N° 3351

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 septembre 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification du deuxième protocole additionnel à la convention européenne dextradition, du troisième protocole additionnel à la convention européenne dextradition et du quatrième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition

 

PAR M. Pierre-Henri DUMONT

Député

——

 

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 

 

 Voir les numéros :

 Sénat :  274, 330, 331, et T.A. n° 69 (2019-2020)

 Assemblée nationale : 2744

 

 


 


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SOMMAIRE

Pages

introduction

I. la convention européenne dextradition

A. un accord régissant les relations avec des états non membres de lunion européenne

B. un premier protocole additionnel (1975) jugé non utile par la France

C. un espace européen régi par la procédure du mandat darrêt européen

II. trois protocoles additionnels tendant à simplifier la procédure

A. le deuxième protocole additionnel (1978)

B. le troisième protocole additionnel (2010)

C. le quatrième protocole additionnel (2012)

D. Une ratification aujourdhui nécessaire

EXAMEN EN COMMISSION

ANNEXE

    

 

 

 


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   introduction

 

La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification des deuxième, troisième et quatrième protocoles additionnels à la convention européenne d’extradition.

Ces protocoles complètent et modifient la convention européenne d’extradition signée à Paris le 13 décembre 1957 et ratifiée par la France le 10 février 1986.

Ils tendent à simplifier la procédure applicable en matière d’extradition entre les États qui les auront ratifiés. Ils n’ont vocation à s’appliquer qu’à la coopération pénale de la France avec des pays auxquels elle n’est pas liée par un accord bilatéral d’extradition et qui ne sont pas membres de l’Union européenne. En effet, au sein de l’espace européen, c’est la procédure du mandat d’arrêt européen qui s’applique depuis 2004.

 

 

 

 


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I.   la convention européenne d’extradition

A.   un accord régissant les relations avec des états non membres de l’union européenne

L’extradition est une procédure juridique par laquelle un État livre l’auteur d’une infraction à un autre État qui le réclame, pour qu’il puisse y être jugé ou y exécuter sa peine.

En matière d’extradition, la France est liée à d’autres États par de nombreuses conventions bilatérales ([1]), mais aussi par des traités multilatéraux, dont le plus important est la convention européenne d’extradition ([2]). Celle-ci est l’une des plus anciennes conventions européennes dans le domaine du droit pénal. Conclue dans le cadre du Conseil de l’Europe, elle a été signée le 13 décembre 1957 et a commencé à entrer en vigueur le 18 avril 1960. La France l’a signée le 13 décembre 1957 et l’a ratifiée seulement le 10 février 1986, en vue d’une entrée en vigueur le 11 mai suivant (L. n° 85‑1478, 31 déc. 1985).

L’obstacle essentiel à la ratification de cette convention était l’application de la peine de mort en France. L’article 11 de la convention stipule en effet que, si la peine capitale est en vigueur dans l’État requérant, l’extradition ne pourra lui être accordée que s’il donne des assurances suffisantes que cette peine ne sera pas exécutée. La France s’est longtemps refusée à ratifier cet instrument juridique par crainte de se voir opposer des refus d’extradition sur le fondement de cet article. L’abolition de la peine de mort le 9 octobre 1981 a permis de lever cet obstacle.

Les origines lointaines de la convention européenne d’extradition remontent à une recommandation adoptée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en 1951, sur proposition du député britannique John Foster. Elle est née du constat que, faute d’accords bilatéraux d’extradition entre plusieurs États membres du Conseil de l’Europe, les auteurs de crimes commis sur le territoire de l’un pouvaient se réfugier sur le territoire d’un autre pour échapper à la sanction de leurs actes. Un comité d’experts mis en place en 1953 a été chargé d’établir les principes de la future convention. Il s’est notamment inspiré pour cela de la convention d’extradition conclue en 1951 entre la France et la République Fédérale d’Allemagne. Dès le départ, le choix a été fait, dans un souci d’inciter le plus d’États possible à adhérer à la convention, de permettre à ces deniers de formuler des réserves, notamment pour rendre compatibles les engagements conventionnels avec leurs législations internes. Il s’agit là d’une possibilité dont la France fera usage.

La conclusion de la convention a permis en outre d’harmoniser, dans une certaine mesure, les règles en matière d’extradition entre des pays de traditions juridiques différentes, pays de Common law et pays de droit romano-germanique.

La convention de 1957 ne retient pas, comme le faisaient les anciennes conventions bilatérales conclues en la matière, le principe d’une liste d’infractions susceptibles de fonder une demande d’extradition. Elle prévoit une obligation générale d’extradition, sur la base du principe de la double incrimination (les faits en cause doivent être punis à la fois par les lois de la partie requise et par celles de la partie requérante). Les parties contractantes s’engagent à se livrer réciproquement, selon les règles et sous les conditions déterminées par la convention, les individus qui sont poursuivis pour une infraction ou recherchés aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté par les autorités judiciaires de la partie requérante (article 1er de la convention). Les faits incriminés doivent être punis d’une peine privative de liberté d’au moins un an ou d’une peine plus sévère ; la France a usé de son droit de réserve pour fixer le quantum de cette peine à deux ans.

La convention consacre expressément le principe, issu de la coutume, dit « de spécialité ». Celui‑ci interdit (sous certaines réserves) toute poursuite pour un fait autre que celui ayant motivé l’extradition. Il implique une totale adéquation entre le fait objet de l’extradition et le fait pour lequel l’extradé sera jugé et purgera sa peine.

La convention n’est applicable ni aux infractions dites « politiques » ([3]), ni aux infractions militaires. Dans sa rédaction initiale, elle exclut de son champ d’application les infractions de nature fiscale, sauf arrangement entre les parties contractantes. L’application de la règle non bis in idem (qui interdit de juger un individu pour des actes ayant déjà fait l’objet d’un jugement définitif), la prescription de l’action ou de la peine et l’application de la peine de mort par l’État requérant constituent également des motifs de refus d’extradition.

Tout État partie à la convention peut refuser, par déclaration, l’extradition de ses propres nationaux.

Les demandes d’extradition sont échangées par la voie diplomatique. De façon très classique, il est exigé que la demande présente un exposé complet et précis des faits, fasse état des dispositions juridiques applicables et soit accompagnée, en original ou en copie certifiée conforme, du titre fondant celle-ci (un mandat d’arrêt, un jugement exécutoire ou tout autre acte ayant la même force).

Si la convention européenne d’extradition a perdu une partie de son importance en raison de l’instauration du mandat d’arrêt européen dans l’Union européenne, elle n’en conserve pas moins son utilité en ce qui concerne la coopération pénale avec les États non membres de l’Union et non liés à la France par une convention bilatérale. Cinquante États adhèrent à ce jour à la convention, parmi lesquels l’Afrique du Sud, Israël et la Corée du Sud (qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe).

B.   un premier protocole additionnel (1975) jugé non utile par la France

La convention européenne d’extradition a été complétée en 1975 par un premier protocole additionnel, dont l’entrée en vigueur a débuté dans certains États le 20 août 1979. Ce protocole est issu des travaux d’un comité d’experts nationaux, réuni en 1969, chargé d’évaluer l’application de la convention.

Le protocole de 1975 restreint le champ des infractions considérées comme « politiques » en en excluant les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides : ces derniers peuvent donc donner lieu à extradition. Le protocole étend par ailleurs la règle du non bis in idem (nul ne peut être poursuivi ou puni deux fois pour les mêmes faits) aux jugements définitifs rendus par un État tiers (partie à la convention).

Lors de la ratification en 1986 de la convention européenne d’extradition, la France a considéré que la signature de ce protocole additionnel, dépourvu de portée opérationnelle (à la différence des trois protocoles qui suivront), n’était pas utile. Telle est toujours la position du Gouvernement français, partagée par des pays comme l’Italie, l’Autriche, la Finlande et le Royaume-Uni.

C.   un espace européen régi par la procédure du mandat d’arrêt européen

Depuis une décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise du 13 juin 2002 du Conseil de l’Union européenne ([4]), le mandat d’arrêt européen a remplacé l’extradition entre les États membres de l’Union européenne. On ne parle plus dans ce cadre d’extradition, mais de « remise » de la personne concernée, et l’extradition n’intervient que « hors les cas où sappliquent les dispositions du présent titre relatives au mandat darrêt européen (...) » (art. 696‑25 alinéa 1er du code de procédure pénale).

Le mandat d’arrêt européen est défini comme « une décision judiciaire émise par un État membre en vue de larrestation et de la remise par un autre État membre dune personne recherchée pour lexercice de poursuites pénales ou pour lexécution dune peine ou dune mesure de sûreté privatives de liberté » (Cons. UE, déc.-cadre 2002/584/JAI, 13 juin 2002, art. 1er).

Comme l’écrit la doctrine ([5]), « le mandat darrêt européen constitue la première concrétisation du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale. Ce principe, selon lequel une décision rendue par une juridiction dun État membre doit être exécutée par un autre État membre comme sil sagissait dune décision prise par ses propres autorités judiciaires, a été érigé en "pierre angulaire" de lespace judiciaire européen par le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999. »

Dès 1999, en effet, le Conseil européen de Tampere avait évoqué l’idée de remplacer l’extradition des personnes condamnées par un simple transfèrement et de mettre en place des procédures accélérées d’extradition. Le 21 septembre 2001, dix jours après les attentats perpétrés aux États-Unis, le Conseil adoptait un plan de lutte contre le terrorisme préconisant l’adoption du mandat d’arrêt européen. La Commission déposait une proposition de décision-cadre en ce sens le 25 septembre suivant. Les négociations, bien que rendues complexes par les réticences de l’Italie, aboutissaient en un temps record pour ce type de texte et permettaient son adoption définitive le 13 juin 2002. Cet instrument est en vigueur depuis le 1er janvier 2004.

Selon la décision-cadre de 2002, un mandat d’arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l’État membre d’une peine ou d’une mesure de sûreté d’au moins douze mois ou, lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue ou qu’une peine de sûreté a été infligée, pour des condamnations prononcées d’une durée d’au moins quatre mois.

La décision-cadre du conseil du 13 juin 2002 dresse une liste de trente‑deux infractions pour lesquelles il n’est pas nécessaire de contrôler la double incrimination du fait. Cette liste vise notamment des catégories d’infractions telles que la participation à une organisation criminelle, le terrorisme, le trafic illicite de stupéfiants, la corruption, la cybercriminalité, les vols, l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers, le trafic de véhicules volés, le viol, la contrefaçon.

La juridiction recherchant une personne aux fins de poursuites ou d’exécution d’une peine décerne un mandat d’arrêt national sur lequel elle fondera le mandat d’arrêt européen. Celui-ci sera, à sa demande, diffusé dans le « Système d’information Schengen » (SIS) ([6]), permettant d’informer les services de police et de justice des pays membres des recherches ou communiqué directement à la juridiction compétente en cas de localisation.

La décision-cadre de 2002 laisse le choix à l’autorité judiciaire d’exécution de placer la personne arrêtée en détention ou de la laisser en liberté (sous réserve d’avoir pris toutes les mesures nécessaires en vue d’éviter sa fuite), dans les conditions prévues par son droit interne. La durée de la détention sera déduite de la peine à subir dans l’État d’émission.

Le mandat d’arrêt européen peut (sauf exceptions) être refusé par l’autorité judiciaire d’exécution si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision faisant l’objet du mandat d’arrêt.

Le « principe de spécialité », repris du droit de l’extradition, s’impose en principe (sauf exceptions) à l’État d’émission : une personne qui a été remise ne peut donc être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une infraction commise avant sa remise autre que celle ayant motivé celle-ci.

Le mandat d’arrêt européen est applicable entre tous les États membres de l’Union européenne ainsi qu’avec certains États participant à l’espace Schengen ([7]). S’agissant de la France, il est défini, et sa procédure est détaillée, aux articles 695‑11 et suivants du code de procédure pénale ([8]). Il a été introduit par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité transposant notamment la décision-cadre du 13 juin 2002.

Après plus de quinze années de pratique, le mandat d’arrêt européen est unanimement reconnu comme un instrument efficace. La dématérialisation de la procédure a permis des échanges entre acteurs européens favorisant la réactivité et permettant de réduire les délais de remise. Sa mise en œuvre est parfaitement assimilée par les juridictions françaises.

Depuis son lancement en 2004, le mandat d’arrêt européen a été l’instrument européen de coopération judiciaire le plus utilisé en matière pénale, avec par exemple 16 144 mandats d’arrêt européens en 2015. Cette année-là, les autorités françaises ont reçu 1 739 mandats, ont procédé à la remise de 599 personnes et se sont vues remettre 424 personnes dans le cadre de cette procédure.

Comme l’a résumé, le 17 octobre 2017, lors du High Level Expert Meeting portant sur le mandat d’arrêt européen, la commissaire européenne à la Justice Věra Jourová : « le mandat darrêt est une réussite. Il raccourcit considérablement le délai de transfert des criminels dun État de lUnion européenne à un autre. Il permet à ces criminels dêtre traduits en justice dans le pays où ils ont commis leur crime ».

II.   trois protocoles additionnels tendant à simplifier la procédure

Le 2 octobre 2018, à Strasbourg, la France a signé trois protocoles additionnels à la convention européenne d’extradition, adoptés respectivement en 1978, 2010 et 2012 (et déjà entrés en vigueur dans certains États). D’un point de vue procédural, les États parties à la convention européenne d’extradition peuvent adhérer à ses protocoles additionnels sans qu’une invitation spécifique du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe ([9]) ne soit nécessaire.

Ces protocoles visent à approfondir, fluidifier et accélérer la coopération entre États en matière d’extradition. Les deux plus récents trouvent une partie de leur inspiration dans le régime du mandat d’arrêt européen.

Ils ne sont destinés à s’appliquer qu’à la coopération avec des États non membres de l’Union européenne (qui les auront ratifiés), d’une part, et avec lesquels la France n’a pas signé d’accord bilatéral d’extradition, d’autre part. Ceci représente un nombre particulièrement limité de flux.

A.   le deuxième protocole additionnel (1978)

Le deuxième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition a été adopté en 1978 et a commencé à entrer en vigueur le 5 juin 1983. Comme celui de 1975, il fait suite aux travaux du comité d’experts nationaux, réuni en 1969 pour étudier les possibles améliorations du texte de la convention. Il comprend douze articles.

Il élargit notamment le champ de l’extradition dite « accessoire » (article 1er). Si la demande d’extradition vise plusieurs faits distincts, mais dont certains ne remplissent pas la condition relative au taux de la peine, la partie requise a ainsi la faculté d’accorder également l’extradition pour ces derniers, y compris s’il s’agit d’infractions qui ne sont passibles que d’une simple sanction de nature pécuniaire. Ceci a son importance car des infractions considérées comme mineures peuvent parfois causer un préjudice social non négligeable, comme dans le domaine de l’environnement.

Il inclut les infractions fiscales parmi celles qui donnent lieu à extradition, un accord entre les parties n’étant plus exigé (article 2). L’extradition doit être accordée chaque fois que l’infraction fiscale correspond, au regard de la législation de l’État requis, à une infraction de même nature que dans la législation de l’État requérant. L’extradition ne peut pas être refusée pour le motif que la législation de la partie requise n’impose pas le même type de taxes ou d’impôts.

Il s’agit là d’une avancée réelle. En effet, selon les services du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, les demandes visant à des poursuites ou à une exécution de peine pour ce type d’infraction ne prospéraient pas jusqu’à présent en raison de l’absence d’accord. Plusieurs dossiers notamment avec la Russie n’ont ainsi pu aboutir. Fait significatif, ce sont principalement les pays dotés d’une « fiscalité avantageuse » (Andorre, Irlande, Liechtenstein, Luxembourg et Saint-Marin) qui, en dehors de la France, se sont abstenus de signer ou de ratifier le deuxième protocole.

L’article 3 prévoit la possibilité de refuser l’extradition d’une personne si le jugement rendu par défaut à son encontre ne respecte pas les droits minimaux de la défense (connaissance de l’accusation portée, assistance par un avocat, participation au procès, etc.) ([10]).

Par ailleurs, l’extradition ne sera pas accordée pour une infraction couverte par l’amnistie dans l’État requis si celui-ci avait compétence pour poursuivre cette infraction selon sa propre loi pénale (article 4).

Le protocole permet enfin une transmission des requêtes de ministère de la justice à ministère de la justice, même s’il n’exclut pas la voie diplomatique (article 5). Il contribue ainsi à simplifier le canal de transmission des demandes et leurs conditions de traitement. La transmission directe permet en effet de gagner en efficacité.

Les articles 6 à 12 reprennent en particulier le libellé de clauses types (signature et entrée en vigueur, adhésion au protocole, application territoriale, réserves, exécution du protocole, dénonciation et notifications). L’article 9 précise que le droit de réserve s’applique à l’ensemble des dispositions du deuxième protocole additionnel.

B.    le troisième protocole additionnel (2010)

Adopté en 2010, le troisième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition a commencé à entrer en vigueur dans certains États le 1er mai 2012. Il comprend 19 articles. Son élaboration s’est inscrite dans le cadre des travaux du Comité d’experts sur le fonctionnement des conventions européennes sur la coopération dans le domaine pénal (PC-OC). Ce comité est notamment chargé, sous l’autorité du Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), d’examiner le fonctionnement et la mise en œuvre des conventions dans le domaine de la coopération pénale et d’en améliorer le fonctionnement lorsque cela est nécessaire. La grande avancée contenue dans ce protocole consiste dans l’instauration d’une procédure d’extradition simplifiée, répondant ainsi à une demande récurrente des juridictions dans un contexte d’internationalisation de la criminalité.

Les parties s’engagent à recourir à la procédure simplifiée, sous réserve du consentement des personnes recherchées et de l’accord de l’État requis (article 1er). En pratique, en effet, la personne arrêtée consent souvent à sa remise.

L’article 2 décrit les modalités de mise en œuvre de la procédure simplifiée d’extradition, en distinguant selon que la partie requise agit à la suite d’une demande d’arrestation provisoire (cas le plus fréquent) ou que la demande d’extradition est présentée sur le fondement de l’article 12 de la convention (requête formulée par écrit et présentée par la voie diplomatique). Le formalisme procédural, en termes de présentation de documents, est fortement allégé.

La personne arrêtée à des fins d’extradition doit être informée (par l’autorité compétente de la partie requise), dans les plus brefs délais, de la demande dont elle fait l’objet ainsi que de la possibilité de bénéficier d’une extradition selon la procédure simplifiée si elle y consent (article 3).

L’article 4 encadre les modalités de recueil du consentement de la personne recherchée et, le cas échéant, de sa renonciation au bénéfice de la règle de la spécialité. Ce consentement et cette renonciation doivent être donnés devant l’autorité judiciaire, volontairement et en pleine conscience des conséquences juridiques qui en résultent. La France entend déclarer, comme le lui permet l’article 4, que le consentement de la personne concernée pourra être révoqué jusqu’à ce que la décision de la partie requise relative à l’extradition selon la procédure simplifiée ait acquis un caractère définitif ([11]).

Chaque État peut, par déclaration, prévoir que la règle de la spécialité ([12]) ne s’appliquera pas à la procédure simplifiée d’extradition lorsque la personne extradée consent à l’extradition ou, ayant consenti à l’extradition, renonce expressément au bénéfice de cette règle (article 5).

L’article 6 décrit les notifications à effectuer dans le cas d’une arrestation provisoire.

Lorsque la personne recherchée a donné son consentement à l’extradition, la partie requise doit notifier à la partie requérante sa décision concernant l’extradition selon la procédure simplifiée au plus tard dans les vingt jours suivant la date du consentement de la personne (article 7).

Les communications prévues par le protocole peuvent s’effectuer par voie électronique ainsi que par le biais d’Interpol (article 8).

La remise a lieu le plus vite possible, et de préférence dans un délai de dix jours à compter de la date de notification de la décision d’extradition (article 9).

L’article 11 simplifie les conditions applicables au transit et l’article 12 garantit une interprétation uniforme du protocole additionnel et de la convention en indiquant que les termes et expressions employés dans le premier doivent être interprétés au sens de la seconde.

Les articles 13 à 19 reprennent notamment le libellé de clauses types (règlement amiable, signature et entrée en vigueur, adhésion au protocole, application territoriale, déclarations et réserves, dénonciation et notifications).

C.   le quatrième protocole additionnel (2012)

Le quatrième protocole additionnel à la Convention européenne d’extradition a été adopté en 2012 et a commencé à entrer en vigueur le 1er juin 2014. Il comprend quinze articles. Son élaboration s’est inscrite dans le même contexte que le précédent, et a fait suite aux réflexions du PC-OC sur la modernisation des instruments de coopération pénale du Conseil de l’Europe. Il vise à moderniser de façon plus générale la convention initiale, en s’inspirant notamment de la procédure du mandat d’arrêt européen en vigueur entre les États membres de l’Union européenne.

Aux termes de l’article 1er, si la prescription reste (comme dans l’état du droit antérieur) un motif obligatoire de refus d’extradition lorsqu’elle est acquise d’après la législation de la partie requérante, en revanche elle ne constitue pas un motif de refus si elle est acquise en vertu de la législation de l’État requis. Un État peut toutefois prévoir, par déclaration, une dérogation à ce principe.

L’article 2 remplace l’article 12 de la convention, relatif à la requête et pièces à produire à l’appui de celle-ci. La transmission des requêtes et pièces pourra se faire de ministère de la justice à ministère de la justice, sauf si un État désigne une autre autorité compétente. Cette « judiciarisation » de la procédure, au détriment des exécutifs, est une tendance de fond du droit de l’extradition, en lien avec le souci de renforcement de la protection des droits individuels.

Aux termes du même article, la transmission de l’original ou d’une copie certifiée conforme de la décision judiciaire fondant la demande d’extradition n’est plus nécessaire ; une simple copie suffit.

L’article 3 complète et modifie l’article 14 initial relatif à la règle de la spécialité. Selon sa nouvelle rédaction, la personne extradée ne peut être poursuivie pour un fait autre que celui ayant motivé l’extradition, sauf lorsque l’État requis y consent ; l’État requis dispose d’un délai de 90 jours, à compter de la réception de la demande de consentement, pour faire part de sa décision sur ce point. Le principe de spécialité ne s’applique pas non plus lorsque, ayant eu la possibilité de le faire, la personne extradée n’a pas quitté, dans les 30 jours qui suivent son élargissement définitif, le territoire de l’État requérant ou si elle y est retournée après l’avoir quitté.

L’article 4 complète l’article 15 de la convention (par coordination avec les modifications apportées à l’article 14), en prévoyant également un délai maximal de 90 jours au cours duquel la partie requise doit décider si elle consent ou non à ce que la personne remise à la partie requérante soit ré-extradée vers une autre partie ou un État tiers ([13]).

L’article 5 substitue une nouvelle rédaction à celle de l’article 21 de la convention dans le but de simplifier la procédure de transit. Il n’y a plus, en particulier, d’obligation d’avertir la partie dont l’espace aérien sera utilisé à l’occasion d’un transit lorsqu’aucun atterrissage n’est prévu.

L’article 6 complète la convention en matière de moyens de communication, en offrant une base juridique à la communication rapide, par voie électronique ou tout autre moyen laissant une trace écrite, tout en garantissant l’authenticité des documents et des renseignements transmis.

L’article 7 rappelle que les termes et expressions employés dans le protocole doivent être interprétés au sens de la convention.

Les articles 8 à 15 reprennent notamment le libellé de clauses types (règlement amiable, signature et entrée en vigueur, adhésion au protocole, champ d’application temporelle et territoriale, déclarations et réserves, dénonciation et notifications).

D.   Une ratification aujourd’hui nécessaire

La convention européenne d’extradition ne s’appliquant qu’à la coopération avec des États parties à celle-ci, non membres de l’Union européenne et non liés à la France par un accord bilatéral, les demandes d’extradition formulées dans ce cadre ont été jusqu’à présent relativement limitées. L’absence de besoins opérationnels significatifs ne rendait pas nécessaire le recours aux outils prévus dans les protocoles additionnels de 1978, 2010 et 2012.

Deux évolutions conduisent à modifier cette appréciation.

Tout d’abord, la prochaine sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne pourrait empêcher, pour les procédures d’extradition avec ce pays (relativement nombreuses), de recourir au mandat d’arrêt européen, et rendre applicables à la place les stipulations de la convention européenne d’extradition et de ses trois derniers protocoles additionnels, que le Royaume-Uni a déjà ratifiés. Il ne pourrait en aller autrement que si le Royaume-Uni et l’Union européenne concluaient un accord spécifique sur cette question ([14]). Comme le souligne l’étude d’impact du présent projet de loi, « dans un contexte de probable sortie du Royaume-Uni de lUnion européenne et dans le cadre des travaux de préparation de la présidence française du comité des ministres du Conseil de lEurope, il est apparu particulièrement opportun pour la France de signer ces trois protocoles, ce quelle a fait le 2 octobre 2018 ».

Outre la perspective d’un Brexit sans accord sur les questions de police et de justice, ce sont les évolutions de la criminalité elles-mêmes qui rendent nécessaire le renforcement de la coopération pénale entre États, comme le réclament les juridictions françaises. L’internationalisation et la complexification croissantes de la criminalité (trafic d’êtres humains, trafic de stupéfiants, trafic d’armes, terrorisme, fraude fiscale, etc.) rendent d’autant plus indispensable d’améliorer les canaux de la coopération en matière de remise des personnes, notamment par le biais de la procédure simplifiée d’extradition et par la transmission directe entre ministères de la justice.

C’est pourquoi la ratification de ces protocoles additionnels, et donc l’adoption du présent projet de loi d’autorisation, apparaît aujourd’hui opportune.


   EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 23 septembre 2020 à 9h.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Rodrigue Kokouendo. Ce rapport au sujet de la ratification des protocoles additionnels à la convention européenne d’extradition nous rappelle que l’objectif premier de leur ratification est de faciliter la coopération en matière d’extradition. Les trois protocoles additionnels semblent bénéfiques bien qu’ils ne concernent que les pays non membres de l’Union européenne qui ont ratifié la convention européenne d’extradition ainsi que les pays qui n’ont pas signé d’accord bilatéral en la matière. Comme le précise ce rapport, ces protocoles ne concernent que très peu d’États, cependant la criminalité ne cesse d’augmenter et de se diversifier et il serait dommageable de passer à côté de certaines procédures pénales essentielles en ne ratifiant pas ces présents protocoles. De plus, ces nouveaux protocoles n’apportent aucune contrainte budgétaire ou administrative supplémentaire à la France, bien au contraire. En effet, entre les États membres de l’Union européenne nous disposons du mandat d’arrêt européen et nous ne sommes donc pas concernés par les modifications apportées à convention européenne de 1957.

Les avantages de ces nouveaux protocoles sont réels. Avec un élargissement des infractions, notamment fiscales, la communication simplifiée entre les ministères permettra un réel gain de temps, comme le précise le projet de loi. Nous facilitons les extraditions en supprimant le cumul des phases judicaires puis administratives au bénéfice d’une phase judicaire unique. Le quatrième protocole tend à permettre une gestion des dossiers semblable à celle du mandat d’arrêt européen.

Il nous faut aussi penser à l’actualité. Le Brexit nous démontre l’intérêt de ces protocoles additionnels car si aucun accord n’est trouvé entre les différentes parties, la France aura l’avantage de disposer d’accords lui permettant d’entreprendre, avec le Royaume-Uni, des coopérations simplifiées en matière d’extradition. Ces dernières années, la coopération entre la France et le Royaume-Uni a été bénéfique, les chiffres le montrent. Le Royaume-Uni ayant déjà ratifié ces protocoles additionnels, leur sortie de l’Union européenne aura un effet relatif sur la coopération franco-britannique en matière d’extradition. Les dossiers en cours bénéficieront notamment de la poursuite d’une procédure semblable à celle appliquée dans le cadre du mandat d’arrêt européen. Il s’agit aujourd’hui de concevoir un éventuel « no-deal » au sujet du Brexit et donc d’anticiper, avec ces protocoles additionnels, notre coopération future avec le Royaume-Uni. Muscler la convention européenne d’extradition est tout à l’avantage de la France, mon groupe votera donc en faveur de ce projet de loi qui autorise la ratification des trois protocoles additionnels.

Par ailleurs, Monsieur le rapporteur, pourriez-vous nous préciser, au sujet du champ d’application de ces protocoles si ces derniers seront applicables dans les territoires qui sont exclus de la convention de 1986 comme Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon ou encore la Nouvelle-Calédonie ?

M. Jean-Claude Bouchet. Je serai très bref puisque le rapporteur a très clairement exposé les enjeux. Il nous faut à présent regarder vers l’avenir et penser à renforcer nos différentes conventions en la matière. Bien entendu, le groupe Les Républicains suivra les conclusions du rapport qui a été fait par notre éminent collègue ; nous donnerons un avis favorable à ce projet de lois.

M. Michel Fanget. Monsieur le rapporteur, les raisons qui nous poussent à la ratification des protocoles additionnels sont nombreuses ; le contexte international, l’évolution et la complexification des formes de criminalité organisée sont autant de raisons de muscler notre réponse. Jusqu’alors l’essentiel de ces questions étaient réglées dans le cadre d’accords bilatéraux signés par notre pays ou dans le cadre des procédures internes à l’Union européenne et, depuis 2004, dans le cadre des procédures du mandat d’arrêt européen. Cependant, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne risque de multiplier les cas d’extradition qui ne seraient désormais plus soumis à la procédure du mandat d’arrêt européen. La ratification des protocoles viendrait sécuriser et faciliter les procédures d’extradition avec le Royaume-Uni. Il s’agit donc d’un projet de loi technique mais de grande portée qui doit venir encadrer notre future relation avec le Royaume-Uni post-Brexit sans accord. Le groupe du MoDem et apparentés soutiendra ce texte.

M. Alain David. Nous partageons l’idée d’une ratification de ces protocoles additionnels, qui sont pour nous pertinents au regard de la sortie prochaine du Royaume-Uni de l’Union européenne car elle ne permettra plus le recours au mandat d’arrêt européen. De plus l’évolution de la criminalité appelle à un renforcement de la coopération pénale internationale. Nous partageons l’idée qu’il convient d’accélérer, d’approfondir et de fluidifier la coopération des États en matière de lutte contre la criminalité. Le groupe socialiste soutiendra donc la ratification de ces trois protocoles additionnels.

Mme Frédérique Dumas. Ce projet de loi, bien qu’il ne concerne qu’un faible nombre de personnes, est très important et engrange de nombreuses modifications de la convention européenne d’extradition signée en 1957. Comme mes collègues l’ont rappelé, le contexte international, mais surtout la sortie prochaine du Royaume-Uni de l’Union européenne, justifie de la réviser. De manière générale, les dispositions prévues par les différents protocoles additionnels sont accompagnées de certaines précautions, c’est par exemple le cas pour le 2e protocole d’application, et particulièrement son article°3 : « Dans le cas d’un jugement par défaut la partie requise pourra refuser l’extradition si elle estime que la procédure de jugement n’a pas satisfait aux droits de la défense reconnus à toute personne accusée d’une infraction. » Le 3e protocole, qui créé un mécanisme d’extradition simplifié en cas de consentement à l’extradition par l’intéressé, pose néanmoins quelques questions. L’article 5 prévoit que les règles de l’article 14 de la convention relatif à la règle de spécialité ne seront plus applicables si la personne ayant consenti à son extradition renonce expressément à la règle de la spécialité. Pourtant consentir à son extradition ne veut obligatoirement pas dire que la personne a indiqué vouloir renoncer à la règle de la spécialité. Le rapporteur du Sénat sur ce projet a indiqué que la France, au titre du paragraphe 5 de l’article 4, fera une déclaration précisant que le consentement de l’intéressé pourra être retiré jusqu’à ce que la décision sur l’extradition ait acquis un caractère définitif. En ce qui concerne la révocation du bénéfice de la règle de spécialité, il n’est pas précisé si la France fera également une déclaration. La France fera-t-elle cette déclaration ?

J’ai une dernière question sur le 4e protocole modifiant l’article°10 de la convention. Ainsi modifié il est indiqué au paragraphe 2 que « l’extradition ne sera pas refusée au motif que la prescription de l’action de la peine serait acquise d’après la législation de la partie requise ». Il est également prévu au paragraphe 3 que « tout État peut au moment de la signature ou lors du dépôt de son instrument de ratification d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion, déclarer qu’il se réserve le droit de ne pas appliquer le paragraphe 2 ». Là encore, Monsieur le rapporteur, la France a-t-elle émis cette réserve ? De manière générale, la lutte contre la criminalité est un sujet majeur et mon groupe votera en faveur de ces protocoles.

M. Jean-Paul Lecoq. Les premières questions posées par ces protocoles soumis à ratification concernent la chronologie. La criminalité progresse depuis quelques décennies. Ces protocoles datent de 1978, 2010, 2012. Or la France ne les a signés qu’en 2018. Vous avez donné l’explication touchant à la question de la peine de mort, mais ce n’est pas suffisant. La criminalité a progressé durant tout cette période-là. Lorsque l’on ne ratifie pas des textes de cette importance, cela pourrait apparaitre comme du laisser-aller aux yeux des citoyens. À présent il semblerait que l’on fasse du nettoyage dans nos accords en raison du Brexit, et qu’il y a une urgence à caller des choses vis-à-vis de notre puissant voisin. Cela parait tout de même choquant.

Le deuxième problème tient à la véracité des faits invoqués par les pays qui requièrent l’extradition. J’ai défendu et continuerai de défendre la situation d’un opposant à Djibouti qui réside en France et fait l’objet de poursuites qui, selon moi, pourraient relever de manipulations. Et derrière ces manipulations il y a des demandes d’extradition. Nous avons un accord bilatéral d’extradition avec Djibouti. Je pense qu’à un moment donné les droits de la défense, qui font droit dans des pays, notamment le nôtre, doivent pouvoir être invoqués quand il y a des doutes sur les faits invoqués. Finalement, au détour de ces accords d’extradition, peuvent surgir des manipulations politiques. C’est cet aspect-là qui réclame de la vigilance et appelle notamment à formuler des réserves sur certains articles des protocoles qui nous sont soumis. Mon groupe a beaucoup réfléchi ; malgré ces inquiétudes et réserves, nous pensons qu’il est temps de ratifier ces accords. Cependant, nous nous réservons le droit, après examen et auditions de quelques personnes, de peut-être demander un débat sur le projet de loi, même si ce n’est pas notre intention à l’heure actuelle.

Mme Anne Genetet. Je commencerais par un salut amical à madame la présidente Marielle de Sarnez qui j’en suis certaine nous regarde, et à qui je souhaite tout le meilleur. Cette présentation peut paraitre simple, vis-à-vis du contexte du Brexit notamment. Je voudrais rappeler qu’ici, en commission des affaires étrangères, nous avons à plusieurs reprises parlé de l’extradition qui n’est pas un sujet aussi simple que cela. En janvier dernier, la loi d’autorisation de ratification des traités d’extradition et d’entraide judiciaire entre la France et le Vietnam a été promulguée. Rappelez-vous, mes chers collègues, nous avons en mai 2019 approuvé, en commission mais pas en séance publique, l’accord de remise de personnes poursuivies ou condamnées entre la France et Hong-Kong. Nous ne savions pas à ce moment-là que quelques mois plus tard une loi de sécurité nationale serait promulguée par la République populaire de Chine, et changerait considérablement la donne. Evidemment ces traités d’extradition sont à double sens, ils permettent aussi de protéger nos citoyens et de les extrader vers la France le cas échéant. Je ne peux pas m’empêcher de penser à la décision que nous aurions à prendre aujourd’hui si nous avions à voter sur cette convention.

Je comprends que les protocoles contiennent des précautions permettant de limiter certains cas d’extradition. Les pays avec lesquels, en dehors de l’Union européenne, nous avons signé ces traités sont très peu nombreux. Je voulais attirer l’attention de chacun d’entre nous sur le fait que nous avons des choix pas faciles à faire. Je voterai bien évidemment ce projet de loi mais je crois que s’agissant de ce qui s’est passé il y a un peu plus d’un an avec Hong-Kong, nous devons réfléchir parfois aux conséquences que peut avoir la signature de tels traités d’extradition. Il y a toujours un double sens derrière ces signatures, nous devons protéger nos citoyens mais l’accord dont j’ai parlé permet aussi de remettre aux autorités chinoises des résidents de Hong-Kong, voire des citoyens chinois.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je salue madame la présidente Marielle de Sarnez. Je voudrais simplement faire une remarque complémentaire de contextualisation. Le rapporteur a très bien expliqué que la portée politique de ces modifications était liée au Brexit. Je voudrais simplement dire que cela montre le caractère complètement paradoxal de la situation dans laquelle nous sommes. Je siégeais au Parlement européen au moment où l’on a adopté le mandat d’arrêt européen. Je me rappelle l’attitude des députés britanniques, y compris les plus eurosceptiques d’entre eux, qui trouvaient que c’était une couleuvre à avaler en matière de souveraineté, mais qui ont voté pour l’essentiel la procédure du mandat d’arrêt européen. Ils ont trouvé à juste titre qu’il s’agissait d’un élément essentiel de facilitation de la lutte contre un certain nombre d’activités terroristes. Aujourd’hui nous allons évidemment ratifier ce texte, mais il est quand même vraiment paradoxal que nous soyons amenés à adopter des textes internationaux simplement pour faire moins mal que si nous n’adoptions rien à la lumière du Brexit. Nous sommes en train de légiférer internationalement pour neutraliser les conséquences négatives du Brexit, alors qu’il aurait été beaucoup plus simple de s’en tenir à cette procédure du mandat européen qui nous arrangeait tous. Nous voyons concrètement sur des affaires sensibles, telle la lutte contre le terrorisme, que le Brexit a une incidence négative, même si nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour en neutraliser les effets négatifs.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Pour répondre à monsieur Kokouendo, il est clairement écrit dans l’étude d’impact que le gouvernement prévoit que la convention et ses 2e, 3e et 4e protocoles additionnels s’appliquent à l’ensemble du territoire de la République y compris les territoires ultramarins. Pour répondre à madame Dumas, s’agissant du 4e protocole additionnel, il est envisagé de faire une déclaration appuyée sur la faculté prévue par l’article°1er paragraphe 3 selon lequel les autorités françaises se réservent le droit de ne pas appliquer le paragraphe 2 et donc de refuser l’extradition lorsque la prescription de l’action publique ou de la peine est acquise en vertu du droit français.

Mme Frédérique Dumas. Ma première question concernait le fait de pouvoir renoncer au consentement, la France ayant fait une déclaration sur cette question. En revanche sur la possibilité de renoncer au bénéfice de la spécialité, je ne sais pas si la France a fait une déclaration.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Je vais regarder ce point et reviendrai vers vous revenir vers vous pour vous apporter la précision demandée ([15]).

Mme Frédérique Dumas. Ce qui est important est que lorsqu’on renonce au consentement il ne faut pas que cela entraine automatiquement le renoncement à la spécialité.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. À Jean-Paul Lecoq, je dirai qu’il est vrai que nous mettons du temps à ratifier les conventions mais moins de temps qu’avant. Le 4e protocole signé en 2012 a été ratifié en 2020, alors que la convention européenne d’extradition a été signée en 1957 et ratifiée en 1986. On s’améliore. Vous l’avez bien compris l’enjeu est vraiment la question du Brexit et les incertitudes qui sont derrière. Ajouté aux nouvelles formes de criminalité, il y a nécessité d’avancer. Concernant la question de la motivation politique des extraditions, je pense que l’étude d’impact et mon rapport montrent qu’évidemment ce qui est motivé par des considérations politiques ne sera pas couvert par ces procédures d’extradition. Un distinguo très clair est fait pour permettre, en effet, de préserver les droits des uns et des autres du point de vue des droits fondamentaux de l’Homme et ainsi ne pas procéder à ces extraditions.

La commission adopte, à l’unanimité, l’article 1er, l’article 2 puis l’article 3.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 2744 sans modification.


   ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION des affaires étrangères

 

 

Article 1er
(Non modifié)

Est autorisée la ratification du deuxième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition, signé à Strasbourg le 17 mars 1978, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

Article 2
(Non modifié)

Est autorisée la ratification du troisième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition, signé à Strasbourg le 10 novembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

Article 3
(Non modifié)

Est autorisée la ratification du quatrième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition, signé à Vienne le 20 septembre 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 


([1]) Algérie, Argentine, Brésil, Canada, États-Unis, Inde, Iran, Mexique, Suisse, etc.

([2]) Il existe d’autres conventions multilatérales pouvant être source de droit extraditionnel, comme l’accord du 19 juillet 2003 entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique en matière d’extradition, ou la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme du 10 janvier 2000 qui, bien que n’ayant pas comme objet principal l’extradition, contribue au droit extraditionnel.

([3]) Les infractions « politiques » sont traditionnellement définies comme celles qui tendent à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. L’exclusion de ce type d’infractions permet de refuser l’extradition lorsqu’il apparaît que la véritable raison de la demande est d’ordre politique.

([4]) La décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002 a été ultérieurement modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009 renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès.

([5]) Synthèse JurisClasseur, Fasc. 2730, David Siritzky, Mandat darrêt européen.

([6]) Le SIS est un fichier commun à l’ensemble des 26 États membres de l’espace Schengen (22 membres de l’Union européenne et quatre États associés) centralisant des informations sur les personnes recherchées, disparues ou placées sous surveillance ainsi que sur certains objets recherchés.

([7]) Comme l’explique la direction des affaires criminelles et des grâces dans une note du 16 décembre 2019, « le MAE [mandat d’arrêt européen] sapplique également avec certains États qui participent à lespace Schengen, à lexclusion de lIslande, la Norvège et la Suisse. Un accord a toutefois été conclu entre lUnion européenne et lIslande et la Norvège pour étendre le mécanisme de remise des personnes sur le fondement dun mandat darrêt, tel quinstitué au sein de lUnion par la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat darrêt européen, entré en vigueur le 1er novembre 2019. La procédure du MAE est donc applicable entre lAllemagne, lAutriche, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, le Danemark, lEspagne, lEstonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, lItalie, lIrlande, lIslande, la Lettonie, le Lichtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Norvège, les Pays Bas, la Pologne, le Portugal, la République Tchèque, la Roumanie, le Royaume Uni, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède. »

([8]) Titre X : « De lentraide judiciaire internationale », Chapitre IV : « Du mandat darrêt européen, des procédures de remise entre États membres de lUnion européenne résultant de la décision-cadre du Conseil de lUnion européenne du 13 juin 2002 et des procédures de remise résultant daccords conclus par lUnion européenne avec dautres États ».

([9]) Le Comité des Ministres est l’instance statutaire de décision du Conseil de l’Europe. Il se compose des ministres des affaires étrangères des 47 États membres. Le Comité se réunit une fois par an au niveau ministériel et une fois par semaine au niveau des Délégués (Représentants permanents auprès du Conseil de l’Europe).

([10]) Sont ici tout particulièrement visés les droits mentionnés à l’article 6, relatif au « droit à un procès équitable », de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales, signée par les États membres du Conseil de l’Europe le 4 novembre 1950.

([11]) Cf. étude d’impact.

([12]) Cf. supra.

([13]) La réextradition est l’acte par lequel un État livre à un autre État un individu qui n’est sur son territoire que par l’effet d’une extradition consentie par un État tiers.

([14]) Le 18 mars 2020, la Commission européenne a transmis au Royaume-Uni un projet d’accord, à la suite d’une consultation des instances européennes9. Il reprend presque verbatim l’accord relatif à la procédure de remise conclu en 2006 entre la Norvège, l’Islande et les États membres10. Il s’agit d’une procédure simplifiée inspirée du MAE, avec une plus grande liberté de choix incarnée par un système de « déclarations » des États (cf. Dalloz.actualité, 4 avril 2020, Brexit et mandat darrêt européen : will we believe in yesterday ?).

([15])  Monsieur Pierre-Henri Dumont, rapporteur, a fourni le lendemain la réponse suivante à Mme Frédérique Dumas : « Comme vous l’avez indiqué, l’article 5 de ce protocole permet à un État de déclarer que la règle de la spécialité sera écartée, soit par le seul consentement d’un individu à l’extradition simplifiée (a), soit en vertu d’une renonciation expresse de l’intéressé au bénéfice de la spécialité, en plus du consentement à l’extradition simplifiée (b). La France envisage de retenir cette deuxième option, qui garantit mieux les droits de la personne concernée. L’étude d’impact indique en effet : « Il est également envisagé de faire une déclaration, appuyée sur la faculté prévue par l'article 5, sous b) de ce protocole, selon laquelle les règles prévues à l'article 14 de la Convention européenne d'extradition ne sont pas applicables lorsque la personne extradée a consenti à son extradition et a renoncé expressément au bénéfice de la règle de la spécialité. Une telle déclaration est conforme aux dispositions de l'article 696-34 du code de procédure pénale et permettrait de donner pleinement effet à la procédure simplifiée d'extradition en limitant la portée du principe de spécialité lorsque la personne a consenti à son extradition et a renoncé au bénéfice de cette règle. ».