité partielle versée au salarié est exonérée des cotisations salariales et patronales de sécurité sociale. Elle est simplement soumise à la CSG au taux de 6,2 % et à la CRDS au taux de 0,50 %.

Les conditions dapplication de ce dispositif ont toutefois été élargies dans le cadre des mesures durgence pour faire face au covid-19, par le biais dun décret et dune ordonnance.

Le décret :

– modifie le mode de calcul de l’indemnité compensatrice versée par l’État aux employeurs en cas de recours à l’activité partielle, de telle sorte que ces derniers n’ont pas de reste à charge pour les rémunérations inférieures à 4,5 fois le taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) ;

– assouplit la procédure de dépôt des demandes d’activité partielle, en permettant notamment aux employeurs d’adresser leurs demandes dans un délai de trente jours après le placement des salariés en activité partielle, en cas de circonstances de caractère exceptionnel, parmi lesquelles on compte la crise du covid-19.

L’ordonnance, prise en application de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, adapte et étend le dispositif d’activité partielle à des personnes qui n’y sont normalement pas éligibles. Elle permet ainsi :

– l’indemnisation des salariés placés en position d’activité partielle dans les secteurs soumis aux régimes d’équivalence ;

– l’extension du dispositif aux salariés des entreprises publiques, aux salariés en formation, aux salariés employés à domicile par des particuliers employeurs, aux salariés des entreprises étrangères qui ne comportent pas d’établissements en France ainsi qu’aux salariés des régies gérant des remontées mécaniques ou des pistes de ski.

Sous le régime de ces deux textes, l’État et l’Unédic indemnisent l’entreprise à hauteur de 70 % du salaire brut par heure de chômage partiel déclaré (100 % au niveau du SMIC). Si l’entreprise décide de compenser à hauteur de plus de 70 % du salaire brut la rémunération de ses salariés, ce complément de rémunération n’est pas soumis à cotisation sociale. L’indemnité horaire ne peut par ailleurs être inférieure au SMIC net horaire, soit 8,03 euros.

Le dispositif a également évolué au fur et à mesure de la durée de confinement, puisque les salariés placés en arrêt maladie pour garde d’enfants y ont été pleinement intégrés à partir du 1er mai 2020.

Source : commission des affaires sociales.

● L’ordonnance du 22 avril 2020 ([7]) a fait évoluer l’assujettissement de l’indemnité complémentaire aux prélèvements sociaux. À compter du 1er mai 2020, l’exonération totale ne concerne plus que les indemnisations compensatoires en deçà de 3,15 SMIC. Lorsque le cumul de l’indemnisation légale et de l’indemnisation complémentaire versée par l’employeur dépasse ce total, soit 31,98 euros par heure indemnisable, la part de l’indemnité complémentaire dépassant ce plafond est soumise à des prélèvements comparables à ceux qui frappent les revenus d’activité : un taux de CSG de 9,2 % et un taux de CRDS de 0,5 %, ainsi que l’ensemble des cotisations sociales habituellement applicables.

Le succès de ce dispositif peut se résumer à la situation évaluée par la Dares au 19 mai 2020, soit huit jours après la fin des mesures de réglementation des déplacements et de fermeture des commerces, en-dehors du secteur de la culture et de la restauration :

– 1 315 000 demandes d’autorisation préalable (DAP) d’activité partielle déposées au 18 mai. Ces demandes concernent théoriquement 11,8 millions de salariés, sur la base des seules DAP, mais celles-ci ne se traduisent pas nécessairement par le placement de l’ensemble des salariés en position d’activité partielle. Ce sont donc plutôt 8,6 millions de salariés qui seraient placés en activité partielle au mois d’avril 2020 ([8]) ;

– ce dispositif n’est pas utilisé de manière uniforme par les entreprises. Ainsi, les seuls secteurs des activités spécialisées, scientifiques et techniques, services administratifs et de soutien (20 %), du commerce (16 %) et de la construction (11 %) concentrent la moitié des DAP. Par ailleurs, les entreprises de moins de cinquante salariés sont naturellement sensibles à l’offre que représente l’activité partielle : un salarié sur deux couverts par ce dispositif travaille dans une telle entreprise.

L’augmentation drastique du recours à ce dispositif est illustrée par le graphique ci-après.

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B.   un dispositif extrÊmement coÛteux

Indispensable en temps de crise, le dispositif d’activité partielle grève néanmoins fortement les finances publiques et constitue l’une des principales contributions au déficit public pour l’année 2020. Ce coût se distingue entre :

– la prise en charge des indemnités d’activité partielle par l’État aux deux tiers et par l’Unédic à un tiers ;

– l’exonération des indemnités versées de cotisations sociales et la baisse du taux de CSG, qui ne frappe cette indemnité qu’à hauteur d’un taux de 6,2 %, soit le taux applicable aux revenus de remplacement.

LOFCE estime, au 20 avril 2020 ([9]), que, pour une hypothèse restreinte de 5,3 millions de salariés placés effectivement en chômage partiel – estimation inférieure de 40 % à celle de la DARES pour le mois davril 2020 – le coût mensuel du montant des indemnités versées par lÉtat était de 11,9 milliards deuros, auquel il convient dajouter une perte de cotisations sociales de 7,4 milliards deuros supplémentaires, soit un total de 19,3 milliards deuros par mois. Le coût pour huit semaines de confinement, selon les mêmes hypothèses, est évalué à 35,6 milliards deuros.

Cette estimation est supérieure à celle du Gouvernement, lors de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020. L’augmentation de crédit de 10,5 milliards d’euros portait le coût à un total de 24 milliards d’euros. La commission des Finances, en ligne avec l’avis du Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP), a estimé que le coût devrait très vraisemblablement être révisé à la hausse au fur et à mesure que le dispositif était sollicité par les employeurs. L’avis du Haut Conseil des finances publiques sur ce projet loi de finances rectificative était en effet que ce « coût pourrait excéder significativement le montant de 24 Md€ inscrit dans le 2e PLFR pour 2020 » ([10]).

C.   Les risques liés À la sortie de l’activité partielle

Il est reconnu de manière consensuelle que l’activité partielle a largement contribué à réduire l’impact de la crise sanitaire sur le marché de l’emploi. Un scénario contrefactuel est amplement fourni par certains de nos partenaires économiques. Les États-Unis, par exemple, ont subi une destruction de 20,5 millions d’emplois au 8 mai 2020, selon le département du travail. Le taux de chômage y est passé de 3,5 % en février à 14,7 %, pour un nombre de demandeurs d’emploi qui est passé à 23,1 millions. Par contraste, l’évolution du chômage dans l’ensemble de la zone euro, au sein de laquelle la plupart des États ont mis en place des plans d’activité partielle, s’est limitée à une hausse de 0,1 %. Ce dispositif aurait ainsi permis de protéger jusqu’à 500 000 emplois au sein des quatre premières économies de la zone ([11]).

La littérature économique prévoit toutefois des difficultés pendant son application et à la sortie de ce dispositif, aussi progressive dût-elle être. Ces difficultés tiennent :

– au contrôle de l’application du dispositif au sein des entreprises, a fortiori alors que les contrôles ont été pour une grande part suspendus ([12]) ;

– à l’accoutumance des entreprises à une aide publique aussi massive, dans une période de forte incertitude économique, et aux risques subséquents de transformation d’un dispositif d’activité partielle en un dispositif de « chômage total » ;

– à la couverture partielle des risques, étant donnée la vulnérabilité des trésoreries des entreprises face à d’autres facteurs, tels que les contraintes de crédit, le coût du capital fixe, entre autres.

La fin de la pleine application du dispositif de l’activité partielle suppose donc un « atterrissage en douceur » pour l’ensemble des secteurs fragilisés par la crise, sans quoi notre pays s’expose à une explosion du taux de chômage. La présente proposition de loi n’a pas pour ambition de dicter au Gouvernement le rythme ou les modalités de sortie de ce dispositif, sur lesquels il lui revient de prendre des décisions. Il s’agit néanmoins de faciliter l’accélération du retour au travail des Français.

II.   L’allÉgement de cotisations sociales : un dispositif Éprouvé, rapide et efficient

Selon une politique menée de manière cyclique et constante depuis 1993 en France, ainsi que dans de nombreux pays dont l’économie est comparable, les dispositifs d’allégement des cotisations sociales sont destinés à favoriser l’embauche ou le maintien dans l’emploi.

Cette politique d’exonération de cotisations sociales patronales se traduit aujourd’hui par un ensemble d’exonérations globales et un grand nombre d’exonérations spécifiques à certains secteurs économiques. Présentées chaque année dans l’annexe 5 aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, les exonérations globales sont particulièrement concentrées sur les bas salaires, niveau auquel elles visent à produire un effet maximal en matière d’encouragement à l’embauche et au maintien dans l’emploi.

Il en va ainsi des allégements généraux, qui portent sur quasiment l’intégralité des cotisations sociales patronales, pour un coût global estimé à 32,4 milliards d’euros ([13]) . Cette exonération est complète au voisinage du SMIC, à l’exception d’un taux plancher pour les cotisations destinées à la branche des accidents du travail et maladies professionnelles, qui bénéficie, en raison de sa nature assurantielle, d’un socle incompressible. L’exonération décroît ensuite à mesure que le salaire augmente, pour s’annuler au niveau de 1,6 SMIC. Cette exonération dégressive a été étendue par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 ([14]) aux cotisations patronales de retraite complémentaire et des contributions d’assurance chômage, selon un calendrier aménagé par la LFSS 2019 ([15]). Cette extension est pleinement entrée en vigueur le 1er octobre 2019.

À ce premier allégement s’ajoutent :

– la réduction de 1,8 point des cotisations d’allocations familiales, appliquée à tous les salaires inférieurs à 3,5 SMIC depuis 2016, pour les employeurs éligibles à l’exonération dégressive décrite ci-dessus ;

– la réduction de 6 points des cotisations d’assurance-maladie, dans les mêmes conditions que les cotisations d’allocations familiales jusqu’à 2,5 SMIC et destinée aux mêmes employeurs.

Le profil de l’ensemble de ces allégements généraux aboutit à la courbe suivante.

Taux d’allègements généraux (AG) en fonction de la rémunération (exprimée en multiples de SMIC)

Source : annexe 5 au PLFSS 2020.

Il demeure néanmoins trois planchers, induisant les habituels effets de seuil, à 1,6 SMIC, 2,5 SMIC et 3,5 SMIC.

A.   Un effet incontestable sur le retour et le maintien en emploi

Les économistes Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo ont étudié l’impact du dispositif dit de « zéro charges » mis en place de décembre 2008 à décembre 2009, à savoir une exonération totale de cotisations patronales sur les embauches au niveau du SMIC, pour s’annuler à 1,6 SMIC. Ce dispositif a des parentés évidentes avec celui qui est proposé par la présente proposition de loi : un contexte récessif, une exonération de cotisations patronales, un objectif de maintien ou de retour à l’emploi. Or, ils ont identifié l’effet suivant : une diminution de 1 % du coût du travail a entraîné un accroissement de 2 % de l’emploi au bout d’un an et l’impact sur l’emploi apparaît dès trois mois. Leurs calculs les amenaient à estimer à 800 000 le nombre d’emplois susceptibles d’être créés par 10 milliards d’euros d’allégement de charges.

Plus globalement, les politiques mises en œuvre depuis 1993 ont eu un effet clair et établi en faveur de l’embauche et du maintien dans l’emploi. Ainsi,

– la première génération de dispositifs, issus de mesures prises par les premiers ministres Édouard Balladur et Alain Juppé, a permis, par une baisse du coût du travail de 1 % dans le secteur manufacturier, une augmentation de l’emploi de 1,7 % ;

– la deuxième génération d’allégements, étendue par M. François Fillon en 2003 à tous les salaires jusqu’à 1,6 SMIC, a permis un effet positif sur l’emploi, bien que d’une ampleur moindre ;

– les allégements renforcés à partir du « Pacte de responsabilité » de 2015 ont profité quant à eux d’une élasticité plus forte, à hauteur de 2,5, permettant d’estimer l’impact de l’exonération de 4 points supplémentaires au 1er octobre 2019 à une fourchette de création de 80 000 à 200 000 emplois, si les conditions économiques étaient restées inchangées ([16]).

B.   Une rÉactivité adaptée aux conditions actuelles du marché du travail

Les mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 ont permis de prouver une chose, aux dires unanimes des organisations patronales : la réactivité du réseau de la branche « recouvrement » de la sécurité sociale, et plus spécialement des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF).

Celles-ci ont dû mettre en place, dans des délais particulièrement restreints, des mécanismes de report de cotisations sociales pour les entreprises qui en faisaient la demande et qui pouvaient justifier de l’impact des mesures réglementaires sur leur activité. En pratique, les employeurs ont eu un délai supplémentaire pour remplir leurs déclarations sociales nominatives (DSN), concernant l’échéance du 15 mars 2020. Cette souplesse supplémentaire accordée pour les employeurs des entreprises de moins de cinquante salariés a permis à 40 % d’entre eux de prétendre à un report de cotisations, pour un total de 3,8 milliards d’euros.

Ces taux sont demeurés à peu près constants pour les échéances suivantes, aboutissant à un report de l’ordre de 17 milliards d’euros pour deux mois de confinement.

Ces reports rapides doivent s’accompagner de :

– mesures sectorielles d’annulation de ces mêmes cotisations, pour des secteurs spécifiques – la culture, la restauration et le tourisme – particulièrement touchés par les mesures de fermeture des établissements, ainsi que pour les TPE ayant été contraintes réglementairement de fermer à partir du 15 mars ([17]) ;

– mesures destinées à faciliter le remboursement des cotisations reportées, par le biais d’échéanciers de paiement. Ceux-ci pourraient s’étendre au-delà du seul exercice 2020.

Il a ainsi été démontré que le report ou l’exonération de cotisations sociales étaient les instruments privilégiés par le Gouvernement pour encourager le maintien de l’activité des entreprises, permettant une plus grande rapidité que la mobilisation de la sphère fiscale. Le dispositif présenté par la proposition de loi reprend une logique comparable, qui ne peut être qu’encouragée en vue de faciliter le retour au travail des salariés français.

III.   ÉViter la « trappe À chômage » : une mesure adaptÉe

A.   La cohÉrence : Un champ comparable À celui de l’activitÉ partielle

La présente proposition de loi s’inscrit dans la droite ligne des dispositifs mis en place jusqu’à présent pour assurer la reprise économique, indispensable pour éviter l’enfoncement de notre pays dans un cycle durable de récession et de maintien du chômage de masse. Le rapporteur estime que cette exonération n’aboutira naturellement pas à faire totalement cesser le recours dérogatoire à l’activité partielle. Mais elle constitue un signal fort en faveur d’une accélération du retour des travailleurs à des conditions normales de rémunération et de la fin de la subvention publique des rémunérations privées.

Pour ce faire, la proposition de loi reprend un champ comparable à celui de l’activité partielle, afin de permettre la transition aussi lisse que possible entre la situation actuelle exceptionnelle et le rétablissement du chiffre d’affaires des entreprises concernées. Le dispositif, d’une durée de six mois, s’applique aux :

– personnes déjà salariées au sein d’entreprises, placées en position d’activité partielle entre le 1er mars 2020 et le 11 mai 2020 ;

– salariés dont la rémunération est inférieure ou égale à 4,5 fois le montant du SMIC, limite déjà appliquée pour l’éligibilité au dispositif révisé de l’activité partielle en mars 2020.

B.   Un coÛt moitiÉ moins ÉlevÉ que celui de l’activitÉ partielle

Le dispositif proposé ici s’applique aux salariés disposant d’une rémunération inférieure à 4,5 SMIC, soit, selon le tableau suivant, à plus de 95 % des salariés du secteur privé.

DIstribution des salaires du secteur privÉ

(en euros)

Déciles

Salaires mensuels nets en équivalent temps plein en 2017

Multiple du SMIC mensuel net en 2017 (1 151,5 euros)

1er décile

1 274

1,11

2e décile

1 408

1,22

3e décile

1 534

1,33

4e décile

1 676

1,46

Médiane

1 845

1,60

6e décile

2 056

1,79

7e décile

2 340

2,03

8e décile

2 784

2,42

9e décile

3 654

3,17

95e centile

4 733

4,11

99e centile

8 676

7,54

Source : commission des affaires sociales, à partir des données présentées dans Insee Première, n° 1798, avril 2020.

Le coût de lexonération de cotisations patronales pour lensemble du champ couvert par la proposition de loi, si lensemble des employeurs recourait à ce dispositif, serait de 4 milliards deuros par mois, soit 24 milliards deuros pour les six mois constituant le champ dapplication de la proposition de loi ([18]). Cette estimation maximaliste doit être retraitée des établissements ayant déjà mis fin au dispositif dactivité partielle, tout comme de ceux qui ne rempliraient pas les obligations mentionnées ci-dessous pour bénéficier de lexonération. Compte tenu de la facilité avec laquelle les employeurs peuvent avoir recours aux dispositifs dexonération des cotisations patronales, il a été choisi de retenir ici une hypothèse de recours à 100 %, permettant un chiffrage a maxima du dispositif. Le rapporteur est conscient de la dimension théorique dune telle hypothèse ; le recours à lactivité partielle ne disparaîtra pas de lui-même au moment où lexonération sera mise en place.

La proposition de loi présente donc un dispositif moitié moins coûteux que la montant versé pour l’activité partielle, estimé par l’OFCE. Pour la durée comprise entre le 11 mars et le 1er juin, avant restriction du champ, les pertes pour les finances publiques seraient évaluées à 50,9 milliards d’euros, soit le double du dispositif proposé ici pour six mois, deux fois plus longtemps que la période d’application de l’activité partielle.

Le dispositif serait également beaucoup moins coûteux qu’une alternative qui consisterait à maintenir des dispositions dérogatoires en faveur de l’activité partielle pour les entreprises. Le Gouvernement a certes décidé de diminuer de 15 % de la prise en charge de l’activité partielle au 1er juin 2020. Cette annonce a d’ailleurs alimenté les craintes au sein des organisations patronales de nombreux licenciements au fur et à mesure que le dispositif d’activité partielle allait être restreint, validant là-encore le dispositif proposé par le rapporteur. Une telle diminution aboutirait donc à diminuer a maxima de 15 % le coût estimé ci-dessus, hypothèse forte puisqu’un certain nombre de secteurs économiques pourront encore bénéficier de la prise en charge à 100 % de leurs rémunérations.

Si l’on reprend les données gouvernementales, à savoir un montant versé de 24 milliards d’euros pour la durée du confinement, auxquels s’ajoutent 14,9 milliards d’euros de perte de cotisations sociales, le coût pour l’ensemble de la période de confinement serait de 38,9 milliards d’euros. Dès lors, si le régime actuellement applicable était maintenu pour une durée supplémentaire de six mois, avec un recours à ce dispositif inférieur de moitié à celui qui avait cours au moment du confinement, le coût serait de 49,8 milliards d’euros, deux fois supérieur, là-encore, à celui de la proposition de loi proposée ici.

La comparaison entre ces données est résumée dans le tableau suivant.

Comparaison du coÛt pour les finances publiques de l’activitÉ partielle et de l’exonÉration de cotisations patronales

(milliards d’euros)

 

Coût, par mois, avant le 1er juin 2020*

Coût pour la durée de confinement (huit semaines)

Coût par mois après le 1er juin 2020**

Coût, après le 1er juin 2020, pour une durée de six mois

Activité partielle (données Gouvernement)***

21

38,9

18

53,9

Activité partielle (estimations OFCE)

19,3

35,6

16,4

49,2

Exonération de cotisations patronales inscrite par la proposition de loi****

#

#

4

24

(*) Coût estimé en cumulant les indemnités versées et les exonérations de cotisations sociales patronales et salariales

(**) Montant issu des nouvelles conditions d’éligibilité et de prise en charge publique restreinte à 85 % de l’indemnité versée au salarié. L’hypothèse ici est d’un recours, sur la durée de six mois, à ce dispositif par la moitié des entreprises y ayant eu recours pendant le confinement. Cette hypothèse est cohérente avec le maintien d’un dispositif de prise en charge complète pour les secteurs les plus fragiles après le 1er juin 2020.

(***) Hypothèse fondée sur l’ouverture de crédits à hauteur de 17,2 milliards d’euros pour l’État et un montant global de 24 milliards d’euros, comprenant les versements de l’Unédic.

(****) Hypothèse très forte de recours de l’ensemble des entreprises ayant eu recours à l’activité partielle entre le 1er mars et le 11 mai au dispositif d’exonération.

Source : Commission des affaires sociales à partir des données de l’OFCE et du 2e projet de loi de finances rectificative pour 2020.

La comparaison entre ces différentes modalités de sortie de crise ne prend pas en compte les effets de l’exonération proposée ici sur l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi.

En effet, une fin rapide du dispositif de l’activité partielle entraînerait une augmentation supplémentaire du nombre de demandeurs d’emploi. Pour rappel, selon l’OFCE, le nombre de demandeurs d’emploi aurait augmenté de 460 000 personnes le premier mois du confinement (+ 1,6 point de chômage), puis de 160 000 personnes les vingt-cinq jours restant (+ 0,5 point de chômage additionnel), ce qui correspond à une hausse de 2,1 points du taux de chômage sur l’ensemble de la période du confinement. Ces données devront par ailleurs être nécessairement révisées à la hausse, compte tenu de l’augmentation historique susmentionnée du nombre de demandeurs d’emploi, uniquement pour le mois d’avril 2020. Alors que la trajectoire pluriannuelle des comptes de l’Unédic prévoyait un retour l’équilibre en 2021, l’année 2020 pourrait se traduire par un déficit de l’ordre de 15 à 20 milliards d’euros ([19]). Ce déficit provient à la fois d’une perte en recettes et de la prise en charge du dispositif de l’activité partielle à hauteur d’un tiers.

La Commission européenne prévoit, quant à elle, dans les conditions de restriction progressive du dispositif d’activité partielle sans accompagnement pour les entreprises, un taux de chômage de 10,1 % de la population active en France en 2020 et de 9,7 % en 2021. Pour ces deux années, il s’agit d’une augmentation de 30 %, puis d’une légère diminution, équivalent à une augmentation globale du coût du chômage de l’ordre de 25 % sur deux ans. Cette augmentation entraînerait une charge supplémentaire pour les finances publiques de plus de 20 milliards d’euros, comparable au coût du dispositif proposé par la présente proposition de loi.

La principale différence repose toutefois sur les atouts que constituent la facilitation d’un maintien ou d’un retour dans l’emploi, contre l’effet d’hystérèse ([20]) du chômage. Ce dernier, accru pendant une crise économique, entraînera des dépenses supplémentaires pour de nombreux exercices budgétaires, comme la lente décrue du taux de chômage après la crise financière de 2008 devrait désormais l’avoir appris aux décideurs publics. À l’inverse, un dispositif puissant d’exonérations de charges pourrait entraîner un retour rapide du nombre de demandeurs d’emploi à l’étiage qui précédait la crise sanitaire et économique, autorisant autant d’économies pour la puissance publique.

C.   L’efficacitÉ : une condition de retour À l’emploi rapide

Le bénéfice d’une exonération aussi puissante que celle qui est ici proposée n’a de sens que si elle facilite le retour rapide en emploi, mettant par ailleurs fin au coûteux dispositif de l’activité partielle.

C’est pourquoi elle est conditionnée au retour des salariés, placés jusqu’ici en position d’activité partielle à l’emploi :

– sous cinq jours après la publication de la présente proposition de loi, pour le droit commun des entreprises ayant dû recourir à l’activité partielle ;

– sous trente jours après la fin des mesures de fermeture d’établissements prononcés par les autorités réglementaires en application des dispositions d’urgence introduites dans le code de la santé publique, à l’article L. 3131-1 et au 5° de l’article L. 3131-15.

Ce délai de cinq jours a été choisi de telle sorte que les employeurs puissent bénéficier d’une information adéquate pendant la navette parlementaire sur le dispositif sans pour autant étendre de manière excessive le dispositif de l’activité partielle.

Par ailleurs, ce délai n’emporte pas nécessairement une quelconque modification dans les modalités effectives de travail. Cette réintégration dans la position d’activité initiale n’implique pas de mettre fin au télétravail ou à la possibilité de moduler au sein des entreprises les horaires comme le niveau de l’activité.

Cette condition permettra un effet massif et radical pour une majorité des 8,6 millions de personnes placées actuellement en activité partielle, mettant fin à l’incertitude, tant pour les entreprises que pour les salariés. Elle soulagera immédiatement les finances publiques, grâce à la fin rapide des coûts liés au recours exponentiel à l’activité partielle tout en évitant une augmentation supplémentaire du chômage.

D.   L’agilitÉ : un dispositif adaptÉ À la situation spÉcifique de certains secteurs professionnels

La proposition de loi vise enfin à prendre en compte les difficultés spécifiques de certains secteurs, qui doivent subir encore une fermeture prolongée quand les autres commerces ont pu reprendre leurs activités au 11 mai.

Dans le détail, le décret pris le 11 mai 2020 ([21]) en vue de permettre un déconfinement partiel de la population, prévoit le maintien d’une interdiction de recevoir du public pour dix types d’établissements, parmi lesquels on peut notamment retenir :

 les salles dauditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple sauf pour les salles daudience des juridictions, les salles de ventes et pour les accueils de jour de personnes en situation de précarité et les centres sociaux ;

– les restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le room service des restaurants et bars d’hôtels et la restauration collective sous contrat ;

– les salles de danse et les salles de jeux ;

– les musées.

Le décret prévoit certes des dérogations susceptibles d’être mises en œuvre à l’échelle préfectorale, pour les musées, les parcs et les monuments dont la fréquentation, essentiellement locale, n’entraînerait pas de déplacement massif de la population.

Il demeure toutefois que certains secteurs souffrent encore actuellement de mesures interdisant de recevoir du public et méritent, à ce titre, une attention spécifique. La présente proposition prévoit donc que, dans ces conditions, le bénéfice de l’exonération s’étend à tous les salariés qui reprennent une activité dans des conditions normales, jusqu’à trente jours après la fin des restrictions qui s’appliquent à ces établissements.

E.   Les gains pour les entreprises : une illustration

Afin de mieux illustrer le gain que pourra représenter l’application de la présente proposition de loi, les exemples suivants permettent d’en apprécier les conséquences pour des salariés travaillant 35 heures, respectivement à hauteur de :

– 1 SMIC. L’employeur bénéficie de l’ensemble des allégements généraux applicables à la rémunération de ce salarié, aboutissant à une retenue au titre des cotisations et contributions sociales de 65,05 euros sur un salaire de 1 539,45 euros brut ;

– 1,6 SMIC. L’employeur bénéficie de la réduction des cotisations « maladie », à hauteur de 6 points, et « famille », à hauteur de 1,8 point, ce qui entraîne une retenue totale de 861,67 euros sur un salaire de 2 463,61 euros brut ;

– 3 SMIC. L’employeur ne bénéficie que de la réduction « famille » et subit une retenue de 1 921,42 euros sur un salaire brut de 4 619,27 euros ;

– 4 SMIC. L’employeur ne bénéficie dans le système actuel d’aucune exonération susceptible de l’encourager à embaucher un salarié à ce niveau de rémunération. La retenue est de 2 665,06 euros sur un salaire de 6 159,02 euros.

Source : commission des affaires sociales.

L’application de la proposition de loi s’avérerait moins opérante au niveau du SMIC, où les allégements généraux aboutissent déjà à exonérer les rémunérations de charges sociales au-delà du seul champ de la sécurité sociale.

Les employeurs gagneraient donc, respectivement pour chacun des salaires mentionnés, 11 euros à hauteur de 1 SMIC, 800 euros à hauteur de 1,7 SMIC, 1 800 euros à hauteur de 3 SMIC et 2 500 euros à hauteur de 4 SMIC.

Permettre aux travailleurs français de reprendre leur activité et aux entreprises de survivre à cette crise, tel est l’objet de la présente proposition de loi.

 


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   commentaire d’article

Article unique
Exonération de cotisations sociales pour les salariés qui cessent dêtre placés en position dactivité partielle

Afin d’éviter la transformation de l’activité partielle en chômage pour une grande partie des salariés qui bénéficient actuellement de ce dispositif, le présent article propose d’exonérer de l’ensemble des cotisations sociales patronales d’origine légale et conventionnelle, à l’exception des cotisations servies à la branche « accident du travail – maladie professionnelle » les salariés qui cessent d’être placés en position d’activité partielle, dans les cinq jours suivant la publication de la présente loi, délai étendu à trente jours pour les secteurs subissant encore des mesures réglementaires de fermeture des établissements.

I.   AllÉger les cotisations sociales pour faciliter le maintien dans l’emploi

A.   Un « saut » de cotisations dans la situation actuelle susceptible d’empÊcher le retour des salariÉs dans une position d’activitÉ habituelle

Les salariés qui sont placés en position d’activité partielle ont bénéficié d’un soutien public massif ([22]), caractérisé par la prise en charge de l’ensemble de l’indemnité versée par l’employeur, qui n’a aucun reste à charge pour les rémunérations inférieures à 4,5 SMIC.

Le retour dans la position d’emploi occupée précédemment, qu’il s’agisse d’un temps plein ou d’un temps partiel, implique à l’heure actuelle un retour au plein paiement des cotisations sociales, soit, en fonction de l’échelle salariale :

– un taux d’environ 32 % pour les rémunérations supérieures ou égales à 1,6 SMIC ;

– un taux d’environ 38 % pour les rémunérations supérieures ou égales à 2,5 SMIC ;

– un taux d’environ 40 % pour les rémunérations supérieures ou égales à 3,5 SMIC.

Le « saut » de cotisations à payer peut donc représenter une charge majeure pour les entreprises qui souhaitent permettre à leurs salariés de retrouver des conditions normales de rémunération. Afin d’encourager ce retour et de limiter la perte de pouvoir d’achat que représente pour les salariés le placement en position d’activité partielle, la présente proposition de loi propose un dispositif particulièrement incitatif.

B.   Encourager le maintien dans l’emploi : un effort puissant en faveur de l’activitÉ

1.   Le champ de l’exonération

Le I du présent article propose d’insérer dans le chapitre II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale une nouvelle section, composée d’un article unique L. 242-11. Ce nouvel article instaure une exonération de l’ensemble des cotisations patronales de sécurité sociale d’origine légale ou conventionnelle, à l’exception des cotisations finançant la branche « accidents du travail et maladies professionnelles », prévue par l’article L. 241-5 du même code. Les cotisations effectivement susceptibles de faire l’objet d’une exonération sont donc l’ensemble des cotisations et contributions d’origine légale et conventionnelle. L’ensemble de ces cotisations patronales comprend donc :

– les cotisations dites de « sécurité sociale », à savoir les cotisations finançant les quatre branches du régime général définies à l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale ;

– les cotisations patronales complémentaires qui financent les régimes de retraite complémentaires et l’assurance chômage ;

– les versements patronaux à destination de la formation professionnelle ou de la qualité du dialogue social.

2.   Les salariés concernés

L’exonération susmentionnée peut s’appliquer à tous les salariés, mais elle est encadrée par des dispositifs précis destinés à maximiser son impact en faveur de l’emploi.

En premier lieu, l’employeur ne peut bénéficier de cette exonération qu’à la condition expresse qu’il ait cessé, dans les cinq jours suivant la promulgation de la loi, de placer le salarié dans la position d’activité partielle. Il est évident que cette cessation ne peut se traduire par aucune fin du contrat de travail, qu’il s’agisse de licenciement ou de rupture conventionnelle, auquel cas l’employeur ne bénéficierait d’aucune exonération concernant la rémunération de ce salarié, ni d’aucune possibilité de reporter cette exonération sur la rémunération des autres salariés. Cette exonération ne peut donc s’appliquer qu’en cas de retour à une activité définie originellement dans le contrat de travail qui lie le salarié à son entreprise.

Ensuite, les salariés concernés ne doivent être que ceux qui touchent un salaire inférieur à l’équivalent de 4,5 SMIC, pour reprendre la limite introduite par l’activité partielle. Celle-ci a deux avantages :

– en reprenant le champ applicable à l’activité partielle, la transition entre le régime actuel et le régime futur sera facilitée ;

– en comprenant presque l’ensemble des salariés, soit 96 % d’entre eux, le dispositif proposé ici permet d’encourager le retour au travail de l’ensemble des salariés, en évitant tout effet de seuil propre à nuire la reprise de l’activité d’entreprises à haut degré de main-d’œuvre qualifiée. Pour rappel, le secteur le plus « gourmand » en activité partielle a été celui des activités spécialisées, scientifiques et techniques ainsi que des activités de services administratifs et de soutien, au sein duquel on compte notamment la recherche et le développement scientifique.

3.   Un délai strictement défini

Enfin, le II de ce même nouvel article propose un délai de bénéfice de ces exonérations, afin de mettre fin aussi rapidement que possible à la situation dérogatoire que représente aujourd’hui la prise en charge par la puissance publique d’un tiers des rémunérations des salariés du secteur privé. Pour ce faire, il est proposé que ne puissent bénéficier de l’exonération que les employeurs ayant mis fin à la position d’activité partielle dans laquelle se trouvent les salariés jusqu’à cinq jours après la publication de cette loi.

Comme il a été vu supra, ce délai a été choisi afin de trouver un équilibre entre la bonne information et lisibilité des employeurs et la nécessité de mettre fin à la situation extrêmement dérogatoire que représente aujourd’hui le recours excessif au dispositif de l’activité partielle. Il ne signifie en aucun cas un retour impératif des salariés dans les locaux de leurs entreprises, toutes les considérations relatives au télétravail ou à l’adaptation des conditions de travail aux impératifs sanitaires demeurant égales par ailleurs.

Un délai dérogatoire de trente jours est prévu pour les secteurs subissant encore aujourd’hui des mesures de fermeture prises sur le fondement de l’article L. 3131-1 ou du 5° de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique. C’est en effet sur ce fondement qu’il est loisible :

– au ministre chargé de la santé de prescrire, par arrêté motivé et dans l’intérêt de la santé publique, pour faire face à une crise épidémique, toute mesure « proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ». On compte au titre de ces mesures l’interdiction de recevoir du public pour les établissements mentionnés supra ;

– au Premier ministre, par décret, aux fins de garantie de la santé publique, d’ordonner « la fermeture provisoire et réglementer louverture, y compris les conditions daccès et de présence, dune ou plusieurs catégories détablissements recevant du public ».

Les catégories d’établissements ouverts au public qui demeurent provisoirement fermés par le biais du décret du 11 mai 2020 ([23]) pourront donc bénéficier de l’exonération jusqu’à trente jours après la publication de la présente loi, afin de donner un temps supplémentaire pour ces secteurs économiques particulièrement affectés.

II.   Les modalitÉs techniques d’affectation des dÉpenses

Le III du nouvel article L. 242-11 du code de la sécurité sociale prévoit que l’État et l’Unedic, en charge du régime de l’assurance chômage, disposent par la voie réglementaire des modalités d’extinction parallèle du dispositif de l’activité partielle, notamment en ce qui concerne les établissements qui n’ont pas pu rouvrir le 11 mai.

Le II du présent article prévoit la compensation habituelle des pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale par la création à due concurrence d’une taxe additionnelle aux droits « tabac » mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Le rapporteur ne souhaite toutefois évidemment pas augmenter les droits « tabac » à hauteur de plus de 20 milliards d’euros, cette opération ayant pour seul objet de satisfaire aux obligations issues de l’article 40 de Constitution, et espère donc que le Gouvernement pourra, au cours de la discussion, « lever » ce gage.

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   COMPTE RENDU DES TRAVAUX

Au cours de sa séance du jeudi 4 juin 2020, la commission a procédé à lexamen de la proposition de loi de M. Éric Woerth visant à alléger temporairement les cotisations sociales à la charge des entreprises afin de remplacer progressivement le dispositif dactivité partielle (n° 3001) (M. Éric Woerth, rapporteur) ([24]).

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je souhaite la bienvenue au président Éric Woerth dans notre commission, dont il est d’ordinaire le voisin...

Je précise que sa proposition de loi a été inscrite à l’ordre du jour des séances publiques réservées au groupe Les Républicains, le jeudi 11 juin.

M. Éric Woerth, rapporteur. Je suis heureux d’être devenu membre, à titre temporaire, de la commission des affaires sociales pour vous rapporter ce texte qui s’inscrit dans un ensemble de propositions de loi formant un plan global de relance pour notre économie, dans le but de gérer la sortie de crise sanitaire et d’éviter qu’elle ne se transforme en crise économique et sociale.

Cest devenu une sorte dévidence ou de truisme : la crise que nous traversons est sans précédent, tout le monde en est convaincu. Je ne reviendrai pas sur ses aspects sanitaires ; je me concentrerai sur ses aspects économiques. La crise économique et sociale est déjà là. Les seules données produites cette semaine par les ministres donnent le tournis : le déficit public est désormais attendu non plus à 9 % mais à 11 % du produit intérieur brut (PIB) – nous avions déjà annoncé des chiffres du même ordre il y a plusieurs semaines. Leur ampleur même les rend difficiles à appréhender. Selon le ministre de léconomie et des finances lui-même – nous verrons ce quil en est exactement –, la récession devrait également se situer aux alentours de 11 % pour lannée 2020. Sans parler de lendettement public ni de lendettement privé, qui atteignent aussi des sommets, ou plutôt des abysses.

La direction de lanimation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et Pôle emploi ont également estimé la semaine dernière que le nombre de demandeurs demploi en catégorie A, autrement dit la plus éloignée du monde du travail, était en augmentation de près de 850 000 personnes en avril 2020. Sur trois mois, plus dun million de demandeurs demploi supplémentaires ont été inscrits dans cette catégorie. Le chômage pourrait atteindre rapidement des niveaux encore inconnus.

L’ouverture du dispositif dérogatoire auprès des entreprises qui ont souffert d’une baisse sans précédent de leurs chiffres d’affaires pour accéder à l’activité partielle – passé dans le vocabulaire commun sous le terme de chômage partiel –, tout comme la communication appuyée faite en faveur de son usage, ont été de bonnes mesures. Le consensus des économistes estime que le recours à des formes de travail partiel, à court terme, inspiré du système allemand du Kurzarbeit, doit permettre de lisser les effets les plus délétères de la crise.

Mais ne nous y trompons pas : l’impact social de la crise du covid-19 est devant nous. Les chaînes de valeur internationales restent perturbées, et la consommation intérieure ne redémarre pas rapidement. Pour reprendre les termes de l’INSEE, l’économie française s’efforce de reprendre son souffle. Mais elle refait surface dans un monde qui n’est plus exactement le même qu’avant la crise sanitaire. Et tout porte à croire que l’économie ne reviendra pas à la normale avant de longs mois, voire de longues années pour certains secteurs. C’est une crise sectorisée, dont la gravité varie considérablement d’un domaine d’activité à l’autre.

Cette crise nous frappe donc tout autant que nos partenaires, mais nous ne nous trouvions malheureusement pas sur la même ligne de départ. La comparaison avec lAllemagne, qui affichait un taux de chômage de 3 % en février quand le taux français dépassait encore les 8 %, risque dêtre encore plus cruelle après quavant la crise économique. Avec un déficit public qui comptait dès avant la crise parmi les plus importants de lensemble de lUnion européenne, et une dette publique qui avoisinait déjà les 100 % du PIB – la moyenne dans lUnion européenne est à 80 % –, leffort que nos finances publiques doivent consentir est dautant plus douloureux et nos marges de manœuvre très inférieures à celles des pays qui ont abordé cette crise dans une position relativement moins fragile que la nôtre.

Dans ce contexte, nos entreprises ont massivement recouru au dispositif d’activité partielle ; largement commenté, il est encore largement utilisé. Selon les dernières statistiques de la DARES, 8,6 millions de salariés en ont bénéficié au mois d’avril – le chiffre de 12 millions qui circule correspond aux demandes – dont 20 % ont utilisé le dispositif en totalité. Lorsqu’on ajoute à ces données le nombre de demandeurs d’emploi de catégories A, B et C, les chiffres donnent le vertige : un salarié français sur deux qui a cessé temporairement ou définitivement de travailler.

Cette « nationalisation » des salaires par le chômage partiel ne peut durer éternellement ; c’est bien le sens des mesures que commence à prendre le Gouvernement pour en réduire le coût. Depuis le 1er juin, les entreprises contribuent, dans la plupart des secteurs, à hauteur de 15 % du coût du dispositif, alors qu’elles n’y participaient pas – en tout cas jusqu’à hauteur de 4,5 SMIC – jusqu’alors. J’ai bien conscience que l’exonération proposée dans cette proposition de loi ne fera pas disparaître par magie le recours à l’activité partielle ; mais elle constituera un signal très fort en faveur de l’accélération du retour au travail pour les salariés français, et d’un retour à la normale pour notre tissu économique, déjà très désorienté. Enfin, il revient au Gouvernement de décider lui-même du rythme d’extinction du dispositif d’activité partielle.

Au-delà de la demande faite aux entreprises de participer plus fortement à ce dispositif, des projets de rabotage assez violents circulent d’ores et déjà dans la sphère gouvernementale, sans doute parce que le subventionnement public de l’économie a déjà très durablement grevé les finances publiques : les prévisions du Gouvernement sur le coût du chômage partiel, à savoir 24 milliards d’euros pour la durée du confinement selon le deuxième projet de loi de finances rectificative, seront sans doute, d’après le Haut Conseil des finances publiques, sensiblement dépassées. D’autant que ce chiffre n’intègre pas les pertes de cotisations sociales qui viennent s’ajouter aux indemnités versées aux salariés : le montant cumulé tourne autour de 18 à 20 milliards d’euros par mois soit, sur la durée du confinement jusqu’au 1er juin, un total plus proche de 38 à 40 milliards d’euros.

Ajoutons que l’activité partielle, qui a été une bonne mesure à un moment donné, emporte des effets pervers : la sortie trop rapide et uniforme du dispositif entraîne une multiplication des faillites ; le phénomène d’accoutumance des entreprises à la situation les dissuade de reprendre des salariés tant qu’elles ne sont pas certaines de l’augmentation de leur chiffre d’affaires, ce qui est bien naturel ; enfin, le salarié lui-même n’est pas incité à retourner au travail dans la mesure où il reçoit une indemnité très proche de son salaire réel : il préfère attendre le risque zéro sanitaire pour retourner travailler. Nous entrons donc dans une période très délicate, celle du rebasculement vers la vie normale, pendant laquelle les millions de personnes en activité partielle risquent de devenir des millions de personnes en chômage réel. C’est cela que nous devons nous efforcer de contingenter.

Le Gouvernement a certes inscrit dans le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 des formes spécifiques d’activité partielle, mais c’est parce qu’il prévoit la prolongation de ce dispositif pour des mois, voire pour des années – comme il l’explique lui-même – pour un certain nombre de secteurs. Cette course en avant n’est ni responsable ni nécessaire, et conduit à une impasse en matière de finances publiques.

La proposition de loi que je soutiens avec Les Républicains constitue un chemin alternatif de sortie de crise pour notre pays, permettant à la fois de préserver la cohésion sociale, de nous garantir contre l’explosion du chômage, et de limiter l’impact de l’épidémie sur nos finances publiques, déjà durement éprouvées. L’objectif est d’inciter les salariés à temps partiel à retourner à leur poste, et surtout d’accélérer la reprise de leurs salariés par les entreprises, avant même que leur chiffre d’affaire n’ait retrouvé son niveau d’avant la crise, par une baisse exceptionnelle et temporaire du coût du travail. Autrement dit, il s’agit de faire baisser le niveau du chômage partiel pour faire diminuer le coût du travail.

Son article unique établit un dispositif d’exonération des cotisations patronales, à l’exception de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 4,5 SMIC par an. Après la promulgation de cette loi, les entreprises auraient cinq jours – une sorte de délai de carence, afin de leur laisser le temps de s’adapter – pour reprendre leurs salariés et ainsi bénéficier pour six mois de cette exonération qui constituerait donc un levier puissant de retour des salariés au sein de nos entreprises.

Ce dispositif a de nombreux avantages par rapport à l’inertie ou, à l’inverse, à la sortie brutale du dispositif d’activité partielle.

Il a dabord lavantage de la simplicité : il est bien connu, tous les gouvernements ont participé à la baisse des cotisations patronales. Ce fut le cas avec les allégements « Fillon » sur les rémunérations nexcédant pas 1,6 SMIC par an, puis avec le pacte de responsabilité et de solidarité sous François Hollande, pour les salaires inférieurs à 2,5 ou 3,5 SMIC moyennant certains critères, et enfin avec lélargissement du périmètre de la réduction « Fillon » par le président Macron. On sait le faire, et on sait que cest efficace et utile : hors période exceptionnelle comme celle que nous vivons, 1 % de baisse de cotisations entraîne à terme, en un an mais avec des effets dès les trois premiers mois, une augmentation de 2 % du nombre demplois. Les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et dallocations familiales ont dailleurs montré quelles maîtrisaient très bien ces outils.

Il conduirait ensuite à encourager le maintien dans l’emploi des millions de Français aujourd’hui en proie à l’incertitude. Les mois que nous venons de traverser portaient suffisamment d’angoisses pour ne pas en ajouter au moment de la sortie du confinement. Les employeurs qui, à la date de publication de la loi, seront pleinement informés des conditions d’éligibilité à ce dispositif, auront cinq jours pour en profiter et permettre à leurs salariés de retrouver plus rapidement leurs véritables contrats de travail – certes, les entreprises reprennent progressivement leurs salariés, mais il s’agit d’aller plus vite : sinon, au rythme naturel des choses, un million de personnes supplémentaires sont promises au chômage. Cette réintégration est contractuelle : il va de soi que le maintien des salariés en télétravail ou de tous les aménagements nécessaires au respect des conditions sanitaires seront intégrés. Le délai de cinq jours est par ailleurs aménagé pour les secteurs qui subissent encore des mesures de fermeture administrative.

Le champ des exonérations, qui est celui des allégements généraux renforcés par la majorité actuelle, est le plus pertinent. C’est le seul susceptible d’avoir un véritable effet incitatif sur la sortie de l’activité partielle. Le texte initial était ambigu à ce sujet, et le périmètre était à l’origine plus restreint que celui des allégements généraux ; c’est pourquoi j’ai proposé un amendement visant à les aligner. C’est la même raison qui a présidé au choix d’un champ étendu jusqu’à 4,5 SMIC : ce chiffre correspond à celui que la majorité a choisi et que nous avons voté pour la prise en charge de l’allocation d’activité partielle.

Au fond, l’objectif de cette proposition de loi est de permettre qu’à mesure que le dispositif d’activité partielle s’éteint, les entreprises soient véritablement accompagnées dans la sortie de crise. Le coût total de cette mesure est estimé à 24 milliards d’euros sur six mois, soit la moitié de ce qu’a coûté, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques, le dispositif d’activité partielle depuis le début du mois de mars. Il s’agirait ainsi de dépenser la moitié de ce que coûte l’activité partielle pour activer une mesure par essence passive, puisqu’elle consistait à conserver les salariés au chômage, afin de remettre les salariés au travail et inciter les entreprises à les reprendre plus rapidement. Et cela coûte 50 % de moins...

Il y a bien une autre solution, l’arrêt brutal du dispositif de chômage partiel, mais ce serait socialement insupportable. Je doute que le Gouvernement s’y résolve, à moins que l’activité ne reprenne miraculeusement son cours – mais ce n’est pas ce que prévoient les ministres. Jamais il n’acceptera quelque chose qui mettrait un million ou un million et demi de personnes au chômage. Il prolongera donc d’une manière ou d’une autre le dispositif. Cependant, faire perdurer le système d’activité partielle pendant de longs mois serait socialement supportable, mais financièrement insupportable. Il faut donc une troisième voie, celle que nous proposons, pour éviter de nous retrouver avec 1,5 million de chômeurs supplémentaires dans les mois qui viennent.

Mme Catherine Fabre. Dans cette période de sortie du confinement, l’accompagnement des entreprises est effectivement un sujet crucial, un défi majeur que nous nous employons à relever. Depuis le 11 mai, nous sommes entrés dans une nouvelle phase, et il s’agit maintenant pour l’État d’accompagner et de favoriser la reprise d’activité. Je voudrais saluer le volontarisme dont le Gouvernement a fait preuve pour aider les entreprises à maintenir l’emploi depuis le 1er mars. Plus de 445 000 entreprises ont obtenu des prêts garantis par l’État pour renflouer leur trésorerie, et 110 milliards d’euros ont été investis dans les reports de charge et le fonds de solidarité pour les très petites entreprises, indépendants et professions libérales. L’activité partielle, dispositif le plus protecteur d’Europe, a permis de puissamment protéger les emplois et les salariés.

Nous pouvons donc collectivement reconnaître que le Gouvernement a été au rendez-vous face à ce tsunami économique ; avec la majorité, il continuera à l’être pour sécuriser la phase de relance de l’activité.

Monsieur le rapporteur, vous proposez ici une mesure d’incitation à la reprise du travail pour les entreprises mettant fin au chômage partiel de leurs salariés, qui prend la forme d’une exonération de charges sociales pendant six mois. L’intention est louable et nous la partageons. Cependant, cette solution comporte à nos yeux des limites importantes, d’abord en raison de son automaticité : cette aide serait proposée indifféremment aux entreprises, quels que soient leur situation et leur secteur d’activité, ce qui conduirait à une dépense conséquente et mal ciblée. La diversité des situations appelle selon nous des mesures plus adaptées aux besoins de chacun.

Une telle solution vient d’ailleurs d’être proposée par le Gouvernement ; elle a été adoptée au Sénat puis à l’Assemblée hier. Dorénavant, les entreprises pourront bénéficier d’un régime d’activité partielle spécifique, nommé « activité réduite pour le maintien de l’emploi », à condition de conclure un accord collectif d’entreprise ou de branche étendu. L’objectif est d’assurer le maintien de l’emploi dans les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable. L’État comblera une partie de la perte du revenu du salarié engendrée par la diminution de son temps de travail, et l’employeur prendra des engagements de maintien de l’emploi. Ce dispositif nous semble plus agile, apte à produire des solutions sur mesure et à relever le défi de l’activité et de l’emploi.

Pour ces différentes raisons, le groupe La République en Marche votera le rejet de cette proposition de loi.

Mme Brigitte Kuster. Le soutien à nos entreprises et au maintien de nos emplois est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Le groupe Les Républicains a décidé d’inscrire à sa prochaine niche plusieurs textes en soutien à notre économie, et la proposition de loi d’Éric Woerth, que nous étudions ce matin, en est l’un des principaux. Cette priorité est d’autant plus importante que notre pays voit se profiler une des pires crises économiques de son histoire. Elle a d’ailleurs commencé : en deux mois, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a augmenté de plus d’un million ; jamais notre pays n’avait connu une hausse aussi brutale.

La proposition d’Éric Woerth, dont les qualités en matière financière ne sont plus à vanter, vise à utiliser le budget dédié au chômage partiel pour le transformer en allégement de charges temporaire pour les entreprises. Si le chômage partiel a été un levier important dans la crise du covid-19, et s’il a été utile afin de sauver des centaines de milliers d’entreprises et des millions d’emplois, il ne peut perdurer dans le temps. Il nous est donc proposé de transformer ce dispositif – plus de 25 milliards d’euros – afin de soutenir directement l’emploi à travers la baisse du coût du travail. Les employeurs ne pourront plus bénéficier directement du chômage partiel, mais ils ne paieront pas non plus de cotisations patronales de sécurité sociale pendant six mois après la reprise du travail de l’employé. Pour cela, il faudra que le salarié soit remis au travail dans les cinq jours après la promulgation de la loi – trente jours après la fin de l’interdiction de fermeture pour les entreprises encore concernées par la fermeture administrative –, et ce dans la limite de 4,5 SMIC, plafond identique à celui retenu pour le chômage partiel.

À travers cette proposition de loi, l’objectif est de baisser le coût du travail et de favoriser le retour des salariés dans leurs entreprises. Nous sommes convaincus de sa pertinence ; Les Républicains la soutiendront avec conviction.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Ce texte a le mérite de poser des questions pertinentes alors que l’activité économique reprend petit à petit dans le pays, en particulier celle de l’extinction du dispositif d’activité partielle, plébiscité par de nombreux employeurs – plus d’un million d’entreprises l’ont demandé pour près de 12,5 millions de salariés –, et celle de l’incitation pour les entreprises et les salariés à reprendre le travail à un rythme normal.

Si lactivité partielle a constitué un filet de sécurité permettant de sauvegarder autant que faire se peut lemploi et les compétences au sein des entreprises, il sagit aujourdhui de lever ce dispositif pour les employeurs qui le peuvent. Nous partageons à ce sujet le constat du rapporteur.

Par ailleurs, la participation de l’État au dispositif a diminué au 1er juin, et le Gouvernement doit présenter un plan d’extinction progressif de l’activité partielle pour les entreprises qui le peuvent dès la fin de cette semaine. Il a en outre fait adopter par voie d’amendement au Sénat la semaine dernière un dispositif spécifique d’activité partielle longue durée pour les entreprises qui ne pourront reprendre une activité normale suite à la paralysie de leur secteur, comme celui de la construction automobile. Ce nouveau mécanisme fait la part belle au dialogue social et nous nous en félicitons.

Ainsi, il ne nous semble pas opportun d’appliquer à ce stade une baisse des charges patronales, alors même que des discussions sont en cours entre le Gouvernement et les partenaires sociaux pour favoriser des accords collectifs et proposer de nouvelles mesures, dans le but d’éviter des licenciements et de favoriser la préservation des compétences des salariés. Plutôt que de multiplier les dispositifs, nous avons besoin d’une feuille de route concrète et efficace, précisément est en cours de construction.

Pour toutes ces raisons, le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés ne votera pas cette proposition de loi.

M. Philippe Vigier. Nous venons de vivre un énorme séisme. Nous sommes en train de surmonter une crise sanitaire d’une violence extrême ; nous voilà maintenant face à une crise économique et sociale tout aussi terrible. Éric Woerth a rappelé les chiffres, effectivement abyssaux. Celui qui m’a le plus frappé, c’est le nombre de chômeurs supplémentaires enregistrés au mois d’avril : 850 000 ! C’est comme si tous les efforts que nous faisons depuis des années pour lutter contre le chômage avaient été annihilés en un mois.

François Mitterrand estimait que, dans la lutte contre le chômage, on avait tout essayé. Pour ma part, je crois qu’il faut toujours explorer de nouvelles voies ; aussi le groupe Libertés et Territoires soutiendra-t-il cette proposition de loi, pour plusieurs raisons.

Nous avons voté le dispositif massif de chômage partiel proposé par le Gouvernement parce qu’il était nécessaire, mais nous entrons maintenant dans une deuxième phase. Le dispositif proposé par le président Woerth est intéressant, d’abord parce qu’il est limité dans le temps, ensuite parce qu’il a le mérite de faire comprendre à nos concitoyens que l’activité économique doit repartir – sans production, par de redistribution –, enfin parce qu’il évitera des déconvenues aux salariés. Avec la baisse de la prise en charge du chômage partiel par l’État, le retour dans l’entreprise est l’assurance d’une rémunération : c’est donc une bonne chose pour le pouvoir d’achat. Par ailleurs, le chômage partiel a certainement donné lieu à des abus de la part de certains employeurs : la présidente Brigitte Bourguignon a posé une question très pertinente à ce sujet ; il nous faudra vérifier tout cela.

Au début de la crise, nous nous sommes félicités de ce que notre pays était capable de redistribuer mais, à présent, il faut impérativement que l’activité économique reparte. Le groupe Liberté et Territoires soutiendra cette mesure, qui ne coûtera pas plus cher que le dispositif actuel, jusqu’alors tout à fait justifié ; mais nous arrivons à une nouvelle phase, à nous de l’accompagner.

M. Bastien Lachaud. Cette proposition de loi prétend favoriser la reprise de l’économie après le confinement en exonérant de cotisations sociales les patrons dont les salariés reprendraient le travail à temps plein dans les cinq jours suivant sa promulgation.

Pour le groupe La France insoumise, ce dispositif relève de la pensée magique. Tout d’abord, il postule que la reprise du travail à temps plein est une affaire d’incitation ou de bonne volonté. C’est faux et insultant : celles et ceux qui sont contraints au temps partiel ne sont pas des fainéants. Les études sur la fraude sont très claires : au moins un quart des salariés ont été indûment maintenus en activité aux frais de l’État par leur employeur. Exonérer les patrons de cotisations lorsque ces salariés reprendront le travail, cela revient tout bonnement à récompenser la fraude.

Du reste, il existe bien des raisons de ne pas reprendre le travail à temps complet, à commencer par le respect des précautions sanitaires imposées par l’épidémie. Certains donnent une prime aux travailleurs qui prennent des risques. Comble de l’absurdité, ce texte avantage les patrons qui se désintéressent de la santé de leurs salariés. En outre, pour reprendre le travail à temps plein, il faut pouvoir confier ses enfants à l’école ou à une crèche. Or, bien souvent, les préconisations du ministère de l’éducation nationale ne le permettent pas. Combien de mairies doivent demander aux parents de trouver des solutions alternatives à la scolarisation ?

Enfin, inciter à la reprise de l’activité par des exonérations de cotisations, c’est, encore une fois, déséquilibrer les comptes sociaux. C’est une mesure purement idéologique, qui vise tout bonnement à affaiblir le système de protection sociale pour affirmer, bientôt, qu’il est inefficace. Qui veut privatiser la protection sociale organise sa faillite...

En réalité, pour protéger les petites entreprises et relancer l’économie, c’est l’inverse qu’il faut faire. L’argent public ne devrait pas servir à affaiblir la protection sociale, mais à compenser directement le manque à gagner de ceux qui ont dû fermer boutique pendant le confinement.

Les nécessités du déconfinement devraient aussi inciter à prendre de la hauteur et à constater que le chômage partiel compensé est en réalité la préfiguration d’une nécessaire diminution du temps de travail. Au lieu d’inciter les salariés à reprendre à temps complet, mieux vaudrait orienter les crédits vers la reprise d’activité de celles et ceux qui sont complètement au chômage. Ce faisant, nous soutiendrions la demande intérieure et relancerions l’activité. C’est plus ou moins ce qu’a décidé la Première ministre néo-zélandaise en instaurant la semaine de quatre jours. Cette mesure a en outre un avantage écologique certain, puisqu’elle supprime une journée de déplacement entre le domicile et le travail.

Cela suppose évidemment un transfert d’argent du capital vers le travail, ce qui vous est insupportable.

Mme Annie Chapelier. Monsieur le rapporteur, le groupe Écologie Démocratie Solidarité pense comprendre l’idée que vous défendez : en faisant supporter par l’État l’exonération de cotisations patronales jusqu’à un certain plafond et pendant une durée limitée, vous espérez inciter les entreprises à reprendre leurs salariés actuellement en chômage partiel. Néanmoins, plusieurs interrogations demeurent, qui appellent des précisions.

La première concerne le coût de cette mesure. Dans votre exposé des motifs, vous écrivez : « En transformant environ la moitié des crédits gigantesques consacrés jusquà aujourdhui à lactivité partielle en baisse de charges, le retour au travail est incité et accompagné. » Sachant que le chômage partiel représente 27 milliards d’euros, votre mesure coûterait 15 milliards au bas mot. Comment articuler l’exonération que vous proposez et les mesures de soutien au chômage partiel, en évitant leur cumul ?

Ma deuxième interrogation concerne le plafond de 4,5 SMIC, qui paraît élevé, même si vous dites n’avoir fait que reprendre le plafond retenu par l’État pour le chômage partiel. Ne serait-il pas préférable de cibler les publics prioritaires, les salariés les moins qualifiés et les plus fragiles, qui risquent plus que d’autres de basculer dans le chômage de longue durée ? Êtes-vous certain que les cadres courent le même risque ?

Ma troisième question concerne la philosophie générale de votre proposition de loi. Notre groupe, qui n’est pas particulièrement favorable aux mesures d’exonération, souhaiterait être convaincu de la pertinence de la mesure que vous proposez – même s’il est convaincu de votre bonne foi. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi a été introduit pour résoudre un problème de compétitivité face à des marchés concurrents, particulièrement au coût du travail allemand, et il a constitué une réponse adaptée à ce problème. Mais nous sommes dans un contexte bien différent ; nous souhaiterions avoir des précisions sur les effets que vous escomptez, au-delà de l’aspect purement incitatif.

En résumé, l’idée et l’intention sont tout à fait louables : nos entreprises doivent effectivement être soutenues et nous devons être au rendez-vous de la reprise pour les aider. C’est plutôt sur la forme que notre groupe s’oppose à votre proposition de loi. Cherchons des dispositifs financiers pour inciter au retour au travail mais cessons de mettre à mal notre système budgétaire.

M. Pierre Dharréville. Monsieur le rapporteur, il ne vous surprendra pas que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soit opposé à votre proposition de loi, même si nous reconnaissons comme vous que la situation est préoccupante ; il est nécessaire d’agir pour que celles et ceux qui travaillent et qui participent à l’activité économique de notre pays en sortent dans les meilleures conditions possibles. Mais la solution ne saurait passer par une nouvelle mesure d’exonération de cotisations pour les employeurs : les mesures de ce genre suscitent une forme d’addiction croissante, elles sont devenues massives et ont encore été renforcées au cours des dernières années. Or elles n’ont pas eu de résultats très probants en matière d’emploi. Au contraire, elles nous ont souvent empêchés de reconnaître la réalité du travail : nous avons bien vu, au cours des derniers mois, que la reconnaissance des métiers et du travail accompli doit être repensée.

La baisse d’activité que nous constatons risque effectivement de durer et il est nécessaire que la puissance publique continue de proposer des mesures d’aides. Les dispositifs dits d’activité partielle doivent s’ajuster à la situation des entreprises d’une manière plus fine, en évitant les mesures par trop générales.

Voter cette proposition de loi reviendrait à réduire encore davantage les ressources de la sécurité sociale, ce qui ne serait pas sans poser quelques problèmes. Nous pensons qu’il faut prendre le problème dans l’autre sens et c’est pourquoi nous défendrons, dans le cadre de notre « niche » parlementaire, le 18 juin, une proposition de loi visant à l’instauration d’une garantie salaire-formation au service de la transition écologique et sociale de l’économie. Nous proposerons un nouveau mécanisme de protection sociale, qui permettrait de répondre à l’urgence de la crise tout en favorisant la transition écologique. En sécurisant les salaires, ce dispositif permettrait à celles et ceux qui sont dans la situation que vous avez décrite de se former afin de participer autrement, demain, à l’activité économique de notre pays. Mais nous aurons l’occasion d’en débattre.

La sphère publique doit continuer de soutenir le secteur privé, mais nous ne pouvons nous exonérer d’une réflexion sur les secteurs stratégiques qu’il convient de soutenir et de développer en priorité. Cela passe par de nouveaux leviers, à plus forte raison si nous voulons relancer l’activité de manière vertueuse.

M. le rapporteur. Il est vrai que le mieux serait de ne rien faire. Le mieux serait que l’activité, après l’énorme trou d’air que nous avons connu, reparte d’elle-même et se mette à remonter. Mais il faudrait qu’elle remonte beaucoup plus haut qu’auparavant pour éponger trois mois d’arrêt ! Le mieux serait de transformer cette année noire en année blanche, mais il est peu probable que les choses se passent ainsi. On peut toujours l’espérer et c’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement attend avant de mettre en œuvre un plan de relance. Il attend, parce qu’il ne sait pas très bien comment les choses vont se passer.

Pour ma part, je pense que les choses ne vont pas bien se passer. Les commerçants ont certes un peu plus de clients qu’au cours des dernières semaines, mais ce n’est pas difficile puisqu’ils n’en avaient plus aucun ! L’activité que l’on constate n’a rien à voir avec celle d’avant le confinement. Tout le monde voit bien que les mesures barrières et de sécurité sanitaire pénalisent totalement la productivité, dans l’industrie comme dans les services. Nul ne sait dans combien de temps l’économie va redémarrer. Tout ce qu’on sait, c’est que beaucoup de gens vont se retrouver au chômage. Or j’imagine que personne parmi nous, de la gauche à la droite, en passant par le centre, n’a envie d’une telle situation.

Il y a une forme d’accoutumance au chômage partiel, mais la nationalisation des salaires a un coût gigantesque. Il faut donc en sortir, mais on ne peut pas le faire trop brutalement. C’est pourquoi je propose un dispositif transitoire, qui doit inciter les salariés à revenir travailler. Nombre d’entre eux n’ont pas envie de prendre les transports en commun, parce qu’ils trouvent cela dangereux, et ils veulent qu’on leur garantisse le risque zéro – qui n’existe pas ! Il faut limiter le risque au maximum, mais il va bien falloir que les gens reviennent travailler si l’on ne veut pas que la France bascule dans le chaos social. Pour favoriser le retour au travail, il faut un dispositif qui permette de sortir de la mesure exceptionnelle qu’a constitué le chômage partiel. Cette mesure extrêmement généreuse – et la France a été le plus généreux des pays d’Europe – se justifiait au cœur de la crise, mais elle n’est pas idéale pour en sortir, et d’autres pays ont fait de meilleurs choix que la France. Il fallait prendre cette mesure et notre groupe l’a votée avec la majorité, mais comme il y a eu une logique d’entrée, il faut à présent trouver une logique de sortie. De la même manière que vous avez accompagné l’économie de manière artificielle pendant plusieurs mois, il faut accompagner le retour à la normale. Sinon, il n’aura pas lieu.

Madame Fabre, vous reprochez à cette mesure son automaticité et vous dites qu’il faudrait la cibler. Il n’y a pas d’automaticité et le dispositif est ciblé, puisqu’il concerne les entreprises qui ont mis leurs salariés au chômage partiel, avec le soutien de l’État, quel que soit leur secteur d’activité. On ne va quand même pas cibler des secteurs d’activité ! Il n’y a aucune automaticité là-dedans ou, s’il y en a une, c’est celle que vous avez vous-même choisie, et votée, avec le dispositif d’activité partielle. Nous avons créé un extraordinaire filet de sécurité pour protéger l’économie et les travailleurs français. C’est une très bonne chose, mais il ne faudrait pas que nous nous prenions dans les mailles de ce filet au moment de la reprise et qu’il nous entraîne vers le fond.

Ce que je propose, c’est de continuer à dépenser de l’argent, mais deux fois moins qu’avec le dispositif d’activité partielle, afin de réenclencher une dynamique et de pousser les entreprises à reprendre leurs salariés plus vite que si elles suivaient l’augmentation naturelle de leur chiffre d’affaires.

Vous dites qu’il faut faire preuve d’agilité – tout le monde a ce mot à la bouche en ce moment. Soyons agiles, oui, mais soyons-le aussi intellectuellement, réfléchissons autrement. Le dispositif très exceptionnel que nous avons introduit n’est pas un dispositif agile, c’est un dispositif massue, et il nous faut maintenant trouver un moyen pour en sortir. Or, pour l’heure, le Gouvernement n’a proposé aucun mécanisme d’accompagnement pour favoriser la sortie de l’activité partielle, si ce n’est l’augmentation de la participation des employeurs à sa prise en charge. Et pourquoi avoir fixé un seuil à 15 %, et pas à 20 ou 30 % ? Je suis certain que si l’opposition avait fait une proposition de cette nature, vous vous seriez empressés de la refuser, à tout le moins de critiquer les pourcentages et l’échéancier.

D’autres scénarios de sortie du chômage partiel sont évoqués, mais ils sont beaucoup plus brutaux et conduiraient à une hausse massive du nombre de chômeurs. Et honnêtement, aucune majorité ne l’assumera. Jamais vous n’accepterez qu’il y ait 1,5 million de chômeurs supplémentaires, et vous aurez bien raison. Vous serez réduits à trouver d’autres dispositifs, et dans la panique.

Madame Kuster, je vous remercie de votre soutien, qui n’est pas un scoop... Vous avez défendu hier une proposition de loi visant à instaurer un taux de TVA réduit dans les secteurs de l’hébergement touristique, des restaurants et des cafés. Ce qu’il faut pour relancer l’économie, c’est une panoplie de mesures : celle que je propose, mais aussi des mesures relatives à la TVA ou aux fonds propres des entreprises.

Monsieur Vigier, vous avez raison : on ne peut pas attendre patiemment que la croissance revienne. Nous n’allons pas retrouver, du jour au lendemain, des travailleurs parfaitement heureux, des chefs d’entreprise ayant retrouvé leurs marges et des chaînes de production en marche partout dans le monde à la même vitesse. Attendre patiemment n’est pas une option, et comme le Gouvernement ne fait aucune proposition, nous en faisons. Elles sont certainement discutables, comme le sont toutes les propositions, et comme l’était le chômage partiel, mais nous sommes pour l’instant les seuls à en faire.

Vous avez incité les chefs d’entreprise à maintenir les travailleurs en chômage partiel, sans rupture de contrat de travail. Vous devez maintenant les inciter à reprendre ces mêmes salariés.

Monsieur Lachaud, notre démarche est tout sauf idéologique : elle est d’un pragmatisme total. L’idéal, c’est que les entreprises emploient des travailleurs protégés par le droit du travail et qu’elles leur versent une rémunération satisfaisante pour le travail qu’ils font. Ce n’est pas une position idéologique que de dire qu’il va falloir sortir du dispositif artificiel qui a été introduit pour faire face à cette crise extraordinaire. Il faut bien à un moment donné se poser la question de savoir comment on en sort, même si cela n’a rien d’agréable. Et pour réduire le recours au chômage partiel, il faut baisser le coût du travail. Si on ne baisse pas le coût du travail, il y a peu de chance que les entreprises reprennent leurs salariés avant que leur chiffre d’affaires ait retrouvé un niveau satisfaisant.

Le chômage partiel est-il « fraudogène » ? Il y a sans doute eu des cas de fraude, mais j’imagine que leur nombre est relativement anecdotique – du moins je l’espère. En tout cas, l’inspection du travail et les administrations concernées procéderont aux contrôles qui s’imposent.

Madame Chapelier, vous parlez de la philosophie du texte, mais il n’y a aucune philosophie là-dedans. Nous ne sommes pas des philosophes : nous pensons seulement qu’il faut introduire des dispositifs pour relancer l’activité. Le seuil des 4,5 SMIC pourrait être ramené à 2,5 ou 3,5. Il se trouve que c’est le Gouvernement qui a fixé ce seuil et que des personnes à 4,5 SMIC ont été mises au chômage partiel. Je n’ai retenu ce seuil que par symétrie.

Monsieur Dharréville, nous examinerons votre proposition de loi avec beaucoup d’intérêt mais ce que je peux vous dire, c’est que la baisse du coût du travail est efficace. C’est prouvé et c’est lié à la compétitivité du travail : si tous les pays avaient le même coût du travail, la question ne se poserait pas. Il est évident qu’il ne faut pas aggraver la situation des finances sociales, qui ont déjà été terriblement mises à mal, puisque le déficit de la sécurité sociale s’est accru de 47 milliards d’euros. D’ailleurs, cette dette colossale devrait peut-être nous amener à penser un autre modèle social mais, sur ce sujet, nous n’avons pas les mêmes convictions, même si nous partageons souvent les mêmes objectifs : c’est la grandeur de la démocratie.

La commission en vient à lexamen de larticle unique de la proposition de loi.

Article unique : Exonération de cotisations sociales pour les salariés qui cessent dêtre placés en position dactivité partielle

La commission examine lamendement AS1 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement de précision vise à délimiter le champ des cotisations et contributions patronales sur lequel porte l’exonération proposée par la présente proposition de loi, à savoir l’ensemble des cotisations et contributions qui font actuellement l’objet des allégements généraux dégressifs applicables aux rémunérations entre 1 et 1,6 SMIC.

La commission rejette lamendement.

Puis elle rejette larticle unique de la proposition de loi et, ce faisant, rejette la proposition de loi.

M. le rapporteur. Nous aurons un débat en séance publique. Je souhaite que le Gouvernement et la majorité fassent des propositions de sortie efficaces du chômage partiel : nous les attendons avec impatience, en espérant que ce ne seront pas des propositions partielles...

*

*     *

La commission a rejeté la proposition de loi visant à alléger temporairement les cotisations sociales à la charge des entreprises afin de remplacer progressivement le dispositif d’activité partielle.

En conséquence, aux termes de larticle 42, alinéa 1, de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi, que la commission demande à l’Assemblée nationale de rejeter.


([1]) Observatoire de l’OIT : le COVID-19 et le monde du travail, 3e édition.

([2]) La catégorie A comprend les personnes qui n’ont pas travaillé pendant la période de référence et qui sont tenus d’accomplir des actes positifs de recherche d’un emploi.

([3])  DARES et Pôle Emploi. Situation sur le marché du travail durant la crise sanitaire. Focus sur les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en avril 2020.

([4]) Eurostat, Communiqué de presse, 1er avril 2020, Euroindicateurs.

https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/10662622/3-01042020-AP-FR.pdf/949c50f2-c88b-56eb-380e-702882211f2c

([5]) Eurostat, ibid.

([6]) Idem

([7])  Ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([8])  Données issues de l’enquête Acemo-Covid-19 ainsi que d’une consultation de la Dares auprès de 1 000 établissements ayant déposé une DAP.

([9]) Département analyse et prévision de l’OFCE, 2020 : « Évaluation au 20 avril 2020 de l’impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement en France : comptes d’agents et de branches », OFCE Policy Brief 66, 20 avril.

([10]) Avis n° HCFP-2020-2 du 14 avril 2020 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour l’année 2020 et au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

([11]) « European Short-Time Work Schemes Pave the Way for a Smoother Recovery », S&P Global, 20 mai 2020.

([12]) Article 4 de l’ordonnance n° 2020-312 du 25 mars 2020 relative à la prolongation de droits sociaux.

([13]) Annexe 5 du PLFSS.

([14]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([15]) Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([16]) Yannick L’Horty, Philippe Martin et Thierry Mayer, « Baisses de charges : stop ou encore ? », note du Conseil d’analyse économique, n° 19, janvier 2019.

([17]) Arrêté du 15 mars 2020 complétant l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19.

([18]) L’ensemble des cotisations patronales versées pour l’exercice 2020 est de l’ordre de 142 milliards d’euros, soit 11,8 milliards d’euros par mois, pour un total de cotisations sociales de 208 milliards d’euros tel que prévu en LFSS 2020. Or, environ un tiers des salariés – 8,6 millions d’entre eux – ont été effectivement placés en chômage partiel selon la DARES.

([19]) Ce déficit a été estimé à 13,4 milliards d’euros pour la seule période des mois de mars, avril et mai : https://www.lesechos.fr/economie-france/social/chomage-lunedic-paye-au-prix-fort-la-crise-du-coronavirus-1198897

([20]) Olivier Blanchard et Lawrence Summers ont défini cet effet en 1986 comme la situation dans laquelle le chômage d’équilibre, dans une économie donnée, augmente alors même que les causes conjoncturelles initiales ont disparu.

([21]) Décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([22]) Décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle.

([23]) Article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([24]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9136298_5ed8a14b83fab.commission-des-affaires-sociales--alleger-temporairement-les-cotisations-sociales-a-la-charge-des-e-4-juin-2020