N° 4524

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2021.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 11
 

 

CULTURE :

 

PATRIMOINES

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Gilles CARREZ

 

Député

____



—  1  —

SOMMAIRE

__

Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. UN BUDGET CONSOLIDÉ À PLUS D’UN MILLIARD D’EUROS, COMPLÉTÉ PAR LE PLAN DE RELANCE

A. Un budget d’apparente continuitÉ…

B. …qui rend trÈs imparfaitement compte de l’effort en faveur du patrimoine

1. Une deuxième annuité du plan de relance

2. Des financements extrabudgétaires importants

a. Le chantier de conservation et de restauration de Notre-Dame de Paris

b. Le loto du patrimoine

II. UN SOUTIEN INDISPENSABLE AUX GRANDS OPÉRATEURS MUSÉAUX ET PATRIMONIAUX, CONFRONTÉS À LA CHUTE PERSISTANTE DE LEURS RESSOURCES PROPRES

A. MalgrÉ la rÉouverture, une situation encore trÈs dÉgradÉe en 2021

B. Un soutien exceptionnel de l’État, un avenir incertain

III. UN EFFORT D’INVESTISSEMENT SOUTENU PAR LE PLAN DE RELANCE

A. Les enveloppes du programme 175

B. Des compléments sectoriels financés par la mission Plan de relance

C. Une relance au risque de la surchauffe

1. Des moyens humains limités et fortement sollicités dans les DRAC

2. Des tensions sur la main-d’œuvre et les matériaux

3. Des risques de retards pour les opérations d’archéologie préventive

IV. DES INCITATIONS FISCALES INDISPENSABLES, QUI GAGNERAIENT À ÊTRE MODERNISÉES

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. Au 10 octobre 2021, 100 % des réponses étaient parvenues à la commission des finances.


—  1  —

PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

En 2022, pour la deuxième année consécutive, le patrimoine bénéficiera d’un niveau exceptionnellement élevé de crédits grâce au renfort du plan de relance : 1,25 milliard d’euros de crédits en 2022, après 1,36 milliard en 2021.

Les crédits du programme Patrimoines s’élèvent à 1 035 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 1 023 millions d’euros en crédits de paiement (CP), en hausse respectivement de 2,8 % et de 1 % par rapport à 2021.

À ces montants s’ajoutent 227 millions d’euros en CP au titre du plan de relance, qui viennent renforcer des lignes budgétaires du programme Patrimoines, dont 125 millions d’euros de crédits d’investissement pour les cathédrales (40 millions d’euros), la restauration du château de Villers-Cotterêts (40 millions d’euros), les monuments gérés par le Centre des monuments nationaux (20 millions d’euros), les monuments historiques n’appartenant pas à l’État (15 millions d’euros) et les équipements patrimoniaux des collectivités (10 millions d’euros) et 102 millions d’euros de soutien aux grands opérateurs patrimoniaux dont le modèle économique est très fragilisé par la baisse spectaculaire de la fréquentation (– 70 % en 2020).

Selon les prévisions faites avant l’été, ceux-ci devraient connaître en 2021 une situation encore plus difficile qu’en 2020, la fréquentation ne se redressant que lentement après de longs mois de fermeture, et le maintien d’une activité tout au long de l’année ayant permis de réaliser moins d’économies qu’au printemps 2020, lorsque les établissements étaient à l’arrêt complet. L’année 2022 devrait rester très difficile.

À l’opposé de la situation de sous-activité de ces grandes institutions, d’autres acteurs du patrimoine ont connu un fort rebond d’activité dès la fin du premier confinement, encore amplifié par la mise en œuvre du plan de relance.

Le rapporteur spécial attire l’attention sur les modalités de gestion des crédits du plan de relance, qui induisent un surcroît de travail inutile pour les services déconcentrés du ministère de la culture et des rigidités qui peuvent nuire à la rapidité de la consommation des crédits. Il met également en évidence les fortes tensions créées par la multiplication des chantiers patrimoniaux sur la main-d’œuvre des entreprises spécialisées, les prix et la disponibilité des matériaux, ainsi que sur la capacité de certains acteurs comme les architectes en chef des monuments historiques ou l’Institut national de recherches archéologiques préventives à répondre à l’ensemble des demandes dans des délais satisfaisants.


—  1  —

 


—  1  —

DONNÉES CLÉS

Évolution des CrÉdits de paiement consacrÉs au Patrimoine

(en millions d’euros)

Sources : Rapports et projets annuels de performances.

Total des crédits de paiement 2022 du programme 175 : 1 022,7 millions d’euros.

Total des crédits de paiement 2022 de la mission Plan de relance destinés au patrimoine : 227,2 millions d’euros.

RÉpartition thÉmatique des autorisations d’engagement de la mission 
Plan de relance consacrÉes au Patrimoine, en 2021 et 2022

Source : Projet annuel de performances.

Total des autorisations d’engagements de la mission Plan de relance destinées au patrimoine : 614 millions d’euros


RÉpartition, en 2022, par actions, des crÉdits de paiement
du programme 175

Source : Projet annuel de performances.

RÉpartition, en 2021, par titres de dÉpenses, des crÉdits de paiement
du programme 175

Source : Projet annuel de performances.


—  1  —

   INTRODUCTION

Au sein de la mission Culture, le programme 175 Patrimoines finance les politiques publiques destinées à préserver, enrichir, mettre en valeur et rendre accessible au public le plus large le patrimoine dans toutes ses composantes : les 45 000 immeubles protégés au titre des monuments historiques de notre pays, les collections nationales conservées notamment dans les musées de France, l’architecture et l’archéologie.

Ce programme présente la particularité de concentrer la majeure partie de l’investissement de la mission Culture : dans les monuments historiques ou les équipements muséaux dont l’État ou ses grands opérateurs sont les dépositaires, mais également par le biais de crédits d’intervention qui subventionnent les opérations menées à ce titre, sur l’ensemble du territoire, par les collectivités territoriales ou les propriétaires privés.

Ces crédits constituent ainsi un levier de la commande publique adressée aux professions du patrimoine, secteurs d’excellence en France, caractérisées par un fort degré de spécialisation et de qualification, dans les domaines des travaux sur monuments historiques, des musées ou des œuvres d’art. Préserver et amplifier l’investissement dans le patrimoine constitue par conséquent un moyen direct de soutenir ces secteurs d’activité.

Après le choc du confinement du printemps 2020, qui a frappé tous les acteurs du patrimoine, au même titre que l’ensemble de la société, le secteur connaît des évolutions contrastées.

Après un arrêt des chantiers de courte durée, les travaux de restauration des monuments historiques ont repris un rythme normal dès le mois de mai 2020. Une accélération des autorisations de travaux a pu être observée dès la fin de l’année 2020 et encore davantage au premier trimestre 2021, en particulier pour les chantiers sur les monuments privés ou appartenant à des collectivités territoriales. De la même manière l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) a pu reprendre une activité normale après le premier confinement et a connu un fort rebond d’activité au second semestre 2020, qui se poursuit en 2021.

À l’inverse, les musées et monuments recevant du public ont été très fortement affectés par la fermeture du printemps 2020, suivie d’une réouverture avec des jauges strictes, et d’une nouvelle fermeture du 30 octobre 2020 au 19 mai 2021. Selon les estimations du ministère de la culture, la perte de fréquentation en 2021 pourrait être encore plus forte en 2021 qu’en 2020, et la situation ne s’améliorerait que très partiellement en 2022.

Dans ce contexte, le projet de budget pour 2022 présente trois grandes caractéristiques : la consolidation du budget du programme 175 au-dessus d’un milliard d’euros ; la nécessité du maintien de mesures fortes de soutien aux grands opérateurs patrimoniaux ; et la poursuite des mesures de relance initiées en 2021 pour mobiliser la commande publique en soutien aux professions du patrimoine et, indirectement, à l’attractivité des territoires.

I.   UN BUDGET CONSOLIDÉ À PLUS D’UN MILLIARD D’EUROS, COMPLÉTÉ PAR LE PLAN DE RELANCE

A.   Un budget d’apparente continuitÉ…

Dans le projet de loi de finances pour 2022, les crédits du programme Patrimoines s’établissent à 1 035 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 1 023 millions d’euros en crédits de paiement (CP), en hausse respectivement de 28 millions d’euros (+ 2,8 %) et de 10 millions d’euros (+ 1 %). Pour la deuxième année, le programme bénéficie, au stade de la programmation initiale, d’un budget supérieur à un milliard d’euros. En 2020, ce seuil n’avait été atteint qu’en exécution, grâce aux mesures de soutien ouvertes en troisième loi de finances rectificative.

Évolution DES CRÉDITS de paiement Du programme 175

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Exécution 2019

Exécution 2020

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

LFI - PLF

(en %)

Exécution 2019

Exécution 2020

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

LFI - PLF

(en %)

01 Monuments historiques et patrimoine monumental

489,9

473,7

423,7

449,8

+ 26

+ 6,2

385,4

497,4

430

433,2

+ 3,2

+ 0,7

02 Architecture et sites patrimoniaux

32,7

31,1

32,2

35,1

+ 2,9

+ 8,9

33,7

31

32,2

35,1

+ 2,9

+ 8,9

03 Patrimoine des musées de France

346,6

397,7

359,1

368,7

+ 9,6

+ 2,7

336,6

387,2

363,2

364,5

+ 1,3

+ 0,4

04 Patrimoine archivistique

30,1

23,4

39,3

26

– 13,3

– 33,8

35,7

24,7

34,1

34,6

+ 0,5

+ 1,3

08 Acquisition et enrichissement des collections publiques

8,7

8,9

9,8

9,8

 

 

8,8

8,8

9,8

9,8

 

 

09 Patrimoine archéologique

154,9

153,8

143

145,7

+ 2,7

+ 1,9

146,4

159,4

143

145,5

+ 2,6

+ 1,8

Totaux

1 063

1 088,5

1 007,1

1 035,1

+ 28

+ 2,8

946,6

1 108,6

1 012,3

1 022,7

+ 10,3

+ 1

Source : Rapports et projets annuels de performances, total hors prévisions de fonds de concours et attributions de produits.

La répartition par actions des crédits du programme 175 Patrimoines

– L’action 1, Monuments historiques et patrimoine monumental, porte les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques, en investissements directs pour les monuments appartenant à l’État ou sous forme de subventions pour les monuments appartenant aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés. L’action porte également la subvention pour charges de service public du Centre des monuments nationaux et du château de Versailles et les dotations pour travaux versées à ces établissements ainsi qu’au château de Chambord ou pour la rénovation du Grand Palais.

– L’action 2, Architecture et sites patrimoniaux, comprend les dotations versées à la Cité de l’architecture et du patrimoine ainsi que des subventions pour études et travaux en espaces protégés, notamment les sites patrimoniaux remarquables (SPR).

 L’action 3, Patrimoine des musées de France, porte, pour 85 % de ses crédits, les subventions aux grands établissements muséaux nationaux (le Louvre, Orsay, le Centre Georges Pompidou, le musée du Quai Branly, le MuCEM…). Elle porte également les moyens des musées nationaux  services à compétence nationale, rattachés directement au ministère, et les subventions d’investissement dans les musées des collectivités territoriales.

– L’action 4, Patrimoine archivistique, porte les crédits du service à compétence nationale des Archives nationales ainsi que les subventions aux projets de rénovations de bâtiments de services d’archives départementales et municipales.

 L’action 8 Acquisition et enrichissement des collections publiques porte des crédits permettant de réaliser des acquisitions d’œuvres pour les musées services à compétence nationale ou établissements publics ainsi que pour les musées ne relevant pas de l’État.

– L’action 9 Patrimoine archéologique, porte le financement des acteurs de l’archéologie préventive ‑ l’Institut national de recherches et archéologie préventive (INRAP) et les services agréés des collectivités territoriales ‑ ainsi que des subventions aux aménageurs et aux particuliers auxquels sont prescrits des diagnostics archéologiques.

Toutes les actions du programme voient leurs crédits de paiement augmenter par rapport à la loi de finances pour 2021. La diminution des autorisations d’engagement pour les archives correspond au calendrier du schéma directeur des archives nationales de Paris, pour lequel 13,3 millions d’euros avaient été ouverts en loi de finances initiale pour 2021.

Hors variations dues à la mise en œuvre des échéanciers prévus pour la restauration des monuments historiques et les grands projets d’investissements, qui peuvent se traduire par des décalages entre AE et CP, l’augmentation modérée des crédits du programme 175 est destinée à financer un nombre réduit de mesures nouvelles :

– le déploiement du plan de mise en sécurité des cathédrales lancé fin 2019 à la suite de l’incendie de Notre-Dame de Paris, qui bénéficie de 2 millions d’euros supplémentaires. Ce plan, de 12 millions d’euros par an, s’ajoute à l’enveloppe de 40 millions d’euros par an allouée à la conservation des cathédrales et au plan de relance « cathédrales » de 80 millions d’euros, qui porte principalement sur des opérations de restauration ;

 le renforcement du fonds incitatif et partenarial (FIP) pour la restauration des monuments historiques des collectivités à faibles ressources (cf. infra page 33), qui bénéficie d’un million d’euros supplémentaires, à 16 millions d’euros ;

– une augmentation des moyens consacrés au financement des actions de promotion de l’architecture, en particulier du label « Villes et pays d’art et d’histoire » et des centres d’interprétation de l’architecture et du patrimoine, qui bénéficient de 2,9 millions d’euros supplémentaires, en cohérence avec la politique de revitalisation des villes moyennes mise en place avec les plans « Action cœur de ville » et « petites villes de demain » ;

– une mise à niveau des subventions de fonctionnement de certains opérateurs pour compenser les frais qu’ils auront à engager au titre de la participation des employeurs à la protection sociale complémentaire (1,7 million d’euros) ; la rémunération des agents recrutés par le Centre des monuments nationaux (CMN) pour l’ouverture au public, prévue en cours d’année, de la Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts (un million d’euros) ; et le financement de la réforme du régime indemnitaire des agents contractuels de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) (1,5 million d’euros) (cf. infra page 27).

B.   …qui rend trÈs imparfaitement compte de l’effort en faveur du patrimoine

1.   Une deuxième annuité du plan de relance

Les crédits du programme 175 pour 2022 ne rendent toutefois que très imparfaitement compte des moyens que l’État consacrera au patrimoine en 2022, puisque, comme en 2021, les crédits du programme 175 seront complétés par le volet Culture de la mission Plan de relance. En outre, selon les informations communiquées au rapporteur spécial par le ministère de la culture, 169 millions d’euros devraient être ouverts en collectif budgétaire de fin d’année pour soutenir les grands opérateurs patrimoniaux (cf. infra), ce qui aura des répercussions sur la gestion 2022.

Le rapporteur spécial comprend le choix du gouvernement d’isoler les mesures directement liées à l’impact de la crise dans un programme spécifique, pour en faire apparaître le caractère exceptionnel et temporaire, et la nécessité de recourir au collectif budgétaire pour s’adapter aux évolutions difficilement prévisibles de la crise sur les ressources des opérateurs patrimoniaux, mais, alors même que tous les investissements prévus par le plan de relance correspondent à un abondement de lignes existantes du programme 175, ce choix rend le budget du patrimoine pour 2022 particulièrement peu lisible. Pris isolément, le programme 175 donne en effet le sentiment d’une grande continuité par rapport aux exercices précédents, alors même que ses navires amiraux traversent une période particulièrement difficile et que les moyens consacrés par l’État au patrimoine atteignent des niveaux inédits ([1]).

Cette séparation entre les crédits du plan de relance et les crédits du patrimoine, ainsi que les modalités de gestion du plan de relance sont en outre sources de rigidités regrettables. Les services déconcentrés du ministère de la culture sont en effet contraints de gérer deux budgets opérationnels de programme (BOP) différents pour financer des opérations qui peuvent se dérouler sur le même monument. Si l’on ajoute les interventions du fonds incitatif et partenarial et la mission Patrimoine en péril, certaines DRAC estiment qu’elles doivent mener en réalité quatre programmations en parallèle. Outre une surcharge de travail perceptible à travers une augmentation de la consommation des crédits de vacation depuis le début de l’année, les modalités de gestion retenues pour la mise en œuvre du plan de relance empêchent les DRAC de gérer les crédits avec souplesse pour s’adapter au mieux au rythme d’avancement des différents projets. Il ressort en effet des entretiens que le rapporteur spécial a pu conduire lors de son déplacement dans les Hauts‑de‑France que les DRAC ne peuvent opérer d’elles-mêmes de fongibilité ni entre les deux BOP, même sur les travaux sur les monuments de l’État comme les cathédrales, ni entre plusieurs monuments financés par le plan de relance. Le rapporteur spécial estime que ces conditions devraient être assouplies pour respecter l’objectif du plan de relance d’une consommation la plus efficace possible des crédits.

Ce point avait d’ailleurs été relevé par une mission flash de l’inspection générale des affaires culturelles en DRAC Rhône-Alpes, qui avait souligné que « le choix d’une architecture budgétaire dédiée au plan de relance est source de complexité et de contraintes dans la gestion des crédits et laisse peu d’autonomie aux DRAC » ([2]).

Après un montant exceptionnel de plus de 1 350 millions d’euros en 2021, le total des dépenses du budget de l’État pour le patrimoine pourra atteindre en 2022 1 250 millions d’euros en CP, dont 1 023 millions d’euros au titre du programme Patrimoines de la mission Culture, objet du présent rapport, et 227 millions d’euros au titre de la deuxième annuité de l’enveloppe Patrimoines du plan de relance, pour laquelle 614 millions d’euros ont été ouverts en AE en 2021.

crÉdits inscrits pour le patrimoine au PLF 2022

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme 175 Patrimoines

1 035,1

1 022,7

Programme 363 Compétitivité ; action 05 Culture : enveloppe Patrimoines

 

227

TOTAL

1 035,1

1 249,7

Part des crédits de la relance dans l’ensemble des crédits du patrimoine en 2022

 

18 %

Source : Projets annuels de performances, hors prévisions de fonds de concours et attributions de produits.

Le total des CP est supérieur de plus de 300 millions d’euros à l’exécution 2019, dernier budget exécuté avant la crise de la Covid‑19, et de plus de 140 millions d’euros au budget exécuté en 2020, qui avait pourtant connu une importante sur-exécution due aux mesures de soutien mises en place en faveur des grands établissements publics particulièrement touchés par la crise.

Le plan de relance, d’un montant total de 614 millions d’euros, comprend deux grands volets :

– pour 280 millions d’euros (125 millions d’euros en CP pour 2022), un soutien en investissement qui abonde les enveloppes préexistantes sur des actions du programme 175, elles-mêmes en hausse, afin d’accélérer la mise en œuvre de plans sectoriels : la restauration des cathédrales, les subventions aux monuments historiques des collectivités, les subventions aux investissements des collectivités dans leurs musées et leurs services des archives, et enfin certains travaux de restauration sur monuments historiques sous maîtrise d’ouvrage du CMN ;

– pour 334 millions d’euros en deux ans (102,3 millions d’euros de CP en 2022), des subventions, très majoritairement en fonctionnement, pour les grands établissements patrimoniaux et muséaux afin de compenser les effets de la crise sanitaire sur leurs activités, particulièrement pour les grands musées largement autofinancés et heurtés de plein fouet par les séquences successives de fermeture ou de restriction à la visite ainsi que par l’effondrement du tourisme international. S’inscrivant dans une démarche de soutien à l’économie générale et aux emplois, les crédits versés à ce titre doivent accompagner la reprise d’activité des établissements tout en soutenant la réalisation d’investissements qui favoriseront l’emploi dans les secteurs de la construction, des bâtiments et des travaux publics, de l’architecture et du patrimoine.

Le présent rapport détaille la mise en œuvre de ces deux volets dans les parties consacrées respectivement aux opérateurs (II) et aux investissements dans les monuments historiques (III).

D’un point de vue global, selon les informations transmises par la direction générale des patrimoines et de l’architecture au rapporteur spécial, l’intégralité des crédits prévus pour 2021 dans le cadre du plan de relance devrait être exécutée en fin d’année.

Au 31 août 2021, 88 % des AE mises à disposition dans le cadre de la convention de délégation de gestion conclue entre le ministère de l’économie, responsable de la mission Plan de relance, et le ministère de la culture, étaient consommées, ainsi que 75 % des CP.

Le rythme d’exécution des crédits est toutefois très différent, entre les crédits de soutien aux opérateurs, déjà quasi intégralement consommés, et les crédits d’investissement dans les monuments et équipements patrimoniaux, dont l’engagement nécessite plus de temps. Au 31 août, toutefois, seul le plan cathédrales avait fait l’objet d’engagements d’AE pour moins de la moitié du montant programmé pour l’année 2021. Un commencement d’exécution aurait toutefois été constaté sur 70 % des édifices concernés par le plan de relance. Les marchés concernant les cathédrales sont d’une particulière complexité et ne peuvent être lancés par les DRAC avant qu’elles aient la certitude de bénéficier des AE nécessaires. C’est ce qui expliquerait le démarrage plus lent de ces opérations.

Consommation des crédits du plan de relance
dÉlÉguÉs au MINISTÈRE de la culture

(en millions d’euros)

 

Total

Programmation 2021

Exécution au 31/08/2021

AE

CP

AE

CP

614

490

345

430

88 %

257

75 %

Plan cathédrales

80

60

30

21

35 %

2

6 %

Restauration MH nonÉtat

40

40

10

27

68 %

4

44 %

Monuments nationaux (CMN)

40

40

20

40

100 %

12

60 %

Villers-Cotterêts

100

100

43

100

100 %

22

51 %

Autres équipements patrimoniaux

20

10

10

9

86 %

2

22 %

Reprise d’activité opérateurs

334

240

232

233

97 %

215

93 %

dont fonctionnement EP

279

202

202

195

97 %

195

97 %

dont investissement EP

55

39

30

39

100 %

20

67 %

Source : réponses du ministère de la culture au questionnaire du rapporteur spécial.

2.   Des financements extrabudgétaires importants

a.   Le chantier de conservation et de restauration de Notre-Dame de Paris

Chantier patrimonial majeur des prochaines années, la restauration et de conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris bénéficie de subventions de l’État provenant du rattachement au programme 175, par voie de fonds de concours, de recettes issues de la souscription nationale ([3]) dans le cadre défini par la loi  2019-803 du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet. Conformément à l’article 9 de la même loi, la conduite de ce chantier est assurée par l’établissement public pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris (EP-RNDP).

Outre des ressources propres provenant pour l’essentiel de conventions de mécénat, les recettes de l’établissement sont constituées de subventions de l’État issues du produit des fonds de concours. Ces subventions sont versées à l’établissement au regard de l’évolution du chantier.

Le budget des travaux de sécurisation et de consolidation estimé, à la création de l’établissement public, à 165 millions d’euros, devrait être tenu, même si la complexité et l’ampleur de l’opération, ainsi que les précautions nécessaires pour protéger les intervenants et le voisinage de la pollution au plomb, ont eu des répercussions sur les installations de chantier, les moyens nécessaires à la maîtrise des opérations, ainsi que sur le calendrier de déploiement des opérations. Celles-ci se sont achevées en août dernier, avec la mise sur cintre des arcs-boutants et des voûtes intérieures.

Budget des opÉrations de sÉcurisation et de consolidation

(en millions d’euros)

Maîtrise d’œuvre et autres prestations intellectuelles

14

Installations de chantier

47

Sécurisation

57

Traitement de la pollution au plomb

12

Maçonnerie et déblaiement des vestiges et gravats

12

Dépose et stockage des vitraux, orgues et objets mobiliers

4

Autres dépenses

1

Provision pour aléas

4

Études préalables à la phase de restauration

8

Maîtrise d’ouvrage

6

Total

165

Source : réponses du ministère de la culture au questionnaire du rapporteur spécial.

De nombreuses dépenses engagées au titre de cette phase permettent la mise en place de moyens qui demeureront nécessaires au chantier de restauration.

Le schéma directeur des travaux de restauration a été approuvé en juillet 2021. Le calendrier des opérations prévoit de dérouler l’essentiel des appels d’offres de travaux entre la mi-2021 et la mi‑2022, les travaux des différents lots s’étendant de 2022 à 2024 pour atteindre l’objectif d’une réouverture en 2024. La phase de restauration est organisée en sept opérations :

– les travaux relatifs à la flèche et au transept ;

– les travaux relatifs au chœur et à la nef ;

– les travaux de dépollution et de nettoyage approfondi des intérieurs ;

– les travaux de restauration intérieure ;

– les travaux concernant les beffrois ;

– les travaux de restauration du buffet du grand orgue ;

– les travaux liés aux installations de chantier.

Le diocèse de Paris contribue pour sa part au réaménagement intérieur de la cathédrale dans le cadre de son statut d’affectataire cultuel, en étroite coopération avec l’établissement public et les services de l’État chargés des monuments historiques. Le rapporteur spécial invite à être attentif aux demandes de l’affectataire et à accorder autant que possible les besoins du culte et le respect du patrimoine, qui n’interdit pas quelques évolutions.

Le montant total de l’opération sera finalisé à la fin de l’année, à l’issue des résultats des appels d’offres, mais il apparaît probable que la souscription permette de financer la totalité des travaux liés à la réparation des dégâts directs de l’incendie.

État des fonds recueillis, au 30 juin 2021, au titre de la souscription nationale pour la conservation et la restauration
de la cathÉdrale Notre-Dame de Paris

(en millions d’euros)

Co-financeurs

Dons encaissés et promesses de dons

Dons encaissés

Dons reversés sur les fonds de concours

Dons recueillis par la Fondation Notre-Dame

357,8

83,3

67,8

Dons recueillis par la Fondation du Patrimoine

232,2

100,7

44,9

Dons recueillis par la Fondation de France

31

30,4

5,9

Dons recueillis par le Centre des monuments nationaux

7,8

7,8

7,8

Dons recueillis par le ministère de la Culture

9

8,4

8,4

Total des fonds recueillis par les collecteurs autres que l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris (EP-RNDP)

637,8

230,6

134,8

Dons recueillis directement par l’établissement public RNDP

203,5

40,7

 

Total des fonds recueillis

841,3

271,3

134,8

Don versé antérieurement à l’ouverture de la souscription nationale (Fondation Avenir du Patrimoine)

2,1

2,1

2,1

Total des fonds affectés à la conservation et à la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

843,4

273,4

136,9

 

Montant des subventions inscrites au budget de l’établissement en 2020 et 2021

Montant cumulé des subventions perçues au 31 juillet 2021

 

Total des fonds reversés par l’État à l’établissement public RNDP sous forme de subventions issues des fonds de concours

120,9

94,7

 

Source : réponse du ministère de la culture au questionnaire du rapporteur spécial.

Les dons et promesses de dons s’élèvent à 843 millions d’euros, dont 273 millions d’euros déjà encaissés et 556 millions d’euros ayant fait l’objet d’une contractualisation. Au total, à la fin de l’année 2021, l’établissement devrait s’être vu verser 120,9 millions d’euros au titre des fonds de concours provenant de la souscription nationale.

Le rythme d’encaissement des promesses de dons par les organismes collecteurs dépend de la nature des donateurs. La Fondation Notre-Dame et la Fondation du patrimoine ont recueilli les promesses de dons des grands mécènes. Ces contributions sont appelées en fonction de l’avancement des opérations et des besoins de financement de l’établissement public, ce qui explique l’écart encore important entre le montant des promesses et celui des encaissements.

À l’inverse, la Fondation de France et le CMN ont recueilli principalement des dons de « petits donateurs », encaissés simultanément, d’où le faible écart entre les promesses et les encaissements les concernant.

b.   Le loto du patrimoine

En 2022, comme les années précédentes, les crédits du programme 175 destinés aux monuments historiques seront complétés par les recettes du « loto du patrimoine » issu de la mission, confiée par le Président de la République à Stéphane Bern, de recensement du patrimoine immobilier en péril, qui couvre également le petit patrimoine non protégé, à laquelle le rapporteur spécial avait apporté tout son soutien.

L’article 90 de la loi n° 2017‑1775 de finances rectificative pour 2017 a ainsi prévu l’affectation à la Fondation du patrimoine ([4]) d’une partie des recettes « des jeux dédiés au patrimoine organisés par La Française des jeux » correspondant à la part ordinairement versée au budget général de l’État ([5]), après déduction des impositions de droit commun applicables aux jeux. Le partenariat entre le ministère de la culture, la Fondation du patrimoine et le groupe FDJ a été renouvelé en 2021 pour une période de quatre ans.

Recettes du loto du patrimoine
reversÉes À la Fondation du patrimoine

(en millions d’euros)

2018

2019

2020

21,9

24,7

25,2

Source : réponses du ministère de la culture au questionnaire du rapporteur spécial.

Entre 2018 et 2020, 72 millions d’euros de recettes du loto ont été versés à la Fondation du patrimoine, soit près de 25 millions d’euros par an. Un rendement identique est espéré pour 2021. Si l’on ajoute aux recettes du loto les crédits du ministère de la culture dégelés ([6]) pour compenser les prélèvements fiscaux et sociaux sur le loto (environ 14 millions d’euros par an), les mécénats d’entreprises et les dons collectés par la Fondation du patrimoine, la mission Patrimoine en péril a permis de mobiliser en trois ans 131 millions d’euros au profit de la protection du patrimoine.

Parmi les 509 projets sélectionnés au titre des trois premières éditions du loto du patrimoine, 111 sites ont d’ores et déjà été restaurés et 184 sont en cours de restauration.

Pour l’édition 2021, 18 édifices emblématiques ont été sélectionnés (un par région), ainsi que 100 édifices dits de « maillage » (un par département). La moitié des édifices sélectionnés ne sont pas protégés au titre des monuments historiques.

Comme lors des éditions précédentes, le dégel des crédits du programme 175 a été sollicité par le ministère de la culture pour neutraliser les prélèvements fiscaux et sociaux sur le loto. Cela permettra aux édifices protégés au titre des monuments historiques sélectionnés de bénéficier de taux de subvention majorés, pouvant aller jusqu’à 40 % pour les immeubles inscrits et 60 % pour les immeubles classés au titre des monuments historiques, soit le double de ce qui se pratique en moyenne.


—  1  —

II.   UN SOUTIEN INDISPENSABLE AUX GRANDS OPÉRATEURS MUSÉAUX ET PATRIMONIAUX, CONFRONTÉS À LA CHUTE PERSISTANTE DE LEURS RESSOURCES PROPRES

A.   MalgrÉ la rÉouverture, une situation encore trÈs dÉgradÉe en 2021

● En 2020, les établissements patrimoniaux ont subi une baisse historique de la fréquentation, de plus de 70 % par rapport à 2019 ([7]) en raison des deux périodes de fermeture totale qu’ont subies tous les établissements, ainsi qu’aux très fortes restrictions pesant sur les conditions d’accueil du public pendant la période de réouverture (jauges réduites, réservation préalable obligatoire, etc.). La baisse de fréquentation a plus particulièrement frappé les musées et monuments nationaux, et encore davantage les établissements franciliens, compte tenu de la quasi-disparition des visiteurs internationaux, qui représentent parfois une part prépondérante des visiteurs de ces établissements, a fortiori parmi les visiteurs payants. Les musées du Louvre (– 72 %), d’Orsay et de l’Orangerie (– 77 %), ainsi que le domaine national de Versailles (– 75 %) ont ainsi enregistré une diminution supérieure à la moyenne.

Selon les prévisions des établissements, la fréquentation de 2021 pourrait être inférieure à celle de 2020, année au cours de laquelle les établissements avaient connu deux mois et demi de fonctionnement normal. La fréquentation physique des établissements patrimoniaux n’ayant été possible qu’à partir du 19 mai, dans le respect d’un protocole sanitaire strict, les établissements nationaux estimaient avant l’été leur baisse de fréquentation par rapport à 2019 à 78 %. Pendant l’été 2021, la mise en place du pass sanitaire a provoqué une baisse de fréquentation dans les principaux musées nationaux d’environ 20 %, mais le rapporteur spécial relève toutefois avec satisfaction que cette baisse a été de courte durée. Au-delà de la première semaine, l’utilisation du pass sanitaire, qui a permis de maintenir les établissements ouverts, ne semble avoir soulevé de difficultés majeures ni au sein des personnels ni vis-à-vis des visiteurs. Les opérateurs ont pu constater une hausse de la fréquentation estivale de 54 % par rapport à 2020, mais toujours très en retrait de la fréquentation de 2019 (– 51 %).

Le ministère de la culture prévoit que la baisse du tourisme et des échanges internationaux aura un effet prolongé sur les niveaux de fréquentation constatés dans les musées nationaux jusqu’en 2024, année à partir de laquelle la fréquentation pourrait retrouver les niveaux de 2019 s’il n’y a pas de nouvelle dégradation de la situation sanitaire. La fréquentation commencerait à se redresser en 2022, mais resterait sensiblement inférieure à celle de 2019 (– 50 %).

● Le niveau des ressources propres des institutions patrimoniales est fortement corrélé à l’évolution de la fréquentation (recettes de billetterie, activités commerciales, recettes issues des concessions), mais également du contexte économique (mécénat), des restrictions imposées pour limiter la propagation du virus (recettes de valorisation domaniale, en particulier les locations d’espaces) et des conditions des relations et échanges internationaux (recettes des coproductions et des tournées à l’international).

S’agissant des musées et monuments nationaux, les établissements dont les taux de ressources propres sont les plus importants (la Réunion des musées nationaux – Grand Palais [76 % en 2019], le château de Versailles [68 % en 2019], les musées d’Orsay et de l’Orangerie [59 % en 2019], le musée du Louvre [58 % en 2019] et le musée Picasso [53 % en 2019]) sont les plus exposés aux chocs conjoncturels et ont été les plus durement touchés par les conséquences de la crise sanitaire.

Les conséquences de la crise sanitaire sur les établissements ont été massives et ont fortement fragilisé leur modèle économique. Le ministère de la culture évalue l’impact financier de la crise, supporté à 80 % par les quatre plus gros établissements (Louvre, Versailles, CMN, Orsay), à près de 750 millions d’euros sur la période 2020-2022 :

– 254 millions d’euros en 2020 (357 millions d’euros de pertes de recettes, soit une diminution de 50 % par rapport à 2019, en partie compensées par 103 millions d’euros d’économies) ;

– 310 millions d’euros en 2021 ;

– 182 millions d’euros en 2022.

Le prolongement de la crise sanitaire en 2021 et la fermeture des établissements jusqu’au 19 mai ont conduit à dégrader les prévisions pour 2021 et les années suivantes.

Les baisses de recettes en 2021 devraient être comparables à celles de 2020, voire plus importantes en raison d’une fréquentation plus faible, du retour très progressif des touristes étrangers (qui bénéficient moins souvent de la gratuité et dépensent davantage dans les boutiques et lieux de restauration), et des encaissements assis sur le chiffre d’affaires de 2020 (redevances de concessions et Paris Museum Pass).

En outre, les économies réalisées sont moindres en 2021 qu’en 2020 du fait du maintien d’une activité tout au long de l’année, même pendant les périodes de fermeture au public, contrairement à l’arrêt complet du printemps 2020.

Compte tenu de ce contexte dégradé, deux établissements ont été identifiés par le ministère de la culture comme présentant un risque d’impasse de trésorerie fin 2021 : le musée du Louvre et les musées d’Orsay et de l’Orangerie. Par ailleurs, le versement des crédits du PIA destinés au financement du Nouveau Grand Palais à la Réunion des musées nationaux – Grand Palais a été avancé à juillet 2021 pour prévenir une éventuelle rupture de trésorerie consécutive aux pertes supplémentaires enregistrées par l’établissement du fait de la baisse d’activité non anticipée sur les premiers mois de 2021.

B.   Un soutien exceptionnel de l’État, un avenir incertain

● Le soutien de l’État déjà apporté aux établissements depuis 2020 est massif :

– 64 millions d’euros en 2020, dont 27,4 millions d’ouvertures de crédits lors de la troisième loi de finances rectificative ([8]), 15 millions d’euros grâce au dégel des crédits mis en réserve et 21,7 millions d’euros en fin de gestion ;

– 334 millions d’euros, sur 2021 et 2022, dans le cadre du plan de relance.

Toutefois, comme le rapporteur spécial l’avait indiqué dans le rapport publié à l’occasion de la loi de règlement pour 2020, ces mesures ne suffiront pas à compenser les effets prolongés de la crise. C’est pourquoi, l’ouverture de 169 millions d’euros de crédits supplémentaires en collectif de fin de gestion pour 2021 est prévue, dont 25 millions d’euros seraient réservés pour 2022 en fonction des besoins avérés des opérateurs. En plus de cette ouverture de crédits, le dégel d’une partie de la réserve sera demandé par le ministère de la culture en fin de gestion 2021.

Les établissements n’ayant pas bénéficié du plan de relance font quant à eux l’objet d’un dialogue de gestion en lien avec le ministère afin d’apprécier l’impact de la crise et de déterminer des modalités d’accompagnement au cas par cas.

Les mesures de soutien ont été calibrées d’une part pour éviter les ruptures de trésorerie des établissements en maintenant leur niveau au-dessus d’un seuil prudentiel de 45 jours et d’autre part pour reconstituer leur trésorerie fléchée sur la base d’une modélisation des pertes sur la période 2020‑2022. La situation des établissements, notamment du Louvre et du musée d’Orsay, appelle le maintien d’un haut niveau de vigilance. Le rapporteur spécial souligne l’excellente coopération qui semble exister entre les opérateurs, la direction générale des patrimoines et la direction du budget pour gérer au mieux cette période difficile.

Au total, le soutien de l’État sur la période 2020-2022 s’élèverait à 570 millions d’euros. Ce montant considérable ne devrait toutefois couvrir que les trois quarts des pertes supportées par ces établissements. Il ne permet pas à lui seul de restaurer une situation normale dans ces établissements. Ils sont ainsi conduits à engager des économies et à puiser dans leur fonds de roulement. L’effort est particulièrement important pour le musée du Louvre, dont les pertes ne sont couvertes qu’à hauteur de la moitié.

Selon le ministère de la culture, le soutien de l’État aurait permis de préserver globalement la réalisation des investissements en cours de la part des opérateurs. Leurs dépenses d’investissements ont baissé de 4 % en 2020 par rapport à l’exécution 2019, et davantage si l’on se réfère à la programmation initiale, à la fois en raison de déprogrammations de précaution et du ralentissement mécanique de l’activité provoqué par le confinement.

Une reprise des investissements serait observée en 2021 et devrait se confirmer en 2022. Le musée du Louvre a toutefois indiqué au rapporteur spécial avoir été contraint de réduire d’une vingtaine de millions d’euros son montant annuel d’investissement, ce qui permet de maintenir le palais en état, mais ne saurait constituer une solution soutenable à moyen et long terme. La chute de la fréquentation obère en outre la capacité des grands musées à procéder à des acquisitions importantes, puisque leur budget d’acquisition correspond à un pourcentage de leurs recettes de billetterie.

● En 2022, huit des plus importants opérateurs patrimoniaux bénéficieront de la deuxième annuité du plan de relance consacré au patrimoine. En 2021, 334 millions d’euros en AE et 231,7 millions d’euros en CP avaient été ouverts au titre d’une enveloppe dite de « Relance de l’activité des opérateurs patrimoniaux », qui s’avère en fait être davantage une enveloppe de sauvetage des opérateurs. La quasi-intégralité de ces crédits a d’ores et déjà été consommée. Les crédits de fonctionnement ont permis de maintenir l’activité des établissements en garantissant des conditions d’accueil du public adaptées sur le plan sanitaire. En investissement, ils permettent aux opérateurs de contribuer à l’effort de relance par le maintien, autant que possible, de leurs programmes de travaux.

Le projet de loi de finances pour 2022 ouvre le solde des CP correspondant aux AE ouvertes en 2021, soit 102 millions d’euros, dont 77 millions d’euros en fonctionnement et 25 millions d’euros en investissement, les crédits d’investissement étant uniquement destinés au château de Versailles, qui ne dispose plus de ressources propres suffisantes pour la réalisation de travaux de restauration indispensables à la conservation du monument (couverture des ailes du Nord et du Midi, couvertures du Grand Trianon, cour des Bouches, etc.).

Ces subventions exceptionnelles doivent ainsi compenser les conséquences financières de la crise sanitaire et vont s’ajouter aux dotations que ces établissements recevront par ailleurs du programme 175, comme le détaille le tableau suivant.

CRÉDITS DES grands Établissements DU PATRIMOINE en 2020 et 2021
SUR LE PROGRAMME 175 ET LA MISSION Plan de RELANCE

(en millions d’euros)

Établissements

2020

2021

2022

P. 175

LFR et
dégel

Total

P. 175

Plan de
relance

Prévision
LFR

Total

P. 175

Plan de
relance

Total

Chambord

0

2,7

2,7

0

9,5

 

9,5

0

2

2

CMN

69,4

 

69,4

67

53,5

30

150,5

63

39,3

102,3

CNAC-GP

78,2

9

87,2

81,6

16,7

 

98,3

81,7

5

86,7

Versailles

46,2

11

57,2

50,3

55

24,8

130,1

53,8

32

85,8

INRAP

81,1

14,5

95,6

86,1

15

 

101,1

87,6

5

92,6

Louvre

85,6

 

85,6

85,8

40

53

178,8

86,7

6

92,7

Orsay

33,7

10,2

43,9

33,9

12

18,2

64,1

34,2

3

37,2

RMN-GP

30,7

 

30,7

33,7

30

12,3

76

33,6

10

43,6

Total

424,9

47,4

472,3

438,2

231,7

169,1

839

440,6

102,3

542,9

Source : commission des finances à partir des réponses de la direction générale des patrimoines et de l’architecture.

Pour les grands opérateurs bénéficiaires de crédits de la mission Plan de relance, le total des subventions publiques serait ainsi porté à près de 840 millions d’euros en 2021 contre 438 millions d’euros inscrits en loi de finances initiale, soit une augmentation de plus de 90 %. Plus de 540 millions d’euros sont encore prévus pour 2022.

L’effort de l’État devra être poursuivi au-delà de 2022, dans la mesure où l’intégralité des pertes n’a pas été compensée, et où la reprise très progressive entraînera une diminution durable de la capacité d’autofinancement de certains établissements.

Le rapporteur spécial souligne que le soutien de l’État, entièrement financé par la dette, s’il est indispensable aujourd’hui, ne saurait être indéfiniment maintenu à ce niveau. Une réflexion sur le modèle économique des institutions patrimoniales doit être menée, pour le rendre moins dépendant du tourisme international. Le rapporteur spécial réitère en outre sa proposition de permettre aux établissements en capacité de dégager des recettes commerciales importantes en rythme de croisière de s’endetter eux-mêmes pour financer une partie de leurs investissements, comme le Centre des monuments nationaux a pu le faire pour la restauration de l’Hôtel de la Marine.

● Hors mesures exceptionnelles de soutien aux grands opérateurs, les subventions pour charges de service public prévues pour 2022 sur le programme 175 représentent 45 % de ses crédits. En incluant les dotations en fonds propres destinées à financer les investissements des opérateurs du programme, cette proportion atteint 54 %.

Le total s’élève à 556 millions d’euros ([9]), en hausse de 4 millions d’euros (+ 0,7 %), dont 464,5 millions d’euros de subventions de fonctionnement, en hausse de 6,5 millions d’euros (+ 1,4 %), et 91,5 millions d’euros de dotations en investissement, en baisse de 2,5 millions d’euros (– 2,7 %). Le tableau page suivante détaille les principales subventions attribuées à ce titre.


Subventions du programme 175 aux principaux opÉrateurs patrimoniaux

(Crédits de paiements - en milliers d’euros)

Opérateurs

Nature de la subvention

Exécution 2019

Exécution 2020

LFI 2021

PLF 2022

Évolution 2021-2022

Cité de l’architecture et du patrimoine

SCSP

19 459

17 462

17 522

17 522

 

 

DFP

872

1 372

810

810

 

 

Centre des monuments nationaux

SCSP

33 269

40 421

35 129

36 655

+ 1 526

+ 4,3 %

DFP

52 583

67 765

31 831

26 331

– 5 500

– 17,3 %

Centre national d’art et de culture Georges Pompidou

SCSP

68 608

77 972

70 539

70 614

+ 75

+ 0,1 %

DFP

8 360

8 381

11 047

11 047

 

 

Établissement public du musée du quai Branly

SCSP

22 020

22 025

23 503

23 503

 

 

DFP

923

923

300

300

 

 

Établissement public du musée et du domaine national de Versailles

SCSP

0

45 579

35 315

35 813

+ 498

+ 1,4 %

DFP

11 000

16 000

15 000

18 000

+ 3 000

+ 20 %

Établissement public du château de Fontainebleau

SCSP

2 493

4 094

2 694

2 694

 

 

DFP

10 946

12 756

11 002

11 002

 

 

Institut national de recherches archéologiques préventives

SCSP

81 770

96 109

84 500

86 000

+ 1 500

+ 1,8 %

DFP

1 472

1 472

1 600

1 600

 

 

Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée

SCSP

17 633

17 523

18 633

18 633

 

 

DFP

1 084

1 084

381

381

 

 

Musée d’Orsay et musée de l’Orangerie

SCSP

7 797

43 554

33 902

34 231

+ 329

+ 1 %

DFP

 

1 500

 

 

 

 

Musée des arts décoratifs

SCSP

14 652

17 653

15 170

15 170

 

 

DFP

1 398

1 398

1 155

1 155

 

 

Musée du Louvre

SCSP

92 965

82 950

83 562

84 474

+ 912

+ 1,1 %

DFP

3 739

3 944

2 200

2 200

 

 

Musée Guimet

SCSP

3 656

4 113

3 704

3 704

 

 

DFP

1 244

1 244

1 165

1 165

 

 

Musée Henner-Moreau

SCSP

740

860

789

789

 

 

DFP

79

79

50

50

 

 

Musée Picasso

SCSP

3 375

7 433

3 609

3 609

 

 

DFP

288

0

288

288

 

 

RMN – Grand Palais

SCSP

21 035

24 086

21 681

21 639

– 42

– 0,2 %

DFP

13 656

13 186

12 000

12 000

 

 

Établissement public du Palais de la porte Dorée

SCSP

4 543

4 762

4 647

4 647

 

 

DFP

650

881

1 650

1 650

 

 

TOTAL

SCSP

394 015

506 596

454 899

459 697

+ 4 798

+ 1,1 %

DFP

108 294

131 985

90 191

87 691

 2 500

 2,8 %

Source : commission des finances. Calculs à partir des projets et rapports annuels de performances.

SCSP : Subvention pour charges de service public ; DFP : Dotation en fonds propres.

Certains opérateurs perçoivent également des subventions en provenance d’autres programmes, qui n’apparaissent pas dans ce tableau.

● En investissement, la diminution des dotations en fonds propres ne concerne que le Centre des Monuments nationaux. Elle est liée au calendrier du projet de restauration du château de Villers-Cotterêts, le besoin en crédits de paiement pour ce projet passant de 10,7 à 5,2 millions d’euros entre 2021 et 2022. Le château de Versailles bénéficie pour sa part, en plus de crédits du Plan de relance, de 3 millions d’euros supplémentaires pour le financement de son schéma directeur, notamment la préparation de la mise en sécurité du corps central nord.

● En fonctionnement, les évolutions les plus significatives concernent le CMN et l’INRAP.

L’augmentation de la subvention pour charges de service public du CMN est principalement destinée au financement de la rémunération des agents recrutés pour l’ouverture au public de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts (un million d’euros). Initialement prévue au printemps 2022, cette ouverture pourrait être retardée de quelques semaines à cause de difficultés structurelles (éboulement ayant affecté un mur) rencontrées cet été, mais aurait tout de même lieu en 2022.

L’INRAP bénéficie pour sa part d’une augmentation de 1,5 million d’euros de sa subvention pour charges de service public dans le cadre de la réforme du régime indemnitaire de ses agents contractuels relevant du secteur non concurrentiel. Cette réforme, d’un coût total d’environ 4,5 millions d’euros pour l’ensemble des agents de l’INRAP (secteur concurrentiel et secteur non concurrentiel, le ministère de la culture ne finançant que la partie concernant le secteur non concurrentiel), vise à rattraper partiellement l’écart de rémunération constaté entre les agents de l’INRAP et les agents de la filière recherche du ministère de la culture. Les agents de l’INRAP sont des agents de droit public qui ne sont pas régis par le statut général des fonctionnaires, mais par un cadre spécifique ([10]). Le différentiel de rémunération avec le ministère de la culture résulte à la fois de l’absence de revalorisation des grilles indiciaires de l’INRAP depuis leur création en 2002 et d’un régime indemnitaire mis en place en 2004 au bénéfice principal des agents exerçant des fonctions support au sein de l’établissement.

● Les deux derniers opérateurs rattachés au programme, l’établissement public du Mont‑Saint‑Michel (EPMSM) et l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre‑Dame de Paris (EPRNDP), ne perçoivent pas de subvention pour charges de service public du programme 175.

Le financement du démarrage de l’établissement public national du Mont‑Saint‑Michel comprend une contribution de 1,675 million d’euros par an du CMN, dont un million d’euros pris en charge par le ministère de la culture par une subvention annuelle au CMN, une subvention de 1,5 million d’euros par an du ministère de la transition écologique, ainsi que, sur la période 2021-2023, des subventions de 500 000 euros versées par les régions Bretagne et Normandie ainsi que le département de la Manche. Pour le rapporteur spécial, il ne saurait être question d’augmenter la contribution du CMN, ce qui aurait pour conséquence de réduire considérablement les ressources du CMN, au point de remettre en cause le principe de péréquation qui constitue la pierre angulaire de son modèle économique et permet d’offrir au public la possibilité de visiter sur tout le territoire des monuments dont l’entretien et le fonctionnement ne peuvent être assurés par les recettes tirées de leur fréquentation. Il souligne de plus que l’arbitrage sur la contribution du CMN à l’EPIC a été rendu dans un contexte de recettes élevées et croissantes tirées par le CMN des visites de l’Abbaye, alors que la fréquentation a diminué de 66 % en 2020.

Contrairement à ce que la Cour des comptes avait recommandé dans son rapport de septembre 2020, l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris ne reçoit pas non plus de subvention pour charges de service public pour couvrir ses charges de fonctionnement. La Cour avait estimé « très discutable » de faire reposer l’ensemble du financement de l’établissement sur les dons, alors que la loi du 29 juillet 2019 précise que « les fonds recueillis au titre de la souscription nationale sont exclusivement destinés au financement des travaux de restauration et de conservation de la cathédrale » ([11]). Le Gouvernement maintient son analyse selon laquelle « dans la mesure où, d’une part, les frais de fonctionnement visés sont indispensables et non détachables des opérations de travaux et donc annexes à ceux-ci et où, d’autre part, sont respectées les spécifications formulées par les donateurs quant à ce qui est financé par leurs dons, le mode de financement retenu jusqu’à présent ne […] paraît pas poser problème » ([12]).

Le projet annuel de performances précise cependant qu’une subvention de 195 250 euros en faveur de l’établissement public est déléguée en gestion par le ministère de la culture pour le financement du loyer de ses locaux.

● Ces deux opérateurs sont toutefois concernés par les plafonds d’emplois des opérateurs du programme, à hauteur de 40 ETPT pour l’EPRNDP et de 4 ETPT pour l’EPMSM.

Globalement, entre 2021 et 2022, le total des emplois sous plafonds des opérateurs du programme 175 augmente de 24 ETPT. Alors que les plafonds d’emplois de la plupart des opérateurs restent stables, cette hausse s’explique, d’une part, par la création de 20 ETPT au profit du CMN, dans la perspective de l’ouverture au public de la Cité internationale de la langue française au sein du château de Villers-Cotterêts, et, d’autre part, par une mesure de périmètre, avec l’entrée dans le champ des opérateurs de l’État de l’EPMSM. Selon le président du CMN, le niveau du plafond d’emplois retenu pour l’ouverture de la Cité internationale de la langue française devrait contraindre l’établissement à externaliser certaines fonctions.

En 2022, le ministère ne rémunère plus que 496 emplois sur des crédits de titre 2 de la mission Culture, soit 5 % des effectifs des opérateurs du programme 175, contre 1 905 emplois, soit 19 % des effectifs, en 2018.

En effet, entre 2019 et 2021, trois grands établissements, ont obtenu une délégation du pouvoir de gestion de leurs agents, d’un périmètre identique à celle détenue par le Louvre depuis 2003 :

– le Centre des monuments nationaux ;

– l’établissement public du château, du musée et domaine national de Versailles ;

– et l’établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie.

Le transfert du pouvoir de gestion s’est accompagné du transfert sur leurs subventions pour charges de service public des crédits de rémunération correspondants.

Ces transferts, qui ont concerné plus de 1 500 agents, s’inscrivent dans la démarche d’autonomisation et de responsabilisation des établissements publics que le rapporteur spécial appelle de ses vœux depuis le début de la législature. Il en résulte une plus grande lisibilité des coûts de fonctionnement des opérateurs, un pilotage plus fin de la masse salariale et une plus grande souplesse en matière de gestion des ressources humaines et de recrutement.

Selon les indications fournies au rapporteur spécial, le bilan de ces transferts s’avère concluant. Le processus s’est déroulé sans tensions sociales et sans difficultés d’ordre administratif ; les clauses de revoyure prévues avec les établissements n’ont donné lieu à aucun ajustement.

La crise sanitaire a repoussé l’extension de ces transferts, qui ne concerneront aucun nouvel opérateur du programme 175 en 2022, mais de nouvelles déconcentrations sont envisagées lors des exercices budgétaires ultérieurs.


emplois des opÉrateurs du programme Patrimoines

(en ETPT)

 

Réalisation 2020

consommation des plafonds des emplois

LFI 2021

plafonds des emplois

PLF 2022

plafonds des emplois

Part des emplois rémunérés par la SCSP

Opérateur

Rémunérés par l’État

Rémunérés par les opérateurs sous plafond

Rémunérés par l’État

Rémunérés par les opérateurs sous plafond

Rémunérés par l’État

Rémunérés par les opérateurs sous plafond

Centre des monuments nationaux

0

1 357

0

1 454

0

1 475

100 %

CNAC Georges Pompidou

0

962

0

1 008

0

1 009

100 %

Cité de l’architecture et du patrimoine

11

123

12

130

12

130

92 %

Fontainebleau

136

6

136

6

136

6

4 %

Quai Branly

0

246

0

250

0

250

100 %

Versailles

0

893

0

951

0

951

100 %

INRAP

0

1 968

0

2 020

0

2 020

100 %

Arts décoratifs

0

239

0

263

0

263

100 %

MuCEM

57

61

61

61

61

61

50 %

Orsay et Orangerie

13

596

12

663

12

662

98 %

Louvre

0

1 898

0

1 984

0

1 984

100 %

Guimet

112

45

118

47

119

47

28 %

Henner-Moreau

31

7

31

4

31

4

11 %

Picasso

69

42

78

43

78

43

36 %

Réunion des musées nationaux – Grand Palais

13

816

18

902

18

901

98 %

Palais de la porte Dorée

27

68

28

72

28

72

72 %

Notre-Dame de Paris

 

 

1

39

1

39

98 %

Mont-Saint-Michel

 

 

 

 

0

4

100 %

Total

469

9 327

495

9 897

496

9 921

95 %

Source : commission des finances, d’après les rapports et projets annuels de performances de la mission Culture.

 


—  1  —

III.   UN EFFORT D’INVESTISSEMENT SOUTENU PAR LE PLAN DE RELANCE

Le budget du patrimoine est essentiellement un budget d’investissement, les dépenses de personnel de la mission Culture étant intégralement regroupées sur le programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la Culture. Même parmi les dépenses de titre 3 du programme 175 figurent des dépenses qui pourraient être assimilées à de l’investissement, telles que celles finançant les travaux d’entretien sur les monuments historiques.

A.   Les enveloppes du programme 175

Au sens large, les dépenses d’investissement du programme 175 pour 2022 s’élèvent à 514,8 millions d’euros en AE et 499,6 millions d’euros en CP, en hausse respectivement de 20,2 et de 2,7 millions d’euros, réparties entre :

– les dépenses de titre 5 pour les investissements de l’État dans le patrimoine dont il est propriétaire, qui s’élèvent à 121,8 millions d’euros en AE (– 9,3 millions d’euros) et 112,4 millions d’euros en CP (+ 1,4 million d’euros). La diminution des AE des crédits de titre 5 par rapport à 2021 s’explique par l’ouverture en 2021 des AE nécessaires au schéma directeur des archives nationales sur le site de Paris, qui ne consommera en 2022 que des CP ;

– les dépenses de titre 6 dites d’intervention, pour des subventions aux tiers, principalement pour l’investissement des collectivités territoriales et des propriétaires privés, portées à 296,8 millions d’euros en AE (+ 3,8 millions d’euros) et 295,7 millions d’euros en CP (+ 3,8 millions d’euros) ;

– les dépenses de titre 7 dites d’opérations financières, qui correspondent aux dotations en fonds propres versées aux grands opérateurs muséaux et patrimoniaux de l’État pour leurs projets d’investissement, qui s’élèvent à 96,1 millions d’euros en AE (+ 25,7 millions d’euros) et 91,5 millions d’euros en CP (– 2,5 millions d’euros).


CRÉDITS de paiement DU PROGRAMME Patrimoines eN 2021 et 2022

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé de l’action

Titre 3
Dépenses de fonctionnement

Titre 5
Dépenses d’investissement

Titre 6
Dépenses d’intervention

Titre 7
Dépenses d’opérations financières

Total

2021

2022

2021

2022

2021

2022

2021

2022

2021

2022

01 Monuments historiques et patrimoine monumental

99,9

103,6

86,7

87,7

173,4

174,3

70,1

67,6

430

433,2

02 Architecture et sites patrimoniaux

17,7

17,7

 

 

13,8

16,7

0,7

0,7

32,2

35,1

03 Patrimoine des musées de France

299,8

301

9,5

9,5

35,6

35,6

18,4

18,4

363,2

364,5

04 Patrimoine archivistique

12,4

13,4

12,2

12,7

8,5

8,5

 

 

34,1

34,6

08 Acquisition et enrichissement des collections publiques

0,05

0,05

2,5

2,5

3,9

3,9

3,3

3,3

9,8

9,8

09 Patrimoine archéologique

84,7

87,2

 

 

56,7

56,7

1,6

1,6

143

145,6

Total

515,5

523,1

110,9

112,4

291,9

295,7

94

91,5

1 012,3

1 022,7

Source : projet de loi de finances pour 2022, total hors prévisions de fonds de concours et attributions de produits.

● Parmi les dépenses d’investissements au sens large les plus significatives, le rapporteur spécial relève en particulier, hors « grands projets », pour les monuments appartenant à l’État :

 une hausse de 2,1 millions d’euros pour les crédits de restauration des monuments appartenant à l’État, concernant les bâtiments franciliens dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), en particulier les services à compétence nationale (SCN) ;

– une hausse de 2 millions d’euros en CP au titre du plan de mise en sécurité des cathédrales (12 millions d’euros en AE et 9 millions d’euros en CP).

Depuis le début de la législature, le rapporteur spécial attache une importance particulière au soutien de l’État aux tiers pour la restauration et l’entretien des monuments historiques dont ils sont propriétaires. Il s’agit, avec la fiscalité, du principal levier de préservation et de mise en valeur des près de 45 000 immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques. L’État n’est en effet le propriétaire que de 3 % des immeubles protégés, contre 51 % pour les collectivités (dont 48 % pour les communes) et 46 % pour les propriétaires privés.

En 2020, le montant total investi dans la conservation des monuments historiques n’appartenant pas à l’État était évalué à 482 millions d’euros, dont 352 millions d’euros à la charge des propriétaires et des collectivités, et environ 130 millions d’euros de contribution de l’État.

crÉdits d’entretien et de restauration
des monuments historiques (MH) hors « grands projets »

(crédits de paiement, en millions d’euros)

 

Exécution 2018

Exécution 2019

Exécution 2020

LFI 2021

PLF 2022

Crédits d’entretien

31,48

32,01

32,26

49,51

49,51

dont MH État

18,47

17,91

19,67

26,39

26,39

dont MH non État

13,01

14,11

12,59

23,12

23,12

Subventions aux opérateurs

12,34

13,08

12,57

11,95

6,15 ([13])

Crédits de restauration

230,96

220,90

216,20

251,32

256,42

dont subvention CMN

43,57

35,07

27,23

20,93

20,93

dont MH État

80,51

74,62

76,96

81,8

85,9

dont MH non État

106,87

111,21

112,01

148,6

149,6

TOTAL

274,77

265,99

261,03

312,78

312,08

Source : commission des finances, d’après les projets et rapports annuels de performances.

Pour 2022, le soutien prévu pour les collectivités territoriales et propriétaires privés pour l’entretien et la restauration de leurs monuments historiques s’élève à 172,7 millions d’euros en CP, dont 23,1 millions d’euros pour les dépenses d’entretien et 149,6 millions d’euros pour les dépenses de restauration.

Celles-ci progressent d’un million d’euros dans le cadre du fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques des collectivités à faibles ressources, dont le montant, qui s’élevait à 15 millions d’euros annuels depuis sa création, est porté à 16 millions.

Ce fonds, créé par la loi de finances pour 2018, vise à aider les petites communes, qui concentrent sur leur territoire la majorité des monuments historiques sans, le plus souvent, disposer de ressources suffisantes pour en assurer l’entretien, la restauration et la mise en valeur. À travers les taux de subventions majorés de l’État en cas de soutien de la région, il entend également favoriser l’engagement des régions pour pallier un certain désengagement des départements, partenaires traditionnels de l’État.

Dans le cadre du fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques situés dans des communes à faibles ressources, les DRAC peuvent majorer le taux de subvention habituellement accordé pour certaines opérations sur des monuments historiques situés dans des communes de moins de 10 000 habitants, jusqu’à 80 % pour les monuments classés (contre un taux habituel de 40 à 50 %) et jusqu’à la limite légale de 40 % ([14]) pour les immeubles inscrits (contre un taux habituel de 10 à 20 %) dès lors que la région ([15]) contribue à hauteur d’au moins 15 % (5 % outre-mer).

Ce nouveau dispositif, qui a rencontré un grand succès, a permis de renforcer la collaboration entre les services de l’État et les régions, qui élaborent désormais dans certaines régions une programmation conjointe des opérations financées par ce fonds.

Depuis 2018, il a permis de lancer plus de 500 opérations. Il s’agit principalement d’édifices religieux (86 %) appartenant à des communes (89 %). 76 % des communes concernées sont des communes de moins de 2 000 habitants. La part de l’État s’élève en moyenne à 47 %, celle de la région à 18 % et celle des départements à 13 % ; le reste correspond à la part des propriétaires et des autres financeurs (Fondation du patrimoine, Sauvegarde de l’Art français, etc.)

consommation des crédits du fip

(en millions d’euros)

2018

2019

2020

AE

CP

AE

CP

AE

CP

15

2,3

15,8

6,9

15,1

6,7

Source : réponses du ministère de la culture au questionnaire du rapporteur spécial.

● Pour ce qui concerne les « grands projets », le projet de loi de finances prévoit une enveloppe de 42,2 millions d’euros en AE et 42,7 millions d’euros en CP, dont les principales évolutions par rapport à 2021 consistent en :

– une augmentation de 17,4 millions d’euros des AE au titre du schéma directeur du château de Fontainebleau ;

– une augmentation de 3 millions d’euros des CP pour le financement du schéma directeur du château de Versailles, avec la poursuite de la deuxième phase de travaux ;

– une diminution de 5,5 millions d’euros des CP pour le financement par le programme 175 du projet de restauration du château de VillersCotterêts, conformément au plan de financement du projet ;

– une diminution de 3,1 millions d’euros des CP en raison de l’achèvement du projet de restauration du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France.

La dotation en fonds propres à la Réunion des musées nationaux – Grand Palais pour le financement du projet de restauration « Nouveau Grand Palais » est quant à elle maintenue à 12 millions d’euros. Le Grand Palais a fermé ses portes le 12 mars dernier pour permettre la réalisation des travaux, et le Grand Palais éphémère, conçu pour permettre la continuité de l’activité, a été inauguré le 9 juin.

Ces financements du programme 175 s’inscrivent dans des programmations de long terme et sont, le plus souvent, complétés par d’autres ressources de l’État (autres programmes budgétaires, investissements d’avenir, plan de relance), par les fonds propres des opérateurs, le mécénat ou l’emprunt.

Ces engagements à long terme, pour des montants élevés, font peser une contrainte forte sur la programmation des crédits du programme 175. Les restes à payer à la fin de l’année 2021 sont ainsi estimés à plus de 790 millions d’euros et les AE ouvertes avant 2022 nécessiteront encore près de 350 millions d’euros après 2024.

Il est donc important de suivre attentivement la programmation financière de ces « grands projets », dont l’expérience a montré qu’ils pouvaient souvent connaître des dérives de coûts et de calendrier. La vigilance s’impose d’autant plus dans le contexte actuel de tensions sur la main-d’œuvre des entreprises spécialisées et de renchérissement des matériaux et matières premières.

Programmation financiÈre des grands projets patrimoniaux

(en millions d’euros)

Projet et coût total

Financeurs

2020 et avant

2021

2022

2023

2024 et après

Restauration et aménagement du château de Villers-Cotterêts

185

Programme 175

55

34,1

10,7

5,2

5

 

PIA

30

30

 

 

 

 

Relance

100

 

43

40

17

 

Restauration MH de l’abbaye et des parties classées du site de Clairvaux

150

Programme 175

150

 

 

 

 

150

Musée national de la voiture (MNV) du château de Compiègne

32,7

Programme 175

32,7

 

 

 

 

32,7

Réhabilitation du quadrilatère Richelieu

257

Programme 175

40,2

35,9

4,3

 

 

 

Programme 334

166,1

147,8

13,1

5,2

 

 

Ministère de l’enseignement supérieur

42,7

42,7

 

 

 

 

Mécénat

8

3,4

3,4

1,1

 

 

Schéma directeur Quadrilatère des Archives (phases 0 et 1)

35,5

Programme 175

31,6

12,3

5,4

6,5

6,6

0,7

Programme 361

3,9

3,9

 

 

 

 

Schéma directeur immobilier de Versailles (phase 2)

218,6

Programme 175

218,6

86,8

15

18

18

80,8

Schéma directeur de rénovation de Fontainebleau (phases 1 et 2)

105,5

Programme 175

105,5

52,4

9,3

9,3

9,3

25,1

Nouveau Grand Palais

466

Programme 175

97

65

12

15

5,1

 

Programme 186

26

26

 

 

 

 

PIA

160

 

50

50

60

 

Universcience

8

5

 

 

3

 

Emprunt

150

 

 

50

100

 

Mécénat

25

10

5

5

5

 

Schéma directeur immobilier du CNAC – Georges Pompidou

232,1

Programme 175

229,1

38,4

5,6

5,6

20

159,5

CNAC-GP

1,8

1,8

 

 

 

 

Programme 334

1,2

1,2

 

 

 

 

Extension du site des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine

87,6

Programme 175

87,6

0,1

0,3

3,7

4,3

79,2

TOTAL

1 770

Programme 175

1 047,3

325

62,6

63,3

68,3

528

Relance

100

 

43

40

17

 

PIA

190

30

50

50

60

 

Autres programmes

239,9

221,6

13,1

5,2

 

 

Établissements

9,8

6,8

 

 

3

 

Mécénat

33

13,4

8,4

6,1

5

 

Emprunt

150

 

 

50

100

 

Source : calculs à partir des réponses du ministère de la culture au questionnaire du rapporteur spécial.

Selon la programmation financière indicative jusqu’à 2030 communiquée au rapporteur spécial et détaillée dans le tableau ci-dessus, le coût total de ces projets est estimé à 1 770 millions d’euros, en hausse de 315 millions d’euros par rapport à l’estimation présentée l’année précédente. Cette hausse s’explique par l’intégration dans la programmation :

– de l’extension du site des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine (87,6 millions d’euros). L’objectif principal de l’extension du bâtiment des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine est de permettre la poursuite de la collecte des archives de la Présidence de la République, des services du Premier ministre, des ministères, de leurs opérateurs nationaux, des hautes juridictions et des archives d’origine privée d’intérêt national après 2027, date à laquelle le bâtiment actuel, qui développe une capacité de 358 kilomètres linéaires, devrait être saturé (au lieu de 2040) en raison de la fermeture du site de Fontainebleau. La capacité de stockage supplémentaire offerte par l’extension sera de 100 kilomètres linéaires ;

– de la restauration de l’abbaye et des parties classées du site de Clairvaux (150 millions d’euros) ([16]), après le départ définitif de l’administration pénitentiaire fin 2023. En étroite collaboration avec les collectivités territoriales, le projet a une triple vocation : valoriser l’ancienne abbaye au plan patrimonial, lui redonner une visibilité internationale, et contribuer à la dynamisation d’un territoire rural particulièrement marqué par les problématiques socio-économiques ;

– de la rénovation du musée national de la voiture du château de Compiègne (32,7 millions d’euros) (1).

Plusieurs projets voient leur estimation de coût augmenter par rapport aux estimations communiquées au rapporteur spécial l’an dernier : la réhabilitation du quadrilatère Richelieu (+ 12 millions d’euros), le schéma directeur du quadrilatère des archives (+ 4,5 millions d’euros) et le schéma directeur immobilier de Versailles (+ 26 millions d’euros).

Pour les différents projets, la programmation actualisée porte le total des financements inscrits ou à inscrire sur le programme 175, d’ici 2030, à plus d’un milliard d’euros.

B.   Des compléments sectoriels financés par la mission Plan de relance

Le plan de relance prévoit une enveloppe de 614 millions d’euros en faveur du secteur du patrimoine et de l’architecture.

Sur cette enveloppe, 280 millions d’euros sont destinés à un plan de restauration des monuments historiques et au soutien aux investissements des collectivités territoriales dans les institutions patrimoniales qui irriguent le territoire (musées, archéologie, archives). 113 millions d’euros ont été ouverts en CP en 2021 et 125 millions d’euros sont prévus pour 2022. Les 42 millions d’euros d’AE non couvertes par des CP en 2022 devraient faire l’objet d’ouverture de CP en 2023.

Une relance patrimoniale financée par le plan de relance européen

La facilité pour la reprise et la résilience (FRR) ([17]), principal instrument du plan de relance européen, permet de financer à hauteur d’un montant total de 312,5 milliards d’euros (prix de 2018), empruntés par la Commission sur les marchés, les mesures inscrites par les États membres dans leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR), qui doivent respecter les conditions prévues par le règlement européen et être approuvés par le Conseil. Le PNRR français a été adopté par le Conseil le 13 juillet 2021 ([18]), pour un montant prévu de 39,4 milliards d’euros ([19]), et la France a reçu un préfinancement de l’Union européenne de 5,1 milliards d’euros le 19 août 2021.

Si les mesures de soutien aux opérateurs ne sont pas éligibles au financement par la FRR, le PNRR prévoit de faire financer par celle-ci l’investissement dans le patrimoine culturel (investissement 11 « soutien aux filières culturelles et rénovations patrimoniales » de la composante 7 « Mise à niveau numérique de l’État, des territoires et des entreprises »), pour un montant total de 280 millions d’euros.

Le financement de ces investissements par la FRR consiste en un remboursement a posteriori, sous réserve que l’État membre ait atteint de manière satisfaisante les jalons et cibles définis pour la mise en œuvre du PNRR. En l’occurrence, le PNRR prévoit que les projets de rénovation de cathédrales et de monuments historiques, ainsi que les travaux de rénovation des monuments appartenant à des collectivités locales ainsi qu’à des propriétaires privés soient achevés au quatrième trimestre 2025.

Le tableau suivant récapitule la décomposition de ce volet sectoriel du plan de relance patrimonial, ainsi que la répartition annuelle des ouvertures de crédits.

rÉpartition prÉvisionnelle des crédiTs du volet sectoriel
de la mission Plan de RELANCE en faveur du patrimoine

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement
2021

Crédits de paiement
2021

Crédits de paiement
2022

Crédits de paiement
2023

Restauration du château royal de Villers-Cotterêts

100

43

40

17

Plan cathédrales

80

30

40

10

Soutien aux investissements dans les monuments historiques n’appartenant pas à l’État

40

10

15

15

Réinvestissement dans les monuments relevant du CMN

40

20

20

0

Soutien aux investissements dans les équipements des collectivités territoriales (musées, archéologie, archives)

20

10

10

0

Total

280

113

125

42

Sources : réponses de la direction générale des patrimoines aux questions du rapporteur spécial.

Au total, 136 opérations ont été sélectionnées sur l’ensemble du territoire : 53 dans le cadre du plan de relance cathédrales, 52 pour les monuments n’appartenant pas à l’État, 14 pour les monuments nationaux et 17 pour les équipements patrimoniaux. Parmi les monuments n’appartenant pas à l’État, 38 appartiennent à des collectivités territoriales, pour un montant de 30,5 millions d’euros, et 14 à des propriétaires privés, pour un montant de 9,6 millions d’euros. Selon les indicateurs de performance du projet annuel de performances, l’investissement de l’État a un effet de levier estimé à 2. La dotation de 40 millions d’euros du plan de relance pour les monuments historiques n’appartenant pas à l’État pourrait par conséquent générer un investissement en faveur des monuments historiques de 120 millions d’euros.

La sélection des projets retenus s’est faite sur des critères d’urgence sanitaire, calendaires (études préalables conduites et autorisations instruites) et financiers (tours de table financiers bouclés) afin que les opérations puissent démarrer au plus tôt pour être conduites dans les deux ans. Le rapporteur spécial regrette que les DRAC n’aient pas mieux été associées à la décision et informées lorsque les priorités qu’elles avaient établies n’étaient pas retenues par l’administration centrale.

Les projets retenus peuvent consister en de nouvelles opérations (restauration générale de l’église de Saint-Laurent du Maroni), des poursuites d’opérations (phase 2 de la restauration des façades extérieures de l’église Saint‑Germain de Pantin), l’achèvement d’opérations (restauration des parties hautes de la basilique Notre‑Dame D’Hennebont) ou de travaux d’urgence (abbatiale Saint‑Géraud d’Aurillac).

Comme le montre le tableau ci-après, la répartition entre les régions du volet du plan de relance consacré à la restauration des monuments historiques et au soutien aux investissements des collectivités territoriales dans les institutions patrimoniales est relativement équilibrée. Toutefois, si l’on prend en compte l’ensemble du volet patrimonial du plan de relance, en incluant la restauration du château de Villers-Cotterêts et le soutien aux opérateurs, les parts de l’Île-de-France, qui accueille tous les opérateurs bénéficiaires hormis le château de Chambord et l’INRAP, et des Hauts‑de‑France sont beaucoup plus importantes.

Répartition territoriale du volet « monuments » du plan de relance ([20])

(en millions d’euros)

Régions

Cathédrales

CMN

MH non État

Équipements patrimoniaux

Total

Part

Auvergne-Rhône-Alpes

8,6

2,2

1,9

1,8

14,6

8 %

Bourgogne Franche-Comté

9,6

1

2

5,1

17,7

10 %

Bretagne

5,3

 

4,5

 

9,8

5 %

Centre Val de Loire

11,9

 

3,7

4,4

20

11 %

Grand Est

4,3

2,5

0,9

1,3

9

5 %

Guadeloupe

 

 

1,1

 

1,1

1 %

Guyane

 

 

1,1

 

1,1

1 %

Hauts-de-France

8

3,4

1,6

1,2

14,2

8 %

Île-de-France

3,5

 

4,9

0,5

8,9

5 %

Mayotte

 

 

0,7

 

0,7

0 %

Normandie

4,6

2

3,9

0,2

10,7

6 %

Nouvelle Aquitaine

9,1

3

4,2

2,3

18,3

10 %

Occitanie

2,4

10

2,9

2

17,5

10 %

Pays de la Loire

5,8

6,5

1,5

0,7

15,8

9 %

Provence-Alpes-Côte d’Azur

4,5

9,6

3,9

 

18,7

10 %

Corse

 

 

1,8

 

1,8

1 %

La Réunion

1,6

 

1

 

2,6

1 %

Total

80

40

40

20

180

100 %

Source : réponses du ministère de la culture au questionnaire du rapporteur spécial.

Au 31 août 2021, 93 des 136 opérations prévues étaient lancées, dont 39 sur les cathédrales, 35 sur les monuments appartenant aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés, 12 sur les monuments nationaux et 7 sur les équipements patrimoniaux. À titre d’exemple, on peut citer le lancement de la restauration de la tour sud de la cathédrale de Sens, des verrières et du transept de la cathédrale de Bayeux, des arènes de Nîmes et des archives départementales du Loiret.

Pour ce qui concerne les monuments gérés par le CMN, les quatorze opérations sélectionnées, toutes situées en dehors de l’Île-de-France, sont répertoriées dans le tableau suivant :

Région

Département

Monument

Opération

Auvergne Rhône-Alpes

63

Château de Villeneuve -Lembron

Restauration de la contrescarpe

Bourgogne Franche Comte

21

Château de Bussy-Rabutin

Restauration de l’aile Sarcus

Grand Est

51

Palais du Tau

Restauration des façades

Hauts-de-France

60

Château de Pierrefonds

Restauration des façades et toitures de l’aile des Preuses, de la tour Alexandre et de la tour Godefroi de Bouillon

Normandie

50

Abbaye du Mont-Saint-Michel

Achèvement de la restauration des façades et toitures de la « Merveille »

Normandie

61

Château de Carrouges

Restauration de la chambre de l’Évêque

Nouvelle Aquitaine

33

Cadillac

Restauration de la terrasse nord, en vue de son ouverture au public

Occitanie

11

Château et remparts de Carcassonne

Restauration de la dernière partie du chemin de ronde des remparts de la cité, permettant au public d’effectuer un tour complet du circuit des remparts.

Occitanie

30

Tours et remparts d’Aigues-Mortes

Restauration du logis du gouverneur, aménagement d’un parcours d’introduction à la visite et des espaces d’accueil

Occitanie

82

Abbaye de Beaulieu-en-Rouergue

Restauration de l’abbaye et aménagement d’un musée exposant la collection Brache‑Bonnefoi

Occitanie

46

Château de Montal

Restauration de la charpente de la toiture, des couvertures et des souches de cheminées

Pays de la Loire

49

Château d’Angers

Restauration des remparts

Provence-Alpes-Côte d’Azur

05

Mont-Dauphin

Restauration de la caserne Rochambeau et de la place forte

Provence-Alpes-Côte D’azur

13

Château d’If

Aménagement d’un nouveau ponton, d’un nouveau restaurant et des nouveaux espaces d’accueil avant les jeux olympiques de 2024

Source : Centre des monuments nationaux.

Au 31 août 2021, 17,2 millions d’euros ont été consommés en AE et 3,4 millions d’euros en CP.

Concernant le projet de restauration du château de Villers-Cotterêts, le rapporteur spécial se félicite du choix fait en 2018 de confier l’opération au Centre des monuments nationaux, qui a prouvé avec le projet de l’Hôtel de la Marine, désormais achevé et ouvert au public, sa capacité à mener à bien des projets de cette ampleur.

Le projet bénéficie d’une dotation complémentaire de 100 millions d’euros dans le cadre du plan de relance qui permet d’accélérer le chantier, de compenser l’absence de mécénat (25 millions d’euros étaient attendus à ce titre dans le budget initial de 110 millions d’euros) et de prendre en charge la restauration des espaces appelés à accueillir des activités privées, afin de diminuer la part des travaux complémentaires relevant des porteurs de projets susceptibles de développer une activité dans les lieux. Selon le président du CMN, il faut s’attendre à ce que le fonctionnement du château de Villers-Cotterêts soit substantiellement déficitaire, en raison de perspectives de fréquentation aléatoires et d’incertitudes sur le point d’équilibre des activités privées.

Le coût global du projet a ainsi été porté à 185 millions d’euros, dont 100 millions d’euros financés par le plan de relance, 55 millions d’euros par le programme 175 et 30 millions d’euros par le PIA.

La phase de diagnostic (notamment les fouilles d’archéologie préventive) a pu commencer début 2020, et a été élargie en 2021 du fait de l’évolution périmétrique du projet et des découvertes historiques réalisées. La phase 1 de curage, démolitions, clos‑couvert et reprises structurelles est en cours de finalisation. La phase 2 d’aménagements intérieurs et extérieurs et de scénographie a commencé début 2021, tout comme la phase 3 de restauration du clos et couvert des communs, du séchoir et des cuisines. La phase 4 d’aménagement du parking doit commencer début 2022.

Au 30 juin 2021, le projet avait consommé 155 millions d’euros en AE (dont 81,7 millions d’euros sur les crédits du plan de relance) et 43,7 millions d’euros en CP (dont 6,7 millions d’euros sur le plan de relance).

C.   Une relance au risque de la surchauffe

L’effort public important en faveur du patrimoine dans le cadre de la relance n’est pas sans soulever quelques difficultés. La multiplication des chantiers patrimoniaux, dans un contexte de forte reprise du secteur du bâtiment et des travaux publics, peut créer des goulets d’étranglement, ainsi que des tensions sur les prix et la disponibilité des matériaux. Certaines de ces difficultés avaient déjà été relevées par la Cour des comptes dans son audit flash de septembre sur le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire.

Dépenses exécutées sur les monuments historiques et votées en LFI 2021

(en millions d’euros)

Source : Cour des comptes, Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire, audit flash, septembre 2021, page 34.

1.   Des moyens humains limités et fortement sollicités dans les DRAC

Comme il l’a fait constamment depuis le début de la législature, le rapporteur spécial insiste sur le rôle primordial des services déconcentrés du ministère de la culture, qui sont désormais quasiment les seuls services de l’État au niveau départemental à posséder une expertise en matière d’urbanisme et d’architecture, précieuse pour les petites collectivités territoriales et les propriétaires privés. Or, alors que leurs effectifs étaient déjà insuffisants avant la crise, ils doivent faire face à une surcharge de travail importante que l’on peut attribuer à plusieurs facteurs :

– une augmentation de plus de 30 % des demandes d’autorisations et d’avis d’architectes des bâtiments de France dans les espaces protégés et les secteurs sauvegardés à la suite du confinement ;

– la relance par les équipes municipales élues en 2020 des actions de protection de leur patrimoine via la création de sites patrimoniaux remarquables ou des opérations d’aménagement de grande envergure ;

– la politique de relance, qui entraîne un surcroît d’activité sur les monuments appartenant à l’État, au premier rang desquels les cathédrales, et un surcroît de demandes des collectivités territoriales et des propriétaires privés. En outre, la politique de relance est très liée aux dispositifs visant l’amélioration du cadre de vie, tels qu’Action cœur de ville, qui mobilisent également les unités départementales de l’architecture et du patrimoine (UDAP).

Les services déconcentrés du ministère de la culture ([21]), au niveau régional dans les DRAC et au niveau départemental dans les UDAP, semblent parvenir à absorber une charge de travail significativement alourdie par l’afflux de projets lié au plan de relance, mais également, plus généralement, à la reprise économique. Cela se fait toutefois à effectifs constants par des services qui souffrent de vacances de postes depuis des années en raison d’un manque d’attractivité.

Le ministère de la culture a indiqué au rapporteur spécial que, compte tenu de l’augmentation des crédits disponibles dans ses différents champs d’intervention, il avait augmenté de 75 % (pour un montant total de 1,7 million d’euros) l’enveloppe de vacations qui permet aux DRAC de recruter des renforts temporaires.

2.   Des tensions sur la main-d’œuvre et les matériaux

La forte demande, tant en main-d’œuvre qu’en matériaux, semble être à l’origine d’augmentations de prix depuis la fin de l’année dernière, qui ont été relevés par plusieurs interlocuteurs du rapporteur spécial, tant publics que privés. De plus, les lots de certains appels d’offres seraient infructueux faute de réponses des entreprises ou recevraient un nombre réduit de réponses. La forte sollicitation des entreprises spécialisées et le manque de main-d’œuvre induisent de plus des rigidités dans la gestion des calendriers des opérations.

Les hausses de prix compliquent la programmation de tous les maîtres d’ouvrage, publics et privés, et peuvent conduire à des situations particulièrement complexes pour certains petits propriétaires privés, dont le tour de table financier et le montant des subventions ont été arrêtés avant l’augmentation des prix.

La tension sur les matériaux peut en outre conduire certaines entreprises à proposer des matériaux de moindre qualité. À titre d’exemple, il serait devenu difficile de trouver des ardoises de qualité, dans un contexte où la restauration du château de Villers-Cotterêts en consomme une quantité importante.

Des tensions identifiées par la Cour des comptes

Ces observations, qui ressortent du déplacement du rapporteur spécial à la DRAC des Hauts-de-France, recoupent les analyses de la Cour des comptes dans son audit flash de septembre sur le soutien de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire. Elle identifie en effet des tensions induites par la relance à plusieurs niveaux :

– le travail quotidien réglementaire et d’animation des UDAP sur les trois champs de leur action (protection et préservation du patrimoine bâti, création et suivi des espaces protégés, et promotion d’une architecture et d’un urbanisme de qualité) ;

– la capacité des architectes en chef des monuments historiques (ACMH) à répondre à toutes les attentes, du fait de la concomitance de chantiers nombreux et d’envergure sur des monuments classés d’État et de commandes privées sur des monuments n’appartenant pas à l’État ;

– le niveau élevé de la commande publique dans un contexte de tensions sur l’approvisionnement en matériaux de base engendre depuis le début de l’année plusieurs effets : pénurie de mains d’œuvre, retards et surcoûts qui ne pourront être appréciés qu’à l’achèvement des travaux ;

– une couverture inégale du territoire par les métiers de l’architecture patrimoniale et de la restauration des monuments historiques. Faute de nouvelles générations de jeunes ouvriers déjà formés et immédiatement disponibles, la filière est confrontée à des goulets d’étranglement qui ne pourront être résolus à brève échéance.

3.   Des risques de retards pour les opérations d’archéologie préventive

En raison de la forte augmentation des projets d’aménagements, avec la reprise économique, la relance et le succès de programmes comme « Action cœur de ville », auxquels s’ajoutent dans certaines régions des projets exceptionnels comme le canal Seine Nord Europe, l’INRAP est fortement sollicitée pour les diagnostics et aurait déjà consommé l’ensemble de ses jours hommes pour 2021.

L’INRAP devrait en effet connaître en 2021 un niveau d’activité de diagnostics jamais atteint depuis une dizaine année. Alors que la prévision était de 72 000 jours hommes, la réalisation devrait s’établir à 79 000 jours hommes. Pour 2022, le plafond d’emploi de l’opérateur, inchangé par rapport à 2021 à 2020 ETPT ([22]), et le niveau de sa subvention pour financer les opérations de diagnostics risquent d’être insuffisants pour faire face à l’augmentation des activités d’aménagement. Selon les indications fournies au rapporteur spécial par le directeur général de l’INRAP, le budget pour 2022, en incluant le programme Patrimoines et le plan de relance, couvrirait une activité de diagnostic de 76 000 jours hommes, en dessous du niveau d’activité prévu pour 2021. Le cas échéant, l’opérateur serait obligé de réguler son activité en cours d’année ou d’obtenir un abondement du ministère en cours d’année pour faire face à la demande de diagnostics.

IV.   DES INCITATIONS FISCALES INDISPENSABLES, QUI GAGNERAIENT À ÊTRE MODERNISÉES

Les crédits du programme 175 sont complétés par des dispositifs fiscaux qui aident les propriétaires de monuments historiques à faire face aux charges spécifiques liées aux prescriptions de l’État en matière d’entretien et de restauration, ou qui complètent les crédits d’acquisition d’œuvres d’art, ou encore qui accompagnent l’action du ministère en faveur de la politique d’aménagement et de revitalisation des centres urbains.

Selon les chiffrages fournis dans le projet annuel de performances de la mission Culture, le total des principales dépenses fiscales rattachées au programme 175 serait relativement stable en 2022 par rapport à 2021, mais en baisse de 14 millions d’euros par rapport à 2020. On observe également une révision à la baisse significative des estimations pour 2021 du coût des deux dispositifs compensant les charges des propriétaires de monuments historiques, dont l’estimation pour 2021 passe de 45 à 35 millions d’euros. Compte tenu des révisions fréquentes d’une année sur l’autre, ces prévisions sont toutefois à considérer avec circonspection.

Principales DÉpenses fiscales rattachÉes au programme patrimoines

(en millions d’euros)

 

2020

2021

2022

Monuments historiques – Imputation des déficits fonciers

20

20

20

Monuments historiques – Déduction des charges foncières

22

15

15

Nouveau Malraux

30

29

29

Suppression du prélèvement sur les capitaux décès en cas de dons aux associations culturelles

80

80

80

Trésors nationaux

14

10

10

Mesures diverses

16

15

14

Total

182

169

168

Sources : projet annuel de performances.

Comme il l’a déjà fait lors de ses rapports précédents ([23]), le rapporteur spécial réaffirme l’intérêt que présentent ces dispositifs fiscaux, en particulier les deux dispositifs bénéficiant directement aux propriétaires de monuments historiques (articles 156 et 156 bis du code général des impôts) et le dispositif « Malraux » ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu au titre des dépenses de restauration d’immeubles bâtis situés dans les sites patrimoniaux remarquables, les quartiers anciens dégradés et les quartiers du nouveau programme national de renouvellement urbain.

Ces dispositifs, peu coûteux et d’une grande stabilité, participent pleinement à l’entretien du patrimoine et à l’attractivité des territoires. Ils sont indispensables pour compenser les charges supplémentaires que supportent les propriétaires de monuments historiques et ceux qui entretiennent le bâti ancien. Ainsi, en 2017, alors que les charges et la part non subventionnée des travaux payés par les propriétaires privés de monuments historiques étaient d’au moins 535 millions d’euros, la dépense fiscale correspondante pouvait être évaluée à 84 millions d’euros, c’est-à-dire au plus 16 % ([24]).

Leur intérêt a d’ailleurs été confirmé par des rapports d’évaluation récents ([25]). Dès lors que ces dispositifs ne sont pas remis en cause, le rapporteur spécial regrette que le gouvernement n’ait pas donné suite aux propositions d’améliorations faites par les inspections générales, concernant notamment les conditions d’ouverture au public, qui consistaient à simplifier et sécuriser la notion d’ouverture au public à travers deux mesures :

– préciser la notion juridique d’ouverture au public en admettant, pour certains monuments, un régime de visibilité depuis la voie publique ;

– harmoniser et moderniser les conditions et les modalités d’ouverture au public pour les trois dispositifs fiscaux qui y recourent, à savoir la possibilité de déduire du revenu global la totalité (contre la moitié si le monument n’est pas visité) des charges foncières ou du déficit foncier relatifs au monument (article 156 du code général des impôts), l’exonération des droits de mutation à titre gratuit (article 795 A du code général des impôts), ainsi que les possibilités de déduction liées au mécénat. La mission des inspections générales propose de remplacer le système actuel par la fixation d’une obligation d’ouverture annuelle globale, commune aux trois dispositifs fiscaux, dont les propriétaires pourraient s’acquitter au moyen de différentes options, prenant en compte les diverses activités proposées au public au-delà de la visite traditionnelle.

Concernant le dispositif Malraux, la mission d’expertise interministérielle de décembre 2018 proposait notamment l’application d’un taux unique à 30 % de la réduction d’impôt alors qu’elle dépend aujourd’hui de la nature du document de protection qui couvre le site patrimonial remarquable, l’élargissement du dispositif à certains centres-villes concernés par les opérations de revitalisation du territoire, ainsi que l’élargissement des usages possibles des immeubles rénovés au-delà du seul logement locatif.


EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 20 octobre 2021, à 15 heures, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Culture.

La vidéo de cette réunion est disponible en ligne.

Le compte rendu sera prochainement consultable sur le site de l’Assemblée nationale.

Malgré l’abstention du rapporteur spécial, la commission a adopté les crédits de la mission Culture sans modification.

 

 

*

*    *


LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 Ministère de la Culture – Direction générale des patrimoines et de l’architecture (DGPA) : M. Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l’architecture, M. Emmanuel Étienne, adjoint au directeur général, chef du service du patrimoine, M. Ludovic Abiven, sous-directeur des affaires financières et générales, et Mme Florie Yall, cheffe du bureau de la programmation budgétaire et de la performance

 Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) : M. Daniel Guérin, directeur général délégué, et M. Olivier Peyratout, directeur général adjoint

 Centre des monuments nationaux : M. Philippe Bélaval, président, et Mme Lucile Prévot, directrice administrative, juridique et financière

 Musée du Louvre : M. Kim Pham, administrateur général, et Mme Marie Lacambre, directrice financière et juridique

– Musées d’Orsay et de l’Orangerie : Mme Laurence des Cars, alors présidente de l’établissement, et M. Francis Steinbock, administrateur général

 Déplacement au pôle Patrimoine de la Direction régionale des affaires culturelles des Hauts-de-France : M. Hilaire Multon, directeur régional, M. Christian Douale, directeur adjoint délégué chargé des patrimoines et de l’architecture, M. Franck Senant, conservateur régional des monuments historiques (CRMH), Mme Françoise Laty, CRMH adjointe, Mme Mathilde Méreau, CRMH adjointe, M. Jean-Luc Collart, conservateur régional de l’archéologie, M. Antoine Paoletti, architecte des bâtiments de France, chef de l’UDAP de la Somme, Mme Coraline Dolcinski, architecte urbaniste de l’État, Mme Delphine Droussent, conseillère architecture, Mme Isabelle Aubrun, attachée de direction, stratégie et coordination, Mme Magaly Dupire, programmatrice budgétaire, Mme Séverine Poulmarch, responsable du service financier et comptable, Mme Caroline Briche-Cadren, coordinatrice, Mme Olga Campuzano Testelin, propriétaire du château de Beaucamps-le-Jeune, Père Pierre-Marie Castaignos, membre de la Congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie, propriétaire de l’Abbaye d’Ourscamp, Mme Laure Dalon, directrice des musées d’Amiens

 

 


([1])  Pour le patrimoine, le montant du plan de relance de 2021 est plus de 6 fois plus élevé que le plan de relance consécutif à la crise financière de 2009.

([2]) Rapport cité dans l’audit flash de la Cour des comptes de septembre 2021 sur le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire.

([3])  Il s’agit des fonds de concours 1-2-00579 « Rebâtir Notre-Dame de Paris - Dons nationaux » et 1‑3‑00580 Rebâtir Notre-Dame de Paris - Dons internationaux ».

([4]) Personne morale de droit privé à but non lucratif, créée par la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996 relative à la « Fondation du patrimoine » qui a « pour but de promouvoir la connaissance, la conservation et la mise en valeur du patrimoine national » (article L. 143-2 du code du patrimoine).

([5]) Il s’agit des prélèvements au profit de l’État définis à l’article 88 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

([6]) Les crédits dégelés constituent une dotation budgétaire complémentaire gérée par les DRAC afin d’abonder les subventions de l’État aux projets retenus par la mission Bern, y compris pour des monuments non protégés au titre des monuments historiques.

([7]) Pour mémoire, dans le mois qui avait suivi les attentats de novembre 2015, la fréquentation avait baissé de 37 % par rapport à la même période de l’année.

([8]) Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([9]) L’écart entre ce montant et ceux figurant dans le tableau de la page suivante est dû au versement, sur le programme 175, de subventions à des opérateurs rattachés à d’autres programmes (Institut national d’histoire de l’Art et Académie de France à Rome), qui ne figurent pas dans le tableau.

([10]) Article L. 523‑3 du code du patrimoine et décret n° 2002-450 du 2 avril 2002 portant dispositions applicables aux agents de l’Institut national de recherches archéologiques préventives.

([11]) Cour des comptes, La conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, Premier bilan, Rapport public thématique, septembre 2020, page 118.

([12]) Note adressée au Premier président de la Cour des comptes par le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance chargé des comptes publics.

([13]) La baisse du montant prévu pour les subventions aux opérateurs pour les monuments hors « grands projets » est due au transfert de la subvention au château de Fontainebleau vers l’enveloppe des « grands projets ».

([14]) Article L. 621‑29 du code du patrimoine.

([15])  Un protocole spécifique a été signé en 2018 avec les cinq départements de Normandie, qui ont souhaité s’engager en substitution de la région.

([16]) Programmation prospective qui ne préjuge pas du plan de financement qui sera définitivement arrêté.

([17]) Règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience.

([18]) Proposition de décision d’exécution du Conseil relative à l’approbation de l’évaluation du plan de relance et de résilience pour la France (COM[2021] 351 final).

([19]) Une partie de l’enveloppe (30 %) prend en compte la variation agrégée du PIB réel sur la période 2020-2021 et devra donc être actualisée le 30 juin 2022.

([20]) Hors soutien aux opérateurs et restauration du château de Villers-Cotterêts.

([21]) Le plafond d’emplois pour les DRAC, stable depuis plusieurs années, s’élève à 2 405 ETPT pour l’ensemble des fonctions du ministère de la culture.

([22]) Le plafond d’emploi s’élevait à 2 089 ETPT en 2015, mais a depuis été réduit en raison d’une sous-consommation liée à la baisse de l’activité.

([23]) Voir par exemple le rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2021.

([24]) Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires culturelles, Modernisation de la notion fiscale d’ouverture au public pour les propriétaires privés de monuments, février 2020, page 2.

([25]) Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires culturelles, op. cit. et Inspection générale des finances, Conseil général de l’environnement et du développement durable et Inspection générale des affaires culturelles, Évaluation et adaptation du dispositif « Malraux » aux enjeux des petites villes et des villes moyennes, décembre 2018.