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N° 3392

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er octobre 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,

DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE

DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI

instaurant le vote dès seize ans et linscription automatique
sur les listes électorales

PAR Mme Paula FORTEZA

Députée

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3294.


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-Propos............................................. 5

examen des ARTICLES

Article 1er (art. L. 2 du code électoral) Abaissement de lâge du droit de vote à seize ans

Article 2 (art. L. 9 du code électoral) Inscription automatique sur les listes électorales

Compte rendu des débats

Personnes entendues

annexe 1 : droits et devoirs des moins de 18 ans

annexe 2 : Intervention de M. Jean Lecanuet, Garde des Sceaux, devant l’assemblée nationale le 25 juin 1974

annexe 3 : Liste des personnalités signataires de la pétition appelant à soutenir labaissement du vote à 16 ans (jevotea16ans.fr)


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Mesdames, Messieurs,

« Toute classe dirigeante qui nest pas capable demployer les forces fraîches des générations montantes est condamnée à disparaître de lhistoire ». Citant Léon Blum, Alain Terrenoire, rapporteur de la loi du 5 juillet 1974 fixant à dix-huit ans l’âge de la majorité, reprenait à son compte une conviction forte : celle de la confiance qu’il faut accorder à la jeunesse et du devoir de l’associer étroitement à la conduite des politiques publiques dont elle est l’héritière et l’avenir.

La conviction également qu’il faut donner aux jeunes la possibilité de s’exprimer dans un cadre institutionnel où leur voix puisse compter : si nombre d’entre eux s’engagent d’ores et déjà dans le débat public, le pouvoir de suffrage constitue le moyen d’une participation effective à la décision publique et de l’appropriation du sens de la citoyenneté.

Le droit de vote est en effet le premier droit du citoyen : manifestation de la souveraineté du peuple, il lui permet de désigner ses représentants, d’exprimer des préférences collectives, de définir l’intérêt général. Pierre Rosanvallon considère ainsi que « le vote est la forme la plus visible et la plus institutionnelle de la citoyenneté ». ([1])

C’est également un droit en constante évolution, tant au regard de ses modalités que des personnes qui peuvent l’exercer. Notre démocratie est fondée sur le principe du suffrage universel, par distinction avec le suffrage censitaire (lorsque le critère de droit de vote et d’éligibilité est fixé par l’acquittement d’un impôt) et le suffrage capacitaire (reposant sur des facultés intellectuelles liées, notamment, à la capacité de lire et d’écrire).

La conquête du suffrage universel a ainsi marqué l’histoire de la République : d’abord réservé aux électeurs masculins lors de la Révolution française et à compter de 1848, il est tardivement étendu aux femmes en 1944 et à d’autres catégories de personnes, comme les militaires en 1945, les français d’outre-mer en 1946 et 1956, les citoyens européens pour les élections locales en 1992 ou, plus récemment, les majeurs sous tutelle en 2007. Ce mouvement s’est également accompagné d’une baisse continue de l’âge de l’électorat : il est ainsi passé de trente ans en 1814 à dix-huit ans en 1974.

Chacune de ces extensions est le fruit d’une réflexion sur le sens de la citoyenneté et l’état de notre société. Chacune traduit une nouvelle étape dans l’approfondissement de notre démocratie, la confrontant parfois à de nouveaux défis, interrogeant toujours la notion d’« universalité ».

Il ne s’agit donc pas d’un droit figé, reposant sur des bornes exactes. Loin des certitudes, c’est à chaque fois l’approfondissement de cette universalité qui a permis de renforcer la légitimité du scrutin. Ainsi Victor Hugo déclarait-il devant l’Assemblée nationale en 1850 : « Le suffrage universel dit à tous, et je ne connais pas de plus admirable formule de la paix publique : ʺ soyez tranquilles, vous êtes souverains ʺ ».

Or, il est désormais temps de réaffirmer ce rôle fondamental du droit de vote alors que l’abstention ne cesse de croître, élection après élection, en particulier chez les plus jeunes et que nombre de citoyens se tournent vers d’autres formes d’expression de l’engagement politique. Il est, par ailleurs, nécessaire de rappeler que le vote n’est pas l’expression d’une capacité mais d’une volonté. La présente proposition de loi prévoit, à cet effet, deux mesures complémentaires.

Larticle 1er propose dabaisser lâge du droit de vote à seize ans pour permettre aux jeunes de participer à la définition de notre avenir commun. Face aux défis de long terme auxquels nous confrontent notamment le changement climatique, les évolutions technologiques et les transformations socio-économiques à l’œuvre, il convient de leur permettre d’exprimer leurs préférences en tant que citoyens. D’autres pays ont mis en œuvre cette réforme, au niveau national, comme l’Autriche, ou au niveau local, comme certains länder en Allemagne, en Estonie ou encore en Ecosse. Au niveau européen, les recommandations sont nombreuses – qu’elles émanent du Parlement européen ou du Conseil de l’Europe – en faveur d’une harmonisation de l’âge du droit de vote à seize ans.

Ce changement doit toutefois s’accompagner d’un enseignement civique, en milieu scolaire, plus précoce et plus riche. La plupart des démocraties connaissent en effet les mêmes difficultés : la montée de l’abstention est moins liée à un âge de la vie qu’à un doute sur l’utilité du vote. Si elle ne peut résoudre à elle seule la désaffection des citoyens envers les formes traditionnelles d’expression du suffrage, cette réforme permettrait ainsi, sur le long terme, de renforcer l’apprentissage de la citoyenneté et la maîtrise des modes de fonctionnement propres à une démocratie.

Larticle 2 prévoit, quant à lui, que linscription sur les listes électorales doit être automatique. En effet, trop de personnes sont aujourd’hui mal inscrites et éloignées du processus électoral. La mal-inscription sur les listes touche particulièrement les jeunes et constitue un frein à la participation électorale. Il convient ainsi de faciliter par tous les moyens l’actualisation des listes électorales et l’accès à l’information sur l’organisation du scrutin et les conditions de participation des électeurs.


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   examen des ARTICLES

Article 1er
(art. L. 2 du code électoral)
Abaissement de lâge du droit de vote à seize ans

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet d’abaisser de dix-huit à seize ans l’âge à partir duquel les Françaises et les Français sont électeurs.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’âge du droit de vote a été abaissé de vingt-et-un à dix-huit ans par l’article 1er de la loi n° 74-631 du 5 juillet 1974 fixant à dix-huit ans l’âge de la majorité.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté cet article.

I.   le droit en vigueur

1.   L’abaissement continu de l’âge du droit de vote

La République s’est construite avec la conquête du suffrage universel. La reconnaissance du droit de vote à des catégories de plus en plus larges de citoyens s’est également accompagnée d’un abaissement progressif de l’âge conditionnant l’exercice de ce droit. Ainsi, « lhistoire du suffrage se confond avec lhistoire constitutionnelle de la France. Les fluctuations de lâge de la majorité électorale, fréquentes jusquen 1848, en sont le reflet constant ; elles tendent aussi à en satisfaire lobjet principal : luniversalité du suffrage. » ([2])

Fixée à vingt-cinq ans en 1791, vingt-et-un ans en 1792, trente ans en 1814 et à nouveau à vingt-cinq ans en 1830, ce n’est qu’en 1848 que la majorité électorale a été établie à vingt-et-un ans, âge coïncidant avec celui de la majorité civile ([3]).

En 1974, l’âge de la majorité est abaissé à dix-huit ans. Cette réforme est l’aboutissement d’un débat engagé depuis de nombreuses années : huit propositions de loi furent présentées à cette fin entre 1968 et 1974, année d’une élection présidentielle à l’occasion de laquelle l’ensemble des candidats se prononcèrent dans ce sens. La France comble ainsi le retard pris sur les autres pays européens, nombreux à retenir ce seuil, et, par ailleurs, associe davantage à la vie politique une partie de sa jeunesse qui avait fait la démonstration, quelques années auparavant, de sa capacité à se mobiliser sur des enjeux politiques et sociétaux. Le corps électoral se trouve ainsi accru de 2,4 millions d’électeurs supplémentaires.

La réforme de lâge de la majorité par la loi du 5 juillet 1974

Lors des débats parlementaires, la possibilité de distinguer majorité civile et majorité électorale avait été défendue par le gouvernement, et notamment par le garde des Sceaux, M. Jean Lecanuet (voir annexe 2). Cette distinction se fondait sur l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi tendant à fixer à dix-huit ans l’âge de la majorité électorale :

« Le Conseil dÉtat, saisi conjointement de deux projets de loi tendant à fixer lâge de la majorité civile et électorale respectivement à 18 ans et 19 ans, a adopté le premier de ces textes sous les observations et réserves suivantes :

«                Il a tout dabord considéré quil nétait pas certain que larticle 3 alinéa 4 de la Constitution selon lequel ʺ sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs, des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ʺ établit un lien nécessaire entre lâge de la majorité civile et lâge de la majorité électorale, que dès lors il était permis de se demander sil était opportun de faire porter sur ces deux points la réforme envisagée ;

«                Cependant, le Conseil dÉtat a examiné dans leur ensemble les deux projets qui tendaient à modifier en même temps lâge de la majorité civile et celui de la majorité électorale et pris en considération celui dentre eux qui fixe cet âge à 18 ans ;

«               Toutefois, certaines dispositions pénales ayant pour objet la protection des jeunes de moins de vingt et un ans notamment contre lalcoolisme, le proxénétisme, la drogue… ne lui ont pas paru devoir être obligatoirement modifiées du fait de labaissement de lâge de la majorité. Cest pourquoi il a disjoint plusieurs dispositions des articles 35, 38 et 39 du projet du Gouvernement et a adopté le projet dans la rédaction ci annexée. »

Malgré cet avis, la commission des Lois n’avait pas retenu cette option et avait décidé d’aligner l’âge de la majorité électorale sur l’âge de la majorité civile à 18 ans.

Depuis cette dernière réforme, l’article L. 2 du code électoral prévoit que : « Sont électeurs les Françaises et Français, âgés de dix-huit ans accomplis ([4]), jouissant de leurs droits civils et politiques et nétant dans aucun cas dincapacité prévu par la loi. »

Par ailleurs, l’âge d’éligibilité, longtemps plus élevé que celui du droit de vote, est progressivement abaissé, avant d’être finalement confondu avec ce dernier par l’article 44 du code électoral selon lequel : « Tout Français et toute Française ayant la qualité délecteur peut faire acte de candidature et être élu […] ». ([5])

La coïncidence de lâge de la majorité électorale, de lâge déligibilité et de la majorité civile est donc le résultat dune construction historique.

Des exceptions à cette coïncidence ont toutefois existé ou continuent d’exister dans les limites des règles constitutionnelles fixées par la Constitution de 1958, et notamment du dernier alinéa de son article 3 aux termes duquel : « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. » À titre d’exemple, la loi du 2 mai 1946, reprise par le décret du 27 octobre 1964 portant révision du code électoral, accorde, à titre dérogatoire, le droit de vote aux personnes âgées de dix-huit ans accomplis et titulaires de la légion d’honneur, de la médaille militaire ou de la croix de guerre à titre personnel. La loi du 9 juillet 1970 donne, quant à elle, ce droit aux jeunes qui, n’ayant pas vingt et un ans, ont accompli leur service national actif.

De même, la majorité électorale et l’âge d’éligibilité ont longtemps été décorrélés. Avant la loi du 5 avril 2000, l’âge d’éligibilité de droit commun était ainsi de vingt-trois ans. Il fut alors abaissé à dix-huit ans pour les élections locales et maintenu à vingt-trois ans pour les élections législatives, européennes et présidentielles. Ce n’est qu’en 2011 que l’âge d’éligibilité à toutes les élections fut fixé à dix-huit ans, sauf pour les élections sénatoriales pour lesquelles ce dernier passe de trente à vingt-quatre ans. Les élections sénatoriales sont ainsi les seules élections qui maintiennent un écart entre l’âge d’éligibilité et l’âge de la majorité électorale et civile. ([6])

L’abaissement de l’âge auquel le droit de vote peut être exercé a ainsi été continu, sans toujours emporter de conséquences sur la majorité civile ou l’âge d’éligibilité. Il s’est également accompagné d’un mouvement complémentaire de reconnaissance de nombreux droits et devoirs en faveur des jeunes, tant au regard du monde du travail, de leur santé et de leur famille qu’à celui de leurs obligations fiscales ou judiciaires ([7]). Un débat s’est, par conséquent, engagé sur la nécessité de poursuivre cette ouverture vis-à-vis de la jeunesse en abaissant à seize ans l’exercice du droit de vote. Le Président de la République lui-même a reconnu, dans le cadre des élections européennes, ne pas être opposé à cette réforme à la condition que les jeunes s’investissent davantage dans les processus électoraux, affirmant ainsi être « prêt à avancer sur le 16-18 (ans) si vraiment [il avait] une démonstration de force de la jeunesse française quelle exerce le droit de vote à plein. » ([8])

2.   De nombreuses initiatives dans le monde pour abaisser le droit de vote à seize ans

Plusieurs pays ont déjà abaissé le droit de vote à seize ans, à l’instar du Brésil, de l’Équateur, de Cuba, du Nicaragua ou de l’Argentine. En Europe, l’Autriche et Malte permettent depuis, respectivement, 2007 et 2018 à tous les électeurs âgés de seize ans accomplis de participer aux élections. La Grèce a, quant à elle, fixé la majorité électorale à 17 ans en 2016. D’autres pays ont appliqué cette réforme aux seules élections locales comme l’Allemagne (dans cinq des seize Länder) ([9]), le Royaume-Uni (en Ecosse) ou l’Estonie. En Slovénie, le droit de vote est accordé aux jeunes de seize ans à condition qu’ils exercent un emploi. La Belgique s’est également prononcée, le 2 octobre dernier, en faveur de cette réforme pour les élections européennes.

Note de lecture : depuis le 2 octobre, la Belgique accorde le droit de vote dès 16 ans pour les élections européennes.

Une discussion est également en cours dans plusieurs pays européens. En Suisse, le Conseil national ([10]) a voté une proposition en ce sens portée par la députée du parti Les Verts, Mme Sibel Arslan. En Allemagne, trois partis (Die Linke, SPD, Die Grunen) ont réaffirmé, le 30 juillet dernier, leur souhait de voir le droit de vote à 16 ans étendu au niveau fédéral. En Irlande, cette proposition est aussi défendue par le parti Sinn Fein. En Italie, l’ancien président du Conseil, Enrico Letta, a relancé le débat en septembre 2019, rencontrant l’avis favorable de l’actuel président du Conseil Giuseppe Conte. Enfin, outre-Atlantique, la ville de San Francisco proposera à ses habitants une consultation locale au début du mois de novembre pour permettre aux jeunes de 16 et 17 ans de voter aux élections municipales ([11]).

Par ailleurs, le débat sur une harmonisation du droit de vote en Europe à seize ans, « devenu une question dintérêt public » selon le Conseil de l’Europe ([12]), anime régulièrement les instances européennes. En effet, les évolutions démographiques, l’amélioration de l’accès à l’éducation et à l’information et une conscience politique accrue sont autant d’arguments avancés pour reconnaître aux jeunes la capacité de faire des choix aussi éclairés que leurs aînés. Par ailleurs, dans de nombreux domaines – économique, fiscal, judiciaire –, ils peuvent d’ores et déjà être soumis aux mêmes devoirs que les personnes majeures, sans disposer en contrepartie du droit d’exprimer des préférences politiques par le biais du suffrage.

Le Parlement européen, dans sa résolution du 11 novembre 2015 sur la réforme de la loi électorale de l’Union européenne ([13]), recommande ainsi « aux États membres, pour lavenir, denvisager dharmoniser lâge minimal des électeurs à 16 ans afin de garantir une plus grande égalité aux citoyens de lUnion lors des élections ». Le Conseil de l’Europe s’est également prononcé, à plusieurs reprises, en faveur de cette réforme qui constitue, selon lui, un moyen de lutter contre la montée de l’absentéisme dans les démocraties occidentales. Il insiste, par ailleurs, sur la nécessité de l’accompagner par une éducation politique qui doit être menée de façon précoce (12-16 ans) afin de permettre aux jeunes de participer de manière éclairée au suffrage.

L’augmentation de 14 % de la participation des moins de vingt-cinq ans aux dernières élections européennes de mai 2019 a, par ailleurs, renforcé les arguments en faveur de cette réforme. Le président du Parlement européen, M. David Sassoli, a ainsi considéré que « laugmentation très significative du taux de participation aux élections européennes de mai montre que les citoyens, en particulier les jeunes générations, accordent de limportance à leurs droits démocratiques et estiment que lUnion européenne est plus forte lorsquelle agit de concert pour répondre à leurs préoccupations. » ([14])

3.   L’état du débat en France

S’il existe, en France, un consensus sur le droit de l’enfant de pouvoir s’exprimer selon son discernement et son développement sur les questions le concernant, l’abaissement du droit de vote à seize ans continue d’être débattu.

Dans le cadre des travaux préparatoires menés en amont de la loi du 14 mars 2016 sur la protection des enfants, la ministre déléguée à la Famille, Mme Dominique Bertinotti, avait ainsi chargé M. Jean-Pierre Rosenczveig de conduire un groupe de travail sur les nouveaux droits qui pourraient leur être reconnus. Dans ce cadre, devait notamment être étudiée la possibilité de mettre en place une « pré-majorité » à seize ans ouvrant le droit de vote à 1,7 million d’électeurs supplémentaires.

Remis le 29 janvier 2014, le rapport intitulé « De nouveaux droits pour les enfants » souligne, en premier lieu, que si le droit de vote s’exerce à compter de dix-huit ans en matière électorale, « une exception notable existe dans le droit du travail : lenfant travailleur peut voter aux élections prudhomales à 16 ans mais il ne peut être élu quà 21 ans. » De même, des élections sont organisées pour désigner des délégués auprès du conseil de classe ou des instances de gestion des établissements scolaires. Toutefois, « la première expérience de démocratie quest la représentation des élèves au conseil de classe est souvent caricaturale. Le dispositif électoral avec la sélection de fait des candidats, lexercice même du mandat voire le statut reconnu à lélève délégué peuvent avoir un effet répulsif pour limplication des enfants dans un processus électoral. » ([15]) Toute expérience précoce d’un vote dont l’utilité n’est pas manifeste est donc contreproductive dans cet apprentissage du fonctionnement de la démocratie.

Le rapport soulève certaines réserves en l’état du droit positif de l’époque. En ce qui concerne le lien entre majorité civile et majorité politique, l’abaissement de la majorité politique pourrait entrainer à terme celui de l’âge de la majorité pénale et civile. Toutefois, l’auteur rappelle qu’un jeune de seize ans peut d’ores et déjà être tenu pour pénalement responsable au point d’encourir la réclusion à perpétuité si l’excuse atténuante de minorité est levée. Les auteurs du rapport préconisaient l’ouverture d’une « pré-majorité » dès 16 ans qu’ils justifient en ces termes : « Le principe est de lui reconnaître de nouveaux droits sans pour autant quil ne soit assimilé à un majeur. Le groupe propose de lui accorder un statut comparable à la curatelle. Ladolescent peut poser des actes importants avec lautorisation de ses parents. Cependant, il acquiert des droits qui nexigent pas lautorisation parentale. Ainsi, on peut considérer quil doit être le seul concerné à son orientation scolaire et que seul son consentement est nécessaire. Il doit pouvoir demander son émancipation ».

Le rapport invite à privilégier une solution intermédiaire consistant à autoriser le droit de vote dès 16 ans au niveau local : « On peut comprendre que le droit de vote de ladolescent de plus de seize ans peut être envisagé. Si ladolescent peut être jugé et condamné comme un adulte, il doit pouvoir exercer sa citoyenneté comme un adulte, notamment en pouvant être un électeur et un élu dans les élections locales à partir de 16 ans. »

Les auteurs insistent, comme l’ensemble des associations et organisations de jeunesse interrogées, sur la nécessité d’accompagner cette réforme par un renforcement de l’éducation à la citoyenneté. Cette dernière est souvent considérée comme un préalable à l’extension du droit de vote aux 16 ans. Or, au cours des six années qui se sont écoulées depuis la parution de ce rapport, aucune réelle avancée n’a été constatée pour mieux intégrer la jeunesse à la vie publique, alors même que nombre d’experts, de professeurs de droit et de politologues spécialistes du droit électoral s’accordent sur les avantages que l’abaissement de l’âge du droit de vote pourrait présenter pour notre démocratie.

En premier lieu, cette réforme aurait un effet positif à long terme sur la participation aux élections : par l’exercice du droit de vote, les jeunes concevraient un intérêt plus fort pour l’engagement politique et social. Par ailleurs, ils pourraient bénéficier, en parallèle, d’une éducation civique renforcée dans leur milieu scolaire leur permettant de se former à l’exercice de la citoyenneté. Cet enseignement pourrait palier l’éventuelle absence de socialisation politique au sein de la famille ou dans le cercle amical. Au regard des niveaux d’abstention systématique ou intermittente des plus jeunes, la réforme revêtirait une importance particulière : elle devrait faire progressivement baisser les taux d’abstention des 18-30 ans qui sont parmi les plus élevés et qui conduisent à leur sous-représentation dans les préférences collectives exprimées.

Six jeunes inscrits sur dix votent de façon intermittente

Source : « Elections présidentielles et législatives de 2017 : neuf inscrits sur dix ont voté à au moins un tour de scrutin », Insee première, n° 1670, octobre 2017.

En deuxième lieu, la jeunesse serait en capacité de peser sur des décisions politiques dont elle perçoit les conséquences actuelles ou futures, ce qui renforcerait l’attention des partis politiques et de leurs représentants sur les thématiques qui lui sont proches. En cette période particulièrement difficile pour les jeunes, tant au regard de la poursuite de leurs études que de leur entrée dans le monde du travail, et qui emporte des risques économiques, sociaux et environnementaux pour l’avenir, leur participation démocratique à la vie politique semble essentielle et doit être encouragée.

En troisième lieu, la baisse de la participation aux élections traduit une forme de « déconsolidation démocratique » ([16]) se manifestant par une remise en question de plus en plus fréquente de l’utilité du vote. Il convient donc de repenser notre rapport à la citoyenneté et de prendre les mesures ambitieuses qui permettront de la renforcer. Comme le constatait le Conseil d’État dans une étude récente, « il ny a pas, bien au contraire, de crise affectant les fondements de lengagement des citoyens dans la vie publique. Les citoyens français appellent de leurs vœux une citoyenneté politique plus active leur permettant dêtre plus fréquemment et plus directement associés aux décisions politiques, ce que beaucoup danalystes qualifient de « République plus citoyenne et participative ». ([17]) C’est donc une réflexion d’ensemble qu’il nous faut porter et à laquelle les jeunes peuvent activement participer.

Au cours des auditions, de nombreux chercheurs ont mis en avant la nécessité politique et démocratique de l’abaissement de l’âge du vote à seize-ans. Ainsi, pour Anne Muxel (directrice de recherche au CNRS, sociologue et politologue), baisser l’âge du vote à seize-ans est nécessaire pour lutter contre l’abstention, car « plus on intègre les jeunes de façon précoce dans un apprentissage de la vie civique et politique, plus les chances sont grandes pour que leur participation soit durable » ([18]). Ce phénomène a notamment été constaté en Autriche, où l’abaissement de l’âge du vote s’est traduit par une participation massive de cette nouvelle tranche d’âge aux élections ([19]). Anne Muxel souligne notamment qu’il suffit qu’une personne « ait voté trois fois dans la foulée de son entrée dans la citoyenneté active pour que les chances de la voir participer ultérieurement soient fortes. » ([20]). Cette analyse est partagée par Céline Braconnier (directrice de Science po Saint-Germain-en-Laye, spécialiste du droit électoral), pour qui l’école doit jouer un rôle central dans cette éducation citoyenne. Elle souligne notamment dans ses travaux la nécessité de lutter non seulement contre l’abstention mais aussi contre la « mal-inscription » particulièrement importante chez les jeunes.

Pour Julien Damon (professeur associé à Science Po), fixer l’âge du vote à seize-ans permettrait de mettre en cohérence le droit, mais aussi de rééquilibrer politiquement les générations ([21]).  Il affirme ainsi : « la mesure est à la fois simple, à coût quasi nul, et son impact potentiellement élevé. »

Par ailleurs, cette proposition est avant tout une demande de longue date des organisations représentatives de la jeunesse. Tant les syndicats lycéens (UNL, FIDL, MNL), les syndicats étudiants (UNEF), les associations qui animent les réseaux de jeunesse (Forum Français de la Jeunesse, Anacej, Cnajep, Animafac), que les associations de parents d’élève (FCPE) s’accordent sur l’importance de cette mesure ([22]). L’UNICEF soutient elle aussi la proposition en se fondant sur la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations Unies de 1989, qui, dans son article 12 portant sur le droit de participation, déclare que « chaque enfant (sentend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans) est capable de se faire une opinion et a le droit de sexprimer librement sur tous les sujets le concernant ».

Enfin, cette mesure rencontre un soutien politique important de la part de plusieurs candidats s’étant présentés en 2017 à l’élection présidentielle : sur les onze candidats, six se sont prononcés en faveur de l’abaissement de l’âge du vote à seize-ans ([23]).

II.   La réforme proposée

Le présent article propose de modifier l’article L. 2 du code électoral afin d’abaisser l’âge du droit de vote de dix-huit à seize ans.

La majorité électorale serait ainsi de seize ans, par exception à la majorité civile qui serait maintenue à dix‑huit ans. L’article 3 de la Constitution renvoie, en effet, à la loi la détermination des conditions dans lesquelles les français majeurs sont considérés comme électeurs, ce qui pourrait permettre cette distinction, qui a au demeurant déjà existé par le passé.

À ce titre, à l’occasion de l’examen de la loi du 5 juillet 1974 relative à l’abaissement de l’âge de la majorité, le Garde des sceaux, M. Jean Lecanuet, avait soutenu la constitutionnalité d’une telle réforme. Il défendait ainsi devant l’Assemblée nationale que « le Gouvernement, conformément au sentiment du chef de lÉtat, a estimé, après en avoir délibéré, que la dissociation entre les deux majorités était possible sur le plan constitutionnel et quelle était en outre souhaitable, pour des raisons pratiques. Que cette dissociation soit possible, au regard de la Constitution, cest, vous le savez, lavis exprimé par le Conseil dÉtat lorsque le Gouvernement la consulté. [Le Gouvernement] estime que les dispositions de larticle 3 de la Constitution ont entendu consacrer le principe du suffrage universel pour tous les nationaux français majeurs mais que celle-ci ne limite pas pour autant lexercice du droit de vote aux seules personnes ayant atteint la majorité civile. En dautres termes, si la Constitution dit que tous les français majeurs sont électeurs, elle ne dit pas, pour autant, que seuls les Français ayant atteint la majorité civile disposent du droit de vote. […] Linterprétation du Gouvernement trouve, au demeurant, une confirmation dans larticle 7 du code civil, qui précise que lexercice des droits civils est indépendant de lexercice des droits politiques. » ([24])

La Commission a rejeté cet article.

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Article 2
(art. L. 9 du code électoral)
Inscription automatique sur les listes électorales

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet d’assurer l’automaticité de l’inscription des électeurs sur les listes électorales.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les lois du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, dites « Pochon-Warsmann », ont simplifié les conditions d’inscription des électeurs en prévoyant notamment la création du répertoire électoral unique.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a rejeté cet article.

I.    le droit en vigueur

Les conditions d’inscription sur les listes électorales et leur tenue ont été profondément réformées par les lois dites « Pochon-Warsmann », du nom de leurs rapporteurs, du 1er aout 2016. Ces dernières ont en effet permis de moderniser les règles d’établissement des listes électorales par l’assouplissement du calendrier d’inscription et l’amélioration de la procédure d’examen et de contrôle des mouvements opérés sur ces listes.

Auparavant, les règles relatives à l’inscription sur les listes électorales et à leur tenue n’avaient été que peu modifiées depuis leur institution. Depuis la loi n° 75-1329 du 31 décembre 1975 modifiant certaines dispositions du code électoral, qui avait subordonné l’inscription de l’électeur à une demande expresse de celui-ci, une seule réforme d’envergure avait ainsi révisé la procédure d’inscription : celle de 1997, permettant l’inscription d’office des personnes âgées de dix-huit ans. D’autres réformes ont permis des avancées, par exemple en 2009 pour élargir le champ des inscriptions hors période de révision des listes, en transférer l’examen du juge d’instance aux commissions administratives ([25]) et ouvrir un service d’inscription en ligne ([26]), sans procéder à une révision globale de l’économie générale du dispositif.

Les principales dispositions introduites en 2016 comprennent notamment :

– l’inscription sur les listes électorales jusqu’au sixième vendredi précédant le scrutin au lieu du 31 décembre de l’année le précédant ;

– la généralisation de la possibilité de procéder à cette inscription en ligne ;

– l’assouplissement des conditions de rattachement d’un électeur à une commune  ([27]) ;

– la sécurisation des mouvements intervenant sur les listes avec la mise en place du répertoire électoral unique, dont la tenue est confiée à l’INSEE. Ce dernier centralise l’ensemble des listes et améliore leur fiabilité.

Selon les premiers résultats communiqués à votre rapporteur par le Bureau des élections du ministère de l’Intérieur, plus d’1,3 million d’électeurs se sont ainsi inscrits sur les listes électorales durant les trente jours précédant la clôture des inscriptions pour les élections municipales, intervenue le 7 février. Ce chiffre se compose de 540 882 inscriptions en ligne et 779 916 inscriptions en mairie. Par rapport aux élections européennes, les inscriptions auraient ainsi plus que doublé. Si la nature de l’élection explique en partie cet engouement, différentes campagnes d’information ont pu y contribuer, notamment les opérations de terrain menées par les préfectures.

Par ailleurs, 1,8 million d’électeurs ont interrogé le téléservice ISE – Interrogation de la situation électorale – pour s’assurer leur inscription au cours de cette même période.

Une étude récente de l’Insee semble abonder dans le même sens : 47,7 millions de personnes sont actuellement inscrites sur les listes électorales, hors Nouvelle-Calédonie, soit 94 % des personnes en âge de voter. Ce nombre n’a cessé de progresser entre avril 2019 et février 2020 alors que plus de 2,4 millions d’électeurs ont fait une démarche volontaire d’inscription sur une liste électorale. ([28])

Inscriptions et radiations entre le 14 avril 2019 et le 14 février 2020

Source : Insee.

Toutefois, ces taux d’inscription peuvent occulter des situations de mal‑inscription ou de concentration de la non-inscription sur les personnes les plus éloignées de la participation à la vie politique.

40 % des 25-30 ans seraient ainsi mal inscrits ([29]) et plus d’un quart des 18‑25 ans. Or, ce défaut d’inscription a des répercussions sur la participation aux scrutins électoraux : aux élections présidentielles de 2012 et de 2017, un tiers des personnes mal-inscrites se sont abstenues pour seulement 10 % des personnes dont l’inscription était à jour.

Selon l’Insee ([30]), plusieurs profils peuvent être distingués. En premier lieu, « le taux dinscription varie fortement en fonction de lâge. Il est le plus faible vers 3034 ans. Il est un peu plus élevé pour les plus jeunes, du fait de la procédure dinscription doffice, dont peuvent bénéficier chaque année les personnes atteignant lâge électoral : 86 % des jeunes de 18 à 24 ans sont ainsi inscrits, contre 84 % des 30 à 34 ans. Après 35 ans, le taux croît régulièrement jusquà lâge de 70 ans : 93 % des personnes de 70 à 79 ans sont inscrites sur les listes électorales. À partir de 85 ans, le taux baisse, en partie parce que les incapacités électorales augmentent. » En moyenne, les hommes sont également moins souvent inscrits que les femmes.

taux d’inscription en 2018 selon le sexe et l’âge

Source : Insee.

Par ailleurs, le niveau de diplôme est également déterminant, notamment chez les plus jeunes : « de 25 ans à 44 ans, un peu plus de 90 % des personnes ayant un diplôme de niveau supérieur au baccalauréat sont inscrites sur les listes électorales. Cest 30 points de plus que les personnes sans diplôme, dont le taux dinscription entre 25 et 44 ans nest que de 60 %. »

taux d’inscription en 2018 selon le diplôme et l’âge

Source : Insee.

Si ces inégalités devant le scrutin ne sont pas nouvelles ([31]), elles conduisent à des phénomènes de « mal-représentation » ([32]) accentués par l’aggravation de l’abstention, notamment chez les plus jeunes. Il convient, par conséquent, de poursuivre les efforts engagés au cours des dernières années pour améliorer les conditions d’inscription sur les listes électorales et mieux garantir l’information des électeurs, notamment en cas de déménagement.

II.   La réforme proposée

Le présent article complète l’article L. 9 du code électoral selon lequel « Linscription sur les listes électorales est obligatoire » de manière à préciser que celle-ci doit également être automatique.

En effet, si des procédures d’inscription d’office existent déjà pour certains électeurs – les personnes atteignant l’âge du droit de vote et celles acquérant la nationalité française –, elles doivent s’accompagner de toutes les mesures utiles à l’actualisation continue des listes électorales.

À ce titre, il convient de renforcer l’information des électeurs, de mener des campagnes d’inscription efficaces, notamment auprès des personnes les plus éloignées de la vie politique, et de mettre en place des procédures facilitant l’inscription effective sur les listes. Le ministère de l’Intérieur a pris des initiatives reposant, par exemple, sur des campagnes d’inscription réalisées par des équipes mobiles sur le terrain et une information plus visible en ligne et sur les réseaux sociaux, comme Snapchat. Il convient désormais de poursuivre ces efforts en ciblant notamment les personnes qui déménagent. À titre d’exemple, à l’occasion de démarches attestant de la nouvelle adresse d’un électeur, ce dernier pourrait être systématiquement informé sur les conditions d’inscription sur les listes de sa commune. L’expérimentation puis la généralisation du dispositif « Justif’adresse », prévu par l’article 29 du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique en cours d’examen ([33]), pourraient faciliter cette procédure d’inscription. Les fournisseurs de biens et de services ou un service public ayant connaissance du changement de domicile de la personne pourraient l’informer sur les démarches à suivre. Des procédures d’inscription par défaut, sous réserve du consentement de la personne concernée, pourraient également être encouragées.

La Commission a rejeté cet article.

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   Compte rendu des débats

Lors de sa deuxième réunion du jeudi 1er octobre 2020, la Commission examine la proposition de loi instaurant le droit de vote dès seize ans et linscription automatique sur les listes électorales (n° 3294) (Mme Paula Forteza, rapporteure).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9573237_5f759b0c8adc2.commission-des-lois--vote-des-seize-ans--parrainage-citoyen-pour-les-refugies-les-apatrides-et-le-1-octobre-2020

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous allons examiner la proposition de loi relative au vote à 16 ans et à l’inscription automatique sur les listes électorales qui a été inscrite par le groupe Écologie Démocratie Solidarité à l’ordre du jour de sa journée réservée.

Mme Paula Forteza, rapporteure. Cette proposition de loi vise à réconcilier les futures générations avec la pratique du vote. Elle abaisse l’âge du premier vote à 16 ans.

Cette proposition, qui n’est pas nouvelle dans le débat public, n’est pas la mienne, ni celle du seul groupe EDS, ni celle d’un seul camp politique. Elle est avant tout celle de jeunes, d’associations, d’organisations, de personnalités publiques, de chercheurs, qui réfléchissent à cette question depuis de nombreuses années.

Cette proposition est celle de Matthieu, président de l’Union nationale lycéenne, qui milite pour que les lycéens et les lycéennes soient entendus au sein de leur établissement. Elle est celle d’Athénaïs, présidente du parti Allons enfants, qui encourage les jeunes à se présenter aux élections. Elle est celle d’Hugo, le plus jeune maire de France qui, à 19 ans, a choisi de représenter ses concitoyens de la commune de Vinzieux, en Ardèche. Elle est encore celle de Maryam, vice-présidente de l’Unef, qui veut que les jeunes acquièrent leur autonomie et leur indépendance, celle de Camille, porte-parole du collectif « On est prêt », qui nous alerte sur l’urgence climatique, celle de Brandy, fondateur de la Cité des chances, qui a créé un parcours citoyen pour les jeunes issus des quartiers populaires, afin de leur donner le goût de l’engagement, celle de Samuel et Radia, membres de l’association Coexister, qui milite pour l’inclusion et le respect entre les jeunes. C’est encore celle du Forum français de la jeunesse et du comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire, le CNAJEP, principaux réseaux associatifs de jeunesse, qui portent depuis de nombreuses années cette question dans le débat public. C’est celle des parents d’élèves de la FCPE qui, conscients que leurs enfants ont des choses à dire, souhaitent qu’ils puissent les exprimer démocratiquement. C’est enfin celle de l’Unicef qui nous rappelle que la place que nous devons accorder à nos enfants et à nos jeunes dans nos sociétés est une priorité politique majeure et mondiale. C’est donc au nom d’un collectif que je m’exprime aujourd’hui.

Nous sommes nombreux, dans cette assemblée, à penser qu’il faut, en effet, accorder une nouvelle place à la jeunesse dans notre démocratie. La crise de confiance entre nos institutions représentatives et nos concitoyens, en particulier les plus jeunes, qui se détournent des urnes, nous pose problème. Les dernières échéances électorales ont montré une hausse de l’abstention, qui témoigne de la désaffection envers les politiques.

Cette proposition se veut être un message de confiance destiné à ceux qui feront notre avenir. Elle se justifie pour au moins trois raisons.

Tout d’abord, l’histoire de notre République, de notre démocratie, est intimement liée à l’extension du suffrage. De censitaire et capacitaire, il est progressivement devenu universel. Fixé à 30 ans sous la première Restauration, l’âge du droit de vote a été peu à peu abaissé jusqu’à celui de 18 ans, à l’occasion de la dernière grande réforme de 1974. Cette proposition s’inscrit dans le sens de l’histoire.

Il est souvent reproché à la jeunesse de ne pas être capable, légitime ou mûre pour faire des choix éclairés. Or, nous avons reconnu aux jeunes de 16 ans des droits et des devoirs qui les placent face à de lourdes responsabilités : exercer l’autorité parentale, travailler, payer des impôts, participer aux élections prud’homales, créer et administrer une association, adhérer à un parti politique, être responsable pénalement, mais aussi piloter un hélicoptère ou devenir sapeur-pompier.

Par ailleurs, cette réforme pourrait, sur le long terme, renforcer la participation aux élections, comme le soulignent de nombreux professeurs de droit, sociologues et politologues, spécialistes des élections. Par l’exercice du droit de vote et une formation civique appropriée, les jeunes concevront un intérêt plus fort et plus durable pour l’engagement politique et social. C’est pourquoi cette réforme doit s’accompagner de la mise en place d’un enseignement civique en milieu scolaire plus précoce et plus riche, afin de former les citoyens de demain.

L’attachement à la démocratie se transmet, s’explique, s’apprend : 90 % des jeunes votent à 18 ans puis cessent de le faire parce qu’ils n’en ont pas pris l’habitude et que leur vote leur semble inutile.

L’écart de participation entre les 25-35 ans et les plus de 65 ans atteint entre 25 et 35 points selon les élections, ce qui est inacceptable. La sous-représentation de leurs préférences fragilise notre système démocratique.

Enfin, cette génération est fortement mobilisée pour des causes qui lui tiennent à cœur. Les jeunes que nous avons rencontrés lors de nos travaux préparatoires nous ont dit combien l’urgence climatique les angoissait – ce qu’ils appellent l’éco-anxiété. Or, les décisions que nous prenons dans les domaines de l’écologie et de l’économie auront de lourdes conséquences pour eux. Concernant les discriminations, ils nous rappellent régulièrement qu’ils ne peuvent plus tolérer les injustices commises en raison de leur origine, de leur appartenance sociale ou de leur croyance religieuse.

Concernant la cause féministe, les jeunes femmes ne veulent plus d’une société patriarcale et inégalitaire. Elles répéteront d’ailleurs demain qu’elles entendent bien ne pas se faire dicter la manière dont elles s’habillent.

Chers collègues, à ceux qui douteraient du bien-fondé d’une telle mesure, je ne peux que les encourager à s’inspirer des exemples étrangers.

Plusieurs voisins européens ont déjà adopté une telle mesure. L’Autriche et Malte l’appliquent à toutes les élections, l’Allemagne, l’Écosse et l’Estonie aux élections locales. Les résultats sont probants puisqu’en Autriche, environ 80 % des 16-17 ans se rendent aux urnes.

Le débat, du reste, est à l’ordre du jour de plusieurs pays. Le Parlement suisse s’apprête à adopter un texte comparable. Les habitants de San Francisco seront consultés localement en novembre pour abaisser l’âge du vote à 16 ans. En Allemagne, trois partis ont demandé que cette mesure soit étendue au niveau fédéral.

Permettez-moi également de rappeler à mes collègues de la majorité l’engagement pris par le Président de la République, à l’occasion des élections européennes, de réfléchir à ce sujet si la jeunesse française faisait une démonstration de force et exerçait pleinement son droit de vote. Justement, la participation des jeunes à ces élections a augmenté de 14 %.

Pour toutes ces raisons, l’article 1er de cette proposition de loi prévoit de modifier l’article L. 2 du code électoral pour abaisser de 18 à 16 ans le droit de vote. J’ai déposé un amendement pour adapter le code civil et distinguer la majorité électorale de la majorité civile, qui serait maintenue à 18 ans, comme cela s’est déjà pratiqué dans le passé, notamment en faveur des jeunes médaillés de guerre. Un autre de mes amendements tendra à renforcer l’enseignement moral et civique prévu par le code de l’éducation, qui ne remplit pas suffisamment son rôle.

L’article 2, quant à lui, prévoit de rendre automatique l’inscription sur les listes électorales. Trop de personnes restent éloignées du processus électoral pour un problème d’inscription, qui se produit généralement lorsque les jeunes quittent le foyer familial pour étudier ou travailler dans une autre ville. Il convient de simplifier l’actualisation des listes électorales, l’information sur l’organisation du scrutin et les conditions de participation des électeurs.

Des réformes très utiles ont été adoptées récemment, en particulier les lois dites Pochon-Warsmann du 1er août 2016 qui ont créé le répertoire électoral unique. Nous devons poursuivre dans cette voie pour garantir à tous un égal accès au scrutin.

Le sujet de l’abaissement à 16 ans du droit de vote et, plus généralement, du renforcement de la participation des citoyens à la vie publique, nous engage tous, au-delà des étiquettes partisanes, que nous y soyons favorables ou non. Le renforcement de l’adhésion au fonctionnement démocratique de nos institutions est un défi que nous devons tous relever. La commission des Lois s’est illustrée, par le passé, dans ce domaine et je ne doute pas qu’elle poursuive dans sa lancée.

M. Bruno Questel. Le groupe La République en Marche est particulièrement attentif à la place de la jeunesse dans notre société démocratique mais l’abaissement du droit de suffrage à 16 ans se heurte à plusieurs difficultés d’ordre constitutionnel. Je doute que l’amendement déposé par Mme Forteza suffise à contourner cet obstacle qui tient à l’article 3 de la Constitution, selon lequel sont électeurs tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques.

Par ailleurs, l’âge de la majorité, fixé à 18 ans, emporte de nombreuses conséquences juridiques dans plusieurs domaines, en particulier celui du droit pénal. Nous ne souhaitons pas abaisser à 16 ans l’âge de la majorité civile en raison précisément des conséquences juridiques qui s’ensuivraient pour cette jeune population.

Mme la rapporteure a souligné les propos que le Président de la République a tenus lors des dernières élections européennes, rappelant l’importance de la place de la jeunesse dans notre société. Ce sujet mériterait d’être posé dans le cadre d’une campagne nationale, par exemple à l’occasion de l’élection présidentielle, pour qu’il revienne au peuple de soutenir ou non cette proposition.

Il serait dommage d’adopter, au détour d’une proposition de loi déposée dans le cadre d’une niche, un dispositif contraire à la Constitution. Ses chances d’être examinée, voire adoptée par le Sénat, seraient réduites d’autant.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cette proposition de loi, ni les amendements déposés pour contourner les obstacles juridiques. Quant aux programmes scolaires, ils ne relèvent ni de la loi ni du règlement, mais de la circulaire ministérielle. Nous ne pourrons vous suivre, à notre grand regret.

M. Philippe Gosselin. La place de la jeunesse dans notre société est une question fondamentale. Du reste, nous avons eu l’occasion de nous interroger sur l’ouverture aux jeunes de 16 ans de la possibilité de saisir le Conseil économique, social et environnemental par voie de pétition. La réponse, positive, fut néanmoins accompagnée de la réaffirmation selon laquelle cette intégration sociétale ne devait pas être vécue comme un premier pas dans la citoyenneté. Reconnaître une place aux jeunes ne signifie pas forcément leur reconnaître la citoyenneté. Notre société n’est pas composée d’habitants de première zone d’une part, de seconde zone d’autre part, de citoyens d’un côté et de gens qui n’auraient pas voix au chapitre de l’autre. Notre société est au contraire faite de personnes qui ont des responsabilités, des droits, des devoirs, lesquels peuvent parfois être différents.

L’intégration de la jeunesse ne passe pas nécessairement par l’abaissement de la majorité à 16 ans même si les jeunes sont très autonomes à cet âge. Le droit de vote doit être fixé à un âge qui intègre une certaine expérience de la société, que seul le recul permet d’acquérir. Nous ne sommes pas certains, à cet égard, que l’âge de 16 ans soit idéal.

Par ailleurs, des obstacles d’ordre constitutionnel s’opposent à l’adoption d’une telle mesure et nous ne vous suivrons pas dans cette voie-là.

Pour autant, le sujet est crucial et ne donnera pas lieu à un affrontement brutal entre nous d’autant plus que nous partageons votre souhait de faciliter l’actualisation des listes électorales. L’inscription automatique des jeunes de 18 ans sur les listes électorales est déjà un progrès même si nous avons perdu le rituel important du passage à la citoyenneté. Nous avons toutefois essayé de le remplacer par la remise de la carte électorale. Cela étant, le risque perdure de perdre des jeunes lorsqu’ils déménagent, malgré le répertoire électoral unique.

Nous sommes donc d’accord pour simplifier ces démarches afin que chacun puisse voter sans difficulté, mais nous ne pourrons pas approuver l’ensemble du texte.

M. Erwan Balanant. Ce sujet, souvent évoqué lors des débats autour de la citoyenneté, retient la plus vive attention de notre groupe et nous vous remercions de l’avoir inscrit à l’ordre du jour. Il est en effet pertinent d’envisager que les jeunes de 16 ans participent aux décisions qui façonneront leur vivre ensemble de demain. C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous avions déposé un amendement pour étendre aux jeunes de 16 ans la possibilité de saisir le CESE par pétition.

L’idée est particulièrement intéressante au niveau local car les enjeux politiques y sont plus tangibles. Ouvrir aux jeunes de 16 ans la possibilité de voter aux élections municipales et régionales pourrait les responsabiliser progressivement dans leur rôle de citoyen en leur permettant de se prononcer sur des questions locales dont les répercussions sont faciles à comprendre. Surtout, cette mesure présenterait l’avantage d’irriguer la démocratie locale de regards neufs, parfois plus impertinents.

Cependant, M. Questel a raison, une telle mesure ne pourrait être adoptée au détour d’une simple proposition de loi. Ce sujet mérite un vrai débat national, qui pourrait s’inscrire, par exemple, dans le contexte d’une élection présidentielle. Nous devrons engager une vaste réflexion pour analyser en détail ses éventuelles conséquences avant de l’inscrire dans notre arsenal juridique. L’état de notre droit positif nous impose, du reste, ce travail préliminaire puisque l’article 3 de la Constitution dispose que sont électeurs tous les nationaux français majeurs.

Dès lors, pour appeler aux urnes les jeunes de 16 ans, nous n’avons le choix qu’entre deux possibilités. Soit nous révisons la Constitution pour revoir l’association du droit de vote et de la majorité. Soit nous modifions l’article 414 du code civil pour fixer l’âge de la majorité à 16 ans.

L’abaissement de l’âge de la majorité à 16 ans emporterait des conséquences que je ne détaillerai pas. Surtout, elle ferait perdre aux adolescents le bénéfice de nombreuses garanties censées les protéger comme celui de l’aide sociale à l’enfance ou de l’allongement du délai de prescription lorsqu’ils sont victimes de violences. L’équilibre de l’ordonnance de 1945 en serait bouleversé.

Vous proposez de distinguer, dans le code civil, la majorité électorale et la majorité civile, mais cette mesure, outre qu’elle minorerait le contenu de la citoyenneté, serait source de confusion car la majorité électorale permettrait dès lors aux jeunes de voter mais pas d’être élus.

Pour toutes ces raisons, notre groupe est prêt à engager une réflexion autour de ce sujet auquel il est sensible mais nous considérons que l’abaissement du droit de vote à 16 ans ne pourra être décidé en dehors d’une révision de la Constitution, laquelle donnerait toute sa force à cette mesure susceptible de renforcer l’engagement citoyen.

Mme Cécile Untermaier. La proposition de loi n’est pas l’outil idéal pour porter cette mesure, certes. Mais l’opposition fait avec les moyens dont elle dispose, même si elle est bien consciente que ces propositions de loi meurent souvent au Sénat. C’est la grandeur de l’opposition, dirons-nous !

J’ai bien compris la nature des obstacles juridiques, développés par les orateurs précédents, mais j’aimerais vous faire part d’une réflexion. Pourquoi les jeunes de 18 à 25 ans ne votent-ils pas ? Auraient-ils d’autres préoccupations, comme les études ou la recherche d’un travail ? Dès lors, ne serait-ce pas à 16 ans, âge auquel on se pose les premières questions sur la citoyenneté, la philosophie, l’avenir, que l’on soit au lycée ou en apprentissage, qu’il conviendrait de renforcer cette culture de la citoyenneté ?

Par ailleurs, plus d’1,6 million de Français ont entre 16 et 17 ans, soit 2,3 % de la population alors que les personnes de plus de 65 ans représentaient 19,6 % de la population en janvier 2018. Il faudrait étudier la proposition d’abaisser l’âge de voter, par exemple dans le cadre d’une étude d’impact, car elle pourrait permettre de rétablir l’équilibre entre les générations. La forte proportion de personnes âgées augmente la moyenne d’âge du corps électoral alors que les politiques publiques concernent les générations futures.

L’âge de 16 ans a du sens en France puisque c’est celui à partir duquel se dessine une forme de majorité sociale, comme l’a reconnu le garde des sceaux : il ouvre le droit de signer un premier contrat de travail, d’adhérer à un syndicat professionnel, d’accomplir un service civique, de diriger une association, d’ouvrir un compte bancaire, de disposer d’une carte vitale personnelle.

Cette mesure ne saurait être perçue comme la privation de certains droits actuels mais, au contraire, comme l’octroi d’un droit supplémentaire à la jeunesse.

Qui plus est, l’expérience du droit de vote à 16 ans n’est pas inconnue en Europe. Il existe en Autriche et à Malte. Il est ouvert à certaines élections locales en Allemagne, au Royaume-Uni et en Estonie. Du reste, le Parlement européen a recommandé aux États membres, dans sa résolution du 11 novembre 2015, d’harmoniser la majorité électorale. Ce sera 18 ou 16 ans mais la tendance penche clairement en faveur de 16 ans.

Inspirons-nous de l’amendement porté par Erwan Balanant au projet de loi organique de réforme du Conseil économique, social et environnemental, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, et qui ouvre aux jeunes de 16 ans la possibilité de saisir cette institution par une pétition.

Les jeunes revendiquent le droit d’être entendus et de peser dans l’orientation des politiques publiques. Leur mobilisation est manifeste, dans la rue ou la société civile, comme l’exemple de Greta Thunberg en témoigne.

La ferveur de leur engagement ne doit pas nous effrayer, au contraire. L’écologie est un rendez-vous majeur. Nous devons donner la parole à cette nouvelle génération, lui accorder notre confiance, lui tendre la main. Le goût de la chose publique se cultive. Plus on s’y prend tôt, plus on a des chances d’intéresser la jeunesse à la démocratie.

Mon groupe soutiendra cette proposition de loi que je considère cependant comme un appel vers un texte d’une autre envergure, par exemple dans le cadre d’une campagne présidentielle, comme le suggérait M. Bruno Questel, ou d’un référendum. Je remercie la rapporteure d’avoir engagé la réflexion.

M. Christophe Euzet. Le texte, au premier abord, a une certaine allure : ouvrir le droit de vote aux jeunes de 16 ans et rendre automatique l’inscription sur les listes électorales. L’intention est noble : lutter contre l’abstention des plus jeunes en les intéressant à la chose publique et faire revenir plus d’un million et demi de citoyens aux urnes. Le sujet est crucial et c’est d’ailleurs tout le mérite des niches parlementaires que de permettre aux groupes minoritaires et de l’opposition d’ouvrir le débat.

Concernant l’inscription automatique sur les listes électorales, qui existe déjà pour les Français de 18 ans recensés à 16 ans ou pour ceux de nos compatriotes devenus Français après 2018, elle pourrait avoir notre approbation si nous ne nous posions pas tant de questions autour de l’essentiel. Tout d’abord, prenons garde aux comparaisons car il faudrait réfléchir à deux fois avant de citer comme exemples de la démocratie le Nicaragua ou Cuba ! Surtout, ne sombrons pas dans la démagogie. L’argument selon lequel la classe politique adresserait des propositions plus nourries à la jeunesse dès lors que l’âge de voter serait abaissé ne me convainc pas.

Par ailleurs, de nombreux obstacles juridiques s’opposeront à l’adoption de cette mesure, qu’il s’agisse de la pertinence du véhicule législatif ou de la cohérence entre les différents âges prévus par les textes, MM. Questel et Balanant ont raison. Surtout, il conviendrait d’approfondir la réflexion, en distinguant notamment les élections nationales des élections locales, qui pourraient être le terrain d’expérimentation de cette mesure avant son éventuelle généralisation.

Enfin, l’abstention de la jeunesse est la manifestation d’un problème social qui ne se résoudra pas forcément en abaissant l’âge de voter. D’autres chantiers devraient être ouverts.

J’ai enseigné durant une douzaine d’années, au début de ma carrière, la sociologie politique. Il est frappant de constater que les jeunes issus d’un milieu social où le capital culturel est peu élevé ont tendance à voter comme leurs parents, alors que ceux issus d’un milieu plus cultivé se distinguent de leurs parents par des votes extrêmes ou extrêmement originaux. L’éducation morale et civique et la connaissance de nos institutions, encore très faibles, sont de véritables enjeux. Commençons par donner le goût de la politique à nos jeunes, par nos actes individuels comme par une œuvre collective. Le jour où nous y serons parvenus, j’approuverai sans réserve toutes les mesures susceptibles de revivifier notre système institutionnel, dans un projet beaucoup plus vaste que celui d’une proposition de loi.

Pour l’heure, si nous approuvons l’article 2, l’article 1er ne nous permettra pas de voter cette proposition de loi, qui présente cependant d’indéniables qualités.

Mme Agnès Thill. Cette proposition de loi de nos collègues du groupe EDS avance de mauvaises solutions, mais elle soulève un problème bien réel. Elle a le mérite de nous faire revenir sur la question très grave du désintérêt démocratique. En 2017, pour l’élection législative qui nous a permis de siéger dans cette Assemblée, l’abstention a dépassé les 50 %, une première dans l’histoire de notre République ; elle a même frôlé les 60 % au second tour. Pire encore, les élections municipales, élections de proximité par excellence, élections du terrain, du concret, des territoires, ont elles aussi connu leur pire niveau d’abstention de toute l’histoire de la Ve République en atteignant, au second tour, le niveau prodigieux de 58 %.

Nous ne sommes pas assez conscients de cette tendance de fond, du désengagement massif de millions de citoyens qui, de plus en plus nombreux, n’ont tout simplement plus rien à faire du monde politique, qui en ont assez de tous ces discours, de toutes ces paroles, de tous ces débats, et qui sont de plus en plus nombreux à ne pas vouloir suivre ces enfantillages, et à ne pas vouloir aller voter.

C’est exactement cela, le déclin d’une démocratie. Face à un tel déclin, le groupe UDI et Indépendants estime que proposer le droit de vote dès seize ans n’est pas une bonne solution. En mai 2019, le taux d’abstention s’élevait à 60 % chez les dix-huit-trente-cinq ans, contre un peu moins de 49 % pour l’ensemble de la population. Le problème n’est donc pas d’avoir ou non le droit de vote, mais de vouloir, ou non, s’en servir.

Pourquoi ouvrir le droit de vote à seize ans ? Parce que l’on peut déjà travailler et payer des impôts, ou même reconnaître un enfant. Certes, les adolescents qui en sont là ont sans doute plus de maturité. Quoique… Mais, force est de reconnaître qu’ils sont bien minoritaires, et qu’au contraire, les jeunes Français rentrent en général de plus en plus tard sur le marché du travail, qu’ils ont leur premier enfant également plus tardivement et deviennent aussi matures de plus en plus tard. À seize ans, un jeune des années cinquante pouvait avoir plusieurs années de travail derrière lui, et la gravité, la sagesse qu’imposait la dure vie de l’époque. Mais la jeunesse des années 2020 est bien différente et elle a encore tout à prouver.

Avant de donner le droit de vote à des adolescents à peine sortis du collège, il faudrait déjà que ceux qui ont dix-huit ans votent, et qu’ils sachent pourquoi – idées, programmes, arguments et contradictoire –, qu’ils aient le goût de prendre en main leur destinée, et de se choisir eux-mêmes des gouvernants. Et surtout, il faudrait que nous soyons dignes de leur vote.

Enfin, si des lois protègent les mineurs, c’est aussi parce qu’ils sont influençables.

M. Alexis Corbière. Il s’agit d’abord d’un débat politique, puis d’un débat juridique et technique. Nous vous remercions donc de permettre ce débat politique. Il doit nous inciter à évoquer un problème de fond : l’absention de masse, que nul ne doit mettre dans l’angle mort de nos réflexions politiques, car elle questionne notre légitimité et celle des décisions politiques que nous prenons. Lors des dernières élections législatives partielles, les taux de participation n’ont pas dépassé 10 % dans certaines circonscriptions ! Plus largement, nous ne représentons que 20 % des électeurs inscrits. Dans ma circonscription de Seine-Saint-Denis, j’ai reçu près de 60 % des suffrages exprimés au second tour, mais je ne représente en réalité que 21 % des électeurs inscrits.

Comment créer les conditions d’un retour aux urnes ? Cela ne passe pas par une condamnation des électeurs, mais par la compréhension du problème : pourquoi de nombreuses personnes, considérant que le droit de vote est leur ultime dignité civique, ne veulent plus l’utiliser ? C’est parce que leur regard est extrêmement critique sur la manière dont nos institutions fonctionnent. Nous devons leur donner des droits nouveaux – nous avons plaidé en ce sens lors de l’élection présidentielle de 2017. Nous souhaitons de nouvelles institutions, une VIe République, en donnant la parole au peuple dans le cadre d’une assemblée constituante. Le peuple, retrouvant la parole, pourra constater comment sont fixées les règles communes. Les électeurs veulent être un acteur civique, avec des droits entre deux rendez-vous électoraux. Ils veulent contrôler les élus, voire les révoquer s’ils le jugent légitime.

Nous devrions aussi nous interroger sur un seuil de représentativité minimal – une sorte de quorum : si la participation des électeurs est trop faible, alors celui ou celle qui a été élu ne serait pas représentatif. Pourquoi également ne pas rendre le vote obligatoire, à condition de prendre en compte le vote blanc ? Si les bulletins blancs sont trop nombreux, la personne élue ne l’est pas. Il faut élargir le corps électoral mais le droit de vote à seize ans ne doit pas être déconnecté de ces autres propositions. Pour mémoire, nous avons soutenu cette réforme et ces autres propositions lors de la campagne pour l’élection présidentielle.

Beaucoup d’arguments très pertinents, déjà développés, plaident en faveur du droit de vote à seize ans. À seize ans, on a déjà de nombreux droits : on peut fonder une famille, on peut être émancipé de la tutelle de ses parents, on peut exercer l’autorité parentale, on peut travailler, on paie des impôts, on peut même commencer à passer le permis de conduire. Dans ce contexte, pour quelle raison ne pourrait-on pas également participer à la délibération collective et aux élections ?

Pour nos collègues qui y sont sensibles, je rappelle que c’est également à seize ans que l’on acquiert ou qu’on renonce à la nationalité française. Si l’on est suffisamment mature pour prendre une telle décision, on doit pouvoir se prononcer sur les décisions du pays. Sinon, c’est un marché de dupes : à seize ans, vous seriez assez grand pour décider, ou non, d’être Français, mais pas de vous exprimer davantage ! Dans beaucoup d’autres pays – et pas seulement à Cuba ou au Nicaragua, qui hérissent le poil de certains de nos collègues – comme l’Autriche, l’Argentine, le Brésil ou dans certains Länder allemands, c’est déjà le cas.

En réalité, cela déforme le corps électoral. Que constate-t-on en matière de participation ? Plus la stabilité sociale est forte, plus les gens sont âgés et plus ils votent. En France, une personne sur quatre a plus de soixante ans, mais c’est un électeur sur trois. Nous ne pouvons laisser les choses en l’état ! Il faut créer les conditions d’un rajeunissement du corps électoral pour combattre sa déformation par rapport à la réalité du pays. Cela pose également problème car cela influence les propositions politiques des campagnes électorales : nombre d’entre elles s’adressent aux électeurs qui vont voter, donc aux plus âgés, plutôt qu’à la jeunesse.

Nous avons tout à gagner à voter pour ce droit nouveau – ce que mon groupe fera – mais il faut l’adosser à d’autres droits afin que le corps électoral redevienne une réalité et que le souverain qu’est le peuple soit bien celui qui s’exprime à l’occasion des élections.

Mme Marie-George Buffet. Madame la rapporteure, je vous remercie de nous permettre de débattre de la place de la jeunesse dans notre démocratie.

Vous estimez que votre texte permettrait de réconcilier la nouvelle génération avec la politique. Je ne sais pas, car les jeunes sont très engagés, et leur engagement prend diverses formes, notamment associatives. Comme rapporteure de la commission d’enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse, j’ai reçu toutes les associations de jeunesse et d’éducation populaire, ainsi que les syndicats étudiants. En face de moi, ces jeunes gens et jeunes filles étaient extrêmement engagés. Ils font de la politique puisqu’ils s’occupent de la vie de la cité.

Qu’est-ce qui bloque leur engagement politique, au sens restreint du terme – la vie politique avec ses partis et ses institutions ? C’est peut-être la qualité de l’offre politique : ne faudrait-il pas modifier le débat d’idées pour faire en sorte qu’il soit davantage tourné vers les perspectives d’avenir ou sociétales. Aujourd’hui, le pragmatisme assèche le discours politique. Une VIe République ne serait-elle pas porteuse d’une citoyenneté nouvelle ?

Tous les représentants des associations de jeunesse ont souligné qu’à aucun moment ils n’ont été consultés depuis le début de la crise sanitaire sur les questions relatives aux universités, aux centres régionaux d’œuvres universitaires (CROUS), etc. Si nous ne développons pas les consultations et la démocratie citoyenne, nous ne réconcilierons pas ces jeunes, pourtant engagés, avec la politique ! Il faut développer des offres politiques pour la jeunesse : éducation, situation des universités, revenu étudiant, revenu de solidarité active (RSA) à dix-huit ans, tous les sujets doivent être abordés pour que s’ouvre un véritable débat sur la place des jeunes dans la société.

Il faut faire une différence entre la majorité électorale et la majorité civile. Plusieurs collègues l’ont souligné, la majorité civile à dix-huit ans, c’est aussi une protection dans différents domaines pour les jeunes de seize à dix-huit ans. Votre amendement résout-il cette difficulté constitutionnelle ? Ne pourrait-on pas réfléchir à des solutions transitoires, comme le vote aux municipales ? La commune est le lieu où certains jeunes ont déjà participé à un conseil municipal des jeunes, se sont engagés dans des associations ou des clubs sportifs. Enfin, comment résout-on la dichotomie entre électeur et personne éligible ?

Le groupe GDR poursuit son débat en interne, mais nous souhaitons en préalable que la question de la majorité civile et de la majorité électorale soit clarifiée.

M. Jean-Félix Acquaviva. Je remercie le groupe EDS d’avoir mis ce sujet à l’ordre du jour. Il est fondamental.

La première disposition vise à abaisser l’âge du vote de dix-huit à seize ans. Cela concernerait environ 1,5 million de jeunes âgés de seize et dix-sept ans. Mécaniquement, le nombre d’électeurs augmenterait en volume, mais rien ne dit que la participation serait plus forte chez les seize-dix-huit ans que chez les dix-huit-vingt-quatre ans. Vous l’évoquez, madame la rapporteure, l’exemple autrichien semble néanmoins permettre de l’affirmer : 80 % des jeunes de seize à dix-huit ans ont exercé leur droit de vote après qu’il leur eut été accordé. Plusieurs études soulignent que, plus les jeunes attendent pour participer à vie politique, moins ils s’engagent à l’âge adulte.

Le dispositif d’inscription obligatoire sur les listes électorales demeure très insatisfaisant. Malgré l’inscription d’office prévue par la loi, certains jeunes passent entre les mailles du filet. Au-delà des jeunes majeurs qui ne s’inscrivent pas, certains citoyens se retrouvent radiés au cours de leur vie – perte d’attache communale, inscriptions multiples, inscription au registre des Français de l’étranger, perte de droits civiques, par exemple.

Or il s’agit d’une question sensible, la maîtrise des listes électorales étant un enjeu fondamental pour la démocratie et pour les candidats au suffrage universel. L’exemple américain l’illustre : les minorités ethniques et les pauvres sont surreprésentés chez les personnes non inscrites. Cette tendance est également observée en France. Fractures économique et sociale se cumulent avec la fracture démocratique. Je vous invite à lire les analyses de Joseph E. Stiglitz dans son ouvrage La grande fracture.

La loi du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales institue un répertoire électoral unique et permanent, tenu par l’INSEE, dans lequel transitent les inscriptions et les radiations et dont sont extraites les listes électorales communales. Ce répertoire, mis en œuvre depuis janvier 2019 grâce à un système d’information partagé entre les différents acteurs de l’inscription, permet la coordination nationale des décisions d’inscription et de radiation prises au niveau local.

Depuis, par le biais de données recoupées par l’INSEE, les pouvoirs publics devraient pouvoir inscrire tout électeur disposant de ses droits civils. L’INSEE met à jour son répertoire à partir d’informations qu’il reçoit d’autres administrations – sur les personnes devenant majeurs ou obtenant la nationalité française par exemple. L’ajout du terme « automatique » dans la loi sera sans effet si les moyens nécessaires à ce travail de recoupage ne sont pas octroyés à l’administration.

Malgré les bénéfices attendus, l’abaissement de l’âge de vote à seize ans, ainsi qu’une inscription automatique sur les listes électorales, ne sauraient suffire pour enrayer une tendance lourde de la population française à la désertion des urnes.

La politologue Céline Braconnier le souligne, les jeunes ne vont plus voter quand ils ne comprennent pas pourquoi on leur demande de se rendre aux urnes. Comme pour tous les citoyens, il convient avant tout de redonner un sens à la démocratie et au vote. Cela passe par une confiance renouvelée dans la politique et les élus. Pour ce faire, nous devons continuer à être exemplaires en termes d’éthique et de déontologie, et bien sûr, crédibles et efficaces.

Les électeurs ont également bien compris que dans le système de la Ve République, très vertical, quasiment toutes les décisions découlent de l’élection du Président de la République – il s’agit d’ailleurs de la seule élection qui mobilise encore très majoritairement les électeurs. Les autres élus, locaux ou parlementaires, sont déresponsabilisés. Dès lors, pourquoi se déplacer aux urnes pour les candidats qui n’auront pas les moyens de leurs ambitions ? Seules les municipales résistaient encore, la figure du maire étant la plus respectée et les maires disposant de compétences et de moyens encore suffisants pour les mettre en œuvre.

Peut-être faudrait-il engager une réforme en profondeur de nos institutions politiques pour responsabiliser les élus locaux et les parlementaires, afin qu’ils puissent rendre des comptes aux électeurs ? L’exercice des compétences, qui permettrait de modifier réellement le quotidien de nos concitoyens, nous renvoie au projet de loi décentralisation, déconcentration et différenciation, dit « 3D », et aux réformes constitutionnelles.

Le groupe Libertés et Territoires n’est pas opposé par principe à la proposition de loi. Nous sommes partagés et serons attentifs aux débats. Nous avons entendu les réserves constitutionnelles, mais le droit de vote à seize ans est une réussite depuis qu’il a été adopté pour les élections locales en Écosse et, comme je l’ai indiqué, en Autriche.

M. Matthieu Orphelin. Je remercie la rapporteure pour son travail. Nous le soutenons avec plaisir et force. Je salue également Jean Massiet qui commente actuellement ces débats sur Twitch. Il est rare que nos débats en commission soient commentés pour les jeunes sur des plateformes. J’ai hâte de voir ce qu’il en dit !

Depuis des années, toutes les soirées électorales se ressemblent et commencent par les lamentations de responsables politiques devant les taux d’abstention. Le groupe EDS ne veut pas tomber dans l’inaction et baisser les bras. Nous souhaitons faire des propositions pour que la participation soit plus vigoureuse en France, notamment parmi les jeunes.

J’ai entendu et je respecte les arguments des collègues de La République en Marche ou des Républicains, mais je ne partage pas leur souhait de ne pas agir tout de suite car notre proposition est très concrète.

J’ai également été frappé par le décalage entre cette frilosité et l’adhésion de la société civile. Des dizaines d’acteurs – syndicats, associations, mouvements politiques, parents d’élèves, etc. – plaident en ce sens. En outre, cela marche, en Écosse, en Autriche ! Plusieurs d’entre vous l’ont souligné, en Autriche, 80 % des jeunes ont participé la première année, puis 60 % pour les élections suivantes, alors qu’en France, moins de 20 % des dix-huit-vingt-quatre ans votent ! Pourquoi baisser les bras ? Pourquoi les politiques ne veulent-ils pas de cette évolution ? C’est une énigme…

Vous évoquez un éventuel obstacle constitutionnel. Les amendements et les explications contenues dans le rapport répondent à ces inquiétudes. Dissocier la majorité électorale de la majorité civile est parfaitement possible.

Enfin, certains ont estimé qu’une telle réforme ne saurait être adoptée par le biais d’une proposition de loi. C’est vraiment surprenant ! Je vous rappelle que c’est la proposition de loi d’Aurélien Pradié qui a renforcé la lutte contre les violences faites aux femmes ; le pacte civil de solidarité est, lui aussi, issu d’une proposition de loi !

Chers collègues, arrêtons de trouver des excuses pour ne pas agir ! Ne baissons pas les bras ! Il faut que la participation s’améliore. Cette mesure peut y contribuer et va y contribuer.

Mme Paula Forteza, rapporteure. Ces débats sont particulièrement intéressants et de grande qualité. La constitutionnalité de la proposition de loi semble susciter des inquiétudes. Nous avons fait le choix de ne pas modifier la Constitution car des dispositions peuvent être prises au niveau de la loi ordinaire. M. Balanant a cité la Constitution, mais il a oublié une partie de la phrase. Notre texte fondamental dispose que sont électeurs tous les nationaux français majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques, dans les conditions déterminées par la loi. Cette dernière précision, que vous avez oublié de citer, renvoie bien au législateur le soin de fixer les conditions de la majorité.

Ce fut le cas plusieurs fois au cours de l’histoire : ainsi, la majorité civile est déterminée dans le code civil, la majorité électorale, dans le code électoral. En 1946, les jeunes de dix-huit ans méritants – et reconnus comme tels par l’attribution de la croix de guerre ou de la légion d’honneur – étaient autorisés à voter. Il s’agissait déjà d’une dérogation au rapprochement entre majorité électorale et majorité civile. À nouveau, en 1970, les jeunes qui avaient effectué leur service national à partir de dix-huit ans ont pu voter. Là encore, le droit de vote a été octroyé à des personnes ne disposant pas de la majorité civile. En 1974, lorsque la majorité civile est passée à dix-huit ans, les débats à l’Assemblée, en commission des Lois et dans l’hémicycle, étaient très intéressants. Je citerai Jean Lecanuet, alors ministre de la Justice : « Une question délicate se posait dès l’abord. Ne fallait-il pas, corrélativement à l’âge de la majorité électorale, abaisser celui de la majorité civile ? Le Gouvernement [Jacques Chirac, Premier ministre], conformément aux sentiments du chef de l’État [Valéry Giscard d’Estaing, Président de la République], a estimé, après en avoir délibéré, que la dissociation entre les deux majorités était possible sur le plan constitutionnel et qu’elle était en outre souhaitable pour des raisons pratiques ». C’était également l’avis exprimé par le Conseil d’État, consulté par le gouvernement de l’époque. Le ministre poursuit : « Il [le Gouvernement] estime que les dispositions de l’article 3 de la Constitution ont entendu consacrer le principe du suffrage universel pour tous les nationaux français majeurs, mais que celles-ci ne limitent pas pour autant l’exercice du droit de vote aux seules personnes ayant atteint la majorité civile. En d’autres termes, si la Constitution dit que tous les Français majeurs sont électeurs, elle ne dit pas pour autant que seuls les Français ayant atteint la majorité civile disposent du droit de vote. L’interprétation du Gouvernement trouve au demeurant une confirmation dans l’article 7 du code civil, qui précise que l’exercice des droits civils est indépendant de l’exercice des droits politiques ».

La proposition de loi ne vise pas à abaisser la majorité civile, mais seulement la majorité électorale, afin de donner le droit de vote aux jeunes de seize ans. Cela n’a donc aucune conséquence sur les autres droits et responsabilités de ces jeunes.

Comme Matthieu Orphelin, je suis surprise de vos réactions concernant le rôle du Parlement et de l’initiative parlementaire. Pourquoi ne pourrait-on l’affirmer pour porter des réformes importantes, qui vont dans le sens de plus de démocratie ? Nous souhaitons tous renforcer le rôle du Parlement. Pourquoi tout attendre d’un programme présidentiel pour avancer ? En outre, la proposition était présente dans plusieurs programmes au cours des dernières échéances présidentielles – cinq si je me souviens bien.

Les jeunes votent-ils de façon mimétique, comme leurs parents ? Le même argument a été développé lorsque le droit de vote a été étendu aux femmes – elles devaient voter comme leurs maris, ou comme l’église ! Ce n’est pas du tout le cas : les jeunes sont capables de développer une pensée politique autonome, d’autant plus s’ils sont sensibilisés à l’école. C’est l’intérêt de la proposition : à seize ans, les jeunes évoluent encore dans un milieu scolaire et pourront être sensibilisés, initiés à la citoyenneté et accompagnés – comparaison des programmes, débats, simulation de vote, etc.

Nous présentons cette proposition avec humilité. Elle ne résoudra pas tous les problèmes de notre démocratie et ne résoudra pas non plus, à elle seule, le problème de l’abstention. D’autres propositions institutionnelles devraient la compléter. En outre, notre responsabilité politique – éthique, déontologie, exemplarité – est importante.

Plusieurs groupes semblent intéressés par l’exercice du droit de vote à seize ans pour l’élection municipale. Nous pourrions peut-être en débattre en séance, dans un second temps.

La Commission en vient à lexamen des articles.

Article 1er (art. L. 2 du code électoral) : Abaissement de lâge du droit de vote à seize ans

La Commission rejette larticle 1er.

Après larticle 1er

La Commission examine lamendement CL4 de la rapporteure.

Mme Paula Forteza, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination qui prévoit de fixer une dérogation pour la majorité électorale dans le code civil, afin de dissocier clairement majorité électorale et majorité civile.

M. Erwan Balanant. Madame Forteza, Monsieur Orphelin, nous ne sommes pas frileux. Il faut atteindre cet objectif, mais sur la base d’un dispositif solide et efficace. La seule solution efficiente serait de supprimer de la Constitution le mot « majeur ». Ainsi, la loi pourrait ensuite définir l’âge du droit de vote et ce dernier pourrait être différent de celui de la majorité. Je ne voudrais pas qu’au bénéfice du droit de vote, on fragilise différentes protections attachées à la minorité.

Je vous rappelle que la révision de la Constitution est quasi intégralement du ressort du Parlement. Nous ne sommes donc pas pour un affaiblissement des droits du Parlement, bien au contraire !

Pour les jeunes, il s’agit de donner un sens à l’engagement. Ainsi, dans un premier temps, le fait de pouvoir être candidat ou voter aux élections municipales à seize ans serait une avancée. Nous ne sommes pas opposés à une proposition de loi, mais estimons que quelques heures de débats, dans le cadre d’une niche parlementaire, sont insuffisantes.

Mme Alexandra Louis. La proposition de loi peut paraître très séduisante au premier abord. Nous avons tous envie de donner les moyens à notre jeunesse de participer à la vie démocratique de notre pays. Toutefois, au delà des arguments constitutionnels, incontournables, votre proposition manque de cohérence. Vous citez deux exemples : dans le premier, dès l’âge de seize ans, un jeune peut avoir des relations sexuelles libres et consenties. Mais les dispositions que vous évoquez visent à protéger l’intégrité physique et psychique du mineur ; elles n’octroient pas une liberté. Deuxième exemple, vous indiquez qu’un mineur de seize ans peut être entendu par la justice. Mais il peut aussi l’être à treize ans. Là encore, il s’agit de le protéger, la majorité pénale à dix-huit ans allant de pair avec l’excuse de minorité.

Contrairement à la rédaction initiale de votre proposition de loi, vous nous expliquez désormais que l’on peut séparer majorité civile, majorité pénale et majorité de vote. Où est la cohérence ? Si l’on remet en cause la majorité pour voter aujourd’hui, demain, on la remettra en cause sur le plan civil, puis sur le plan pénal – vous savez que c’est déjà un débat.

Certes, il faut trouver les moyens de mieux impliquer notre jeunesse dans la vie démocratique, mais il ne faut pas oublier l’objectif protecteur des dispositions actuelles, la minorité – et les protections qui vont avec – étant particulièrement importantes à cet âge.

M. Matthieu Orphelin. C’est la procédure parlementaire, mais nous avons voté très rapidement l’article 1er, qui a été supprimé…

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous avons voté, comme d’habitude, monsieur Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. J’explique simplement la procédure. Mille jeunes sont connectés et nous suivent ; il faut qu’ils comprennent ! L’article 1er ayant été supprimé nous débattons, après l’article 1er, des solutions proposées par la rapporteure pour abaisser la majorité électorale.

M. Ugo Bernalicis. À écouter la majorité au sens large – Modem et République en Marche –, on a l’impression que vous plaidez pour une initiative plus globale, voire une réforme constitutionnelle, le sujet étant particulièrement intéressant. Vous en arriveriez presque à reprocher le fait qu’on soit amené à en débattre dans une niche, sur une seule journée ! Je suis favorable à une réforme du Règlement de l’Assemblée nationale, qui octroierait beaucoup plus de temps aux groupes d’opposition, mais ce n’est pas le sujet !

Le débat est sur la table et nous sommes favorables à une telle évolution. Même si nous souhaitons aller plus loin – vote obligatoire, reconnaissance du vote blanc avec annulation de l’élection s’il est majoritaire, VIe République – nous voterons pour cette proposition de loi, excellent « boost » pour faire avancer les promesses constitutionnelles de la majorité, dont certaines sont peut-être moins consensuelles…

Quant aux arguments sur le fond, je peux comprendre que des gens de droite pointent la responsabilité pénale, mais je saisis mal que La République en Marche se saisisse d’un tel argument alors qu’elle soutient une ordonnance sur la justice pénale des mineurs qui fixe le seuil de discernement à 13 ans – en prétendant que c’est une avancée… Les arguments que vous employez, chers collègues, pourraient se retourner contre vous et de pareilles âneries pourraient vous conduire à défendre le droit de vote à 13 ans ! Mais il faut raison garder ; il existe des âges différents pour tout, et c’est très bien ainsi. De mon côté, je suis allé manifester pour la première fois à 14 ans.

M. Bruno Questel. Il ne s’agit pas de dire que l’on est opposé à cette réforme parce qu’elle est mauvaise, mais d’en critiquer la forme et la méthode. Ce n’est pas faire preuve de mépris à l’égard du groupe le plus intelligent, manifestement, de l’Assemblée nationale… que de dire que ce sujet mérite que l’on y travaille davantage. La preuve, c’est que vous n’aviez pas vu que la constitutionnalité du texte pouvait poser problème et que vous avez été forcés de déposer des amendements pour contourner l’obstacle ! Permettez-moi en dernier lieu d’apporter une précision historique. Le PACS est issu de cinq propositions émanant de chaque groupe de la majorité plurielle, le texte a été élaboré à Matignon en concertation avec l’exécutif et c’est pour des raisons de calendrier que l’on a choisi pour véhicule une proposition de loi.

Mme Paula Forteza, rapporteure. Je voudrais être très claire sur ce que cette proposition de loi contient et sur ce qu’elle ne contient pas. La majorité civile ne change pas. En revanche, on ouvre un nouveau droit aux jeunes de 16 ans, le droit de vote. Cela n’emporte pas d’effet sur les protections dont les personnes âgées de 16 ans bénéficient par ailleurs.

Pour ce qui est de la constitutionnalité de cette réforme, je le répète : la majorité n’est pas un concept unitaire – l’âge de la majorité pénale n’est pas le même que celui de la majorité sexuelle, pour s’en tenir aux exemples que je donne dans l’exposé des motifs. Il n’y a donc aucun obstacle à séparer la majorité électorale de la majorité civile, ainsi que l’ont rappelé les constitutionnalistes et les experts en droit électoral que nous avons auditionnés.

Certains d’entre eux ont jugé qu’un tel amendement de coordination n’était pas nécessaire, mais c’est pour plus de clarté que nous avons proposé de préciser dans le code civil que, par exception à la majorité civile, la majorité est fixée à 16 ans pour l’exercice du droit de vote. Je vous invite à respecter le travail que nous avons mené au cours des auditions. C’est tout le sens du travail parlementaire.

La Commission rejette lamendement.

Elle en vient à lexamen de lamendement CL6 rectifié de la rapporteure.

Mme Paula Forteza, rapporteure. Nous proposons, par cet article additionnel, de renforcer l’enseignement moral et civique au collège et au lycée. Ces enseignements existent, mais les questions institutionnelles ne sont abordées qu’en terminale. Les jeunes que nous avons auditionnés ont demandé que, dès le collège, le fonctionnement des institutions républicaines et les modalités du droit de vote soient enseignés.

M. Raphaël Schellenberger. Nous sommes évidemment favorables au fait que ces enseignements soient délivrés plus tôt à nos jeunes compatriotes, mais votre présentation est quelque peu caricaturale. En tant que parlementaires, nous sommes souvent sollicités par les professeurs pour intervenir dans les classes, et c’est notre rôle que d’expliquer notre fonction et nos missions. Pour ma part, j’accompagne régulièrement ces moments d’éducation civique et je sais que les enseignants n’attendent pas la terminale pour en parler à leurs élèves.

Avec cet amendement, vous démontrez toute l’incohérence de votre logique. La majorité est un droit qui se constitue progressivement : ce n’est pas à un moment précis que l’on devient majeur, on acquiert peu à peu des droits. Calquer l’âge d’exercice du droit de vote sur la fin de l’obligation scolaire, c’est laisser entendre qu’une fois l’instruction achevée, l’expérience est suffisante pour participer au vote. J’ai tendance à considérer que l’on doit progressivement accéder à la majorité, pour avoir le droit de participer à ce qui demeure le sommet de la décision collective.

 M. Erwan Balanant. J’ai travaillé durant six mois sur la question du harcèlement scolaire et je me suis rendu compte du nombre incroyable d’injonctions faites aux professeurs d’enseigner tel ou tel sujet. C’est problématique.

J’estime que la démocratie et la citoyenneté doivent avant tout se pratiquer. Une anecdote : j’ai demandé à une collégienne dynamique, chez laquelle je pensais avoir décelé la fibre politique ou syndicale, pourquoi elle n’était pas déléguée de classe. Elle m’a rétorqué qu’elle l’avait été durant quasiment toute sa scolarité, avant de réaliser que l’on n’écoutait jamais les représentants d’élèves et que cela ne servait à rien.

Je suis personnellement convaincu que le droit de vote dès 16 ans doit être effectif dès les prochaines élections municipales. Mais je pense aussi qu’il faut multiplier les modes de consultation de la jeunesse. La prise en compte des problématiques de cette population commence dès l’école. C’est ce que nous avons fait en ouvrant, je le rappelle, le droit de pétition au CESE aux personnes âgées de 16 ans. C’est par la pratique que les jeunes s’engageront de façon plus forte et plus sincère dans le débat public.

M. Ugo Bernalicis. Être citoyen, prendre des décisions collectives, cela s’apprend. j’ai commencé ma carrière en politique au collège, en tant que délégué de classe – j’étais déjà très embêtant. Je faisais campagne avec des affiches, des tracts, si bien que les élections différaient un peu de celles qui se déroulaient ailleurs, où l’on votait soit pour Superman, soit pour Batman, soit pour son copain.

Que les élèves soient représentés est une avancée, mais il faut aller plus loin. Ma circonscription accueille la seule école de pédagogie Freinet qui soit publique. Dès la maternelle, les enfants sont invités à voter chaque semaine pour ajuster leur planning et décider, par exemple, des activités qu’ils souhaitent pratiquer. Lorsque je suis allé voir les enfants de CE1 et que je leur ai expliqué que je votais la loi, ils m’ont répondu qu’ils faisaient pareil. Ils savaient l’importance du vote, les conséquences qu’il implique. Je n’ai rien rencontré de tel à l’école publique républicaine.

Quant au droit de pétition auprès du CESE, il faut continuer en ce sens et l’élargir.

Mme Marie-George Buffet. On ne peut pas dire, Monsieur Bernalicis, que cet apprentissage n’existe pas dans l’école publique. Je trouve formidable le travail que font les enseignants et leurs classes de CM2 dans le cadre du Parlement des enfants. Avec des collégiens, j’ai aussi travaillé sur le harcèlement scolaire et nous avons rédigé une proposition de loi, que j’ai déposée. Il se passe également des choses bien dans l’enseignement public !

Mme Paula Forteza, rapporteure. L’objectif de cet amendement n’est pas de dire qu’il ne se passe rien d’intéressant dans les lycées, mais de détailler le contenu de l’enseignement moral et civique (EMC). Il n’est pas fait mention du fonctionnement des institutions de la République et ce sujet n’apparaît que dans les programmes de terminale. Cette demande émane des syndicats lycéens et étudiants.

Accordons aux jeunes de 16 ans le droit de vote, ils pourront ainsi avancer par la pratique, comme le suggère Erwan Balanant. On pourrait parler, avec cet amendement, de « conduite accompagnée citoyenne », puisqu’il prévoit un accompagnement dans le cadre scolaire. Cet enseignement permettra de gommer les inégalités sociales, en palliant l’éventuelle absence de socialisation politique au sein de la famille ou dans le cercle amical. Tous les jeunes seront exposés aux mêmes apprentissages, aux mêmes comparatifs de programmes et invités ensemble à la réflexion politique.

La Commission rejette lamendement.

Article 2 (art. L. 9 du code électoral) : Inscription automatique sur les listes électorales

La Commission examine lamendement CL8 de la rapporteure.

Mme Paula Forteza, rapporteure. Il s’agit de faciliter, par tous les moyens, l’actualisation des listes électorales. Les inscriptions sont automatiques mais trop de personnes ne votent plus, du fait de déménagements ou d’aléas de la vie. La mal-inscription touche particulièrement les jeunes – 40 % des 25-30 ans et 25 % des 18-25 ans – et les non-diplômés – 60 % des non-diplômés de 25 à 44 ans. En 2019, quatre personnes sur cinq ayant déménagé dans l’année n’étaient pas réinscrites dans leur nouvelle commune. Le phénomène est si répandu que dans des villes comme Bordeaux et Montpellier, la moitié de la population est mal ou non inscrite.

M. Bruno Questel. On peut entendre la finalité de cet amendement, qui vise à renforcer la sincérité des listes électorales. Mais dans la vraie vie, lorsque les enfants quittent le foyer parental pour leurs études, ils sont parfois amenés à déménager tous les ans et il serait complexe de leur apporter satisfaction. En tant que maire, je me suis vu reprocher par les parents et les enfants concernés de les priver de voter dans la ville où ils étaient nés et où ils revenaient chaque fin de semaine. Il revient aux maires de nettoyer les listes électorales, révisées tous les ans, mais il ne faut pas tomber dans l’automaticité, qui pourrait avoir un effet exactement inverse à celui recherché.

M. Raphaël Schellenberger. Faisons preuve de pédagogie, puisqu’il paraît que nous sommes regardés sur des plateformes, inconnues de nous jusqu’à ce matin. Cet amendement, madame la rapporteure, contredit deux des arguments dont vous avez usés jusque-là.

Vous avez fait un beau laïus sur la hiérarchie des normes en expliquant que ce qui figure dans la loi n’a pas nécessairement sa place dans la Constitution. Mais, de la même manière, ce qui est du niveau de la circulaire ministérielle, voire de la note interne au ministère de l’intérieur, n’a pas à figurer dans un texte de loi.

Par ailleurs, vous avez expliqué que les jeunes de 16 ans étaient suffisamment responsables pour devenir des électeurs. Dans ce cas, ils devraient être capables de vérifier qu’ils sont bien inscrits sur les listes électorales. Cet amendement ne fera que déresponsabiliser les personnes en droit de voter.

Mme Paula Forteza, rapporteure. J’ai cru bon de remplacer l’idée d’automaticité par celle de facilitation, plus proche du caractère volontaire de l’inscription. Il est vrai que la France fait partie des quelques rares démocraties qui imposent aux citoyens de s’inscrire par eux-mêmes, ce qui ajoute une dose de complexité, au détriment des jeunes et surtout des jeunes non-diplômés. Il revient à l’État de mieux accompagner les citoyens dont on exige, par ailleurs, qu’ils se mobilisent.

Quant à la hiérarchie des normes, je rappelle que beaucoup de lois ont traité de ce sujet et que la dernière, la loi dite Pochon-Warsmann, entre dans les détails quant aux modalités d’inscription, notamment en créant le répertoire électoral unique.

La Commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CL7 de la rapporteure.

Mme Paula Forteza, rapporteure. Beaucoup de jeunes nous ont expliqué qu’ils ne savaient même pas s’ils étaient inscrits sur les listes. Il s’agit donc de prévoir que les électeurs bénéficient d’une information accessible et régulière sur les conditions d’inscription sur les listes électorales ainsi que sur la consultation et la modification de ces listes.

La Commission rejette lamendement.

Puis elle rejette larticle 2.

Après larticle 2

La Commission examine lamendement CL16 de M. Pacôme Rupin.

M. Pacôme Rupin. Cette proposition de loi a le mérite de traiter de la question de l’inscription sur les listes électorales. Il y a quelques années, l’inscription n’était possible que jusqu’au 31 décembre de l’année précédant l’élection. Une disposition, votée en 2016 et entrée en vigueur le 31 décembre 2019, supprime la révision annuelle des listes pour permettre à tout électeur de s’inscrire jusqu’à trente jours avant l’élection. Pourtant, de trop nombreuses personnes demeurent mal ou non inscrites, parmi lesquelles nos jeunes concitoyens qui font leurs études ou travaillent loin de la ville où ils ont grandi et où ils sont inscrits. Nous proposons donc de repousser la date limite d’inscription jusqu’à dix jours avant le scrutin.

Mme Paula Forteza, rapporteure. Des exceptions existent déjà en cas de déménagement pour des motifs professionnels, de mutation pour les fonctionnaires, pour les militaires et pour les personnes acquérant la nationalité ou atteignant l’âge du droit de vote après l’expiration du délai. Pour les dernières élections européennes, la date limite a été repoussée jusqu’au 31 mars, par dérogation aux six semaines réglementaires. Autoriser les inscriptions le jour du scrutin, comme c’est le cas dans certains états des États-Unis, serait une belle avancée, mais je m’en tiendrais pour l’instant à votre proposition, sur laquelle j’émets un avis favorable.

M. Bruno Questel. Cet excellent amendement suivra hélas le sort de cette proposition de loi, contre laquelle la majorité des groupes se sont prononcés. Toutefois, il faut garder à l’esprit que ce dispositif a été utile en période d’urgence sanitaire, pour les élections municipales. J’encourage donc Pacôme Rupin à le redéposer dans le cadre d’un prochain projet de loi.

La Commission adopte lamendement.

Puis elle en vient à lexamen de lamendement CL15 de la rapporteure.

Mme Paula Forteza, rapporteure. Des sociologues ont imaginé un dispositif où les fournisseurs de bien ou de service proposent à la personne qui a changé d’adresse son inscription sur les listes électorales. Sans aller jusque-là, nous nous sommes inspirés d’une mesure inscrite dans le projet de loi « ASAP », déjà expérimentée dans quatre départements, qui permet à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) de récupérer directement l’information auprès des fournisseurs de bien ou de service. Cette collaboration simplifie et fluidifie les démarches. Dans le même esprit, nous proposons que les fournisseurs, lors d’un déménagement, informent la personne des conditions dans lesquelles elle peut s’inscrire sur les listes électorales.

M. Bruno Questel. Je ne comprends pas cet amendement. Je voterai contre.

M. Raphaël Schellenberger. Nous avons longuement discuté du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et de protection des données ; n’est-il pas scandaleux d’aller demander à des opérateurs privés de s’intéresser à la qualité d’électeur de leurs clients ? C’est attentatoire aux libertés publiques.

Mme Paula Forteza, rapporteure. J’étais rapporteure de la loi relative à la mise en œuvre du RGPD, je suis donc très rigoureuse sur ces questions. N’ayez aucune crainte, il n’y a pas de transfert de données entre le fournisseur de bien ou de service et l’État, le fournisseur informe simplement le client sur la façon dont il peut s’inscrire. Il n’y a aucun croisement de fichiers et aucun risque pour les libertés fondamentales, dont je suis une fervente défenseure.

La Commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CL5 de la rapporteure.

Mme Paula Forteza, rapporteure. Nous proposons de maintenir à 18 ans l’âge d’éligibilité, puisque, notamment au regard de la responsabilité pénale et civile, il ne semble pas possible pour une personne de 16 ans d’exercer un mandat. Historiquement, l’âge du droit de vote a été décorrelé du droit d’éligibilité – ce n’est qu’en 2011 que l’âge d’éligibilité a été fixé à 18 ans pour toutes les élections à l’exception des élections sénatoriales.

M. Bruno Questel. C’est un peu plus compliqué pour les sénatoriales, puisque le scrutin est au suffrage universel indirect.

Je suis surpris par cet amendement, car si l’on devait ouvrir le droit de vote aux personnes de 16 ans, ce serait aussi pour leur permettre de se présenter aux élections et d’être élues. Je vois une formidable contradiction entre la philosophie de votre texte et les conséquences que vous en tirez vous-même ; cela me conforte dans l’idée qu’il nous faut à la fois rejeter cet amendement et cette proposition de loi. Nous devrons travailler plus longuement sur cette idée et la défendre éventuellement dans le cadre du débat préalable à l’élection présidentielle, en 2022.

La Commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CL20 de la rapporteure.

Mme Paula Forteza, rappporteure. Il s’agit d’un amendement de repli puisque vous n’avez pas adopté l’article 1er. Il vise à créer une expérimentation pour les prochaines élections présidentielle et législatives afin de permettre aux jeunes entre 16 et 18 ans de prendre part au vote, mais de façon consultative. Cette simulation serait un exercice pédagogique dont on pourrait tirer les conséquences.

M. Bruno Questel. Vous proposez aux jeunes de participer aux élections tout en leur disant que leur voix ne comptera pas. Je suis fondamentalement opposé à cet amendement, comme à ce texte.

Mme Paula Forteza, rapporteure. Il s’agirait d’une consultation, au même titre que de nombreux exercices de participation citoyenne. Le projet de loi organique sur le CESE, dont nous avons débattu récemment, en contient beaucoup, sans qu’elles aient forcément de conséquences. Par ailleurs, de telles expérimentations ont été proposées au niveau local, notamment à Paris.

La Commission rejette lamendement

Elle est saisie de lamendement CL18 de M. Pacôme Rupin. 

M. Pacôme Rupin. Cette proposition de loi a le mérite de verser au débat la question de la participation des jeunes à la citoyenneté. Cet amendement d’appel, que je retirerai après l’avoir présenté, prévoit la remise d’un rapport sur les moyens et dispositions permettant de renforcer la sensibilisation des jeunes à l’exercice du droit de vote et à la participation citoyenne. Il me semble que l’on pourrait utiliser à cette fin le service national universel (SNU), qui prend la forme, pour les jeunes entre 16 et 18 ans, d’un service civique d’un mois.

Mme Paula Forteza, rapporteure. Les amendements demandant des rapports ne me semblent pas toujours pertinents, mais j’émets un avis favorable sur celui-ci.

Lamendement est retiré.

La Commission rejette lensemble de la proposition de loi.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de ladministration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi instaurant le vote dès seize ans et linscription automatique sur les listes électorales (n° 3294).

 


—  1  —

 

   Personnes entendues

     M. François Pesneau, adjoint au directeur de la modernisation et de  l’administration territoriale

     Mme Marie Conciatori, adjointe à la cheffe du bureau des élections et des études politiques

     Mme Dominique Bertinotti, ancienne ministre de la Famille

     Mme Anne Muxel, chercheure au CEVIPOF

     Mme Cécile Braconnier, chercheure à l’Université Versailles Saint-Quentin

     M. Julien Damon, professeur associé à Sciences-Po

     M. Dominique Rousseau, professeur de droit

     M. Romain Rambaud, professeur de droit public

     M. Michel Fize, sociologue

      Matthieu Devlaminkc, président de l’Union nationale lycéenne

      Camille Michel, représentante d’« Allons Enfants »

      Anthony Ikni, délégué général du Forum Français de la Jeunesse

 

 

 

 


—  1  —

 

   annexe 1 : droits et devoirs des moins de 18 ans

QUE PEUT FAIRE UN JEUNE ?

A QUEL AGE ?

SEUL OU AVEC LACCORD DES PARENTS (OU TUTEURS) ?

IDENTITE ET FAMILLE

Avoir des papiers personnels :

- une carte nationale d’identité,

- un certificat de nationalité française,

- un passeport,

- un titre didentité républicain,

- une carte européenne dassurance maladie

À tout âge

Accord d’un parent (ou du tuteur)

Accéder à ses origines personnelles

À tout âge

Accord d’un parent (ou du tuteur)

Reconnaître son enfant et exercer lautorité parentale

À tout âge

Seul

Accepter ou refuser son adoption simple ou plénière

13 ans

Seul

Accepter ou refuser le changement de son prénom ou de son nom

13 ans

Seul

S’il est né en France de parents étrangers, consentir à lacquisition de la nationalité française

13 ans

Seul

Effectuer le recensement citoyen

16 ans

Seul

Demander un certificat de nationalité française

16 ans

Seul

Obtenir son émancipation

16 ans

Accord d’un parent (ou du tuteur)

Décliner la nationalité française, s’il est né en France de parents étrangers

17 ans

Seul

- Porter plainte

- Se renseigner sur ses droits dans une maison de justice et du droit ou un centre départemental d’accès au droit (CDAD)

- Bénéficier de l’aide juridictionnelle

- Être entendu par un juge dans une procédure civile (par exemple juge aux affaires familiales si ses parents divorcent, juge des enfants s’il est en danger, juge des tutelles)

- Témoigner ou être entendu, jugé et éventuellement condamné dans le cadre d’une procédure pénale

- Saisir le Défenseur des droits d’une réclamation

- Exercer ses droits d’accès, de rectification et d’opposition aux fichiers informatiques contenant des informations le concernant

A tout âge

seul

SCOLARITE

Être autorisé à sortir du collège ou du lycée

À tout âge

Accord des parents (ou du tuteur)

Préparer son orientation scolaire

À tout âge

Seul (les décisions peuvent nécessiter l’accord des parents)

Être délégué de classe et organiser des réunions dans son collège ou lycée

À tout âge

Seul

Participer à la direction d’une maison des lycéens

16 ans

Seul

LOISIRS

Adhérer à une association

À tout âge

Seul

Être temporairement autonome s’il a une activité de scoutisme

À tout âge

Accord des parents (ou du tuteur)

Participer à la création dune association et être chargé de son administration

16 ans

Seul (toutefois, l’association concernée doit en informer sans délai les parents).

Entrer, sans être accompagné d’un adulte, dans un bar ou un café qui ne vend pas dalcool

13 ans

Seul

Entrer, sans être accompagné d’un adulte, dans un bar (toutefois il ne peut ni acheter, ni se voir offrir de lalcool)

16 ans

Seul

Se faire des tatouages et des piercings par un professionnel

À tout âge

Accord d’un parent (ou du tuteur)

Obtenir le permis de chasser

15 ans

Accord d’un parent (ou du tuteur)

FORMATION ET TRAVAIL

S’il est en décrochage scolaire, demander à bénéficier dun parcours dinsertion professionnelle

13 ans

Accord des parents (ou du tuteur)

Travailler pendant les vacances scolaires, sous certaines conditions

14 ans

Accord des parents (ou du tuteur)

Intégrer un dispositif dinitiation aux métiers en alternance (Dima)

15 ans

Accord des parents (ou du tuteur)

Conclure un contrat dapprentissage sous certaines conditions

15 ans

Accord d’un parent (ou du tuteur)

S’engager dans un service civique (ESC)

16 ans

Accord des parents (ou du tuteur)

Être pompier volontaire

16 ans

Accord d’un parent (ou du tuteur)

Quitter le système scolaire et entamer des démarches dinsertion pour travailler

16 ans

Accord des parents (ou du tuteur)

S’engager dans un service volontaire européen (SVE)

17 ans (sous certaines conditions)

Accord des parents (ou du tuteur)

Être volontaire dans les armées

17 ans

Accord des parents (ou du tuteur)

Devenir réserviste militaire (réserve opérationnelle)

17 ans

Accord des parents (ou du tuteur)

S’engager dans la réserve citoyenne

17 ans

Accord des parents (ou du tuteur)

Passer le brevet daptitude aux fonctions danimateur (Bafa)

17 ans

Accord des parents (ou du tuteur)

Partir travailler au pair à létranger (dans certains pays seulement)

17 ans

Accord des parents (ou du tuteur)

TRANSPORTS

Passer le brevet de sécurité routière (catégorie AM du permis de conduire) et conduire un cyclomoteur de 50 cm³ maximum ou un quadricycle léger comme une voiturette

14 ans

Accord des parents (ou du tuteur)

Apprendre de manière anticipée à conduire en conduite accompagnée.

Pour financer les frais d’auto-école, il peut être aidé par le dispositif du permis à 1 €

15 ans

Accord d’un parent (ou du tuteur)

Préparer le permis moto légère (permis A1)

16 ans

Accord d’un parent (ou du tuteur)

S’inscrire à lexamen du permis de conduire

17 ans

Accord d’un parent (ou du tuteur)

ARGENT

Détenir un compte bancaire ou un livret dépargne

À tout âge

Accord d’un parent (ou du tuteur)

Posséder une carte de retrait

À tout âge

Accord d’un parent (ou du tuteur)

Détenir un contrat dassurance-vie à son nom

À tout âge

Accord des parents (ou du tuteur)

Acquérir et utiliser des chèques de voyage

À tout âge

Accord d’un parent (ou du tuteur)

Souscrire un plan d’épargne retraite (PER)

À tout âge

Accord d’un parent (ou du tuteur)

Demander louverture dun livret jeune et avoir une carte de retrait

12 ans

Accord d’un parent (ou du tuteur)

SANTE ET LOGEMENT

Maîtriser le risque de grossesse non désirée :

moyens de contraception (y compris durgence),

accouchement sous X

À tout âge

Seul

S’occuper des questions touchant à sa santé :

immatriculation à la sécurité sociale,

carte vitale,

choix dun médecin traitant,

- ouverture dun dossier médical personnel

16 ans

Seul

Avoir son propre logement (faire signer un bail de location par ses parents et percevoir une allocation logement)

À tout âge

Accord d’un parent (ou du tuteur)

DECES

Sopposer à la souscription par un tiers dune assurance-vie garantissant le versement d’un capital ou d’une rente suite à son décès

12 ans

Seul

S’opposer au prélèvement de ses organes à son décès en s’inscrivant sur le registre national des refus

13 ans

Seul

Faire un testament (en respectant certaines contraintes)

16 ans

Seul

* Cette liste ne présente pas les droits spécifiques également reconnus aux mineurs étrangers.

Source : Service-public.fr.

 


   annexe 2 : Intervention de M. Jean Lecanuet, Garde des Sceaux, devant l’assemblée nationale le 25 juin 1974

Extrait de l’intervention prononcée lors de la discussion générale sur le projet de loi (n° 1059) tendant à fixer à dix-huit ans l’âge de la majorité électorale :

« Une question délicate se posait dès l’abord : ne fallait-il pas, corrélativement à l’âge de la majorité électorale, abaisser celui de la majorité civile ?

« Le Gouvernement, conformément au sentiment du chef de l’État, a estimé, après en avoir délibéré, que la dissociation entre les deux majorités était possible sur le plan constitutionnel et qu’elle était en outre souhaitable pour des raisons pratiques.

« Que cette dissociation soit possible, au regard de la Constitution c’est, vous le savez, l’avis exprimé par le Conseil d’État lorsque le Gouvernement l’a consulté.

« Et permettez-moi, monsieur le rapporteur, puisque vous avez évoqué l’avis du Conseil d’État, de vous dire que cette haute institution se prononce toujours en pleine indépendance. Elle n’obéit pas à des mouvements d’humeur, comme vous l’avez suggéré, mais toujours à des mouvements de réflexion approfondie sur l’intérêt des personnes et de l’État.

« L’article 3, alinéa 4, de la Constitution de 1958, dispose : « sont électeurs, dans des conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques ». Votre commission des lois a interprété cette disposition constitutionnelle comme liant nécessairement l’âge de la majorité électorale et celui de la majorité civile.

« Si l’on suit son opinion, il serait impossible de dissocier les deux problèmes sans réviser préalablement la Constitution.

« M. Alain Terrenoire préconise en conséquence, dans son rapport, d’étendre l’actuel projet de loi à l’abaissement de la majorité civile, seul moyen, à ses yeux, de lever l’obstacle constitutionnel. Le Gouvernement, pour sa part, maintient son interprétation du texte de la Constitution. Il estime que les dispositions de l’article 3 de la Constitution ont entendu consacrer le principe du suffrage universel pour tous les nationaux français majeurs mais que celle-ci ne limite pas pour autant l’exercice du droit de vote aux seules personnes ayant atteint la majorité civile. En d’autres termes, si la Constitution dit que tous les Français majeurs sont électeurs, elle ne dit pas, pour autant, que seuls les Français ayant atteint la majorité civile disposent du droit de vote. Et voilà le fond du débat constitutionnel éclairé par la pensée du Gouvernement, en conformité avec les avis, qu’il a reçus.

« L’interprétation du Gouvernement trouve, au demeurant, une confirmation dans l’article 7 du code civil, qui précise que l’exercice des droits civils est indépendant de l’exercice des droits politiques. J’ajoute, puisque M. le rapporteur en a fait mention, mais d’une manière rapide, qu’il existe des précédents. L’article L. 3 du code électoral – disposition au demeurant traditionnelle puisqu’elle remonte à 1946 et a été maintenue dans l’actuelle Constitution – confère le droit de vote aux jeunes gens de dix-huit ans – donc mineurs en l’état actuel de notre législation – dès lors qu’ils sont titulaires de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire ou de la Croix de guerre à titre personnel .De même, l’Assemblée nationale n’a pas hésité à adopter la loi du 9 juillet 1970 qui permet à ceux qui ont accompli le service national de voter, alors même qu’ils sont âgés de moins de vingt et un ans.

« Lorsque j’ai plaidé, au début de le séance, l’opportunité de dissocier le problème de la majorité politique de celui de la majorité civile, chacun a sans doute bien compris – il suffirait de relire le texte de mon intervention pour s’en convaincre – que le Gouvernement n’entendait pas établir une dissociation de principe, une dissociation durable. Le débat doit être situé dans ses véritables limites, qui sont assez étroites. Le Gouvernement vous demandait simplement de séparer, pour quelques mois, les deux problèmes, de manière à éviter – peut-être y parviendra-t-on quand même ? – les risques d’une certaine improvisation. »


   annexe 3 : Liste des personnalités signataires de la pétition appelant à soutenir l’abaissement du vote à 16 ans (jevotea16ans.fr)

 

ILS ET ELLES ONT DÉJÀ SIGNÉ LA PÉTITION :

 

Elu.e.s

Paula Forteza (députée, co-présidente du groupe Ecologie Démocratie Solidarité) ;

Matthieu Orphelin (député, co-président du groupe Ecologie Démocratie Solidarité) ;

Clémentine Autain (députée La France Insoumise) ;

Delphine Bagarry (députée Ecologie Démocratie Solidarité) ;

Delphine Batho (députée Ecologie Démocratie Solidarité, présidente de Génération Ecologie) ;

Julien Bayou (secrétaire national d’Europe-Ecologie-Les-Verts) ;

Ugo Bernalicis (député La France Insoumise) ;

Hugo Biolley (maire de Vinzieux) ;

Emilie Cariou (députée Ecologie Démocratie Solidarité) ;

Guillaume Chiche (député Ecologie Démocratie Solidarité) ;

Eric Coquerel (député La France Insoumise) ;

Alexis Corbière (député La France Insoumise) ;

David Cormand (eurodéputé Verts / Alliance Libre Européenne) ;

Yolaine de Courson (députée Ecologie Démocratie Solidarité) ;

Frédérique Dumas (députée Libertés et Territoires) ;

Caroline Fiat (députée La France Insoumise) ;

Albane Gaillot (députée Ecologie Démocratie Solidarité) ;

Raphaël Glucksmann (député européen Socialistes & Démocrates) ;

Aurélie Gros (maire de Coudray-Montceaux) ;

Anne Hidalgo (maire de Paris) ;

Yannick Jadot (député européen Europe-Ecologie-Les-Verts) ;

Sandrine Josso (députée MoDem) ;

Hubert Julien-Laferrière (député Ecologie Démocratie Solidarité) ;

Marietta Karamanli (députée Parti Socialiste) ;

Bastien Lachaud (député La France Insoumise) ;

Marion Lenne (députée La République en Marche) ;

Nathalie Maquoi (conseillère de Paris, présidente du Groupe Generation.s au Conseil de Paris) ;

Jean-Luc Mélenchon (député, président du groupe La France Insoumise) ;

Sébastien Nadot (député Ecologie Démocratie Solidarité, président du Mouvement des progressistes) ;

Danielle Obono (députée La France Insoumise) ;

Anthony Palermo (maire de Saint-Eloy-les-Mines) ;

Mathilde Panot (députée La France Insoumise) ;

Pierre Person (député La République en Marche) ;

Valérie Petit (députée AGIR) ;

Eric Piolle (maire de Grenoble) ;

Christine Pirès-Beaune (députée Parti Socialiste) ;

Loïc Prudhomme (député La France Insoumise) ;

Adrien Quatennens (député La France Insoumise) ;

Cathy Racon-Bouzon (députée La République en Marche) ;

Raphaelle Rémy-Leleu (conseillère de Paris, groupe Ecologiste de Paris) ;

Muriel Ressiguier (députée La France Insoumise) ;

Chloé Sagaspe (conseillère de Paris et membre du bureau exécutif d’Europe-Ecologie-Les-Verts) ;

Aurélien Taché (député Ecologie Démocratie Solidarité) ;

Bénédicte Taurine (députée La France Insoumise) ;

Marie Toussaint (eurodéputée Verts / Alliance Libre Européenne) ;

Frédérique Tuffnell (députée Ecologie Démocratie Solidarité) ;

Cécile Untermaier (députée Parti Socialiste) ;

Cédric Villani (député Ecologie Démocratie Solidarité) ;

Martine Wonner (députée Ecologie Démocratie Solidarité) ;

Karim Ziady (conseiller de Paris, groupe Paris en commun) ;

 

Associations, syndicats et mouvements politiques

Allons Enfants (parti politique) ;

ANACEJ - Association Nationale des Conseils d’Enfants et de Jeunes (association) ;

Animafac (association) ;

Climates (association) ;

Coexister (association) ;

FIDL - Fédération indépendante et démocratique lycéenne (syndicat lycéen) ;

FFJ - Forum Français de la Jeunesse (association) ;

Génération Villani (mouvement politique) ;

Lycéens des Hauts-de-France (association lycéenne) ;

MNL - Mouvement national des lycéens (syndicat lycéen) ;

Nous Demain (mouvement politique) ;

Résilience France (association) ;

Scouts et Guides de France (association) ;

SOS Racisme (association) ;

Tous élus (association) ;

UNEF - Union nationale des étudiants de France (syndicat étudiant) ;

UNICEF France (organisation internationale) ;

UNL - Union nationale des lycéens (syndicat lycéen) ;

Youth Forum - Forum Européen pour la Jeunesse (association).

 

Personnalités engagées et chercheur.e.s

Dominique Bertinotti (ancienne ministre de la famille) ;

Loïc Blondiaux (professeur à l’université Paris I, membre de la Commission Nationale du Débat Public) ;

Louis Boyard (ancien président de l’UNL lycéen) ;

Céline Braconnier (professeure de science politique à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye) ;

Andréas Chaïb (président du think-tank Génération d’Avenir) ;

Julien Damon (professeur associé à Sciences Po) ;

Dorian Dreuil (militant associatif, auteur du “Plaidoyer pour l’engagement citoyen”) ;

Clairanne Dufour (ancienne présidente d’Avenir Lycéen) ;

Camille Etienne (porte-parole du mouvement “On est Prêts”) ;

Diana Fillipova (fondatrice de Stroïka) ;

Samuel Grzybowski (entrepreneur social, fondateur de Coexister) ;

Mathilde Imer (initiatrice des Gilets Citoyens) ;

Armel Le Coz (Co-fondateur de Démocratie Ouverte) ;

Elliott Lepers (directeur de l’ONG Le Mouvement ;

Enrico Letta (ancien Président du Conseil Italien, doyen de la PSIA de Sciences-Po) ;

Clément Mabi (chercheur à l’UTC Compiègne) ;

Charlotte Marchandise (candidate citoyenne Laprimaire.org en 2017) ;

Anne Muxel (directrice de recherche au CEVIPOF) ;

Corinne Narassiguin (secrétaire nationale à la coordination du Parti Socialiste) ;

Christian Paul (ancien député et ancien Secrétaire d’Etat chargé de l’Outre-Mer) ;

Yves Saintomer (professeur à université Paris 8) ;

Rooh Savar (président de SINGA) ;

Romain Slitine (auteur du livre “Le coup d’Etat citoyen”) ;

Quitterie de Villepin (initiatrice du collectif Ma Voix).

 


([1])              Le mythe du citoyen passif, in Le Monde, 19 juin 2004.

([2])              Emmanuel-Pie Guiselin, « L’âge, variable juridique des élections politiques », Revue de droit public, janvier 2009.

([3])              Ainsi fixée par la loi du 20 septembre 1792, reprise dans le code civil de 1804.

([4])              La condition de majorité doit être respectée avant le jour du scrutin.

([5])              Cette rédaction est issue de la loi n° 2000-295 du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.

([6])              Cette spécificité serait justifiée par les modalités d’élection des sénateurs au suffrage universel indirect et le souhait de conserver une forme de bicaméralisme différencié.

([7])              Voir annexe.

([8])              « Macron "prêt" à abaisser le droit de vote à 16 ans », agence Reuters, 24 mai 2019.

([9])              En Allemagne, le SPD propose dans son programme l’extension à l’échelle fédérale de l’abaissement de l’âge du vote à seize-ans.

([10])              En Suisse, plusieurs les Cantons de Vaud, Genève et le Valais permettent déjà le vote à 16 ans.

([11])              https://www.vote16sf.org  

([12])              Le Vote à seize ans – conséquences sur la participation des jeunes au niveau local et régional, Conseil de l’Europe, octobre 2015.

([13])              https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2015-0395_FR.html

([14])              Communiqué de presse du Parlement européen, « Élections européennes 2019 : un taux de participation record grâce aux jeunes », 24 septembre 2019.

([15])              Rapport de M. Jean-Pierre Rosenczveig, « De nouveaux droits pour les enfants ? Oui... Dans l'intérêt même des adultes et de la démocratie », 29 janvier 2014, https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/144000326.pdf

([16])              Anne Muxel, « Renouvellement générationnel : déconsolidation ou recomposition démocratique ? », in Démocraties sous tension. Une enquête planétaire, ed. Dominique Reynié, 2020.

([17])              Étude annuelle du Conseil d’État, « La citoyenneté. Être (un) citoyen aujourd’hui », 2018.

([18])              https://le1hebdo.fr/journal/voter-a-16-ans/106/article/voter-16-ans-serait-un-bienfait-dmocratique-1605.html  

([19])              https://oegfe.at/wordpress/wp-content/uploads/2018/04/OEGfE_Policy_Brief-2018.06.pdf  

([20])              Ibidem.

([21])              Julien Damon, « Établir le droit de vote à seize ans : (imp)pertinence d’une innovation pour rééquilibrer politiquement les générations », in Impertinence, 2010.

([22]https://www.change.org/p/pour-le-droit-de-vote-d%C3%A8s-16-ans

([23])              MM. Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, François Fillon, Benoît Hamon, Philippe Poutou et Jacques Cheminade.

([24])              Compte-rendu de la séance publique du 25 juin 1974.

([25])              Article 2 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures.

([26])              Article 2 du décret n° 2009-430 du 20 avril 2009 portant modification du code électoral et du décret n° 79-160 du 28 février 1979 portant application de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen.

([27])              Les électeurs peuvent :               s’ils sont âgés de moins de 26 ans, s’inscrire sur la liste électorale de la commune du domicile de leurs parents, quand bien même ils résident dans une autre commune ;               s’inscrire sur les listes électorales d’une commune dont ils sont contribuables depuis au moins deux ans, au lieu de cinq ans auparavant ;               s’inscrire sur la liste électorale d’une commune s’ils sont gérants ou associés majoritaires ou uniques depuis au moins deux ans d’une société payant des impôts locaux dans cette commune ;               vérifier, à partir de février 2019, sur service-public.fr, qu’ils sont bien inscrits sur les listes électorales et connaître leur bureau de vote. Par ailleurs, la double inscription des Français établis à l’étranger sur une liste communale et sur une liste consulaire a été supprimée.

([28])              « 47,7 millions d’électeurs sur les listes électorales françaises en février 2020 », Insee Focus, n° 186, février 2020.

([29])              Céline Braconnier évoque dans ses travaux cette « mal inscription » des jeunes comme troisième cause responsable de l’abstention chez les jeunes. Elle relève ainsi que « les électeurs sont inscrits dans une commune où ils ne résident plus. En 2017 on compte environ 17% de mal inscrits et 11% de non-inscrits, c’est énorme ! Les jeunes sont très bien inscrits puisque depuis 1997 ils bénéficient de l’inscription d’office sur les listes électorales de la commune où ils se sont fait recenser pour faire leur journée défense et citoyenneté. Mais il y a un gros problème de mal-inscription. Dès que ces jeunes déménagent pour leurs études par exemple, ils ne se réinscrivent pas et restent inscrits chez leurs parents. Pour la présidentielle ils vont faire le déplacement, mais ils ne vont sûrement pas y retourner pour les législatives ! Or on a un mécanisme de procuration qui est beaucoup trop compliqué et qui laisse de côté les jeunes mal-inscrits. L’abstention est alimentée par une procédure institutionnelle complètement inadaptée à une société de la mobilité résidentielle qui touche les précaires aussi bien que les cadres. On a montré récemment avec Jean-Yves Dormagen, que la mal-inscription se retrouvait dans tous les quartiers et tous les milieux. Lutter contre la mal-inscription permet donc de gagner des voix dans tous les milieux. On a montré que pour les scrutins de 2012 l’abstention constante était multipliée par trois chez les mal-inscrits : elle passe de 9,5% à 28% », https://www.millenaire3.com/Interview/le-vote-et-l-abstention-aujourd-hui

([30])              « Inscriptions électorales de 2018 : les trentenaires moins inscrits que les autres », Insee Focus, n° 118, juillet 2018.

([31])              En 1978, Daniel Gaxie évoquait déjà le « cens caché » dans un ouvrage éponyme.

([32])              Pierre Rosanvallon, Le Parlement des invisibles, Essais Points, 2014.

([33])              http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/acceleration_simplification_action_publique