N° 3399

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2020.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

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ANNEXE N° 11
 

 

CULTURE :

 

CRÉATION

 

TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Dominique DAVID

 

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

DONNÉES CLÉS

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : UN BUDGET 2021 DE COMBAT  POUR LA RELANCE DE LA CULTURE DANS LE CONTEXTE  DE LA CRISE SANITAIRE

I. LE SOUTIEN À LA CRÉATION ET À L’emploi au cœur du plan de relance

A. un soutien spÉcifique pour les opÉrateurs dans le contexte du plan de relance (actionS 1 et 2 du programme 131 et action 5 du programme 363)

1. Des pertes importantes enregistrées par les opérateurs et compensées par le plan de relance

2. Des dépenses d’investissement en augmentation

a. Sur le programme 131 Création (actions 1 et 2)

b. Sur le programme 361 Compétitivité

c. Un manque de lisibilité toujours en attente d’être corrigé

3. L’impasse de l’Opéra de Paris

a. Un modèle financier qui n’est plus tenable à court terme

b. Les effets dévastateurs des crises successives

c. Un soutien indispensable de l’État qui doit s’inscrire dans une stratégie de transformation du modèle financier de l’Opéra de Paris

B. Un effort sans prÉcÉdent pour les structures de la crÉation dans le spectacle vivant et les arts visuels (actionS 1 et 2 du programme 131 et action 5 du programme 363)

1. Des aides d’urgence adoptées en LFR 3 (programme 131)

2. Une augmentation de 15 millions d’euros pour les institutions de la création sur le programme 131 (actions 1 et 2 du programme 131)

3. Un plan de relance à la hauteur des enjeux (action 5 du programme 363)

a. La relance de la programmation des institutions de spectacles vivants musicaux (30 millions d’euros en AE et 23 millions d’euros en CP)

b. La relance des programmations des institutions du théâtre, de la danse, des arts de rue et du cirque (30 millions d’euros en AE et 20 millions d’euros en CP)

c. Le fonds de transition écologique (20 millions d’euros en AE et 10 millions d’euros en CP)

d. Le soutien au théâtre privé

e. Le plan de commande publique (30 millions d’euros en AE et 20 millions d’euros en CP)

C. Une attention toujours particuliÈre portÉe À L’EMPLOI DANS LE SECTEUR CULTUREL (action 6 du programme 131 et action 5 du programme 363)

1. Un renforcement du Fonds pour l’emploi dans le spectacle (FONPEPS) et les premières mesures du plan artistes-auteurs.

2. Le soutien exceptionnel de 13 millions d’euros (en AE/CP) inscrits sur le programme 363 de la mission Plan de relance

II. L’ÉMANCIPATION PAR LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET LA DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : LA PRIORITÉ DE CE QUINQUENNAT RÉAFFIRMÉE

A. Le soutien À l’enseignement supÉrieur culture (ESC) maintenu et renforcÉ dans le cadre du plan de relance

1. Les mesures nouvelles de l’action 1 Soutien aux établissements de l’enseignement supérieur et insertion professionnelle à destination du monde étudiant

2. L’investissement dans les écoles de l’ESC fortement renforcé dans le cadre du plan de relance (action 5 du programme 363)

B. La forte augmentation de l’action 2 Soutien À la dÉmocratisation et À l’Éducation artistique et culturelle

1. Une sincérisation bienvenue des crédits de l’action 2

1. Un objectif de 100 % de bénéficiaires pour l’éducation artistique et culturelle d’ici la fin du quinquennat

2. Le pass Culture (+20 millions d’euros) à la croisée des chemins

3. Une baisse faciale de 3 millions d’euros malgré 9 millions d’euros de mesures nouvelles consacrées à l’action en faveur des publics éloignés, de l’équité territoriale, des usages numériques et des pratiques amateurs

C. La recherche culturelle et la culture scientifique et technique : une nouvelle action en provenance de la mission recherche ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

1. Présentation de la nouvelle action intégrée au programme 361

2. Une dotation augmentée de 2 millions d’euros pour Universcience

III. une augmentation des dÉpenses supports pour le programme 224 soutien aux politiques du ministÈre de la culture

A. Une enveloppe supplÉmentaire d’investissement de 7 millions d’euros nÉcessaire pour la modernisation du ministÈre

B. un pilotage du secrÉtariat TOUJOURS perfectible

1. L’amélioration du pilotage intraministériel et des opérateurs en 2021

2. Une tutelle des opérateurs renforcée

DEUXIÈME PARTIE : LES POINTS D’ATTENTION  DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

I. La politique de soutien aux festivals

A. une politique des festivals encore lacunaire

1. Une méconnaissance du fait « festival » sur le territoire national

2. Une politique de soutien du ministère de la culture éclatée et lacunaire

3. Une nouvelle dynamique récente

B. Des dÉfis importants À relever

1. La survie financière des festivals en jeu

2. L’ancrage local des festivals : un enjeu majeur pour la cohésion des territoires et la démocratisation culturelle

3. La concentration des festivals : un risque pour notre souveraineté culturelle

II. Le suivi de la rÉfoRme des Écoles nationales d’architecture (ENSA)

A. une rÉforme importante saluÉe par tous les acteurs

1. Le rapport IGAC-IGAENR de 2014 : la nécessité de renforcer le nombre d’enseignants-chercheurs au sein des ENSA

2. La mise en œuvre de la réforme

B. des moyens insuffisants aujourd’hui

1. La trajectoire du protocole non respectée

2. Une interrogation plus générale sur les moyens des écoles d’architecture

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

 

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 10 octobre 2020, 82 % des réponses étaient parvenues à la commission des finances.

 


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   PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

Le présent rapport est publié alors que la gravité de la situation sanitaire vient de conduire le Président de la République à reconfiner le pays. C’est un nouveau coup terrible pour le monde de la culture.

Les annonces de la ministre de la culture, le 22 octobre dernier, concernant l’ouverture d’une enveloppe supplémentaire de 85 millions d’euros pour le spectacle vivant afin de faire face aux règles de couvre-feu, sont un signal fort : le secteur de la culture, qui continue de payer un lourd tribut à la crise, sera soutenu, « quoi qu’il en coûte » par les pouvoirs publics.

La France, qui porte en étendard son exception culturelle, donne depuis les Lumières, une place centrale à la culture, comme facteur d’émancipation. L’émancipation par la démocratisation de la culture et la diffusion des œuvres est donc fondamentale.

Le budget présenté en 2021 devra sans doute être abondé pour permettre de faire face à la nouvelle donne sanitaire. Mais il témoigne du soutien de l’État. Les crédits de la mission Culture, dont la rapporteure a la charge, augmentent de 4,5 %, soit presque 100 millions d’euros pour atteindre 860 millions d’euros. 230 millions de plus sont inscrits sur le plan de la relance. La rapporteure spéciale s’attachera à ce que ces crédits relance soient rapidement alloués aux acteurs (réseaux artistiques, artistes-auteurs, salles de spectacle, etc.), qui en ont le plus besoin, notamment sur les territoires.

Les crédits du nouveau programme 361, dédiés à la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, augmentent de 6,4 % en CP pour atteindre 750 millions d’euros environ. Ce nouveau programme sera piloté par une nouvelle délégation dédiée qui aura une attention toute particulière pour les territoires. Cette attention est cruciale pour un ministère dont une grande part des crédits est consommée par le soutien aux opérateurs parisiens. La rapporteure souhaite que le pass Culture soit généralisé pour montrer sa pleine efficacité.

Le ministère de la culture doit poursuivre ses efforts de renforcement du pilotage et de modernisation de son action. L’amélioration des systèmes d’information et l’accélération de la numérisation des procédures est un des axes de progrès.

La rapporteure regrette que les moyens humains, promis aux écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA) pour développer la recherche, ne soient pas au rendez-vous. Un effort du ministère de la culture doit être consenti en 2021 pour créer une dizaine de postes supplémentaires. La recherche dans les ENSA est plébiscitée par l’ensemble des acteurs. Encore faut-il donner aux enseignants les moyens de la développer.

Enfin, la rapporteure souligne que, malgré une récente prise de conscience pendant la crise sanitaire, les festivals pourtant structurant pour les territoires, sont insuffisamment accompagnés par le ministère de la culture. La tenue des États Généraux des Festivals à Avignon fin septembre constitue une reconnaissance symbolique très importante.  La rapporteure souhaite qu’un travail plus approfondi soit conduit sur le risque de concentration, qui touche les festivals aujourd’hui particulièrement fragilisés à cause de la crise sanitaire et qu’une réflexion sur les dispositifs réglementaires ou financiers permettant une protection, puisse être conduite. Enfin, les festivals devront continuer à être fortement soutenus en 2021.

 

 

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   DONNÉES CLÉS

Évolution des crÉdits de Paiement par programme hors changement
de maquette et hors plf

(en millions d’euros)

Source : ministère de la culture, commission des finances de l’Assemblée nationale.

Évolution des crÉdits de Paiement par programme (PLF compris)

(en millions d’euros)

Source : ministère de la culture, Commission des finances de l’Assemblée nationale.

 

 

 

 

 

 

 

 

part des financements publics
dans les ressourceS des différents opéras nationaux (Paris et opéras nationaux en région)

(en pourcentage)

Source : ministère de la culture, Commission des finances de l’Assemblée nationale.

comparaison 2019/2020 concernant les principales donnÉes du pass culture pour l’ensemble des départements concernés

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

 

 


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   Introduction

Le présent rapport étudie dans une première partie les crédits de trois des quatre programmes de la mission Culture :

– le programme 131 Création, qui finance les grands opérateurs publics, les réseaux dans les territoires et les dispositifs de soutien à l’emploi pour le spectacle vivant et les arts visuels ;

– le nouveau programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, qui finance les crédits de l’enseignement supérieur Culture (ESC), de l’enseignement artistique et culturel (EAC), de la diffusion de la culture dans les territoires, de la recherche culturelle et de la culture scientifique et technique ;

– le programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture, qui porte les crédits de personnel et des fonctions support du ministère de la culture.

L’année 2021 est particulière puisque le projet de loi de finances (PLF) comporte un plan de relance. Les crédits de la mission Plan de relance afférents aux politiques de la création, de la transmission des savoirs et de la démocratisation culturelle font l’objet d’une attention spécifique. Il faut souligner que l’ensemble des crédits du PLF ne résume pas l’effort en 2021 pour le secteur de la culture dans le contexte sanitaire actuel.

En deuxième partie, le présent rapport aborde deux points particuliers : le suivi des moyens accordés aux écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA) pour y développer la recherche depuis la réforme de 2018 et la politique des festivals du ministère de la culture. Les festivals comme les ENSA inscrivent leur action localement et sont structurants pour leur territoire. D’où une attention particulière de la rapporteure sur ces deux points.

 

 

 

 

 

 

 

PREMIÈRE PARTIE : UN BUDGET 2021 DE COMBAT
POUR LA RELANCE DE LA CULTURE DANS LE CONTEXTE
DE LA CRISE SANITAIRE

Les crédits de la mission Culture dont la rapporteure a la charge atteignent dans le PLF 2021 2,23 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 2,19 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 10 % en AE et CP.

Cette hausse importante s’explique par un changement de la maquette budgétaire : l’ancien programme Recherche culturelle et culture scientifique (P186) qui relevait de la mission Recherche et enseignement supérieur dans le PLF 2020, doté de 110,6 millions d’euros en AE et 109,9 millions d’euros en CP, est dorénavant intégré au sein du nouveau programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture en tant qu’action de ce programme : ce rapatriement devrait permettre de davantage mettre en valeur la recherche culturelle et l’action d’Universcience.

Un autre changement de maquette est à noter : les crédits finançant le fonctionnement du ministère ont été isolés au sein d’un nouveau programme support 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture : le nouveau programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ne porte plus que les crédits en faveur de la démocratisation de la culture. Il n’y a donc plus deux programmes mais trois programmes couverts par le rapport. La rapporteure salue cette évolution qui permettra de sincériser la dotation accordée au programme 361.

Hors changement de maquette, l’augmentation en AE est de 4,3 % et de 3,2 % en CP, ce qui demeure une hausse significative.

Évolution des crÉdits de la mission culture hors mesure de pÉrimÈtre

(en million d’euros)

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiements

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en valeur absolue

Évolution en %

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en valeur absolue

Évolution en %

131 – Création

853

886,1

+ 33,1

+ 3,9 %

825,4

862,3

+ 36,9

+ 4,5 %

361 – Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

549,1

583,7

+ 34,6

+ 6,3 %

544,4

579

+ 34,6

+ 6,4 %

224 – Soutien aux politiques du ministère de la culture

731,3

756,2

+ 24,9

+ 3,4 %

729,4

752,4

+ 23

+ 3,2 %

TOTAL

2 133,4

2 226

+ 92,6

+ 4,3 %

2 099,2

2 193,7

+ 94,5

+ 4,5 %

Source : documents budgétaires, commission des finances de l’Assemblée nationale.

Au-delà des crédits de la mission Culture, le plan de relance déployé pour la culture représente un effort conséquent pour soutenir un secteur touché de plein fouet par la crise sanitaire, mais également enclencher des processus de modernisation indispensables. Les crédits du plan de relance sont inscrits à l’action 05 du programme 363 Compétitivité de la mission Plan de relance et représentent environ 18 % en AE et 14 % en CP de l’effort total consacré cette année à la création, à la transmission des savoirs et à la démocratisation culturelle.

crÉdits du plan de relance et de la mission culture

(en millions d’euros)

 

AE

CP

Programmes 131 et 361

1 469,8

1 441,1

Programme 363 Compétitivité  (enveloppe relative aux politiques de création et de diffusion artistiques)

329

227,9

TOTAL

1 798,8

1 669

Part des crédits de la relance dans l’ensemble des crédits des programmes 131 et 361

18 %

14 %

Source : documents budgétaires, commission des finances de l’Assemblée nationale.

Dès maintenant et durant toute l’année 2021, la rapporteure souhaite jouer pleinement son rôle pour s’assurer de la diffusion rapide de ces crédits auprès des acteurs de terrain qui en ont le plus besoin.

Évolution des crÉdits de Paiement de la mission culture

(en millions d’euros)

Source : ministère de la culture, commission des finances de l’Assemblée nationale.

I.   LE SOUTIEN À LA CRÉATION ET À L’emploi au cœur du plan de relance

L’action en soutien à la création, la production et la diffusion des œuvres du spectacle vivant et des arts visuels ainsi qu’à l’emploi des artistes est fortement renforcée dans le cadre du PLF 2021 :

 les crédits en AE et en CP du programme 131 augmentent respectivement de 3,9 % et 4,5 % pour atteindre 886,1 millions d’euros en AE et 862,3 millions d’euros en CP. Cette augmentation de 36,9 millions d’euros en CP sur le budget « régulier » du programme 131 a vocation à être pérenne.

 

Évolution des autorisations d’engagement et des crÉdits de Paiement
du programme 131 hors mesures de pÉrimÈtre

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé de l’action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiements

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en valeur absolue

Évolution en %

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en valeur absolue

Évolution en %

01 – Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant

735,4

751,5

+ 16,1

+ 2,2 %

711,3

727,3

+ 16

+ 2,2 %

02 – Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels

79,5

89,5

+ 10

+ 12,6 %

76,1

90,0

+ 13,9

+ 18,3 %

06 – Soutien à l’emploi et structurations des professions

38,0

45,0

+ 7

+ 18,4 %

38,0

45,0

+ 7

+ 18,4 %

TOTAL

853,0

886,1

+ 33,1

+ 3,9 %

825,4

862,3

+ 36,9

+ 4,5 %

Source : documents budgétaires, commission des finances de l’Assemblée nationale.

– les crédits de l’action 04 Culture du programme 363 de la mission Plan de relance relatifs à la création, à la diffusion artistique et au soutien des acteurs représentent 259,3 millions d’euros en AE et 177,9 millions d’euros en CP.

Il ne faudra pas résumer l’action pour la création en 2021 à ces seuls crédits : un certain nombre de dispositifs qui ne sont pas inscrits sur les programmes 131 et 361 profiteront pleinement aux acteurs de la culture :

– les mesures transversales de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire mises en œuvre dès 2020 (fonds de solidarité, activité partielle, prêt garanti par l’État, exonération des charges sociales, etc.) ;

 

– le soutien exceptionnel de 85 millions d’euros annoncé pour le spectacle vivant le 22 octobre dernier par la ministre de la Culture, faisant suite à la dégradation de la situation sanitaire et la mise en œuvre du couvre-feu.

A.   un soutien spÉcifique pour les opÉrateurs dans le contexte du plan de relance (actionS 1 et 2 du programme 131 et action 5 du programme 363)

1.   Des pertes importantes enregistrées par les opérateurs et compensées par le plan de relance

13 opérateurs sont rattachés au programme dont 11 pour le spectacle vivant et 2 pour les arts visuels (Établissement public Cité de la céramique, Centre national des arts plastiques), le Mobilier national et les Manufactures des Gobelins, Beauvais et de la Savonnerie constituant un service à compétence national non comptabilisé parmi les opérateurs. À l’exception d’une légère augmentation pour le Théâtre national de Strasbourg (0,2 million d’euros) et pour le Théâtre de la Colline (0,2 million d’euros), les subventions pour charges de service public (SCSP) des opérateurs sont stables et atteignent 268,6 millions d’euros en 2021, soit 31 % des crédits du programme. Sur ces 13 opérateurs, un seul est implanté en totalité hors Île‑de‑France.

La crise sanitaire a fortement touché les opérateurs du spectacle vivant et des arts visuels : la DGCA estime à environ 110 millions d’euros les pertes de recettes propres principalement causées par la baisse du produit de la billetterie mais aussi par la perte des revenus de concession pour l’établissement public du parc et de la grande Halle de la Villette (EPPGHV) et des revenus de location pour l’Opéra national de Paris. La situation est hétérogène entre les opérateurs :

– l’Opéra national de Paris, majoritairement autofinancé, connaît une perte historique, de l’ordre d’un quart de son budget annuel ;

– les établissements dont les ressources propres sans être majoritaires, sont très diversifiées, à l’instar de l’EPPGHV, de la Cité de la musique, de Sèvres, de la Comédie Française, connaissent un impact allant de 1 à 5 millions d’euros ;

– les établissements de spectacle vivant de plus petite taille (Odéon, Chaillot, TNS, Opéra-Comique), subissent des impacts moyens de 500 000 euros ;

– les établissements dits « ressource », comme le Centre national des arts plastiques, ou établissements peu autofinancés connaissent un impact marginal.  

Malheureusement ces prévisions devront être réévaluées avec le reconfinement qui viendra alourdir le bilan de ces pertes.

 

La fermeture des établissements a permis de compenser une partie de ces pertes. Mais l’impossibilité de recourir au chômage partiel en partie ou en totalité pour la plupart des opérateurs du programme et les charges fixes ont limité ces économies à 55 millions d’euros. La rapporteure s’interroge sur la pertinence de soutenir par une dotation budgétaire les opérateurs plutôt que par l’autorisation de recourir aux dispositifs d’activité partielle pour les opérateurs fortement autofinancés.

Si on ajoute 5 millions d’euros, liés au surcoût des règles sanitaires lors de la reprise, l’impact net des pertes atteint 60 millions d’euros. Ces pertes sont intégralement compensées sur l’enveloppe de 81,9 millions d’euros en CP et de 126 millions d’euros en AE qui leur est accordée dans le plan de relance (action 5 du programme 363).

2.   Des dépenses d’investissement en augmentation

Les principales opérations d’investissement des opérateurs sont les suivantes :

– le projet du relogement du Mobilier national et des réserves du CNAP à Pantin, dont les travaux doivent commencer en 2021 ;

– le projet de Cité du théâtre qui doit permettre de transférer sur le site de Bastille les ateliers de décors implantés boulevard Berthier et d’aménager la salle modulable de l’Opéra national de Paris. L’aménagement de la salle modulable fait aujourd’hui l’objet d’une réflexion : le projet pourrait ne pas être maintenu.

a.   Sur le programme 131 Création (actions 1 et 2)

Les dépenses d’investissement sur le budget du programme Création sont en augmentation de 14,6 millions d’euros en CP, soit un niveau conséquent rapporté à l’ensemble des dépenses d’investissement en 2021 qui atteignent 53,1 millions d’euros en AE et 34 millions en CP, partagés à peu près à égalité entre les opérateurs du spectacle vivant (action 1) et des arts visuels (action 2). Il faut ajouter les dotations en fonds propres des opérateurs qui atteignent 17,1 millions d’euros. Cette augmentation se décompose ainsi :

– une augmentation des dépenses d’investissement de 10,6 millions d’euros en CP pour le relogement du CNAP à Pantin. L’opérateur quittera ses locaux de La Défense en 2022, à l’issue des travaux d’aménagement du site de Pantin qui débuteront cette année comme convenu ;

– une augmentation de la dotation en fonds propres de l’Opéra de Paris de 4 millions d’euros (5,5 millions d’euros de dotation en fonds propres en tout). Il s’agit de poursuivre les aménagements des deux cages de scène de l’Opéra de Paris, dont les équipements techniques (podiums et cintres) vieillissent et font courir des risques élevés de panne, avec un impact sur la programmation et le fonctionnement des théâtres.

b.   Sur le programme 361 Compétitivité

Le soutien à l’investissement des opérateurs de la création dans le cadre du plan de relance devrait atteindre 64 millions d’euros sur deux ans. Cette enveloppe doit permettre d’accélérer les chantiers d’investissements structurants.

Au-delà des crédits réservés aux opérateurs de la culture, la quasi-totalité des opérateurs du programme 131 a participé à l’appel à candidatures qui s’achevait le 9 octobre dernier, afin de bénéficier des crédits de l’enveloppe de 3,7 milliards d’euros dédiés à la rénovation thermique des bâtiments publics.

c.   Un manque de lisibilité toujours en attente d’être corrigé

Alors que les restes à payer (engagements non couverts par des crédits de paiement) sont en augmentation pour la deuxième année consécutive en 2019 et atteignent 146,8 millions d’euros, la rapporteure réitère les remarques de l’année dernière. Pour tous les projets s’étalant sur plusieurs années et mobilisant plusieurs millions d’euros de crédits, les éléments suivants devraient être précisés :

– coût initial prévu de l’opération et évaluation actualisée du montant total des travaux ;

– échéancier actualisé des dépenses en AE et en CP pour les cinq prochaines années ;

– autorisations d’engagement et crédits de paiement votés chaque année depuis le lancement du projet et montant effectivement consommé ;

– autres sources de financement (ressources propres de l’opérateur, mécénat).

Cela est d’autant plus nécessaire que le contexte du plan de relance constitue un nouveau véhicule de financement des investissements des opérateurs.

3.   L’impasse de l’Opéra de Paris

L’Opéra national de Paris, par son envergure artistique et son poids financier, occupe une place unique parmi les opérateurs de la culture. Composé de deux théâtres (Bastille et Garnier), pouvant accueillir toutes les deux 4 800 spectateurs au cours de 500 représentations annuelles, l’Opéra est un fleuron culturel français de rayonnement international. Il est cependant confronté aujourd’hui à des difficultés structurelles.

 

a.   Un modèle financier qui n’est plus tenable à court terme

tableau des recettes et des charges de l’opÉra de paris

(en millions d’euros)

 

2018

2019

Charges  totales

223,6

230

Dépenses de fonctionnement courant

23,7

24,5

Masse salariale

111,1

111

Production artistiques

58,5

61,7

Dépenses d'amortissements et provisions (et autres)

20,4

20,4

Autres

9,9

12,4

Produits

216,8

217,5

SCSP

95,3

95,3

Billetterie

68,6

65,9

Recettes mécénat

17,2

18,5

Recettes activités commerciales

15

17,7

Dotations aux amortissements et provisions (et autres)

12,6

11,2

Autres recettes

8,1

9

SOLDE

- 6,8

- 12,5

Source : Opéra national de Paris, Commission des finances de l’Assemblée nationale.

Le principal poste de dépenses est représenté par la masse salariale (50 % des charges) en forte croissance depuis 10 ans. Hors artistes invités, elle est passée de 75,8 millions d’euros en 2010 à 89,1 millions d’euros en 2020, soit une hausse de presque 17 %. Le nombre d’ETP est en revanche stable depuis 2016. Cette hausse continue de la masse salariale, phénomène connu dans le secteur de la culture en raison de l’impossibilité de dégager des gains de productivité, est également expliquée par le statut des salariés de l’opérateur réglementé par une convention collective rigide et complexe que la Cour des comptes décrit dans son rapport de septembre 2016 portant sur l’Opéra de Paris.

répartition des postes de dépense de l’opéra de paris en 2018

Source : Opéra national de Paris, commission des finances de l’Assemblée nationale.

Pour répondre à ces charges croissantes, l’Opéra de Paris doit dégager constamment de nouvelles recettes propres.

Dans un souci de bonne gestion des deniers publics, sa subvention pour charges de service public (SCSP) a baissé de 11,4 % entre 2010 et 2020. Ses ressources publiques hors investissement exceptionnel (SCSP et dotations en fonds propres) atteignent 102,8 millions d’euros soit 36 % du montant total accordé aux opérateurs en 2021. À titre de comparaison, le deuxième opéra national le plus financé par l’État est l’opéra de Lyon avec une dotation de 6 millions d’euros.

La SCSP du programme 131 (hors dotation en fonds propres ou crédits d’investissement) constitue la seule ressource publique de l’opérateur, les collectivités territoriales (la ville de Paris, la région d’Île-de-France) ne participant aucunement aux dépenses de fonctionnement de l’opérateur.

Les ressources publiques étant limitées et le montant des charges croissant, l’opéra de Paris a dû développer ses ressources propres. La part de son autofinancement est passée de 44,8 % en 2010 à 56,8 % en 2017, date à laquelle l’opérateur atteint un plafond. L’Opéra indique avoir effectué un effort considérable de développement des recettes de billetterie de spectacle, de mécénat, et, dans une moindre mesure, des autres activités commerciales (visites, locations, valorisation de la marque) afin de compenser la baisse de la subvention. Cette croissance des ressources propres ne pourra pas être maintenue à court et moyen terme selon la direction de l’opérateur : la tarification ne peut évoluer à la hausse sauf à abandonner tout objectif de démocratisation de la musique lyrique et au risque de ne pas remplir la jauge. Les recettes de mécénat qui atteignent quasiment 20 millions d’euros en 2019 ont atteint un plafond qu’il sera difficile de dépasser. Enfin, est revu à la baisse le bénéfice pouvant être retiré de la location de la salle modulable lorsque les travaux seront achevés.

Répartition des postes de recette de l’opéra de paris en 2018

Source : Opéra national de Paris, commission des finances de l’Assemblée nationale.

b.   Les effets dévastateurs des crises successives

Au seul premier semestre 2020, avec 180 représentations annulées, l’Opéra a perdu près de 35 millions d’euros de billetterie, les prévisions pour le second semestre (avant les annonces de couvre-feu puis de confinement) projetaient une perte de 25 millions d’euros entre septembre et décembre par rapport aux prévisions initiales, soit une baisse totale de recettes de 60 millions d’euros qui sera revue à la hausse dans le contexte actuel. La trésorerie de l’établissement a souffert des montants élevés de remboursement des billets (la perte nette en billetterie pour 2020 s’élève à 67 millions d’euros) et d’une baisse importante des ventes d’abonnements pour la saison 2020/21 atteignant 36 %.

Avant même la crise sanitaire, plusieurs évènements précédents avaient déjà aggravé la fragilité économique de l’opérateur (attentats de 2015, grèves du printemps 2016, mouvement des gilets jaunes). La grève des salariés de l’Opéra de Paris contre la réforme des retraites à la fin de l’année 2019 a conduit à l’annulation de 63 spectacles et une perte des recettes de billetterie de 11 millions d’euros.

c.   Un soutien indispensable de l’État qui doit s’inscrire dans une stratégie de transformation du modèle financier de l’Opéra de Paris

Plus de la moitié de l’enveloppe de 81,9 millions d’euros en CP accordée aux opérateurs en 2021 dans le plan de relance est fléchée vers l’Opéra de Paris (41 millions d’euros). Ce soutien exceptionnel permettra de limiter le déficit de l’opérateur à 10 millions d’euros. Le fonds de roulement net devrait s’établir à un peu de moins de 20 millions d’euros, soit environ un mois de dépenses, une limite prudentielle qui ne peut être franchie.

Ce soutien conséquent accordé à l’Opéra de Paris ne pourra être utile que s’il s’inscrit dans une refonte plus générale de son modèle financier. La rapporteure sera très attentive aux conclusions de la mission confiée début septembre par la ministre Roselyne Bachelot à Georges François Hirsch et Christophe Tardieu sur les perspectives et les modalités d’accompagnement et de soutien de l’Opéra national de Paris. Les conclusions sont attendues à la fin du mois de novembre.

Si la question du statut des salariés de l’Opéra doit être abordée tout comme celle de la réduction de la masse salariale, la rapporteure souhaite que la question du financement par les collectivités territoriales (ville de Paris, région Île-de-France, métropole du Grand Paris) ne constitue pas un tabou, alors que presque deux tiers des spectateurs sont Parisiens ou Franciliens.

L’absence de financement des collectivités territoriales fait de l’Opéra de Paris un acteur unique dans le champ de la musique lyrique : les opéras nationaux en région (Bordeaux, Lyon, Montpellier, Lorraine, Rhin) disposent tous d’une subvention de l’État qui représente entre 16 et 31 % de leurs ressources ([1]) contre 44 % pour l’Opéra de Paris, auquel s’ajoute un concours des collectivités territoriales très significatif. En moyenne, la part des subventions publiques dans les ressources des opéras nationaux en région varie entre 48 % en Lorraine et 74 % à Bordeaux, soit un niveau significativement supérieur à celui de l’Opéra de Paris.

Comparaison de la part des subventions publiques
dans l’ensemble des ressources des opÉras nationaux en rÉgion
et de l’opÉra national de PARIS EN 2017

 

Part des subventions Etat dans les ressources

Part des subventions des collectivités territoriales

Part totale de financement publique

Opéra national de Paris

43 %

0 %

43 %

Opéra national de Bordeaux

23 %

51 %

74 %

Opéra national de Lyon

21 %

30 %

51 %

Opéra national de Montpellier

23 %

41 %

64 %

Opéra national de Lorraine

16 %

32 %

48 %

Opéra national du Rhin

31 %

48 %

79 %

Source : Rapport IGAC 2018 sur les opéras nationaux en région, Opéra national de Paris, commission des finances de l’Assemblée national.

La direction générale de la création artistique (DGCA) estime cependant que « les missions larges, le périmètre budgétaire hors norme [de l’Opéra de Paris] rend difficile l’appropriation de ce projet par les collectivités territoriales (ville ou région). La ville de Paris dispose déjà de ses propres établissements culturels dont la plupart ne sont pas financés par l’État, comme le théâtre du Châtelet. » Une action de la ville de Paris en direction des publics pourrait être tout de même envisagée selon la DGCA.

B.   Un effort sans prÉcÉdent pour les structures de la crÉation dans le spectacle vivant et les arts visuels (actionS 1 et 2 du programme 131 et action 5 du programme 363)

1.   Des aides d’urgence adoptées en LFR 3 (programme 131)

Plusieurs dispositifs sont venus en soutien du monde de la création dès l’été 2020 :

– un fonds de soutien de 10 millions d’euros opéré par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) pour les festivals ;

– un fonds d’urgence pour le spectacle vivant privé non musical (FUSV) de 10 millions d’euros, opéré par l’Association pour le soutien du Théâtre privé (ASTP) ;

– un plan d’urgence de 3 millions d’euros pour soutenir les artistes plasticiens et soutenir la trésorerie des institutions non labellisées.

Outre ce soutien spécifique, le secteur des arts, spectacles et activités récréatives a bénéficié des mesures de droit commun (fonds de solidarité, prêt garanti par l’État, etc.). Le soutien aux artistes-auteurs via le fonds de solidarité s’élèverait par exemple à 38 millions d’euros selon les données du ministère de la culture.

Enfin, il faut noter le fonds de compensation de 100 millions d’euros pour compenser les jauges réduites au deuxième semestre 2020 qui profite pour une petite part au spectacle vivant non musical (8 millions d’euros). Les nouvelles décisions sanitaires conduiront à revoir l’utilisation de cette enveloppe.

2.   Une augmentation de 15 millions d’euros pour les institutions de la création sur le programme 131 (actions 1 et 2 du programme 131)

15 millions d’euros supplémentaires, dont 12 millions d’euros pour le spectacle vivant (action 1) et 3 millions d’euros pour les arts visuels (action 2), permettent de consolider les équilibres financiers des institutions de la création en région sur le programme 131 (dépenses d’intervention). Cela doit permettre :

– de reconstituer les marges artistiques des labels, poursuivre l’accompagnement des labellisations en cours et d’atteindre progressivement les niveaux d’engagement que l’État s’est fixé à leur égard ;

– d’accompagner la réforme des aides aux équipes indépendantes, en revalorisant le montant des subventions de certaines compagnies pour mieux les accompagner dans le développement de leurs projets ;

– de renforcer la présence artistique dans les territoires, en mobilisant notamment les dispositifs de résidences d’artistes et de soutien aux lieux intermédiaires.

La répartition des crédits sera réalisée à l’automne après échanges avec les DRAC afin de tenir compte des besoins spécifiques de chaque territoire. La ventilation proposée par le PAP (projet annuel de performances) des crédits d’intervention supplémentaires des actions 1 et 2 est donc indicative.

En totalité, les crédits d’intervention qui profitent en majorité au secteur associatif représentent 439,9 millions d’euros en CP pour le spectacle vivant (action 1), incluant les caisses de retraite pour la Comédie française et l’Opéra de Paris qui représentent 17,9 millions d’euros à partir de 2021, et 53,4 millions d’euros en CP pour les arts visuels (action 2).

3.   Un plan de relance à la hauteur des enjeux (action 5 du programme 363)

120 millions d’euros en AE et 83 millions d’euros en CP sont inscrits dans le plan de relance de la création dans le spectacle vivant et les arts visuels. Il se pourrait qu’un certain nombre d’aides, conditionnées à la reprise de l’activité artistique et créative, se transforment en aides d’urgence.

Les crÉdits du plan de relance pour la crÉation dans le spectacle vivant et les arts visuels (action 5 du programme 363 Compétitivité)

(en million d’euros)

 

AE

CP

Accompagnement des labels et des réseaux du spectacle vivant

30

23

Accompagnement des institutions du spectacle en région vivant pour le théâtre, la danse, les arts de rue et le cirque

30

20

Fonds de transition écologique

20

10

Soutien au spectacle vivant privé (théâtre)

10

10

Le programme exceptionnel de commande publique

30

20

TOTAL

120

83

Source : documents budgétaires, commission des finances de l’Assemblée nationale.

a.   La relance de la programmation des institutions de spectacles vivants musicaux (30 millions d’euros en AE et 23 millions d’euros en CP)

Le soutien au spectacle vivant musical sera piloté directement par les DRAC en 2021 autour de quatre axes qui viseront à protéger les différents acteurs du spectacle musical (hors du champ de la taxe sur les spectacles de variétés, défini par le décret n° 2004-117 du 4 février 2004), à adapter leur action aux contraintes sanitaires et à soutenir les projets innovants :

– assurer une permanence artistique sur les territoires (protéger l’emploi des artistes interprètes, favoriser les résidences dans les lieux de diffusion ou d’enseignement supérieur ou d’enseignement initial) ;

– soutenir les équipes artistiques et les producteurs, aider la création de projets adaptés à l’itinérance ou à des lieux non spécialisés dans la diffusion du spectacle vivant ;

– soutenir la création musicale (orchestres, opéras, festivals, etc.) pour accueillir et commander des œuvres aux compositeurs, aider à la mise en place d’un fonds de coproduction pour favoriser la mise en réseau des acteurs et la circulation des œuvres ;

– soutenir les tiers lieux qui portent un projet musical significatif et qui sont fortement impactés par cette crise.

b.   La relance des programmations des institutions du théâtre, de la danse, des arts de rue et du cirque (30 millions d’euros en AE et 20 millions d’euros en CP)

Cette enveloppe, destinée uniquement au secteur subventionné du spectacle vivant non musical (labels, lieux et équipes en région), vise à :

– appuyer la production et la diffusion de spectacles des structures subventionnées les plus dépendantes financièrement de leurs ressources propres. Le soutien financier doit être conditionné au maintien des prix de cession normaux pour les spectacles des compagnies et à la reprise effective de l’activité et de l’emploi artistique. Il doit aussi encourager la coopération et la mutualisation des moyens entre institutions, la circulation interrégionale des spectacles et la rationalisation des tournées sur le territoire ;

– accompagner les équipes indépendantes les plus fragilisées et relancer la création au moyen d’aides aux projets abondées et d’un financement exceptionnel des aides en tournée ;

– porter une attention particulière aux tiers lieux et ateliers de fabrique non éligibles aux autres dispositifs ;

– abonder le fonds festivals à hauteur de 5 millions d’euros supplémentaires.

c.   Le fonds de transition écologique (20 millions d’euros en AE et 10 millions d’euros en CP)

Le fonds de transition écologique doit inciter les labels et autres lieux en région à investir et favoriser la remise aux normes et la transition écologique des bâtiments, en cofinancement avec les collectivités territoriales propriétaires de ces équipements. L’enveloppe des contrats de plan État-région (CPER) pourrait également être mobilisée.

Une liste de projets a été remontée par chaque DRAC pour proposer leur inscription à ce fonds. La DGCA a réalisé une première répartition par région qui sera affinée durant l’automne.

d.   Le soutien au théâtre privé

La somme de 10 millions d’euros prévue pour le théâtre privé a pour objet de poursuivre en 2021 les mesures de compensation en raison des jauges réduites, l’ASTP ayant reçu 8 millions d’euros pour financer cette compensation au titre des quatre derniers mois de l’année 2020. Cette dotation s’inscrit également dans la continuité du fonds d’urgence de 10 millions d’euros géré par l’ASTP et a vocation à soutenir les producteurs, tourneurs et compagnies non subventionnées qui sont touchés par la forte baisse d’activité liée aux annulations.

e.   Le plan de commande publique (30 millions d’euros en AE et 20 millions d’euros en CP)

Le 6 mai dernier, le Président de la République a annoncé un programme exceptionnel de commande publique pour les artistes de moins de 30 ans. Il s’agit de soutenir les jeunes artistes à leur sortie d’école et en voie de professionnalisation dont les débouchés sont réduits par la crise. Ce grand plan doit concerner tous les genres artistiques (spectacle vivant, arts visuels, littérature).

Si les modalités de ce grand plan n’ont pas encore été totalement fixées, il devrait prendre l’aspect d’un appel à projets décliné localement. Il pourrait être orienté autour de quelques thématiques mais devrait laisser une grande part aux initiatives artistiques locales et individuelles. Les écoles de l’enseignement supérieur culture (ESC) devraient être mobilisées.

C.   Une attention toujours particuliÈre portÉe À L’EMPLOI DANS LE SECTEUR CULTUREL (action 6 du programme 131 et action 5 du programme 363)

Outre le soutien à la création, une attention particulière est portée à l’emploi et au maintien de l’activité dans le secteur culturel, aussi bien sur le budget régulier de l’action 6 Soutien à l’emploi et structuration des professions du programme 131 que sur le programme 363 du plan de relance.

1.   Un renforcement du Fonds pour l’emploi dans le spectacle (FONPEPS) et les premières mesures du plan artistes-auteurs.

L’action 6 du programme Création est dotée de 45 millions d’euros dans le PLF 2021, en hausse de 7 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2020.

Outre la compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), qui représente toujours 18 millions d’euros en 2021, ainsi que le soutien aux organismes professionnels et syndicaux maintenu à 3 millions d’euros, le PLF 2021 comprend deux nouvelles mesures :

– l’augmentation de 5 millions d’euros du FONPEPS qui atteint 22 millions d’euros ;

– une enveloppe de 2 millions d’euros pour les premières mesures du plan artistes-auteurs ;

Après avoir recalibré le FONPEPS en 2019 dans un souci de sincérisation budgétaire et d’amélioration des deux principaux dispositifs qui le composent (l’aide à l’embauche dans le spectacle ainsi que le dispositif de soutien à l’emploi du plateau artistique de spectacles vivants diffusés dans les salles de petite jauge), le FONPEPS est aujourd’hui lisible et est mobilisé par les structures du spectacle vivant.

Si la crise sanitaire a entraîné une limitation des embauches et de l’activité (11 716 dossiers reçus en 2019 contre 7 800 environ au 13 octobre 2020 pour le FONPEPS), l’enveloppe de 2020 (17 millions d’euros) pourrait ne pas suffire pour répondre aux besoins, notamment à cause des retards pris dans le traitement des dossiers de 2019. Dans ce contexte, la rapporteure juge positivement l’augmentation de 5 millions d’euros du FONPEPS.

Enfin, la rapporteure salue la première mesure du plan artistes-auteurs annoncé en février 2020 avec cette enveloppe de 2 millions d’euros dans le PLF 2021. Le ministère de la culture a initié en septembre 2020 un cycle de concertations avec les organisations professionnelles des artistes-auteurs et les organismes de gestion collective (OGC) afin de déterminer les sujets prioritaires. L’idée est de mieux protéger les droits sociaux des artistes-auteurs, d’améliorer la répartition de la valeur entre les différents acteurs dans le processus de création et de permettre une meilleure représentativité grâce à la création d’un Conseil national des artistes-auteurs (CNAA).

Au titre des objectifs concrets, la DGCA espère une amélioration du service rendu par les URSSAF, grâce à un accompagnement externe. Un abondement de l’action sociale est également envisagé.

2.   Le soutien exceptionnel de 13 millions d’euros (en AE/CP) inscrits sur le programme 363 de la mission Plan de relance

Le soutien pour les artistes, inscrit dans le plan de relance, concerne ceux dont la situation n’est pas prise en compte par les différents dispositifs transversaux. Il s’appuiera sur le réseau des fonds régionaux d’art contemporain et le maintien du fonds d'urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle (FUSSAT).


II.   L’ÉMANCIPATION PAR LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET LA DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : LA PRIORITÉ DE CE QUINQUENNAT RÉAFFIRMÉE

Plus que jamais l’éducation culturelle et artistique, la diffusion des savoirs et des créations sur tout le territoire et pour tous les habitants, quels que soient leur âge ou leur condition sociale, est une priorité poursuivie politiquement et budgétairement.

Il ne s’agit pas ici de simples mots mais d’une action ferme qui se décline très concrètement en 2021. Tout d’abord un nouveau programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture sera spécifiquement dédié à cette politique publique. L’existence de ce nouveau programme comporte de nombreux avantages :

– l’autorisation budgétaire parlementaire sera sincérisée. Chaque année en effet, une fongibilité était opérée en gestion au détriment de l’action 2, Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle, vers l’action 7 qui portait les crédits des fonctions de soutien du ministère de la culture sur l’ancien programme 224. En créant un nouveau programme, les crédits de la démocratisation et de l’éducation artistique et culturelle seront sanctuarisés ;

– une nouvelle délégation en charge de développer la participation de tous à la vie culturelle sur l’ensemble du territoire national sera créée le 1er janvier 2021 pour piloter le programme 361. La diffusion et l’éducation de la culture feront donc l’objet d’un suivi spécifique et resserré, distinct du pilotage transversal du secrétariat général au sein du ministère de la culture. La rapporteure se félicite de cette création. Elle ne peut qu’approuver la lettre de mission de la ministre adressée le 7 septembre 2020 à l’inspecteur général Noël Corbin, appelé à prendre la tête de cette délégation. En effet, cette lettre fixe trois priorités :

● mieux garantir l’accès de tous les citoyens à l’offre et aux pratiques culturelles ;

 faire de la culture un levier pour l’attractivité et la structuration des territoires, garantissant la prise en compte de la culture dans les politiques interministérielles en coopération avec les collectivités territoriales ;

● mieux coordonner la politique d’enseignement supérieur et de recherche ;

– est transféré au nouveau programme 361 l’ancien programme 186 Recherche culturelle et culture scientifique et technique de la mission Recherche qui constitue dorénavant l’action 4 du programme 361. La rapporteure espère que ce rapatriement permettra de mieux défendre cette politique ;

Au-delà de la création de cette nouvelle délégation, les crédits du programme 361 augmentent de 6,4 % en CP (hors mesure de périmètre) soit une hausse très significative. Le programme atteint 583,7 millions d’euros en AE et 578,8 millions d’euros en CP dans le PLF 2021.

Évolution des autorisations d’engagement et des crÉdits de Paiement
du programme 361 hors mesures de pÉrimÈtre

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé de l’action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiements

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en valeur absolue

Évolution en %

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en valeur absolue

Évolution en %

01 – Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle

237,1

245,6

+ 8,5

+ 3,6 %

237,1

241,2

+ 8,3

+ 3,6 %

02 – Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle

198,2

222,4

+ 24,2

+ 12,2 %

198,4

222,6

+ 24,2

+ 12,2 %

03 – Langue française et langues de France

3,2

3,2

0

0 %

3,2

3,2

0

0 %

04 –Recherche culturelle et culture scientifique et technique

110,6

112,6

+ 2,0

+ 1,8 %

109,9

111,9

+ 2

+ 1,8 %

TOTAL

549,1

583,7

+ 34,6

+ 6,3 %

544,4

579

+ 34,6

+ 6,4 %

Source : ministère de la culture, commission des finances de l’Assemblée nationale.

À l’exception de l’action 3 Langue française et langues de France, dotée de 3,2 millions d’euros de crédits d’intervention visant à promouvoir, enrichir et développer la langue française, l’ensemble des trois autres actions abordées ci-dessous voient leurs crédits augmenter en AE et en CP.

A.   Le soutien À l’enseignement supÉrieur culture (ESC) maintenu et renforcÉ dans le cadre du plan de relance

1.   Les mesures nouvelles de l’action 1 Soutien aux établissements de l’enseignement supérieur et insertion professionnelle à destination du monde étudiant

Les crédits alloués au Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle (action 1) sont en hausse de 3,6 % pour atteindre 245,6 millions d’euros en AE et 241,2 millions d’euros en CP.

Les subventions pour charges de service public de la centaine d’établissements de l’ESC financés par le ministère de la culture sont stables à périmètre constant et atteignent 139,8 millions d’euros. Outre la revalorisation à hauteur de 0,5 million d’euros de la dotation en fonds propres du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris conformément au plan de revalorisation pluriannuel, 7,3 millions d’euros d’autres mesures nouvelles permettent de consolider l’action du ministère de la culture envers les étudiants :

– le rebasage des bourses sur critères sociaux à hauteur de 3 millions d’euros pour une enveloppe totale de 25,1 millions d’euros en AE/CP qui ne correspond pas dans les faits à un soutien supérieur mais participe à la sincérisation budgétaire ;

– l’amélioration des conditions de vie et d’études des étudiants en matière de santé et de restauration en particulier (2,3 millions d’euros) ;

– le soutien à l’insertion professionnelle (2 millions d’euros), par le développement du monitorat-tutorat, la création d’outils numériques utiles à la mise en relation avec le secteur professionnel (annuaire en ligne, plateforme en ligne regroupant les profils des diplômés de l’enseignement supérieur culture – ESC) et le soutien aux initiatives professionnalisantes (résidences, appels à projets « Culture pro », etc.). Le programme comporte un indicateur de performance mesurant le taux d’insertion professionnelle des diplômés de l’ESC, évalué à 82% en 2019. L’objectif est établi à 84% pour 2021 même si la crise sanitaire risque mécaniquement de dégrader ce taux.

2.   L’investissement dans les écoles de l’ESC fortement renforcé dans le cadre du plan de relance (action 5 du programme 363)

Si les dépenses d’investissement de l’action 1 du programme 361 sont stables par rapport à 2020, à 5,8 millions d’euros en AE et 3,2 millions d’euros en CP, et les dotations en fonds propres en augmentation de 0,5 million d’euros pour atteindre 9,9 millions d’euros, la mission Plan de relance projette un plan ambitieux de modernisation des écoles de l’ESC.

Une enveloppe de 70 millions d’euros en AE et 50 millions d’euros en CP est ouverte sur l’action 5 du programme 363 Compétitivité. Elle devra être engagée en totalité en 2021 (50 millions à décaisser 2021 et 20 millions en 2022). Cet engagement massif représente plus de 15 fois le montant annuel consacré à l’investissement sur le programme 361 : la rapporteure s’en félicite, d’autant que les établissements de l’ESC, dont l’état du bâti est parfois dégradé, n’ont pas toujours disposé de moyens comparables à ceux des autres institutions de l’enseignement supérieur. Il ne s’agit ni plus ni moins que de maintenir la qualité et l’attractivité de l’ESC.

Cette enveloppe sera consacrée à un plan d’investissement pour la rénovation des écoles et la modernisation des outils et méthodes pédagogiques au moyen de nouveaux équipements et infrastructures numériques.


Le ministère souhaite poursuivre deux objectifs :

– la mise en sécurité, en accessibilité et aux normes environnementales tant dans le domaine de l’architecture que dans le domaine de la création ;

– la garantie de conditions d’accueil et de travail des étudiants et des enseignants de qualité.

Cette dotation spécifique pourra s’articuler avec les financements des CPER dont la nouvelle génération (2021-2027) pourrait consolider l’axe « culture » dans certaines régions, mais également avec l’enveloppe de 3,7 milliards d’euros en AE pour la rénovation thermique des bâtiments publics dont une part est explicitement fléchée vers les établissements de la recherche et de l’enseignement supérieur. Les premiers retours indiquent que les établissements ont été nombreux à candidater à l’appel à projets, signe de leur intérêt et des besoins.

L’enjeu est bien maintenant de s’assurer que la maîtrise d’ouvrage soit en mesure de mener à bien ces projets.

B.   La forte augmentation de l’action 2 Soutien À la dÉmocratisation et À l’Éducation artistique et culturelle

L’amélioration de l’accès de tous à la culture constitue une priorité majeure du Gouvernement. Après l’augmentation de 4 % des crédits de l’action 2 Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle en 2020, l’enveloppe allouée à cette action augmente très fortement de 12,2 % dans le PLF 2021, soit un niveau considérable, pour atteindre 222,6 millions d’euros en CP.

1.   Une sincérisation bienvenue des crédits de l’action 2

Parmi les mesures nouvelles, il faut principalement citer l’enveloppe de 20 millions d’euros en AE et CP pour le déploiement du pass Culture.

Le reliquat restant de 4,2 millions d’euros est partagé entre les deux autres axes : l’éducation artistique et culturelle (EAC) et la priorité à la participation de tous à la vie culturelle. Le ministère de la culture annonce quant à lui 16,2 millions d’euros de mesures nouvelles pour ces deux axes (7,2 millions d’euros pour l’EAC et 9 millions d’euros pour la participation de tous à la vie culturelle).

L’écart de 12 millions d’euros entre les crédits affichés par le PAP et les mesures nouvelles du ministère correspond en réalité au transfert opéré cette année entre l’action 2 du programme 361 et l’action 7 du programme 224. En effet, chaque année, une part significative des crédits (autour de 12 millions d’euros), répartie de façon variable entre les sousactions, était transférée dès le début de l’année, de l’action 2 de l’ancien programme 224 vers les dépenses de fonctionnement du ministère de la culture, portées par ce même programme 224 (action 7). Cela était rendu possible par le principe de fongibilité ([2]) qui permet de transférer, sans autorisation parlementaire ni acte réglementaire, les crédits d’une action du programme à une autre action de ce même programme.

La séparation des actions du programme 361 de celles du programme 224 empêche désormais ce contournement systématique permettant une meilleure transparence sur la hausse des dépenses de fonctionnement et de masse salariale du ministère de la culture.

Ainsi, si la hausse faciale relativement faible ne correspond pas au montant des mesures nouvelles, le ministère de la culture disposera effectivement pour la première fois en 2021 de ces crédits pour l’action 2 en plus des 12 millions d’euros transférés vers les fonctions support.

La rapporteure souhaite que cet effort de sincérité soit poursuivi : la ventilation des crédits au sein de chaque action du programme 361 doit être précisée et affinée, ce qui n’est pas le cas actuellement.

1.   Un objectif de 100 % de bénéficiaires pour l’éducation artistique et culturelle d’ici la fin du quinquennat

Le déploiement de l’EAC a été fortement ralenti par la crise sanitaire et la fermeture des écoles. 20 millions d’euros ont été consacrés à l’été culturel (par des redéploiements de crédits à hauteur de 10 millions d’euros et par une ouverture de crédits en LFR 3 de 10 millions d’euros également), afin de permettre aux artistes fragilisés de renouer avec les publics en parallèle de la réouverture progressive espérée en 2021 des lieux culturels. La prévision 2020 relative au résultat de l’indicateur 2.1 « Part des enfants et adolescents ayant bénéficié d’une action d’éducation artistique et culturelle » a ainsi été revue à la baisse dans le PAP 2021, passant de 88 % à 75 %. L’objectif en 2021 est que 88 % des jeunes bénéficient de l’EAC.

Facialement, la dotation attribuée à l’éducation artistique et culturelle hors pass Culture est très légèrement augmentée d’environ 1,2 million d’euros pour atteindre 97,3 millions d’euros dans le PLF 2021. Comme expliqué plus haut, le ministère de la culture affiche 7,2 millions d’euros de mesures nouvelles qui doivent permettre de renforcer la formation des acteurs de l’EAC, adapter les dispositifs aux contraintes sanitaires, consolider le développement des « contrats territoires lecture » et prolonger les dynamiques amorcées du dispositif « Été culturel ».

Évolution des crÉdits consacrÉs À l’Éducation artistique
et culturelle (dont pass culture) depuis 2017

(en millions d’euros)

Source : documents budgétaires, ministère de la culture, commission des finances de l’Assemblée nationale.

2.   Le pass Culture (+20 millions d’euros) à la croisée des chemins

comparaison 2019/2020 concernant les principales donnÉes du pass culture pour l’ensemble des dÉpartements concernÉs

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

Le pass Culture, initié par le Président de la République, a pour ambition de donner aux jeunes adultes de 18 ans les moyens de découvrir la richesse et la diversité de l’offre culturelle de proximité et d’encourager la proximité artistique. C’est donc d’abord un vecteur d’émancipation, dans la continuité du parcours d’éducation artistique et culturelle. Chaque jeune adulte de 18 ans, résidant dans un département éligible, dispose d’un crédit de 500 euros lui permettant de réserver les biens et services culturels référencés sur le pass, au moyen d’une application web et mobile géolocalisée.

L’expérimentation lancée en février 2019 ([3]) peut être prolongée jusqu’en février 2022. Testée d’abord auprès de 12 000 jeunes volontaires dans cinq départements ([4]), elle a connu un premier élargissement en juillet 2019 pour concerner l’ensemble des 150 000 jeunes de 18 ans dans les départements déjà concernés et sept nouveaux territoires, à la demande des collectivités ([5]) . Le pass Culture devait être disponible pour l’ensemble des jeunes des régions Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Grand Est, Ile-de-France, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur, ainsi qu’en Guyane et à la Réunion à partir de 2020. Ce déploiement a cependant été suspendu en raison de la crise sanitaire.

Si le dispositif, du fait de son expérimentation limitée géographiquement, a connu un démarrage plus lent que prévu, de nombreux points positifs sont à souligner. Contrairement à ce qui peut être parfois entendu, ce ne sont pas les supports numériques (qui ne représentent que 28 % des achats du pass en 2020 ([6])) mais les livres (56,2 % des achats) qui bénéficient le plus du pass. Un effort en faveur de la diversification de la consommation des produits culturels reste évidemment nécessaire.

Enfin, si l’on projette linéairement le montant des achats, observé sur une période de 8 mois, 364 euros seraient dépensés en moyenne durant deux années, soit un niveau significatif quoiqu’inférieur à l’enveloppe de 500 euros actuelle. On observe un déploiement particulièrement efficace en Bretagne, seule région dont l’ensemble des départements était concerné par l’expérimentation.

Dans ces conditions, la rapporteure souhaite une généralisation du dispositif et un déploiement national au 1er janvier 2021 pour une pleine efficacité du dispositif encore mal connu et insuffisamment exploité par les jeunes eux-mêmes, mais également par les prescripteurs que sont naturellement les enseignants et les acteurs culturels pour qui le pass Culture pourrait représenter une ressource importante dans un contexte de relance. La ministre dit réfléchir à une meilleure articulation du pass Culture avec les autres dispositifs de l’EAC avant 18 ans. Cette piste doit également être creusée.

L’enveloppe totale attribuée au dispositif est augmentée de 20 millions d’euros en 2021 pour atteindre 59 millions d’euros. Le solde non consommé de 2020, notamment engendré par la crise sanitaire et la moindre montée en puissance du dispositif qu’escomptée, pourrait être reporté en 2021. Dans le cas où une généralisation était décidée, la baisse du montant du pass de 500 à 300 euros permettrait non seulement de rendre soutenable cette dépense, mais également d’adapter sa jauge au comportement réel observé des utilisateurs.

 

Un exemple de déploiement réussi : la Bretagne

Depuis juin 2019, la Bretagne est la seule région intégralement ouverte au pass Culture. Tous les jeunes de 18 ans résidant dans le Finistère, les Côtes-d’Armor, l’Ille-et-Vilaine et le Morbihan y sont éligibles au même titre que les jeunes des dix autres départements d'expérimentation.

La Bretagne compte les quatre départements les plus actifs et mobilisés de l’expérimentation :

 – 36 000 sur 40 611 jeunes bretons de 18 ans sont inscrits, soit l’équivalent de 88 % des jeunes de 18 ans dans cette région ;

– 700 lieux bretons proposent 290 000 offres culturelles en Bretagne sur le pass ;

– les jeunes bretons représentent 50 % des inscrits au pass Culture alors qu’ils ne représentent que 30 % des jeunes concernés ;

– en moyenne, le potentiel de dépense estimé est de 404 euros sur 24 mois, soit plus de 80 % du montant actuel du pass Culture.

Plus d’un quart des utilisateurs bretons ont effectué au moins une réservation dans un domaine qu’ils ne pratiquaient pas avant leur inscription au pass Culture. Par ailleurs, plus d’un breton sur deux ayant effectué au moins trois réservations sur l’application les a effectuées dans trois catégories culturelles différentes ;

– 32 % des utilisateurs bretons, déclarant ne pas avoir de pratiques audiovisuelles, ont effectué au moins une réservation dans cette catégorie culturelle sur le pass Culture ;

– 28 % des utilisateurs bretons, déclarant ne pas lire de livres, ont effectué au moins une réservation dans cette catégorie culturelle sur le pass Culture ;

– 42 % des utilisateurs bretons, déclarant ne pas aller au musée, ont effectué au moins une réservation dans cette catégorie culturelle sur le pass Culture, contre 16 % des utilisateurs des autres départements ;

– 30 % des utilisateurs bretons déclarant ne pas aller voir de spectacles (théâtre, ballet, etc.) ont effectué au moins une réservation dans cette catégorie culturelle sur le pass Culture contre 21 % des utilisateurs.

3.   Une baisse faciale de 3 millions d’euros malgré 9 millions d’euros de mesures nouvelles consacrées à l’action en faveur des publics éloignés, de l’équité territoriale, des usages numériques et des pratiques amateurs

L’action pour les publics éloignés de la culture doit constituer une priorité. Cet axe de l’action 2 permet le déploiement de programmes aussi variés que divers sur l’ensemble des territoires : zones rurales et QPV (micro-folies), centres bourgs (action cœur de ville), etc.

La rapporteure regrette la baisse faciale de 3 millions d’euros, affichée dans le PAP 2021, puisque seulement 60,3 millions d’euros affichés sont consacrés à cet axe, contre 63,3 millions d’euros en 2020.

Hors mesure de transfert présentée plus haut, 9 millions d’euros de mesures nouvelles permettent notamment :

– le déploiement de 1 000 micro-folies supplémentaires prévues en 2021 ;

– le soutien à l’emploi artistique et à la jeune création, visant à favoriser la rencontre entre les artistes et les habitants ;

– la création du label « Capital française de la culture » dont l’initiative reste mal connue.

La rapporteure rappelle l’importance d’un déploiement équilibré des crédits sur le territoire : en 2019, l’ÎledeFrance a bénéficié de 58 % des crédits de la mission Culture alors qu’elle ne représente que 18 % de la population. Des efforts de rééquilibrage ont été entrepris mais demeurent insuffisants pour renverser cette inégalité, ancrée dans notre politique culturelle.

C.   La recherche culturelle et la culture scientifique et technique : une nouvelle action en provenance de la mission recherche ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

1.   Présentation de la nouvelle action intégrée au programme 361

L’action 4 constituait jusqu’en 2020 le programme 186 éponyme Recherche culturelle et culture scientifique et technique de la mission Recherche. Le programme était jusqu’en 2020 composé de deux actions :

– l’action 1 Recherche culturelle, dotée de 11 millions d’euros en AE et 10,3 millions d’euros en CP en LFI pour 2020 et dans le PLF 2021, qui s’inscrit dans le développement de la stratégie de recherche 2017-2020. Cette enveloppe finance les services à compétences nationales (Laboratoire de recherche des monuments historiques, Centre de recherche et de restauration des musées de France, etc.), les services centraux du ministère de la culture, ainsi que différents autres établissements publics de statut divers (EPA, établissements publics à caractère scientifique et technologique, opérateurs d’enseignement supérieur et de recherche, groupement d’intérêt public à caractère culturel) dans leur vocation propre de recherche en faveur des patrimoines, de la création artistique et des recherches transversales ;

– l’action 3 Culture scientifique et technique, dotée de 99,6 millions d’euros en AE/CP en LFI pour 2020, soit un montant dix fois supérieur à celui de l’action 1. Ces crédits sont entièrement destinés à l’établissement public du Palais de la Découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie (« Universcience »). Un objectif de performance se rapporte à l’évolution du nombre annuel de visiteurs physiques d’Universcience.

Sur le programme 361 dans le PLF 2021, ces deux actions ne constituent pas à proprement parler des sous‑actions de l’action 4 mais sont maintenues et servent d’axes de présentation. Une ventilation plus précise de l’ancienne action 1 permet de distinguer les crédits de la recherche culturelle en faveur des patrimoines, de la création, et les recherches transversales.

L’année 2021 sera l’occasion pour le ministère de la culture d’élaborer sa nouvelle stratégie de recherche pour la période 2021‑2025. Actuellement en cours d’évaluation, la réactualisation de la stratégie ministérielle de recherche (2017‑2020) coïncidera avec le renouvellement de l’Accord-cadre entre le ministère de la culture et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), dans le cadre de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de programmation de la recherche.

2.   Une dotation augmentée de 2 millions d’euros pour Universcience

Alors que les crédits en faveur de la recherche culturelle et scientifique sont maintenus à leur niveau de 2020, la dotation d’Universcience a été augmentée de 2 millions d’euros dans le PLF 2021 pour atteindre 101,6 millions d’euros en AE/CP. Si la rapporteure n’a pas eu l’occasion de se pencher sur les difficultés de l’opérateur, elle est consciente des conséquences de la crise sanitaire. L’enveloppe supplémentaire accordée en 2021 doit permettre de compenser une partie des pertes de recettes de billetterie, qui pourrait s’élever à 9 millions d’euros en 2020.

La future délégation responsable du programme 361 devra être attentive à la trajectoire financière de l’opérateur. Le transfert des crédits de la recherche culturelle et de la culture scientifique et technique doit permettre de renforcer le dialogue entre le ministère de la culture et le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI).


III.   une augmentation des dÉpenses supports pour le programme 224 soutien aux politiques du ministÈre de la culture

Évolution des autorisations d’engagement et des crÉdits de Paiement
du programme 224

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé de l’action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiements

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en valeur absolue

Évolution en %

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en valeur absolue

Évolution en %

06 – Action culturelle et internationale

7,4

7,4

0

0,0 %

7,4

7,4

0

0,0 %

07 – Fonctions de soutien du ministère

723,9

748,8

+ 24,9

+ 3,4 %

722

745

+ 23

+ 3,1 %

TOTAL

731,3

756,2

+ 24,9

+ 3,4 %

729,4

752,4

+ 23

+ 3,1 %

Source : documents budgétaires, commission des finances de l’Assemblée nationale.

Le solde des transferts est de - 4,1 millions d’euros, expliqué principalement par des transferts d’ETPT vers les opérateurs du ministère. Hors mesure de transfert, la hausse des crédits pour les actions 6 et 7 du programme 224 atteint 29 millions d’euros en AE et 27,1 millions d’euros en CP, pour s’élever respectivement à 4 % et 3,6 % :

– 12 millions d’euros sont transférés de l’action 2 du programme 361 vers l’action 7 du programme 224 pour améliorer la lisibilité et la sincérité de l’autorisation budgétaire (voir plus haut). Cette enveloppe était systématiquement redéployée de l’action pour le soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle vers les fonctions support du ministère, dès l’entrée en vigueur de la loi de finances initiale, les actions 2 et 7 étant portées jusqu’en 2020 par le même programme 224. Cette enveloppe ne constitue donc pas une mesure nouvelle à proprement parler ;

– 9 millions d’euros pour la poursuite du plan de rattrapage indemnitaire des agents du ministère de la culture ;

– 7 millions d’euros pour les projets d’investissement du ministère.

Le schéma d’emploi pour 2021 est de - 25 ETPT, soulignant les efforts du ministère de la culture et sa participation à la baisse des dépenses publiques structurelles.

A.   Une enveloppe supplÉmentaire d’investissement de 7 millions d’euros nÉcessaire pour la modernisation du ministÈre

La crise sanitaire du coronavirus a accentué la nécessité pour le ministère de la culture de procéder à l’accélération de son équipement numérique. Les comparaisons avec les autres ministères font apparaître un retard dans la dématérialisation des procédures et une sousdotation du ministère de la culture de l’ordre de 30 %. Un rattrapage était nécessaire pour une remise à niveau au bénéfice des 6 500 agents utilisateurs, mais également des usagers des services du ministère. L’amélioration du système d’information doit se poursuivre dans la durée.

Les dépenses informatiques augmentent ainsi de 7 millions d’euros en AE et en CP, soit une hausse de 71 % en AE et en CP. Cet investissement très significatif doit permettre :

– de couvrir le surcroît des dépenses liées au travail à distance, ainsi que les dépenses consacrées à la sécurité et au cloud ;

– d’accélérer l’équipement numérique du ministère, conformément au plan de transformation numérique ministériel ;

– le renforcement de la digitalisation des politiques culturelles via la création d’un laboratoire d’expérimentation.

La transformation numérique du ministère doit aussi bien concerner les agents du ministère et des opérateurs que les citoyens (accélérer la dématérialisation avec un objectif de 100% des procédures dématérialisées qui s’inscrit dans la dynamique d’Action publique 2022 tout en portant une attention particulière à la valorisation des données publiques) ainsi que les professionnels de la culture qui doivent bénéficier d’un écosystème d’innovation culturel compétitif.

B.   un pilotage du secrÉtariat TOUJOURS perfectible

L’absence de pilotage au sein du ministère de la culture a déjà été soulevée par la rapporteure dans ses précédents rapports.

1.   L’amélioration du pilotage intraministériel et des opérateurs en 2021

Le secrétariat général souhaite améliorer le suivi des problématiques transversales aux différentes directions métiers : transition écologique, égalité hommes-femmes, etc. Il note d’ailleurs une vive attente de la part des opérateurs sur ces sujets. Plus généralement, davantage de cohésion et de cohérence sont nécessaires, à l’échelle du ministère.

 

Pour cela, le secrétariat se dotera d’une nouvelle fonction intégrée de pilotage, synthèse stratégique et animation transversale des réseaux. Ce nouveau service sera créé sur le modèle du « Service du pilotage et de l’évolution des services » du secrétariat général du ministère de la transition écologique et solidaire.

2.   Une tutelle des opérateurs renforcée

La rapporteure spéciale rappelle la nécessaire poursuite de la contractualisation via les contrats d’objectifs et de performance avec les opérateurs, dont le secrétariat général reconnaît l’intérêt, notamment pour le déploiement de nouveaux projets (Micro-Folies, Démos).

Des mesures, dont certaines sont très concrètes, pourraient être mises en œuvre à court, moyen ou long terme pour améliorer le suivi des opérateurs. Le rapport remis à l’automne par Jean-François Hébert, « Repenser la fonction de tutelle des opérateurs et organismes dans un sens plus stratégique et moins gestionnaire », contient plusieurs recommandations que la rapporteure juge pertinentes :

– valoriser la fonction de chargé de tutelles (formation, présence en conseil d’administration, etc.) et les seconder par la création de cellules d’appui ;

– encourager le partage de bonnes pratiques et d’informations entre opérateurs du ministère ;

– améliorer et accélérer l’ensemble des procédures de nominations au sein des établissements et faciliter la gestion des ressources humaines ;

– organiser un entretien annuel pour faire de l’évaluation des objectifs du dirigeant un temps fort de l’exercice de la tutelle ;

– doter chaque opérateur d’un projet stratégique de long terme et simplifier les COP autour de certains objectifs et indicateurs de performance stratégiques ;

– renforcer la présence du ministère au sein des conseils d’administration.

Si la rapporteure note l’importance de réaffirmer la tutelle des directions métiers, le secrétariat général a tout son rôle à jouer, notamment au moyen des cellules d’appui transversales.


—  1  —

   DEUXIÈME PARTIE : LES POINTS D’ATTENTION
DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

À l’occasion de ses travaux à l’automne, la rapporteure spéciale a porté son attention sur deux sujets particuliers :

– la politique des festivals du ministère de la culture ;

– l’application de la réforme des écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA).

I.   La politique de soutien aux festivals

Les festivals présentent une très grande hétérogénéité :

– temporellement (certains festivals durent plusieurs semaines et maintiennent des actions dans le territoire tout au long de l’année quand d’autres ne durent que quelques jours voire quelques heures) ;

– économiquement (les festivals présentent des statuts, des budgets et des modèles de développement variables) ;

– artistiquement, les festivals français couvrent de multiples domaines et des esthétiques différentes.

Un suivi précis et fin par les pouvoirs publics est nécessaire si l’on souhaite développer une véritable politique des festivals. Or, ce suivi est encore insuffisant malgré des enjeux de structuration territoriale et même de souveraineté culturelle.

A.   une politique des festivals encore lacunaire

1.   Une méconnaissance du fait « festival » sur le territoire national

Le ministère de la culture et le réseau déconcentré des DRAC connaissent encore peu les initiatives développées sur leur territoire à l’exception des structures financées (moins de 20 % de l’ensemble des structures). Cette méconnaissance est d’ailleurs réciproque, de nombreux acteurs n’ayant pas le réflexe d’entrer en relation avec elles.

Au cours des années 2000, une distance s’est progressivement creusée entre les DRAC et les festivals : la directive nationale d’orientation du 31 janvier 2003 invite les DRAC à se désengager des festivals et à ne réserver leur soutien qu’aux festivals d’envergure nationale et internationale.

Cette distance se constate aujourd’hui par la difficulté pour le ministère de la culture d’estimer le nombre réel de festivals en France. Dans son « panorama des festivals » en décembre 2019, Serge Kancel identifie l’existence de 3 136 manifestations en 2019, dont 1 710 pour la seule musique actuelle. Durant la crise sanitaire, c’est plus de 3 600 festivals qui sont identifiés par la cellule festivals. Si la DGCA estime à 4 000 le nombre total de festivals ([7]) , il pourrait exister plus 6 000 festivals selon les données de l’étude SoFEST « Festivals annulés » réalisée en mai 2020. Au‑delà du nombre, c’est tout l’écosystème des festivals sur les territoires qui est à mieux appréhender, par des outils d’observation partagés ou la création d’un observatoire des festivals comme le préconise Pierre Cohen dans son rapport de mai 2016.

Cette connaissance est d’autant plus importante que les Français témoignent d’un attachement particulier grandissant pour les festivals : l’édition 2020 de l’enquête sur les pratiques culturelles des Français, publiée par le DEPS révèle que 19 % des Français participent à un festival chaque année. Cette fréquentation est en hausse puisqu’ils étaient 16 % en 2008 et 8 % en 1973.

2.   Une politique de soutien du ministère de la culture éclatée et lacunaire

Les festivals qui sont soutenus par le ministère et son réseau déconcentré ne font pas l’objet d’un suivi unifié. Les différentes directions (DGCA, DGMIC), ainsi que leurs délégations métiers, opèrent en silo par entrée disciplinaire ou professionnelle. Les opérateurs du ministère (CNM, CNC, CNL) développent également une politique propre d’attribution des aides sans pilotage d’ensemble. Le secrétariat général, direction générale transversale du ministère ayant en charge les questions financières, n’est pas en capacité à ce jour de présenter un tableau récapitulatif et consolidé présentant l’ensemble des aides apportées aux festivals par le ministère et ses opérateurs. La nouvelle délégation qui sera en charge de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture pourrait être chargée de la stratégie à déployer concernant le fait festival.

Dans les réponses aux questionnaires budgétaires, la DGCA fournit ainsi un tableau ne correspondant qu’aux aides apportées pour le spectacle vivant et les arts visuels par les DRAC. Si la DGCA estime que « l’évolution des crédits spécifiquement dédiés aux festivals du spectacle vivant par le ministère de la culture a connu depuis dix ans un recentrage en nombre de festivals subventionnés », les données transmises ne permettent pas de le vérifier.

Évolution du soutien des festivals du spectacle vivant
par le ministÈre de la culture depuis 10 ans

(en millions d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Nombre de festivals soutenus

148

223

201

172

154

156

156

157

194

168

170

Total subventions ministère de la culture

18,11

17,78

18,05

17,91

15,21

17,29

16,99

18,02

18,13

19,58

17,9

Source : ministère de la culture, DGCA.

Une vision consolidée des structures aidées et des aides apportées par le ministère de la culture et ses opérateurs est ainsi indispensable. Dans cette perspective, une meilleure coordination intraministérielle et avec les opérateurs est indispensable. La rapporteure souhaite également que soient établis des indicateurs précis permettant de mesurer le montant total des aides publiques reçues par les festivals aidés afin de mesurer l’effort des collectivités territoriales.

3.   Une nouvelle dynamique récente

La rapporteure note cependant une nouvelle dynamique impulsée depuis presque trois ans.

Des initiatives sont prises pour engager une politique des festivals plus volontariste. Le 20 juillet 2018, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, annonce la diffusion d’une « Charte des festivals » qui reconnaît les principaux défis (alourdissement des charges, absence de visibilité concernant les subventions, phénomène de concurrence et de concentration) et qui établit des lignes directrices pour le soutien public : le soutien aux festivals « exemplaires » doit être renforcé dans le cadre d’un conventionnement pluriannuel et multipartite.

L’exemplarité des festivals renvoie ainsi à une gestion désintéressée, une activité durable tout au long de l’année, un rôle économique structurant pour le territoire ainsi qu’à une action volontariste en matière d’inclusion, de mixité et de développement durable. Cette « charte des festivals » établit le bon diagnostic pour de nombreux acteurs, qui n’ont cependant pas vu de déclinaison opérationnelle concrète de cette charte en l’absence de réel portage politique.

Par ailleurs, la connaissance des festivals s’améliore : dès 2017, la ministre de la culture annonce la mise en place d’un interlocuteur unique au sein du ministère sur la question. La mission confiée en 2018 au référent festival, Serge Kancel, permet pour la première fois de dessiner un panorama des festivals aidés en France : le rapport de sa « Mission référent festivals : quelques enseignements sur la situation des festivals », rendu en décembre 2019, fait état d’environ 500 manifestations culturelles soutenues par les DRAC et 236 par les établissements publics rattachés au ministère en 2017. Les travaux des études SoFest, initiés par la fédération France Festivals, permettent également aujourd’hui d’avoir une vision affinée de nombreux aspects de la vie des festivals : fréquentation, budget, calendrier, etc.

La crise sanitaire permet également un rapprochement des festivals et des DRAC dans les régions : de nouvelles initiatives sont identifiées et un dialogue fécond lié à la crise sur les sujets opérationnels et financiers est instauré. Une cellule d’accompagnement des festivals est chargée de superviser la gestion du « fonds festivals » doté de 10 millions d’euros grâce à la LFR 3.

Enfin, les États généraux qui se sont déroulés début octobre et dont la prochaine édition aura lieu en 2021 à l’occasion du Printemps de Bourges permettent une reconnaissance symbolique précieuse et l’instauration d’un dialogue fécond entre l’État, les collectivités territoriales, les organisateurs et les artistes. Cette instance permettra de mieux cartographier les besoins des festivals et les changements du secteur. Le ministère de la culture indique porter une attention particulière à plusieurs enjeux : la transformation des modèles économiques des festivals, la question du développement durable et l’égalité femmes-hommes.

B.   Des dÉfis importants À relever

Aujourd’hui, le pilotage des festivals est d’autant plus crucial que des enjeux fondamentaux les concernant existent.

1.   La survie financière des festivals en jeu

La majorité des manifestations festivalières a été annulée ou reportée durant l’été en raison des conditions sanitaires. Seuls les petits festivals en jauge réduite ayant ont autorisés à être maintenus. L’étude SoFest de mai 2020 estime ainsi à 1,5 milliard d’euros les pertes économiques liées à ces annulations.

Pour les festivals, l’annulation constitue une perte financière directe : certaines charges engagées ne seront pas récupérées et les recettes de billetterie doivent être remboursées malgré la générosité de certains festivaliers. Dans certains cas, heureusement rares, les partenaires traditionnels se sont retirés (mécènes, collectivités territoriales). Même si certains reports en 2021 permettent de limiter les tensions sur la trésorerie, la situation financière en 2020 demeure difficile, d’autant qu’un tiers des 3 000 à 6 000 festivals français ont un budget inférieur à 20 000 euros et ne subsistent que par l’engagement des bénévoles.

Le fonds festivals doté de 10 millions d’euros en LFR 3 et réparti entre les DRAC selon le poids de la population constitue une première réponse. Il a permis de venir en soutien aux acteurs les plus fragiles. La rapporteure regrette que cette initiative n’ait pas été coordonnée avec les fonds de soutien mis en œuvre par les opérateurs du ministère. Début octobre, 8,2 millions d’euros avaient déjà été accordés, pour un ensemble de demandes atteignant 9,6 millions d’euros. Le fonds festival sera rapidement épuisé.

 

RÉpartition des aides attribuÉes par le fonds festival au 1er Octobre 2020

(en euros)

Régions

Total des demandes

Total accordé

Auvergne-Rhône-Alpes

1 527 705

1 050 000

Bourgogne-Franche-Comté

331 000

331 000

Bretagne

497 000

507 000

Centre Val de Loire

303 000

300 000

Corse

220 000

100 000

Grand Est

572 141

572 000

Guadeloupe

115 000

80 000

Guyane

57 500

50 000

Hauts-de-France

350 000

350 000

Île-de-France

1 421 099

1 333 000

La Réunion

50 000

50 000

Martinique

82 000

80 000

Mayotte

0

0

Normandie

207 000

212 000

Nouvelle Aquitaine

900 000

900 000

Nouvelle-Calédonie

0

0

Occitanie

1 674 000

1 000 000

Pays de la Loire

525 530

525 000

Provence-Alpes-Côte d’Azur

757 000

750 000

Polynésie française

0

0

Total

9 589 975

8 190 000

Source : ministère de la culture.

Lors des états généraux des festivals, la ministre a annoncé qu’une enveloppe supplémentaire de 5 millions d’euros provenant du plan de relance serait débloquée pour rehausser les montants du fonds à 15 millions d’euros.

En outre, une enveloppe spécifique de 800 000 euros, hors fonds festivals, a été fléchée pour les théâtres d’Avignon. L’envergure et le modèle économique spécifique du festival justifient cette enveloppe spéciale. Le fonds est géré par l’association AF&C. La rapporteure s’interroge sur la manière dont les critères ont été établis, n’ayant pas connaissance de la décision du conseil d’administration de l’association.

Ces soutiens exceptionnels s’ajoutent aux crédits « festival et résidence » qui s’élèveront en 2021 à 30 millions d’euros, ainsi décomposés : 9,7 millions d’euros en crédits déconcentrés, 9,3 millions d’euros en crédits centraux versés par la DGCA ainsi que 12 millions d’euros attribués par les opérateurs.

Malgré ce soutien financier réel, l’année 2021 pourrait être plus difficile encore : des retraits de mécènes, qui représentent une part non négligeable des financements, sont à craindre. La perspective de devoir organiser des festivals en jauge dégradée à l’été 2021 paraît très complexe alors que certains festivals expriment des craintes quant au retour du public.

2.   L’ancrage local des festivals : un enjeu majeur pour la cohésion des territoires et la démocratisation culturelle

Les festivals ont un rôle structurant à jouer pour les territoires, notamment lorsqu’ils sont implantés dans des lieux enclavés. Lors de ses auditions, la rapporteure a pu constater le rôle joué par ceux qui maintiennent une présence et une action tout au long de l’année. C’est le cas des festivals « Jazz in Marciac » ou « Musicalarue ».

« Jazz in Marciac » accueille 250 000 visiteurs durant trois semaines l’été à Marciac, commune du Gers de moins de 1 500 habitants à 40 kilomètres de Tarbes et 130 kilomètres de Toulouse. Constitué comme association à but non lucratif, son budget d’environ 5 millions d’euros est autofinancé à hauteur de 70 % (billetterie et marchandising) et soutenu par des mécènes et des subventions publiques à hauteur respectivement de 22 % et 8 %.

Outre les retombées économiques pour le village et le territoire en termes d’emplois notamment (six salariés employés à l’année par l’association, création de deux hôtels, etc.), le festival a permis de donner naissance à un projet culturel qui se décline toute l’année grâce aux recettes du festival d’été. Ce projet propose :

– des concerts fréquents organisés toute l’année dans la salle de « l’Astrada », financés par les bénéfices du festival d’été et pouvant accueillir jusqu’à 500 personnes ;

– en plus des partenariats existants avec le conservatoire et l’Université de Toulouse, des formations approfondies de musique jazz dans les deux établissements scolaires du secteur (école primaire et collège).

Le festival « Musicalarue », quant à lui, accueille environ 45 000 festivaliers chaque année. Il se tient pendant trois jours à la mi-août dans un village isolé des Landes de moins de 1 000 habitants, Luxey, qui se situe à 50 minutes de Mont-de-Marsan et 1 h 20 de Bordeaux. 220 concerts et spectacles ainsi que 80 groupes, composés de têtes d’affiche et de jeunes artistes locaux, se produisent à cette occasion. Association à but non lucratif, son budget de 2,7 millions d’euros est financé à 75 % par des ressources propres, à 10 % par le mécénat et à 15 % par des subventions publiques.

 

Outre les retombées économiques (8 salariés employés à l’année, maintien de deux restaurants et de commerces de proximité dans le village), le festival maintient une activité durant l’année autour de trois axes forts :

– « Musicalarue à domicile » consiste, pour des artistes, à venir se produire toute l’année au plus près des publics dont l’accès à la culture est entravé (aire d’autoroute, EPHAD, prison, etc.) ;

– « Muisicalarue sur un plateau » permet à des artistes, en voie de professionnalisation, de présenter leur projet artistique dans plusieurs scènes éparpillées dans le village ;

– La salle de spectacle des Cigales, pouvant accueillir jusqu’à 250 spectateurs assis, est gérée en délégation de service public par l’association. Financée grâce aux recettes du festival, elle maintient une programmation culturelle ambitieuse tout au long de l’année.

Dans les deux cas, ces deux festivals « exemplaires » jouent un rôle structurant pour leur territoire tout au long de l’année aussi bien culturellement, socialement, qu’économiquement. De grande envergure et capable d’attirer des têtes d’affiche, ils jouent un rôle de formation, de soutien à la création locale et de diffusion culturelle pour tous les publics. Ces initiatives, parmi d’autres, constituent un modèle qui convient d’être encouragé financièrement et symboliquement.

3.   La concentration des festivals : un risque pour notre souveraineté culturelle

Le phénomène de concentration des festivals est connu dans le monde du spectacle vivant. Depuis plusieurs années, de grands groupes rachètent ou prennent des participations dans un ensemble de festivals, dans une logique d’intégration verticale et de maîtrise de l’ensemble de la chaîne de valeur. Parmi les festivals de musique actuelle, l’étude Barofest de 2016 montre que les grands groupes (Live Nation, AEG, Vivendi, LNEI, Sony, Morgane et Fimalac) représentent 14 % des festivals et pèsent 88 % de la billetterie.

Si poursuivre des objectifs de rentabilité n’est pas du tout critiquable en soi, des risques importants existent :

– une augmentation du prix de la billetterie ;

– un risque de standardisation de l’offre culturelle ;

– une hausse non maîtrisée concernant le coût des têtes d’affiche ;

– une politique d’exclusivité qui empêche les festivals indépendants d’avoir accès à ces têtes d’affiche ;

– une attention moindre au rôle de structuration du territoire que peut jouer un festival ancré localement.

Bien que connu, le phénomène a longtemps été relativement peu étudié. Aujourd’hui, plusieurs études traitent du sujet : l’action des grands groupes dans le domaine de la musique actuelle a fait l’objet d’une étude quantitative par la DGCA en 2020 « Présence et stratégies d’intégration des groupes d’entreprises dans le secteur des festivals et de musique actuelle entre 2009 et 2017 » ([8]).

En juillet 2020, l’Autorité de la concurrence a été saisie d’une demande d’avis concernant le secteur des musiques actuelles, par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, pour répondre au risque de concentration touchant les salles de concerts, les festivals de musiques actuelles, la billetterie ainsi que la production d’artistes.

La rapporteure souhaite que les pouvoirs publics s’engagent davantage sur la question, aucune proposition n’ayant été portée politiquement. La rapporteure souhaite ainsi qu’un travail plus approfondi soit conduit sur le risque de concentration qui touche les festivals, aujourd’hui particulièrement fragilisés à cause de la crise sanitaire, et qu’une réflexion puisse être menée sur les dispositifs réglementaires ou financiers permettant de lutter contre le phénomène.

II.   Le suivi de la rÉfoRme des Écoles nationales d’architecture (ENSA)

Les ENSA occupent une place particulière dans le champ de l’enseignement supérieur. Faisant à la fois intervenir des praticiens et des chercheurs, son modèle est souvent décrit comme hybride entre celui de l’université et celui des grandes écoles.

Les ENSA jouent très bien leur rôle de formation puisque les taux de sortie positive d’école sont élevés (autour de 90 %). En outre, leur inscription territoriale est appelée à croître si elles se mobilisent pour les programmes d’aménagement du territoire comme « Petites villes de demain » ou « Action cœur de ville » pilotées par l’Agence nationale de la cohésion des territoires et renforcées dans le cadre du plan de relance. Pour cela des moyens sont nécessaires et c’est ce que prévoyait la réforme de 2018.

A.   une rÉforme importante saluÉe par tous les acteurs

1.   Le rapport IGAC-IGAENR de 2014 : la nécessité de renforcer le nombre d’enseignants-chercheurs au sein des ENSA

Le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et de l’Inspection générale de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) de novembre 2014 « Une nouvelle ambition pour la recherche dans les écoles d’architecture. Proposition pour un statut d’enseignant chercheur » établit plusieurs constats :

– un trop faible nombre d’enseignants chercheurs dans les ENSA (12 % des enseignants contre 35 % en moyenne dans les universités) ;

– un statut des enseignants en ENSA inadapté à la mise en œuvre de la réforme LMD (licence-master-doctorat), avec une obligation d’enseignement de 320 heures contre 192 heures pour les enseignants-chercheurs d’université ;

– un statut d’établissement public administratif inadapté, car empêchant la mise en œuvre d’une politique pédagogique et scientifique pilotée par le conseil d’administration et par une instance scientifique, représentative et autonome.

Le rapport propose ainsi de définir un nouveau statut d’enseignant-chercheur dans les ENSA, de créer une instance nationale de suivi, d’encourager la recherche en augmentant le nombre de doctorats et en diminuant le volume horaire des enseignants tout en transformant le statut des ENSA. D’un point de vue financier, le renforcement de la recherche nécessite une augmentation des dépenses de personnels pouvant être partiellement compensées par la recherche de mutualisations entre les ENSA et avec les autres communautés de recherche, ou la diminution du volume horaire des étudiants.

2.   La mise en œuvre de la réforme

Dans la lignée de la loi n° 2016‑925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (loi LCAP), cinq décrets sont pris le 15 février 2018 (décrets n°2018-105 et suivants) pour la réforme des écoles d’architecture. Ces décrets permettent notamment :

– l’autonomie affirmée des ENSA avec un nouveau mode de gouvernance (conseil scientifique, représentation des enseignants, ouverture du CA sur les territoires) et la modification de leur statut ;

– la création d’un conseil national pour un recrutement objectif et contrôlé aux fonctions de maîtres de conférences et de professeurs d’université ;

– la création d’un statut d’enseignant chercheur qui permet la réduction du service d’enseignement en cas d’activité de recherche de 320 heures à 192 heures.

Dans la logique même de cette réforme, un protocole d’accord interministériel, réunissant en 2017 le ministère en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi que le ministère de la culture qui ont tous deux la cotutelle des ENSA, prévoit l’augmentation des moyens humains afin de permettre le développement de la recherche dans les ENSA.

La rapporteure n’a malheureusement pas pu avoir accès à ce protocole avant l’achèvement de la rédaction de ce rapport, ce qu’elle regrette. Les informations tirées de ses entretiens avec les administrations des deux ministères doivent donc être prises avec prudence.

Le protocole d’accord et les échanges qui auraient suivi entre les deux ministères prévoiraient un plan décliné en deux volets :

– une déprécarisation du personnel des ENSA (environ 190 titularisations prévues sur cinq ans selon le ministère de la culture) ;

– une création nette de 150 ETP sur cinq ans pour permettre aux enseignants chercheurs de profiter de la réduction de leur service d’enseignement pour leur activité de recherche. Une trajectoire de 15 ETP par an et par ministère, afin de partager l’effort à égalité entre le MESRI et le ministère en charge de la culture, aurait ainsi été évoquée à l’occasion des échanges entre le ministère de la culture et le MESRI.

Un ETP, constituant un support de poste, permet des décharges horaires pour un nombre supérieur d’enseignants-chercheurs d’un même établissement.

B.   des moyens insuffisants aujourd’hui

Le ministère de la culture comme le MESRI jugent positivement l’action des ENSA notamment dans le cadre de la réforme. Avec des liens forts en matière de recherche et de politique de site, les ENSA participent toutes aux communautés d’universités et établissements (COMUE). Les ENSA sont des acteurs de la recherche publique avec 37 unités, dont 15 sont intégrées dans 6 unités mixtes de recherche du ministère de la culture et du CNRS. De nouvelles formations ont été créées, des axes de recherche ont été développés. Un dialogue fécond avec les sciences humaines et sociales s’est développé au bénéfice de ces disciplines dans une perspective de professionnalisation.

1.   La trajectoire du protocole non respectée

Malgré ces réussites, les moyens n’ont pas été au rendez-vous : à ce jour, 75 postes ont été créés, dont 45 par le ministère de la culture et 30 par le MESRI, alors que 150 doivent être créés d’ici 2022.

Après sa contribution à hauteur de 30 postes entre 2016 et 2018, le ministère en charge de la recherche et de l’enseignement supérieur a cessé sa contribution aux créations de poste. Le MESRI considère aujourd’hui que ses engagements ont été tenus avec la création de ces 30 postes.

Un décrochage du ministère de la culture depuis 2020 est à noter après la création de 15 postes par an de 2017 à 2019. Si le ministère de la culture estime que la trajectoire de créations d’emplois, interrompue en 2018, doit reprendre, la rapporteure note que le PLF 2021 n’est pas en adéquation avec cette volonté affichée, seuls 5 ETP ayant été ouverts sur le programme 224 pour les ENSA au lieu des 15 prévus par la trajectoire évoquée par le ministère de la culture.

La rapporteure a déposé deux amendements en séance sur les missions Culture et Recherche et enseignement supérieur pour interpeller les deux ministères sur l’effort à consentir pour développer la recherche dans les ENSA.

2.   Une interrogation plus générale sur les moyens des écoles d’architecture

Au-delà du manque de moyens pour développer la recherche à la hauteur des ambitions de la réforme, un mouvement social est né dans les ENSA à l’hiver 2020 en réaction à une dégradation plus générale des conditions de travail.

Les directeurs d’école se sont adressés, dans une lettre ouverte publiée le 19 février 2020 ([9]), au Premier ministre et aux différents ministres concernés. De nombreux points sont évoqués : vétusté des bâtiments, vacance entretenue des postes administratifs, surcharge horaire pour les enseignants, etc. Les directeurs s’émeuvent également d’une inégalité de traitement par rapport aux autres étudiants du supérieur. La dépense moyenne par étudiant dans les ENSA serait très largement inférieure à la dépense moyenne par étudiant dans le supérieur. Des disparités territoriales importantes entre ENSA sont également soulevées.

Dans ce contexte, la rapporteure souhaite que soit évalué en 2021 le niveau réel de dépenses par étudiant dans les ENSA, afin d’objectiver le constat réalisé par les directeurs d’école. De plus, une mission IGAC, qui rendra ses conclusions très prochainement, doit permettre d’apporter des réponses à l’ensemble ces difficultés rencontrées par les ENSA. Le ministère reconnaît que des moyens supplémentaires devraient être fournis pour les fonctions support des ENSA, les écoles ayant à faire face à un travail accru (renforcement du rôle des instances, participation accrue à la politique de site universitaire, organisation des comités de sélection, etc.).

À ce propos, la rapporteure souhaite rappeler les investissements importants pour les bâtiments et le cadre de travail des ENSA, que les crédits du plan de relance vont permettre.

Le plan d’investissement pour les ENSA dans le plan de relance

En prenant appui sur les plans pluriannuels d’investissement (PPI) des ENSA, 7 opérations prioritaires ont été identifiées et soutenues pour bénéficier des crédits de l’enveloppe de 70 millions d’euros réservée pour les ESC sur l’action 5 du programme 363.

Ces opérations déclinent différents types d’interventions immobilières : elles se veulent emblématiques de la politique de l’architecture, notamment en matière d’optimisation des performances énergétiques du bâti existant, de la valorisation du patrimoine du XXe siècle et de la création architecturale.

Les sept opérations concernées sont les suivantes :

– la restauration du clos-couvert des ailes de la Petite écurie abritant l’ENSA de Versailles (20 millions d’euros) ;

– le financement de la démolition des bâtiments Lenoirs, le réaménagement du bâtiment Perret et l’achat d’un plateau tertiaire de ENSA Paris‑Malaquais (6 millions d’euros) ;

– la réhabilitation et la mise aux normes des ateliers du parc de l’ENSA de Normandie (4,4 millions d’euros) ;

– l’augmentation de la participation de l’État au projet de construction d’un amphithéâtre pour l’ENSA de Lyon, en partenariat avec la ville de Vaux‑en‑Velin (2 millions d’euros) ;

– la réhabilitation de la « Pyramide » de l’ENSA Bordeaux (2,5 millions d’euros) ;

– la rénovation du clos-couvert du bâtiment Eldin de l’ENSA de Lille (3 millions d’euros) ;

– la création d’un « fab lab », en partenariat avec la métropole pour l’ENSA de Grenoble (1,1 million d’euros) ;

En parallèle, les ENSA, dans leur ensemble, ont déposé 18 candidatures dans le cadre de l’appel à projet pour la rénovation énergétique des établissements de l’enseignement supérieur et de recherche.


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EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 22 octobre 2020, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Culture.

Le compte rendu de cette réunion ([10]) est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Après avoir rejeté différents amendements de crédits, la commission, suivant les recommandations de la rapporteure spéciale, a adopté les crédits de la mission Culture sans modification.


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PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

France Festivals

– Mme Alexandra Bobes, directrice

Château de Fontainebleau

– M. Jean-François Hébert, président

Ministère de la culture – Direction générale des patrimoines

– Mme Aurélie Cousi, directrice adjointe au directeur général des patrimoines, chargée de l’architecture

École Nationale Supérieure d'Architecture et de Paysage de Bordeaux (ENSAP)

– Mme Camille Zvenigorosky, directrice

Syndicat des musiques actuelles (SMA)

– M. Laurent Decès, président et directeur de la salle de concerts Petit Bain à Paris

– Mme Aurélie Hannedouche, déléguée générale

– M. François Levalet, les Tontons tourneurs, producteurs de spectacles implantés à Caen et élu au SMA

– M. Mathieu Dubois, coordinateur du festival le Cabaret Vert implanté à Charleville Mézières et élu au SMA

Syndicat national du spectacle musical et de variété (PRODISS) *

– M. Olivier Darbois, président

– Mme Malika Seguineau, directrice générale

– M. Jean Paul Roland, délégué du comité Festivals du PRODISS

Opéra de Lille

– Mme Caroline Sonrier, directrice chargée par la ministre de dresser un état des lieux de l’art lyrique en France

 

Ministère de la culture - Direction générale de la création artistique (DGCA)

– M. Bertrand Munin, sous-directeur de la diffusion artistique et des publics

Opéra national de Paris

– M. Alexander Neef, directeur général

– M. Martin Adjari, directeur général adjoint

– M. Guillaume Laguitton, directeur financier adjoint

Direction du budget

– M. Jean-Marc Oléron, sous‑directeur culture, de la jeunesse, de la vie associative, des sports, de l'économie, des finances, de l'outre-mer, de la justice et des médias

Préfigurateur de la nouvelle direction transversale du ministère de la culture pour la transmission des savoirs, la démocratisation culturelle et le développement de la recherche culturelle

– M. Noël Corbin, inspecteur général des affaires culturelles

Direction générale de la création artistique (DGCA)

– Mme Sylviane Tarsot-Gillery, directrice générale de la création artistique, responsable du programme 131 Création

Secrétariat général du ministère de la culture

– Mme Aude Accary-Bonnery, secrétaire générale adjointe

– M. Benoît Prouvost, chef du département de la programmation et des moyens

Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGSIP)

– Mme Isabelle Prat, cheffe du service stratégie des formations et de la vie étudiante, adjointe à la directrice générale

Association Musicalarue

– M. François Garrain, président de Musicalarue

Association Jazz in Marciac

– M. Jean-Louis Guilhaumon, président de Jazz in Marciac

Association Avignon Festival et Compagnies (AF&C)

– M. Pierre Beffeyte, président de AF&C

Comité d’organisation des États généraux autour du festival Avignon Off

– Mme Anne Lecesne, actrice et présidente de l’association « Actrices et Acteurs de France Associés »

– M. Laurent Domingos, metteur et en scène et trésorier de l’association Les Sentinelles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


([1]) Source : rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (juin 2018) « Les opéras nationaux en région. État des lieux et scénarios ».

([2]) Art. 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([3]) Décret n°2019-66 du 1er février 2019 relatif à l’expérimentation du « pass Culture ».

([4]) Bas-Rhin, Finistère, Guyane, Hérault, Seine-Saint-Denis.

([5]) Côtes-d’Armor, Ille-et-Vilaine, Morbihan, Ardenne, Doubs, Nièvre, Saône-et-Loire, Val-de-Marne, Vaucluse.

([6]) Source : réponses au questionnaire budgétaire.

([7]) Réponse aux questionnaires budgétaires.

([8]) Lien internet :https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Statistiques/Presence-et-strategies-d-integration-des-groupes-d-entreprises-dans-le-secteur-des-festivals-de-musiques-actuelles-entre-2009-et-2017.

([9]) Lettre disponible sur le lien suivant : https://www.amc-archi.com/article/les-ecoles-d-architecture-en-colere-ecrivent-au-premier-ministre,11826

([10])  http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_fin/l15cion_fin2021016_compte-rendu#