—  1  —

 

N° 3301

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 septembre 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE
SUR LE PROJET DE LOI organique
 

relatif au Conseil économique, social et environnemental ( 3184)

PAR M. Erwan BALANANT

Député

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 3184.

 

 


—  1  —

 

SOMMAIRE

___

Pages

AVANT-PROPOS...................................................... 5

I. Le Cese, une assemblée consultative auprès des pouvoirs publics en quête de reconnaissance

A. la représentation de la société civile organisée

1. La composition du Conseil économique, social et environnemental

2. Les missions et les modalités de saisine du CESE

B. Le CESE, une « institution dont la voix ne porte pas » malgré la qualité de ses travaux

II. un cese plus représentatif et appelé à devenir le « carrefour des consultations publiques »

A. La réforme proposée

B. Les avancées introduites par la Commission

examen deS ARTICLES

Article 1er A (nouveau) (art. 1er de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Recommandations du Conseil économique, social et environnemental

Article 1er (art. 1er de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Saisine des conseils consultatifs auprès des collectivités territoriales

Article 2 (art. 3 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Avis sur la mise en œuvre des dispositions législatives

Article 3 (art. 4-1 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Renforcement de la saisine par voie de pétition

Article 4 (art. 4-2 [nouveau] de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Organisation de consultations publiques

Article 5 (art. 6 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Révision de la procédure dadoption des avis

Article 6 (art. 6-1 [nouveau] de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Dispense des consultations prévues en application  de dispositions légales ou réglementaires

Article 7 (art. 7 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Composition du Conseil économique, social et environnemental

Article 8 (art. 11 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Transformation des « sections » en « commissions »  et diminution de leur nombre

Article 9 (art. 12 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Participation de représentants de la société civile aux travaux des commissions

Article 9 bis (nouveau) (art. 13 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Coordination rédactionnelle

Article 10 (art. 14 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Modification de la composition du bureau

Article 10 bis (nouveau) (art. 15 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Adoption dun code de déontologie et création de la fonction de déontologue du Conseil économique, social et environnemental

Article 11 (art. 22 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958  portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) Versement de lindemnité aux personnes associées  aux travaux des commissions

Article 12 Entrée en vigueur

Audition de M. Éric DuponD-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et discussion générale

Compte rendu des débats

1. Première réunion du mercredi 9 septembre à 9 heures 30

2. Seconde réunion du mercredi 9 septembre à 14 heures 30

Personnes entendues

 


—  1  —

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

Assemblée consultative auprès des pouvoirs publics, représentant les principales activités du pays, le Conseil économique, social et environnemental occupe une place particulière au sein de nos institutions. Son inscription au titre XI de la Constitution de 1958 témoigne de l’importance donnée par le constituant au rôle de la société organisée pour éclairer les politiques publiques, en apprécier les effets et suggérer des évolutions. Dans le même temps, le Conseil ne bénéficie pas de la légitimité conférée par l’élection, ce qui le distingue fondamentalement des assemblées parlementaires. Si la désignation de ses membres par des organisations représentatives fait son originalité et son intérêt, elle l’oblige également à justifier régulièrement de sa représentativité.

Dès son discours au Parlement réuni en Congrès le 3 juillet 2017, le Président de la République a posé en termes peu équivoques ce constat tout en invitant à le dépasser : « Il est [des] institutions de la République que le temps a figées dans les situations acquises, quand le sens véritable de leur mission eût été dincarner le mouvement vivant de la société française. Le Conseil économique, social et environnemental est de celles-ci. Sa mission était de créer entre la société civile et les instances politiques un trait dunion, fait de dialogue constructif et de propositions suivies deffets. Cette intention fondatrice sest un peu perdue. Je souhaite quon renoue avec elle ».

Ce dialogue constructif, s’il ne relève pas exclusivement du Conseil, peut y trouver une place utile pour faire émerger les évolutions latentes de notre société et dégager des propositions nouvelles. Cela est d’autant plus essentiel que nul ne peut ignorer la défiance accrue qui s’exprime à l’encontre des institutions dans un temps où les enjeux économiques, sociétaux et environnementaux exigent pourtant de prendre des décisions collectives fortes, dans la poursuite de l’intérêt général.

Le Gouvernement et la majorité se sont saisis de cette volonté de refonder, au sein du CESE, un tel espace de débat et de propositions. Les projets de loi constitutionnelle présentés en 2018 et 2019 ([1]) visaient ainsi à renforcer sa mission consultative en révisant, d’une part, sa composition, et, d’autre part, en lui reconnaissant une nouvelle fonction de représentation de la société civile dans son ensemble, au travers notamment de l’organisation de la participation citoyenne.

En effet, nombreuses sont les initiatives, au niveau local notamment, visant à permettre aux citoyens ou au public plus généralement de participer à la décision publique, que cette participation soit consultative ou délibérative. Au niveau national, le Président de la République a pris deux initiatives particulièrement innovantes : d’une part, le Grand débat national, annoncé le 10 décembre 2018, qui a donné lieu à 1,9 million de contributions portant sur des sujets aussi divers que la fiscalité, l’organisation des services publics ou l’exercice de la citoyenneté ; d’autre part, la Convention citoyenne pour le climat, constituée en octobre 2019, et dont les propositions devraient être reprises dans leur grande majorité, sous réserve de leur examen par le Parlement si elles relèvent de la loi.

Ces deux évènements marquants pour notre démocratie ont permis de mieux identifier les principes fondamentaux à respecter pour assurer le bon déroulement de la participation citoyenne, dont notamment les principes de transparence, de sincérité, d’égalité et d’impartialité. Découlant chacun d’un engagement politique fort du Président de la République, ils ont également illustré la diversité des formes que peut revêtir la participation citoyenne et l’importance des suites qui lui sont données. En ce sens, ils ont contribué au renforcement de ce « trait d’union » entre la société civile et les instances politiques, entre démocratie citoyenne et démocratie représentative. Le professeur Denis Baranger considère ainsi que « la démocratie participative n’est pas une forme de démocratie directe. Elle est une forme de discussion politique entre des citoyens et des gouvernants. » ([2])

Il convient désormais de consolider ces acquis au sein d’une institution telle que le CESE. En effet, la nature de ses missions historiques – organiser la concertation entre les représentants de la société civile organisée, conseiller les pouvoirs publics – et le développement au cours des dernières années de méthodes de travail permettant une meilleure prise en compte des attentes de l’ensemble de la société – au travers notamment d’un suivi des pétitions et de l’association plus régulière du public à ses travaux – font de lui l’institution la plus indiquée à cet effet.

Dans cette perspective, le présent projet de loi organique a pour objet de permettre au CESE de mieux remplir trois principaux objectifs :

– éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux par des saisines plus nombreuses et une capacité à y répondre plus adaptée ;

– représenter la société civile organisée par une révision de sa composition, à nouveau centrée sur les représentants des différentes activités de notre pays ;

– améliorer sa reconnaissance par le public au travers d’un assouplissement des règles de recevabilité des pétitions et de sa consécration en tant que « carrefour des consultations publiques ».

Il est également proposé de réformer la composition du Conseil pour assurer une meilleure représentativité de ses différentes catégories de membres.

Ces dispositions ne pouvant être définitivement adoptées avant le terme, en novembre prochain, du mandat des membres actuels du Conseil, celui-ci a été prorogé par la loi organique du 10 août 2020 ([3]) jusqu’à l’entrée en vigueur du présent projet de loi et au plus tard jusqu’au 1er juin 2021.

*

*     *

 

 


—  1  —

 

I.   Le Cese, une assemblée consultative auprès des pouvoirs publics en quête de reconnaissance

A.   la représentation de la société civile organisée

Issu du Conseil national économique créé en 1925 pour permettre à la société civile organisée d’être consultée par les pouvoirs en place et inscrit, pour la première fois, dans la Constitution de la IVe République, le CESE fait actuellement l’objet du titre XI de la Constitution. Sa composition et son fonctionnement sont renvoyés, par l’article 71 de la Constitution, à une loi organique. ([4])

1.   La composition du Conseil économique, social et environnemental

La composition du Conseil économique et social est fixée par l’article 7 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958. Ses 233 conseillers sont désignés pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois.

Leur répartition s’effectue comme suit :

– 140 membres au titre de la vie économique et du dialogue social dont 69 représentants des salariés ([5]), 27 des activités industrielles et commerciales, 20 du secteur agricole, 10 des artisans, 4 des professions libérales et 10 personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine économique ;

– 60 membres au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative représentant notamment les jeunes et les étudiants, l’économie solidaire, l’outre-mer, les associations et les fondations, auxquels s’ajoutent 15 personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine social, culturel, sportif ou encore scientifique ;

– 33 membres au titre de la protection de la nature et de lenvironnement, dont 18 représentants des associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de la nature et de l’environnement et 15 personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière d’environnement et de développement durable.

Un décret ([6]) précise la répartition et les conditions de désignation des membres du Conseil, notamment le nombre de membres désignés par chacune des organisations représentatives.

Outre les 40 personnalités qualifiées, le Gouvernement peut désigner jusqu’à 72 personnalités associées, choisies en raison de leur compétence, pour une période de deux ans. Ces membres apportent leur expertise aux travaux des sections, mais ne peuvent ni participer aux travaux en assemblée plénière, ni voter sur les projets de rapport ou d’avis. Actuellement, les personnalités associées sont au nombre de 60.

Depuis 1958, cette composition n’a été modifiée substantiellement qu’à deux reprises, alors même que la société française a profondément évolué. La question de la représentativité du Conseil et de sa capacité à exprimer effectivement la position des différentes organisations le composant s’est ainsi posée avec une acuité renforcée.

2.   Les missions et les modalités de saisine du CESE

La mission principale du Conseil consiste à éclairer par des avis, rapports et études, les choix économiques, sociaux et environnementaux du Gouvernement et du Parlement. À cette fin, les articles 69 et 70 de la Constitution prévoient trois modes de saisine du CESE, auxquelles s’ajoute l’autosaisine qui, elle, est prévue par la loi organique :

– une saisine obligatoire               à l’initiative du Gouvernement sur les projets de loi de plan ou de programmation à caractère économique, social et environnemental. Cette disposition est rarement utilisée : au cours de l’actuelle mandature (2015-2020), le Conseil n’a été saisi que du seul projet de loi de programmation en faveur de l’égalité réelle outre-mer en 2016 ([7]) ;

– une saisine facultative :               d’une part, à linitiative du Gouvernement, sur les projets de loi, d’ordonnance, de décret ou les propositions de loi entrant dans le domaine de sa compétence ([8]) ainsi que sur les projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques ; d’autre part, à linitiative du Gouvernement ou du Parlement, sur tout « problème » de caractère économique, social ou environnemental ;

– une saisine citoyenne :               le CESE peut, depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, être saisi par voie de pétition de toute question relevant de son champ de compétence. L’article 4-1 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 précise que, pour être recevable, la pétition doit être signée par au moins 500 000 personnes majeures de nationalité française ou résidant régulièrement en France. La seule pétition à avoir atteint le seuil de signatures requis, qui demandait l’avis du CESE sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, a toutefois été déclarée irrecevable par le bureau du CESE le 26 février 2013, au motif que la saisine du Conseil sur un projet de loi relevait exclusivement du Premier ministre ([9]) ;

– une autosaisine ([10]) :                             selon l’article 3 de l’ordonnance du 29 décembre 1958, « le Conseil économique, social et environnemental peut, de sa propre initiative, appeler lattention du Gouvernement et du Parlement sur les réformes qui lui paraissent nécessaires. » Cette dernière forme de saisine est prédominante puisqu’elle a représenté 80 % des travaux du CESE en 2019. Ce constat semble témoigner de la difficulté du Gouvernement et du Parlement à prendre en compte les travaux du CESE dans un calendrier législatif souvent contraint et de la méconnaissance des citoyens de l’existence de cette assemblée et des missions qui lui sont dévolues.

B.   Le CESE, une « institution dont la voix ne porte pas » malgré la qualité de ses travaux

Reprenant à son compte le tableau mitigé que nombre d’auteurs dressent de l’activité du CESE ([11]), l’étude d’impact du présent projet de loi organique souligne que « lexistence du Conseil économique, social et environnemental a toujours été contestée, de manière plus ou moins virulente, à la fois par les pouvoirs publics, qui ont entretenu une certaine défiance à légard de cette entité atypique, et par les citoyens, qui connaissent peu cette institution et peinent à en percevoir lutilité. » À l’occasion du Grand débat national et des consultations sur les sujets institutionnels, il est ainsi apparu que le CESE « souffrait dun important déficit de reconnaissance et que ses avis nétaient pas suffisamment pris en compte dans lélaboration des politiques publiques. »

Pourtant, comme le souligne M. Dominique-Jean Chertier dans son rapport sur le CESE remis le 15 janvier 2019 au Président de la République et comme cela a été unanimement reconnu par la commission des Lois lors de l’examen du texte, « nombre davis et détudes […] représentent des synthèses riches denseignements. » ([12])

Ce constat perdure aujourd’hui alors même que les modalités d’exercice de ses missions ont été modernisées, notamment à la suite de la révision constitutionnelle de 2008. Au-delà de l’introduction de la saisine citoyenne, la composition du Conseil a été modifiée de manière à assurer la représentation des jeunes et des étudiants et à garantir le principe de parité entre ses membres. Par ailleurs, une procédure d’adoption simplifiée des avis des commissions a été introduite de manière à permettre au CESE d’être plus réactif en fonction des sujets abordés et des débats en cours. La principale difficulté du CESE semble donc moins tenir à son organisation qu’à l’absence de suites données à ses avis et à la faible diffusion de ses travaux.

Pour moderniser ses pratiques et améliorer sa visibilité auprès du public, le CESE a pris plusieurs initiatives en faveur de la participation citoyenne, au travers notamment de :

– la création d’une plateforme consultative qui permet de déposer des contributions sur des thèmes déterminés et de voter sur des propositions présentées par le CESE. Celles recevant le plus grand nombre de votes font l’objet d’un avis du rapporteur concerné ;

– l’association de panels de citoyens à l’élaboration des avis du CESE, le cas échéant par le biais de leur intégration temporaire à la commission saisie au fond ([13]) ;

– la mise en place d’un comité de veille des pétitions qui alimente les sujets dont se saisit le CESE, ainsi que la labélisation de trois plateformes de pétitions ;

– l’organisation d’évènements thématiques sur ce sujet. ([14])

Enfin, le Conseil a activement participé à l’organisation de la Convention citoyenne pour le climat qui a réuni 150 participants tirés au sort dont la mission était de proposer une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.

 

Grand débat national et Convention citoyenne pour le climat :
deux exercices inédits de participation citoyenne

La participation des citoyens connaît aujourd’hui une belle dynamique dans les territoires, où de nombreuses collectivités ont mis en place des outils innovants (conseils citoyens, budgets participatifs, chartes de la participation, etc.) ([15]) Avec le Grand débat national en 2019 puis la Convention citoyenne pour le Climat, la France vient en outre de connaître deux exercices de participation citoyenne inédits par leur ampleur. ([16])

Organisé à la demande du Président de la République, le Grand débat national a été un exercice démocratique d’ouverture de la parole à une échelle qui n’avait jamais été connue jusqu’à présent dans notre pays. À la suite du mouvement social des « gilets jaunes », il s’agissait de recueillir la parole des Français au cours de réunions publiques, en mairie ou via un site Internet dédié.

La consultation s’est déroulée en plusieurs phases, entre mi-décembre et mars 2019, a permis la tenue de plus de 10 000 réunions locales et a comptabilisé deux millions de contributions de citoyens sur le site Internet dédié.

Cet exercice a révélé un savoir-faire certain en matière de participation citoyenne. 21 conférences citoyennes régionales se sont tenues, sous forme d’ateliers participatifs, dans la deuxième phase du grand débat, sur deux week-ends du mois de mars. Des citoyens tirés au sort ont dialogué et échangé pour élaborer des propositions collectives argumentées sur les quatre thèmes du Grand débat national : transition écologique, démocratie et citoyenneté, fiscalité et dépenses publiques, organisation de l’État et services publics. Le tirage au sort, effectué par l’institut Harris Interactive, a permis de constituer des panels de citoyens aux profils diversifiés selon cinq critères (âge, genre, catégorie socioprofessionnelle, département, taille de l’agglomération). Plus de 100 000 personnes ont été contactées, 35 000 se sont déclarées intéressées et 1 404 ont finalement participé aux différentes conférences.

Les participants aux Conférences citoyennes régionales ont formulé 57 propositions relatives à la thématique de la démocratie et la citoyenneté. La quasi-totalité de ces propositions tendait à faire évoluer notre modèle politique vers plus d’horizontalité et de co-décision afin de favoriser une plus grande implication des citoyens (et des jeunes en particulier), de lutter contre l’abstention et de contrôler les élus.

Presque toutes les conférences ont proposé la création d’assemblées citoyennes constituées de citoyens tirés au sort sur les listes électorales ou par numéros de téléphones aléatoires. Ces assemblées, à l’échelle nationale et/ou locale, devraient donner aux citoyens un rôle dans l’élaboration des lois et dans la prise de décision.

Le message a été entendu : lors de son discours de restitution, le 8 avril 2019, le Premier ministre Édouard Philippe avait souligné la nécessité de « construire les outils dune démocratie plus délibérative » : « le Grand débat se termine mais lexigence de participation demeure. Et le président la dit, nous ne pourrons plus gouverner comme avant. Cette expérience, elle doit nous être utile pour bâtir une démocratie participative au long cours. »

La Convention citoyenne pour le climat est également une initiative du Président de la République, annoncée lors de sa conférence de presse faisant suite à la conclusion du Grand débat, le 25 avril 2019.

Il s’agissait là d’un autre type d’exercice. La Convention a réuni, durant plusieurs weekends entre octobre 2019 et juin 2020, 150 personnes, toutes tirées au sort pour être représentatives de la diversité de la société française. Elle était chargée de « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les gaz à effet de serre dau moins 40 % dici 2030 par rapport à 1990. » Son champ et le nombre de participants était donc bien plus restreints que celui du Grand débat.

L’organisation de la Convention citoyenne pour le Climat a été confiée au CESE. Un Comité de gouvernance indépendant composé de personnalités qualifiées dans le domaine de l’écologie, la démocratie participative, l’économie et le social et des citoyens tirés au sort a été mis en place pour assurer l’indépendance et la transparence de l’exercice.

La Convention a adopté et rendu publiques ses 149 propositions le 21 juin 2020. Le Président de la République, qui s’était engagé à reprendre ces propositions « sans filtre », a répondu publiquement aux citoyens de la Convention le 29 juin 2020 en indiquant qu’il retiendrait 146 de leurs 149 propositions.

II.   un cese plus représentatif et appelé à devenir le « carrefour des consultations publiques »

De manière à renforcer la place du CESE au sein de nos institutions et à tirer parti de l’expérience récente que ce dernier a acquise dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat, le présent projet de loi poursuit trois principaux objectifs :

– permettre au CESE de renouer avec sa fonction originelle de représentation de la société civile en révisant sa composition ;

– encourager sa saisine plus fréquente par les pouvoirs publics ;

– lui donner les moyens de devenir le « carrefour des consultations publiques ».

A.   La réforme proposée

Le présent projet de loi organique comprend douze articles :

– larticle 1er permet au CESE de saisir les conseils consultatifs créés auprès des collectivités territoriales sur un sujet donné ;

– larticle 2 précise que le CESE peut être saisi par le Gouvernement et le Parlement sur la mise en œuvre d’une disposition législative entrant dans son champ de compétence ;

– larticle 3 permet l’envoi dématérialisé des pétitions et réduit d’un an à six mois le délai dont dispose l’assemblée plénière pour se prononcer sur les suites à donner à ces dernières ;

– larticle 4 permet au CESE de recourir à la consultation du public à son initiative ou à celle du Gouvernement en organisant, le cas échéant, le tirage au sort des participants ;

– larticle 5 révise la procédure simplifiée d’adoption des avis ;

– larticle 6 permet au Gouvernement de consulter le CESE sur les projets de loi portant sur son champ de compétence en lieu et place d’autres instances consultatives existantes, sous certaines réserves ;

larticle 7 réforme la composition du CESE afin notamment de réduire le nombre total de ses membres de 25 % ;

– larticle 8 réduit de 9 à 8 le nombre de sections du CESE, renommées « commissions » ;

– larticle 9 précise les catégories de personnes qui pourront désormais participer ponctuellement aux travaux des commissions du CESE, le cas échéant par le biais d’un tirage au sort ;

– larticle 10 précise la composition du bureau du CESE ;

– larticle 11 prévoit une coordination et larticle 12 la date d’entrée en vigueur de la réforme, soit trois mois après l’adoption du projet de loi organique.

B.   Les avancées introduites par la Commission

La Commission a adopté 41 amendements visant à préciser la rédaction du texte initial présenté par le Gouvernement et à lui apporter les principales modifications suivantes :

– à l’article 1er, l’accord préalable des collectivités territoriales à la saisine des instances consultatives créées auprès d’elles par le CESE est remplacé par une obligation d’information. Par ailleurs, cette possibilité de saisine est étendue aux instances consultatives locales créées auprès des groupements de collectivités territoriales ;

– à l’article 3, le seuil de recevabilité des pétitions est abaissé de 500 000 à 150 000 signatures et la condition d’âge des pétitionnaires de 18 à 16 ans ;

– à l’article 4, des garanties sont apportées pour encadrer l’association du public aux travaux du CESE et assurer notamment le respect des principes de sincérité, d’égalité, de transparence et d’impartialité des procédures ; la possibilité de demander au CESE d’organiser des consultations est étendue au Parlement ; les critères de représentativité à retenir dans le cadre du tirage au sort sont précisés ;

– à l’article 6, les concertations préalables prévues à l’article L. 1 du code du travail et les instances nationales de dialogue entre les collectivités territoriales et l’État sont explicitement exclues du champ de l’article ;

– à l’article 7, il est précisé que la composition du CESE devra assurer une représentation des outre-mer ; il est également créé un comité, composé en majorité de parlementaires, chargé de proposer, avant chaque renouvellement, des évolutions de la composition du Conseil ;

– à l’article 9, des précisions sont apportées sur les catégories de personnes pouvant être associées aux travaux des commissions ;

– un nouvel article 10 bis, enfin, prévoit que le Conseil se dote d’un code de déontologie ainsi que d’un déontologue chargé de le faire respecter.

 


—  1  —

 

   examen deS ARTICLES

Article 1er A (nouveau)
(art. 1er de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Recommandations du Conseil économique, social et environnemental

Introduit par la Commission

     Résumé du dispositif et effets principaux

Parmi les missions du Conseil économique, social et environnemental mentionnées à l’article 1er de l’ordonnance du 29 décembre 1958 ([17]), ce dernier est notamment chargé de « suggérer » aux pouvoirs publics des évolutions en matière économique, sociale ou environnementale. 

À l’initiative de Mme Laetitia Avia, le terme « suggérer » a été remplacé par celui de « recommander », plus approprié pour traduire la nature des travaux du CESE.

*

*     *

Article 1er
(art. 1er de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Saisine des conseils consultatifs auprès des collectivités territoriales

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de renforcer les relations entre le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et les conseils consultatifs locaux en lui permettant de saisir ces derniers sur tout sujet portant sur son champ de compétence, après accord des collectivités concernées.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 1er de l’ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au CESE a été modifié par l’article 1er de la loi organique du 28 juin 2010 ([18]) de manière à en améliorer la rédaction et à préciser le champ des missions du Conseil.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté deux amendements visant, pour le premier, à remplacer l’accord préalable des collectivités territoriales par une obligation d’information de ces dernières et, pour le second, à étendre cette disposition aux instances consultatives locales créées auprès des groupements de collectivités territoriales.

___

L’article 1er de l’ordonnance du 29 décembre 1958 rappelle la fonction d’assemblée consultative auprès des pouvoirs publics du CESE ainsi que les missions qui lui sont confiées.

Le CESE est ainsi chargé de :

– représenter les principales activités du pays et favoriser leur collaboration et leur participation à la politique économique, sociale et environnementale de la Nation ;

– examiner les évolutions en matière économique, sociale ou environnementale et suggérer des adaptations ;

– promouvoir une politique de dialogue et de coopération avec les instances consultatives créées auprès des collectivités territoriales et avec ses homologues européens et étrangers.

Toutefois, cette dernière mission ne s’est pas traduite, jusqu’à présent, par l’établissement de liens formels et réguliers avec les instances consultatives créées auprès des collectivités, alors même que la diversité et l’expertise de ces dernières se sont accrues au cours des dernières années, notamment grâce à l’essor de la participation citoyenne au niveau local.

 

Les instances consultatives locales

● Créés par la loi du 5 juillet 1972 ([19]) et composés de représentants de la vie socio‑économique au sein de chaque région, les 25 conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) ont pour mission :

 

– d’informer le conseil régional sur les enjeux et les conséquences des politiques régionales relevant de leur champ de compétences, de contribuer à leur évaluation et de participer aux consultations organisées à l’échelle régionale ([20]) ;

– de donner leur avis sur l’exécution dans la région des contrats de plan État-région ainsi que sur les documents de planification, les schémas régionaux, les documents budgétaires et les orientations générales prises par le Conseil général. Ils peuvent, en outre, donner leur avis sur toute question entrant dans les compétences de la région. ([21])

● Instances emblématiques de la participation citoyenne, les conseils de quartier ont été créés par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, généralisant ainsi une pratique ancienne dans de nombreuses villes. Ils peuvent être consultés par le maire et peuvent lui faire des propositions sur toute question concernant le quartier ou la ville. Ils peuvent également être associés à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des actions intéressant le quartier. Leur création est obligatoire dans les villes de plus de 80 000 habitants et facultative pour les villes de 20 000 à 80 000 habitants.

● En même temps que les conseils de quartier, la loi du 27 février 2002 précitée a permis aux villes de créer des comités consultatifs sur tout problème d’intérêt communal concernant tout ou partie du territoire de la commune. Le conseil municipal fixe leur composition pour la durée du mandat en cours et désigne le président parmi les membres du conseil municipal. Ils réunissent élus, associations, professionnels, habitants et usagers et portent sur des problématiques très diverses : égalité femmes/hommes, laïcité, accessibilité, mobilités, etc.

● Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, des conseils citoyens sont, depuis la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, associés à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des contrats de ville. Ils sont composés à la fois d’habitants du quartier concerné et de représentants d’associations et acteurs locaux. Ils peuvent, dans certains cas, se substituer aux conseils de quartier.

● Dans un registre plus spécialisé, les commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL), également créés par la loi du 27 février 2002, ont pour objet d’associer les citoyens à la gestion des services publics locaux (eau potable, gestion des déchets, transports urbains, etc.) gérés par délégation de service public ou exploités en régie dotée de l’autonomie financière.

● Les conseils de développement ont été instaurés par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe ». Il s’agit d’instances de démocratie participative mises en place dans les EPCI de plus 20 000 habitants. Constitués de citoyens bénévoles, de représentants des milieux économiques, sociaux et culturels, éducatifs, scientifiques, environnementaux et associatifs, ils ont pour but de s’exprimer sur des questions d’intérêt commun.

● Enfin, beaucoup de collectivités ont créé des instances consultatives sans qu’elles ne soient prévues par la loi. Budgets participatifs, commissions participatives thématiques, comités citoyens : leurs compétences et modes de fonctionnement sont très variables d’une collectivité à l’autre.

 

Le présent article propose de renforcer les liens entre le CESE et ces institutions consultatives locales qui ont souvent une connaissance approfondie des enjeux sociaux, économiques et environnementaux de leur territoire. À cette fin, la rédaction de l’article 1er de l’ordonnance du 29 décembre 1958 est modifiée de manière à mettre en exergue, dans trois nouveaux alinéas distincts (alinéas 2 à 4) :

– l’encouragement du CESE au rôle des assemblées consultatives ;

– la promotion du dialogue et de la coopération avec ses homologues européens et étrangers ;

– la possibilité de saisir, avec l’accord des collectivités territoriales concernées, un ou plusieurs conseils consultatifs créés auprès d’elles.

L’accord préalable des collectivités territoriales concernées serait de nature, selon l’étude d’impact, à renforcer également les relations entre ces dernières et le CESE. L’intention est louable, mais on relèvera que la création des conseils consultatifs locaux découle le plus souvent d’une obligation légale et que ces derniers exercent leurs missions de manière indépendante, bien qu’en lien avec la collectivité ou son groupement. La nécessité d’un tel accord pourrait introduire des délais, voire des obstacles, à une coopération qui, pour devenir effective, doit conserver une certaine souplesse d’organisation.

Par conséquent, à l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement visant à supprimer cet accord préalable au profit d’une information des collectivités concernées.

Le rapporteur a également souhaité apporter deux précisions :

– le terme de « conseil consultatifs » a été remplacé par celui d’« instances consultatives » de manière à désigner l’ensemble des acteurs de la consultation locale dont l’intérêt des travaux et la représentativité justifieraient la saisine du CESE ;

– ces instances consultatives doivent également comprendre celles créées auprès des groupements de collectivités territoriales, à l’instar des conseils de développement.

*

*     *

Article 2
(art. 3 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Avis sur la mise en œuvre des dispositions législatives

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de permettre au Parlement et au Gouvernement de saisir le CESE sur la mise en œuvre d’une disposition législative entrant dans son champ de compétence.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 4 de la loi organique du 28 juin 2010 ([22]) a apporté deux modifications à l’article 3 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au CESE :

– en premier lieu, dans l’esprit de rapprochement du CESE et du Parlement qui a présidé à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le CESE peut désormais, de sa propre initiative, appeler l’attention du Parlement sur les réformes relevant de son champ de compétences qu’il juge utiles, comme il le faisait déjà auparavant auprès du Gouvernement ;

– en second lieu, le CESE se voit reconnaître une compétence spécifique en matière d’évaluation des politiques publiques à caractère économique, social ou environnemental.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement de coordination rédactionnelle.

___

Le Gouvernement et le Parlement ont la faculté de saisir le CESE de tout sujet relevant de son champ de compétence, conformément à l’article 2 de l’ordonnance du 29 décembre 1958. L’article 3 de l’ordonnance définit quant à lui les conditions dans lesquelles le Conseil peut s’autosaisir de tels sujets. L’autosaisine, qui contribue à l’indépendance du CESE et à sa capacité à expertiser des sujets d’actualité ou d’importance pour la société civile, est désormais à l’origine de près de 80 % de ses travaux, la part des saisines gouvernementales et parlementaires n’ayant cessé, concomitamment, de baisser au cours des années.

Ce même article 3 reconnait, par ailleurs, au CESE une compétence en matière d’évaluation des politiques relevant de son champ de compétence. Le Conseil constitutionnel a considéré que si cette mission n’est pas explicitement prévue par la Constitution, « elle nest pas sans lien avec les missions du Conseil. » ([23])

Le CESE souhaite que cette compétence soit renforcée en permettant sa saisine par le Gouvernement et le Parlement sur la mise en œuvre d’une disposition législative. C’est l’objet du présent article (alinéa 2).

Dans son avis sur le projet de loi organique, « le Conseil dÉtat sinterroge sur lutilité de cette disposition dans la mesure où larticle 70 de la Constitution prévoit que le CESE " peut être consulté par le Gouvernement et le Parlement sur tout problème de caractère économique, social et environnemental " » et que rien ne s’oppose, dès lors, à ce qu’ils le saisissent, s’ils l’estiment utile, sur l’application d’une mesure législative. Toutefois, le Conseil admet que « cette disposition se situe dans le prolongement de la contribution du CESE à lévaluation des politiques publiques », prévue par l’article 3 de l’ordonnance du 29 décembre 1958.

À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement visant à préciser, par coordination avec les autres dispositions de l’ordonnance, que la faculté pour le Parlement de saisir le Conseil d’une telle demande d’avis relevait de la décision du Président de l’Assemblée nationale et du Sénat.

*

*     *

Article 3
(art. 4-1 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Renforcement de la saisine par voie de pétition

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de faciliter la saisine du CESE par voie de pétition en prévoyant que :

– les pétitions puissent lui être adressées par voie dématérialisée ;

– le délai dont dispose l’assemblée plénière pour se prononcer sur les suites à donner aux pétitions reçues soit réduit d’un an à six mois.

       Dernières modifications législatives intervenues

La saisine du CESE par voie de pétition a été introduite au troisième alinéa de l’article 69 de la Constitution par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2018. Ses conditions de mise en œuvre, prévues par l’article 4-1 de l’ordonnance du 29 décembre 1958, sont issues de la loi organique du 28 juin 2010 ([24]).

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du rapporteur et du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement abaissant le seuil de recevabilité des pétitions de 500 000 à 150 000 signatures et la condition d’âge de 18 à 16 ans.

I.   L’échec de la saisine par voie de pétition

1.   La réforme constitutionnelle de 2008 et sa mise en œuvre

Conçue comme « un moyen de favoriser et de structurer lintervention de la société civile dans le débat public » ([25]), la saisine du CESE par voie de pétition a été introduite dans la Constitution par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Le dernier alinéa de l’article 69 dispose ainsi que « le Conseil économique, social et environnemental peut être saisi par voie de pétition dans les conditions fixées par une loi organique. Après examen de la pétition, il fait connaître au Gouvernement et au Parlement les suites quil propose dy donner. »

La loi organique du 28 juin 2010 prévoit, en conséquence, les conditions dans lesquelles s’exerce cette saisine :

– les sujets sur lesquels le Conseil est habilité à se prononcer peuvent porter sur « toute question à caractère économique, social ou environnemental » ;

– la pétition doit être rédigée en français et être établie par écrit ;

– elle doit réunir au moins 500 000 signataires, majeurs, de nationalité française ou résidant régulièrement en France. Un mandataire unique est alors chargé de la transmettre au CESE ;

– le bureau du CESE statue sur sa recevabilité. Si elle remplit les conditions précédemment mentionnées, le Conseil dispose d’un délai d’un an pour se prononcer par un avis de son assemblée plénière sur les questions soulevées et les suites à leur donner ;

– cet avis est adressé au Premier ministre, au président de l’Assemblée nationale, au président du Sénat et au mandataire de la pétition. Il est publié au Journal officiel.

Or, ce mode de saisine ne fonctionne pas, notamment du fait du seuil élevé de signataires à atteindre. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme, une seule pétition a atteint les 500 000 signataires permettant son examen par le CESE. Portant sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, elle a toutefois été déclarée irrecevable au motif qu’un projet de loi portant sur le même sujet était en cours d’examen au Parlement et qu’il n’appartient qu’au Premier ministre de saisir le CESE pour avis sur un texte législatif. ([26])

Deux autres pétitions ont toutefois connu une suite, sans avoir atteint le seuil de signatures requis :

– une pétition sollicitant l’avis du CESE sur le coût économique et social de l’autisme, transformée en saisine parlementaire portée par le président de l’Assemblée nationale. Elle a fait l’objet d’un avis voté en assemblée plénière le 9 octobre 2012 ;

– une autre portant sur la politique de l’éducation à la nature, à l’environnement et au développement durable en France qui a fait l’objet d’une auto-saisine du Conseil et d’un avis le 26 novembre 2013.

Par ailleurs, selon l’étude d’impact, « 26 pétitionnaires, porteuses et porteurs de 19 pétitions ont été auditionnés depuis deux ans, ce qui représente plus de 5 600 000 signatures en cumulé » et « cinq avis ont été adoptés par le CESE dans le cadre de la veille des pétitions ». En effet, le CESE a instauré, en 2017, une veille des pétitions qui ne lui sont pas adressées de manière à « observer les attentes de la société entrant en convergence avec son champ de compétence » ([27]). Ces pétitions peuvent alors être présentées au comité de veille qui les étudie et apprécie l’opportunité de se saisir des questions soulevées. Le CESE a également labellisé trois plateformes de pétitions pour faciliter le recours à cet outil participatif et le recueil des signatures. Toutefois, si cette démarche de veille doit être saluée, les suites données aux pétitions et la portée des avis rendus sur leur fondement demeurent limités ([28]).

2.   Des conditions de saisine trop restrictives

Malgré les initiatives prises par le CESE pour y remédier, ce mince bilan tient à plusieurs raisons.

En premier lieu, le seuil de 500 000 signataires a été fixé de sorte à « concilier deux objectifs contradictoires : le seuil fixé doit être suffisamment élevé pour sassurer que la question revêt un caractère national et concerne une partie significative de la population, mais il ne doit pas constituer une barrière infranchissable. » ([29]) Au regard du seul cas de pétition adressé au CESE ayant franchi cette barrière, et même si à partir de 50 000 signatures le mandataire peut informer le président du CESE de l’existence de la pétition et le Bureau décider de l’auditionner pour envisager les suites à donner, cet équilibre ne semble pas atteint.

L’envoi des pétitions en format papier constitue une contrainte supplémentaire. Eu égard au nombre de signatures à réunir et aux pratiques actuelles qui privilégient la participation aux pétitions en ligne, cette disposition apparaît dépassée. ([30])

Enfin, le délai d’un an laissé au CESE pour se prononcer attenue la portée de son avis et des suites qu’il pourrait donner à la pétition.

II.   Les dispositions proposées

Pour répondre à ces constats, le présent article propose deux mesures permettant d’améliorer la saisine du CESE par voie de pétition :

– en premier lieu, les pétitions pourraient désormais lui être adressées par voie électronique, ce qui devrait faciliter à la fois la collecte des signatures et leur transmission (alinéa 3) ;

– en second lieu, le délai dont dispose le CESE pour se prononcer sur la pétition et indiquer les suites qu’il souhaite y donner serait réduit d’un an à six mois (alinéa 4).

Si ces avancées méritent d’être saluées, le principal obstacle du nombre de signataires à atteindre n’est pas levé, alors même que le CESE semble accorder un intérêt croissant au suivi de cette forme d’interpellation des pouvoirs publics sur une thématique donnée.

Par conséquent, la commission a adopté deux amendements identiques du rapporteur et du Gouvernement proposant d’abaisser ce seuil à 150 000 signataires, tout en conditionnant la recevabilité de la pétition à un critère de répartition géographique de manière à exclure les sujets strictement locaux. Les signataires devront ainsi être domiciliés dans trente départements ou collectivités d’outre-mer au moins.

Par ailleurs, l’âge à partir duquel il serait possible de recourir à ce droit de pétition serait abaissé à seize ans. En effet, alors que plusieurs collectivités territoriales retiennent cette limite d’âge de seize ans, ou parfois s’en affranchissent comme le font les assemblées parlementaires, pour apprécier la recevabilité des pétitions qui leur sont adressées, cette réforme permettrait d’encourager le recours à ce droit d’interpellation des pouvoirs publics et contribuerait ainsi à enrichir les travaux du CESE.

La Commission a également adopté deux amendements rédactionnels n’appelant pas de commentaire.

*

*     *

Article 4
(art. 4-2 [nouveau] de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Organisation de consultations publiques

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de permettre au Conseil économique, social et environnemental de recourir, à son initiative ou sur la demande du Gouvernement, à la consultation du public. À cette fin, les participants pourront être tirés au sort.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cinq amendements de fond :

– à l’initiative du rapporteur, des garanties ont été apportées pour encadrer l’association du public aux travaux du CESE et assurer notamment le respect des principes de sincérité, d’égalité, de transparence et d’impartialité des procédures ;

– à son initiative toujours, la faculté pour le Parlement de demander l’organisation de consultations citoyennes a été prévue ;

– à l’initiative de Mme Maina Sage, les consultations du public devront comprendre au moins trois participants ultramarins ;

– à l’initiative de Mme Laetitia Avia, elles devront également favoriser la parité entre les femmes et les hommes ;

– à l’initiative de M. Guillaume Gouffier-Cha, les résultats de ces consultations devront être transmises au Gouvernement ainsi qu’au président de l’Assemblée nationale et du Sénat.

___

Le présent article introduit un nouvel article 4-2 dans l’ordonnance du 29 décembre 1958 de manière à permettre au CESE, à son initiative ou sur la demande du Gouvernement, d’organiser une consultation du public sur des sujets relevant de sa compétence. À cette fin, il peut recourir à une procédure de tirage au sort pour en désigner les participants. Conformément à la recommandation du Conseil d’État ([31]), les modalités de ce tirage au sort devront assurer une représentation appropriée du public concerné par la consultation (alinéa 2).

Le CESE devra également publier dans ses avis les résultats de ces consultations (alinéa 3).

Ces dispositions traduisent le souhait du Gouvernement et de la majorité de faire du Conseil le « carrefour des consultations publiques ». L’objectif est double : d’une part, institutionnaliser la participation citoyenne au sein d’une assemblée consultative de rang constitutionnel et, d’autre part, renforcer cette dernière alors même qu’elle rencontre des difficultés à assurer pleinement sa mission de conseil auprès des pouvoirs publics. Au travers de ce « nouveau moyen daction » que constituent les consultations citoyennes, le CESE serait ainsi davantage en mesure « déclairer le Gouvernement et le Parlement sur les conséquences à long terme des décisions prises par les pouvoirs publics. » ([32])

Pour mémoire, aucune disposition législative ne prévoit actuellement les modalités selon lesquelles le CESE peut consulter le public. Toutefois, le Conseil a pris plusieurs initiatives au cours des dernières années pour permettre aux personnes le souhaitant de participer à ses travaux. Une plateforme consultative permet ainsi de déposer des contributions sur des thèmes déterminés et de voter sur des propositions présentées par le CESE. Les résultats obtenus sont publiés sur le site du Conseil. Les soixante contributions les plus soutenues sur la plateforme reçoivent une réponse officielle et argumentée de la part des rapporteurs chargés de rédiger un avis sur le thème proposé.

Par ailleurs, des groupes de citoyens ont pu être associés à l’élaboration des avis du CESE, le cas échéant par le biais de leur intégration temporaire à la commission saisie au fond. Ces initiatives trouveraient ainsi un fondement légal adapté dans les dispositions proposées par le présent article.

Ce dernier permettrait, par ailleurs, de répondre à une attente exprimée lors du Grand débat national d’assurer une participation plus systématique du public aux travaux du CESE et, plus largement, à la décision publique. Cette attente rejoint des préoccupations exprimées par nombre de députés lors de l’examen, en 2018, du projet de loi constitutionnelle ([33]) : la commission des Lois avait ainsi adopté un amendement visant à faire du CESE le « Forum de la République » au sein duquel le débat public aurait été enrichi par la participation de citoyens à la formulation de solutions nouvelles. ([34]) En effet, si les initiatives en matière de consultation citoyenne sont nombreuses, notamment au niveau local, leur succès dépend en grande partie des garanties qui encadrent leur organisation. L’institutionnalisation des consultations, qui peuvent revêtir des formes variées, au sein du CESE permettrait de définir des principes généraux d’organisation et de développer des « bonnes pratiques ». Les enseignements retirés de la tenue du Grand débat national et de la Convention citoyenne pour le climat confirment d’autant plus cette nécessité lorsqu’il s’agit de consultations de portée nationale.

Les principales garanties qui ressortent de ces expériences et des nombreux travaux de recherche publiés sur le sujet ([35]) reposent sur le respect des principes de transparence, de sincérité, dégalité, dimpartialité, de délai raisonnable et de régularité du déroulement de la consultation.

Les modalités d’organisation de la consultation doivent ainsi prendre en compte la pertinence du public faisant l’objet de la consultation et sa représentativité, la qualité de l’information transmise aux participants et du contradictoire, l’impartialité des organisateurs de la consultation, distincts de son commanditaire, la sincérité et la transparence des démarches entreprises pour assurer sa tenue et la reddition de ses conclusions, l’accès aux travaux, la présence de garants en capacité d’apprécier le respect de ces conditions et enfin, l’intégration de cette consultation dans un processus de décision qui permette d’y donner suite. Ces garanties sont d’autant plus importantes qu’elles peuvent avoir des conséquences sur la décision collective prise in fine.

À titre d’exemple, la Convention citoyenne pour le climat, commanditée par le Président de la République, a bénéficié d’un appui budgétaire et logistique de la part du CESE, d’un comité de gouvernance indépendant et de garants veillant au bon déroulement de l’ensemble de la procédure. Une attention particulière a été apportée à la sincérité de l’ensemble de la procédure.

Or, les dispositions proposées par le présent article n’apportent pas de garanties sur les conditions dans lesquelles se dérouleront les consultations, à l’exception de celle relative à la représentativité des participants tirés au sort introduite à la suite de l’avis du Conseil d’État. Il pourrait, par conséquent, être utile de le compléter, le cas échéant en s’inspirant des dispositions prévues dans le cadre des consultations ouvertes facultatives mentionnées à l’article L. 131-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Ce dernier précise que l’administration qui souhaite recourir à une telle consultation « rend publiques les modalités de cette procédure, met à disposition des personnes concernées les informations utiles, leur assure un délai raisonnable pour y participer et veille à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics. » ([36])

Par ailleurs, si le CESE se voit reconnaître un droit d’initiative pour organiser une consultation, les modalités de la prise de cette décision en son sein et de son pilotage ne sont pas précisées. S’il est nécessaire de conserver une souplesse sur le recours à cet outil participatif, il conviendra toutefois que le CESE définisse clairement le cadre dans lequel il pourra y recourir.

Enfin, le Parlement ne disposerait pas, au contraire du Gouvernement et du Conseil, de la faculté de solliciter l’organisation d’une consultation citoyenne alors même que l’Assemblée nationale comme le Sénat ont développé des outils poursuivant des finalités proches. Le renforcement du lien entre la démocratie représentative et la démocratie participative constitue pourtant l’une des conditions d’un dialogue plus fécond entre les élus et les citoyens, voire d’une confiance renouvelée.

Par conséquent, à l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté, outre des précisions rédactionnelles, deux amendements prévoyant :

– la mise en œuvre des garanties nécessaires au bon déroulement des consultations publiques et au respect des principes de transparence, de sincérité, d’égalité et d’impartialité, dégagés par la jurisprudence du Conseil d’État en la matière ([37]) . L’objectif est de renforcer l’expertise et la légitimité du Conseil destiné à devenir le « carrefour des consultations publiques » ;

– la faculté pour le Parlement de demander l’organisation d’une consultation citoyenne au CESE pour permettre, par ce biais, le renforcement du lien entre la démocratie représentative et la démocratie participative.

Par ailleurs, la Commission a adopté deux amendements visant à préciser les modalités selon lesquelles le Conseil pourra recourir au tirage au sort pour désigner les participants d’une consultation publique. Au-delà de l’exigence d’une représentativité appropriée du public concerné par cette consultation, ce dernier devra :

– à l’initiative de Mme Maina Sage, comprendre au moins trois participants d’outre-mer issus des trois bassins océaniques Atlantique, Indien et Pacifique ;

– à l’initiative de Mme Laetitia Avia, favoriser la parité entre les femmes et les hommes.

Enfin, un amendement adopté à l’initiative de M. Guillaume Gouffier-Cha a précisé que les résultats des consultations prévues par le présent article devraient être transmis au Gouvernement et aux présidents des deux assemblées parlementaires.

*

*     *

Article 5
(art. 6 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Révision de la procédure dadoption des avis

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article poursuit deux objets :

– tirer les conséquences rédactionnelles à l’article 6 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 des modifications introduites dans l’organisation du CESE par les articles 7 et 8 du présent projet de loi organique ;

– renforcer la procédure d’examen simplifiée des avis du CESE en permettant au bureau d’y recourir de sa propre initiative, en raccourcissant le délai dont dispose la commission compétente pour rendre son avis et en encadrant davantage les conditions de retour à la procédure de droit commun d’adoption des avis en assemblée plénière.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 6 de la loi organique n° 2010-704 du 28 juin 2010 a introduit une procédure d’adoption simplifiée des avis du CESE, en cas d’urgence, directement par la section compétente.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

___

Les études ou avis du CESE peuvent, depuis 1958, être réalisés soit par l’assemblée, soit par l’une des sections du CESE. En application de l’article 4 du décret du 6 septembre 1984 ([38]), la composition des sections est arrêtée par le bureau, sur proposition des groupes de représentation, chaque section comportant entre vingt-sept et trente conseillers. Elles comprennent également, le cas échéant, des personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement, dans la limite de huit par section.

Les sections sont saisies par le bureau du Conseil soit de sa propre initiative, soit à la suite d’une demande émanant du Premier ministre ou du président de l’une des assemblées parlementaires. Leurs avis sont adoptés par l’assemblée plénière du Conseil qui se réunit deux fois par mois. Entre vingt-cinq et trente avis sont ainsi adoptés chaque année.

Ils sont alors transmis par le bureau du Conseil au Premier ministre, au président de l’Assemblée nationale et au président du Sénat.

L’article 8 du présent projet de loi modifie à la marge cette organisation : le nombre de sections, désormais dénommées « commissions », est réduit de neuf à huit. ([39]) Au-delà des modifications rédactionnelles qui en découlent, le terme d’« étude » est systématiquement remplacé par celui d’« avis » prévu par la Constitution (alinéas 2 et 4).

Par ailleurs, lors de la réforme de 2010, le législateur a souhaité introduire une procédure simplifiée d’adoption des avis du CESE de manière à lever, pour certains cas, les contraintes liées à la procédure d’adoption des avis en assemblée plénière qui implique des délais importants de convocation de l’assemblée et « nuit à son efficacité ». ([40])

Il a ainsi été prévu que lorsque le CESE est saisi par le Gouvernement ou par une assemblée parlementaire, l’avis peut être émis par la section compétente dans un délai de trois semaines. Ce dernier ne devient l’avis du CESE qu’après un délai de trois jours suivant sa publication, sauf si, dans ce délai, le président du CESE ou au moins dix de ses membres demandent que le projet soit examiné par l’assemblée plénière.

L’objectif de cette procédure d’urgence était de « contribuer à la rénovation du CESE, en évitant que les autorités susceptibles de le consulter renoncent à le saisir parce quil ne serait pas en mesure de se prononcer dans de brefs délais. » ([41])

De manière à donner à cette réforme davantage de portée, le présent article modifie ces dispositions afin de :

– permettre au bureau de décider, à son initiative, de recourir à la procédure d’examen simplifié des avis ;

– raccourcir, de trois à deux semaines, le délai dont dispose la commission pour émettre son avis ;

– permettre le retour à la procédure d’adoption des avis par l’assemblée plénière si le président ou « au moins un tiers des membres du CESE » en exprime la demande, soit cinquante-neuf membres au lieu de dix actuellement (alinéa 3).

Sur ce dernier point, le Conseil d’État considère que « si cette mesure permet daccélérer ladoption des avis du CESE, il convient de veiller à conserver un rôle essentiel à son assemblée plénière, eue égard notamment à lobjectif du renforcement de linstitution recherché par le Gouvernement. » ([42]) En effet, le CESE tire sa légitimité de la représentativité de son assemblée plénière, composée de représentants des différents membres de la société organisée.

La Commission a adopté cet article sans modification.

*

*     *

Article 6
(art. 6-1 [nouveau] de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Dispense des consultations prévues en application
de dispositions légales ou réglementaires

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de substituer, sous certaines réserves, la consultation préalable du Conseil économique, social et environnemental sur les projets de loi à celle d’autres instances consultatives existantes.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement visant à exclure du champ de cet article :

– les concertations préalables prévues à l’article L. 1 du code du travail, comme le prévoit l’exposé des motifs du projet de loi ;

– les instances nationales de dialogue entre les collectivités territoriales et l’État.

___

Le présent article introduit un nouvel article 6-1 dans l’ordonnance du 29 décembre 1958 qui prévoit que lorsque le CESE est consulté sur un projet de loi relevant de son champ de compétence, le Gouvernement ne procède pas aux consultations prévues en application de dispositions législatives ou règlementaires en vigueur.

Selon l’étude d’impact, une trentaine d’instances consultatives seraient concernées, à l’instar de la Commission nationale de la négociation collective, du Conseil supérieur de l’emploi ou du Conseil national de la formation professionnelle.

D’autres consultations, considérées comme « irréductibles », sont préservées, dont notamment celles :

– des collectivités mentionnées aux articles 72 et 72-3 de la Constitution ;

– des autorités administratives indépendantes « en raison, dune part, de leurs domaines dintervention (régulation de secteurs sensibles, protection des droits des citoyens, etc.) et, dautre part, de leur indépendance » ([43]) ;

– des commissions relatives au statut des magistrats, des fonctionnaires et des militaires dès lors que ces professions ne sont pas représentées au sein du CESE.

L’objectif poursuivi est double :

– inciter davantage le Gouvernement à saisir le CESE en rationalisant les procédures de consultation ;

– « alléger le travail des services ministériels » ([44]) qui procèdent à ces consultations dans le cadre de l’élaboration des projets de loi.

Dans son avis, le Conseil d’État souligne que ces mesures constituent « une simplification bienvenue et de nature à renforcer le rôle consultatif du CESE ». Toutefois, il considère qu’en prévoyant « une règle générale relative aux consultations obligatoires imposées par le Gouvernement par des dispositions législatives ou règlementaires », ces mesures excèdent le champ de la loi organique particulière au CESE. Par ailleurs, il souligne que « si le Gouvernement [lui] a adressé une liste des organismes dont la consultation entrerait dans le champ de la dispense prévue par le projet de loi organique, [le Conseil] na pas été en mesure, dans le temps qui lui était imparti, de proposer la rédaction dune disposition législative répondant au souhait du Gouvernement, laquelle demande une étude préalable dimpact comme une expertise approfondie du champ de ses exceptions. » Le Conseil a proposé, en conséquence, de ne pas retenir cette disposition.

Les réserves du Conseil d’État pourraient toutefois être levées, au moins en partie, si des précisions étaient apportées à la rédaction de cet article.

Par conséquent, à l’initiative du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement visant à exclure explicitement du champ de cet article :

– la concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs prévue par l’article L. 1 du code du travail dans le cadre du dialogue social, comme le mentionne d’ailleurs l’exposé général du présent projet de loi organique. L’exposé sommaire de l’amendement précise ainsi que « cet article 6 ne concerne en effet que les consultations au sens strict du terme, c’est-à-dire les saisines d’un organe consultatif afin qu’il rende un avis sur un projet de texte déterminé, et non les concertations qui désignent un processus d’échanges dont la portée est plus large » ([45]) ;

– les instances nationales consultatives dans lesquelles les collectivités territoriales et leurs groupements sont représentés, telles que le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) ou le Comité des finances locales (CFL).

Elle a par ailleurs adopté quatre amendements rédactionnels présentés par le rapporteur.

*

*     *

Article 7
(art. 7 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Composition du Conseil économique, social et environnemental

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet, d’une part, de réduire le nombre de membres du Conseil économique, social et environnemental et, d’autre part, de garantir une meilleure représentation de la société civile à travers la suppression de la catégorie des personnalités qualifiées.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 7 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental a été modifié par la loi organique n° 2011-883 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution pour y apporter des ajustements rédactionnels.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement ayant pour objet de garantir une représentation des outre-mer dans la composition du Conseil ainsi qu’un amendement qui confie à un comité, composé majoritairement de parlementaires, le soin de proposer des évolutions de la composition du Conseil avant la fin de chaque mandature.

1.   Létat du droit

La composition du Conseil économique, social et environnemental est fixée par l’article 7 de l’ordonnance organique de 1958 précitée. « Représentant les principales activités du pays » selon l’article 1er de cette même ordonnance, le nombre de ses membres, désignés pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois, est plafonné à 233 depuis la réforme constitutionnelle de 2008.

a.   Deux réformes de la composition en soixante ans

En plus de soixante ans d’existence, la composition du Conseil économique, social et environnemental n’a fait l’objet que de deux révisions d’envergure, en 1984 et en 2010, si on exclut celles ne portant que sur des ajustements marginaux ([46]).

Cela s’explique certainement par la lourdeur de la procédure, qui relève du législateur organique, mais aussi par la nature de l’exercice, « le plus difficile des problèmes posés par la création dun Conseil économique [étant] toujours celui de sa composition » selon les mots du constitutionnaliste Jean Rivero ([47]).

Dans sa composition initiale, le Conseil comptait 205 membres – réduits à 200 dès 1962 après l’indépendance de l’Algérie. Ces membres comprenaient alors 180 représentants des différentes activités du pays, réparties en six catégories ([48]), ainsi que 15 personnalités qualifiées dans le domaine économique, social, scientifique et culturel et 10 personnalités qualifiées « pour leur connaissance des problèmes économiques et sociaux doutre-mer ».

Si cette composition a fait l’objet, dès l’origine, de vives critiques – bien résumées par Pierre Mendès-France qui avait écrit que cet organisme « avantage en fait certains milieux possédants et conservateurs et désavantage la classe ouvrière, les forces dexpansion, de rajeunissement et de progrès » ([49]) il a fallu attendre plus de vingt-cinq ans et la loi organique n° 84-499 du 27 juin 1984 pour qu’elle soit enfin revue.

Selon les vœux de la majorité politique du moment, la réforme de 1984 avait pour objet de faire plus de place au « social » au détriment de « l’économique ». Elle augmente pour cela la représentation des « salariés », expression générique substituée à l’énumération, non exhaustive, de 1958 – « ouvriers, employés, fonctionnaires, techniciens, ingénieurs et cadres », qui passent de 45 à 69 représentants. Elle accorde également une place à l’économie sociale par la représentation des secteurs associatifs, coopératifs et mutualistes et attribue des sièges à 8 représentants des activités économiques et sociales des départements et territoires d’outre-mer. Elle augmente aussi le nombre de personnalités qualifiées, qui sont désormais 40, pour un effectif de conseillers porté à un total de 230.

Mise à part deux ajustements adoptés en 1990 et 2007 ([50]) , qui ont augmenté à 9 puis 11 le nombre de représentants des activités économiques et sociales d’outre-mer, il a fallu attendre une nouvelle fois plus de vingt-cinq ans, et la loi organique n° 2010-704 du 28 juin 2010, pour que la composition du Conseil connaisse une seconde réforme significative, aujourd’hui encore en vigueur.

éVOLUTION DE la composition
du Conseil economique, social et environnemental

 

Composition initiale en 1958

Composition issue de la réforme de 1984

Composition depuis 2010

 

 

Vie économique et dialogue social :

45 représentants des ouvriers, employés, fonctionnaires, techniciens, ingénieurs et cadres

69 représentants des salariés

 

 

69 représentants des salariés

41 représentants des entreprises industrielles, commerciales et artisanales, dont 9 représentants des entreprises commerciales

 

72 représentants des entreprises, dont 27 représentants des entreprises privées non agricoles

 

 

 

27 représentants des entreprises privées industrielles, commerciales et de services

 

10 représentants des artisans

10 représentants des artisans

10 représentants des artisans

6 représentants des entreprises nationalisées

10 représentants des entreprises publiques

 

40 représentants désignés par les organismes agricoles les plus représentatifs, dont 5 représentants des coopératives agricoles

25 représentants des exploitants agricoles

 

20 représentants des exploitants et des activités agricoles

 

3 représentants des professions libérales

4 représentants des professions libérales

 

 

10 personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine économique dont deux issues des entreprises publiques ainsi quun représentant des activités économiques françaises à létranger

7 représentants des activités diverses, dont 2 représentants des coopératives de production, 1 représentant des activités touristiques, 2 représentants des activités exportatrices et 2 représentants des organismes participant au développement économique régional

 

 

 

 

Cohésion sociale et territoriale et vie associative :

 

10 représentants de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles

4 représentants de la mutualité et des coopératives agricoles de production et de transformation

 

5 représentants des coopératives non agricoles et 4 représentants de la mutualité non agricole

8 représentants de léconomie mutualiste, coopérative et solidaire non agricole

15 représentants des activités sociales au titre desquelles sont choisis, notamment, les représentants du logement, de l’épargne, de la santé publique, des coopératives de consommation et de construction et au moins 8 représentants des associations familiales

10 représentants des associations familiales

1 représentant du logement

1 représentant de lépargne

10 représentants des associations familiales

2 représentants de l’organisation la plus représentative des classes moyennes

5 représentants des autres associations

8 représentants de la vie associative et des fondations

10 personnalités qualifiées par leur connaissance des problèmes économiques et sociaux d’outre-mer ou ayant une activité se rapportant à l’expansion économique dans la zone franc

8 représentants des activités économiques et sociales des départements doutre-mer

11 représentants des activités économiques et sociales des départements et régions doutre-mer, des collectivités doutre-mer et de la Nouvelle-Calédonie

 

2 représentants des Français établis hors de France

 

 

 

4 représentants des jeunes et des étudiants

 

 

15 personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine social, culturel, sportif ou scientifique ou de leur action en faveur des personnes handicapées

 

40 personnalités qualifiées dans le domaine économique, social, scientifique ou culturel

 

 

 

Protection de la nature et environnement :

 

 

18 représentants des associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de la nature et de lenvironnement

 

 

15 personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière denvironnement et de développement durable

Source : commission des Lois de lAssemblée nationale.

b.   La composition actuelle

En 2010, la réforme du Conseil avait pour objet de mettre en œuvre, par le biais de l’ordonnance organique, les innovations constitutionnelles introduites par la révision du 23 juillet 2008.

Le constituant ayant élargi le champ des attributions du Conseil aux questions environnementales – ce qui s’est traduit par le changement de son nom en Conseil économique, social et environnemental – il s’agissait d’abord de faire une place, dans sa composition, à des représentants agissant dans le domaine de l’environnement. Cette réforme s’est effectuée à effectifs constants, le nombre des membres du CESE ayant été plafonné à 233 par la révision constitutionnelle de 2008.

La composition du CESE issue de cette réforme repose sur trois piliers :

– un pilier « vie économique et dialogue social » qui comprend 140 membres dont 69 représentants des salariés, 27 représentants des activités industrielles et commerciales, 20 représentants du secteur agricole, 10 représentants des artisans, 4 représentants des professions libérales et 10 personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine économique ;

– un pilier « cohésion sociale et territoriale et de la vie associative » de 60 membres représentant notamment les jeunes et les étudiants, l’économie solidaire, l’outre-mer, les associations et les fondations, auxquels s’ajoutent 15 personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine social, culturel, sportif ou encore scientifique ;

– un pilier, « protection de la nature et de l’environnement » de 33 membres, dont 18 représentants des associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de la nature et de l’environnement et 15 personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière d’environnement et de développement durable.

Outre la création de ce pilier « environnemental », la réforme de 2010 accorde, pour la première fois, une représentation aux jeunes et aux étudiants et introduit une exigence de parité dans la désignation des conseillers ainsi que dans celle des personnalités qualifiées.

La désignation des conseillers est effectuée, pour une part, par des organismes représentatifs de chacune des catégories – organisations syndicales, fédérations professionnelles, réseau consulaire, associations – dans des conditions définies par décret ([51]), pour une autre part par le Gouvernement s’agissant des personnalités qualifiées.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article a pour objet de réduire, dans le prolongement du souhait exprimé par le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès le 3 juillet 2017, le nombre de membres du Conseil économique, social et environnemental et de garantir par ailleurs une meilleure représentation de la société civile à travers la suppression de la catégorie des personnalités qualifiées.

Le choix a été fait d’effectuer une réduction de 25 % des effectifs pour les abaisser à 175 membres.

Cette réduction des effectifs s’opère tout d’abord par la suppression des quarante personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement au sein des trois pôles afin, selon l’étude d’impact du projet de loi, de « garantir une plus grande représentativité de la société civile ». Cette catégorie représente en effet aujourd’hui une part importante des membres du CESE et, si les personnalités choisies apportent souvent une expertise et un éclairage utiles aux autres membres du Conseil, leur mode de désignation et l’importante marge de manœuvre qui est laissée au Gouvernement dans ce choix ne sont pas compatibles avec l’objectif de renouer avec la société civile.

La nouvelle composition s’efforce, en abaissant les effectifs de chacune des catégories, de conserver les équilibres existants mais en accordant toutefois une part plus importante aux représentants du secteur associatif ainsi que du pôle environnemental.

Le Conseil serait ainsi réorganisé en quatre pôles, celui des représentants de la vie économique et du dialogue social étant scindé en deux. Il comprendrait donc :

– 52 représentants des salariés ;

– 52 représentants des entreprises, exploitants agricoles, artisans, professions libérales, mutuelles, coopératives et chambres consulaires ;

– 45 représentants des activités relevant des domaines de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative ;

– 26 représentants des activités relevant de la protection de la nature et de l’environnement.

Aucune catégorie nouvelle d’activité représentée n’est créée. L’exposé des motifs du projet de loi indique toutefois que « des personnes compétentes en matière numérique pourront être utilement désignés parmi les représentants de la vie économique ou des représentants de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative. »

Enfin, pour la première fois, le projet de loi renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer le nombre de représentants relevant de chacune des sous-catégories de membres. Ceci est certainement de nature à conférer une plus grande souplesse dans cette répartition, qui pourra ainsi être plus facilement – et donc plus régulièrement – adaptée aux évolutions de la société (alinéa 8).

3.   La position de votre Commission

La Commission n’a pas remis en cause les équilibres dans la composition du Conseil retenus par cet article, ni le choix de renvoyer au pouvoir réglementaire la répartition détaillée des catégories représentées. Elle toutefois apporté à cet article, à l’initiative de son rapporteur, deux modifications importantes :

– l’introduction d’une représentation des outre-mer dans la composition globale du Conseil. Il s’agit là de garantir une représentation aux outre-mer, non plus par le biais d’une catégorie spécifique, mais par une présence parmi l’ensemble des quatre pôles du nouveau Conseil. La garantie de leur présence au sein du Conseil permettra aux représentants des outre-mer de s’organiser pour pérenniser l’existence de leur groupe ainsi que la délégation qui leur est dédiée, deux outils indispensables pour faire valoir leur parole dans les travaux du CESE ;

– la création d’un comité consultatif chargé de proposer des évolutions dans la composition du Conseil. Dans la mesure où la répartition détaillée des représentants par catégorie est désormais renvoyée au pouvoir réglementaire, il semble indispensable que les parlementaires puissent être associés à cette répartition. C’est pourquoi l’amendement adopté crée un comité composé de trois députés, trois sénateurs, un membre du CESE, un membre du Conseil d’État et un magistrat de la Cour des comptes, « chargé de proposer, au plus tard six mois avant la fin de chaque mandature, des évolutions de la composition du Conseil. ». Un sous-amendement de M. Philippe Gosselin (Les Républicains), adopté avec avis favorable de votre rapporteur, précise que la désignation des parlementaires devra permettre d’assurer une représentation pluraliste.

La Commission a par ailleurs adopté quatre amendements rédactionnels de votre rapporteur.

*

*     *

Article 8
(art. 11 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Transformation des « sections » en « commissions »
et diminution de leur nombre

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article renomme les sections du Conseil économique, social et environnemental en « commissions » et limite leur nombre à neuf pour tenir compte de la diminution globale des effectifs du Conseil effectuée par l’article 7 du projet de loi organique.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 11 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 a été modifié par la loi organique du 28 juin 2010 pour, d’une part, tirer les conséquences de l’extension du champ de compétences du Conseil aux questions environnementales et, d’autre part, plafonner le nombre des sections à neuf.

       Modifications apportées par la Commission

Aucune.

 

Le CESE comprend neuf sections « pour létude des principaux problèmes de caractère économique, social ou environnemental ». Ce nombre est un plafond, conformément à l’article 11 de l’ordonnance organique. La liste, la composition et le champ des compétences des sections sont fixés par un décret en Conseil d’État.

La liste des sections est aujourd’hui la suivante ([52]) :

– section des affaires sociales et de la santé ;

– section du travail et de l’emploi ;

– section de l’aménagement durable des territoires ;

– section de l’économie et des finances ;

– section des affaires européennes et internationales ;

– section de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation ;

– section de l’environnement ;

– section de l’éducation, de la culture et de la communication ;

– section des activités économiques.

Les sections sont composées de membres du CESE désignés par le bureau, sur proposition des différents groupes de représentation et appartenant autant que possible à chacun de ces derniers. Chaque section comprend au minimum 27 et au maximum 30 conseillers. Ces derniers élisent un président de section ainsi que des vice-présidents. Leurs effectifs peuvent être ensuite complétés par des « personnalités associées » – appelées, selon l’usage, membres de section – désignées par le Gouvernement (cf. commentaire de l’article 9 ci-après), dans la limite de huit par section.

Les sections sont chargées de la préparation des études et projets d’avis, chacune dans leur champ de compétences. Elles se réunissent, à huis clos, une demi-journée par semaine.

Le présent article procède à deux modifications :

– la première est terminologique : les « sections » seront désormais appelées « commissions ». Ce changement est de nature à valoriser leurs travaux, en cohérence avec la possibilité qui leur sera désormais offerte, par l’article 5 du projet de loi, d’adopter directement des avis. Il attribue de fait à ces organes une appellation identique à celles des commissions du Parlement, ce qui leur avait été refusé en 1958 pour éviter toute confusion – le terme de « section » renvoyant davantage à l’organisation administrative du Conseil d’État ;

– la seconde consiste à limiter le nombre de ces commissions à huit, pour tenir compte de la diminution des effectifs du Conseil effectuée par l’article 7 du présent projet de loi organique.

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

*

*     *

Article 9
(art. 12 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Participation de représentants de la société civile
aux travaux des commissions

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article supprime la catégorie des personnalités associées aux travaux des sections pour y substituer la participation de représentants de la société civile : représentants des conseils consultatifs locaux et personnes tirées au sort.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 12 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 a été modifié par la loi organique du 28 juin 2010 pour encadrer plus étroitement les conditions de nomination, par le Gouvernement, des personnalités associées dans les sections du Conseil.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a adopté cinq amendements de votre rapporteur afin, d’une part, de procéder à diverses coordinations rédactionnelles, et, d’autre part, préciser les conditions de participation de la société civile aux travaux des commissions.

1.   Les personnalités associées aux travaux des sections

Aux côtés des conseillers, le Gouvernement peut appeler à siéger, dans les sections du Conseil, des personnalités associées choisies, selon l’article 12 de l’ordonnance organique, en « raison de leur qualité, de leur compétence ou de leur expérience ».

Elles sont nommées pour une durée maximale de cinq ans, chaque acte de nomination précisant l              a durée et l’objet de leur mission. Leur nombre est limité à huit par section, soit 72 personnes au total ([53]).

Ces personnes sont chargées d’enrichir, par leur expertise, les travaux des sections et elles participent pleinement, pour cela, aux avis, rapports et études des sections dans lesquelles elles sont affectées. Elles ne peuvent en revanche pas voter les projets d’avis, qui relèvent de la compétence des seuls conseillers.

Si les profils, très variés – économiste, médecin, militaire, journaliste, maire, sportif, magistrat, responsable d’association, universitaire, architecte, juriste, etc. –, et la diversité d’origine géographique de ces personnalités apportent une valeur ajoutée certaine aux travaux du CESE, leur présence aux côtés des conseillers est contestée depuis l’origine. Les conditions de leur nomination, peu encadrées, laissent une grande latitude au Gouvernement, malgré les précisions apportées par la loi du 28 juin 2010. En 2009, M. Dominique-Jean Chertier proposait de supprimer cette catégorie de membres, dans la mesure où elle avait été « sinon conçue, du moins vécue, tantôt comme un lot de consolation pour ceux qui nont pu obtenir un siège de conseiller ou comme marchepied pour ceux qui aspireraient à le devenir, tantôt comme une variable dajustement permettant aux groupes les plus restreints en effectifs dêtre présents dans toutes les sections actuelles ». Il jugeait également que les personnalités désignées par le Gouvernement étaient perçues comme des « conseillers de second rang » dont la présence, peu compréhensible par le grand public, fragilisait la représentativité et la légitimité du Conseil.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article supprime la présence des personnalités associées dans les sections du conseil pour y substituer la participation de représentants de la société civile. Il s’agit là, en cohérence notamment avec les articles 1er et 4 du présent projet de loi, de faire du Conseil, selon l’exposé des motifs, le « forum de la société civile » : en plus de les consulter, il pourrait donc directement faire participer à ses travaux des représentants de la société civile.

La participation de la société civile aux travaux des commissions serait assurée par deux types de représentants :

– « des représentants des conseils consultatifs créés auprès des collectivités territoriales et de composantes de la société civile non représentées au Conseil ». Si l’on identifie assez facilement la première catégorie, qui comprend par exemple les membres des CESER, des conseils de quartier, des conseils citoyens ou des conseils de développement, la seconde laisse en revanche une très grande latitude de choix à l’autorité de nomination, le Conseil lui-même – qui s’affranchit ainsi de la tutelle du Gouvernements sur ce point. La durée et l’objet des missions de ces représentants ne sont pas précisés par le projet de loi : ces représentants pourront « apporter leur appui aux commissions pour une mission et une durée déterminées » (alinéa 4) ;

– des personnes tirées au sort, dans des conditions qui seront précisées par le règlement du Conseil. Cette rédaction laisse également une grande latitude au Conseil pour organiser les modalités de cette sélection. On peut relever que les personnes ainsi tirées au sort ne participeront aux travaux des commissions qu’avec voix consultative (alinéa 5).

Le Conseil a déjà fait participer à ses travaux, à deux reprises, des personnes tirées au sort, à titre expérimental, alors même que les textes ne prévoyaient pas une telle possibilité : pour l’avis du 7 juillet 2020, Générations nouvelles, construire les solidarités de demain et l’avis du 12 mars 2020, Fractures et transitions : réconcilier la France. Dans les deux cas, l’avis des représentants des citoyens avait été distingué de l’avis du CESE lui-même.

3.   La position de votre Commission

La Commission a adopté cinq amendements de votre rapporteur afin, d’une part, de procéder à diverses coordinations rédactionnelles, et, d’autre part, préciser les conditions de participation de la société civile aux travaux des commissions.

L’alinéa 4, tout d’abord, est réécrit afin de supprimer des personnalités associées aux travaux des commissions la catégorie des « composantes de la société civile », aux contours trop imprécis.

Il est ensuite précisé que les modalités de tirage au sort des personnes appelées à participer aux travaux des commissions devront permettre d’assurer une représentativité appropriée du public concerné. Il s’agit d’inscrire les garanties prévues par l’article 4 du présent projet de loi tel qu’il résulte des travaux de la Commission.

Enfin, un amendement de votre rapporteur élargit le champ des personnes que la commission voudra entendre, aujourd’hui limité aux seuls fonctionnaires qualifiés, à « toute personne entrant dans son champ de compétence. » Il supprime par ailleurs la capacité d’initiative du Gouvernement en la matière, celle-ci devant relever des seules commissions du CESE.

*

*     *

Article 9 bis (nouveau)
(art. 13 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Coordination rédactionnelle

Introduit par la Commission

Introduit par la commission des Lois par l’adoption d’un amendement de votre rapporteur, cet article procède à une coordination rédactionnelle afin de remplacer le mot « section » par le mot « commission permanente » au sein de l’article 13 de l’ordonnance organique.

*

*     *

Article 10
(art. 14 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Modification de la composition du bureau

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie la composition du bureau du Conseil économique, social et environnemental pour y faire figurer expressément la représentation des groupes.

       Dernières modifications législatives intervenues

La rédaction de l’article 14 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 a été précisée par la loi organique du 28 juin 2010.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement de coordination rédactionnelle.

____

Organe collégial de direction, le bureau assure le fonctionnement régulier des travaux du Conseil économique, social et environnemental. Réuni par le Président ou sur demande de la moitié de ses membres, il décide de l’organisation des travaux du Conseil : il arrête l’ordre du jour des assemblées plénières, reçoit les demandes d’avis ou d’étude du Gouvernement, propose les sections à qui confier l’élaboration des rapports et des études et la préparation des projets d’avis, fixe les points sur lesquels ils porteront et les délais d’achèvement.

Selon l’article 14 de l’ordonnance organique, ses membres sont élus par l’assemblée du Conseil et il est composé d’un président et de dix-huit membres.

Le règlement intérieur du Conseil précise que chacun des groupes constitués est représenté au bureau du Conseil.

Les groupes au Conseil économique, social et environnemental

L’article 8 du règlement intérieur précise que les membres du Conseil sont répartis en 18 groupes et qu’aucun groupe ne peut comprendre moins de trois membres. Les conseillers s’y répartissent par affinités socioprofessionnelle afin d’y exprimer une solidarité d’idées ou d’intérêts.

On trouve ainsi un groupe par syndicat, un groupe de l’agriculture, un groupe de l’artisanat, un groupe de l’outre-mer, un groupe des organisations étudiantes et mouvements de jeunesse, un groupe des personnalités qualifiées ou encore un groupe des associations.

Chaque groupe dispose de moyens propres pour financer une administration de groupe, à l’image des groupes parlementaires.

Le présent article substitue au nombre de membres du bureau une règle de représentation par groupe afin de donner plus de souplesse organisationnelle en cas de suppression ou de création d’un groupe. Ce faisant, il inscrit l’existence des groupes, aujourd’hui uniquement prévue par le règlement intérieur, dans la loi organique.

Il modifie par ailleurs le rôle joué par le secrétaire général du Conseil au sein de ce bureau. Il pourra toujours assister à ses réunions mais sans participation aux délibérations, et en tenir les procès-verbaux.

La Commission a adopté un amendement de coordination rédactionnelle présenté par votre rapporteur.

*

*     *

Article 10 bis (nouveau)
(art. 15 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Adoption dun code de déontologie et création de la fonction de déontologue du Conseil économique, social et environnemental

Introduit par la Commission

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de Mme Laurianne Rossi (LaREM) et plusieurs de ses collègues adopté contre l’avis de votre rapporteur.

Il vise à doter le Conseil économique, social et environnemental d’un code de déontologie ainsi que d’un déontologue chargé d’en assurer le respect.

Ce code de déontologie, qui sera élaboré par le bureau du Conseil et approuvé par décret, pourra par exemple prévoir de soumettre les conseillers à une obligation de déclaration de patrimoine ou d’intérêts ou de mettre en place un contrôle de l’utilisation de l’indemnité représentative pour frais de mandats des conseillers.

*

*     *

Article 11
(art. 22 de lordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
Versement de lindemnité aux personnes associées
aux travaux des commissions

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède à des coordinations rédactionnelles pour permettre aux personnes nouvellement associées aux travaux des commissions, en vertu de l’article 9 du présent projet de loi, de percevoir une indemnité.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique du 28 juin 2010 a modifié l’article 22 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 pour préciser que le montant de l’indemnité des personnes associées aux travaux des sections serait fixé par décret.

       Modifications apportées par la Commission

Aucune.

____

Le présent article modifie l’article 22 de l’ordonnance organique pour tenir compte, par souci de cohérence, des modifications apportées par l’article 9 du projet de loi : la catégorie des personnalités associées aux travaux des sections, désignées par le Gouvernement, étant supprimée, c’est le terme de « personne » qui lui est substitué dans cet article 22, relatif aux indemnités qui leur sont versées lorsqu’elles participent aux travaux des commissions du Conseil – anciennement « sections ».

L’indemnité sera donc désormais versée aux représentants des conseils consultatifs créés auprès des collectivités territoriales et de composantes de la société civile ainsi qu’aux personnes tirées au sort pour participer aux travaux des commissions.

En institutionalisant ainsi le versement d’une indemnité à des personnes tirées au sort, comme l’avait déjà fait, par exemple, la Convention citoyenne pour le climat ([54]), cette disposition contribue incontestablement à l’élaboration d’un « statut du participant » que beaucoup appellent de leurs vœux ([55]).

Le décret n° 59-602 du 5 mai 1959 prévoit aujourd’hui que les personnalités associées perçoivent une indemnité ([56]) pour chacune des séances auxquelles elles participent et une autre, un peu plus élevée, pour chacun des rapports qu’elles sont appelées à présenter. Le nombre total des vacations est plafonné à quarante séances par an et les indemnités pour rédaction de rapports à quatre.

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

*

*     *

Article 12
Entrée en vigueur

Adopté par la Commission avec modifications

L’article 12 précise que la présente loi entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant celui de sa publication.

La Commission a adopté un amendement, présenté par son rapporteur, qui écarte, pour la première désignation des membres du Conseil économique, social et environnemental suivant la publication de la présente loi, l’application du délai de six mois avant la fin de chaque mandature, prévu par l’article 7 tel qu’il résulte de ses travaux, dans lequel les membres du comité qu’il institue devront proposer des évolutions de la composition du Conseil. Le respect de ce délai ne pourra en effet pas être assuré lors du prochain renouvellement, prévu au plus tard le 1er juin 2021, compte tenu du calendrier d’examen du présent projet de loi organique.

*

*     *

 

 


—  1  —

 

   Audition de M. Éric DuponD-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et discussion générale

Lors de sa réunion du mardi 8 septembre 2020 la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République auditionne M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et procède à une discussion générale sur le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental (n° 3184).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9445190_5f5798142a514.commission-des-lois--m-eric-dupond-moretti-ministre-de-la-justice--8-septembre-2020

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, je suis ravie de vous retrouver en cette rentrée et de voir la commission des Lois rallumer, comme à son habitude, au début de la session extraordinaire, les lumières de l’Assemblée nationale. (Sourires.)

Nous sommes réunis afin d’examiner le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental en débutant par une audition de M. le garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui le défend au nom du Gouvernement, et par la discussion générale.

Les amendements – un peu moins de 200 – seront eux examinés demain à partir de neuf heures trente au sein de notre commission, puis à partir du mercredi 16 septembre en séance publique.

Le rapporteur s’exprimera après le ministre. Suivront ensuite les orateurs des groupes, qui disposeront chacun de cinq minutes, puis les commissaires qui souhaiteront s’exprimer et qui disposeront de deux minutes.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, comme je vous l’avais annoncé cet été, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui ce projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui traduit l’un des engagements pris par le Président de la République dès le début de son quinquennat devant le Congrès.

Créé en 1925, consacré dans la Constitution depuis la IVe République, le CESE n’a pourtant jamais réussi à trouver au sein de nos institutions la place qu’il mériterait. Ce projet de loi entend remédier à cette situation et par la même occasion répondre à une aspiration forte de nos concitoyens : renforcer la démocratie participative.

La crise des « gilets jaunes » et le Grand débat national ont, tout autant que la Convention citoyenne pour le climat, montré que les Français aspirent à être mieux associés et à participer plus directement aux décisions publiques. Nos institutions doivent répondre à cette attente : tel est le sens du projet de loi organique soumis à votre examen.

Le CESE doit affermir sa fonction d’assemblée consultative composée de représentants des forces économiques et sociales du pays chargée d’éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux de notre temps. Il s’agit de le doter de nouveaux outils, notamment en ayant recours à la participation du public en s’adjoignant des citoyens tirés au sort en vue de l’aider dans la préparation de ses avis.

La première ambition de cette réforme est de renforcer la démocratie participative. Deux points méritent dans cette perspective d’être soulignés : le recours aux pétitions et l’organisation de consultations publiques incluant, le cas échéant, la participation directe de citoyens tirés au sort.

S’agissant du premier, le projet de loi favorise le recours aux pétitions. La révision constitutionnelle de 2008 a certes introduit dans notre droit la possibilité pour nos concitoyens de saisir le CESE par voie de pétition. Toutefois, cet outil de démocratie directe, encadré par des conditions trop strictes, n’a jamais pu être mis en œuvre : nous entendons donc les assouplir afin de le rendre désormais effectif. Les citoyens pourront ainsi saisir le CESE par voie électronique et non plus seulement par écrit.

Pour répondre à leurs attentes légitimes, il faut aller plus loin : nous avons, en concertation étroite avec votre rapporteur, Erwan Balanant, réfléchi à d’autres évolutions et allons conjointement vous en proposer deux.

La première consiste à abaisser le seuil des signatures, puisque celui en vigueur actuellement n’a été atteint qu’une seule fois en dix ans : il convient par conséquent de le réduire au moins de moitié. Il est en revanche nécessaire de fixer des garanties afin de s’assurer que les questions soulevées concernent la Nation tout entière.

La seconde consiste à permettre à la jeunesse de s'exprimer, pour éviter qu’elle ne s'éloigne davantage encore, c’est un sujet de préoccupation partagée auquel je suis très sensible. Nous proposons donc d’abaisser à seize ans l’âge requis pour pouvoir pétitionner. Si l’on n’est pas encore, à cet âge, citoyen et électeur, cela ne signifie pour autant pas que l’on n’a rien à dire, d’autant que notre jeunesse veut – et doit – s’engager sur les questions environnementales sur lesquelles elle est particulièrement mobilisée. Il faut donc lui donner la parole et surtout la préparer au plein exercice de la citoyenneté : ce droit de pétition le permettra.

La seconde ambition de ce projet de loi est de pérenniser l’expérience de la Convention citoyenne pour le climat qui a montré que le CESE pouvait devenir la chambre de la participation citoyenne. Le texte consacre ainsi l’organisation de consultations publiques pour lesquelles il pourra désormais organiser une procédure de tirage au sort. Le CESE a toujours été présenté et conçu comme l’assemblée représentant les forces vives de la Nation : dorénavant, les citoyens tirés au sort pourront participer directement à ses travaux.

Je veux rassurer ceux qui éprouvent des craintes à cet égard : elles ne sont pas fondées. Il n’existe pas de confusion, et encore moins de concurrence, entre, d’une part, l’intérêt de recueillir l’avis de citoyens tirés au sort et, d’autre part, l’exercice de la souveraineté nationale par les représentants de la Nation élus au suffrage universel, seuls détenteurs de la légitimité démocratique. Renforcer la démocratie participative n’affaiblit pas la démocratie. Au contraire, plus nos concitoyens sont intégrés au débat public, plus la légitimité de ceux qu’ils éliront sera renforcée.

Ce projet de loi organique entend également redonner davantage de visibilité au CESE et renforcer son rôle d’assemblée consultative. Le Grand débat national nous l’a appris : nos concitoyens connaissent mal cette institution et peinent à en comprendre l’utilité. Il est temps de lui redonner la place qui lui revient. Ainsi, pour remédier à cet état de fait, le projet qui vous est soumis développe principalement deux outils.

Il renforce d’abord les liens avec les conseils consultatifs locaux. Force est de constater qu’actuellement il n’existe pas véritablement de lien entre le CESE et les instances consultatives locales, en particulier avec les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER). Il faut mettre fin à ce cloisonnement et organiser des échanges entre l’échelon national et les organes locaux afin que le CESE puisse se nourrir des expériences et des connaissances territoriales.

L’article premier du projet de loi organique prévoit ainsi la possibilité pour le Conseil de saisir pour l’exercice de ses attributions des conseils consultatifs créés auprès des collectivités.

Le texte entend également faire du CESE le carrefour des consultations publiques. Il existe aujourd’hui une multitude d’organismes consultatifs : s’ils constituent une richesse, ils peuvent également être source de complexité, voire de lourdeur. Pour redonner de l’attractivité au CESE, le Gouvernement entend lui accorder une place prépondérante, à la hauteur du rôle que lui confie la Constitution.

Ainsi, l’article 6-1 que nous proposons d’introduire dans l’ordonnance de 1958 prévoit que lorsque le Conseil sera saisi, le Gouvernement ne procédera pas aux autres consultations exigées par notre législation, certaines exceptions étant cependant prévues pour les autorités administratives indépendantes ou pour les collectivités territoriales d’outre-mer.

Je vous proposerai d’y inclure les instances nationales consultatives au sein desquelles les collectivités territoriales sont représentées afin de préserver le dialogue indispensable avec ces dernières, en particulier dans le cadre du Conseil national d’évaluation des normes et du Comité des finances locales.

Je tiens également à souligner que n’entrent pas dans le champ de cet article les concertations prévues à l’article L.1 du code du travail. Pour plus de clarté, le Gouvernement vous proposera de le mentionner explicitement dans le texte.

Enfin, le projet de loi réforme, conformément à un engagement du Président de la République, la composition du CESE. Il vous propose ainsi de faire passer le nombre de ses membres de 233 à 175, ce qui représente une réduction de 25 % qui correspond pour partie à la suppression des 40 sièges réservés aux personnalités qualifiées.

Cette composition est refondue en quatre grandes catégories qui permettent de conserver pour l’essentiel l’équilibre des représentations. La proposition qui vous est faite est le résultat d’un compromis entre tous les intérêts représentés. C’est pourquoi le Gouvernement n’entend pas y revenir.

Toutefois, la composition de ces quatre grandes catégories n’est plus figée dans le marbre afin de permettre une constante adaptation aux évolutions de notre société. Pour s’en assurer, le Gouvernement soutiendra l’amendement de votre rapporteur visant à instituer à chaque renouvellement un comité indépendant qui proposera au pouvoir exécutif une répartition détaillée au sein de celles-ci.

Je tiens enfin à remercier particulièrement votre rapporteur ainsi que Mme Nicole Dubré-Chirat pour l’excellent travail qu’ils ont réalisé et l’esprit constructif qui a présidé à nos échanges.

Comme vous pouvez le constater, ce projet de loi organique traduit l’ambition de moderniser en profondeur le CESE, tant dans sa composition que dans son fonctionnement, et permet plus largement le renforcement de la participation citoyenne.

J’espère que nos débats permettront de mettre en œuvre et de parfaire cette ambition.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Le projet de loi organique que vous venez de présenter, monsieur le ministre, constitue une étape importante pour nombre des commissaires aux lois et, au-delà, pour tous les parlementaires qui s’étaient investis dans les débats sur le rôle du CESE lors de l’examen de la révision constitutionnelle de 2018.

Les auditions nous l’ont montré, il constitue également une étape importante pour tous ceux qui soutiennent la participation citoyenne et souhaitent que le législateur en définisse mieux le cadre et les garanties qui doivent l’accompagner.

Enfin, il témoigne de la relation de confiance nouée entre le Président de la République, cette majorité et le CESE en vue de redonner une voix à la société civile organisée, représentative de l’ensemble des activités de notre pays.

Au travers du renforcement du CESE et de la reconnaissance de sa place particulière au sein des institutions de la République, la culture du débat, du dialogue constructif, du compromis et de l’émergence de propositions, qui fédèrent et permettent d’avancer ensemble, est également valorisée.

Ce projet de loi fait également suite à deux événements qui marqueront le quinquennat : le Grand débat national et la Convention citoyenne pour le climat. De manière très différente, la participation et l’engagement des personnes que nous représentons chaque jour y ont été rendus possibles, entendus et respectés. Le lien entre démocratie participative et démocratie représentative s’en est trouvé renforcé, même s’il reste beaucoup à faire.

Je ne reviendrai pas sur le détail du texte. Je soulignerai simplement les points saillants et les enjeux dont il nous faudra débattre au sein de cette commission puis en séance publique.

Le premier porte sur la représentativité du CESE. Une réforme de sa composition est prévue à l’article 7. En supprimant les personnalités qualifiées, elle permet de redonner toute leur place aux représentants de la société civile organisée. Si le recours à des experts reste possible – et il doit évidemment le rester –, cette réforme permet de revenir à ce qui fonde tant la légitimité du CESE que son originalité : être constitué de personnes issues de la société civile, particulièrement investies dans leur domaine de compétence et engagées afin de faire progresser les politiques publiques.

Je suis particulièrement attaché à ce rôle consultatif qu’il nous faut valoriser en renforçant les liens du Conseil avec les chambres parlementaires et le Gouvernement.

Le second point saillant porte sur le recours à la consultation et à la participation citoyennes. Si le CESE, comme nombre d’autres institutions, associe le public à ses travaux, aucune règle légale n’encadre aujourd’hui ces initiatives. Le projet de loi organique permet d’y remédier en posant le cadre dans lequel le CESE pourra véritablement devenir le carrefour des consultations citoyennes.

Dans ce contexte, nous avons travaillé à la rédaction de plusieurs amendements avec les personnes auditionnées ainsi qu’avec le groupe La République en Marche, et mes collègues des autres groupes, souvent très investis sur ces sujets. Trois d’entre eux sont particulièrement importants.

Tout d’abord, la saisine citoyenne du CESE, par voie de pétition, introduite par le constituant lors de la révision de 2008, ne fonctionne pas. Le seuil de 500 000 signatures est en effet trop élevé et les conditions de dépôt des pétitions complètement dépassées. Par conséquent, au-delà de leur dématérialisation, nous proposons d’abaisser à 150 000 le nombre des signatures en prévoyant un critère géographique de domiciliation dans au moins trente départements afin d’exclure les sujets locaux qui ne relèvent pas de la compétence du CESE mais plutôt de celle des CESER.

Par ailleurs, et je remercie le garde des Sceaux pour le dialogue constructif que nous avons eu sur ce point, ce droit serait ouvert aux personnes âgées de 16 ans et plus et non plus, comme aujourd’hui, aux seuls majeurs. Cette évolution permettra d’enrichir les consultations, tout en encourageant les plus jeunes à s’engager pleinement sur des sujets touchant aux politiques publiques au moment où nous ouvrons le service national universel (SNU) ainsi que le service civique.

Si la participation du public aux travaux du CESE constitue une avancée importante, elle ne peut toutefois se faire sans garantie. Nous introduisons donc un article dédié à ces garanties, travaillé lors des auditions et reprenant les recommandations des experts, universitaires ou associatifs, en la matière.

La révision de la composition du CESE nécessitait également quelques précisions touchant en premier lieu à la place de l’outre-mer et en second lieu à la juste répartition des sièges entre les membres afin d’assurer sa représentativité.

À ce titre, un comité constitué en majorité de parlementaires sera chargé, avant chaque renouvellement de ses membres, de donner un avis sur les évolutions de la composition du CESE. Nous disposerions ainsi, lors de chacune de ces échéances, d’un état des lieux de la société civile organisée qui permettra au décret concerné d’être juste et équilibré par rapport à la représentation des organisations participant au CESE.

Avant de vous poser quelques questions, monsieur le ministre, je voudrais souligner que nous aurons fait œuvre utile avec ce texte même s’il ne peut se substituer à la révision constitutionnelle que nous appelons de nos vœux pour aller plus loin en matière de participation citoyenne et de démocratie représentative. Il me semble qu’il est équilibré et qu’il permet des avancées réelles tout en respectant le cadre organique qui est le nôtre.

Je remercie mes collègues pour leurs amendements qui soulèvent des questions auxquelles cette discussion permettra d’apporter de premières réponses, et particulièrement ma collègue Nicole Dubré-Chirat pour son investissement et bien sûr, vous-même, monsieur le ministre, pour la qualité de votre écoute.

J’en viens à mes questions. L’article 6 du projet de loi organique a pour objet de substituer, sous certaines réserves, la consultation préalable du CESE sur les projets de loi à celle d’autres instances consultatives existantes. Vous avez déposé un amendement visant à en préciser la rédaction. Pensez-vous que le CESE dispose des moyens nécessaires en termes de ressources humaines et d’expertise pour se substituer aux commissions existantes ? Si nous voulons que le CESE fonctionne, ne faudra-t-il pas que nous posions un jour la question de ses moyens ?

Cette réforme ne portera ses fruits que si les pouvoirs publics, le Gouvernement et le Parlement changent leurs pratiques et saisissent effectivement le CESE. Comment y parvenir dans les délais très contraints qui sont ceux du législateur ? Comment mieux assurer l’utilité des avis qu’il rend ?

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous en venons aux orateurs des groupes.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Le CESE, qui est souvent, à tort ou à raison, considéré comme la troisième chambre de la République, a été instauré par la Constitution du 27 octobre 1946 sous le nom de Conseil économique.

La Constitution de la Ve République l’a maintenu en lui ajoutant une composante sociale, et la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République lui a attribué une compétence environnementale, le rebaptisant Conseil économique, social et environnemental.

Cette instance est composée de 233 conseillers appartenant à plusieurs catégories : la vie économique et le dialogue social, la cohésion sociale, la protection de la nature et de l’environnement. Au sein de chacune d’entre elles siègent des personnalités reconnues dans leur domaine et pour certaines nommées en conseil des ministres.

Les moyens de saisine du CESE sont multiples. Il peut en effet être saisi par le Gouvernement, par le président d’une des deux chambres ou par lui-même. Cette saisine est dans certains cas obligatoire sur les sujets économiques, sociaux et environnementaux.

Le CESE peut également être saisi d’un sujet particulier dès lors qu’une pétition ayant recueilli au moins 500 000 signatures en fait la demande. Un tel moyen d’expression démocratique est ce qui fait sa force mais également sa faiblesse puisqu’un tel seuil est rarement atteint. Il n’a par conséquent pas permis d’examiner un nombre de pétitions significatif même si le CESE a mis en place un système de veille des pétitions et s’il s’autorise à travailler sur des pétitions ayant recueilli un nombre de signatures inférieur à celui-ci.

À l’heure où le lien entre les citoyens et les institutions semble distendu, nous devons apporter des solutions en termes de participation citoyenne. Ce texte poursuit précisément cet objet.

Alors que nous avions prévu, dans le cadre de la réforme constitutionnelle, la création d’une chambre de la société civile, nous avons dû évoluer et nous orienter vers ce projet de loi organique qui vise à réformer cette institution.

Il est ainsi proposé de préciser le champ des missions du CESE afin de lui permettre de mieux éclairer la décision des pouvoirs publics. Il est prévu de favoriser le rôle des assemblées consultatives en matière économique, sociale et environnementale, en lien avec les collectivités territoriales concernées.

Le texte promeut aussi une politique de dialogue et de coopération avec les homologues européens et étrangers du Conseil.

Est également prévue, à l’initiative du CESE et à la demande du Gouvernement, la possibilité de mettre en place des consultations du public, le cas échéant en recourant à un processus de tirage au sort visant à en désigner les participants. S’il est mis en question par certains, le tirage au sort constitue pourtant une méthode comme une autre pour assurer la participation des citoyens. La belle réussite qu’a été la Convention citoyenne pour le climat, avec ses propositions qui sont reprises par le Gouvernement, nous pousse aller à aller plus loin.

Un autre objectif poursuivi par le projet de loi est de rénover le droit de pétition en permettant leur dématérialisation et en abaissant les seuils.

Il s’agit aussi de réduire les délais et de renforcer la procédure simplifiée des avis. Désormais, les commissions du CESE ne disposeront plus que de deux semaines, au lieu de trois, pour émettre leur avis, et ce dernier ne pourra être adopté par l’assemblée plénière qu’à la demande d’un tiers des membres du Conseil.

Est également prévue la dispense d’autres consultations. Nous avons évolué sur ce point afin de ne pas être trop drastiques et pour ne pas perdre le bénéfice de ce texte qui permet d’accélérer les procédures, de renforcer le rôle de carrefour des consultations publiques du CESE et d’associer à ses travaux les conseils consultatifs ou conseils citoyens aujourd’hui formés auprès des collectivités territoriales qui souhaitent émettre un avis consultatif.

S’agissant de la modernisation de l’organisation et du fonctionnement du CESE, notre ambition est d’inscrire dans la loi la participation citoyenne et d’opérer une ouverture significative.

Je salue les échanges que nous avons pu avoir avec vous, monsieur le ministre, car ils nous ont permis, avec notre rapporteur, de faire évoluer le texte tout au long des deux dernières semaines.

M. Philippe Gosselin. Le groupe Les Républicains ne rejette pas ce texte a priori, bien que tout ne soit pas parfait, tant s’en faut. Sous d’autres régimes, déjà, on s’est interrogé sur l’intérêt d’une autre chambre représentative. Nous en avons un exemple avec la Commission du Luxembourg sous la Deuxième République, avant que le Cartel des gauches, inspiré par les idées de Waldeck-Rousseau, ne décide de la création du Conseil national économique, en 1925, qui deviendra le Conseil économique et social sous la IVe République. Sa transformation en Conseil économique, social et environnemental a été votée en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ce qui démontre que la droite n’est pas hostile à cette instance : nous l’avions précisément modernisée pour qu’elle contribue au débat public.

Ce texte prévoit une réforme à droit constitutionnel constant, au contraire de celui que nous avons récusé il y a deux ans. L’objectif était alors de créer un forum de la République, réunissant la société civile au Palais d’Iéna, pour concurrencer les chambres parlementaires. Nous sommes attachés à la démocratie sociale et à la démocratie participative, et le CESE, dans sa forme actuelle ou future, est un des éléments permettant le respect des corps intermédiaires. Nous soutiendrons sa modernisation tant qu’elle ne le place pas en concurrence avec les instances de la démocratie représentative.

Faire passer le nombre de pétitionnaires de 500 000 à 150 000, comme l’évoque le rapporteur, ouvre très largement le droit de pétition. La proposition du ministre de réduire ce nombre de moitié semble plus raisonnable.

L’intégration de citoyens tirés au sort nous pose de vraies difficultés. Elle heurte le principe représentatif et nous expose à des écueils que nous évoquerons au cours des débats.

L’article 6 écarte la consultation de certaines instances telles que le Conseil national des normes et le Conseil d’évaluation des finances locales. Si le premier est récent, le second a prouvé son utilité, c’est un lieu de débat intéressant et il serait dommage de priver les collectivités locales des travaux de ces organismes. Il semble qu’un amendement du Gouvernement résoudra le problème.

Nous n’avons pas d’hostilité de principe à cette réforme pourvu qu’elle n’ait pas pour effet d’amoindrir les pouvoirs du Parlement.

Mme Laurence Vichnievsky. La qualité du rapporteur désigné démontre l’intérêt du groupe MODEM pour le CESE. La situation est paradoxale : nous avons travaillé il y a deux ans sur une réforme institutionnelle dont l’objet était d’assurer la juste place du CESE au sein de nos institutions, notamment à l’égard du Parlement. Je regrette que cette réforme n’ait pu aboutir.

Le CESE existe et doit être utile. Les périodes inédites que nous venons de traverser ont démontré la nécessité d’associer un grand nombre de nos concitoyens à la construction des décisions. Le CESE n’a pas rempli son office jusqu’à présent, au point que certaines voix s’étaient élevées pour demander sa suppression. Aujourd’hui, cette demande semble déraisonnable et contraire au bon fonctionnement de nos institutions. Si je suis attachée à la démocratie représentative, un équilibre doit être trouvé avec la démocratie participative.

L’abaissement du seuil requis pour déposer une pétition est indispensable. Nous discuterons du nombre de signataires adéquat, mais en l’état, cette procédure est inopérante.

Si l’abaissement à seize ans de l’âge requis pour les pétitionnaires ne s’accompagne pas d’un enseignement et d’une instruction civique, il n’aura pas beaucoup d’effet, ni de sens.

Ma seule réserve tient à la crainte de mélanger les genres. Le CESE n’est pas une troisième chambre et ne doit pas l’être, et j’aimerais que le garde des Sceaux nous donne des assurances sur ce point. Même au plan sémantique, il faut éviter de qualifier de troisième chambre cette instance consultative. Nous avons eu tort de ne pas suffisamment lire les avis rendus par le CESE, j’espère que cette réforme permettra de mieux travailler avec la matière qu’il produit, mais il ne doit pas être qualifié de chambre.

Mme Cécile Untermaier. Si la réduction du nombre de membres d’une institution est toujours plébiscitée, elle ne fait pas une réforme. En outre, sur le terrain, les inquiétudes relèvent du domaine sanitaire et de l’emploi, et cette réforme n’est pas la plus attendue. Je tenais à le rappeler pour que les parlementaires n’apparaissent pas comme déconnectés des préoccupations cruciales.

La réforme constitutionnelle de 2008, qui a ajouté la compétence environnementale au CES, était une première marche. Il faudrait en franchir une nouvelle, mais l’encadrement constitutionnel ne permet pas de répondre à cette demande forte.

Le CESE ne peut se contenter d’être une institution d’affichage, ripolinée à la participation citoyenne. Ses avis doivent être corrélés aux textes examinés par le Parlement, et ainsi pallier la pauvreté maintes fois dénoncée des études d’impact, inexistantes pour les propositions de loi. Les analyses d’impact des projets de loi mises en place par le législateur en 2009 pour combattre l’inflation législative sont peu convaincantes, ce qu’avait d’ailleurs souligné le CESE dans un rapport. Les études sont incomplètes, elles ne sont pas actualisées au cours de la procédure législative, et manquent souvent d’impartialité. Le président Claude Bartolone avait tenté d’y remédier avec sa proposition de modification du règlement de l’Assemblée nationale en 2014.

Faire du CESE un outil de diagnostic et de prospective serait, au regard du souci que nous portons aux générations futures, un objectif louable et utile, mais nous sommes limités par les dispositions constitutionnelles. Si cette volonté est partiellement affichée dans la loi organique, il est problématique de nous priver des universitaires qui se consacrent à la recherche fondamentale et pourraient nourrir le travail prospectif. Ils ne sont pas cités en tant que tels par la loi organique.

L’ouverture à la participation citoyenne prévue par le texte est très utile, toutes les institutions prenant des décisions ou rendant des avis publics devraient la rechercher. Cette participation ne doit pas être réservée à une seule institution, elle doit être entendue partout, y compris au Parlement. La pétition citoyenne reste du domaine du possible à l’Assemblée nationale, il est important de le rappeler. Si ces pétitions atteignent le seuil requis, elles doivent donner lieu à un rapport et un avis en séance plénière ou en commission. Nous considérons également que le seuil de 500 000 signatures doit être abaissé. Nous souscrivons à la proposition du garde des Sceaux de le porter à 250 000 ; nous avions même envisagé de le fixer à 100 000.

L’article 6 a été complété en tenant compte des observations fondées de l’Association des maires de France. Les consultations du Conseil national des normes et le Conseil des finances locales sont rétablies.

Enfin, se doter de règles déontologiques – ce n’est pas un gros mot, monsieur le garde des Sceaux – doit être une obligation pour toute institution, et le CESE ne peut y échapper. La première d’entre elles est d’imposer une déclaration d’intérêts, voire de patrimoine, aux membres rémunérés du CESE dont l’impartialité est attendue. Les magistrats soumis à ces déclarations en ont tiré un bilan positif devant la commission d’enquête sur l’indépendance de la justice, alors qu’ils étaient réticents au départ. Ces déclarations, exigées des parlementaires, des membres de cabinet, de la haute fonction publique et des autorités administratives indépendantes devraient être imposées aux membres du CESE.

Nous pouvons également nous interroger sur l’opportunité de prévoir la publication des opinions individuelles divergentes sur les avis, qui peuvent être utiles à la décision future.

M. Pascal Brindeau. Le Gouvernement justifie cette réforme par la volonté de mieux représenter la société civile dans le processus institutionnel national, et de mieux impliquer nos concitoyens dans ce processus, comme s’y était engagé le Président de la République à la suite du Grand débat national. Nous abordons ce texte avec un a priori favorable. Il ne s’agit pas de révolutionner la composition ou le fonctionnement du CESE, mais d’apporter des modifications de plusieurs ordres. Il est prévu de solliciter un avis sur la mise en œuvre d’une disposition législative ; de permettre la saisine sur pétition par voie numérique et des consultations publiques facultatives ; de réduire le nombre de membres du Conseil.

Le débat reste ouvert sur le nombre de signatures requis pour déclencher la saisine par voie de pétition. Nous proposons pour notre part de le porter à 300 000. Nous soutenons la proposition du rapporteur de veiller à la répartition territoriale des pétitionnaires ; le travail parlementaire devrait permettre d’aboutir à un équilibre acceptable par tous. Je suis plus réservé sur l’ouverture du droit de pétition aux mineurs de 16 ans, car elle entretiendrait la confusion entre la citoyenneté, marquée par le droit de vote, et la possibilité de participer à un débat public qui pourrait aboutir à des modifications législatives. Cela me semble incohérent, bien que je comprenne le souhait d’intéresser les jeunes à la vie de la nation.

Nous sommes également réservés sur le tirage au sort, dont la présentation est ambiguë. Quel avenir sera donné aux propositions réalisées lors de ces consultations citoyennes ?

Nous prenons note de la volonté de réduire le nombre des membres du CESE, mais nous sommes opposés à la rédaction de l’article 7, qui renvoie totalement sa composition à un décret. Nous sommes attachés à un équilibre entre les membres issus des différents collèges.

Enfin, cette réforme entraîne une confusion des rôles. Le Parlement est écarté de certains dispositifs, et aucune référence n’est faite aux droits des oppositions parlementaires. Comment le CESE pourrait-il devenir le carrefour des consultations publiques si son utilisation ne dépend que de la volonté de l’exécutif ? Le Parlement doit avoir sa place dans les dispositifs des avis rendus par le CESE, mais aussi dans les résultats des consultations citoyennes. Donner aux sections actuelles du CESE le nom de commissions permanentes crée une confusion avec les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

À ce stade, le projet ne nous convient pas totalement. Nous allons tenter d’apporter notre pierre à l’édifice par voie d’amendement pour replacer le Parlement au centre de ce processus de consultation. Je m’inquiète d’ailleurs que certains de nos amendements aient été considérés comme des cavaliers législatifs, alors qu’ils poursuivaient précisément cet objectif.

M. Bertrand Pancher. C’est une petite réforme qui est ici proposée, très loin de la révolution démocratique à laquelle nous aspirons. Elle ne permettra que très partiellement de réconcilier nos concitoyens avec les processus de décision. Généraliser la saisine du CESE ou instaurer davantage de conférences citoyennes ne suffiront pas : pour instaurer une démocratie moderne, il faut que les propositions de nos concitoyens passées par le prisme du CESE soient systématiquement examinées au Parlement.

La démocratie participative pourrait être renforcée en permettant un contrôle des études d’impact des projets de loi et de la qualité des concertations. C’est le cas dans de nombreux pays d’Europe du nord, et c’est le modèle au Parlement européen : un organisme indépendant peut demander à la Commission, au Parlement ou au Conseil de revoir leur copie si la concertation n’a pas été bonne, ou si les objectifs ne sont pas conciliables avec les moyens mis en place. Je rêve que le CESE devienne le gendarme de la concertation, mais ce ne sera pas le cas.

Le Gouvernement souhaite faire du CESE un carrefour des consultations publiques qui trouverait toute sa place dans le fonctionnement de nos institutions. Le groupe Libertés et territoires souscrit à cette volonté, car, ce n’est un secret pour personne, le CESE souffre d’un déficit de légitimité alors qu’il pourrait constituer une véritable courroie de transmission, un lien fort et efficace entre nos citoyens et la représentation nationale. Bien loin d’empiéter sur le rôle des représentants du peuple, il peut compléter notre travail de façon pertinente en renforçant la concertation. Il est donc indispensable de faire évoluer cette institution de manière ambitieuse pour donner un nouveau souffle à notre démocratie malade.

Or ce projet de loi organique paraît frileux sur de nombreux points, et incomplet sur d’autres. Nous avons donc déposé des amendements afin de donner au CESE toute sa place dans le processus démocratique de notre pays.

Il est ainsi indispensable d’abaisser le seuil permettant de le saisir par voie de pétition, comme le proposent le garde des Sceaux et le rapporteur. Pour adresser un signal fort à nos concitoyens, nous proposons de le ramener à 100 000 signatures.

Pourquoi limiter les consultations du CESE aux conférences citoyennes ? L’objectif n’est pas de créer de l’intelligence collective parmi les 150 citoyens concernés, mais au sein de toute l’opinion publique. Instaurons des consultations systématiques du public pour l’ensemble de nos textes de loi.

Nous proposions également d’introduire un droit de véto suspensif pour l’examen par le Parlement d’un texte qui lui serait soumis, mais il n’a pas été jugé recevable. C’est dommage car il aurait renforcé l’utilité du CESE.

Nous souhaitons aussi porter à 191 – au lieu de 175 – le nombre de membres du CESE, afin de créer la catégorie des membres représentant la société civile des territoires.

Notre groupe aborde ce texte de manière constructive. C’est une petite avancée. Nous espérons que vous accueillerez favorablement nos propositions tendant à renforcer le rôle du CESE.

Mme Paula Forteza. Les députés du groupe Écologie Démocratie Solidarité saluent ce projet de loi qui renforce les prérogatives du CESE en tant que chambre de la participation citoyenne. Supprimer ou affaiblir le CESE donnerait un signal inquiétant, à l’image de la décision récente du président Bolsonaro prévoyant la suppression de son équivalent brésilien.

L’expérimentation réussie de la Convention citoyenne pour le climat doit être saluée, l’inscription de ce mécanisme dans ce projet de loi organique permettra d’institutionnaliser cette pratique par le CESE.

Certains points peuvent être approfondis. La Convention citoyenne a montré que la participation est conditionnée par la disponibilité et les moyens des personnes. Nous souhaitons la création d’un statut du citoyen participant, accompagné d’une protection effective du salarié. Ce statut permettrait à tout citoyen, quelle que soit sa condition sociale et matérielle, de participer effectivement à ces conventions citoyennes.

Le processus de consultation citoyenne doit être impartial et neutre. La Convention citoyenne pour le climat a montré qu’une organisation indépendante en charge de la gouvernance et garante du processus de délibération était indispensable au bon fonctionnement de la consultation. Cette gouvernance indépendante permet d’éviter de confondre le rôle du CESE en tant que lieu d’accueil de la consultation citoyenne et comme acteur institutionnel consultatif. Il convient aussi de sanctuariser le principe de transparence des délibérations.

Des questions demeurent sur la traduction opérationnelle des conclusions rendues par ces conventions citoyennes. Le projet de loi ne prévoit pas de traduire leurs résultats en matière de politiques publiques. Le risque est donc grand qu’elles restent inaudibles et ne soient suivies d’aucune avancée concrète. Nous proposons que les résultats des consultations publiques donnent lieu à une stratégie de mise en œuvre présentée par le Gouvernement dans les six mois suivant leur publication. La Convention citoyenne pour le climat a démontré que l’impact de ces conventions repose sur un engagement clair des pouvoirs publics en amont.

Notre groupe réaffirmera son souhait d’un droit de pétition renforcé permettant aux citoyens de saisir le CESE par cette voie afin de déclencher des consultations publiques.

Nous souhaitons créer un mécanisme de révision de la composition du CESE permettant de tenir compte des grandes évolutions de la société et des corps intermédiaires. Nous proposons également la prise en compte d’un collège numérique au sein du CESE. L’économie numérique représente en effet 10 % des créations d’emplois en France mais n’est pas organisée autour de syndicats constitués conformément à la loi de 1884. De même, les travailleurs indépendants, les travailleurs au sein de plateformes ou les « travailleurs du clic » ne sont pas suffisamment représentés.

Nous souhaitons que ce texte permette une véritable réforme du CESE, par la reconnaissance du statut de citoyen participant, condition sine qua non d’un véritable exercice démocratique, par la traduction dans la loi des principes clés de toute consultation du public portée par les principaux acteurs de la démocratie délibérative, et par l’initiative citoyenne pour déclencher des conventions citoyennes. Monsieur le garde des Sceaux, quelle est votre position sur ces différents sujets ?

Mme Danièle Obono. Avec ce projet de loi organique, le Gouvernent entend faire du Conseil économique, social et environnemental un « carrefour des consultations publiques » pour mieux « éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux » et accueillir la parole citoyenne.

Les mécanismes prévus à l’appui de ces affirmations sont en réalité bien décevants. Ils se réduisent entre autres à un tirage au sort de conseillers non permanents et de conseillères non permanentes, rendant des avis purement consultatifs, et à la transmission numérique de pétitions non contraignantes ou à la modification de la procédure d’adoption des avis rendus.

Le projet de loi organique prévoit en outre la réduction d’un quart des membres du CESE, ce qui est loin de constituer une avancée démocratique. Il propose que la consultation du CESE sur un projet de loi traitant de questions économiques, sociales et environnementales dispense le Gouvernement de procéder à d’autres consultations, évitant de ce fait celles qui pourraient lui être défavorables.

Le projet de loi organique témoigne de l’hypocrisie avec laquelle le Président de la République a fait mine d’écouter non seulement les citoyens et citoyennes, mobilisés pour la défense du climat et des retraites, mais aussi, et surtout, les « gilets jaunes » ainsi que la Convention citoyenne pour le climat. Organisées par l’exécutif pour gagner du temps, de prétendues consultations n’ont été qu’une parodie de démocratie directe. Alors que le peuple alertait sur l’urgence démocratique, sociale et écologique, le pouvoir a tout bonnement ignoré ses demandes.

Aux oubliettes la promesse d’Emmanuel Macron de faciliter le déclenchement du référendum partagé ! Au placard les principales propositions de la Convention citoyenne pour le climat, la renégociation du CETA, la taxe de 4 % sur les dividendes pour financer la transition écologique, la consultation systématique du CESE avant la rédaction de chaque projet ou proposition de loi, le renforcement de la valeur de ses avis, le tirage au sort des conseillers permanents et conseillères permanentes, la renomination du CESE en chambre de la participation citoyenne, sans omettre les propositions du groupe La France insoumise, de la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne à la convocation d’une assemblée constituante !

Tout cela a été balayé d’un revers de main, avec mépris, confirmant l’isolement institutionnel d’un pouvoir muré dans les oripeaux de la monarchie présidentielle. Ce maigre projet de loi organique en est malheureusement une nouvelle illustration, loin des aspirations démocratiques du peuple et des réponses que l’urgence écologique commande.

Nous avions certes déposé une série d’amendements sur ce texte. Ils ont été balayés, révoqués. Nous demandions par exemple un rapport sur la création du référendum d’initiative citoyenne, sur la simplification de la procédure pour enclencher un référendum d’initiative partagée, ou sur l’opportunité d’organiser un référendum sur les retraites et l’organisation d’une constituante.

Nous avions également proposé que soit précisé le nombre minimal de parlementaires pour saisir le CESE et qu’il permette aux parlementaires d’opposition d’engager une telle procédure. Tout cela a été considéré comme inutile, inintéressant, à côté du sujet. C’est pourtant bien le sujet !

Dans son programme et dans toutes les contributions qu’il a présentées depuis trois ans, le groupe La France insoumise soutient des propositions bien plus ambitieuses que la réforme a minima qui nous est soumise aujourd’hui, notamment l’abolition de la monarchie présidentielle avec la convocation d’une assemblée constituante ou la planification démocratique d’une bifurcation écologique et solidaire de l’ensemble de la société. Cet enjeu, qui est une des justifications de cette réforme et de la communication présidentielle, est peu pris en compte. Il ne fait pas l’objet d’une prise de conscience suffisante dans ce texte.

Or la question est éminemment démocratique. Nous ne pourrons transformer fondamentalement le fonctionnement de cette société pour faire face au changement climatique que si l’ensemble de la société s’approprie et soutient cette perspective, si une majorité de la population prend les décisions de réorganisation de nos manières de produire, d’échanger ou de nous déplacer, et si tous et toutes sont actifs et actives dans ce projet.

Les mobilisations de ces dernières années l’ont revendiqué, il faut une cohérence entre justice sociale, justice environnementale et démocratie. Pour toutes ces raisons, le texte n’est malheureusement pas à la hauteur de la situation. Comme l’a affirmé un de nos collègues, le projet de loi organique n’est pas une révolution démocratique – c’est le moins que l’on puisse dire. Cette révolution viendra : nous y travaillons ardemment.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Le mot « irrecevable » n’est pas synonyme d’inutile ou d’inintéressant. Il signifie simplement qu’en application de notre règlement, la proposition ne peut être reçue.

M. Ugo Bernalicis. Sans voie ni délai de recours !

M. Christophe Euzet. Le groupe Agir ensemble accueille avec bienveillance ce texte, qui correspond à la fois à une promesse présidentielle et à une aspiration populaire de plus en plus prégnante dans notre pays.

Le projet de loi organique repose sur une logique louable et des articulations cohérentes. Il s’agit bien de faire du CESE le carrefour des consultations populaires, d’une part en améliorant la coopération verticale, notamment en associant les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER), et, d’autre part, sur le plan horizontal, en travaillant avec les CESE européens.

Le texte améliore l’efficacité du dispositif de façon significative. Par le recours au procédé antique et médiéval du tirage au sort, il revivifie la démocratisation de l’institution. Il accélère la procédure, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Je prends par ailleurs acte des propositions du garde des Sceaux et du rapporteur concernant le droit de pétition, à savoir l’abaissement à 16 ans et à 250 000 personnes. Nous irons plus loin en proposant d’abaisser ce seuil à 100 000, considérant que le droit de pétition n’implique pas de portée normative et constitue une prise de pouls de la société.

Nous appelons également l’attention du Gouvernement sur deux réserves. La première, déjà émise par le Conseil d’État, est que la possibilité de demander un avis au CESE sur une disposition législative entrant dans son champ de compétences existe déjà. Par ailleurs, il serait regrettable que l’assemblée plénière, plus représentative que les sections, soit écartée de l’examen d’un projet d’avis.

Enfin, au-delà des consultations locales, on constate la multiplication du nombre de recours aux consultations populaires dans nos institutions – référendum d’initiative partagée dans le cadre de la Constitution, pétition auprès des assemblées parlementaires, dont elles ont eu à connaître à de multiples reprises depuis le début de la législature, commissions ad hoc, notamment pour le climat. En dépit des précautions que vous avez prises, monsieur le garde des Sceaux, la question de la concurrence ou de la complémentarité de ces procédures pourra être posée. Leur nombre soulève un débat dont nous ne pourrons faire toujours l’économie, celui de la conjugaison des différentes formes de la démocratie représentative ou participative.

Sous réserve de ces quelques observations et de ma proposition, nous voterons ce texte, que nous considérons comme bienvenu.

M. le garde des Sceaux. La question du nombre de pétitionnaires a été posée à plusieurs reprises. Nous savons qu’un seuil de 500 000 personnes paralyse le CESE. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement qui le porte à 150 000 – c’est également le chiffre qu’a retenu le rapporteur.

Nous ne disposons que de peu d’éléments pour apprécier ce seuil. Réunir 500 000 personnes n’a pas fonctionné, mais, à l’inverse, le CESE ne doit pas être surchargé de pétitions. Il vous appartiendra de trancher. L’idée est de régénérer l’institution, de lui donner un souffle nouveau. À ce titre, l’abaissement du seuil des pétitionnaires paraît indispensable.

Le texte ne comprend pas d’engagement budgétaire sur le CESE, mais une réduction d’un quart de ses membres, donc des indemnités versées.

Quant à l’article 6, il n’entraînera pas une augmentation exponentielle des demandes d’avis auprès du CESE du seul fait qu’il se substituera à d’autres instances consultatives.

Le tirage au sort a été évoqué à plusieurs reprises. Il faut rappeler son succès dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat. Le projet de loi organique prévoit certaines mesures de contrôle, ce qui est rassurant. Certains s’interrogent sur la légitimité des citoyens tirés au sort. N’est-il pas antinomique de craindre à la fois le tirage au sort et un transfert de la représentativité qui appartient traditionnellement au Parlement ?

Le tirage au sort paraît être la bonne solution, à condition que certaines garanties soient apportées, comme c’était le cas lorsque les jurés étaient tirés au sort. Je peux vous rassurer pleinement sur ce point.

Il n’existe pas de concurrence entre démocraties participative et représentative. Chacun joue son rôle. S’agissant des consultations, nous avons tous entendu les préoccupations des collectivités locales. La substitution ne s’applique ni au Conseil national d’évaluation des normes ni au Comité des finances locales. Tel est d’ailleurs le sens de l’amendement qu’a déposé le Gouvernement.

Mme Vichnievsky a eu raison de le dire, le CESE ne doit pas être une troisième chambre – « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde » écrivait Albert Camus. Je n’ai d’ailleurs pas employé cette expression dans mon discours. Sur ce point, comment un projet de loi organique pourrait-il dire autre chose que la Constitution ? Soyez donc pleinement rassurée, madame la députée, la Constitution vous protège d’une dérive que, naturellement, personne n’envisage, tout le monde ici veillera à l’éviter.

S’agissant de l’abaissement à 16 ans, vous n’êtes pas la seule à formuler des réserves. Si l’on constate en général une désaffection de la jeunesse pour la politique, la chose publique, et, pire encore, la République, on observe que ceux qui veulent participer leur manifestent un intérêt. Doit-on les en décourager et rejeter les jeunes bonnes volontés ?

Dans le cadre de sa réflexion, la chancellerie a relevé les nombreux droits des mineurs de 16 ans. Ils ont trait à différents domaines – droit civil, droit pénal, droit du travail, droit à retirer au guichet des sommes déposées en banque, droit de prendre part à la circulation routière. Pourquoi interdirait-on à des jeunes de 16 ans de participer à la chose publique, sachant qu’ils ne sont pas encore citoyens, mais qu’ils s’y préparent ?

Il faut les accueillir : ils peuvent et doivent nous apprendre beaucoup puisqu’ils s’intéressent à de nombreux sujets qui, parfois, nous échappent. Dans nos vies quotidiennes, nous pouvons être sidérés par les remarques d’adolescents de 16 ans. Pourquoi nous priver de ces observations fabuleuses, qui donnent un coup de jeune ? Nous ne pouvons pas envisager la jeunesse comme n’étant pas susceptible d’apporter une bouffée d’oxygène salutaire à nos réflexions. C’est aussi le sens de la réforme du CESE.

On adresse en effet souvent à la politique le reproche de ne pas s’intéresser aux jeunes, de cultiver une espèce d’entre-soi. Ouvrons les portes. Il est fantastique, audacieux et merveilleux d’aller vers la jeunesse, d’autant qu’elle attend cela de nous.

La déontologie n’est pas un gros mot – je sais pourquoi Mme Untermaier a dit cela car, comme elle, j’ai de la mémoire. Peut-on laisser au CESE le soin de rédiger ensuite les règles déontologiques qui s’appliqueront ? Je le pense. Il n’est pas utile d’alourdir la loi. Le CESE doit faire l’objet des mêmes contrôles que ceux qui régissent aujourd’hui la vie publique. Cela ne pose aucune difficulté.

Quant à l’expertise universitaire, rien n’interdit le CESE de procéder à des consultations. Je suis donc en mesure de vous rassurer pleinement, madame la députée.

Pour ce qui concerne le tirage au sort, il devra satisfaire les quatre critères de sincérité, d’égalité, de transparence et d’impartialité, également susceptibles de vous rassurer.

S’agissant enfin des quatre grandes catégories de membres, l’amendement du rapporteur vise à créer un comité, au sein duquel les parlementaires seraient majoritaires, qui pourrait proposer de faire évoluer cette répartition, ce qui est là encore de nature à vous rassurer.

Dans mon discours, j’ai évoqué la nécessité d’abaisser « au moins de » moitié le seuil de signatures pour les pétitions. L’amendement a fixé ce nombre à 150 000. Il vous appartiendra de trancher définitivement ce point. M. Pancher, à rebours de certains de ses collègues qui ont exprimé des inquiétudes – non fondées, à mon sens –, a estimé que nous n’allons pas assez loin. N’est-ce pas là le signe que le point d’équilibre a été trouvé ?

M. Bertrand Pancher. Je devine votre réponse…

M. le garde des Sceaux. La remarque s’imposait. Vous aurez bientôt l’occasion de m’adresser tous vos reproches, auxquels je tenterai de répondre.

Madame Forteza, il faut laisser au CESE la possibilité de fixer lui-même ses règles d’organisation.

L’invective ne tient pas lieu d’argument. Madame Obono, si j’ai entendu ce que vous disiez à l’endroit du Président de la République, je n’ai pas le sentiment de servir un monarque et n’entends pas entrer davantage dans le débat lorsqu’il est présenté de cette façon. Le mécanisme de subrogation de l’article 6, que vous remettez en question, permet au contraire de gagner en efficacité et de valoriser le rôle du CESE.

Enfin, je remercie M. Euzet d’avoir soutenu l’introduction du tirage au sort ainsi que l’abaissement du droit de pétition à 16 ans. Je souhaite le rassurer sur l’importance qui s’attache au rôle de l’assemblée plénière du CESE. Les différents dispositifs de participation existants ne posent aucune difficulté s’agissant de leur complémentarité ou de leur concurrence.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Chers collègues, je vous remercie pour toutes vos remarques sur le texte. J’ai déposé une vingtaine d’amendements, qui permettront d’enrichir le débat, et de répondre à vos nombreuses sollicitations et questions.

M. le garde des Sceaux a rappelé avoir fixé le nombre des pétitionnaires à 150 000. Je démontrerai demain pourquoi ce seuil est adéquat. Nous débattrons également de la possibilité de pétitionner à partir de 16 ans.

Certaines de vos propositions ont en revanche une portée supra ou infra organique. Il peut m’arriver d’être d’accord sur le fond mais nous devons nous en tenir à ce qu’il est possible de faire dans une loi organique.

M. Jacques Marilossian. Monsieur le garde des Sceaux, je vous remercie pour votre exposé et vos réponses.

L’article 4 permettra au Conseil économique, social et environnemental d’organiser des consultations publiques sur des thématiques relevant de ses compétences. Si des citoyens sont tirés au sort pour participer à de telles consultations publiques, reviendra-t-il aux services du CESE d’organiser le débat ? L’étude d’impact ne donne pas de précision à ce sujet.

Le Gouvernement envisage-t-il, systématiquement ou non, d’associer la Commission nationale du débat public, autorité indépendante créée en 1995, à l’organisation des consultations publiques du CESE ? Quel est le mode opératoire de ces consultations publiques ?

M. Arnaud Viala. Le lien entre le CESE et les CESER ne semble pas optimal. Or dans sa rédaction actuelle, le texte n’y apporte pas d’améliorations. Prévoyez-vous de les introduire par voie d’amendement ?

Un des objectifs de la réforme est de faire du CESE le carrefour des consultations citoyennes. Ne serait-il pas utile de faire en sorte d’améliorer la coordination entre les autres formes de consultations citoyennes, parfois auto-initiées, qui se font jour localement, et le travail que pourra conduire le CESE, une fois que ce texte aura été adopté ?

Enfin, le propos liminaire du rapporteur a ouvert une perspective incertaine sur une nouvelle tentative de réforme constitutionnelle, après celle qui n’a pas abouti il y a deux ans. Fait-elle partie des objectifs cachés du texte ?

Mme George Pau-Langevin. Bien que n’ayant pas d’opposition de principe à ce texte, nous sommes préoccupés de voir les corps intermédiaires diminuer, avec la suppression d’un quart des membres du CESE. Dans ce contexte, nous sommes particulièrement inquiets du sort qui sera réservé aux élus des outre-mer, lesquels disparaissent bien souvent, comme nous l’avons constaté sur les listes des élections européennes.

La situation économique des outre-mer est très préoccupante. Perdre une représentation des acteurs économiques ultramarins au sein du CESE risque d’avoir des répercussions négatives pour ces territoires. Comment assurer aux acteurs ultramarins, notamment du secteur économique, qu’ils seront suffisamment représentés dans la nouvelle chambre ?

Mme Maina Sage. La réforme vise à instituer un CESE plus inclusif, qui intègre les citoyens de manière plus systématique grâce aux consultations. Ambitieuse, elle facilite les échanges du CESE avec les autres conseils et renforce ses missions, notamment au travers des pétitions. Nous proposerons à ce titre un seuil en pourcentage de la population majeure, au lieu d’un nombre de personnes.

S’agissant des moyens dédiés, nous craignons que ces avancées ne se réalisent au détriment de la qualité de la représentation du CESE et de ses membres, donc du cœur même de l’activité du CESE, dont le rôle est d’abord de représenter la société civile. George Pau-Langevin l’a dit, nous nous inquiétons de la disparition du groupe de l’outre-mer.

J’entends que le CESE n’est pas fondé sur une représentation territoriale, mais, dans cette période de crise sanitaire, qui a des conséquences très lourdes sur les plans social et économique, il est plus que jamais nécessaire de garder une représentation forte des outre-mer. C’est un cri du cœur, monsieur le ministre. Cela passe par la conservation d’un groupe spécifique, qui, à sa création, en 1958, comptait vingt représentants, spécialistes de ces territoires. L’avancée majeure de la consultation citoyenne ne doit pas aller de pair avec un recul de l’expression des outre-mer.

Par ailleurs, les propos de M. le garde des Sceaux m’ont rassurée sur le fait que la réécriture du texte ne gommera pas le rôle donné à la jeunesse, comme il semblait le faire. Je souhaiterais qu’il en aille de même pour les délégations dédiées aux outre-mer ou aux droits des femmes, qui ne doivent pas disparaître.

M. Ugo Bernalicis. J’aimerais tout d’abord vous rassurer, monsieur le ministre : j’espère que vous ne serez pas un garde des Sceaux comme les autres.

M. le garde des Sceaux. Peut-être pire que les autres !

M. Ugo Bernalicis. Non, je ne le crois pas !

Certains des ajustements proposés sont très intéressants, notamment celui qui concerne les jeunes à partir de 16 ans, une mesure qui va dans le bon sens, puisque nous défendons pour notre part le droit de vote à partir de cet âge.

Toutefois, ces propositions auraient dû faire l’objet d’une réforme constitutionnelle ; c’est d’ailleurs ce qui était prévu initialement. Le texte s’apparente donc bien à un ripolinage : il s’agit davantage de communication politique que de mesures efficaces.

À ce propos, je souhaite évoquer un film documentaire intitulé Nous le peuple que je vous invite à voir si ce n’est déjà fait, monsieur le ministre. Nous sommes plusieurs parlementaires à y avoir participé ; Erwan Balanant, Philippe Gosselin, Elsa Faucillon. Il rend compte d’une initiative citoyenne impliquant des élèves d’un lycée, des détenus de Fleury-Mérogis et des femmes d’un quartier populaire dans la rédaction d’un nouveau préambule à la Constitution de la Ve République soixante ans après sa promulgation.

Lorsque nous avons organisé cet évènement avec eux aucun membre du groupe La République en Marche n’a voulu y participer, alors qu’il s’agit du groupe majoritaire. Il était question tout à l’heure de s’appuyer sur les bonnes volontés, mais il serait peut-être temps que tout ceci se traduise dans les actes : il faut accueillir les jeunes à bras ouverts, les inviter ici, à l’Assemblée nationale. Ce reproche ne vous est aucunement destiné, monsieur le ministre ; je m’adresse à la majorité, car nous sommes encore au stade de l’examen en commission.

Il faut donc, premièrement, regarder le film, et deuxièmement, proposer des traductions concrètes. Instaurer un droit de pétition qui n’aboutit qu’à des avis relégués dans un coin ne va pas inciter les gens à s’en saisir. Ce que veulent les citoyens, c’est participer à des actions qui aboutissent à des résultats, qui changent concrètement leur vie. J’en appelle donc à plus d’ambition. En d’autres termes, ma question est la suivante : quand la réforme constitutionnelle aura-t-elle lieu ?

Mme Laetitia Avia. Réformer le CESE pour en faire un véritable espace dédié à la participation citoyenne était une ambition du candidat Emmanuel Macron. On ne peut en effet que déplorer que nombre de nos concitoyens s’éloignent de la sphère politique et publique et des moyens traditionnels de son expression, avant tout par une abstention grandissante aux élections.

On voit pourtant de nombreux signes de la vitalité d’un engagement citoyen, d’une aspiration à une meilleure représentation de la société et à une plus grande capacité à faire entendre directement sa voix dans notre démocratie. Les dernières années l’ont particulièrement démontré, du Grand débat national à la Convention citoyenne pour le climat, dont nous pouvons saluer le succès.

Offrir davantage de lieux pour l’expression et le débat citoyens est une bonne chose. Je salue à ce titre l’ensemble des avancées inscrites dans ce projet de loi organique, pour une meilleure représentativité du CESE, plus de consultations citoyennes et une possibilité pour les jeunes de s’associer à des pétitions dès 16 ans. Elles font grandir notre démocratie, et nous ne devons pas être timorés en la matière. C’est pourquoi je regrette qu’il n’y ait pas une proportion de citoyens tirés au sort de manière pérenne dans la composition du CESE. Je note toutefois avec satisfaction que le seuil du nombre de pétitionnaires devrait être abaissé à l’issue de nos débats.

Je souhaite que nous portions un cran au-dessus la capacité du CESE à faire entendre la voix de nos concitoyens : si nous, parlementaires, représentons la nation, nous n’en restons pas moins des élus, dont la voix, le rôle, la perception restent différents de ceux des citoyens. On peut le regretter, mais c’est un fait, et nous ne devons pas en avoir peur. Renforcer l’espace qu’est le CESE davantage que ce qui est proposé ne revient pas forcément à affaiblir le Parlement ou la démocratie représentative. C’est plutôt donner à nos concitoyens davantage d’options pour croire à nouveau dans une démocratie qu’ils délaissent bien trop, et y revenir.

J’espère donc que nous pourrons faire preuve d’un peu plus d’audace, monsieur le garde des Sceaux, en déplaçant le centre de gravité, sans pour autant remettre en cause le point d’équilibre trouvé.

Mme Laurence Vichnievsky. Je souhaitais vous poser trois courtes questions, monsieur le garde des Sceaux.

La première est identique à celle de mon collègue Arnaud Viala : elle porte sur l’articulation entre le CESE et les CESER. Je suis en effet effondrée par la perte de matière intellectuelle et d’énergie positive de beaucoup de nos concitoyens qui se heurtent au fonctionnement de ces organismes.

La seconde porte sur la limite d’âge de 16 ans. En réalité, la réserve que j’ai émise ne remet pas en cause la pertinence de la démarche susceptible d’être engagée par les jeunes, cherchant même pour ma part à associer mes petits-enfants à la vie de la République. Mais nous avons débattu ce matin dans un autre cadre, avec votre collègue Gérald Darmanin et vous-même, et avons abouti à la conclusion que l’éducation était à la source de beaucoup des sujets que nous traitions. L’idée serait plutôt de systématiser le parlement des enfants et les cours d’instruction civique, qui ont malheureusement disparu de la plupart des programmes de l’éducation nationale. L’abaissement à seize ans de l’âge requis pour pétitionner doit s’accompagner d’un enseignement et d’une instruction civique.

La troisième question, qui se réfère à nos vies passées, a trait au tirage au sort. Vous nous avez assuré qu’il y aurait des garanties. J’ai à l’esprit le droit de récusation pour les jurés. Peut-être n’ai-je pas suffisamment examiné le texte, mais est-il prévu la possibilité de récuser les personnes tirées au sort, sous certaines conditions ? À défaut, quelles sont les garanties auxquelles vous pensez ?

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je rappelle pour ceux d’entre vous qui n’étaient pas présents que notre commission avait notamment auditionné le 8 janvier 2020 Mme Laurence Tubiana et M. Thierry Pech, co-présidents du comité de gouvernance de la Convention citoyenne pour le climat, et le professeur de droit Denis Baranger, sur le thème des nouvelles formes de participation citoyenne. Je vous invite à vous reporter à cette audition, qui était particulièrement intéressante.

M. le garde des Sceaux. Monsieur Marilossian, la meilleure des solutions est de laisser au CESE le soin de s’organiser de façon autonome, et il saura parfaitement le faire. Évitons donc d’alourdir inutilement le texte.

Quant à la relation entre CESE et CESER, qui sont organiquement distincts, le rapporteur a prévu de la fluidifier. La singularité territoriale des CESER doit être maintenue et profiter au CESE. Un amendement a été déposé qui vise à simplifier la coopération, ce qui est très important : alors que le projet initial prévoyait l’autorisation préalable des collectivités territoriales pour saisir les CESER, il est proposé une simple information de ces dernières par le CESE.

S’agissant des autres dispositifs, notamment le référendum d’initiative partagée et la Commission nationale du débat public, ils subsistent et n’ont pas vocation à être remplacés par le CESE.

Mesdames Pau-Langevin et Sage, j’entends votre cri du cœur. Soyez rassurées : le rapporteur veille aux outre-mer comme à la prunelle de ses yeux. Il a d’ailleurs déposé un amendement qui vise explicitement à prendre en compte ces territoires : il s’agit de l’amendement CL226 à l’article 7.

Monsieur Bernalicis, vous m’interrogez sur la date de la réforme constitutionnelle ?

M. Ugo Bernalicis. C’est bien cela !

M. le garde des Sceaux. Je vais consulter mon agenda et vous convoquerai à la chancellerie.

M. Ugo Bernalicis. Très bien !

M. Jacques Marilossian. Si cela ne tenait qu’à nous, elle aurait déjà été faite !

M. le garde des Sceaux. Que voulez-vous donc que je vous dise ?

M. Ugo Bernalicis. La date !

M. le garde des Sceaux. Lorsque nous avions débattu de la prorogation des mandats des membres du CESE, certains parlementaires avaient utilisé leur temps de parole pour appeler la représentation nationale, et peut-être le ministre, à un changement de Constitution. Je sais bien, si vous me passez cette formule, que c’est votre dada. Mais que voulez-vous donc que je vous réponde ? Je regarderai néanmoins le documentaire dont vous avez parlé avec beaucoup d’intérêt si vous me le faites transmettre, car je ne l’ai pas vu.

Mme Danièle Obono. Il est diffusé ce soir à vingt-deux heures quarante sur Ciné+ Club !

M. le garde des Sceaux. Je ne serai pas disponible.

Mme Danièle Obono. Des rediffusions sont prévues !

M. le garde des Sceaux. Soyez assurés que je le regarderai.

Madame Avia, je pense qu’on ne peut pas être professionnel quand on est tiré au sort. Ce sont bien deux qualités distinctes. Nous évoquions voilà quelques instants les jurés : ils sont tirés au sort affaire par affaire, et non pas pour l’ensemble d’une session. Le tirage au sort doit conserver un caractère ponctuel, car il me semble que c’est là tout son sens.

Vous aurez sans doute de riches débats sur la question, et vous connaissez à présent ma position.

Je partage votre avis sur la jeunesse, madame Vichnievsky. J’ai demandé au ministre de l’école, titre que je retiens à cet instant à dessein, d’envisager un cours d’instruction civique, outil indispensable pour remettre les choses en perspective et pour que notre jeunesse sache à quoi correspond telle ou telle institution.

Sur le tirage au sort, plusieurs mots ont été utilisés que j’ai rappelés tout à l’heure. Pour les jurés d’assises, la mise en œuvre est assez simple : il suffit de placer vingt-trois noms dans une urne. Dans le cas présent, j’ignore combien de bulletins il faudrait placer dans l’urne, et un tel tirage serait sans doute inconcevable au vu de l’échelle. Il faudrait adopter un procédé numérique assorti de garanties. On peut néanmoins dégager plusieurs critères de l’expérience de la Convention citoyenne pour le climat : le sexe, la tranche d’âge, le niveau de diplôme, la catégorie socioprofessionnelle, le type de territoire. L’objectif est que le tirage au sort soit tout de même représentatif de la population française, pour que ce soit significatif.

M. Erwan Balanant, rapporteur. M. Viala me faisait beaucoup d’honneur en me croyant capable de lui donner une réponse sur la révision constitutionnelle. Il est vrai cependant que nous aurions pu aller plus loin sur les sujets dont nous parlons en examinant un projet de loi constitutionnelle, tout en respectant les prérequis que plusieurs d’entre vous ont soulignés : la démocratie participative et la démocratie représentative doivent s’articuler, et non pas s’opposer. La première a un rôle de conseil et d’aide à la décision pour la seconde.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous remercie. Nous nous retrouverons demain à 9h30 pour l’examen des articles et des amendements.

 

 

 


—  1  —

 

   Compte rendu des débats

Lors de ses deux réunions du mercredi 9 septembre 2020 la Commission examine les articles du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental (n° 3184).

1.   Première réunion du mercredi 9 septembre à 9 heures 30

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Après l’audition hier du garde des Sceaux, ministre de la justice, et la discussion générale, nous abordons ce matin l’examen des amendements dont nous avons été saisis ; les réunions de ce matin et de cet après-midi devraient suffire – et si nous tardons, nous pourrons continuer ce soir.

Avant l’article 1er

La Commission examine l’amendement CL172 de Mme Laetitia Avia.

Mme Laetitia Avia. Cet amendement propose de substituer, à l’avant-dernier alinéa de l’article 1er de l’ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental, au mot : « suggère », le mot : « recommande ».

Cet alinéa dispose en effet que le CESE « examine les évolutions en matière économique, sociale ou environnementale et suggère les adaptations qui lui paraissent nécessaires. »

Le verbe « suggérer », qui n’est habituellement pas utilisé en matière législative, renvoie à une vision un peu désuète du Conseil : la notion de « recommandation » semble plus appropriée.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Effectivement, le verbe suggérer n’est pas tout à fait adapté bien que la modification proposée soit neutre en termes juridiques. Le verbe « recommander » améliore la rédaction du point de vue sémantique. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement. L’article 1er A est ainsi rédigé.

Article 1er (art. 1er de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social) : Saisine des conseils consultatifs auprès des collectivités territoriales

La Commission est saisie de l’amendement CL81 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. La prise en compte du long terme est une marque de fabrique et de plus-value des avis du CESE : il importe donc que cette notion figure explicitement dans le texte définissant son rôle. L’exposé des motifs du projet de loi rappelle d’ailleurs que le Conseil doit toujours éclairer les pouvoirs publics sur les conséquences à long terme de leurs décisions.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Ce sujet effectivement assez important a été abordé à de nombreuses reprises au cours de nos auditions. Cependant, inscrire dans le marbre de la loi la question du long terme présenterait un risque de voir le CESE devenir exclusivement la chambre du long terme, ce qui n’est pas sa vocation unique. Si le Conseil doit s’en saisir et l’approfondir, l’adoption de cet amendement pourrait laisser penser qu’il ne devrait faire que cela : j’y suis donc défavorable.

Au demeurant, l’introduction, qui vous sera proposée tout à l’heure, de l’âge de seize ans plutôt que de dix-huit ans pour l’exercice du droit de pétition auprès du CESE participe d’une vision de long terme grâce à l’apport possible de la jeunesse. Si le CESE souhaite travailler sur le long terme, l’inscrire dans la loi à ce stade présenterait le risque de limiter le cadre de son action à ce seul horizon temporel.

Mme Cécile Untermaier. Je trouve pour ma part cet amendement intéressant : il a le mérite d’amener le débat, qui devra se poursuivre en séance : le long terme est une de nos préoccupations et sans doute un des intérêts de l’apport du Conseil, dans la mesure où personne ne traite de cette question. Or nous sommes très favorables à l’idée que le prisme du long terme fasse partie de l’ADN du CESE.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL198 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CL176 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. La disposition proposée à l’alinéa 2 manque de clarté : il n’est précisé ni comment ni par quels moyens le Conseil « encouragera » le rôle des assemblées consultatives. Il n’est pas davantage précisé si cette mission d’encouragement pourra conduire à la création d’instances consultatives locales supplémentaires, et combien de dépenses cela pourrait entraîner.

Ajoutons que les deux alinéas suivants sont plus précis sur les nouvelles missions du Conseil : le travail et les partenariats avec les assemblées consultatives locales et avec les homologues étrangers du CESE. C’est pourquoi il est proposé de supprimer l’alinéa 2 et cette mission floue d’encouragement, dans la mesure où d’autres missions, plus claires et consensuelles, figurent à la suite de cet article.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Avis défavorable. Le Conseil d’État a approuvé la substitution au dernier alinéa, très général, de l’article 1er de l’ordonnance de 1958 de trois alinéas qui déclinent de manière plus précise le rôle du CESE auprès des autres instances consultatives. La mission visant à encourager le rôle des assemblées consultatives correspond par exemple aux démarches du CESE en faveur de la reconnaissance de ces différentes instances et de la diffusion de leurs travaux ainsi qu’à tous les événements qui peuvent être organisés de manière commune sur une thématique donnée. Ce dispositif permet également une certaine souplesse dans les rapports entre le Conseil et les autres organismes consultatifs.

M. Philippe Gosselin. J’appuie cet amendement, dans la mesure où nous nous retrouvons dans le cas de la loi bavarde, peu normative et susceptible de donner lieu à de nombreuses interprétations et frustrations : ce risque méritait en tout cas d’être relevé.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Si le verbe « encourager » manque effectivement de précision, puisqu’il est de l’ordre de la suggestion et de l’incitation, il n’en revêt pas moins une certaine importance dans la mesure où cela fait partie des objectifs de ce texte : élargir les missions du CESE et sa capacité à s’ouvrir à une démocratie participative.

M. Xavier Breton. Je m’interroge sur la différence entre les assemblées consultatives, visées à l’alinéa 2, et les conseils consultatifs visés à l’alinéa 3. On comprend que ces derniers sont créés auprès des collectivités locales, mais ces assemblées ne sont rien d’autre que des conseils mis en place auprès d’un ministère ou du Gouvernement. Pourquoi cette distinction ?

M. Erwan Balanant, rapporteur. Un amendement permettra plus loin de retenir la notion d’instance consultative. Le but est de distinguer deux niveaux : il est important, dans la mesure où l’on veut faire du CESE le pivot de la consultation et de la participation citoyennes, que cette disposition soit suffisamment large, tout en restant précise. Le CESE a besoin d’un cadre, mais aussi de suffisamment de souplesse et d’agilité – deux maîtres mots que j’emploierai souvent au cours de nos débats – afin de permettre le développement de la participation et de mieux prendre en considération la société civile.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements CL150 de Mme Maina Sage, CL146 de M. Dominique Potier, CL16 de M. Bertrand Pancher, CL199 et CL200 du rapporteur.

Mme Maina Sage. Lors de son audition, la semaine dernière, le président de l’Assemblée des comités économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) de France s’est montré globalement très favorable au renforcement des échanges entre le CESE et les CESER. Il nous a néanmoins alertés sur les inquiétudes suscitées par l’article 1er qui prévoit que le CESE pourra désormais saisir, avec l’accord des collectivités territoriales concernées, un ou plusieurs conseils consultatifs créés auprès d’elles. Cette rédaction présente le risque d’instaurer une forme de hiérarchie entre ce dernier et les CESER. Il a donc recommandé de modifier les termes utilisés et de substituer le verbe consulter au verbe saisir, ce que propose mon amendement CL150, lequel précise également que cette consultation suppose l’accord des collectivités concernées et sera limitée aux seuls conseils consultatifs reconnus dans le cadre de la loi.

J’ai pris connaissance, Monsieur le rapporteur, de vos amendements : en tout état de cause, le cadre de ces consultations doit effectivement être précisé.

M. Bertrand Pancher. On ne comprend pas pourquoi la rédaction actuelle du projet de loi, qui incite le CESE à saisir des conseils consultatifs créés auprès de collectivités territoriales, exclut les instances de concertation créées par des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pourtant prévues par la loi : la rédaction proposée par notre amendement CL16 permettrait d’élargir les possibilités de saisine du CESE aux conseils consultatifs de toute nature créés par les mêmes EPCI ainsi qu’aux pôles d’équilibre territorial et rural (PETR).

M. Dominique Potier. Mon amendement CL146 participe du même souci que celui de mes collègues : il faut trouver une rédaction de l’alinéa 3 qui satisfasse l’esprit du projet de loi. Une telle correction ne serait pas mineure, l’enjeu étant en définitive d’assurer le continuum démocratique entre les instances territoriales et les instances nationales qui agissent dans le même but : éclairer la décision publique. Or la rédaction actuelle exclut les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), comme les métropoles ou les communautés rurales, qui, du fait de leurs compétences, sont l’incarnation de la puissance publique dans les territoires.

Ce regard éclairé des citoyens sur le long terme ainsi que sur l’intérêt général doit pouvoir, en complément de l’action publique, être intégré par le CESE afin d’aboutir à une architecture démocratique plus performante et plus satisfaisante.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je vous remercie, chers collègues, pour cette vigilance qui a également été exprimée au cours des auditions.

Chère Maina Sage, nous évoluons effectivement vers une rédaction plus globale et plus fonctionnelle. Pour ce qui est des groupements de collectivités territoriales dans la rédaction proposée, il y avait effectivement un manque puisque les conseils de développement étaient exclus du dispositif. L’audition de la Coordination nationale des Conseils de développement (CNCD) nous a montré que ceux-ci constituaient, même s’ils fonctionnent moins bien dans certains endroits que dans d’autres, des instances de concertation extrêmement importantes. En Bretagne, par exemple, mon EPCI a créé, en lien avec le Pays de Lorient, un conseil de développement qui fonctionne parfaitement et qui apporte beaucoup à la démocratie participative. Nous allons donc prendre en compte la préoccupation de Mme Sage. Je suggère à mes collègues de retirer leurs amendements.

Mme Maina Sage. Si l’on règle ainsi le sujet sur le fond, je retire volontiers mon amendement.

M. Bertrand Pancher. Moi aussi.

M. Dominique Potier. Je fais également confiance au rapporteur : il s’agit d’un travail collectif.

Les amendements CL150, CL146 et CL16 sont retirés.

La Commission adopte successivement les amendements CL199 et CL200.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL201 du rapporteur, ce qui a pour effet de faire tomber l’amendement CL177 de M. Éric Diard.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL79 de M. M’Jid El Guerrab.

M. Christophe Euzet. Il s’agit de permettre au CESE de consulter l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) sur les sujets les concernant.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Même si nous pourrons en rediscuter en séance publique et si j’ai pu échanger avec le CESE lui-même sur les solutions envisageables, l’AFE, dont les membres sont élus, n’est pas de même nature que les instances consultatives locales dont les membres sont désignés. De ce fait, il est difficile de les mettre sur le même plan en permettant au CESE de saisir l’AFE.

Par ailleurs, le Gouvernement est déjà tenu de réaliser chaque année un rapport sur la situation des Français établis hors de France ainsi que sur les politiques conduites à leur égard, qu’il présente devant l’AFE, cette dernière pouvant présenter un avis en réponse.

Il convient donc de s’en tenir à la rédaction proposée qui permet au CESE de renforcer les liens entre les différentes instances de consultation locales. Je suis donc, à ce stade, défavorable à votre amendement, mais nous pourrons peut-être en rediscuter car le CESE lui-même demande que les Français de l’étranger soient d’une manière ou d’une autre pris en considération.

M. Christophe Euzet. Dans la perspective de la discussion qui s’engagera sûrement avec M’Jid El Guerrab d’ici à la séance publique, je retire l’amendement.

L’amendement CL79 est retiré.

La Commission adopte l’article 1er modifié.

Article 2 (art. 3 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social) : Avis sur la mise en œuvre des dispositions législatives

La Commission examine l’amendement de suppression CL60 de M. Christophe Euzet.

M. Christophe Euzet. Nous avons hier appelé l’attention du Gouvernement sur les préconisations du Conseil d’État qui a rappelé que l’article 70 de la Constitution prévoit que le CESE peut être consulté par le Gouvernement et le Parlement sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental.

En outre, le quatrième alinéa de l’article 2 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social dispose que celui-ci peut être saisi de demandes d’avis ou d’études par le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat.

Enfin, l’article 24 de la Constitution attribue au Parlement la mission d’évaluer les politiques publiques, ce qui ne fait pas obstacle à ce que, s’il l’estime utile, il saisisse le CESE sur le fondement de l’article 70.

Cet article nous apparaît donc superfétatoire.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Si cette disposition n’est certes pas centrale, elle apporte tout de même une précision utile : alors que le Gouvernement et le Parlement s’investissent de plus en plus dans l’évaluation des politiques publiques, le CESE peut apporter un point de vue intéressant et complémentaire.

Le Conseil d’État, que vous citez dans l’exposé sommaire de votre amendement, considère ainsi dans son avis que « cette disposition se situe dans le prolongement de la contribution du CESE à l’évaluation des politiques publiques. » Plus qu’un signal ou une incitation, il s’agit donc de clarifier le contenu de la mission d’évaluation du CESE, sans doute sous-utilisée par le législateur. Une meilleure articulation entre le CESE et les parlementaires permettra de mieux comprendre nos façons différentes mais complémentaires de travailler et donc de mieux articuler nos travaux.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Cet élargissement des compétences du CESE donne l’occasion au Parlement de le saisir, et de disposer de ses avis en matière d’évaluation des politiques publiques, ce qu’il fait trop rarement pour l’heure, et c’est bien dommage. Cet ajout me semble intéressant et pertinent.

M. Arnaud Viala. Pour que le Parlement, et en particulier l’Assemblée nationale, puisse utilement saisir des instances comme le CESE et bénéficier ainsi d’avis extérieurs, encore faudrait-il que le calendrier législatif soit organisé en conséquence… Je ne vois en effet pas comment, en l’état actuel des choses, nous pourrions utilement saisir le CESE et bénéficier de son avis sur un texte avant que celui-ci n’ait fait trois navettes entre les deux chambres : on amuse la galerie…

M. Philippe Gosselin. Je souris sous mon masque… Si déjà nous disposions d’études d’impact un tant soit peu sérieuses, cela réglerait en partie ce petit souci ! Même si cette évolution ne date pas de ces derniers mois, reconnaissons qu’un certain nombre de textes sont écrits à la va-vite : leur qualité juridique laisse à désirer, tout comme les éléments d’évaluation et les études d’impact, proprement indigentes.

Notre collègue Arnaud Viala a raison : même s’il s’agit d’un vœu pieux – que nous ne cesserons cependant, comme à n’en pas douter nos successeurs, de former – il faudrait que le calendrier législatif soit mieux maîtrisé.

M. Xavier Breton. Je m’interroge sur le sens exact de la mise en œuvre d’une disposition législative : parle-t-on d’une étude d’impact a priori ou au contraire de l’évaluation d’un dispositif voté et appliqué ? La rédaction me semble porteuse d’une ambiguïté que nos débats reflètent bien.

Mme Cécile Untermaier. J’attendais la même précision : parler de la mise en œuvre d’une disposition législative laisse supposer qu’elle a été votée et que l’on se situe dans le cadre de son évaluation. Nous avons besoin d’une clarification sur ce point, au besoin en séance publique.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je précise qu’il s’agit bien d’une évaluation ex post, et le Conseil d’État l’a également rappelé dans son avis.

Je forme le même vœu pieux que Philippe Gosselin : profitons de ce texte pour réexaminer nos méthodes de travail et la façon dont on fait la loi dans notre pays, pour améliorer la visibilité et la lisibilité du calendrier législatif, et du coup garantir une véritable coordination entre le travail du CESE et le nôtre. Désigner un rapporteur très peu de temps avant le début de l’examen d’un texte complique beaucoup les choses. Il nous appartient collectivement de faire mieux respecter le Parlement, quitte à devoir tordre le bras du Gouvernement pour avoir un véritable calendrier. Je défends pour ma part cette idée avec conviction : j’observe qu’à chaque fois que nous disposons d’un peu de temps, nous avançons et aboutissons à des textes plus intéressants, et notre capacité de consultation est bien plus grande. L’articulation entre le CESE et le Parlement est à l’évidence fondamentale pour mieux écrire les textes.

M. Bertrand Pancher. Ces échanges sont intéressants, mais nous nous retrouvons à échanger des vœux pieux : chacun sait que nos textes souffrent d’une manière générale d’un manque d’analyse et d’études d’impact criant. La réforme de Constitution à ce sujet n’a rien changé et la concertation sur les textes de loi reste aléatoire. Je l’ai dit hier : ce n’est pas en redonnant quelques pouvoirs au CESE que l’on y changera quelque chose.

La seule solution, mes chers collègues, serait de faire contrôler nos textes législatifs par un organisme indépendant chargé de l’analyse de leur impact, comme cela se pratique notamment au Parlement européen : si le Conseil ou le Parlement proposent un texte sans analyse d’impact suffisante, une commission indépendante leur demande immédiatement de le revoir. Il faut donc aller vers une réforme constitutionnelle beaucoup plus importante.

M. Philippe Gosselin. J’abonde dans ce sens : s’il peut bénéficier de concours externes, encore faut-il que le Parlement dispose lui-même de moyens propres pour mener des contre-expertises. Je ne dis pas qu’ils soient totalement indigents : au sein de la commission des Lois par exemple, comme au sein d’autres commissions, nos administrateurs accomplissent un travail énorme et remarquable et font le maximum. Mais cela suffit-il ? Je lance ce message, même s’il va à contre-courant de l’opinion publique qui considère qu’il y a trop de collaborateurs ou de fonctionnaires. Un travail de qualité implique également de disposer de collaborateurs en nombre suffisant. Évoquer le CESE, qui figure parmi les grandes institutions de la République, nous permet donc d’évoquer également des réformes possibles au sein de celles-ci.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. J’ajoute ma pierre à l’édifice : disposer de pouvoirs de contrôle sur place et sur pièces plus étendus nous permettrait de mieux évaluer la mise en œuvre des dispositions législatives. Il arrive souvent que les ministères ne répondent même pas aux questionnaires que nous leur adressons parfois à plusieurs reprises. Autant dire qu’il faut remettre inlassablement l’ouvrage sur le métier…

M. Erwan Balanant, rapporteur. Dans cette histoire, le temps et la prévisibilité constituent, au-delà des moyens, le nerf de la guerre. Je n’ai jamais compris pourquoi certains textes, qui ne présentent aucun caractère d’urgence, sont tout de même examinés dans la précipitation. Il arrive pourtant que nous ayons le temps de bien faire les choses, d’améliorer notre organisation, autrement dit la coordination entre le Parlement et le Gouvernement. Peut-être faudrait-il à terme l’inscrire dans la Constitution : je rejoins sur ce point l’avis de Bertrand Pancher.

Mme Nicole Dubré-Chirat. J’enfonce le clou : nous avons pu faire évoluer favorablement tous les textes sur lesquels nous avons pu prendre le temps de mener un travail préalable. Sans aller jusqu’à demander à chaque fois l’avis du CESE, il serait important d’en disposer en amont.

La planification et la rapidité d’arrivée des textes posent effectivement problème si nous voulons travailler mieux et plus à fond, en disposant d’avis éclairés : il nous faut donc nous organiser.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL82 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Le premier alinéa de l’article 3 de l’ordonnance de 1958 modifié est très ouvert : il prévoit que le CESE « peut, de sa propre initiative, appeler l’attention du Gouvernement et du Parlement sur les réformes qui lui paraissent nécessaires ». Ce faisant, il donne au CESE une compétence essentielle qu’il partage avec le Conseil d’État : celle de proposer des réformes. Si ce pouvoir d’initiative est fondamental, on peut craindre que la phrase ajoutée par le projet de loi soit considérée comme limitative et que cette capacité à contribuer à l’évaluation des politiques publiques se restreigne dorénavant à donner un avis sur la mise en œuvre de dispositions législatives.

Mon amendement vise donc à modifier légèrement le début de l’alinéa 2 de façon à préciser que cet ajout n’est pas limitatif et ne constitue qu’une option parmi celles qui sont possibles.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Avis défavorable. Le second alinéa de l’article 2 prévoit que le CESE peut être saisi par le Gouvernement ou le Parlement d’une demande d’avis sur la mise en œuvre d’une disposition législative entrant dans son champ de compétence : il ne s’agit que d’une possibilité, qui n’exclut pas d’autres motifs de saisine au titre de l’évaluation des politiques entrant dans son champ de compétences.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements CL202 du rapporteur et CL140 de Mme Cécile Untermaier.

M. Erwan Balanant, rapporteur. L’amendement CL202 n’a qu’un but de coordination rédactionnelle avec l’ensemble des pratiques relatives à la saisine du Parlement.

Mme Cécile Untermaier. L’amendement CL140 tend à porter le débat sur la saisine du CESE : qui le saisit et comment ? Si la Constitution ne mentionne à ce sujet que le Gouvernement et le Parlement, l’amendement du rapporteur désigne explicitement le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat. Est-ce à dire qu’elle relèvera de leur seule décision ? Des parlementaires de la majorité ou de l’opposition, dès lors qu’ils atteindront un nombre requis, pourront-ils également saisir le CESE ?

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous sommes en l’espèce contraints par la Constitution. Le constituant a en effet souhaité que le Parlement soit à l’origine de la saisine, et ce sont bien le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat qui représentent les chambres. L’évolution que vous souhaitez nécessiterait une révision constitutionnelle afin d’élargir cette saisine à une minorité de parlementaire, comme cela est par exemple prévu dans le cas du Conseil constitutionnel. Cela étant, rien n’interdit de réviser le règlement de l’Assemblée nationale afin de permettre à une minorité de saisir le Président de l’Assemblée d’une telle demande, mais en l’état actuel des choses, nous ne pouvons aller plus loin.

M. Xavier Breton. Puisque le CESE ne peut être saisi que par le président de l’assemblée ou par celui du Sénat dès lors qu’il est fait état expressément du Parlement, pourquoi l’indiquer ? Pourquoi apporter cette précision qui introduit un déséquilibre entre le Gouvernement, pour lequel il n’est pas indiqué s’il s’agit du Premier ministre ou du ministre compétent, et le Parlement ? Pourquoi traiter différemment les deux instances, et ne pas rester dans la même logique, sous peine de perturber l’équilibre des institutions ?

M. Erwan Balanant, rapporteur. C’est uniquement une question de coordination d’écriture : dans le cas du Gouvernement, le pouvoir de saisine relève effectivement du Premier ministre ; pour ce qui est du Parlement, l’ordonnance de 1958 mentionne explicitement le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat.

Le sujet abordé par Mme Untermaier est d’une autre nature : une suite favorable pourrait effectivement être donnée à une demande émanant d’une minorité de parlementaires. Le règlement intérieur de l’Assemblée nationale pourrait le prévoir.

Mme Cécile Untermaier. J’ai bien compris qu’il s’agit là d’une volonté du constituant, et j’ai bien entendu votre explication sur le cas d’une demande exprimée par une minorité de parlementaires : ce débat nous permet de poser les jalons pour avancer vers une réforme du règlement de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mais cela ne suffira pas pour autant à modifier la Constitution. (Sourires.)

L’amendement CL140 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL202.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL170 et CL169 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Notre assemblée a évoqué à maintes reprises la nécessité d’une politique d’évaluation. Si les rapports se multiplient, l’efficacité et la culture partagée de cette politique restent à renforcer.

Les amendements CL169 et CL170 visent ainsi à entamer une nécessaire clarification de ce champ et à répondre à l’enjeu de contrôle de qualité des évaluations réalisées par de nombreuses institutions : Assemblée nationale, Sénat, Conseil économique, social et environnemental, Cour des comptes, France Stratégie, Inspection générale des affaires sociales (IGAS), Inspection générale de l’administration (IGA), Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, Agence nationale de la cohésion des territoires, entre autres.

De nombreux rapports ont souligné la nécessité de promouvoir une culture de l’évaluation des politiques publiques et une meilleure coordination des évaluations. La conférence et le rapport annuels proposés par l’amendement CL170 pourraient contribuer à atteindre ces objectifs, tout en permettant d'enrichir les différentes évaluations, et de mieux les diffuser. Il s’agirait ainsi d’identifier, de diffuser et de valoriser les bonnes pratiques en matière d’évaluation ; de favoriser une meilleure coordination des travaux, des synergies et d’éviter des redondances ; de renforcer la crédibilité et la légitimité de l’évaluation des politiques publiques.

Tel est le sens de ces deux amendements, l’amendement CL169 étant un amendement de repli.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je vous suggère, madame la députée, de retirer vos amendements, qui sont satisfaits par la pratique puisque le CESE publie chaque année un rapport annuel sur l’état de la France. En 2020, ce rapport, intitulé Se donner un nouveau cap, a abordé des sujets très divers, allant de l’écologie au service public, en passant par la lutte contre les inégalités et la réforme des institutions.

Votre formulation semble par ailleurs trop large : le rapport annuel n’a pas vocation à évaluer toutes les politiques publiques entrant dans le champ de compétences du CESE, ainsi que des administrations qui y concourent. Il est préférable de laisser le Conseil apprécier quelles sont les thématiques les plus utiles à traiter et ainsi de privilégier la qualité à la quantité.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. La rédaction que je propose signifie non pas que le CESE doit évaluer toutes les politiques, mais qu’il accorde la priorité aux évaluations qui paraissent les plus importantes.

Par ailleurs, à la différence du rapport, la conférence n’existe pas. L’échange entre les présidences des instances qui réalisent ces évaluations semble un enjeu non négligeable pour aller vers une telle coordination et une culture partagée.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 (art. 4-1 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social) : Renforcement de la saisine par voie de pétition

La Commission examine l’amendement CL167 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je propose d’ajouter le mot « institutionnel » à la fin de l’alinéa 2 : en l’état actuel de la rédaction, le Conseil pourrait en effet être saisi par voie de pétition de toute question à caractère économique, social ou environnemental, mais pas institutionnel.

Or certaines questions institutionnelles intéressent directement les citoyens : c’est le cas du découpage des départements ou des régions, des thématiques qu’ont abordé la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRE, et la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM).

M. Erwan Balanant, rapporteur. J’émets un avis défavorable à l’amendement car une réforme constitutionnelle serait nécessaire pour rendre le CESE compétent sur les questions institutionnelles : je vous opposerai la même réponse à chaque fois que vous proposerez de modifier la nature des missions du CESE. Et cela supposerait en plus de modifier sa composition.

M. Arnaud Viala. Je suis d’accord avec votre réponse, Monsieur le rapporteur, mais elle ne vaut que sur la forme ; sur le fond, si les citoyens doivent pouvoir exprimer un avis sur l’environnement institutionnel dans lequel ils évoluent, un tel élargissement de compétences pose aussi la question du rapport entre le CESE et le Parlement, voire l’existence même de ce dernier, puisque les aspects institutionnels relèvent du pré carré des parlementaires. En leur qualité de représentants de la Nation, il leur revient de rendre des comptes à nos concitoyens. Nos débats ne doivent pas se limiter aux questions de forme.

M. Xavier Breton. Il importe que les décisions de nature institutionnelle relèvent entièrement du Parlement. Je rejoins toutefois les préoccupations de Paul Molac : certaines réformes ont été réalisées au niveau législatif ou local – par exemple pour définir les périmètres des intercommunalités, des régions, des cantons – sans que nos concitoyens n’aient eu leur mot à dire. Alors que l’on ouvre des registres d’enquête publique dans chaque mairie pour tout projet concernant un territoire, on ne consulte jamais les citoyens sur des sujets importants, comme les mécanismes de fusion s’agissant des communes nouvelles. Il ne s’agit pas de remettre en question ces évolutions, mais d’associer davantage les citoyens. L’amendement CL167 a le mérite de poser cette question.

M. Philippe Gosselin. Des redécoupages territoriaux se font sur des coins de table – toute référence à des événements passés ou futurs serait purement fortuite... Par exemple dans le cas de la réforme des régions : sur les treize régions, toutes n’ont pas la cohérence de la mienne, la Normandie… Il y a donc un vrai sujet, que Xavier Breton a raison de souligner.

Cet amendement est pourtant difficile à accepter. Le groupe Les Républicains a souligné à plusieurs reprises l’existence d’une ligne rouge : la réforme doit se faire à droit constitutionnel constant, et sans ambiguïté. Or l’amendement introduit une forme de concurrence ambiguë entre le CESE – tout à fait respectable et qui a sa raison d’être – et le Parlement sur les questions institutionnelles. À ce stade, sous la Ve République, les réformes institutionnelles relèvent exclusivement du Parlement. J’entends que l’on puisse toujours modifier les institutions et les améliorer, mais tel n’est pas l’objet de notre réforme.

Nous devons nous en tenir là sous peine, de petite touche en petite touche, de déraper et de ne pas atteindre l’objectif d’une réforme que nous souhaitons globalement tous afin d’améliorer la démocratie sociale et l’intégration des corps intermédiaires. Veillons à ne pas chambouler l’édifice institutionnel. Le CESE en a d’ailleurs conscience, qui ne cherche pas à réformer tous azimuts.

Pour toutes ces raisons, nous nous prononçons contre l’amendement, bien que je comprenne les motivations de Paul Molac et de ses collègues.

M. Paul Molac. Un vrai problème démocratique se pose. Sans aborder la question des régions – je le ferai avec l’amendement suivant –, nous pouvons évoquer la création des EPCI, dont la loi a décidé à un moment donné qu’ils regrouperaient au moins 15 000 habitants. Mais dans la réalité, ce sont les préfets, et non les citoyens, ni même les élus qui ont procédé à leur création.

Dans ma circonscription, le préfet a décidé qu’il y aurait deux intercommunalités, alors qu’il était possible d’en créer trois, puisqu’une intercommunalité de plus de 15 000 habitants existait déjà, ou même une seule, sur tout le pays de Ploërmel. Même le conseil de développement n’a pas été saisi de cette question. Les citoyens non plus n’ont pas eu leur mot à dire, alors que nous sommes un bassin de vie.

Ces questions importantes sont parfois réglées sur un coin de table, ce qui pose problème. Dans notre cas, le préfet, resté un an, ne connaissait pas le territoire, et n’a pas eu le temps de le connaître car il est aussitôt reparti.

M. Pacôme Rupin. Cette réforme a pour objectif initial de faire du CESE l’institution centrale de la démocratie participative en France – le garde des Sceaux l’a rappelé hier. Or le projet de loi organique entend encadrer le système de pétition et limiter son champ d’application aux seules questions à caractère social, économique et environnemental.

Pourtant, pour assurer le succès d’un tel système, il faut éviter d’ajouter des contraintes – nous pourrons y revenir lorsque nous examinerons les différents amendements sur ce sujet. Plutôt que de nous contenter d’ajouter les questions institutionnelles, nous devrions éviter de thématiser les pétitions pour que nos concitoyens s’en saisissent pleinement et que nous fassions bien du CESE ce nouvel organe de démocratie participative qu’il est possible d’interpeller, quelle que soit la question posée.

Je voterai donc l’amendement, en souhaitant que nous puissions travailler d’ici à la séance à élargir les thématiques des pétitions.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Les missions du CESE ont été définies puis élargies lors des précédentes réformes constitutionnelles. Il convient que les parlementaires conservent leur nécessaire rôle dans les institutions, quelles que soient les évolutions intervenues, notamment dans le cadre de la loi NOTRE.

Au-delà des pétitions, la souplesse introduite dans les missions du CESE a ouvert la possibilité de saisines, avec des limites, pour recueillir des avis dans son champ de compétences. Quant aux questions institutionnelles, elles reviennent au Parlement.

M. M’Jid El Guerrab. Chacun comprend le sens de cet amendement, dont nous pourrions améliorer la rédaction d’ici à la séance. Le mot « institutionnel » laisse croire que nous réformons l’ordre institutionnel, alors que nous demandons seulement à une chambre consultative de se prononcer. Dans le cadre des réformes des collectivités territoriales, comme celles que mon collègue a citées, un avis éclairé est le bienvenu.

Mme Cécile Untermaier. Le groupe Socialistes et apparentés se range à l’avis du rapporteur : la Constitution bordant la réflexion, nous ne pouvons aller au-delà s’agissant des attributions du Conseil économique, social et environnemental.

La participation citoyenne n’a pas d’exclusive. Le Conseil économique, social et environnemental peut certes l’organiser – nous lui donnerons la possibilité de remplir cette mission et de disposer d’un outil opérant –, mais elle est le fait de toutes les institutions, qui doivent y réfléchir. Il appartient aux députés élus au suffrage universel de s’interroger pour s’approprier cette question.

Mme Maina Sage. Si la Constitution borde le rôle du CESE, sur le fond, le sujet soulevé est pourtant intéressant. Il me ramène au premier projet de loi, devenu la loi NOTRE, que j’ai examiné dans cette commission en 2014. C’est l’un de mes plus mauvais souvenirs : en un mois, nous avons redécoupé la France au moins une dizaine de fois. J’en ai été choquée, alors que les citoyens avaient le sentiment d’être otages des décisions que nous prenions, nous qui portions la responsabilité de redécouper la France.

Un tel redécoupage n’entre peut-être pas dans la mission du CESE, mais, dès que nous l’opérons, nous devons veiller, dans d’autres textes, à renforcer les consultations des citoyens, en les rendant quasi obligatoires.

Par ailleurs, l’amendement du rapporteur visant des pétitions d’ordre national complique le passage par le CESE pour ce type d’avis, qui touche à des organisations locales voire régionales. Comment organiser une pétition sur un redécoupage qui donne lieu à des avis pouvant être très variables d’une région à l’autre ?

Je suis donc favorable à l’amendement CL167 sur le fond. Sur la forme, la proposition n’est pas réalisable, mais nous devrions tout de même nous attacher à l’introduire dans d’autres textes.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Des propos importants ont été tenus. Il me revient de rappeler les principes qui guideront l’examen de ce texte.

Pour employer un terme un peu barbare, nous travaillons à « iso-constitution » : toutes les modifications que nous apportons à ce texte doivent suivre la Constitution à la lettre. Cela écarte les questions institutionnelles, qui ne font pas partie des missions du CESE. Les ajouter reviendrait à opérer une véritable révolution copernicienne de nos institutions, et je ne suis pas sûr que nos amis sénateurs verraient cela d’un bon œil…

Dans un autre amendement, je proposerai que le Parlement puisse saisir le CESE de l’organisation d’une consultation citoyenne, afin de renforcer le rôle du Parlement dans ce domaine.

Les pétitions ayant trait à un sujet institutionnel territorial sont déjà possibles. J’invite d’ailleurs parfois les régions à se saisir de certains outils, par exemple nos amis de la Loire-Atlantique de la pétition pendante sur la réunification de la Bretagne (Sourires.).

Des possibilités existent, mais la saisine sur ces questions n’entre pas dans les compétences actuelles du CESE. L’introduire supposerait de réviser la Constitution et de revoir entièrement les missions du CESE qui, à l’heure actuelle, ne représente que la société civile organisée. Il est composé de représentants des milieux économiques, social et environnemental, qui peuvent naturellement aborder des questions institutionnelles mais sans toutefois disposer de l’expertise qui fonde leur légitimité sur leur champ de compétences ; ce n’est pas la mission du CESE.

La Commission rejette l’amendement CL167.

Puis elle se saisit de l’amendement CL168 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je rappelle que les amendements CL167 et CL168 ne visent que les pétitions : dans tous les cas, le Parlement reste souverain sur les questions institutionnelles.

Dans un bel élan citoyen, l’association Bretagne réunie est parvenue à rassembler 105 000 signatures, soit 10 % du corps électoral de la Loire-Atlantique, pour demander une consultation sur le retour de ce département dans sa région d’origine, la Bretagne. La pétition a pour l’instant été mise sous le boisseau, d’abord par le département, qui s’est empressé de demander un référendum décisionnaire auquel le Gouvernement, qui doit l’organiser, n’a évidemment pas donné suite. L’ancien président du département, Patrick Maréchal, avait demandé au préfet l’autorisation d’organiser une consultation ; celui-ci a refusé, au motif qu’un département ne pouvait pas changer les limites d’une région… On constate que l’institution fait tout pour consacrer l’existant, alors que la population manifeste une demande contraire.

On dit souvent que les questions relatives aux institutions et à l’appartenance n’intéressent personne, mais c’est loin d’être le cas. C’est une question de miroir : les gens se reconnaissent dans la région qu’ils choisissent, à laquelle ils se sentent appartenir, non dans les régions construites de toutes pièces, comme ce fut le cas lors de la dernière réforme.

C’est la raison pour laquelle j’ai déposé l’amendement CL168. Il me semble que reconnaître les différents peuples qui composent le peuple français pose un véritable problème en France.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je suis aussi attaché que M. Molac à l’idée de retrouver notre Bretagne historique ; reste que l’évolution des limites administratives des collectivités territoriales n’entre pas dans les compétences du CESE. En l’introduisant, nous reviendrions sur l’équilibre de nos institutions. Avis défavorable.

M. Philippe Gosselin. Il n’y a qu’un peuple, le peuple français !

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL203 du rapporteur.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CL61 de M. Christophe Euzet et CL142 de Mme Cécile Untermaier, les amendements identiques CL204 du rapporteur et CL197 du Gouvernement, les amendements CL128 de M. Guillaume Gouffier-Cha, CL190 de Mme Nicole Dubré-Chirat et CL110 de M. Thomas Rudigoz.

M. Christophe Euzet. Compte tenu des éléments d’information que M. le garde des Sceaux a apportés sur l’abaissement de l’âge et du nombre des pétitionnaires à 150 000, je retire mon amendement CL61, qui est satisfait.

Mme Cécile Untermaier. Je retire également l’amendement CL142.

Les amendements identiques CL61 et CL142 sont retirés.

M. Erwan Balanant, rapporteur. La saisine par voie de pétition a été introduite lors de la dernière réforme du CESE : issu de la Révolution, le droit de pétition représente la capacité d’interpeller une institution sur certains sujets. Il était dommage, voire contre-productif, de prétendre le garantir sans se donner les moyens de son effectivité.

Nous avons d’abord travaillé avec le CESE pour déterminer si l’institution aurait la capacité de traiter ces pétitions, si leur nombre augmentait. Le Conseil en a non seulement les moyens, mais aussi la volonté. Il a d’ailleurs déjà mis en place un dispositif de veille sur toutes les pétitions lancées, notamment sur les réseaux sociaux, et peut s’autosaisir de certaines d’entre elles.

Mais pour en garantir la portée, y compris sur le plan symbolique, encore fallait-il faire en sorte que ce droit devienne effectif. En réfléchissant ensemble au meilleur seuil, nous nous sommes aperçus que diminuer le nombre de pétitionnaires de moitié, comme nous pensions le faire initialement, ne suffisait pas : ce nouveau seuil est rarement atteint sur les plateformes, même populaires, hormis pour quelques sujets, mais qui ne sont pas en lien avec les compétences du CESE.

Le seuil proposé de 150 000 signatures semble pouvoir éviter que le CESE ne soit submergé de pétitions. Par ailleurs, pour éviter la saisine du CESE sur des sujets locaux, nous avons ajouté une condition de représentativité du territoire, comme nous l’avions fait dans le cadre du règlement de l’Assemblée nationale.

J’ai également proposé au garde des Sceaux, qui l’a accepté et a d’ailleurs déposé un amendement identique au mien, d’abaisser le seuil d’âge des pétitionnaires. Les jeunes de seize ans disposent d’ores et déjà d’une série de droits et de possibilités pour s’engager – le service national universel, le service civique, entre autres. Nous souhaitons aussi favoriser leur participation dans le milieu associatif. Le garde des Sceaux l’a rappelé, les jeunes de cet âge ont certains droits, et peut-être également certains devoirs.

Nous avons donc proposé l’âge de seize ans, qui paraît lancer un signal fort à la jeunesse, en l’incitant à s’engager et en lui donnant la capacité d’interpeller les institutions sur certains sujets.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Mon amendement CL128 vise à abaisser le seuil de 500 000 à 250 000 pétitionnaires, domiciliés dans au moins trente départements ou collectivités d’outre-mer différents. Je suis toutefois disposé à rejoindre l’amendement du rapporteur.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Mon amendement CL190 proposait également d’abaisser le seuil des pétitionnaires à 250 000 pour faciliter l’exercice du droit de pétition. Nous sommes toutefois sensibles aux arguments du rapporteur pour une réduction à 150 000 signatures et à une représentation territoriale, y compris vis-à-vis des collectivités d’outre-mer, la plus adaptée possible.

L’abaissement à seize ans de l’âge des pétitionnaires nous semble aussi intéressant dans la mesure où il constitue une première étape d’expression de la citoyenneté des jeunes sur des questions touchant aux domaines environnemental, social ou économique. Nous soutiendrons donc l’amendement du rapporteur.

M. Thomas Rudigoz. La proposition du rapporteur et du Gouvernement satisfait largement mon amendement CL110. À titre de comparaison, dans l’Union européenne, qui, depuis le départ du Royaume-Uni, compte 440 millions d’habitants, le droit de pétition est ouvert lorsque 1 million de signatures est rassemblé, soit 0,2 % de la population totale. Le seuil de 150 000 se rapproche de ce pourcentage, ce qui est pleinement satisfaisant.

M. Philippe Gosselin. Il est indéniable que le seuil de 500 000 pétitionnaires, tel qu’il avait été fixé prudemment, était trop élevé. Affirmer un droit nouveau, notamment de pétition, n’a aucun intérêt si celui-ci n’est pas effectif. Nous sommes donc tout à fait disposés à en discuter.

Comme je l’ai dit hier au garde des Sceaux, j’estime qu’un seuil de 250 000, partagé par de nombreux collègues sur tous les bancs, notamment dans la majorité, pouvait constituer une première étape intéressante. Un abaissement à 150 000 personnes m’inspire en revanche quelques craintes : le rapporteur lui-même en convient, le CESE pourrait se trouver submergé de demandes.

Avec les réseaux sociaux, mobiliser une telle population est plus facile qu’avant. Par ailleurs, la possibilité d’une saisine par voie numérique est reconnue. Même si, pour des sujets complexes comme la privatisation de la Française des Jeux ou d’Aéroports de Paris, le nombre des pétitionnaires n’atteint pas les 4,7 millions du référendum d’initiative partagée (RIP), il dépasse assez rapidement le million… Si l’on peut considérer que ces pétitions n’ont rien d’inquiétant puisqu’elles témoignent de la vitalité de notre vie démocratique, encore faut-il que le CESE puisse les gérer.

S’agissant de l’abaissement de l’âge des pétitionnaires, bien que n’étant pas hostile par principe à de nouveaux droits pour les jeunes dès seize ans, je m’interroge sur l’opportunité de cette réforme alors que l’âge de la citoyenneté est fixé à dix-huit ans. Faut-il y voir une façon d’anticiper une réforme de la majorité à 16 ans, sans avoir l’air d’y toucher ?

Pour avoir eu seize ans, nous savons aussi – je le dis avec de nombreuses précautions… – combien il est facile, lorsqu’on a un peu moins de recul, de s’enthousiasmer sur certains sujets : « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans – un beau soir, foin des bocks et de la limonade », disait le poète… Nous devrons débattre de la façon de concilier ces aspects, non seulement ici mais aussi en séance, sans considérer que tout est déjà décidé.

Mme Marietta Karamanli. Cécile Untermaier l’a souligné, nous allons dans le sens du rapporteur en ce qui concerne le seuil des pétitionnaires, dont aucun n’est idéal. Certaines questions subsistent toutefois.

M. Gosselin a expliqué comment le seuil de 500 000 pétitionnaires avait été considéré comme inatteignable. Rappelons pourtant que la pétition initiée par La Manif pour tous a recueilli 700 000 signatures, et que le CESE l’a évacuée. Que le Parlement puisse saisir le CESE constitue à ce titre une ouverture intéressante, à condition d’aller jusqu’au bout et de ne pas tomber dans le piège d’une pétition qui n’est pas examinée, alors même qu’elle aura recueilli davantage de signatures que le seuil fixé.

Si nous voulons renforcer le principe de responsabilité des citoyens, lui donner corps et répondre à la demande citoyenne, nous devons fixer des conditions d’application permettant de la prendre en considération, de manière responsable.

Des débats se tiendront, en commission et dans l’hémicycle, sur les autres pans de la citoyenneté que le seuil d’âge. Une question a par exemple été soulevée ici sur les manières de rendre accessible le vote citoyen, qui pourra être soumise au CESE. Les modalités du vote par correspondance devront ainsi être revues : il n’est plus possible de continuer à voter comme on le fait aujourd’hui.

M. M’Jid El Guerrab. Les dispositions sur le droit de pétition semblent oublier cette zone grise, ces 3,5 millions de Français qui, bien que résidant à l’étranger, voudraient avoir eux aussi le droit et la possibilité de faire remonter leurs problématiques, poser des questions, recueillir des avis, participer au débat. Il est un peu dommage que cet obstacle territorial se pose. Un seuil moins élevé de pétitionnaires permettrait par ailleurs d’ouvrir des débats sur leurs problématiques propres, qu’il s’agisse de fiscalité, de sécurité, de santé, d’école.

J’espère que, d’ici à la séance, nous trouverons des modalités pour que les Françaises et les Français qui vivent à l’étranger se sentent davantage intégrés à ce projet de loi.

M. Pacôme Rupin. L’assouplissement du système de pétition est une des rares petites avancées de ce texte. Si nous voulons qu’il fonctionne et que les citoyens s’en emparent, nous devons le rendre le plus accessible possible, donc limiter au maximum les contraintes. Je ne comprends notamment pas l’ajout de cette contrainte de 30 départements, qui semble une véritable usine à gaz. Recueillir 100 000 pétitionnaires pour interpeller le CESE dans le cadre de son périmètre représente déjà un effort important. Si l’on veut que les citoyens s’en emparent, il faut abaisser ce seuil au maximum, et ne pas imposer de contrainte de représentation territoriale.

M. Xavier Breton. Nous sommes tous d’accord pour abaisser le seuil minimal de signataires pour la pétition, mais il faut entendre le message du président Bernasconi : prenons garde à ne pas emboliser l’institution.

Alors qu’un courrier était autrefois nécessaire, un simple clic suffit aujourd’hui à introduire une pétition. Nous en recevons nous-mêmes des quatre coins de la France, sur des thématiques très diverses – qu’il s’agisse d’interdire la corrida ou de la défendre, etc. C’est infiniment plus facile que de prendre une enveloppe, coller un timbre et écrire un courrier… Il y a tout lieu de s’attendre à une inflation. Les seuils de 250 000 ou 300 000 signatures constituaient déjà une étape. L’abaisser d’un coup à 150 000, tout en favorisant la voie numérique, présente un vrai risque de voir le CESE totalement dépassé.

Par ailleurs, nous pouvons avoir le souci de mieux intégrer les jeunes de seize à dix-huit ans à la vie collective de notre pays. Je rejoins toutefois les interrogations de M. Gosselin : ne s’agit-il pas d’aller vers une majorité à seize ans, après avoir réalisé plusieurs avancées ? Sans oublier que cette logique d’octroi de droits ne s’accompagne pas parallèlement d’une réflexion sur les devoirs et responsabilités de ces jeunes.

Mme Isabelle Florennes. Je soutiens l’amendement CL204 du rapporteur : il répond au souhait, régulièrement exprimé depuis des années, d’un engagement citoyen différent. Je sais que le rapporteur y est sensible, comme l’est notre groupe politique depuis le début de cette législature.

Cet amendement cherche à trouver un équilibre. Il me paraît intéressant de fixer le seuil à 150 000 personnes en prévoyant une condition de représentation géographique pour éviter que certains groupes ne bénéficient d’effets d’aubaine, comme on a pu le voir à certains moments.

La saisine par voie électronique va aussi dans le sens, positif, d’une citoyenneté renforcée. C’est une préoccupation majeure alors que la participation électorale baisse régulièrement.

Mme Laetitia Avia. Je voterai en faveur de l’amendement du rapporteur, même si je suis très sensible à ce que nous dit Pacôme Rupin au sujet des barrières à l’entrée. Je serais favorable à une discussion, avant la séance publique, sur la représentation de trente départements.

Je salue vivement la réduction du seuil à 150 000 personnes – c’est important pour renforcer la participation des citoyens – et la possibilité de participer dès seize ans. Chacun connaît le taux d’abstention des jeunes : on ne se réveille pas nécessairement à dix-huit ans avec l’envie de participer à la vie publique et politique. Une forme de progressivité, grâce au droit de pétition, permettra peut-être d’embarquer davantage de nos jeunes dans la vie démocratique.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il y a une difficulté, que vous avez tous soulignée : le système ne fonctionne pas à l’heure actuelle, il n’est pas effectif. Or je pense qu’un droit qui ne fonctionne pas est inutile et même un peu contre-productif.

M. Gosselin a parlé de la facilité d’une saisine électronique. Ce n’est pas si simple. Il faudra respecter une procédure qui fera vraisemblablement appel à FranceConnect : on devra donner son nom, son prénom et son adresse postale.

Le seuil de 150 000 personnes me paraît adapté. Cela correspond grosso modo, si on applique une règle de trois, au seuil européen de 0,2 % de la population. Je rappelle aussi que l’Assemblée nationale et le Sénat fixent des seuils à peu près équivalents pour des sujets identiques, voire plus larges. Ajoutons que les assemblées parlementaires n’appliquent pas de critère d’âge : il n’y a pas lieu d’agiter un épouvantail en disant qu’on est en train de changer l’âge de la majorité. En Île-de-France, Monsieur Gosselin, la limite est également de seize ans pour pouvoir pétitionner auprès de la région.

M. Philippe Gosselin. Je m’interrogeais simplement…

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je rejoins Mme Avia : ce sera un signal donné à la jeunesse, pour lui dire qu’elle peut interpeller les pouvoirs publics sur un certain nombre de sujets, qu’elle peut s’engager et que nous allons l’écouter. Dans le moment un peu particulier de craintes, de doutes, que nous vivons, je pense que ce signal est important.

S’agissant du danger d’embolie soulevé par M. Breton, les représentants du CESE, qui travaillent depuis très longtemps sur les pétitions, nous ont indiqué lors de leur audition qu’il ne faudrait pas qu’ils soient submergés. Dans le cadre des échanges qui ont suivi, ils nous ont dit, au vu d’un certain consensus au sein de notre assemblée sur l’abaissement du seuil, qu’il faudrait en effet le réduire et que même un seuil de 250 000 personnes ne fonctionnerait pas. C’est pourquoi je vous propose de le fixer à 150 000 personnes.

Mme Avia et M. Rupin ont évoqué des contraintes, mais nous allons franchement avancer en faisant passer le seuil de 500 000 à 150 000 personnes.

Pourquoi faut-il un critère géographique ? Avec une telle réduction du seuil, des sujets locaux pourraient être abordés. Je ne dis pas qu’ils ne sont pas intéressants – ils sont extrêmement pertinents – mais ils doivent rester à une échelle locale. Moi qui suis un Girondin, je trouve plus pertinent que ce soit le conseil économique, social et environnemental régional (CESER) qui traite ce type de questions, quitte à faire remonter les informations – il y aura une concertation et de bien meilleures possibilités de travail en commun. Le CESE doit avoir une dimension nationale : il faut qu’il s’occupe de sujets nationaux et de long terme.

À cet égard, je rappelle qu’on ne peut pas saisir le CESE, par voie de pétition, d’un projet de loi déjà déposé – c’est la raison pour laquelle la pétition sur le mariage pour tous avait été rejetée. On n’est donc pas dans ce qui fait l’actualité, mais dans le débat public sur un sujet particulier. Si on ne veut pas faire du CESE un lieu de bagarre politique, il faut respecter cette règle.

S’agissant enfin des Français de l’étranger, la question est réglée par le droit en vigueur : ils peuvent pétitionner. Il ne sera même plus nécessaire d’envoyer un courrier, la procédure pourra suivre des voies dématérialisées.

La Commission adopte les amendements identiques CL204 et CL197.

En conséquence, les amendements CL128 de M. Guillaume Gouffier-Cha, CL190 de Mme Nicole Dubré-Chirat, CL33 de Mme Emmanuelle Ménard, CL91 de M. Pascal Brindeau, CL110 de M. Thomas Rudigoz tombent, de même que l’amendement CL75 de Mme Paula Forteza.

La Commission en vient à l’amendement CL119 de M. Christophe Euzet.

M. Christophe Euzet. Un délai de traitement des pétitions par le CESE est prévu, mais il n’y en a pas pour le recueil des signatures. Instituer un tel délai permettrait de renforcer la lisibilité du dispositif. Que vaut, en effet, la signature d’une pétition quatre ans plus tard ? J’ajoute qu’un délai est prévu en la matière au Sénat.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Ce serait pour le coup une vraie contrainte. Quand une pétition sur un sujet de très long terme est lancée, il n’y a pas de raison de fixer un délai de six mois : dans le domaine environnemental, une question n’est pas périmée six mois plus tard. On peut laisser le temps à une pétition d’arriver à maturité, de fleurir dans l’opinion publique. Avec le délai que vous proposez, il faudrait représenter les pétitions et on ne permettrait pas de poser d’une manière effective des questions de long terme. Par conséquent, avis défavorable.

M. Philippe Gosselin. La question des délais, comme celle des seuils, est toujours très compliquée. Au-delà des sensibilités politiques, on peut avoir des points de vue très personnels et très différents selon son expérience. Un délai de recueil des signatures aurait le mérite d’éviter des pétitions au fil de l’eau qui n’en finissent pas – cela veut dire qu’elles ne correspondent pas à un sujet d’actualité brûlante. Si une pétition s’arrête au bout de six mois, rien n’empêche un groupe ou une association de reprendre la mobilisation sur le même sujet deux ans plus tard. Je ne sais pas si le délai de six mois est le bon – il faudrait réaliser une évaluation rapidement – mais on aurait intérêt à ne pas balayer la question d’un revers de main. Un encadrement aurait un intérêt.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL173 de Mme Laetitia Avia.

Mme Laetitia Avia. Cet amendement est relatif aux éléments permettant d’identifier les pétitionnaires : c’est important si on veut éviter une embolie du CESE. Comme les pétitions pourront être signées par voie électronique, nous proposons d’ajouter l’adresse électronique au nom, au prénom et à l’adresse postale, comme nous l’avons fait, s’agissant de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, dans le cadre de la loi du 24 juin dernier, ainsi que la date et le lieu de naissance, pour éviter les faux comptes et les faux noms.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je vous propose de retirer votre amendement afin de revenir en séance sur cette question intéressante. J’aimerais être sûr que le dispositif puisse fonctionner compte tenu des outils du CESE, notamment le lien avec FranceConnect, étant entendu qu’il faudrait au moins disposer du code postal pour respecter le critère géographique.

La première question que je me suis posée lorsque j’ai envisagé le seuil de seize ans était de savoir si nous aurions les moyens techniques correspondants. Quand l’âge est dix-huit ans, on sait faire : il y a un fichier électoral. Mais on m’a assuré qu’il n’y aurait pas de problème technique si le seuil était fixé à seize ans.

M. Pacôme Rupin. Je soutiens cet amendement qui soulève une question très importante. Il faut imposer le moins de contraintes possible, mais on doit s’assurer que les pétitionnaires sont bien des personnes différentes : ils doivent donc être identifiables. Comme le garde des Sceaux l’a dit lors d’une audition, ce qui se passe sur internet pose un réel problème : il faut être capable d’identifier ceux qui veulent participer au débat public. Si on ne peut pas le faire, cela conduit à un manque de confiance dans tous les dispositifs de démocratie participative par internet. On peut réduire certaines barrières grâce à ces outils mais il faut s’assurer que les participants sont identifiés et qu’ils ne signent qu’une fois – au lieu d’utiliser plusieurs faux comptes.

M. Philippe Gosselin. Notre collègue a mis le doigt sur ce qui peut faire débat et sur ce qu’il faut à tout prix éviter. Le droit de pétition ne me pose pas de difficulté – c’est la démocratie – mais encore faut-il que le débat ne soit pas tronqué et qu’on puisse identifier les participants.

Il ne s’agit pas de créer des fichiers. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) s’y opposerait, à juste titre. Je précise que je fais partie des représentants de notre Assemblée au sein de cette autorité administrative indépendante.

En revanche, si on ne peut pas identifier les gens, s’il y a du flou, cela jette un doute sur l’ensemble du processus. La proposition du rapporteur consistant à expertiser la question pour trouver la meilleure formule est peut-être sage, mais il n’y a pas de débat dogmatique à avoir : il faut une identification pour que l’on ne puisse pas s’abriter derrière l’anonymat et signer quarante-cinq fois... C’est vraiment indispensable pour assurer le succès de la réforme, sa crédibilité et sa respectabilité.

Mme Cécile Untermaier. Je me demande si la loi organique est le bon véhicule pour des précisions de ce niveau. Ne faudrait-il pas en rester à des principes : neutralité, impartialité, probité et sécurité ? Nous n’allons pas tenir le CESE par la main : c’est une assemblée qui peut s’organiser. Le législateur est là pour rappeler des principes généraux. Cela me paraîtrait mieux que d’entrer dans le détail, au risque d’oublier des éléments pourtant utiles.

Mme Catherine Kamowski. Toute personne née en France métropolitaine ou dans les départements d’outre-mer est inscrite au répertoire national d’identification des personnes physiques : elle a, dès sa naissance, un numéro INSEE, unique et personnel.

Je ne fais, en la matière, qu’une suggestion : je ne déposerai aucun amendement à ce propos. Même s’il existe des outils permettant d’assurer une identification d’une manière totalement personnelle et protégée, est-ce bien à nous, comme l’a demandé Cécile Untermaier, d’apporter de telles précisions ?

Mme Nicole Dubré-Chirat. Il semblerait que FranceConnect utilise le numéro de sécurité sociale. Il reste que cela ne permet pas de connaître le domicile.

Je trouve que cette question devrait plutôt être réglée par le règlement intérieur du CESE, qui a une grande habitude du traitement des pétitions, même si elles ne sont pas aussi ouvertes que nous le souhaiterions.

Les critères retenus ne sont jamais complètement pertinents, mais il faut impérativement garantir le respect d’un certain nombre de principes.

M. Arnaud Viala. Je souscris à ce qui a été dit : il ne faut pas que la loi aille trop dans le détail. Il faut certainement rappeler des principes, mais sans entrer dans la nature des informations nécessaires ni dans les moyens à employer, pour les raisons qui ont été avancées mais aussi parce que les moyens de communication sont en permanente évolution. La loi qui sera adoptée en octobre prochain aura de grandes chances d’être caduque dès 2021 et a fortiori plus tard. Le règlement intérieur du CESE pourra, en revanche, épouser les évolutions techniques qui ne manqueront pas de se produire.

M. Philippe Gosselin. En ce qui concerne le numéro d’inscription au répertoire (NIR), ou numéro de sécurité sociale, il pourrait y avoir quelques difficultés à y recourir. Même si je ne veux pas préjuger, la CNIL est toujours très attentive à l’utilisation de ce numéro.

On pourrait peut-être se contenter d’affirmer, par un amendement en séance, que l’identification des pétitionnaires doit être assurée d’une manière sincère et réelle, en laissant au règlement intérieur du CESE ou, en tout cas, à une norme inférieure à la loi organique le soin d’entrer dans le détail : il y a, sinon, un risque de blocage. Ce qui nous importe est d’assurer l’identification, afin qu’il n’y ait pas de tromperie.

Mme Maina Sage. C’est une chose de vouloir renforcer les garanties en ce qui concerne la fiabilité des pétitions, c’en est une autre de le faire dans la loi organique. Cela étant, le texte que nous sommes en train de modifier est issu d’une ordonnance qui apporte déjà beaucoup de précisions qui ne devraient pas être de niveau organique. Il est prévu que la pétition « indique le nom, le prénom et l’adresse de chaque pétitionnaire et est signée par lui ». Ou bien on précise cette disposition, ou bien on l’enlève totalement. Nous pourrions faire confiance au rapporteur pour revenir sur ce point en séance. Sur le fond, je suis d’accord avec un renforcement du contrôle de la qualité du pétitionnaire.

Mme Laetitia Avia. Dans la continuité de ce qui vient d’être dit, je rappelle que des éléments d’identification – le nom, le prénom et l’adresse postale – sont déjà prévus. Nous ne nous plaçons pas au niveau des principes. L’objectif est de prendre en compte les pétitions en ligne. La loi pour la confiance dans l’économie numérique prévoit, depuis que nous avons adopté la loi du 24 juin 2020, des éléments d’identification qui permettent notamment de faire des notifications engageant la responsabilité.

Je suis disposée à retirer mon amendement pour le retravailler en vue de la séance publique, étant entendu, s’agissant des éléments techniques, qu’il faudra éventuellement une mise à niveau des applicatifs au CESE pour tenir compte de la loi, et non le contraire.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je vous propose de retravailler cette question. Il y a deux points extrêmement importants : la possibilité d’utiliser les outils actuels, ce qui est la volonté initiale du Gouvernement et la mienne, mais aussi, comme l’ont dit Mme Untermaier et, d’une autre façon, M. Viala, la nécessité de préserver une certaine souplesse pour tenir compte des évolutions technologiques, en restant à un niveau de détail qui permette d’atteindre un équilibre. Je pense que nous pourrons trouver d’ici à la séance quelque chose qui fonctionne parfaitement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL151 de Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Nous avons déjà parlé des seuils de recevabilité des pétitions. J’ai déposé cet amendement d’appel en vue de la séance : au lieu de faire référence à un nombre – 150 000, 200 000 ou 250 000 personnes –, on pourrait choisir un pourcentage assez représentatif pour que la pétition soit étudiée. Je vous propose 5 % des résidents français, ce qui équivaut à la moitié du seuil actuel, mais pourquoi pas 0,2 %, comme le rapporteur l’a suggéré, ou 1 %. En tout cas, adopter un pourcentage éviterait d’avoir à retoucher le texte dans dix ou quinze ans, en fonction de l’évolution de la démographie.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de précision CL205 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement CL111 de M. Thomas Rudigoz.

M. Thomas Rudigoz. Cet amendement vise à faciliter la communication et à améliorer la lisibilité des avis du CESE. Cette institution produit, pour ses différents avis et rapports, des notes de synthèse accessibles en ligne. Nous proposons que cela soit également le cas pour les avis portant sur les pétitions. Il n’est pas toujours très facile d’entrer dans des documents faisant plusieurs dizaines de pages. Par ailleurs, cette disposition donnera au CESE davantage de lisibilité.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je vous propose de retirer cet amendement car il est satisfait : le CESE produit toujours des notes de synthèse et des documents graphiques d’explication. Par ailleurs, ce n’est pas à la loi organique de définir ce qui relève des pratiques et du règlement intérieur de cette assemblée. Ce serait comme si la Constitution définissait la façon dont l’Assemblée nationale communique… Il faut laisser de la souplesse : vous avez parlé d’une synthèse, mais on peut aussi imaginer une vidéo. N’entrons pas dans ce niveau de détail.

L’amendement CL111 est retiré.

La Commission examine l’amendement CL133 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Laurianne Rossi. Dans le prolongement de l’article 3, qui tend à conforter la compétence du CESE en ce qui concerne les pétitions, l’amendement CL133 propose que le Conseil connaisse et instruise les pétitions adressées aux assemblées parlementaires en application de l’article 4 de l’ordonnance du 17 novembre 1958. Le CESE en serait saisi préalablement. Cela permettrait de mieux prendre en compte cette forme d’expression citoyenne et de nourrir davantage encore la collaboration entre le CESE et les assemblées parlementaires.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Cela pose un problème : les pétitions adressées à l’Assemblée nationale n’entrent pas toutes dans le champ de compétence du CESE. Elles risqueraient de ne pas être correctement traitées. Je vous propose donc de retirer votre amendement. Nous pourrons essayer de voir comment avancer d’ici à la séance, mais je crains que nous aboutissions à un résultat peu fonctionnel.

Mme Laurianne Rossi. J’entends vos arguments et je suis tout à fait disposée à retravailler l’amendement dans la perspective de la séance. Rien ne nous interdit de soumettre au CESE les pétitions adressées à nos assemblées qui entrent dans son champ de compétence. Par ailleurs, comme l’a dit Pacôme Rupin, on peut s’interroger sur la délimitation des compétences en ce qui concerne les pétitions. Nous pourrions retravailler ces catégories, voire les supprimer.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 3 modifié.

Article 4 (art. 4-2 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social) : Organisation de consultations publiques

La Commission est saisie de l’amendement CL178 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. L’article 4, qui se veut le cœur de la réforme du CESE, pose deux problèmes, concernant à la fois la méthode et le fond.

S’agissant de la méthode, le dispositif retenu ouvre une possibilité qui n’est pas du tout contingentée et qui laisse une importante marge en ce qui concerne l’organisation des consultations publiques. Nous ne savons pas, au moment où nous examinons ce texte, comment ces consultations seront organisées, avec quels moyens, et quelles en seront les conséquences financières.

Sur le fond, il y a un problème de légitimité s’agissant de la consultation des membres tirés au sort. Dans une démocratie, la légitimité trouve évidemment sa source dans l’élection, qui permet aux citoyens de choisir librement leurs représentants et de leur confier un mandat, quel qu’il soit.

La légitimité du CESE a de nombreuses fois été mise en cause, car ses membres ne sont pas élus : ils sont nommés par des organisations dont ils dépendent. On a toujours justifié cette composition particulière du CESE par les objectifs poursuivis, qui sont principalement la représentation des corps intermédiaires et la publication d’avis consultatifs, qui n’ont donc pas de force contraignante.

La désignation par tirage au sort est, à mon avis, incompatible avec l’objectif de représentation des corps intermédiaires, même pour une consultation publique.

Le CESE déléguerait ainsi certaines de ses attributions. Je tiens par ailleurs à souligner que le nombre des instances consultatives pose question. Une annexe au projet de loi de finances pour 2020 recensait 394 commissions et instances délibératives placées auprès du Premier ministre ou des ministres. Avant de permettre la création de nouvelles instances, il faudrait rationaliser la situation actuelle.

Quentin Sauzay, coprésident du collectif Démocratie ouverte, a estimé que le modèle de la Convention citoyenne est « trop jeune pour être institutionnalisé », car « on a encore très peu de recul ». Selon lui, cela doit rester « un dispositif exceptionnel, sur des questions lourdes avec de vrais blocages » : « si l’on se met à faire des conventions citoyennes pour tout, cela sera juste un avis du CESE augmenté ».

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous sommes effectivement au cœur du texte, ou dans un de ses cœurs – il en a plusieurs, ce qui permettra sans doute à la réforme d’être plus puissante. (Sourires.)

Comme Quentin Sauzay, je pense qu’il est trop tôt pour institutionnaliser le modèle de la convention citoyenne. Ce n’est d’ailleurs pas du tout ce que nous sommes en train de faire : nous allons adopter un cadre juridique fonctionnel pour l’organisation de consultations par le CESE.

Les consultations ne se réduisent pas à la convention citoyenne. Même si celle-ci fait l’objet d’une petite obsession en ce moment, ce qui peut être le signe de son succès, de l’intérêt qu’elle a eu pour les Français, ce n’est pas la seule méthode de consultation. De même, le tirage au sort n’est pas le seul moyen possible pour déterminer sa composition.

Le cadre prévu par l’article 4 permettra de donner de l’agilité et de la souplesse au CESE pour prendre en compte la volonté de participation des citoyens. Cela n’aura aucun caractère décisionnaire : au demeurant, le CESE n’a pas de capacité de décision. Il doit rester un conseil et une boîte à outils – même si ce terme n’est peut-être pas gracieux quand on parle d’une institution – pour l’Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement avec lesquels les liens doivent être renforcés.

J’ai déposé un amendement qui fixera un cadre et permettra d’apporter des garanties extrêmement importantes pour l’organisation de la participation du public aux travaux du CESE.

J’émets un avis défavorable à votre amendement. En supprimant l’article 4, comme vous le demandez, on enlèverait l’un des principaux motifs de cette réforme.

M. Éric Diard. Je retire mon amendement, dans l’attente de l’amendement du rapporteur et de l’examen dans l’hémicycle.

L’amendement CL178 est retiré.

La Commission examine l’amendement CL208 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. C’est un amendement extrêmement important. J’ai trouvé, lorsque j’en ai pris connaissance, que le texte initial manquait des garantie en ce qui concerne la méthode retenue pour l’association du public aux travaux du CESE. Un certain nombre de spécialistes de la participation citoyenne que nous avons auditionnés ont eux aussi estimé qu’il y avait une lacune à cet égard.

Cet amendement permettra d’apporter des clarifications utiles en laissant au CESE et aux citoyens, avec lui, la capacité d’inventer des moyens de consultation nouveaux. C’est aussi l’avantage de la participation citoyenne : elle est créative, parfois disruptive, et elle peut nous bousculer un peu.

Les modalités de l’association du public devront présenter des garanties en matière de sincérité, d’égalité, de transparence et d’impartialité. Il faudra que la définition du périmètre du public associé assure une représentativité appropriée à l’objet de la consultation ou de la participation. Le CESE devra également délivrer une information claire et suffisante sur l’objet de la consultation et veiller à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics.

Nous pourrons ainsi lever toutes les craintes dont nous ont fait part les constitutionnalistes et les juristes spécialisés dans ces questions – certains d’entre eux nous l’ont confirmé après avoir pris connaissance de cette rédaction.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Nous avions déposé un amendement identique pour garantir un encadrement de la participation des citoyens par des principes permanents. Toutes les instances qui pratiquent la participation citoyenne ont insisté sur cette demande.

Mme Cécile Untermaier. Sur les garanties d’impartialité et la qualité du tirage au sort, le groupe Socialistes vous proposera plus loin un amendement CL145 qui tend à définir les critères – âge, sexe, nationalité, diplôme, catégorie socioprofessionnelle, type de territoire et zone géographique – selon lesquels sera organisé le tirage au sort. Nous nous demandons en effet s’il ne revient pas au législateur d’établir ce type de critères. Mais je crains que l’adoption de l’amendement du rapporteur, tout à fait intéressant, ne le fasse tomber.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Non, elle ne fera pas tomber votre amendement CL145.

Mme Cécile Untermaier. Tant mieux !

M. Philippe Gosselin. Éric Diard a raison de soulever des questions de forme et de fond. Sur la forme, même si sa réponse n’est pas parfaite, le rapporteur apporte, par son amendement, des éléments de contrôle, de sincérité et de sécurité.

Cependant, nous avons quelques interrogations sérieuses sur le tirage au sort lui-même. Il n’est pas question de court-circuiter la démocratie représentative. Or, même si la question du tirage au sort ne s’y résume pas, les enseignements tirés de la convention citoyenne pour le climat sont encore trop lacunaires pour qu’on se permette de généraliser le dispositif. En outre, celui-ci soulève quelques difficultés au sein même du CESE, dont les membres sont désignés par des organisations professionnelles, syndicales ou environnementales et qui peuvent se prévaloir de la légitimité conférée par les élections professionnelles, par exemple. Et tous les membres du CESE ne se réjouissent pas à l’idée d’accueillir des citoyens tirés au sort, vous le savez comme moi…

À défaut de pouvoir revenir sur le tirage au sort – car je ne me fais pas d’illusion : même si nous sommes nombreux à partager les mêmes interrogations, nous ne serions pas majoritaires sur ce point –, il faut à tout le moins nous assurer que la forme est irréprochable. Peut-être faudra-t-il, d’ici à la discussion en séance publique, aller encore un peu plus loin dans ce domaine.

Mme Maina Sage. Monsieur le rapporteur, votre amendement suscite plusieurs interrogations, car il modifie l’article 4 sur un point très important. Pour commencer, il prévoit que le Conseil « peut », à son initiative ou à la demande du Gouvernement, recourir à ce type de consultations. Or, j’ai le sentiment, à la lecture de votre amendement, qu’il systématiserait l’association du public aux travaux organisés par le CESE avec la société civile. Ce point me semble devoir être clarifié.

Il soulève, par ailleurs, une question de forme, car son adoption ne ferait pas tomber les amendements qui ont été déposés à l’alinéa 2, autrement dit le texte proposé pour l’article 4-2 de l’ordonnance notamment par mon amendement CL152. Du coup, la combinaison des articles 4-1 et 4-2 pourrait être problématique.

Quant au second alinéa que vous proposez d’insérer avant l’alinéa 2, il est trop flou : le CESE déciderait du « moment approprié » auquel les résultats seront rendus publics. Cela me gêne. Les choses doivent être claires : si consultation il y a, elle doit être transparente.

Enfin, qui définit la « représentativité appropriée » des citoyens ? Je pose la question car, tenez-vous bien, mes chers collègues, lors de l’organisation de la convention citoyenne pour le climat, les outre-mer – c’est la raison pour laquelle nous avons déposé l’amendement CL152 – n’avaient pas été inclus dans la liste des citoyens tirés au sort : il a fallu rattraper le coup par la suite. Lorsqu’on sait que 66 % de la zone économique exclusive française se trouve dans le Pacifique, que 80 % de la biodiversité française se situe en outre-mer, il y a de quoi s’interroger !

Pour ces différentes raisons, votre amendement me laisse dubitative.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je vais m’efforcer de vous rassurer. Premièrement, l’amendement débute ainsi : « Lorsque le Conseil économique, social et environnemental associe le public […]. » Autrement dit, l’association du public aux travaux du conseil n’est pas systématique.

Deuxièmement, nous proposons d’insérer la disposition à cet endroit du texte car il s’agit d’un « chapeau » qui définit, pour l’ensemble du projet de loi, les garanties entourant la participation ou la consultation des citoyens. J’ajoute que lesdites garanties sont issues des discussions que nous avons eues avec des spécialistes de la participation citoyenne. Quant à l’alinéa que vous jugez flou, sa rédaction s’inspire, d’une part, de la jurisprudence du Conseil d’État, en particulier de l’arrêt Association citoyenne pour Occitanie et Pays Catalan et autres du 19 juillet 2017 et, d’autre part, de l’article L. 131-1 du code des relations entre le public et l’administration. Autrement dit, nous avons tout fait pour le border.

Au demeurant, un certain nombre de spécialistes nous ont assuré que cet amendement marquait une vraie belle avancée et que les garanties qu’il offre étaient de nature à apaiser leurs craintes que les consultations soient organisées sans véritable cadre et puissent être ainsi frappées d’insincérité. Comme l’a indiqué M. Gosselin, le succès d’une consultation citoyenne, quelle qu’elle soit, dépend de sa sincérité, de la publication de ses résultats et des suites qu’on propose de leur donner.

S’agissant des outre-mer, l’amendement précise que la représentativité est « appropriée à l’objet de la consultation ou de la participation ». Ils seront donc forcément pris en compte si le sujet concerne l’ensemble du pays. Je vous l’accorde, lors de l’organisation de la convention pour le climat, ils ont été oubliés. Mais nous apprenons des bonnes pratiques…

M. Philippe Gosselin. Il est vrai que les ultramarins ont été un peu traumatisés par cet oubli qu’ils ont vécu comme une nouvelle stigmatisation – je ne dis pas qu’elle était volontaire. Aussi, il me semble que nous pourrions ajouter aux critères de représentativité – âge, catégorie socioprofessionnelle… – celui des territoires. Il serait en effet tout aussi idiot de ne pas consulter les ultramarins sur de nombreux sujets que de ne pas consulter les citoyens issus de territoires montagnards sur un sujet concernant la montagne ou de ne consulter, par le hasard du tirage au sort, que des citoyens de l’est de la France sur des sujets concernant la côte ouest-atlantique… Certes, il s’agit dans tous les cas de citoyens, mais mieux vaut peut-être qu’ils soient quelque peu enracinés et qu’ils aient tout au moins quelques connaissances des territoires concernés. Il faut donc que nous nous assurions que cette idée, me semble-t-il partagée par tous, soit intégrée de façon indiscutable dans le texte, quitte, monsieur le rapporteur, à ajouter une virgule ou un ou deux mots à votre amendement.

Mme Cécile Untermaier. Je suis assez convaincue par les propos du rapporteur. De fait, son amendement commence bien par les mots : « Lorsque le CESE associe le public » ; il est donc bien évident que celui-ci ne sera pas systématiquement associé à ses travaux. Par ailleurs, il est important que des principes généraux identifiés figurent à l’article 4. Le groupe Socialistes votera donc cet amendement. Néanmoins, il me semble que nous pourrions apporter des précisions supplémentaires, mais nous y reviendrons ultérieurement.

Mme Maina Sage. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour vos précisions, qui me rassurent. Je maintiendrai cependant l’amendement CL152 concernant les outre-mer. Chat échaudé craint l’eau froide, comme on dit. Je compte sur votre soutien unanime !

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL180 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Il s’agit d’un amendement de repli. Afin de garantir la bonne utilisation de la consultation du public par tirage au sort ainsi qu’un maintien de l’activité normale du CESE, il est proposé de permettre à celui-ci de ne recourir à cette procédure qu’une fois par mandat : la répétition de telles consultations serait en quelque sorte une marque de mépris pour le travail du CESE.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il faut maintenir la possibilité pour le CESE de consulter le public plusieurs fois au cours d’une mandature. Avis défavorable.

M. Éric Diard. Je ne suis pas étonné… Je maintiens mon amendement. Je ne suis pas favorable à la procédure du tirage au sort : y recourir, c’est mépriser les travaux du CESE.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Une multiplication des restrictions n’est pas de nature à inciter les citoyens à organiser des pétitions ou à s’investir dans les conventions. Il faut préserver une certaine souplesse.

M. Philippe Gosselin. On peut, certes, maintenir une certaine souplesse et faire confiance au CESE, mais n’oubliez pas que l’article 4-2 de l’ordonnance, tel que proposé par le projet de loi, dispose que la consultation du public peut également être sollicitée par le Gouvernement. Quand bien même le CESE recourrait-il à cette procédure avec parcimonie et intelligence, il se peut qu’un gouvernement soit tenté de demander systématiquement ou presque un tirage au sort. L’épure n’est alors plus du tout la même. Peut-on faire autant confiance au Gouvernement qu’au CESE ? C’est une question à laquelle, sans ironie, je me garderai bien de répondre de manière affirmative.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Actuellement, l’exécutif peut – il vient de le faire – organiser une convention citoyenne en dehors de tout cadre. Or nous sommes précisément en train de fixer un cadre qui entourera la procédure de garanties. L’article 4 marque donc une réelle avancée.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL139 et CL138 de Mme Cécile Untermaier, CL209 du rapporteur et CL192 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

Mme Cécile Untermaier. Par l’amendement CL139, nous proposons de préciser qu’une consultation du public peut être organisée à la demande d’une minorité de parlementaires. Toutefois, une telle disposition ne serait pas conforme à la Constitution ; c’est pourquoi nous étudierons la possibilité de l’insérer dans le règlement.

L’amendement CL138 vise à offrir au Parlement la possibilité de consulter le public, au même titre que le Gouvernement.

L’amendement CL139 est retiré.

M. Erwan Balanant, rapporteur. L’amendement CL209, dont la rédaction est davantage adaptée au droit en vigueur, satisfait votre amendement CL138, madame Untermaier. Il est en effet essentiel que le Parlement puisse saisir le CESE d’une demande de consultation du public car, s’il était privé de cette possibilité, le rôle des assemblées et leur puissance d’agir seraient dilués. Cet ajout est très important pour améliorer l’articulation de la démocratie participative et de la démocratie représentative.

Mme Nicole Dubré-Chirat. L’amendement CL192 a le même objet que celui du rapporteur puisqu’il vise à donner au président de l’Assemblée nationale et au président du Sénat la faculté de demander au CESE de recourir, pour l’exercice de ses missions, à la consultation du public dans les matières relevant de sa compétence en organisant, le cas échéant, une procédure de tirage au sort pour déterminer les participants.

M. Philippe Gosselin. Je comprends la volonté d’établir un parallélisme des formes et des compétences entre le Gouvernement et le Parlement, mais ces amendements instillent un doute en brouillant la frontière qui sépare ce qui relève du régime représentatif de ce qui relève de la consultation citoyenne. Il est en effet curieux que le Parlement, emblème du système représentatif, sollicite indirectement la consultation de citoyens tirés au sort… Je ne dis pas qu’il s’agit d’un scandale absolu mais, en adoptant ce type de dispositions, on s’exposerait, sans avoir l’air d’y toucher, à un réel risque de dérive.

Mme Marietta Karamanli. Monsieur le rapporteur, nous regrettons que vous n’ayez pas retenu la proposition du groupe Socialistes : quelles garanties avons-nous que le président d’une des deux assemblées, lui-même issu de la majorité, saisisse le CESE d’une demande de consultation du public émanant d’une minorité de parlementaires ? Votre amendement n’est pas clair à cet égard.

M. Erwan Balanant, rapporteur. La question a été abordée tout à l’heure.

Mme Marietta Karamanli. Certes, mais nous n’avons pas obtenu de réponse.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Si, la réponse est tout simplement d’ordre constitutionnel. C’est la Constitution qui prévoit, par exemple, que soixante parlementaires peuvent saisir le Conseil constitutionnel. Nous ne pouvons pas, dans ce texte, permettre à une minorité de parlementaires de saisir le CESE alors que la Constitution fait référence au Parlement. Rien n’empêche qu’une minorité de parlementaires puisse formaliser une demande dans ce sens mais la procédure relève des pratiques internes de chacune des deux assemblées, donc de leurs règlements respectifs. Faire état d’un droit pour la minorité serait tout simplement inconstitutionnel.

Les amendements CL139 et CL138 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CL209.

En conséquence, l’amendement CL192 tombe.

La Commission examine ensuite l’amendement CL179 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Nous proposons que des représentants du CESE, de l’Assemblée nationale et du Sénat sélectionnent les personnes tirées au sort afin de s’assurer qu’elles connaissent le sujet sur lequel elles seront consultées.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Avis défavorable. Tout d’abord, il faut conserver à l’organisation de la consultation par le CESE une certaine souplesse. Mais surtout, une telle sélection a priori contrevient à l’esprit du tirage au sort. Lorsque des jurés de cour d’assises sont révoqués, ils le sont pour des raisons objectives et non au motif que leur tête ne vous revient pas ou qu’ils connaîtraient mal le sujet. L’objectif du tirage au sort est précisément d’assurer une représentation neutre de la citoyenneté – étant entendu qu’un parlementaire est aussi un citoyen.

M. Arnaud Viala. La comparaison des parlementaires élus au suffrage universel avec les citoyens tirés au sort me semble malvenue. Et la comparaison avec le tirage au sort des jurés des cours d’assises l’est tout autant. Ces derniers sont des citoyens qui sont désignés pour exercer, en leur âme et conscience, une fonction de juge dans une enceinte judiciaire. Dans le cas qui nous occupe, on considère qu’une personne désignée par le simple fait du hasard peut devenir représentative d’une catégorie de la société. Tant que nous ne débattrons pas de cette question, nous créerons artificiellement des consultations qui souffrent cruellement d’un manque, sinon de légitimité, du moins de représentativité. Au reste, cette question ne concerne pas le seul CESE ; elle vaut également pour toutes les consultations directes organisées sous la forme d’assemblées dont les membres sont tirés au sort. Il y a là véritablement matière à débat, et je ne crois pas que le Parlement s’honore à l’éluder systématiquement.

M. Philippe Gosselin. Notre collègue Viala a parfaitement raison. Le tirage au sort des jurés des cours d’assises n’a rien à voir avec celui qui est effectué dans le cadre d’une consultation citoyenne. Les jurés ne sont pas soumis à des conditions de représentativité liées à leur catégorie socioprofessionnelle, leur origine géographique, leur genre ou leur âge : ils sont tirés au sort parce qu’ils représentent le peuple français – et non l’une ou l’autre de ses composantes, Monsieur Molac, la République est une et indivisible – au nom duquel la justice est rendue. Si l’on recourt au tirage au sort, c’est parce qu’il est impossible de réunir l’ensemble du peuple français au sein d’un tribunal. Au plan théorique, les deux formes de tirage au sort sont bien distinctes. Attention à certains glissements qui pourraient nous mener très rapidement à des impasses.

M. Pacôme Rupin. Ce débat est fondamental. On ne peut nier le succès de la convention citoyenne pour le climat, du point de vue tant de son écho médiatique que de la qualité de ses propositions. Ce type de consultation publique n’est pas concurrent du Parlement, il est complémentaire. À la différence des citoyens, les parlementaires défendent des convictions politiques ; qui plus est, et nous sommes bien d’accord sur ce point, les propositions des citoyens ne sont pas décisionnelles. La multiplication des conventions citoyennes est donc une avancée majeure. Travaillons à la complémentarité de la démocratie représentative et de la démocratie participative au lieu d’y voir deux formes de démocratie concurrentes.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Lorsque je comparais le tirage au sort des jurés des cours d’assises avec celui des citoyens dans le cadre d’une consultation, je me plaçais sur le plan de la forme, des modalités. Ce sont en effet deux choses très différentes.

Il y a, me semble-t-il, une confusion – bien compréhensible, car la matière est assez neuve et soulève des questions de philosophie politique – entre représentativité, notion qui renvoie à la constitution d’un panel représentatif de la population, et représentation nationale. Comparaison n’est pas raison, Monsieur Gosselin, mais, comme pour les jurés d’assises, le tirage au sort permet de réunir un groupe représentatif de la population pour obtenir un éclairage, et non une décision, sur un sujet. L’articulation entre démocratie participative et démocratie représentative est un enjeu majeur pour notre démocratie, qui doit être continue. De fait, dans l’interstice entre deux élections, parfois il ne se passe rien. Il faut donc améliorer le dialogue continu entre les citoyens et leurs représentants et, sinon l’institutionnaliser, du moins l’encadrer et le garantir pour qu’il soit efficace. Il ne s’agit pas d’autre chose dans ce texte.

Ne soyons pas obsédés par le tirage au sort. Il est un élément important mais n’est pas l’alpha et l’oméga de la participation citoyenne, qui peut être organisée sous d’autres formes : envoi de questionnaires à grande échelle, constitution de panels plus limités dont les participants sont non pas tirés au sort mais choisis à raison de leur représentativité…

La question de la légitimité est fondamentale. Dans une démocratie, le citoyen est fondé à donner son avis ; le représentant de la nation, quant à lui, est fondé à décider – et, en tant que citoyen député, je suis aussi fondé à donner mon avis. Il nous faut articuler ces deux légitimités qui sont non pas concurrentes mais complémentaires.

M. Arnaud Viala. Je suis d’accord avec votre analyse de la légitimité, pour peu que ceux qui sont chargés de la décision ultime, à savoir les représentants du peuple, assument pleinement leurs décisions. Or, on constate que, sur des sujets épineux, on s’abrite très souvent derrière une consultation du public pour ne pas trancher ou pour aller dans le sens du résultat qu’elle donnera, de sorte que le rôle de ces organes consultatifs est détourné. J’en veux pour preuve la convention citoyenne pour le climat, dont les conclusions ont en définitive orienté les décisions de l’exécutif.

Mme Maina Sage. Si l’on veut consulter, le résultat de la consultation doit être probant, significatif, ce qui suppose d’établir des critères propres à garantir que l’ensemble des personnes concernées ont été consultées.

Par ailleurs, si « compétition » il peut y avoir, elle oppose moins la consultation du public au Parlement qu’au CESE lui-même, qui est composé de personnalités représentant les corps intermédiaires de la société civile. L’organisation de consultations publiques est une avancée majeure, et je la soutiens pleinement, mais elle ne doit pas se faire au détriment du cœur de la mission du CESE. Se pose donc la question de savoir jusqu’où les consultations publiques doivent être associées aux travaux du Conseil. Je crains qu’en confiant cette nouvelle mission au CESE, on ne diminue son rôle. J’observe, du reste, qu’on limite le nombre de ses membres et qu’on le fragilise en gommant la notion de représentation des associations de jeunesse ou la garantie de représentation des outre-mer. Bref, oui à la consultation publique, mais pas au détriment du Conseil lui-même.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Il faut apaiser les craintes suscitées par la procédure de tirage au sort qui est différente de celle des jurés de cour d’assises, même si elles peuvent avoir certains éléments en commun. Ainsi, je le rappelle, les jurés ne peuvent refuser de siéger. Il s’agit ici de recueillir un avis consultatif, et il est nécessaire. La pratique du tirage au sort existe depuis longtemps pour la constitution de panels représentatifs, notamment dans le cadre des enquêtes d’opinion, et elle n’est pas exclusive d’autres méthodes d’interpellation citoyenne. Il ne faut pas avoir peur de ce dispositif.

M. Philippe Gosselin. Je souscris aux propos de Mme Sage. Le risque existe d’un affadissement, sinon du rôle du CESE, du moins de la place de ses membres réguliers. Allons jusqu’au bout de la démarche : dès lors que le mode de désignation de ces derniers est différent de celui des personnes consultées, apparaissent des risques, sinon de concurrence, du moins de télescopage. Les statuts, les moyens peuvent être différents ; en tout cas, la question ne peut pas être balayée d’un revers de main. Sans doute, du reste, existe-t-il des réponses ; je l’espère, en tout cas. Il ne s’agit pas pour moi d’exprimer un refus catégorique.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Monsieur Gosselin, il n’y a aucun risque « d’affadir » le rôle du CESE. Au contraire, notre réforme vise à revaloriser et à redonner de la visibilité à l’institution. Le garde des Sceaux l’a rappelé hier, nos concitoyens connaissent « peu » le CESE – et c’est un euphémisme : ils ne le connaissent pas, voire s’en moquent. Ici, ses avis sont très peu, voire pas lus. C’est tout l’enjeu : il faut adapter le CESE aux évolutions de la société, à ses aspirations, permettre aux citoyens de participer à ses débats, diversifier ses méthodes de travail. C’est d’ailleurs ce qu’il souhaite puisque ses membres ont participé à la réflexion sur cette réforme.

On n’a jamais autant parlé du CESE que durant la Convention citoyenne pour le climat. Lors des auditions, nos concitoyens nous ont fait part de leurs attentes concernant le rôle de ce Conseil et les garanties à apporter au bon déroulement des conventions citoyennes.

Il s’agira d’un apport pertinent pour les travaux du CESE. Il faudra simplement bien réfléchir à l’articulation de ses travaux avec ceux des chambres parlementaires, afin de leur garantir un véritable débouché.

Mme Cécile Untermaier. Je comprends les interrogations de notre collègue Gosselin, mais ne crois pas à la concurrence : le CESE aura toujours la main sur la consultation. Je crains plus la concurrence avec l’Assemblée nationale. Nous l’avons constaté lors de la Convention citoyenne pour le climat : des propositions que nous formulions depuis des années sans jamais avoir l’oreille du Gouvernement ont clairement bénéficié de cette consultation ! Il ne faudrait pas que, par le biais de consultations citoyennes, le Conseil économique, social et environnemental devienne un filtre à la réflexion du législateur… Une telle concurrence serait délétère pour l’Assemblée nationale.

Les députés sont également capables d’animer un débat avec les citoyens. Nous devons éviter que ne s’installe une sorte d’assemblée des citoyens sur laquelle nous n’aurions plus la main. La parole citoyenne appartient également à toutes les autres institutions.

M. Éric Diard. Je vais passer pour un ancien combattant… En 2008, j’étais le rapporteur de la commission des Lois quand le Conseil économique et social est devenu le CESE. Je ne voudrais pas vous décourager, mais nous entendions les mêmes propos – c’était une révolution, on allait tout changer, on intégrait enfin le volet environnemental, on aurait un Conseil représentatif de tous les Français… On a vu ce qu’il en est advenu. J’espère que nous ne formons pas à nouveau un vœu pieux et que les choses vont évoluer !

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels identiques CL207 du rapporteur et CL193 de Mme Nicole Dubré-Chirat, CL1 de Mme Emmanuelle Anthonie, et CL2 de Mme Valérie Bazin-Malgras.

L’amendement CL191 de Mme Nicole Dubré-Chirat est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL145 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Il s’agit de préciser les critères qui satisfont à l’exigence de neutralité et d’impartialité que nous recherchons s’agissant du tirage au sort.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’amendement chapeau, que nous avons adopté tout à l’heure.

Mme Cécile Untermaier. Je ne le retire pas, malgré ma volonté d’être constructive, car nous devons préciser les règles relatives au tirage au sort, afin de nous assurer de sa qualité.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements identiques CL206 du rapporteur et CL195 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Cet amendement n’est pas seulement rédactionnel. Pour faire suite à nos échanges avec M. Viala, nous souhaitons éviter toute confusion : la « représentation » résulte de l’expression du suffrage. Nous souhaitons lui substituer le terme « représentativité », plus approprié pour un tirage au sort.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Mon amendement CL195 a le même objet.

La Commission adopte les amendements.

Elle en vient à l’amendement CL8 de M. M’Jid El Guerrab.

M. Christophe Euzet. Les opérations de tirage au sort pour les consultations doivent permettre la représentation des Français de l’étranger.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Votre amendement est satisfait par mon amendement chapeau, précédemment adopté.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL152 de Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Nous souhaitons que le tirage au sort garantisse la représentation des citoyens d’outre-mer, contrairement à ce qui s’est malheureusement passé lors de la Convention citoyenne pour le climat. Certes, il y a eu une forme de rattrapage mais nous préférerions que les outre-mer soient spécifiquement visées pour éviter semblable oubli à l’avenir. Ce n’est pas nécessairement conscient ou malveillant, mais lorsque vous êtes à vingt mille kilomètres, on a vite fait de vous oublier…

M. Erwan Balanant, rapporteur. Madame Sage, vous connaissez mon intérêt et ma sensibilité pour les outre-mer. Je comprends vos arguments, mais il me semble que nous avons avancé sur cette question – nous y reviendrons ultérieurement. En outre, l’amendement chapeau assure cette représentativité, sa rédaction étant inspirée de dispositions prévues par le code des relations entre le public et l’administration.

Vous avez raison, l’absence de représentant des outre-mer au sein de la Convention citoyenne était un oubli fâcheux, plus ou moins rattrapé. Certes, on peut penser que les contraintes liées aux voyages ont pu entrer en ligne de compte, mais le CESE peut parfaitement utiliser des outils de visioconférence ou autres pour certaines consultations.

En l’espèce, je le répète, votre demande est satisfaite. Je souhaiterais le retrait de votre amendement.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Le code des relations entre le public et l’administration prévoit-il explicitement la représentation des outre-mer ?

M. Erwan Balanant, rapporteur. Non, mais il prévoit des garanties assurant la représentativité des consultations.

M. Philippe Gosselin. Le coût du voyage pour les ultramarins ne saurait entrer en ligne de compte, monsieur le rapporteur. Il faut être attentif à la continuité de la République, au-delà des distances. Même si la venue d’ultramarins entraîne des frais supérieurs à celle de Normands qui, comme moi, font Paris-Cherbourg avec la SNCF, cela ne doit pas – et ne peut pas – être un sujet ! Faisons attention à ce genre de propos, qui pourrait être mal interprété.

Mme Laetitia Avia. Monsieur le rapporteur, votre amendement chapeau vise à assurer la représentativité de tous, et donc des outre-mer. Mais nous devons aussi être vigilants à la portée politique de ce texte et des événements récents : les outre-mer auraient dû être représentés lors de la Convention citoyenne ; or ils ne l’ont pas été. En outre, jusqu’à présent, ils étaient spécifiquement visés dans la composition du CESE ; ils ne le seront plus. Demain, nous devons pouvoir leur dire clairement qu’ils ont toute leur place dans les mécanismes de participation citoyenne que nous mettons en place grâce au CESE. Cela ne mangerait pas de pain de l’écrire !

Je suis donc favorable à l’amendement, même s’il eut peut-être été préférable de ne pas parler de trois participants, mais de représentants d’outre-mer issus des trois bassins océaniques.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je partage totalement votre objectif de transmission d’un message fort aux outre-mer. Bien entendu, le coût n’est pas un problème. Je le dis souvent, la démocratie a un coût, nous devons l’assumer.

Pour autant, chère Maina, en l’état actuel de sa rédaction, votre amendement ne fonctionne pas car on ne peut prévoir trois participants issus des outre-mer pour toutes les consultations – qu’elles comportent vingt ou cent participants. Je m’engage à revoir la rédaction de mon amendement pour la séance, afin d’y inscrire dans le marbre la représentation des outre-mer. Vous connaissez ma sensibilité et nos avancées collectives sur le sujet.

M. Philippe Gosselin. Madame Avia, dire que cela « ne mange pas de pain » est un peu condescendant pour les ultramarins, même si ce n’était votre objectif. Ils ne demandent pas l’aumône ; ce sont des citoyens de la République comme les autres. On ne tiendrait peut-être pas ce type de propos s’il s’agissait d’autres départements…

Mme Maina Sage. Cela ne mange effectivement pas de pain : ne vous inquiétez pas, nous le prenons positivement ! J’entends les arguments du rapporteur. Mais pourquoi ne pas voter l’amendement et améliorer la rédaction pour la séance ? Nous enverrions un message fort.

La Commission adopte l’amendement.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Cet ajout ne fait pas de sens.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Monsieur le rapporteur, vous améliorerez la rédaction du dispositif en vue de la séance. La commission des Lois entend envoyer un message à nos outre-mer : ils comptent et nous souhaitons qu’ils ne soient plus oubliés lors de ce type de consultation. Il faut les associer systématiquement. Nous comptons sur vous pour vous rapprocher du Gouvernement et de Mme Sage afin de trouver une rédaction qui vous convienne mieux. En attendant, cet amendement a bel et bien été adopté par la commission.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Les outre-mer sont une de nos principales préoccupations. Avec Mme Sage et d’autres élus des outre-mer, j’ai d’ailleurs organisé une conférence téléphonique avec leurs représentants au CESE pour améliorer le projet de loi. Mais je maintiens que cet amendement ne fonctionne pas en l’état. Il est trop limitatif et posera des problèmes d’organisation lors de certaines consultations. Je comprends le signal, mais je l’avais entendu bien avant qu’il ne soit envoyé !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous n’avons pas dit le contraire. Mais la commission a voté.

La Commission examine en discussion commune les amendements CL174 de Mme Laetitia Avia et CL194 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

Mme Laetitia Avia. S’il y a un sujet que M. le rapporteur porte avec autant de force et de conviction que les outre-mer, c’est bien l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mon amendement vise à garantir que le tirage au sort favorise une parité entre les femmes et les hommes. Aucun sujet ne saurait être exclusivement traité par des hommes ou des femmes. Je me rallierai si besoin est à l’amendement CL194 du groupe, porté par Mme Dubré-Chirat, qui poursuit le même objectif.

Mme Nicole Dubré-Chirat. L’amendement CL194 vise effectivement à prévoir l’égal accès des femmes et des hommes aux consultations.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je vous propose un retrait pour y réfléchir d’ici la séance.

M. Philippe Gosselin. La parité serait-elle dans le chapeau ?

M. Erwan Balanant, rapporteur. Monsieur Gosselin, ces amendements sont effectivement largement satisfaits par le mien, puisque c’était une de mes préoccupations. Les notions d’égalité et de représentativité englobent la parité. Mme Avia a d’ailleurs rappelé mon intérêt et mon combat pour l’égalité femmes-hommes.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Comme l’a dit Mme Sage, cela va parfois mieux en l’écrivant…

Mme Laetitia Avia. Il est important d’inscrire ce principe dans le projet de loi organique. Votre amendement chapeau, monsieur le rapporteur, dispose seulement que la représentativité sera « appropriée à l’objet de la consultation ». Bien qu’il y ait eu des avancées, notre société ne garantit pas encore complètement la parité. Nous ne pouvons donc prendre le risque de n’avoir par exemple que 20 % de femmes au sein d’une consultation dont on considérera que les parties prenantes sont à 80 % des hommes. La représentativité doit être paritaire pour toutes les consultations.

La Commission adopte l’amendement CL174.

En conséquence, l’amendement CL194 tombe.

La Commission examine en discussion commune les amendements CL66 de Mme Paula Forteza et CL141 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Paula Forteza. L’amendement CL66 tend à confier le pilotage des conventions citoyennes à un comité indépendant – nous avons pu constater l’importance d’un tel pilotage lors de la Convention citoyenne pour le climat. Cette gouvernance indépendante permettrait d’éviter de confondre le rôle du CESE comme lieu d’accueil de la consultation citoyenne et son rôle comme acteur institutionnel consultatif.

Mme Cécile Untermaier. Mon amendement CL141 vise à inscrire dans la loi les principes d’une consultation sérieuse. La notion d’indépendance notamment est essentielle. Peut-être pourrait-on l’intégrer au sein de votre « chapeau », monsieur le rapporteur ?

M. Erwan Balanant, rapporteur. Ces amendements sont intéressants et répondent à une préoccupation exprimée à plusieurs reprises lors des auditions. Nous y répondons en apportant des garanties importantes encadrant le recours aux consultations citoyennes. Ces principes sont suffisants au niveau de la loi organique. Il appartiendra ensuite au CESE de décliner les modalités d’application au sein de son règlement intérieur, en fonction des différents types de consultations. Laissons-lui de la souplesse et de l’agilité.

Mme Cécile Untermaier. Mon groupe estime que l’indépendance doit être inscrite dans la loi organique. Or elle n’apparaît pas dans votre amendement chapeau, monsieur le rapporteur. Vous visez la sincérité, l’égalité, la transparence, l’impartialité, mais pas l’indépendance, ce qui donne le sentiment que le CESE serait sous la dépendance du Parlement et du Gouvernement. Pourtant, quand il est saisi, il doit travailler le plus indépendamment possible.

Je conçois que, tel qu’il est présenté, mon amendement n’est pas totalement satisfaisant. Mais l’indépendance doit être totale vis-à-vis des lobbies, ou des demandes transmises. Si des experts considèrent que c’est superfétatoire, en tant que législateur, nous devons mener ce combat et prévenir les conflits d’intérêts, afin que les consultations publiques soient les plus impartiales et indépendantes possibles.

Mme Paula Forteza. Lors de la Convention citoyenne pour le climat, le comité de pilotage, indépendant du CESE, était composé de personnalités expertes de la démocratie participative et du climat qui ont veillé à la sincérité et à la transparence de la consultation, ainsi qu’aux méthodes et aux bonnes pratiques de la démocratie participative. Le CESE ne saurait en décider, nous devons le prévoir dans la loi. Je ne retirerai pas mon amendement. Avançons sur le sujet pour la séance !

M. Erwan Balanant, rapporteur. Mon amendement chapeau visait à garantir la sincérité, l’égalité, la transparence et l’impartialité dans le choix des personnes participant aux consultations. Il me semble qu’un tel cadre est garant de l’indépendance que vous appelez de vos vœux.

Vous parlez d’indépendance vis-à-vis des lobbies. Est-ce à dire qu’un salarié de Total tiré au sort pour une consultation devrait être exclu ? Évitons les dérives. Il s’agira de panels représentatifs tirés au sort ; il faut accepter le parcours de chacun.

Vous évoquez de potentiels conflits d’intérêts. Contrairement à l’Assemblée nationale, je vous rappelle que le CESE est composé de représentants de la société et de l’économie, qui représentent donc différents intérêts : nous ne sommes pas du tout dans la même logique. Mais on parle dans cet article de citoyens tirés au sort pour des consultations, donc ce n’est pas le sujet. Nous n’avons pas encore décidé d’une éventuelle révision constitutionnelle qui permettrait à des citoyens tirés au sort d’intégrer le CESE !

Mme Paula Forteza. C’est précisément la raison pour laquelle nous souhaitons garantir l’indépendance des travaux de ces citoyens, y compris vis-à-vis des lobbies représentés au CESE. Le CESE accueillera les conventions citoyennes, mais n’organisera pas leurs travaux. C’est ainsi que s’est déroulée la Convention citoyenne pour le climat et il est important que ce principe demeure.

Mme Cécile Untermaier. Bien entendu, un salarié de Total pourra participer à une consultation ! Quant aux conflits d’intérêts, ils s’analysent au cas par cas. En revanche, il est important de savoir d’où viennent les demandes de consultation et par qui elles sont portées. C’est pourquoi nous plaidons pour qu’un comité indépendant organise la consultation. En intégrant la notion d’indépendance dans votre premier amendement, monsieur le rapporteur, vous répondriez à la préoccupation de Paula Forteza.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je suis entièrement d’accord. Je vous propose d’y réfléchir pour la séance afin de l’intégrer correctement dans l’article chapeau.

Un comité ad hoc pour toutes les consultations ne fonctionnerait pas. Il ne faut pas créer une usine à gaz au risque de restreindre notre capacité à stimuler la démocratie participative. La réforme doit constituer une boîte à outils pour le CESE, afin qu’il puisse inventer la participation citoyenne et, parfois, en proposer de nouvelles formes.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Je suis favorable à cet ajout dans le chapeau. Rappelons que le CESE disposera de multiples outils de consultation dans sa palette, la Convention citoyenne en étant un – sur le modèle de celle demandée par le Président de la République sur le climat. Mais ce n’est pas le seul car elle est complexe à mettre en œuvre. N’alourdissons pas trop les procédures si nous voulons aboutir à une participation accrue des citoyens.

Les amendements CL66 et CL141 sont retirés.

La Commission examine ensuite l’amendement CL69 de Mme Paula Forteza.

Mme Paula Forteza. Il s’agit de pouvoir déclencher des conventions citoyennes par voie de pétition, afin d’enclencher une mise à l’agenda des sujets « par le bas ».

M. Erwan Balanant, rapporteur. C’est une demande importante de nombreux acteurs et chercheurs. Toutefois, le projet de loi organique est contraint par le cadre constitutionnel en vigueur : le risque de censure n’est pas négligeable. En tant que garant de notre hiérarchie des normes, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme Paula Forteza. Cela ne me semble pas contradictoire avec la Constitution qui dispose que les citoyens participent à l’élaboration de la loi par leurs représentants ou par eux-mêmes. En outre, il ne s’agit que de débats et d’avis, ces consultations n’étant pas décisionnelles. À partir du moment où le Gouvernement, le CESE ou les parlementaires peuvent les déclencher, pourquoi pas les citoyens ?

M. Erwan Balanant, rapporteur. Les dispositions de la Constitution que vous citez ne visent pas le CESE. Les modalités de saisine des citoyens n’incluent pas cette possibilité. C’est pourquoi on nous a mis en garde.

M. Pacôme Rupin. Je partage l’analyse de Mme Forteza, même si je ne suis pas forcément favorable à son amendement : pourquoi sera-t-on contraint par la Constitution ? L’article constitutionnel relatif au CESE est suffisamment large pour prévenir tout risque d’inconstitutionnalité.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL77 de Mme Paula Forteza.

Mme Paula Forteza. Afin de garantir l’indépendance, dont nous avons déjà débattu, nous proposons de ne pas publier les travaux des conventions citoyennes dans les avis du CESE.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Cela s’entend… Il serait toutefois préférable de ne pas supprimer tout l’alinéa, mais seulement les mots « dans ses avis ». Nous pourrions aboutir à un compromis d’ici à la séance si vous acceptez de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL130 de M. Guillaume Gouffier-Cha.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Je propose d’instaurer une transmission automatique des avis contenant les résultats de la consultation au Gouvernement, ainsi qu’aux présidents des deux chambres composant le Parlement. Sans doute allez-vous me répondre qu’il est satisfait. Mais je souhaite poser la question du débouché. Si ses avis continuent à rester lettre morte, le CESE continuera à vivoter. Avec le statut des participants ou la formation des élus, nous devrons réfléchir à ce sujet d’ici à la séance.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement de précision, qui nous permettra de mieux nous coordonner. Nous avons tout intérêt à travailler avec le CESE et à auditionner les auteurs des avis au sein de nos commissions.

Certains ont remis en cause le CESE. Le seul reproche que l’on puisse lui faire, c’est son absence de visibilité – les gens ne le connaissent pas –, car ses avis sont d’une qualité remarquable. Certes, ils arrivent parfois un peu à contretemps : je me souviens d’un excellent avis sur les questions d’asile et d’immigration, publié alors que le projet de loi était déjà au Conseil constitutionnel…

M. Pacôme Rupin. Je rejoins tout à fait l’analyse du rapporteur et de M. Gouffier-Cha : il faut renforcer le lien entre le Parlement et le CESE. Nous devons trouver les voies et moyens d’y parvenir d’ici la séance. J’avais d’ailleurs déposé un amendement qui proposait que le président du CESE vienne présenter une fois par session les travaux du Conseil devant l’Assemblée nationale et le Sénat. Je ne comprends pas pourquoi il a été déclaré irrecevable.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. J’ai effectivement déclaré votre amendement irrecevable car le Parlement ne peut recevoir d’injonction et être contraint de façon impérative dans son ordre du jour. Cela peut être une faculté, pas une obligation.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Cela ne peut en effet pas être une obligation même si j’avais la même idée lorsque nous avons commencé à analyser le projet de loi, monsieur Rupin.

La faculté existe déjà, il faut nous en saisir, afin que la pratique se développe à la commission du Développement durable, à la commission des Affaires économiques, voire à la commission des Lois. Encore faudrait-il pouvoir le faire suffisamment en amont de l’examen d’un texte, afin que les revendications de la société civile, complétées par la participation citoyenne, deviennent des outils au service de la rédaction des projets et propositions de loi. Cela permettrait de mieux refléter la réalité des territoires ou des sujets que nous abordons.

Mme Maina Sage. J’y suis très favorable. Nous sommes le Parlement : nous pouvons donc nous imposer cette règle. En Polynésie, le Conseil économique, social, environnemental et culturel (CESEC) est une institution importante : il est systématiquement consulté préalablement à la présentation des textes au Conseil des ministres polynésien. Cela permet à l’Assemblée de Polynésie de disposer de l’ensemble des avis et travaux avant d’examiner les projets. Les rapporteurs du CESEC viennent également présenter leurs conclusions en commission. C’est très constructif et nous devrions procéder de la sorte au niveau national.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL76 de Mme Paula Forteza.

Mme Paula Forteza. Mon amendement vise à permettre au CESE de saisir la Commission nationale du débat public (CNDP), qui dispose d’une expertise reconnue en matière de participation.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Les consultations administratives classiques, comme celles intervenant dans le domaine de l’urbanisme ou de l’environnement, qui peuvent être organisées par la CNDP, sont très différentes des consultations citoyennes : ces dernières vont au-delà des pratiques administratives parce qu’elles visent à associer les citoyens à la décision en matière de politiques publiques. L’expertise de la CNDP est intéressante mais elle ne couvre pas véritablement les consultations citoyennes – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la CNDP n’avait pas souhaité organiser la Convention citoyenne pour le climat.

Pour autant, le sujet mérite qu’on y réfléchisse d’ici à la séance. En l’état actuel de sa rédaction, l’amendement ne saurait être adopté car votre exposé sommaire autorise la saisine de la CNDP dans les « matières relevant de sa compétence ». Mais les compétences du CESE ne se limitent pas aux consultations…

Enfin, j’ai contacté la CNDP, qui semble plutôt réservée.

Mme Paula Forteza. Lorsque j’ai contacté la CNDP et le CESE, ils semblaient pourtant plutôt favorables. Si vous me garantissez que nous allons y réfléchir ensemble, je veux bien retirer mon amendement. En effet, le sujet est important et il ne s’agit que d’un soutien méthodologique : l’expertise de la CNDP en matière de débat public est reconnue depuis de longues années.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL160 de M. Pacôme Rupin.

M. Pacôme Rupin. La réforme du CESE vise à améliorer la participation des citoyens au débat public. Si nous avons évoqué les pétitions ou les conventions citoyennes, les outils numériques le permettraient également.

Bien sûr, le CESE possède un site internet, mais l’amendement vise à ce qu’il se dote d’une plateforme numérique afin que les citoyens puissent participer à des votations et prendre part à des débats en ligne. Chaque citoyen disposerait d’un identifiant unique lui garantissant l’accès à la plateforme, et lui permettant surtout de l’identifier.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Votre amendement est satisfait par la nouvelle rédaction de l’article 4-2 de l’ordonnance, laquelle prévoit que le CESE pourra recourir à la consultation du public dans les matières relevant de sa compétence en organisant, le cas échéant, une procédure de tirage au sort pour déterminer les participants. Les autres modes de consultation – notamment via une plateforme numérique – sont donc ouverts. Les tirages au sort ne sont pas l’alpha et l’oméga de la consultation, je le répète, et le CESE aura tout intérêt à développer d’autres types de consultation, dont celle que vous proposez.

En outre, la possibilité de créer une plateforme pour recueillir la participation du public ne relève pas de la loi organique. Enfin, une plateforme consultative existe déjà sur le site du CESE pour recueillir le vote des personnes intéressées sur diverses propositions.

Mme Laetitia Avia. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour ces explications car il ne me semblait pas totalement évident que les consultations publiques pouvaient prendre d’autres formes que le tirage au sort. Il serait peut-être pertinent de proposer une rédaction plus claire pour la séance, afin de préciser de quelle panoplie d’outils disposent le CESE et nos concitoyens pour participer aux débats.

M. Pacôme Rupin. Je ne propose pas une simple plateforme, sur le modèle de l’existant. Le projet de loi organique fixe le cadre juridique des pétitions et des conventions citoyennes ; il est donc logique de réfléchir en parallèle, et de l’inscrire dans la loi, à un outil permettant de développer largement les votations – ce qui n’est pas possible actuellement. Cette proposition poursuit le même objectif que les précédentes : faire du CESE l’institution centrale de la participation citoyenne en lui permettant de disposer d’un outil qui, pour l’heure, manque dans le débat public français.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous avons tout intérêt à réfléchir à une rédaction plus claire pour la séance publique : il ne faut pas donner l’impression que la consultation des citoyens se limite aux tirages au sort.

Cela étant, monsieur Rupin, la loi organique ne doit pas entrer dans ce type de détails. Nous pouvons bien sûr préciser que les consultations peuvent prendre différentes formes, mais sans nommer les dispositifs, au risque d’en oublier. Au-delà de la plateforme de votation pour laquelle vous plaidez, certains outils de technologie civique – le classement d’avis par niveau de pertinence par exemple – peuvent aussi s’avérer utiles. Il ne faut pas les exclure.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 4 modifié.

2.   Seconde réunion du mercredi 9 septembre à 14 heures 30

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental.

Article 5 (art. 6 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social) : Révision de la procédure d’adoption des avis

La Commission examine l’amendement CL166 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Mon amendement vise à rendre plus efficace la démocratie représentative en permettant à soixante députés ou à soixante sénateurs de demander au CESE de rendre un avis. Actuellement, seul le président de l’Assemblée nationale en a la faculté. Cet amendement est similaire à d’autres qui ont déjà été présentés, notamment par Mme Untermaier : cette possibilité pourrait davantage être inscrite dans le règlement de notre assemblée.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Le débat a largement eu lieu ce matin. Je vous propose de retirer cet amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL181 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Il s’agit de limiter le recours à la procédure simplifiée d’adoption des avis aux seuls cas où le Gouvernement ou une des deux assemblées du Parlement en ferait la demande au CESE. En laisser l’initiative au bureau du CESE risquerait d’aboutir à une banalisation de cette procédure. Si le recours à cette procédure est peut-être une bonne chose pour des avis techniques, il est quand même souhaitable que, dans les autres cas, l’ensemble des membres du CESE se prononcent.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Avis défavorable. La mesure de simplification proposée par le Gouvernement permettra d’aller plus vite et d’avoir des avis davantage en phase avec l’actualité. Il sera par ailleurs possible à un tiers des membres du CESE de demander le retour à la procédure d’adoption en assemblée plénière en cas de désaccord. Il y a aussi la question du parallélisme des formes avec des procédures de législation en Commission que nous avons introduites dans le règlement de nos assemblées.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL182 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Par cet amendement de repli, je propose que quinze membres du CESE, au lieu d’un tiers, puissent demander l’examen d’un projet d’avis par l’assemblée plénière. Il serait préférable de ne pas fixer le seuil aussi bas.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Le projet de loi fixe le seuil à un tiers, ce qui est bien supérieur à quinze membres.

M. Éric Diard. Je suis un juriste, pas un matheux… (Sourires)

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL163 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Cet amendement vise à s’assurer que les parlementaires sont destinataires des travaux du CESE.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Vous avez été destinataire d’un de ses avis, d’ailleurs extrêmement intéressant, aujourd’hui même. Votre amendement est complètement satisfait par la pratique. Je pense qu’il n’est pas nécessaire d’aller plus loin.

Il serait en outre souhaitable que l’examen du projet de loi de finances donne lieu à une présentation des travaux du CESE. Notre règlement en prévoit la possibilité et cela constituerait une très bonne pratique.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 6 (art. 6-1 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social) : Dispense des consultations prévues en application de dispositions légales ou réglementaires

La Commission examine les amendements identiques CL85 de M. Bertrand Pancher, CL137 de Mme Cécile Untermaier et CL183 de M. Éric Diard.

M. Bertrand Pancher. L’article 6 est une forme de régression démocratique. On ne peut estimer qu’il est bon pour la démocratie de remplacer des consultations d’instances ou de commissions existantes qui fonctionnent et qui ont des objets précis par une seule consultation du CESE, surtout en procédure d’urgence. Allons-nous supprimer, par exemple, le Conseil national de la transition écologique ? Ses homologues en matière d’air, de santé et d’eau vont également perdre leur sens s’ils ne sont plus consultés sur les projets de loi les concernant.

Par ailleurs, le Conseil d’État a souligné la fragilité juridique de cette disposition : elle ne relève pas de la loi organique sur le CESE mais d’une loi ordinaire et elle est donc susceptible d’être censurée. Je demande donc la suppression de l’article 6.

Mme Cécile Untermaier. Je souscris à ce qui vient d’être dit. Il est un peu étonnant, alors que nous sommes dans un exercice de démocratie, de supprimer des consultations sans connaître l’impact qui en résultera. Nous manquons d’informations pour prendre une telle décision. Je salue l’engagement du garde des Sceaux et du rapporteur de préserver le Comité des finances locales (CFL) et le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), qui ont fait l’objet d’une intervention, fondée, de l’Association des maires de France (AMF), mais je ne crois pas que cela suffise. Nous aurons besoin, d’ici à la séance publique, de savoir quelles instances ne seront plus consultées du fait de cet article du projet de loi.

M. Éric Diard. Que prévoit l’article 6 ? Lorsque le CESE sera consulté sur un projet de loi entrant dans son domaine de compétence, le Gouvernement devra s’abstenir de procéder aux consultations prévues habituellement, sauf exceptions.

Le CESE serait donc directement intégré au processus d’élaboration de la loi alors qu’il a été créé, historiquement, pour être une assemblée consultative. Il ne me paraît pas souhaitable, sur le plan constitutionnel, d’intégrer au processus d’élaboration de la loi une institution dont les membres ne sont ni élus ni responsables devant les représentants de la nation.

M. Erwan Balanant, rapporteur. J’avoue que j’ai été saisi, initialement, d’un trouble à la lecture de cet article et de l’avis du Conseil d’État.

Cette disposition n’est pas inconstitutionnelle : le Conseil constitutionnel pourrait simplement considérer qu’elle n’est pas à sa place dans la loi organique.

Il y avait une contradiction, ou du moins une imprécision, quand on lisait en parallèle cet article et l’exposé des motifs. Ce sera corrigé par l’amendement déposé par le Gouvernement. Les consultations préalables qui sont prévues par le code du travail seront exclues du dispositif, ainsi que deux organismes extrêmement importants pour les collectivités territoriales.

Nous essayons effectivement d’avoir une liste précise. Elle ne m’a pas été fournie pour l’instant, mais j’en ai fait la demande.

J’appelle votre attention sur un point extrêmement important : il s’agit d’une consultation du CESE, qui ne sera pas automatique, si j’ai bien compris – elles auront lieu si le Gouvernement estime que cela permet de gagner du temps et de gagner aussi en clarté –, en ce qui concerne des projets de loi. Il n’y aura pas d’exclusion complète des autres instances consultatives. Quand le CESE ne sera pas saisi par le Gouvernement, les autres consultations pourront se dérouler.

Ce dispositif permettra de donner un peu plus de poids au CESE et de mieux organiser des consultations parfois assez nombreuses. On peut parfaitement imaginer que le CESE se repose sur l’expertise d’autres instances lorsqu’il sera saisi : il pourra faire appel à des apports extérieurs.

Mme Cécile Untermaier. Peut-on imaginer que le Parlement puisse consulter, de son côté, les organismes non saisis en raison de cette disposition ?

M. Erwan Balanant, rapporteur. Ce n’est pas prévu par le texte. Les missions de ces organismes étant souvent prévues par la loi, il faudrait le prévoir dans le texte correspondant.

M. Bertrand Pancher. Je vous invite, monsieur le rapporteur, à être assez vigilant sur cette question. Les grandes instances régulièrement consultées par le Gouvernement lors de l’élaboration des projets de loi voient dans cet article une forme de régression. Elles seraient consultées en aval par le CESE – on veut renforcer son rôle mais celui-ci est encore en devenir, pour des raisons que j’ai déjà eu l’occasion d’exposer.

Il serait important d’avoir une liste des organisations dont les consultations ne seraient pas supprimées dans le cadre de la préparation des projets de loi.

La Commission rejette ces amendements.

Elle est saisie de l’amendement CL196 du Gouvernement.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Cet amendement, présenté hier par le garde des Sceaux, poursuit deux objectifs.

Il s’agit tout d’abord d’apporter une clarification rédactionnelle. Conformément à ce qui est indiqué dans l’exposé des motifs – j’en ai parlé –, les concertations préalables qui sont prévues par l’article L. 1 du code du travail n’entrent pas dans le champ de l’article 6. La saisine du CESE ne saurait donc s’y substituer. C’est un point important. Les organisations syndicales que nous avons auditionnées sont rassurées. Cet article ne concerne que les consultations au sens strict du terme, c’est-à-dire la saisine d’un organe consultatif afin qu’il rende un avis sur un projet de texte déterminé, et non les concertations, les processus d’échanges dont la portée est plus large.

Par ailleurs, l’amendement précise le champ des exceptions en indiquant expressément que celle relative à la consultation des collectivités territoriales inclut les instances nationales de dialogue entre ces collectivités et l’État, telles que le CNEN et le CFL. Si le législateur crée une nouvelle instance de consultation des collectivités territoriales, elle sera également exclue.

J’émets un avis favorable à cet amendement.

Mme Cécile Untermaier. Cet amendement répond à une demande légitime mais il ne faut pas oublier qu’il existe aussi des commissions consultatives dans le domaine environnemental, et qu’elles ont toute leur pertinence. Il serait bon de demander au Gouvernement quelles commissions consultatives seront évincées, en particulier dans ce domaine qui est devenu majeur. L’étude d’impact ne le dit pas.

M. Philippe Gosselin. J’ai bien compris qu’il s’agit de donner une place plus importante au CESE, ce qui ne nous choque pas, mais il ne faudrait pas qu’il y ait un effet d’éviction pour des organes tels que le CFL ou le CNEN, qui ont fait leurs preuves – ce sont réellement des instances d’échange, de travail. On pourrait aussi se poser la question pour d’autres organes. C’est la difficulté quand on commence à établir une liste : jusqu’où faut-il aller ?

Les collectivités locales, toutes sensibilités et toutes strates confondues, souhaitent clairement que les concertations puissent continuer. Tel est l’objet de mon amendement CL108. À partir du moment où le Gouvernement a bien pris en compte cette difficulté – je remercie le rapporteur pour les échanges qui ont eu lieu –, je n’ai plus aucune raison de maintenir mon amendement : il est largement satisfait.

Néanmoins, il reste des questions pour d’autres instances. Le CESE, que je respecte, ne peut pas être l’alpha et l’oméga de toutes les concertations et consultations en France, à moins de considérer qu’il n’existe, par ailleurs, que des « machins », des comités Théodule. Ce serait non seulement faire offense à ceux qui en sont membres, et qui réalisent un travail depuis des années, mais je crois aussi que l’esprit de simplification soufflerait trop fort : on passerait à côté de l’objectif. Centraliser, donner des compétences au CESE, oui ; uniformiser, ratiboiser, non. Il va falloir faire du « en même temps » sur ce sujet, mais c’est un exercice auquel la majorité est habituée…

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous pouvons effectivement essayer d’avoir une liste, mais elle serait compliquée à établir.

J’ai dit ce que je pensais de l’article 6. Grâce à cet amendement, sa rédaction sera satisfaisante en ce qui concerne les principaux sujets d’inquiétude, mais il faudra être vigilant, en effet.

La Commission adopte lamendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels CL211, CL212 et CL213 du rapporteur.

Lamendement CL108 de M. Philippe Gosselin est retiré.

La Commission adopte l’article 6 modifié.

Article 7 (art. 7 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) : Composition du Conseil économique, social et environnemental

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL154 de Mme Maina Sage, CL17 et CL18 de M. Bertrand Pancher, CL72 et CL73 de Mme Paula Forteza, CL120 de Mme Justine Benin, CL162 de M. Pacôme Rupin et CL164 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

Mme Maina Sage. L’amendement CL154 vise à rétablir les différents collèges du CESE et à apporter des précisions en la matière. Les groupes actuellement représentés disent qu’ils n’ont pas de visibilité sur le nombre de sièges qu’ils auront demain. La question de la suppression du collège des outre-mer se pose aussi. Je vous propose de faire passer le nombre de membres à 193, en supprimant seulement les personnalités qualifiées.

M. Bertrand Pancher. Je vais présenter en même temps, avec votre permission, les amendements CL17 et CL18, qui concernent les représentants de la société civile des territoires. Le CESE est constitué de trois grandes catégories de membres : les acteurs économiques, les acteurs sociaux et les représentants de la société civile au plan national. À partir du moment où on renforce le rôle du CESE, il n’est pas inutile qu’il puisse s’appuyer sur des représentants de la société civile des territoires – je pense notamment aux conseils de développement, mais il existe d’autres organisations. Cela permettrait notamment de renforcer le lien avec les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER).

M. Matthieu Orphelin. L’amendement CL72 tend à créer une catégorie supplémentaire : des représentants de l’écosystème numérique. En l’état, les catégories de représentants des salariés ne permettent pas de représenter correctement l’économie du numérique, où 10 % des créations d’emplois ont lieu en France. Il serait utile et nécessaire d’instituer une catégorie spécifique.

L’amendement CL73 rétablira le nombre des représentants des activités relevant de la protection de la nature et de l’environnement, soit trente-trois membres. Les acteurs représentant les associations de protection de l’environnement expriment des inquiétudes assez fortes lorsqu’on échange avec eux. Alors qu’il y a tant de défis à relever en matière écologique, climatique et de préservation de la biodiversité, il nous semble important de conserver un nombre de représentants élevé pour ces acteurs.

Mme Maina Sage. L’amendement CL120 tend à conserver le nombre actuel de membres du CESE – 233.

Tous ces amendements correspondent à une problématique de fond. Nous sommes d’accord pour élargir les missions du CESE, en intégrant les consultations citoyennes, mais nous avons une inquiétude quant au cœur de ses missions.

Il a été question tout à l’heure de la valorisation des travaux du CESE. Je sens qu’on se dit parfois qu’on va le « redorer » grâce à une ouverture aux citoyens, mais je ne sais pas si les solutions proposées répondent vraiment à cet objectif. Il y avait déjà beaucoup d’espoir en 2008… Ce qui est important est de valoriser les travaux de base du CESE, que ses avis soient pris en compte et présentés dans les assemblées parlementaires, ce qui n’empêche pas d’ajouter un rôle en ce qui concerne les avis citoyens.

Nous touchons, avec ces amendements, au cœur des missions du CESE et de l’équilibre de la représentation en son sein. J’ai entendu dire lors de certaines auditions que cela ne devrait pas relever de la loi organique, mais il existe plus que des inquiétudes sur le risque de déséquilibre entre les forces en présence parce que cette question n’est pas traitée dans le cadre de ce texte.

M. Pacôme Rupin. Je suis un peu déçu par cet article du projet de loi, car il ne suit qu’une logique comptable : il s’agit seulement de réduire le nombre de membres du CESE. Si on veut donner un peu d’ambition à la réforme, il faut aussi moderniser sa composition. C’est ce qui a été fait en 2010 : l’ouverture à des membres issus d’organisations non gouvernementales travaillant sur l’environnement visait à mieux prendre en compte cette problématique.

On voit bien, depuis plus d’une dizaine d’années, que la question de la participation directe des citoyens, dont on a beaucoup parlé ce matin, constitue un enjeu majeur. Pour moi, c’était l’objectif initial de la réforme. Je ne vois pas comment elle pourrait ne pas toucher à la composition du CESE.

L’amendement CL162 prévoit un même nombre de membres pour toutes les catégories. Chacune d’entre elles a, en effet, la même légitimité à être représentée au CESE. Les différences numériques peuvent s’expliquer historiquement mais il faut moderniser le CESE jusqu’au bout. Par ailleurs, je propose de créer une cinquième catégorie qui serait issue des conventions citoyennes, pour leur permettre de réaliser un suivi. Des membres des conventions citoyennes pourraient siéger au CESE et continuer à y réaliser un travail. Des citoyens deviendraient ainsi directement membres du CESE.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Le projet de loi supprime la participation des personnalités qualifiées, aujourd’hui au nombre de quarante. L’alinéa 2 de l’article 12 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 permet aussi d’avoir, au sein des sections, des personnalités associées mais cette disposition serait supprimée. Or le CESE peut avoir besoin de recourir ponctuellement à des personnes disposant d’une compétence technique particulière, afin d’éclairer ses travaux. Ces personnalités ne devraient pas être nommées par le Gouvernement mais par le CESE, qui est le plus à même d’analyser ses besoins au cas par cas. Tel est l’objet de l’amendement CL164.

M. Erwan Balanant, rapporteur. La composition retenue est le fruit d’une large négociation entre les membres actuels du CESE, qui sont parvenus à un consensus, et il serait périlleux de remettre en cause l’équilibre ainsi défini. Vous souhaitez tous introduire ou retrancher une catégorie, ce qui rendrait la composition bancale et ne correspondrait pas à la réalité de la société civile organisée.

Si l’idée d’introduire le tirage au sort pour certains membres permanents du CESE aurait pu me tenter dans un autre cadre, elle ne me semble pas opérante ici. Ce mode de désignation peut fonctionner dans une convention citoyenne sur un sujet déterminé et pour un temps limité ; il serait en revanche problématique de l’utiliser pour sélectionner des personnes devant travailler pendant cinq ans au sein de la société civile organisée. Ce serait d’ailleurs faire un pas de côté par rapport à la Constitution, ce qui requerrait de la part de la représentation nationale un important travail pour aboutir à un consensus.

L’équilibre trouvé s’appuie d’ailleurs sur une règle de trois qui a induit une correction à la hausse du nombre de représentants des associations de protection de l’environnement – nous aurons l’occasion de revenir sur cet intitulé –, lesquelles sont donc gagnantes avec la nouvelle composition.

Dans un amendement qui sera discuté un peu plus tard, je propose la mise en place d’un comité ayant pour rôle d’établir un état des lieux de la société civile organisée tous les cinq ans, six mois avant le renouvellement des membres du CESE, pour éclairer la décision prise par décret en Conseil d’État sur la nouvelle répartition.

M. Philippe Gosselin. On en revient toujours à la question de la représentation des territoires, en particulier des outre-mer, ce qui montre qu’il y a là un sujet auquel il faudra apporter une réponse d’ici à la séance.

La composition retenue est un équilibre qu’il serait difficile de modifier en faveur d’une catégorie ou d’une autre. Le noyau dur existant doit rester d’autant plus pérenne que viendront s’y ajouter des citoyens tirés au sort. Il est bien entendu hors de question que des membres permanents soient désignés par tirage au sort : tout l’intérêt du CESE est d’être un lieu de dialogue et d’échange permettant aux représentants de la société civile de confronter leurs points de vue pour aboutir à des consensus intéressants. Le 23 septembre prochain, Allain Bougrain-Dubourg, de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), et Pascal Férey, qui a été vice-président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), doivent ainsi rendre un avis sur le bilan de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages qui comporte des conclusions largement communes. On ne parviendrait pas à un tel résultat avec le tirage au sort, par définition aléatoire. En d’autres termes, le mieux est parfois l’ennemi du bien : gardons-nous de généraliser ce mode de désignation, car nous risquerions d’y perdre l’esprit même du CESE.

M. Matthieu Orphelin. J’ai bien entendu votre argument sur la hausse du nombre de représentants dans le domaine de l’environnement, monsieur le rapporteur. Toutefois, de nombreuses personnalités qualifiées étaient issues des associations engagées dans ce combat, et quoi qu’il faille respecter l’équilibre atteint, leur représentation doit demeurer un point d’attention particulier.

Qu’un comité soit chargé de formuler des préconisations sur la composition du CESE avant chaque renouvellement me paraît pertinent, et je me réjouis qu’une telle disposition vienne s’insérer dans le texte. Ma collègue Paula Forteza et moi-même proposerons néanmoins une rédaction différente de la vôtre, afin de diversifier l’origine des représentants du comité, qui ne doit pas être composé uniquement de parlementaires.

M. Bertrand Pancher. Je tiens à saluer la grande sagesse de notre rapporteur, dont je découvre l’engagement.

Il y a des équivalents du CESE dans tous les pays du monde, et ils sont même regroupés dans une association internationale. La composition de ces organismes consultatifs est le fruit de l’histoire et de la culture du pays concerné, et évolue selon les grandes problématiques du moment. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la représentation des organisations environnementales s’est accrue au sein du CESE ces dernières années par rapport aux organisations économiques et sociales.

S’il est utile de réfléchir à des évolutions, celles-ci doivent être décidées en concertation avec les organisations existantes, dont certaines ont pour elles le poids de l’histoire, et ont été malmenées dernièrement dans ce type de processus. Il serait malvenu de remettre de l’huile sur le feu.

Je regrette qu’on se soit acharné à diminuer le nombre de représentants. Si l’on avait compensé la suppression des personnalités qualifiées par quelques membres en plus, le consensus aurait sans doute été plus facile à trouver.

Quant au tirage au sort, il ne correspond pas à ma conception de la démocratie. Certes, les conseils citoyens se sont professionnalisés, mais cela n’abolit pas la distance avec la société tout entière. Je suis d’accord pour que des citoyens soient tirés au sort pour constituer des panels au moment des consultations, mais pas du tout favorable à la désignation de membres permanents de nos organisations par tirage au sort. On en viendrait bientôt à proposer un tirage au sort des membres du Parlement !

Mme Laetitia Avia. Je me réjouis de la baisse du nombre de membres du CESE, car c’est un engagement que nous avions pris pour nos institutions ; j’espère que nous y parviendrons un jour s’agissant du Parlement. La suppression des personnalités qualifiées, nominations qui avaient un aspect « République des copains », est également une grande avancée, car celles-ci généraient frustration et agacement.

Quant à l’amendement de mon collègue Pacôme Rupin, il a deux objets. Le premier est d’établir une égalité de représentation entre les différents corps. Monsieur le rapporteur, vous qui avez défendu ce matin des mesures « chapeau » garantissant le principe d’égalité pour les consultations citoyennes, je n’ai pas entendu dans votre réponse d’éléments sur cet aspect-là, pourtant très pertinent.

Concernant le second objet, la place faite aux citoyens, je suis interpellée par la teneur de nos échanges. Le but de ce texte n’est-il pas de redéfinir le sens que nous entendons donner au CESE ? Si nous nous en tenons au rôle qu’il a pu avoir par le passé, sans le charger d’un intérêt nouveau, alors notre réflexion n’aura pas été menée à son terme. Et ce nouveau souffle pourrait être apporté par le fait de regrouper dans une même instance des acteurs issus de la société civile organisée et des personnes de la société civile inorganisée, si l’on peut dire. Ces dernières, tirées au sort, donc, n’auraient d’ailleurs pas à subir ce mode de désignation, puisqu’elles postuleraient pour participer aux travaux de l’institution aux côtés de ses membres, ce qui suppose qu’elles auraient à la fois les capacités matérielles et l’expertise pour le faire.

Parce que cette proposition va dans le bon sens, j’aimerais savoir si vous y seriez favorable moyennant quelques ajustements, monsieur le rapporteur. Vous semblez gêné par la durée d’exercice de cinq ans : pourriez-vous envisager une durée moins longue ou un système de rotation ?

M. Pacôme Rupin. Je souhaiterais clarifier mon amendement. Il n’y est aucunement question de tirer au sort certains membres du CESE. Ma proposition est que des participants aux conventions citoyennes soient élus par leurs pairs pour devenir membres permanents du CESE et effectuer le suivi des propositions émanant de ces conventions ; il s’agit donc bien d’une désignation, d’une élection, et non pas d’un tirage au sort. Si les participants sont au départ tirés au sort, le travail qu’ils accomplissent change la donne. Le succès de la Convention citoyenne pour le climat est à cet égard éloquent : des citoyens se sont certainement démarqués au cours de ces travaux qui, dans le cadre du processus que je propose, auraient pu être désignés par leurs pairs pour continuer à s’engager au sein du CESE.

La société civile peut être définie de manière stricte ou de façon plus large. Voilà plusieurs années que nous tâtonnons sur le sujet de la démocratie participative, et je comprends qu’il puisse y avoir des réserves et des oppositions. Elle a toutefois donné lieu à de nombreuses innovations, et celle que je viens d’évoquer en est une qui fonctionne et dont plusieurs d’entre nous, issus de groupes différents, ont salué le succès. Il faut donc aller au bout de ce processus et le légitimer, notamment en modifiant la composition du CESE.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Le suivi des décisions de la Convention citoyenne pour le climat et des propositions faites par ses membres ne relève pas du CESE, qui n’en a été que le support. Un comité regroupant des membres de la Convention et des parlementaires s’est déjà réuni plusieurs fois à cette fin. Ce travail est aussi celui des ministres Barbara Pompili et Marc Fesneau. Le CESE n’intervient que pour donner avis et conseils, puis le processus législatif suivra son cours.

S’agissant de la composition du Conseil, elle doit coller à la réalité au moment de l’installation des nouveaux membres. Depuis la création du CESE, la répartition a toujours été difficile à revoir, parce qu’elle est extrêmement complexe. C’est pourquoi il me paraît préférable de s’en tenir aux grands équilibres tels qu’ils sont présentés dans le texte et de s’appuyer sur le travail du comité dont je propose la création.

La suppression des personnalités qualifiées est une avancée, même s’il est injuste de dire que leur nomination relevait du copinage, car nombre d’entre elles ont fourni un excellent travail au cours de leur mandat. Celles qui étaient issues des associations environnementales pourront être étroitement associées ponctuellement en tant qu’experts, sur des sujets spécifiques. La nouvelle composition induit donc une évolution : le nombre de conseillers est réduit et la possibilité leur est donnée de travailler avec des personnes susceptibles de nourrir leur réflexion. Enfin, l’article 9 prévoit la participation de citoyens tirés au sort pour une durée limitée aux travaux des commissions nouvellement créées.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement tous les amendements.

Elle est saisie de lamendement CL113 de M. Aurélien Taché.

M. Matthieu Orphelin. La représentation des jeunes dans les différentes instances est insuffisante. Afin que le nouveau CESE soit à cet égard exemplaire, je propose que les jeunes entre 16 et 29 ans soient représentés selon leur proportion dans la population française.

M. Erwan Balanant. Vous avez bien compris mon attachement à une plus grande implication des jeunes dans notre société. Le seuil de participation aux pétitions a été abaissé, ce qui est un premier pas. Vous demandez que les membres permanents puissent être désignés à partir de 16 ans, ce qui pose plusieurs problèmes. Le travail des conseillers n’est pas anodin, et exige parfois même un engagement à temps complet. Un jeune de 16 ans, scolarisé ou en apprentissage, ne peut s’impliquer de cette manière. L’avis est donc défavorable.

En revanche, inclure les jeunes à partir de 16 ans dans le tirage au sort pourrait être discuté. C’est d’ailleurs le choix qui avait été fait avec la Convention citoyenne pour le climat, dont plusieurs membres étaient mineurs.

M. Matthieu Orphelin. Il y a deux questions à distinguer. La première concerne la représentation de la jeunesse au sein du CESE, et pourrait d’ailleurs également se poser pour la tranche des 18-25 ans. Je consens néanmoins à retirer l’amendement, et laisserai à Aurélien Taché le soin de le retravailler pour l’examen en séance.

Quant à la possibilité de tirer au sort des jeunes à partir de 16 ans, elle me paraît être une idée intéressante à creuser en séance publique.

Lamendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL63 de M. Christophe Euzet.

M. Dimitri Houbron. Le Conseil économique, social et environnemental a pour rôle de représenter la société. Pour que sa composition soit une image fidèle de celle-ci, il est nécessaire d’avoir recours à des règles paritaires dans la désignation de ses membres. Le visage de nos institutions doit refléter ce à quoi nous aspirons pour l’ensemble de notre société : l’égalité stricte entre les hommes et les femmes.

Connaissant votre engagement sur ce sujet, je suis convaincu que vous serez favorable à ma proposition, monsieur le rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Pour ne rien vous cacher, je me suis interrogé sur la place de cet amendement dans la liasse, monsieur Houbron ; il est toutefois satisfait. Certes, la composition ne peut être parfaitement paritaire, car certaines catégories n’ont qu’un représentant. La rédaction actuelle répond néanmoins parfaitement à votre préoccupation : « Chaque organisation, association ou autorité veille à ce que la différence entre le nombre des hommes et celui des femmes qu’elle désigne ou propose ne soit pas supérieure à un. »

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL171 de Mme Laetitia Avia.

Mme Laetitia Avia. Cet amendement d’appel proposé par le barreau de Paris vise à garantir la présence d’un représentant des professions juridiques au sein du CESE au titre de la représentation des professions libérales. Il s’agit de s’assurer que les avocats feront bien partie des corps représentés au sein du Conseil.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Dès lors que le choix est d’avoir des grands blocs, il n’est pas possible de tenir compte des réclamations de chaque profession particulière. Je m’en tiendrai donc à la proposition évoquée tout à l’heure d’un comité qui, tous les cinq ans, six mois avant le renouvellement, serait chargé de faire un état des lieux de la société civile organisée afin d’avoir une composition qui lui soit aussi proche que possible.

Mme Laetitia Avia. Je retire donc mon amendement pour le redéposer en séance.

Lamendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL227 du rapporteur.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL157 et CL155 de Mme Maina Sage, CL123 de Mme Justine Benin, CL226 du rapporteur, faisant lobjet dun sous-amendement CL228 de Mme Maina Sage, CL158 de Mme Maina Sage, CL143 de Mme Josette Manin, CL122 de Mme Justine Benin, CL107 de M. Philippe Dunoyer et CL132 de Mme Laurianne Rossi. 

Mme Maina Sage. Alors que nous avons longtemps débattu de la nécessité d’encourager la jeunesse à s’investir dans la vie sociale, il est dommage qu’elle ne soit pas mentionnée parmi les représentants des activités relevant des domaines de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative. De la même manière, il serait utile d’évoquer la vie culturelle, particulièrement touchée par la crise. Le conseil économique, social et environnemental polynésien est devenu « culturel » (CESEC) avec l’adoption, ici même, en avril 2019, du projet de loi organique modifiant le statut d’autonomie de la Polynésie française, et cela a contribué à enrichir ses travaux.

Par ailleurs, nous souhaitons que les onze territoires d’outre-mer soient représentés, et de façon exhaustive, dans cette instance.

M. Erwan Balanant, rapporteur. La rédaction initiale du texte ne mentionne pas les représentants des outre-mer parmi les membres permanents du CESE. Ce serait une erreur grave que de ne pas réparer cet oubli, tant la France est riche de ses outre-mer – et c’est un Breton, habitant d’une presqu’île, qui vous parle. Maina Sage et Justine Benin m’ont sollicité sur ce sujet et nous avons entendu les membres actuels du CESE issus des outre-mer.

Il ne s’agit pas, avec l’amendement 226, de créer une nouvelle catégorie, mais de garantir que « La composition du Conseil assure une représentation des outre-mer. »

Mme Maina Sage. Je propose de préciser que c’est bien l’ensemble des outre-mer qui est représenté. Je comprends qu’éloigné, de 20 000 kilomètres parfois, de ces territoires, on puisse se demander pourquoi accorder une représentation à chacun d’entre eux, alors que les membres du Conseil sont répartis par domaines, ou thématiques. Il faut comprendre qu’en garantissant la représentation de l’ensemble des territoires, on garantit que l’outre-mer est représentée en tant que telle.

Nous voulons préserver ce collège. Dans ce groupe, les profils sont très différents, mais ils assurent une représentation plurielle, pour défendre ces territoires et leurs spécificités. Rien n’est pareil lorsque vous vivez en zone insulaire, tous les paramètres changent. La société elle-même n’est pas organisée de la même façon, ce n’est pas la même culture, pas la même langue parfois. Il est nécessaire de faire valoir à Paris ces différences, les expliquer, les partager.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie d’avoir été à notre écoute et d’avoir entendu les membres actuels du CESE. Ils sont inquiets à l’idée d’être dilués parmi les autres membres, très mobilisés pour défendre l’existence de ce groupe qui mérite de perdurer. Ce n’est pas une question de postes ou de sièges. Il est important qu’un collège « outre-mer » puisse infuser les décisions nationales ; une délégation n’est pas suffisante, un groupe permet d’agir plus fortement au coeur du conseil.

Mme Laurianne Rossi. Je souhaite, dans le même esprit, que soit introduite la notion de représentation équilibrée des territoires de la République. Si le CESE n’a pas vocation à représenter les territoires, il est important de rappeler, parmi les grands principes, que ces organisations, associations ou autorités doivent veiller à ce que leurs représentants soient le reflet de la diversité territoriale.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Madame Sage, je veux vous rassurer : les membres d’outre-mer qui seront désignés pourront toujours se constituer en un groupe à même de peser, comme cela est le cas aujourd’hui. Madame Rossi, je vous demanderai de retirer votre amendement, mal placé dans le texte, afin que nous y travaillions ensemble, car j’en partage l’objectif.

Mme Laurianne Rossi. Très volontiers. Au même titre que le principe de parité, la représentation équilibrée de tous les territoires de la République me paraît indispensable.

L’amendement CL132 est retiré.

La Commission rejette successivement les amendements CL157, CL155, CL123.

La Commission rejette le sous-amendement CL228.

Elle adopte l’amendement CL226.

En conséquence, les amendements CL158, CL143, CL122 et CL107 tombent.

La Commission est saisie de lamendement CL156 de Mme Maina Sage. 

Mme Maina Sage. Il s’agit d’introduire au cœur de cette instance les représentants de la jeunesse et de la vie culturelle.

M. Erwan Balanant, rapporteur. J’estime que votre demande est satisfaite. Nous définissons de grands ensembles, à l’intérieur desquels figureront forcément, de par leur transversalité, la jeunesse et la culture. Il faut veiller, lorsque l’on légifère, à ne pas dresser de listes, car elles ne sont jamais exhaustives. Je vous propose d’en rester à ce dispositif qui, je le répète, est le fruit d’un consensus.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Les organisations, associations ou autorités qui désigneront les représentants devront être particulièrement attentives à une représentation équilibrée en âge, en genre, en nombre, et du point de vue de l’organisation territoriale. Plutôt que de lister et de risquer des oublis, il faut énoncer ces grands principes de désignation.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL214 du rapporteur.

Elle en vient à lamendement CL184 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Je propose d’introduire officiellement au CESE des compétences en matière de défense du bien-être animal et de la biodiversité. Selon un sondage IFOP, 92 % des personnes interrogées pensent que le respect du bien-être animal est important. Le monde animal fait partie intégrante de notre environnement et il ne peut y avoir de défense de notre écosystème sans défense des animaux. Alors qu’un référendum d’initiative partagée sur le bien-être animal vient d’être lancé, il convient d’envoyer un signal fort et de permettre au CESE de se saisir de ces questions.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Le CESE peut parfaitement le faire, comme en 2019 lorsqu’il a adopté l’avis sur « les enjeux relatifs aux conditions d’élevage, de transport et d’abattage en matière de bien-être animal ».

Ne créons pas de sous-ensembles à l’intérieur des dénominations ! En soixante ans d’existence, la composition du Conseil n’a été révisée que deux fois. Il est plus utile de faire en sorte que la composition des blocs, à chaque renouvellement, évolue en fonction des problématiques sociales et que la composition s’approche ainsi au plus près de la réalité de la société civile. Plus elle en sera le calque, plus les avis seront pertinents. Je vous propose de retirer cet amendement.

M. Éric Diard. Je le maintiens car il est important d’inscrire « dans le marbre » la nécessité de protéger les animaux. Depuis le début de la législature, et de l’aveu même de la majorité, nous sommes allés d’échec en échec dans ce domaine.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL216 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il s’agit de mettre en place un comité chargé de proposer, au plus tard six mois avant la fin de chaque mandature, des évolutions de la composition du Conseil. Ce comité serait composé de trois députés désignés par le président de l’Assemblée nationale, trois sénateurs désignés par le président du Sénat, un membre du CESE désigné par le président du CESE, un membre du Conseil d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État et un magistrat de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes.

Il me semble très important que la représentation nationale soit partie prenante de ce comité.

M. Philippe Gosselin. Je propose de sous-amender, afin que la désignation des parlementaires tienne compte du poids politique des groupes et que, dans un souci d’ouverture et de pluralité, un sénateur et un député de l’opposition soient nommés.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous y avions pensé, mais avec trois membres seulement, il sera difficile de représenter la réalité de chaque chambre. De plus, désigner les membres est une prérogative du président. Dans la pratique, et si j’en crois la bonne entente qui règne dans les réunions des bureaux, l’équilibre politique est préservé.

M. Philippe Gosselin. Pour certaines autorités administratives, il est prévu qu’un parlementaire de la majorité et un parlementaire de l’opposition sont désignés, soit par le président, soit par l’une des commissions.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La délégation parlementaire au renseignement comprend quatre députés et quatre sénateurs, les présidents des commissions des Lois et de la Défense étant membres de droit. Il est prévu que les autres membres de la DPR sont désignés « par le président de chaque assemblée de manière à assurer une représentation pluraliste. » Nous pourrions nous en inspirer ?

M. Philippe Gosselin. C’est exactement la formulation que je souhaite reprendre pour ce sous-amendement.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Effectivement, ça ne mange pas de pain !

M. Philippe Gosselin. Que vous considériez l’opposition comme un mal nécessaire est réjouissant, monsieur le rapporteur !

M. Jean-François Eliaou. Je souscris à l’idée d’un comité qui anticiperait la nouvelle composition du CESE. Pour avoir une idée précise de l’évolution de la société, il est intéressant de s’appuyer sur les travaux de l’INSEE, qui publie un rapport très précis sur l’évolution, par région, des métiers.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Nous en avons parlé avec le cabinet du ministre. Ce comité pourra s’appuyer sur des chiffres fournis notamment par l’INSEE, de façon à apporter un éclairage sur l’évolution des métiers, sur l’ensemble du territoire. Son avis sera consultatif.

S’agissant de la représentation des parlementaires dans les diverses instances, je me demande si leur désignation se fait sur la base du volontariat…

M. Philippe Gosselin. C’est souvent le cas et ce sont les groupes politiques qui indiquent au président quelle est la personne envisagée pour cette désignation.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je mets donc aux voix le sous-amendement CL231 de M. Philippe Gosselin ainsi rédigé : « Substituer aux mots : «, trois sénateurs désignés par le président du Sénat, un » les mots : « et trois sénateurs désignés par le président du Sénat, de manière à assurer une représentation pluraliste, ainsi qu’un ».

La Commission adopte le sous-amendement CL231.

Puis elle adopte l’amendement CL216 ainsi sous-amendé.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL217 et CL218 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8 (art. 11 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) : Transformation des « sections » en « commissions » et diminution de leur nombre

La Commission est saisie de lamendement de suppression CL185 de M. Éric Diard. 

M. Philippe Gosselin. Il s’agit de supprimer l’article 8 dont l’objet est de renommer les sections du CESE en « commissions ». Nous souhaitons éviter toute confusion avec le Parlement et maintenir la distinction institutionnelle entre le CESE et les deux chambres.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Si la portée symbolique du changement de nom n’est pas anodine, le mot « section » en a une autre, qui peut aussi être gênante. Il n’y a pas lieu, me semble-t-il, de nourrir des craintes. En tout état de cause, il n’y a là aucune volonté dissimulée de faire du CESE une chambre parlementaire.

Au demeurant, chaque conseil municipal de France, chaque conseil communautaire, chaque conseil d’agglomération est organisé en commissions ; cela n’en a jamais fait des assemblées parlementaires, monsieur Gosselin. J’émets donc un avis défavorable.

M. Philippe Gosselin. Votre comparaison avec les collectivités locales fait fi de ce qui les distingue du CESE : elles comportent un exécutif qui décide, par exemple un conseil municipal qui vote des délibérations et impulse des normes. Leur rôle n’est donc pas exclusivement consultatif, ce qui fait une grande différence. Sous cette réserve, j’entends votre argument.

La Commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 8 sans modification.

Après larticle 8 

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL159 de Mme Maina Sage et CL124 et CL125 de Mme Justine Bénin.

Mme Maina Sage. J’aimerais revenir sur la question de la dénomination des instances du CESE, en appelant l’attention sur un sujet qui nous inquiète beaucoup. Le bureau du CESE a entériné la suppression de la délégation à l’Outre-mer ainsi que de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité. Le président du CESE, lorsque nous l’avons auditionné, a tenu à nous rassurer sur ce point, mais sa parole est celle d’un président en fin de mandat.

Il me semble nécessaire de garantir par la loi l’existence de ces délégations. L’avis de M. le rapporteur sur le sous-amendement que j’ai défendu tout à l’heure, consistant à dire que nous allions garantir la présence des outre-mers au sein du CESE, sans que celle-ci soit exhaustive, me conforte dans cette conviction. Il faut assurer la capacité des ultramarins à s’organiser en délégations. À l’Assemblée, nous avons associé à l’élaboration de la loi la délégation aux outre-mer, ainsi que la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Nous souhaitons inscrire dans la loi l’existence des deux délégations du CESE précitées. Tel est l’objet de ces amendements. La rédaction de ceux de Mme Bénin me semble plus solide, en vue de garantir le maintien de ces deux délégations.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Le président du CESE, M. Patrick Bernasconi, nous a rassurés sur ce point. Certes, il ne sera plus en fonction lorsque le présent projet de loi organique entrera en vigueur, mais je vois mal son successeur supprimer ces deux délégations, qui traitent de sujets importants. Un tel choix serait très dommageable.

Par ailleurs, les inscrire dans le projet de loi organique ne présente aucune valeur ajoutée. Ce sujet relève de l’organisation interne du CESE. Si nous adoptions ces amendements, chère Maina Sage, il faudrait inscrire dans la loi toute délégation susceptible d’être créée par le CESE. Or certaines d’entre elles n’existent pas encore, car certains sujets susciteront de l’intérêt demain. Si nous dressons aujourd’hui une liste détaillée des délégations du CESE, son bureau se trouvera ensuite dans l’incapacité d’en créer d’autres. Si nous inscrivons dans la loi une délégation, puis une deuxième, alors il faut les inscrire toutes, sous peine de se heurter à un problème de hiérarchie entre les délégations. Avis défavorable.

Mme Maina Sage. J’aimerais vous rassurer à mon tour, monsieur le rapporteur. Il faut distinguer le I et le II. Le I permet de conserver ces deux délégations et de garantir leur existence ; le II précise bien qu’il demeure possible d’en créer d’autres. Par conséquent, rien n’entrave la création par le CESE d’autres délégations, permanentes ou temporaires.

La Commission rejette successivement les amendements.

Article 9 (art. 12 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) : Participation de représentants de la société civile aux travaux des commissions

La Commission examine lamendement CL186 de M. Éric Diard.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement, comme le CL185 que j’ai défendu tout à l’heure, porte sur la dénomination des sections du CESE.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Avis défavorable. Nous avons déjà eu le débat.

La Commission rejette lamendement.

La Commission examine lamendement CL219 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Cet amendement vise à réécrire l’alinéa 4 en vue de le clarifier. Il s’agit de supprimer la catégorie des « composantes de la société civile » parmi les personnes associées aux travaux des commissions. Cette formulation nous semble trop imprécise.

Par ailleurs, l’amendement vise à ouvrir plus largement les capacités d’audition des commissions. Enfin, il procède à diverses coordinations rédactionnelles, notamment en remplaçant les « conseils consultatifs créés auprès des collectivités territoriales » par les « instances participatives et leurs groupements ». En somme, cet amendement procède à une coordination du texte avec les dispositifs que nous avons adoptés ce matin.

La Commission adopte lamendement CL219.

En conséquence, les amendements CL187 et CL188 de M. Éric Diard tombent.

La Commission examine lamendement CL189 de M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 5 relatif à la procédure de tirage au sort déterminant les personnes qui pourront participer aux travaux du CESE avec voix consultative. En effet, le tirage au sort ne confère pas une légitimité équivalente à celle issue de l’élection ou de la désignation par les corps intermédiaires. Il n’offre pas davantage de garanties supplémentaires s’agissant des compétences des personnes qui seront amenées à participer aux travaux du CESE pour une mission précise. Il me semble préférable de nommer des personnalités qualifiées non membres du CESE, susceptibles d’enrichir ses travaux de leur expertise.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous avons longuement débattu du tirage au sort. Son introduction me semble très intéressante. Supprimer la possibilité, pour le CESE, de recourir au tirage au sort entraverait le dispositif que nous souhaitons mettre en place. Avis défavorable.

La Commission rejette lamendement.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels CL220 et CL221 du rapporteur.

Elle examine ensuite lamendement CL64 de M. Christophe Euzet.

M. Dimitri Houbron. Cet amendement vise à supprimer les mots « avec voix consultative » à la fin de l’alinéa 5. L’introduction du recours au tirage au sort permettant à des citoyens de participer aux travaux des commissions du CESE nous semble être une véritable innovation, que nous tenons à saluer. Le tirage au sort est issu d’une histoire politique millénaire. Utilisé de façon parcimonieuse et encadrée, il peut instiller une part de démocratie directe dans notre démocratie représentative, qui est en crise.

En revanche, l’introduire sans donner le droit de vote à ceux qui seront tirés au sort nous semble contre-productif. Cette initiative louable doit être menée à son terme. Le règlement du CESE devra également limiter strictement le nombre de personnes tirées au sort par commission.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il importe de conserver les mots « avec voix consultative ». En effet, il s’agit là de démocratie participative, qui ne peut s’appliquer à la prise de décision, s’agissant d’ailleurs d’un simple avis, ce qui en limite la portée.

En matière de tirage au sort, il ne faut pas se tromper d’usage. Ce procédé permet d’enrichir le débat, de prendre en compte la parole citoyenne et de travailler avec les citoyens. Mais il me semble que nous franchirions un cap, et même une ligne rouge, en considérant que la personne tirée au sort pourrait participer à la prise de décision. C’est pourquoi il importe de lui laisser une voix consultative.

Je n’en suis pas moins un grand adepte du tirage au sort, dont l’introduction me semble nécessaire pour avancer sur la question de la démocratie participative, mais pas pour prendre la décision. Au demeurant, la plupart des constitutionnalistes qui se penchent sur la question considèrent que le tirage au sort doit être associé à un avis consultatif, et jamais à la prise de décision, qui doit appartenir à des citoyens élus.

M. Pacôme Rupin. Aucun membre du CESE n’a une voix décisionnaire, les avis du Conseil étant consultatifs. Il incombe ensuite au Parlement de s’en saisir, de voter et de modifier la loi, en jouant pour sa part un rôle décisionnaire. Ne sera-t-il pas frustrant pour les citoyens tirés au sort et intégrés dans les commissions du CESE de participer aux travaux mais de ne pas avoir voix au chapitre au moment du vote – sur un avis consultatif ? Je soutiens l’amendement.

La Commission rejette lamendement.

Puis elle examine l’amendement CL222 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Cet amendement vise à apporter deux précisions : les modalités de désignation et de participation seront précisées par le règlement du CESE ; le tirage au sort devra assurer une représentativité appropriée du public concerné. Il s’agit de procéder à une coordination avec les dispositions adoptées à l’article 4, notamment la fameuse disposition chapeau renforçant les garanties qu’il prévoit.

La Commission adopte lamendement.

Puis elle examine lamendement CL223 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il s’agit de supprimer l’initiative du Gouvernement en matière d’auditions menées par le CESE, en cohérence avec l’esprit du présent projet de loi organique visant à accroître l’autonomie et la capacité d’initiative e l’institution.

Par ailleurs, l’amendement vise à élargir le champ des personnes que les commissions permanentes du CESE pourront solliciter à toute personne qu’elles jugeront utile d’entendre, dans leur champ de compétences bien entendu. Cette disposition répond à la préoccupation exprimée tout à l’heure par M. Orphelin.

Il s’agit là de compenser pour partie la perte d’expertise que représentera la suppression de la catégorie des personnalités associées aux travaux des sections. Ainsi, sur un sujet donné, le CESE aura la latitude de faire appel à des experts.

Mme Cécile Untermaier. Dont acte, mais l’adoption d’une telle précision signifie que nous bordons de près le travail du CESE, en limitant sa capacité d’initiative. De telles dispositions devraient être laissées à sa libre appréciation, plutôt qu’inscrites dans la loi organique. Je crains l’effet a contrario d’une telle précision, qui, me semble-t-il, découle du bon sens, dès lors que le CESE mène des auditions.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Madame Untermaier, c’est tout le contraire. Nous ouvrons au CESE la possibilité d’auditionner toute personne, et non simplement – comme le prévoit l’article 12 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 – des fonctionnaires qualifiés à la demande de la section concernée ou à l’initiative du Gouvernement. Si nous nous contentons de supprimer la possibilité d’auditionner les personnalités qualifiées, seuls resteront les fonctionnaires, qui ne sont pas les détenteurs exclusifs de l’expertise, même s’ils sont souvent experts.

Mme Cécile Untermaier. Notre groupe votera l’amendement.

Mme Maina Sage. Je ne voudrais pas fâcher notre rapporteur, mais il me semble que son amendement appelle à la vigilance. Si l’ordonnance est ainsi rédigée, c’est pour offrir au CESE la liberté de consulter des fonctionnaires qualifiés. Il va de soi qu’il ne consulte pas uniquement des fonctionnaires qualifiés, mais bien toute personne intéressée par les sujets qu’il aborde. La rédaction actuelle vise donc à garantir au CESE la faculté de saisir ces fonctionnaires.

Il faudra approfondir ce point en vue de l’examen du texte en séance publique. Peut-être faudra-t-il maintenir la formulation en vigueur, en précisant que le CESE peut entendre toute personne qualifiée, dont les fonctionnaires.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Ce point mérite d’être approfondi. Dès lors que notre intention est d’étendre le champ des personnes auditionnées et non de le restreindre, il faut veiller à faire en sorte que l’intention corresponde bien à la réalité des actes.

M. Philippe Gosselin. Il faut y regarder de près, en effet.

La Commission adopte lamendement.

Puis elle adopte larticle 9 modifié.

Après l’article 9

La Commission adopte lamendement de coordination CL 224 du rapporteur.

L’article 9 bis est ainsi rédigé.

Article 10 (art. 14 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) : Modification de la composition du bureau

La Commission adopte lamendement de coordination CL225 du rapporteur.

Elle examine ensuite lamendement CL134 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Laurianne Rossi. Cet amendement, ainsi que les amendements CL135 et CL136, est relatif aux règles déontologiques que je propose d’insérer dans le présent texte. Certes, là n’est pas son objet principal ; il vise à étendre les prérogatives du CESE et à le moderniser. Toutefois, cette modernisation, je le crois, et les cosignataires de ces amendements également, suppose de fixer des règles éthiques et déontologiques applicables au CESE.

L’amendement CL134 – je défendrai les deux autres ultérieurement – tend à doter le CESE d’un déontologue. Loin de moi l’idée de faire peser des soupçons sur le CESE, ni même de lui adresser un reproche en la matière : je le sais très volontaire pour évoluer en ce sens. Au demeurant, lors de l’examen de la loi pour la confiance dans la vie politique, promulguée au mois de septembre 2017, il avait fait savoir qu’il souhaitait être inclus dans le champ des dispositions que nous avons adoptées pour le Parlement. Je me suis rapprochée de l’un de mes homologues questeurs du CESE, qui a fait bon accueil à ces propositions. Auparavant, un groupe de travail interne au CESE a été constitué pour avancer sur ces questions de déontologie.

Ce projet de loi organique offre l’occasion de fixer les grands principes ainsi que le cadre de règles déontologiques, en laissant le soin au bureau du CESE – comme nous l’avons fait au sein de notre assemblée – d’en fixer le détail.

L’amendement vise à doter le CESE d’un déontologue, nommé par le Premier ministre pour une durée de cinq ans. Chaque année, il remettra au président du Conseil un rapport d’activité, qui sera rendu public.

Ces règles permettront, outre la modernisation du CESE, de sécuriser ses membres dans leur activité quotidienne. Nous en faisons l’expérience en tant que parlementaires, et nous savons combien le travail de notre déontologue est précieux. De surcroît, l’amendement poursuit un objectif d’exemplarité, qui participe de la confiance de nos concitoyens dans cette institution.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Mme Rossi et moi-même avons eu l’occasion d’aborder ce sujet, sur lequel il faut en effet avancer. Le CESE est plutôt volontaire pour ce faire. Il attendait des éléments de réponse dès l’examen de la loi pour la confiance dans la vie politique. Nous avons souhaité attendre la réforme du Conseil : nous y sommes.

Toutefois, je propose de revoir l’amendement, dont plusieurs dispositions me gênent, telle la nomination du déontologue par le Premier ministre. Donnons-nous un délai supplémentaire de réflexion. Madame Rossi, je vous propose que nous auditionnions les représentants du CESE pour trouver le bon équilibre et le bon accord. Je suggère donc le retrait de l’amendement.

M. Philippe Gosselin. Petite remarque de forme : l’Assemblée, comme le Sénat, nomme son propre déontologue. En vertu du parallélisme des formes, nous pourrions envisager que le CESE procède de même.

Sur le fond, je n’ai aucune difficulté à approuver l’introduction d’une belle déontologie au CESE, cela va sans dire, même si cela va peut-être mieux en le disant. Attention, toutefois : les règles que devrait appliquer le ou la déontologue du CESE peuvent différer des nôtres. Par définition, le CESE compte parmi ses membres des représentants des groupes d’activité du bâtiment, de l’agriculture – j’en passe et des meilleures. Ces gens siègent ès qualités, représentant le monde agricole, le monde du BTP, le monde des associations… Nécessairement, la notion de conflits d’intérêts ne peut pas avoir, pour eux, la signification à laquelle nous sommes attachés, ou au contraire dont nous essayons de nous défaire.

Je n’ai pas de réponse toute faite à cette question. Il me semble sage de travailler, d’ici à l’examen du texte en séance publique, à une rédaction certainement susceptible de nous rassembler. Il faut simplement parvenir à un bon équilibre.

Mme Cécile Untermaier. Il faut fixer des principes de déontologie et d’éthique dans ce projet de loi organique. L’institution d’un déontologue est essentielle ; nous sommes attendus sur ce sujet alors que nous allons notamment introduire le tirage au sort. Certes, le CESE rend des avis, mais l’absence de décision n’implique pas l’absence d’éthique. J’ai entendu – hors des murs de notre Assemblée, certes – des arguments en ce sens. J’estime au contraire qu’il est essentiel d’avancer sur ce sujet.

Qu’il s’agisse de prendre une décision ou de rendre un avis, il faut combattre le conflit d’intérêts. Le CESE ne pourra faire l’économie de la vision qualitative dont nous souhaitons le doter, afin de développer au sein des institutions cette culture déontologique à laquelle nous sommes attachés.

Mme Laurianne Rossi. Nous pourrons prolonger ces débats en séance publique. Retravailler l’amendement ne me pose aucun problème. Je le maintiendrai néanmoins, ne serait-ce que pour affirmer le principe dont il procède.

J’aimerais répondre aux précédents orateurs sur deux points. S’agissant de la nomination du déontologue par le Premier ministre, l’analogie avec le Sénat et l’Assemblée nationale trouve ses limites dans le fait que le ou la déontologue, à l’Assemblée, et le comité de déontologie, au Sénat, sont nommés par les bureaux de ces deux assemblées. Or nous détenons, nous, un mandat électif, conféré par le peuple. Tel n’est pas le cas des membres du CESE, qui sont nommés.

Si nous décidions de confier au CESE, donc à son président, la nomination du déontologue, nous laisserions à une personne nommée le soin de nommer un déontologue. Une telle démarche est distincte de celle que je propose. Nous aurons ce débat dans l’hémicycle.

S’agissant des conflits d’intérêts, je n’ai pas souhaité – pour les raisons exposées par notre collègue Gosselin – m’engager dans la voie des déclarations d’intérêts. Par nature, le CESE est porteur d’intérêts catégoriels au travers de ses membres. Il y a là une autre limite de l’analogie avec le Parlement. Quoi qu’il en soit, il me semble que nous serons tous d’accord, en séance publique, pour avancer sur ces points.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous devrions parvenir à une solution satisfaisante. Je suis sensible à l’argument selon lequel le parallélisme des formes ne s’applique pas pour la nomination d’un déontologue. Pour le Parlement, il faut tenir compte de la séparation des pouvoirs ; tel n’est pas le cas pour le CESE, sauf à prendre acte qu’il constitue une troisième chambre, ce qui n’est ni souhaitable, ni possible dans le cadre constitutionnel en vigueur. Cela ne m’empêche pas de considérer qu’une nomination par le Premier ministre pose problème.

La question des conflits d’intérêts et des déclarations d’intérêts est bien réelle. M. Gosselin l’a très bien dit : au CESE, vous êtes le représentant d’une catégorie. Vous agissez donc, par définition, selon un intérêt particulier. Nous sommes, nous, les représentants du peuple ; en cas de conflit d’intérêts, nous pratiquons désormais le déport, ce qui est heureux. On ne peut pas imaginer que les membres du CESE, sur les sujets qui correspondent à leur activité, pratiquent le déport, ce qui serait complètement antinomique avec la représentation de la société civile organisée.

M. Pacôme Rupin. Monsieur le rapporteur, je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce que vous venez de dire : les membres du CESE peuvent eux aussi être placés en situation de conflits d’intérêts. Certes, il faut peut-être moins restreindre leur acception qu’à l’Assemblée nationale, mais le fait est que, lorsqu’il s’agit d’émettre un avis consultatif sur un sujet, il peut se trouver que celui-ci englobe, de façon plus ou moins proche, l’entreprise ou la branche d’activité de l’un des membres du CESE. Dans ce cas, il ne me semble pas choquant que cette personne soit obligée de pratiquer le déport, comme c’est le cas à l’Assemblée.

Il faut aller moins loin dans la définition du conflit d’intérêts, et procéder moins strictement, mais ce n’est pas parce que l’on représente au CESE une branche ou un secteur d’activité que les conflits d’intérêts sont impossibles. Ils peuvent survenir ; il faut donc se pencher précisément sur la question.

La Commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite larticle 10 modifié.

Après l’article 10

La Commission examine lamendement CL135 de Mme Laurianne Rossi, qui fait lobjet des sous-amendements CL230 et CL229 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Laurianne Rossi. Par l’intermédiaire de cet amendement, je propose, là encore par analogie avec ce qui se fait à l’Assemblée nationale et au Sénat, que soit édicté un code de déontologie du CESE, que le déontologue qui sera nommé serait chargé de faire respecter.

J’en profite pour présenter l’amendement CL136, qui porte sur l’article 11 et vise à fixer un cadre pour l’utilisation des frais de mandat des membres du Conseil. Aujourd’hui, les membres du CESE perçoivent, d’une part, une indemnité au titre du mandat qu’ils exercent et, d’autre part, une indemnité forfaitaire destinée à couvrir les frais de mandat ; or il n’existe pas de liste des frais éligibles à ce titre. Il s’agit donc de poser le principe et de renvoyer au CESE le soin, comme c’est le cas dans notre assemblée, de fixer la liste des frais éligibles et les modalités de contrôle de l’utilisation de l’indemnité pour frais de mandat.

Je propose en outre, par le même amendement, que chacun des membres du CESE publie un rapport annuel d’activité, de manière à assurer la transparence. Si la question de l’absentéisme ne se pose pas vraiment dans le cas du CESE, puisqu’il s’agit de personnes qui exercent pour la plupart une activité professionnelle en parallèle, il importe néanmoins que le citoyen ait connaissance de l’activité de ses membres.

Mme Cécile Untermaier. Si je propose de sous-amender l’amendement de mon excellente collègue, c’est que nous avions présenté un amendement qui a été déclaré irrecevable au motif qu’il modifiait directement une loi ordinaire – dont acte ; or il me paraissait important d’engager une réflexion sur le sujet. Peut-être pourrions-nous, comme le laissait plus ou moins entendre le garde des Sceaux hier, profiter de ce règlement ou ce code déontologique – je préférerais pour ma part que l’on parle de « charte », puisque ce serait en définitive l’affaire du Conseil lui-même, plutôt que celle d’un décret – pour soulever la question des conflits d’intérêts, au travers d’une déclaration d’intérêts, voire d’une déclaration de patrimoine, dans la mesure où les avis que rendra le CESE auront un poids économique non négligeable. Je pense qu’il faudrait néanmoins laisser au Conseil une certaine liberté sur ce point ; ce pourrait être fait au niveau du président, plutôt qu’à celui des membres.

En revanche, pour l’ensemble des membres, une déclaration d’intérêts aurait du sens, ne serait-ce que pour une question de cohérence institutionnelle. Comme le soulignait mon collègue Rupin tout à l’heure, ce n’est pas parce qu’on représente un intérêt qu’on va traiter uniquement des questions qui s’y rapportent. Les magistrats ont la possibilité de se déporter, mais ils restent néanmoins soumis à une déclaration d’intérêts. S’ils furent dans un premier temps très réticents, ils sont revenus sur leur opinion : dans le cadre de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, ils n’ont pas manqué de souligner combien cela avait été fructueux. Ils ne veulent pas revenir en arrière, car la discussion qu’une telle déclaration suscite a permis le développement d’une véritable culture en la matière. Il me semble important que cette réflexion touche aussi le Conseil économique, social et environnemental, non pas à travers un regard externe, mais en interne.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je ferai la même réponse que tout à l’heure : il faut y retravailler. Une déclaration d’intérêts, pourquoi pas – j’ai pris bonne note des arguments de Pacôme Rupin –, mais il faut trouver le juste équilibre. Une déclaration de patrimoine, en revanche, cela me semble aller un peu trop loin, surtout vu la composition du CESE.

On risque en outre de mettre le pied dans un engrenage. Demandera-t-on aux personnes qui ont été tirées au sort de faire une déclaration d’intérêts ? C’est aussi le risque.

Par conséquent, soyons prudents, prévoyons un code de déontologie et laissons ensuite le soin au CESE de préciser les choses. Cela me paraîtrait plus pertinent.

Mme Laurianne Rossi. Il ne faut pas confondre le déport et la déclaration d’intérêts. Quand on se déporte, on décide de ne pas participer aux travaux sur un texte parce qu’on se sent mal à l’aise par rapport à lui. La déclaration d’intérêts, en revanche, consiste à déclarer ses revenus et ses précédentes activités et à indiquer que l’on ne s’est pas enrichi au titre du mandat que l’on exerce. Ce sont deux choses totalement différentes.

 Pour ce qui concerne la déclaration d’intérêts, cela pose effectivement question eu égard à la nature du CESE. D’autre part, il serait intéressant de connaître l’opinion de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) sur le sujet. Un contrôle interne des déclarations d’intérêts ne me semblerait pas avoir beaucoup de sens. Or, à ma connaissance, la HATVP n’a aujourd’hui aucune compétence, au regard de la loi, pour procéder à un tel contrôle. Cela me paraît donc prématuré.

Mme Cécile Untermaier. Les membres du Conseil supérieur de la magistrature remplissent des déclarations d’intérêts et de patrimoine ; ces déclarations ne sont pas visées par la HATVP. On pourrait très bien imaginer qu’à l’invitation du législateur, le CESE réfléchisse à une éventuelle déclaration d’intérêts sans que cela s’inscrive pour autant dans le cadre de la HATVP. En tout cas, je ne vois pas pourquoi, alors que les autorités administratives indépendantes, les fonctionnaires et les membres de toutes les institutions qui participent de la puissance publique remplissent une déclaration d’intérêts, à savoir un document qui consiste à dire ce que l’on est et ce que l’on a fait, les membres du CESE ne s’y soumettraient pas. J’estime que tout citoyen a légitimement le droit de savoir qui sont les membres du CESE, dans le cadre strict d’une telle déclaration d’intérêts. Cela ne nous gêne pas de le faire, alors même que nous avons été élus ; or il s’agit là de personnes nommées, qui vont rendre des avis sur des projets ou des propositions de lois et qui vont organiser des consultations publiques sur des domaines qui intéressent toute la société : je ne vois pas pourquoi on devrait les affranchir de cette exigence.

La Commission rejette successivement les deux sous-amendements.

Puis elle adopte lamendement.

L’article 10 bis est ainsi rédigé.

Article 11 (art. 22 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental) : Versement de l’indemnité aux personnes associées aux travaux des commissions

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la Commission rejette lamendement CL136 de Mme Laurianne Rossi.

Puis elle adopte l’article 11 sans modification.

Article 12 : Entrée en vigueur

La Commission examine l’amendement CL215 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il s’agit, par cet amendement, de ne pas tenir compte pour cette première mandature du délai de six mois imposé par l’article 7, ce qui permettra au comité chargé d’examiner la composition du CESE que nous avons créé de faire rapidement un état des lieux. C’est une demande du CESE.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 12 modifié.

La Commission adopte lensemble du projet de loi organique modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental (n° 3184) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 


—  1  —

 

   Personnes entendues

● Ministère de la Justice

   M. Rémi Decout-Paolini, directeur adjoint du cabinet du ministre

   M. Jean-François de Montgolfier, directeur des affaires civiles et du Sceau

   M. Guillem Gervilla, conseiller parlementaire

● Conseil économique, social et environnemental (CESE)

   M. Patrick Bernasconi, président

   M. Vincent Leroux, directeur de cabinet

   Mme Catherine Lopez, conseillère chargée des relations institutionnelles

● Assemblée des CESER de France

   M. Jean-Luc Léger, président

   M. Julien Bluteau, délégué général

● Commission nationale du débat public (CNDP)

   Mme Chantal Jouanno, présidente

   M. Floran Augagneur, vice-président

● Coordination nationale des conseils de développement

   M. Dominique Valck, co-président

   M. Yves Londechamp, co-président

   Mme Alexandra Vidal, déléguée générale

● Chambres des métiers et de l’artisanat (CMA)  France (*)

   M. Joël Fourny, président

   M. Samuel Deguara, directeur des relations institutionnelles

● Table ronde sur les Civic Tech

   M. Régis Chatellier, chargé d’études prospectives au pôle innovation, études et prospective de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), Mme Lorena Gonzalez, juriste, et Mme Tiphaine Havel, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires

   M. Valentin Chaput, co-fondateur et co-gérant d’Open source politics

   M. Cyril Lage, président fondateur de Cap collectif

   M. Clément Mabi, maître de conférences à l’Université technologique de Compiègne

● Association les 150 – l’association des citoyens de la Convention Climat

   M. Grégoire F., président

   M. Benoit B.

   Mme Kisito O.

   Mme Tina S.

● Comité de gouvernance de la Convention citoyenne pour le climat

   M. Loïc Blondiaux, professeur des universités au département de sciences politiques de la Sorbonne

   Mme Mathilde Imer, co-présidente de Démocratie ouverte

   M. Jean-Michel Fourniau, chercheur, président du Groupement d’intérêt scientifique Démocratie et Participation

● Autres intervenants

   M. Denis Baranger, professeur de droit public, Université Panthéon-Assas

   M. Dominique-Jean Chertier, auteur du rapport au Président de la République, Pour une réforme du Conseil économique, social et environnemental, 15 janvier 2019

   Mme Camille Morio, Maîtresse de conférences en droit public, Sciences-Po Saint-Germain-en-Laye

 

Le rapporteur a par ailleurs reçu une contribution écrite de France Nature Environnement.

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1])              Projet de loi constitutionnelle nº 911 pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b0911_projet-loi# et projet de loi constitutionnelle nº 2203 pour un renouveau de la vie démocratique http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2203_projet-loi#B1028142946

([2])              http://blog.juspoliticum.com/2020/09/05/democratie-participative-linopportune-reforme-du-cese-par-denis-baranger/

([3]) Loi organique n° 2020-1022 du 10 août 2020 prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental.

([4])              Ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social.

([5])              Désignés par les organisations professionnelles les plus représentatives.

([6])              Décret n° 84-558 du 4 juillet 1984 fixant les conditions de désignation des membres du Conseil économique, social et environnemental.

([7])              La notions de « projet de loi de programme » a été interprétée de façon restrictive par le Conseil constitutionnel. Selon la décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986 relative à la loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social, « on doit entendre par loi de programme (…) une loi qui, non seulement définit des objectifs à moyen ou long terme en matière économique ou sociale, mais comporte, en outre, des prévisions de dépenses chiffrées pour la réalisation de ces objectifs ». Cette décision précise aussi que l’omission de la consultation du CESE justifie la censure des dispositions de programmation concernées.

([8])              À titre d’exemple, le CESE a été saisi, en juillet dernier, par le Gouvernement d’un projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Il a également été saisi de l’article 1er du projet de loi relatif à l’énergie (devenu la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat) ainsi que de l’avant-projet de loi sur les mobilités, adopté le 24 décembre 2019.

([9])              Cette décision a été confirmée par le Conseil d’État dans sa décision n° 402259 du 15 décembre 2017.

([10])              À la différence des autres modalités de saisine, l’autosaisine n’est pas prévue dans la Constitution mais dans la loi organique.

([11]) Se reporter notamment au rapport « Refaire la démocratie » de Claude Bartolone et Michel Winock, octobre 2015 http://www2.assemblee-nationale.fr/static/14/institutions/Rapport_groupe_travail_avenir_institutions_T1.pdf

([12])              Dominique-Jean Chertier, rapport au Président de la République, « Pour une réforme du Conseil économique, social et environnemental », 15 janvier 2019.

([13])              28 citoyens ont ainsi été associés aux travaux du CESE sur l’avis « Fractures et transitions : réconcilier la France », adopté le 12 mars 2019 et 30 citoyens sur l’avis « Générations nouvelles : construire les solidarités de demain », adopté le 7 juillet 2020.

([14])              À l’occasion de la Journée internationale de la démocratie, le CESE organise, par exemple, un débat sur « Démocratie participative, démocratie représentative » avec l’Assemblée parlementaire de la Francophonie et l’Union des Conseils économiques et sociaux et Institutions similaires des États et gouvernements membres de la Francophonie (UCESIF).

([15])              Sur ce point, voir le Guide pratique de la démocratie participative locale, Camille Morio, Berger-Levrault, 2020.

([16])              Pour une présentation comparée de ces deux exercices, voir : « A la recherche du diamant de Micromégas – quelques réflexion à propos du Grand débat national et de la Convention citoyenne pour le climat », Éric Buge, Archives de la philosophie du droit.

([17])              Ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social.

([18]) Loi organique n° 2010-704 du 28 juin 2010 relative au Conseil économique, social et environnemental.

([19])              Loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions.

([20])              Article L. 4134-1 du code général des collectivités territoriales.

([21])              Article L. 4241-1 du même code.

([22])              Loi organique n° 2010-704 du 28 juin 2010 relative au Conseil économique, social et environnemental.

([23])              Décision n° 2010-608 DC du 24 juin 2010 portant sur la loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental.

([24])              Loi organique n° 2010-704 du 28 juin 2010 relative au Conseil économique, social et environnemental.

([25])              Rapport n° 892 du 15 mai 2008 sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République présenté par M. Jean-Luc Warsmann.

([26])              Selon la décision n° 402259 du Conseil d’État du 15 décembre 2017 selon laquelle « il résulte des dispositions de larticle 69 de la Constitution, éclairées par les travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, que, si le CESE peut être régulièrement saisi par voie de pétition dune question à caractère économique, social ou environnemental alors même quun projet de loi qui nest pas sans lien avec celle-ci est soumis au Parlement, il ne peut être saisi aux fins de donner un avis sur un projet de loi que par le Gouvernement. »

([27])              Source : site Internet du CESE.

([28])              Cinq avis ont ainsi été rendus dans le cadre de la veille des pétitions portant sur des thèmes variés : « Les déserts médicaux », « Vieillir dans la dignité », « La fin de vie », « Les personnes vivant dans la rue, l’urgence d’agir » et « Fractures et transitions : réconcilier la France ».

([29])              Rapport n° 2309 du 17 février 2010 sur le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental présenté par M. Éric Diard.

([30])              Actuellement, le dépôt des pétitions répond à des règles précises : dépôt unique, par liasses de cent pétitions, dans des cartons numérotés.

([31])              Avis du Conseil d’État du 25 juin 2020 sur le présent projet de loi organique.

([32])              Exposé général du présent projet de loi organique.

([33])              Projet de loi constitutionnelle n° 911 pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 9 mai 2018.

([34])              Amendement n° CL1354 à l’article 14 du projet de loi constitutionnelle précité http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/0911/CION_LOIS/CL1354

([35])              Parmi des publications de plus en plus nombreuses, on peut citer le Guide pratique de la démocratie participative locale de Camille Morio et Berger Levrault, mars 2020.

([36])              Dans sa décision du 19 juillet 2017, Association citoyenne pour Occitanie et Pays Catalan et autres, le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles doivent se dérouler les consultations prévues par l’article L. 131-1 : l’autorité administrative doit notamment mettre à disposition des personnes concernées « une information claire et suffisante sur l’objet de la consultation et ses modalités », « la définition du périmètre du public consulté » doit être « pertinente au regard de son objet » et, afin d’assurer la sincérité de la consultation, l’autorité administrative doit prendre « toute mesure relative à son organisation de nature à empêcher que son résultat soit vicié par des avis multiples émanant d’une même personne ou par des avis émis par des personnes extérieures au périmètre délimité ».

([37])              Arrêt du 19 juillet 2017, Association citoyenne pour Occitanie et Pays Catalan et autres.

([38])              Décret n°84-822 du 6 septembre 1984 relatif à l'organisation du Conseil économique, social et environnemental.

([39])              Sur le rôle et les compétences de chacune des sections, se reporter au commentaire de l’article 8 du présent projet de loi organique.

([40])              Étude d’impact.

([41])              Rapport n° 416 de M. Jean-Pierre Vial du 28 avril 2010 portant sur le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental.

([42])              Avis du Conseil d’État du 25 juin 2020 sur le présent projet de loi organique.

([43])              Étude d’impact.

([44])              Idem.

([45])               Amendement n° 196 du Gouvernement http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/3184/CION_LOIS/CL196

([46])              Ordonnance n° 62-918 du 8 août 1962 pour réduire le nombre des conseillers afin de tenir compte de l’accès à l’indépendance de l’Algérie, loi n° 90-1001 du 7 novembre 1990 pour augmenter d’un membre les représentants des activités économiques et sociales d’outre-mer et loi n° 2007-223 du 21 février 2007 pour augmenter cette même catégorie de deux nouveaux membres et la porter à onze.

([47])              Jean Rivero, Le Conseil national économique, cité par le rapport au Président de la République de M. Dominique-Jean Chertier, Pour une réforme du Conseil économique, social et environnemental, 15 janvier 2009.

([48])              Ouvriers, employés, fonctionnaires, techniciens, ingénieurs et cadres ; entreprises industrielles, commerciales et artisanales ; organismes agricoles ; activités sociales ; activités diverses ; classes moyennes.

([49])               Pierre Mendès-France, La République moderne, 1966, cité par Dominique Turpin, La réformette du Conseil économique et social, 1984.

([50])              Loi n° 90-1001 du 7 novembre 1990 et loi n° 2007-223 du 21 février 2007.

([51])              Décret n° 84-558 du 4 juillet 1984 modifié fixant les conditions de désignation des membres du Conseil économique, social et environnemental.

([52])              Décret n° 84-822 du 6 septembre 1984 modifié.

([53])              Elles ne sont que 60 en fonction aujourd’hui.

([54])              Les 150 citoyens tirés au sort pour participer à la Convention citoyenne pour le climat avaient reçu des indemnisations équivalentes à celles des membres des jurys d’assise.

([55])              Voir notamment la tribune collective, Démocratie : renforçons le droit à la participation des citoyens !, Marianne.net, 13 juillet 2020 ou l’avis n° 2306, tome 7 d’Émilie Guerel sur les crédits Relations avec les collectivités territoriales dans le projet de loi de finances pour 2020, Assemblée nationale, 10 octobre 2019.

([56])              L’indemnité pour la participation aux séances de sections était de 265,72 euros nets en 2019.