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N° 3393

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er octobre 2020.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI

relative à de premières mesures d’interdiction de certaines pratiques génératrices de souffrances chez les animaux et d’amélioration des conditions de vie de ces derniers (n° 3293)

 

 

 

 

M. Cédric Villani

Député

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 Voir le numéro : 3293.

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. Le refus de la souffrance animale : une question Éthique, philosophique, scientifique et environnementale qui interroge Notre humanité

A. La condition animale nourrit depuis lantiquitÉ un dÉbat philosophique et Éthique renouvelÉ par les derniÈres avancÉes scientifiqueS et la prise de conscience du pÉril Écologique

1. La philosophie à lépreuve de lanimalité ()

a. Une question philosophique et éthique ancienne

b. Pourquoi la souffrance dune bête me bouleverse-t-elle ainsi ? ()

c. Limpossible dissociation du respect porté à lanimal et à lhomme

2. Les travaux scientifiques et le péril environnemental renouvellent cette réflexion sur les relations entre homme et animal

a. Descartes avait tort : la science contre la théorie de l« animal machine »

b. Cette réflexion sinscrit dans un contexte de crise écologique grave

B. Le refus de la souffrance animale est aujourdhui une demande citoyenne qui doit être entendue

1. Létat actuel du droit en France est en décalage avec lévolution de la sensibilité de la société tandis que lindustrie agroalimentaire mondiale est dominée par un modèle productiviste incompatible avec le bien-être animal

a. Le droit français est loin daccorder à lanimal un statut digne

b. Un « ordre industriel » incompatible avec les impératifs biologiques des espèces et le bien-être animal

2. La lutte contre les souffrances animales est aujourdhui une demande sociétale juste et légitime, qui doit être entendue

II. La prÉsente proposition de loi constitue une premiÈre Étape vers une meilleure considÉration des animaux dans notre sociÉtÉ

A. Une proposition de loi destinÉe À accompagner et parachever des mouvements dÉjÀ À lœuvre, sans stigmatiser aucune profession

1. Bien-être, élevage industriel et souffrance : quelques définitions

2. Accompagner et parachever des transformations déjà à lœuvre, sans stigmatiser aucune profession

a. Accompagner des mutations déjà à lœuvre

b. Donner le temps et garantir les moyens de la transition : entrées en vigueur différées et fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal

B. Se divertir et se vÊtir au prix de la souffrance animale

1. La chasse à courre, vénerie sous terre et modes de chasse traditionnels (pantes, gluaux, tenderies, matoles, tendelles, filets) : une torture infligée à lanimal pour le plaisir de quelques-uns

a. La chasse à courre : cruauté de la poursuite et de la mise à mort

b. La vénerie sous terre : une pratique archaïque empreinte de sadisme

c. Anticiper les contournements de linterdiction : interdire les modes de chasse équivalents

d. Les chasses traditionnelles : cruauté et non-sélectivité

e. Éléments dévaluation des impacts de la loi

2. Cirques et delphinariums : des conditions de vie incompatibles avec les besoins fondamentaux des animaux

a. Les delphinariums

b. Les cirques

c. Éléments dévaluation des impacts de la loi

3. Lélevage pour la fourrure : la mode au prix de la souffrance

a. Une interdiction nécessaire

b. Éléments dévaluation des impacts de la loi

C. La proposition de loi met fin À CERTAINS TYPES DÉLEVAGE ENTRAÎNANT DES SOUFFRANCES ANIMALES INACCEPTABLES ET POSE LES JALONS DUN SYSTÈME DÉLEVAGE RESPECTUEUX DE LANIMAL ET DURABLE

1. Concurrence déloyale, répartition inéquitable de la valeur et injonctions contradictoires du consommateur constituent des freins à la montée en gamme de la production agricole française

a. Les accords de libre-échange créent une concurrence déloyale entre éleveurs français et producteurs étrangers

b. Linégale répartition de la valeur au sein de la chaîne agroalimentaire perdure

c. Acte dachat déterminé par le prix et exigence de montée en gamme : de limportance dune « pédagogie du prix »

2. Abolir certaines pratiques et accompagner la transition de lélevage vers un système respectueux de lanimal et durable

a. Bien-être de léleveur et bien-être animal ne sont pas dissociables

b. La transition de lélevage vers un système plus respectueux de lanimal et durable est la condition du renouvellement des générations

c. Larticle 5 de la proposition de loi propose linterdiction de pratiques délevage incompatibles avec le bien-être animal et laccompagnement de la transition vers un élevage plus durable

d. Éléments dévaluation des impacts de la loi

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er  Création dun fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal

Article 2 (articles L. 214-9 et L. 214-9-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Interdiction de lélevage et de labattage danimaux dans le but dobtenir de la fourrure

Article 3 (article L. 413-5 du code de lenvironnement [nouveau]) Interdiction des spectacles danimaux vivants

Article 4  (articles L. 424-4 et L. 428-3-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)  Interdiction de la chasse à courre, pratiques équivalentes et chasses dites traditionnelles

Article 5  (articles L. 214-11,  L.214-11-1 [nouveau], et L. 214-3-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)  Interdiction progressive de lélevage sans accès au plein air

Article 6  Gage

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

II. Examen des articles

Liste des personnes auditionnÉes


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   introduction

Un cerf épuisé, la lange pendante, allongé sur le bitume et cerné par des chiens courants, en plein centre-ville : telle est la scène à laquelle ont assisté, le week-end du 20 septembre 2020, les habitants de Compiègne. L’image d’Épinal – les chevaux, les cors, l’élégance des cavaliers – était, pour une fois, hors champ des caméras, concentrant les regards sur lhorreur brute de cette pratique : un animal poursuivi pendant des heures, à bout de forces, tourmenté pour le plaisir de quelques-uns. Cette image, violente, en appelle d’autres : celles de blaireaux extirpés de leur terrier à l’aide de pinces pour être tués après avoir passé plusieurs heures acculés au fond d’une galerie par des chiens ; celles d’éléphants de cirque se balançant inlassablement de gauche à droite pour conjurer leur horrible ennui ; celles de dauphins et d’orques errant dans des bassins ridiculement petits ; celles de poulets à la croissance si rapide que leurs pattes ne sont pas assez solides pour supporter le poids de leur corps ; celle de visons cloîtrés toute leur vie pour confectionner des manteaux de luxe ; celle de petits oiseaux, grives et merles, capturés et pendus à l’aide d’un lacet en crin de cheval accroché à une branche.

Ces images, qui paraissent d’un autre temps, sont aujourd’hui connues du grand public grâce au travail d’associations nombreuses et déterminées. Elles ont contribué à rappeler à la majorité dentre nous combien le rapport entre lhumain et lanimal, à notre époque feutrée, peut être violent dans les coulisses. Aujourd’hui la lutte contre la souffrance animale évitable est une revendication citoyenne forte, quil nest plus possible dignorer. Cette revendication s’inscrit dans une histoire philosophique et culturelle longue – de Plutarque au « référendum pour les animaux », en passant par Saint François d’Assise, les philosophes des Lumières et Jules Michelet – que les dernières découvertes scientifiques, en particulier sur la conscience et la sensibilité animales, sont venues renouveler.

À cette interrogation très ancienne sur la légitimité de la violence envers les animaux, sest jointe récemment une voix dalarme sur létat de tout notre environnement en cours deffondrement. À l’heure où les oiseaux champêtres ont perdu un tiers de leurs effectifs en quinze ans, où la totalité de la masse des mammifères sauvages ne représente même plus un vingtième de celle des hommes et de ses animaux domestiques, la nécessité de repenser la relation entre les hommes, les animaux et la nature revêt désormais un caractère d’urgence.

La présente proposition de loi, sans prétendre le moins du monde à lexhaustivité, propose des mesures dans des champs aussi variés que les arts du spectacle, la production de fourrure, la pratique de certaines chasses, et lélevage. En cela elle comporte une parenté manifeste avec le « référendum pour les animaux », initiative citoyenne lancée par plus de 40 associations, comptant à ce jour plus de 777 000 signataires, soutenue par 142 parlementaires et de nombreuses personnalités du monde agricole, économique, culturel et politique. Parmi les dizaines d’institutions qui ont joint leurs efforts à ce projet, citons la Ligue pour la protection des Oiseaux (LPO), qui depuis plus d’un siècle se consacre à la protection des oiseaux et de leur biodiversité, le Compassion in World Farming (CIWF), créé il y a plus de 50 ans par des agriculteurs britanniques, qui travaille inlassablement à promouvoir dans l’élevage les pratiques les plus respectueuses des humains et des animaux ou encore One Voice, fondée sous le parrainage de Théodore Monod il y a un quart de siècle pour défendre le respect envers les animaux dans tous les domaines.

Cependant le travail législatif a permis à votre rapporteur daccomplir un travail de synthèse encore plus poussé, dentendre toutes les parties prenantes, tous les syndicats représentatifs, de faire évoluer certaines dispositions, dapprofondir et dadapter certaines des mesures proposées. La démocratie est avant tout la libre confrontation des points de vue contradictoires, et le débat parlementaire en constitue lune des expressions les plus abouties.

La présente proposition de loi ne constitue pas une rupture : elle s’inscrit dans un mouvement de long-terme de croissante sensibilité de notre société à la souffrance animale. Elle vient accélérer une transition préexistante en interdisant certaines pratiques génératrices dune souffrance animale inacceptable, dune part, et en accompagnant la transition de lélevage vers un système plus durable et plus respectueux du bien-être des animaux, d’autre part.

Les notions de transition et daccompagnement sont au cœur de ce texte : les différentes dispositions entreront en vigueur de manière différée, et des moyens seront consacrés à leur mise en œuvre. Que ce soit pour placer des animaux de cirque dans des environnements adaptés, ou se donner le temps de faire évoluer nos systèmes d’élevage, une échéance trop proche serait impossible à tenir.

L’article 1er propose la création dun fonds de soutien à la transition, afin d’accompagner les acteurs économiques dont l’activité devra être fortement transformée pour se conformer à ce nouveau cadre juridique.

La proposition de loi prévoit l’interdiction des pratiques suivantes :

 dans un délai de 5 ans, lélevage et labattage danimaux dans le but dobtenir de la fourrure et la commercialisation de cette fourrure (art. 2). Polluants, générant de graves souffrances pour les visons enfermés dans des cages surpeuplées et exiguës, cet élevage et cette industrie sont aujourd’hui décriés par une majorité de Français ;

 dans un délai de 5 ans, les spectacles ayant recours à des animaux despèces non domestiques dans les cirques et delphinariums. De plus en plus décriés, ces spectacles sont interdits par un nombre croissant de pays et, en France, de municipalités, car les conditions de vie dans les cirques et les delphinariums sont inadaptées aux besoins physiologiques et comportementaux des animaux concernés, et ce malgré les efforts des personnes en charge.

 dans un délai de 2 ans, les chasses particulièrement cruelles et ne participant pas (ou peu) à la régulation des espèces, interdites dans la plupart des pays européens, que sont la chasse à courre, à cor et à cri ; la vénerie sous terre ; la chasse à la glu et les autres modes et moyens de chasse présentant les mêmes caractéristiques (qualifiés, en langue juridique, de « consacrés par les usages traditionnels »).

En outre, la proposition de loi accompagne et accélère une transition de lélevage français déjà largement entamée par les filières, vers des systèmes délevage plus durables et respectueux du bien-être animal. Elle porte, en ce sens, quatre mesures importantes (article 5) :

 dans un délai de 5 ans, la fin de lélevage en cage de poules pondeuses ;

 avec des échéances allant de 5 à 10 ans, la fin progressive de lélevage danimaux de rente en cage ou autres dispositifs de contention. Ces interdictions doivent faire l’objet de plans gouvernementaux appropriés, tenant compte de la situation économique et des bonnes pratiques de chaque filière, avec un accompagnement économique adapté aux besoins des éleveurs. Cette stratégie nationale sera présentée par le Gouvernement dans les six mois suivant la promulgation de la loi ;

 dans un délai dun an, l’interdiction de la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé ne garantissant pas aux animaux un accès au plein air adapté à leurs besoins ;

 dans un délai de vingt ans, linterdiction de lexploitation de tout élevage noffrant pas aux animaux un accès au plein air adapté à leurs besoins.

Cette dernière mesure, qui prévoit la transformation de notre système délevage à lhorizon dune génération, est la plus ambitieuse et la plus importante. Cette transformation ne pourra se faire qu’avec une évolution portant tout à la fois sur la revalorisation du métier déleveur, les habitudes des consommateurs, la solidarité au sein de notre société, et les mécanismes de compétition économique internationale. La question du bien-être animal sinsère ainsi dans tout un projet de société.

I.   Le refus de la souffrance animale : une question Éthique, philosophique, scientifique et environnementale qui interroge Notre humanité

A.   La condition animale nourrit depuis l’antiquitÉ un dÉbat philosophique et Éthique renouvelÉ par les derniÈres avancÉes scientifiqueS et la prise de conscience du pÉril Écologique

1.   La philosophie à l’épreuve de l’animalité ([1])

a.   Une question philosophique et éthique ancienne

La question de la souffrance animale, parfois présentée comme contemporaine, fait en réalité l’objet d’une réflexion philosophique depuis l’Antiquité, ainsi que le rappelait Mme Florence Burgat lors de son audition ([2]).

L’épisode des « vaches du soleil », au chant XII de l’Odyssée d’Homère offre ainsi une première image fondatrice et étrangement contemporaine de la relation complexe entre l’homme et l’animal mangé. Les dépouilles des vaches tuées par les compagnons d’Ulysse malgré son interdiction se mettent à marcher : « (…) les peaux rampaient, les chairs cuites ou crues meuglaient autour des broches ; on aurait cru entendre la voix même des bœufs » ([3]). Cette scène, qui montre des bêtes entre vie et mort, semble un écho à certaines images et vidéos contemporaines qui ont contribué à sensibiliser l’opinion publique à ces questions ([4]). Elle est citée par Plutarque (Ier siècle avant notre ère) qui s’interroge, dans son traité Sil est loisible de manger chair, sur la mise à mort des animaux en vue de leur consommation. Porphyre de Tyr, au IIIème siècle de notre ère, résume dans De lAbstinence les arguments relatifs à cette question développée par les tenants et les opposants de la consommation de chair animale. Ces questionnements, qui ne portent pas sur les conditions de lélevage industriel ou celles de labattage, témoignent de lancienneté dune réflexion philosophique sur les relations entre lhomme et lanimal.

Si Descartes marque durablement la conception occidentale de l’animal, imposant une théorie de « l’animal-machine » ([5]), la tradition sceptique, de Pyrrhon d’Élée à Montaigne, s’attache à souligner un continuum entre animalité et humanité, soulignant le respect et la bienveillance qui doivent présider à leurs rapports. Au XVIIIème siècle, Condillac ([6]), Diderot, Voltaire ou Rousseau poursuivront cette réflexion. L’historien, Jules Michelet, au XIXème siècle désignera les animaux par l’expression de « frères inférieurs », oxymore désignant une fraternité qui n’implique ni égalité stricte, ni similitude. De même, Élisée Reclus – instituteur, géographe de renom, anarchiste et communard – publie en 1897 un article intitulé « La Grande famille » dans lequel il appelle à traiter les animaux en « compagnons » et non en « serviteurs ». Ce thème de la fraternité entre humains et animaux est également présent dans l’œuvre de Charles Péguy qui lie dans Ève les destinées humaine et animale : « Et les bondissements de la biche et du daim / Nouant et dénouant leur course fraternelle / Et courant et sautant et sarrêtant soudain / Pour mieux commémorer leur vigueur éternelle ».

Aujourd’hui, de très nombreux auteurs consacrent leurs travaux à la question des rapports entre hommes et animaux et de nombreux ouvrages paraissent chaque année sur ce sujet, témoignant de l’importance historique que revêt aujourd’hui cette question.

b.   Pourquoi la souffrance d’une bête me bouleverse-t-elle ainsi ? ([7])

Le rejet de la souffrance animale relève avant toute chose d’un réflexe empathique. Le sentiment d’horreur face à la maltraitance ou à la souffrance d’un animal relève de l’expérience commune. Le geste du philosophe Friedrich Nietzsche, se jetant au cou d’un cheval battu par son cocher et éclatant en sanglots, à Turin le 3 janvier 1889, avant de sombrer dans la folie, constitue une image paroxysmique de cette pitié spontanée de l’homme pour l’animal souffrant.

c.   L’impossible dissociation du respect porté à l’animal et à l’homme

Par-delà ce réflexe d’empathie, la question de la condition animale ne peut être dissociée de la promotion du respect de l’homme et des valeurs fondamentales sur lesquelles repose la vie en société.

Un premier niveau danalyse consiste à souligner que la maltraitance animale tend à habituer les hommes à une forme de violence quils sont ensuite susceptibles de reproduire. C’est ce que souligne Kant : « Concernant la partie des créatures qui est vivante, bien que dépourvue de raison, un traitement violent et en même temps cruel des animaux est opposé au devoir de lhomme envers luimême, parce quainsi la sympathie à légard de leurs souffrances se trouve émoussée en lhomme et que cela affaiblit et peu à peu anéantit une disposition naturelle très profitable à la moralité dans la relation avec les autres hommes. Cela est vrai quand bien même, dans ce qui est permis à lhomme, sinscrit le fait de tuer rapidement (dune manière qui évite de les torturer) les animaux, ou encore de les astreindre à un travail (ce à quoi, il est vrai, les hommes eux aussi doivent se soumettre), à condition simplement quil nexcède pas leurs forces ; à linverse, il faut avoir en horreur les expériences physiques qui les martyrisent pour le simple bénéfice de la spéculation, alors que, même sans elles, le but pourrait être atteint » ([8]). Ce raisonnement fait de la relation entre homme et animal un enjeu des relations sociales entre humains. La loi Grammont – portée par un général bonapartiste ayant reçu, pour l’occasion, le soutien de la gauche, en particulier Victor Schœlcher – adoptée le 2 juillet 1850, qui punit « ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques » procède d’un raisonnement similaire : la violence envers les animaux constitue un mauvais exemple, susceptible de favoriser les comportements violents vis-à-vis de ses semblables. Louise Michel, dans ses Mémoires, souligne d’ailleurs le lien profond entre cruauté vis-à-vis des animaux et violence entre humains : « Au fond de ma révolte contre les forts, je trouve du plus loin quil me souvienne lhorreur des tortures infligées aux bêtes » ([9]).

Lenjeu des relations entre homme et animaux est peut-être plus profond encore. C’est ce que suggère Elisabeth de Fontenay dans Le Silence des Bêtes, rappelant que le regard que nous portons sur les animaux n’est pas dénué de lien avec la façon dont sont traités les plus faibles dans nos sociétés et, en particulier, ceux qui ne répondent pas à l’idéal dominant de la conscience de soi du fait de la vieillesse ou du handicap. Ainsi, dans notre manière de traiter les animaux ne serait pas seulement en jeu notre capacité à réguler la violence au sein d’une société, mais constituerait un miroir de notre rapport à l’altérité, à la dépendance et à la faiblesse.

La relation de lhomme à lanimal constituerait ainsi une épreuve de vérité pour le premier. Milan Kundera résume cet enjeu d’une formule : « La vraie bonté de lhomme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté quà légard de ceux qui ne représentent aucune force. Le véritable test moral de lhumanité, ce sont les relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux » ([10]). La question de la condition animale renvoie ainsi directement à celle de l’humanité de l’Homme.

2.   Les travaux scientifiques et le péril environnemental renouvellent cette réflexion sur les relations entre homme et animal

a.   Descartes avait tort : la science contre la théorie de l’« animal machine »

Cette réflexion sur la souffrance animale est aujourd’hui enrichie par des travaux scientifiques qui permettent de prendre davantage la mesure de la conscience et de la sensibilité des animaux. Affirmer que les animaux ne connaissent pas langoisse ou nont pas conscience de la mort de leur congénère nest aujourdhui plus possible.

La Déclaration de Cambridge sur la conscience publiée en 2012 par un groupe de scientifiques de premier rang ([11]) souligne ainsi qu’une « une convergence de preuves indique que les animaux non humains disposent des substrats neuroanatomiques, neurochimiques et neurophysiologiques des états conscients ainsi que la capacité dexprimer des comportements intentionnels ».

En France, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe) a mené une première expertise scientifique collective à la demande des ministères en charge de l’agriculture et de la recherche sur les douleurs animales en élevage ([12]). Fondé sur une large revue de la littérature scientifique, ce rapport identifie les sources de douleur pour les différentes espèces et des pistes destinées à les limiter. En mai 2017, le même institut a publié, à la demande de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA), une nouvelle expertise scientifique collective pluridisciplinaire visant à effectuer une revue critique de la littérature scientifique sur la conscience animale ([13]). Dans ce cadre, cinq éléments constitutifs de la conscience ont été passés en revue – les émotions, la métacognition, la gestion du passé, du futur et la capacité à planifier des actions futures, le comportement social et les relations homme-animaux. Des études démontrent que certains animaux, en particulier les bovins et les ovins, vivent et partagent avec leurs congénères un large éventail d’émotions qui peuvent être ressenties consciemment ; que les pigeons et les poules, notamment, sont capables d’évaluer leur état de connaissance et de rechercher des informations complémentaires ; que les primates, les corvidés et les rongeurs sont capables de planifier une action future ; que les animaux ne réagissent pas seulement de façon automatique au comportement de leurs condisciples et des humains, mais utilisent leurs expériences sociales antérieures et leurs relations en cours pour ajuster leur comportement, ce qui nécessite la maîtrise de moyens sophistiqués de perception, d’intégration, de planification et de communication, qui sont vraisemblablement liés à la conscience.

Ces avancées scientifiques incitent à un respect de l’animal. La relation entre homme et animaux ne se résume pas à des devoirs de l’homme vis-à-vis de lui-même, mais implique une altérité véritable dans laquelle lanimal, sensible à la douleur et doté dune forme de conscience, doit être respecté pour lui-même.

b.   Cette réflexion s’inscrit dans un contexte de crise écologique grave

Dans un contexte de crise écologique majeure caractérisé par un dérèglement climatique et un grave déclin de la faune sauvage ([14]), la question des relations entre l’homme et l’animal, en particulier dans le cadre de l’élevage, devient essentielle. À l’échelle mondiale, l’élevage industriel représente, en effet, une part significative des émissions de gaz à effet de serre et participe du phénomène mondial de déforestation.

B.   Le refus de la souffrance animale est aujourd’hui une demande citoyenne qui doit être entendue

1.   L’état actuel du droit en France est en décalage avec l’évolution de la sensibilité de la société tandis que l’industrie agroalimentaire mondiale est dominée par un modèle productiviste incompatible avec le bien-être animal

a.   Le droit français est loin d’accorder à l’animal un statut digne

Le droit français est aujourd’hui en décalage avec la demande sociétale croissante de protection des animaux. Il a fallu attendre la loi du 16 février 2015 pour modifier l’article 515-14 du code civil qui dispose désormais que « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité ». De manière très significative, l’article 515-14 est aussitôt complété par la phrase suivante : « sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens ». Les articles L. 214-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime reconnaissent, en outre, que tout animal doit être « placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce » et qu’il est « interdit dexercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi quenvers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité ». Ce dernier article ignore absolument la cruauté vis-à-vis des animaux sauvages, qui nest pas mentionnée dans le code.

b.   Un « ordre industriel » incompatible avec les impératifs biologiques des espèces et le bien-être animal

L’« ordre industriel », selon l’expression de Pierre Legendre, conduit aujourd’hui à des conditions d’élevage et d’abattage de masse qui ne sont compatibles ni avec les impératifs biologiques des espèces, ni avec le respect dû aux animaux. Les scènes rapportées dans l’ouvrage de Jonathan Safran Foer, Faut-il manger les animaux ?, paru en 2011, propose une description glaçante des conditions d’élevage industriel. Citant les propos d’une jeune militante, l’auteur résume les enjeux d’un changement de modèle devenu indispensable : « La première ferme dans laquelle je suis entrée de nuit était un élevage de poules pondeuses qui abritait peut-être un million de bêtes. Elles étaient entassées dans des cages empilées sur plusieurs niveaux. Jai ressenti des brûlures aux yeux et aux poumons pendant plusieurs jours après ça (…). Me rendre compte quune vie épouvantable était pire quune mort épouvantable ma profondément transformée ».

Cette contradiction entre des questionnements croissants au sein de la société sur la légitimité des conditions de vie des animaux dans les élevages industriels ou en captivité et un système industriel qui met à mort plus d’animaux que jamais au cours de l’histoire humaine est particulièrement frappante ([15]).

2.   La lutte contre les souffrances animales est aujourd’hui une demande sociétale juste et légitime, qui doit être entendue

Tous les acteurs rencontrés par votre rapporteur au cours des auditions menées reconnaissent quil existe aujourdhui une indéniable demande sociétale pour davantage de bien-être animal. Cette demande s’exprime tant dans l’exigence croissante du consommateur en matière de bien-être que dans la réaction des spectateurs face à des spectacles de fauves, de dauphins ou d’orques.

La présente proposition de loi reprend, en les adaptant, les principales mesures du « référendum pour les animaux » initié par un collectif de quarante associations ainsi que des dizaines de personnalités du monde économique, culturel et politique. Cette initiative qui a reçu le soutien de 142 parlementaires compte plus de 773 000 signataires, ce qui témoigne du soutien populaire accordé aux mesures proposées. La proposition de loi permettra denvisager ces mesures de manière plus fine et approfondie, en tenant notamment compte des enjeux économiques de laccompagnement de cette transition.

Le baromètre « Les Français et le bien-être des animaux », mené annuellement par la fondation 30 millions d’Amis et l’Ifop, témoigne non seulement du fait que les Français sont très largement acquis à la cause de la lutte contre les violences mais également du fait que cette conviction ne cesse de s’étendre. Ainsi 72 % des personnes interrogées sont favorables à la fin de l’exploitation des animaux sauvages dans les cirques – 5 % de plus qu’en 2019 – et 69 % souhaitent la fermeture des delphinariums – également 5 % de plus qu’en 2019. En outre, 91 % d’entre elles s’opposent au commerce de la fourrure et 76 % se prononcent contre la chasse à courre. Enfin, 81 % des personnes interrogées sont favorables à l’interdiction de l’élevage intensif.

II.   La prÉsente proposition de loi constitue une premiÈre Étape vers une meilleure considÉration des animaux dans notre sociÉtÉ

Votre rapporteur s’est vu poser, lors des auditions, une question intéressante de la part d’un représentant d’un syndicat agricole : peut-on légitimement légiférer sur la seule base de sondages ?

Plusieurs réponses doivent être apportées à cette question : la première consiste à rappeler que les sondages, malgré toutes les limites qu’ils présentent, sont le reflet des changements de sensibilité et des attentes dun peuple. Lorsque ces sondages se doublent dinitiatives politiques telles que les nombreuses propositions de loi déposées sur le sujet de la condition animale, par l’ensemble des groupes, au cours des dernières années ou telles que le référendum pour les animaux, il apparaît d’autant plus nécessaire d’en tenir compte. Cette proposition de loi, en outre, procède dune réflexion philosophique, éthique, scientifique et économique. Elle correspond, enfin, à une évolution des pratiques de la part des acteurs mêmes des différents secteurs qu’elle touche, accompagnant et encourageant ainsi un changement déjà à l’œuvre.

A.   Une proposition de loi destinÉe À accompagner et parachever des mouvements dÉjÀ À l’œuvre, sans stigmatiser aucune profession

1.   Bien-être, élevage industriel et souffrance : quelques définitions

Le premier enjeu d’un tel texte est d’ordre définitionnel. Le terme de « bienêtre » doit faire lobjet dune caractérisation précise. Votre rapporteur l’entend au sens retenu par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) : « le bien-être dun animal est létat mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par lanimal » ([16]). Cette définition rejoint les principes directeurs de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), qui s’appuient sur cinq libertés énoncées en 1965 et décrivant les attentes de la société vis-à-vis des conditions de vie des animaux lorsqu’ils sont placés sous la responsabilité de l’homme, à savoir : 1) l’absence de faim, de soif et de malnutrition, 2) l’absence de peur et de détresse, 3) l’absence de stress physique ou thermique, 4) l’absence de douleur, de lésions et de maladie, 5) la possibilité pour l’animal d’exprimer les comportements normaux de son espèce.

La notion délevage industriel est plus difficile à saisir et peut être discutée dans la mesure où les modèles agricoles et les standards varient fortement d’un pays à l’autre. Plusieurs critères, néanmoins, permettent d’identifier un élevage pouvant être qualifié d’industriel : 1) une densité élevée d’animaux 2) une sélection génétique des animaux pour la productivité 3) une claustration de ces animaux.

La notion de « douleurs animales » est davantage employée dans les travaux scientifiques français que celle de « souffrance » ([17]). Le rapport de 2009 de l’INRAe précité rappelle que : « Le terme souffrance est fréquemment employé comme synonyme de douleur avec les sens ajoutés de chagrin, affliction, désorientation, peur, anxiété, détresse et dépression qui relèvent du domaine psychologique. La définition officielle de l’International Association for the Study of Pain (IASP) », essentiellement conçue pour la clinique humaine, énonce que la souffrance est un « état émotionnel de détresse associé aux évènements qui menacent lintégrité biologique ou psychologique de lindividu » ([18]). Dans le cas de certains animaux, tels les cétacés ou les animaux non domestiques, il paraît ainsi plus juste de parler de souffrance afin de prendre en compte la dimension psychologique d’un état qui ne se limite pas à la seule douleur physique ou à l’inconfort.

Les dispositions de la présente proposition de loi ont pour objectif dinterdire certaines pratiques génératrices de souffrance, mais aussi de favoriser le bien-être de lanimal en supprimant les causes de douleur ou de stress auxquelles il peut être exposé.

2.   Accompagner et parachever des transformations déjà à l’œuvre, sans stigmatiser aucune profession

a.   Accompagner des mutations déjà à l’œuvre

La présente proposition de loi ne prône pas une forme de rupture mais laccompagnement et laccélération de mouvements déjà à lœuvre. Il s’agit ainsi de mettre fin à des pratiques de plus en plus marginales qui ne sont plus compatibles avec les sensibilités contemporaines, d’une part, et daccompagner la transition initiée par les filières vers un élevage plus respectueux du bienêtre animal, sinscrivant ainsi dans le prolongement des efforts consentis par les éleveurs eux-mêmes.

Les différentes filières de lélevage sont sensibilisées à la question du bienêtre animal et des objectifs en la matière ont été fixés dans lensemble des plans de filière. En outre, de nombreuses filières mènent aujourd’hui des travaux sur ce sujet, en coopération avec les associations « welfaristes » de protection des animaux. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, la filière laitière a conduit une concertation de dix mois avec plusieurs organisations non gouvernementales (CIWF, Welfarm, OABA et LFDA) qui a débouché sur un consensus en février 2020 sur l’importance de donner aux vaches laitières un accès au pâturage et d’enrayer le phénomène de « sans pâturage ».

Il importe également de souligner que cette proposition de loi ne comporte aucune disposition « couperet » : des délais sont systématiquement prévus pour permettre la transition des filières ou la reconversion des acteurs du secteur.

b.   Donner le temps et garantir les moyens de la transition : entrées en vigueur différées et fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal

Date dentrée en vigueur des différentes dispositions du texte

 

Interdiction de l’élevage et l’abattage d’animaux dans le but d’obtenir de la fourrure et la commercialisation de cette fourrure (art. 2)

1er janvier 2025

Interdiction des spectacles ayant recours à des animaux d’espèces non domestiques (art. 3)

5 ans après la promulgation de la loi

Interdiction de la reproduction des orques et dauphins (art. 3)

Entrée en vigueur immédiate

Interdiction de la chasse à courre, à cor et à cri, vénerie sous terre, chasse au leurre et utilisation des modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels (art. 4)

2 ans après la promulgation de la loi

Interdiction de la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé ne garantissant pas aux animaux un accès au plein air adapté à leurs besoins (art. 5)

12 mois après la promulgation de la loi ([19])

Interdiction de l’exploitation de tout élevage n’offrant pas aux animaux un accès au plein air adapté à leurs besoins (art. 5)

1er janvier 2040

Interdiction de l’élevage en cage de poules pondeuses

1er janvier 2025

Interdiction de l’élevage d’animaux de rente en cage, case, stalle ou box ([20]) dans le cadre d’une stratégie nationale présentée par le Gouvernement dans les six mois suivant la promulgation de la loi

En fonction de la situation et des capacités de transformation de chaque filière, entrées en vigueur comprises entre 2025 et 2030

La proposition tient également compte des conséquences économiques attachées à son adoption. Larticle 1er prévoit ainsi la création dun fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal auprès des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement. Dans bien des cas, en effet, l’obstacle à l’amélioration n’est pas un manque de volonté de la filière, mais un manque de moyens. D’autres pays, tels l’Allemagne, ont fait le choix d’accompagner cette transition (voir infra : commentaire de larticle 1er).

B.   Se divertir et se vÊtir au prix de la souffrance animale

1.   La chasse à courre, vénerie sous terre et modes de chasse traditionnels (pantes, gluaux, tenderies, matoles, tendelles, filets) : une torture infligée à l’animal pour le plaisir de quelques-uns

Cette proposition de loi ne vise en aucun cas la chasse en général : ses dispositions concernent exclusivement des pratiques marginales, particulièrement cruelles et sans réel effet de régulation de la faune.

a.   La chasse à courre : cruauté de la poursuite et de la mise à mort

Plusieurs propositions de loi ont été déposées au cours des dernières années pour abolir la chasse à courre, dont notamment une proposition de loi transpartisane n° 618 déposée le 31 janvier 2018 par M. Bastien Lachaud à l’Assemblée nationale et une proposition de loi n° 106 déposée le 22 novembre 2017 par Mme Laurence Rossignol.

La cruauté de cette chasse, qui entraîne la souffrance des bêtes traquées mais aussi une forme de maltraitance des chiens courant en fait une pratique aujourdhui inacceptable.

Le déroulement de cette chasse est le suivant : une meute de chiens, suivie par des cavaliers, poursuit durant plusieurs heures l’animal chassé, afin de l’épuiser. Une fois rattrapé, celui‑ci est mis à mort de manière traditionnelle. Lorsqu’il s’agit d’un cervidé, il est fréquent que les veneurs le frappent avec des barres de fer pour le contraindre à plier les genoux. Il est ensuite poignardé. Les animaux plus petits, tels que les lièvres ou les lapins sont souvent mis en pièces et dévorés vivants par la meute. Le rapport publié en 2010 par l’association One Voice est à cet égard accablant : il décrit des scènes insoutenables au cours desquelles des faons sont dévorés vivants par les chiens, des cerfs morts noyés dans les pièces d’eau où ils s’étaient réfugiés, des chiens et des chevaux usés jusqu’à l’épuisement.

Cette cruauté a conduit de nombreux pays européens à interdire la chasse à courre : l’Allemagne en 1950, la Belgique en 1995, l’Écosse en 2002 et l’Angleterre en 2005. Elle n’est pas pratiquée dans beaucoup d’autres pays, au Pays‑Bas, au Luxembourg et en Suisse par exemple.

La chasse à courre constitue aujourdhui le loisir dune minorité. La France compte aujourd’hui 390 équipages pour 10 000 chasseurs, 30 000 chiens et 7 000 chevaux ([21]). Elle ne contribue que faiblement à la régulation des espèces, avec un nombre danimaux (toutes espèces confondues) prélevés qui sélève à 4000 contre des prélèvements nationaux sélevant à 60 000 cervidés, 700 000 chevreuils et 800 000 sangliers environ.

La chasse à courre, enfin, crée de nombreux troubles à lordre public, des conflits dusage avec les autres usagers de la forêt et perturbe durablement les écosystèmes sauvages.

b.   La vénerie sous terre : une pratique archaïque empreinte de sadisme

Moins connue que la chasse à courre, la vénerie sous terre constitue une activité tout aussi révoltante. Cette pratique, qui coûte la vie à 12 000 blaireaux par an et qui concerne également les renards, consiste à introduire dans les terriers des animaux de petits chiens dressés pour acculer la bête chassée au fond de son habitat. Ceux-ci, acculés et mordus pendant plusieurs heures par les chiens, subissent ainsi de longues heures de souffrance et de stress. Les chasseurs, guidés par les aboiements des chiens, creusent jusqu’à atteindre l’animal chassé au moyen de pelles et de pioches. L’animal est ensuite extirpé de son terrier au moyen d’une grande pince métallique, avant dêtre tué à larme blanche ou dun coup de fusil, quand il nest pas livré aux chiens ou massacré à coups de pelle ou de barres métalliques.

La réglementation en vigueur, qui limite les violences des chiens, est dans les faits inapplicables dès lors que les rencontres entre animaux chassés et chiens ont lieu plusieurs mètres sous terre.

De nombreux pays ont interdit cette pratique tels le Royaume-Uni, l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse ou encore le Portugal.

Cette chasse nest aujourdhui pratiquée que par une faible minorité de chasseurs : il existe environ 1 500 équipages regroupés au sein de l’Association française des équipages de vénerie sous terre pour 40 000 pratiquants qui utilisent environ 70 000 chiens de terrier, dont les conditions de vie sont parfois indignes.

La chasse sous terre, enfin, fait lobjet dun rejet massif de la part des citoyens. Un sondage Ipsos pour l’association One Voice, publié en octobre 2018, indique ainsi que 73 % des personnes interrogées n’imaginaient pas que la vénerie sous terre existait encore et que 83 % sont pour son interdiction.

Il existe, en outre, de nombreuses alternatives à cette chasse pour réguler les espèces concernées. L’état des connaissances sur les populations de blaireaux en France publié en 2019 par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) indique ainsi qu’environ 11 000 blaireaux sont abattus par battues administratives, 22 000 le sont par chasse à tir et seulement 2 125 par vénerie sous terre.

Des battues administratives peuvent être organisées en vertu de l’article L. 427-6 du code de l’environnement. Elles doivent répondre à une menace précise et peuvent donc intervenir à tout moment de lannée et en tous lieux. Ces opérations de destruction peuvent consister en des chasses, des battues générales ou particulières et des opérations de piégeage. Les lieutenants de louveterie forment le corps préposé à la régulation des animaux nuisibles et à la destruction, dans lintérêt public, de ceux susceptibles doccasionner des dégâts. Les battues administratives susmentionnées sont organisées sous leur contrôle. Ils sont ainsi appelés à intervenir, aux côtés des agents de la SNCF, pour dégager puis combler les terriers des blaireaux dans les talus et digues soutenant les voies ferrées.

c.   Anticiper les contournements de l’interdiction : interdire les modes de chasse équivalents

L’interdiction de la chasse à courre en Angleterre a entraîné le développement de pratiques alternatives telles que le « trail hunt » ou « drag hunt » qui sont des chasses au leurre dans laquelle l’animal sauvage est remplacé par une trace odoriférante animale. Intéressantes dans leur principe, ces chasses sont, dans la pratique fréquemment détournées pour se muer en véritables chasses à courre lorsque les chiens flairent « accidentellement » la piste d’un animal, ainsi que l’indiquait M. Stanislas Broniszewski, président de l’association Abolissons la vénerie aujourd’hui (AVA).

Il s’agit danticiper et de prévenir de telles dérives qui rendraient l’interdiction de la chasse inopérante.

d.   Les chasses traditionnelles : cruauté et non-sélectivité

En France, les modes de chasse traditionnels que sont la tenderie, la chasse à la glu, à la matole, à la tendelle et au filet subsistent dans certains départements et sont pratiquées par quelques milliers de chasseurs.

La chasse à la glu, qui n’a pas été autorisée cette année, consiste à capturer les grives à l’aide de bâtonnets collants. Elle est, lorsque des quotas sont fixés par le pouvoir réglementaire, pratiqués exclusivement par environ 5 000 chasseurs dans les départements du Sud-Est de la France que sont le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône, Le Var, les Alpes de-Haute-Provence et les Alpes-Maritimes.

La chasse aux « pantes » repose sur le piégeage des oiseaux au moyen de filets se rabattant sur des alouettes attirées par le chant d’un congénère captif. Les pièges-cages ou les « matoles » sont, quant à eux, des cages positionnées de manière à tomber pour emprisonner les oiseaux attirés par des appâts. Ces moyens de chasse traditionnels utilisés pour la capture de lalouette des champs sont employés dans quatre départements du Sud-Ouest que sont la Gironde, les Landes, le Lot-et-Garonne et les Pyrénées-Atlantiques.

Enfin, les tenderies sont des lacets de crin de cheval posés au sol ou sur les arbres qui servent à pendre les grives, Merles noirs, Vanneaux et Pluviers dorés. Cette chasse peut également avoir lieu au moyen de filets. Elle se pratique dans une soixantaine de communes des Ardennes.

La cruauté de ces méthodes et le stress quelles imposent aux animaux ainsi capturés ou tués ne peuvent faire de doute. Ces chasses présentent, en outre, la particularité de ne pas être pas sélectives, entraînant ainsi la disparition d’oiseaux appartenant à des espèces protégées. Cette non-sélectivité plaide également pour linterdiction de ces pratiques : la Commission européenne a ainsi demandé à la France, en juillet 2020, de mettre fin à ces méthodes qui contreviennent à la directive dite « Oiseaux » 2009/147/CE. La conscience de cette incompatibilité avec le droit européen et d’une opposition croissante de la population à ces pratiques perçues comme archaïques a d’ailleurs conduit le Gouvernement à ne pas ouvrir de quotas cette année pour la chasse à la glu. La proposition de loi, qui permet son abolition définitive, parachève ainsi un mouvement déjà initié.

e.   Éléments d’évaluation des impacts de la loi

Les chasses visées par la proposition de loi sont très minoritaires et leur nombre de pratiquants ne cesse de décroître : la FNC indique que les chasses dites « traditionnelles » représentent 7 % de l’ensemble des chasses en France, et la vénerie (toute vénerie confondue, y compris sous terre) 5 %. La chasse à courre représente ainsi moins de 1 % des prélèvements.

Linterdiction des chasses traditionnelles et de la vénerie ne représente donc que 12 % des activités liées à la chasse aujourdhui en France. De plus, l’impact économique serait également limité dès lors que les pratiquants de ces chasses interdites pourront aisément se reporter sur les modes de chasse toujours autorisés.

L’association Abolissons la Vénerie Aujourd’hui (AVA) évalue à moins de 1 000 emplois directs, liés au secteur de la chasse à courre, essentiellement des valets, dont la reconversion devra faire l’objet d’une attention particulière. La question du placement des chiens utilisés dans le cadre de la chasse à courre représente également un enjeu important et devra être accompagnée.

2.   Cirques et delphinariums : des conditions de vie incompatibles avec les besoins fondamentaux des animaux

C’est également un mouvement déjà initié que la proposition de loi vise à accompagner et à parachever concernant les spectacles danimaux vivants appartenant à des espèces non domestiques.

Les conditions de vie des animaux dans les cirques et les delphinariums ne permettent en aucun cas lexpression des comportements importants propres aux différentes espèces concernées et sont aujourdhui largement décriées.

a.   Les delphinariums

Dans le cas des delphinariums, les dauphins et les orques passent leur vie dans des bassins en béton dans lesquels aucun de leurs besoins fondamentaux ne peut être satisfait. Ils y meurent prématurément, rendus malades et parfois agressifs par l’ennui et la frustration. Les spectacles auxquels ils prennent part les contraignent à des figures parfois douloureuses et peu compatibles avec leur anatomie. L’ensemble de l’environnement est néfaste aux cétacés qui évoluent dans une eau chlorée et sont exposés à un volume sonore, en particulier lors des spectacles, beaucoup trop élevé. Il existe aujourd’hui trois delphinariums en France métropolitaine : le Parc Astérix dans l’Oise, Planète Sauvage en Loire-Atlantique et Marineland à Antibes. Aujourdhui, 28 dauphins et quatre orques en captivité sont présents en France métropolitaine, ainsi que trois dauphins à Moorea en Polynésie Française.

b.   Les cirques

Dans le cas des cirques, la proposition de loi accompagne également une évolution initiée de longue date, qui correspond aux attentes des citoyens et du public – ainsi, 72 % des Français sont favorables à linterdiction des animaux sauvages dans les cirques ([22]). Cette évolution trouve un écho politique largement transpartisan, comme en témoigne le dépôt de la proposition de loi n° 1811 visant à l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques, les delphinariums, les montreurs d’ours et les meneurs de loups par des députés membres du groupe Les Républicains ([23]). Vingt-trois pays européens interdisent dores et déjà ces spectacles et plus de 400 municipalités françaises se sont opposées à la venue de cirques avec animaux sur leur territoire, dont Paris, Lille, Strasbourg et, plus récemment, Marseille.

Cette évolution se fonde sur la prise de conscience croissante de limpossibilité dassurer le bien-être danimaux sauvages dans le cadre dun confinement inadapté à leurs besoins, dune vie sociale perturbée et du stress suscité par litinérance et les spectacles. Ainsi, la fédération des Vétérinaires européens (FVE), le 6 juin 2015, s’est prononcée contre l’utilisation de mammifères sauvages dans des cirques itinérants, recommandant à toutes les autorités compétentes européennes et nationales dinterdire lutilisation des mammifères sauvages dans les cirques itinérants dans toute dEurope, compte tenu de limpossibilité absolue de répondre de façon adéquate à leurs besoins physiologiques, mentaux et sociaux. Des cas de maltraitances ont d’ailleurs été rapportés à votre rapporteur, notamment des pratiques de « dégriffage » des fauves. Le comportement névrotique de certains éléphants se balançant de droite à gauche témoigne également d’une inadéquation entre besoins physiologiques et conditions de vie.

Votre rapporteur a, en outre, acquis la conviction au cours des auditions menées, qu’un cirque sans animaux était non seulement possible, mais pouvait être dune très grande beauté. L’exemple des cirques contemporains, comme le cirque Plume, en témoigne, tout comme celui de très grands cirques étrangers, tel le cirque Roncalli, installé en Allemagne, qui a substitué à la présence des bêtes des hologrammes d’animaux projetés sur scène et dont les spectacles remportent un grand succès.

c.   Éléments d’évaluation des impacts de la loi

i.   Concernant les delphinariums

En France métropolitaine, seuls trois établissements détiennent et présentent au public des spécimens vivants de cétacés.

L’interdiction de reproduction des cétacés en captivité aujourd’hui sur notre territoire a été pensée pour réduire, autant que possible, l’impact économique sur les delphinariums, de même que le délai de cinq ans avant l’interdiction des spectacles.

Lactivité des sites daccueil des trois delphinariums de France métropolitaine est dores et déjà diversifiée et n’est pas exclusivement consacrée à la présentation au public de cétacés, ce qui devrait contribuer à limiter l’impact économique de la loi sur ces structures.

Votre rapporteur est, en outre, conscient des difficultés attachées au replacement des cétacés, du fait du nombre insuffisant de places dans les établissements installés en mer à des fins de réhabilitation, qu’il conviendrait de développer en recourant au fonds prévu à l’article 1er.

ii.   Concernant les cirques

Votre rapporteur ne sous-estime pas les enjeux de reconversion ainsi que de placement des animaux qui sous-tendent une telle mesure – le propriétaire du cirque Bormann a ainsi indiqué lors de son audition avoir mis plus de dix-huit mois à trouver une structure d’accueil pour l’un de ses tigres. Il rappelle néanmoins que la proposition de loi prévoit la création d’un fonds de soutien destiné à accompagner cette transition et qu’un délai de cinq ans est prévu avant l’entrée en vigueur de la mesure.

Il rappelle que la France compte aujourd’hui 149 à 155 cirques traditionnels, dont seulement une faible majorité possèdent des animaux non domestiques (54 %) ([24]).

3.   L’élevage pour la fourrure : la mode au prix de la souffrance

a.   Une interdiction nécessaire

La proposition de loi envisage linterdiction de lélevage et labattage danimaux destinés à la production de la fourrure ainsi que la commercialisation de celle-ci à compter du 1er janvier 2025.

Les associations de protection des animaux alertent depuis de nombreuses années sur les conditions déplorables délevage des animaux destinés à la production de la fourrure. Les acteurs de la filière ont certes pris des engagements, au travers notamment de certifications afin de permettre la traçabilité des fourrures et dans le programme européen WELFUR destiné à garantir le bien-être animal ([25]).

Ces exigences, qui représentent un progrès, ne permettent néanmoins pas de répondre aux besoins physiologiques des animaux, qui sont confinés dans des cages insuffisamment vastes. L’un des quatre élevages français, situé en Eure‑et‑Loir, a d’ailleurs fait l’objet d’un scandale en 2019 du fait de l’insalubrité et de l’absence de soin dans lesquels les bêtes, y compris des petits, étaient laissées.

La production et le commerce de fourrure font aujourdhui lobjet dun rejet massif des Français : 91 % dentre eux sy opposent, selon un sondage IFOP de 2020 ([26]).

Fournissant l’industrie du luxe et exportée à plus de 90 %, brute ou transformée, notamment en Asie et Amérique du Nord ([27]), la fourrure ne répond en rien à une demande locale ou française.

De nombreux pays européens ont déjà mis un terme à leurs activités délevage danimaux à fourrure. En Europe, les préoccupations liées au bien‑être animal ont conduit le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Croatie, le Luxembourg, la Slovénie, la République tchèque, la Slovaquie, la Serbie, la Norvège (l’interdiction y sera effective en 2025) à interdire ce type d’élevage. En Allemagne, la dernière ferme d’élevage de visons a fermé avant même l’entrée en vigueur de l’interdiction prévue pour 2022. Enfin, les Pays-Bas, qui comptent 128 élevages de visons, ont voté en juillet 2020 la fermeture immédiate des élevages, décision prise à la suite de l’abattage de plus d’un million de visons pour freiner la propagation de la Covid-19 ([28]).

Le nombre délevages pour lesquels ladoption de cette proposition de loi entraînerait la fermeture est limité : on dénombre sur le territoire national quatre élevages de visons situés à Champrond-en-Gâtine (Eure-et-Loir), Spincourt (Meuse), Montarlot-lès-Rioz (Haute-Saône) et La Chapelle-d’Andaine (Orne), lesquels comptent entre 2 000 et 4 000 animaux, pour un éleveur par structure. Il existe également onze élevages de lapins Orylag situés en Charente et Charente‑Maritime, qui produisent 60 000 animaux par an ([29]). En outre, limpact sur cette filière sera également contenu dès lors que les lapins Orylag sont aussi destinés à lalimentation.

b.   Éléments d’évaluation des impacts de la loi

La Fédération de la fourrure française a indiqué à votre rapporteur que la filière dans son ensemble représentait 2 500 emplois directs et indirects (éleveurs, tanneurs, teinturiers, pelletiers, créateurs, détaillants, fabricants et couturiers), estimant en outre que l’impact de cette interdiction sur le produit intérieur brut (PIB) devait être évalué à 300 millions d’euros, soit le chiffre d’affaires annuel de la filière ([30]).

Quelques observations permettent de nuancer fortement ces estimations :

– La filière française connaît un déclin rapide depuis plusieurs années, tout comme ces voisins européens, caractérisée par la fermeture de nombreux élevages ;

– L’ensemble la filière française de la fourrure ne repose pas sur la production française de fourrure : seuls le vison et le lapin Orylag sont élevés en France. Ce n’est donc pas l’ensemble de la filière qui disparaîtra avec cette interdiction ;

 En outre, le traitement de la fourrure nest pas lactivité exclusive de la plupart des professionnels énumérés par La Fourrure française ;

– Ainsi que cela a été rappelé, la France ne compte plus que quatre élevages de visons qui sont généralement exploités par une ou deux personnes.

Ainsi, limpact économique et social de cet article serait bien moindre que celui avancé par la filière.

C.   La proposition de loi met fin À CERTAINS TYPES D’ÉLEVAGE ENTRAÎNANT DES SOUFFRANCES ANIMALES INACCEPTABLES ET POSE LES JALONS D’UN SYSTÈME D’ÉLEVAGE RESPECTUEUX DE L’ANIMAL ET DURABLE

Les dispositions de cette proposition de loi tendent à favoriser l’avènement dun élevage plus durable, respectueux du bien-être de léleveur et de ses bêtes, qui ne peuvent être dissociés. Votre rapporteur souhaite néanmoins rappeler que la transition de l’élevage ne peut être envisagée que dans des conditions plus justes de concurrence internationale et doit s’accompagner d’une répartition plus équitable de la valeur au sein de la chaîne alimentaire. Elle exige également une plus grande cohérence de la part des consommateurs lors de leur acte d’achat.

1.   Concurrence déloyale, répartition inéquitable de la valeur et injonctions contradictoires du consommateur constituent des freins à la montée en gamme de la production agricole française

a.   Les accords de libre-échange créent une concurrence déloyale entre éleveurs français et producteurs étrangers

Les accords de libre-échange conclus entre l’Union européenne et les pays tiers ont eu des effets très néfastes sur les filières agricoles et créent les conditions d’une concurrence déloyale. L’accord économique global entre le Canada et l’Union européenne (CETA), entré en vigueur de façon provisoire depuis le 21 septembre 2017, avait suscité la juste inquiétude des éleveurs bovins. Le 28 avril dernier, M. Phil Hogan, commissaire européen au commerce annonçait la conclusion d’un accord avec le Mexique, portant notamment sur un contingent de 20 000 tonnes annuelles de produits bovins à droits réduits. Les négociations semblent également bien avancées avec la Nouvelle Zélande ? menaçant la filière viande ovine et laitière. Quant à l’accord entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, il cristallise toutes les inquiétudes, en particulier celles de la filière bovine.

Ces accords placent les producteurs français dans une position intenable : toute montée en gamme, qui entraîne une hausse des coûts de production, est susceptible de les pénaliser face à des concurrents étrangers moins-disants sur ces enjeux.

L’article 44 de la loi dite « ÉGALIM », codifié à l’article L. 236-1-A du code rural et de la pêche maritime, dispose pourtant qu’il « est interdit de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou daliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences didentification et de traçabilité imposées par cette même réglementation. »

Aujourdhui inappliqué, cet article témoigne dune forme dimpuissance politique et de la nécessité de porter au niveau européen cette proposition afin de garantir une concurrence juste et non faussée à la production agricole française.

b.   L’inégale répartition de la valeur au sein de la chaîne agroalimentaire perdure

La répartition de la valeur entre les différents maillons de la chaîne agroalimentaire constitue un problème majeur, devenu au fil des lois votées un véritable « serpent de mer » politique.

La filière agroalimentaire se caractérise par une forte domination de laval  transformateurs et surtout distributeurs – au détriment des producteurs agricoles. La grande distribution française est ainsi particulièrement concentrée – les quatre premières centrales d’achat françaises effectuaient, en 2016, 92,2 % des ventes en valeur et 88,5 % des ventes en volume de produits de grande consommation ([31]). L’industrie agroalimentaire, composée d’entreprises très diverses, est soumise à une forte pression des distributeurs, qu’elle répercute sur ses fournisseurs, notamment agricoles. Les agriculteurs, en bout de chaîne, subissent une très forte volatilité des prix agricoles et font figure de variable dajustement pour lensemble de la filière.

Selon lObservatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, sur 100 euros de dépenses alimentaires, seuls 6,5 reviennent à lagriculteur ([32]).

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Source : rapport 2019 de lObservatoire des prix et des marges des produits alimentaires

 

c.   Acte d’achat déterminé par le prix et exigence de montée en gamme : de l’importance d’une « pédagogie du prix »

Enfin, les producteurs agricoles se sentent « pris en tenaille » entre des exigences de montée en gamme, de traçabilité et de respect du bien-être animal exprimées par les citoyens et un acte dachat encore fortement conditionné par le prix. Cette injonction contradictoire impose une réflexion collective sur laccessibilité de tous à une alimentation de qualité mais aussi sur une véritable pédagogie du prix destinée à accélérer la prise de conscience dun consommateur des coûts de production. La « guerre des prix » entre enseignes de la grande distribution a habitué le consommateur à consacrer une part de plus en plus faible de son budget à son alimentation (voir graphique), entraînant une décorrélation entre prix de vente et coût de production.

2.   Abolir certaines pratiques et accompagner la transition de l’élevage vers un système respectueux de l’animal et durable

a.   Bien-être de l’éleveur et bien-être animal ne sont pas dissociables

Avec beaucoup de justesse, certaines personnes entendues par votre rapporteur dans le cadre de ses auditions ont rappelé que le bien-être animal ne devait pas occulter celui de léleveur, soulignant que des contraintes supplémentaires étaient susceptibles d’accroître la pénibilité du travail agricole.

Cette remarque est légitime et doit être au cœur de toute réflexion sur la transition vers un autre modèle délevage.

Force est néanmoins de constater que le bien-être de léleveur et celui de ses bêtes sont difficilement dissociables. Les travaux de Mme Jocelyne Porcher, sociologue et zootechnicienne française, directrice de recherche à l’INRAe en témoignent : « La répression de laffectivité et la déconstruction des relations entre hommes et animaux dans le travail se sont appuyées sur des changements radicaux de modèles de représentations des animaux et du métier déleveur et sur des transformations profondes des systèmes de production et de lorganisation collective du travail. Cette répression, qui perdure aujourdhui sous des formes moins visibles, est cause dune souffrance au travail, dautant plus forte quelle est niée par les structures professionnelles et rendue inexprimable pour les éleveurs » ([33]). Les deux enjeux sont donc profondément liés.

b.   La transition de l’élevage vers un système plus respectueux de l’animal et durable est la condition du renouvellement des générations

Votre rapporteur est convaincu que l’accélération de la transition de l’élevage vers un système plus respectueux de l’animal est une condition de lattractivité des métiers de lélevage et de lindispensable renouvellement des générations. La situation actuelle n’apparaît pas tenable : la précarité économique des producteurs ne cesse de croître tandis que le prestige de l’élevage est entaché par l’image très négative attachée à l’élevage industriel. Votre rapporteur a la conviction que si le système agricole français est de qualité – en comparaison des systèmes étrangers –, son destin est de poursuivre sa montée en gamme pour produire de la haute qualité. Certaines personnes entendues en audition ont confirmé cette intuition, insistant sur l’importance, pour les jeunes générations, sensibles aux enjeux du bien-être animal, de s’inscrire dans un système d’élevage renouvelé.

c.   L’article 5 de la proposition de loi propose l’interdiction de pratiques d’élevage incompatibles avec le bien-être animal et l’accompagnement de la transition vers un élevage plus durable

L’article 5 de la proposition de loi propose ainsi de transformer progressivement les pratiques délevage afin de ne conserver à terme que les pratiques compatibles avec la satisfaction des besoins physiologiques et comportementaux des animaux, ainsi que de leurs attentes.

Douleurs animales résultant de pratiques et conduites délevage :

quelques exemples

Le rapport de l’INRAe sur les douleurs animales (2009) nous renseigne sur les douleurs résultant des pratiques et conduites d’élevage, en particulier celles associées aux conditions de logement et d’entretien des animaux, soulignant l’incompatibilité de certaines d’entre elles avec les besoins physiologiques des espèces concernées : « Les atteintes ostéoarticulaires et les problèmes locomoteurs constituent une source potentielle de douleur chez les volailles d’élevage. Ainsi, chez les poulets de chair, on observe une faible activité locomotrice. Ces animaux passent beaucoup de temps couchés, ce qui va de pair avec la croissance élevée qui caractérise les souches de volailles utilisées pour ces productions ». Il en va de même chez les autres espèces, en particulier les porcs : « Une source importante de douleur en élevage de porcs concerne les problèmes locomoteurs et les boiteries qui en découlent. Ces boiteries sont d’origines multifactorielles, avec notamment des facteurs génétiques mais aussi des facteurs liés aux sols, en particulier lorsqu’ils sont trop durs, au manque d’exercice lorsque l’espace disponible est faible, et enfin au régime alimentaire, lorsqu’il favorise une croissance trop rapide ».

Il faut également noter que l’élevage des porcs en bâtiment contredit la nature curieuse de ces animaux et leur « besoin naturel de fouir » est notamment mentionné au sixième alinéa de l’article 11 du règlement (CE) N° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 (voir infra).

i.   L’élevage en cage fait l’objet de deux mesures :

– L’interdiction de l’élevage en cage des poules pondeuses au 1er janvier 2025, dans le prolongement du mouvement initié par la loi dite « ÉGALIM » qui prévoyait l’interdiction des nouveaux bâtiments destinés à l’élevage de poules en cage. Votre rapporteur souhaite, par ailleurs, attirer lattention du Gouvernement sur le fait que le décret nécessaire à lapplication de larticle L. 214-11 na pas été pris. Cette interdiction apparaît compatible avec l’évolution de la filière, qui s’était engagée dans son plan de filière à dépasser les 50 % de la production en systèmes alternatifs à la cage à horizon 2022. Confirmant ce mouvement, le groupe Avril s’est engagé à ne plus produire d’œufs issus de poules élevées en cage au 1er janvier 2025.

– Dans un second temps, au terme d’une démarche de concertation impliquant l’ensemble des acteurs des secteurs concernés et formalisée par une stratégie gouvernementale, labandon progressif de lélevage en cage pour toutes les productions animales est porté par cette proposition de loi dici 2030. Cette interdiction visera à terme tous les animaux de rente dont notamment les poules pondeuses, les lapins, les oies, les canards, les truies, les porcs, les cailles et les veaux de boucherie. Les équidés ne sont pas concernés par cette disposition.

La fin de lélevage en cage : lexemple allemand

Le 3 juillet 2020, le Parlement allemand a adopté une modification de l’ordonnance sur le bien-être des animaux d’élevage qui conduira à la disparition des cages. Dans un délai de huit ans, les truies en attente de saillie ne pourront être bloquées qu’au moment de l’insémination et devront disposer de 5 mètres carrés (m2) minimum. Dans un délai de 15 ans, les truies en maternité ne pourront être bloquées que 5 jours autour de la mise base et la case devra mesurer au moins 6,5 m2.

Source : Christine Roguet, IFIP, synthèse du mois, septembre 2020

ii.   Le développement de l’accès au plein air fait également l’objet de mesures permettant sa généralisation à l’échelle d’une génération.

Il importe de préciser que cette notion d’accès au plein air n’implique pas un élevage en permanence à l’extérieur, mais la possibilité pour lanimal daccéder au plein air. Cet accès au plein air répond aux besoins physiologiques de nombreuses espèces, notamment les porcs, dont 95 % sont élevés sur caillebotis, alors même qu’il s’agit d’animaux curieux et naturellement fouisseurs – la réglementation européenne sur le porc biologique prévoit d’ailleurs a minima un accès à des aires d’exercice extérieures destinées à satisfaire ce besoin naturel ([34]). La proposition de loi comporte ainsi les dispositions suivantes :

– Dans un premier temps, la construction de tout nouveau bâtiment ne garantissant pas aux animaux un accès au plein air adapté à leurs besoins est interdite ;

– Dans un second temps, lobligation de garantir un accès au plein air adapté à ses besoins à tous les animaux entrera en vigueur à échéance 2040. Ce délai particulièrement long – une génération – témoigne de la conscience du législateur de la nécessité de laisser à la filière et aux agriculteurs le temps de s’adapter, alors que des investissements et des changements de pratiques importants seront nécessaires. Votre rapporteur a constaté que certaines filières étaient déjà prêtes à cette mutation, notamment les filières « ruminants » dans lesquelles le plein air est déjà très répandu.

d.   Éléments d’évaluation des impacts de la loi

Les impacts des différentes dispositions de cet article sur les filières sont difficiles à chiffrer et nécessiteraient une analyse filière par filière, en tenant compte notamment des externalités positives ([35]) résultant de cette transition, ainsi que la réduction des externalités négatives ([36]).

Interrogée par votre rapporteur, la filière porcine, qui semble la plus éloignée de l’élevage avec accès au plein air (95 % des porcs français sont élevés sur caillebotis), estime que les investissements nécessaires pour permettre cette transition représenteraient entre 8,5 milliards d’euros (estimation des Jeunes Agriculteurs) et 13 milliards d’euros (estimation de l’interprofession Inaporc) ([37]).

Il faut néanmoins tenir compte du fait que cette transition, dans le cas de laccès au plein air, seffectue sur une période de vingt ans. Il paraît également pertinent de raisonner en termes d’augmentation des coûts de production des exploitations.

Un intéressant rapport de lassociation Compassion in world farming (CIWF) publié en 2012 souligne que, dans un certain nombre de cas, un meilleur respect du bien-être des animaux augmente relativement peu les coûts de production des exploitations, avançant les chiffres suivants :

– la production d’un œuf de poule élevée en plein air coûte 2,30 centimes de plus que de produire un œuf en batterie ;

– l’apport de paille et d’espace supplémentaires aux porcs à l’engraissement coûte 5,80 centimes de plus par kilo de porc produit ;

– le logement de truies en groupe plutôt qu’en cases individuelles coûte 2,20 centimes de plus par kilo de porc produit.

Une étude américaine publiée en 2011, citée dans le rapport de CIWF, comparant quatre systèmes de production porcine, concluait également à une relativement faible différence de coûts de production entre les différents systèmes.

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Il est donc nécessaire dans le cadre dune réflexion sur le coût de cette transition de tenir compte de lensemble des facteurs dun système de production et non uniquement des coûts dinvestissement. Votre rapporteur, néanmoins, ne sous-estime en rien l’importance de ces coûts d’investissement, qui doivent impérativement être supportés collectivement et ne peuvent reposer sur les seuls éleveurs : le fonds de transition créé à larticle 1er devra faire lobjet dun abondement cohérent avec lampleur des efforts demandés au producteur.

Une réflexion sur les critères dattribution des aides issues de la politique agricole commune (PAC) devra également être poursuivie pour garantir une meilleure orientation des fonds européens vers les exploitations désireuses de mener à bien cette transition.


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   COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er
Création dun fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal

1.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 1er prévoit la création, auprès des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement, d’un fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal destiné aux acteurs économiques dont l’activité est sensiblement affectée par les dispositions de la présente loi. Un décret fixe les modalités d’application de cet article, notamment la liste des acteurs éligibles à l’attribution des aides issues de ce fonds.

La comparaison internationale peut permettre d’illustrer les différentes possibilités permettant d’abonder ce fonds. Le plan de relance économique relatif au coronavirus mis en place par le gouvernement allemand prévoit d’investir 300 millions d’euros dans les élevages soucieux du bien-être animal en 2020 et 2021. La commission Borchert sur l’avenir de l’élevage en Allemagne préconise des évolutions en matière de bien-être animal et une taxe pour le financer, tandis que les investissements nécessaires sont estimés entre trois et cinq milliards d’euros annuels. Cette commission recommande l’instauration d’une taxe sur le bien-être animal, par le biais de laquelle les consommateurs seraient « grevés proportionnellement à leur consommation de produits animaux » pour des montants qui pourraient s’élever à 0,40 € par kilogramme de viande et de saucisse ; de 0,02 € par kilogramme de produits laitiers frais et de lait ; et de 0,15 € par kilogramme de fromage, beurre et lait en poudre. Chaque consommateur allemand paierait en moyenne 35,02 € de plus par an pour contribuer à cette transition. L’initiative allemande Tierwohl, lancée en 2014, est également intéressante : les distributeurs ([38]) prélèvent sur chaque kilo de viande (fraîche et transformée) 6,25 centimes qui sont versés dans un fonds commun affecté au bien-être animal et reversés sous forme de bonus aux éleveurs s’inscrivant dans une démarche de respect du bien-être animal, dont les critères sont définis dans le cadre d’une contractualisation.

2.   La position de la commission

La commission a adopté un amendement de rédaction globale de cet article, contre l’avis du rapporteur. Cet amendement substitue au fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal un comité chargé du suivi et de l’application de la présente loi. 


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Article 2
(articles L. 214-9 et L. 214-9-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Interdiction de lélevage et de labattage danimaux dans le but dobtenir de la fourrure

3.   L’état du droit

L’élevage d’animaux destiné à la production de la fourrure est encadré en France depuis la loi n° 2001-6 du 4 janvier 2001 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d’origine animale et modifiant le code rural.

L’article 12 de cette loi a introduit l’obligation pour le propriétaire ou détenteur d’animaux destinés à la production de fourrure, mais destinés aussi à la production de laine, de peau et à d’autres fins agricoles, de « tenir un registre délevage, conservé sur place et régulièrement mis à jour, sur lequel il recense chronologiquement les données sanitaires, zootechniques et médicales relatives aux animaux ».

Cette obligation est désormais inscrite au premier alinéa de l’article L. 214‑9 du code rural et de la pêche maritime.

Cet article indique, en son deuxième alinéa, que le registre est tenu à la disposition des agents habilités à rechercher et constater les infractions et manquements relatifs à la protection des animaux (dont la liste est énumérée à l’article L. 205-1 du même code).

Le troisième alinéa précise en outre que « tout vétérinaire mentionne sur ce registre les éléments relatifs à ses interventions dans lélevage ».

Enfin, le dernier alinéa ajoute que la durée minimale pendant laquelle le registre est conservé est fixée par arrêté du ministre de l’agriculture. L’article 11 de l’arrêté du 5 juin 2000 relatif au registre d’élevage précise qu’il doit être conservé sur l’exploitation pendant une durée minimale de cinq ans suivant l’année de prise en compte de la dernière information enregistrée.

4.   L’article 2 de la proposition de loi

a.   L’interdiction de l’élevage d’animaux destinés à la fourrure

L’article 2 de la proposition de loi supprime la mention des mots « de fourrure » de l’article L. 214-9 du code rural et de la pêche maritime.

Il insère à l’article L. 214-9 l’interdiction expresse de lélevage et de labattage danimaux dans le but dobtenir de la fourrure et de la commercialisation de la fourrure de ces animaux.

Cette interdiction serait effective à compter du 1er janvier 2025. Elle englobe l’élevage d’animaux ayant pour but exclusif d’obtenir de la fourrure (visons) et le commerce de fourrure issue d’un élevage n’ayant pas exclusivement pour but d’obtenir de la fourrure (lapins Orylag, dont l’élevage pourra néanmoins être poursuivi exclusivement pour la production de viande).

b.   La création d’une infraction pénale

La proposition de loi instaure un nouveau délit attaché à l’élevage et l’abattage d’animaux dans le but d’obtenir de la fourrure ainsi qu’à commercialisation de la fourrure de ces animaux.

Le deuxième alinéa de l’article L. 214-9-1 punit ces pratiques d’un an emprisonnement et d’une amende dont le montant est proportionné au nombre danimaux concernés et au volume des ventes réalisées. Il est précisé que ce montant ne peut être supérieur à 10 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’entreprise au titre du dernier exercice clos.

La proposition de loi reproduit également les deuxième et à cinquième alinéas de l’article 521-1 du code pénal relatifs aux sévices graves et aux actes de cruauté envers les animaux.

En premier lieu, larticle 2 donne au juge la possibilité de statuer sur le sort de lanimal, en cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, et ce que l’animal ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Par suite, le tribunal peut prononcer la confiscation de l’animal et sa remise à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer (article L. 214-9-1, troisième alinéa).

En second lieu, le juge peut prononcer des pleines complémentaires pour les personnes physiques coupables des infractions susmentionnées (article L. 214‑9‑1, quatrième alinéa). Le tribunal peut :

 interdire, à titre définitif ou non, la détention dun animal ;

 interdire lexercice, pour une durée de cinq ans au plus, dune activité professionnelle ou sociale en lien avec la détention ou lélevage danimaux dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Il est toutefois précisé que l’interdiction n’est pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales.

c.   Les peines encourues par les personnes morales

La proposition de loi spécifie que les personnes morales déclarées pénalement responsables sont condamnées au paiement dune amende dont le taux maximum est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques de la présente loi, conformément à l’article 131‑38 du code pénal.

En outre, l’article 2 de la proposition de loi prévoit des peines complémentaires, par renvoi aux 2°, 4°, 8° et 9° de l’article 131-39 du code pénal. Elles peuvent être ainsi condamnées à :

 L’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;

 La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

 La peine de confiscation, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article 131-21 ;

 L’affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication audiovisuelle.

La proposition de loi rappelle que l’engagement de responsabilité des personnes morales doit s’effectuer dans les conditions prévues à l’article 121‑2 du code pénal. Cet article, qui pose le principe de la responsabilité pénale des personnes morales, pour les infractions commises, pour leur compte, par leurs organes et représentants, précise que :

 la responsabilité des collectivités territoriales et de leurs groupements est circonscrite aux seules infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de délégation de service public ;

 la responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celles des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.

5.   La position de la commission

La commission a adopté un amendement de rédaction globale de cet article, contre l’avis du rapporteur. Cet amendement restreint le champ de l’article en interdisant dès la promulgation de la loi la création, l’agrandissement et la cession des établissements d’élevage des visons. Les élevages de visons eux-mêmes sont interdits dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.

Article 3
(article L. 413-5 du code de lenvironnement [nouveau])
Interdiction des spectacles danimaux vivants

1.   L’état du droit

a.   Les dispositions générales relatives à la protection des animaux

L’article L. 214-1 du code rural et de la pêche maritime affirme que tout animal est un être sensible et qu’il doit être à ce titre placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce.

L’exercice de mauvais traitements envers les animaux domestiques, ou envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité est interdit à l’article L. 214-3 du même code.

Les établissements ouverts au public pour l’utilisation d’animaux sont soumis au contrôle de lautorité administrative, qui peut prescrire des mesures pouvant aller jusqu’à la fermeture de l’établissement, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées (article L. 214-2 du code rural et de la pêche maritime).

En matière pénale, l’article 521-1 du code pénal punit de deux ans demprisonnement et de 30 000 euros damende le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité. Cet article permet au juge de statuer sur le sort de l’animal et de prononcer des peines complémentaires, tel que précédemment détaillé supra.

b.   Les dispositions relatives à la détention, à la présentation au public et aux spectacles d’animaux d’espèces non domestiques

En application de l’article R. 413-8 du code de l’environnement, les animaux nayant pas subi de modification par sélection de la part de lhomme sont considérés comme appartenant à des espèces non domestiques.

De plus, un arrêté du 11 août 2006 pris par le ministre de l’agriculture et de la pêche et la ministre de l’écologie et du développement durable a fixé la liste des espèces, races ou variétés d’animaux domestiques. Tout animal qui ne figure pas sur cette liste peut être considéré, au niveau réglementaire, comme appartenant à une espèce non domestique.

Le code de l’environnement, dans ses dispositions de la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre IV (partie législative) fixe le cadre juridique régissant les établissements détenant des animaux d’espèces non domestiques.

Cette catégorie d’établissements renvoie à la fois aux établissements d’élevage d’animaux d’espèces non domestiques, de vente, de location, de transit et les établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère. Les parcs zoologiques, les delphinariums et les cirques, lorsqu’ils hébergent des animaux d’espèces non domestiques, appartiennent à cette dernière sous-catégorie d’établissements.

Ces établissements sont soumis à autorisations :

– d’une part, en vertu du I de l’article L. 413-2 du code de l’environnement, les responsables de ces établissements doivent être titulaires d’un certificat de capacité pour lentretien des animaux despèces non domestiques ([39]) ;

– d’autre part, en application de l’article L. 413-3 du code de l’environnement, l’ouverture de ces établissements doit faire l’objet d’un arrêté préfectoral dautorisation douverture ([40]).

Les 4° et 5° de l’article L. 415-3 du code de l’environnement punissent de trois ans demprisonnement et de 150 000 euros damende l’exploitation d’un établissement pour animaux non domestiques sans certificat de capacité ou l’ouverture d’un tel établissement sans arrêté d’autorisation d’ouverture.

Par ailleurs, l’obtention de l’arrêté préfectoral mentionné à l’article L. 413‑3 du code de l’environnement vaut, pour la détention des espèces qu’elle mentionne, autorisation administrative au titre de l’article L. 412-1 du code de l’environnement (article R. 412-1 du même code).

Un arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention danimaux despèces non domestiques a également fixé de nouvelles prescriptions. Son article 1er énonce que « Toute personne, physique ou morale, qui détient en captivité des animaux despèces non domestiques doit satisfaire aux exigences suivantes :

– disposer d’un lieu d’hébergement, d’installations et d’équipements conçus pour garantir le bien-être des animaux hébergés, c’est-à-dire satisfaire à leurs besoins physiologiques et comportementaux ;

– détenir les compétences requises et adaptées à l’espèce et au nombre d’animaux afin que ceux-ci soient maintenus en bon état de santé et d’entretien ;

– prévenir les risques afférents à sa sécurité ainsi qu’à la sécurité et à la tranquillité des tiers ;

– prévenir l’introduction des animaux dans le milieu naturel et la transmission de pathologies humaines ou animales. »

Cet arrêté édicte également des obligations en termes didentification des animaux d’espèces non domestiques détenus en captivité (marquage et enregistrement) et de tenue dun registre dentrée et de sortie de ces derniers.

En outre, le code rural et de la pêche maritime énonce, dans sa partie réglementaire, des dispositions concernant la protection des animaux dans le cadre des spectacles publics et jeux :

– l’article R. 214-84 interdit de faire participer à un spectacle tout animal dont les caractéristiques ont été modifiées par l’emploi de substances médicamenteuses ou qui a subi une intervention chirurgicale telle que la castration des spécimens d’espèces sauvages ou le dégriffage pour toutes les espèces, à l’exception des interventions pratiquées par un vétérinaire pour des raisons sanitaires ;

– l’article R. 214-85 interdit la participation d’animaux à des jeux et attractions pouvant donner lieu à mauvais traitements, dans les foires, fêtes foraines et autres lieux ouverts au public ;

– l’article R. 214-86 interdit en tous lieux tous les jeux où un animal vivant sert de cible à des projectiles vulnérants ou mortels, exception faite des activités relevant de la législation sur la chasse.

c.   Les dispositions spécifiques relatives aux établissements itinérants de spectacles d’animaux d’espèces non domestiques

Lorsque les établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère sont itinérants, ils sont également soumis aux prescriptions de l’arrêté ministériel du 18 mars 2011 fixant les conditions de détention et dutilisation des animaux vivants despèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants

Ce texte impose des prescriptions précises, qui ont trait notamment :

– à l’organisation générale des établissements ;

– à la prévention des accidents ;

– au marquage des animaux utilisés au cours des spectacles itinérants ;

– à la conduite de l’élevage et aux installations d’hébergement des animaux d’espèces non-domestiques ;

– à la surveillance sanitaire et aux soins des animaux d’espèces non domestiques ;

– aux obligations d’information de l’administration du déroulement des spectacles itinérants réalisés avec des animaux d’espèces non domestiques.

L’arrêté ministériel du 18 mars 2011 énumère, dans son article 3, la liste des espèces pour lesquelles peut être attribuée une autorisation. Il est toutefois précisé que l’autorisation peut être attribuée à d’autres espèces et, dans un tel cas, l’exploitant de l’établissement doit :

– démontrer que l’hébergement et les conditions de présentation au public des animaux sont compatibles avec les prescriptions énoncées ci-après ;

– justifier l’utilisation de ces autres espèces, notamment par l’intérêt artistique particulier du spectacle présenté, qui relève à la fois de la mise en scène du numéro et de la mise en valeur des caractéristiques et des aptitudes naturelles des animaux au cours du dressage.

d.   Les dispositions spécifiques relatives à la détention et aux spectacles de cétacés

Les delphinariums sont soumis aux mêmes dispositions relatives à la détention, à la présentation au public et aux spectacles d’animaux d’espèces non domestiques, exposées ci-dessus.

Il existe cependant des dispositions spécifiques issues de l’arrêté du 24 août 1981 relatif aux règles de fonctionnement, au contrôle et aux caractéristiques auxquels doivent satisfaire les installations abritant des cétacés vivants. Les établissements abritant des cétacés sont ainsi soumis à des prescriptions en matière de :

– conception des bâtiments et des installations et implantations ;

– nombre d’animaux détenus ;

– nombre de bassins et dimensions ;

– milieu aquatique ;

– alimentation des cétacés ;

– transport ;

– contrôle sanitaire ;

– évacuation des eaux usées ;

– hygiène générale.

Cet arrêté avait été abrogé par larrêté du 3 mai 2017 fixant les caractéristiques générales et les règles de fonctionnement des établissements présentant au public des spécimens vivants de cétacés. Cet arrêté du 3 mai 2017 avait interdit la détention en captivité de spécimens de cétacés, à l’exception de ceux régulièrement détenus à la date d’entrée en vigueur de l’arrêté au sein des établissements autorisés. Il édictait également une série de nouvelles prescriptions à la charge des établissements afin de permettre aux animaux :

– d’exprimer leurs besoins physiologiques et comportements ;

– de recevoir le cas échéant les soins vétérinaires ;

– de se soustraire à la proximité des visiteurs et de leurs congénères ;

– tout ceci en assurant la sécurité des personnes et des animaux.

Cependant, au terme d’un recours en annulation formé par les sociétés gestionnaires de delphinariums en France, le Conseil dÉtat, dans sa décision du 29 janvier 2018, a annulé larrêté en date du 3 mai 2017 pour vice de forme estimant que son adoption était intervenue à la suite d’une procédure irrégulière.

Les delphinariums sont par conséquent de nouveau régis par les dispositions de l’arrêté du 24 août 1981.

Une association de défense animale, One Voice, a déposé en novembre 2018 une requête, devant le Conseil d’État, demandant la publication d’un nouvel arrêté identique sur le fond à celui du 3 mai 2017. L’audience devant la haute juridiction administrative s’est tenue le 17 septembre 2020.

2.   L’article 3 de la proposition de loi

a.   L’interdiction générale de tout spectacle d’animaux d’espèces non domestiques

L’article 3 de la proposition de loi crée un nouvel article L. 413-5-1 dans le code dans l’environnement.

Le I de ce nouvel article interdit tout spectacle ayant recours à des animaux d’espèces non domestiques dans un délai de cinq années à compter de la promulgation de la présente loi. Au second alinéa du I, il est prévu que, pendant ce délai, les animaux peuvent être confiés à des fondations ou associations de protection animale reconnues d’utilité publique ou déclarées, qui peuvent librement en disposer.

Votre rapporteur, constatant les carences du fichier d’identification de la faune sauvage (I-FAP) proposera, en outre, un amendement pour rendre obligatoire la recension des animaux sauvages à l’initiative de leur propriétaire, afin de disposer de statistiques fiables sur ce sujet.

b.   Une interdiction assortie d’un dispositif pénal

Au II de l’article L. 413-5-1 du code de l’environnement est spécifié que la violation de l’interdiction est punie d’une amende de 50 000 euros par animal.

Il prévoit, en outre, les mêmes peines que l’article 2 pour les personnes physiques et morales (voir supra). On note toutefois que, à la différence du précédent article, le juge est, dans le cadre de l’article 3, dans l’obligation de confisquer l’animal en cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu (deuxième alinéa du II de l’article L. 413-5-1). L’article 2 de la proposition de loi prévoit en effet que la confiscation de l’animal est simplement une possibilité offerte au tribunal.

c.   Les modalités d’application de l’interdiction fixées par décret en Conseil d’État

Il est inséré un III à l’article L. 413-5-1 du code de l’environnement prévoyant que les dispositions relatives à la mise en œuvre de l’interdiction prévue au I et les modalités de prise en charge des animaux par le milieu associatif de la protection animale sont fixées par décret en Conseil d’État.

d.   L’interdiction spécifique de la reproduction et de la détention des cétacés régulièrement détenus en France

Les alinéas 11 à 14 de l’article 3 de la proposition de loi ajoutent un IV à l’article L. 413-5-1 du code de l’environnement concernant l’interdiction de la reproduction et de la détention des cétacés régulièrement détenus en France.

Linterdiction de la reproduction des spécimens de lespèce Ornicus orca (orque) et de lespèce Tursiops truncatus (grand dauphin) régulièrement détenus en France est insérée au premier alinéa du IV de l’article L. 413-5-1. Afin d’éviter au plus vite toute nouvelle naissance de cétacés en captivité, il est précisé que cette interdiction entre en vigueur à compter de la promulgation de la présente loi. Votre rapporteur proposera également, par cohérence et afin d’assurer l’efficacité du dispositif, un amendement interdisant l’échange et la reproduction des animaux non domestiques visés à l’article L. 413-5-1 du code de l’environnement.

La détention en captivité de spécimens de cétacés est interdite au second alinéa et une exception est prévue pour les spécimens de l’espèce Ornicus orca et de l’espèce Tursiops truncatus hébergés dans des établissements installés en mer à des fins de réhabilitation. La proposition de loi, dans sa rédaction initiale ne fixe pas de date d’entrée en vigueur de cette disposition. Un amendement de votre rapporteur proposera une entrée en vigueur similaire à celle de l’interdiction des spectacles dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi

Cette dernière exception a vocation à permettre à des établissements davantage respectueux du bien-être des cétacés de les accueillir, qu’ils proviennent de delphinariums existant en France ou à l’étranger.

Les delphinariums existant aujourd’hui en France ne pourront plus détenir de cétacés, dès lors qu’aucun de ces établissements n’est installé en mer. Les établissements concernés sont : le Parc Astérix dans l’Oise (60), Planète Sauvage en Loire-Atlantique (44) et Marineland à Antibes (06), qui recensent aujourd’hui 28 dauphins et 4 orques.

Le Moorea Dolphin Center, situé en Polynésie française, qui détient trois dauphins en captivité, ne sera toutefois pas concerné par ces interdictions, les dispositions du code de l’environnement n’étant pas applicables dans ce territoire.

La proposition de loi prévoit que la violation des interdictions insérées aux premier et deuxième alinéas soit punie par une amende de 50 000 euros par animal (troisième alinéa du IV de l’article L. 413-5-1).

Enfin, au dernier alinéa du IV de l’article L. 413-5-1, le ministre chargé de l’environnement est chargé de fixer les modalités de mise en œuvre de ces dispositions.

3.   La position de la commission

La commission a adopté cet article, modifié par un amendement de Mme Romeiro Dias ayant reçu un avis favorable de votre rapporteur et un sous‑amendement de celui-ci. Les dispositions relatives à l’interdiction des spectacles d’animaux non domestiques (alinéas 1 à 10) ont été remplacée par une interdiction de détention d’animaux d’espèces non domestiques en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants. Cette interdiction entre en vigueur deux ans après la promulgation de la loi pour les espèces dont le degré d’incompatibilité de leur détention en itinérance avec leurs impératifs biologiques est le plus élevé et cinq ans pour les autres espèces

Article 4
(articles L. 424-4 et L. 428-3-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Interdiction de la chasse à courre, pratiques équivalentes et chasses dites traditionnelles

1.   L’état du droit

a.   Les modes et moyens de chasse autorisés en droit français

L’article L. 424-4 du code de l’environnement énumère les modes et moyens de chasse autorisés ([41]) :

 la chasse à tir consiste en la capture et la mise à mort de l’animal de chasse à l’aide d’une arme à feu d’épaule qui, pour celle à rechargement semi-automatique, ne permet pas le tir de plus de trois coups sans réapprovisionnement ou d’un arc de chasse. Activité cynégétique la plus pratiquée, ses modes et ses techniques varient – chasse individuelle devant soi, chasse à l’approche et à l’affût du grand gibier ou du gibier d’eau, chasse à l’arc, chasse du petit ou du grand gibier en battue ;

 la chasse à courre, à cor et à cri, dite aussi « vénerie », consiste à forcer et capturer l’animal de chasse avec une meute de chiens courants. Très ritualisée, la chasse se déroule selon plusieurs étapes comprenant notamment la quête (avant la chasse), le rapport, l’attaque, les abois et l’hallali (courant ou par terre) et, enfin, la curée destinée à récompenser les chiens. L’arrêté du 18 mars 1982 du ministère de l’environnement fixe les conditions d’exercice de la vénerie. La notion de vénerie comprend également lanerie sous terre, chasse sous terre se pratiquant avec un équipage comprenant une meute de chiens servis par des veneurs se déplaçant soit à pied, soit à cheval. Cette chasse sous terre est également réglementée par l’arrêté du 18 mars 1982 du ministère de l’environnement, modifié par l’arrêté du 25 février 2019 « pour tenir compte des travaux du Gouvernement sur la notion de bienêtre animal » ([42]).

Le même article, en son troisième alinéa, autorise par dérogation au premier alinéa lutilisation des modes et moyens de chasse consacrée par les usages traditionnels pour la chasse de certains oiseaux de passage. Plusieurs modes de chasse traditionnelle persistent en France : la chasse des grives et du merle noir à l’aide de gluaux dans le Sud-Est, la chasse de l’alouette des champs à l’aide de pantes et matoles dans le Sud-Ouest, la chasse des grives, merles noirs, vanneaux et pluviers dorés à l’aide de filets et tenderies dans les Ardennes. Cinq arrêtés ministériels du 17 août 1989 fixent les conditions particulières d’exercice de ces chasses pour l’utilisation de gluaux, de pantes, de matoles et de tenderies. Ces textes renvoient à des arrêtés ministériels annuels pour la fixation de quotas par département ainsi que, le cas échéant, « la détermination de spécifications techniques propres à un département ».

Pour mémoire, les gluaux – dont l’usage est encadré par le cinquième alinéa de l’article 424-4 – sont de petites planchettes ou branche menue enduite de glu, utilisée pour prendre les petits oiseaux ; les pantes et matoles sont respectivement des dispositifs de filets et de grillages permettant la capture d’oiseaux vivants ; les tenderies, enfin, sont des lacets en crin de cheval permettant la capture de grives.

La chasse au leurre, en revanche, ne fait l’objet d’aucune disposition particulière en droit français.

b.   Les sanctions en cas de contravention à ces dispositions législatives

La section 1 du chapitre VIII du titre II du livre IV de la partie réglementaire du code de l’environnement prévoit les peines applicables en cas d’infraction aux dispositions législatives relatives à la chasse. L’article R. 428-8 prévoit plus particulièrement, que le fait de « contrevenir aux dispositions législatives et réglementaires relatives à lemploi de modes, de moyens, dengins ou dinstruments pour la chasse du gibier ou pour la destruction des animaux susceptibles doccasionner des dégâts » est puni de lamende prévue pour les contraventions de la 5e classe. Les amendes de cette classe s’élèvent à 1 500 € au maximum – 3 000 € au maximum en cas de récidive – en application de l’article 131-13 du code pénal.

En outre, certaines circonstances aggravantes peuvent conduire à des peines plus lourdes, prévues aux articles L. 428-4 et suivants, lorsqu’elles sont cumulées. Ainsi, aux termes de l’article L. 428-4, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de chasser lorsque sont réunies plusieurs circonstances, dont notamment le fait d’utiliser des engins et instruments prohibés pour la chasse.

2.   Les dispositions de l’article 4

L’article 4 de la proposition de loi interdit :

– La chasse à courre, à cor et à cri, y compris la vénerie sous terre et la chasse au leurre ;

– La chasse des oiseaux de passage par lutilisation des modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels.

En outre, cet article prévoit que la pratique et l’utilisation de ces modes et moyens de chasse prohibés constituent un délit passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

Lentrée en vigueur de ces dispositions est prévue deux ans après la promulgation de la loi.

a.   Interdiction de la chasse à courre, y compris la vénerie sous terre et la chasse au leurre

La proposition de loi supprime la mention de la chasse à courre, à cor et à cri parmi les modes de chasse autorisés énumérés à l’article L. 424-4 du code de l’environnement (alinéas 1 et 2).

Cette interdiction est explicitement formulée par l’insertion d’un alinéa à la fin de l’article L. 424-4 qui précise qu’aucun équipage ne peut être constitué afin de se livrer à la chasse à courre, à cor et à cri, à la vénerie sous terre ou à la chasse au leurre. Elle ne soppose pas à lutilisation des chiens pour la chasse à tir.

Ces deux derniers modes de chasse, qui ne figuraient pas explicitement dans le code de l’environnement, font ainsi l’objet d’une interdiction claire.

La chasse au leurre est très peu développée en France. Pratiqué en Angleterre depuis 1800, le « drag hunting » consiste à faire suivre aux chiens une piste au moyen d’un leurre reproduisant l’odeur d’un animal de chasse. Les associations et, en particulier, l’association Abolissons la vénerie aujourd’hui (AVA) soulignent que cette pratique est en Angleterre le prétexte à des chasses à courre traditionnelles présentées comme des chasses au leurre. Ce risque de dérive justifie son interdiction à titre préventif.

b.   Interdiction des modes et moyens de chasse traditionnels

L’article 4 procède à une nouvelle rédaction du troisième alinéa de l’article L. 424-4 du code de l’environnement, prohibant explicitement la chasse des oiseaux de passage par lutilisation des modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels. En conséquence, elle supprime également le cinquième alinéa du même article, relatif aux horaires de dépôt des gluaux, désormais interdits.

Cette interdiction législative est cohérente avec la décision récente du pouvoir exécutif de nouvrir aucun quota cette année pour la chasse à la glu. Elle permet également à la France de tirer les conséquences des demandes de la Commission européenne, formulées en juillet 2020 dans le cadre dune procédure dinfraction. La Commission avait demandé à la France de prendre des mesures contre certaines pratiques de chasse et de capture d’oiseaux – citant en particulier « la colle pour les grives et les filets et pièges pour les alouettes et les pigeons » – considérant que ces méthodes ne sont pas sélectives et que les conditions strictes auxquelles les États membres peuvent déroger à la directive 2009/147/CE Oiseaux ») « ne sont pas remplies en lespèce, notamment parce que la plupart des espèces capturées ne présentent pas un bon état de conservation ».

c.   La création d’un délit en cas de non-respect de ces interdictions

Les alinéas 8 à 11 de l’article 4 prévoient la création d’un nouvel article L. 428‑3-1 qui dispose que la pratique ou l’utilisation de ces différents modes ou moyens de chasse constitue un délit puni d’un an d’emprisonnement de 15 000 € d’amende.

Dans un souci de cohérence et afin de ne pas distinguer les modes et moyens de chasse prohibés par la présente proposition de loi de ceux déjà interdits, votre rapporteur propose d’élever au rang législatif les dispositions de l’article R. 428-8 et de faire de la contravention prévue par cet article, un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

d.   Une entrée en vigueur différée de deux ans

Afin de permettre une adaptation des pratiques et lanticipation de lavenir des chiens courants, le III de l’article dispose que cet article entre en vigueur deux ans après la promulgation de la loi.

À compter de cette entrée en vigueur, aucune attestation de meute ne peut plus être délivrée en vue de l’exercice de la chasse à courre, à cor et à cri, sous terre ou au leurre. Elle ne soppose pas à lutilisation des chiens pour la chasse à tir.

3.   La position de la commission

La commission a rejeté cet article, qui est donc supprimé.

Article 5
(articles L. 214-11,  L.214-11-1 [nouveau], et L. 214-3-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Interdiction progressive de lélevage sans accès au plein air

1.   L’état du droit

L’article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime, créé par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « ÉGALIM », interdit la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé délevage de poules pondeuses élevées en cages. Le décret prévu pour l’application de cet article n’a, pour l’heure, pas été pris.

2.   L’article 5 de la proposition de loi

a.   Interdiction de la mise en production d’un bâtiment nouveau ou réaménagé ne garantissant pas un accès au plein air adapté aux besoins des animaux dans un délai de douze mois

Le troisième alinéa de l’article interdit la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé ne garantissant pas aux animaux un accès au plein air adapté à leurs besoins à compter d’un délai d’un an après l’entrée en vigueur de la loi.

Votre rapporteur proposera un amendement pour faire courir ce délai à compter de la promulgation de la loi, les différentes dispositions du texte ayant des dates d’entrée en vigueur différentes. Il proposera également de remplacer les mots : « la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé » par « la reprise, la remise aux normes ou l’installation de tout élevage ne garantissant pas aux animaux » afin d’éviter les contournements de cette interdiction. Enfin, il proposera de prévoir des sanctions en cas de non-respect de cette interdiction.

b.   Interdiction de tout élevage n’offrant pas aux animaux un accès au plein air adapté à leurs besoins à compter du 1er janvier 2040

Le quatrième alinéa de l’article interdit lexploitation de tout élevage noffrant pas aux animaux un accès au plein air adapté à leurs besoins à compter du 1er janvier 2040.

Les alinéas 5 à 11 créent un nouvel article L. 214-11-1 qui prévoit des sanctions en cas de non-respect de l’interdiction de l’élevage sans accès au plein air adapté aux besoins des animaux à compter du 1er janvier 2040, sur le même modèle que celles prévues par les articles 2 et 3 de la proposition de loi. L’exploitation d’un tel élevage constitue un délit puni dun an demprisonnement et de 15 000 € damende. Aux termes de l’alinéa 8, les personnes physiques coupables de cette infraction encourent des peines complémentaires (interdiction, éventuellement à titre définitif, de détenir un animal et d’exercer, pour une durée de cinq ans maximum, une activité professionnelle ou sociale en lien avec la détention ou l’élevage d’animaux si ces activités ont été utilisées pour préparer ou commettre l’infraction). En revanche, ces interdictions ne sont pas applicables à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales.

L’alinéa 7 précise que le tribunal statue également sur le sort des animaux de ces élevages illégaux, qui peuvent être confisqués et remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique.

Les alinéas 9 à 11 prévoient les peines applicables aux personnes morales reconnues coupables de cette infraction. Celles-ci doivent acquitter une amende dont le taux maximum est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l’infraction, comme le prévoit l’article 131-38 du code pénal. Cette amende pourra ainsi sélever à 75 000 euros. Elles encourent également les peines prévues à l’article 131-39 du même code (voir supra).

c.   L’interdiction de l’élevage en cage de poules pondeuses à compter du 1er janvier 2025

Les alinéas 12 et 13 créent un nouvel article L. 214-3-1 interdisant lélevage en cage des poules pondeuses à compter du 1er janvier 2025. Cette interdiction s’inscrit dans le prolongement de l’article L. 214-11 créé par la loi dite « ÉGALIM », dont le décret dapplication na toujours pas été pris. Ce placement à l’article 214-3-1 paraît d’ailleurs peu pertinent et votre rapporteur proposera que cet article figure dans le code à la suite de l’article L. 214-11.

d.   Présentation d’une stratégie nationale visant à mettre fin à l’élevage des animaux de rente en cage, case, stalle ou box

Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente une stratégie nationale destinée à mettre fin à l’élevage des animaux de rente, durant la majorité de leur vie, en cage, case, stalle ou box. Votre rapporteur proposera de lever les ambiguïtés sur le champ de cet article en précisant que sont interdits les systèmes d’élevage utilisant des cages ou tout objet de contention, à l’exception des contentions temporaires transitoires lors des manipulations ou durant les soins vétérinaires pendant des périodes limitées.

Cette stratégie prévoit des dates d’entrée en vigueur comprises entre 2025 et 2030 pour les différentes filières.

3.   La position de la commission

La commission a rejeté cet article, qui est donc supprimé.

Article 6
Gage

L’article 6 de la proposition de loi crée un gage classique sur les droits à tabac (articles 575 et 575 A du code général des impôts).


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de ses réunions du jeudi 1er octobre 2020, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi relative à de premières mesures d’interdiction de certaines pratiques génératrices de souffrances chez les animaux et d’amélioration des conditions de vie de ces derniers (n° 3293) (M. Cédric Villani, rapporteur).

M. le président Roland Lescure.

« Le lion dort, seul sous sa voûte,

« Il dort de ce puissant sommeil

« De la sieste, auquel s’ajoute,

« Comme un poids sombre, le soleil. »

Je crains que nos débats ne réveillent le lion évoqué par Victor Hugo, surtout s’il s’agit d’un fauve donné en spectacle dans un cirque.

Avec cette proposition de loi relative à de premières mesures d’interdiction de certaines pratiques génératrices de souffrances chez les animaux et d’amélioration des conditions de vie de ces derniers, déposée par le groupe Écologie Démocratie Solidarité et dont le rapporteur est M. Cédric Villani, notre commission aura été saisie, en l’espace d’une seule semaine, de deux textes importants, qui soulèvent des questions éthiques fondamentales.

Pas plus qu’il n’y a eu, la semaine dernière, d’opposition entre partisans et adversaires des néonicotinoïdes, il n’y aura, aujourd’hui, de clivage entre ceux qui sont pour la souffrance animale et ceux qui s’y opposent. Chacun, ici, est évidemment contre la souffrance animale. Mais, il faut le reconnaître, il existe des sensibilités et des approches différentes. Ces différences traversent notre société, sans reproduire les clivages traditionnels ; c’est le propre du débat démocratique moderne.

Je laisserai, comme à l’habitude, la discussion se dérouler librement, mais je vous demande de respecter, lors de vos interventions, le temps qui vous est imparti. La liberté d’expression a bien entendu pour corollaire le respect dû aux idées défendues par les opposants et la courtoisie.

J’indique que la proposition de loi est inscrite à l’ordre du jour des séances réservées au groupe EDS, jeudi 8 octobre.

M. Cédric Villani, rapporteur. Je commencerai par saluer le travail inlassable du groupe d’études sur le bien-être animal – composé notamment de M., Loïc Dombreval, Mme Samantha Cazebonne, M. Éric Diard, Mme Aurore Bergé, MM. Olivier Falorni, Dimitri Houbron, Bastien Lachaud et Mme Laëtitia Romeiro Dias –, à l’ordre du jour duquel tous les sujets que nous aborderons ont été inscrits, à un moment ou à un autre, au cours des trois dernières années.

La question de notre rapport à l’animal est aujourd’hui d’une actualité bien plus brûlante qu’il y a trois ans. Elle s’invite chaque jour ou presque dans notre quotidien. Il y a deux semaines, les images d’un cerf épuisé, la langue pendante, allongé sur le bitume à Compiègne, faisaient le tour des médias. Pour une fois, dans une chasse à courre, ce n’était pas l’élégance des cavaliers ou la force brute de la meute qui était au centre de l’attention ; c’était la bête, fragile, qui avait été si longtemps tourmentée pour le divertissement des humains.

Des images marquantes, il y en a eu tant ! Des blaireaux tirés de leur terrier à l’aide de pinces, assommés après avoir passé plusieurs heures acculés au fond d’une galerie par des chiens, des éléphants de cirque se balançant inlassablement de gauche à droite pour conjurer leur horrible ennui, un tigre battu comme plâtre, des dauphins, des orques errant dans des bassins trop petits. Mais aussi des poulets à la croissance si rapide que leurs pattes ne sont pas assez solides pour supporter le poids de leur corps, des visons cloîtrés toute leur vie pour que leur fourrure serve à confectionner des manteaux de luxe, des lapins en cage qui, de leur vie, ne pourront pas faire un bond, de petits oiseaux, grives et merles, capturés et pendus à l’aide d’un lacet accroché à une branche… Ces images ont contribué à rappeler à la majorité d’entre nous combien le rapport entre l’humain et l’animal, à notre époque feutrée, peut être violent en coulisse.

Aujourd’hui, la lutte contre la souffrance animale évitable est une revendication citoyenne forte. Elle s’inscrit dans une très longue histoire philosophique et culturelle : Plutarque, Saint-François d’Assise, Voltaire, Diderot, Victor Hugo, Jules Michelet, Louise Michel, Victor Schœlcher, Charles Péguy… Mais ce sont les dernières découvertes scientifiques, en particulier sur la conscience et la sensibilité animales, qui sont venues renforcer notre prise de conscience collective.

Cette prise de conscience est l’objet du livre de la philosophe Élisabeth de Fontenay, Le silence des bêtes, cité avec admiration par notre grand écrivain, Érik Orsenna, dont le dernier ouvrage, que je vous recommande chaudement – et je sais, pour en avoir discuté avec lui, que le ministre de l’agriculture l’a lu avec grand plaisir –, est tout entier consacré au cochon. Combien y a-t-il à dire sur le cochon, son histoire et sa singularité ! Aucun animal n’est plus proche de nous pour ce qui est des applications médicales : les cochons sauvent et sauveront bien des vies humaines. Aucun animal domestique n’est plus intelligent – le cochon fait au moins aussi bien que le chien dans bien des domaines, y compris celui des jeux vidéo. Il est sensible et intelligent. Alors pourquoi acceptons-nous les conditions dans lesquelles nous avons choisi, en tant que société, de l’élever ?

Comme le dit Érik Orsenna, dans le cochon, tous les dérèglements s’incarnent : l’élevage industriel, la maltraitance, les pollutions. 95 % de nos cochons ne verront jamais la lumière du jour de leur vie, sauf pour aller à l’abattoir. Jamais ils ne pourront fouir de leurs pattes et de leur groin. On leur tranchera la queue, pour éviter qu’ils ne se la dévorent, affolés par la monotonie de leur environnement. Leur mère passera presque la moitié de sa vie dans une cage métallique, si serrée qu’elle ne pourra même pas se retourner. Est-ce là une digne façon de traiter l’un des plus fidèles compagnons de l’humanité ?

Entendons-nous bien : ce n’est pas l’éleveur qui est en cause. Au contraire, il fait tout ce qu’il peut dans des conditions économiques indignes de son importance. Ce qui est à blâmer, c’est bien le système économique qui favorise la surproduction et une compétition toujours plus âpre et qui, par ricochet, renouvelle l’ancienne interrogation sur la violence envers les animaux.

À cette interrogation s’est jointe récemment une voix d’alarme nous alertant sur l’état de tout notre environnement, en cours d’effondrement. À l’heure où les oiseaux champêtres ont perdu un tiers de leurs effectifs en quinze ans, où la totalité de la masse des mammifères sauvages ne représente même plus un vingtième de celle des hommes et de leurs animaux domestiques, la nécessité de repenser la relation entre les hommes, les animaux et la nature est désormais une urgence.

La présente proposition de loi, sans prétendre le moins du monde à l’exhaustivité, vise à agir dans des champs aussi variés que les arts du spectacle, la production de fourrure, la pratique de certaines chasses et l’élevage. En cela, elle a une parenté avec le référendum pour les animaux, initiative citoyenne lancée par plus de 40 associations, comptant à ce jour près de 800 000 signataires et soutenue par 142 parlementaires ainsi que par de nombreuses personnalités du monde agricole, économique, culturel et politique.

Parmi ces associations, citons la Ligue de protection des oiseaux (LPO), qui, depuis plus d’un siècle, se consacre à la protection des oiseaux et de leur biodiversité, le CIWF (Compassion in world farming), créé il y a plus de cinquante ans par des agriculteurs britanniques et qui travaille inlassablement à promouvoir dans l’élevage les pratiques les plus respectueuses des humains et des animaux, ou One Voice, fondée sous le parrainage de Théodore Monod il y a un quart de siècle pour défendre le respect des animaux dans tous les domaines. Le travail législatif a permis d’entendre ces associations, mais aussi toutes les parties prenantes, toutes les filières, tous les syndicats représentatifs et les chercheurs, dans le cadre d’un débat souvent contradictoire. Il a permis d’approfondir, d’adapter, d’améliorer.

Les notions de transition et d’accompagnement sont au cœur de ce texte. Les différentes dispositions entreront en vigueur de manière différée, et avec des moyens financiers. Que ce soit pour placer des animaux de cirque dans des environnements adaptés ou pour faire évoluer nos systèmes d’élevage, une échéance trop proche serait intenable.

L’article 1er vise ainsi à créer un fonds de soutien à la transition, afin d’accompagner les acteurs économiques dont l’activité sera fortement transformée, au premier rang desquels nos éleveurs, déjà endettés, mis sous pression depuis des décennies par un système économique qui ne les a jamais reconnus à leur juste valeur et qui ne leur laisse que des miettes. Nous les avons tous entendus, dans nos circonscriptions respectives : ils ne pourront pas tenir leur rang si nous ne leur donnons pas des moyens à la hauteur de l’importance de l’élevage dans ce grand pays agricole qu’est la France et de sa réputation de qualité.

Puis la proposition de loi prévoit, dans un délai de cinq ans, d’une part, à l’article 2, la fin de l’élevage et de l’abattage d’animaux pour leur fourrure, d’autre part, à l’article 3, la fin des spectacles ayant recours à des animaux sauvages dans les cirques et delphinariums. Ces mesures, attendues depuis longtemps, rejoignent les récentes annonces fortes de la ministre Barbara Pompili ; je m’en réjouis. Elles suivent l’évolution de la société. Les élevages de fourrure sont devenus rares et la production en est presque entièrement exportée. Quant aux spectacles d’animaux sauvages, la liste des pays qui les prohibent et des municipalités qui n’en veulent plus est si longue que l’activité était condamnée à brève échéance. Les délais permettront de trouver, pour les animaux et pour les humains qui en dépendent, des solutions dignes de placement et de reconversion. Mais la reproduction et l’importation de ces animaux seront prohibées dès la promulgation de la loi.

L’article 4 a trait à la chasse. On a tout entendu sur cet article ! Le texte ne remet nullement en cause la légitimité de la chasse. Au demeurant, j’invite ceux qui penseraient que l’écologie méprise la chasse à lire ou à relire Printemps silencieux, le manifeste qui, en 1961, donna naissance à l’écologie : les chasseurs y sont décrits comme légitimes. Non, ce qui est visé ici, ce sont seulement certaines pratiques de chasse qui suscitent la polémique depuis si longtemps. Des pratiques particulièrement cruelles qui ne participent pas ou peu, les statistiques le montrent, à la régulation. Des pratiques que la France est presque la dernière à tolérer encore : la chasse à courre, la vénerie sous terre, la chasse à la glu et les autres modes et moyens de chasse similaires, appelés « chasses traditionnelles » en langage juridique. Le texte y met fin à l’échéance de deux années.

L’article 5, enfin, concerne l’élevage, et c’est la mesure la plus importante de cette proposition de loi. Si le cirque concerne quelques centaines d’animaux, l’élevage en concerne des milliards : presque un milliard par an, rien qu’en France ! Ainsi la proposition de loi accompagne et accélère la transition de l’élevage français, déjà entamée dans les filières, vers des systèmes plus durables et respectueux du bien-être animal.

Elle comporte trois mesures importantes, toutes avec leurs délais, qui ont été évaluées après débat et comparaisons internationales : dans un délai de cinq ans, la fin de l’élevage en cage des poules pondeuses, qui y disposent souvent, leur vie durant, d’un espace grand comme une feuille de papier A4 ; dans un délai de dix ans, la fin progressive de l’élevage d’animaux de rente en cage ou autres dispositifs de contention. Ces interdictions doivent faire l’objet de plans gouvernementaux appropriés accompagnant les éleveurs et tenant compte de la situation économique et des bonnes pratiques de chaque filière.

Nous proposons enfin, dans un délai de vingt ans, la transformation progressive de tous nos élevages, pour que les animaux y disposent d’un accès au plein air adapté à leurs besoins physiologiques fondamentaux. Pour les nouveaux bâtiments, cette obligation entrera en vigueur d’ici à un an. Cette dernière mesure permettra une transformation de notre élevage à l’horizon d’une génération. C’est un véritable projet de société, dont la réussite dépendra à la fois de la revalorisation du métier d’éleveur, de l’évolution des habitudes des consommateurs, de la solidarité au sein de notre société, de la montée en gamme de notre élevage et, bien sûr, de changements dans les mécanismes de la compétition économique internationale.

La question du bien-être animal s’insère ainsi dans un projet de société où l’agriculteur et l’éleveur auront enfin la place qu’ils méritent, où la France fera honneur à son statut de grande nation d’agriculture et d’élevage.

M. le président Roland Lescure. Je tiens à souhaiter la bienvenue à ceux de nos collègues qui rejoignent notre commission, temporairement pour certains, plus durablement pour d’autres : Mme Aurore Bergé, Mme Anne-Laure Blin, M. Michel Castellani, M. Yves Hemedinger, M. Philippe Naillet, M. Alain Perea, Mme Laëtitia Romeiro Dias et Mme Corinne Vignon.

Mme Aurore Bergé (LaREM). Pour la première fois au sein de notre assemblée, nous examinons un texte consacré à la lutte contre les souffrances animales.

Depuis des dizaines d’années, des associations luttent au quotidien contre la maltraitance des animaux ; reconnues dans le monde entier pour leur expertise, elles œuvrent au cœur de nos territoires. Ainsi, dans chacune de nos circonscriptions, des citoyens sont engagés, mobilisés avec sincérité. Cette problématique est devenue celle des Français, qui nous demandent, à nous, législateurs, de nous engager clairement ; ils ont raison.

C’est ce que le groupe La République en Marche entend faire aujourd’hui, comme il le fait depuis le début de ce quinquennat, sans démagogie, en se saisissant d’enjeux qui font consensus dans notre société. Nous venons ainsi d’adopter, dans le projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, des avancées significatives en matière d’utilisation des animaux à des fins expérimentales, puisque ce texte prévoit la création d’un centre national régi par le principe des 3R (Réduire, raffiner, remplacer).

Dès l’examen du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (ÉGALIM), en 2018, notre groupe s’est engagé en faveur de la bientraitance animale et a fait adopter des mesures interdisant la mise en production de tout nouveau bâtiment d’élevage de poules pondeuses en cage, durcissant les peines en cas de maltraitance en élevage et renforçant le rôle des associations. Nous avons également insisté pour que soit amélioré l’encadrement de l’activité des abattoirs, en imposant la désignation d’un responsable de la protection animale dans chaque établissement et en proposant, dans les abattoirs volontaires, une expérimentation de la vidéosurveillance des activités.

Ces avancées, inscrites dans la loi, ont impulsé une transformation en profondeur des filières d’élevage. Je veux, à ce propos, saluer l’ensemble des filières qui, toutes, se sont engagées avec exemplarité dans ce processus. Oui, il y aura toujours des situations malheureuses, inacceptables, révoltantes. Mais elles ne sauraient jeter l’opprobre sur tout un secteur ni résumer le travail et l’engagement des éleveurs, des agriculteurs, qui sont profondément attachés à leurs bêtes. Elles ne sauraient en aucun cas justifier la haine et la violence dont ces derniers sont trop souvent victimes. À titre d’exemple, la filière d’élevage des poules pondeuses s’était engagée à ce que 50 % des œufs produits en France soient issus d’élevages alternatifs à la cage d’ici à 2022 et à augmenter de 50 %, à la même échéance, le nombre de poules pondeuses issues de l’agriculture biologique. Ces résultats ont d’ores et déjà été atteints.

Nous faisons, vis-à-vis des filières, le choix de la confiance ; cette loi doit aussi être une loi de confiance. Dans une société fracturée, morcelée, nous, parlementaires, avons une responsabilité majeure, celle de recréer du commun, de réconcilier et non de créer des oppositions stériles. Cette loi ne peut pas être une loi de défiance à l’encontre des traditions qui font l’identité de nos territoires. C’est pourquoi, malgré mes engagements personnels que vous connaissez, nous avons considéré qu’il serait contre-productif de légiférer aujourd’hui sur certaines pratiques de chasse. Les chasseurs sont des acteurs essentiels de la régulation des espèces et de la préservation de la biodiversité. Ils savent les attentes majeures dont leur pratique fait l’objet, et ils s’y adaptent déjà.

Cette proposition de loi va nous permettre de mettre un terme à des archaïsmes qui nous apparaissent aujourd’hui comme insupportables. La ministre Barbara Pompili s’est clairement prononcée sur ce point, et nous concrétisons ces engagements grâce à la dynamique de nombreuses initiatives parlementaires qu’avec mes collègues Laëtitia Romeiro Dias, Claire O’Petit, Corinne Vignon, Typhanie Degois, Laurianne Rossi et Samantha Cazebonne, nous avons défendues, au sein de notre groupe, dans le cadre de la proposition de loi relative à l’amélioration de la condition animale et la lutte contre la maltraitance.

Non, le lion n’a pas sa place dans une cage dont il ne sort que pour s’offrir en spectacle, entravé pour être mieux exhibé ! Non, un ours n’a pas à être tenu en laisse et traîné de village en village pour l’animation des foires ! Non, un dauphin n’a pas sa place dans un delphinarium, où il devient agressif envers ses congénères ! Non, les visons d’Amérique ne peuvent pas être élevés avec pour unique horizon d’orner des manteaux ! Il ne peut pas être question non plus de délocaliser la souffrance animale en important des fourrures issues d’élevages étrangers, ou alors la loi serait hypocrite

À tout cela, il est temps de mettre un terme, dès ce matin. Nous savons qu’il faudra aller plus loin. À cet égard, les travaux de longue haleine menés par notre collègue Loïc Dombreval, qui ont abouti au dépôt d’une proposition de loi cosignée par plus de 100 députés, seront précieux. Nous devons aller plus loin dans la lutte contre l’abandon des animaux de compagnie, dont nous détenons le triste record européen, dans la régulation des animaleries et des achats compulsifs d’animaux, plus loin dans la lutte contre la maltraitance en renforçant les sanctions, plus loin dans la prévention, la protection des mineurs et l’éducation. Avec notre groupe, La République en Marche, nous le ferons.

M. Julien Dive (LR). Nous avons tous vu, mardi dernier, les images terribles d’un élevage de lapins en cage dans le Morbihan, diffusées par l’association L.214, et, il y a quelques semaines, celles d’un autre élevage, de poulets cette fois. Personne ne peut y être insensible ; elles imposent une réelle prise de conscience.

Tous les députés ici présents condamnent de telles conditions d’élevage et souhaitent un encadrement plus strict. Mais il importe de rappeler haut et fort que l’agriculture et l’élevage français, ce n’est pas cela. Ces situations marginales ne doivent pas cacher la réalité : les producteurs, les éleveurs français respectent et aiment leurs bêtes. Ne laissons pas croire que ces images terribles représentent l’ensemble des élevages en France, car tel n’est pas le cas. Signaler, condamner et encadrer, oui ; stigmatiser la majorité des éleveurs, non !

La question du bien-être animal a, il est vrai, été trop longtemps ignorée. Or elle est une importante préoccupation des Français. En tant qu’élus de la Nation, représentants du peuple, nous devons retranscrire sa volonté. Mais nous devons le faire sans recourir à des solutions ou à des arguments simplistes qui peuvent porter préjudice ou stigmatiser, par exemple, les éleveurs.

Ces sujets touchent, en définitive, à l’intime, car ils relèvent de positions philosophiques personnelles. Certaines de vos propositions ne peuvent que recueillir une large approbation ; d’autres laissent sceptiques et semblent très simplistes. De fait, certains problèmes ne peuvent pas être résolus par un oui ou un non ; leur complexité impose une longue discussion qui permette d’envisager les conséquences des mesures proposées.

On pourrait souhaiter un meilleur encadrement et des mesures d’accompagnement plus étoffées. Ainsi, vous proposez, à l’article 1er, un fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal, mais aucune piste de financement n’est esquissée. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point ? Vous renvoyez à un décret, mais vous devez bien avoir une idée…

À titre personnel, je voterai sans difficulté en faveur de la sortie programmée de captivité des animaux des cirques itinérants. Certes, il faut accompagner les filières, aménager une transition et indemniser les professionnels, tout en s’assurant du bon suivi des animaux concernés. Toutefois, j’appelle votre attention sur la nécessité de préserver les parcs zoologiques : les conditions de vie et d’élevage des animaux y sont extrêmement encadrées et leur vocation pédagogique et de préservation des espèces ne doit pas être sous-estimée. Je n’aurai pas non plus, à titre personnel, de difficultés à voter pour la sortie progressive de l’élevage et de l’abattage d’animaux élevés pour leur fourrure.

En revanche, votre article 5 n’est pas satisfaisant. La prise en compte du bien-être animal est une priorité pour l’ensemble des acteurs des filières animales, que vous devriez mieux connaître. Les aspects normatifs et réglementaires mais aussi la conscience collective des éleveurs les ont incités, au cours des dernières décennies, à améliorer sans cesse le confort et l’ambiance dans les bâtiments d’élevage. Encore une fois, l’existence d’une brebis galeuse ne doit pas vous amener à abattre le cheptel des éleveurs ! Les acteurs se sont engagés dans des plans de filière rigoureux qui prévoient un taux de 50 % de poules et de 25 % de lapins élevés en élevage alternatif d’ici à 2022 – objectif qui est d’ores et déjà atteint –, le développement des filières d’agriculture biologique et la révision du cahier des charges « Viande bovine label rouge », avec des garanties.

Votre proposition de loi est approximative dans la mesure où elle ne tient pas compte des spécificités des filières d’élevage et des besoins des différentes espèces animales ; je pense, par exemple, au risque de propagation de virus ou de maladies. Vous voulez interdire les boxes pour chevaux, mais vous auriez été bien inspiré de vous en prendre sévèrement aux auteurs des mutilations dont les équins ont été victimes ces dernières semaines. Vous passez sous silence tous les efforts financiers et logistiques que les filières d’élevage ont consentis ces dernières années, l’impact sur l’accès à l’alimentation que cela peut avoir sur la population alors que plus d’un Français sur dix saute un repas chaque jour, faute de moyens.

De bonnes intentions, d’un côté, un soupçon de communication, de l’autre : en l’état, cette proposition de loi est encore imparfaite.

M. David Corceiro (MoDem). L’objet de la proposition de loi nous touche tous, car il nous renvoie à la relation, parfois très étroite, que nous entretenons avec les animaux. Nous sommes tous très sensibles à cette question ; il est donc nécessaire de prendre le temps d’en débattre avec justesse, sans céder à l’émotion qu’elle peut provoquer.

Le groupe MoDem et Démocrates apparentés a bien conscience que le souci du bien-être animal n’est pas une mode ; cette thématique s’est progressivement imposée dans le débat public au cours des dernières années. Ainsi, les Français sont d’ores et déjà 800 000 à avoir signé l’appel en faveur de l’organisation d’un référendum pour les animaux et, selon un récent sondage de l’IFOP, 89 % d’entre eux approuvent cette initiative et voteraient l’ensemble des mesures soumises à référendum. Le bien-être animal est donc bien devenu une préoccupation majeure de nos concitoyens.

Ceux-ci attendent donc des actes contre la souffrance animale. Aussi je remercie le groupe EDS de nous permettre, dans le prolongement des débats de la loi ÉGALIM, de revenir sur cette question, même s’il nous semble qu’elle mériterait de faire l’objet de travaux approfondis et d’une large concertation, que ne permet pas une niche parlementaire.

Néanmoins, certains des articles de la proposition de loi sont, me semble‑t‑il, susceptibles de faire consensus. Tel est le cas de l’article 2, qui prévoit l’interdiction de l’élevage et de la mise à mort d’animaux dans le seul but de commercialiser leurs fourrures. Ces animaux sont en effet enfermés, dès la naissance, dans des cages exiguës qui les rendent fous, au point de provoquer des comportements anormaux, tels que l’automutilation et le cannibalisme – quelques exemples parmi d’autres dans la liste des tortures que nous infligeons aux animaux. Nous pouvons également nous rejoindre sur la fin progressive des spectacles mettant en scène des animaux sauvages, notamment dans les cirques.

En revanche, nous serons en désaccord sur d’autres points. Je pense tout d’abord à l’article 4, qui vise à interdire certaines pratiques de chasse, dont la chasse à courre. Celle-ci s’inscrit dans une histoire, des traditions ; l’interdire dans deux ans serait brutal, faute d’une concertation suffisante. Nous devons en discuter avec tous les acteurs concernés, car cette interdiction soulève des questions sociétales et culturelles. D’une manière générale, ces mesures ne pourront être mises en œuvre qu’au moyen d’une transition douce, conciliante, et non par une injonction brutale.

L’article 5 ne recueille pas non plus notre approbation. L’interdiction d’exploiter tout bâtiment qui ne garantirait pas aux animaux un accès au plein air mettrait à mal de nombreux éleveurs. Entendons-nous bien : les agriculteurs ne doivent pas pâtir de ces mesures, qui doivent faire l’objet d’une concertation préalable. Notre devoir est de les accompagner au mieux pendant la transition et de rejeter toute interdiction soudaine et sans solution.

En résumé, le groupe MoDem et Démocrates apparentés soutiendra, moyennant plusieurs aménagements, ce texte, qui mérite en tout état de cause de faire l’objet d’un débat plus large dans lequel toutes les sensibilités seraient représentées.

M. Philippe Naillet (Soc). La proposition de loi a trait à l’un des plus grands enjeux du XXIe siècle pour l’humanité : son environnement, au sens large. Environnement que nous avons trop longtemps considéré comme notre chose, qu’il s’agisse des espèces animales ou de notre planète. À l’obligation de protéger le bien-être des unes et la bonne santé de l’autre, nous ne pouvons plus nous soustraire. C’est la survie de l’humanité qui est en jeu.

Comme les auteurs du texte, le groupe Socialistes et apparentés l’affirme donc avec force : la souffrance animale est insupportable.

L’examen de cette proposition de loi intervient dans le cadre d’une « niche » parlementaire, la première depuis qu’un appel en faveur d’un référendum d’initiative partagée pour les animaux a été lancé, cet été. Or, depuis quelques semaines, force est de le constater, les débats sont violents ; cette violence ne sert personne et n’est pas un gage de sérénité. Sur un sujet aussi important, il est nécessaire de recueillir, dans un futur proche, une large approbation, faute de quoi les bonnes intentions s’avéreront contre-productives.

Sur le principe, le groupe Socialistes et apparentés peut soutenir sans réserve plusieurs dispositions du texte. Certaines mesures, en revanche, comme les délais prévus pour l’interdiction des bâtiments d’élevage, mériteraient, ne serait-ce qu’en raison de la pression climatique – je pense en particulier à mon territoire de La Réunion –, de faire l’objet d’une réflexion plus approfondie et d’une véritable documentation ; à défaut, ces mesures pourraient voir leur légitimité remise en cause par les uns ou les autres, et même être néfastes pour les animaux.

En somme, il est difficile d’examiner la première proposition de loi portant sur un sujet aussi important et aussi vaste que la condition animale dans le cadre d’une niche parlementaire de quelques heures. Parce que les conditions ne leur semblent, hélas ! pas réunies pour pouvoir juger d’un seul tenant l’ensemble de ces mesures, les membres du groupe Socialistes et apparentés ont décidé, à ce stade – j’y insiste –, de s’abstenir.

M. Bastien Lachaud (FI). Je me réjouis de l’examen de ce texte sur la condition animale. L’attente de la société est grande ; cette question doit donc être débattue par la Représentation nationale. C’est un impératif démocratique, car il s’agit de répondre à la volonté des Français, du peuple souverain. Dans leur écrasante majorité, nos concitoyens – qu’ils habitent, contrairement aux idées véhiculées par les lobbies, en ville ou à la campagne – sont opposés aux pratiques de maltraitance des animaux, lesquelles sont, à l’heure actuelle, toujours autorisées par la loi. La cruauté envers les animaux préfigure et prépare l’acceptation de la violence envers les êtres humains. Doués d’empathie, ceux-ci ne supportent pas la violence et la souffrance qu’elle provoque. Nous n’avons pas à la supporter plus longtemps ; il faut donc l’interdire.

Cette proposition de loi, que j’ai cosignée, comporte des propositions symboliques mais fortes, que le groupe La France insoumise défend depuis le début de la législature. L’élevage d’animaux pour leur fourrure doit être interdit. Les spectacles d’animaux sauvages, incompatibles avec les impératifs biologiques de leur espèce, doivent être interdits. La chasse à courre, pratique oligarchique barbare d’un autre temps, doit être interdite, tout comme la pratique du déterrage des animaux dans leur terrier. Ces pratiques de chasse provoquent la terreur absolue des animaux qui en sont victimes et perturbent l’ensemble de l’écosystème de la forêt. Les chasses dites traditionnelles doivent être interdites. Enfin, les pratiques de l’élevage intensif, notamment l’enfermement constant des animaux dans des cages, doivent être interdites.

La société doit, bien évidemment, accompagner cette évolution, notamment pour faciliter la reconversion des professionnels affectés par ces interdictions et protéger les animaux, notamment ceux qui participent à des spectacles vivants et les meutes de chiens utilisées dans la chasse à courre.

Ces mesures sont souvent caricaturées. Aussi, je veux le dire clairement, il ne s’agit pas ici d’interdire toute forme de chasse ou toute forme d’élevage. Il s’agit d’entamer la transition vers d’autres relations de la société humaine avec les animaux. La biodiversité est en très grand danger du fait des activités humaines : la sixième extinction de masse des espèces a commencé. Les populations de vertébrés, d’insectes, d’animaux marins s’effondrent rapidement. Or l’homme est un animal comme les autres : il a besoin, pour vivre, de son écosystème, des autres animaux et de satisfaire ses besoins physiologiques. Il n’y a qu’un seul écosystème compatible avec la vie humaine dans lequel les espèces s’équilibrent. Nous devons donc instaurer des relations de coopération avec les animaux, en lieu et place de l’exploitation sauvage à laquelle nous nous livrons.

Le capitalisme et la recherche de la rentabilité ont progressivement tout détruit, tout exploité, pour en tirer de l’argent. Nous exploitons sans limite les ressources naturelles, les animaux, les autres êtres humains. La crise mondiale du covid-19 est en quelque sorte un avertissement qui nous est adressé solennellement : il faut changer nos pratiques, car ce que nous avons fait est en train de tout détruire, y compris nous-mêmes.

Il s’agit évidemment d’un horizon lointain ; cette proposition de loi est une étape de la transformation progressive de la société, qui a commencé par un changement radical de perspective sur les animaux, désormais reconnus par la loi comme des êtres sensibles et non plus comme des biens meubles. Tirons les conclusions de cette reconnaissance, commençons par interdire dès à présent les pratiques les plus cruelles envers les animaux et organisons la transition de notre société vers un modèle de coopération avec ces derniers.

Mme Delphine Batho (EDS). La sensibilité à la nature, l’empathie pour les animaux sont des émotions que chacun d’entre nous ressent. Il s’agit de transformer cette sensibilité, ces émotions en un choix conscient et en un progrès de la société. Cette évolution de la civilisation marque, sous nos latitudes, une rupture avec un récit, une culture, nourris du mythe d’une humanité supérieure et détachée de la nature. Au moment où le vivant s’effondre, où la destruction accélérée des écosystèmes menace notre survie et provoque zoonoses et pandémies, la conscience partagée de la communauté de destin qui unit l’humanité à l’ensemble du vivant, animal et végétal, est absolument fondamentale. Nous sommes des Terriennes et des Terriens ; la souffrance animale est une forme de déshumanisation. Il nous faut donc rompre avec une conception caduque selon laquelle la nature et les animaux seraient des objets.

Le groupe Écologie Démocratie Solidarité s’est constitué d’emblée comme un groupe de proposition. Si nous avons fait le choix d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de notre journée d’initiative parlementaire, c’est parce que, sur la question du bien-être animal, nous n’avons pas suffisamment avancé au cours de la période récente. Des blocages, des tensions, qui n’ont pas de raison d’être, ont empêché un certain nombre d’avancées, notamment lors des débats sur le projet de loi issu des États généraux de l’alimentation. Nous proposons donc à tous les groupes d’avancer concrètement et de la façon la plus transpartisane possible.

Nous avons bien fait d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de cette niche parlementaire car si, grâce aux mobilisations de la société civile et à leur traduction au Parlement, le Gouvernement a fait, cette semaine, des annonces qui vont dans le bon sens et dont nous nous réjouissons, ces annonces laissent de côté des questions majeures. Je pense aux pratiques de chasse qui n’ont plus de raison d’être. Il ne s’agit pas, ici, de la chasse en tant que tradition populaire héritée de la Révolution française, mais de certaines pratiques cruelles. Je pense également à l’élevage.

Je suis élue d’un département rural où le combat écologique est essentiellement un combat pour le maintien de l’élevage. Confrontés à une « céréalisation » accélérée et au développement d’installations d’élevage industriel, nous nous battons pour le maintien des prairies, des exploitations de polyculture-élevage. Il faut donc éviter tout malentendu sur ce sujet : nulle part dans cette proposition de loi il n’est écrit que nous allons supprimer les bâtiments d’élevage. Mais, actuellement, à proximité de l’endroit où a été tourné le film Au nom de la terre, par exemple, on supprime des exploitations d’élevage bovin et caprin pour les remplacer par des élevages industriels de poulets. Le débat porte bien sur des formes d’élevage industriel qui provoquent des souffrances animales et qui sont, par ailleurs, un désastre économique pour les agriculteurs. C’est bien de cela qu’il s’agit dans ce texte et pas d’autre chose.

M. Vincent Ledoux (Agir ens). Nous ne pouvons plus, mes chers collègues, être schizophrènes. Quand bien des élus et des ministres posent sur les réseaux sociaux avec leur chien ou leur chat, on ne peut pas ignorer un mouvement grandissant au sein de l’opinion publique demandant d’interdire des pratiques génératrices de souffrances chez les animaux.

Après des siècles de cartésianisme pendant lesquels on a considéré l’animal comme un meuble, la souffrance animale nous semble une nouveauté. Depuis les années 1950, et grâce aux scientifiques, on a pris peu à peu conscience qu’il était un être sensible doté de capacités sociales insoupçonnées. L’ancien maire de Roncq que je suis a la chance d’accueillir sur son territoire un centre de chiens guides d’aveugles. Je sais donc à quel point les chiens sont importants pour un certain nombre de nos concitoyens.

Au début du XXIe siècle, on s’est enfin rendu compte – chose incroyable – que l’animal avait une conscience. De plus en plus, l’opinion publique a demandé, notamment à ses députés, de débattre de cette question, non pas seulement pour en parler mais pour agir concrètement. Il est temps !

Mais, ce débat, il faut le conduire de manière apaisée. Ce que j’observe aujourd’hui ne me plaît pas dans la mesure où il est réduit à une opposition entre progrès de la cause animale et formes dites traditionnelles d’élevage. Il faut lever ce malentendu : mon groupe n’est pas contre l’élevage ni contre toute la chasse, mais pour l’amélioration des conditions de vie des animaux – le deuxième terme du titre de la proposition de loi.

Allons résolument, au nom de l’humanité, vers un progrès, car on voit bien que la crise que nous subissons tire son origine de l’interpénétration entre deux mondes. La déforestation, notamment, nous confronte à des populations animales inconnues de nous, nous rendant extrêmement vulnérables aux virus.

Marquons des points sur ces sujets dont nous devons débattre. Je le confesse, devant l’impuissance des préfets à faire respecter leurs propres arrêtés, j’ai été l’un des premiers maires à prendre un arrêté hors-la-loi visant à interdire les cirques exploitant des animaux sauvages.

J’apprécie l’approche progressive de la proposition de loi, au travers notamment de la création d’un fonds de soutien à la transition. Il ne s’agit pas de s’opposer aux circassiens ; il faut les accompagner. Je la soutiens donc, même si le reste du groupe Agir ensemble votera selon sa conscience. Merci de lancer le débat !

M. Thierry Benoit (UDI-I). La proposition de loi aborde un sujet très sensible. Certains d’entre nous vivent dans des territoires ruraux, certains y exercent même le métier d’agriculteur, cohabitent avec les animaux. Moi-même, depuis cinquante-quatre ans, je vis entouré d’animaux domestiques, j’observe tous les ans la migration des hirondelles, bref je suis sensible à la cause animale. Toutefois, je suis contrarié par le mélange des sujets dans cette proposition de loi : l’élevage, la chasse, les animaux en captivité dans les zoos et donnés en spectacle dans les delphinariums et les cirques.

Le mot « transition » n’a jamais autant été à l’ordre du jour qu’aujourd’hui, qu’il s’agisse d’écologie, d’économie ou de social. Si beaucoup ont cet objectif en partage, tous n’empruntent pas le même chemin pour l’atteindre. Depuis 2015, les animaux sont reconnus dans le code civil comme des êtres vivants doués de sensibilité. Pour moi, la meilleure approche est celle qui a été adoptée pour la loi ÉGALIM, consistant à mobiliser l’ensemble des acteurs, des filières et des instituts techniques. Ici, l’exposé des motifs mentionne « des dizaines de personnalités du monde économique, culturel ou politique » dont il ne m’a pas échappé que certaines nourrissent des arrière-pensées, ont des intérêts à faire fructifier une filière végétale concurrente de l’élevage animal. Certains militants veulent purement et simplement la fin de l’élevage en France.

En Bretagne, jusqu’à l’après-guerre, une ferme se composait d’une maison d’habitation et, attenants, des bâtiments d’élevage – l’écurie, l’étable et la soue – de sorte que bien-être animal et bien-être humain étaient adossés. Puis l’élevage est passé à l’industrialisation, dont certains aspects doivent certes être mieux encadrés et régulés. Je suis convaincu qu’il ne faut pas opposer écologie et économie : notre rôle est de concilier bien-être humain et bien-être animal, dans le respect des uns et des autres.

Compte tenu du climat social du pays, il faut éviter toute tension et aborder cette problématique de manière très pragmatique. Je ne suis pas convaincu que ce soit le cas de la proposition de loi.

M. Julien Aubert. Évitons les faux débats ! Les chasses à courre et l’élevage des poules n’ont rien à voir avec l’extinction massive des espèces. Il n’y a pas, ici, ceux qui aiment les animaux et ceux qui ne les aiment pas, ceux qui seraient contre la souffrance animale et ceux qui seraient pour. Non, l’homme et l’animal ne sont pas sur un pied d’égalité. Contrairement à ce que pense Peter Singer, cité dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, les intérêts des hommes et ceux des animaux ne sont pas égaux : maltraiter un animal, ce n’est pas déshumaniser. La nature est cruelle, et bâtir une société qui s’inspirerait de son fonctionnement ne nous rendra pas forcément meilleurs.

La proposition de loi fait de l’interdiction de la souffrance la règle. Qu’est‑ce que la souffrance ? Si c’est tuer, il faut exclure la chasse à la glu, qui ne fait que capturer 0,056 % des oiseaux que les chats tuent chaque année, mais inclure toute la chasse, et pas seulement la chasse à courre. Il faut être logique.

Si la souffrance se définit par le fait de ne pas vivre dans son espace naturel, pourquoi interdire les cirques mais pas les parcs de loisir ? S’il s’agit de douleur, pourquoi ne pas s’attaquer à l’abattage sans étourdissement ? S’il s’agit de ne plus retenir prisonnier, pourquoi cette inégalité entre animaux qui vivent en cage et ceux qui sont enfermés en appartement ? Que direz-vous demain à tous les gens qui ont des animaux domestiques ? Où s’arrêtera-t-on ? N’allez-vous pas, un jour, vous retrouver avec des problèmes comme la corrida ?

Ce sont d’exceptions que nous allons débattre aujourd’hui. J’espère faire valoir une écologie humaniste, qui considère que c’est par rapport à notre propre moralité – ne pas faire souffrir pour rien – que nous devons agir.

M. le rapporteur. Les filières ont incontestablement progressé ces dernières années, et notre devoir est de les accompagner avec des calendriers ambitieux. La date du 1er janvier 2025 pour l’arrêt de l’élevage en cage des poules pondeuse n’a pas été choisie au hasard. Elle a été prise après discussion avec le groupe Avril, grand groupe industriel du marché des œufs qui s’est dit prêt à respecter cette échéance. J’observe, d’ailleurs, que, sur ce sujet, le décret prévu par la loi ÉGALIM n’a pas encore été pris.

À propos de la chasse, ce ne sont pas ses fonctions de régulation et de préservation qui sont visées par le texte. La vénerie ne représente que 7 % de l’ensemble des prises, chasse à courre et vénerie sous terre pour les blaireaux ou les renards confondues – cette dernière n’y concourant que pour une partie infime. M. Aubert a d’ailleurs relevé, à propos de la chasse à la glu et des chasses traditionnelles, que leurs prélèvements ne constituaient pas un enjeu majeur. Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, nous ne remettons pas en cause la légitimité de la chasse comme activité de régulation, mais bien certaines pratiques inefficaces de ce point de vue et génératrices de souffrance.

Le problème de l’automutilation a été évoqué à propos des cirques, mais il se retrouve également bien souvent dans l’élevage industriel. Sans parler des images les plus terribles, pourquoi est-on obligé de trancher la queue des cochons si ce n’est précisément pour éviter les mutilations réciproques, comportements qui n’existent pas dans la nature ?

M. Jean-Baptiste Moreau. Si !

M. le rapporteur. Ce sont uniquement les conditions de l’élevage industriel, avec la haute densité et la claustration, qui les y poussent. Avec la sélection des espèces, les poulets se sont retrouvés avec des blancs si démesurés qu’ils ne peuvent tenir sur leurs pattes, les races de porcs ne sont retenues que sur le seul critère de la prolificité, au détriment de l’instinct maternel. Est-ce là notre projet pour nos animaux d’élevage ?

Les éleveurs aiment leurs bêtes, je n’ai aucun doute à ce sujet. Seulement les élevages sur caillebotis, bien propres, s’avèrent très durs pour les cochons : ils n’y trouvent pas de quoi satisfaire leurs besoins physiologiques les plus fondamentaux, comme fouir, grogner et bouger. L’industrialisation a placé nos agriculteurs devant une équation insoluble en faisant de la production le critère numéro un. Ils peuvent bien faire tout qu’ils veulent avec tout l’amour possible, cela revient à poser un emplâtre sur une jambe de bois.

Les chevaux ne sont pas pris en compte dans la proposition de loi. La rédaction initiale incluait la filière équine, mais je présenterai un amendement qui l’exclura totalement. Cela n’empêche pas de réfléchir à la façon d’améliorer leur bien-être et de dénoncer avec force les mutilations dont ils sont victimes : elles sont l’œuvre perverse et inhumaine de déséquilibrés, et ne devraient pas exister.

En matière de transition, un délai de vingt ans ne me paraît pas trop soudain ni trop court pour trouver, dans chaque élevage, un moyen d’offrir à chaque animal un accès au plein air. Vingt ans, c’est une génération ! Les représentants de la filière porcine, que nous avons interrogés sur le coût d’une telle évolution, l’ont estimée à des milliards d’euros. Est-ce vraiment impossible, sur vingt ans et compte tenu de l’importance de l’enjeu ?

Le Gouvernement a certes proposé un plan et mis 250 millions d’euros sur la table. Je salue l’initiative du ministre de l’agriculture, mais ce sera tout à fait insuffisant. Une bonne partie partira dans l’amélioration des conditions d’abattage – enjeu également très important – mais les 100 millions qui resteront ne seront pas à la hauteur ; il faudra passer à un autre ordre de grandeur pour les vingt années à venir, car c’est un grand enjeu de société.

Nos voisins allemands ont lancé le plan Tierwohl afin d’améliorer leur filière porcine. En deux échéances, l’une à huit ans, l’autre à quinze ans, ils vont consacrer 300 millions d’euros au démarrage et des milliards au total, pour partie en taxation, pour partie en subventions. Si les Allemands manifestent une telle volonté de monter en gamme, pourquoi la France, si exemplaire en matière de progrès et d’éthique pour un des secteurs dont elle est le plus fière, son élevage, ne le ferait-elle pas ?

Les conditions ne seraient pas réunies et il faudrait encore discuter : j’ai l’impression de revivre les débats sur la loi ÉGALIM ! Qu’a-t-elle apporté au statut de l’éleveur ? Les éleveurs de ma circonscription me répondent : rien.

M. Julien Aubert. On vous avait prévenus !

M. le rapporteur. Quelles solutions a-t-elle prévues pour résoudre dans la durée la question des transitions ? Je n’en vois pas qui soit à la hauteur d’une véritable transition de société.

La proposition de loi fait de l’éleveur, de l’agriculteur la figure centrale. Est-il normal que, sur 100 euros dépensés dans l’agroalimentaire, 6 ou 7 euros seulement lui reviennent ? Pas du tout ! Avec cet argent, il ne fait que ce qu’il peut. C’est à la collectivité de lui donner les moyens de satisfaire nos exigences et de fixer des objectifs conformes aux évolutions de la société ainsi que de la science.

Oui, la science a évolué récemment et nous a sortis du détestable postulat de Descartes qui a longtemps plombé la France sur les questions de bien-être animal. Des scientifiques parmi les plus reconnus de notre époque ont signé la Déclaration de Cambridge sur la conscience, les travaux en éthologie sur la conscience et la souffrance animales d’ingénieurs et de spécialistes de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe) et d’ailleurs ont montré à quel point la frontière est bien plus fine que ce que l’on croyait.

Cette évolution scientifique accompagne une prise de conscience sociale. Certains de nos collègues ont bien expliqué en quoi elle s’inscrit dans une transformation globale de notre société et de son économie, et nécessite un changement de paradigme.

En Bretagne, en effet, il fut un temps où l’industrialisation de l’élevage porcin misant sur l’essor de la production d’une viande de basse qualité semblait une bonne idée. On se rend compte aujourd’hui que ce mode de production n’est pas compatible avec les exigences éthiques en matière animale et qu’il faut aider le secteur à investir pour s’adapter. C’est là exactement le sujet du film Au nom de la terre. Les élevages traditionnels que M. Benoit a évoqués me sont familiers : natif de la compagne corrézienne, je vivais à quelques mètres des vaches et des cochons, et je me promenais bien souvent en forêt avec un marcassin en laisse… Un tel lien entre l’humain et l’animal n’existe plus, si bien que l’on a besoin de le repenser autant que les circuits courts et la proximité dans notre rapport à l’agriculture et à l’élevage.

M. Benoit a fait allusion à M. Xavier Niel. Celui-ci aurait pu se passer de l’image qu’il a promue avec « Les nouveaux fermiers ». Il n’a réussi qu’à faire du tort à la cause animale. Je ne nie pas sa sincérité, car il n’a pas besoin de la viande végétale pour devenir riche. Pour ma part, je ne crois pas à la viande végétale. Pour moi, la France est une grande nation agricole et d’élevage, et a vocation à le rester. J’espère qu’elle donnera l’exemple en adoptant les meilleures pratiques du monde, en accord avec les évolutions sociétales et scientifiques, ce qui implique les activités de transport, d’échange et d’achat de bêtes, dont les règles économiques internationales devront être révisées.

M. Aubert a malicieusement relevé la référence à Peter Singer. J’aurais effectivement pu l’éviter et je ne l’aurais pas cité si j’avais eu conscience des polémiques qui ont suivi.  Je ne l’ai d’ailleurs pas fait dans mon propos liminaire. J’appelle cependant votre attention sur son ouvrage La libération animale qui, outre sa rigueur philosophique, présente l’intérêt de faire parler des faits souvent tirés des rapports techniques du secteur de l’élevage lui-même.

La vision que je défends s’inscrit dans le périmètre de la pensée d’Élisabeth de Fontenay, qui nous rappelle l’importance du lien entre humain et animal sans chercher le moins du monde à tracer un signe égal entre les deux.

L’objet de la proposition de loi n’est pas de distribuer des bons et des mauvais points, ni de jeter les uns contre les autres. Il est d’accompagner la transition de notre société. Dans un contexte d’urgence écologique, on a besoin de repenser l’écologie ; dans un contexte de souffrance économique, on a besoin de repenser l’économie. Dans un contexte de souffrance du monde de l’élevage et de l’agriculture, nous avons besoin d’accompagner les éleveurs et les agriculteurs pour qu’ils retrouvent dans notre société la place qu’ils doivent avoir : la première, celle qui nourrit et satisfait notre besoin le plus fondamental d’êtres humains.

La commission en vient à l’examen des articles.

II.   Examen des articles

Article 1er : Création d’un fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal

La commission examine l’amendement CE22 de Mme Aurore Bergé.

Mme Aurore Bergé. Il s’agit de préciser l’article 1er de la proposition de loi en créant un comité garant de la bonne exécution des dispositions relatives au bien-être animal du volet « Agriculture et alimentation » du plan de relance.

Trois députés et trois sénateurs y siègeraient, à titre bénévole, de manière à ce que nos travaux d’évaluation et de contrôle soient particulièrement bien assurés sur cette question.

M. le rapporteur. Vous entendez remplacer le fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal prévu au premier alinéa de l’article par un comité de suivi.

Sur le principe, un comité de suivi est une bonne chose, même si le monde politique en compte globalement trop. En outre, des parlementaires siègent déjà dans certaines instances traitant de la question animale – moi-même, je siège, avec mon collègue Loïc Dombreval et le sénateur Arnaud Bazin au comité d’éthique de l’Ordre des vétérinaires.

Surtout, j’appelle votre attention sur le fait que sans moyens, rien ne pourra se faire. Il faut des moyens pour accompagner les placements des animaux des cirques, pour créer des refuges pour les cétacés des delphinariums, et encore plus pour l’élevage. J’ai relevé, tout à l’heure, l’insuffisance de ceux que le Gouvernement avait mis sur la table. Bien plus que 250 millions d’euros, ce sont des milliards qu’il faudra mettre en musique dans les années qui viennent, pour partie issus de subventions, pour partie issus des filières elles-mêmes.

En réécrivant l’article 1er, vous voulez supprimer le nerf de la guerre : l’argent. J’y suis défavorable.

M. Julien Dive. L’article renvoie à un décret les modalités de mise en place du fonds. Quelles pistes avez-vous en tête, Monsieur le rapporteur, pour l’abonder ?

Mme Delphine Batho. Le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) actuellement discuté en séance publique prévoit de supprimer de très nombreux comités de ce genre. Je ne comprends donc pas et tiens à pointer la contradiction, qui s’est également manifestée sur le projet de loi relatif aux néonicotinoïdes.

S’il ne s’agit que de suivre l’application de la proposition de loi, cela pourra notamment se faire au travers du rapport sur la mise en application de la loi. Le Parlement peut, en outre, créer sa propre instance de suivi.

La vraie question est donc celle des moyens, le risque étant, s’agissant d’évolutions au long cours qui nécessitent un cadre spécifique, qu’ils soient remis en cause à chaque loi de finances.

M. Julien Aubert. Pourquoi ce fonds est-il placé auprès des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement et pas auprès de celui de l’économie ou du budget également ? Le dispositif pèsera en effet principalement sur des filières qui peuvent dépasser le cadre de l’agriculture. Les delphinariums relèvent ainsi plutôt d’activités de tourisme, celui-ci étant du ressort de Bercy.

Mme Aurore Bergé. Le projet de loi ASAP, supprime non pas l’ensemble des comités de suivi mais seulement ceux qui ne produisent pas d’effet.

Nous avons souvent considéré que nous ne disposions pas, au sein de cette assemblée, de moyens suffisants pour contrôler et évaluer l’exécution de la loi. Un tel comité permettrait le suivi effectif auprès des ministères concernés, qui sont bien ceux de l’agriculture et de l’environnement. La trajectoire « Bien-être animal 2021-2025 » sera bientôt présentée par le ministre de l’agriculture en lien avec l’ensemble des filières, et les delphinariums relèvent directement du ministère de l’environnement.

Quant aux moyens, nous avons renforcé, au travers des différentes lois de finances rectificatives (LFR) que nous avons votées, ceux de certains lieux qui rencontraient des difficultés pour alimenter ou pour soutenir leurs animaux, qu’il s’agisse des zoos, des refuges ou même des cirques. Le plan de relance prévoit également des moyens très conséquents sur les mêmes sujets. Nous avons donc des moyens clairement financés et budgétés.

Pour ce qui est de la manière dont vous envisagez de financer votre fonds, Monsieur le rapporteur, je vous laisse répondre à notre collègue Julien Dive.

M. Bastien Lachaud. J’avoue ne pas comprendre l’amendement, sauf s’il s’agit de vider totalement la proposition de loi et de la détricoter dès l’article 1er.

On ne peut pas vouloir lutter contre la souffrance animale sans prévoir les moyens nécessaires à la transition pour les humains qui vivent, par exemple, de l’élevage pour la fourrure ou des cirques. Nous avons besoin de planifier, d’où la nécessité d’un fonds pérenne, indépendant d’un plan de relance ou de LFR.

M. le rapporteur. J’ai déjà donné certains éléments concernant l’abondement du fonds : il proviendra pour partie de subventions –  pourquoi pas d’une fraction des 250 millions d’euros réservés par le ministre à l’amélioration du bien-être animal ? –  et pour partie d’autres mécanismes. On peut penser à une partie de la politique agricole commune (PAC) une fois qu’elle aura été révisée, ou des marges des distributeurs ou des industriels, sur lesquelles il faudra bien revenir : on ne peut pas se satisfaire d’un système dans lequel l’agriculteur ou l’éleveur ne reçoit que 6 % à 7 % de la valeur.

Le ministre de l’agriculture me le disait hier, l’enjeu majeur est le rapport de forces avec les grands acteurs économiques des filières, et en particulier ceux de la grande distribution. Les débats amorcés dans le cadre d’ÉGALIM vont continuer : qui dit tensions et influence dit, à la fin, redistribution, pourquoi pas sous forme de taxe. Je vous engage à examiner ce que nos voisins allemands mettent en place pour leur filière porcine.

Comme le disait Mme Batho, nous avons besoin d’un outil de financement pérenne vers lequel les éleveurs, ou tout acteur économique, savent pouvoir se tourner pour trouver de l’aide pour investir dans l’amélioration du bien-être animal. Il faut être cohérent. Les éleveurs, comme la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), nous le disent très clairement : le bien-être animal, c’est de l’argent. Cela me paraît simple.

La commission adopte l’amendement et l’article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement CE34 de Mme Typhanie Degois tombe.

Article 2 (articles L. 214-9 et L. 214-9-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Interdiction de l’élevage et de l’abattage d’animaux dans le but d’obtenir de la fourrure

La commission examine l’amendement CE23 rectifié de Mme Corinne Vignon.

Mme Corinne Vignon. L’amendement des députés LaREM vise à interdire la création, l’agrandissement et la cession des élevages de visons d’Amérique destinés à la production de fourrure. La fourrure est le produit de la souffrance animale causée par le nombre d’animaux enfermés, les cages grillagées qui blessent les pattes ou encore la grande monotonie de l’environnement. Dans leur milieu d’origine, les visons ont un espace vital qui peut s’étendre sur plusieurs kilomètres carrés. Ces animaux nocturnes, solitaires et semi-aquatiques parcourent des cours d’eau sur des kilomètres. Comment les élevages pourraient-ils respecter leurs besoins physiologiques ? Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Autriche, la Croatie, le Japon, la Bosnie-Herzégovine et la République tchèque en ont fini avec l’élevage d’animaux destinés à la fourrure. La France ne doit pas rester à la traîne en matière de législation animale. Nous devons entendre la voix des 86 % des citoyens qui souhaitent l’arrêt de ce type d’élevage.

Argument supplémentaire, dans les fermes de visons aux Pays-Bas, le coronavirus s’est propagé comme une traînée de poudre, contaminant plus de quarante élevages. Compte tenu des suspicions de transmission du virus de l’animal à l’homme, et inversement, plus de 1 million d’animaux ont été gazés depuis le début du mois de juin. L’Espagne a également abattu 100 000 visons d’un élevage de l’Aragon, où sept employés et près de 90 % des animaux avaient été testés positifs en juillet. Les recherches menées depuis ont montré que les visons se transmettent le virus entre eux.

La France compte quatre élevages de visons. Dans le but de préserver les emplois et de permettre aux éleveurs de préparer leur reconversion, l’amendement ne demande pas la fermeture immédiate des élevages existants.

M. le rapporteur. J’approuve les motifs que vous invoquez. Il est temps, en effet, de mettre fin à ces élevages anachroniques. Cependant, votre amendement m’inspire quelques réserves.

D’abord, vous ne prévoyez pas de sanction, ce qui affaiblit singulièrement le dispositif et lui confère un caractère essentiellement déclaratoire. Ensuite, vous ne mentionnez que l’élevage et non, comme je le propose, l’abattage d’animaux pour fournir de la fourrure. Enfin, vous restreignez le champ de l’interdiction au seul vison alors qu’on commercialise aussi en France la fourrure du lapin Orylag. Près de chez nous, au Danemark, existent des élevages de renards. En quoi votre amendement empêcherait-il de réintroduire, un jour, en France, l’élevage du renard pour commercialiser sa fourrure ? La société rejette, de manière générale, l’élevage en vue de la fourrure. Je ne comprends donc pas pourquoi vous limitez l’objet de l’amendement au vison d’Amérique. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement s’inscrit dans la droite ligne de l’amendement de Mme Bergé, qui vient d’être adopté. Comme La République en Marche a décidé de supprimer tous les fonds nécessaires à la transition et à l’accompagnement des éleveurs, elle ne propose pas l’interdiction de l’élevage de fourrure d’ici à janvier 2025. Elle espère peut-être qu’un jour, cela s’arrête. Ces deux amendements démontrent la volonté de La République en Marche de ne pas avancer sur la question de la souffrance animale, ce qui est déplorable.

M. Julien Aubert. Je ne suis pas certain que s’exprime encore, au sein de la société, le désir de porter de la fourrure, si ce n’est, peut-être, parmi les générations les plus anciennes.

En réalité, qu’est-ce qui nous gêne ? Est-ce le fait d’élever des visons ou d’autres animaux de manière quelque peu industrielle, ce qui les coupe de la nature et les fait souffrir ? Est-ce le fait de les tuer ou simplement de les élever ? On pourrait considérer que si, demain, quelqu’un élevait des visons dans la nature pour les tuer et récupérer les peaux, cela s’inscrirait dans le cadre d’une activité économique acceptable.

Il faut s’interroger sur les objectifs poursuivis par l’article 2 et l’amendement. À titre personnel, ce qui me choque, c’est qu’on fasse souffrir des animaux pour mener à bien une activité non essentielle. Mais si l’on jugeait condamnable le seul fait d’élever et de tuer des animaux, on mettrait en cause toute la filière de l’élevage en France.

Quand on envisage une mesure, il faut bien peser ses conséquences sur d’autres secteurs économiques. En l’occurrence, je pense à des activités qui ne sont pas évoquées dans le texte mais qui, demain, pourraient être concernées, par application du principe d’égalité.

M. le rapporteur. Au cours des dernières décennies, les mentalités évoluant, le port de vêtements en fourrure naturelle provenant d’animaux élevés à cette fin n’est plus considéré comme chic. La production française de vison part à 90 % à l’exportation pour alimenter des collections de luxe. La société juge la souffrance animale disproportionnée au regard de cet usage, d’autant plus qu’elle est évitable : on peut remplacer la fourrure par des matières synthétiques. Le fait que l’élevage ait pour finalité la fourrure est un élément central de l’article.

D’autres articles concernent d’autres pratiques. Dans le domaine de la chasse, sont visées certaines pratiques où il n’y a pas d’intérêt à réguler mais qui causent de la souffrance qui pourrait être évitée. La proposition de loi ne remet pas en cause la légitimité de la chasse conventionnelle, mais seulement celle de certaines pratiques.

Mme Corinne Vignon. Le lapin Orylag est, au contraire du vison, un animal domestique. Par ailleurs, le vison est un mammifère nocturne et semi-aquatique, ce qui n’est pas totalement le cas du lapin. Je conteste qu’on puisse abattre un animal pour sa seule fourrure, sans consommer sa chair. L’amendement n’évoque pas l’abattage, car ce n’est pas l’élément central. Ce qui est primordial, ce sont les conditions dans lesquelles les animaux sont élevés, et leur destination.

M. le rapporteur. Dans les reportages que j’ai pu voir, il ne m’a pas semblé que les élevages de lapins Orylag étaient particulièrement respectueux du bien-être animal. Par ailleurs, la rédaction que vous proposez n’empêcherait pas la réintroduction un jour, en France, de fourrures d’autres animaux, tels le renard.

Mme Corinne Vignon. Il n’existe plus, dans notre pays, d’élevage de renards. Je suis convaincue que l’adoption de l’amendement empêcherait leur réintroduction.

M. le rapporteur. C’est votre conviction mais, à mon avis, il est toujours mieux de le préciser dans la loi.

La commission adopte l’amendement et l’article 2 est rédigé.

Après l’article 2

La commission est saisie de l’amendement CE28 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam. Alors que 91 % des Français sont opposés au commerce de la fourrure, ils ne sont pas toujours très bien informés de la présence de fourrure dans les vêtements. Il faut regarder l’étiquette, parfois à l’intérieur de l’article. Je propose de faire figurer la mention « présence de fourrure animale » sur l’étiquette du prix, que le vêtement soit acheté en magasin ou sur internet, pour que le consommateur ait l’information la plus transparente possible.

M. le rapporteur. L’article 12 du règlement n° 1007/2011 du 27 septembre 2011 prévoit l’indication de la présence de fourrure ou de cuir sur l’étiquetage. Votre amendement souhaite aller plus loin, en faisant figurer l’information à côté de l’affichage du prix. J’y suis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 (article L. 413-5 du code de l’environnement [nouveau]) : Interdiction des spectacles d’animaux vivants

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CE26 de Mme Typhanie Degois, qui fait l’objet du sous-amendement CE54 du rapporteur, l’amendement CE24 de Mme Laëtitia Romeiro Dias, qui fait l’objet des sousamendements CE53 et CE55 du rapporteur, et l’amendement CE25 de Mme Samantha Cazebonne, qui fait l’objet du sous-amendement CE52 du rapporteur.

Mme Typhanie Degois. L’exploitation des animaux sauvages dans les cirques a vocation à être interdite d’ici à cinq ans. Je salue cette proposition, les conditions de vie dans ces établissements étant incompatibles avec les besoins physiologiques, mentaux et sociaux de ces mammifères, comme l’a confirmé la Fédération des vétérinaires d’Europe. Afin d’amorcer cette transition, il faut arrêter de délivrer des certificats de capacité et d’autorisation d’ouverture aux établissements itinérants recourant à des animaux non domestiques. Tel est le sens de l’amendement CE26.

Mme Laëtitia Romeiro Dias. « On peut juger de la grandeur d’une nation par la façon dont les animaux y sont traités ». Ces mots de Gandhi, prononcés il y a plus de soixante-dix ans, trouvent un écho chez beaucoup de Français. Aujourd’hui, nos concitoyens ne veulent plus voir des éléphants acrobates, des tigres cascadeurs, au prix d’une vie de dressage et d’enfermement. Ces animaux fascinants, nous les aimons, nous les admirons, mais nous leur devons surtout protection. Leur place est dans la nature, pas dans une cage. Après deux ans de travaux collectifs menés avec mes collègues sur ce sujet, concrétisés par la proposition de loi que nous avons publiée il y a quelques mois, nous souhaitons traduire dans la loi cette évolution sociétale. Par l’amendement CE24, nous souhaitons mettre fin à la détention des animaux sauvages dans les cirques, à une échéance de deux à cinq ans en fonction des espèces concernées.

Le monde du cirque ne nous a pas attendus pour évoluer. J’ai une pensée pour M. André-Joseph Bouglione, qui a eu le courage de se remettre en question et d’adopter le modèle du cirque sans animaux, malgré tout l’amour qu’il leur porte. Il n’a pas eu besoin de notre intervention, car il sait, comme de nombreux autres circassiens, que les arts du cirque sont infiniment plus que l’exhibition d’animaux sauvages. C’est ce message que je voudrais que nous transmettions à travers notre proposition.

Mme Samantha Cazebonne. Semaine après semaine, un nombre croissant de villes françaises interdisent l’installation de cirques mettant en scène des animaux sauvages ou domestiques. Vingt-huit pays ont, d’ores et déjà, totalement prohibé la présence d’animaux dans ces établissements. La Fédération des vétérinaires d’Europe, qui rassemble plus de 200 000 professionnels de la santé animale, a recommandé en 2015 « à toutes les autorités compétentes européennes et nationales d’interdire l’utilisation de mammifères sauvages dans les cirques itinérants dans toute l’Europe, compte tenu de l’impossibilité absolue de répondre de façon adéquate à leurs besoins physiologiques, mentaux et sociaux ».

L’amendement CE25 vise donc à limiter, à terme, l’utilisation, dans les établissements de spectacle itinérants, d’animaux appartenant à des espèces non domestiques, selon le degré d’incompatibilité de leur détention avec leurs besoins biologiques. Il laisse le temps aux acteurs concernés d’évoluer vers des cirques sans animaux.

M. le rapporteur. Aucun des trois amendements ne me semble pleinement satisfaisant. Une première grave difficulté est que vous supprimez purement et simplement les dispositions de la proposition de loi relatives aux cétacés. Je ne le comprends pas, car elles figuraient pourtant bien dans les annonces que la ministre de la transition écologique a faites, le 29 septembre. Pourquoi voterions-nous une loi qui irait moins loin que les annonces du Gouvernement, alors même que le Parlement a un rôle d’aiguillon ?

L’amendement CE26 n’indique pas de délai, si bien que les interdictions de détention entreraient en vigueur dès la promulgation de la loi. Or il faut laisser une période de transition pour que les acteurs aient le temps d’évoluer vers un cirque sans animaux. Par ailleurs, on ne voit pas très bien comment on pourrait opérer la distinction entre les animaux visés au I et au II. Quant au III, alors qu’il prévoit que les certificats de capacité et les autorisations d’ouverture ne sont plus délivrés dès lors qu’ils concernent les animaux d’espèces non domestiques, il mentionne aussi que les autorisations d’ouverture déjà délivrées seront abrogées dès le départ des animaux. Or on ne saurait concevoir la validité de telles autorisations pour des activités interdites par la loi.

Je ne peux que souscrire à l’objet de l’amendement de Mme Cazebonne. Plusieurs aspects me gênent, cependant. Pourquoi l’entrée en vigueur des interdictions d’acquisition et de reproduction est-elle fixée respectivement à six mois et à un an à compter de la promulgation de la loi ? Les associations que nous avons auditionnées plaidaient pour que ces interdictions interviennent le plus tôt possible. On connaît l’existence de trafics de jeunes animaux pour attirer la foule et donner une certaine coloration au spectacle. Cela se développe de façon assez malsaine. Comme je le propose dans un amendement, les interdictions d’acquisition et de reproduction doivent entrer en vigueur dès la promulgation de la loi.

L’amendement de Mme Romeiro Dias est le plus proche de ce qui me paraît souhaitable, même s’il supprime, comme les précédents, les dispositions relatives aux cétacés. Certaines espèces de cétacés, à l’état naturel, parcourent des dizaines de kilomètres chaque jour, plongent, nagent, ont une activité qui n’est en rien comparable à celle à laquelle ils sont réduits dans le cadre de leurs misérables conditions de détention. Il faut agir vite. Tant au regard du droit de l’animal que sur le plan politique, je ne comprends pas pourquoi nous serions moins-disants que Mme Pompili.

En outre, l’amendement me semble insuffisant, car il n’interdit pas à l’établissement itinérant d’acquérir de nouveaux spécimens et d’assurer la reproduction des animaux.

Le sous-amendement CE53 vise à rétablir les dispositions relatives à l’interdiction de la reproduction et de la détention des cétacés, en miroir de celles que vous proposez pour les espèces non domestiques détenues dans les établissements itinérants. Dans l’esprit des mesures suggérées par Mme Cazebonne, le sous-amendement CE55 vise à interdire l’acquisition et la reproduction d’animaux dont la détention est interdite, dès la promulgation de la loi.

Je suis défavorable aux amendements CE26 et CE25, et favorable à l’amendement CE24, sous réserve de l’adoption des sous-amendements CE53 et CE55.

M. Julien Aubert. À la différence du vison pour lequel il n’y a pas de demande sociale, dans le domaine du cirque, il y a un public. Des milliers d’enfants s’émerveillent encore de découvrir une tradition. Pour certains, c’est la seule manière de voir un animal sauvage – tout le monde n’a pas les moyens de s’offrir un voyage en Afrique.

On parle ici d’espèces non domestiques, mais c’est l’homme qui décide de domestiquer ou non. La domestication a d’ailleurs permis au cheval de survivre. De même, on doit se réjouir que les zoos d’Europe abritent certains animaux sauvages qui se font parfois massacrer dans leurs pays d’origine. Où est la frontière ? Si c’est le fait que des animaux ne vivent pas dans leur environnement naturel, pourquoi ne vous intéressez-vous pas au husky, qui peut parcourir plus de 100 kilomètres par jour dans son habitat naturel ? Les zoos et les aquariums, qui présentent parfois des requins – espèce qui parcourt aussi des centaines de kilomètres par jour –  seront-ils, demain, frappés de fermeture ? Vous attaquerez-vous, demain, aux animaux domestiques ? Des gens détiennent chez eux des serpents, des iguanes, qui sont des animaux sauvages domestiqués. Il faut être très clair et expliquer quel critère marque la frontière.

Selon moi, il ne faut pas oublier la tradition. En aseptisant les cirques, on risque de faire disparaître une tradition qui a émerveillé des milliers d’enfants. Ce n’est pas pour autant qu’il faut enfermer les animaux dans de petites cages. Des normes existent, qui valent autant pour les animaux domestiques que pour les animaux sauvages.

Mme Delphine Batho. J’aimerais que nos collègues qui proposent de réécrire l’article 3 puissent donner au rapporteur leur point de vue sur ses sous-amendements.

J’aimerais aussi comprendre pourquoi, si ce n’est pas involontaire, les cétacés et les delphinariums sont exclus des dispositions proposées, en contradiction avec les annonces faites par le Gouvernement cette semaine. Assurément, la place d’un dauphin ou d’une orque n’est pas en captivité pour participer à des spectacles.

Enfin, j’appelle l’attention sur la rédaction des amendements mentionnant les spectacles itinérants : d’un point de vue juridique, elle pourrait être interprétée comme autorisant des spectacles fixes d’animaux sauvages. Si, comme je le pense, ce n’est pas votre intention, vous devriez, me semble-t-il, corriger cela.

M. Bastien Lachaud. Votre position concernant les cétacés est pour le moins incompréhensible. Alors que la population soutient massivement l’interdiction de ces pratiques qui révoltent, alors que la ministre de la transition écologique a annoncé la fin du recours aux animaux sauvages, les députés LaREM, dans leur entreprise de destruction systématique de la proposition de loi, continuent à vouloir autoriser la détention des cétacés.

Il existe une tradition de cirque sans animaux. Le Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, qui est l’école nationale de formation des circassiens, n’en compte pas. Dans leur majorité, ces arts se pratiquent sans animaux. La demande sociale en faveur de la présence d’animaux dans les spectacles est de moins en moins forte. Mieux vaut aller voir un animal sauvage dans un zoo, qui contribue à la préservation des espèces et offre à ses pensionnaires de meilleures conditions de vie, qu’un spectacle qui, la plupart du temps, ridiculise l’animal et a un impact social. Les enfants ne sont pas seulement émerveillés, ils ont aussi une vision de l’animal comme étant dépourvu de sentiments, contrairement à ce qu’énonce la loi. Pour toutes ces raisons, il faut suivre l’avis du rapporteur.

M. Vincent Ledoux. Toutes les traditions se valent-elles ? Sont-elles toutes porteuses de valeurs positives ? Selon le romancier polonais Kazimierz Brandys, la tradition est « la somme des valeurs vieillies ». Réinterroger la tradition est une forme de modernité, une manière de suivre l’évolution de la connaissance scientifique. À propos de souffrance animale, Boris Cyrulnik, dont les avis sont, me semble-t-il, incontestés et incontestables, considère que les animaux « ont les mêmes zones d’émotion et de mémoire que les humains. Lorsqu’on pique ou coupe un animal, les mêmes substances chimiques d’alerte agissent sur les mêmes zones cérébrales. » Tout est dit ! Aller voir un spectacle qui met en scène un animal n’est tout simplement plus conforme à l’éthique de notre société. Les traditions sont faites pour être dépassées et transcendées.

M. Le président Roland Lescure. L’adoption de l’un des trois amendements en discussion commune ferait tomber les autres amendements portant sur l’article 3. Je vous invite à ce que nous ayons, au préalable, le débat le plus complet possible.

M. Fabien Di Filippo. Une imprécision du texte pourrait se révéler dangereuse pour les établissements zoologiques à caractère fixe et permanent. C’est pourquoi mon amendement CE10 tend à instaurer des exceptions au profit de ces acteurs économiques importants, qui participent à l’attractivité de nos territoires ruraux. Le débat en cours fait abstraction du travail remarquable accompli tous les jours de l’année par les équipes de soins, dans ces parcs où la plupart des animaux évoluent en semi-liberté, de même que du rôle fondamental que jouent ces institutions. Elles participent autant à la conservation des espèces et à la préservation de la biodiversité, financent et préparent des opérations de réintroduction en milieu sauvage, qu’elles contribuent à éduquer nos enfants au respect de la nature et des espèces animales. On ne peut pas laisser ces acteurs au bord du chemin, même à une échéance de cinq ans. D’ailleurs, l’État leur confie des animaux saisis parce qu’il sait, pour les contrôler étroitement, qu’ils s’en occuperont bien, sans même qu’ils reçoivent les financements nécessaires.

La logique selon laquelle toute captivité est néfaste est sans fin. Fonctionnant par généralisation, elle ne se préoccupe pas de la qualité du travail accompli par les équipes. Demain, on décidera pour les particuliers qui a le droit d’avoir des animaux, selon qu’il loge dans un appartement ou une maison. Ce sont plusieurs siècles de cohabitation entre l’homme et l’animal qui seront remis en question.

Mon amendement CE11, quant à lui, concerne la reproduction des cétacés dans les parcs aquatiques. À titre d’exemple, dans le Marineland d’Antibes, les grands dauphins ont une espérance de vie plus longue que dans le milieu sauvage. Ce parc n’abrite que des animaux qui y sont nés et y ont grandi : ils ne peuvent pas être réintroduits dans un milieu naturel.

M. Julien Aubert. Il faut distinguer entre « sentiment » et « sensibilité » : l’homme éprouve des sentiments, comme l’amour ou la joie, tandis que l’animal a une sensibilité. Reconnaître à l’animal la capacité d’avoir des sentiments revient à en faire l’égal de l’homme. Ce n’est pas parce que nous avons les mêmes zones cérébrales que nous avons les mêmes droits. Dans la nature, les animaux souffrent parfois ; ils peuvent être attaqués ou tués. L’animal n’a pas conscience que ce qu’on lui fait est mal, contrairement à l’homme. C’est cette différence qui nous renvoie à notre propre humanité. C’est au nom de cela que j’entends discuter des amendements.

Le débat sur le cirque recouvre l’activité du domptage. Il faut être cohérent. Dans un film de cinéma, on est bien content de voir des animaux à l’écran – ils sont domptés. Si vous considérez que le domptage est en soi quelque chose de mal, il faut vous attaquer à Hollywood !

Enfin, la place qu’on accorde aux pratiques minoritaires renvoie à la démocratie, autrement dit au respect par la majorité de la minorité. Ce n’est pas parce qu’une tradition est minoritaire, qu’elle déplaît à une majorité de gens que cela justifie qu’on la supprime. Dans le cas contraire, on risquerait d’aseptiser le pays. Beaucoup de choses sont, de loin, incompréhensibles, et de près, essentielles. Les Nîmois ont une vision de la corrida assez différente de celle des Bretons, par exemple. Je pourrais citer des dizaines de cas similaires.

M. Matthieu Orphelin. J’appuie la demande de Mme Delphine Batho. Il faut que l’on comprenne pourquoi nos collègues de LaREM entendent faire disparaître, par la rédaction proposée, les dispositions relatives aux cétacés, contredisant ainsi totalement les annonces faites par la ministre de la transition écologique lundi dernier.

Mme Anne-Laure Blin. Au-delà de la tradition, il existe une demande d’un certain public pour la participation des animaux aux spectacles de cirque. Les cirques sans animaux éprouvent de grandes difficultés financières. Peut-être ne rencontrent-ils pas le public escompté ?

Mme Sophie Auconie. Cet article ne doit pas s’appliquer aux parcs zoologiques, qui sont extrêmement réglementés, tant sur le plan international – à travers le règlement de l’Organisation mondiale de la santé animale et de nombreuses directives européennes – que national, régi par des dispositions du code civil, du code de l’environnement et du code rural et de la pêche maritime. Il est essentiel de mesurer combien les parcs zoologiques participent à la conservation des espèces animales, à l’étude scientifique de celles-ci, à la préservation de la biodiversité, ainsi qu’à l’éducation des visiteurs. Il n’existe pas d’argument scientifique objectif démontrant que la vie dans une institution zoologique compromet le bien-être des cétacés. Leur présentation participe à la pédagogie, à la sensibilisation de millions de personnes, alors que leur écosystème est particulièrement menacé. Je demande à ce qu’on soit très vigilants sur ces sujets.

Mme Aurore Bergé. Il n’est évidemment pas question pour nous de revenir sur notre engagement en faveur de la protection des cétacés. Nous souhaitons l’inscrire dans la loi et comptons mettre à profit le temps qui nous sépare de la séance publique pour améliorer la rédaction de l’amendement. Si la loi doit être votée – et telle est notre intention –, nous entendons faire en sorte qu’elle traite du sujet, conformément aux engagements clairs pris par Mme la ministre de la transition écologique. Il n’y a aucune ambiguïté dans notre position.

Si nous souhaitons limiter le champ d’application des dispositions aux établissements itinérants, c’est pour une raison simple : 99 %, sinon davantage, des cirques possédant des animaux sauvages sont itinérants. C’est la détention de certains animaux que nous voulons encadrer, en vue de l’interdire, en aucun cas l’activité circassienne, qui est une activité culturelle essentielle.

Nous prenons note des préoccupations exprimées à propos des parcs zoologiques, mais il s’agit de deux activités bien distinctes. Les cirques utilisent les animaux dans le seul but d’en faire une forme de commerce, et leur infligent des conditions de détention qui ne sont absolument pas appropriées. Dans les parcs zoologiques, notamment ceux gérés par l’Office national des forêts (ONF), on ne peut douter du traitement respectueux des animaux. On ne peut placer sur un pied d’égalité les parcs zoologiques et les cirques.

Nous soutenons l’amendement de Mme Romeiro Dias, qui vise à mettre un terme à la pratique de la détention d’animaux non domestiques en vue de leur exposition et de leur exhibition des animaux dans des spectacles itinérants. Nous souhaitons aller plus loin, lors de l’examen du texte en séance publique, sur la question des cétacés. Enfin, nous distinguons l’activité des cirques de celle des parcs zoologiques, qui sont un outil de pédagogie essentiel.

M. le rapporteur. Je maintiens que l’amendement de Mme Romeiro Dias offre la rédaction la plus proche de celle qu’il convient d’adopter, et qu’il faut le sous-amender afin de maintenir dans la proposition de loi les dispositions relatives aux cétacés. Si nos débats ont lieu en commission puis en séance publique, c’est précisément pour que nous puissions élaborer une première version avant de l’améliorer en séance publique. Du point de vue du message envoyé aux associations et à ceux qui se battent depuis tant d’années pour les cétacés, il serait très incongru que nous adoptions en commission une position moins-disante que celle adoptée par Mme la ministre de la transition écologique il y a quelques jours.

On m’oppose qu’il faut du temps pour travailler l’amendement et améliorer sa rédaction, mais cela fait des années que le sujet est sur la table ! Un décret portant sur les cétacés a été publié en 2015, avant d’être invalidé. Nous avons auditionné des représentants des associations, notamment C’est Assez ! et Sea Sheperd. Tous ont été reçus à deux reprises par chacun des quatre derniers ministres de l’environnement, et le problème n’est toujours pas réglé ! Nous parlons de quelques dizaines d’individus. C’est invraisemblable ! Après toutes ces années de tergiversations, on ne peut pas nous dire qu’une semaine de travail supplémentaire est nécessaire avant d’inscrire une disposition dans la loi. Un groupe de travail a été constitué, des études et toutes sortes de travaux ont été publiés au cours des dernières années !

S’agissant de l’évolution des mentalités au sujet de la sensibilité animale, je salue la très intéressante contribution à la discussion de M. Julien Aubert. La question de la conscience animale fait bel et bien débat. Les chercheurs de l’INRAe tiennent aujourd’hui des propos qu’ils ne tenaient pas il y a quelques années. Les éthologues disent des choses incroyables. Voyez les travaux de Frans De Waal sur les primates, dont il affirme qu’ils ont le sens de l’humour et éprouvent de l’attachement les uns envers les autres. On sait que les groupes de grands primates ont une organisation sociale très complexe. Et Jane Goodall a révélé l’incroyable organisation politique des chimpanzés, qui ont leurs coups de théâtre, leurs coups d’État et leurs complots. À présent, les chercheurs considèrent que les mammifères ont tous une conscience, ainsi que les poulpes – ne me demandez pas pourquoi !

Le monde animal a encore beaucoup à nous apprendre, pourvu que nous portions sur lui un regard ouvert et sincère, sans partir du présupposé qu’un mur se dresse entre les animaux et nous. Pour peu que nous adoptions cette démarche, nous en tirerons des profits significatifs. J’évoquais tout à l’heure le cas du cochon : les valves cardiaques que l’on en tire sont très précieuses en médecine, et cet animal permet de progresser dans la connaissance des mécanismes de la conscience animale. Tout cela permet aussi d’en savoir davantage sur nous-mêmes, en prenant l’animal comme un miroir. Il en découlera un enrichissement, non seulement intellectuel mais aussi technique, de notre façon de vivre.

Nous sommes sans doute quelques-uns ici à avoir lu dans notre enfance les livres de Konrad Lorenz. Depuis lors, l’éthologie a fait des progrès extraordinaires, au point de figurer parmi les formations les plus appréciées, les plus intéressantes et les plus utiles dans le domaine de l’élevage.

S’agissant de la détention d’animaux par les cirques, la tradition n’exclut pas la prise de conscience, de la société comme des circassiens eux-mêmes. M. André-Joseph Bouglione, que nous avons entendu en audition, raconte dans un ouvrage récent comment, issu d’une famille de circassiens, il a longtemps tenu pour acquis le comportement des animaux, considérant, par exemple, que le balancement des éléphants à l’arrêt était une façon de signifier qu’ils étaient sereins et apaisés. Un jour, il a compris qu’il s’agissait au contraire d’un trouble obsessionnel compulsif qui masquait leur terrible ennui.

Une prise de conscience est possible. Il ne s’agit pas ici de jeter la pierre à quiconque, ni de distribuer bons et mauvais points, mais de prendre acte d’une évolution, d’une prise de conscience des acteurs concernés et de la société en général.

La question des cirques comporte aussi un enjeu économique. Dès lors que tant de municipalités, dont certaines de grande taille, refusent d’accueillir des spectacles mettant en scène des animaux sauvages, et que tant de pays les interdisent, il est clair que les spectacles d’animaux sauvages n’ont pas d’avenir économique. En revanche, les spectacles humains, les spectacles de chevaux, les spectacles d’animaux domestiques en ont un. Nous sommes nombreux à avoir apprécié l’incroyable poésie émanant des spectacles de Bartabas, du Cirque Plume ou du Cirque du Soleil, pour n’en citer que quelques-uns. Tous reposent sur l’ingéniosité, l’acrobatie et le talent humain. Tel est, j’en suis convaincu – et de nombreux circassiens avec moi –, l’avenir du cirque.

S’agissant de la question des zoos, j’aurais été favorable à ce que nous examinions les amendements qui s’y rapportent, ceux de M. Travert et de Mme Auconie, par exemple. Le débat est subtil, car bonnes et mauvaises pratiques se côtoient dans les zoos. Toutefois, ce sujet doit plutôt être abordé dans le cadre des thèmes de la maltraitance ou la bientraitance des animaux, de diversité génétique, de l’éducation des visiteurs et de la pédagogie. De surcroît, les zoos fonctionnent en réseau. La France ne peut pas mener des actions en la matière sans qu’elles soient au préalable coordonnées à l’échelle internationale. En somme, il s’agit d’un sujet bien plus complexe que celui des cirques.

Je suis favorable à l’amendement de M. Travert, l’ironie étant que, si nous adoptons celui de Mme Romeiro Dias, auquel je suis également favorable, il tombera. Du point de vue de la rigueur et de la légistique, il y a là, me semble-t-il, un point du texte à améliorer. Finalement, le flou demeurera au sujet des cétacés comme des zoos, sans compter la désagréable impression de ne pas savoir exactement quels sont les rôles respectifs du Parlement et du Gouvernement en la matière.

De surcroît, si nous adoptons l’amendement de Mme Romeiro Dias, certains de ceux que j’aurais aimé défendre tomberont également. Aussi, avant que nous ne votions, j’aimerais les évoquer, afin de porter à la connaissance de nos collègues les sujets importants qu’ils abordent, et dont il ne faudrait pas qu’ils passent à la trappe au motif que nous adopterions un amendement à la hâte.

M. le président Roland Lescure. Voilà qui est un peu cavalier, Monsieur le rapporteur ! Il me semble que nous prenons le temps de débattre.

M. le rapporteur. Je vous le concède, Monsieur le président.

M. le président Roland Lescure. Vous pourrez, bien entendu, aborder les deux sujets en question, sachant qu’avant l’examen du texte en séance publique, nous aurons l’occasion d’y travailler à nouveau.

Mme Delphine Batho. Monsieur le président, je demande une suspension de séance. Parfois, discuter plus directement permet de faire avancer le débat à pas de géants et de gagner beaucoup de temps.

Les travaux, suspendus à douze heures trente-cinq, reprennent à douze heures quarante.

M. Matthieu Orphelin. Pour le groupe Écologie Démocratie Solidarité, deux points importent particulièrement : réintégrer dans la proposition de loi les dispositions relatives aux cétacés et préciser clairement que les parcs zoologiques n’entrent pas dans son champ. Si nous parvenons à un accord sur ces deux points, tant mieux ! Je me félicite du travail collectif mené pendant la suspension de séance.

Mme Sophie Auconie. J’aimerais évoquer l’Association française des parcs zoologiques, dont je fais régulièrement venir les représentants à l’Assemblée. Présidée par M. Rodolphe Delord, elle exploite notamment le ZooParc de Beauval. Je vous conseille de vous y rendre, chers collègues, pour mesurer combien les espèces animales y sont particulièrement protégées, et même aimées des soigneurs et des vétérinaires. L’environnement y trouve son compte ; ainsi, le dôme équatorial est chauffé par les déjections des éléphants.

Cette association contribue à faire fermer les zoos qui ne respectent pas les animaux et la réglementation. En engageant des procédures, elle contribue à sensibiliser le Gouvernement et à dénoncer les mauvaises pratiques. Il faut mesurer à quel point ils se préoccupent du bien-être animal et travaillent à faire en sorte que les zoos de nos territoires et d’ailleurs en Europe se montrent à la hauteur des enjeux de la conservation animale, du bien‑être animal et de la pédagogie en la matière. Je salue l’esprit d’ouverture dont font preuve la majorité et le rapporteur sur ce point.

Mme Aurore Bergé. Pour que les choses soient claires, mieux vaut qu’elles soient écrites. Nous voterons donc l’amendement de Mme Laëtitia Romeiro Dias, qui traduit les engagements de la ministre de la transition écologique en matière de détention et d’exposition des animaux sauvages dans les spectacles itinérants proposés par les cirques.

Nous voterons également le sous-amendement CE53, car nous souhaitons, comme vous, mettre un terme à la détention des animaux dans les delphinariums. Nous agirons en faveur des cétacés dès à présent, afin de ne laisser planer aucune ambiguïté vis-à-vis des associations concernées, quitte à préciser les choses si besoin est.

S’agissant des parcs zoologiques, nous distinguons clairement entre la façon dont les animaux sont considérés et exploités dans les cirques, d’une part, et le respect qu’on leur porte dans les parcs zoologiques, d’autre part, ceux-ci s’inscrivant dans les enjeux de biodiversité aussi bien que d’éducation de nos enfants. Nous tiendrons compte de la distinction relevée par Mme Auconie lors de nos travaux en séance publique.

M. le rapporteur. Je me réjouis de cette avancée – où l’on voit que le débat parlementaire est utile ! Dès à présent, il importe de rassurer les associations de protection des cétacés et de leur adresser un message clair, tout en assurant la parfaite cohérence de nos décisions avec les annonces de Mme Pompili. Je remercie la majorité du soutien qu’elle apporte au sous-amendement CE53.

Je maintiens le sous-amendement CE55 sur l’interdiction immédiate de l’acquisition et de la reproduction de certaines espèces d’animaux non domestiques, qui constitue aussi une revendication forte des associations concernées.

Les amendements CE26 et CE25 sont retirés.

La commission adopte le sous-amendement CE53 et rejette le sousamendement CE55.

Elle adopte l’amendement CE24 sous-amendé.

En conséquence, les amendements identiques CE1 de M. Stéphane Travert et CE14 de Mme Sophie Auconie, CE10 de M. Fabien Di Filippo et CE41 et CE42 du rapporteur tombent.

La commission est saisie des amendements identiques CE11 de M. Fabien Di Filippo et CE16 de Mme Sophie Auconie.

M. Fabien Di Filippo. Il s’agit d’exclure du champ de la proposition de loi la reproduction des cétacés en captivité. Je maintiens ma position, même si elle ne fait pas l’unanimité : le travail mené dans ce cadre est de qualité.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CE40 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’interdire dès la promulgation de la loi la reproduction d’animaux non domestiques détenus au sein des cirques. Cette mesure est cohérente avec l’interdiction des spectacles d’animaux ayant recours à des espèces non domestiques.

Ces animaux présentent une très forte consanguinité, en raison de la fréquence des croisements entre des individus peu nombreux. Si les zoos participent à la préservation de la biodiversité, on ne peut pas en dire autant des cirques. En outre, on y constate certains comportements répréhensibles en matière de reproduction animale, notamment des trafics d’animaux, jeunes pour la plupart, formant une véritable économie parallèle de la reproduction des animaux détenus dans les cirques.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CE43 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il prévoit une même entrée en vigueur de l’interdiction de la détention en captivité des cétacés et de celle de l’interdiction des spectacles, soit dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi. L’une et l’autre ne peuvent être dissociées.

Mme Laëtitia Romeiro Dias. J’appelle votre attention sur la discordance entre votre amendement et les annonces de Mme la ministre de la transition écologique. Les délais qu’elle a annoncés sont plus courts, notamment pour certaines espèces, dont les orques, dont l’interdiction en captivité est prévue dans un délai de deux ans, et non cinq.

Tel qu’il est rédigé, votre amendement amène à opter pour le moins-disant. Peut‑être vaudrait-il mieux le retirer en vue de le travailler à nouveau d’ici à l’examen du texte en séance publique.

M. le rapporteur. Entendu, chère collègue. J’aurai plaisir à retravailler l’amendement avec vous, compte tenu de l’importance du sujet.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 3 ainsi rédigé.

*

*     *

La commission poursuit l’examen des articles de la proposition de loi relative à de premières mesures d’interdiction de certaines pratiques génératrices de souffrances chez les animaux et d’amélioration des conditions de vie de ces derniers (n° 3293).

Article 4 (articles L. 424-4 et L. 428-3-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Interdiction de la chasse à courre, pratiques équivalentes et chasses dites traditionnelles

La commission examine les amendements identiques CE18 de M. Alain Perea, CE20 de M. Julien Aubert et CE30 de M. David Corceiro.

M. Alain Perea. Monsieur le rapporteur, j’ai écouté ce matin avec beaucoup d’intérêt vos propos et leurs nombreuses références à la littérature et la statistique. Après toutes les théories que vous avez citées sur la chasse à courre, je m’étonne que vous n’ayez pas rappelé que la chasse est, avec la religion et l’amour, le thème qui depuis toujours a le plus inspiré les artistes…

À l’approche très théorique que vous avez de la chasse, pour donner le change, si vous m’autorisez cette expression issue de la chasse à courre, je voudrais opposer le travail que je mène depuis des années sur le terrain, avec les chasseurs, qu’ils chassent à courre ou autrement.

Les chasses que vous voulez interdire ont un point commun : elles n’ont pas d’incidence sur la régulation des populations animales. Mais lorsque l’on rencontre les chasseurs et que l’on connaît ce monde, on se rend compte que la chasse est avant tout un sujet culturel. Peu importe qu’elle ne concerne pas la majorité de la population française, urbaine ou rurale : notre pays se doit de s’occuper des cultures, qu’elles soient minoritaires ou majoritaires.

Cet article 4, outre qu’il manifeste un déni de la culture d’une partie de sa population, fourmille de contresens et d’erreurs. Vous proposez par exemple d’interdire la chasse à cor, qui n’existe pas. Vous ne posez pas la question de la chasse aux chiens courants, alors qu’il s’agit d’un enjeu important. Enfin, au motif d’interdire les pratiques cruelles à l’endroit des animaux, vous vous en prenez à des activités sans lien avec les animaux, comme la poursuite de leurres.

Pour toutes ces raisons, je ne propose par mon amendement CE18 de supprimer l’article 4.

M. Julien Aubert. Mon amendement CE20 a le même objet. Je crains que l’on applique ici la « technique du salami », bien connue de la dictature soviétique après 1945 : on commençait par éliminer les opposants de droite, puis du centre, puis les socialistes. À la fin, il ne restait plus que les communistes… Là, on s’attaque d’abord à la chasse à courre, puis à telle autre, puis à telle autre… Un jour, toutes les chasses finiront par être interdites.

Nous devons avoir un débat clair. N’étant pas chasseur, je peux comprendre ceux qui estiment que la chasse est une pratique barbare ; ce que je n’admets pas, c’est que, sous des prétextes fallacieux, on tente d’interdire la chasse en faisant mine de ne pas le vouloir, comme on le fait pour les chasses traditionnelles.

Parmi celles-ci, la chasse à la glu, pratiquée dans cinq départements de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, a fait les choux gras de la presse, avant d’être interdite tout récemment. Elle ne saurait être comparée à la chasse à courre ; ce n’est d’ailleurs pas une chasse à proprement parler, mais plutôt une technique de capture qui existe depuis les Grecs. Les oiseaux capturés servent ensuite d’appelants – nous ne sommes pas des barbares, nous ne les mangeons pas embrochés vivants… On ne les tue pas, on les garde. C’est pourquoi je souhaiterais que nous restions objectifs.

La question au cœur de notre débat est de savoir comment concilier le respect de traditions qui peuvent être minoritaires avec la règle démocratique, sans tomber dans l’intolérance. L’article 4 essaie de se saisir d’un sujet symbolique, mais sans réfléchir d’abord à la relation de l’homme à l’animal sauvage, notamment à la place de la chasse dans notre culture, nos traditions, et à son importance pour la vie du monde rural où elle reste en hiver la principale activité. C’est une réalité, peut-être méconnue par les urbains.

M. David Corceiro. Vous excuserez ma naïveté de jeune parlementaire, mais la qualité de nos échanges de ce matin m’avait donné le sentiment que nous œuvrions tous pour le bien-être animal. Malheureusement, ce sentiment, je l’ai perdu en lisant l’article 4 et tout ce qu’il englobe : il n’aboutit qu’à diviser encore plus les Français, entre les pour et les contre la chasse. Même si le fondement du projet de loi est bienveillant, dans la période que nous traversons, il est crucial de ne pas prendre de mesures qui viendraient opposer, une fois de plus, les Français. Je le dis d’autant plus simplement que je ne suis pas chasseur. C’est pourquoi je demande, par mon amendement CE30, la suppression de cet article.

M. Cédric Villani, rapporteur. Merci pour cette entrée en matière ! Vous teniez à préciser les choses ; moi, je commencerai par exprimer ma stupéfaction…

Dans votre exposé sommaire, Monsieur Perea, vous affirmez que cet article est rédigé de façon approximative ; il ferait mention d’une chasse « à cor » qui n’existe pas. Mais l’article L. 424-4 du code de l’environnement mentionne la chasse à courre, à cor et à cri, par opposition à la chasse dite à tir – les trois vont ensemble, c’est le terme juridique. Où avez-vous trouvé mention d’une chasse « à cor » ou d’une chasse « à cri » dans mon texte ? Nous parlons systématiquement de « chasse à courre, à cor et à cri » dans ce texte, en toute cohérence avec les dispositions du code de l’environnement.

Monsieur Corceiro, vous me montrerez aussi en quoi l’article 4 traite de la chasse en général. Il n’y est fait mention que de la chasse à courre, à cor et à cri, des modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels, et de la vénerie sous terre. L’article 4 a été rédigé précisément pour ne pas s’attaquer à la chasse dans son entièreté, mais pour isoler des pratiques qui relèvent de souffrances évitables ou de traditions qui, pour diverses raisons, ont fait leur temps.

Je vous remercie, Monsieur Perea, d’avoir bien insisté sur le fait que la question de la régulation ne se pose pas en la circonstance : on entend souvent cet argument dans la défense de la chasse à courre ou de la vénerie sous terre. Et pour revenir à l’imprécision, il m’a semblé voir passer récemment un argumentaire, envoyé aux députés, expliquant que cet article s’attaquerait à la pratique de la chasse aux chiens courants. Vous l’avez dit vous-même : l’article 4 ne fait nulle mention des chiens courants et ne change rien à l’usage du chien courant pour la chasse à tir.

Vous avez raison de dire que les chasses dont il est question représentent une toute petite partie des prélèvements – 5 à 7 %, au total, moins de 1 % pour la chasse à courre. Les arguments sont ailleurs, et d’abord dans la cruauté et la souffrance évitable. On ne saurait en douter en voyant les images de ce cerf acculé à Compiègne, que j’évoquais ce matin. L’animal a été traqué, longuement. À ceux qui soutiendraient que son état s’explique par les réflexes, une réaction physiologique normale, que l’animal est entraîné à résister à une telle poursuite, je réponds que l’état de ces animaux a été vérifié scientifiquement : on a fait des prélèvements sur une bête qui venait d’être abattue, on a dosé le cortisol, on a bien relevé des anomalies au niveau des globules blancs, on a bien vu qu’elle n’était pas du tout dans son état normal – le bon sens aurait suffi. A-t-on le droit, pour maintenir une tradition, une culture certes, d’agir ainsi aux dépens d’un animal, de le traquer et de le faire à l’évidence souffrir ?

La société a évolué sur ce point. Il fut un temps où l’on considérait cette pratique comme légitime et inscrite dans une démarche naturelle ; ce n’est plus le cas. Les sondages vont dans ce sens : depuis des années, 80 % des Français se disent opposés à la chasse à courre. Le chiffre est stable, et le même chez urbains et chez ruraux : ce n’est pas du tout une question de culture rurale.

S’agissant des pratiques qu’évoque M. Aubert, il n’est qu’à voir la démographie : quand on a perdu un tiers de nos oiseaux champêtres en une quinzaine d’années, encourager les chasses aux oiseaux est bien la dernière chose à faire… Qui plus est, ces chasses ne sont pas sélectives. Le petit piège, le petit filet, le lacet, qu’il s’appelle la matole, la pante, la tenderie ou le gluau, selon le territoire où vous vous trouvez, ne choisit pas de capturer une grive plutôt qu’un autre oiseau.

Enfin, cela fait quarante ans que l’Union européenne a banni ces pratiques, quarante ans que la France est dans l’illégalité, ou plutôt dans un régime dérogatoire : c’est culturel, c’est le fait de personnes âgées, cela finira par passer, continuons, continuons… Mais quarante ans, cela fait deux générations ! Voulons-nous être les derniers en Europe à maintenir ces usages, à une époque où l’harmonie avec la nature et la diminution des souffrances sont perçues par toute la société comme des principes fondamentaux ?

Nos voisins ont tous interdit la chasse à courre, y compris l’Angleterre, censée être la patrie de la chasse et des traditions, en 2005, il y a déjà quinze ans. Les temps, la société, l’empathie à l’égard les animaux, les attentes de la société changent. Nous avons besoin de nous concentrer sur des pratiques respectueuses des animaux comme de la culture, qui nous est si chère. Nous devons certes la mettre en valeur, mais pas au préjudice de la biodiversité ni d’un animal aux dépens duquel nous nous amusons.

M. Matthieu Orphelin. Chers collègues, n’entretenez pas la confusion par vos arguments. L’article 4 n’est pas anti-chasse : il va uniquement contre les pratiques dites traditionnelles, même si le mot est peu adapté. Puisque M. Perea nous invite à la précision – M. Cédric Villani en a fait preuve dans sa réponse –, débattons du contenu de l’article, travaillons dans le détail, par exemple sur la liste des pratiques concernées. Est-elle trop complète ou trop courte ? Faut-il autoriser certaines techniques alternatives comme la chasse au leurre, sans mise à mort d’un animal ? Nous ne pouvons pas rester aussi en retard. Des solutions alternatives existent, dont nous devons discuter – je l’ai fait avec les chasseurs à courre de ma circonscription. La France a quinze ans de retard, y compris sur l’Angleterre. Les Françaises et les Français sont choqués par les images qu’ils découvrent, comme celles de ce cerf acculé à Compiègne, ou de vénerie sous terre, en particulier de chasse aux blaireaux et aux renards.

Nous devons avancer sur ces sujets, tout en maintenant le débat sur ce dont il est réellement question dans cet article : la fin de certaines pratiques cruelles, improprement appelées « traditionnelles », qui ne respectent pas le bien-être animal.

Mme Anne-Laure Blin. Je ne crois pas qu’il faille légiférer contre ces pratiques au motif que nos voisins l’auraient fait, ni céder au sentimentalisme et à de grandes images qui suscitent l’émotion. À Compiègne, le responsable de la chasse s’est particulièrement mal comporté, et ce n’était pas la première fois qu’il faisait preuve d’un comportement déviant : il doit être sanctionné, mais la sanction ne doit viser qu’une seule personne. En tant que législateur, nous devons faire confiance aux acteurs, même si certains ont des comportements inadmissibles. Les chasseurs, avec lesquels j’ai longuement discuté, en ont parfaitement conscience.

Cet article laisse de côté certains sujets, notamment le statut des conducteurs de chiens de sang, qui varie en fonction des schémas cynégétiques départementaux. Leur métier consiste à traquer les animaux blessés dans les forêts, souvent à la suite d’un choc avec un véhicule automobile. Ces animaux souffrent et sont incapables de survivre dans les bois. Ce qui pose, là aussi, la question du bien-être animal.

Plus généralement, il faut prendre en compte le contexte économique, particulièrement préoccupant. Les conséquences de cet article en seront d’autant plus lourdes et bon nombre de personnes se retrouveront au chômage. Est-ce vraiment la priorité du moment ?

M. Julien Aubert. Chaque année, 75 millions d’oiseaux sont tués par des chats quand la chasse à la glu représente un quota de 35 000, en diminution d’année en année. Ne venez pas me dire, Monsieur le rapporteur, que la mort des oiseaux est liée à la chasse à la glu. Je pourrais vous suivre, à la limite, si les oiseaux capturés étaient tués ; on pourrait craindre une disparition d’espèces. Or il ne s’agit pas d’une chasse, mais d’une capture sélective : quelqu’un surveille les gluaux et libère les oiseaux qui ne l’intéressent pas – il faut une grive pour la chasse à la grive, capturer les autres oiseaux ne sert à rien.

Qui plus est, on oublie que les postes de surveillance de la chasse à la glu sont utiles, y compris pour la régulation, car les chasseurs à glu sont les seuls à venir dans ces espaces désolés, et à les débroussailler. Ils font par ailleurs d’excellentes vigies contre les incendies, et leur rôle ne s’arrête pas là.

Il ne faut donc pas vendre l’interdiction de la chasse à la glu comme la réponse à la mortalité des oiseaux. Effectivement, certains chasseurs ne respectent pas les règles. Ce sont eux qu’il faut sanctionner, et non interdire la pratique à tous à cause de la faute de quelques-uns.

Quant à l’argument de notre retard par rapport à nos voisins, sa logique m’échappe. Je n’appelle pas à une uniformisation de tous les modes, de toutes les cultures, de toutes les traditions : ce qui fait la richesse de l’Europe, c’est précisément le fait qu’elle est diverse ; ce qui tue l’Europe, c’est l’idée d’en faire un espace aseptisé où chaque pays ne parlerait plus que d’économie et s’efforcerait de ressembler aux autres. Je soutiens que la chasse à la glu n’a rien à voir avec la chasse à courre et que cette tradition ne tue pas les oiseaux.

M. le président Roland Lescure. Rappelons que l’article 4 porte plutôt sur la chasse à courre que sur la chasse à la glu…

M. Julien Aubert. Il interdit pourtant bien la chasse des oiseaux de passage par l’utilisation des modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels !

Mme Delphine Batho. En 2008, les chasseurs avaient été exclus du Grenelle de l’environnement ; en 2012, ils ont été réintégrés dans le dialogue environnemental, en particulier sur la biodiversité. Il est regrettable que les évolutions récentes, particulièrement dans les choix du Gouvernement, nous ramènent des années en arrière et marquent un recul par rapport à tout ce qui commençait à bouger dans le discours et les actions des chasseurs sur la nécessaire protection de certains espaces protégés, ou leur rôle dans la protection des milieux et des habitats. Dans ma circonscription, essentiellement rurale, nous faisons un excellent travail avec la fédération de chasse pour planter des haies, et amener le monde agricole à abandonner des pratiques destructrices de la biodiversité.

Nous en reparlerons lundi, mais la loi de 2016 interdisant les néonicotinoïdes avait été adoptée ici même avec les voix de certains collègues très engagés dans la défense de la chasse : ils avaient compris que, sans les insectes, fondements de la biodiversité, l’ensemble des écosystèmes s’effondrent : sans insecte, il n’y a pas de petit gibier, disaient-ils.

Défendre systématiquement toutes les pratiques, y compris les plus cruelles ou celles qui choquent parce qu’elles ne sont pas sélectives, me paraît dangereux et conduit à une impasse. Car cette défense en bloc ne pourra que nourrir dans la société un rejet en bloc de la chasse, une incompréhension de ce qu’elle est historiquement en France depuis la Révolution française, et du rôle qu’elle pourrait jouer dans la reconstruction de certains écosystèmes, particulièrement dans les territoires ruraux.

Je vous mets donc en garde contre les conséquences du blocage que vous induisez face à des demandes incontestables de la société, qu’il s’agisse de la chasse à la glu ou de la chasse à courre.

M. Anthony Cellier. L’article 4 aborde des sujets de société. Or notre société s’interroge sur son rapport à la chasse, notamment à la chasse à courre, qui a fait l’actualité. J’ai du mal à imaginer l’enfant des années 1980 que j’étais, et le père de famille que je suis, qui a vu ces images de chasse à courre, défendre auprès de ses propres enfants l’idée qu’un cerf puisse venir mourir de faiblesse devant des caméras. En tant que parlementaire, je ne peux m’exonérer d’une discussion dans l’hémicycle sur ce sujet, comme nous l’avons ouverte ici. J’ai du mal à m’expliquer comment on pourrait refermer ce débat en adoptant simplement des amendements de suppression. Pour ce qui me concerne, je ne les voterai pas.

M. Thierry Benoit. Je souhaiterais interroger tout à la fois les auteurs de la proposition de loi et les défenseurs de la chasse à courre et de la chasse traditionnelle sur l’interdiction généralisée que prévoit l’article 4.

Les pratiques de chasse, l’idée de traquer un animal interpellent. Se pose également la question de sa mise à mort. Plutôt que d’en généraliser l’interdiction, ne devrions-nous pas interroger ces pratiques pour mieux les cerner et opérer une transition, par voie législative ou réglementaire ? En l’état, l’adoption de l’article 4 conduira à un arrêt brutal, dont on peut imaginer qu’il soulèvera bien des difficultés dans tous les territoires, notamment ruraux. Certains d’entre nous sont interpellés par celles et ceux qui pratiquent ce type de chasse.

Notre groupe, je l’ai dit dans la discussion générale, est plutôt favorable à une transition, terme que M. le rapporteur a utilisé à de nombreuses reprises. Je souhaite que nous puissions trouver les voies et moyens de cette transition, ce que ne permettra pas l’adoption de l’article 4.

M. Alain Perea. Je reviens sur l’affaire de Compiègne. Il faut savoir que les cerfs et, plus globalement, tous les gibiers, suivent des chemins de fuite. Les premiers à les retracer étaient les chasseurs, non des écologistes. Depuis des générations, il est démontré que le gibier fuit toujours par le même chemin. Et là, comme par hasard, une maison était en train de se construire sur le chemin de fuite du cerf… Certes, ces images choquent, mais posons-nous aussi la question de l’urbanisation. Et demandons-nous pourquoi, dès qu’une chasse est organisée, une foule de gens arrivent avec des caméras, pour filmer en permanence et même pour frapper les chiens !

Je suis prêt à regarder ces images avec vous, à les analyser avec ma connaissance de la chasse à courre. Peut-être, cher collègue, parviendrez-vous alors à expliquer différemment cette culture et cette tradition à vos enfants. Nous sommes capables de défendre bec et ongles certaines cultures dans notre pays qui ont des conséquences autrement plus néfastes !

Quant à l’interdiction de la chasse à courre en Angleterre, rappelons qu’elle n’avait rien à voir avec la problématique de la cruauté animale : il s’agissait d’un acte politique fort, d’un vote qui sanctionnait un affrontement entre la gauche et la droite anglaises. Ne cherchons pas à le récupérer en faisant croire que les Anglais étaient en avance sur nous dans le domaine de la condition animale. Et puis, ils ont voté le Brexit…

En sens inverse, devons-nous interdire les élevages de visons – nous l’avons fait ce matin, et j’en suis d’accord – alors que d’autres pays européens en ont toujours ? Pourquoi ne fait-on pas comme eux ? Sur ces questions, comparaison n’est pas raison.

Enfin, s’il existe une chasse vraiment sélective, c’est bien la chasse à courre. Monsieur le rapporteur, vous avez défendu ce matin le droit pour les animaux sauvages de courir. Mais on chasse à courre de nombreux animaux, depuis le lièvre jusqu’au cerf – vous en parlez beaucoup, mais le cerf est finalement très peu chassé à courre. Vous défendez tout et son contraire.

Vous nous avez invités ce matin à ne pas bâtir de murs entre les hommes et les animaux. J’aimerais qu’on ne bâtisse pas des murs entre les hommes…

Mme Yolaine de Courson. Mme Blin l’a dit, nous n’avons pas à imiter les pays européens qui ont interdit la chasse. Or la France a voté ces interdictions il y a déjà longtemps. Notre collègue Typhanie Degois, qui a récemment présenté un excellent rapport sur le sujet à la commission des affaires européennes, a remarqué que la France était championne des dérogations pour la chasse : elle en a obtenu deux fois plus que les autres pays, bien qu’elle ait voté les lois d’interdiction. Serons-nous le dernier pays d’Europe à défendre des pratiques particulièrement cruelles ?

M. Perea parle de culture. Mais la ruralité évolue, ce qui pose la question du vivre ensemble des chasseurs, des cultivateurs, des néoruraux, qui – heureusement – viennent à nouveau habiter dans les campagnes. Nous ne pouvons pas permettre à une catégorie de se livrer à des pratiques condamnées par l’Europe entière, quand d’autres n’en veulent pas. À un moment donné, il faudra bien nous pencher sur ces sujets, pour définir les chasses dont on veut, et celles dont on ne veut pas. Il y a des chasses respectueuses ; j’ai fait partie du groupe d’études parlementaire sur la chasse, mon mari et mes enfants sont chasseurs. J’ai habité vingt ans en Espagne, j’ai vu des corridas à ne plus savoir qu’en faire lorsque j’étais enfant : cela faisait partie de la culture. Mais aujourd’hui, je ne pourrais plus les voir de la même façon. J’ai également vu des chasses au blaireau ; mais comme le dit notre collègue Anthony Cellier, jamais je ne pourrai montrer cela à mes petits-enfants. Nous évoluons. La culture et la tradition, ce n’est pas fixe : c’est quelque chose qui évolue avec le temps et la sensibilité, et c’est bien pour cela que nous avons voté en 2015 une loi qui voit dans l’animal non plus une chose mais un être sensible.

Ne nous accrochons donc pas à une chasse que tous repoussent. Certains chasseurs sont respectueux des règles, d’autres moins – on a plusieurs fois tiré dans ma direction… Essayons de faire évoluer les pratiques vers une chasse respectueuse de la nature, des animaux et des règles.

M. Cédric Villani, rapporteur. De nombreux arguments ont été avancés, sur lesquels je peux parfois vous rejoindre. Mme Blin nous a ainsi invités à protéger les conducteurs de chiens de sang : je ne suis pas contre, il faut encourager les bonnes pratiques, surtout s’il s’agit de retrouver des animaux abîmés accidentellement par des voitures.

Ma collègue Yolaine de Courson l’a dit, on peut avoir une visée écologiste d’harmonie avec la nature sans forcément être contre la chasse. Dans son ouvrage des années 1960, Rachel Carson, pionnière de l’écologie, reconnaissait d’ailleurs qu’il était légitime que les chasseurs aient accès à un petit gibier, et invitait à lutter contre le pesticide DDT qui l’empoisonnait. Cela rejoint ce que disait Mme Batho sur l’analyse des députés chasseurs ayant voté, à juste titre, l’interdiction des néonicotinoïdes en 2016.

Il s’agit donc non pas de s’opposer en bloc à la chasse mais de travailler pratique par pratique, en commençant par la chasse à courre. Si j’ai bien compris ce que disait M. Perea, je devrais me réjouir que le cerf puisse courir lorsqu’il est poursuivi par les chasseurs, de la même façon que je déplorais ce matin que le lapin n’ait pas le droit de gambader… L’argument me paraît fragile ! Je ne suis pas certain de pouvoir l’expliquer à mes enfants…

Il semble aussi regretter que des caméras aient été présentes au mauvais moment à Compiègne. Ah oui, c’est dommage ! Il y a quelques jours, le président Willy Schraen donnait instruction aux chasseurs, via la fédération nationale des chasseurs, de ne pas diffuser d’images de tableaux de chasse par trop fournis. Il a raison : mieux vaut cacher les choses quand on ne veut pas qu’elles se sachent… Je ne suis pas sûr que l’argument soit très fort dans une société où tout se sait et où nous avons besoin de transparence. Et de la transparence sur la chasse à courre, il y en a eu : en 2010, l’association One Voice avait réalisé un reportage d’infiltration bien documenté sur ses pratiques ; on y voyait des faons dévorés vivants, des animaux noyés, assommés… Superbe ! Mais cela ne faisait pas très ami de la nature !

Du reste, les mêmes, autrement dit les représentants de la fédération nationale des chasseurs, ont assumé cette cruauté lors de leur audition, expliquant que la nature, elle aussi, est cruelle et que l’équipage de chiens de courre reproduit la meute de loups. Mais se prendre pour une meute de loups et partir à la chasse, est-ce un projet pour l’humanité, en 2020 ? Il y a bien d’autres moyens et d’autres façons d’apprécier la nature, de la parcourir, de l’aider, de faire tout le travail que décrivait M. Aubert, que de dresser une meute de chiens à attaquer sauvagement un animal sans défense.

Pour ce qui est de l’argument du chômage, certaines associations avancent que la chasse à courre représenterait environ un millier d’emplois ; mais à une époque où l’on a tant besoin de bras pour entretenir notre patrimoine, je ne suis pas sûr qu’ils soient forcément plus utiles d’aller tout bousculer, déranger les habitants des villes voisines ou les promeneurs dans les champs. Je le répète : 80 % des Français sont opposés à la chasse à courre, y compris dans les campagnes.

L’argumentation de M. Aubert est intéressante et, comme toujours, rigoureuse. Le volume des prélèvements n’est certes pas très important mais dans une situation d’effondrement, mieux vaut à mon sens s’en abstenir totalement : ce n’est pas parce que les chats sont très meurtriers pour les oiseaux que les humains doivent l’être aussi.

Les pratiques, quant à elles, sont variables : les appelants, explique-t-il, sont relâchés après la prise du gibier. C’est tout de même étrange : on va tuer tout un paquet d’oiseaux qu’on a attirés, et relâcher celui qu’on avait pris au départ… Mais il y a d’autres pratiques : dans les Ardennes, on pratique la tenderie, un mode de chasse qui consiste à capturer la grive au moyen de lacets qui étranglent les oiseaux, littéralement pendus. Nous nous situons là exactement dans le registre de la souffrance gratuite, sans finalité ni intérêt.

Quant à la vénerie sous terre, personne ne s’est levé pour la défendre… Le front de ceux qui prétendent que la chasse est un bloc s’effrite également dans le débat parlementaire. C’est vraiment une pratique d’un autre temps : on creuse, on envoie des chiens sous terre qui acculent le blaireau ou le renard…

M. Alain Perea. Comment capturer les blaireaux, sinon ?

M. Cédric Villani, rapporteur. Il se tue vingt fois plus de blaireaux et de renards par battues administratives que par vénerie sous terre, où le prélèvement est négligeable. Ce n’est donc pas un argument.

M. Alain Perea. Et pour ceux qui sont prélevés dans des battues ?

M. Cédric Villani, rapporteur. Selon les statistiques de l’Office national des forêts (ONF) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), 2 000 blaireaux environ sont capturés par vénerie sous terre, pour 20 000 et quelques tués dans le cadre de la chasse à tir ou régulés lors de battues.

Sans compter que la régulation des renards n’est pas forcément une bonne idée : les renards régulent les campagnols et certains rongeurs porteurs de maladies, ce qui en fait les alliés de bien des agriculteurs. De plus, lorsqu’ils sont chassés, les renards ont tendance à devenir plus prolifiques et à se répandre un peu partout.

Là encore, la plupart de nos voisins – Espagne, Pays-Bas, Belgique, Grande-Bretagne, Suisse, Portugal – ont interdit la vénerie sous terre et ne s’en portent pas plus mal : leurs éleveurs et agriculteurs ne se voient pas spécialement assaillis par les blaireaux et les renards.

Enfin, nous avons vu les images : les animaux sont souvent assommés à coups de barre de fer, de pelles, de pinces. Comme M. Cellier, je suis incapable d’expliquer à mes enfants pourquoi, en tant que législateurs, nous ne pourrions pas mettre fin à ces pratiques.

Mme Anne-Laure Blin. Vous ne pourriez pas donner d’explication à vos enfants, Monsieur le rapporteur, mais n’y a-t-il rien d’autre, dans notre société, susceptible de les heurter ? Je ne pense pas que ce soit la pratique de la chasse qui les choquera le plus !

M. Cellier a-t-il déjà participé à une chasse, sait-il quel en est le public, qu’il s’y trouve des familles et des enfants ? Je ne suis pas chasseur moi-même mais j’en ai rencontré beaucoup : je sais que la chasse est aussi un vecteur de lien social dans nos villages.

Enfin, sans lancer un grand débat sur l’urbanisation, peut-on se demander si les points de vue et les comportements des zones urbaines doivent forcément influer sur la vie de nos villages ? Certaines traditions sont peut-être étrangères aux citadins, mais appartient-il au législateur de les interdire ? Au-delà de la question de la chasse, nos décisions ont une portée générale. Or on interdit tout ! Nous devons sanctionner, durement s’il le faut, les comportements déviants, mais sans coller pour autant la même étiquette à tout le monde. La maltraitance animale doit être combattue, mais les traditions doivent perdurer.

M. Julien Aubert. Nous ne respectons pas la loi européenne, ai-je entendu. Mais il n’y a pas de loi européenne : il y a une loi nationale, votée par le Parlement français, détenteur de la souveraineté nationale. Ce n’est pas parce qu’une directive européenne approuvée par des exécutifs se retrouve, dans la hiérarchie des normes, supérieure à la loi, grâce à une Constitution votée par le peuple, que cela en fait une loi.

M. Cellier dit ne pas savoir comment expliquer tout cela à ses enfants. Il n’a qu’à allumer sa télévision pour voir la violence du monde… Ce n’est pas en niant la violence de la nature et en essayant de couper les sociétés urbanisées de ce qu’est le monde que nous aiderons nos enfants à le comprendre.

Monsieur le rapporteur, je ne parle pas des lacets des Ardennes mais des gluaux. On ne capture pas des oiseaux à la glu pour le plaisir de tuer, mais pour chasser. Ceux qui tuent pour le plaisir, nous les appelons chez nous les « viandards ». Et les chasseurs sont les premiers à les combattre.

Enfin, au lieu de chercher à faire la loi en graduant les sensibilités – ma sensibilité est plus grande que la tienne, et comme on est plus nombreux, on va te l’imposer –, restons-en à ce vieux principe : la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres, car le principe d’égalité s’applique entre êtres humains. La chasse doit s’arrêter là où débutent la propriété privée et la liberté de ceux qui veulent se promener en toute quiétude. La chasse n’a pas à être pratiquée sans limite. En revanche, les propos que j’ai entendus sur la corrida illustrent parfaitement ce que j’ai appelé la « technique du salami ». Nous arriverons sans doute un jour à ce type de débat sur ce qui, en l’occurrence, ne relève pas d’une tradition, mais d’une culture.

M. Frédéric Descrozaille. Vos propos sur les caméras et sur ce qui devrait rester caché, Monsieur le rapporteur, montrent que vous n’avez pas compris ce qu’a dit M. Perea, à moins que vous n’ayez fait semblant de ne pas le comprendre.

Vous savez fort bien qu’il y a dans le lobby – parce que c’en est un – anti-chasse une forme d’agressivité et d’hostilité à toute forme d’exploitation des animaux. Politiquement, j’estime qu’il faut se battre contre ces formes de militantisme, qui instrumentalisent le particulier pour faire croire que c’est une généralité. C’est dans ce sens que M. Perea a relevé la présence de caméras au moment opportun, dans le seul but de faire du buzz à partir d’un fait isolé, certes objectivement choquant.

Je suis très heureux que l’on se saisisse de ce débat de société : nous sommes dans notre rôle. Je voterai en faveur de cette proposition de loi, mais je voterai aussi pour la suppression cet article car nous avons encore besoin de nous parler et j’entends trop de préjugés et d’a priori. Il n’y a pas, d’un côté, les vertueux, sensibles à la cruauté à l’endroit des animaux, et, de l’autre, les ringards nostalgiques du passé.

La notion même de cruauté renvoie à deux choses bien différentes : le plaisir à faire du mal – en l’occurrence, il n’en est question ici –, et la violence faite à celui qui est sans défense ; mais cela, c’est la malédiction de tous les animaux. Et vous qui êtes un scientifique, Monsieur le rapporteur, vous le savez : le règne animal est régi par l’hétérotrophie, autrement dit les animaux ne peuvent pas se nourrir par eux-mêmes, contrairement aux plantes. On peut même considérer que la locomotion est une compensation du handicap, du point de vue de l’évolution. Mettre à mort, c’est cruel ; et cette cruauté-là, il ne faut pas la nier. C’est en cela nous avons encore besoin de parler de ces sujets.

M. Vincent Ledoux. Je suis en total désaccord, mais il faut mettre ce débat sur la place publique et ne rien cacher.

Mme Blin laisse entendre que l’on voudrait opposer l’urbain au rural. Surtout pas ! Ce serait un enfermement, un grand malentendu. Chasse et lien social, cela ne veut absolument rien dire. Théodore Monod qui, depuis ma jeunesse, m’a beaucoup inspiré, se demandait si nous étions capables de sortir de nos instincts ancestraux, car ce ne sont pas les bons instincts. Je me souviens de mes cours d’histoire : la justice médiévale autorisait la torture pour trouver la preuve. Mais, depuis, nous avons progressé en humanité : c’est ce qu’on appelle l’humanisation. Pour moi, interdire la chasse à courre ou la vénerie sous terre, c’est-à-dire des formes cruelles de chasse, c’est faire progresser notre humanisation.

La vraie question est la suivante : sommes-nous capables de dépasser la sensiblerie pour aller vers quelque chose qui soit plus juste, autrement dit le respect des autres êtres vivants ? Sommes-nous capables de reconnaître que l’homme n’est pas un être supérieur qui aurait le droit de vie et de mort sur tout le monde, et de repenser ces jeux sanglants ? Les animaux ne demandent pas qu’on les aime, mais simplement qu’on leur foute la paix… Sommes-nous capables, tous ensemble, de tendre vers « un idéal d’active sympathie et de respect pour les autres êtres vivants » ? Tout est dit dans cette phrase de Théodore Monod.

M. Anthony Cellier. Ai-je participé à des chasses ? Oui. Et des chasseurs dans le Gard, on en a, j’en compte dans ma famille. Nous avons aussi des sangliers à ne plus savoir qu’en faire. J’ai envoyé à M. Perea des vidéos de mon gazon qu’ils ont totalement défoncé ! Les chasseurs sont-ils utiles ? Oui. En avons-nous besoin ? Oui. Le problème n’est pas celui de la chasse en général mais de chasses traditionnelles particulières. C’est parfaitement explicité dans l’exposé des motifs,

Pour ce qui est de ma sensibilité, expliquer à mes enfants ce que l’homme est capable de faire au XXIe siècle, c’est mon affaire personnelle en tant que père ; en tant que père député, j’ai la possibilité d’en débattre, de peser sur le débat et je ne m’en priverai pas.

M. Alain Perea. Je remercie M. Descrozaille pour ses propos. Les miens avaient été déformés mais sûrement me suis-je mal exprimé, ce dont je vous prie de m’excuser.

Je voulais simplement dire que nous sommes confrontés en permanence à des personnes qui filment avec une intention précise – que je ne qualifierai pas. Je regrette, Monsieur le rapporteur, que depuis ce matin vous ne parliez que d’images vues et de livres lus. Toutes les chasses, y compris la vénerie souterraine, sont des pratiques qu’il faut vivre si on veut les comprendre. Libre à vous ensuite de les apprécier ou pas, de les défendre ou de les combattre ; mais appeler à leur interdiction pure et simple seulement après avoir regardé des images et lu des livres, jamais vous ne vous y autoriseriez dans aucun autre domaine !

Qu’il faille progresser sur certains dossiers, soit, mais donnons-nous le temps d’apprendre les cultures de certains collègues ; ce ne sont pas celles de toute la ruralité, Mme de Courson a raison, mais elles en font partie, comme elles font partie de notre pays. S’il faut légiférer un jour, faisons-le tous ensemble et non en mettant des barrières entre les gens !

M. Cédric Villani, rapporteur. Si certains ne se sentent pas liés par une directive européenne et assument de ne pas accorder d’importance à l’Europe, qu’ils écoutent au moins les Français : le rejet de la chasse à courre est massif, y compris dans le monde rural.

Certes, la nature est violente, les espèces se mangent les unes les autres : mais il en est une, à l’échelle planétaire, plus violente que toutes les autres réunies, et c’est l’espèce humaine. Et tout ce qui pourra nous faire évoluer vers cet « idéal d’active sympathie et de respect pour les autres vivants », pour reprendre la belle formule de Théodore Monod, en dépassant certains réflexes qui nous poussent à partir chasser et à faire souffrir, sera bon à prendre.

Monsieur Perea, vous m’invitez à participer à une vénerie sous terre pour voir de quoi il retourne… Pour le coup, je ne vous suivrai pas, pas plus que je ne mettrai une orque dans un petit bassin dans mon jardin pendant des années pour regarder la dose de souffrance qu’il va subir ! Il faut être cohérent : ce n’est pas la culture qui je conteste, ni l’aspect social, c’est la souffrance de ces animaux – inutile, en l’occurrence.

Madame Blin, votre argument selon lequel d’autres choses que la chasse heurteraient bien davantage notre sensibilité n’est pas très heureux. En tant que législateur, vous ne pouvez pas refuser de répondre à une question au motif qu’une autre vous semblerait plus importante : ce qui vous est demandé aujourd’hui, c’est de vous prononcer pour ou contre cet article visant à interdire la chasse à courre, des chasses traditionnelles particulières et la vénerie sous terre. Demain, ce sera une autre question, on parlera d’autres choses. Mais pour l’heure, restons-en à ce débat, d’autant plus nécessaire qu’il est resté trop longtemps souterrain.

Enfin, M. Aubert a raison : la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres. Croyez-vous que les équipages de chasse à courre ne sont pas gênants, à la ville ou à la campagne ? Un équipage au complet qui passe, cela n’a rien d’anodin, et c’est bien pour cela que les ruraux rejettent en masse la chasse à courre.

Vous l’aurez compris : j’émets un avis défavorable à ces amendements de suppression.

Mme Anne-Laure Blin. On ne gouverne pas à partir de sondages : on sait que sur certains sujets, les sondages vont dans un sens bien différent de ce qui est finalement voté.

Vous ne pouvez pas laisser penser que, parce que nous défendons la chasse, nous serions favorables à la maltraitance animale ! C’est là une position parfaitement dogmatique. J’ai explicitement dénoncé le comportement déviant de certains chasseurs et les chasseurs eux-mêmes, comme l’a dit M. Aubert, les sanctionnent au sein de leurs équipages. Vous vous trompez de débat : nous ne soutenons pas la maltraitance animale.

Enfin, l’objet de cet article est effectivement clair et limité, dites-vous ; mais justement, le sujet nécessiterait un débat bien plus large qu’un simple article d’une proposition de loi discutée dans le cadre d’une « niche » parlementaire, dans la mesure où cela met en cause des projets de société qui, effectivement, nous dépassent. Je voterai donc ces amendements de suppression.

La commission adopte les amendements CE18, CE 20 et CE30.

En conséquence, l’article 4 est supprimé et les autres amendements qui s’y rapportent tombent.

Article 5 (articles L. 214-11, L.214-11-1 [nouveau], et L. 214-3-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Interdiction progressive de l’élevage sans accès au plein air

La commission examine l’amendement de suppression CE29 de M. JeanBaptiste Moreau.

M. Jean-Baptiste Moreau. L’article 5 soulève un certain nombre de questions quant à la faisabilité des mesures proposées et à leurs conséquences économiques, sociales, sanitaires et environnementales, mais il n’y répond pas.

Les éleveurs sont en effet les premiers concernés par le problème du bien-être animal. Au-delà des aspects réglementaires, les évolutions des techniques d’élevage et des installations ont constamment amélioré depuis de nombreuses années le confort et l’atmosphère des bâtiments.

Depuis la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi ÉGALIM), les filières se sont résolument engagées dans la recherche et développement sur l’hygiène, la sécurité des bâtiments et l’amélioration du bien-être animal, comme en attestent les exemples qui ont été pris ce matin.

En 2016, 69 % des poules pondeuses étaient élevées en cage ; en 2019, 53 % d’entre elles le sont dans d’autres systèmes alors que la filière s’était engagée sur un seuil de 50 % à l’horizon 2020. Même s’il reste une marge de progression, cela montre que, lorsqu’on fait confiance aux filières et qu’on refuse une fixation de dates au doigt mouillé, cela fonctionne. C’est ce que nous avions fait avec le ministre Stéphane Travert dans le cadre de la loi ÉGALIM, dont j’étais le rapporteur. Les filières n’ont pas besoin d’une loi imposée par le haut pour agir.

Je suis né au milieu des animaux et, à entendre certains propos, je me demande franchement si j’ai ou non rêvé depuis ma naissance, tant j’ai du mal à me retrouver dans les descriptions que l’on nous fait du règne animal. Les agriculteurs veulent vivre de leur métier, et non pas de primes qui les accompagneraient vers un modèle dont ils savent d’ores et déjà qu’il ne sera pas rentable. Mais si on les oblige à sortir les animaux, les coûts de production augmenteront, et donc le prix à payer par le consommateur ; mécaniquement, des produits d’importation entreront sur le marché, y compris en provenance des autres pays de l’Union européenne, puisqu’aucun d’entre eux n’oblige à sortir les animaux. On risque ainsi de créer un système à deux vitesses avec, d’un côté, des Français qui auront les moyens de se nourrir avec des animaux français de qualité « premium » et, de l’autre, des Français plus modestes, contraints d’acheter des produits low cost d’importation qui ne satisferont à aucune norme du bien-être animal ou, pire, de la viande artificielle fabriquée par multiplication de cellules.

M. Cédric Villani, rapporteur. Les éleveurs sont les premiers concernés, nous en sommes d’accord. Nous l’avons déjà dit ce matin : c’est à eux qu’il faut donner les moyens de monter en gamme. Le bien-être animal, inutile de tergiverser, suppose de l’argent et des investissements. C’est bien la raison pour laquelle l’article 1er prévoyait la création d’un fonds, avec des moyens bien plus élevés que ceux qui sont aujourd’hui mis sur la table.

Vous évoquez une baisse de 22 %, en trois ans, de la production d’œuf en cage. Cela tombe bien : si vous rajoutez deux fois trois ans, vous arrivez quasiment à zéro en 2025, autrement dit à la date que nous proposons. À ceci près que nous ne nous contentons pas de suivre à peu près la pente naturelle que vous décrivez : nous fixons un objectif, et qui plus est à la date que propose le groupe Avril, acteur majeur du secteur.

Vous ne voulez pas d’une société à deux vitesses, dans laquelle certains pourraient se payer des produits de qualité, et les autres se contenter d’aliments à bas coût ; moi non plus. Mon projet est de faire bénéficier tout le monde d’une nourriture de qualité et précisément garantir qu’un produit labellisé en France est issu de conditions d’élevage dignes.

Et quand je parle de conditions dignes, je reviens sur le cas du cochon, encore et toujours… Des cochons, vous en avez fréquenté (Sourires), moi aussi. Sans doute en avez-vous vu et caressé bien plus que moi – cela dit sans aucune intention péjorative : c’est un animal que j’adore. Mais vous ne pouvez pas me soutenir que le cochon sur caillebotis vit dans des conditions qui lui permettent de satisfaire les besoins physiologiques propres à son espèce. Sinon, il n’y aurait pas besoin de lui couper la queue, ni de lui meuler les dents, comme cela s’est fait pendant très longtemps, ni de maintenir les truies couchées la moitié du temps.

Nous avons interrogé les responsables de la filière : 95 % des cochons sont élevés sur caillebottis. L’accès généralisé au plein air supposerait, selon eux, un investissement estimé entre 6 et 13 milliards d’euros. Quand bien même il s’agirait de 10 milliards sur vingt ans, cela représenterait 1 euro par mois et par Français… Êtes-vous disposés à consacrer trois centimes par jour afin de garantir que chaque cochon sacrifié pour être transformé en jambon dans votre sandwich, ou en tout autre chose, aura eu un accès au plein air, conformément à ses besoins physiologiques ? Posez la question autour de vous : vous me direz la réponse.

Nous parlons de transformations longues, de projets de société pour lesquels il faut se donner des moyens, faire preuve d’ambition, voir loin. Dès lors que nous fixons des objectifs environnementaux et éthiques, la société se débrouillera pour les atteindre. Prenons un exemple : l’objectif zéro carbone en 2050 que nous nous sommes fixé, et le plan qui va avec. Imaginez que nous ayons laissé les filières décarboner seules… L’objectif de décarbonation complète en 2050 oblige les différents acteurs à se positionner et à adopter des trajectoires ambitieuses. C’est bien de cela qu’il est aussi question aujourd’hui.

J’ai encore entendu cet argument de la viande végétale… Y a-t-il dans cette salle une seule personne qui y ait goûté ? Ce n’est pas dans mes plans, ni dans ceux des gens qui ont élevé la voix en faveur des animaux ces derniers temps. Et pourtant on le ressort, encore et encore…

On me parle de visées abolitionnistes : où, qui, qu’est-ce ? L’acteur associatif qui s’est montré le plus coopératif pour nous donner des informations, des plans, des estimations du nombre de centimes à ajouter par animal pour obtenir des améliorations significatives, c’est le CIWF, Compassion in world farming. Ce ne sont pas des abolitionnistes, ni des gens de la Silicon Valley, ni des adeptes de la viande végétale ; c’est une association fondée par des agriculteurs il y a cinquante ans dans le but de promouvoir les meilleures pratiques pour les êtres humains et pour les animaux. Et c’est bien cela, notre projet de société. Mais reconnaissons que, pour mener à bien une entreprise aussi ambitieuse, qui touche à l’essentiel – notre relation avec le vivant et notre alimentation –, nous pouvons et devons mettre sur la table les moyens qui s’imposent.

Mme Aurore Bergé. J’entends parfaitement qu’il faille se fixer des objectifs réalistes, à même de dégager des tendances ; il me semble que c’est ce que nous avons fait dans la loi ÉGALIM. C’est aussi ce que font nos éleveurs : de nombreux exemples montrent à quel point ils ont su s’adapter. Le cas des œufs est assez significatif : nous voulions ramener la part des œufs issus d’élevages en cage à moins de 50 % d’ici à 2022 ; nous sommes déjà à 53 %. Où en est-on dans les pays qui les ont purement de simplement interdits, comme l’Allemagne ? Ils importent 30 % de leurs œufs, et des produits bien moins respectueux des normes que nous nous sommes imposées. Même chose pour le lapin : depuis 2010, l’utilisation d’antibiotiques dans les élevages de lapins de chair a diminué de 70 %.

De nombreux exemples démontrent l’engagement très clair et très concret des filières. Je ne vois pas en quoi les contraindre davantage leur faciliterait le travail. Quand on légifère, il faut aussi savoir faire confiance, en reconnaissant les efforts déjà déployés, en leur montrant qu’on sait les évaluer, les accompagner et financer cette transition.

Il faut aussi prendre en considération l’enjeu de marché. Force est de constater que le marché du porc français ne se développe pas suffisamment. Pourquoi, malgré le Label rouge et le bio, une telle lenteur ? Parce que le prix est forcément plus élevé et que les consommateurs français ne sont pas forcément prêts à payer plus cher, ou n’en ont pas toujours les moyens. Ce n’est pas seulement une question d’accompagnement des filières : il y a aussi un enjeu de marché.

Oui, certaines situations sont intolérables et doivent être dénoncées. Et elles le sont : les filières y sont très attentives, et c’est tout l’enjeu de la trajectoire 2021‑2025 en faveur du bien-être animal, mais il faut aussi faire confiance à nos éleveurs et à nos agriculteurs. Il faut le leur dire, et pas de cette manière-là.

M. Frédéric Descrozaille. Vous avez évoqué un point important en répondant à M. Moreau, Monsieur le rapporteur. L’argument de la fierté nationale, c’est très bien, à ceci près qu’il laisse de côté la dimension européenne. Dans le marché unique, vous avez le droit de dire : « Il est frais mon poisson », ou encore : « Il est français mon poisson ». Mais vous n’avez pas le droit de dire : « Il est frais parce qu’il est français, mon poisson »… Aucune entreprise n’a le droit de faire de la publicité sur la réglementation à laquelle elle est soumise. Vous ne pouvez donc pas faire de la pub en disant que vous respectez la loi : ce serait sous-entendre que d’autres ne la respectent pas.

Au motif d’améliorer la qualité, nous n’avons de cesse de légiférer et de réglementer sur la qualité des bâtiments d’élevage – M. Moreau en sait quelque chose. Du coup, les éleveurs n’ont pas eu le temps d’amortir leurs investissements pour les mettre aux normes que les normes ont déjà changé, et qu’ils doivent investir un peu plus… Et qui plus est dans un marché européen où il est interdit de se vanter de sa propre réglementation !

Au Parlement européen, le groupe Renaissance soutient la possibilité de réserver 20 % à 30 % de la commande publique, en volume, à des produits locaux, ce que nous n’avons pas pu écrire dans la loi ÉGALIM alors que nous en avions envie. En attendant que l’on puisse communiquer sur notre réglementation, ne nous pressons donc pas pour définir ce qu’est la qualité dans la loi. La qualité, elle est payée par le marché, sinon, c’est une charge.

Dieu sait si les filières viandent doivent faire des efforts pour s’adapter aux attentes des consommateurs. Je suis le premier à le leur dire : elles doivent penser « usage » et non « carcasse ». Mais les Français devront en effet payer leur alimentation un peu plus cher, je le dis également haut et fort – c’est d’ailleurs la tendance depuis trois ou quatre ans. Méfions-nous enfin de la différence entre la déclaration et le comportement. Il y a vingt ans, les Français juraient être prêts à payer leur alimentation plus cher si les produits venaient de France, s’ils étaient sûrs de la provenance, etc. C’était purement déclaratif, cela ne s’est pas vérifié dans le caddie ; c’est seulement depuis trois ou quatre ans que les prix ont cessé de baisser. Il faut aussi accompagner la mise en marché, donc les entreprises et les filières.

M. Jean-Baptiste Moreau. Je suis désolé, Monsieur le rapporteur : vous êtes nostalgique d’une agriculture qui n’a jamais existé. On voudrait revenir à l’agriculture de nos grands-pères : chez le mien, les cochons étaient enfermés dans la cave, à côté de la réserve à patates ! Les vaches passaient tout l’hiver entravées par des chaînes qui leur blessaient souvent le cou, et cela durait quatre ou cinq mois ; elles vivent maintenant dans des stabulations libres, où elles peuvent marcher, courir et aller vers leurs veaux, qui ne sont plus attachés derrière elles.

L’agriculture à laquelle vous souhaitez revenir, c’est aussi celle qui a usé mon père et mon grand-père. Les conditions étaient indignes également pour les hommes – j’ai sorti du fumier à la brouette, et je n’ai pas envie de le refaire. Et le bien-être animal n’y gagnait rien : ce n’est pas parce que les fermes n’avaient que trente vaches qu’elles s’y sentaient mieux que dans un cheptel de cent vaches aujourd’hui. « Small is beautiful », ce n’est pas du tout la réalité scientifique de l’élevage et de l’agriculture.

Nous avons fait confiance aux filières pour la loi ÉGALIM, et nous avons eu raison, puisqu’elles ont progressé. La surface nécessaire pour élever en plein air la totalité des porcs que nous consommons est de 500 000 hectares, soit l’équivalent d’un département français. Où les trouver alors que les surfaces agricoles sont rognées tous les ans à cause de l’urbanisation ?

Certaines de ces propositions sont totalement incohérentes, c’est pourquoi je souhaite la suppression de cet article 5.

M. Cédric Villani, rapporteur. Chers collègues, certains de vos propos rejoignent parfaitement mes analyses, que vous retrouverez dans mon rapport.

Oui, la construction européenne doit avancer sur ce sujet. Cela dit, dans de nombreux cas en matière d’élevage, les améliorations ont été obtenues grâce à l’action européenne, en particulier pour l’élevage des veaux. Vous trouverez d’autres exemples dans l’excellent livre de Pascal Durand et Christophe Marie, L’Europe des animaux. Sur ce sujet, les échelons nationaux ne sont pas les plus en avance.

Des pays se lancent néanmoins. Vous parlez de la France, mais pourquoi l’Allemagne décide d’une montée en gamme et d’un grand plan pour l’amélioration du bien-être de ses porcs, et pas la France ? Pourquoi fixe-t-elle des objectifs précis de réduction du nombre de jours que les truies passent en cage, en y consacrant des moyens importants, et pas la France ?

Vous dites que je suis nostalgique d’une agriculture qui n’a jamais existé ; je suis moins expert que vous, mais il y avait des cochons à l’air libre là où j’ai vécu tout petit. Et depuis, nous avons progressé de manière très importante. Une agriculture respectueuse, qui utilise un minimum de produits phytosanitaires et un maximum de biodiversité et d’auxiliaires des cultures, qui respecte le plus possible les animaux dans leur diversité et leur individualité, n’a rien d’archaïque. Les progrès en éthologie ont été considérables, ainsi que les améliorations des rendements offerts par les méthodes respectueuses. L’INRAe collabore au programme TYFA (Ten years for agroecology), que certains d’entre vous ont pu découvrir lors des séminaires organisés par notre collègue Dominique Potier sur les travaux de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). Ce programme façonne à l’échelle européenne une agriculture respectueuse des animaux, des végétaux et des humains. C’est le genre de projets de société que nous avons le devoir de nous donner.

Le small is beautiful est un mythe, dites-vous. Mais dans certains élevages de poulets, la population atteint le million d’animaux… Mme Bergé a parlé des lapins et de la réduction de la dose d’antibiotiques, et c’est une bonne chose ; reste que dans les élevages industriels, ces lapins passent pour la plupart toute leur vie dans leur petite cage, sans pouvoir faire un bond de toute leur vie de lapin ! Évidemment on peut se dire que ce ne sont que des lapins, on n’y pense pas et on les consomme… Mais on peut aussi choisir une approche plus respectueuse.

Le député européen Pascal Durand, du groupe Renaissance, parlait de la cohorte de toutes celles et ceux qui sont d’accord pour changer, mais pas maintenant, pas ici, pas comme cela. En supprimant cet article, mes chers collègues, vous irez rejoindre cette cohorte…

M. Thierry Benoit. Nous avons débattu de ces questions de manière approfondie lors des États généraux de l’alimentation et du vote de la loi ÉGALIM qui a suivi. Je suis ces questions à l’Assemblée nationale depuis un certain nombre d’années, et j’observe que de M. Michel Barnier à M. Julien Denormandie, en passant par MM. Bruno Le Maire, Stéphane Le Foll, Stéphane Travert et Didier Guillaume, la France suit une trajectoire de montée en gamme et de recherche d’un meilleur partage de la valeur ajoutée, des producteurs aux consommateurs, de la terre à l’assiette. La France s’inscrit dans une démarche de haute valeur environnementale, de haute valeur nutritionnelle, et de haute valeur sociale, pour que notre agriculture respecte l’environnement, le bien-être animal, et nourrisse son homme, autrement dit permette aux agriculteurs de vivre de leur métier.

Il y a quelques années, les veaux de boucherie passaient trois ou quatre mois en cases individuelles. Ils sont maintenant élevés pendant six mois dans des cases collectives. C’est la filière qui, bien avant les États généraux de l’alimentation, s’est prise en main pour améliorer le bien-être animal, comme elle l’a fait dans le secteur des œufs. Les plans de filière engagés par M. Stéphane Travert ne répondent pas totalement aux attentes que vous exprimez, mais reconnaissons qu’un véritable effort est fait.

On ne peut pas imposer tous les deux ou trois ans un ajustement législatif aux agriculteurs, avec toutes les conséquences financières que cela emporte. L’agriculture française est sur la bonne trajectoire, il faut l’encourager et faire confiance aux acteurs des filières.

M. Jean-Baptiste Moreau. L’objectif de la filière du lapin était que 25 % des animaux soient en élevage alternatif en 2022, mais les lapins sont des animaux peureux, sensibles au stress. En 2017, un rapport de FranceAgriMer a revu cet objectif d’élevage en plein air en se fondant sur l’exemple de l’Allemagne ou de l’Autriche, où la mortalité était beaucoup plus importante dans les élevages en semi-plein air qu’en cage. Et un animal qui meurt n’est pas en meilleure situation de bien-être qu’un animal vivant…

M. le président Roland Lescure. Vivant, mais pas pour très longtemps…

M. Jean-Baptiste Moreau. L’agriculture ne vous a pas attendu pour changer, Monsieur le rapporteur ; elle s’adapte depuis des années à la demande du consommateur, car c’est lui qui décide en dernier ressort.

Les Allemands sont obligés de déclasser leur porc label rouge faute de trouver preneur au prix auquel il faudrait le vendre. Ils vendent en dessous de leurs prix de production et laissent le secteur industriel, qui embauche de manière conséquente, recycler la main-d’œuvre jusqu’alors employée par leur filière porcine. Autrement dit, ils acceptent l’idée d’une réduction de leur production de porc, ce qui n’est pas mon souhait pour l’agriculture française.

M. Cédric Villani, rapporteur. Certes, les choses s’améliorent en France, mais s’agissant du partage de la valeur ajoutée, sur 100 euros dépensés dans le secteur agroalimentaire, seuls 6 ou 7 euros reviennent à l’agriculteur ou à l’éleveur. Les choses bougent peut-être, mais que c’est lent ! Dans ma circonscription, un éleveur de vaches depuis plusieurs générations m’a expliqué que le veau se vend toujours au même prix, mais que l’inflation est passée par là. La valeur faciale de l’acte reste la même, mais avec l’inflation, le revenu par acte a diminué. En conséquence, il faut augmenter la production, donc le nombre de bêtes, donc la densité.

Cette surproduction se retrouve dans d’autres secteurs de notre économie, elle nous renvoie par certains côtés à nos débats sur les néonicotinoïdes et la surproduction de betteraves sucrières. Nous ne pouvons évidemment pas dissocier ces questions du modèle économique ; mais vient un moment où il faut prendre les choses en main et voir plus grand.

Je vous invite à poser la question autour de vous, à propos des trois centimes par jour et par Français nécessaires pour améliorer les conditions d’élevage des porcs. Les investissements à faire semblent importants lorsque nous évoquons des milliards, mais il ne s’agit pas de changements à faire tous les deux ou trois ans : l’article principal de cette proposition de loi prévoit un délai de vingt ans. Pour la décarbonation, nous nous sommes fixé un objectif à plus de trente ans. Vingt ans, c’est une génération, nous nous fixons un objectif en tant que société pour que les choses aient radicalement changé au terme d’une génération, y compris le statut de l’agriculteur.

J’espère bien que la situation de nos agriculteurs et de nos éleveurs va s’améliorer radicalement, car nous avons besoin de bras dans l’élevage et dans l’agriculture. Cette profession souffre, elle n’a pas été gâtée au cours des dernières années et je n’ai pas l’impression qu’ÉGALIM ait été une révolution en la matière.

Monsieur Moreau, vous me parlez de la fragilité des lapins ; j’en sais quelque chose car j’ai eu mon petit élevage de lapins dans mon jardin à une certaine époque, pour ma consommation…

M. Jean-Baptiste Moreau. Moi aussi j’ai fait des mathématiques au collège, mais ça ne fait pas de moi un mathématicien ! (Rires).

M. Cédric Villani, rapporteur. Je vous concède le point ! (Sourires.) Je reconnais là votre sens de la repartie !

Ce débat sur les lapins pourrait être résumé par cette planche de Quino, le dessinateur argentin décédé hier : un passant voit un petit oiseau exposé aux dangers de la pollution et des chats errants, et décide de le mettre dans une cage où il sera sûr que rien ne peut lui faire de mal. Le petit oiseau y meurt, ce que le propriétaire trouve complètement ingrat… Que l’on soit un animal ou un humain, il vaut mieux vivre avec certains risques que passer toute sa vie en cage. D’autant que, pour un lapin destiné à la consommation, elle a toutes chances d’être courte…

La commission adopte l’amendement ; en conséquence, l’article 5 est supprimé et tous les autres amendements qui s’y rapportent tombent.

Après l’article 5

La commission examine l’amendement CE37 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam. Le temps de transport des animaux vivants est une autre atteinte au bien-être animal. Les durées de transport excessives sont sources de stress, de blessures, douleurs et souffrances, qu’il convient de limiter. La ministre Barbara Pompili a rappelé hier au sujet des animaux de cirque transportés de ville en ville que ce traitement n’était pas compatible avec leurs besoins physiologiques. Cette préoccupation vaut pour les animaux d’élevage. Nous proposons d’encadrer les temps de transport des animaux domestiques : huit heures pour les espèces bovines, ovines, caprines, porcines et les équidés ; quatre heures pour les volailles et les lapins. Une possibilité de dérogation est ouverte si un vétérinaire atteste de la capacité des animaux à réaliser des voyages plus long.

Les contraintes du droit limitent la portée de cet amendement aux seuls déplacements en France ; j’ai conscience que ce n’est pas entièrement satisfaisant, mais ce sujet est trop important pour ne pas être évoqué.

M. Cédric Villani, rapporteur. C’est un excellent amendement, sur un problème important. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 6 : Gage

La commission adopte l’article 6, sans modification.

Elle adopte enfin l’ensemble de la proposition de loi, modifiée.

 


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   Liste des personnes auditionnÉes

 

Abolissons la Vénerie Aujourdhui (AVA)

M. Stan Broniszewski, fondateur

 

Association nationale interprofessionnelle caprine (ANICAP)

M. Jacky Salingardes, président

 

Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (INTERBEV) *

M. Bruno Dufayet, président de la commission enjeux sociétaux

Mme Marine Colli, consultante en affaires publiques (cabinet Cap !) *

 

Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS)

Mme Marion Fargier, responsable du service juridique

Mme Ariane Ambrosini, service juridique

M. Richard Holding, chargé de communication

M. Benoît Gangloff, coordinateur scientifique

 

Centre national des arts du cirque (CNAC)

M. Frédéric Durnerin, président

 

Centre national interprofessionnel de léconomie laitière (CNIEL)*

M. Thierry Roquefeuil, président

 

Centre national de référence pour le bien-être animal (CNR-BEA)

M. Alain Boissy, directeur de recherche et directeur du CNR BEA

 

Cest Assez 

Mme Christine Grandjean, présidente

 

Cirque Bormann-Moreno

M. Éric Bormann, directeur

 

Cirque Joseph Bouglione

M. André-Joseph Bouglione, co-directeur

Mme Sandrine Bouglione, co-directrice

 

CIWF France

Mme Agathe Gignoux, chargée d’affaires publiques

 

Code Animal *

Mme Alexandra Morette, présidente

 

Comité interprofessionnel du lapin (CLIPP)

M. Guy Airiau, président

 

Confédération paysanne *

M. Stéphane Galais, éleveur

 

Convergence Animaux Politique (CAP) *

M. Nicolas Bureau, responsable des affaires publiques

Coordination rurale *

Emmanuel Rizzi, vice-président

 

Ecole normale supérieure (ENS)

Mme Florence Burgat, directrice de recherche en philosophie à l’INRAE, directrice de séminaire à l’EHESS

 

Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (FICT)

M. Bernard Vallat, président

 

Fédération nationale des chasseurs (FNC) *

M. Nicolas Rivet, directeur général

Mme Constance Bouquet, directrice déléguée

 

Fédération nationale des syndicats dexploitants agricoles (FNSEA) *

Mme Marianne Dutoit, administratrice

Mme Emma Andrée, chargée de mission « qualité, agriculture biologique et bien-être animal

 

Interprofession de la volaille de chair (ANVOL) *

M. Jean-Michel Schaeffer, président

 

Interprofession française des œufs (CNPO)

M. Philippe Juven, président

 

Interprofession nationale porcine (INAPORC) *

M. François-Régis Huet, référent « bien-être animal »

 

Interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (CIFOG)

Mme Michel Fruchet, président

Mme Marie-Pierre Pé, directrice

 

Institut national de recherche pour lagriculture, lalimentation et lenvironnement (INRAe)

Mme Françoise Médale, directrice de recherche et cheffe du département « Physiologie animale et systèmes d’élevage » (PHASE)

M. Jean-Louis Peyraud, directeur scientifique adjoint « Agriculture »

Mme Cécile Arnoult, ingénieure de recherche à l’Unité mixte de recherche (UMR) « Physiologie de la reproduction et des comportements »

 

Jeunes Agriculteurs *

Mme Manon Pisani, éleveuse et administratrice, responsable du bien-être animal

M. Guillaume Defraiteur, conseiller en productions animales

 

La Fourrure Française *

M. Pierre-Philippe Frieh, porte-parole et conseiller

M. Yves Salomon, chef d’entreprise

Mme Anne-Charlotte Dudicourt, conseillère

 

Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) *

M. Allain Bougrain Dubourg, président

 

One Voice

Mme Muriel Arnal, présidente

 

Paris Animaux Zoopolis *

Mme Amandine Sansivens, présidente

 

Sea Shepherd

Mme Élodie Pouet, coordinatrice

 

Syndicat des cirques et compagnies de création (SCC)

M. Yannis Jean, délégué général

 

Syndicat français des capacitaires danimaux de cirque et de spectacle

M. William Kerwich, président

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire AGORA des représentants dintérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants dintérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) Sous-titre de l’ouvrage d’Élisabeth de Fontenay, Le Silence des Bêtes, Fayard, 1998

([2]) Audition de Mme Florence Burgat, philosophe, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe)

([3]) Homère, Odyssée, chant XII

([4]) Voir le rapport de la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français présenté par M. Jean-Yves Caullet le 20 septembre 2016 et, en particulier, le compte-rendu de l’audition de M. Stéphane Geffroy, auteur du livre À labattoir

([5]) Descartes, Discours de la méthode, 1637

([6]) Condillac, Traité des animaux, 1755

([7]) Titre d’un article d’Émile Zola publié le 24 mars 1896 dans Le Figaro

([8]) Kant, Métaphysique des mœurs (1797), II, Doctrine de la vertu, Chapitre épisodique : de l’amphibologie des concepts moraux de la réflexion, § 17

([9]) Louise Michel, Mémoires, chapitre XI, 1886

([10]) Kundera (Milan), L’Insoutenable légèreté de l’être, 1982

([11]) Ce document est consultable en ligne : http://fcmconference.org/img/CambridgeDeclarationOnConsciousness.pdf

([12]) Ce document est consultable en ligne : https://www6.paris.inrae.fr/depe/content/download/3390/33172/version/1/file/douleur-animale-rapport%5B1%5D.pdf

([13]) Le résumé de cette expertise collective est consultable en ligne : https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/esco-conscience-animale-resume-francais-8-pages.doc.pdf

([14]) Les populations de vertébrés ont été réduites de 60 % depuis 1970, d’après le rapport « Planète Vivante » publié en 2018 par le Fonds mondial pour la nature (WWF), tandis qu’un article publié par la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) en juin 2018, intitulé « The biomass distribution on Earth » soulignait que les hommes et les animaux domestiques représentaient 96 % des mammifères, les animaux sauvages ne représentant donc que 4 % de cette catégorie.

([15]) Voir infra la définition proposée pour l’élevage industriel (1 du A du II du présent rapport)

([16]) ANSES, Avis relatif au « bien-être animal : contexte, définition et évaluation », 16 février 2018. L’avis est disponible en ligne : https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2016SA0288.pdf

([17]) Notamment : Inra, 2009, Douleurs animales : les identifier, les comprendre, les limiter chez les animaux délevage. Rapport d’expertise collective. 342 p. https://www6.paris.inra.fr/depe/Media/Fichier/Expertises/Douleurs-animales/Synthese-Douleurs-Animales ; https://www6.paris.inra.fr/depe/Media/Fichier/Expertises/Douleurs-animales/Rapport-complet-Douleurs-animales (consulté le 13 juin 2018), précité

([18]) Op. cit. (p. 32)

([19]) Le texte actuel de la proposition de loi mentionne l’entrée en vigueur de la loi, ce qui pose une difficulté dans la mesure où les différentes dispositions de ladite loi ont des entrées en vigueur différentes. Un amendement de votre rapporteur permettra de clarifier ce point en précisant que cette interdiction est applicable douze mois après la promulgation de la loi.

([20]) Cette définition, qui présente des limites, fera également l’objet d’un amendement de clarification du rapporteur.

([21]) Source : Fédération nationale des chasseurs

([22]) Troisième vague du baromètre annuel « Les Français et le bien-être des animaux » mené par la fondation 30 millions d’Amis et l’Ifop, janvier 2020.

([23]) Cette proposition de loi est disponible en ligne :

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b1811_proposition-loi#

([24]) Source : syndicat des cirques et compagnies de création

([25]) Source : audition de La Fourrure Française du vendredi 25 septembre 2020

([26]) Baromètre de la fondation 30 millions d’Amis et de l’IFOP 2020, précité

([27]) Source : audition de La Fourrure Française du vendredi 25 septembre 2020

([28]) L’interdiction de l’élevage d’animaux destinés à la production de fourrure était initialement prévue pour 2024.

([29]) Source : Coopérative des éleveurs d’Orylag (site internet)

([30]) Source : La Fourrure Française

([31]) Rapport publié en janvier 2016 par Kantar WorldPanel : https://www.kantarworldpanel.com/fr/A-la-une/flashP132016.

([32]) Ce chiffre est issu d’un outil créé par l’Observatoire : l’euro alimentaire. Il résulte de calculs effectués sur la base des entrées et des sorties de la comptabilité nationale afin de déterminer la destination des dépenses alimentaires des Français, y compris les dépenses de restauration hors foyer. Les chiffres mentionnés dans le présent rapport sont issus du rapport 2019 au Parlement de l’Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires.

([33]) Jocelyne Porcher, « ̏Tu fais trop de sentiment̋, bien-être animal, répression de l’affectivité, souffrance des éleveurs », Travailler, 2002/2 n° 8, pages 111 à 134

([34]) Ce « besoin naturel de fouir » est notamment mentionné au sixième alinéa de l’article 11 du règlement (CE) N° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques en ce qui  concerne la production biologique, l’étiquetage et les contrôles, consultable en ligne : https://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/documents/pdf/PJ3-Nvx_R_CE_889-2008_cle41a61d.pdf

([35]) Réduction des soins vétérinaires du fait de la meilleure santé des animaux, par exemple ou meilleure fertilité.

([36]) Par exemple, détérioration de l’environnement, émissions de gaz à effet de serre, pollution de l’eau, etc.

([37]) Ces deux estimations ont été communiquées oralement à votre rapporteur lors d’audition, sans faire l’objet d’éléments d’analyse complémentaires.

([38]) Lidl, Aldi, Edeka, Kaufland, Netto, Penny, Rewe, Wasgau, Kaiser’s Tengelmann et Real

([39]) Ce certificat, délivré par le préfet du domicile de la personne qui le demande, est personnel. Il mentionne les espèces ou groupes d’espèces et le type d’activités pour lesquels il est accordé, ainsi, éventuellement, que le nombre d’animaux dont l’entretien est autorisé. Lorsque l’objet principal des établissements fixes ou mobiles est la présentation au public d’animaux appartenant à des espèces non domestiques, la commission nationale consultative pour la fauve sauvage, instituée auprès du ministre chargé de la protection de la nature, donne son avis sur les demandes de capacité (articles R. 413-2 à R. 413-7 du code de l’environnement).

([40]) L’arrêté d’autorisation d’ouverture fixe la liste des espèces ou groupe d’espèces, le nombre des animaux de chaque espèce ou groupe que l’établissement peut détenir ainsi que les activités susceptibles d’être pratiquées dans l’établissement. Cette liste est arrêtée en fonction notamment des impératifs de protection des espèces, de la qualité des équipements d’accueil des animaux et des activités qui leur sont offertes. L’arrêté d’autorisation d’ouverture fixe également des séries de prescriptions à la charge des établissements (articles R. 413-10 et R. 413-20 du code de l’environnement).

([41]) Ces modes de chasse sont autorisés, au terme du même article, dans le temps où la chasse est ouverte, de jour et pour les détenteurs d’un permis.

([42]) Selon la présentation de la consultation publique sur le projet d’arrêté