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N° 3139

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 juin 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale,

 

 

 

Par Mme Sandrine JOSSO,

 

 

Députée.

 

 

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Voir le numéro :

Assemblée nationale :  3091.


 


SOMMAIRE

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 Pages

introduction

Travaux de la commission

 


—  1  —

   introduction

 Le groupe Libertés et Territoires, dont la rapporteure est issue, a déposé, le 15 juin 2020, une proposition de résolution tendant à la création dune commission denquête sur lévaluation des politiques publiques de santé environnementale.

Conformément à l’article 140 du Règlement, cette proposition de résolution a été renvoyée à la commission des affaires sociales, compétente au fond, afin qu’elle « vérifie si les conditions requises pour la création de la commission denquête sont réunies et se prononce sur son opportunité ».

Néanmoins, le Règlement prévoit une procédure spécifique destinée à renforcer les droits des groupes minoritaires et d’opposition, communément nommée « droit de tirage ». En vertu de l’article 141 alinéa 2, « chaque président de groupe dopposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, à lexception de celle précédant le renouvellement de lAssemblée, la création dune commission denquête ».

Le président du groupe Libertés et Territoires, M. Philippe Vigier, a manifesté le souhait du groupe de faire usage de son droit de tirage pour la présente proposition de résolution.

Concrètement, dans cette situation, le Règlement prévoit que « la Conférence des présidents prend acte de la création de la commission denquête si les conditions requises pour cette création sont réunies ». Autrement dit, la commission ne doit plus se prononcer sur lopportunité de la proposition de résolution, mais seulement sur sa recevabilité.

Les conditions de la recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont énoncées par l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

● En premier lieu, cet article dispose qu’une commission d’enquête peut être créée « pour recueillir des éléments dinformation soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à lassemblée qui les a créées ».

Cette exigence n’est pas très contraignante en pratique. L’exposé des motifs précise que la commission d’enquête aurait vocation à « évaluer lefficacité de nos politiques publiques en matière de santé environnementale », entendue comme « les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement » (définition de l’Organisation mondiale de la santé). La commission d’enquête aurait ainsi un rôle de contrôle de la gestion publique dans le domaine de la santé environnementale. Ce cadrage peut être regardé comme satisfaisant aux attendus de l’ordonnance de 1958.

● L’article 6 de l’ordonnance de 1958 dispose en outre qu’« il ne peut être créé de commission denquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours ». Il s’agit là d’une exigence très ferme, qui vise à éviter tout empiètement du pouvoir politique sur le domaine judiciaire.

Pour en garantir l’application, l’article 141 du Règlement prévoit que « le dépôt dune proposition de résolution tendant à la création dune commission denquête est notifié par le Président de lAssemblée au garde des Sceaux, ministre de la justice », afin que ce dernier manifeste, le cas échéant, que « des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Dans cette hypothèse, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion.

La présente proposition de résolution a été notifiée à la garde des sceaux, Mme Nicole Belloubet, qui a fait savoir, par courrier en date du 19 juin 2020, que le périmètre de la commission denquête était « susceptible de recouvrir pour partie plusieurs procédures judiciaires en cours ». Cette situation, fréquente, ne fait pas obstacle à la création de la commission denquête, mais implique une vigilance particulière quant à « larticulation de lenquête parlementaire avec ces procédures judiciaires ».

● Enfin, l’article 138 du Règlement interdit de créer une commission d’enquête ayant le même objet qu’une précédente commission d’enquête ou mission d’information dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter du terme des travaux. Au cours de la période récente, certaines commissions d’enquête se sont penchées sur des sujets entrant dans le champ de la santé environnementale ([1]), mais aucune n’a jamais contrôlé cette politique publique en tant que telle, dans sa globalité. Aucune commission d’enquête ni aucune mission d’information n’a donc jamais eu le même objet que celui suggéré par la présente proposition de résolution.

 

En conséquence, la rapporteure estime que la proposition de résolution répond aux conditions fixées par lordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée et par le Règlement de lAssemblée nationale. Aucun obstacle ne soppose donc à la création de la commission denquête.

 


—  1  —

   Travaux de la commission

Lors de sa première séance du 30 juin 2020, la commission examine, en application de l’article 140, alinéa 2 du Règlement, la proposition de résolution de Mme Sandrine Josso tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’évolution des politiques publiques de santé environnementale (n° 3091) (Mme Sandrine Josso, rapporteure) ([2]).

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, notre collègue Francis Vercamer ayant démissionné à la suite de son succès aux élections municipales, je souhaite en votre nom la bienvenue dans notre commission à Mme Valérie Six, qui exercera les fonctions de porte-parole du groupe UDI et Indépendants.

L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution de Mme Sandrine Josso et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale.

Je rappelle que le groupe Libertés et Territoires a fait usage à cette occasion du droit de tirage conféré par l’article 141 du Règlement aux groupes d’opposition ou minoritaires, qui leur permet de demander la création d’une commission d’enquête une fois par session ordinaire.

Dès lors, en application de l’article 140, il revient à notre commission de vérifier que les conditions fixées par les articles 137 à 139 sont réunies.

Madame la rapporteure, je vous souhaite la bienvenue dans notre commission.

Mme Sandrine Josso, rapporteure. Mes chers collègues, j’ai l’honneur d’être parmi vous aujourd’hui pour vous présenter la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale. Pour cette proposition de résolution, le groupe auquel j’appartiens, le groupe Libertés et Territoires, a fait usage de son droit de tirage. En effet, il ne vous a pas échappé qu’en vertu de l’article 141, alinéa 2 du Règlement, chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, la création d’une commission d’enquête. Nous sommes bien là dans ce cas de figure, puisque c’est la première fois que mon groupe utilise son droit de tirage.

La commission permanente compétente, c’est-à-dire la nôtre, n’est pas appelée à se prononcer sur l’opportunité de la création de la commission d’enquête, comme c’est le cas habituellement, mais uniquement sur sa recevabilité au regard des critères établis par la loi et le Règlement de l’Assemblée nationale. Autrement dit, nous ne sommes pas censés parler du fond, mais seulement de la forme. Cependant, je trouverais frustrant de ne pas vous exposer brièvement les raisons de mon intérêt fort et celui de mon groupe pour la santé environnementale. J’espère donc que vous me pardonnerez de m’extraire quelques instants du carcan réglementaire.

Commençons toutefois par examiner la recevabilité de la proposition de résolution qui nous est soumise puisque c’est le cœur de notre réunion. L’ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées fixe d’abord une exigence de contenu. Selon les termes de cette ordonnance, une commission d’enquête peut être créée pour « recueillir des éléments d’information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales ». En l’occurrence, la commission d’enquête que nous voulons créer aurait vocation à évaluer les politiques publiques de santé environnementale. Qu’est-ce que la santé environnementale ? Ce sont les aspects de la santé humaine qui sont déterminés par des facteurs de notre environnement. Avec cette commission d’enquête, il s’agit bien d’examiner la gestion des services intervenant dans ce domaine. Ce premier critère ne paraît donc pas poser de problème particulier.

L’ordonnance de 1958 fixe ensuite une exigence de fermeté dans la mise en œuvre d’une commission d’enquête, afin de protéger la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire. La commission d’enquête ne doit pas porter sur des faits ayant donné lieu ou donnant lieu à des poursuites judiciaires. Comme l’impose notre règlement, le président de l’Assemblée nationale a donc écrit à la ministre de la justice, Mme Belloubet, pour notifier le dépôt de cette proposition de résolution. Celle-ci a répondu, dans un courrier daté du 19 juin, que le champ de la commission d’enquête était susceptible de recouvrir pour partie plusieurs procédures judiciaires en cours. C’est en réalité une réponse assez habituelle qui ne fait pas obstacle à la création de la commission d’enquête mais nous imposera simplement d’être vigilants dans le programme de travail pour ne pas empiéter sur le domaine de la justice.

Nous devons vérifier une dernière condition de recevabilité imposée cette fois par l’article 138 de notre Règlement, à savoir qu’il n’est pas possible de créer une commission d’enquête ayant le même objet qu’une précédente commission d’enquête avant l’expiration d’un délai de douze mois après la fin des travaux. La même règle s’applique aux missions d’information dotées des pouvoirs d’une commission d’enquête. Cette exigence ne pose pas de problème particulier. Notre assemblée ne s’est en effet jamais penchée sur la gestion publique en matière de santé environnementale en tant que telle, même si elle a déjà pu aborder tel ou tel sujet qui relève de ce champ. Or c’est bien là, à mon sens, l’apport spécifique de la commission d’enquête que nous voulons créer.

Cela me fournit l’occasion de laisser de côté les conditions de recevabilité, dont nous venons de voir qu’elles sont toutes remplies, pour en venir à ce qui nous anime et ce qui, j’en suis sûre, anime la plupart d’entre vous. Il n’y a pas à l’heure actuelle de vraie politique publique de prévention en matière de santé environnementale et cela malgré l’engagement du candidat Emmanuel Macron à la présidence de la République en 2017 de protéger la santé et l’environnement des Français. Force est de constater que ce n’est pas encore devenu une priorité du quinquennat. Pourtant, c’est désormais une évidence non contestée, de nombreux facteurs de notre environnement ont un impact grave sur la santé de nos concitoyens. J’en veux pour preuve que 20 millions de personnes sont affectées par des maladies chroniques en France ou encore qu’un individu a aujourd’hui près de deux risques sur trois de développer un cancer. Toutes ces questions commencent à avoir une plus grande visibilité. On parle de plus en plus de perturbateurs endocriniens par exemple. Mais ce que l’on continue à ne pas prendre en compte dans nos politiques publiques, c’est l’« effet cocktail » de différents risques environnementaux qui se conjuguent entre eux pour produire des maladies qui sont aujourd’hui les premières causes de mortalité en France. Si l’on ne prend pas en compte ces « effets cocktail », c’est précisément parce qu’on n’a pas de vision globale dans ce domaine, pas de recherches suffisamment coordonnées, pas d’approche territoriale.

Alors que nous sommes encore plongés dans la crise du covid-19, je pense que vous percevez tous combien il est essentiel que nous regardions de plus près notre gestion publique dans le domaine de la santé environnementale. C’est la vocation de notre commission d’enquête dont il appartiendra au Gouvernement et au législateur de tirer tous les enseignements sans attendre la prochaine crise.

Je suis convaincue que la santé environnementale est un enjeu du XXIe siècle. Cela étant, comme je vous l’ai dit en introduction, nous n’avons pas aujourd’hui à tenir le débat de cette question, mais simplement à constater la recevabilité de la présente proposition de résolution. Je vous propose donc de voter en faveur de cette recevabilité qui, comme je vous l’ai montré, ne pose pas de difficultés particulières.

Mme Claire Pitollat. La commission des affaires sociales se prononce aujourd’hui sur la demande du groupe Libertés et Territoires de création d’une commission d’enquête sur la santé environnementale. Le groupe La République en Marche qui avait depuis longtemps pris acte du principe d’une mission d’information commune sur la santé environnementale et prend acte aujourd’hui du droit de tirage de ce groupe, droit auquel il ne peut que satisfaire.

Comme pour de nombreux autres sujets, l’enjeu de l’amélioration de la santé environnementale s’inscrit principalement par le champ de la prévention, comme le définit la proposition de résolution. Notre environnement tient une place majeure dans le déclenchement de très nombreuses maladies. Rappelons que la pollution de l’air tue prématurément chaque année en France 50 000 personnes et que son coût socio-économique est évalué à 100 milliards d’euros. Il s’agit de la première cause de mortalité environnementale et la deuxième cause de mortalité après le tabac et l’alcool. Les perturbateurs endocriniens sont responsables de malformations sur plusieurs générations ; ils ont des modes d’action spécifiques qui nécessitent de revoir les règles de toxicologie classique. La chaleur toujours plus élevée dans nos villes, due notamment à l’imperméabilisation excessive des sols, touche durement les personnes âgées et vulnérables.

Ces quelques exemples ne sont qu’un faible échantillon de nombreux autres phénomènes induits par une détérioration de notre environnement proche. Ils nous imposent d’agir. Soyez assurés que notre groupe s’y attelle. Les missions d’information déjà réalisées pendant la législature ont nourri des plans nationaux et projets de loi, comme le plan national santé-environnement 4, le projet de loi sur l’alimentation ou encore celui sur l’économie circulaire. J’espère que cette commission d’enquête permettra elle aussi une avancée par le droit et la réglementation dans la réduction des impacts de l’environnement sur la santé des Français. Je me demande cependant si une mission d’information commune à plusieurs commissions avec plusieurs rapporteurs n’aurait pas pu permettre un traitement plus large du sujet, s’appuyant sur les compétences des commissions permanentes.

Le groupe La République en Marche sera dans tous les cas favorable à la création de cette commission d’enquête.

M. Stéphane Viry. Madame la rapporteure, notre commission est appelée à se prononcer sur la recevabilité de votre demande de création d’une commission d’enquête. Comme cela ne pose pas de problème, je ferai quelques observations sur le fond, ainsi que vous nous y invitez.

J’ai bien noté que vous souhaitiez aller de l’avant sur le sujet de la santé environnementale avec l’idée à terme de créer un pôle territorial de santé environnementale qui donne une part importante à la prévention en matière de santé sur toutes les politiques publiques et qui mette en cohérence la santé et l’environnement. À l’évidence, on ne peut qu’y souscrire.

On s’aperçoit que les politiques de santé environnementale n’ont probablement pas été assez efficaces au fil de l’eau, et qu’il est temps d’aller de l’avant. Vous avez dressé un constat de ce qui a pu ou non se passer en trois ans. Je confesse que je souscris globalement à votre approche et à votre analyse.

Vous dites que cette commission d’enquête aurait vocation à évaluer les politiques publiques de santé environnementale. Il n’y a aucun problème à regarder où nous en sommes en la matière. Manifestement, on peut s’interroger sur la dégradation de la santé de l’homme en lien avec l’environnement.

J’émettrai donc un avis favorable sur la création de cette commission d’enquête, avec toutefois deux réserves. Premièrement, et je rejoins en cela notre collègue Claire Pitollat, je me demande si l’outil de la mission d’information n’aurait pas été plus pertinent pour conduire cette évaluation et cette réflexion. Deuxièmement, il faut veiller à ce que les investigations qui pourraient être les vôtres ne conduisent pas, in fine, à réduire les libertés publiques.

Mme Nathalie Elimas. Mes chers collègues, je tiens à saluer, au nom du groupe du Mouvement Démocrate, l’initiative de nos collègues du groupe Libertés et Territoires, grâce à qui un travail de fond va pouvoir être entrepris sur l’évolution des politiques publiques de santé environnementale. La tâche est vaste et je souhaiterais concentrer mon propos sur les cancers pédiatriques, sujet qui, je le sais, vous tient à cœur également.

Lors de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli, j’avais souligné en tant que rapporteure la nécessité de développer la recherche sur les causes des cancers pédiatriques, qui demeurent largement méconnues, contrairement à celles des cancers de l’adulte. Je rappelle que 2 550 enfants tombent malades chaque année et que 500 n’y survivent pas. L’Institut national du cancer a récemment lancé un groupe de travail afin d’intervenir en amont pour mieux prévenir les cancers et les maladies graves de l’enfant. Pour soutenir cette démarche, il paraît essentiel de proposer systématiquement aux familles d’enfants diagnostiqués pour un cancer de participer à une étude épidémiologique au travers d’un questionnaire portant sur les conditions de vie, notamment environnementales. Des analyses sur site, en particulier au sein des principaux lieux de vie depuis la naissance, l’habitation ou encore l’école, pourraient être réalisées, ainsi que des prélèvements biologiques permettant notamment d’évaluer le taux de toxiques et polluants de tous ordres présents dans les cheveux et dans le sang. Potentiellement, ce sont 12 500 enfants et adolescents qui pourraient participer à une étude d’ampleur afin de consolider les théories environnementales régulièrement évoquées, notamment par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. Les pouvoirs publics pourraient ainsi élaborer des mesures concrètes lorsque cela est nécessaire, dans le cadre du principe de précaution. À l’heure actuelle, ce type d’études ne serait proposé qu’à deux familles sur dix. Il s’agit donc ici de volonté politique pour renforcer la lutte contre les cancers pédiatriques via la prévention. Cela a prouvé son efficacité pour les cancers des adultes.

Les équipes de chercheurs et les équipes médicales font un travail remarquable, mais depuis plusieurs années force est de constater que le nombre de décès d’enfants ne recule presque plus. Il est donc de notre devoir de ne pas négliger cette voie. J’espère que les travaux de cette commission d’enquête permettront d’avancer en ce sens.

Mme Valérie Six. Madame la présidente, mes chers collègues, tout d’abord permettez-moi de vous saluer toutes et tous, et de vous faire part de ma fierté d’être députée et d’intégrer la commission des affaires sociales. J’ai la lourde tâche de remplacer M. Francis Vercamer, mon ami, dont je connais le sérieux, l’implication et l’expertise sur les sujets sociaux. Vous pouvez compter sur mon engagement à participer pleinement à nos débats et à porter la voix du groupe UDI et Indépendants dans le respect et l’écoute des convictions de chacun.

Notre commission est saisie cet après-midi d’une proposition de résolution défendue par le groupe Libertés et Territoires visant à créer une commission d’enquête chargée d’évaluer les politiques publiques en matière de santé environnementale. Nous saluons cette proposition qui fait écho aux préoccupations croissantes de nos concitoyens sur la qualité de leur cadre de vie. Il nous faut sans aucun doute aller plus loin, notamment dans la lutte contre les pollutions lumineuses et sonores et dans l’amélioration de la qualité de l’air que nous respirons. Il s’agit également de freiner l’artificialisation des sols et de progresser vers des pratiques agricoles à la fois plus sûres pour nos agriculteurs et respectueuses de nos paysages. J’insiste sur ce point : la question des pesticides utilisés dans notre agriculture et leurs effets sur la faune, la flore et la santé constituera probablement un des sujets à l’ordre du jour de cette commission d’enquête.

Il nous paraît essentiel que ces travaux ne conduisent pas à jeter la pierre sur nos agriculteurs, déjà éprouvés par un « agribashing » constant et en augmentation. Plus que jamais nous avons besoin de rationalité dans un débat malheureusement brûlant, de chiffres clairs et scientifiquement étayés. Notre groupe se réjouit donc de cette proposition qui permettra de disposer d’un cadre clair sur nos politiques en la matière et en identifiera les failles.

Mme Jeanine Dubié. Madame la rapporteure, je vous remercie pour la présentation de votre proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale. Vous souhaitez avancer vers une politique ambitieuse et efficace de la prévention, à la fois sur la qualité de l’environnement et la protection de la santé. Votre proposition de résolution porte sur la définition précise de la santé environnementale, sur la sensibilisation de la population, sur la création d’un pôle territorial de santé environnementale et sur davantage de crédits à allouer à la recherche sur la santé environnementale. Il me semblerait intéressant d’ouvrir cette idée d’environnement sous l’angle du dérèglement climatique. D’autres épidémies frappent notre territoire et sont en lien direct avec le dérèglement climatique. Je pense notamment aux maladies vectorielles à tiques ou à moustiques. Il me semble primordial d’inclure le périmètre de votre commission d’enquête en parallèle de la commission d’enquête en cours sur la propagation des moustiques Aedes et des futurs travaux de la commission des affaires sociales sur la chronicité de la maladie de Lyme.

On constate que les territoires d’outre-mer sont sévèrement touchés par la dengue, le zika ou le chikungunya qui sont transmis par les moustiques, mais que des zones à climat tempéré ou continental sont eux aussi affectés. De même, si auparavant on rencontrait les tiques qui transmettent la borréliose de Lyme plutôt en forêt et en montagne, force est de constater qu’elles sévissent aujourd’hui en zone urbaine sur les pelouses des parcs. Je proposerai donc que vous preniez en compte l’angle du dérèglement climatique.

Mme Frédérique Tuffnell. Madame la rapporteure, je vous remercie pour cette proposition de résolution qui résonne aujourd’hui plus qu’hier avec les aspirations des Français. Vous décrivez très bien dans votre exposé des motifs que la pandémie que nous traversons est liée à l’érosion de la biodiversité, et que de nombreuses pathologies trouvent plus directement leur origine dans les activités humaines. Ainsi, si l’humanité a dégradé 75 % de la surface terrestre, on estime que la pollution de l’air est responsable de 48 000 morts par an en France et que les pollutions diffuses et industrielles, couplées au changement climatiques, vont jusqu’à remettre en question la disponibilité en eau potable. Sinistre tableau.

Comme vous le soulignez, cette commission d’enquête a vocation à évaluer l’efficacité de nos politiques publiques en matière de santé environnementale et, in fine, de sauver des vies en préservant la nature. Comment ne pas vous soutenir ? Si l’on peut regretter qu’il nous faille une énième commission pour ouvrir collectivement les yeux, je me réjouis que ces futurs travaux puissent mettre un terme au déni et nous permettent de contempler la réalité en face. En France, l’on meurt et l’on mourra des conséquences du changement climatique, faute de faire de la résilience de nos territoires l’un des déterminants de nos politiques publiques, et l’on meurt des pollutions multiples dont nous sommes à l’origine, parfois même sans que la science ou la justice ne reconnaissent le lien entre pollution et maladie.

En Charente-Maritime par exemple, en six ans j’ai été informée de cinq cas de leucémies chez les enfants qui ont conduit au décès d’une jeune fille de 15 ans en décembre dernier, dans ma circonscription. Tous habitaient à moins de 1 500 mètres de deux usines d’enrobés de compostage, à proximité d’exploitations agricoles, d’une ligne de haute tension et d’une infrastructure routière. Cette situation, bien que très préoccupante, n’a malheureusement rien d’exceptionnel et doit nous conduire à mieux appréhender les conséquences d’une diversité de polluants sur la santé, ce qu’on appelle l’« effet cocktail ».

Vous l’avez compris, au-delà de l’importance de cette commission d’enquête, nous devons mettre un terme à la dégradation de l’environnement dans une logique de santé publique. Nos politiques publiques ne doivent plus se limiter à la simple recherche de bénéfices économiques mais aussi à des bénéfices sociaux et environnementaux. La santé environnementale en est l’illustration.

Le groupe Écologie Démocratie Solidarité est donc tout à fait favorable à votre proposition de résolution.

M. Pierre Dharréville. Je me réjouis que l’on puisse faire droit à une demande d’un groupe d’opposition de faire jouer son droit de tirage... C’est sain pour la démocratie.

Le sujet est d’importance. Bien sûr, les questions de santé environnementale ne sont pas totalement nouvelles, mais nous avons besoin de nous y pencher de manière peut-être un peu plus vive que par le passé. En tout cas, nous savons que des progrès importants sont à accomplir, qu’il nous faut rechercher les causes d’un certain nombre de phénomènes et qu’il est nécessaire de disposer d’outils publics à la hauteur. Le fait d’interroger les politiques publiques, comme vous le proposez, me semble donc être une bonne chose. Comme vous le savez, je parle depuis un territoire qui a à connaître de ces questionnements-là.

Il convient de regarder de quelle manière l’action publique peut se déployer, se connecter à une dimension citoyenne et démocratique qui parvienne à donner aux outils publics toute la force nécessaire pour produire des mouvements susceptibles d’agir face aux problèmes de santé environnementale.

Le champ d’investigation de cette commission d’enquête me semble intéressant, car il est nécessaire de produire des politiques de prévention et d’agir sur nos modes de vie. Évidemment, cela affectera les habitudes et peut-être aussi les intérêts, notamment les intérêts économiques. Pour ce faire, nous avons besoin d’outils publics puissants parce que nous ne pouvons pas déléguer cela à d’autres.

Je me réjouis donc de la création de cette commission d’enquête.

M. Bernard Perrut. Protéger notre santé nécessite de garantir, d’améliorer la qualité de l’air, de l’eau, des sols, de limiter la pollution sonore, les expositions aux substances dangereuses, les pesticides, le plomb, l’amiante. Force est de constater que la santé environnementale doit devenir une priorité et que nous devons mieux prendre en compte les effets de la dégradation de l’environnement sur notre santé.

Vous évoquiez, à juste raison, d’investir conséquemment dans la recherche et d’assurer une meilleure remontée d’information, et vous mettiez en cause en quelque sorte les agences régionales de santé. Quels exemples vous permettent de justifier les propos que vous avancez sur leur manque d’attachement à cette problématique ? Vous évoquiez également la dimension territoriale des risques environnementaux. Ne craignez-vous pas d’ajouter en quelque sorte un nouvel échelon d’organisation avec ce pôle territorial de santé environnementale ? On aimerait avoir quelques précisions sur votre vision de cette nouvelle structure, même si je partage tout à fait l’idée qu’il faut améliorer la formation des élus, des professionnels de santé sur le sujet de la santé environnementale et de son caractère plurifactoriel, et qu’il faut avoir les remontées du terrain.

À l’occasion du lancement du « Ségur de la santé », certaines associations écologistes ont déploré le périmètre restreint des concertations et critiqué le fait que le Gouvernement ne prenne pas en compte les mesures liées à la prévention et la santé environnementale. Partagez-vous ce regret alors que le covid-19 a justement prospéré sur les maux de notre époque comme l’obésité, le diabète et les cancers qui ont été les facteurs aggravants de l’épidémie ?

Mme la rapporteure. Je vous remercie pour vos interventions et vos encouragements sur des sujets sur lesquels vous êtes tous attachés. Nous ne sommes pas dans le cadre du débat, juste dans celui de l’adoption de cette proposition de résolution, mais j’aurai plaisir à échanger avec vous.

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*     *

En application de l’article 140 alinéa 2 du Règlement, la commission constate que les conditions requises pour la création de la commission d’enquête sur l’évolution des politiques publiques de santé environnementale sont réunies.


([1]) Commission d’enquête sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d’une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires ; rapport publié le 26 novembre 2019 (n° 2440).

([2])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9273026_5efb27297574b.commission-des-affaires-sociales--creation-d-une-commission-d-enquete-sur-l-evolution-des-politique-30-juin-2020